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LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD se trouve dans la page: La Seybouse,
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Par Inconnu : Mamma tu es la plus belle...
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EDITO
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On y est presque... |
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Chers Amis,
Il faut tenir quelques semaines où certains ne vont penser qu'aux vacances et à l'été. Quelques semaines où l'ont se sent plus fatigués que d'habitude et sans signes réels, tant l'envie de changer de rythme est pressant. Déjà le changement d'heure a entamé le mouvement estival. Pour certains c'est le rêve de la plage avec le bronzage, de la montagne et de l'air pur, ou simplement le farniente chez soi. Ce rêve se rapproche à grands pas car l'été est tout proche pour passer des jours tranquilles ou des jours de grands activités selon les humeurs.
Ce mois de mai avec "ses ponts et aqueducs" va nous paraître des plus courts. C'est le mois du muguet - de la fête des Mères à qui je dédie cette belle chanson éternelle chantée par une voix sublime - et c'est pour notre "Sarko national" le mois de son premier anniversaire à la tête de son Etat. A l'évocation de ce rappel, je conseille aux plus bileux de faire une cure de zlabias pour avaler les pilules qu'il nous administre.
Pour le groupe que j'ai eu la confiance et l'amitié de conduire en Algérie en avril, c'est plus qu'un avant goût que nous avons eu avec un temps magnifique - des sites à faire mourir d'envie les plus ronchons - avec toujours le même accueil chaleureux et fraternel qui fait mentir et désavoue bien des tordus - avec une cure de beignets, makrouts, zlabias et créponet qui nous a mis en forme pour le prochain rassemblement d'Uzès tout en pensant et préparant le prochain voyage.
En attendant, bonnes pré-vacances à tout le monde.
Jean Pierre Bartolini
Diobône,
A tchao.
P.S. - Je remercie toutes les personnes qui m'ont adressé un message de soutien et d'amitié à la suite de l'édito du mois d'avril. Mon absence pour cause de voyage en Algérie et la très grande quantité de courrier trouvée à mon retour ne me permettra pas de répondre à tout le monde. Je m'en excuse humblement, que ces personnes trouvent ici toute mon Amitié et ma Fraternité. - J.P.B.
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Lettre de la Calle
N° 8 de décembre 1950, pages 15 et 16
de M. D. GIOVACCHINI Envoyé par sa fille
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Mon cher Dominique,
Je t'écris de la Presqu'île, ce petit coin de terre qui semble défier les flots les plus écumeux, toujours Dieux de nos espoirs et de nos misères.
Rien ne va à La Calle, surtout quand le vent souffle et que la mer clamant sa Toute Puissance, nous rappelle la petitesse de notre existence.
Notre petite ville est bien pauvre et elle semble délaissée, livrée à un bien triste sort. Pourtant, elle mérite mieux par son climat doux et ses habitants si hospitaliers.
Nous vivons ici un peu en famille, sous le signe de Samson Napollon. De temps à autre, nous nous consolons de nos tristesses en imitant les " Grands Ducs". Tu n'ignores pas, du reste, qu'ici on a le foie et l'estomac solides ; l'anisette ne tue pas : elle fait vivre.
Tu souris sans doute en songeant à ma guérison miraculeuse.
Ici, pas de politique. Il y a bien Julot qui dit les siennes, qui signale le mal, qui critique avec raison fautes et erreurs, mais la brise qui souffle sur le Cours Barris emporte ses murmures par delà la Presqu'île.
Eh oui, notre Francis est timide. Ce n'est pas un virtuose de l'intrigue. Un honnête homme perdu parmi tant d'agités.
Il pourrait, cependant, prier M. P… et surtout M. M…... de s'occuper.
Quand ces Messieurs viendront chez nous, je te promets de " leur jurer tous leurs morts ".
Nous n'avons pas d'eau, et on nous "la porte à la longue " avec des promesses.
Nous n'avons pas de bâtiments scolaires, alors que l'on bâtit dans des campagnes peu peuplées des écoles fort coûteuses.
Notre Joseph, empereur et maître, ne peut écouler ce qui lui reste de lentilles et de fèves à la garnison.
La Calle se meurt.
Nous avons bien notre petit Gallien pour préparer les pilules. Mais, il nous manque un bon Docteur " ès - politique " pour préparer l'ordonnance réparatrice.
Et le port de La Calle attend toujours. Vieille histoire qui ne nous rajeunit pas.
Rappelle-toi les vérités que j'avais fait entendre même au vieux THOMSON, à ma manière évidemment, avec le langage imagé de la Presqu'île.
Dis à ton ami M… qu'il ne vienne pas ici avec un " sac de promesses ". Il y a cinquante ans que nous entendons les mêmes histoires. Cette fois, Dio Cane, je les attends. Avant de mourir, je vais leur chanter mon dernier discours.
Viens nous voir bientôt. Je te promets une bouillabaisse plus délicieuse que chez Basso. Je me charge du poisson, Vincent ira chercher de bonnes bouteilles chez Francis, et Joseph mettra les macaronis.
Et au dessert, quand nos yeux brilleront de joie, qu'est-ce qu'ils prendront pour leurs grades, ces Messieurs les élus.
Embarque M… dans sa traction-avant et viens vite...
J'ai fait lire ma lettre à Julot. Il a dit que c'était juste, mais en faisant la moue.
A propos, je ne veux pas oublier de te dire que F… est venu nous voir cet été.
Nous avons bien ri. Si tu l'avais vu à côté de notre Francis ! Un vrai puceron sur les talons d'une rombière !
Ton cousin et Vincent t'envoient le bonjour. Mais moi, je t'embrasse.
CHICARELLE.
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LE PLUSSE DES KAOULADES BÔNOISES (59)
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A la rencont' d'un artisse du côté d'à chez nous z'aut'
Tu ois pas, ô beurre, l'aut' jour, j'étais à la maison en train de lire ça que moi j'l'écris et que toi tu le lis pas comme " un schkoll dedans la tête " que bessif, c'est toi que tu l'as et t'y as remarqué que j'ai pas dis à chez moi pasque, comme tu sais, à chez moi c'est à Bône. Comme j'te disais, y'alors j'étais à la maison quan le téléphone y se met à sonner ; eh ouai ! j'ai le téléphone, le portable et l'insupportable, çui-là là qu'il est fixe et qu'y sonne quan t'as pas l'envie.
Le téléphone y sonne donc et y a une voix en pur patos qu'elle me parle en dedans pour me dire si que par hasard, j'voudrais pas assister à une soirée qu'elle est animée par un auteur (rien que t'y arrêtes, t'y as là ni quillage et ni baliyage et encore moins les bizagates) qu'il est en même temps journalisse, poètre, drame arthur et en plusse, tiens toi bien, y nous vient à tout droit, de là-bas, d'à chez nous z'aut' mais oilà, il est d'Alger, le pauv', il est pas de Bône m'enfin, je m'ai dis qu'à défaut des merles, on va se contenter des perdrix et j'ai été à cette soirée ousque, j'ai pas l'habutude d'y aller. Purée de baouèle, tu vas pas coire dès ! j'ai pas regretté le déplacement à la bibliothèque (là t'y auras jamais une fôte d'hortographle à cause qu'avant d'écrire le mot, je jette un œil par la fenête et il est écrit en gros à l'entrée du bâtiment que j'te parle) qu'elle est seulement à vingt mètes de la maison qu'encore une fois, c'est pas mon chez moi.
Ce Monsieur avec une lette que bessif elle te vient majuscune, y nous a parlé de son oeuv', la rome antique (non, pas la ville éternelle) et aussi la poésique et même si que j'ai pas tout compris de ça qu'il a dit à cause que comme tu sais, ma comprenance elle est difficile, j'ai qu'à même aimé pasque tout ça qu'il a dit, y te touche à ce madone de beau pays qu'à tous, y nous donne du chaud au cœur.
Cet auteur, qu'allez ouah ! je vas dire le nom pour pas qu'y en a qu'y vont aller à chez Tadeau sans connaîte et rester joubasses ; j'ai parlé de MUSTAPHA BENFODIL et si que tu le connais pas, c'est pas ma faute si qu'en dedans ta cervelle, t'y as un casier de vide et si que tu veux t'le remplir des soges qu'elles veulent dire quèque soge, vite fait, bien fait tu t'lis au moins " Archéologie du chaos (amoureux) " et me demande surtout pas pourquoi l'amoureux il est entre tarentaises. Si que, par le plusse pire des z'hasards tu comprends rien pasque c'est pas écrit en tchapagate mais en dedans la langue de " Mon lierre ", tu fais ni une ni deux, tu t'l'anvites à chez toi pour la fin d'la semaine et là, y se f'ra un plaisir de t'espliquer ça que toi tu l'auras pas compris, c'est-à-dire tout le liv'.
Rachid HABBACHI
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RAPPEL La Saint-Couffin !
A UZES le 1er JUIN 2008
Communiqué de l'A.B.C.T
RETENEZ BIEN CETTE DATE, 1er JUIN 2008 ET RESERVEZ-LA
Grand Rassemblement national des Bônois, Constantinois et anciens de Tunisie
Cher(e) Compatriote et Ami(e) de l'Est Algérien
J'ai le grand plaisir de vous annoncer, que pour la 42ème année, l'Amicale des Bônois, Constantinois et
Anciens de Tunisie du Gard, et l'Association des Fidèles de Saint-Augustin, organisent le grand rendez-vous national d'UZES. C'est donc le:
dimanche 1er juin qu'aura lieu la traditionnelle journée champêtre
Comme les années précédentes, c'est dans le cadre verdoyant du camping municipal d'UZES, mis à notre disposition par la Municipalité de cette ville, que nous vous accueillerons.
Le programme est le suivant :
8 heures 30 : Entrée libre et gratuite - accueil des participants.
10 heures 30 : Grand-messe en plein air avec la statue de Saint Augustin : Evêque d'Hippone. (si possible dans le recueillement et le silence)
11 heures 30 : Accueil des personnalités Gardoises et des représentants des amicales de rapatriés de toute la région.
12 heures : Repas tiré du sac.
15 heures 19 heures : Animations diverses avec comme d'habitude Jean Pierre PACE et son Saxo.
17 heures : Tirage de la tombola. 10 lots de grande valeur (prix du billet 1 Euro 50)
Vous trouverez sur place : Boissons, merguez, Fougasse, pâtisseries orientales et café.
La recette des différents stands, nous permet de couvrir les frais de cette organisation (assurances - animation - sécurité - agencements etc.) Nous comptons sur vous pour les faire " tourner ".
Bônois, Constantinois, anciens de Tunisie, Pieds Noirs de tous horizons, amis et sympathisants, venez nombreux participer à cette journée, afin de retrouver des visages connus, d'échanger des souvenirs impérissables et d'assurer dans la joie et la bonne humeur le succès complet de cette manifestation.
Qu'on se le dise ! ! ! de bouche à oreilles ou par Tam-Tam....
IMPORTANT : Tous les véhicules devront stationner dans le champ en contrebas du lieu habituel Seules les voitures de service seront autorisées à acceder dans le haut du camping.
MERCI d'observer ces consignes indispensables pour que notre rassemblement soit maintenu en ces lieux.
Merci d'avance de votre participation
Le Président, J.P. ROZIER
Cette journée nationale, Campagnarde et conviviale, se déroule au Camping Municipal d'UZES (dans le Gard).
Chacun apporte son "Couffin" ou sa "Cabassette", sa petite table et ses chaises pliantes.
N'oubliez pas les verres pour notre éternel "Sirop de Cristal" (se délecter avec modération entre copains)
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ANECDOTE
(Echo D’Alger 12/05/1958)
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Une victoire qui n’est plus célébrée depuis longtemps parce que c’est une victoire de l’Armée d’Afrique et du Maréchal Juin,
un célèbre Bônois avec ses « Algériens »
Au Garigliano le 11 mai 1944
L'anniversaire de la victoire
du Garigliano
Télégramme du C.E.F.Italie
au président Coty et au maréchal Juin
Le C.C.F. Italie a adressé le télégramme suivant à M. René Coty président de la République, et à M. le maréchal Juin, à l’issue de la manifestation organisée, comme chaque année le 11 mai, au monument aux morts:
« Les Anciens combattants du corps expéditionnaire français en Italie, réunis pour commémorer l'anniversaire de la Victoire du Garigliano, devant le monument aux morts de la ville d'Alger, en ce 11 mai 1958, en présence des autorités civiles et militaires, ont juré de défendre l'ensemble de la population française et française musulmane voulant que l'Algérie reste française, et que le sacrifice de leurs camarades, en 1942-1944, pour que la France soit au rang des grandes nations, n'ait pas été fait pour « qu'un gouvernement » cède cette belle province française qu'est l'Algérie.
« Remercie l'Armée française de tout ce qu'elle a fait pour sauver la vie des habitants d'Algérie.
« Vous rappellent que la quelque « centaine d'assassins rebelles ne peuvent représenter les dix millions d'habitants de ce territoire français, qui ont tous combattu pour une plus grande France. »
- A. Guidat.
Télégramme des Dauphinois d'Alger au président Rogier
L'Union dauphinoise d'Alger a envoyé à son président, M. Marcel Rogier, sénateur d'Alger, le télégramme suivant :
« Anniversaire du 11 mai 1944, victoire du Garigliano. Les Dauphinois réunis, Sport nautique Pointe-Pescade vous félicitent de vos interventions et vous demandent de rappeler à la France entière, au président Coty, aux Indépendants que vous présidez, aux sénateurs et à tous que l'Algérie est, et demeure française et que si les algériens se sont battus en 14-13 et 42-45 pour que la France demeure, c'est pour qu'aujourd'hui la Français défendent cette province française qui veut le rester. Nous nous souvenons que la Révolution française est partie de Vizille et s'est en un Dauphinois que nous mettons toutes nos aspirations. Nous vous suivrons envers et contre tous.
— Union dauphinoise. »
(Echo D’Alger 12/05/1958)
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A Ma Mère,.
Au milieu des appels, et des cris, et des mots
Partout sous tous les cieux il en est UN, le même,
Parole de l'amour plus forte qu'un blasphème,
Gazouillis des bébés, murmure des marmots.
Cri de l'Etre meurtri luttant contre ses maux,
Pure invocation de qui souffre, vit, aime,
Pitoyable refrain des chansons dont le thème
Est La Douleur, la Mort, le titre : Ecce homo.
Couronne du martyr sur le front de la femme,
Infini de douceur débordant de son âme,
Contre tous les malheurs sublime talisman.
Grand Verbe tout puissant, musique, hymne et prière,
Berce à ton rythme doux l'espèce humaine entière.
Mère, O Mère : Maman ! Maman ! Maman !
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NOTRE VIEUX COLLÈGE
BÔNE son Histoire, ses Histoires Par Louis ARNAUD
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Dés les premiers temps de l'occupation française, une école fut ouverte dans la rue Rovigo.
Son installation était sommaire et provisoire ; il n'y avait qu'un seul maître, M. Blanc.
Ce provisoire, comme tous les provisoires, dura longtemps, trop longtemps, car ce n'est que quatorze ans après la prise de Bône que fut décemment logée l'école de M. Blanc.
Voici d'ailleurs l'information qui parut à ce sujet dans le journal " La Seybouse " à Bône, le 14 novembre 1846, n° 86 :
" L'Administration civile vient de mettre à la disposition de M. Blanc, instituteur, la maison qu'elle a fait construire, rue Saint-Nicolas, pour l'école primaire payante.
" Ce local parfaitement aménagé, et convenablement distribué, reçoit soixante élèves, et nous ne doutons pas que ce nombre ne s'augmente sensiblement".
Et le journal complétait son information en faisant savoir que l'école juive avait été installée, sous la direction de M. Bouygues, dans la maison de la rue Rovigo, occupée précédemment par M. Blanc.
Dix années s'écoulèrent encore, l'école primaire payante de la rue Saint-Nicolas, tout en haut de la rue Rovigo, devint Cours secondaire, sous la direction de M. Poulet, pour se transformer, enfin, six années plus tard, en 1859, en Collège communal, dont le premier principal fut le même M. Poulet qui avait dirigé le Cours secondaire qu'il remplaçait.
C'est par un décret impérial, signé le 19 février 1859, par Napoléon III, et portant également la signature du Prince Jérôme Napoléon, chargé du Ministère de l'Algérie et des Colonies, que la ville de Bône fut autorisée à ériger son institution secondaire en Collège communal.
Cette autorisation n'avait été accordée que parce qu'en affectant au Collège communal un local convenable, " en s'engageant à fournir et à entretenir le mobilier nécessaire à la tenue des cours, en garantissant pour cinq ans, le traitement fixe du personnel enseignant ou autre, la ville de Bône avait satisfait aux dispositions " de l'Art. 14 de la Loi du 15 mars 1850 sur l'Enseignement ".
Le local affecté par la Commune de Bône au nouvel établissement scolaire était exactement le même qu'occupait depuis 1846, l'école primaire payante, et ensuite, depuis 1853, le cours secondaire qui lui avait succédé.
Ce local, modifié dans sa structure et considérablement agrandi, abrita notre ancien collège jusqu'à la fin de l'année scolaire 1904-1905.
L'entrée de l'école de la rue Saint-Nicolas, tournée vers le centre de l'activité locale situé, alors, autour de la Place d'Armes et la rue Damrémont, fut remplacée par une grande porte, exactement à l'opposé, sur l'impasse Lacaille, minuscule artère qui rejoint la rue d'Armandy, à l'endroit le plus élevé de la Ville, où était un château d'eau permettant de distribuer dans tous les quartiers de la Ville, les eaux des sources captées dans le massif de l'Edough.
Cette grande porte de la petite impasse Lacaille donnait accès à une grande cour qu'ombrageaient deux frênes très hauts, qui étendaient largement leurs branches.
De cette cour, tout à fait sur la gauche, partaient deux escaliers, l'un montait vers les dortoirs et l'autre descendait vers le gymnase et les classes de l'ancien cours secondaire, au niveau de la rue Saint-Nicolas, bien en contrebas de la cour d'entrée. Des galeries, garnies de rampes de fer, couraient par-dessus la cour du bas, passages aériens reliant entre elles les classes qui se trouvaient sur le plan de l'impasse Lacaille.
Les travaux d'agrandissement du vieux local de la rue Saint-Nicolas, avaient pu être exécutés grâce à la libéralité de ce même Salvator Coll, créateur avec Célestin Bourgoin, de " L'Hospice des Vieillards " de l'Oued-Forcha qui porte son nom.
Une grande plaque de marbre blanc apposée au-dessus de la classe centrale de la cour inférieure rappelait, en une inscription rédigée en latin, ce que le collège devait à son bienfaiteur Salvator Coll.
Ce collège n'avait rien d'attrayant. Placé au sommet de la Ville, on ne pouvait y accéder qu'après avoir suivi des ruelles tortueuses, montantes, mal pavées et sales. Et lorsqu'on était parvenu, haletant, essouflé, jusqu'à lui, on était déçu par l'aspect de la façade.
Pouvait-on appeler façade cette large porte grossièrement repeinte en couleur chamois à la façon d'une porte d'écurie et ce pauvre balcon de fonte qui la surmontait.
Ce balcon d'où l'on n'avait aucune vue et où le moindre souffle d'air ne parvenait jamais, n'était qu'un ornement destiné à atténuer la tristesse de la porte de prison de dessous.
En dehors de ce balcon, parure du logement du Principal, rien, en effet, n'indiquait pue l'établissement dont il dépendait fut plus scolaire que pénitentiaire.
Le Vieux Collège
Tout autour, c'était un fatras de maisons informes et vétustes, où se retrouvaient mêlés des pans de murs arabes d'autrefois et des constructions sans ligne et sans aplomb qui voulaient se donner une allure française.
Notre premier établissement scolaire n'était pas que maussade, il était laid, franchement laid, affreux comme un gouffre noir.
Avant d'y entrer, les jeunes, à qui la vie n'aurait dû s'offrir que souriante et belle, éprouvaient comme une petite mort qui leur pinçait le coeur et devait faire chavirer leur esprit.
Mais, une fois la porte franchie, et passée la cour aux deux arbres majestueux, les lieux prenaient vite un air d'intimité qui les rendait familiers.
On avait l'impression d'avoir toujours connu cette grande cour, tour à tour, silencieuse et bruyante. Les classes n'avaient rien de rébarbatif, et les maîtres avaient des figures amies et compréhensives.
Ces maîtres de notre vieux Collège étaient exactement à l'opposé de la façade. Tout était accueillant en eux, leur physionomie, leurs propos, leurs manières. Ce sont eux qui nous ont fait aimer notre vieux Collège.
Ces Universitaires imbus des rêves de leur adolescence métropolitaine, étaient venus jeunes dans ce pays perdu qu'était l'Algérie des premiers temps de l'occupation, de ces temps où l'opinion française lui était nettement hostile, pour y porter les bienfaits de notre Civilisation.
Qui dira jamais, exactement, le vrai mérite des premiers universitaires qui ont abordé la jeunesse de ces temps, où tout paraissait sombre, sans espoir, au point que Bugeaud lui-même, à qui l'Algérie doit tant, se refusait à croire à l'utilité de la venue de la France sur cette rive africaine de la Méditerranée.
Ces universitaires, à quelque titre qu'ils appartinssent à l'établissement, instituteurs ou professeurs, n'avaient avec leurs élèves qu'une même âme et qu'un seul idéal.
Nombreux sont ceux, qui ont été séduits par la nouveauté prometteuse du pays et qui sont demeurés dans notre Ville. J'ai personnellement connu, comme bibliothécaire de la Ville, le vénérable M. Doublet, professeur en retraite, qui avait été lors de la création de notre Collège, en 1859, Régent des septième et huitième classes, et qui avait eu mon père comme élève. Un autre professeur de mon père, M. Dumont, qui enseignait les mathématiques, encore au temps où j'étais élève, était lui aussi devenu Bônois.
La communauté d'aspiration et le même amour de la France créaient des liens étroits entre les maîtres et les élèves, qui semblaient ne faire qu'une seule et même famille.
Le père Rizoul qui a si longtemps professé la physique, était aimé jusqu'à l'adoration par ses élèves, dont il était l'ami bien plus que le professeur. Si l'un d'entre eux était en retard sur les autres, Rizoul l'obligeait à revenir en dehors des heures de classe pour étudier avec lui les parties déficientes du cours, et cela gratuitement jusqu'à ce qu'il eût enfin atteint le niveau normal.
Lorsqu'il mourut, ce fut au Collège un deuil cruel, une douleur unanime. Il repose sous une modeste dalle, dans notre cimetière, attendant toujours le monument que ses anciens élèves reconnaissants avaient projeté d'élever à sa mémoire.
Hélas, si le coeur y était, les fonds ont manqué. Mais s'il est vrai que l'intention vaut le fait, le " Bon Papa Rizoul " doit être heureux dans le Paradis, où il est sûrement car c'était surtout un brave et honnête homme, de la ferveur de l'affection de ceux auxquels il a prodigué sans compter les trésors de sa science et les leçons de son coeur.
Le gros Père Sage, toujours vêtu de sa redingote bleue, avec sa face rouge et ronde et son gros ventre qui l'avait fait surnommer " Boukirche " a tenu la chaire de chimie pendant une trentaine d'années. Il était devenu Bônois d'âme et d'esprit et connaissait tout le monde à Bône. Aussi fervent chasseur que pécheur impénitent il ne paraissait nullement gêné par son trop proéminent abdomen.
