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LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
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Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO
Décembre, solidarité et Convivialité
Comme chaque année, les premiers jours de décembre annoncent l'arrivée des fêtes :
1) Tout d'abord, la Saint-Nicolas qui est une fête en l'honneur de Nicolas de Myre qui a lieu chaque année le 6 décembre, jour de la mort de Saint Nicolas. C'est une fête destinée aux enfants qui est surtout célébrée en France par l'Est du pays. La Saint-Nicolas et le Père Fouettard sont une tradition très ancrée dans la culture Lorraine et Européenne et voit chaque année s'organiser de nombreuses festivités. Tous deux descendent du ciel et apportent des gourmandises et des cadeaux.
2) Vient ensuite l'esprit de Noël qui s'invite dans les cœurs et dans les foyers, rassemblant dans un même élan festif toutes les générations, des plus petits aux plus grands, (même de différentes obédiences) attachés à ces moments privilégiés de partage. Le père Noël descend lui aussi du ciel pour apporter ses cadeaux, même si nous savons bien qu'il ne peut plus passer chez tout le monde. Rappelez-vous que Noël c'est aussi savoir faire plaisir avec des choses simples, comme un simple repas de famille ou d'amis esseulés, par exemple ! C'est une trame de convivialité et de solidarité qui permet à chacun de trouver plaisir, réconfort et bonheur.
3) C'est aussi le réveillon du jour de l'An nouveau qui s'annonce, chacun adressera ses vœux aux êtres qui lui sont chers, à sa famille, à ses amis… Tout cela dans la bonne humeur et la joie si possible.
On approche doucement de la fin de cette dix-huitième année du nouveau siècle et du début de la Seybouse. Déjà presque le temps d'une génération, en somme, dont la plupart, qui viennent d'atteindre leur majorité ne croient déjà plus au Père Noël depuis longtemps. Beaucoup ont cru voir dans l'élection de 2017, l'arrivée du nouveau Père Noël mais ils ont découvert que c'était le Père Tape-Dur, fils du Père Fouettard, qui est venu. A celui-là on lui demande de respecter au moins le Civisme face au peuple.
Un terme dont il n'est pas inutile de rappeler la définition : " Le civisme, du mot latin civis, désigne le respect du citoyen pour la collectivité dans laquelle il vit, et de ses conventions, dont notamment sa loi. La réciproque est de mise. Le civisme implique donc la connaissance de ses droits comme de ses devoirs vis-à-vis de la société ".
Nous sommes tous conscients que, pour la plupart de nos concitoyens, ces fêtes de fin d'année apparaissent comme une échappée joyeuse et chaleureuse, une parenthèse réconfortante dans un contexte très difficile, marqué par l'inquiétude grandissante face à un avenir incertain. Même si on ne peut être d'accord avec tout, les Gilets Jaunes sont là pour rappeler les inquiétudes et la détresse du peuple.
Je veux ici saluer les services des contributeurs de la Seybouse qui, depuis de longues années, ont mis leurs compétences au service de notre cause.
Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter d'excellentes fêtes et je vous donne rendez-vous en 2019 !
Amicalement votre.
Jean Pierre Bartolini
Diobône,
A tchao.
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CENTENAIRE DE L'ARMISTICE
De Hugues Jolivet
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Jour de liesse, jour de deuil que ce onze novembre !
Halte aux tirs des fusils, des obus, des grenades.
Ils sortent des tranchées qu'ils n'ont plus à défendre,
Ces poilus harassés, tous prêts pour la parade !
Ils celèbrent la victoire, rendent hommage aux morts
Tombés en Flandres, Chemin des Dames ou à Verdun,
Ces millions de victimes que la France commémore :
Appelés régionaux et Alliés opportuns.
Un père, un frère, un oncle, tous enfants de Marianne,
Donnent un titre de gloire aux millions de familles
Urbaines, villageoises, fermières des campagnes
Et aux quelques milliers, d'Afrique et des Antilles,
Qui, par le sang versé, nous imposent le devoir
De protéger l'acquis d'une patrie sauvegardée.
Promesse à renouveler, après cent ans d'histoire,
En faveur d'une France aujourd'hui chambardée !
A l'instar de deux oncles, les frères de mon père,
Dont les noms sont inscrits sur une Stèle Normande,
Je renouvelle mon don , le jour du Centenaire,
D'amour de mon pays, de vie s'il la demande !
Hugues Jolivet
Le 11 novembre 2018
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ENTRETIEN DU CIMETIERE DE BÔNE
Par M. Mounir Hanneche - Entrepreneur - 2018
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ELAGAGE - DEBROUSSAILLAGE
PEINTURE - FLEURISSEMENT
L'entreprise Bône-Construction, continue les travaux de déboisement dans le cimetière de Bône. Elle a repeint l'entrée du cimetière, voici la suite des photos. Cette entreprise qui s'occupe a fleuri nos tombes comme elle le fait depuis plus de 10 ans.
Un regret cette année, il y a eu des défections, au moment où les efforts de plus de dix ans commencent à porter ses fruits auprès d'un Consul plus près de nos préoccupations.
Merci à l'entreprise BONE-CONSTRUCTION d'avoir persévéré et réalisé tous ce que nous lui avons commandé depuis 2007. Merci aussi à M. Poinçot, Consul de France à Bône (Annaba).
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LE MUTILE N° 56 du 7 juillet 1918 (Gallica)
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Les Profiteurs de la guerre
les Fournisseurs de l'Armée
Il y en a plus d'une sorte, on ne le sait que trop. Les variétés de cette race pullulent comme celle des champignons qui jaillissent du sol après l'orage et réalisent dans le domaine moral où à mieux dire immoral le prodige de là génération spontanée impossible dans le domaine physique. L'inverse serait préférable.
À bon entendeur salut. De toutes parts (et, c'est un luxe d'information car nous n'avons eu à risquer ni congestions cérébrales ni corps aux pieds pour nous renseigner nous-mêmes) on nous signale telle et telle grosse Maison faisant l'adjudication militaire qui par surcroît contre-font l'honnêteté patriotique et même la simple honnêteté patronale. Nous n'étonnerons que peu de gens par quelques précisions. Bornons-nous pour cette fois à un seul exemple avec prière instante au lecteur de considérer cet exemple comme un exemplaire tiré à plusieurs éditions, de ce véritable crime contre la conscience française ;
L'un de ces adjudicataires M. S... que des âmes charitables ou naïves nous donnaient naguère pour un philanthrope bon teint, spécule sur ses malheurs ouvriers déjà réduits par l'Administration militaire à des salaires que nous ne nous voulons pas appeler de famine, mais qui ne sont distants de ces salaires là que de l'épaisseur d'un cheveu. Si le militaire n'est pas riche dans le service de l'Autriche à en croire certain refrain d'une opérette célèbre.
Madame l'Intendance chez nous n'enrichit pas non plus notre main d'œuvre on ne rempli que la main sinistre " manus sinistra " de l'intermédiaire. Voici un choix d'échantillon des tarifs officiels : ou l'art des fractions décimales l'emporte sur la générosité : capotes 4fr. 525,varèuses 2.89 manteaux 3.fr 495 culottes H. K. M. 2,29 plus 3 centimes par bas rapporté en toile ; culotte H. M. 2,76 et même addition centésimale ou infinitésimale, vareuses toiles R à R 1 fr. 483, pantalons toile R à R 1 fr. 469.
Eh ! Bien de cette haute paye octroyée à des femmes, veuves, sœurs ou filles, de tués, blessés, mutilés ou tout simplement combattant ; l'ingénieux M, tel un orfèvre miniaturiste limant son bijou - rogne trente, vingt-cinq, quinze et même dix centimes. Il estime que si les petits profits fondent les grandes maisons, ils ne nuisent pas non plus à leur développement. Mais ce qui par contre nuira très vraisemblablement à son renom, et donc à son cher commerce c'est la divulgation de l'odieux procédé moyennant lequel ce notable fournisseur des héroïques armées de la République abuse de l'assujettissement où il tient ces pauvres femmes et jeunes filles en leur imposant des reçus traqués au truffés à l'instar de Robert Macaire "je majore la réalité sur le papier et c'est par-là que je suis presque un créateur," disait cet aïeul.
C'est exactement le mode d'opérer de M.. Et ses quasi-esclaves s'exécutent docilement. Elles signent 4.52.5 pour 4.30 ou un peu moins encore, 2,56 pour 2,91 etc. etc. Les rognures rassemblés forment de grandes pièces, où pour en revenir à notre bijoutier ces poudres d'or prélevées sur les victimes de la poudre de guerre forment des louis sonnants et trébuchants dans les coffres de notre moderne Ali baba perverti.
Ce serait faire trop d'honneur au malhonnête M. que de lui dédier notre colère. Nous aimons mieux nous "dresser directement au service de l'Intendance et lui signaler le cas que certifient quantité de témoignages irrécusables. Il n'est que temps de couper les griffes et même les pattes des Vautours du champ de bataille encore plus haïssables que ceux de la Finance qui le plus souvent se volent, entre eux.
Les M. et Cie "non limited trelas" volent eux, la France du présent et celle de l'avenir la France qui se bat pour vaincre et celle qui réparera les dommages infinis de la lutte gigantesque.
J. ASCIONE
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ALLOCUTION POUR LA CELEBRATION
DU CENTENAIRE DE L'ARMISTICE
DU 11 NOVEMBRE 1918
Envoyé par M. Albert Hamelin
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Jacques MYARD
Membre Honoraire du Parlement
Maire de Maisons-Laffitte
Président du Cercle Nation et République
" Vor Gott und der Geschichte est mein Gewissen rein :
ich habe den Krieg nicht gewollt ".
" Devant Dieu et l'Histoire, ma conscience est pure,
je n'ai pas voulu la guerre ".
Guillaume II Empereur d'Allemagne,
Roi de Prusse
Le Kaiser abdique le 9 novembre 1918 et se réfugie à Doorn aux Pays-Bas.
Guillaume II n'a-t-il pas voulu la guerre ?
La question mérite d'être posée et ce n'est pas en niant l'Histoire que l'on bâtit la Paix en Europe !
Les faits sont là :
En novembre 1913, le Baron Beyens, ministre de Belgique à Berlin, rapporte à notre Ambassadeur Jules Cambon un échange entre Albert 1er, Roi des Belges, en visite à Postdam, qu'il a eu avec Guillaume II.
" Une guerre avec la France, dit le Kaiser, est inévitable et prochaine ".
Il décrit une France belliqueuse et revancharde.
Albert 1er proteste et défend la France mais le Kaiser persiste et affirme qu'il ne doute pas de la supériorité écrasante de la Reichwehr, l'armée allemande.
Le 28 juin 1914 l'archiduc héritier d'Autriche-Hongrie est assassiné à Sarajevo en Bosnie par Prinzip, un nationaliste serbe.
Vienne envoie à la Serbie un ultimatum comminatoire dont les termes ont été choisis à dessein pour être inacceptables en accord avec Berlin.
Le 28 juillet 1914 l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie.
La Russie mobilise le 1er août.
Le 1er août au soir à 19 h l'Allemagne déclare la guerre à la Russie et le 3 août à 18 h 15 à la France.
La veille, le 2 août, l'Angleterre promet à la France qu'elle ne tolérerait pas une action allemande contre les côtes françaises.
Le 4 août, l'Angleterre déclare la guerre à l'Allemagne à la suite de la violation de la neutralité belge.
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* *
Tout s'est enclenché comme à la parade dans le jeu des alliances conclues en temps de paix, ce qui n'était pas le jeu normal des relations internationales auparavant.
C'est la Duplice entre l'Allemagne et l'Autriche en 1879 puis la Triplice en 1882 entre l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie.
C'est en 1893 l'accord militaire secret entre la France et la Russie.
C'est à un moindre degré, l'entente cordiale avec l'Angleterre en 1904.
Le chancelier allemand Bethmann-Hollweg a présenté le danger des alliances lors de la crise de Sarajevo.
Il écrit le 21 juillet 1914 :
" Affaire à régler exclusivement entre l'Autriche-Hongrie et la Serbie .
Toute intervention d'une autre puissance, vu les alliances, entraînerait des conséquences incalculables."
Les hommes, les gouvernements ont-ils été dépassés par le mécanisme des alliances qui les a précipités dans un " commun désastre " selon le mot fameux de Lucain dans la Pharsale ?
- Jamais guerre ne fut plus totale.
73 millions d'hommes furent mobilisés.
8 pour la France, 13 pour l'Allemagne, 9 pour le Royaume-Uni.
- Jamais guerre " fraîche et joyeuse " pour revenir à Noël ne fut aussi longue, 1562 jours de guerre dans des conditions éprouvantes.
- Jamais guerre n'a fait appel à tant d'abnégation, de courage, de sacrifices.
" La haine du monde est dans l'air " écrit Emile Verhaeren.
Les fleuves et rivières paisibles et nonchalantes deviennent porteuses de terribles batailles et roulent le sang des hommes :
- la Marne
- la Sambre
- la Somme
- L'Ailette
- la Piave
Les villes détruites ne sont plus que les ombres de leur glorieux passé :
- Charleroi
- Reims
- Arras
- Montdidier
Verdun, Verdun le verrou ancestral, multiséculaire qui barre la route des invasions et porte à jamais le nom de la forteresse inexpugnable.
Le Kaiser ne doutait pas de la supériorité de l'armée allemande qui devait l'emporter sans coup férir, confiant dans sa doctrine militaire, l'offensive.
" L'offensive, écrit Erich Ludendorff, est la forme la plus puissante du combat ; elle seule apporte la décision. L'offensive est le symbole de la supériorité sur l'ennemi. "
L'offensive allemande, c'est le plan Schieffen qui viole la neutralité belge pour, d'un mouvement tournant, prendre les forces françaises à revers et foncer sur Paris.
Mais comme l'avoua après la guerre Ludendorff :
" On nous avait tout appris à l'école de guerre sauf une chose, qu'une armée en retraite épuisée par des nuits et jours de marche puisse se ressaisir et reprendre le combat à la victoire ".
Ce fut la Marne avec Joseph Joffre.
Mais alors commença la guerre d'usure des tranchées avec le foisonnement des obus, les moulins des mitrailleuses, la traîtrise des mines pour des assauts pour gagner quelques mètres après des offensives meurtrières.
Pétain rappelle alors ce qu'il enseigna à l'école de guerre , " le feu tue ". Il organise en conséquence les défenses et relève les divisions par roulement.
" Nous aurions quitté les salles de cours, les bancs de l'école... et les brèves semaines d'instruction nous avaient fondu en un grand corps brûlant d'enthousiasme (...)
Nous atteignons le village d'Orainville où le 73ème fusiliers avait ses quartiers, où il y avait un château isolé dans le Parc.
Un obus avait crevé contre le portail du château (...) Au point d'impact un plaisantin avait écrit : " Au rendez-vous des obus. ".
La rue était rougie de grandes flaques de sang ; des casques et des ceinturons criblés d'éclats étaient dispersés alentour.
C'était notre premier jour de guerre, une expérience décisive qui a douché l'enthousiasme belliqueux de certains "
Ernst Jünger - Orages d'acier /Stahlgewittern.
" Douilles éclatantes des obus de 75, carillonnez pieusement ".
Mais la beauté des vers de Guillaume Apollinaire ne peut tronquer la réalité de ce déluge de feu.
" Ca, c'est des 150 fumants, c'est même des 210, bec de veau(...)
On a vu un obus éclater sur le sol (...)
On dirait à travers la glèbe fendue le crachement effroyable d'un volcan (...)
Un bruit diabolique nous entoure.
On a l'impression inouïe d'un accroissement continu, d'une multiplication incessante de la fureur universelle.
Une tempête de battements rauques et sourds, de clameurs furibondes, de cris perçants de bête s'acharne sur la terre toute couverte de loques de fumée, et nous sommes enterrés jusqu'au cou, et que le vent des obus semble pousser et faire tanguer.
- dis donc, braille Barque, je me suis laissé dire qu'ils n'ont plus de munitions
- oh là-là ! on la connaît celle-là, ça et les autres bobards que les journaux nous balancent par s'inguées "
Henri Barbusse - Le Feu
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Malgré les mines, les mitrailleuses, les obus de tout calibre qui font valser la mort,
Ils ont tenu !
Malgré les tôtos à croix de fer,
" Les piqûres des poux me brûlent aux bras, partout, de me gratter je suis en sang " .
François Bernouard
Ils ont tenu !
Malgré des conditions sanitaires déplorables où les gaspards attaquent les cadavres et s'infiltrent la nuit dans les casemates tourmentant le sommeil des poilus toujours en éveil.
Ils ont tenu !
Ils ont tenu, mobilisant leurs fidèles compagnons :
. 1,5 million de chevaux sont réquisitionnés comme les hommes dès le début de la guerre. Ils payent un très lourd tribut, 800 000 chevaux sont tués au combat.
" Je n'avais encore jamais entendu crier des chevaux et je puis à peine le croire. C'est toute la détresse du monde ".
Erich Maria Remarque - Im Westen nichts neues
- les chiens sont enrôlés par milliers dans le " service des chiens de guerre "
pour être des sentinelles, des estafettes, des ambulanciers , pour retrouver les blessés ou des mascottes, attachés aux hommes à la vie, à la mort.
- 30 000 pigeons ont fait la guerre dans l'armée française, 20 000 furent tués au combat.
" Vaillant " matricule 78715 envoyé par le commandant Raynal du Fort de Vaux réussit à passer les lignes porteur du message : " Tenons toujours, mais subissons une attaque très dangereuse par le gaz et la fumée. Il y a urgence à nous dégager. Faites-nous donner de suite communication optique par Souville qui ne répond pas à nos appels. C'est mon dernier pigeon. ".
Vaillant arrivé mourant au Colombier de Verdun, fut décoré et cité à l'ordre de la Nation.
Ils ont tenu
Paysans ou fonctionnaires
Ouvriers ou ingénieurs
Roturiers ou aristocrates
Musulmans ou juifs
Libres penseurs ou curés
Soldats du rang ou officier
Ils ont tenu
Ils ont grogné, râlé, rouspété, quelques-uns ont refusé le combat.
Mais dans leur très grande majorité
Ils ont tenu
" Ce que nous défendons, ce n'est pas notre esprit mais le sol où nos beaux oiseaux ont fait patrie, Ce qui nous défendons du blaireau, du putois saxon, prussien... c'est le champ, c'est le sol, c'est le fonds, c'est le nid "
Paul Fort
Ils ont tenu
Avec le soutien des femmes
" Rolande est en usine et va dans les fumées,
Ployant le dos, l'air sombre et les lèvres fermées
Malgré l'enfant qui bouge en son sein valeureux,
Rolande près des fours souffle sur les grands feux
Et la masse de fer, dilatée en tempête
Se roule et frappe au mur où s'écrase sa tête. "
Jean Rateau-Landeville
100 000 Françaises sont engagées dans le service de santé militaire
10 000 religieuses soignent sans répit
1400 hôpitaux sont dirigés par des femmes.
Elles tournent 2500 obus chaque jour.
" Si les femmes, dit Joffre, qui travaillent dans les usines s'arrêtaient vingt minutes, les alliés perdraient la guerre ".
Elles écrivent, marraines de guerre, à des dizaines de milliers de filleuls, soldats au front dont les familles sont au nord en France occupée.
Elles leur apportent la douceur féminine dans leurs lettres pleines de compassion.
On ne saurait oublier une très grande figure, Louise de Bettignies, qui, dans le nord de la France occupée, renseigne les alliés ; condamnée à mort en 1915 par l'occupant, sa peine est commuée en prison à perpétuité et internée en Prusse à Sieburg, après l'intervention du Pape.
" Il a fallu la Grande Guerre pour que l'Humanité prenne conscience de sa moitié " titre la Vie féminine.
Mais la République d'alors, ingrate, leur refuse le droit de vote, ce ne fut pas à son honneur ; beaucoup de ces jeunes femmes, fiancées, le resteront à jamais.
" Blé vert qui n'aura pas d'épi, sont les jeunes filles qui ne seront pas épousées " Jeanne Perdrière-Vaissière
Ils ont tenu
Commandés par des officiers à la tête de leurs troupes : un quart des officiers est tombé au champ d'honneur.
Ils ont tenu
Jusqu'au sacrifice suprême.
Près de 1,4 million de jeunes Français a péri dont 367 Mansonniens.
Les forces des colonies ont, elles aussi, payé un lourd tribut.
35 000 Algériens sur 175 000 mobilisés
12 000 Marocains sur 40 000
21 000 Tunisiens sur 80 000
25 000 Sénégalais et assimilés sur 180 000 mobilisés.
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Dame Nature se revêt de croix blanches, témoins vigilants, dans des nécropoles nationales éternelles.
Dame Nature garde aussi à jamais les blessures profondes des combats acharnés,
. Là à Verdun, le sol gondole en montagnes russes,
. Ici à Boiselle dans la Somme, 35 tonnes d'explosifs ont légué aux générations futures un cratère de 100 m de diamètre et de 30 m de profondeur
Dame Nature veille pour toujours sur les ombres des villages détruits à Montfaucon d'Argonne, à Fey en Haye, à Bezonvaux.
Les poilus ont tout enduré, la boue, la neige et le froid sous les tirs des mitrailleuses, les gaz, les mines et les obus.
Les poilus ont donné leur jeunesse à la mère patrie, pour notre liberté, pour que la France soit une Nation libre.
Leur sacrifice nous oblige.
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Réécrire l'Histoire à l'aune d'aujourd'hui où l'ennemi d'hier est devenu un partenaire, un allié,
c'est mentir à l'Histoire tragique du XXème siècle,
c'est se mentir à soi-même,
c'est insulter la mémoire de nos pères qui ont fait leur devoir, conscients des dangers terribles que la patrie devait alors affronter face à l'impérialisme du Reich allemand.
14-18 est une victoire militaire française remportée par nos soldats avec nos alliés.
Le nier est un déni de justice au regard de l'Histoire,
Le nier c'est acter leur deuxième mort, la pire, l'oubli !
Le 20 novembre 1917, Clemenceau est investi à la chambre des députés comme Président du Conseil.
" Nous nous présentons devant vous dans l'unique pensée d'une guerre intégrale. Il faut abdiquer tout ce qui n'est pas la patrie. "
Mais l'ennemi n'est pas encore vaincu.
Le 21 mars 1918, Ludendorff avec un esprit offensif fait tonner 6500 canons sur l'armée anglaise de Gough, elle recule de 43 Km ; l'heure est grave.
Le 26 mars à Doullens, Foch est chargé de coordonner l'action des armées alliées en France.
Le 9 avril, Lloyd George accepte de nommer Foch commandant en chef des armées alliées en France.
Le 2 mai, Orlando lui confie le front italien.
Le 8 août, Ludendorff échoue dans son attaque et déclare : " c'est le jour de deuil de l'armée allemande. "
Le 4 octobre, le gouvernement allemand s'adresse au Président Wilson :
" Le gouvernement allemand prie le Président des Etats-Unis de prendre en main le rétablissement de la paix, de donner avis de cette demande à tous les Etats belligérants et de les inviter à désigner des plénipotentiaires à l'effet d'engager des négociations. "
Le 14 octobre, Wilson répond en exigeant que le peuple allemand se débarrasse de l'Empereur, de la monarchie et du pouvoir militaire.
Le 27 octobre 1918, Ludendorff est renvoyé par l'Empereur Guillaume.
Le 4 novembre, le drapeau rouge est hissé sur les navires de la 3ème escadre à Kiel.
Le 9 novembre, le Kaiser abdique.
Le 10, il quitte Spa et se réfugie à Doorn aux Pays-Bas.
La République allemande est proclamée sur le grand escalier du Reichtag.
Dans la nuit du 6 au 7 novembre, Foch fait connaître aux Allemands le lieu où ils pourront franchir les lignes françaises.
Le 7 novembre à 21 h 30, à Lacapelle, les plénipotentiaires allemands sont reçus par le commandant Bourbon-Busset.
La délégation allemande conduite par :
- Matthias Erzberger, secrétaire d'Etat du nouveau gouvernement
accompagné
. du Comte Alfred Von Oberndorff des Affaires étrangères
. du Général Dethof Von Winterfeld
. du Capitaine de vaisseau Ernst Vanselov
monte alors - signe de l'Histoire - dans le train de Napoléon III pour Rethondes.
Après de nombreux échanges d'un ton glacial et quelques atermoiements, Erzberger reçoit un télégramme de Spa le 10 novembre :
" L'armée exige à tout prix l'armistice " signé du Chancelier.
L'Armistice est signé à 5 h 15 , par
- Ferdinand Foch, Commandant suprême des forces alliées
- Rosslyn Wemyss, Amiral britannique
- George Hope, Contre-Amiral, adjoint au First Sea Lord
- Maxime Weygand, Chef d'Etat-major de Foch
et les plénipotentiaires allemands.
L'Armistice est effectif à 11 h.
CESSEZ -LE -FEU. (un clairon sonne le cessez le feu)
A 16 heures, Clemenceau est acclamé à la Chambre des députés.
" J'envoie le salut à la France unie et indivisible à l'Alsace et la Lorraine retrouvées ".
Depuis, les députés d'Alsace et de la Lorraine siègent toujours dans les premiers rangs au bas de l'Hémicycle à l'Assemblée nationale.
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* *
Ce cataclysme a remis en cause la suprématie civilisationnelle de l'Europe.
" Nous autres civilisations savons que nous sommes mortelles "
Paul Valery
Il a provoqué des bouleversements géostratégiques qui ont tourmenté le XXème siècle pour son malheur.
. La révolution bolchevique a plongé le peuple russe dans la période la plus sombre de son Histoire avec des dizaines de millions de victimes.
L'Amérique, fille de l'Europe, l'a supplantée dans la marche du monde succombant parfois à l'hubris, à la démesure.
Ce cataclysme s'éloigne dans le nuit des temps de l'Humanité mais il ne peut être oublié.
. Il porte à jamais des enseignements que chaque génération se doit de garder en mémoire et de méditer.
. C'est avec regret et émotion que nous nous devons de nous incliner devant les sacrifices de nos aïeux pour la défense de la patrie
. Le patriotisme n'est pas d'un autre temps, il n'est pas ringard, il constitue le fondement même de la cohésion nationale, de sa solidité.
Aujourd'hui comme hier, il exprime notre volonté d'un destin commun, force d'avenir.
Le colonel Arnaud Beltrame, brillant officier, s'inscrit dans cette grande lignée d'hommes et de femmes qui vont au bout de leurs convictions, de leur engagement jusqu'au sacrifice suprême, une certaine idée de la France chevillée au cœur.
Mais cent ans après ce cataclysme, une question nous taraude toujours, l'Histoire est-elle faite par la seule volonté des Hommes en pleine maîtrise de leur raison ou est-elle le fruit de forces, de mécanismes qui les dépassent et les mènent inéluctablement à l'affrontement ?
Ce qui s'est passé en juin et juillet 1914 demeure à jamais un sujet de géostratégie.
Nous vivons dans un village planétaire où règne l'immédiateté des événements qui peuvent s'enchaîner de manière incontrôlée et conduire à l'inéluctable.
Gardons-nous de nous laisser entraîner dans des conflits qui ne sont pas les nôtres par le simple jeu des Alliances
Gardons à l'esprit la leçon de Virgile : " jamais de confiance dans l'alliance avec un puissant ".
Gardons la maîtrise de nos décisions et donnons à nos forces armées les moyens pour garantir l'indépendance de la Nation, fondement existentiel de notre liberté.
14-18, ces quatre chiffres avec leur cortège d'épreuves terribles, de sacrifices qui ont forcé la Victoire,
Ces quatre chiffres sonneront toujours dans nos cœurs et dans notre esprit comme un avertissement,
comme un appel à la vigilance,
comme une exhortation,
pour ne jamais baisser notre garde !
Vive nos Alliés
Vive les Nations d'Europe réconciliées
Honneur à nos pères tombés pour la patrie.
Vive la République
Vive la France !