Bonhoure qui enseignait l'Arabe et la gymnastique, Woehrel, tout petit ventru, rond et blond comme un demi de bière d'Alsace, ancien instituteur d'Alsace qui s'était expatrié, après Sedan, pour ne pas devenir Allemand et à qui avait été confiée la tâche d'enseigner la langue allemande au Collège, en quoi il avait excellé. Lamolle, à l'allure imposante et sévère mais bon et brave, Zévaco, professeur de lettres, bon, gros et cordial. Masclanis qui n'eut à occuper que le seul poste de professeur de philosophie de Bône dans toute sa carrière et qui prit sa retraite dans notre Ville qu'il aimait tout particulièrement,
Et tant d'autres que je revois dans un souvenir : Cambon - Yrondelle - Thiry - Colin.
Yrondelle, jeune professeur de quatrième qui n'avait que les élèves de douze ans et qui, un jour, avait dit à l'un d'entre eux gros et lourdaud, s'agitant ce jour-là de façon inhabituelle et intempestive ; " Oh, oh, quelle pétulance ", s'entendit répliquer par un autre du fond de la classe : " Monsieur, il est interdit de tutoyer les élèves ", ce qui l'avait littéralement abasourdi.
L'esprit, s'il courait parfois les rues, n'attendait pas, on le voit, le nombre des années pour se manifester à l'intérieur de notre vieux Collège.
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Cette vieille maison étroite et maussade, mais au grand cœur familial et tendre remportait chaque année proportionnellement le plus de succès dans le Département.
Il avait, à chaque session de Baccalauréat, 75 ou 80 de ses candidats admis, et cela n'était dû qu'au dévouement et à la valeur des maîtres qui savaient se faire aimer par leurs élèves et les entraîner dans la voie de l'étude et du succès.
Ce Collège a eu, comme tous les Collèges et les Lycées ses cancres et ses grands hommes, dont aucun n'a marqué de façon spéciale son passage dans la vie de la Cité.
Il est vrai, qu'à Bône, bien plus qu'ailleurs peut-être, nul n'est prophète en son pays, ce qui poussait les sujets, qui auraient pu avoir quelque compétence, à aller la faire valoir ailleurs. Les cancres, pour la plupart, sont restés, mais encore ceux d'ailleurs leur ont toujours été préférés.
Ne parlons donc, en passant, que des élites que la Grande guerre de 1914 a fauchés en pleine jeunesse, de ceux qui sont morts glorieusement pour la France - les frères Carpanetti, et dont rien, pas la moindre plaque d'émail bleue ne rappelle le souvenir et le sacrifice ; Valentin Camoin, ancien élève de Normale Supérieure, agrégé de sciences naturelles, tué comme simple Sergent de Zouaves ; Eugène Camion, fils du Colonel du 3ème Régiment de Tirailleurs, tombé comme Lieutenant de Hussards, et Raoul Brolliat, poète délicat, si distingué d'allure et d'esprit, Lieutenant au 4ème Chasseurs d'Afrique, plein de vie et d'avenir, qui fut stupidement envoyé à la mort inévitable, dès le premier jour de la guerre, dans des circonstances qui méritent d'être contées :
On sait que, dès le début d'août 1914, le Général Pau fit une avance foudroyante et victorieuse en Alsace. Le retour offensif de l'armée allemande supérieure en nombre contraignit à la retraite les troupes du Général Pau qui ne songèrent plus qu'à échapper à l'emprise de l'ennemi.
Pour ralentir l'avance de celui-ci on dut lancer à sa rencontre des unités de cavalerie qui, en faisant demi-tour étaient vouées d'avance à la mort vers laquelle ils partaient courageusement.
L'escadron qui devait avoir l'honneur d'exécuter cette ultime charge vers la mort, était tiré au sort dans chaque régiment.
Celui que commandait Raoul Brolliat fut ainsi désigné. Avant de se remettre en selle et de partir vers la mort, tous les hommes, ceux qui partaient et ceux qui restaient s'étreignirent en un émouvant adieu.
Raoul Brolliat eut son cheval tué qui lui brisa la cuisse en tombant. Il dut demeurer toute la journée immobilisé par le corps de sa monture, et le soir, les Allemands dont l'avant-garde avait reculé sous la charge impétueuse et désespérée de ces héros, regagnèrent le terrain perdu, que personne ne défendait plus. Raoul Brolliat qui vivait encore fut lâchement achevé à coups de revolver.
Au début du siècle, le vieux Collège de l'impasse Lacaille ne répondait plus aux besoins de la population qui s'était accrue, atteignant à cette époque 35.000 âmes. La municipalité décida son transfert dans les bâtiments de l'ancien Séminaire Saint-Augustin dont elle avait fait l'acquisition au début de l'année 1902. Notre établissement secondaire entra dans ses nouveaux locaux, vastes, spacieux et gais, en pleine verdure, au début de l'année scolaire 1905-1906.
Le local " convenable " affecté au collège, qui avait permis, en 1859, à l'Empereur Napoléon III d'autoriser la Commune de Bône à ériger son école publique en Collège communal, retourna alors à l'enseignement primaire. Une école primaire l'a remplacé, en effet, dans les vieux locaux de l'impasse Lacaille.
En 1923, le Collège communal devint Collège colonial et le 25 août 1937, le Collège colonial fut à son tour remplacé par le Lycée Saint-Augustin qui groupe aujourd'hui près de 3.000 élèves.
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A l'Aube de l'Algérie Française
Le Calvaire des Colons de 48
Par MAXIME RASTEIL (1930) N° 18
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EUGÈNE FRANÇOIS Mon ancêtre
Quoi de plus louable que de partir à la recherche de ses ancêtres !
Découvrir où et comment ils ont vécu !
La Bruyère disait : " C'est un métier que de faire un livre. "
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J'ai voulu tenter l'expérience de mettre sur le papier après la lecture d'un livre sur "les Colons de 1848" et le fouillis de souvenirs glanés dans la famille, de raconter la vie de ce grand homme, tant par sa taille que par sa valeur morale, de ce Parisien que fut Eugène FRANÇOIS né à Meudon en 1839, mort à Bône en 1916.
Tout a commencé lors de l'établissement d'un arbre généalogique concernant le côté maternel de notre famille : arrivé à notre ancêtre : qu'avait-il fait pour qu'une "Rue" de ma jolie ville de "Bône la Coquette", porte son nom dans le quartier de la Colonne Randon ?
Tout ce que j'ai appris, j'ai voulu le faire découvrir tout simplement comme d'autres ont écrit sur nos personnalités et grandes figures Bônoises !
Pour qu'aujourd'hui, on n'oublie pas ce qui a été fait hier !...
Marie Claire Missud-Maïsto
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PREMIÈRE PARTIE
DERNIERS TOURMENTS - DERNIÈRES PAROLES
Mon premier souci, au lendemain de mon acquisition, fut d'en affecter une partie notable à l'ouverture de plusieurs voies d'accès nécessaires au développement de ce quartier d'avenir.
C'est ainsi que, sous réserve d'être raisonnablement indemnisé ultérieurement par la Commune, je fis abandon de 800 mètres carrés pour l'établissement de la rue actuelle des Prés-Salés qui va rejoindre la route de l'Orphelinat, et de 400 autres mètres destinés au tracé de la rue d'Alsace.
Mais en dépit de toutes les belles assurances que me prodiguèrent les gens de la Municipalité, je ne touchai pas un centime, et j'en fus, moi, pauvre diable d'ouvrier agricole d'hier, pour avoir fait un cadeau d'environ 25.000 francs de terrain à la ville de Bône en vue de son embellissement.
Qui se souvient de cela et qui m'en a gardé de la gratitude? Personne. Aussi me suis-je dit bien des fois en méditant sur cette aventure : " Voilà ce que c'est que d'être un fils de Colon de 48 et de s'appeler tout bêtement le " grand Eugène François ! "
Hélas! Je devais apprendre à mes dépens que ceux qui se sont le plus sacrifiés pour leurs concitoyens sont rarement payés de retour. Après tout, peu importe quand on a fait son devoir en toutes circonstances et que l'on est plus que quitte envers tout le monde après avoir eu la lourde charge d'élever treize enfants, ce qui m'a valu d'être trente-cinq fois père ou grand-père.
La Colonisation algérienne n'a certainement pas eu à enregistrer tous les jours la présence sur son sol d'une aussi belle famille française, et pourtant celle-ci lui a été donnée par le fils d'un de ces obscurs émigrants de 48 dont la destinée fut si douloureuse.
On a beau dire, trente-cinq enfants ou petits enfants, cela représente beaucoup de bouches à nourrir et beaucoup de bras aussi pour travailler, à condition d'avoir de la terre et de la faire valoir.
A 45 ans passés, je fis donc une demande de concession auprès de la Préfecture de Constantine, et en 1884, le premier colon qui arriva dans le centre de Blandan en voie de création, ne fut autre que moi-même.
Entreprise ingrate et plutôt malheureuse, car le Gouvernement, toujours parcimonieux, ne m'avait alloué que trente hectares, ce qui était insuffisant pour y vivre avec les miens, malgré mon expérience et leurs efforts. Sans communications pratiques avec Bône et La Calle, dont il est distant d'une cinquantaine de kilomètres, le nouveau village souffrait du manque de moyens de transport, le railway sur route appelé à le desservir ne devant être construit que vingt ans plus tard.
Je m'y livrai néanmoins à la culture et au commerce, et ne me fis pas faute de venir en aide aux Colons qui, débarqués de France avec de petites économies, connurent de mauvais jours et furent bientôt ruinés.
Pour ma part, j'y végète péniblement... Mais les années de labeur, de déception et d'incertitude se sont accumulées sur ma tête, et c'est là que la vieillesse est venue me surprendre en train de jeter en désordre sur le papier ces tristes souvenirs.
Mondovi où j'étais arrivé tout enfant, Mondovi où j'avais vu souffrir, désespérer, râler tant des miens dans des angoisses affreuses, et d'où j'étais parti malade avec mon père qui s'en allait vers la mort ; Mondovi, où le hasard avait ramené l'orphelin perdu dans les rues de Marseille, ne s'est jamais effacé de ma mémoire.
Malgré l'éloignement, c'est lui que je revois encore à ses navrants débuts, avec ses tentes militaires dressées dans la plaine aux hivers de brume et de pluie et aux étés de feu ; Mondovi avec ses huttes de branchages et ses premiers baraquements de bois autour desquels venaient rôder la nuit les lions affamés de bétail ; Mondovi avec les visages ravagés de ses Colons accourus de l'Ile-de-France et déjà rongés de fièvre, décimés par le typhus, fauchés par le choléra ; Mondovi avec son cimetière gorgé de cercueils...
Sans doute, à l'heure où je trace ces lignes qui ne seront peut-être jamais publiées, ce centre est en voie de devenir le plus important et le plus richement doté de la région bônoise, grâce à l'aménagement des routes, à l'assainissement, à la main-d'oeuvre des indigènes pacifiés, à l'apport des capitaux, aux vastes domaines qui l'entourent, au chemin de fer qui contribue à sa richesse. On y construit de beaux immeubles et des édifices communaux qui en font l'ornement. Des pauvres masures des premiers Colons, il ne reste plus rien.
Mais sur combien de peines est assise cette prospérité? Avec les miens, j'ai été de ceux c'est le sort qui l'a voulu - qui ont lutté pour les autres.
A chacun son lot sur cette terre, n'est-ce pas? Celui qui m'a été adjugé n'a certainement pas été le meilleur. Aussi, avec tous mes frères en colonisation qui ne furent pas mieux compris ou avantagés par les hommes du Gouvernement provisoire de 1848 et par leurs successeurs, j'ai bien le droit d'en montrer quelque amertume
En arrivant au terme de ce récit, je- ne veux pas cependant qu'on puisse croire que j'ai fait état de ma mauvaise chance dans le but de dénigrer mon pays. Non, car la France, berceau de tous les miens, avec son radieux Paris que ma mère et mes soeurs avaient eu tant de chagrin de quitter sous le pressentiment du désastre qui allait déchirer notre famille, la France demeurera jusqu'à mon dernier souffle la grande figure de la Patrie aimée.
Elle n'est pas responsable des erreurs ou des fautes de quelques-uns de ses dirigeants, mais c'est le moins tout de même que ceux de ses fils, arrachés à leurs foyers par de séduisantes promesses gouvernementales et qui furent victimes de regrettables méthodes de Colonisation, ne restent pas sous le coup des critiques des ignorants qui leur ont jeté la pierre sans avoir vécu leur vie d'espérance et de désespoir.
Il est indispensable que justice leur soit rendue. C'est mon voeu le plus cher, en vue duquel j'ai hâte de clôturer cette narration sincère, car, à mon âge, il ne faut pas renvoyer au lendemain le sillon qu'on peut tracer la veille.
Et ce serait une grande peine pour moi, je l'avoue, que de n'avoir pas dit tout ce que j'avais à dire avant de disparaître entre quatre planches, au creux de la terre algérienne que j'ai arrosée de mes sueurs.
Tout m'indique, en effet, que mon heure est proche, et qu'après ma soeur Rosine, morte elle aussi il y a peu de temps à Mondovi, j'irai bientôt dormir pour toujours dans le trou qu'on me creusera quelque part.
Comme disent les Arabes, mektoub !
Ici prend fin le manuscrit du ce grand Eugène ", décédé en 1916, à Bône, et qui repose dans le cimetière de cette ville.
A SUIVRE
Merci à Thérèse Sultana, et Marie-Claire Missud/Maïsto, de nous avoir transmis ce livre de Maxime Rasteil qui a mis en forme les mémoires de son arrière grand-père Eugène François.
Elle a aussi écrit un livre sur lui.
J.P. B.
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Des Français d'Algérie, tout simplement
Trait d'Union N° 33, mai 1993
Ecrit par M. Marc-Antoine CIANFARANI
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On n'était ni roumain, ni serbe, ni croate,
On était simplement des Français d'Algérie,
Balancés n'importe où, dans l'amère patrie
Par un vieux galonné, sénile psychopathe,
On était simplement des Français d'Algérie...
On était simplement des Français d'Algérie
Et durant les 2 guerres, nos morts ont jalonné
Tous les champs de bataille, de France ou d'Italie,
Il a tout oublié, le pédant galonné,
Le trop bouffi d'orgueil et de sombre folie,
On était simplement des Français d'Algérie...
Pour nous, pas de discours et pas d'accueil en France
Nos vieux ont attendu plusieurs jours sur les quais,
Sans aide ni pitié, noyés d'indifférence,
L'ogre de Colombey avait ses préférences
Et il nous méprisait, lui et tous ses laquais
On était simplement des Français d'Algérie...
Mais on s'est relevé à force de courage
Charlot s'en est allé au royaume éternel,
Heureux de son exploit, de son choix criminel,
Il restera pour nous le triste personnage
Qui n'aimait pas du tout les Français d'Algérie !
Les années ont passé sur nos joies et nos peines,
On a refait nos vies sur fond de nostalgie,
Les souvenirs au coeur et sans démagogie,
Insensibles aux appels et au chant des sirènes,
On est sorti vainqueurs du combat des arènes
Pour demeurer toujours.
des FRANCAIS D'ALGERIE !
Février 1993
Marc-Antoine CIANFARANI
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CHAMBRE DE COMMERCE DE PHILIPPEVILLE
Séance du 1er Avril 1901
BARRAGE - RESERVOIR
des Zardézas
RAPPORT DE M. CH. BLANCHET
Parmi les travaux à exécuter dans la région de Philippeville, sur l'emprunt que va réaliser l'Algérie, pour compléter son outillage économique et agricole, il est un ouvrage :
Le Barrage-Réservoir des Zardézas
qui s'impose aussi bien par son utilité que par l'ancienneté de ses études qui remontent à 1865.
A cette époque, l'administration avait résolu de doter la vallée du Saf-Saf de cette construction appelée à transformer la région en une des plus riches de l'Algérie.
Une somme de deux millions fut inscrite au projet de budget de l'Algérie.
Les évènements de 1870 empêchèrent, malheureusement, le gouvernement de donner suite à ce projet pourtant si utile.
Depuis lors, bien des tentatives ont été faites, mais elles n'ont pas abouti.
M. Tirman, gouverneur général de l'Algérie, après un voyage à El-Arrouch et une excursion dans les gorges des Zardézas, soumit pourtant ce projet, en 1888, à l'approbation de M. le Ministre de l'Agriculture.
Son successeur, M. Cambon, au retour de son second voyage à Philippeville, frappé des avantages que cet ouvrage procurerait, fit, de son côté, inscrire au projet du budget de l'année 1895, un crédit de 200.000 francs pour permettre de commencer les travaux.
Les choses en sont malheureusement restées là.
La question, aujourd'hui, entre dans une nouvelle phase, l'Algérie a obtenu son autonomie financière, elle va se procurer, par voie d'emprunt, une somme importante qu'elle emploiera à construire des barrages, des ports et des routes.
Au nombre des travaux à entreprendre, le barrage-réservoir des Zardézas est certainement un des plus intéressants.
Les études faites par le Service des Ponts et Chaussées et résumées dans la notice établie à l'occasion de l'Exposition universelle de 9900, par le Comice agricole de Philippeville, font ressortir :
D'une part, que le volume d'eau restant utilisable à la fin du mois de mai s'élèverait à :
Vingt millions de mètres cubes.
D'autre part, que l'étendue du territoire desservi par les canaux d'irrigation atteindrait 17.400 hectares qui se réduiraient, en retranchant les villages, les routes et les cours d'eau, à une surface réelle irrigable de :
Seize mille hectares.
De l'avis des agriculteurs de la région et des personnes qui se sont occupées de cette importante question, il est hors de doute qu'on trouvera facilement, dans les parcours des riches plaines et coteaux qui entourent les villages d'El-Arrouch, Robertville, Gastonville, Saint-Charles, Valée, Damrémont et dans la banlieue de Philippeville des abonnements pour le quart de cette surface, soit pour
Quatre mille hectares.
Le service des Ponts-et-Chaussées admet que l'approvisionnement en fin mai devra faire face aux besoins de l'arrosage, jusqu'au 15 octobre, c'est-à-dire pendant 135 jours, ce qui correspond à un débit, par seconde de 1.720 litres et permettrait d'arroser, environ 3.500 hectares, en comptant sur un débit de 0 litre 50 par seconde et par hectare.
D'après des renseignements que nous avons recueillis auprès des principaux propriétaires de jardins et de cultures maraîchères de la région qui irriguent leurs terrains à l'aide de norias, il ressort qu'une quantité de 30 mètres cubes par jour et par hectare est jugée, par eux, comme suffisante.
Leurs norias travaillent, en effet, dix heures par jour. Elles sont munies de godets de 8 litres environ de capacité qui déversent par seconde 1 litre 65. Leur produit utile pendant la durée de leur travail est de 1,65 X 36.000 = 59 mètres cubes 400, soit en nombre rond 60 mètres cubes.
Une noria subvient à l'arrosage de 2 hectares.
En faisant entrer en ligne de compte le capital engagé pour la construction d'une noria, les travaux accessoires qui sont coûteux (la noria étant toujours creusée dans la partie basse de la surface à arroser) et la nourriture de 2 bêtes de trait, nous constatons que les mille litres d'eau reviennent au chiffre élevé de 0.10.
Nous sommes donc fondé à dire que dans notre région, par suite des soins particuliers qui sont pris par les maraîchers, en raison sans doute du prix élevé de l'eau, en raison aussi de la nature du sol et de l'état hygrométrique de l'atmosphère, une quantité de 30 mètres cubes par 24 heures, soit de 0 litre 35 par seconde, peut-être acceptée comme suffisante ; or, c'est la culture qui exige la plus grande quantité d'eau.
M. Aymard, ingénieur des Ponts-et-Chaussées a dressé, dans un mémoire sur la pratique des eaux en Algérie, à la suite d'expériences nombreuses et minutieuses et d'un travail des plus précis, un tableau indiquant l'eau nécessaire aux cultures les plus usuelles.
Nous donnons, ci-après, ce document en raison de l'intérêt qu'il présente pour nous.
DÉSIGNATION
des CULTURES
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DURÉE
de LA SAISON d'arrosage
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NOMBRE
D'ARROSAGES pendant la saison
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PROVINCE D'ALGER
Volume d'eau nécessaire à l'arrosage d'un hectare pendant toute la saison, exprimé, en débit continu par seconde
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Mois
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Litres.
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Luzerne .......................
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5
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10
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0.30
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Betteraves ..................
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5
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6
|
0.18
|
Jardins maraîchers.....
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6
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36
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0.93
|
Melonnières ................
|
4
|
8
|
0.31
|
Maïs ............................
|
2
|
4
|
0.31
|
Géranium ....................
|
5
|
15
|
0.46
|
Orangerie ....................
|
6
|
12
|
0.3
|
Tabac ..........................
|
3
|
4
|
0.20
|
Coton...........................
|
4
|
7
|
0.27
|
Céréales .....................
|
5
|
3
|
»
|
Vignes..........................
|
3
|
3
|
0.15
|
M. Aymard devait étendre ses études dans les principaux centres d'irrigation des trois provinces. Il ne put malheureusement pas les poursuivre dans la province de Constantine.
Ses recherches nous apprennent que si les cultures exclusivement maraîchères nécessitent, par seconde et par hectare, une quantité de 0 litre 93, l'arrosage des orangeries, des melons, des luzernes n'en demande que 0 litre 30.
M. Flamand, inspecteur général des Ponts-et-Chaussées, dans sa notice sur l'hydraulique agricole, en Algérie, admet, de son côté, qu'un écoulement de 1 litre par seconde, suffit à l'irrigation d'environ 6 hectares de céréales ou de vignes, 4 à 5 hectares de prairies, 3 hectares de vergers et 1 hectare ou 1 hectare 1/2 de jardins.
Ces données sont précieuses.
Nos maraîchers ayant tous ici, des orangeries dans lesquelles ils font des cultures intercalaires, le chiffre de 0 litres 35 par seconde indiqué, par eux, est parfaitement admissible.
En comptant, avec le Comice agricole, sur 135 jours d'arrosage, les 4.000 hectares exigeraient 4.000 x 30 x 135 = 16.200.000 mètres cubes.
Il resterait un excédent de 3.800.000 mètres cubes susceptible de produire une force motrice de 300 chevaux qui trouverait facilement son emploi, à Philippeville, au service du port de commerce et auprès des maisons qui utilisent les machines à vapeur.
Le service du port pourrait absorber, à lui seul, une force de 100 chevaux.
Cette force motrice de 300 chevaux, est évaluée par le
service des Ponts-et-Chaussées à 60.000 00
Elle ne demanderait que 300 litres à la seconde, soit
dans la période de 135 jours, un volume de 3.499.200.
En appliquant au prix du mètre cube livré à l'agriculture
celui de 0.02, fixé par M. Tirman et admis par son
successeur, l'administration, retirerait de l'arrosage
des 4.000 hectares 16.200.000 00 x 02 324 000 00
Les 19.700.000 mètres cubes produiraient une recette
annuelle de 384 000 00
En retranchant les dépenses d'entretien des canaux
et les frais d'administration évalués par le service des
Ponts-et-Chaussées à 2 1/2 0/0 du capital de création,
Soit 125 000 00
Il resterait un disponible annuel de 259 000 00
suffisant pour faire face aux dépenses imprévues, aux intérêts et à l'amortissement du capital engagé.
Ce ne serait donc, en réalité, qu'une avance qui serait faite à la région.
On pourrait objecter qu'il n'a pas été tenu compte dans les évaluations qui précèdent des déperditions qui se produiront tant au barrage-réservoir qu'en cours de route et qu'on a escompté la vente de la totalité de l'eau retenue au commencement de la période d'arrosage.
Il est certain, en effet, que le déchet sera important et qu'à l'arrivée sur le terrain d'arrosage, le volume primitif aura sensiblement diminué, mais quelle que soit la perte, serait-elle d'un 1/10, même d'un 1/5, ce qui correspond à 4.000.000 de mètres cubes, ce qui serait excessif, étant donné le volume d'eau au départ qui sera d'environ 2.000 litres à la seconde, il est permis d'admettre qu'elle trouvera une compensation suffisante, d'un côté dans l'eau qui sera distribuée pendant les mois de mars, avril et mai et d'un autre par les pluies d'été qui sont appréciables, dans la région, puisqu'elles atteignent une hauteur moyenne de 6 centimètres 5, ainsi que le constatent les relevés officiels.
Les cultures auxquelles on pourrait se livrer dans la vallée du Saf-Saf sont nombreuses et si on n'était pas assuré d'avoir de l'eau avant le 1er juin, on peut dire qu'il serait imprudent de faire du jardinage parce qu'il arrive souvent, nous avons de nombreux exemples, que même dans les hivers pluvieux, il se passe des mois entiers sans pluie et les légumes ne peuvent s'accommoder d'une telle éventualité.
Il est donc certain que, pendant ces trois mois, il sera fait appel à l'eau du barrage, non seulement pour les cultures maraîchères et les arbres fruitiers, mais aussi pour les céréales.
En admettant que les arrosages ne s'effectuent que sur une surface de 2.000 hectares et qu'on puisse se contenter d'un demi-arrosage, soit de 15 mètres par jour et par hectare, l'administration trouverait dans cette période de 90 jours le placement de 2.000 x 15 x 90, c'est-à-dire de 2.700.000 mètres cubes, ci….. 2.700.000 00
qui produiraient une recette supplémentaire de 54 mille fr.
sans affecter en rien la disponibilité prévue de 20 millions
au 31 mai, les mois de mars, avril, mai étant assez pluvieux
et la quantité d'eau tombée atteignant en moyenne
pendant cette période une hauteur de 0m 18, c'est-à-dire
suffisante pour remplir, à elle seule, la totalité du réservoir.
Nous savons que l'étendue du bassin d'alimentation a une
surface de 300 kilomètres carrés.
Nous avons vu qu'il tombe dans la période comprise entre
le 1er juin et le 31 août, une hauteur d'eau de 6 centimètres
1/2. En admettant qu'il s'en écoule seulement le 1/4, soit 0.015,
on constate que le réservoir recevra 4.500.000 00
La réserve au 31 mai étant de 20.000.000 00
C'est donc en réalité un volume de 27.200.000 00
que l'administration pourrait utiliser au départ du barrage.
On est, donc, en droit de considérer la quantité de 20 millions de mètres cubes et la valeur correspondante comme se rapprochant d'autant plus de la réalité qu'il n'est pas fait recette dans les évaluations de la vente d'eau aux communes et aux particuliers pour les besoins du service de voirie et l'alimentation des jardins.
Toutes les communes desservies manquent d'eau. Celle de Philippeville peut à peine assurer l'alimentation de ses habitants en eau potable. Il lui faudrait pour l'arrosage des rues et le nettoyage des égouts, ainsi que le mentionne la notice du Comice agricole, un volume d'eau de 10 litres à la seconde qu'elle pourrait payer une somme de 8.000 »
Les souscriptions des particuliers, sont évaluées dans cette même notice :
Pour Philippeville à 7.000»
Pour celles que pourraient contracter les autres communes à 5.000 »
Ce serait une recette supplémentaire de.... 20.000 »
qui pourrait être assurée avec l'excédent de 300.000 mètres cubes indiqué plus haut et qui viendrait s'ajouter aux profits multiples que l'Etat et le département retireraient sous diverses formes de cet ouvrage appelé à donner à la vallée du Saf-Saf une plus-value considérable qu'on peut évaluer à :
Quinze millions.
Les 4.000 hectares qui utiliseront l'eau du barrage servent, en effet, aujourd'hui, à des cultures de maïs, de sorgho, de blé et d'orge ; une partie est laissée à l'état de prairie.
Leur valeur locative est très limitée, avec de l'eau, on pourra se livrer à des cultures maraîchères, créer des orangeries, planter d'autres arbres fruitiers, faire des luzernières, des melonnières, s'occuper de la culture des betteraves, du tabac.
On pourra se livrer à l'élevage du bétail que le manque d'eau rend aujourd'hui très précaire.
On décuplera, sans aucun doute, leur valeur locative.
Il n'est donc pas exagéré de dire que le barrage accroîtra la richesse de ces terres d'une valeur considérable, certainement supérieure à trois fois le montant de l'ouvrage lui-même.
Il ne serait pas juste d'opposer le barrage du Hamiz à celui des Zardézas.
Le barrage du Hamiz, commencé en 1869, n'a été terminé qu'en 1879.
Pendant la durée de sa construction les terrains qui étaient utilisés à des céréales ont été plantés en vignes.
Les eaux emmagasinées sont, par suite, à peu près inutilisées.
La situation, ici, est toute différente.
Parmi les 16.000 hectares susceptibles de profiter de l'irrigation, il y a peu de vignes, aujourd'hui, un millier d'hectares, au plus, reconstitué en plants américains.
Avec la mévente du vin, il est probable que la reconstitution ne fera pas de grands progrès.
La surface complantée en vignes dans le périmètre irrigable était, avant l'invasion phylloxérique, environ de 3.000 hectares.
En admettant que le vignoble primitif parvienne à être reconstitué, en totalité, il resterait encore 13.000 hectares de disponibles.
Si on objectait qu'on pourrait ne pas trouver des abonnés pour les 4.000 hectares que nous avons fait, avec le Comice agricole, entrer en ligne de compte, l'opération n'en resterait pas moins réalisable.
En effet l'utilisation d'une force motrice de 300 chevaux, tant sur le parcours, qu'au point terminus et la vente d'eau, à la ville de Philippeville et aux villages traversés, étant certaine, on peut compter sur la recette correspondante soit sur 80.000»
Il n'est pas douteux, non plus, qu'on pourra retirer
des arrosages du le"Mars au 31 Mai une somme de ... 54.000
SOIT AU TOTAL 134.000
Les frais d'entretien étant évalués à... 125.000
L'intérêt à 3% et le taux de 0,3668 nécessaire
pour amortir le capital en 75 ans, nécessiteraient
pour la dépense engagée une annuité de
A reporter 125.000 134.000
Report ................................................
|
125.000
|
134.000
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5.000.000 x 3.6668 =
|
168.340
|
|
100
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|
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On aurait à faire face à une dépense
annuelle de
|
293.340
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La somme à demander à l'irrigation
ne serait, dans ces conditions, que de
|
159.340
|
|
|
293.340
|
Or, pour produire cette somme de 159.340, chaque hectare irrigué dans la période comprise entre le 1er Juin et le 15 Octobre demandant 4050 mètres cubes (135 X 30) et l'eau étant vendue 0,02 le mètre cube, il suffirait d'avoir des abonnés pour une surface de
159.340.00 / (4050 x 0.02)
c'est-à-dire pour 1970 hectares.
Le succès de l'opération ne saurait donc être mis en doute quelles que soient les éventualités envisagées.
POUR CES DIVERSES RAISONS l'administration algérienne ferait oeuvre utile en comprenant, dans son programme, le barrage-réservoir des Zardézas.
ELLE FERAIT PLACEMENT d'un bon père de famille.
ELLE DONNERAIT A UNE RÉGION épuisée par la lutte contre le phylloxéra et les efforts exigés par la reconstitution partielle de son vignoble, les moyens de retrouver une partie de sa prospérité en lui permettant de se livrer à des cultures auxquelles son sol se prête admirablement, ainsi que le montrent les résultats obtenus, déjà, dans la partie de plaine arrosée avec des norias.
COMME CONCLUSIONS au rapport que la Chambre de Commerce a bien voulu nous charger de faire, nous proposons d'émettre le voeu :
QUE LE BARRAGE-RÉSERVOIR des Zardézas soit compris dans la liste des premiers travaux à entreprendre dans le département de Constantine.
QUE M. LE GOUVERNEUR GÉNÉRAL veuille bien en appuyer auprès des délégations financières, le projet de construction qui a reçu l'approbation de ses prédécesseurs et qui est unanimement demandé, depuis de nombreuses années, par la population et par les corps élus de la région.
CH. BLANCHET.
La Chambre approuve les termes de ce rapport et le convertit en délibération.
Pour extrait conforme :
Le Président de la Chambre de Commerce,
A. TEISSIER.
PHILIPPEVILLE
IMPRIMERIE ADMINISTRATIVE ET COMMERCIALE MODERNE
18, Rue Théophile Réguis, 18
1901
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HOMMAGE A UN COMPATRIOTE
Par M. Forte
Trait d'Union N° 33, mai 1993
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Dans "Le Trait d'Union" n° 29 avril 1991, nous avons publié un extrait du livre "SERSOU, vaste plaine des Hauts-Plateaux algériens". L'auteur, Edgar CHAUVIN (Emile dans le livre), né dans ce Sersou, n'est pas un enseignant : c'est un de ces "colons", travailleurs de la terre qui peinèrent durement et pour beaucoup pauvrement, s'habituèrent à cette plaine immense qui est devenue leur Sersou. C'était "l'aboutissement de leur sacrifice, de leur courage, de leur sueur".
La mère de l'auteur (Henriette dans le livre), avant d'être mutée à Alger, était institutrice dans le bled. Émile, après l'école primaire avec sa mère, vient à Alger pour poursuivre ses études.
Nous voulons lui rendre hommage en publiant à nouveau de brefs extraits de son livre.
(Là où il est, qu'il nous pardonne de ne pouvoir plus lui en demander l'autorisation).
M. FORTE
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**********
Émile n'était pas à Alger pour se distraire ou s'amuser. Henriette consultée, affirmait qu'il n'était pas là pour cela. II était là pour aller à l'école et avant que la barbe lui pousse, il ne pouvait être question qu'il y manquât. Sa mère était là qui veillait. Sa scolarité s'en trouva très surveillée et il s'y sentit coincé, entravé, ligoté. Il devait attendre d'aller au lycée, à l'autre bout de la ville, pour avoir un peu plus de liberté dans ses mouvements, aller seul par les rues et voyager seul en tramways.
Ces allées et venues dans le tramway, sur la plate-forme arrière d'une rame de "céféra" (CFRA) vaste, sans siège, inconfortable, ouverte à tous les vents, n'ennuyaient pas Emile. Au contraire. II devait y apprendre tout le folklore de la ville et du pays, voir le peuple divers, bariolé, costumé à plaisir, offrir son spectacle. Un spectacle sans contrepartie, gratuit, pour lui-même, pour se jouer ses comédies et à l'occasion ses tragédies, toutes gestuelles autant que volubiles. Et ce n'était pas peu dire. Sauf peut-être aux heures de pointe, lorsque l'affluence pressait les gens les uns contre les autres, les privant ainsi de l'usage de leurs bras. Sans bras, sans mains, il n'était point de moulinet, point d'arabesque dans le vent. La troupe était muette, figée, amorphe, sûrement malheureuse. Il fallait que quelque main s'égare dans la cohue pour qu'Emile voie rougir une jeune femme et entende le claquement d'une gifle. Alors, la vie reprenait, réchauffait les coeurs, rendait le verbe. Les exclamations aussi indignées qu'hypocrites donnaient le ton et fusaient les rires qui forçaient le coupable à rire aussi pour égarer les soupçons.
Emile, lui, en côtoyant la vertu, travaillait son vocabulaire.
Après les études et la vie militaire, c'est le retour au Sersou natal pour travailler, "côtoyer l'épuisement sans jamais désespérer".
C'était ça le Sersou : un vaste plateau qu'Emile parcourait malgré la chaleur, le froid, le vent et la poussière, avec le souci d'arriver à bon port, avec l'inquiétude de rester sur le bord de la piste à attendre quelque chose ou quelqu'un. C'était la confrontation quotidienne avec les éléments qui attendaient la faute, l'imprudence pour le voir grelotter, haleter, résigné parce que soumis.
Sersou signifie en arabe : "Marche et tais-toi"
Ce sont les tribus nomades venant du grand sud depuis toujours pour amener leurs chameaux et leurs moutons sur ce haut plateau de l'Atlas saharien, qui l'avaient baptisé El Sersou. Ils l'avaient baptisé de la recommandation que les plus résistants d'entre eux, les vieux, faisaient aux plus faibles, les jeunes, qui gémissaient de soif ou de faim, de fatigue ou de crainte, qui voulaient abandonner leur calvaire, se coucher dans la steppe et s'en remettre à Dieu. Alors les anciens, ceux qui savaient, ceux qui avaient l'habitude de souffrir avec patience et confiance, les poussaient dans le dos en leur disant "Ser ou skout", "Marche et tais-toi".
Ces nomades arrivaient en juin sur ce haut plateau, et repartaient en septembre pour rejoindre leurs sables et leurs steppes des confins sahariens. Pour ces hommes, cette transhumance était vitale puisqu'il n'y avait pas de vie possible chez eux sans venir l'été refaire leurs forces dans les chaumes de cette haute plaine. Aussi venaient-ils avec la détermination de ceux qui n'avaient pas d'autre choix que de "monter" au Sersou ou mourir. Cette détermination, cette volonté, cet impératif, venaient d'un droit : le droit à la vie. Droit sacré, qu'ils tenaient de Dieu, par qui et pour qui ils existaient.
Aussi pendant les trois mois d'été qu'ils passaient au Sersou pour faire pacager leurs troupeaux, ces nomades se considéraient-ils comme chez eux. Oh pas comme des occupants, et encore moins comme des envahisseurs, mais comme les "invités de Dieu". Tout simplement. Et ici, comme en tout pays musulman, quiconque s'annonce comme "l'invité de Dieu" s'entend répondre tout aussi simplement "Approche !". Alors l'hôte, de Maître devient le serviteur.
Arrivent les années de guerre, avec les épreuves, l'angoisse, le découragement... C'est le départ définitif pour la France qui l'avait abandonné.
Derrière lui, une auto, en klaxonnant, le fit sursauter. Ses yeux étaient tellement secs, qu'en fermant les paupières il eut un peu mal. Il regarda sa montre et vit qu'il avait juste le temps d'arriver à son avion. De nouveau, il était tout à son départ. II arriva à l'aéroport et s'arrêta sur l'esplanade.
Émile était tendu, nerveux, inquiet, à l'écoute, aux aguets. Descendu de sa 2cv, il regarda autour pour s'assurer que personne ne s'intéressait à lui. Le peu de monde qui allait et venait, ces policiers en uniforme et ceux qui ne l'étaient pas, ces soldats avec leurs mitraillettes qui attendaient l'occasion de faire parler d'eux, n'étaient pas pour le rassurer. II était persuadé qu'il pouvait être attendu soit au port soit ici, à l'aérodrome. Deux hommes lui demanderaient alors de les suivre pour l'emmener dans une voiture, vers Alger, sans lui adresser la parole, sinon lui dire qu'ils ne savaient rien, qu'ils le conduisait au chef qui voulait le voir. Et là, Emile se voyait disparaître sans toutefois pouvoir imaginer s'il devait finir dans un puits, dans quelque cachot ou bureau. Il s'imaginait surtout qu'il n'échapperait pas au sort de ces gens qu'il avait connus et qui avaient disparu à tout jamais sans qu'on puisse savoir où ils avaient fini.
Mais, sur cette esplanade, personne ne s'occupait de lui. Mal à l'aise, le souffle court, il voulut sortir seul cette malle d'osier dans laquelle il avait mis sa machine à écrire ainsi que sa machine à calculer. Un matériel qu'il n'avait pas le droit d'emporter puisque ses biens avaient été nationalisés, saisis en quelque sorte, à l'exception de ses affaires personnelles, de ses meubles, mais aussi de ses pantalons et chemises. Il savait cette malle très lourde de livres et de cahiers qui n'étaient là, bien en vue, que pour décourager la fouille. Cette malle était volumineuse à dessein pour qu'elle ne puisse pas faire partie de ses bagages à main. Il voulait lui faire traverser la mer sans avoir à s'occuper d'elle. II pourrait ainsi s'en débarrasser après l'avoir fait enregistrer.
La stupidité de cette malle, bourrée de choses dont il n'avait pas besoin, Emile ne l'avait jamais vue. Pas plus qu'il n'avait considéré les risques qu'elle lui faisait prendre. Il lui semblait - il en était même sûr - qu'en emportant sa machine à écrire et sa machine à calculer, il sauverait de son naufrage et de sa déroute, l'essentiel de ce qu'il avait de plus précieux dans la vie. Il avait dû donner sa ferme, il avait oublié ses juments, son Taïaut, son Landru, ses amis, tout son matériel qu'il voulait toujours reluisant. Émile avait oublié son browning, ses armes. II allait, tout à l'heure, abandonner sa 2 cv sur le parking, il voulait tout oublier de ce pays qui le voyait si malheureux, mais emporter sa machine à écrire et sa machine à calculer était devenu pour lui extrêmement important. Si on lui avait demandé en quoi ces choses-là avaient tellement d'importance, outre sa surprise et son étonnement, on l'aurait entendu répondre sèchement, pour clore le débat :
- Parce que c'est extrêmement important.
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Au chien pourvu d'argent, on dit " Monsieur le Chien ".
Lorsqu'un fellah riche te dépasse à dos d'âne
Mets ta main sur, ton coeur et dis " Qu'Allah me damne
S'il est plus beau cheval, Monseigneur, que le tien ".
Prends tout ce que tu peux sans jamais laisser rien,
Mieux en main un moineau que dix sur une liane,
Pour l'homme ruiné - comme, à la courtisane,
Il reste les Souhaits pour Capital et Bien.
Tous ceux qui sont riches sont aimés, lorsque même
Ils seraient chiens et fils de chiens tel les Roumis.
Si c'est ton intêret, déclare : " Je vous aime ".
Et proclame partout qu'ils sont tes bons amis,
Mais à l'occasion traite les comme proie,
Allah sait ce qu'il fait s'il les met sur ta voie.
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COLONISATION de L'ALGERIE
1843 Par ENFANTIN N° 33
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CONCLUSION
DU GOUVERNEMENT DE L'ALGÉRIE.
VII -Le ministère de la guerre devait sentir que, pour les besoins de la guerre d'Afrique, d'une guerre toute particulière et longtemps prolongée, il fallait des corps militaires spéciaux. Un ministère des colonies sentira également que, pour coloniser un pays très différent de la France, pour le coloniser d'une manière durable, il faut non seulement des corps militaires spéciaux, mais une organisation complète, spéciale à l'Algérie. Cette spécialisation ne doit pas être, il est vrai, une séparation absolue des institutions analogues de la métropole; et de même que les corps français d'Afrique ne cessent pas de faire partie de l'armée française, les autres corps administratifs, judiciaires, de marine ou autres, ne cesseraient pas de faire partie des mêmes institutions françaises ; mais les individus qui les composeraient seraient considérés comme détachés momentanément de l'institution mère à laquelle ils appartiendraient, et comme étant mis à la disposition immédiate du ministre des colonies, pour le service des corps spéciaux de l'Algérie; de sorte que le ministre des colonies aurait, sous sa dépendance directe, des corps coloniaux, qui, en tant que corps, ne ressortiraient que de lui et auraient une organisation propre à l'Algérie, mais dont les membres conserveraient un lien d'affiliation avec l'institution générale de la métropole, en cas de leur retrait du service colonial.
Le ministère des colonies ne sera donc lui-même organisé définitivement, que lorsqu'il aura organisé l'armée, la justice, la marine, les travaux publics, l'instruction et le commerce des colonies, et qu'il aura relié ces différentes branches de services au tronc de la métropole.
On doit comprendre que je ne présente pas une organisation aussi vaste comme un but à réaliser immédiatement ; le temps, un long temps y est indispensable ; mais c'est une limite qu'on doit avoir en vue, c'est un principe à suivre.
IX. - Maintenant, si l'on se rappelle ce que j'ai dit sur l'organisation des colonies civiles et des colonies militaires, on embrassera facilement le cadre hiérarchique que je vais tracer, pour l'organisation du gouvernement colonial de l'Algérie.
Le GOUVERNEUR GÉNÉRAL, nommé par le Roi, sur ordonnance contresignée par le ministre des colonies, a sa résidence à Alger.
Il a sous ses ordres immédiats le GÉNÉRAL EN CHEF DE L'ARMÉE ACTIVE, Gouverneur de la zone intérieure, DIRECTEUR GÉNÉRAL DES COLONIES MILITAIRES, dont la résidence est à Médéa (ou Miliana, ou Blida), et le DIRECTEUR GÉNÉRAL DES COLONIES CIVILES, Gouverneur de la zone maritime, dont la résidence est à Bône.
Toutes les autorités civiles ou militaires de la province de Constantine sont sous les ordres du Gouverneur de la zone maritime.
Toutes les autorités militaires ou civiles de la province d'Oran (ou plutôt de Mascara) sont sous les ordres du Gouverneur de la zone intérieure.
Le délégué du Gouverneur de la zone militaire, dans la province de Constantine, est donc soumis à l'autorité supérieure du Gouverneur de la zone maritime; et le délégué du Gouverneur de la zone maritime, dans la province d'Oran, est soumis à l'autorité supérieure du Gouverneur de la zone militaire.
Cette subordination est purement politique, et non administrative ; des règlements fixeront les cas où cette autorité pourra s'exercer.
Le Gouverneur général conserve, dans la province d'Alger, le gouvernement direct de la partie de cette province, comprise dans la zone maritime, et qui constitue le département principal, capital, de la colonisation de l'Algérie.
Cette partie de la zone maritime est administrée, sous la direction politique du Gouverneur général, par le délégué du Gouverneur de la zone maritime.
L'état-major du Gouverneur général devra donc se composer de deux parties distinctes :
AFFAIRES DE LA ZONE INTÉRIEURE, - d'où ressortiront les colonies militaires, l'armée active et les tribus de cette zone ;
AFFAIRES DE LA ZONE MARITIME, - d'où ressortiront les colonies civiles, les corps militaires fixés ou en passage dans cette zone, et les tribus du littoral.
Les personnes qui font partie de ce double état-major sont, les premières, détachées de l'armée active, les secondes, détachées de l'administration civile de la colonie; mais les deux parties de cet état-major sont attachées, à titre égal, à la fonction du Gouverneur général, et donnent à son entourage habituel, continuel, le double caractère qui lui convient.
Le Gouverneur général ne fera pas personnellement la GUERRE, à moins d'autorisation spéciale du ministre.
Dans aucun cas, il ne dirigera personnellement l'organisation intérieure d'une colonie civile.
Il fera faire la guerre (1) et fera établir des colonies civiles, quand il voudra et où il le jugera convenable, par le GENERAL EN CHEF DE L'ARMÉE ACTIVE, et par le GOUVERNEUR DES COLONIES CIVILES ; en un mot, il GOUVERNE, et n'est pas plus militaire ou administrateur qu'il n'est juge, quand bien même il appartiendrait à l'armée, à l'administration ou à la magistrature.