Je tiens à remercier tous les enfants des écoles et des collèges qui ont lu des lettres des poilus et sont venus très nombreux avec leurs parents et leurs professeurs à cette célébration en dépit de la pluie, montrant ainsi leur volonté de faire vivre notre histoire .
Très cordialement
Jacques Myard
11 novembre 2018
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Dardanelles 1915 Zouaves PNs
Par P. Barisain
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Cette photo retrouvée de PNs (en majorité d'Oran sur la photo) Zouaves aux Dardanelles en 1915...
Combien de ces "criminels contre l'humanité" de 20 ans sont revenus en 1918 ?
N'oubliez jamais !
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ANNALES ALGERIENNES
Tome 1
2ème partie
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LIVRE VI.
Sur les événements qui eurent lieu à l'Armée d'Afrique,
par suite de la Révolution de 1830 (1)
Nîmes, le 24 juillet 1831.
Quoique la brochure de M. de Quatrebarbes, intitulée Souvenirs de la campagne d'Afrique, soit déjà parvenue à sa seconde édition, il n'y a que peu de jours que je la connais. Je l'ai lue avec l'intérêt qu'elle doit inspirer à tous ceux qui ont pris part à la courte et glorieuse campagne d'Alger, intérêt qu'accroissait encore mon amitié pour l'auteur. Cependant je crois devoir signaler au public plusieurs assertions erronées évidemment dictées par l'esprit de parti, et qui ne pourraient qu'égarer l'opinion de nos compatriotes sur la manière dont la nouvelle de la sainte et légitime révolution de juillet fut reçue à l'armée d'Afrique.
La promulgation des célèbres ordonnances fut connue à Alger un ou deux jours avant la vengeance que sut en tirer le peuple et le ciel même, outragé dans la religion du serment. Cette nouvelle excita chez quelques personnes, en petit nombre, une joie indécente, bientôt troublée par le coup de foudre qui la suivit. Du reste elle s'étendit peu dans l'armée, et resta concentrée dans la Casbah. Celle du triomphe de la liberté sur le despotisme se répandit avec la rapidité de l'éclair. Les chefs de corps reçurent l'ordre de la communiquer eux-mêmes à leurs officiers. Ils le firent dans des termes vagues, équivalents à ceux-ci : Soyez prudents, et attendez de plus amples informations avant de vous prononcer. Un ordre du jour de M. de Bourmont fut rédigé dans le même sens, le voici :
Alger, le 11 août 1830.
" Des bruits étranges circulent dans l'armée, le maréchal commandant en chef n'a reçu aucun avis officiel qui puisse les accréditer. Dans tous les cas, la ligne des devoirs de l'armée lui sera tracée par ses serments et par la loi fondamentale de l'état. "
Je demande à M. de Quatrebarbes s'il voit là quelque trace de ce dévouement à la légitimité dont, dans la page 105, il veut faire honneur au chef de l'armée d'Afrique. Quant à moi, tout ce que j'y vois est une indifférence politique fort peu louable sans doute, mais très flexible pour les exigences d'un avenir encore quelque peu incertain. M. de Quatrebarbes en jugeait de même au mois d'août dernier, ainsi que je le prouverai un peu plus bas.
Mais si les chefs principaux étaient indifférents, le mois de septembre, à table, chez le général Boyer, n'en était point de même dans les rangs inférieurs. Un fort parti se forma sur-le-champ pour résister à toute espèce de scission avec la majorité de nos compatriotes.
M. de Bourmont réunit, le 12, tous les officiers supérieurs à la Casbah. Là, ces Messieurs, s'excitant les uns les autres, reprirent, il est vrai, un peu de vigueur. On dit que des épées furent tirées, et que plus d'un colonel, orné maintenant de plumes et cocardes tricolores, jura sur le fer, de mourir pour la légitimité ; M. de Bourmont, entraîné par ses fils braves et loyaux, jeunes gens absolutistes de bonne foi, partagea un instant cet enthousiasme. Il fut en effet question de conduire l'armée en Normandie pour y soutenir les droits de la famille déchue ; projet trop ridicule pour être longtemps celui de M. de Bourmont, trop grand pour pouvoir cadrer avec la trempe molle de son âme. Une communication aussi absurde dans le fonds, que puérile dans la forme, transmise des côtes de Provence par le très inoffensif marquis d'Albertas, j'ignore par quel moyen, avait donné quelque espérance aux ennemis de la révolution, et fait pencher de leur côté la cohue des politiques expectants. M. d'Escars eut la froide intrépidité de mettre cette ridicule pièce à l'ordre de la 3e division, à qui elle fit hausser les épaules ; M. de Quatrebarbes le sait tout aussi bien que moi.
Des ordres furent donnés pour faire rentrer à Alger les troupes que nous avions à Bône et à Oran. Cette mesure, dictée par la gravité des circonstances, ne peut rien faire préjuger des intentions ultérieures de M. de Bourmont, puisqu'elle pouvait être la suite de la crainte assez fondée d'une rupture subite avec l'Angleterre. C'est, en effet, dans l'explication que le général en chef donna de ces mouvements dans son rapport officiel.
M. Desprez, chef d'état-major général, fut chargé de sonder les dispositions de l'amiral Duperré. Celui-ci, qui venait de se couvrir d'un ridicule, qui, je l'espère, sera ineffaçable par l'enflure vaniteuse et mensongère de ses bulletins, tergiversa et répondit par des faux-fuyants, à travers lesquels cependant perçait un esprit d'opposition à toute mesure extrême. Il promit, du reste, de ne point arborer le nouveau pavillon avant l'armée de terre, et ajouta qu'il coulerait le navire qui oserait le hisser sans son ordre. Je ne dis point ceci pour accuser M. Duperré, à qui je ne reproche qu'une jactance dont chaque jour vient le punir par de tristes révélations. Si cet amiral a voulu prendre ses aises pour se prononcer, quoi qu'on en ait dit, il a agi en cela comme tous nos personnages politiques sans exception. On sait fort bien maintenant que la révolution a été faite par le peuple seul, le peuple aux mains noires et au dévouement désintéressé; mais revenons à notre sujet.
M. de Bourmont, sûr de ne point être trop pressé par la marine, se trouva soulagé d'un grand poids. Au dire de tous ceux qui l'ont connu, l'hésitation est le fond de son caractère. Dès le lendemain de la bruyante assemblée de la Casbah, il en donna de nouvelles preuves. De nouveaux conseils eurent lieu, les généraux y furent seuls admis, et rien n'y fut décidé. Les généraux Tholozé et Lahitte y parlèrent, le premier surtout, de la nécessité de ne point séparer notre cause de celle de la patrie. Je tiens ces détails du général Tholozé lui-même. Il les donna dans le mois de septembre, à table, chez le général Boyer. La conduite du général Lahitte est sans doute ce que M. de Quatrebarbes appelle une ingratitude éclatante, qu'il veut passer sous silence pour ne point navrer le cœur du lecteur sensible. L'armée n'en jugea pas ainsi. Par un hasard inexplicable, les talents de ce brave général avaient été appréciés par M. d'Angoulême ; était-ce une raison pour que M. Lahitte oubliât ses devoirs de citoyens ?
L'hésitation de M. de Bourmont dura jusqu'au 16 août. Il aurait voulu la prolonger encore. D'un côté, il avait reçu une lettre amicale du général Gérard, qui le rassurait sur sa position personnelle ; de l'autre, son affection bien naturelle pour une famille à laquelle il avait tout sacrifié, lui faisait peut-être désirer que la position d'une armée encore indécise sous le drapeau blanc, pût apporter quelques chances à l'élection du duc de Bordeaux. Ce calcul fut déjoué. L'idée fixe de l'armée était l'union avec la patrie. On aurait proclamé la république, Napoléon II, ou M. de Bordeaux que nous y aurions souscrit. Nous voulions avant tout rester Français. La question principale était le triomphe de la liberté auquel nous avions applaudi énergiquement ; le pouvoir était entre les mains du peuple.
C'était à lui que nous voulions rester unis, bien décidés à nous soumettre à la forme de gouvernement qu'il aurait adopté. Ceci ne ressemblait en rien à l'indifférence politique de la plupart de nos chefs. Nous voulions que l'on reconnût la révolution, qu'on en adoptât les couleurs quelles qu'en dussent être les conséquences; nous le voulûmes, nous étions en droit de le vouloir, et nous l'aurions obtenu malgré la résistance la plus opiniâtre.
Nous avons dit qu'un parti s'était formé pour résister à toute scission entre nous et la France. Un grand nombre d'officiers devait se rendre chez M. de Bourmont et le sommer d'arborer les couleurs nationales. M. le général Lahitte dût être instruit de ce projet par M. le capitaine d'artillerie Marey, actuellement chef d'escadron aux chasseurs algériens, qui le lui communiqua avec le consentement de tous ceux qui l'avaient formé. Il parvint aux oreilles de M. de Bourmont, et hâta indubitablement sa détermination. M. le général Hurel se présenta le 16 au soir à la 3e division, qui était celle où il y avait le plus de fermentation, et engagea les officiers à l'abandonner, en disant que ce serait commettre un acte d'insubordination en pure perte, puisque nous allions être satisfaits. En effet, l'ordre du jour qui substituait le pavillon tricolore au pavillon blanc parut quelques heures après; il était ainsi conçu :
Alger, le 16 août 1830.
" S. M. le Roi Charles X et Monseigneur le Dauphin ont, le 2 août, renoncé à leurs droits à la couronne en faveur de Monseigneur le duc de Bordeaux. Le maréchal, commandant en chef, transmet à l'armée l'acte qui comprend cette double abdication, et qui reconnaît Monseigneur le duc d'Orléans comme lieutenant-général du royaume.
" Conformément aux ordres de Monseigneur le lieutenant-général du royaume, la cocarde et le pavillon tricolores seront substitués à la cocarde et au pavillon blancs.
" Demain, à 8 heures du matin, on arborera le pavillon tricolore. Les drapeaux et, les étendards des régiments demeureront renfermés dans leurs étuis. Les troupes cesseront de porter la cocarde blanche. La cocarde tricolore la remplacera, lorsqu'on en aura reçu une assez grande quantité pour que toutes les troupes puissent la prendre à la fois. "
On voit que cet acte officiel paraissait reconnaître d'avance la souveraineté du duc de Bordeaux. On s'en inquiéta peu. L'essentiel était l'adhésion à la révolution, qu'il contenait virtuellement.
M. de Quatrebarbes prétend qu'aucun cri ne salua le nouveau drapeau, et en tire l'induction que la majorité de l'armée le vit avec peine. Cependant une foule de pavillons tricolores furent bientôt arborés, par les officiers et les soldats, sur les tentes, les baraques, et les maisons de campagnes qui entourent Alger. Un sentiment de convenance, fort honorable, arrêta, il est vrai, toute manifestation bruyante à l'occasion de ce changement de couleurs. Nous avions aussi des devoirs à remplir envers cet autre drapeau, que nos bras victorieux avaient arboré sur la plage africaine : l'armée sut tout concilier.
Un moyen se présenta pour que chacun pût faire connaître ses sentiments particuliers, ce fut la souscription ouverte pour les blessés de juillet; dans peu de jours elle produisit des sommes considérables.
L'apparition des couleurs nationales fut le signal du départ pour un grand nombre d'officiers, que je range en trois classes : la première, composée exclusivement de généraux et d'officiers supérieurs, se rendit justice sans attendre celle du nouveau gouvernement : des souvenirs pénibles s'élevaient contre elle. La deuxième, qui était la plus nombreuse, était formée d'officiers de tous grades qui, s'étant prononcés vigoureusement, soit par calcul, soit par entraînement, lorsque le triomphe de la révolution paraissait encore incertain, ne voulurent pas en avoir le démenti et s'exécutèrent de bonne grâce, sauf à revenir ensuite sur leurs pas, comme plusieurs d'entre eux l'ont fait. La troisième, enfin, comprenait un petit nombre de légitimistes vrais et sincères, gens de cœur et de résolution, parmi lesquels je mets au premier rang M. de Quatrebarbes. Ces derniers donnèrent, purement et simplement, leurs démissions. La plupart des autres cherchèrent à se ménager une porte de derrière; ils demandèrent soit leur mise eh réforme, soit des congés de convalescence. En rentrant en France, ils trouvèrent un gouvernement indulgent, sous les drapeaux duquel ils ont presque tous ? ni par se ranger, malgré leurs protestations. Un peu de honte est bientôt passée, surtout lorsque l'avancement est le prix d'une rétractation de principes; ainsi la chose a eu lieu pour plusieurs.
M. de Quatrebarbes avance que les officiers qui rentrèrent en France à cette époque eurent le soin de s'assurer que l'armée n'avait à craindre aucune attaque prochaine, avant de la quitter. Je n'ai aucune connaissance de ce fait. Bien plus, un certain nombre ne partit qu'après l'arrivée du général Clauzel, c'est-à-dire à une époque où l'on devait nécessairement s'attendre à de nouvelles opérations militaires.
M. de Quatrebarbes paraît croire que M. de Bourmont aurait pu conserver la Régence à M. de Bordeaux. Il fallait pour cela deux choses, de la force et de l'énergie chez les ennemis de la révolution, et de la faiblesse chez ses amis. Or, pour avoir la vérité, il faut renverser cette proposition. Les généraux et les chefs de corps comptaient depuis longtemps dans les rangs des royalistes, il est vrai ; mais, dans le fonds, ils n'avaient jamais songé qu'à leurs intérêts matériels. Élevés dans les camps de Bonaparte, à une, époque où la patrie n'était plus comptée pour rien, ces messieurs font leur métier en vrais Condottieri ; le seul sentiment politique qu'ils connaissent est la soumission au pouvoir de fait. La plus lourde bévue que pouvait faire la révolution de juillet, a été de s'appuyer sur le bonapartisme ; or, penser un instant que de pareilles gens se seraient jetés dans les chances d'une entreprise aussi hasardeuse et aussi peu profitable que celle qui a été rêvée par M. de Quatrebarbes, est un enfantillage véritable.
Supposons cependant que la chose eût pu réussir, l'armée aurait résisté, et toutes les passions, bonnes ou mauvaises, l'ambition, le patriotisme, l'amour de la guerre, celui de la paix auraient lutté contre les chefs. M. de Quatrebarbes dit qu'on aurait pu laisser à chacun le choix de son drapeau : est-ce sérieusement qu'il avance de pareilles choses ? Certes, dans ce cas, M. de Bordeaux en arrivant à Alger, comme M. de Quatrebarbes le suppose, n'aurait guère trouvé que M. de Quatrebarbes lui-même pour l'aider à descendre du brick qui serait allé chercher, sur la terre d'exil, une famille auguste. Ces puérilités sentent le coin du feu du manoir.
Au reste, le parti royaliste aurait-il eu quelques chances de succès dans l'armée d'Afrique, que M. de Bourmont n'aurait nullement songé à en profiter.
M. de Quatrebarbes l'offre au parti vaincu comme le chef sur lequel il doit avoir les yeux fixés, et, dans cette intention, il l'élève aux nues. Cependant, dans les pénibles circonstances où M. de Bourmont s'est trouvé, les royalistes énergiques ont été bien loin d'être satisfaits de lui. M. d'Escars, en quittant l'armée avant que le pavillon tricolore eût été arboré, le traita fort mal à cause de ses dispositions à se rallier au parti vainqueur. Voici le jugement que M. de Quatrebarbes lui-même porta sur ce général en chef, au mois d'août dernier, et une petite conversation que j'eus avec lui à cette époque. C'était le 17 août, le jour même où le drapeau tricolore fut arboré. Je rencontrai auprès du fort Bab-Azoun M. de Quatrebarbes qui revenait de la Casbah. Je ne l'avais point vu depuis les évènements. " Voici, lui dis-je, de grandes choses, j'espère cependant que notre amitié n'en souffrira pas. La différence de nos opinions politiques ne l'empêcha pas de se former, la chute de votre parti ne doit pas la détruire. " Il me prit la main, et me dit : " Soyez-en bien sûr, j'aimerai toujours les gens que je peux estimer. Mais ce Bourmont !...
Ah ! la boue sera toujours de la boue. Voici, ajouta-t-il, tout ce qu'a obtenu de lui la monarchie expirante, le misérable ! Je le garderai ce témoignage de sa bassesse. " Il me montra alors l'ordre du jour que nous avons cité plus haut. Il me raconta ensuite qu'il avait présenté sa démission au maréchal, qui, l'ayant trouvée inconvenante dans sa rédaction, avait refusé de s'en charger; et qu'alors, lui, Quatrebarbes, lui avait dit : Monseigneur, vous pouvez me dénoncer à la police du nouveau gouvernement que vous allez servir, et plusieurs autres choses aussi violentes. Voilà quelle était l'opinion de M. de Quatrebarbes sur le compte de M. de Bourmont, il y a six années, bien différente, comme on le voit, de celle qu'il professe aujourd'hui.
Peut-être M. de Quatrebarbes pense-t-il que les royalistes doivent, dans ce moment, réunir toutes leurs forces et ne repousser personne ; la manière peu adroite dont il loue M. de Bourmont, fait assez voir que ses louanges ne partent point du cœur. Les mots de ? délité et de serments qui se trouvent souvent à côté de son nom, forment un rapprochement malheureux. L'intention de M. de Bourmont était de rentrer en France, où une lettre que lui écrivit M. Gérard, lui donnait l'assurance qu'il trouverait accueil et protection. En effet, ce général a mené à bien une grande et glorieuse entreprise, et mérite à ce titre la reconnaissance de la France. Le gouvernement, organe de la nation, lui en aurait, je pense, donné des preuves ; mais le maréchal céda à des insinuations qui lui présentèrent, dit-on, les choses sous un faux jour.
Quoi qu'il en soit, M. de Bourmont, le vainqueur d'Alger, ne ? t point voile pour les côtes de France, il s'embarqua pour l'Espagne, sur un bâtiment étranger. De tous ceux qui l'avaient entouré au jour de son triomphe, nul ne lui donna le salut d'adieu ! Mais un des ennemis du parti auquel il appartient, les yeux fixés sur le navire qui le conduisait vers la terre de l'exil, donna quelques larmes à ses infortunes, et ne craint point d'attacher une idée de gloire à son nom.
(1) Cette note ne fut pas publiée à l'époque où elle fut rédigée, parce qu'elle fut envoyée au Spectateur Militaire par une autre voie que celle de la presse, et ne parvint pas à son adresse. Je la donne ici comme renseignement sur les dispositions de l'Armée d'Afrique au commencement de la révolution de 1830
FIN DU TOME PREMIER
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MAMAN
ECHO D'ORANIE - N°292
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Toi qui es née sur une terre que je ne connais pas
Toi qui m'as donné la vie dans ce pays perdu
Je T'aime.
Toi qui m'as protégée contre vents et marées tout au long de ces années
Toi qui as apaisé mes peines et mes souffrances d'écolière
Je T'aime.
Toi qui m'as inculqué fierté et honneur d'être née là-bas
Je T'aime, si tu savais comme je T'aime.
Toi qui as souffert, qui a pleuré de l'avoir quittée,
J'ai pleuré aussi dans tes bras sur Ie pont de ce grand bateau.
Ma petite maman, prends ma main et fermons les yeux !
Ecoute le bruit des vagues s'échouer sur les rochers, là-bas!
Sens l'odeur mélangée des épices, des fleurs.
Retrouve la couleur des roses!
J'imagine la maison où je suis née, la boulangerie où papa
s'activait la nuit et mon frère
endormi sur les balles de farine.
Maman! Garde encore ta main serrée dans la mienne. surtout
ne la lâche jamais
Continue à faire entrer en moi ces odeurs. ces couleurs. ces
images que je m'invente...
Ne me quitte jamais!
J'ai besoin de savoir d'où je viens, toi seule y parviens.
A ma maman qui vient de fêter ses 70 printemps
A ma maman que j'admire tant.
Corinne pour Louisette NAVARRO
épouse LOPEZ d'Eckmühl
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Lyautey catholique
De L'Effort Algérien
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Un de nos lecteurs, le colonel-interprète Sicard, me communique le numéro que la revue "Le Maroc catholique" a consacré à Lyautey. Ce numéro est extrêmement intéressant et étudie surtout l'attitude du grand Maréchal à l'égard de la religion.
Lyautey était catholique de tradition et de tempérament. Elevé par les Jésuites, ami d'Albert de Mun, il ne concevait pas - comme il l'écrivait au soir de sa vie - une cité sans église.
Mais ce grand bâtisseur allait encore plus loin dans la spiritualité, et l'anecdote suivante qu'a racontée d'Ormesson dans "Le Temps" le prouve. La voici :
Lyautey, après la guerre, se rendit au couvent des Oblats, sur la colline de Sion. Quand les Oblats musiciens eurent exécuté leur morceau, le Maréchal, de son banc, les remercia en ces termes :
" Vous me regardez ? Vous vous dites : c'est Lyautey. Un Maréchal de France. Un homme qui a passé sa vie sur les grandes routes, qui a vu le monde entier, qui a commandé en chef, qui a eu un pays entier sous ses ordres, et peut-être pensez-vous, petits moines, vous surtout qui venez de prendre le froc et qui avez encore votre existence devant vous: Ah ! quelle vie que la sienne en comparaison avec la nôtre !...
Est-il possible de rester confiné dans un cloître à marmotter des prières quand le monde est si vaste, si beau, et qu'il y a tant à besogner... Et pourtant moi, Lyautey, je vous dis : petits moines, votre vie, vos rêves, vos prières, votre sacrifice, sont aussi féconds, aussi grands que n'importe quelle création ici bas. Voyez-vous, tout est équilibre, tout est ordre. A côté de l'action, il y a la méditation. A côté de l'effort extérieur, il y a la vie intérieure. A côté de la lutte contre les éléments et contre les hommes, il y a la lutte contre soi-même. La vie ne serait qu'une folie incohérente si la spiritualité ne la réglait pas. Sans des hommes comme vous, des hommes comme moi ne seraient rien. Dès lors, rendez-vous compte, petits moines, du rôle que vous jouez sur cette terre ? Aux heures noires de lassitude et de découragement, vous vous demandez parfois si vous n'avez pas fait une folie en venant vous enfermer dans un cloître ? Vous rendez-vous compte à quel point, au contraire, vous êtes utiles, vous êtes indispensables, vous tenez dans l'ordre du monde une place essentielle ?... "
Je ne connais rien de plus beau dans notre littérature que ce discours du vieux lion parlant à ses jeunes frères dans le Christ. Et d'Ormesson a raison d'ajouter que ceux-ci "l'écoutaient, le regard avide, en tremblant ! "
Mais Lyautey ne se contentait pas de faire des discours, il allait jusqu'aux actes. Pendant tout le temps qu'il fut Résident au Maroc, il soutint les Missions. Il était souvent gêné par Paris, mais ce qu'il ne pouvait faire directement, il le faisait faire par la maréchale Lyautey qui était ainsi son "Ministre de la charité".
C'est grâce à lui, notamment, que fut fondée à Rabat cette école de Foucauld qui est un externat de lycéens tout comme l'école Bossue à Paris, et où 200 élèves reçoivent une éducation chrétienne.
Pendant les derniers jours de sa vie, Lyautey aimait également fréquenter le groupement d'étudiants catholiques de Nancy, dont son confesseur, le Père Lejosne, était l'aumônier.
Nous pourrions multiplier ces anecdotes qui prouvent que Lyautey resta chrétien jusqu'au bout.
II en avait les délicatesses d'âme. Tenez, encore une histoire :
Un jour, le chef d'une tribu de chleuhs, après avoir demandé l'aman, vint se présenter devant le futur Maréchal qui, à cheval, magnifique, scintillant, l'attendait à l'écart du régiment.
On vit arriver un vieillard à la barbe blanche, voûté et marchant difficilement. Il s'approcha du cheval pour baiser les bottes du grand chef en signe de soumission.
En un clin d'œil, Lyautey fut à terre et prit le vieillard dans ses bras :
Un vieillard ne doit pas s'incliner devant un jeune homme, dit-il simplement.
Ce fut alors une immense ovation qui s'éleva dans le camp des vaincus.
En 1880, étant jeune officier, Lyautey fit paraître dans la " Revue des Deux Mondes" un article célèbre sur " le rôle social de l'officier,".
Ce rôle il a su le remplir complètement puisque, partout où il est passé, il a compris que la civilisation française et la civilisation chrétienne ne faisaient qu'un, et e que notre drapeau sans la croix n'était qu'un corps sans âme.
En 1926, à l'occasion de sa nomination par le Pape de Grand Croix de St. Grégoire le Grand, il écrivait au Vicaire apostolique de Rabat :
" Nul témoignage ne pouvait m'être plus précieux. Et le peu que j'ai pu faire ne méritait certainement pas cette récompense. Mais il me plaît de venir affirmer ainsi publiquement mes sentiments pour notre Eglise et j'en tire une légitime fierté."
Je n'ajouterai rien à ces nobles paroles. Lyautey était bien l'un des nôtres. Jusqu'à la fin, il resta fidèle aux amitiés spirituelles de sa jeunesse, alors que camarade d'Albert de Mun et de La Tour du Pin il voulait - suivant ses propres expressions - régénérer notre société " malade d'athéisme."
PAUL RIMBAULT
P. S. - On peut demander à l'Evêché de Rabat ce numéro du " Maroc Catholique " consacré à Lyautey
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Le cimetière chrétien de Blida :
Des tombeaux transformés en toilettes publiques !
Par Said Sadia - 25/08/2018
Envoyé par Mme Bouhier
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En Algérie, il n'y a pas que les " vivants " qui souffrent. Même les morts ne sont pas épargnés. C'est le cas du cimetière chrétien de Blida qui se trouve dans un état d'abandon. Selon une vidéo postée sur les réseaux sociaux, on y voit l'universitaire Fodil Boumala marcher entre des tombeaux vandalisés, des pierres tombales arrachées, des dalles complètement cassées et, plus grave encore, des ossements traînés par terre.
" C'est un crime ", commente l'universitaire visiblement tourmenté par l'image qui s'offre à ses yeux.
En plus de l'état d'abandon, des images montrant des tombeaux familiaux transformés en toilettes publiques, ou tagués par des graffitis de tous genres, sont choquantes. " Même pour les morts, il y a du piston ! On retape les cimetières qui contiennent des noms célèbres, à Alger, et on abandonne les endroits où sont inhumés des gens ordinaires ! ", s'offusque enfin l'intellectuel !
https://algeriepart.com/2018/08/25/cimetiere-chretien-de-blida-tombeaux-transformes-toilettes-publiques/
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Une page noire du gaullisme…
Par M.José CASTANO,
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1er décembre 1944
Le massacre des tirailleurs sénégalais par l’armée française gaulliste
« Prisonniers noirs, je dis bien prisonniers français, est-ce donc vrai que la France n'est plus la France? [...] Sang ô sang noir de mes frères, [...] vous êtes la souffrance qui enroue ma voix » - (Léopold Sédar Senghor)
Au pouvoir à Paris depuis août 1944, le Gouvernement Provisoire de la République Française, le G.P.R.F., est dirigé par Charles De Gaulle. A ce titre, il est reconnu par les puissances Alliées (Royaume-Uni, Etats-Unis, U.R.S.S) en octobre 1944. Dès lors, la remise en question des troupes africaines dans le scénario politique de la Libération devient son obsession…
L’historien Canadien, M. Echenberg précise que « pour de Gaulle et les gaullistes, la participation africaine aux opérations militaires de la Libération constituait une source d'embarras. Si les sujets de l'empire étaient aussi sans contredit des enfants de la France, il semblait exagéré de leur attribuer un rôle actif dans la libération de la mère patrie. »
Fin novembre 1944, des prisonniers de guerre africains rescapés des mobilisations et des combats de 1939-1940 (campagne de France) et 1942-1944 (campagne d’Afrique et débarquement en Provence) sont rapatriés en AOF. Les 1280 premiers « tirailleurs sénégalais » originaires des territoires d’AOF sont internés au camp de Thiaroye, ville du Sénégal située dans la banlieue de Dakar, au sud de la presqu’île du Cap-Vert, entre Pikine et Rufisque.
L’objectif est de les démobiliser dans le contexte général du « blanchiment » de la nouvelle armée française commandée par le général De Gaulle. Ces prisonniers –soldats des troupes coloniales- étaient détenus en France dans des frontstalags, camps de prisonniers de l’Armée allemande qui regroupait essentiellement les soldats des troupes coloniales par peur de maladies tropicales ou d'atteinte à la « pureté du sang aryen ». Les dirigeants de l'Allemagne nazie ne voulant en aucun cas de la présence d'« hommes de couleur » sur le sol allemand.
La victoire pratiquement acquise, ces « coloniaux » n’avaient désormais plus, pour le gouvernement gaulliste, de raison d’exister. L’ère du « blanchiment » primait sur toute autre considération…
Ces soldats africains qui avaient largement contribué aux opérations de libération de l'île d'Elbe, puis au débarquement de Provence (15 août 1944) et à la libération de Toulon (23 août 1944) puis de la vallée du Rhône, qui combattaient dans le nord-est de la France à l'automne, furent en quelques jours remplacés par des jeunes Français… qui n’avaient jamais combattu. L'argument officiel fut le risque du froid hivernal, mais il n'était que de pure forme.
Selon M. Echenberg les motifs politiques de De Gaulle sont les suivants : « associée au succès des Alliés qui avaient libéré la France de la honte et de l'humiliation, la jeunesse française pourrait humer, ne serait-ce que de loin, le parfum de la victoire. » L'épreuve du « blanchiment » fut très rude pour les soldats africains, qui étaient au nombre d'environ 20 000 : « relevés de leurs positions sur les lignes de front et sans aucune forme de procès, on leur retira leurs armes et jusqu'aux uniformes qu'ils portaient et on les renvoya dans le sud, où ils passeraient la saison froide en attente des navires qui les ramèneraient en Afrique. »
Les tirailleurs africains libérés devaient toucher leur solde avant leur démobilisation : celle-ci se composait des arriérés de solde depuis leur mobilisation, leur prime de démobilisation et leurs économies de la période du frontstalag. La nouvelle administration mise en place par De Gaulle après la chute du régime de Vichy, refusa de leur verser cet argent à l’embarquement et leur promit de régulariser la situation en Afrique.
A leur arrivée en AOF, cette administration procéda, le 28 novembre 1944, à des conversions arbitraires de francs métropolitains en francs CFA des montants de démobilisation. Un groupe de tirailleurs, qui devaient regagner Bamako et le Soudan français, refusèrent de prendre la route. Le 30 novembre 1944 Le général Dagnan vint à leur rencontre au camp de Thiaroye. Pris à partie, l’affaire vira - selon la hiérarchie militaire- à l’émeute… ce qui décida le général Dagnan, en accord avec son supérieur, le général de Boisboissel, commandant des troupes à Dakar, de recourir à la force, le 1er décembre 1944.
Ce jour là, les tirailleurs sans défense furent rassemblés sur l'esplanade du camp de Thiaroye. En face d’eux, cernant l’enceinte, sous les ordres du lieutenant-colonel Le Berre, 1100 tirailleurs du service d'ordre, acheminés depuis Saint-Louis, 120 soldats et officiers français. Les unités engagées dans l'opération étaient le 1er R.T.S, le 7ème R.T.S, le 6ème R.A.C. et la gendarmerie, le tout appuyé par trois automitrailleuses, deux half-tracks (autochenilles blindées) et un char américain. A 9h30, le feu fut commandé… et ce fut l'hécatombe.
Le bilan officiel (minimisé selon de nombreuses sources) dressé au lendemain des événements fit état de 70 morts (24 morts le jour de l’assaut et 46 blessés qui décédèrent finalement à l’hôpital). Par ailleurs, 34 tirailleurs considérés comme « meneurs », furent condamnés en mars 1945 par un tribunal militaire à des peines de un à dix ans de prison. Ils seront graciés en 1947 mais jamais réhabilités depuis.
Sur le massacre des tirailleurs sénégalais par l’armée française gaulliste, à Thiaroye un des événements les plus sanglants de l'histoire de l'Afrique de l'ouest dans les années 1940-1960- l’Histoire officielle retiendra que ces soldats tombés sous les balles françaises, ne sont pas « morts pour la France ».
14 ans plus tard, alors que le général De Gaulle s’apprêtait à visiter Dakar au cours de son voyage de propagande en vue du referendum constitutionnel du 28 septembre 1958, le Comité de Défense des Libertés Démocratiques, sous la conduite du Parti Africain de l’Indépendance, organisa le 17 août 1958 un pèlerinage à Thiaroye, pour « honorer la mémoire des soldats noirs massacrés en 1944 par le général de Gaulle ». Au retour, les « pèlerins » se heurtèrent aux forces de l’ordre. L’échauffourée dura plusieurs heures et fit de nombreux blessés.
En août 2004, la journée du 23 août fut déclarée Journée du tirailleur sénégalais par le Sénégal, qui invita les autres États d’Afrique d’où étaient originaires les tirailleurs. Le massacre de Thiaroye y est désormais commémoré.
Le choix de la date du « 23 août » n’est pas anodin. Il correspond, en effet, au 23 août 1944, qui marque la libération de la ville de Toulon par le 6ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais et symbolise aux yeux de l’ex Président de la République Abdoulaye Wade (1er avril 2000 au 2 avril 2012), « la participation de l’Afrique à la libération de la France et à la lutte des forces alliées contre le nazisme ».
« Répression d'une mutinerie » : Ce fut la thèse officielle de l’État français de 1944 à 2014, année où ce massacre fut officiellement reconnu par la France. On a également invoqué « la peur de la classe dirigeante française de voir les tirailleurs sénégalais porter, plus tard, des revendications politiques plus massives pour l'indépendance, en s'alliant avec la population locale ». Cela n’a pas empêché le Sénégal d’accéder à son indépendance, le 4 avril 1960.
… Ne faudrait-il pas voir également dans ce massacre le contrecoup de la défaite anglo-gaulliste à Dakar, le 23 septembre 1940, face à l’armée coloniale française loyale au régime de Vichy ? C’est envisageable. De Gaulle avait la réputation d’être un homme orgueilleux, cinglant et rancunier. Il le démontra de nouveau, 17 ans plus tard, en retournant les armes françaises contre les Français d’Algérie… ceux-là mêmes qui l’avaient ramené au Pouvoir en 1958 mais à qui il refusait de pardonner leur trop grande fidélité au Maréchal. « Tous Pétainistes ! » clamait-il.
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«(Rappel) 23 septembre 1940… L’AGRESSION BRITANNIQUE SUR DAKAR »
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ALGERIE TERRE SAINTE
Par Hugues Jolivet
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Les Matyrs
De l'ancienne Numidie à l'Algérie nouvelle,
Les vestiges témoignent qu'une culture chrétienne
A traversé les siècles, qu'une empreinte spirituelle
Est a jamais gravée sur cette terre algérienne !
Evangélisation d'un peuple réceptif,
Oeuvre de l'âme berbère et de ses premiers saints,
Qui donnèrent à Rome trois souverains pontifes
Et un Père de l'Eglise, le Grand Saint Augustin.
De l'Empire Romain à l'Islamisation,
Les Berbères résistent, sous l'Empire Byzantin,
Défendent avec courage, contre les invasions,
Leur foi et leurs valeurs, celles de Constantin.
Puis l'Islam s'étend et impose ses lois
Aux peuples du Maghreb. Et dix siècles plus tard,
Quand la France prend pied sur le sol algérois,
Telle Jeanne à Orléans, elle plante son étendard !
Dans chaque village créé, se construit un sanctuaire,
Dont une majorité en l'honneur de la Vierge.
Marie honorera la ferveur populaire
Du bon peuple d'Oran qui gravit, en cortège,
Le mont de Santa Cruz, la priant, humblement,
De libérer la ville du choléra mortel.
Sa réponse immédiate, la pluie tombe à torrents ! (1)
Oran voue à Marie un amour éternel.
Les Bienheureux
Et quand le huit décembre, le Nonce Apostolique
Citera "Bienheureux" les noms de ces martyrs, (2)
Ils seront honorés par l'Eglise Catholique,
Et veilleront sur Oran dont la Vierge est l'avenir.
Ces dix neuf Bienheureux, comme Jésus sur sa Croix,
Demanderont à Dieu : "Père, pardonne leur !"
Oranie, Terre Sainte, des morts en ces endroits
Ont subi le martyre, sublimé leur malheur
Et le sang répandu de centaines de victimes
De religion chrétienne, sanctifie la Cité
Que Santa Cruz protège. Cet évènement sublime,
Béatification, guérit la cécité
De tout obscurantisme et ouvre à la lumière
Les êtres en recherche d'une vérité plénière !
Hugues JOLIVET
27 novembre 2018
(1) La pluie a nettoyé Oran et jeté le choléra à la mer
(2) Mgr Claverie, Evêque d'Oran
7 Moines de Tibhérine
11 religieux et religieuses
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STELE CDFA
Envoyé par Monsieur Alain ALGUDO 02 novembre 2018
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Organisation CDFA/VERITAS afin que nul n'oublie !!
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L'heure du Rabbin
Envoyé par M. Arsene
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Dans un Wagon de chemin de fer, arrive un jeune tout de noir vêtu.
Il s’assied à côté d’un homme qui indéniablement est rabbin (Vêtu de noir, chapeau, barbe)
Passe un moment.
Le jeune:
– Monsieur, auriez-vous l’heure s’il vous plaît?
L’autre imperturbable continue de lire.
Un long moment passe.
– Excusez-moi monsieur, pourriez vous me donner l’heure?
Le vieux ne bouge pas, ne répond rien.
Le temps passe, et enfin le train arrive au terminus.
– Il est 17h30 dit le vieux
– Mais pourquoi vous me le dites maintenant, nous sommes arrivés, je n’ai plus besoin de savoir l’heure !
– Si, tout à l’heure, je vous avais prêté l’heure, nous aurions lié connaissance. On aurait parlé. J’aurais appris que tu connais untel, que moi aussi je connais, on aurait sympathisé, tu serais venu chez moi, tu aurais rencontré ma fille.
Comme elle est belle ma fille, tu serais tombé amoureux, tu aurais voulu l’épouser !
Et tu crois que je vais donner ma fille à un garçon qui n’a même pas de quoi s’offrir une montre !
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De Paris à Tefschoun (1848-1864)
village de Tefschoun le 24 février 1864
Envoyé par M. Christian Graille
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La recherche d'une propriété. Le départ.
On aura beau faire à Koléa, notre chef-lieu de canton, à Alger notre capitale, à Paris notre lieu de naissance, on aura beau faire, on aura beau dire dans tous ces endroits, on n'empêchera pas que nous ne soyons ici, dans ce village, 243 hommes, femmes et enfants qui aimons la terre et qui la cultivons de notre mieux.
En ces derniers temps, on a dit beaucoup de mal de nous, colons algériens, en nous opposant à l'armée qui a conquis l'Algérie. On a même parlé de liquider la colonisation en nous renvoyant en France.
Je n'ai jamais compris ce qu'on nous voulait et quels reproches on prétendait nous faire. Il est bien vrai que nous sommes venus ici sans fusils, ne voulant de mal à personne. Peut-être étions-nous dans notre tort, peut-être aurions-nous mieux fait de venir en armes ou de rester chez nous ?
Je ne sais pas bien mais je vais vous dire comment nous nous trouvons dans ce pays et vous verrez après si nous sommes bien coupables d'avoir obéi à la voix de la France qui nous appelait ici.
Le plus grand nombre d'entre nous habitait Paris. Nous étions tous ouvriers de notre état, logés comme nous pouvions vu la grande misère au faubourg Antoine et au faubourg Marcel dans des galetas ( ) sans air ni lumière. Nous étions très malheureux et le malheur excuse bien des folies, bien des illusions !
" L'Algérie ! " nous dit-on " un pays magnifique ! Il n'y a pas encore de mines d'or, c'est vrai mais on n'a pas cherché. On en trouvera bien sûr en cherchant. L'été il fait chaud à cuire des œufs d'autruche au soleil mais il suffit de se mettre à l'ombre. Quant à l'hiver c'est bien différent : Un vrai printemps ; Il y pousse des dattes et des bananes. C'est déjà quelque chose mais ce n'est pas tout ; le blé rend vingt pour un sans fumier, indéfiniment ; on en a toujours trop. Ajoutez à cela l'agrément d'aller à la chasse au lion tous les dimanches avant le déjeuner ou après. Enfin une foule de distractions qu'on n'a pas entre la barrière du Trône et la barrière de l'Étoile ; des artichauts et des petits pois toute l'année, des choux et de la romaine au mois de janvier et pour dessert des salades d'oranges arrosées avec du jus de canne à sucre. "
Nous n'étions pas ce qu'on appelle des gourmands, et nous n'aurions pas quitté père et mère pour la salade d'orange ; d'ailleurs nous pensions bien qu'il fallait en rabattre un peu de tout ce qu'on nous racontait. Nos frères qui avaient vu le pays comme militaires disaient :
"- qu'il était peu gai et que les pierres et les broussailles n'étaient pas ce qui manquait le plus
- qu'il n'y avait pas de routes et qu'elles étaient plus longues qu'en France,
- qu'il faisait du soleil depuis le matin jusqu'au soir, toute la journée enfin et que c'était un rude soleil,
- qu'on ne trouvait souvent ni bois ni eau pour faire le café,
- que le vin était inconnu, les Arabes n'en buvant pas,
- qu'ils avaient bien vu des dattes et des bananes mais que dans toutes les garnisons où ils s'étaient trouvés, elles étaient trop chères.
Pour terminer, ils ajoutaient que les Arabes n'étaient pas méchants quand ils ne se battaient pas."
A tout cela nous n'avions rien à répondre, sinon que nous ne savions pas, et qu'il faudrait y aller voir pour démêler le vrai du faux. Donc nous étions très misérables. C'était à la fin de 1848 : nous n'avions pas d'ouvrage ou très peu parce que les bourgeois avaient peur. De quoi ? Je n'en sais rien.
Nous pensâmes donc que l'Afrique, belle ou laide, riche ou pauvre, devait dans tous les cas nous offrir plus de ressources pour gagner notre vie que ce maudit Paris où nous mourions presque de faim.
Là-bas il n'y a pas assez de bras puisqu'on en demande et que le gouvernement veut donner de la terre à ceux qui s'y établissent. Nous allions prendre nos renseignements à la mairie de notre arrondissement.
Un employé très poli nous apprenait que le gouvernement donnerait à chaque colon suivant la qualité du terrain :
de 16 à 20 hectares de terre,
- une maison de deux pièces,
- une cour de 6 ares,
- un lot de jardin de 30 ares,
- un bœuf,
- la moitié d'une charrette,
- la moitié d'une charrue,
- la moitié d'une herse,
- la nourriture pendant 3 ans.
Alors nous sommes venus avec femmes et enfants ; nous nous sommes embarqués au canal Saint Martin que nous avons suivi dans de grands bateaux plats jusqu'au Rhône. D'Arles à Marseille on nous a fait prendre le chemin de fer ; de Marseille à Alger nous avons été conduits sur un bateau à vapeur ; enfin nous arrivions en vue d'Alger.
En Afrique. La caravane.
Vous pouvez vous imaginer avec quelle anxiété nous regardions cette terre nouvelle qui était pour nous la terre promise. Chacun faisait ses réflexions. On était content de voir de la verdure sur ces coteaux au milieu de l'hiver. La chaleur tiède de la baie d'Alger réconfortait les estomacs éprouvés. Enfin l'impression générale était bonne : la ville, blanche comme de la neige, encadrée dans le bleu du ciel et le bleu de la Méditerranée, nous faisait l'effet d'une belle décoration de théâtre.
Une dernière fois nous chantâmes la Marseillaise en signe de joie, comme nous l'avions chantée au départ en forme d'adieux. L'évêque vint nous souhaiter la bienvenue à la tête de son clergé puis on nous logea dans la casbah que les soldats avaient abandonné pour nous faire place.
Nous regardions la ville avec curiosité ; nous allions et venions par les rues sans pouvoir nous lasser de considérer la population indigène, les Juifs, les Maures, les Arabes.
Au bout de quelques jours on nous mettait sur la route de Koléa, les hommes à pied, les femmes avec les bagages dans des prolonges d'artillerie. Un corps de musique militaire nous conduisait jusqu'auprès d'El Biar.
Tout en cheminant vers Douéra nous causions. Il circulait dans notre caravane des bruits inquiétants. Ainsi l'on prétendait savoir de source certaine que nos maisons n'étaient pas encore bâties et que le terrain que devraient occuper nos villages était à peine délimité.
Cependant nous marchions sans trop de souci menant nos enfants par la main. Ceux-ci s'amusaient tout le long de la route courant dans les broussailles vertes et faisant trois fois le chemin. Ils étaient heureux de gambader en pleine campagne après ce long emprisonnement dans les bateaux et dans les casernes. Ils regardaient tout et admiraient tout, les aloès, les figues de Barbarie, les buissons et il nous fallait partager leur admiration pour les contenter.
Leur babil nous réjouissait mais au fond nous n'étions pas si réjouis. Le pays nous paraissait bien nu, l'absence d'arbres nous frappait et nous affectait sensiblement.
Nous pensions, en nous essuyant le front au plein milieu de l'hiver qu'il ferait bien chaud au mois d'août sur ces routes sans ombre. Plus nous allions, plus la contrée devenait déserte et inculte.
Après plusieurs heures de marche nous descendions dans la plaine et nous nous trouvions près d'une rivière qu'on nous dit appeler le Mazafran. Cette rivière était sale, d'un gris jaunâtre, cependant la vue de l'eau nous fit plaisir. Il y avait là de grands arbres qui formaient un taillis presque impénétrable.
On montait une longue côte. Une fois arrivés tout en haut nous vîmes encore une fois la plaine de la Mitidja et on nous montra au loin une petite tache blanche appelée Blida. Nous avions peine à détacher nos yeux de ce spectacle car nous n'avions pas encore vu quelque chose d'aussi beau dans tout notre voyage.
Encore tout émerveillés nous entrions dans Koléa. On nous apprit là qu'en effet nos maisons n'étaient pas bâties, qu'il n'y avait même rien de prêt pour nous recevoir et qu'il fallait attendre qu'on construise des baraques en bois pour nous loger près de nos futurs villages.
Nous n'étions pas trop contents de ce retard. Nous n'avions pas apporté de France beaucoup d'écus mais chacun avait son petit pécule qu'il avait ramassé en vendant son mobilier et les hardes qui ne lui étaient pas absolument nécessaires.
Nous n'avions rien laissé derrière nous. Il est vrai que le gouvernement nous donnait nos vivres mais ce n'était pas toujours ce qu'il y avait de meilleur : dans le riz qu'on nous distribuait nous trouvions beaucoup de petites pierres et le reste était à l'avenant. Nous devions donc prendre sur notre fonds personnel les suppléments indispensables ; et puis il fallait entretenir nos vêtements, payer notre tabac, etc., tout cela avec nos rentes.
Il se passa longtemps avant que les baraques fussent terminées complètement à Tefschoun. A mesure qu'elles étaient prêtes les familles allaient s'y installer. Il y avait un poste de soldats, une ambulance, enfin tout ce qui constitue une petite ville de garnison ; mais de terres, de maisons, point. Devant nous, au-dessus de la falaise la mer s'étendait à perte de vue ; à droite, à gauche et derrière nous, on ne voyait rien autre chose que des broussailles. C'était d'une tristesse mortelle.
Enfin, nous y étions. Après tout, pensions-nous, mieux vaut souffrir de la misère ici, au chaud, que de grelotter de froid au sixième étage d'une mansarde.
Au village. Le partage des biens. Une colonie officielle.
Nous étions donc campés sur l'emplacement du village avenir. On nous avait logés dans des baraquements divisés par de minces cloisons de planches en cellules, qu'on ne peut mieux comparer qu'aux cabinets des établissements de bains. Les cellules n'ayant point d'autre plafond que le toit des baraques, communiquaient entre elles par le haut, de sorte que les conversations particulières étaient toutes forcément des conversations générales.
Il nous avait été promis deux hectares défrichés par famille : rien n'était prêt.
On nous attribua lors de notre arrivée, vers la mi-janvier 1849
- deux hectares de broussailles,
- un lot de jardin en broussailles (24 ares)
- les fractions de charrette, de charrue, de herse, de bétail qui avaient été jugées nécessaires pour que nous puissions exploiter nos terres en nous associant.
La répartition eut lieu par la voie du sort.
Au bout de six ou huit mois le village était construit. Il n'a guère changé depuis 1849 et se compose toujours d'une cinquantaine de maisons de deux pièces chacune, bâties sur le versant d'une côte en pente rapide vers la mer et entourées d'un mur d'enceinte d'environ deux mètres de haut.
Les maisons élevées par des ouvriers civils sous la direction du génie avaient été couvertes avec tant d'économies par les entrepreneurs que sur cinq rangées de tuiles une seule était scellée. Aussi le vent enlevait-il la toiture et la pluie tombait dans les maisons. On s'aperçut de ces inconvénients un peu trop tard : nous eûmes à faire les réparations.
Il en était à peu près de même pour les planchers qui avaient d'abord été faits en béton : on a fini par les changer et par carreler en briques. Du reste les lots de maisons furent tirés au sort comme les lots de deux hectares.
Nous étions fort embarrassés avec nos terres : nous ne savions comment faire disparaître les broussailles qui les couvraient. Il y avait parmi nous quelques cultivateurs de profession mais c'était l'infime minorité.
- La plupart se bornèrent à défricher leur jardin, attendant que l'État leur remis les deux hectares immédiatement cultivables qui leur avaient été promis.
- D'autres se mirent bravement à arracher les souches, ne comptant que sur eux-mêmes.
- D'autres enfin se croisèrent complètement les bras et vécurent sans souci sachant qu'ils avaient trois ans de nourriture assurée.
Cependant comme nous réclamions instamment l'exécution des promesses qui nous avaient été faites, on finit par faire défricher à chacun de nous, par des soldats de la ligne et par des zouaves, environ un demi-hectare. Puis les troupes partirent en expédition et nous laissèrent.
Nos colons les plus habitués au travail des champs et qui montraient le plus de courage n'étaient guère plus à leur aise que les plus paresseux.
Un bon défricheur, habitué au métier ne fait pas plus d'un are par jour, à la tâche. Il fallait donc quatre à cinq mois à chaque chef de famille pour conquérir un hectare de terre en état d'être cultivé. Puis il devait s'entendre avec trois de ses camarades possédant chacun un bœuf pour avoir un attelage et pouvoir labourer ; car il faut dans nos terres rouges du Sahel quatre bœufs pour tirer nos charrues les plus légères.
Enfin, quand la récolte était faite, on ne pouvait vendre son blé qu'à l'administration comme cela a eu lieu aussi fort longtemps pour les tabacs. On se rendait donc à Koléa où on ne recevait quelquefois que 16 ou 17 francs par quintal.
En somme, loin de nous enrichir nous dépensions peu à peu notre argent. Les vivres qui nous étaient fournies ne brillaient pas plus par leur fraîcheur que par leur qualité ; nous devions toujours prendre sur notre bourse les compléments nécessaires. Beaucoup partaient, disant qu'ils n'espéraient plus rien. Ils demandaient à être rapatriés et on leur donnait leurs feuilles de route pour retourner en France aux frais de l'État. Il faut ajouter les départs involontaires " par suite d'évincement. " Expliquons ce qu'était l'évincement. Il faut savoir, pour comprendre cela, que la colonie de Castiglione, divisée en deux sections ou villages, avait pour directeur un lieutenant du génie et pour sous-directeur un sous-lieutenant de la même arme qui gouvernait Téfschoun.
Quand un colon " troublait l'ordre public " ou " montrait de l'insubordination " il pouvait être enfermé dans un blockhaus en planche qui avait été construit au-dessus du village et qui a disparu maintenant. A Téfschoun cette peine n'a jamais été appliquée, mais à Castiglione elle l'a été plusieurs fois.
Pour " des motifs plus graves " un colon pouvait être " évincé " c'est-à-dire qu'on lui remettait les papiers nécessaires pour retourner chez lui, bon gré, mal gré. Il avait fait seulement un voyage d'agrément en Algérie, partie à ses frais, partie aux frais du gouvernement.
Enfin une peine a failli être appliquée à Téfschoun et qui eût sans doute été spéciale à ce village. Il s'agissait de la suppression des vivres pendant un temps plus ou moins long. Par bonheur pour nous, cette punition d'un nouveau genre est toujours restée à l'état de projet.
Comme si nous n'étions pas assez malheureux la maladie vint sur ces entrefaites nous visiter. Nous eûmes presque tous la fièvre et quelques-uns en moururent.
Cependant notre situation était privilégiée. Nous avions près de nous la mer, nous habitions un plateau bien aéré, exposé à tous les vents.
Combien a-t-il dû mourir de pauvres gens dans les autres villages moins bien placés que le nôtre !
Dans le courant de la deuxième année on compléta nos lots de terre, tels qu'ils sont encore aujourd'hui, mais sans tirer au sort pour les répartir. Nous reçûmes six hectares et un lot de terrain à vigne de vingt-quatre ares situés près du village ; plus de deux hectares de prairies à Ben-Bernou dans la Mitidja à seize kilomètres de Téfschoun.
En totalité chaque famille a donc été pourvue de dix hectares cultivables.
En 1851, c'est-à-dire près de trois ans après notre venue, nous vîmes enfin arriver un bataillon de turcos. Ces Arabes défrichèrent, tant mal que bien, un hectare et demi sur la concession de chacun d'entre nous. Ainsi se trouvèrent à peu près remplis un peu plus tard il est vrai les engagements de l'État envers nous. Nous approchions du moment où les répartitions de vivres allaient cesser et nous nous trouverions livrés à nous-mêmes. Pendant les derniers mois on avait déjà remplacé les distributions en nature par des secours d'argent.
C'est vers cette époque que Téfschoun eut un maire. C'était un progrès.
Enfin la distribution des vivres, tant en espèces qu'en nature cessa complètement. Nous entrions dans une nouvelle période d'existence. La bonne moitié des premiers colons était partie et avait été remplacée par des cultivateurs venus d'autres villages d'Algérie, quelques-uns d'Alsace ou par des soldats libérés du service. Peu de nouveaux colons venaient directement de France.
Le village en 1864. Hypothèques et expropriations.
Comme on se fait une patrie.
A peu près à l'époque où nous fûmes gratifiés d'un maire, nous vîmes arriver plusieurs transportés. On a dit du mal des transportés de 1852.
Pour ce qui nous concerne nous n'avons pas eu à nous en plaindre. Ceux qui se sont fixés ici sont venus presque sans ressources : ils ont travaillé comme des nègres, d'abord pour les autres, puis bientôt pour leur propre compte. Ils n'ont rien reçu du gouvernement. Ils n'ont pas eu un are de concession, ils ont acheté peu à peu ce qu'ils possèdent et aujourd'hui quelques-uns d'entre eux sont les propriétaires du pays les plus à leur aise.
Pour nous c'est seulement lorsque les vivres de l'État nous ont manqué que, dépourvus de tous moyens d'existence, nous avons commencé sérieusement à défricher. En défrichant nous gagnons peu à peu du terrain et surtout nous nous procurons les souches qui servent à faire du charbon.
Le charbon est ce qui nous fait vivre aujourd'hui. Sans lui et sans le palmier-nain nous serions tous morts de faim depuis longtemps.
On dira que nous avons nos récoltes. Mais nos récoltes vont s'épuisant tous les jours ; elles diminuent de jour en jour. Il existe bien certaines plaines où la terre, d'une fertilité exceptionnelle, peut supporter pendant dix ans de suite la culture du blé sans trop s'appauvrir ; mais il est bien loin d'en être de même partout.