Le fonctionnaire que j'ai nommé directeur général des travaux publics d'Algérie, lorsque je m'occupais de l'organisation des colonies civiles, est le même que je désigne ici sous le nom de DIRECTEUR GÉNÉRAL DES COLONIES CIVILES, Gouverneur de la zone maritime; de même que le général en chef de l'armée active serait le DIRECTEUR GÉNËRAL DES COLONIES MILITAIRES, Gouverneur de la z6ne intérieure. Le premier nom que je lui avais donné avait pour but de mieux faire concevoir la nature du personnel administratif et civil de l'Algérie.
Ainsi, le corps des travaux publics serait, par rapport aux colonies civiles, ce que serait l'armée active par rapport aux colonies militaires ; il aurait le caractère politique d'un corps constitué par l'autorité publique ; il serait, en un mot, le gouvernement dans la zone maritime, comme l'armée active serait le gouvernement dans la zone intérieure.
Toutes les spécialités nécessaires au gouvernement civil de l'Algérie, en y comprenant même les troupes chargées de la police et de la protection de la zone maritime, c'est-à-dire la gendarmerie indigène et la gendarmerie française d'Afrique, seraient, par conséquent, des dépendances du corps général des TRAVAUX PUBLICS; de même que les spécialités, telles que le génie, l'artillerie, l'administration militaire, qui n'ont jamais le gouvernement d'une armée, sont des dépendances de ce grand corps qui porte le nom d'armée.
Le corps des travaux publics d'Algérie serait l'Armée ACTIVE des travailleurs, l'armée pacifique d'Algérie; ou mieux encore, il serait, dans l'ordre civil, ce que sont, dans l'armée, l'infanterie et la cavalerie; il serait la base de l'ordre civil, comme l'infanterie et la cavalerie sont la base de l'ordre militaire.
Le Gouverneur général qui aurait le commandement en chef de ces deux armées de soldats et de travailleurs, qui réunirait en lui les attributions du gouvernement militaire et du gouvernement civil, aurait donc ainsi, au-dessous et au-dessus de lui, en Algérie comme en France, dans la constitution de son gouvernement, comme dans celle du ministère dont il dépendrait, un rappel constant au principe de sa mission. Elle consisterait à gouverner l'ordre civil et l'ordre militaire, et à leur donner respectivement l'importance à laquelle l'un et l'autre doivent prétendre, selon les lieux et selon les moments; il serait lui-même militaire, dans ses relations avec la zone intérieure, par l'intermédiaire de son état-major militaire ; et il serait civil, dans ses relations avec la zone maritime, par l'intermédiaire de son état-major civil.
Est-il possible de trouver, dans un chef, cette haute impartialité et cette égale aptitude à la double fonction? - C'est difficile, sans contredit ; mais cela est d'autant plus difficile, que l'on prend moins de soins pour prévenir la partialité de profession spéciale (2), et pour favoriser, au contraire, le développement simultané de cette double faculté d'un vrai chef politique. Il serait toujours impossible d'avoir de véritables Gouverneurs généraux de colonies, si, d'une part, les colonies dépendaient d'un ministère spécial (guerre ou marine), et si, d'une autre part, l'organisation coloniale ne constituât pas l'ordre civil à l'égal de l'ordre militaire; c'est-à-dire si elle n'attribuait pas, habilement et équitablement, à l'un et à l'autre, les fonctions qui leur appartiennent et l'importance dont ils doivent jouir, selon les lieux et selon les temps.
Jusqu'ici, l'ordre civil a été, en Algérie, dans une subalternité et une impuissance parfaites ; cela est explicable, puisque l'on faisait presque exclusivement la guerre ; toutefois, le gouvernement très militaire de l'Algérie s'est bien souvent ressenti lui-même, douloureusement, de la faiblesse, de la nullité de l'autorité civile. M. E. Buret affirme que le Gouverneur actuel de l'Algérie sent le besoin d'un puissant auxiliaire pour les affaires civiles. Je le crois sans peine; mais il ne suffira pas, pour cela, de changer une ou quelques personnes. Il n'y a pas d'organisation civile en Algérie ; le vice est radical, il n'est pas seulement en quelques points supérieurs, il est partout; et si M. le général Bugeaud sent aujourd'hui le besoin d'un auxiliaire dans l'ordre civil, que serait-ce donc si l'on commençait réellement l'oeuvre colonisatrice !
X. - C'est, particulièrement l'organisation de l'ordre civil que j'avais en vue, lorsque j'examinais, dans la DEUXIÉME PARTIE, l'établissement des colonies civiles.
Le même motif qui m'avait fait commencer cet ouvrage par la;constitution de la propriété, afin de poser d'avance la base matérielle de la colonisation, m'a porté à parler d'abord du corps des travaux publics, base du personnel de l'ordre civil colonial ; et voilà pourquoi je réservais aussi, pour la conclusion, ce que j'avais à dire sur le gouvernement des indigènes et des Européens habitant les villes; c'est en effet à propos de ces derniers que je puis compléter le plan administratif et civil de l'Algérie, et dessiner le sommet de l'édifice colonial.
Qu'est-ce que les populations indigènes et européennes des villes de l'Algérie ; comment seront-elles modifiées quand on s'occupera de coloniser ; comment faudra-t-il les gouverner et les administrer? - Telles sont les questions que je vais examiner.
Quoique les villes de l'Algérie soient fort peu nombreuses, elles le sont plus que les villages coloniaux, puisque ceux-ci n'existent réellement pas encore ; et quoique la population indigène des villes soit fort peu de chose, en nombre, comparée à celle des tribus, nous administrons plus d'indigènes citadins que d'indigènes des tribus. Evidemment ceci tient au passé et au présent, et non pas à l'avenir ; ceci peut justifier ce que nous avons fait ou faisons encore, mais n'indique pas ce que nous aurons à faire quand nous ferons de la colonisation ; on aurait donc grand tort de conclure, de l'aspect que présente aujourd'hui la double population des villes de l'Algérie, celui qu'elle présentera plus tard.
Dans l'opinion de presque tous les écrivains qui se sont occupés de ce sujet, surtout dans l'opinion générale des écrivains militaires, la population européenne des villes se compose d'un rebut d'aventuriers des côtes de la Méditerranée, qui viennent exploiter les Français, et d'un rebut d'aventuriers français qui viennent s'exploiter entre eux et exploiter l'armée. Quant à la population indigène, ce sont de sales et ignobles juifs, exploitant les Européens et les Maures; et de misérables Maures qui diminuent, s'appauvrissent et se démoralisent chaque jour, et qui vendent leur âme et leur corps au premier exploitant, pour un peu de pain. (3)
Ce jugement, un peu exagéré dans sa forme et fort injuste au fond, repose cependant sur des faits qui ne manquent pas de vérité ; mais il y a ici plus que des circonstances atténuantes. D'abord, les Européens qui viennent en Algérie, n'y viennent pas seulement pour admirer les combats qui s'y livrent, et pour battre des mains au vainqueur ; ils ne sont pas assez riches pour cela. Ils viennent pour vivre, pour gagner de l'argent; ils sont très pauvres. Ils sont donc, par nécessité et par habitude, exploitants; les Maltais et les Mahonnais, et tous les colons qui viennent des côtes d'Italie et d'Espagne, exploitent les jardins; ils tiennent les boutiques de fruits, de légumes ; ils sont portefaix, domestiques, élèvent des chèvres, des cochons et des poules, font des cigares et vendent du tabac; ils sont pécheurs et tiennent le marché au poisson ; et pour toutes ces choses, ils sont beaucoup plus habiles que nos colons français. Il est vrai qu'ils n'ont pas le coeur très français; car ils sont fort intéressés, et j'ai vu même les Maltais de Philippeville refuser de porter secours, sauf paiement, dans le grand désastre de Stora, en 1841.
Les Français colons ne sont pas venus non plus en Algérie pour leur plaisir ; eux aussi, ils y viennent gagner de l'argent; ils sont cafetiers, cabaretiers, épiciers, bouchers, boulangers, tailleurs, bottiers, en un mot, boutiquiers ; ils sont aussi maçons, charpentiers, terrassiers, en un mot, ouvriers; du moins telle est l'immense majorité des colons français. Ceux qui sont propriétaires ou spéculateurs sont en fort petit nombre ; et si, parmi ces derniers, il en est qui sont des joueurs et des agioteurs, ce que je ne nie pas, vraiment on a fait trop grand bruit de leurs prouesses en ce genre, et l'on aurait mieux fait de ne pas leur fournir les cartes et la table de jeu ; on aurait mieux fait d'organiser la propriété et le travail tandis qu'on les leur a livrés, sans règle et sans protection, et qu'ils jouent sur l'une et font l'usure sur l'autre.
Quant à la population indigène, c'est un fait, elle diminue, s'appauvrit et se démoralise chaque jour davantage ; mais à qui la faute ? - Elle diminue, parce que nos moeurs la blessent et la chassent (4); elle s'appauvrit, parce que nous avons augmenté considérablement la valeur de ce qu'elle consomme, et diminué infiniment le prix de ce qu'elle sait produire; enfin, elle se démoralise, parce que, étant pauvres, ceux qui ne peuvent pas fuir nos moeurs les prennent, ou en prennent ce qui peut leur procurer du pain. Ceci concerne surtout les Maures.
Pour les Juifs, c'est comme partout une race à part; elle a, en Algérie comme ailleurs, son cachet frappé à la double empreinte de l'orgueil biblique et de la bassesse du servage. En France, où elle est délivrée, depuis assez longtemps, de la servitude, et où le peuple de Dieu fait réellement partie du peuple français et reçoit le commun baptême de sang, par la conscription, cette race perd peu à peu, une partie des défauts qu'elle devait à sa position de servitude, et même de ceux qu'elle tenait de l'aveuglement de son orgueil religieux ; en même temps, elle légitime et développe puissamment les qualités qui lui sont propres elle en manifeste même dont on ne se doutait pas. La banque, et le commerce s'honorent de quelques grands noms juifs, et les arts, la musique surtout, nous font comprendre pourquoi la Bible est un si grand poème, et pourquoi ce poème abonde en psaumes et en cantiques.
En Algérie, nous n'en sommes pas encore là; les Juifs y étaient, sous les Turcs et les Maures, à peu près ce qu'ils étaient chez nous au moyen âge, sous les nobles Francs et les bourgeois Gaulois. Nous leur avons presque donné en un jour, à Alger, ce qu'ils n'ont conquis en France qu'avec des siècles ; cette révolution était un peu brusque ; elle est faite, il n'y a plus à y revenir; mais si nous devons en supporter les conséquences fâcheuses, nous devons faire beaucoup pour les prévenir ; d'ailleurs, toutes ces conséquences ne sont pas fâcheuses. On a dit, par exemple, que nous avions mal fait de traiter les Juifs et les Maures sur le pied d'égalité : ce procédé a blessé, il est vrai, les Maures ; les Juifs en ont souvent profité pour prendre des revanches d'amour-propre à l'égard de leurs anciens maîtres ; mais comme, en réalité, les Juifs ne sont pas plus éloignés que les Maures de notre civilisation, il était juste et naturel de tenir les uns et les autres à la mémé distance de nous, et, par conséquent, de les placer sur le même degré social. En définitive, le résultat est plutôt bon que mauvais ; car cette égalité civile contribuait à éloigner d'Alger ceux des Maures que, par aucun moyen, nous n'aurions pu soumettre et attacher à notre cause; en même temps, elle attachait à. nous ceux des Juifs qui souffraient le plus de la servitude musulmane, et qui doivent être les principaux initiateurs de tous les Juifs d'Algérie, et peut-être un jour de tous les Juifs d'Afrique (5).
En résumé, le caractère moral des deux populations, indigène et européenne, est celui qui existe toujours, là où il n'y a pas encore société, c'est l'égoïsme; mais tous ces éléments, égoïstes aujourd'hui, le sont-ils absolument par nature? - Non, sans doute, et les Maltais, qui sont peut-être les plus égoïstes de tous, les plus intéressés, les plus cupides, à. I'égard de ce qui n'est pas Maltais, sont très sociables et même dévoués entre eux; ils forment vraiment tribu, ils ont les vertus de ces petites sociétés c'est déjà quelque chose. J'en dirais presque autant de toutes les autres fractions de population que je viens de passer en revue, sauf cependant la population française; celle-ci ne forme pas même tribu, et c'est tout au plus si une très faible partie, au milieu d'elle, connaît et pratique le plus petit état social, celui de la famille; ce sont des individus par conséquent très individuels.
C'est qu'en effet les Juifs, les Maures, les Mahonnais et les Maltais sont relativement mieux organisés ou moins désorganisés, comme société, que ne le sont les Français; ils forment corporations, ayant légalement, ou seulement par le fait de leur condition d'étrangers, des chefs et des principes communs, qui les dirigent et les unissent. Les Français ont bien des commissaires de police, des gendarmes, des juges, des percepteurs de contributions ; mais ce n'est pas là ce qui constitue une société, ce qui la gouverne comme un seul corps, ce qui unit tous ses membres.
Considérons, au contraire, les Français militaires de l'Algérie ; ils forment corps, sont organisés, gouvernés. Je ne prétends pas que tous les militaires de l'Algérie soient parfaits de dévouement et d'abnégation ; mais je conçois l'impression qu'ils éprouvent, en voyant des hommes qui n'ont d'autre soin et d'autre pensée que de gagner de l'argent. Délivrés personnellement de ce soin et de ces pensées, par leur organisation qui assure à chacun son travail et sa ration; qui promet à tous que le blessé ou le malade sera pansé et traité, que le vieux serviteur aura une retraite, que le bon militaire aura un avancement certain, et que le brave soldat aura la gloire, ils doivent être froissés par les habitudes et la moralité de tous ces individus isolés, qu'on appelle ouvriers, négociants, industriels, qui n'ont d'autre providence qu'eux-mêmes, qui ne paient pas de leur sang, comme le soldat, leur pain quotidien, leur médecin, leur avancement, la retraite de leurs vieux jours, la nourriture et l'éducation de leur famille; mais qui doivent acheter tout cela avec de l'or, et qui amassent cuivre sur cuivre, argent sur argent, pour avoir de l'or.
1) Les exigences de la guerre incessante a laquelle les Gouverneurs généraux de l'Algérie se sont tous personnellement livrés, privent, en ce moment, l'Algérie de toute la puissance colonisatrice que possède certainement le Gouverneur général actuel, aussi habile agriculteur qu'il est bon général, mais qui doit être absorbé par les soins d'une guerre qui accablerait tout autre que lui. - En supposant que la paix fût obtenue et que le Gouverneur général pût s'occuper de la colonisation, malgré toutes les qualités que possède M. le général Bugeaud pour accomplir cette oeuvre, la colonisation se ferait mal, s'il la faisait personnellement, parce que la mission d'un gouvernant n'est pas de faire, mais de faire faire, et que les soins qu'il donnerait au point de l'Algérie où il ferait personnellement de la colonisation, lui feraient nécessairement perdre de vue les autres points et négliger même le côté militaire, comme il néglige forcément aujourd'hui le côté colonial, comme il a perdu de vue, depuis deux ans, la province de Constantine, qui a bien besoin de lui.
2) Une mesure qui ne serait pas aussi puérile qu'elle peut le paraître, serait d'attribuer un uniforme particulier aux Gouverneurs des colonies; de même que les ministres, les Pairs et les Députés ont un costume propre à ces fonctions, quelle que soit d'ailleurs leur position en dehors de ces fonctions. Les fonctions politiques, qui ont un caractère de généralité, doivent perdre le caractère extérieur de spécialité, sous peine de n'être qu'à moitié générales.
3) J'ai entendu M. le Gouverneur général exprimer, avec une verve toute militaire, son opinion sur les Maltais et les Mahonnais ; et un soir qu'il recevait une députation des rabbins juifs qui le saluaient profondément, il me dit : " Ils sont bien heureux que je ne sache pas leur langue, je leur rendrais d'une rude manière leur compliment. "
4) " Les Français ont été chassés neuf fois de l'Italie, à cause, disent les historiens, de leur insolence à l'égard des femmes et des filles." Montesquieu, (Esp. des lois, liv., ch. xi.) - Voltaire conteste la chose (Commentaires), et la nomme un préjugé populaire; mais d'où serait né ce préjugé, et pourquoi pas le préjugé contraire? - Voltaire n'aimait pas les préjugés, mais il n'a jamais su d'où venait aucune croyance.
5) On doit comprendre que, par ce mot d'initiateur, je n'entends pas désigner particulièrement les rabbins juifs. MM. de Rothschild, Aggermann, Fould, d'Eichthal, Péreire; MM. Meyerbeer, Halévy, Moschelès, Hertz, ne sont pas rabbins; Mme Pasta et Mlle Rachel ne le sont pas non plus.
A SUIVRE
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La vieille dame à la pharmacie
Envoyé Par Michèle Raphanel
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Une vieille dame, de plus de 90 ans mais fringante, rentre dans une pharmacie.
- Bonjour Monsieur, avez-vous de l'aspirine ?-
- Oui, sans aucun doute.
- Avez-vous des anti douleurs ?
- Oui, aucun problème.
- Avez vous des anti rhumatismaux ?
- C'est certain que nous en avons..
- Avez-vous du Viagra ?
- Oui, bien sûr.
- Avez-vous des pilules antirides ?
- Oui, nous en avons.
- Avez-vous du gel pour les hémorroïdes ?
- Évidemment.
- Avez-vous du bicarbonate ?
- Certainement.
- Avez-vous des médicaments pour le foie ?
- Bien sûr.
- Avez-vous des antidépresseurs ?
- Oui, sans aucun doute.
- Avez-vous des somnifères ?
- Oui, oui, nous en avons.
- Avez-vous des produits pour la mémoire ?
- Oui... quelques-uns !
- Avez-vous des béquilles ?
- Évidemment.
- Avez-vous des couches pour adultes ?
- Mais certainement.
- Avez-vous ...
- Enfin, Madame... nous sommes une pharmacie professionnelle. Nous avons tous les produits.
Quel est votre problème ?
- Je dois épouser mon Léon, 95 ans, à la fin du mois.
Nous aimerions savoir si nous pouvons laisser notre liste de mariage chez vous...
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LA LEGION ETRANGERE
Par Jean des Vallières
Envoyé par M. Bailly N°4
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Jean des Vallières est né, en 1895, d'une vieille famille parisienne, à laquelle sa grand-mère irlandaise avait infusé le goût des aventures héroïques. Son père, le général Pierre des Vallières, dont il a écrit l'histoire sous le titre d'Au Soleil de la Cavalerie, fut le plus brillant cavalier de son temps et tomba sur la ligne de feu, frappé d'une balle au cœur, le 28 mai 1918, à la tête de la 151ème D.I.
De nombreuses opérations sur les confins sahariens, avec la Légion étrangère lui ont apporté la matière des cinq ouvrages qu'il lui a consacrés et qui - des Hommes sans nom au dernier en date, dont nous publions le condensé - sont considérés par les Légionnaires comme les plus véridiques et les plus complets.
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DEUXIEME PARTIE
Cent trente ans d'aventures guerrières
Les Légionnaires ont un trait commun :
Ce ne sont jamais des médiocres
De Camerone à l'armée de la Loire
L'ordre arrive à la Légion, le 19 janvier 1863, d'embarquer pour le Mexique deux bataillons à sept compagnies - soit environ deux mille hommes - sous le commandement d'un nouveau chef, le colonel Jeanningros, qui a le double prestige d'une stature de tambour-major et d'états de services dont ses origines très modestes rehaussent le mérite. Car Napoléon III se trouve engagé dans une entreprise beaucoup plus importante qu'il n'avait prévu ; tous les Mexicains se sont solidarisés avec le chef des insurgés, Juarez, contre l'empereur autrichien que nous prétendons leur imposer.
La Légion, sitôt débarquée, écope une obscure et accablante mission : la police des lignes de communications du corps expéditionnaire à travers la région des Terres Chaudes, infestée de guérilleros véloces et d'une insalubrité plus redoutable encore. Le paludisme, le typhus, le " vomito negro ", dévastent sous un soleil torride ces marécages incandescents ; les légionnaires, qui n'ont plus que la carcasse, s'écroulent par dizaines sur la route à chaque sortie et expirent en quelques heures dans d'atroces douleurs.
Le colonel Jeanningros s'est établi avec un bataillon à Chiquihuite, un des rares villages indiens perdus dans cette immense désolation. On l'y prévient, le 29 avril au soir, qu'un gros convoi, transportant des munitions, du matériel de siège et cinq millions d'or, vient de quitter la Soledad à destination de Puebla, place forte des rebelles que nos troupes ont investie. - parcours dangereux sur lequel la Légion doit le protéger. D'accord avec son adjudant-major, le capitaine Danjon, un grand blessé de Crimée qui porte une main articulée, il décide d'envoyer un détachement à sa rencontre, pour occuper le point de passage forcé de Palo-Verde, éminemment propice aux embuscades, en raison des arroyos qu'il faut y franchir à gué.
Camerone. Plus qu'un grand combat, l'immolation de martyrs de l'honneur
C'est à la 3ème compagnie de marcher. Mais tous ses officiers, terrassés par les fièvres, sont à l'ambulance. Légionnaire depuis 1852, " belle figure intelligente, dont la douceur tempère l'énergie ", le capitaine Danjou propose alors d'en prendre le commandement et, leur absence ne devant durer qu'une journée, le sous-lieutenant Vilain, officier-payeur, et le sous-lieutenant Maudet, porte-drapeau, qui ont l'un et l'autre gagné leurs galons à Magenta, demandent de l'accompagner. Tous trois sont donc volontaires. Eux compris, l'effectif, car il y a plusieurs malades graves, est d'à peine soixante hommes - mélangés comme dans toutes les compagnies de la Légion : des Allemands, des Belges, des Espagnols, des Italiens, des Polonais et quelques Français.
La petite colonne s'ébranle le 30 avril à une heure du matin. Au petit jour, la 3ème compagnie traverse le hameau de Camerone : quelques masures croulantes autour d'une ferme à l'abandon. Puis, après une reconnaissance vers l'est, elle s'installe en halte gardée à Palo-Verde, pour y faire le café. Mais l'eau ne bout pas encore que ses sentinelles signalent des cavaliers qui manoeuvrent pour lui couper la retraite vers Chiquihuite. Danjou donne sur-le-champ l'ordre de renverser les marmites et de recharger les mulets. Il se rabat sur Camerone d'où partent des coups de feu - et soudain la cavalerie ennemie se démasque, lançant avec des hurlements trois charges successives contre les légionnaires qui ont formé le carré et dont les salves les arrêtent net. Un seul incident fâcheux les affaiblit gravement : leurs mulets, affolés par les détonations, ont échappé aux conducteurs et se sont enfuis avec leur précieux chargement (vivres et munitions).
L'hacienda de Camerone dans laquelle se livra la fameuse bataille. Maquette exécutée d'après un document d'époque.
Facilement alors Danjou pourrait profiter du flottement de ses adversaires pour s'échapper derrière les haies qui hérissent le terrain et ramener sa troupe à Paso-del-Macho. Mais toutes les forces mexicaines se retourneraient contre le convoi qui doit coûte que coûte arriver à Puebla. Le seul moyen de les retenir est d'accepter la bataille, si inégale soit-elle, et de lutter pour gagner du temps jusqu'à extinction totale. Les légionnaires sur un simple geste de leur chef l'ont compris ; baïonnette au canon, ils se ruent aux cris de " vive l'Empereur ! " vers la ferme où l'ennemi a pris position.