Ici comme en Europe la terre exige un assolement régulier et des fumures périodiquement renouvelées. Il ne suffit pas de faire ce qu'ont fait les plus sages d'entre nous, c'est-à-dire d'alterner avec le blé la jachère qui nous donne d'assez bon fourrage. Il faut varier les cultures et surtout fumer.
Or, pressés par le besoin nous nous avons fatigué nos champs en y semant toujours et toujours du blé, sans trêve ni repos. Pour ce qui est du fumier nous n'en faisons pour ainsi dire pas parce que nous avons peu de bétail soit parce que nous ne comprenons pas encore assez bien combien il est nécessaire de nourrir la terre si nous voulons qu'elle nous nourrisse.
Nous vivons de la vente du charbon ou du crin végétal (palmier-nain).
Sur un are nous trouvons en moyenne assez de souches de bois pour avoir 50 à 60 kilogrammes de charbon. Peu de travaux sont aussi pénibles.
Quand le bois est extrait de la terre la moitié seulement de la besogne est faîte ; il faut encore monter la charbonnière et la veiller pendant deux jours et deux nuits : un moment d'inattention suffirait pour tout perdre car elle pourrait s'enflammer. Enfin tout est terminé, le charbon est cuit à point, il faut le transporter.
A Alger nous le vendons plus ou moins cher suivant les époques. Au moment des labours et lors de la moisson presque tout le monde étant occupé à autre chose il est rare et il augmente. En 1854 nous le vendions 5 F Lors de la guerre de Crimée on nous l'a payé jusqu'à 17 francs le quintal. Au mois de décembre dernier, on l'a vu à 7 francs. Aujourd'hui en 1864 il est à moins de 6 francs.
Nous n'avons presque jamais d'avances, aussi ne pouvons-nous jamais attendre quand les cours sont trop bas. Nous sommes forcés de vendre de suite, à n'importe quel prix : ne faut-il pas acheter une balle de farine pour donner du pain à nos enfants ?
Quand la terre est trop dure nous peignons du palmier-nain. Les femmes et les enfants vont le couper dans les broussailles et nous le travaillons, puis nous l'envoyons à Alger.
De bons ouvriers peuvent gagner jusqu'à 2 francs par jour.
Voilà comme nous vivons. Nous ne nous enrichissons guère à tous ces métiers.
Dès 1855 époque à laquelle notre maire a été remplacé par un adjoint au maire de Koléa, et à laquelle on nous a délivré nos titres de propriétés définitifs, nous avons emprunté à dix pour cent. C'est alors aussi que nous avons pour la première fois payé des impôts à la commune.
Nous avons tant emprunté qu'aujourd'hui 24 février 1864 les trois quarts de nos propriétés sont grevées d'hypothèques.
En 1864, la propriété est dépréciée à ce point dans notre village, il en est d'ailleurs de même dans les villages voisins qu'un hectare de terre défriché ayant coûté de 2 à 300 francs pour le défrichement, ne vaut plus, après deux ou trois récoltes que 200 francs.
Des colons de 1849 il ne reste plus que sept familles. Le village comprenait 64 lots à bâtir sur lesquels il faut déduire quatre lots communaux pour la mairie, la chapelle, la maison d'école et la maison de l'institutrice.
Le village se compose de 58 maisons. Nous en trouvons aujourd'hui :
- 13 non habitées ;
- 45 habitées ;
- de ces 45 maisons,
- 23 seulement sont habitées par leurs propriétaires ;
- 30 sont louées et appartiennent à des gens de la ville.
Un négociant d'Alger en possède à lui seul sept ou huit.
Ainsi le capital, ce maître du monde auquel nous pensions échapper en quittant Paris, le capital peu à peu nous évince ou nous soumet à sa loi.
La moyenne propriété se reconstitue autour de nous avec les lambeaux de nos concessions : nous vendons de gré ou de force tous ces hectares de terre qui valent plus entre les mains d'autrui qu'en nos propres mains. Nous ne savons pas ou nous ne pouvons pas les entretenir convenablement.
La culture de la vigne, peut-être, nous donner quelques ressources pour subsister mais elle est encore bien peu avancée. Voilà où nous en sommes après avoir eu chacun, à parts égales, notre maison, nos champs, nos bœufs etc., etc.
Avouez que notre exemple n'a rien d'encourageant pour ceux qui, autrefois, ont cru voir dans le partage égal des terres un remède efficace aux maux dont souffre la société actuelle.
Nous savons, par expérience que cela n'aboutit à rien de durable et qu'il ne faut pas chercher de ce côté pour trouver la véritable formule des rapports sociaux. Quand notre histoire n'aura fournie qu'une preuve de plus à l'appui de cette vérité elle mériterait déjà d'être racontée. Mais on en peut tirer aussi un autre enseignement.
Nous avons bien souffert dans ce pays. Nous y souffrirons peut-être encore davantage mais nous y sommes attachés du fond du cœur. Je ne sais pas comment cela se fait mais nous l'aimons d'autant plus !
Nous y avons tant travaillé ! Chacune de ces pièces de terre nous a coûté cent journées, rien que pour le défrichement !
D'autres peuples ont conquis le sol de leur pays sur la mer : nous avions les broussailles à faire reculer et nous avons tout de même accompli notre devoir. Malgré nos déboires nous avançons sans cesse.
Nous ne nous enrichissons pas mais grâce à nous l'Afrique compte chaque année quelques carrés de terre labourable de plus et l'avoir de la grande société humaine s'accroît un peu.
Nous avons chassé la fièvre par nos défrichements. Depuis cinq ans il n'y a eu à Téfschoun, sauf quelques décès de jeunes enfants, que deux cas de mort " par suicide ".
Quant à nos enfants, qui sont nombreux, nos familles comptent cinq à six têtes en moyenne, ils sont encore plus que nous rivés à la terre algérienne. Ils aiment la France leur grand'mère dont ils entendent constamment parler mais leur mère est l'Afrique : c'est elle qui devient leur patrie.
On peut se tranquilliser en France, ces enfants-là ne s'en iront pas, ils ne déserteront pas le poste de combat où leurs pères ont été placés. Ni les incendies, ni les sauterelles, ni les tremblements de terre, ni le reste … rien ne pourra les déraciner du sol.
Ils y resteront parce qu'ils sentent vaguement mais profondément qu'ils font leur devoir, qu'ils combattent pour le bon combat, qu'ils accomplissent l'éternelle, la grande, la sainte loi du progrès par le travail.
Et qui sait si l'avenir ne sera pas meilleur pour eux qu'il ne l'a été pour nous ?
La vie de colon en Algérie par Paul Blanc 1874
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Le village de Tefschoun en 1874
Envoyé par M. Christian Graille
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Renaissance
Nous sommes aujourd'hui en 1874 et notre situation est bien meilleure qu'en 1864. Il y a eu de grands changements !
Mon amour de la vérité m'empêche de dire que le village est devenu beau. Ce serait une exagération, mais peut-être oserais-je dire qu'il s'est embelli, c'est-à-dire qu'il est devenu moins laid. Ce pauvre village a un vice de conformation dont il ne se corrigera jamais.
Le Génie militaire l'a placé entre deux ravins dans une situation qui est peut-être inexpugnable mais qui est à coup sûr incommode.
Bâti sur une pente d'environ cinquante centimètres par mètre, il semble avoir été fait plutôt pour des mouches et des araignées que pour des hommes, des bœufs ou des chevaux. En effet les insectes réussiraient beaucoup mieux, grâce à leurs six pattes à se tenir debout sur de pareils plans inclinés.
Les embellissements ont porté sur les maisons et le jardinage. Il n'y avait pas de jardin à l'origine, pas un chou, pas un navet. Que faire sans eau sous notre climat ? Après quinze ou vingt ans de réflexion, l'Administration du Domaine, sans toutefois se dessaisir du terrain, a autorisé les colons à défricher trois ou quatre hectares de broussailles au-dessous de la source qui donne à boire au village. En quelques années il est sorti de là un admirable jardin maraîcher, déjà planté çà et là de bananiers, d'orangers etc., mais surtout de salade et de choux.
Il faut vivre d'abord et pour vivre il faut manger.
Les maisons qui tombaient en ruines, pour la plupart ont été réparées et blanchies. Il s'est fait des caves, des hangars nouveaux. Quelqu'un a même posé à l'entrée de sa cour une grille de fer… On a planté plusieurs hectares de vigne et des arbres par-ci, par-là.
Tout un côté du village est abrité par une rangée d'eucalyptus, dont les cimes toujours vertes, assez semblables à celles de nos peupliers d'Europe, atteignent déjà, au bout de quatre ans, sept ou huit mètres de hauteur.
Il se produit insensiblement un nouveau classement dans les propriétés. Comme il arrive presque toujours, elles finissent par tomber aux mains de ceux qui sont le mieux en état de les utiliser, c'est-à-dire qu'elles retournent aux habitants du village instruits par l'expérience et bien résolus à vivre et mourir ici.
Les gens d'Alger ou d'ailleurs revendent peu à peu ces terres dont ils n'avaient fait l'acquisition que malgré eux pour ne pas perdre leur placement sur hypothèque. Plus d'un fils de colon a racheté déjà la concession vendue par son père et ce mouvement ne fait que s'accentuer chaque jour. Aussi, l'hectare de terre défriché qui ne valait tout au plus que 200 francs il y a quelques années en vaut-il déjà plus de 300 aujourd'hui. Dans dix ans ce sera bien autre chose. Tout fait prévoir qu'alors on paiera, comme en Europe les terres un peu plus cher qu'elles ne valent.
Et cependant nous n'avons de route pour nous rejoindre avec le reste du monde qu'à partir de Koléa et jusque-là il existe dix kilomètres à peu près infranchissables pour n'importe qui, excepté pour nous qui en avons l'habitude et qui souffrons ce martyre en punition de nos pêchés.
Nous y apportons bien quelque amélioration tous les ans par le travail de nos prestations, mais cela n'avance guère et il est probable que nous mourrons tous avant que notre route soit faite.
En somme on ne se désespère plus. Quelques-uns cherchent bien encore à émigrer dans l'intérieur, mais avec l'arrière-pensée d'un retour au village. Manquant de terres on veut bien aller cultiver à quelques lieues mais en conservant son point d'attache ici. Non seulement on ne songe plus à quitter définitivement le pays mais ceux qui étaient partis chercher ailleurs une fortune qu'ils n'ont pas trouvée reviennent.
Il nous en est revenu d'Alger, de Blidah, de Boufarik, voire même de Paris. C'est aussi que la vie n'est pas chère à Tefschoun et que sans beaucoup travailler on arrive aisément à joindre les deux bouts.
On a deux ou trois chèvres laitières qui vont au troupeau commun et pour lesquelles on ne paie au gardien que quatre sous par mois. Pour les bœufs ou vaches c'est plus cher : il s'agit de cinquante centimes.
Notons en passant que depuis dix ans le nombre de chèvres va toujours en diminuant tandis que celui des bœufs et vaches ne cesse d'augmenter. C'est un symptôme excellent et tous les agriculteurs y verront la preuve que l'aisance s'accroît sensiblement.
On n'a pas seulement du lait, des œufs et un cochon, mais encore on a droit, moyennant une faible rétribution à la commune, à un ou deux ares de terrain arrosable qui, bien cultivé, représentent un nombre incalculable de salades et de choux. Ce légume tient une grande place dans l'alimentation rurale.
Assurément ces jardins peuvent produire des fruits toute l'année et la bonne ménagère algérienne est dispensée par-là de l'obligation de faire des confitures…
Quel pays de cocagne !
Voulez-vous que nous relisions ensemble le charmant passage d'Homère tel que l'a traduit Eugène Véron dans le beau livre qu'il a récemment publié sur le progrès intellectuel ?
" Près de la maison s'étend un jardin de quatre arpents, fermés de tous côtés d'une barrière. Là croissent des arbres élevés et verdoyants,
- des poiriers,
- des grenadiers,
- des pommiers aux fruits éclatants,
- des figuiers chargés de figues savoureuses,
- des oliviers au vert feuillage.
Jamais ces arbres ne se lassent de produire, ni l'hiver, ni l'été. Leur fécondité est éternelle car là jamais le zéphyr ne cesse de souffler. Il fait croître les fruits des uns pendant qu'il fait mûrir ceux des autres.
Quand les fruits d'un poirier ont été recueillis, un autre poirier fournit une récolte nouvelle, et ainsi toujours la pomme succède à la pomme, le raisin au raisin, et la figue à la figue.
Là aussi est une vigne féconde en vendanges.
Pendant qu'ici le soleil échauffe le sol, là les raisins sont mûrs et l'on vendange ; à côté la vendange est déjà faite et l'on presse les raisins ; plus loin la vigne commence à mûrir.
A l'extrémité de l'enclos, sont des carrés plantés de légumes de toutes espèces. Dans ce jardin sont deux sources ; les eaux de l'une courent en circuits nombreux à travers tout l'enclos, celles de l'autre coulent sous le seuil de la porte d'entrée et servent aux besoins de la maison. "
Eh bien ce n'est pas cela mais c'est cependant un peu cela.
Nous sommes ici presque en Grèce ou en Italie, de sorte d'avec un filet d'eau et cinq ou six ans de patience nous pouvons faire succéder, d'un bout de l'année à l'autre,
- les poires - les pommes - les pêches - les prunes - les figues - les cerises - les noix - les raisins - les grenades - les coings - les oranges - les nèfles du Japon etc., etc.
C'est un cercle indéfini, qui ne s'arrête pas, qui n'a jamais ni commencement ni fin, et qui durera tant que la terre gardera l'habitude de tourner autour du soleil.
Grâce au climat, la dépense de vêtements et de chaussures est faible. D'ailleurs notre toilette est fort négligée. Pendant toute la semaine, et même parfois le dimanche, nous sommes presque tous couverts de vieux habits qui ne sont souvent plus autre chose que des haillons.
Riches ou pauvres avec nos culottes multicolores, nos vestes déchirées et nos chapeaux défoncés, nous avons l'air de véritables mendiants.
Les économies que nous faisons de ce côté-là, nous les déversons sur la nourriture. Nous mangeons bien et nous buvons de même. Au vin de nos vignes qui était rare au début, nous ajoutons le café. Le pain reste encore la plus forte charge pour nos ménages. Une balle de farine tous les mois ou tous les deux mois est ici comme ailleurs une lourde dépense.
Pour cela quand on n'a pas de récolte à soi, il faut de l'argent sonnant, il faut gagner quelque chose. Nos salaires sont de deux francs cinquante par jour en hiver, de trois francs en été.
Pendant la moisson nous gagnons davantage, bien qu'à l'imitation des Kabyles nous nous servions encore de la faucille, c'est-à-dire de l'instrument le plus primitif et le plus fatigant qu'on puisse choisir entre tous.
Bref, ainsi que vous le voyez, Tefschoun se relève. Il s'est produit ici ce qui a eu lieu pour la plupart des autres villages algériens. Au début grosse affluence de population.
- On s'exagère les bénéfices préalables,
- on se berce d'illusions,
- on s'égare dans les rêves dorés,
- on escompte l'avenir : on bâtit des châteaux en Espagne.
Aussi la terre atteint-elle souvent alors des prix excessifs eu égard aux difficultés imprévues que comporte toute entreprise nouvelle. Mais bientôt la réalité apparaît.
Elle reprend ses droits et souvent de la façon la plus brutale. La manne ne tombe pas du ciel, et les châteaux en Espagne s'effondrent les uns sur les autres.
La plupart des colons accusent le pays au lieu d'accuser leur propre inexpérience. Beaucoup se découragent et mettent la clé sous la porte après avoir emprunté le plus possible, trop souvent au-delà de ce que valait réellement leur propriété.
A cet égard, je citerai un exemple : Quelqu'un que je connais bien a payé en 1865 450 francs un ravin qui était grevé de 1.800 francs d'hypothèque, de sorte que le prêteur perdait les deux tiers de son avoir par suite de l'avilissement de la valeur du gage. C'est la période de marasme, de dégoût et enfin de désespoir complet.
Elle dure plus ou moins longtemps suivant les lieux et les circonstances, mais elle n'a jamais qu'un temps. Peu à peu l'excès du mal appelle une réaction favorable dans l'état du malade. Une baisse exagérée dans la valeur des terres amène de nouveaux immigrants.
Insensiblement, et pour ainsi dire sans qu'on s'en aperçoive, un nouveau classement, et définitif celui-là, se fait dans les propriétés. Le pays s'assoit.
Le mariage d'amour entre l'homme et la terre, mariage souvent malheureux au début parce qu'il reposait sur des erreurs et des illusions, ce mariage perd de sa poésie pour devenir plus prosaïque mais aussi plus sérieux. Il se transforme en un bon et solide mariage de raison où les conjoints s'apprécient à leur valeur, où l'époux et l'épouse se connaissent bien et s'estiment pour ce qu'ils sont.
Quand on en est arrivé là, il n'y a plus à y revenir, il ne faut plus parler de divorce. C'est à la vie, à la mort.
Cette série de crises est inévitable dans toute création nouvelle. Je crois que bien peu de villages en ont été exempts et pour mon compte je ne me chargerais pas d'en trouver un qui n'ait dû passer plus ou moins longtemps par de telles épreuves. D'ailleurs aucun d'eux n'en est mort. C'est là un fait significatif que je prie le lecteur de retenir dans sa mémoire.
Aucun de nos villages européen n'est resté sans habitants. Les uns ont mieux réussi que les autres. Celui-ci vivote tant bien que mal, celui-là se relève et cet autre prospère, mais le point important c'est que tous vivent. On aurait tort de s'étonner du temps que réclame souvent la période d'apprentissage.
On ne nait pas colon algérien. Il faut apprendre à connaître le pays et " la manière de s'en servir. "
En Europe, il y a une tradition. La routine peut remplacer le savoir, tandis que nous nous devons inventer.
A l'origine, on peut dire qu'en Algérie il n'y avait véritablement rien. Laissons de côté les machines et les outils, cela va sans dire, mais ne parlons que des matières premières dont dispose l'agriculture la plus élémentaire.
Pour nourrir les chevaux de la troupe, on faisait venir par mer, à grands frais, du fourrage d'Italie. On suspectait notre herbe ! Cependant les faits ont prouvé qu'elle n'était coupable d'aucun crime, et qu'elle n'est pas plus mauvaise de ce côté-ci de la Méditerranée que sur l'autre bord.
Pour le blé autre inconvénient. Le blé dur d'Afrique, qui est celui dont nous produisons la plus grande quantité, est resté vingt ans sans être pleinement utilisé. En ces dernières années seulement, une industrie nouvelle s'est créée dans le midi de la France qui en tire maintenant un parti très avantageux.
Pour les bois, impossible d'exploiter les forêts du pays sans routes.
Dans les contrées qui ont de grandes rivières, " des chemins qui marchent ", il n'en est pas de même. Mais ici nous manquons de ces avantages et encore aujourd'hui les quais de nos ports sont encombrés des bois que nous envoient la Suède et la Norvège.
Grâce à l'eucalyptus, l'arbre merveilleux d'Australie, qui se propage rapidement depuis quelques années, je crois fermement que cet état de chose changera, mais cette transformation demandera encore du temps.
De même pour le vin. Nous continuons à recevoir de France des quantités assez fortes de vins qui seront remplacées avant dix ans par nos vins du pays car on plante beaucoup de vignes dans les trois provinces, et elle réussit à merveille.
Ainsi encore pour l'huile. Cependant nous sommes plus avancés en ce qui la concerne et notre huile d'olive algérienne fait déjà aux huiles de France une concurrence que celles-ci ne pourront pas longtemps soutenir.
Quant au fer nous possédons des mines excellentes, il n'en peut être de même.
Nous en recevons beaucoup du dehors, et il est probable que cet état de choses persistera. Nous continuerons à envoyer notre minerai en Europe pour qu'on nous renvoie le fer fondu ou laminé. L'obligation de ce va et vient obligatoire est très simple. L'Algérie manque de combustibles et le transport de la houille coûterait plus que ne coûte le transport d'un minerai qui contient 70 pour cent de métal.
Ces anomalies apparentes, qu'on peut appeler les petites misères d'un pays neuf, sont moins rares qu'on ne le pense dans l'histoire des colonies.
Les États-Unis n'ont-ils pas pendant quatre-vingts ans envoyé leur coton brut en Angleterre qui leur renvoyait en échange du coton manufacturé ? C'est depuis une dizaine d'années seulement qu'il a pu se créer des manufactures aux lieux de production, soit en Amérique, soit même dans l'Inde.
Il y a temps pour tout et je ne finirais pas si je voulais multiplier les exemples à l'appui. Ce qui était impossible hier deviendra possible demain et une découverte nouvelle entraîne souvent après elle une révolution économique.
Ainsi sans les navires à vapeur, l'Algérie aurait-elle pu entreprendre ces grandes exportations de viande vivante qui ont commencé il y a une dizaine d'années et qui seront peut-être bientôt notre principale ressource ? On voit en effet qu'aujourd'hui déjà des milliers de moutons partent de nos ports à chaque printemps pour Barcelone ou Marseille.
Qui donc oserait prédire et limiter d'avance ce que l'avenir nous réserve encore de surprises ?
" Il n'y a que le premier pas qui coûte " dit un vieux proverbe. Eh bien le premier pas est franchi en Algérie, c'est-à-dire que le plus fort est fait.
Nous avons débroussaillé la route. Il n'y a plus qu'à y entrer sans hésitation et à marcher résolument en avant.
La vie de colon en Algérie par Paul Blanc 1874
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Les plaisirs du village. Tefschoun
Envoyé par M. Christian Graille
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Nous sommes au mois d'avril. Les semences sont presque toutes confiées à la terre. L'avoine, l'orge et le blé ne tarderont pas à fleurir, le maïs apparaît et les fèves grossissent. Il ne reste plus guère à planter que le tabac. C'est un moment de répit pour le cultivateur, avant les fauchages et les travaux de la moisson et le colon se livre aux plaisirs du village.
L'autre jour, avec l'autorisation de l'autorité, nous avions organisé une grande battue aux sangliers. Tout Tefschoun y était ! C'était merveille de voir notre troupe traverser la pauvre forêt incendiée, le fusil sur l'épaule.
Sans nous faire beaucoup de tort, on aurait pu aisément nous prendre pour une bande de brigands. Je ne suis pas chasseur, aussi serais-je sincère. Nous avons beaucoup tiré, mais nous n'avons tué qu'un marcassin que nous avons offert à des chasseurs de Koléa.
Le plus beau moment de cette chasse, comme dans toutes les chasses auxquelles j'ai assisté, m'a paru être le moment de déjeuner. Là, chacun a bien fait son devoir.
Le dimanche suivant, d'autres distractions nous attendaient. Il a fallu prendre les armes et se rendre à Castiglione pour passer la revue de la milice. On était magnifique à voir : il y en avait des petits et des grands, ce qui, naturellement, donnait pour l'ensemble une taille moyenne. Les manœuvres se sont exécutées du mieux qu'il était possible : celui qui faisait les mouvements après son voisin n'arrivait pas le premier comme on peut le penser ; mais il arrivait tout de même et c'est le principal.
Après l'exercice on a rompu les rangs et on est allé se rafraîchir. On est revenu au village assez tard, l'estomac chargé de quelques bouteilles et la vérité m'oblige à reconnaître que les fusils paraissaient plus lourds à porter en revenant qu'en allant.
Puis aux fêtes de Pâques, nous avons eu un bal. On ne danse pas souvent à Tefschoun, mais quand on s'y met, c'est pour longtemps : en plein air, à la nuit, chaque " jeune garçon " apporte sa lanterne ce qui produit un éclairage éblouissant. Là, le beau sexe apparaît dans toute sa splendeur : les dames et les demoiselles se promènent par deux ou trois sur la terre battue qui tient lieu de parquet, en attendant que les cavaliers viennent les inviter. Dans les entractes on se choisit mutuellement des maris, on égratigne tant soit peu le goût ou la réputation de ses meilleures amies ; bref on s'amuse " énormément ".
J'ai souvent entendu de bonnes âmes plaindre les musiciens arabes, qui soufflent dans un roseau pendant toute une nuit presque sans désemparer. Je comprends cette commisération et je la partage ; mais il faut qu'on me laisse garder un peu de pitié pour le cornet à piston des bals de campagne. Passe encore pour le violoneux qui se borne à avoir des crampes aux doigts, mais le pauvre piston ! Après tout, si vous allez au fond des choses, vous êtes amenés à reconnaître que, dans un bal, les gens les plus à plaindre ce sont encore les danseurs car ce sont eux qui se donnent le plus de mal. Les musiciens, du moins, restent assis. Voici nos plaisirs.
Vous, les citadins vous vous moquez de nous, vous nous appelez paysans et vous vous croyez autant supérieurs à nous qu'un militaire gradé est au-dessus d'un simple fusilier. Nous ne sommes pas tout, je vous l'accorde ; nous ne sommes que la matière, si vous voulez, par rapport à vous qui serez l'esprit ; je vais jusqu'à vous faire cette concession. Mais en notre qualité de matière, nous sommes la base de tout ; nous pourrions, à la rigueur, nous passer de vous, tandis que vous avez absolument besoin de nous.
- Nous créons et vous ne faites que transporter,
- nous faisons de l'avoine qui nourrit vos chevaux,
- le tabac que vous fumez,
- la laine et le coton qui vous habillent,
- la viande et le blé que vous mangez.
Cherchez un peu les objets que vous consommez s'il n'y en a pas un qui vienne de nous. Vous n'en trouverez pas.
Il est vrai que vous êtes plus riches que nous et que vous vous dites plus intelligents aussi. Nous tirons les marrons du feu et vous les croquez.
Si vous parlez d'intelligence, je me refuse, en Algérie du moins, à vous en laisser le monopole. Nous avons presque tous vécu dans les villes ; nous sommes des convertis ; nous avons laissé l'air des rues pour l'air des champs et cela pour toujours. Vous ignorez ce que nous avons pris et nous connaissons ce que nous avons quitté ; nous ne regrettons rien.
A nous, vous n'avez pas le droit de dire que nous sommes des ignorants parce que nous avons abandonné le mauvais pour prendre le bon.
Vous me direz que je ne sais pas tout ce que vous faites à la ville et en effet j'ai un peu pris plaisir à l'oublier. Mais je sais que, pour notre compte, nous sommes dans la vérité, que nous servons à quelque chose et que par conséquent nous remplissons notre devoir.
Chaque coup de pioche que nous donnons est une bonne action et nous réalisons petit à petit une grande conquête, la conquête de la fertilité sur l'inculture, du bien sur le mal, de la vie sur le néant.
Nous sommes des ignorants, je le veux, mais vous êtes de grands savants si vous accomplissez une œuvre plus utile que la nôtre.
Tels qu'après vingt ans de luttes, de désillusions et de souffrances, nous nous sommes attachés à cette terre. Nous avons surpris ses secrets, nous savons ce qu'elle refuse et ce qu'elle donne.
Nous sommes devenus aujourd'hui des instruments admirables pour la féconder.
Ce que nous ignorions à notre venue de France, nous l'avons appris et nous l'avons enseigné à nos enfants. Ils feront mieux et plus que nous si l'on veut les laisser faire. Voudra-t-on ? Tout est là.
Depuis vingt de toutes parts l'écho administratif répète que la colonisation est le plus cher souci du pouvoir dirigeant. J'admets cela mais j'ajoute que s'il veut qu'on le croie l'écho est venu de prouver par des faits la vérité de ses paroles.
Il a promis de grands travaux, des routes, des barrages etc. J'admets qu'il tienne tout ce qu'il a promis, que ce ne serait pas encore assez.
Les millions répandus à flots sur l'Algérie s'évaporeront au soleil si la colonisation ne peut pas s'étendre. Ce qu'il faut avant tout ce sont des terres. Peu importe qu'on les concède ou qu'on les vende : il en faut et il en faut beaucoup.
Par le système de colonisation restreinte adopté jusqu'ici, on n'a pas encore créé une colonie mais on a créé quelques colons.
L'épreuve est faite, elle a réussi. Nous avons les outils maintenant. Nous refusera-t-on toujours la matière première ?
Revenant au village, il faut vous dire un mot des plaisirs du dimanche.
- Les uns s'en vont faire un tour dans les champs.
- Les autres bavardent sur le pas de leurs portes.
- Les hommes sont au cabaret ou, ce qui vaut bien mieux, jouent paisiblement aux boules.
On ne sait pas assez combien le jeu de boules est un puissant auxiliaire pour la morale, la tempérance et la bonne tenue. Chacun se montre aux autres ou regarde les autres. :
- On se fait beau,
- on habille les enfants,
- on leur met leurs belles bottines.
- Les parents se font beaux aussi.
- Le beau d'un homme c'est d'être paré d'une chemise d'une entière blancheur, d'être rasé de frais et d'avoir des souliers cirés.
- On se tient debout ou bien adossé contre un mur, les mains à demi enfoncées dans les poches, un cigare aux lèvres.
Il n'est pas mal, bien qu'on n'ait nulle envie de rire d'affecter un sourire plein de finesse. On s'imagine que cela donne beaucoup d'esprit et que les autres enragent. Voici le beau d'un homme.
Le beau d'une femme c'est plus difficile à expliquer. Il y a tant de détails !
Autrefois il suffisait d'un bonnet blanc, d'un fichu bien repassé. On tenait à la main le coin de son mouchoir pendant toute la journée, ce qui vous donnait l'air fort naturel d'une très grande dame.
Mais depuis que le calicot est à trente centimes le mètre, depuis que le suffrage universel tout entier est pourvu de mouchoirs, cette attitude a perdu un peu de son prestige. Ce n'est plus à la mode, c'est vieux style.
Aujourd'hui le petit chapeau rond à ruban a remplacé le bonnet, et le mouchoir a fait place à l'ombrelle. L'ombrelle est ce que qu'il y a de mieux porté à la campagne et on en est si fière qu'on la porte même par les temps couverts. D'ailleurs est-ce que les ombrelles ont jamais été faites pour garantir du soleil ?
Puisque c'est aujourd'hui dimanche, il serait naturel d'aller faire un tour à l'église. Cependant, à mon grand regret, je ne parlerai pas de la messe, d'abord parce que la messe n'est pas un plaisir et ensuite parce qu'à Tefschoun il n'y en a pas.
Il existe pourtant une chambre à destination d'église, pourvue de tout l'outillage nécessaire ; mais le curé de la commune ne veut venir dire la messe que si les habitants de notre section consentent à lui donner cent sous par mois. Or le peuple ne veut décidément de la religion que si elle est gratuite. Le clergé se montrant d'un avis tout opposé il n'y a pas moyen de s'entendre. " Pas de sous, pas de messe " dit le curé.
D'ailleurs le scrutin électoral a remplacé la messe ; c'est une meilleure occasion de se réunir en assemblée générale. Vous voyez là se confondre tous les colons dans la communion du suffrage universel ; et pour moi cette communion vaut l'autre ! Ne riez pas des quatre-vingt électeurs de Tefschoun. Ils ne rient pas eux et il n'y a pas non plus de quoi rire.
Le bureau composé de trois citoyens, de l'adjoint, d'un vieux et d'un jeune siège consciencieusement toute la journée jusqu'à l'heure du dépouillement.
A ce moment solennel la porte de la mairie est ouverte et tant dedans que dehors tout le village est là, anxieux, les oreilles grandes ouvertes.
Cependant que les noms des élus inscrits sur les bulletins de vote sont appelés d'une voix légèrement émue par le président du bureau, un silence profond règne dans l'auditoire. On entendrait voler une mouche. Les femmes ne viennent pas aux alentours : on les renverrait car il s'agit des affaires de la commune, du département, de l'État.
Une fois le résultat acquis, on se sépare en silence, les uns contents, les autres vexés. La divinité moderne, le souverain a parlé, il a rendu son verdict. Chacun se tait et comprend qu'il ne lui reste plus qu'à obéir à la volonté générale, au libre arbitre !
Comment, lorsqu'il est question des plaisirs du village ne pas parler de la récolte ? C'est le plus grand assurément et je m'en voudrais de l'avoir oublié. : C'est par-là que nous finirons ces études.
Nous sommes en juillet à l'époque où la chaleur monte, où le ciel d'un bleu implacable ne se lasse pas d'être pur. Les gerbes sont rentrées, la meule est faite, l'aire nettoyée. Nous allons battre.
La plupart d'entre nous n'est pas encore assez riche pour acheter une machine ; il faut donc battre au rouleau.
Notre aire est grande ; c'est un petit cirque où les chevaux vont tourner pendant des heures, pendant des jours et des jours.
N'avons-nous pas sous les yeux la représentation matérielle du mouvement incessant et indéfini, le cycle du travail sans fin ?
Nous mènerons la même vie pendant au moins six semaines. Le matin, dès que la rosée s'est un peu ressuyée, on apporte les gerbes sur l'herbe. Disposées circulairement se recouvrant l'une l'autre comme les tuiles d'un toit, elles forment un tapis d'un jaune qui réjouit les yeux. C'est la blonde couronne de Cérès (déesse de la végétation).
Mais il est neuf heures, il fait assez chaud.
- Les chevaux arrivent et on les attelle au rouleau.
- Ils marchent,
- ils piaffent,
- ils se cabrent et le pied, tout autant que le rouleau, brisant les épis en séparent le grain.
L'attelage circule d'abord au pas et la paille rend un bruit de froissement d'étoffe, bruit moelleux et comme étouffé. Puis c'est le trot et alors un roulement sourd comme celui d'une pièce d'artillerie traînée sur le pavé fait trembler la terre.
Ce rouleau est parfois cannelé comme un fragment de colonne corinthienne.
Plus souvent il est lisse et la paille le polit par le frottement. Dans tout notre canton on le fait avec une pierre rose veinée de blanc qui a l'aspect du marbre.
Par moment les chevaux buttent contre la paille ou bien ils se baissent pour attraper au vol une poignée d'épis dont ils font une bouchée. Mais un grand coup de fouet du conducteur les rappellent à l'ordre. Celui-ci est au centre comme Franconi au milieu du cirque. Il les excite à la voix. Il tourne avec eux autour du tas de paille et de grain mélangé qui va chaque jour s'accroissant des résultats de la battue nouvelle.
De temps à autre on interrompt le travail pour retourner la paille. C'est un repos pour l'homme et les bêtes.
Enfin au bout de 4 ou 5 heures passées en plein soleil de juillet, les gerbes sont écrasées, la paille est toute brisée et les épis n'existent plus.
C'est alors qu'on enlève avec précaution les brindilles de paille pour ne garder sur l'aire que les débris des épis, la balle et le grain.
Tout cela vient s'ajouter au tas central, à ce bienheureux tas qui renferme l'énigme de la récolte.
- Enfin je la tiens ma récolte cette fois ! Elle ne brûlera pas comme l'an passé.
- J'ai au moins vingt hectares de plus que ce gueux de François mon voisin.
- Pourvu que le blé soit à plus de 25 francs ?
- S'il pouvait monter à 30 francs ?
- Voire même 32 ?
- Ou 33 ?
- Mais non il est à 24 …
- Combien cela me donnera-t-il à l'hectare ?
- Au moins 15 !
Frédéric n'a eu que le 7. C'est bien fait pour cet imbécile !
Oh ! Sûr, sûr, j'ai la plus belle récolte des environs. Les voisins vont-ils enrager !
Et Nicolas qui dit qu'il sait tout faire mieux que les autres, c'est lui qui ne sera pas content…
Oh ! Nicolas, je connais son numéro à présent. C'est lui qui l'année dernière disait qu'il avait eu 75 quintaux dans 4 hectares. Mais j'ai demandé au meunier de Blida ; il m'a dit qu'il n'en avait eu que 47, ni plus, ni moins.
Je me demande un peu à quoi servent tous ces mensonges-là ?
Est-ce qu'on se fait une belle jambe de mentir à sa poche ? Eh bien ! Vous ne croiriez jamais qu'ils sont tous comme ça dans le village ? Avant la récolte ils doivent avoir 100, 200, 300 quintaux et puis pour changer, quand le blé est battu, ils ont eu le 5 à l'hectare ! Il n'y a pas jusqu'au beau-frère de l'adjoint qui voulait tout avaler qui, pour finir, a eu le deux … !
Que de châteaux en Espagne il se bâtit sur ce tas mouvant de balles et de grains ! Écoutons encore :
- Je paierai mes hypothèques.
- J'achèterai les quatre hectares à gauche de moi. Ils ne sont pas tous défrichés mais c'est égal, c'est du bon terrain.
- J'achèterai un chariot neuf.
- Je ferai défricher au moins six hectares cette année.
- J'achèterai quatre grands bœufs croisés.
- J'achèterai un cheval, oh ! Mais un bon cheval !
- J'achèterai une jardinière à deux roues.
- Non à quatre roues
Je bâtirai un bout de hangar avec un dessus pour mettre le fourrage.
J'achèterai la concession d'Eustache. Il demande 3000 francs mais je l'aurai pour 2.000 c'est sûr.
J'achèterai, j'achèterai … C'est le pot au lait de Perrette que ce bienheureux tas, c'est la corne d'abondance des anciens, la bouteille inépuisable de Robert Houdin (très célèbre illusionniste.)
Il contient tout, renferme tout, promet tout.
Il vous promettra la lune si vous voulez. Ne riez pas. Il ne manque pas de gens pour la lui demander car les fous sont plus nombreux que les sages.
Mais l'heureux moment de vanner arrive. On vanne, à force, à force….On s'épuise pour aller plus vite. Enfin tout est battu, tout est vanné.
Que de misères pour en arriver là ! Cependant nous y sommes. L'impatience dévore le cultivateur, vous savez qu'il a fait cent calculs mais qu'après avoir monté, descendu, remonté, redescendu ses chiffres, il est sûr d'avoir cent quintaux, positivement sûr.
Or le blé est à 25 francs mais le sien on le paiera bien 26 parce qu'il est plus beau que tous ceux des autres… d'où un total de 2.000 francs pour le moins. Il met en sac et il s'aperçoit déjà qu'il ne trouve en tout que 80 quintaux.
Quand il arrive à Blida, il apprend que la récolte sera bonne en France. Le blé n'est plus qu'à 24 francs et comme son blé est petit on ne peut le lui payer que 23. Il n'achètera pas :
- la jardinière - ni le bon cheval - ni les quatre grands bœufs - ni le chariot neuf - ni les quatre hectares - ni rien du tout ce qu'il avait rêvé.
Il paiera peut-être à l'épicier quelques dettes criardes, il diminuera ses hypothèques de 4 à 500 francs, ce sera tout. Il ne lui reste plus qu'une ressource.
La vie de colon en Algérie par Paul Blanc 1874
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El Guerbadji
Envoyé par M. Christian Graille
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Le porteur d'eau
Les nombreux touristes qui visitent Tunis ont certainement vu un Arabe circulant dans les rues en portant sur la hanche gauche une outre remplie d'eau : c'est El-Guerbadji (de cuerba, outre) le porteur d'eau tunisien qui va trottinant dans le quartier arabe en criant : Tehah el ma, veux-tu de l'eau ?
La dernière intonation du cri est prolongée indéfiniment par notre industriel de façon à se faire entendre par les ménagères tunisiennes des rues dans lesquelles il circule.
A ce cri, les femmes tunisiennes qui ne doivent jamais se monter aux étrangers à visage découvert, répondent lorsqu'elles ont besoin d'eau par plusieurs coups frappés du dedans contre la porte de sortie de leur habitation. El Guerbadji connaît ce singulier appel, il sait que ces coups annoncent une cliente et il pénètre alors discrètement dans la maison, mais pas avant que les jeunes filles de l'habitation ne se soient réfugiées dans une chambre afin de ne pas être aperçues du porteur d'eau ; il est alors reçu par une matrone ou un garçonnet qui lui indique le récipient dans lequel il doit verser le liquide.
Les guerbadjia (pluriel des guerbadji) de Tunis forment une corporation ayant un amin (syndic) choisi parmi eux et qui, sous le nom de cheikh, règle toutes les contestations qui surgissent entre les membres de la corporation.
L'aire d'action des guerbadjia est parfaitement délimitée, chacun d'entre eux ne doit débiter son liquide que dans le quartier qui lui est assigné ; de cette façon, il n'y a pas de concurrence, de rivalité possibles.
La profession de guerbadji a des représentants dans les villes d'Orient : Constantinople, le Caire, Damas etc. et dans celles du moëre : Fez, Tanger, Tétouan ; les mêmes règlements, la même délimitation sont appliqués à chaque membre de la corporation des porteurs d'eau dans ces diverses localités.
Les habitants de Tunis ne se font jamais porteurs d'eau ; ils méprisent très fort cette profession qu'ils considèrent comme dégradante. Les guerbadjia sont tous recrutés parmi les Souafa (habitants du Souf, Sahara algérien).
Ils sont le plus ordinairement originaires de la tribu des Adouanes dont les habitants s'expatrient vers le Tell pour exercer les professions de portefaix, maçons, porteurs d'eau, puisatiers.
El guerbadji, afin de se préserver du suintement de sa gerbe, s'applique un tablier de cuir de bœuf appelé es-set ah ; son outre qui contient 30 à 40 litres de liquide est confectionnée par une peau de chèvre ou de bouc.
Chaque outre lui est payée cinq centimes et il en porte 30 à 40 par jour, selon la saison. La période d'été est naturellement la plus productive pour le porteur d'eau.
Indépendamment du gerbadji il existe aussi à Tunis ses souafa qui distribuent un verre d'eau aux personnes altérées.
Es-sbil nom que l'on donne à ce distributeur d'eau circule dans les souks de Tunis où l'affluence est toujours considérable surtout en été.
Tout arabe ayant soif, peut demander un verre d'eau au sbil sans que celui-ci exige une rémunération quelconque : néanmoins si l'altéré est généreux et qu'il lui remette un sou ou deux le sbil acceptera en le remerciant par une citation prière du Coran.
Les Souafa qui exercent la profession de guerbadji et de sbil sont d'une sobriété exemplaire, quelques dattes, un morceau de pain leur suffiront pour vivre toute une journée et lorsqu'ils jugent leur avoir suffisant,
- ils rentrent dans une des douze oasis qui constituent le Souf,
- y bâtissent une maison,
- creusent un puits et
- se livrent à la culture du palmier ce qui est le rêve de tout bon soufi.
Achille Robert.
Les Clochettes d'Algérie et de Tunisie (18-04-1903)
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El Thaleb
Envoyé par M. Christian Graille
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Le maître d'école
L'enseignement chez les Arabes d'Algérie n'est nullement compliqué, il se borne à une instruction des plus limitées consistant à apprendre à lire, écrire, réciter le Coran aux enfants.
Le personnel enseignant ne possède pas une instruction étendue, le thaleb n'a aucun titre universitaire, ni aucune méthode.
Il peut, il est vrai, réciter sans se tromper le Coran, mais il est absolument nul en lettres ou en sciences ; le cycle de ses connaissances ne s'étend pas au-delà du " livre de Dieu " qui, à ses yeux, réunit tout ce qu'un musulman doit savoir et ne saurait être dépassé.
Le maître d'école arabe se rencontre dans presque tous les centres algériens ou il est appelé indifféremment : thaleb, cheikh, derrer. Pour exercer son métier de pédagogue, il lui suffit de solliciter de l'Enseignement Supérieur la permission d'enseigner.
Il s'efforce à la suite de réunir vingt ou trente pères de famille indigène qui consentent à lui donner chacun, vingt ou vingt-cinq francs par an ; avec cette rétribution et les petits cadeaux qui lui sont offerts, il parvient à se faire un traitement annuel de mille à douze cents francs.
Il loue un petit local qui lui sert tout à la fois de logement et de salle d'école ; quelques nattes à terre constituent le mobilier scolaire en même temps que le sien propre. C'est en effet sur une natte que notre professeur se repose des fatigues intellectuelles de la journée !
Lors de ses cours, le thaleb s'accroupit sur la natte et tous ses élèves l'imitent, l'entourant sans aucun ordre, après avoir, au préalable, enlevé leurs chaussures qu'ils placent pêle-mêle à droite et à gauche de la porte.
Chaque élève est possesseur d'une planche (loue) qui lui sert tout à la fois de cahier et de livre de lecture.
C'est sur cette planche enduite d'une couche de terre argileuse blanchie (sensal) délayée dans un peu d'eau que le thaleb tracera avec son klam et de l'encre faite de fumier de mouton, de laine brûlée et d'eau, l'alphabet d'abord, puis les voyelles et enfin les divers et nombreux versets du Coran.
Pour la lecture de leur planche, les élèves crient très fort en se balançant le haut du corps ; comme ils n'ont pas tous la même leçon à lire, ni le même organe. Il s'ensuit une cacophonie épouvantable, au milieu de laquelle le thaleb seul est capable de se reconnaître.
Les enfants arabes arrivent ainsi après un séjour de deux ou trois ans, à se loger dans la cervelle le Coran à l'exclusion de toute autre connaissance ;
- les leçons de choses,
- la géographie,
- l'histoire,
- les mathématiques,
- la civilité puérile et honnête sont choses inconnues dans une école arabe.
Le maître d'école arabe s'abstient aussi de toute leçon de savoir-vivre, de politesse, de morale, il se confine absolument dans son rôle d'initiateur du " Ktab-Allah " et, pour rien au monde, il ne s'écartera de son programme, commun du reste à tous les tholbas.
Quand un enfant arabe peut, sans se tromper citer les nombreuses, Sourates du Coran, il est considéré comme un maître par ses coreligionnaires, il possède, selon eux, la sagesse désirable !
S'il nous était permis de donner un conseil aux ignorants tholbas, nous les engagerions à renforcer leur petit bagage intellectuel en acquérant les principes élémentaires de morale, d'honnêteté, de tolérance. Il serait à désirer qu'il soit mis à leur disposition une bonne traduction arabe d'un livre de culture morale, livre renfermant les premières notions concernant.
- les devoirs individuels,
- domestiques,
- sociaux,
- internationaux, qu'ils apprendraient eux-mêmes et feraient ensuite connaître à leurs élèves.
Tant que les tholbas n'auront comme programme d'enseignement que le Coran, ils ne formeront que des élèves fanatiques, cruels, sans moralité, d'une mentalité étroite.
Achille Robert.
La Revue Mondaine oranaise (17-01-1904)
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Le bon coq !
Envoyé par M. Monique
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Un éleveur de poulets se rend au café local .....
Il s'assied à côté d'une femme et commande un verre de Champagne.
La femme dit : - "Comme c'est bizarre! Je viens aussi de commander un verre de Champagne !"
- "Quelle coïncidence !", dit l'éleveur qui ajoute : - "C'est un jour spécial pour moi .... je le célèbre".
- "C'est un jour spécial pour moi aussi, je le célèbre aussi !", dit la femme.
- "Quelle coïncidence!", dit l'éleveur!
Pendant qu'ils trinquent l'homme demande :
- "Que célébrez-vous donc?"
- "Mon mari et moi essayons d'avoir un enfant depuis des années, et aujourd'hui mon gynécologue m'a annoncé que j'étais enceinte!".
- "Quelle coïncidence !" dit l'homme :
" Je suis éleveur de volailles et pendant des années toutes mes poules ont été infertiles, mais aujourd'hui, elles se sont toutes mises à pondre des oeufs fécondés".
- "C'est génial ! dit la femme. Comment avez-vous fait pour que vos poules deviennent fertiles ?
- "J'ai utilisé un autre coq", répond-il.
La femme sourit et dit :
-“ Quelle coïncidence!".
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El Kahouadji
Envoyé par M. Christian Graille
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Vendeur de café
Le Kahouadji du pays arabe est beaucoup plus primitif que son collègue des villes, son installation qui ne consiste qu'en un simple gourbi fait en pierres sèches, recouvert de diss, est ordinairement placé près d'une route fréquentée.
Ces cafés maures rendent bien quelques services comme refuges aux voyageurs égarés ou fatigués, mais le plus souvent ils deviennent les rendez-vous des malandrins de toute la région.
C'est là qu'ils organisent leurs expéditions nocturnes qui désoleront les fermes de la contrée, c'est du café maure qu'ils partiront pour dévaliser et tuer à l'occasion les voyageurs, colporteurs kabyles ou autres.
C'est aussi de cet établissement que partira l'adolescent lors de sa première équipée ; il aura reçu, au préalable, les avis et conseils des expérimentés, et comme dans la veillée des armes, il ne quittera les chevaliers du matraque qu'après avoir reçu de ceux-ci l'accolade fraternelle !
Au retour, s'il a réussi à commettre le larcin projeté, il sera sacré membre de la confrérie et alors prendre part à des expéditions plus importantes, ce sera un " fehal " brave, sur lequel les apaches musulmans pourront compter.
Comme costume le Kahouadji de l'intérieur est loin d'être élégant et propre, il est même d'une simplicité toute primitive,
- une gandoura,
- une chéchia,
- un burnous, voilà toute sa garde-robe.
Il conserve souvent pendant six mois ses vêtements, sans les laver, on se figure difficilement un homme pouvant rester six mois sans changer de chemise !
Quant au matériel du Kahouadji, il est tout à fait rudimentaire : un vieux et sale bidon à pétrole lui sert à chauffer l'eau ; une petite cafetière et cinq ou six tasses ébréchées complètent sa vaisselle. La saleté la plus repoussante règne en maîtresse absolue dans le bouge du cafetier, où l'on ne pénètre que par une ouverture sans porte, d'un mètre-trente à un mètre cinquante de hauteur.
Nous ne conseillerons jamais au touriste français qui circulerait dans le pays, d'y pénétrer en été ; il risquerait fort d'être à moitié dévoré par les puces, heureux s'il ne rapportait pas d'autres parasites ! Et puis, comme il n'existe pas de cheminée dans l'établissement et que l'industriel fait son feu dans un trou en terre, la fumée qui ne peut s'échapper que par les interstices de la toiture et la porte, envahit tout le local, asphyxiant littéralement l'imprudent qui s'aventure dans le café.
Pour y résister, il faut se tenir accroupi de façon à avoir les organes respiratoires au-dessous de la couche épaisse de fumée qui règne dans le gourbi. Cette position peut être très appréciée des indigènes, mais les Européens s'en accommodent difficilement.
Le cafetier du pays arabe n'a pas, pour distraire ses clients des dominos, des dames, mais la ronda avec les cartes espagnoles est en grand honneur dans son établissement et ce jeu y attire tous les rouleurs, chenapans, souteneurs arabes de la région.
La ronda est tellement appréciée par les " Kahouadji " que certains vont jusqu'à engager, sans aucune périphrase, leur dernière chemise.
Il arrive fort souvent de voir des joueurs de cartes complètement nus, attendant patiemment la nuit dans un coin du café pour se rendre inaperçus chez eux.
C'est à ce moment que le joueur arabe rentre chez lui, songe à récupérer de n'importe quelle façon la somme qu'il vient de perdre ; les chevaux du colon français voisin, la bourse du voyageur attardé seront l'objet de la convoitise du décavé, et un trou dans le mur de la ferme, ou un coup de matraque traitreusement appliqué sur la tête du malheureux voyageur l'auront vite mis en possession de ce qu'il désire.
Le Kahouadji gagnant fort peu avec les quelques sous que lui laissent les voyageurs est obligé, pour réussir à faire des affaires, de se transporter hebdomadairement au " souk " (marché) pour y exercer sa profession et aussi prendre langue auprès des bandits ses amis, et leur réclamer la part qui lui revient du fait de sa complicité et de ses complaisances ; son déplacement ne lui occasionne que peu de peine et son âne suffit toujours à transporter le cafetier et son maigre matériel.
Au marché, deux pierres auront vite constitué un fourneau et notre industriel, après avoir déballé son bidon à pétrole, son café et ses tasses, sera immédiatement entouré de clients accroupis qui trouveront toujours le moyen de faire les importants en sortant de leur porte-monnaie crasseux, le sou représentant le coût de la tasse de thé qu'ils absorberont avec toute la dignité que comporte une pareille opération.
Le marché terminé, notre Kahouadji :
- rechargera ses ustensiles sur son âne,
- ne manquera pas de grimper sur le malheureux animal, c'est si pénible d'aller à pied, et
- regagnera philosophiquement et lentement son gourbi supputant dans sa cervelle le léger bénéfice qu'il aura retiré de son déplacement et aussi la part qu'il touchera dans le prochain vol.
Achille Robert.
Les Clochettes algériennes et tunisiennes (04-01-1903)
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Le Dellal
Envoyé par M. Christian Graille
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Le commissaire priseur
Le Dellal est une sorte de commissaire-priseur musulman ambulant qui circule dans les quartiers arabes des villes algériennes, en vendant aux enchères les objets qui lui sont confiés par le public.
Avant l'occupation française, les Dellalines des villes arabes étaient réunis en corporations, placées sous la direction d'un amine (syndic) assisté d'un khodja (secrétaire). Ces corporations étaient réglementées et soumises à certaines obligations vis-à-vis du beylik turc.
De 1830 jusqu'en 1835, les Dellalines continuèrent à exercer leur profession sans contrôle ; pour répondre aux nécessités de cette situation, le gouvernement français dut prendre divers arrêtés qui réglementèrent définitivement les corporations, et le métier de Dellal devint alors une fonction officielle, une sorte de charge.
Actuellement, il n'existe plus que quelques corporations de Dellaline, mais dans presque toutes les localités algériennes se trouve un encarteur arabe.
Les principaux éléments du commerce du Dellal sont les vieux vêtements arabes :
- branes (burnous),
- sedria (gilets),
- saroual (pantalon),
- gnétacée (chemise), mais il ne refuse pas les autres marchandises qui peuvent lui être confiées.
Les objets les plus hétéroclites sont aussi vendus par le Dellal :
- de vieux ustensiles de ménage,
- des selles,
- des brides,
- des débris de toutes sortes et quelques fois
- des animaux hors d'âge, chevaux, mulets et ânes.
Lorsqu'un Arabe se trouve dans une situation précaire, il va chez le Dellal, lui remet un vêtement ou un objet quelconque en lui fixant le prix minimum qu'il veut voir atteindre. Le Dellal prend alors l'objet et dès sa sortie crie à pleins poumons : Ala bab Allah (à la providence) ifetah alina ia kherim (ouvre nous, ô généreux la porte de tes bienfaits) jusqu'à ce qu'un acheteur lui ait offert un prix.
Souvent il débite les vers suivants :
C'est l'été
L'habit qui plait
Habille-toi légèrement
Jusqu'à l'arrivée de l'automne
O acheteur ne crains rien,
Le bien de Dieu est à la porte
Je suis commerçant et pour cause
Ne donnes que le meilleur aux amis.
La porte de l'aisance est toujours ouverte
O acheteur ne t'en va pas
Tu regretteras le cœur blessé
De laisser ainsi, les objets abandonnés.
Il parcourt :
- les lieux publics,
- cafés maures,
- places,
- marchés,
- fondouks, criant la mise à prix obtenue, annonçant et montrant sa marchandise au public. Cette mise à prix étant couverte par diverses surenchères, le Dellal proclame toujours la dernière somme offerte et marche ainsi des heures entières s'époumonant et tachant d'endoctriner les amateurs en se répandant en éloges sur l'objet à vendre, jusqu'au moment où le prix désiré par le vendeur est atteint.
Le caractère jovial est de rigueur chez le Dellal, c'est avec ses bons mots, sa verve, qu'il réussira à trouver des acquéreurs.
Il doit aussi avoir un puissant organe qui lui permette de crier à tue-tête les sommes offertes et d'arriver à se faire entendre du plus loin possible dans les diverses ruelles ou impasses des quartiers arabes.