Camerone. 30 avril 1863. Le serment : " Mes enfants, défendez-vous jusqu'à la mort! - Mon capitaine, jusqu'à la mort, nous en faisons le serment, "
En dépit d'un feu violent, ils s'engouffrent dans les deux portes cochères de l'enceinte, nettoient le corral intérieur et se barricadent avec des madriers dans la seule chambre libre, à l'angle nord-ouest. Position précaire, d'où l'on ne peut s'opposer au franchissement du mur qu'en y perçant quelques meurtrières à coups de crosse. Mais les légionnaires, qui ont fait à leur chef le serment de ne pas céder, y tiendront dix heures, en brisant les assauts répétés de près de trois mille hommes. Les quelques rescapés, quand on leur demandera comment ils ont pu faire, auront tous la même réponse : " Nous avions juré ! "
Le coffre sur lequel repose la main artificielle en bois du capitaine Danjou, héros de la bataille de Camerone, qui fut ramassée sur le champ de bataille et pieusement conservée.
Camerone. La tombe des Français où reposent les légionnaires de la compagnie du capitaine Danjou qui se fit exterminer le 30 avril 1863.
Lecture - souvent en plusieurs langues - du récit du combat de Camerone à Sidi-Bel-Abbès. Il est des défaites aussi glorieuses que des victoires.
Dès neuf heures, les huit cents cavaliers mexicains cernent étroitement la ferme et un aide de camp du général Millan adresse une première sommation au sergent Morzicki, qui fait le guet sur le toit, en promettant à ses défenseurs la vie sauve, s'ils déposent les armes. A l'unanimité, ils refusent et renouvellent devant le cadavre du capitaine Danjou, qu'une balle vient de frapper mortellement, leur serment de mourir en combattant.
Le sous-lieutenant Vilain prend le commandement et un instant on s'imagine, en entendant une lointaine sonnerie, que la compagnie Saussier accourt à la rescousse. Faux espoir : ce sont, au contraire, des renforts appelés par le général Millan pour en finir avec cette poignée de forcenés dont sa cavalerie ne peut avoir raison. Un nouveau parlementaire se présente ; mais, cette fois, le sergent Morzicki n'en réfère même pas à ses chefs et sa brève riposte claque, aussi cinglante qu'à Waterloo.
L'encerclement se rétrécit encore. Les assaillants défoncent à coups de pioche les murs et le plafond du réduit où combattent les légionnaires et les massacrent à bout portant.
La résistance continuant, ils entassent des bottes de paille et des fagots dans les couloirs ; puis ils y mettent le feu, ainsi qu'aux deux hangars voisins. La chaleur devient intolérable dans une épaisse fumée qui, mêlée à celle de la poudre, asphyxie les légionnaires. Ils n'ont rien à manger, rien à boire. L'écume aux lèvres, la langue tuméfiée, ils halètent parmi les blessés qui râlent en lapant, avant de mourir, leur sang ou leur urine.
A deux heures, le sous-lieutenant Vilain est tué. Son camarade Maudet le remplace avec la même énergie du désespoir, bien qu'il n'ait plus que douze hommes. Une accalmie survenant, ceux-ci croient déjà que l'ennemi se décourage. Il n'en est rien. Le général Millan n'a momentanément retiré ses troupes que pour leur faire honte de leur échec. On entend sa harangue, que le légionnaire espagnol Bertolotto traduit à ses camarades, et, tambours battants, les trois bataillons mexicains repartent à l'assaut.
Une décharge encore les ralentit - la dernière, car les quatre légionnaires encore valides qui restent au sous-lieutenant Maudat, ont vainement retourné les poches des blessés et des morts : ils n'ont plus de cartouches. Mais leur résolution ne fléchit pas. Ils remettent baïonnette au canon et bondissent hors de leur abri pour défoncer l'ennemi. Devant le sous-lieutenant Maudet, le légionnaire Catteau, qui lui fait un rempart de son corps, tombe frappé de dix-neuf balles et l'officier en reçoit deux dans le ventre. Seul, le prussien Wenzel, qui a l'épaule fracturée, se débat encore comme un dément dans un cercle de baïonnettes ; le colonel mexicain Combas s'interpose pour lui sauver la vie.
Plus de cinq cents cadavres mexicains jonchent les abords de la ferme - et, si la 3ème compagnie n'existe plus, du moins a-t-elle rempli sa mission : le convoi, pendant cette héroïque hécatombe, a passé sans essuyer un coup de feu.
Les grenadiers du capitaine Saussier qui arrivent le lendemain matin à Camerone n'y trouvent qu'un seul survivant : le tambour Laï, percé de sept coups de lance et laissé pour mort dans le charnier.
- Ce ne sont pas des hommes, ce sont des démons ! s'est écrié le général mexicain Millan, devant les vingt-deux blessés qui gisaient sous ses yeux.
Cet exploit, toutefois, ne libère pas la Légion de son ingrate mission de surveillance dans la géhenne des Terres Chaudes. Les renforts qu'elle ne cesse de recevoir d'Algérie y fondent à un rythme alarmant. Le colonel Jeanningros, qui réclame désespérément sa relève et son envoi, pour se refaire, sur les hauts plateaux, n'obtient satisfaction qu'en février 1864. Ses bataillons en haute montagne continuent à y faire du bon travail, mais à un prix très élevé.
La Légion, mal ravitaillée, mal habillée, souffre terriblement dans cet énorme pays où alternativement des froids rigoureux et des températures tropicales l'accablent. A coup sûr eût-il été comme l'Espagne son tombeau, si Napoléon III avait donné suite à son projet de la laisser pour dix ans à l'empereur Maximilien. Cette funeste campagne, quand nous nous retirons du Mexique, l'a appauvrie déjà de 31 officiers et de 1 917 légionnaires.
Elle en est à peine remise, quand éclate la guerre de 1870. Obligée de remplacer en Algérie les unités dirigées vers la France, elle forme cependant deux bataillons de marche qui arrivent à Bourges le 13 octobre. De son côté, l'impératrice Eugénie, répondant au désir de nombreux étrangers volontaires pour s'engager dans l'armée française, lève un 5ème bataillon de Légion, à six compagnies, sous les ordres du commandant Arago - magnifique officier qui, après l'avoir instruit et équipé, tombe en défendant les faubourgs d'Orléans. Coincé entre les Bavarois et les Prussiens, le bataillon refuse de se rendre. Le sous-lieutenant Karageorgewitch, futur roi de Serbie, ne parvient à franchir les lignes ennemies que sous un déguisement de meunier.
Le 7 janvier 1871, le régiment, transporté par voie ferrée à l'armée de l'Est, débarque à Montbéliard par un froid noir. Les vivres manquent, de nombreuses recrues ont les pieds gelés. Jeunes et vieux légionnaires, cependant, s'élancent, clairons en tête, sous une grêle de balles, le 14 janvier, à l'assaut des hauteurs de Sainte-Suzanne et y taillent l'ennemi en pièces : " La Légion, dit le général Peytavin, vient de faire le travail d'une division entière. " Elle a mis Besançon en état de défense, quand cessent les hostilités.
La Légion en Extrême-Orient
Provisoirement perdante en Europe, la France a détourné ses yeux de la crête bleue des Vosges pour chercher sur d'autres continents l'emploi de son énergie et de son esprit d'entreprise. Telles sont ses ressources profondes qu'en moins de cinquante ans elle va s'adjuger le second empire colonial du monde : rétablissement d'autant plus remarquable que les grands soldats qui font ainsi éclater ses frontières ne sont que faiblement soutenus souvent par la nation.
Les régiments métropolitains, d'ailleurs, - l'expérience ayant prouvé qu'ils supportent mal les climats d'outre-mer - ne participent qu'exceptionnellement à ces expéditions lointaines. Elles exigent des troupes entraînées aux températures violentes des pays exotiques et c'est l'armée d'Afrique qui les fournira ; c'est d'Algérie que l'infanterie de marine, les zouaves, les tirailleurs et, à la pointe du combat toujours, la Légion Etrangère sont partis à la conquête de nouvelles terres françaises.
Quatre bataillons vont successivement embarquer pour le "Tonkin, dont leur entregent et leur persévérance feront un des fiefs de la Légion ; elle y demeurera jusqu'à la récente débâcle l'expression la plus vivante de la mère-patrie et sa force le plus solidement enracinée.
Depuis 1858, la France est présente en Cochinchine et le Cambodge a reconnu sa suzeraineté. Deux marins aventureux, le lieutenant de vaisseau Francis Garnier et le commandant Rivière, l'un et l'autre victimes de leur témérité, ont planté le drapeau tricolore au Tonkin. Mais notre protectorat n'y est que virtuel, le pays restant pratiquement occupé par la Chine, dont les guerriers, les Pavillons noirs, le rançonnent et le pillent au mépris de tout droit.
Leur chef, Lung-Vinh-Phuoc, refusant de l'évacuer, une expédition punitive débarque en novembre 1883 à Itaïphong et l'amiral Courbet, qui la commande, décide de refouler les envahisseurs hors du delta, en leur enlevant les deux places fortes de Sontay sur le Fleuve Rouge et de Bac-Minh sur le Song-Cau. Sept canonnières françaises et de nombreuses jonques, transportant une partie des troupes, remontent le fleuve, tandis que le gros suit la route Mandarine. La chaleur est torride. A l'aile marchante, les légionnaires suffoquent sous leurs épais vêtements de drap ; ils adopteront bientôt la tenue plus légère des indigènes. Les ouvrages avancés tombent, cependant, et une digue qu'ils ont emportée les conduit jusqu'aux abords de la forteresse de Sontay
Grands remueurs de terre, les Chinois l'ont embastionnée dans deux enceintes de cinq mètres de haut, qui trempent dans des fossés pleins d'eau. A ces défenses s'ajoutent d'épaisses haies de bambou que l'artillerie ne peut détruire. Indubitablement ne peut-on pénétrer dans la place qu'en défonçant ses issues. L'amiral Courbet se résigne à cette solution coûteuse. Le 16 décembre, à cinq heures du soir, les clairons des fusiliers-marins et de la Légion sonnent la charge. Mais les légionnaires, dont les patrouilles ont rampé jusqu'à quelques mètres de la porte nord-ouest, la trouvent encore murée par d'énormes palissades. Au prix d'efforts inouïs, sous un tir roulant qui leur fauche quatre officiers, ils y pratiquent une brèche et l'un d'eux, bondissant sur la plate-forme, y hisse les trois couleurs à la place du pavillon chinois. Par ce premier fait d'armes, le légionnaire Minnaert, sur le champ décoré de la Médaille militaire, entre dans la légende.
Pendant toute une nuit, des combats de rues draguent la ville où les Chinois ont abandonné plus de mille cadavres et un matériel de guerre considérable. La population annamite y acclame l'amiral Courbet, qui, sa mission étant désormais de traquer le Céleste Empire sur les mers, passe au général Millot le commandement des opérations terrestres contre les Pavillons noirs. Comme il était prévu, la citadelle de Bac-Ninh sera son premier objectif. Deux colonnes doivent l'attaquer simultanément : au sud, la brigade Brière de l'Isle venant de Hanoï ; par le nord-ouest, la brigade de Négrier, qui a reçu un second bataillon de Légion et progresse rapidement le long du Song-Cau.
Ici se place le mot fameux du général de Négrier : " Vous, Légionnaires, vous êtes soldats pour mourir ; je vous envoie où l'on meurt. " Et, toujours à l'avant-garde, les légionnaires, après avoir détruit le barrage établi par les Chinois pour inonder les voies d'accès, s'emparent de la ceinture nord des forts, dont les garnisons refluent vers la ville. " Il faut la prendre ce soir ! A la Légion, l'honneur d'entrer la première à Bac-Ninh ! " répète le général de Négrier. Ordre sur l'heure exécuté. Poursuivant les fuyards, la Légion se jette avec eux dans la place, au mépris des seize bataillons et des nombreuses bouches à feu qui la défendent. Le lieutenant Maquard, le sergent Christophel et Minnaert, de nouveau, plantent nos fanions sur le rempart. Dix drapeaux et cent canons restent entre nos mains - défaite si cuisante pour l'ennemi que l'empereur de Chine fera décapiter les généraux responsables sur le front des troupes : tous, au moment de l'attaque, étaient abrutis par l'opium dans les harems où ils séquestraient les neuf dixième des femmes annamites.
Le général de Négrier s'élance avec ses bataillons de Légion aux trousses des débris de leur armée sur la route ouverte de Langson. Mais le général Millot, dont le plan est d'exploiter d'abord le succès de Sontay, les rappelle sur le Fleuve Rouge et ils entrent presque sans coup férir à Hung-Hoa. Le 2ème Bataillon Etranger s'y organise, tandis que le 1er remonte avec d'autres forces la Rivière Claire sous des pluies torrentielles, traînant à bras souvent les canons qu'une boue gluante enlise, ouvrant au coupe-coupe la piste dans une brousse ruisselante, passant à gué, faute de ponts, tous les arroyos en crue. Avec l'appui d'une flottille fluviale, le camp retranché de Tuyen-Quang, but de l'expédition, est finalement atteint. La colonne s'y installe sous les ordres du commandant Dominé.
Sa position, au fond d'une cuvette, est aussi défavorable à la défense que le sera celle de Dien-Bien-Phu. Accolé à la rivière, c'est un très ancien ouvrage, dont les murailles de briques rouges, doublées par un talus de terre, forment un carré de trois cents mètres de côté. De toutes parts, des collines boisées le dominent ; elles développent même jusqu'à l'escarpe un éperon surmonté d'une pagode. Aux insolations enfin, très redoutables dans ce bas-fond, s'ajoutent la dysenterie et le paludisme qui dissolvent rapidement la garnison.
Pendant quelques jours, elle se fortifie, fouissant près de deux kilomètres de tranchées et de cheminements, avec pare-balles et banquettes de tir. Mais, dès le 23 janvier, toutes les hauteurs environnantes grouillent d'ennemis, qui y creusent aussi des retranchements. Ce sont les avant-gardes d'une nouvelle armée que Lung-Vinh-Phuoc a levée dans le Yunnan : excellentes troupes, bien encadrées et maniant avec adresse un armement très moderne de fusils anglais et de canons Krupp. Les Chinois, d'autre part, ont obstrué la rivière en y coulant des sampangs et le ravitaillement n'arrive plus à Tuyen-Quang ; sur 396 légionnaires, 191 déjà, blessés ou malades, sont hors de combat.
Le 29 janvier, la place est complètement investie. On n'y peut plus circuler que dans les boyaux, à cause des tirs plongeants qui la criblent nuit et jour. Plus de vingt mille Pavillons noirs progressent autour d'elle, en l'enserrant dans une nasse de tranchées de plus en plus rapprochées et les flammes multicolores qui les piquettent viennent presque lécher ses murs. Les sapeurs du sergent Bobillot doivent évacuer le blockhaus qu'ils avaient construit sur l'éperon de la pagode et quiconque passe la tête au-dessus du parapet court un danger mortel. Les marins de la Mitrailleuse épuisent leurs munitions contre les éléments qui se coulent le long de la rivière.
Tous les assauts, cependant, sont repoussés. Lung-Vinh-Phuoc, qui a fait instruire des sections spéciales d'artificiers, entreprend alors des travaux de sape pour faire sauter les murailles, et une guerre souterraine, où les Chinois sont passés maîtres, s'engage, le sergent Bobillot y répliquant en forant des contre-mines ou en inondant les galeries de l'ennemi.
Deux explosions, dans la nuit du 12 au 13 février, ouvrent une large échancrure que les légionnaires colmatent après avoir refoulé à la baïonnette une avalanche d'assaillants. A la stupeur de ceux-ci, le caporal Beulin bondit dans leur fossé pour leur reprendre le corps d'un de ses hommes que la déflagration y a projeté. Il n'y aura plus de nuits, dès lors, sans que des chapelets de mines n'explosent, déclenchant chaque fois la même ruée hurlante des Pavillons noirs. Le 21 février, soixante mètres de remparts sautent ; le capitaine Moulinay et douze légionnaires se font tuer en brisant l'attaque. Le 23, les Chinois échouent de nouveau ; le capitaine Cattelin, adjudant-major, leur prend deux drapeaux.
Mais une inépuisable réserve d'hommes alimente leurs assauts, tandis que les morts, chez nous, s'accumulent dans l'abri qui sert à la fois d'infirmerie et de morgue, car les bombardements continuels ne laissent même pas le temps de les enterrer. Le capitaine Dia a été tué, tué le sergent Bobinot, intrépide figure de gamin de Paris. Il ne reste que cent quatre-vingts fusils pour défendre douze cents mètres de murailles en partie démantelées. Le 25 au soir, l'aumônier de la garnison note qu'elle compte cinquante-neuf combattants de moins que le matin.
Cette situation dramatique, cependant, n'ébranle ni le commandant Dominé, ni la troupe qui se modèle sur ce chef impavide. Des volées de mitraille répondent aux gradés ennemis qui, de leurs trous, interpellent les Français en leur annonçant qu'ils n'échapperont pas à l'écrasement. Chacun sait, d'ailleurs, que les Chinois font périr leurs prisonniers dans d'atroces supplices et un réduit bourré d'explosifs a été aménagé, où les derniers défenseurs ont résolu de se faire sauter, quand ils auront brûlé toutes leurs cartouches.
Ce moment semble proche le 28 février. Lung-Vinh-Phuoc a ordonné un assaut général. Les Pavillons noirs, escaladant un saillant écroulé, y piquent trois drapeaux. Mais la Légion les arrache. Pendant neuf heures, elle combat au corps à corps et fait un tel massacre de Chinois que, dans un seul boyau, soixante cadavres s'entassent, tous marqués au front par la croix rouge des volontaires de Yunnan.
Une récidive serait à coup sûr fatale et l'ouragan d'obus de tous calibres qui s'abat sur les ruines du poste, le 2 mars, laisse prévoir le pire. Mais un autre grondement retentit tout à coup dans le lointain. Une fusée signale la colonne libératrice et la panique s'empare des Chinois qui lèvent précipitamment le siège. A la tête d'un petit détachement, le capitaine de Borelli va reconnaître leurs positions et un traînard embusqué au créneau d'une casemate l'abattrait, si le légionnaire Thiebald Streibler ne se jetait, en le bousculant, devant son chef. La balle à ce dernier destinée le tue raide. Mais son geste ne sera pas oublié : c'est à Thiebald Streibler que le capitaine de Borelli a dédié l'ode pathétique où il s'entretient avec ses morts de Tuyven-Quang, cri déchirant de l'amour d'un officier pour ses soldats.
C'est alors que l'amiral Courbet, pour intimider la Chine, bloque Formose et envoie la Légion à Kélung. Pékin s'engage, par le traité de Tien-Thsing, à évacuer le Tonkin et à nous y laisser les mains libres.
Mais la lutte n'est pas terminée. Les Pavillons noirs licenciés se regroupent en bandes de pirates qui mettent le pays à feu et à sang. Pendant des années, il faudra leur donner la chasse à travers la jungle, les rizières et les calcaires des montagnes, où elles disparaissent et reparaissent sans cesse. En butte à un ennemi cruel, fanatique et très fluide, qui se bat avec des armes européennes, semant partout la mort, les légionnaires mènent de pair, et avec leur flegme habituel, le nettoyage du pays et son organisation. Empruntant une physionomie particulière aux mœurs et aux vêtements du pays, leurs silhouettes font désormais partie du paysage tonkinois. Autorisés à se marier, beaucoup de ces vieux soldats y fondent des foyers et la congaï fine et diligente, qui leur prépare le poulet au riz, les enfants qu'elle leur donne, contribuent à les attacher à ce peuple annamite qui, peu à peu, se christianise et, depuis la défaite du chef pirate le Dé-Tham en 1908, semble assuré, sous leur garde, d'une paix définitive
Aux avant-postes de l'Empire
Il n'est pas une région, en Afrique, où le commandement ne fasse automatiquement appel à la Légion dès qu'un péril grave y menace nos garnisons, en général insuffisantes.
En 1892, les abords de nos comptoirs du Bénin et de Porto-Novo sont à maintes reprises ravagés et incendiés par Béhanzin, maître de l'immense royaume noir du Dahomey, à qui des forbans européens ont livré quelque quinze mille fusils à tir rapide. Ce potentat, hors d'atteinte au fond de la brousse tropicale dans sa capitale d'Abomey, s'y exhibe sur un trône fait de crânes humains. Il y est défendu par une garde tristement fameuse de deux mille guerrières qui ne se nourrissent que de viande crue - et de préférence de chair humaine - avec la douce habitude, par surcroît, d'émasculer elles-mêmes les prisonniers pour se barbouiller le visage de sang avant de partir au combat.
Débordé par des coups de force de plus en plus audacieux, le colonel Dodds, qui commande à Cotonou, avertit son ministre qu'il va être contraint d'évacuer, si on ne lui donne pas les moyens d'anéantir dans son repaire le tyran d'Abomey. Le gouvernement, qui craint une réaction de l'opinion publique, ne lui accorde peureusement que quatre mille hommes, dont un bataillon de huit cents légionnaires. La colonne s'enfonce dans la savane, aux prises avec une nature impitoyable et des tireurs enfouis dans les taillis et qui s'escamotent aussitôt.
Son effectif n'est plus que de dix-sept cents hommes, lorsqu'elle s'enfonce, la quatrième semaine, dans une zone plus néfaste encore, où l'eau manque. On ne peut plus faire le café, ni désaltérer les blessés, et le canon doit se mettre de la partie pour réduire les défenses avancées de Kana, la ville sainte du Dahomey. Béhanzin y a ouvert les portes des prisons pour grossir ses troupes qui, enivrées de genièvre, se battent farouchement. Les légionnaires perdent cinq officiers ; mais leur percée atteint les faubourgs, où les sanguinaires amazones, à bout de carnage, se débandent.
Au loin, un énorme incendie enfume la brousse. Avant de s'enfuir, Béhanzin a brûlé Abomey, qui, à notre arrivée, n'est plus que cendres fumantes. Il ne se rendra que cinq mois plus tard, en haute montagne, à une patrouille de légionnaires, commandée par le lieutenant Martin.
Pour pacifier le Soudan, les légionnaires parcourent 950 kilomètres dans un pays où aucun blanc encore n'avait pénétré. Nourris d'un biscuit seulement par jour et de quelques patates, ils ont franchi quatorze grandes rivières, plus de trois cents marigots et livré seize combats.
En 1894, une expédition punitive les lance contre les touaregs de Tombouctou qui ont massacré la colonne Bonnier. En Guinée, une compagnie du 1er Etranger refoule les Foulakonies qui ont franchi en grand nombre la frontière du Founta. En 1895, les légionnaires se retrouvent à Madagascar, où la reine Ranavalomanjaka III a remis notre protectorat en cause. Ils construisent une route stratégique, bousculent les Hovas tantôt dans d'épaisses forêts, tantôt à travers des marais, grouillants de caïmans. Ils pénètrent enfin dans Tananarive où, pour les récompenser de leurs exploits, on les installe dans le palais de la reine.
Mais la Légion n'en a pas fini avec Madagascar, car le général Gallieni, qui a fait ses preuves en Indochine, doit y mâter bientôt une nouvelle révolte.
La partie sud de l'île est placée sous le commandement du colonel Lyautey, qui applique avec patience des méthodes qu'il a expérimentées déjà au Tonkin : implantation progressive de postes pour protéger les tribus qui se sont ralliées et si possible les enrôler ; rayonnement aux alentours de reconnaissances et de patrouilles ; pistes fichées en pays hostile par des détachements autonomes et constamment en mouvement ; amélioration immédiate du sol, pour en augmenter le rendement. Et Lyautey de noter dans son journal :
" Cette pacification n'a pas de meilleurs artisans que les légionnaires, pétrissant de leurs mains créatrices des terres en friche pour les transformer en rizières, des vallées endormies pour en faire des artères de vie... Ils apportent à l'exécution de ces travaux l'intelligence des choses coloniales et l'ardeur qui les caractérisent. "
Des ports fluviaux, des comptoirs agricoles, changent l'aspect du pays. Quinze forts le dominent, qui portent tous les noms d'officiers tués - fort Flayelle, fort Delavau, fort Montagnole, fort Pierrebourg - et innombrables sont les petits postes perdus dans le maquis, ravitaillés une fois par mois seulement, où un caporal de la Légion, voire un simple légionnaire, commande quelques tirailleurs malgaches.
En 1901, le bataillon de Diégo-Suarez mène à bien un travail formidable : la route de la forêt d'Ambre, où les indigènes eux-mêmes n'avaient jamais pu s'insinuer.
Comme partout les légionnaires, sociables et généreux, sympathisent avec la population. " Là où ils ont passé, dit Gallieni, il ne reste rien à retoucher. "
Les confins sahariens et la campagne du Maroc
En Algérie, la nécessité de désarmer les tribus de l'extrême sud devient de plus en plus pressante. Les oasis voisines du Tafilalet regorgent de pillards et la question marocaine s'y pose d'une façon très aiguë - comme tout le long, d'ailleurs, de la frontière assez imprécise qui sépare la province d'Oran de l'empire chérifien. Bien qu'il soit aux portes de l'Europe, cet empire présente, au début du XXème siècle, la singularité de n'avoir jamais été reconnu. L'autorité du sultan y est purement nominale. Plus puissants que lui, ses grands vassaux s'y ébrouent dans une totale anarchie et les agitateurs ont la partie belle, dont les harkas nous débordent par le sud, à l'abri des dunes et des brisants du désert.
Trop lourdes et trop rigides, les méthodes classiques de la guerre sont inefficaces dans ces vastes étendues encore en blanc sur les cartes et ponctuées seulement par de très vagues repères. " Ici, disait le colonel Négrier, nous nous battons à coups de kilomètres. Il s'agit de marcher. " On a multiplié, en conséquence, les compagnies montées de la Légion qui, avec une autonomie de dix à quinze jours de vivres et de munitions, peuvent abattre cent cinquante kilomètres entre le lever et le coucher du soleil. Pendant un demi-siècle, ces unités très mobiles, conduites par des chefs jeunes et hardis, vont poursuivre à travers le chaos, plein d'embûches, des confins une ronde infernale pour dépister et gagner de vitesse les bandes qui s'y évanouissaient auparavant, comme des ombres, à notre approche.
De 1900 à 1903, de nombreux accrochages opposent nos avant-postes aux tribus marocaines. Le gouvernement désigne alors le colonel Lyautey, qui était en demi-disgrâce à Alençon, pour prendre le commandement du territoire d'Aïn-Sefra et y mettre fin aux agressions. Mais des difficultés internationales surgissent aussitôt du fait de l'Allemagne et de l'Angleterre qui s'opposent à toute violation des incertaines frontières chérifiennes. Presque avons-nous dû cacher, déjà, que notre drapeau flotte à In-Salah, et Lyautey, promu général dès son arrivée, en est réduit à ruser pour exercer d'énergiques représailles malgré la timidité des ordres reçus. L'occupation des ksars marocains de Béchar et de Ras-el-Ain lui étant interdite, il se porte plus avant, sur les lieux dits Colomb et Berguent qu'on ne peut - et pour cause - situer sur la carte, car ils n'existent qu'à partir du jour où les bataillons étrangers donnent ces noms à deux postes en toute hâte bâtis et non moins vite reliés par des pistes à l'arrière. A l'imitation des Pharaons, les légionnaires, qui ont élevé en pierres de taille la porte monumentale du Bordj de Colomb-Béchar, scellent dans la muraille un cahier d'écolier revêtu de leurs signatures.
Dès 1904, trois solides points d'appui - Berguent, Forthassa et Colomb-Béchar - servent de base aux opérations qui, dans l'esprit du général Lyautey, ne sont qu'un prélude à l'inévitable conquête du Maroc, foyer d'insurrection dont nous ne pouvons tolérer qu'il foisonne, comme un brûlot, dans le flanc de l'Algérie.
En 1907, la situation se dégrade si gravement au Maroc que le gouvernement français se voit dans l'obligation d'intervenir, pour suppléer à l'impuissance du pouvoir central contre un désordre dont les tribus frontalières profitent pour nous envahir à tout bout de champ. D'un bond, le général Lyautey, qui n'attendait que ça, occupe Oujda et tend, devant les Beni-Snassen, le barrage de ses compagnies montées. Il ne peut pousser plus avant, dans une région difficile à pénétrer, car on lui a enlevé beaucoup de troupes pour constituer le corps de débarquement de Casablanca et parce qu'une réaction très violente, dans le sud, y met nos postes en péril.
Le Tafilalet est en ébullition. Le derkaoui Moulay-Lhassen y a dévalé des contreforts de l'Atlas avec trente mille guerriers, qu'il lance sur nos troupes, avant de battre en retraite.
Rattrapant les Marocains sur le Haut-Guir, la colonne du colonel Pierron les anéantit à Bou-Denib. De tels monceaux de cadavres pourrissent dans la ville que force est de bâtir le camp à une certaine distance. On l'entoure de solides défenses, complétées par un blockhaus au sommet du gara qui domine la palmeraie, car la vallée qu'il doit verrouiller est cernée de montagnes hostiles, et d'invétérés pillards écument encore la hamada environnante.
Bientôt des milliers de Marocains assiègent le camp de Bou-Denib. Les légionnaires les repoussent à la grenade. Le fortin résiste ainsi deux mois jusqu'à l'arrivée de la colonne de secours.
Tout le 1re Etranger se bat dans le Maroc oriental, tandis qu'un régiment de marche du 2ème Etranger, débarqué à Casablanca, occupe Ber-Rechid, Settat et Médiouna, et livre, pour élargir ce second front, les combats de l'Oued-Fekkat et de Sidi-Yebli.
En 1911, le sultan Moulay-Hafid, prisonnier dans Fez de ses tribus révoltées, appelle les Français à son secours. La colonne Moinier débloque la ville où un bataillon de légionnaires entre le premier, après avoir durement combattu pendant les étapes d'approche.
En 1912, le traité de Protectorat est signé. Mais la révolte des Tabors à Fez et le massacre des Européens déclenchent un soulèvement de toutes les tribus berbères. Rappelé de Rennes et nommé résident-général, le général Lyautey prend le commandement en pleine insurrection. Il dégage la capitale assiégée et rétablit la situation dans tout le pays.
1914. Les légionnaires originaires des empires centraux demeurent, pendant la guerre, à la garde de nos territoires d'outre-mer où ils répriment les révoltes et poursuivent d'énormes travaux d'aménagement. La conscience déchirée souvent, ils choisissent unanimement de respecter le contrat passé avec la France, et le maréchal Lyautey, évoquant ces heures décisives, a pu dire : " La légion fut, dans tout mon commandement, ma troupe, ma plus chère troupe ; de 1914 à 1918, elle a constitué ma première force, ma suprême réserve. "
La grande guerre
Dès les premiers jours d'août 1914, des centaines d'étrangers résidant en France ou qui y accourent des pays amis demandent à combattre dans son armée. Au Palais-Royal, l'ancien drapeau du royaume de Bohême flotte au balcon d'un bureau de recrutement improvisé par les Tchèques. Les paquebots débarquent, avec Georges Casmèze, de nombreux Américains qui ont répondu à son appel dans le New York Herald. Tous rejoignent quatre régiments de volontaires étrangers. La vie au front, par la suite, et les premiers combats de l'hiver fondront ces éléments disparates en une nouvelle Légion, digne du grand passé dont elle est héritière. On l'incorpore à la Division Marocaine.
Le 2ème de marche du 1erEtranger commence sa mémorable carrière en Artois pendant les opérations de mai et juin 1915. La Division Marocaine y a été donnée au général Pétain, commandant le 33ème corps, pour conquérir la crête de Vimy. Départ très dur, car ni les fils de fer, ni les blockhaus ennemis, ne sont détruits, lorsque le régiment franchit les parapets. C'est sous les feux croisés des mitrailleuses de Neuville-Saint-Waast, de la Folie et de Souchez qu'il atteint, en enfonçant la seconde ligne allemande, ses objectifs de la cote 140 et les Ouvrages blancs. Le colonel Pein et ses trois chefs de bataillon ont été tués. A la fin de l'attaque, un simple caporal commande une compagnie et l'abbé Gas, aumônier de la Légion, qui absout de tous côtés les mourants, feint de ne pas voir derrière lui l'affreux carnage qui se poursuit au couteau et à la grenade dans les abris allemands. Mais les réserves ne suivent pas. Désespérément, les légionnaires se cramponnent pendant vingt-quatre heures, dans l'attente d'un renfort, à leurs positions en flèche sur lesquelles toute l'artillerie lourde concentre ses tirs.
Le 16 juin, les deux petits bataillons que le commandant Collet en a ramenés réattaquent à Givenchy et au Cabaret Rouge, décrochant du même coup leur première citation à l'ordre de l'armée. 71 officiers et 2.513 légionnaires l'ont payée de leur vie. Retiré du front, le régiment se refait à Montbéliard en absorbant les débris du 3ème de marche.
Il remonte en ligne en septembre, pour l'offensive de Champagne, avec son frère d'armes, le 2ème du 2ème Etranger. De nouveau l'artillerie a mal préparé l'attaque : ils se heurtent devant la ferme Navarin et la butte de Souain à des défenses intactes, dont les casemates cassent dix assauts successifs. Baïonnette au canon, les légionnaires obligent les unités qui refluent à repartir avec eux à la charge. Le caporal Bouilloux, dressé au milieu des balles, sonne le Boudin. Un éclat d'obus arrache le bras du légionnaire suisse Sauter - en littérature Blaise Cendrars. Onze officiers, dont les commandants Declève et Bure], sont tués. Les escouades ne progressent, à travers les barbelés, que par bonds de quelques mètres - jusqu'à ce que la butte de Souain, tournée, tombe avec une partie des secondes lignes allemandes.
Les deux régiments sont cités, mais au prix d'une telle boucherie de légionnaires qu'on ne peut, avec les survivants, en reconstituer qu'un seul. II prend le nom de Régiment de Marche de la Légion Etrangère (lieutenant-colonel Cot) et déjà la place de gagnant lui revient, avec trois citations à la cravate de son drapeau, dans une course à la gloire qu'il va sans relâche disputer.
De retour sur le front pour la bataille de la Somme, il est chargé le 4 juillet de s'emparer de Belloy-en-Santerre. Un glacis de huit cents mètres l'en sépare, sans un arbre, sans un couvert, et dans un terrain qu'une pluie battante, a détrempé. Les mitrailleuses y fauchent un premier bataillon avec tous ses officiers. Mais, entraînés par leurs clairons rageurs, de nouvelles vagues rampent dans la boue, à travers les trous d'obus pleins de blessés. Qui lève la tête, une balle aussitôt le frappe.
Les veux brillants, poignard au poing, des groupes qui n'ont plus ni officiers, ni sous-officiers s'infiltrent dans les jardins et les ruelles du village - et une immense clameur :
Vive la Légion! domine soudain le vacarme du bombardement. Ce sont les blessés qui, d'un bout à l'autre du champ de bataille, acclament leurs camarades victorieux.
La lutte continue dans le village où les légionnaires ont déjà raflé 750 prisonniers. Le père Gas multiplie les signes de croix sur les abris où les équipes de nettoyeurs s'engouffrent avec leurs musettes pleines de grenades. Les dernières maisons sont enlevées par l'élégant lieutenant Nazare-Aga, le plus Parisien des Persans, fils de l'ambassadeur du Shah auprès de la République française.
Au colonel Duriez, mortellement blessé en 1917 en Champagne pendant l'offensive Nivelle, succède alors un jeune colonel de quarante-deux ans, le colonel Rollet, titulaire de tant de hauts faits, déjà, que ses hommes l'ont surnommé le premier légionnaire de France Il débute par un coup d'éclat, le 20 août 1917, à Verdun. La Division Marocaine y a pour mission de dégager la rive gauche de la Meuse. A elle seule, la Légion doit reprendre les Ouvrages blancs, les bois de Lumières et le boyau de Forges - opération si lourde que deux temps sont prévus, d'autres troupes devant, après le premier, relever les légionnaires.
A Verdun, en 1917, le drapeau du Régiment de marche de la Légion Etrangère est déjà le plus décoré de l'Armée Française. Autour du Colonel Rollet, qui le présente, I'adjudant-chef Mader, les caporaux Aroras, Dièta et Léva, tous quatre chevaliers de la Légion d'Honneur.
Mais ils foncent dans notre propre barrage avant même que l'artillerie ne l'allonge. A dix heures du matin, les positions qu'ils ne devaient atteindre que le soir sont enlevées et le colonel Rollet ne laisse pas à l'ennemi le temps de se ressaisir. Sans attendre les ordres, il découple ses compagnies à l'assaut du col de l'Oie et de la cote 365, où les caporaux Gélas et Thirion coiffent deux pièces de 77, après en avoir égorgé tous les servants. Maîtresse de Forges et de Régnéville le lendemain matin, la Légion y a entassé des prises de guerre considérables : 680 prisonniers dont 20 officiers, 15 canons de 105 et de 380 et une telle quantité de mitrailleuses qu'il serait trop long de les compter. Blessé au bras et à la jambe, le colonel Rollet n'a pas quitté son commandement. " On avait fixé à la Légion des objectifs trop rapprochés, déclare-t-il ; elle s'en est assigné d'autres. "
Quelques jours plus tard, encadré par l'adjudant-chef Mader, les caporaux Arocas, Diéta et Léva, tous quatre faits chevaliers de la Légion d'honneur, il présente le drapeau au général Pétain - qui accroche à sa hampe la fourragère rouge, spécialement créée à son intention. Le régiment continue ainsi à accumuler les citations jusqu'à ce que le clairon du 11 novembre sonne le " Cessez-le-feu! "
Des sanglots de joie l'accueillent dans Château-Salins pavoisée. Sur la grand-place, le colonel Rollet donne à baiser à la foule l'étamine sainte du drapeau auquel un décret, faisant suite à sa neuvième citation, a conféré en ces termes la Médaille militaire : " Héroïque régiment que son amour pour la France et sa bravoure légendaire ont placé au premier rang...
Et le vieux rêve des légionnaires alsaciens-lorrains de 1871 se réalise : leurs cadets prennent la garde du Rhin en territoire allemand, à Hornbach et à Frankenthal... Mais ils ne sont plus qu'un régiment fantôme, que quelques centaines d'hommes sur les 42 883 volontaires étrangers qui, pendant cinquante-deux mois, se sont succédé dans ses rangs.
Présente aussi dans les Balkans et aux Dardanelles, la Légion y a retrouvé les traces de ses aînés de 1854
Sur les traces des Croisés
Après-guerre le 1er Etranger de cavalerie est créé à Saïda avec des éléments triés sur le volet, provenant des cavaleries étrangères et, en grande majorité, des divisions cosaques de Wrangel et de Denikine. Rien que des combattants rompus par de longues années de campagne à leur métier de cavaliers et encadrés par une élite d'officiers français et russes - ces derniers souvent ayant porté de très hauts grades.
Comme les régiments à pied, le 1er Etranger de cavalerie se réclame d'une longue filiation qui, en remontant les siècles, va des escadrons du Mexique et d'Espagne aux lanciers polonais du premier Empire et aux volontaires saxons qui servirent Louis XVI - des hussards de Bercheny au Royal-Allemand de Louis XIV et aux carabiniers de Saint-Simon, levés par Louis XIII. Sa fougue, son panache et son indomptabilité vont vite justifier le qualificatif de " Royal Etranger " qu'il s'est orgueilleusement attribué.
Il fait ses premières armes au Maroc. En Syrie, l'escadron du capitaine Landriau ne réprime longtemps que le brigandage. Mais, en 1925, le soulèvement du Riff a d'énormes répercussions dans tout l'Islam et spécialement au Levant. Le chef druse Soltan-el-Attrache soulève les tribus de la montagne et, infligeant un cuisant échec à la compagnie du capitaine Normand, qui perd huit officiers et cent sept légionnaires, réussit à bloquer Soueida, capitale du Djebel Druse. Une première tentative pour nous y rétablir ne réussit pas. La révolte gagne Damas et le sud de la Syrie.
Mais la cavalerie de la Légion écrase les Druses à Mousseifré, un mauvais bourg hauranais. Pas un des rebelles qui se battaient dans le village n'en sort vivant.
Cette victoire permet de délivrer Soueida, dont la Légion reconstruit la citadelle. De nouveaux renforts qu'elle reçoit d'Algérie s'agrègent aux 4ème et 5ème bataillons pour constituer le 6ème Etranger, le régiment du Levant, qui stationnera à Baalbeck et à Homs, en détachant la 29ème compagnie montée à Palmyre.
L'escadron Landriau participe à la colonne du Liban du sud qui nettoie la région de l'Hermon. Puis il s'établit en grand-garde dans la vieille forteresse franque de Rachaya, avec un escadron de spahis tunisiens (capitaine Granger). Les ordres sont d'y résister à outrance et l'affaire s'annonce chaude, le 19 novembre 1925, quand une force de trois mille fusils investit la position, aussi mauvaise qu'à Mousseifré et pour les mêmes raisons : pas de vues, pas de champs de tir, dans un inextricable fouillis de lopins de terre et de ruines.
La garnison ignore, en outre, que d'antiques souterrains font communiquer la citadelle avec le bled. Druses et Hauranais s'introduisent ainsi dans la place. Surgissant dans une cour où les chevaux sont à la corde, ils leur tranchent les jarrets. Pendant trois jours, de féroces abordages se poursuivent de maison en maison. On compte bientôt cinquante-huit légionnaires tués ou blessés et les spahis ont perdu leur capitaine. Le 23 au soir, le capitaine Landriau envoie son dernier pigeon voyageur, en rendant compte qu'il ne lui reste plus que quinze cartouches par cavalier et que sa dernière chance, si on ne le secourt pas, est de tenter une sortie à la baïonnette. A l'aube, une escadrille de bombardement plonge en rase-mottes sur le camp ennemi et l'incendie. Les avant-gardes du 6ème spahis mettent les derniers Druses en déroute.
La paix rétablie au Levant, ceux qu'on y nomme " les bras tatoués " reprennent la pelle et la pioche et apportent une active contribution au développement du pays. La tutelle de la France n'y sera plus discutée jusqu'aux jours sombres de la Seconde Guerre mondiale.
L'apothéose marocaine
Toutes les grandes entreprises qui ont fait démarrer le Maroc portent le sceau de la Légion. Dans tous les domaines, ses réalisations, conçues à une vaste échelle et d'une exécution parfaite, ont contribué à promouvoir le stagnant empire chérifien au rang des nations. - Tout y est à faire, à son arrivée. Resté en marge du monde civilisé, ce pays en grande partie stérile, divisé, ruiné par une anarchie chronique, sommeille encore dans les moeurs rudimentaires du Moyen Age.
Les inépuisables ressources des légionnaires ne peuvent mieux s'employer que dans cette incohérence. Les constructeurs qu'ils sont entrent d'emblée dans les vues du grand proconsul qui veut en faire naître un Etat moderne. Leur tempérament africain aussi les y prédispose.
Le premier but que se propose le maréchal Lyautey est d'enfermer " le Maroc utile " c'est-à-dire les régions immédiatement exploitables, dans un réseau de défenses qui y assurent une sécurité absolue. Sa tactique est toujours celle de la tache d'huile autrement dit l'élargissement progressif d'une armature de points d'appui solides, sous la protection desquels les tribus errantes peuvent se fixer et se mettre au travail.
Les bonds en avant alternent avec les périodes où l'on s'organise sur le terrain conquis. De tous côtés, la Légion s'éparpille ainsi dans les groupes mobiles et les postes. Ses bataillons constituent les seules unités tactiques qui demeurent réellement dans la main de leurs chefs. Ils jouissent d'une grande autonomie et, de ce fait même, les principaux lieutenants de Lyautey seront alors des chefs de bataillon. Les circonstances en suscitent une pléiade dont la chronique remplirait une chanson de geste : hommes de feu et grands seigneurs de l'aventure. Le Maroc leur appartient en propre. Ils s'y sont taillé des fiefs. Mais on les connaît et les reconnaît dans toute l'Afrique du Nord.
Du littoral atlantique au golfe de Gabès, il n'est port, ni ville où ils ne soient chez eux, fêtés comme les épées d'une nouvelle chevalerie, provocante et railleuse.
Les plus fameux sont Henri de Corta, Maire, le prince Aage de Danemark, le Suisse Albert de Tscharner : on les appelle les " Mousquetaires de la Légion ".
Dès le printemps de 1924, l'écrasement des Espagnols par Abd el-Krim à Anoual alarme le maréchal Lyautey, qui réclame sans succès des renforts. Moins d'un an plus tard, le sultan riffain se rue sur nous à l'improviste avec une décision et une violence dont on ne l'imaginait pas capable. Grossi de toutes les tribus que la peur d'être razziées lui a gagnées, le raz de marée emporte nos positions. Avec un peu plus d'audace, Abd el-Krim prendrait Fez ; bientôt il est aux portes de Taza.
De toutes parts, les bataillons de Légion sont jetés dans la bataille pour enrayer le flot, ravitailler les quelques postes encore épargnés et recueillir ceux qui sont submergés.
A la fin d'août, l'assaut est bloqué, le prestige d'Abd el-Krim sérieusement entamé. La riposte s'organise. Les renforts qu'on a refusés au maréchal Lyautey vont permettre au maréchal Pétain de lancer, le 8 mai 1926, une formidable offensive. Toute la Légion y participe et, avec un éclat particulier, les bataillons du 2ème et du 4ème Etranger dans le Djebel-Iskritten. La guerre du Riff s'achève à Targuist par la capture d'Abd el-Krim et de ses derniers partisans. Le colonel Corap les fait défiler devant les légionnaires.
Nos troupes se retournent alors pour arraisonner les rebelles de la tache de Taza. La forteresse naturelle du Tichoukt, où nous avions vainement assiégé jusqu'alors le vieux djicheur boiteux Saïd-ou-Mohand, se rend. Puis vient le tour du puissant chef berbère Sidi-Raho dans la grande tache que les 3ème et 4ème Etranger réduisent djebel par djebel. Un dernier assaut les conduit sur la crête des Beni-Ouaraïn, d'où la vue embrasse tout le Maroc, de l'Atlantique à la Méditerranée et au Sahara.
Tunnel de Foum-El Tabel.