Non seulement les hommes mais aussi les femmes indigènes attendent avec joie le Dellal, c'est que les distractions sont peu nombreuses pour ces malheureuses, toujours enfermées et continuellement l'œil vigilant d'un frère ou d'un parent quelconque de leur époux.
Ne quittant leur demeure que tous les mois, toujours un vendredi, afin de se rendre au hammam, on comprend facilement que le moindre incident excite leur curiosité.
Aussi, lorsque le Dellal se fait entendre, immédiatement toutes les femmes ou fillettes d'une même habitation se précipitent derrière les portes, fenêtres, lucarnes à la recherche d'une fissure, d'un trou de serrure leur permettant de regarder sans être vues, l'objet vendu par l'encarteur et en même temps ce dernier.
Celui-ci se sentant observé, redouble d'ardeur, surenchérissant sur la valeur de ce qu'il met en vente ; il devine les regards de désir qu'il excite en déployant complaisamment une djabadouli (casaquin de femme) ou une djamaa (robe de mauresque) en tissu de soie brochée.
Il sait qu'il ne perd pas son temps et si le vêtement a plu à un des yeux noirs qui se trouvent derrière les portes, il pourra âtre appelé, au moment de son départ pour un autre quartier, par le cerbère masculin de la maison qui formule alors une surenchère de dix, quinze ou vingt sous.
Nous connaissons un Dellal qui réunit les qualités dont il est parlé plus haut et a réussi à bien faire ses affaires.
Sa bonne humeur est proverbiale parmi les indigènes et son arrivée est toujours annoncée avec plaisir.
Un jour nous le vîmes s'avancer, juché sur un âne de très petite taille, les pieds touchant presque le sol ; afin d'activer la marche du malheureux animal mis en vente, il faisait aller ses bras et ses jambes de la façon la plus comique, comme un véritable pantin, criant la mise à prix offerte.
Le passage de ce pauvre âne et de son cavalier dans diverses ruelles arabes attira au joyeux Dellal force quolibets de la part des indigènes ;
- un lui demandait d'où venait ce pur-sang,
- l'autre lui criait de vérifier les lanières de ses éperons,
- un troisième lui proposait un match en prenant pour monture un bouc etc., etc,.
C'était un feu roulant de plaisanteries plus ou moins lourdes ; notre Dellal tenait tête à l'orage, répondant à chacun, souvent avec esprit mais ne ralentissant nullement le mouvement de ses bras et jambes.
Son attitude gouailleuse attira bientôt un cercle de plaisants, c'était ce qu'il désirait, et finalement, il réussit à placer son âne pour une dizaine de francs.
Le Dellal, comme beaucoup de citadins, fait souvent partie de la confrérie religieuse de Si M'Hammed ben Aïssa et lorsque les chouans donnent une Hadra (réunion pieuse) il est un des plus ardents à effectuer les contorsions, les jongleries chères aux Aïssaouas.
Sa piété et les fonctions importantes qu'il remplit dans l'ordre social font de lui un personnage très considéré parmi les mousselines (croyants).
C'est que la fragilité des choses de ce monde existe surtout en pays musulman où le fatalisme, l'insouciance des habitants amènent souvent la gêne et quelquefois la misère la plus noire !
C'est à ce moment-là que l'Arabe imprévoyant aura recours au ministère du Dellal pour écouler telle vieille harde ou tel meuble dont il veut se séparer afin de se procurer quelque argent.
Aussi il faut voir avec quelles formules de politesse il l'aborde, car notre enchanteur est une personnalité, un homme à ménager et il vaut mieux être bien que mal avec lui.
Achille Robert.
Les Clochettes algériennes et tunisiennes (05-07-1903)
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El Kherraz
Envoyé par M. Christian Graille
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Le cordonnier
El Kherraz, le cordonnier arabe, est bien un métier des plus répandus parmi ceux exercés par les beldis (citadins) des villes algériennes.
On est, en effet étonné du grand nombre de cordonniers que l'on rencontre dans les quartiers arabes de Constantine. Cette quantité de Kherrazine s'explique par les marches nombreuses et longues qu'effectuent continuellement les indigènes algériens, et aussi par la qualité médiocre des belgha ou sabbath (chaussures) que leur vendent les cordonniers arabes.
Dans la ville de Constantine, où la profession de kherraz est spécialement florissante, ils occupent presque exclusivement un quartier, comme du reste ils le faisaient lors l'arrivée de nos troupes en 1839.
On arrive à ce quartier par la rue du 23e de ligne qui, elle-même, renferme de nombreuses boutiques de cordonniers.
El Kherraz est ordinairement installé dans un modeste local, aux dimensions exiguës qui lui sert exclusivement d'atelier, sa famille vivant comme celles de tous les musulmans, à l'abri des regards indiscrets.
Il y a un ou deux ouvriers, un ou plusieurs apprentis, ces derniers sont perchés le plus souvent sur une soupente située au-dessus du patron et des ouvriers, et à laquelle on accède par une petite échelle.
Comme cette soupente ne couvre que la moitié de la boutique, les apprentis paraissent comme placés sur une sorte d'étagère.
Patron, ouvriers, apprentis sont accroupis à la Turque ou assis sur des tabourets très bas. Ils travaillent silencieusement, ne disant que les paroles indispensables à leur métier.
Le mobilier du Kherraz, comme celui de tous les artisans arabes, est des plus simples ; du reste pourquoi serait-il luxueux ?
Les femmes arabes ne vont pas choisir et essayer leurs chaussures, leur raffinement ne va pas jusqu'à exiger des bottines leur serrant exactement le pied ; quant aux hommes, ils ne sont pas assez partisans du confort pour demander de l'élégance au Kherraz.
- Une natte en palmier nain ou autre fibre végétale,
- un plateau de bois dur monté sur trois pieds (djedra) sur lequel le cuir est aplati,
- un marteau de cuivre (damir) sorte de pilon ressemblant à un bougeoir avec lequel on assemble les morceaux de cuir collés avec de la rate de mouton,
- un petit bidon remplaçant le baquet de sciences de nos cordonniers et
- une petite caisse dans laquelle se trouvent ses approvisionnements, voilà son mobilier.
Indépendamment de ce qui lui est nécessaire pour son métier, El Kherraz possède toujours un vase dans lequel il entretient un basilic (hebak) cette plante également chère à nos bottiers, et une petite cage dont les barreaux faits de petits roseaux et de piquants de porc-épic, retiennent prisonnier un oiseau quelconque.
Les plus luxueux possèdent un petit aquarium dans lequel évolue une dorade, les moins fortunés remplacent l'aquarium par un grand verre et la dorade par un vulgaire barbeau.
L'oiseau et le poisson sont bien soignés par El Kherraz mais le basilic est surtout l'objet de sa sollicitude. Tous les matins il l'arrose, le débarrasse des feuilles mortes ou des insectes et veille à ce qu'aucune feuille ne dépasse la courbe du globe qu'il a donnée au basilic ; la prédilection du cordonnier arabe pour le basilic s'explique par le besoin de combattre l'odeur désagréable du cuir.
El Kherraz travaille avec ardeur toute la journée, il fabrique :
- des sabbats (souliers arabes ordinaires),
- des belghas (sorte de mules) pour les citadins,
- des chebrellas (brodequins) pour les femmes.
Les nombreuses chaussures étalées au soleil, près de chaque boutique attestent de l'activité déployée par le cordonnier arabe. Quand le soleil est couché, il suspend son travail et ferme la boutique, le patron et les ouvriers mariés rentrent chez eux, les ouvriers célibataires partagent leur soirée entre le restaurateur et le khouadji (cafetier maure) où plusieurs parties de la ronda avec des cartes espagnoles et quelquefois une pipe de haschish, suffisent à les distraire toute la soirée.
A côté du cordonnier citadin, il y a aussi El melakh (savetier ambulant) qui se transporte sur les divers marchés pour rapiécer les chaussures de ses coreligionnaires.
El Melakh a encore un matériel plus rudimentaire que le cordonnier de la ville ; une caisse à savon de Marseille comme siège et une autre caisse qui lui sert d'établi et de coffre, il n'a pas de plateau en bois dur mais une pierre plate d'un côté remplira le même office ; il n'aura qu'à la placer sur ses genoux lorsqu'il voudra assouplir ses cuirs.
Il possède aussi un damier, quelques allènes (poinçons pour percer le cuir) et du fil. Il aura vite procédé à son installation dans un coin quelconque, car il ne possède ni tente, ni abri ; notre melakh a des goûts simples et son ambition ne va pas loin, pourvu qu'il ait quelques pratiques, cela lui suffit.
Les clients qui viennent lui apporter leurs chaussures ne sont pas riches, (du moins ils le prétendent tous) et quatre ou cinq sous seront toujours le prix d'un rapiècement plus ou moins adroitement fait.
Quand il s'agit d'une semelle à remettre, le bénéfice est plus fort, il ira quelquefois jusqu'à un ou deux francs !
Le salaire du pauvre savetier ne s'élève pas à grand-chose et quand après avoir peiné toute une journée, il obtient trois ou quatre francs, il se déclare fort satisfait.
Si par malheur le mauvais temps a empêché les clients de venir, El Melakh ne se plaint pas sachant que l'homme ne doit jamais s'élever contre les décisions d'Allah.
Achille Robert.
Les Clochettes algériennes et tunisiennes (03-05-1903)
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El Haddad
Envoyé par M. Christian Graille
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Le forgeron
Le forgeron arabe, El-Haddad, (de haddid, fer) se rencontre dans presque toutes les localités algériennes. Dans les départements d'Alger et d'Oran il est ordinairement d'origine marocaine ; dans celui de Constantine il est d'origine locale, arabe ou kabyle suivant la région.
Le forgeron marocain possède presque toujours une musculature et une taille remarquables ; on ne peut s'empêcher d'admirer la vigueur de ses membres, le ton brun de tout son corps sur lequel viennent encore s'incruster les petites parcelles de charbon qui voltigent dans la forge, lui donne absolument l'aspect d'un bronze et l'on songe involontairement, en l'examinant, au modèle parfait qu'il pourrait faire.
Le regretté Henri Regnault (artiste peintre orientaliste.) avait bien raison en allant chercher au Maghreb les sujets de ses compositions, ils ne laissaient rien à désirer au point de vue plastique.
Les haddadines (pluriel de haddad) du département de Constantine, ressemblent à tous les indigènes du dit département ; beaucoup sont d'origine kabyle et ont le type berbère bien caractérisé.
Dans la ville de Constantine, toute une petite rue du quartier arabe est habitée depuis fort longtemps par la corporation des haddadines.
Ce quartier qui n'a pas encore été touché par la pioche du démolisseur a gardé la physionomie qu'il avait antérieurement à la prise de Constantine.
Le tapage assourdissant que tous ces disciples de Vulcain font en frappant sur leurs enclumes a éloigné de ce quartier les industriels des autres professions. Cet éloignement est fort compréhensible et l'on ne peut blâmer ces derniers d'avoir soustrait leurs tympans au vacarme effrayant qui règne toute la journée dans la rue des haddadines.
Les forgerons arabes ont installé leurs forges dans de petits locaux dont le sol est très en contrebas du niveau de la rue. Chaque atelier est dirigé par le patron (le mâalem) et comporte ordinairement deux ouvriers et un jeune apprenti.
Ce dernier tire mélancoliquement la chaîne qui met en mouvement le soufflet et s'empresse dès que la marche de cet instrument n'est plus utile, d'aller s'asseoir dans un coin. Il n'imite pas en cela nos apprentis européens qui ont toujours quelque chose à faire. Il est vrai qu'en Algérie il fait si chaud, surtout près d'un fourneau ! Lorsque le fer est rouge, c'est aux ouvriers et au patron de frapper à tour de bras.
La vue de ces trois hommes, aux traits accentués, noircis par la fumée, dont on ne voit que le torse, travaillant dans une sorte de trou, s'agitant à qui mieux mieux dans cette pièce étroite, noire, donne l'impression de diables employés à une occupation infernale.
Les haddadines de Constantine, comme du reste tous les forgerons arabes des villes, ont peu à peu abandonné les instruments primitifs dont ils se servaient avant notre arrivée et les ont remplacés par des outils perfectionnés :
- le gros soufflet,
- l'enclume,
- les marteaux,
- les pinces sont en effet de fabrication française.
Les forgerons arabes réparent les socs de charrue (seka), les petites pioches, haches (gadoune, chattabia), etc., etc. Ils affûtent aussi les faucilles en les appliquant sur une corne de bœuf et les rayant avec un ciseau à froid de façon à les garnir de petites dents.
Lorsque les pièces ont reçu la forme réclamée, un ouvrier les termine en les battant à froid sur une enclume.
Le bruit que procure cet affineur n'est pas pour rien dans le concert épouvantable des haddadines et l'on peut dire qu'il fait très bien sa partie.
Les bénéfices retirés par El-Haddad ne sont pas élevés ; l'aciérage d'un soc ne coûte guère que 75 centimes et s'il s'agit d'une petite pioche il n'est plus perçu par le forgeron que 20 ou 25 centimes.
Indépendamment du forgeron qui habite les villes, il y a aussi le forgeron ambulant qui se transporte sur les marchés afin d'y exercer sa profession ; il est ordinairement propriétaire d'un mulet qui lui transporte :
- sa tente en toile blanche,
- son enclume,
- son soufflet ainsi que
- les menus outils et le charbon de terre.
Le forgeron ambulant n'est pas aussi progressiste que son collègue des villes ; il se sert souvent d'outils très primitifs.
Dans nos pérégrinations en pays arabe nous avons vu des haddadines se servir en guise de soufflet d'un vieux canon de fusil dans lequel ils s'époumonaient, soufflant vigoureusement dans le tube pour transmettre l'air jusqu'au foyer.
D'autres haddadines un peu plus avancés ont un soufflet confectionné tout simplement avec une peau de chèvre munie dans sa partie supérieure d'un morceau de bois et à laquelle est adapté un tube en fer.
Le morceau de bois est fixé longitudinalement sur la partie de la peau et sert de poignée au forgeron.
Pour actionner ce curieux instrument qui est simplement fixé à terre, El-Haddad n'a plus qu'à opérer des mouvements de pression de haut en bas ; pour cette manœuvre, il se tient naturellement accroupi.
Lorsque le fer qu'il s'agit d'aciérer est rouge, le forgeron lui donne la forme qu'il désire sur une enclume de faible dimension. S'il est nécessaire, afin de parfaire la pièce, d'employer la lime, notre artiste sans changer de position pince le fer dans un petit étau et en maintenant cet instrument avec les orteils arrive ainsi à apporter la modification projetée ; on comprend qu'avec de tels moyens il n'arrive qu'à faire des objets très imparfaits !
Nous avons vu aussi des haddadines ambulants qui possédaient un soufflet un peu plus perfectionné que celui que nous venons de décrire.
Ce soufflet fabriqué par eux est composé de deux carcasses en fil de fer affectant la forme cylindrique et couverte de peaux Ces deux cylindres, accolés l'un contre l'autre, prennent l'air extérieur par deux petites ouvertures et le renvoient par deux tuyaux qui se réunissent en un tube central dirigé sur le foyer ; ils sont fermés à la partie opposée aux tuyaux par une planchette circulaire munie d'une poignée.
Le soufflet, fixé à terre est manié ordinairement par un enfant qui pousse alternativement le fond de chacun des cylindres dans la direction du foyer. Quelques haddadines exercent en même temps la profession de maréchal-ferrant, mais le plus souvent les deux professions sont bien distinctes, le forgeron ne répare que les outils et le maréchal ferrant s'occupe exclusivement de la ferrure des chevaux.
A propos de la profession de maréchal-ferrant (semmar) il y a aussi des indigènes qui, sans enclume, sans soufflet ferrent les chevaux sur les marchés ; leur matériel n'est pas considérable, ils n'ont qu'une certaine quantité de fer, de clous et un marteau. Les animaux qui ont besoin de chaussures leur sont amenés, et sans s'inquiéter ni de la forme ni de la grandeur du pied des animaux, les maréchaux arabes leur fixent des fers tous préparés qui n'ont qu'un tort, c'est de ne pas être plus épais qu'une feuille de papier et mal faits.
Il est vrai que le prix de quatre fers ainsi fabriqués est de deux francs et qu'à ce compte on ne saurait être exigeant.
Les indigènes ont conservé le souvenir de Daoud (David) qui aurait, selon la légende, forgé la première cuirasse ; malgré ce souvenir, le métier de forgeron n'est nullement estimé par les musulmans, arabes ou kabyles. Ils le considèrent comme tout à fait dégradant.
Le brave forgeron n'est pas, comme on le voit, en grand honneur parmi les musulmans. On se demande pourquoi les arabes et les kabyles méprisent si fort El-Haddad.
Serait-ce parce que Tubalcaïn descendant du fratricide Caïn est, d'après la légende, le premier homme qui travailla les métaux ou en raison de l'aversion qu'ils ressentent pour tous ceux qui sont obligés de travailler pour vivre ? Peut-être !
Achille Robert.
Les Clochettes algériennes et tunisiennes (07-02-1904)
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El Haffaf
Envoyé par M. Christian Graille
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Le Barbier
El Haffaf n'est pas un type que l'on rencontre partout, il faut qu'une localité comprenne un certain nombre de têtes musulmanes pour posséder un barbier.
Nous disons intentionnellement têtes ; il n'y a en effet que les indigènes de marque qui usent du rasoir d'El Haffaf ; les pauvres diables se font raser à titre de réciprocité par un de leurs barbiers d'occasion, qui n'a pour tout matériel que son Khoudmi (couteau) et qui exerce son ministère sans gêne, au coin d'une rue ou sur une place publique quelconque.
Le barbier des rues a été trop bien dépeint par Maria Gill dans l'Algérie illustrée de Levroux, pour que nous le décrivions, nous nous en tiendrons au barbier maure des villes.
Ce figaro est comme tous les beldia (citadins) assez proprement vêtu, sa tenue est souvent relevée par une sorte de veston de laine marron, soutaché d'arabesques aux couleurs très voyantes. A sa ceinture pend une large bande de cuir qui lui sert à affûter ses rasoirs et indique sa profession.
Sa boutique ne porte pas d'enseigne et au-dessus de sa porte ne se balancent pas les minuscules et traditionnels plats à barbe en cuivre, mais les clients arabes connaissent bien la demeure d'El Haffaf.
C'est chez lui que se donnent rendez-vous les notables indigènes qui veulent se tenir au courant des petites nouvelles locales et en allant voir le barbier, ils savent bien que ce dernier ne manquera pas de leur narrer tout ce qu'il a pu apprendre de nouveau, car il a toujours des histoires dans son sac notre Haffaf et il est tout aussi bavard que son confrère français. On entend chez lui sûrement moins d'esprit que l'on entendait chez le coiffeur de Pézenas, mais les langues vont tout de même leur petit train.
L'intérieur de la boutique ne renferme qu'un mobilier des plus modestes qui rivaliserait difficilement avec celui de nos élégants salons de coiffure ; il n'y a :
- ni magnifique glace,
- ni lavabo en marbre,
- ni fauteuil à hausse.
Une table sur laquelle se trouve ordinairement un petit aquarium contenant un poisson rouge ou un vase rempli de narcisses, quelques bancs contre la muraille, laquelle est revêtue d'une natte pour préserver les vêtements des clients qui s'adossent si volontiers, une douzaine de rasoirs ouverts en angles et appendus à une étagère, un plat à barbe en fer et une petite glace, voilà le matériel du barbier maure.
Les indigènes conservent ordinairement leur barbe et ne se font raser qu'au-dessous de la gorge et des maxillaires, c'est probablement pourquoi El Haffaf ne rase pas au pouce et à la cuiller comme cela se pratiquait chez nous il y a cent ans. Il y a cependant de nombreux points de ressemblances avec nos anciens barbiers, ainsi il arrache les dents et souvent un cadre renfermant de nombreuses molaires et autres chicots témoigne de son habileté.
" Désirez-vous que l'on vous saigne,
il peut vous opérer aussi ".
Pour la taille des cheveux, les Arabes n'ont pas comme nous des appellations multiples, ils ne connaissent pas les cheveux taillés à la Capoul, à la Bressant ou aux enfants d'Édouard. Chez eux l'opération est plus simple, ils n'admettent que la tête rasée complètement ou rasée à moitié et circulairement (chentouf).
De nombreux indigènes ne laissent sur le sommet de leur tête qu'un petit cercle de cheveux qu'ils réunissent en une mince tresse de quinze à vingt centimètres de longueur. Ce petit cercle de cheveux, respecté par le rasoir se nomme Guettaïa.
Le barbier maure a un soin particulier des moustaches de ses coreligionnaires, lesquelles, on le sait, ne doivent pas pénétrer indiscrètement dans la bouche du musulman lorsqu'il mange ou boit. Pour éviter cet inconvénient, il taille les moustaches simplement en brosse sur le devant de la bouche en laissant les deux pointes.
Une coupe de cheveux ou de barbe est payée au barbier arabe de vingt-cinq à trente centimes, selon la générosité du client.
Pour l'extraction des dents, les suppliciés remettent ordinairement à l'artiste une somme de cinquante centimes ou un franc. Ce n'est pas trop cher surtout si l'opération est bien faite, il est juste de dire que les barbiers arabes manient assez adroitement la clé de Carangeot (chirurgien 1688-1759) ; son nom est resté attaché à un instrument permettant l'extraction des molaires ; Il n'est cependant pas l'inventeur de cette clé mais la perfectionna.) et que l'opéré a rarement à regretter ses cinquante centimes.
Pour la saignée notre barbier procède de différentes façons, la plus employée est la saignée pratiquée derrière la tête, par ventouses scarifiées. Après, au préalable avoir rasé le patient El Haffaf lui place sur la nuque ses Karouras, ventouses en fer, munies d'un tube également en fer et par lequel on opère une succion, puis il aspire de façon à faire le vide et à développer une auréole ; quand il juge que l'ampoule produite est suffisante,
- il scarifie avec une lancette (nachetar),
- replace ses ventouses,
- aspire de nouveau,
- bouche les petites ouvertures des tubes et
- laisse ainsi s'écouler le sang dans les ventouses.
Lorsque ces dernières sont pleines, il en verse le contenu dans le plat à barbe en fer, soutenu par l'apprenti figaro, au grand contentement du client.
La saignée effectuée derrière la tête est employée par les Arabes pour les fièvres (hama) ; quand un client se plaint d'embarras gastrique, El Haffaf le saigne sous la langue ! ! ! C'est là où il faut que l'artiste ait la main légère pour ne pas endommager cette partie de l'individu malade !
Pour les douleurs rhumatismales ou autres, le barbier saigne aux bras ou aux jambes en comprimant fortement par une bande le membre, au-dessus du point sur lequel l'opération doit être effectuée.
Indépendamment des barbes, saignées et avulsions de molaires, El Haffaf remplit dans la Société musulmane un ministère sacro-saint : c'est lui qui est chargé de la circoncision des jeunes musulmans.
El tahara (la purification) est une très grande cérémonie chez les populations arabes, aussi l'opérateur est-il grassement payé et l'on comprend que le barbier ne néglige pas cette importante source de bénéfices. Cinq ou dix francs viennent ordinairement récompenser l'adresse du praticien ; outre la rémunération, l'opérateur est invité à toutes les réjouissances relatives à l'heureux événement.
Il ne sera pas le dernier à attaquer les plats des divers repas ; c'est que si El Haffaf a bonne langue et manie bien la lancette, il possède aussi ce qu'on est convenu d'appeler un bon coup de fourchette.
Malgré toutes ses fonctions, le barbier ne fait pas toujours une bonne recette, il s'en console facilement en pinçant doucement une petite guitare à deux cordes et long manche dont les faibles sons parvenant tout juste à ses oreilles ont le don de lui faire oublier les misères de ce monde.
Achille Robert.
Les Clochettes algériennes et tunisiennes (19-07-1903)
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Elle est bonne, elle est mortelle
Envoyé par Elyette
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Le passager d'un taxi se penche vers l'avant pour poser une question au chauffeur, et lui touche doucement l'épaule pour attirer son attention.
Le chauffeur lâche un cri, perd le contrôle du véhicule, évite un autobus de justesse, monte sur le trottoir et s'arrête à quelques centimètres de la vitrine d'un magasin !
Pendant quelques instants, c'est le silence, puis le chauffeur, d'une voix tremblante dit :
- Je regrette, mais vous m'avez tellement et vraiment fait peur !
Le passager s'excuse en disant qu'il ne pensait pas qu'un simple toucher sur l'épaule pourrait l'apeurer autant.
Le chauffeur lui répond :
- Ne vous excusez pas, c'est entièrement de ma faute. C'est ma première journée de taxi...Pendant 25 ans, j'ai conduit un corbillard...
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Bons figues ! Bons figues !
Envoyé par M. Christian Graille
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Le marchand de figues de Barbarie
Après les figues sèches de Bougie que les Kabyles mangent en trempant la pointe dans de l'huile d'olive, il n'est rien dont les Arabes soient plus friands que les figues de Barbarie, autrement dénommées figues du désert, figues des chrétiennes : " karmous en neçara ".
Aussi le marchand de figues de Barbarie est-il sûr de faire de bonnes affaires pendant les deux mois de l'année où il débite ce fruit exotique armé de dards menaçants. Sur une table boiteuse et vermoulue, elles sont rangées en tas symétriques de cinq, sept, huit suivant le cours du jour et aussi la qualité.
Aux deux bouts de la table s'épanouissent deux figues modèles, artistiquement épluchées à l'avance et destinées à attirer les amateurs car elles servent de réclame. L'une est d'un beau rouge vif et l'autre d'une blancheur alléchante. Par terre, dans un bidon à pétrole, aux trois quarts rempli d'eau baignent d'autres figues de Barbarie qui se dépouillent dans l'eau de leurs épines en attendant de figurer sur la table de consommation.
Près de là, d'un chouari (1) à demi éventré émergent d'autres figues qui attendent également leur tour d'immersion dans l'eau. De temps en temps, le marchand de figues prend un petit balai arabe qui sert d'ordinaire pour la chaux à blanchir, le trempe dans l'eau et en asperge chacun des tas de figues mis en vente. Il crie alors d'une voix enrouée sa marchandise :
" Bons figues ! Bons figues ! Ah ! Qu'il y bon ! Qu'il y friche ! Karmous en naçara ! ".
Le nec plus ultra de la bonté dans la qualité des figues de Barbarie c'est d'avoir été cueillies, d'après les Indigènes, sur les coteaux de la Bouzaréa.
Mais voici venir les clients : Un, deux, trois. Sans perdre la tête, le marchand sert tout le monde à la fois : Une figue à l'un, une à l'autre et ainsi de suite à tour de rôle.
D'une main habile il dépouille lestement à l'aide d'un couteau affilé les figues de Barbarie de leur enveloppe épineuse et les présente nettes et propres à ses clients. La petite fille les met dans son assiette à dessert, un autre les mange gloutonnement sur place en les accompagnant d'un petit pain, un troisième, un Arabe celui-là, empiffre figues sur figues sans compter.
Les tas succèdent aux tas, et bientôt la table se vide pour recevoir de nouvelles rangées de figues fraîches et ainsi de suite jusqu'à la tombée du jour.
Comme rien ne doit se perdre, le marchand met de côté dans une corbeille les pelures de figues pour les revendre le lendemain matin, pour quelques sous, à l'ouvrier maltais. Ce dernier les donne en pâture à ses chèvres et à ses porcs qui les croqueront à belles dents sans crainte des épines.
1) Chouari : bât formé de deux couffins ou paniers que l'on place sur le dos des ânes et des mulets.
Jean Terzualli.
Les Clochettes algériennes et tunisiennes. (21-06-1903)
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El Bakhar
Envoyé par M. Christian Graille
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Le brûleur de parfums
Dans les villes tunisiennes, il y a ordinairement un nègre qui n'ayant aucun métier, se munit d'un petit récipient en fer dans lequel il met quelques charbons allumés et diverses substances répandant une bonne odeur. Le récipient est suspendu à un court bâton, à l'aide de trois fils de fer, et le soudani circule en encensant les passants.