Mais il n'y a jamais de repos pour la Légion. A peine reprend-elle son souffle que l'ordre lui arrive de reboucler ses sacs et de rebâter ses bghels (1) pour effacer de la carte du Sud une autre zone insoumise : la vieille place d'armes du Tafilalet, refuge des rezzous sahariens qui continuent d'approvisionner ses marchés en pillant nos convois vers Bou-Denib. Tâche difficile, mais en 1932, le Tafilalet tout entier dépose les armes. Nous avons les mains libres pour résorber les deux derniers réduits du bled Siba : les faîtes du Grand Atlas et de son éperon méridional, le djebel Sagho ; sur les confins mauritaniens, l'îlot déshérité de l'Anti-Atlas, où le 4ème Etranger liquide les noyaux de résistance des hommes bleus.
(1) Mulets en arabe. On l'a surnommée : La Royal Bghel Force.
Il n'y a plus de dissidence. Pour la première fois clans l'histoire, les territoires disparates qu'englobait, en principe seulement, l'empire chérifien sont réunis sous l'autorité du sultan. La Légion, qui n'a cessé pendant les opérations, de policer le bled, en le couvrant de pistes, de bourgs de regroupement et de marchés, peut entièrement se consacrer à ces besognes de paix. Elle est partout à la fois sur l'immense chantier qui devient le Maroc et fait face à toutes les nécessités.
Rien de tout cela n'eût été sans Lyautey qui l'a voulu, sans la Légion qui fut son meilleur outil, et quiconque le conteste dévoile une âme bien médiocre.
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Une jardinière que traîne un vieux mulet,
Sortant de la forme, rejoint la grande route
Sous les eucalyptus qui se penchent en voûte
Mais elle s'arrête car, ainsi qu'un boulet
Vient une énorme auto, non un cabriolet,
Que conduit un chauffeur qui jamais ne redoute
D'écraser bête ou gens, pour autant qu'il en coûte,
Car il est, d'un grand roi, de Marchainoir, valet.
L'infernal bolide passe en trombe et klaxonne
Tout près d'un cavalier que le bruit désarçonne,
Effrayant sur le sol tout un vol de moineaux.
Et l'Arabe murmure en une rêverie
Tandis que 1es oiseaux piaillent aux chéneaux :
- " Qui mange du crottin, souvent bien haut le crie. "
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Bulletin des Etudes Algériennes
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Discours prononcé par M. Pierre BORDES
Gouverneur Général de l'Algérie,
De la séance d'ouverture de la session ordinaire
Des Délégations Financières du 5 novembre 1928.
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MESSIEURS
C'est de tout cœur que je m'associe à mon Eminent ami, votre Cher Président, dans l'hommage rendu au membre de cette Assemblée qui a disparu, emporté par la mort inexorable, et aussi aux félicitations qu'il vient d'adresser à ceux d'entre vous dont le Gouvernement de la République vient de reconnaître les longs et dévoués services et le dévouement aux intérêts algériens.
Je n'ai pas l'intention, au début de cette session extraordinaire, de vous Imposer un long discours. Il me semble néanmoins indispensable de vous mettre très brièvement au courant des événements qui depuis votre dernière réunion ont marqué la vie de notre Algérie et de vous remercier, une fois de plus, de la sympathie confiante que vous voulez bien me témoigner en toutes circonstances.
La catastrophe de Djidjelli. - C'est tout d'abord, Messieurs, un nouveau cataclysme qui s'est abattu cet été sur notre pays déjà si éprouvé. Dans la nuit du 16 au 17 ao6t, un cyclone, de très courte durée mais d'une violence extrême, a ravagé la cité prospère de Djidjelli. En quelques minutes à peine, il a détruit de nombreux immeubles, arraché ou brisé des arbres qui étaient l'orgueil de la ville, causé des dégâts considérables, et nous avons, hélas, à déplorer aussi plusieurs décès.
En votre nom à tous, je tiens à apporter ici l'hommage ému de l'Algérie aux familles qui pleurent les victimes, à tous les sinistrés l'assurance de la plus complète sollicitude de l'Administration.
Vous pouvez être assurés que toute mon activité sera apportée à réparer les dommages causés. Heureusement, exagérés aux premières nouvelles, il faut les ramener au maximum pour les communes de Bougie, Djidjelli, Chekfa, Duquesne, Strasbourg et Tahert, à 10 millions de francs. Des prélèvements sur le fonds de réserve et sur la Caisse du Comité Central de secours ont permis de remédier aux besoins les plus urgents. Les secours et les avances sont attribués aux sinistrés dans les mêmes conditions qu'aux victimes du désastre de l'Oranie. Malheureusement ce cataclysme du littoral à son égal dans l'intérieur.
La lutte contre les sauterelles. - Des crédits supplémentaires vont vous être demandés pour la lutte contre les sauterelles.
En présence de l'importance que semble devoir prendre, malgré la lutte active entreprise, la prochaine campagne antiacridienne et de la nécessité d'appliquer sans retard à la défense agricole une organisation rationnelle, j'ai réuni les 20 et 21 septembre une grande commission comprenant, avec divers fonctionnaires qualifiés, des représentants des intérêts en cause et, notamment, certains membres de votre Assemblée. Cette commission s'est livrée à une étude méthodique et approfondie de la lutte à entreprendre. Elle a établie un programme qui, je l'espère, en assurera une réussite complète. Vous pouvez être certain que je tiendrai la main à ce qu'il soit exécuté intégralement, et que l'effort ne se ralentisse pas. D'ores et déjà, des résultats encourageants ont été obtenus dans les communes les plus éprouvées. D'autre part, des prêts pourront être consentis aux cultivateurs qui ont subi des dommages. Il vous appartiendra d'apprécier si, malgré la charge assez considérable qui en résulterait vous devez arriver jusqu'à l'attribution de secours définitifs à certaines catégories de sinistrés.
La Maison des Etudiants. - Mais réparer les ruines matérielles n'est pas le seul devoir qui, à l'heure actuelle, s'impose à votre sollicitude : dans notre pays en pleine formation, il est nécessaire que tout ce qui relève du domaine de l'intellectualité reçoive aussi la preuve tangible de l'intérêt que lui portent les Assemblées algériennes. Elles n'ont jamais failli à ce devoir : les crédits votés par elles avec une libéralité permanente pour l'Instruction à tous les degrés des Français et des Indigènes en est la preuve et est la meilleure réponse qui puisse être faite aux détracteurs des Délégations Financières. Or voici que l'Association générale des Etudiants d'Algérie vient d'établir un projet de " Maison des Etudiants " qui mérite toute votre sollicitude. Vous savez, Messieurs, que l'Université d'Alger, qui se classe parmi les plus importantes de France voit d'année en année s'accroître le nombre de ses étudiants. Ces derniers, qui sont souvent de familles modestes éprouvent de grandes difficultés à accomplir à Alger le stage de plusieurs années qui est nécessaire à l'obtention d'un diplôme d'enseignement supérieur. De nombreux jeunes gens doivent même renoncer en raison du coût élevé de l'existence, à accomplir ces études qui tendent ainsi à devenir l'apanage d'une classe privilégiée.
Vous estimerez sans doute avec moi, Messieurs, qu'il faut absolument trouver un remède à cette grave situation. Il ne faut pas qu'on puisse reprocher à l'Algérie de se désintéresser des questions intellectuelles. Je vous disais il y a quelques temps qu'à mon avis, Alger devait être pour tout le midi de la Méditerranée un centre de rayonneraient du génie français. Pour cela est-il une oeuvre plus urgente que de faciliter l'accès des études supérieures, de ces facultés que nous envient les nations étrangères et auxquelles avec une fidélité qui est pour nous le plus bel hommage, elles envoient un si grand nombre de leurs enfants.
La Maison des Etudiants, qui sera créée à Alger, en permettant aux jeunes gens de situation modeste d'accomplir sans trop de difficultés leurs années d'études, en formant pour eux aussi le foyer, où, sorti du milieu un peu austère de la Faculté, ils pourront se réunir et éviter cet isolement si pénible parfois à supporter, est une ouvre qui mérite toute notre sollicitude.
Partie essentielle de ce grand programme de développement intellectuel, qui avec la construction de musées, la publication de nombreux ouvrages, l'envoi de missions scientifiques, l'intérêt tout particulier accordé aux oeuvres de l'esprit et à la culture des intelligences, la Maison des Etudiants sera une réponse à ceux qui, trompés par un développement trop intense, par un enrichissement trop rapide, voudraient voir dans l'Algérie, une " nouvelle riche ", au sens péjoratif du mot, et rien d'autre. Ce sera répondre aux vues de M. le Président du Conseil Poincaré qui a dit un jour :
" La Politique qui répond aux aspirations et aux besoins de l'immense majorité de nos populations laborieuses c'est celle qui travaillent de bonne foi à améliorer le sort matériel de tous, ne place cependant pas l'objet des civilisations dans la seule augmentation de la richesse générale mais aussi et surtout dans la culture intellectuelle et dans l'élévation morale des citoyens. C'est dans la République et dans la démocratie que doit s'épanouir l'éducation populaire et l'éducation populaire n'a de sève et de parfum que ceux qu'elle emprunte indirectement à l'instruction supérieure et à la culture désintéressée "
La Conférence Nord-Africaine. - Il nous faut, d'ailleurs, nous bien pénétrer de l'évolution qui s'accomplit sur le sol de la France nord-africaine. Jusqu'à ces temps derniers les trois unités qui se développent à l'ombre du drapeau tricolore vivaient chacune dans un isolement administratif assez factieux. La conférence qui réunit chaque année les trois représentants de la République a rompu cette séparation ; et je ne crois pas inutile de souligner l'importance des questions qui à Rabat ont pu être abordées, en juillet dernier, alors que j'étais l'hôte de mon Eminent prédécesseur, M. Steeg, dont le souvenir reste toujours si vivant et si affectueusement respecté dans cette enceinte.
En négligeant diverses questions de détail non sans importance certes, mais dont l'examen sort des cadres de ce bref exposé, je grouperai en trois catégories les travaux de la 5ème conférence nord-africaine:
La 1ère a trait au programme économique. La seconde vise les très importantes questions de transport. La troisième enfin est constituée par les problèmes sahariens.
Questions économiques. -- En ce qui concerne les questions économiques la 5ème Conférence Nord-Africaine s'est occupée de l'alfa, du coton, du problème de la laine et enfin du tourisme, cette industrie nouvelle qui doit recevoir un si grand essor en Afrique du Nord.
L'alfa. - L'alfa, commun aux trois gouvernements nord-africains, est une source de revenus importants. Des méthodes nouvelles permettront peut être d'en accroître le rendement industriel et d'en étendre l'utilisation. Mais il faut en intensifier la production par une unification des méthodes d'exploitation et d'amodiation en Algérie, en Tunisie et au Maroc. Grâce à la meilleure de ces méthodes, généralisée en Afrique du Nord, on pourra tirer des sept millions d'hectares d'alfa disséminés de Gabès à Mogador un revenu annuel de cinq à six cents millions dont une part intéressante reviendra aux populations indigènes.
Le coton. - Le coton fera peut-être un jour, vous disais-je en mai dernier, la fortune de l'Algérie. II faut en développer la culture, multiplier les surfaces ensemencées. Sa production ne satisfera jamais à la demande, toujours accrue, aux besoins toujours nouveaux. Un programme cotonnier commun sera établi, une étude méthodique sera entreprise qui permettront certainement d'augmenter le rendement de cette plante précieuse.
L'élevage. - On a qualifié l'Afrique du Nord d'" Australie africaine ". On visait dans cette formule, que nous devons chercher à rendre plus vraie, l'important cheptel ovin de la région des Hauts Plateaux et du Sahara. Là aussi réside un gage de prospérité pour tous. Mais il faut améliorer sans cesse la qualité des produits. L'industrie actuelle est plus exigeante que jadis, elle demande des matières premières épurées, sélectionnées. Les laines africaines ont donné lieu à divers reproches que nous voulons voir disparaître. Lee mesures envisagées dans ce but à la Conférence d'Alger sont en voie de réalisation. Elles seront intensifiées et complétées par la création décidée en juillet dernier d'une chambre de conditionnement des laines à Alger.
Le tourisme. - Le tourisme, enfin, Messieurs, doit retenir toute notre attention. Pratique moderne, qui a bouleversé la situation économique de certains pays, il est un gage de richesse en même temps qu'une cause de progrès social. La 5ème conférence s'est attachée à son développement, par une unification des méthodes de propagande, par l'extension du crédit hôtelier, par l'adoption de diverses mesures destinées à faciliter aux étrangers les longs parcours sur notre territoire.
La question des transports. - La circulation est une source de prospérité, c'est aussi une cause de paix et de quiétude. A notre époque d'économie internationale où tons les intérêts sont enchevêtrés et étroitement dépendants les uns des autres, il faut qu'aucune entrave ne soit apportée à la production ou à la consommation par des crises de transports.
La 5ème Conférence l'a bien vu, qui s'est engagée à travailler à l'unification du matériel ferroviaire des trois gouvernements et à accroître la capacité des transports. Un grand fait nouveau est la construction des lignes de Fez-Oudjda, Oudjda Bou-Arfa, Oudjda-Nemours, qui vont rapprocher économiquement le Maroc Oriental de l'Oranie, et aussi le développement du port algérien de Nemours qui deviendra le débouché maritime de tout ce Maroc oriental.
Les questions sahariennes. - " Le coq gaulois aime à gratter le sable " disait, en 1890, un ministre anglais. Cette boutade, Messieurs, ne l'oublions pas, a eu une conséquence inattendue : la mise en valeur du Sahara. Dans ce sable gît un gage de prospérité considérable et aussi la condition de notre prédominance politique. Le Sahara, scindé en quatre colonies par la succession des événements, doit être pacifié, gouverné, mis en valeur dans une étroite union des quatre gouvernements. Nous possédons, en Algérie, une police merveilleuse, qui n'a peut-être pas son équivalent dans le monde entier, qui arrive, avec des effectifs réduits jusqu'à l'invraisemblance, avec des crédits insignifiants, à maintenir le bon ordre et la paix dans ces immenses territoires du Sud. Grâce à ces compagnies sahariennes, nous pacifierons les confins de notre Empire. Leurs limites d'action seront celles du Sahara français tout entier, où, aidées par des groupes créés à leur image, elles feront la plus belle et la plus utile besogne. Dans ce Sahara tranquille, les liaisons par automobiles et avions se développeront, passeront de la période d'essai à la période pratique. Et lorsque sonnera la grande heure du Transsaharien, que les missions d'étude méthodique vont préparer dès cet automne, le Sahara sera déjà le passage normal et rapide des relations de l'Europe occidentale entière avec l'Afrique et l'Amérique du Sud.
Voilà, Messieurs, ce qu'a préparé la 5ème Conférence Nord-africaine. Une fois de plus, elle a prouvé notre désir commun de développement dans le plus complet accord. Nous, Algériens, dont l'exemple fut si utile à la Tunisie et au Maroc, et qui sûmes réaliser l'union des Français et des Indigènes, nous voulons que chaque jour s'affirme plus forte, plus généreuse, plus consciente de ses devoirs, l'union des trois gouvernements de l'Afrique du Nord, vivant et devant vivre dans des organisations politiques et administratives différentes.
Mais tous trois - la Conférence de Rabat vient de l'attester - ont constamment les yeux levés vers la Mère-Patrie à qui vont leur tendresse et leur coeur reconnaissant, vers qui s'élève, très pur, le souvenir des martyrs de toutes les races africaines, dont le sacrifice glorieux a permis que la France reste immortelle.
Pour manifester cette reconnaissance à ces martyrs, nous pourrons dans quelques mois, par la célébration du centenaire de notre venue sur la terre africaine, prouver que l'idéal français pour lequel ils se sont sacrifiés reste toujours vivace en nous, que notre sollicitude pour nos populations musulmanes, dont beaucoup étaient les fils, devient plus aiguë à chacune des étapes que nous parcourons sur la voie du progrès humain. Comme nous élèverons un monument à la gloire des colons dont la vie et la mort ont fécondé nos terres incultes il y a cent ans, nous saurons édifier l'oeuvre qui témoignera de notre gratitude aux enfants dévoués de l'Islam qui ont cru et qui croient en la grandeur française. Nous voulons qu'en 1930 le monde sache que si l'Algérie s'est unie à la Mère-Patrie c'est sa volonté seule qui a, ou consommé ou légitimé l'union.
Ce sera le spectacle de cette union que nous offrirons, vous disais-je, il y a quelques mois, à M. le Président de la République lorsque accompagné de M. le Président da Conseil Poincaré et de mon chef direct M. Sarraut, Ministre de l'Intérieur, ils viendront tons trois, eux pleins de sollicitude pour l'Algérie, ils viendront nous apportant beaucoup de la tendresse de la France.
En attendant cette heure, restons, Messieurs, rivés les uns aux antres par la chaîne du devoir algérien ; son poids est léger puisque elle est forgée dans l'indépendance de nos consciences libres et de nos volontés tendues vers un avenir de grandeur, d'union et de paix.
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A l’extrême du Mont Ventoux
Surgit de la terre et s’élance
Comme un dernier vaisseau d’Alliance
Le Monastère du Barroux
C’est une digue de confiance
Au pied du mont piqué de houx
De sa main droite Dieu fiance
La Terre naine et le Grand Tout
Ici se tient Jésus debout
Il est l’asile des Croyants
L’arc en ciel des larmes que coud
Le péché dans les cœurs saignants
C’est au pied du mont l’oasis
Où dans l’amitié qui s’ébroue
Ne meurt jamais le temps jadis
Loin des chagrins et des courroux
Dans la rocaille évangélique
Loin des lambris et des gourous
Dom Gérard figure de proue
Face à la farce babélique
A bâti dans pierres et ronces
Un cloître pour Dieu et les hommes
Si toute route mène à Rome
La bonne est celle qui renonce
Il laisse seuls des camarades
Appauvris d’une telle absence
Par son départ il nous dispense
Son cœur sa foi son accolade
Il repose derrière l’autel
Parmi ses moines en prière
Son corps est là son âme au ciel
Et nous en proie à ce mystère
Et toi que ce siècle exacerbe
Et qui souffres des temps barbares
Dont la philosophie imberbe
Pousse vers le beau et l’espoir
Epargne ton âme superbe
Rappelle toi de Dom Gérard
Abandonne tes vieilles herbes
Pour la Parole et pour le Verbe
Guy Rolland 15 Avril 2008
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13 MAI 1958 OU L'ESPOIR ASSASSINE
Par M. Etienne MUVIEN
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Cette journée fut le prélude au magistral triomphe de l'Algérie Française en même temps que son arrêt de mort.
Son apothéose eut lieu le 15 mai suivant : une manifestation organisée par les Anciens Combattants à la mémoire de trois soldats prisonniers français exécutés par le FLN, devint insurrectionnelle et eut pour conséquence l'occupation des locaux du Gouvernement Général par les insurgés et la création, à l'instigation du Général MASSU, d'un Gouvernement de Salut Public. Le 15 Mai, le général SALAN, Chef des pouvoirs civils et militaires, exhorte une foule considérable, hétérogène, massée sur le Forum du Gouvernement Général et lance un vibrant " Vive De Gaulle " en terminant son allocution.
Le peuple est électrisé. Après quarante mois de deuils, d'attentats, de souffrances qu'un antagonisme forcené avait entretenu sur l'ensemble de l'Algérie, une ferveur et une détermination identitaire collective vont réunir les deux Communautés dans un élan de solidarité et de foi en l'Avenir. La voie de la " Réconciliation " s'ouvrait dans une explosion d'émotion, de concorde et l'immense foule des indigènes, toutes catégories sociales confondues, exprimait l'indicible volonté de vivre ensemble.
Cette fraternisation soudaine, spontanée, évènementielle à plus d'un titre, se propagea dans une grande partie de l'Algérie à la vitesse du téléphone " arabe ".
Mais cette Algérie Française fut torpillée dès sa renaissance par celui qu'une auréole de prestige et de gloire couronnait depuis la Libération et que le Peuple appela de ses vœux.
UN PHANTASME DICTATORIAL.
Passant outre à une déclaration solennelle dont la teneur laisse désemparé, le Général De Gaulle écrit : " Un homme d'Etat ne devrait jamais mentir au Peuple. D'autre part, il devrait faire attention à ce qu'il dit et au genre de vérité qu'il présente, à l'heure à laquelle il la présente et à la manière dont il la présente ".
On reste confondu quand on sait que le Général De Gaulle n'a cessé de tromper et de trahir la confiance des Français d'Algérie. Quand il vint au Pouvoir, les paras du Général MASSU avait remporté la Bataille d'Alger et réduit le FLN tandis que l'ALN battue et maîtrisée perdait toute emprise. Dès 1958, De Gaulle, depuis sa retraite, avait échafaudé un plan concernant l'Indépendance de l'Algérie qu'il croyait infaillible. Farouchement opposé à l'Algérie Française, il construit un plan d'Indépendance qu'il va secrètement établir dès 1958.
LA CRUELLE VERITE.
Sous ce titre, Abderhamane FARES, leader politique algérien qui se destine aux plus hautes instances de l'Algérie indépendante, évoque les rapports confidentiels qu'il entretiendra avec le Général De Gaulle de fin 1958 à 1962.
Le lecteur apprend avec stupeur et indignation que non seulement celui-ci offre l'Indépendance à l'Algérie mais il assortit sa proposition de dons financiers importants, de prêts à long terme et à faible taux, de soutiens technologiques dans tous les domaines et l'assure de l'attitude dévouée et bienveillante de la France, le temps qu'il faudra…dit-il, garantissant en outre la présence de cadres, une main d'œuvre spécialisée et un tutorat dans tous les domaines avec la quasi certitude que les Français d'Algérie fourniront ce précieux concours.
A ce sujet, il répondra à son Ministre PEYREFITTE, évoquant l'hypothèse d'un départ massif : " Je les connais. A l'Indépendance, ils seront peut-être 100 000 à partir mais la moitié d'entre eux reviendront après un mois de vacances ".
En outre, Il rassure A. FARES sur d'éventuels troubles à l'Indépendance. " J'ai donné les ordres à l'Armée, dit-il, afin qu'elle réprime impitoyablement les récalcitrants ".
Ainsi, après le " Je vous ai compris " ou " Moi vivant, jamais le drapeau FLN ne flottera sur l'Algérie " et d'autres déclarations destinées à endormir ceux qu'il va délibérément tromper et trahir, le Général va engendrer le séisme d'un exode colossal et massif. Sa lamentable stratégie vouée à un pitoyable échec où les " laborieux et abondants Accords d'Evian " seront bafoués et la France littéralement éradiquée d'une Algérie moderne, brillante, active, sortie du néant et élaborée par les Aïeux de ceux qu'il va honnir.
POLEMIQUE AUTOUR DU 13 MAI.
Ceux qui ont vécu et suivi les évènements issus du 13 Mai 1958 peuvent témoigner, sans la moindre ambiguïté, de ce qu'ils ont vu et entendu sans qu'il soit utile ou nécessaire d'entrer dans des polémiques sinueuses ou abstraites développées afin d'entretenir le doute et la confusion.
Au premier rang de ces semeurs de trouble, les gaullistes béats et confits en dévotion, refusent d'admettre la trahison de leur " Idole " en développant des thèses à dormir debout.
Ensuite viennent les Historiens avec leur langage vernaculaire et des hypothèses propres à semer le trouble avec l'art de dissimuler une Vérité qu'il est inutile d'encombrer.
Le Général De Gaulle a trahi et menti.
C'est un fait incontestable et les conséquences de cette ignominie furent dramatiques : Le Putch des Généraux et d'une partie de l'Armée, la naissance de l'O.A.S à partir de mai 1961, la fusillade du 26 Mars à ALGER, l'assassinat collectif par le FLN du 5 Juillet 1962 à ORAN, l'ignoble massacre des harkis, les exécutions des " Défenseurs de l'Algérie Française ", les innombrables victimes civiles et militaires, les enlèvements, les disparitions etc etc…
Ce lourd bilan de deuils et de souffrances, ces années d'angoisse et de désespérance, ce dramatique abandon collectif de la terre natale et des biens, la pesanteur d'un accueil froid et hostile, ce poids de l'anathème insidieusement entretenu et supporté par cette population éradiquée brutalement de sa terre natale sont les conséquences et réelles et palpables de l'occultation et du mépris de ce 13 Mai 1958 ayant en toile de fond l'incommensurable espoir d'une Algérie Française dans un immense élan de Fraternité.
On ne saura jamais si cette option de l'Algérie Française dédaignée par De Gaulle au profit d'une Indépendance néfaste, meurtrière, haineuse eut débouché sur d'autres critères plus conciliants et amicaux. Mais une chose est sûre : Elle ne pouvait pas être pire.
CELEBRATION DU 13 MAI 1958.
Pour les Français d'Algérie, ce rendez-vous avec l'Histoire d'une réconciliation volontairement occultée et trahie par De Gaulle constitue le plus terrible des ressentiments. Comment pourraient-ils cautionner l'avènement d'une Vème République qui non seulement a détruit leur peuple avec ses us, ses coutumes, son art de vivre en communauté, également ignoré et méprisé leur passé y compris leur engagement au cours des guerres de libération mais a fait peser sur leur existence le poids d'un sordide anathème.
Noyés par les thuriféraires d'un gaullisme immarcescible, il est à craindre que la manifestation de leur rancœur ne soit pas plus tolérée que comprise.
Pour les Français d'Algérie, la date du 13 Mai 1958 constitue à la fois une journée douloureusement émotionnelle et d'un deuil incommensurable.
Etienne MUVIEN
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PRINTEMPS 1958
Jean-Pierre Ferrer
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Nos dirigeants Parisiens, ne savaient par quel bout prendre les Evènements d'Algérie. La quatrième République se précipitait, sans le savoir, lentement mais sûrement vers son suicide.
Le 16 Avril 1958, les gros titres de la Dépêche Quotidienne et de l'Echo d'Alger relataient la Démission du Gouvernement Félix Gaillard.
A Alger, les esprits commençaient à s'échauffer.
Les évènements, les déclarations, les discours se succédaient sans que nous puissions apercevoir une quelconque amélioration de la situation.
Aussi, une manifestation du comité d'entente des Anciens Combattants se déroula et plus de trente mille Algérois, excités par l'immobilisme de la Métropole, réclamèrent la constitution d'un Gouvernement de Salut Public pour prendre, enfin en compte, la survie de notre province.
La Quatrième République tournait en rond et le 6 Mai, Pierre Pflimlin est nommé Président du Conseil. Pendant son investiture, le 13 Mai, des milliers de manifestants, se dirigent vers le Plateau des Glières, le Monument aux Morts et les Bureaux du Gouvernement Général.( le G.G.).
Nous désertons les classes pour aller tous, tous les jours, nous rassembler au Forum.
Des Délégations venues de toutes les provinces d'Algérie sont représentées. Toutes les fenêtres, tous les balcons, tous les autobus, trolleybus, tramways arborent le drapeau tricolore comme pour le 14 Juillet ou le 11 Novembre.
Nous sommes les uns contre les autres, nous tenant par le bras en scandant ensemble des milliers de fois, " Algérie Française ". Nous chantons, à tue-tête, La Marseillaise et les Africains. Nous entendons à peine les discours enflammés des généraux qui se succèdent derrière les micros installés sur le balcon du GG (Gouvernement Général = Préfecture de Région) . Massu, Salan… Chaque phrase est saluée par d'immenses vivats ou des huées selon sa teneur.
Les loggias des appartements qui bordent le Forum, sont, aussi, pleines à craquer. Chacun a invité un ami, un cousin, un frère à participer à cette immense fête.
Ils sont aux premières loges pour distinguer sur les banderoles d'où vient toute cette population :
Ici, le quartier d'Hydra est rassemblé ; là, c'est carrément le village d'Oued-el-Alleug qui est venu apporter son soutien aux militaires. Les vieux Indigènes enturbannés arborent fièrement sur leur poitrine les médailles gagnées avec leur sang durant les deux Guerres Mondiales. Là-bas, tout près des barrières, les Anciens Combattants de Chiffalo et Castiglione ont réussi à se frayer un passage, et chantent " Les Africains " en soulevant, le plus haut possible, le drapeau Français. Les plates-bandes et les massifs floraux, tous les piliers, toutes les rambardes, toutes les rampes, tous les arbres sont pris d'assaut. On cherche un passage, on joue des coudes. On s'infiltre dans toute cette foule qui nous avale. On se marche sur les pieds, mais on s'en moque, on est heureux, là, tous ensemble. J'arrive à me hisser sur un arbre. Je me demande comment un si petit tamaris peut ne pas se casser et supporter cependant une dizaine de personnes s'agitant comme nous le faisons. A chaque tentative de nouvelle occupation, ma situation inconfortable entre deux branches devient plus dangereuse.
Ce n'est pas de la foule dense, c'est une vague compacte, une marée humaine, un raz-de-marée qui a totalement recouvert les larges escaliers qui descendent du stade Leclerc au square Laferrière, ainsi que leurs abords.
Ma parole, il y en a qui ont du dormir sur place ou dans la Bibliothèque Nationale à côté des bureaux de l'E.G.A.( Electricité et Gaz d'Algérie), tu sais, en face du stade Leclerc.
Nous sommes fous de joie. Fous tout simplement. Un délire collectif.
Nous n'avons plus peur de cette guerre qui ne dit pas son nom. On dit avec pudeur :"Les évènements", "Les attentats", ou "les embuscades"…pas encore " les massacres "…
Demain, nous danserons, nous sortirons, enfin, tranquillement sans craindre pour notre vie. Sans imaginer, avec l'angoisse tenace qui nous comprime la poitrine et l'estomac depuis quatre ans, que nous ne risquerons plus quoi que ce soit.
Les musulmans n'auront pas plus peur de croiser un militaire que nous un des leurs. Et puis, cela fait plus d'un siècle que nous vivons ensemble, non ?
C'est à cette date que le Général Massu forme un Comité de Salut Public. Salan lui prend le micro et clame " De Gaulle, avec nous ! De Gaulle, au pouvoir ! " Et, toute la foule scande le même slogan ponctué par les " Algérie Française ! Algérie Française ! ".
A cet appel lancé par Salan, Massu se recule en caressant sa moustache et son menton ; il baisse la tête. Quelque chose vient de se passer…
Sans nous en rendre compte, nous venons de provoquer la chute définitive de la Quatrième République. Dans la foulée, le général Charles De Gaulle, vous vous rendez compte, celui-là même qui a préparé depuis Londres la Libération de la France, se déclare prêt à assumer les pouvoirs de la république moribonde. Il ne faut pas perdre de temps. L'Algérie a déjà eu trop de morts.
Je ne me rappelle pas si cette épopée se déroule pendant les congés de l'Ascension ou de Pentecôte, mais le fait est que, tous les jours, une foule, toujours aussi dense, enivrée par un parfum de liberté s'installe sur le Forum et ses abords. Nous sommes chaque jour plus de cent mille à venir, écouter, brandir nos drapeaux.
En trois jours de manifestation pacifique, les généraux ont réussi à reconstituer, sans une goutte de sang, " l'Unité Fraternelle " des dix millions d'habitants de l'Algérie, Union que nous attendons depuis 1954.
Nous allons peu en classe pendant cette semaine. Pour accéder facilement au G.G., je grimpe les Escaliers Cornuz et passe par le boulevard du Télemly.
Les trottoirs de ce boulevard plutôt calmes habituellement, ne peuvent contenir toutes les personnes qui prennent la même direction que moi. D'aucuns marchent délibérément au milieu de la rue, se pressent, se bousculent, se déplacent entre les voitures, pour aller plus vite, pour tenter de trouver une place avec vue sur le Balcon du GG et pour pouvoir comprendre les diverses déclarations. Certains, voulant immortaliser ses moments, ont avec eux leur appareil photos.
Dès la démission du gouvernement de Pflimlin, le Président de la République René Coty nomme au siège de Président du conseil Charles de Gaulle, le 31 Mai 58. Les choses vont vite.
Le premier Juin, De Gaulle est investi des pleins pouvoirs par l'Assemblée Nationale. Il décide de se rendre en Algérie pour voir par lui-même, l'état de la situation à Alger et dans l'Oranie.
C'est l'euphorie la plus complète dans les rues d'Alger. Il n'y a pas un seul balcon, une seule fenêtre sans drapeau Bleu-Blanc-Rouge. Certains ont même cousu ou peint la Croix de Lorraine dans le Blanc. Chacun y va de son appréciation sur De Gaulle.
-Il va le dire ? Il l'a dit ?
- Tais-toi, j'entends rien avec ta tchatche ! Bien sur, qu'il l'a dit !
"Il NOUS A COMPRIS !"
Il n'y a plus sur cette terre que des Français à part entière !
Vive la République ! Vive la France !
-Vous avez pas remarqué, il a pas dit " Vive l'Algérie Française ! "
-Qu'est-ce que tu racontes, ma parole ty as le cerveau vide ou quoi ? Tié au Lycée, et ty entends pas entre les lignes qu'elles ont même pas besoin d'être écrites ! Il a dit qu'on était tous des Français, ici: même le moutchou avec son sarouel-réservoir, même madame Espinoza, qu'elle vient juste d'arriver du Portugal et qu'elle dit encore comme ça : " Aldjérie Froncèse, Aldjérie Froncèse ", vêtue de sa robe noire serrée à la taille, comme dans le pays d'où elle vient.
-Tu vois que j'ai raison, il le dit à Mostaganem le 6 Juin :
" Vive l'Algérie Française ! "
Tu peux dormir tranquille, maintenant ? Ou je te fais un enregistrement sur la magnétophone et tu te le repasses tout le temps, ce discours ? Sordo, que ty es !
Quand tu joues aux noyaux, ty es guitche, et là qu'il est immense De Gaulle, avec une voix que Caruso, y serait jaloux, tchu l'entends pas ? On est français, point. Tu veux pas qu'on te fasse aussi un brevet de nationalité, peut-être ?
Avec toutes ces histoires, ils ont pensé à nous, les jeunes. Tu sais pourquoi, on attend le jeudi et le dimanche avec impatience ?
Ils nous emmènent en camions militaires débâchés, vers les plages. Ce sont les Comités de Salut Public qui organisent ces sorties.
Mon père, il est fier. Il a salué et serré la main à des Généraux.
Il nous a fait mettre en rang, alignés sur la piste du stade des Tagarins. Massu et Salan passent près de nous, nous donnent une petite tape sur l'épaule…Qu'est-ce qu'ils ont comme étoiles sur le képi ou sur la vareuse! Que c'est une vraie galaxie! Et sur la poitrine, un tableau de petites barrettes multicolores !
L'invitation est faite à tout le monde : garçons, filles, Arabes, Européens. Alors on va à Sidi-Ferruch, les camions en convoi. L'air de la route nous décoiffe et nous arrivons à peine à nous comprendre avec le bruit des moteurs!
Regarde celui-là, comme il est bête, il veut plonger et il s'est tapé une "plancha" que son ventre il est tout rouge. Y a pas de profondeur ici! On a pris les grosses bouées qui sont des chambres à air de camions. On monte à plusieurs dessus, on glisse, on tente de passer dessous, on saute dans l'eau fraîche; on fait un plongeoir à deux, en se croisant les mains, mais on n'a pas assez de force, alors Bernard n'arrive pas à monter et tombe en arrière. On lui tient la tête sous l'eau, alors il remue les bras et on le laisse respirer, on recommence une ou deux fois. On profite pas parce qu'il est petit, non, il est costaud et même un peu bagarreur. On se sauve, il nous court après. Quand il nous a rattrapés, on dit: "pouce! On se fait un petit foot sur le sable?
Avec les ballons de plage en caoutchouc, on se tord les pieds, tant ils pèsent lourds. Là, les goals, ils plongent sans avoir peur de se faire mal. Farouk est un bon goal, Dermenn, lui, dribble comme Kopa. On fait des équipes et le les prends, les deux, avec moi. Je suis sûr de gagner la partie…
Et puis après le bain, la plage, les bouées, les ballons, les rires, quand le soleil commence à décliner et n'arrive plus à nous sécher, on a la chair de poule. Alors, nous avons droit à un casse-croûte fait simplement d'une tranche de pain et d'un morceau de chocolat, mais qu'importe…
Nous sommes si heureux, et tellement sûrs d'en avoir fini de ces Evènements…
Jean-Pierre Ferrer. 13 Mai 2003.
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MON PANTHÉON DE L'ALGÉRIE FRANÇAISE DE M. Roger BRASIER
Créateur du Musée de l'Algérie Française
Envoyé par Mme Caroline Clergeau
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CHARLES BROUTY
Né en mer, en 1897 - mort à Pau (Pyrénées Atlantique) en 1984.
Caricaturiste, humoriste,
journaliste et illustrateur
Grand Prix Artistique de l'Algérie, 1934.
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Son crayon, sa plume soulignaient la verve de nos plus ardents polémistes. Avec les années qui passent, le talent de Brouty prend un accent de plus en plus humain.
Certes, il n'ignore plus rien d'un métier dont il sait tirer tous les effets possibles, mais la maturité le fait constamment gagner en profondeur....".
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Vues extraites de "Pétroliers au Sahara"
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Un derrick
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Un tamtam de jerricans
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Cet aspect de vérité et de sincérité qui, dès le début, avait frappé, nous ne le retrouverons pas que dans ses figures ; il éclate dans ses gouaches, dans ses dessins aquarellistes clairs, lumineux, pleins de vie. Cette vie bouillonne, intense dans les tracés d'une main rapide et que quelques touches de couleur font plus vibrantes que des peintures achevées. C'est autant de pris sur le vif et qu'on ne peut retoucher". (Louis-Eugène Angeli).
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Oran, vu de Notre-Dame de Santa-Cruz
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Une place
Vues extraites de "Po ! Po ! Po ! Un certain Oran".
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Un concert de Tam-tam (Jerrican)
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Alger, vue sur le port
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La Place du Gouvernement
Illustrations extraites de "Tu te rappelles la Bassetta ? ".
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A la plage
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A SUIVRE
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LES MOTS ECRASÉS
Par R. HABBACHI N°15
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Les, qu’y sont couchés
I- A Bône, t'y avais pas plus Cours.
II- A Bône, t'y avais pas plus long (pluriel).
III- Tu l'arroses et laisse qu'elle pousse.
IV- L'estra-terreste anglais écrit en patos. - Il est à moi et à personne d'aut'. - L'or en dedans le labo.
V- Garçon prononcé à la patos. - Enlever.
VI- répète le et t'y as un joueur du barça. - Technicien supérieur agrégé. - On fête toujours son premier.
VII- Ça qu'il est Obélix. - Du verbe aouar.
VIII- Avec une lette au miyeux, t'y as rien à signaler. - Deux points, c'est tout.
IX- Y te ressembe à l'aut' comme deux gouttes d'eau. - Il est comme bar-tabac.
X- Bessif, y z'habitent la Corse ou Ré.
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Les, qu’y sont debout
1- Rien qu'à les oir, tu ris sauf quan y sont drôles.
2- Fin d'infinitif. - A toi et rien qu'à toi. - Charpente que moi, je m'l'écris avec quat' lettes.
3- T'y en as qu'y z'écrivent dedans et d'aut', qu'y z'y consignent.
4- Bon dieu d'la mythologie scandinave. - Qu'est-ce qu'elle a souffert la vache ! - Deux romain.
5- Rien qu'elle tombe la neige quan c'est qu'y chante. - Lui, par contre, quan y chante, je fonds.
6- Ces cerises, diocane, qu'est-ce qu'elles sont aigres.
7- C'est des bonnes sœurs et c'est tout. - Symbole un peu dur.
8- Y paraît qu'on en a tous une. - Préfixe privatif.
9- On les trouve en bord de mer et aussi aux paniers.
10- On peut dire aussi escagasser.
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Solution des Mots Ecrasés N° 14
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Les, qu’y sont couchés
I- Ça que c'est les z'ibères pour nous z'aut'.
II- C'est un schkoll qu'y vaut des sous et que moi, je l'ai connu par Fernandel. - Artique.
III- Conjonction. - Département patos ousqu'elle pointe la lumière du jour.
IV- Ça que ça me fait quan c'est, qu'une soge moi je l'aime.
V- Faciles, faciles, mais faciles. - A de bon, j'ai jamais compris pourquoi c'est qu'on dit que c'est une terminaison verbale.
VI- Y rit un peu mais sans fin. - A saouar comment elle fait, mais y paraît sérieux, qu'elle a son lait.
VII- Y z'ôtent.
VIII- Tu te casses pas la tête va ! ces trois lettes elles sont là juste pour remplir les cases. - Basse et même un peu plusse que basse.
IX- Guide à droites. - Y en a qu'y disent comme ça, que c'est Azrine.
X- Ça qu'y devient un méchant quan il est très méchant.
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Les, qu’y sont debout
1- Arrête, arrête, mieur t'y'arrêtes. - Demeure, quan c'est pas une maison.
2- D'la semoule cuite avec du beurre dedans mais moi, j'la préfère avec de l'huile d'olive comme les siciliens.
3- Phon : attrapés au vol. - Purée comme c'est bon dès ! avec un loup qu'il est cuit à la vapeur.
4- A force de boire, ça tu viens.
5- Sigle d'un pays d'à côté l'Astralie. - Points cardinaux. - Ça qu'y le dit toujours le marseillais.
6- Des z'aut' points cardinaux. - Surveillé par un guide à gauche. - Bougé.
7- Une rue de Bône qu'elle va du boulevard Papier au p'tit jardin à côté le stade.
8- Ça qu'il est arrivé en mai au président d'la république. - On en a toujours besoin.
9- C'est écrit dessur ma cocotte minute. - Un artique d'à chez nous z'aut' là-bas. - Y te fait du beau linge.
10- Ça que tu t'le sens au cœur avant qu'elle te vient l'emboulure.
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MESSAGES
S.V.P., lorsqu'une réponse aux messages ci dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté,
n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini
Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique, cliquez ICI pour d'autres messages.
sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura
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De M. G. Boutonne
Admirateur d'Édouard Blois, je suis à la recherche de la suite de sa pièce CARMENO TOLLO, jouée à "Filliville", JOSETTE DE VERRIERES, êtes vous en mesure de me renseigner ? ^
Et de me procurer un double du livret?
La société des auteurs compositeurs dramatiques me confirme son inscription mais n'a pas de contact avec ses descendants.
Cordialement
Mon adresse : g.boutonne@wanadoo.fr
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De Mme. Journet Françoise
Bonjour,
Je cherche des informations sur des membres de ma famille arrivés et installés définitivement à Bône aux alentours de 1850 (+ ou -) qui s'appelaient Réra. Ils venaient de l'île de Pantelleria (Italie) située entre la Tunisie et la Sicile.
J'ai appris récemment que beaucoup d'italiens ont émigré pour Bône et l'Algérie et j'ai trouvè aujourd'hui un livre qui traite de ce sujet. Je vais enfin savoir pourquoi ils ont quitté leur île (bien que j'aie déjà mon idée...).
Ce qui m'interesse à travers votre site, c'est de voir si je pourrais contacter des gens qui portent ce nom, ou qui les connaissent.
Merci pour toute information et pour toute indication si vous savez comment je dois m'y prendre (j'ai prévu un voyage à Aix-en-Provence aprés avoir trouvé le site du CAOM).
Merci pour tout et même si vous ne pouvez pas m'aider. Je cherche les noms RERA, MEREU ou MERCA, DURANTE ou DURAND, CHAMPS.
Journet Françoise
Mon adresse : fmaillet@neuf.fr
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De M. GAUCI Hervé
Bonjour,
Un de mes ancêtres, HUBERT Maurice né le 01/10/1905 à Bône, travaillait chez un certain Monsieur FORGERON, Avenue de la Marne, à Bône.
Si quelqu'un a des renseignements sur cette "société " ou cette personne, merci de me les faire suivre
Cordialement
Hervé
Mon adresse : gauci.herve@neuf.fr
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DIVERS LIENS VERS LES SITES
M. Robert Antoine et son site de STAOUELI vous annoncent la mise à jour du site au 1er mai.
Son adresse: http://www.piednoir.net/staoueli
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Staouélien
M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er mai.
Son adresse: http://www.piednoir.net/guelma
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Guelmois
Le Site de généalogie, Attatba 1862-1962 de Georges Gomez, change d'adresse
Son adresse:http://gagomez.chez-alice.fr
Bonjour,
Je vous propose de consulter mon Blog de musique avec des chansons de ma composition :
Yo Soy de Orane - Oran je ne te reverrai plus - je suis Pieds-Noirs et je le reste etc...
Et tout le répertoire de notre époque.
Mon adresse :http://www.rodolpheorane.musicblog.fr
Piedsnoirement votre
Rodolphe Orane
Chers Amis, curé de la paroisse Notre-Dame d'Afrique de Carnoux-en-Provence, j'ai créé un site qui concerne l'installation d'un grand orgue dans l'église de Carnoux, pour célébrer Notre-Dame d'Afrique avec les Pieds-Noirs.
Je vous invite à venir le visiter
Père Bernard LUCCHESI
Mon adresse :http://www.orgue-notredamedafrique.fr
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......... Ah les mères ! .....
Envoyé par Graziella
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David a invité sa mère à dîner.
Pendant le repas, celle-ci ne peut s'empêcher de remarquer que Julie, la colocataire de son fils, est sacrément mignonne.
Pendant la soirée, alors qu'elle observe la façon dont David et Julie se comportent l'un envers l'autre, elle se demande s'il n'y a pas entre eux un peu plus que le simple partage d'un loyer.
David, devinant les pensées de sa mère, lui dit :
- « Maman, je sais ce que tu es en train de penser mais je t'assure que
Julie et moi ne faisons que partager un appartement, c'est tout. »
Environ une semaine plus tard, Julie dit à David :
- « Dis donc, depuis que ta mère est venue dîner, je ne trouve plus la louche en argent. Crois-tu possible qu'elle l'ai prise ? »
- « Quand même, ça m'étonnerait que Maman soit devenue pickpocket !
Mais bon, je vais lui écrire un mail pour en avoir le coeur net. »
Il s'assied devant son ordi et écrit :
- « Ma chère Maman, je ne dis pas que tu as embarqué notre louche en argent, et je ne dis pas non plus que tu n'as pas pris la louche, mais il n'en reste pas moins vrai que cette louche a disparu depuis que tu es venue dîner. Bisous, David. »
Et le lendemain, David reçoit la réponse de sa mère :
- « Mon cher David, je ne dis pas que tu couches avec Julie, et je ne dis pas non plus que tu ne couches pas avec Julie. Mais il n'en reste pas moins vrai que si Julie dormait dans son lit, elle aurait trouvé la louche depuis longtemps. Bisous, Maman
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Aprés cette visite, (---nous vous invitons à Cliquer )
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