Cet industriel est appelé par les Arabes El-Bakhar ( le brûleur de parfums). Cette façon déguisée de demander l'aumône est suivie par de nombreux nègres que l'on retrouve partout : à Tunis, Bizerte, Sousse, Kairouan etc. Ordinairement très misérablement vêtu d'une vieille gandoura recouverte d'un burnous en loques, sans chaussures, El-Bakhar se rend dans les cafés maures et les endroits publics, balançant doucement sa mebakhera (cassollette-encensoir).
Voici les appels qu'il lance pour implorer la charité des passants :
A celui qui prie pour le Prophète.
Ô généreux pour l'amour Dieu.
Ô les croyants.
Pour Monseigneur Ben-Hassein.
Ô les musulmans.
Pour Monseigneur Ben-Arous.
Ô Sid Abd-el-Kader El-Djilani.
Chaque vendredi, El-Bakhar se rend devant les grandes mosquées, il attend la sortie des fidèles qui viennent d'entendre l'imam prédicateur exalter l'unité de Dieu et glorifier son prophète Mohamed et sollicite d'eux la charité en formulant toujours des invocations et balançant continuellement sa primitive cassolette.
Le malheureux Bakhar ne gagne pas beaucoup d'argent à encenser ses coreligionnaires et nous doutons fort que la maison Hachette le fasse figurer jamais dans son almanach parmi les mendiants réussissant à faire fortune. Quand il a ramassé six ou huit sous par jour, il se considère comme très heureux, conserve dix à quinze centimes pour le renouvellement de sa provision de baumes, d'encens mâle, d'écorce de certaines espèces d'arbustes et se nourrit avec le reste !
Pour son logement, El-Bakhar n'est pas inquiet, un croyant trouvant toujours l'hospitalité chez un cafetier quelconque.
Beaucoup de Bakherines réussissent ainsi à traverser à pied la Tunisie, la Tripolitaine, l'Egypte et se joignant à une caravane de pèlerins parviennent à la Mecque.
Ils mettent quelquefois plus de deux ans pour effectuer ce long et périlleux voyage, mais toutes les peines, les fatigues, les misères, les maladies ne les rebutent pas.
Et puis mourir en effectuant le pèlerinage sacré n'est-ce pas l'entrée certaine au paradis ?
Armés d'un incroyable courage, d'une persistance et d'une endurance remarquables que n'explique que la foi intense, ils réussissent à vivre misérablement de longs mois, parcourant d'interminables distances et atteignent la ville sainte, leur pieux objectif.
llah ! Ineser El-Bakhar ! Que Dieu protège le Bakhar.
Achille Robert.
Les Clochettes algériennes et tunisiennes (10-01-1904)
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El Asfour
Envoyé par M. Christian Graille
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L'oiseau
D'où venait-il ? Qui était-il ? Personne ne le savait !
Les Oulad Nasrallali l'avaient vu arriver un jour de simoun, ils l'avaient accueilli parce qu'il était meslem (1).
Les Zlass (2) sont très hospitaliers, c'est une des qualités de la tribu, et puis, à peine installé ne leur avait-il pas rendu plusieurs petits services qui se font attacher, même le kelb, (3) qu'il garde le douar ou qu'il fasse lever l'hajel ? Il était utile, cela leur suffisait, ils n'en demandèrent pas davantage.
Son mokalila damasquiné, toute sa fortune, leur en imposait. On disait que cette arme splendide avait appartenu à un marabout renommé tué lors de la prise de Sfax par les roumis. Ce talisman en faisait un personnage ! Très adroit il passait ses journées à la chasse sous les oliviers et il était bien rare de le voir rentrer sans une grive.
Le Khalifa se l'attacha comme chasseur attitré ; on le l'appela plus qu' El Asfour (l'oiseau), ne lui connaissant pas d'autre nom.
- Bien bâti,
- une ombre à peine au-dessus de la lèvre supérieure,
- de grands yeux noirs langoureux,
- un nez busqué,
- le teint fortement bronzé,
" El Asfour " était un beau garçon. Sa prestance et sa démarche aisée lui donnait un air distingué, sous le burnous en poils de chameau qui le couvrait.
Il devint la coqueluche des filles de Masrallah, du reste, il s'en faisait gloire et, tel un papillon voltigeant de fleurs en fleurs toutes les nuits, on le surprenait avec une nouvelle maîtresse !
Un après-midi de printemps, tandis que l'Imam criait sur le minaret de la djemaa les paroles sacramentelles pour appeler les fidèles à la prière d'El Assar (prière de 3 h), El Asfour vint flâner, selon son habitude, près de l'Aïn où les bédouines remplissaient les outres et lavaient leurs pagnes. Grande fut sa surprise en apercevant Khadidja la fille de l'Amine du souk, la belle des belles du bled.
N'était-il pas au su de tout le village que son père lui avait interdit formellement de sortir, depuis qu'il avait soupçonné El Asfour d'entreprendre sa conquête ?
Sur la remarque de ce dernier, la naïve enfant répondit que son geôlier était allé à Kairouan faire viser le registre des droits de Mahsoulat.
L'occasion était trop belle, le larron ne la manqua pas !
Ils bavardèrent jusqu'au crépuscule (le temps file si vite quand on parle d'amour !) et Phébus, au loin, disparaissait derrière le Djebel bou Gobrin, quand l'oiseau entraînait la chétive oiselle sous les oliviers….
A l'aube ils furent surpris par Ali, un fellah, à qui la main de Khedidja avait été refusée, son père, en ambitieux fonctionnaire beylical, rêvant mieux pour son enfant. Le paysan méprisé se contenta de leur jeter un ironique Aslam ! Et dans son for intérieur il bénit Allah (que son saint nom soit glorifié) de lui procurer des armes pour sa vengeance…
Perché sur sa jument syrienne, l'Amine du souk regagnait, en songeant, ses pénates. En traversant l'Oued Zéroud il aperçut le fellah matinal qui avait surpris sa fille en si aimable compagnie.
- Aslam ! Si El Amine.
- Que le salut d'Allah soit sur toi Ali !
- Quoi de nouveau au village ?
- Le Khalifa est rentré avec sa smala
- A-t-il triomphé des intrigues du caïd ?
- Arfi, tu sais bien qu'un meskin (4) de ma condition ne sait rien !
- Ma fille est-elle sortie ?
- heu ! Heu ! Je …
- Tu hésites, se hâta de dire le soupçonneux amine, parle, je l'exige !
- Voilà arfi, j'ai vu El Asfour avec…
L'amine n'en entendit pas davantage. Il était déjà loin et sa jument dévalait à travers les cailloux roulants qui entourent le village.
Le lendemain on découvrit le corps de Khédidja percée de sept coups de Kandjar (5).
El Afsour ne put se consoler de la perte de sa dernière conquête, il devint taciturne, ne chassa plus, ne vint plus à la source. Il passait ses journées à contempler le ciel bleu où, disait-il, là-haut, j'aperçois mon aimée ! Enfin, un jour, il partit comme il était venu, son fusil sur l'épaule, en grommelant vengeance ! Vengeance ! Terrible elle sera ! …
On l'avait oublié, quand il reparut un mois après, hâve, livide, haillonneux, pressant mystérieusement sous son burnous un paquet rond.
C'est à peine si les gens de Nasrallah reconnurent en ce bédouin vil et repoussant, le brillant " El Afsour ", l'amant de toutes les filles du village. Il demanda à parler au Khalifa et en présence de son ancien maître il narra en ces termes :
" Depuis mon départ,
- j'ai vu bien des pays,
- j'ai fouillé les montagnes,
- les villages et les bleds,
- j'ai cherché le meurtrier de ma maîtresse et je l'ai trouvé !
Écoutez ô croyants ! Votre ancien amine se tenait à Foum Tatahouine et je l'ai découvert. Par une nuit sans lune je l'ai décapité et j'ai jeté son corps en pâture aux dis (6). Voici sa tête, je la jette à vos pieds ".
Un cri d'épouvante jaillit de toutes les poitrines à la vue de ce visage glabre, effrayant qui fixait avec effroi de ses yeux vitreux.
Emprisonné, l'assassin fut conduit à Kairouan où l'ouzara (7),sans découvrir son identité, le condamna à être pendu sous le nom d'El-Asfour.
Un matin, au commencement de l'été par une chaleur accablante et lourde une foule bigarrée se ruait à la Marsa. On allait pendre !
Les exécutions se faisaient là maintenant, le souverain âgé ne pouvait plus se transporter au Bardo où se passaient jadis ces funèbres cérémonies.
Dans la salle de justice le Bey entouré de sa cour attendait l'arrivée du condamné.
Derrière une imposte, les servantes du palais, curieuses comme toutes les femmes, suivaient d'un œil attentif les scènes qui se déroulaient. Enfin la porte fatale s'ouvrit, El Asfour parut et s'avança au-devant du maître de sa destinée…
Tout à coup un hurlement effroyable qu'accompagna la chute d'un corps se fit entendre derrière l'imposte. Le Bey demanda ce qui se passait. On amena une vieille servante du palais qui venait de se trouver mal. Cette femme aux cheveux blancs se rua aux pieds de l'illustre seigneur en baisant ses sandales. " Pitié, pitié, disait-elle à travers ses sanglots. Pitié, pitié pour mon fils "
Soupçonnant une intrigue le souverain débonnaire demanda une explication. " Ecoute ô Sidna, dit la malheureuse, celui que vous allez conduire à la potence est mon enfant. Son père est le fils d'un marabout qui vivait à Sfax avant l'arrivée des roumis. J'ai pêché ! J'ai pêché ! … Il était bien jeune alors quand le Bel Ahmed me séduisit et c'est, la mort dans l'âme que, peu de temps après je le vis partir pour Nasrallah où il venait d'obtenir l'emploi d'Amine du souk. Notre fils me restait. Las ! Un jour, à l'âge de quinze ans, il disparut mystérieusement, et c'est maintenant que je le revois ! Par Allah pitié, pitié ô Sidna, pitié pour mon fils ! ".
" Mais alors, dit respectueusement le ministre de la Justice en s'avançant au-devant du trône, cet homme est un maudit, un chien et un démon, il ne faut pas de pitié pour lui car dans ces conditions il est l'amant de sa sœur et le meurtrier de son père ! "
A ces mots El Asfar laissa échapper une malédiction épouvantable, mais s'apaisant soudain, il regarda le Bey et son entourage en éclatant de rire : Il était fou.
" Qu'on le relâche dit le bon souverain il est assez puni comme cela ! "
Quand à Tunis, le touriste visite les souks, il s'arrête parfois avec compassion, sinon avec curiosité, devant une loque humaine accroupie au milieu des détritus et des immondices. Sa stupéfaction ne connaît plus de bornes en voyant de respectables meslem baisser les haillons de cet écœurant personnage qui murmure en bavant des syllabes sans suite. Il demande quel est ce fou ?
On lui répond avec respect c'est El Asfour un saint marabout.
(1) Musulman.
(2) Tribu de Kairouan en Tunisie.
(3) Chiens
(4) Pauvre
(5) Poignard oriental.
(6) Loups.
(7) Tribunal rendant la justice du souverain
Ch. Célu.
Les Clochettes algériennes et tunisiennes (19-07-1903)
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El Aladji
Envoyé par M. Christian Graille
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Le luthier
En donnant le type du luthier arabe, El-Aladji, nous n'avons nullement l'intention d'établir un parallèle quelconque entre lui et les luthiers européens. Notre homme ne saurait rivaliser ni avec les Vuillaume, Ruzet, Cherpitel, ces rois de l'industrie mirecourtienne, ni avec les Pleyel, Bord, Érard, ces facteurs de piano si renommés.
Lui-même n'a du reste aucune prétention, son atelier est d'une simplicité remarquable et les instruments qu'il fabrique, comme ceux qu'il vend, sont des plus primitifs.
Tout autour de la petite salle sont suspendus aux murs des lots de chacun des instruments suivants :
- derbouka, vase en terre sans fond dont une des ouvertures est recouverte d'une peau en matière de tambourin,
- kesba, flûte en roseau,
- zokra, hautbois,
- guibri, petite mandoline à deux cordes dont la caisse est faite d'une écaille de tortue recouverte d'un parchemin,
- tobal, tambour,
- bendir, tambourin.
Sur une petite étagère, dans un coin un kanoune, sorte de cithare dont les soixante-quinze cordes sont fixées sur une petite caisse en bois.
Dans le coin opposé, deux clarinettes de fabrication européenne sont négligemment placées à terre. Ces deux instruments sont les seuls qui ne soient pas arabes, mais sont-ils là, relégués dédaigneusement, couverts de poussière, attestant par l'abandon dans lequel ils se trouvent, le peu de cas que l'on fait à Kairouan des instruments trop compliqués et surtout d'origine européenne ! Comment ces clarinettes sont-elles venues échouer chez El-Aladji ? Il serait curieux de savoir par quelles vicissitudes leurs propriétaires ont passé ; malgré soi, on se prend à songer aux Aventures d'un joueur de clarinette d'Erckmann-Chatrian.
Une petite table qui sert d'établi et de comptoir au luthier, obstrue complètement l'entrée de la boutique, empêchant ainsi le client de pénétrer.
C'est bien oriental ! Il est vrai que cette méfiance se justifie par la facilité avec laquelle les arabes font disparaître sous leur burnous un objet quelconque.
Sur la table pêle-mêle :
- des outils,
- des flûtes arabes,
- du fil de fer,
- des vis,
- des manches de guibre,
- des écailles de tortue,
- des cornes évidées.
Assis à la turque, derrière son établi, El-Aladji répare un instrument que le soleil intense de Kairouan a endommagé ; il fait ce travail sans se hâter, avec un calme, nous dirons même une lenteur toute musulmane !
L'arabe n'est jamais pressé, notre activité lui paraît bien inutile.
Pourquoi aller vite ou s'inquiéter du lendemain ?
Est-ce qu'Allah, le maître des mondes n'est pas là pour suffire à tout ?
Les instruments que le luthier vend le plus souvent sont :
- les flûtes,
- les petites guitares,
- les hautbois,
- les tambourins.
Il vend aussi des petites cornemuses fabriquées avec des peaux de chèvres et de petites cortes percées de trous pour le doigté et dont l'extrémité forée également est munie d'une petite languette, qui, sous l'influence du souffle laisse échapper un son doux et plaintif.
En outre, le luthier utilise aussi les débris de roseaux qui lui proviennent de la fabrication des flûtes, il en confectionne des plumes à écrire les klums.
Comme dans la ville de Kairouan, les lettrés abondent, ils les écoulent facilement ; les Arabes d'Algérie apprécient beaucoup les klums de la ville sainte et avant de s'en servir, ils ne manquent pas de les embrasser avec une grande piété.
Cette clientèle, jointe à celle :
- des Bou-Mezioued, joueurs de cornemuse,
- benadria, tambourinaires,
- zammar, flûtistes,
- zakkar, joueurs de hautbois et autres artistes suffisent à El-Aladji pour vivre doucettement derrière sa table-établi sans grande fatigue, ni aucun tracas.
Achille Robert.
Les Clochettes algériennes et tunisiennes (18-10-1903)
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El Tebakh
Envoyé par M. Christian Graille
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L'aubergiste
Il n'est pas sans intérêt de s'occuper un peu de gastronomie musulmane, aussi nous n'hésitons pas à pénétrer dans une gargote arabe et à dépeindre tant l'établissement que le maître du logis, le tebakh restaurateur ou plutôt cuisinier arabe.
La gargote arabe est d'une rusticité peu commune et les soupeurs de chez Marguery ou Durand seraient fort étonnés de cette simplicité et aussi, il faut bien le dire du manque de propreté.
En entrant près de la porte, une table chargée de tebessa (assiettes) et de mechareb (bols) qui servent à distribuer les portions aux clients. Les bols et les assiettes à fleurs grossièrement peintes sont spécialement appréciés par les cuisiniers arabes. A côté, un potager primitif qui ne comporte aucun fourneau à grille, mais simplement deux briques à droite et à gauche posées perpendiculairement qui constituent des sections sur lesquelles chaufferont les touadjines (casseroles), les bourmas (marmites).
Le maçon, comme on le voit, n'a pas eu besoin de faire de grands efforts d'imagination pour construire le potager du tebakh, et il n'est pas nécessaire pour lui d'établir des petites voûtes et de bien tiercer le mortier ; une surélévation en maçonnerie grossière et quelques briques reliées entre elles avec de la boue, cela suffit.
L'arrière-boutique, séparée par un rideau en indienne imprimée, tout maculé de taches de graisse forme la salle à manger. Deux tables parallèles, entourées de bancs, attendent les consommateurs. Sur les murs aucun ornement si ce n'est le premier verset du Coran, grossièrement tracé avec de la peinture bleue et l'empreinte d'une main trempée dans ladite peinture, main qui doit préserver du mauvais œil !
C'est dans cette modeste salle que les consommateurs délecteront les divers plats de la cuisine indigène ; les dits consommateurs sont de différentes catégories ; il y a d'abord ceux de marque :
- les caïds,
- mokhaznis,
- chaouchs et autres agents, puis le menu fretin,
- le peuple,
- les guelalils (pauvres).
Quelques fois on y rencontre un groupe d'Européens peu fortunés ; le plus souvent composé de terrassiers italiens qui, en mangeant bon marché, trouvent le moyen de faire des économies sur leur maigre salaire et de les envoyer à Cosenza ou une autre localité de la Calabre.
Nous avons entendu dire à un Italien expression assez originale pour indiquer la gargote arabe ; il invitait ses camarades à aller à la forza, faisant allusion à la cuisine arabe ordinairement pimentée.
Le tebakh prend souvent des pensionnaires qui se nourrissent à très bon compte ; trente francs par mois. Il sert aussi à la portion, ce qui permet à toutes les bourses de goûter à sa cuisine.
Le cuisinier est ordinairement un citadin, souvent aussi, il est originaire d'une des sept villes ibadites de la confédération du Mzab. S'il est d'origine arabe, il a le costume ordinaire des beldis ; s'il est mzabite, il porte la kachabia de laine rayée, aux manches courtes.
Le menu est invariable pour le déjeuner et le dîner. Il est ordinairement composé ainsi :
- Chorba (potage au vermicelle fortement pimenté) coût dix centimes,
- Kobab tadjine (viande rôtie à la casserole) vingt centimes,
- Chetiteha (ragoût de viande aux oignons fortement pimenté) quinze centimes,
- El Ham bel Kharchef (viande aux artichauts) vingt centimes,
- Couscous, trente centimes,
- salade, dix centimes,
- dessert : figues, dattes, quinze centimes.
La clientèle de marque fait son ordinaire des plats portés sur le menu, mais les guelalils, moins fortunés se contentent d'une forte assiette de couscous trente centimes arrosé de merga (bouillon) cinq centimes, total : trente-cinq centimes.
En Tunisie, le tebakh, indépendamment des mets arabes connus des Algériens, prépare encore les plats suivants :
- Broudou ( potage),
- Tadjine bel marocona (viande au macaroni),
- Halalem (vermicelle),
- Chakchouka (omelette à la tomate),
- Meloukhia (viande à l'hibiscus esculentus),
- Couscous au safran,
- Kefta composé de viande hachée riz, œuf dans une courgette bouillie.
Ce plat servi aux clients quinze centimes a une grande vogue auprès des Tunisiens ; beaucoup d'entre eux se contentent d'une Kefta le matin et d'une Kefta le soir !
Par cette énumération, l'on voit qu'il n'est pas difficile de vivre en Algérie et en Tunisie, et si tous les loqueteux, miséreux qui assaillent nos villes et vivent de l'inépuisable charité française, voulaient faire un léger effort pour travailler, il est indiscutable qu'ils trouveraient facilement à se procurer les soixante ou soixante-dix centimes nécessaires à leur alimentation journalière.
C'est pendant le Ramadan, vers sept heures du soir, au moment où le canon annonce aux moumenines (croyants) qu'ils peuvent prendre leur repas, que la gargote présente l'aspect le plus animé.
Les clients, après avoir fait préalablement leur prière, affamés, altérés et surexcités par le jeûne, envahissent l'établissement, les tables se remplissent et le jeune apprenti cuisinier qui aide le tebakh, circule en apportant à chaque consommateur le plat demandé.
Pendant ce temps-là, le chef, devant son fourneau, tout empreint de l'importante mission qu'il remplit,
- salue, d'un air protecteur, chaque nouvel arrivant,
- remet au jeune marmiton les divers plats,
- surveille ses marmites et casseroles et gourmande à l'occasion l'apprenti s'il n'effectue pas assez prestement le service.
Ce mouvement - ces cris - ces appels - ces bruits de vaisselle et aussi de mâchoires - ces odeurs âcres de plats trop saturés de graisse de mouton, se renouvelleront à minuit, heure du deuxième repas en carême, puis consommateurs et gargotiers iront s'étendre marmottant :
" Allah Akbar, Dieu est grand " en pensant que nulle nation n'est supérieure à la race arabe.
Achille Robert.
Les Clochettes d'Algérie et de Tunisie (08-11-1903)
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Chez Maklouf
Envoyé par M. Christian Graille
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Le roi de la loubia
Il existe dans la rue Bruce, à Alger, un établissement au frontispice duquel on pourrait inscrire en grosses lettres d'or : A la renommée de la bonne loubia. J'ai nommé Maklouf ; car qui dit loubia, dit Maklouf et vice-versa.
Ces deux mots sont inséparables, l'un évoque l'autre. Il s'agit donc d'un mignon petit restaurant mis à la portée des bourses ouvrières et dirigé par le populaire Maklouf.
Si vous le permettez, ami lecteur, nous allons y pénétrer car je désirerais vous offrir à déjeuner ce matin. Mais il faut nous hâter car c'est aujourd'hui vendredi et la boutique ferme vers 1 heure pour ne rouvrir que dimanche matin et puis il doit y avoir foule.
Entrons. Que vous disais-je ? Voyez toutes ces personnes arrivées avant nous qui attendent qu'on ait fait place pour s'asseoir. Toutes les tables sont prises et on y est aussi serré que des harengs salés, encaqués dans un baril.
Entre temps, jetons un coup d'œil dans la salle. Voyez au milieu une longue table rectangulaire recouverte de marbre, les consommateurs sont assis sur deux longs bancs. Les conversations ne languissent pas, ni les fourchettes non plus.
Tous les coudes se touchent, de sorte qu'un individu quelque peu bedonnant s'y trouverait fort mal à son aise.
Sur les côtés sont des bandes de marbre, encastrées dans un mur, devant lesquelles sont assis des consommateurs, pas une place n'est perdue.
Les murs tapissés d'un papier vert d'eau sont ornés de toute une rangée de tableaux de batailles, des vues de Paris et de l'Exposition Universelle de 1900.
La Tour Eiffel brille au premier rang, flanquée d'un grand arabe à l'air farouche, portant un fusil sur l'épaule. Sur les étagères sont rangés les litres et demi-litres de vin de différentes qualités : Vin cachir, de France et d'Espagne. Au-dessous sont les pains : Français, juif, mahonnais ; il y en a pour tous les goûts.
Voici maintenant les échantillons de la cuisine juive :
- Sardines en beignets,
- pommes de terre frites,
- poivrons et poissons frits,
- à côté, dans des assiettes minuscules, les radis mêlés à quelques olives noires.
Ah tenez ! Voici deux places, au fond là-bas. Nous avons le mur pour vis-à-vis mais impossible de trouver mieux. Les ordres partent de tous les côtés à la fois.
- Maklouf ! Un couscous !
- Frisé, une loubia !
- La Messaouda ! Un barboucha ! (espèce de gros couscous).
- Batata bel badjiche ! (morue aux pommes).
- Chtéta ! (viande en sauce piquante)
- Blakdra blèche ! (haricots verts sans viande) ".
Et les garçons de crier les ordres des consommateurs au milieu d'un brouhaha universel, car il leur faut se faire entendre jusqu'au fond de la cuisine d'où partent les portions divisées en parts égales.
Regardez ce petit vieillard malingre, rachitique et courbé sous le poids des années, Voyez-le penché sur sa poêlée, uniquement occupé, du matin au soir, à frire ses sardines après les avoir alignées par trois et passées préalablement dans une bouillie de farine. C'est le père du patron de céans. Il ne s'occupe ni des entrants, ni des sortants :
- Tantôt attisant le feu de son fourneau portatif,
- tantôt alimentant d'huile la poêle et
- tournant le poisson à temps voulu.
Aussi ses vêtements sont-ils luisants au suprême degré. Maklouf est un homme d'ordre ; tout le monde travaille dans sa maison depuis le plus jeune jusqu'au plus âgé.
" - Ce barboucha est excellent ; nous allons le tasser avec un bol de loubia.
- Maklouf ! 2 loubias !
- Bien monsieur ! zoudche loubias ! "
Quel succès que la loubia. Elle fait la renommée et la fortune de Maklouf qui est bien propriétaire de plusieurs immeubles en ville et à la campagne.
" - Maklouf ! La note !
- Voilà Messieurs ! "
Total : 1 franc 25 les deux. Ce n'est vraiment pas cher. Ce n'est pas la Maison Dorée ni le café Anglais, mais le restaurant Maklouf vous a une couleur locale bien faite pour plaire aux touristes.
A .Terzualli.
Les Clochettes algériennes et tunisiennes. (07-06-1906)
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Blague belge
Envoyé par M. Hugues
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Deux laveurs de carreaux du Nord viennent de nettoyer les vitres d'une tour de cinquante étages.
Ils sont en train de ranger la nacelle dans la camionnette lorsque l'un deux dit :
- Mince, on a oublié de nettoyer le dernier étage ! Et le matériel est rangé.
- Ne t'inquiète pas hein ! C'est pas très grave..
- Ben si c'est grave ! C'est l'étage de la direction. On va se faire renvoyer.
- Écoute J'ai une idée. On va monter sur le toit et tu vas me tenir par les bretelles pendant que je nettoie les vitres.
- Ça c'est une très bonne idée.
Les deux nordistes montent sur le toit et font comme ils ont prévu.
Soudain, celui qui est suspendu au-dessus du vide se met à rigoler...
- Ben pourquoi te marres-tu ?
- J'étais en train de penser que si mes bretelles lâchaient, tu allais te les prendre en pleine gueule !
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Lettre du Soldat Inconnu !!!
Envoyé Par Mme Leonelli
Auteur inconnu
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Monsieur le Président,
J'ai bien reçu votre courrier m'informant des circonstances dans lesquelles vous envisagez de vous dispenser d'honorer mes camarades morts au champ d'honneur entre 1914 et 1918, ou des suites de cette longue guerre.
Je ne vous étonnerai pas en disant que le sacrifice de tous ces jeunes gens, dont beaucoup étaient encore bien moins âgés que vous, a un goût très amer, quand mes camarades Poilus et moi-même constatons, d'où nous sommes, l'état de délabrement dans lequel, vous et vos prédécesseurs récents, avez mis le pays.
Nous autres, les Poilus, avons joué notre vie, et l'avons souvent perdue, à défendre une ligne virtuelle de frontière, du fond de nos tranchées envahies de rats, de poux, sous les obus et rafales ennemis, dans un vacarme indescriptible, et parfois sous la menace d'être asphyxiés par le gaz moutarde.
Nous avons été séparés de nos familles, de nos femmes, de nos fiancées pendant de longs mois, pour trop souvent ne jamais les revoir, dans le seul but de tenter de faire respecter nos frontières, d'assurer l'indépendance de notre Patrie.
Nous constatons que moins d'un siècle plus tard, vous avez fait du mot « Patrie » un gros mot.
Vous avez supprimé ses frontières, vous avez bradé son indépendance pour le profit d'une caste de riches, et vous l'avez laissé envahir par des hordes de nègres et de sarrasins qui n'ont même pas eu le besoin de se battre pour cela.
Je sais, le mot nègre va vous heurter. Mais permettez-moi d'utiliser le vocabulaire de mon temps, vous utilisez bien le verbiage du vôtre, avec votre « itinérance mémorielle » qui ne veut pas dire grand chose à mes oreilles.
Et puis je ne suis pas responsable du fait que vous ayez donné une connotation négative à un terme courant de mon époque.
Mes camarades tirailleurs nègres qui me côtoyaient dans les tranchées, étaient là pour défendre notre Patrie. Pas pour braquer des professeurs de lycées, violer, agresser des jeunes à coups de barres de fer, faire du commerce de drogue, insulter et attaquer les forces de police ou les pompiers.
Donc, comme je le disais, mon propos ne devrait pas vous étonner.
Comme votre propos ne m'a pas étonné non plus.
Votre absence totale d'empathie est vite devenu légendaire. Votre propension à insulter notre peuple en toutes circonstances et particulièrement à l'étranger, également. Votre connaissance particulièrement parcellaire de l'Histoire, et le mépris que vous avez pour elle, complète votre portrait.
Je ne suis donc pas surpris que vous n'ayez aucune considération pour ceux qui ont souffert à un point que vous ne pourriez même pas imaginer, et pour ceux qui sont morts sous l'uniforme, pour gagner quelques mètres carrés de territoire français, parfois de façon très provisoire.
Vous ne cachez pas votre aversion pour l'habit militaire, vous qui n'avez même pas eu à le revêtir quelques mois à l'occasion d'une période militaire qui n'avait plus cours. Dois-je vous rappeler que nous n'avions pas non plus vraiment souhaité l'endosser, mais que nous l'avons fait cependant parce que nous avions à cœur de répondre à des intérêts suprêmes : la défense de notre pays, de notre indépendance, de notre style de vie, de nos valeurs, bref, de tout ce que vous avez abandonné lâchement ?
Vous souhaitez donc bannir toute présence militaire dans ces célébrations. Pourtant, que croyez-vous qu'était notre environnement pendant ces quatre longues années de guerre ?
Partout du vert-de-gris, partout des armes, partout des trous d'obus, partout des uniformes, des ordres, de la discipline militaire.
Pensez-vous que nous avons défendu notre pays à coups de parlottes, de discours, de courbettes, de conférences de presse, de poignées de mains devant les caméras ?
Célébrer une victoire militaire sans militaires, c'est fêter un baptême de bateau sans bateau, une fête de voltige aérienne sans avion, un festival de musique sans musiciens.
Je ne suis pas non plus surpris que vous songiez à célébrer Waterloo plutôt qu'Austerlitz ou la bataille d'Amiens dont vous avez boycotté la célébration cette année.
Votre début de quinquennat est déjà un Waterloo général : en politique économique, diplomatique et sociétal.
La défaite est chez vous une seconde nature.
Mes camarades Poilus et moi-même regrettons juste que vous viviez vos défaites dans le plus grand confort, alors que nous avons gagné notre victoire dans la plus grande souffrance.
Alors, contraint et quasiment forcé, comme vous me l'écrivez, vous allez devoir juste marquer ce 11 novembre de quelques discours vibrant de vide abyssal dont vous avez le secret.
En snobant tout hommage militaire en ce 11 novembre, vous ferez ainsi injure, une fois de plus, aux Français, dont le plus grand nombre (je parle évidemment des Français de souche, pas des Français de papier que vous et vos prédécesseurs avez multipliés à un rythme quasi-industriel) a un père, un grand-père, un arrière-grand-père, ou un arrière-arrière-grand-père ayant souffert, ou péri, ou été blessé, ou été mutilé, sous l'uniforme militaire, durant cette guerre.
Votre prédécesseur avait osé faire une indécente commémoration de Verdun en faisant cavaler des milliers de gamins au milieu de nos tombes, et voulu inviter un nègre francophobe pour animer la fête.
Notre consolation, à mes camarades Poilus de tranchées et moi-même, c'est que, tout comme ce prédécesseur, vous tomberez dans les poubelles de l'Histoire.
Vous pourrez vous y tenir compagnie.
Recevez, Monsieur le Président, l'expression de mon plus profond mépris.
Le Soldat Inconnu.
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Lettre ouverte à monsieur Macron Emmanuel, président de la République française
Par Mme Guiramand Denise - 23 novembre 2018
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Monsieur le Président de la République,
Après une dure vie de labeur, épuisés, peu de Français accèdent à la retraite où, rapidement, une maladie se déclare et, sans avoir pu profiter d'une once de bonheur, ils décèdent en suivant.
En 2018, en plus des impôts, taxes et autres obligations auxquelles ils doivent s'acquitter, vous avez augmenté leur Contribution Sociale Généralisée d'une manière tellement exagérée que, dans des appartements à loyer modéré sans chauffage aux prix exorbitants, dès le 10 du mois, certaines personnes n'arrivent plus à manger. Pour faire des économies, les gens ne se douchent plus et très bientôt, grâce à vos illustres idées, les pandémies seront de retour en France. Le pays est tellement accablé de charges, qu'après avoir heurté le mur grâce au Président Sarkozy, être entré dedans avec le Président Hollande, voilà que, sous votre gouvernement, il s'effondre et tue des gens.
Or, en France, depuis la nuit des temps, les Anciens sont sacrés et nul n'y touche car ils ont déjà donné leur vie entière pour le pays et sont tellement meurtris qu'ils ne peuvent lui accorder une seconde vie si ce ne sont les coups mortels que vous leur portez car vous les assignez au suicide… ce qui est à la mode à l'heure où l'on parle vivement de fin de vie médicalement assistée. Il se trouve que depuis la création du monde, vous êtes l'unique être humain sur la Terre à affliger autant de violences aux personnes âgées. Cela ne se fait nulle part, même dans les pires tyrannies, et utiliser de telles méthodes n'est pas une preuve de courage, bien au contraire.
Ainsi, vous souhaitez que les Vétérans se suicident en masse, voulez provoquer un massacre et vous en prenez à des mourants : il est bien vil de frapper un ennemi à terre et le dépouiller. Le Règlement de Discipline Générale des Armées l'interdit cependant, vous le savez, puisque, sans avoir eu l'Honneur de porter l'uniforme, vous êtes Chef des Armées mais, les Lois et Traités internationaux le proscrivent également.
Aussi, c'est donc en totale conscience que vous poussez les Vétérans et tous les Français dont des enfants au suicide collectif. Cette attitude est punie par la Loi qui est au-dessus de tout le monde. Vous souhaitez donc recevoir bientôt votre convocation au Tribunal International de La Haye et celle-ci peut intervenir à n'importe quel moment de votre mandat, pour incitation au suicide de masse.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de ma très respectueuse considération.
Mme Guiramand Denise
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QUELQUES PAGES D'UN VIEUX CAHIER
Source Gallica
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Souvenirs du Général Herbillon (1794 - 1866)
Publiés par son petit-fils
CHAPITRE XII
Arrivée à Constantine (décembre 1847).
- Révolution de février 1848. - Départ du duc d'Aumale. - Expédition du colonel Canrobert
contre Hamed-Bey (mai-juin 1848).
Appelé à Constantine par M. le général Bedeau pour le remplacer pendant son absence, après avoir obtenu un court congé pour me rendre à Paris, j'arrivai à Constantine le 19 décembre 1847, et je pris immédiatement le commandement de la province.
Ce fut pendant mon intérim que la Révolution de Février arriva.
Le duc d'Aumale m'annonça les événements de la capitale avec la lettre suivante:
28 février 1848.
Mon cher Général,
J'ai reçu hier de Paris les nouvelles ci-incluses que j'ai immédiatement portées à la connaissance de la population et de l'armée. Je ne puis y ajouter aucun détail, je ne sais rien de plus. S'il arrive des nouvelles importantes, je vous les communiquerai immédiatement par exprès par la voie de terre.
Je n'ai dans cette circonstance aucune prescription à vous faire, si ce n'est de veiller au maintien du bon ordre, de la discipline et de la tranquillité générale, et à ce qu'aucune rumeur exagérée n'agite la population indigène. Le service du pays ne doit pas souffrir des préoccupations diverses ; nous devons continuer nos travaux habituels et attendre avec calme les ordres de la Mère Patrie.
Des événements graves peuvent se produire, la paix du monde peut être troublée. Nous devons nous tenir prêts à défendre ici comme partout ailleurs l'honneur du drapeau national. Je ne puis que vous recommander de ménager et de faire hausser le plus possible les approvisionnements des subsistances et de disposer de la manière la plus profitable nos ressources si minimes pour la défense des côtes. J'entretiens M. le ministre de la Guerre de ces deux questions sur lesquelles j'ai déjà souvent attiré votre attention.
Quoi qu'il arrive, le dévouement de l'armée d'Afrique et de ses chefs à la Patrie est inébranlable.
Agréez, mon cher Général, etc...
H. D'ORLÉANS.
28 février, 11 heures du soir.
Je reçois à l'instant une nouvelle dépêche qui m'est officiellement transmise par l'amiral préfet maritime de Toulon; elle fait l'objet du second avis ci-joint et ne change rien à ce que je viens d'écrire.
Ce fut la dernière lettre d'Afrique que je reçus du prince. Le duc d'Aumale quitta le pays, où il fut profondément regretté de l'armée, des colons et des indigènes.
L'année qui commençait fut fertile en incidents divers et la situation, en particulier à Constantine, n'était pas facile. Une lettre adressée au début avril à son frère, nous montre les appréhensions du général.
Constantine, le 5 avril 1848.
Mon Ami,
J'ai reçu ta lettre du 20 mars, qui m'a fait le plus grand plaisir, car j'étais dans une grande inquiétude par suite des événements qui encore une fois mettent bien des choses en question. Ici, nous avons eu le contre-coup. J'ai eu d'assez forts embarras pour empêcher notre population européenne de faire des démonstrations qui auraient pu réveiller l'assoupissement des Arabes qui n'attendaient que le moment de secouer le joug que nous leur imposons. La population européenne de la province n'étant que de 18.000 individus, femmes et enfants compris, au milieu de plus de deux millions d'Arabes, tu comprends quelle prudence et quelle fermeté je dois avoir pour maintenir l'ordre. L'armée d'Afrique a parfaitement compris sa position; calme et unie, elle en a imposé aux indigènes; c'était nécessaire, car sans cette conduite, ceux que nous appelons colons auraient tout compromis.
Nous avons passé un hiver affreux; quatre mois de pluie sans discontinuer avaient intercepté toute communication ; la population arabe de Constantine s'est trouvée dans la plus profonde misère; je l'ai nourrie par des distributions de blé. Des secours en argent ont été donnés aux malheureux Européens. Aujourd'hui, j'apprends par les rapports qui me sont adressés que les deux tiers des troupeaux sont morts par suite du froid et des pluies ; comme c'est la principale fortune des Arabes, l'année 1848 sera pénible pour nous, car le malheur rend sourd et les Arabes ne se laissent pas prendre aux beaux discours; de plus on diminue l'armée d'Afrique dans un moment inopportun, ce qui arrêtera la colonisation qui demande sécurité pour s'étendre.
Depuis trente-cinq ans que je sers mon pays, je ne me suis jamais occupé de politique; aussi, j'attends tranquillement ce qui sera décidé sur ma position. J'ignore encore si on me laissera le commandement de la province ; dans le cas contraire, il serait possible que je rentre en France, où je serais mis en disponibilité jusqu'à ce que je puisse être placé à la tête d'une brigade active ou dans une subdivision. La Révolution ayant détruit mes projets, je ne puis que faire des vœux pour le bonheur de notre belle France que je servirai tant que ma santé le permettra, mais je ne demanderai rien, ni pour moi, ni pour les miens, car la République doit éloigner les solliciteurs.
L'état d'esprit des Arabes, écrit-il à cette époque, devenait assez inquiétant et les traits de rébellion plus consistants. Les effectifs dont je disposais ne me permettaient pas d'entreprendre la grande expédition que j'avais projetée d'accord avec le duc d'Aumale, mais il fallait cependant agir le plus tôt possible pour empêcher les actes d'hostilité de se généraliser et pour maintenir le respect de notre autorité chez les indigènes.
Dans ce but, j'adressai au général Cavaignac, Gouverneur général de l'Algérie, diverses propositions auxquelles il me fut répondu par la lettre suivante :
GOUVERNEMENT GÉNÉRAL
DE L'ALGÉRIE
Cabinet.
Alger, le 19 avril 1848.
Général,
Je vois par votre lettre du 14 courant, n° 100, qu'en raison de divers motifs peu importants isolément, mais qui, pris ensemble, méritent d'être pris en considération sérieuse, vous renoncez pour cette année à faire la grande démonstration que vous aviez projetée dans l'Aurès et que vous vous bornerez à agir contre les Beni-Oudjama dont la désobéissance ne peut rester impunie.
Je ne puis qu'approuver cette détermination. Je vois, d'ailleurs, avec plaisir, que cette petite opération sera dirigée par le colonel Canrobert, qui aura sous ses ordres une colonne composée de telle sorte qu'on ne puisse avoir d'inquiétude sur le succès de sa course.
Je vois aussi avec plaisir que les garnisons de Constantine et de Philippeville resteront assez fortes pour que, les circonstances l'exigent, avec ces réserves vous puissiez vous porter là où votre présence serait nécessaire.
Enfin, je vous donne également mon approbation à votre projet de n'envoyer qu'à la fin de juin chez les Haractas la colonne destinée à faire rentrer l'impôt. A ce moment, l'opération de l'Aurès sera terminée et M. le général Droleuvaux pourra en même temps parcourir sans inconvénient l'Est de la province.
Le Gouverneur général,
CAVAIGNAC.
Le plus entreprenant de nos ennemis était alors l'ex-bey de Constantine Hamed-Bey. C'est lui qu'il convenait de soumettre tout d'abord.
Ce bey qui, après la prise de cette ville, a remué pendant des années cette province et qui souvent nous avait suscité bien des embarras, avait enfin pris le parti de se réfugier dans le Djebel Aurès, montagnes abruptes du Sud, à un endroit appelé Kebaich. Ce fut son dernier refuge, qu'il ne se détermina à occuper qu'après avoir épuisé toutes ses ressources. De là, il dominait encore et cherchait par tous les moyens possibles à exciter contre l'autorité française les Chaouïas, peuplades sauvages qui, retranchées dans les rochers, en sortaient souvent pour inquiéter les tribus soumises de la plaine. La soumission de l'Aurès, qui avait eu lieu en 1845, avait bien diminué son influence et jusqu'en 1848 on n'avait presque plus entendu parler de lui.
Il était donc à Kebaich, vivant des dons que lui faisaient les Arabes, attendant toujours le moment de se faire voir à ses anciens administrés. Il avait conservé des relations avec les grandes familles et, ayant le cœur bien trempé, il se reposait sur l'avenir, espérant toujours et comptant comme tous les musulmans sur la destinée.
Entouré de ses femmes, de ses serviteurs dévoués, il leur parlait de son ancien pouvoir et de la cime des montagnes de l'Aurès, il leur montrait le chemin de Constantine. Le cœur des Chaouïas battait en songeant que leur ancien chef pourrait un jour, du sol africain, chasser l'infâme roumi.
Tous étaient dans l'attente lorsque la Révolution de 1848 arriva. Dès que la nouvelle en fut parvenue et tandis que les Européens dansaient comme des fous autour des arbres de la liberté, Kabyles et nomades sentirent l'espoir renaître en leurs cœurs ulcérés et se trouvèrent prêts à subir l'action de leur ancien chef dont ils regrettaient même le despotisme sanguinaire.
Hamed-Bey fut prévenu par ses affidés des événements survenus en France, du départ du duc d'Aumale, des scènes burlesques qui eurent lieu à Alger, de la conduite de nos colons qui, au lieu de travailler, hurlaient verre en main : vive une république qu'ils ne comprenaient pas. L'ex-bey jugea que le moment était arrivé de soulever les populations.
Il s'adressa aux Beni-Oudjama de l'Aurès, tribu remuante et nombreuse; il envoya des émissaires dans le Belezma et chercha par tous les moyens de nous créer de grands embarras.
Les menées d'Hamed-Bey me furent de nouveau confirmées par la lettre suivante du colonel Canrobert :
Batna, le 3 mai 1848.
Mon Général,
J'ai l'honneur de vous rendre compte que l'ex-bey Hamed entretient des relations suivies avec Ahmed bel Hadj (qui est toujours à Souf); ces deux personnages cherchent à exciter contre nous les bruits répandus par la malveillance sur notre évacuation prochaine de l'Algérie.
Il paraît même, mon Général, qu'ils sont en correspondance active avec Ben-Azzedin et Bou-Akkas ben Achour, dont ils reçoivent des secours en argent. M. le commandant supérieur de Biskra en m'informant de ces menées ajoute qu'il croit à leur existence.
Veuillez agréer, mon Général, l'expression de mon respectueux dévouement.
Le Colonel commandant provisoirement
la Subdivision de Batna :
Colonel CANROBERT.
J'ordonnai à cet officier de se porter sur les Beni Oudjan et de s'entendre avec M. de Saint-Germain, commandant le Cercle de Biskra, -qui, de son coté, devait entrer dans le Djebel Aurès par le Sud, afin de s'emparer de l'ex-Bey.
Quelques jours après, je recevais le rapport ci-dessous du colonel Canrobert :
Bivouac de Tarirt Oued Mache, chez les 0. Daoud.
11 mai 1848.
Mon Général,
J'ai l'honneur de vous rendre compte que je suis parti de Batna hier 10, avec la colonne que vous avez mise à ma disposition pour l'expédition de l'Aurès. Voici, d'après tous les renseignements dont je suis entouré et les explications des chefs arabes, la marche que je vais suivre.
Je me rends directement à Mellazou par l'oued Taza et Medinah; j'y arriverai le dimanche 15 mai en appuyant un peu dans le Sud pour prendre à revers tous les douars des Beni Oudjama qui essaieraient de nous échapper; ce même jour 15, Sidi-Malib avec les Amanras et les 0. Saïd, Si-Hamidad avec les Achaïches, 0. Seidhel, 0. Fedhalah et le goum des O. Daoud s'avanceront à l'est, au nord et à l'ouest et rabattront sur ma colonne qui remontera l'Oued Mellazou toutes les fractions de la tribu insoumise qui se trouvera ainsi complètement à notre discrétion.
J'agirai alors suivant les instructions de vos lettres antérieures et je vous rendrai un compte exact de mes opérations.
J'ai couché hier sur l'oued Taza, au centre des O. Moumen, chez le Caïd Sidi-ben-Abbès; j'ai été bien reçu par les populations et j'ai profité de mon passage pour fixer le Luzma et le Hokor à payer par ces tribus et j'ai ordonné que le tout me fût apporté lors de mon passage au retour de l'Est.
Malheureusement, je suis aujourd'hui contrarié par le temps et pour ne pas fatiguer mes troupes, je me suis arrêté sur l'oued Taghirt. Il pleut à verse, mais nous avons le bois à discrétion, de l'eau courante et j'arriverai demain à Medinah et de là en deux jours à Mellazou.
J'ai reçu vos ordres pour l'arrestation de Aïalled Amari et de El Bari. Le premier est à. Biskra depuis une douzaine de jours et j'ai ordonné à M. de Saint-Germain de le saisir et de l'expédier sous bonne escorte à Batna, d'où il sera dirigé sur Constantine. Pour le second, El Bari, j'ai communiqué vos ordres au cheik El Arbi et plusieurs cavaliers conduits par son frère Mohammed sont partis ce matin pour s'en emparer. J'espère l'avoir ce soir ou demain au plus tard à mon camp et vous l'envoyer dès que ce sera possible.
Je suis, avec respect, mon Général, votre obéissant serviteur.
Colonel CANROBERT.
Le colonel Canrobert et le commandant de Saint-Germain combinèrent avec la plus grande intelligence leur marche vers le refuge de l'ex-bey et le 7 juin, le colonel m'annonçait que Hamed Bey s'était rendu au commandant de Saint-Germain avec toute sa famille. La nouvelle de cette prise fut immédiatement répandue et les tribus qui étaient dans l'intention de se soulever restèrent tranquilles.
Depuis si longtemps Hamed était un centre de résistance pour les mécontents, qu'à l'annonce de sa reddition, le découragement s'empara de beaucoup de chefs qui, tout en servant la France, ne désespéraient pas de voir un jour leur ancien maître revenir trôner à Constantine. Aussi l'effet produit sur eux fut-il très grand. Il n'en fut pas de même à Alger où ce succès, dont on ne comprit pas toute l'importance, fut accueilli froidement ; au ministère de la Guerre, il passa presque inaperçu, et cependant, pour l'avenir de la province de Constantine, ce résultat était très sérieux. Mais en France, dans le bouleversement du moment, on oubliait entièrement que l'ex-bey avait bravement combattu contre nous au siège d'Alger, avait défendu Constantine. Les Arabes seuls en furent émus et les officiers de la province comprirent toute la portée de cet événement.
Dirigé avec toute sa famille sur Constantine, Hamed y arriva le 19 juin. Il se rendit ensuite au palais où je le reçus entouré de tout mon Etat-major. Après avoir causé longuement avec moi, il me demanda la permission de rester toute la journée au palais et de ne rentrer dans sa famille que le soir. Je lui accordai sa demande et lui offris son ancienne chambre. En y entrant, il en passa l'inspection et fit la remarque que rien n'avait été changé à l'installation, sauf une glace qui avait été placée sur la cheminée.
Dans la journée, il reçut force visites, les autorités vinrent individuellement et les grands se rendirent auprès de lui. Il fut affable et cet homme, qui avait fait tomber tant de têtes pendant son gouvernement, était pour les Arabes encore un sujet de terreur, quoique prisonnier.
Il regarda avec dédain et même mépris certains chefs qui vinrent lui baiser les pieds ; il resta fier avec tous. Le soir, lorsqu'il rentra chez lui, entouré des officiers chargés de l'accompagner, toute la population arabe et juive encombrait les rues. Tous voulaient le voir et l'approcher ; lui, passa impassible, marchant gravement au milieu de la foule qui s'écartait avec respect. Pas un mot de vengeance, pas un cri ne fut jeté, et cet homme qui avait été cruel et féroce dominait encore par son regard cette population qui jadis avait rampé à ses pieds.
Hamed n'était pas de haute taille, mais fort et robuste avec un embonpoint assez prononcé. Sa tête était bien placée sur des épaules larges; il avait une barbe touffue et argentée ; ses yeux très beaux et très grands avaient une expression de cruauté. Un peu lourd dans ses mouvements, il restait le plus souvent assis, les jambes croisées et prenait continuellement du café en fumant sans arrêt. Il parlait peu, mais fixait son interlocuteur d'un regard aigu et scrutateur.
Le 23 juin, il partit pour Alger, où le Gouvernement lui fit une pension. Son séjour parmi ses anciens administrés ne produisit qu'un effet de curiosité ; son nom fut encore prononcé de loin en loin dans son ancienne province, mais son temps était fini.
La question de l'ex-bey étant réglée, il convenait d'agir d'un autre côté pour assurer la sécurité de la province. Voici le récit de cette nouvelle expédition :
A chaque instant, les Azels étaient inquiétés par les cheiks Bou-Renem-Ben-Azzeddin et son frère Mohamed qui, avec leurs goums, venaient mettre à contribution les douars voisins. Ces deux chefs arabes n'avaient jamais voulu faire leur soumission et s'étaient refusés formellement à venir se présenter aux différents commandants de la province. Forts de l'impunité qui avait suivi leurs méfaits, ils se regardaient comme indépendants, tombaient sur les tribus qui les environnaient; continuellement, on était forcé d'envoyer de nombreux détachements de cavalerie pour rassurer les Arabes qu'ils menaçaient. Jamais nos colonnes n'avaient essayé de pénétrer dans leurs montagnes.
Tous les ans, au mois de juillet ou d'août, une petite colonne s'établissait à Sidi-Mérouan, situé au pied de la montagne et sur la rive droite de l'oued Eudja, pour recevoir la faible contribution que Bou-Renem devait payer annuellement au Trésor. Celui-ci recevait de nouveau l'investiture, puis, une fois la colonne rentrée, il recommençait à inquiéter ses voisins.
Les journées de février 1848 et le mécontentement des Arabes de la vallée du Safsaf, qui avaient été forcés de livrer la plus grande partie de leur territoire aux colons, encouragèrent les Ben-Azzeddin qui devinrent plus audacieux que jamais. Ils se jetèrent sur les Azzels, brûlèrent les récoltes, enlevèrent des troupeaux et devinrent la terreur de toute la plaine qui arrive jusqu'aux portes de Constantine.
Toutes les plaintes portées, l'arrogance des deux frères, les nombreux vols commis qui restaient impunis me firent prendre le parti d'envoyer comme de coutume une colonne à Sidi-Mérouan, non seulement pour y toucher l'impôt, mais encore pour nommer le jeune Boulakros cheik du Zouagha en remplacement de ses oncles Bou-Renem et Mohamed.
Boulakros, après la mort de son père dont il accusait Bou-Renem d'être l'auteur, fut sous la tutelle de ses oncles qui s'étaient emparés de ses biens et le tenait comme en prison. Malgré la grande surveillance dont il était l'objet, il trouva le moyen de se mettre en relation avec le capitaine Sadd, du génie, qui avait la direction du Bureau arabe de la subdivision de Constantine.
Profitant de son mécontentement, de son désir de se venger, espérant par son moyen mettre la division dans les différentes tribus du Zouagna et affaiblir l'influence de Bou-Renem, on l'engagea à venir à Constantine. Il profita d'une occasion favorable et se sauva avec sa femme, ses enfants et quelques serviteurs.
A son arrivée, il me fut présenté par le capitaine Sadd.
Je vis un assez bel homme, mais obèse quoique jeune, d'une figure peu animée et paraissant aimer le repos. Son intelligence me sembla très limitée; il ne m'inspira que peu de confiance. Cependant, malgré ma répugnance à me servir de lui, car il me paraissait incapable de pouvoir résister à ses oncles, je me rendis aux raisons évoquées par MM. De Neveu et Sadd, qui le regardaient comme l'instrument le plus propre à changer toute la politique de cette partie de la province.
Il fut donc décidé qu'il suivrait la colonne et qu'aussitôt le camp établi, il se mettrait en pourparlers avec tous les cheiks et grands des tribus du Djebel Zouagha.
La colonne composée d'environ 1.200 hommes (infanterie, cavalerie, artillerie) quitta Constantine le 3 août 1848, sous les ordres du colonel Jamin du 8e de ligne. Elle arriva à Sidi-Mérouan le 5.
Dès qu'ils s'étaient aperçus de l'évasion de leur neveu, les frères Ben-Azzedin n'étaient pas restés inactifs. Ils connaissaient mes intentions, et, avertis du départ de la colonne, ils se préparèrent à l'inquiéter, ce qu'ils firent à notre arrivée sur l'emplacement du camp; pendant qu'on dressait les tentes, ils tirèrent et nous blessèrent deux hommes.
Cette attaque me contraria vivement, vu qu'il était de toute nécessité de maintenir la tranquillité. En effet, il fallait craindre que si la Kabylie se remuait, le soulèvement ne se propageât dans les montagnes de Collo, et que la route de Philippeville à Constantine ne fût interceptée. Or, je n'avais que très peu de troupes à opposer à un mouvement général; de plus, les factions qui existaient en France donnaient peu de garanties pour l'avenir et le moindre échec pouvait embraser toute la province.
J'avais en outre l'inspection des régiments à passer, ce qui allait m'obliger à m'absenter. Je prévoyais de grands embarras pour assurer l'investiture de Boulakros, qui lui-même s'était abusé sur les promesses que les amis de son père lui avaient faites de prendre ostensiblement son parti dès que la colonne serait en vue. Non seulement il n'en fut rien, mais ils continuèrent à suivre Bou-Renem et à lui rester fidèles.
Durant mon inspection, je reçus la nouvelle que plusieurs attaques s'étaient produites et une en particulier assez sérieuse contre les troupes du commandant Bourbaki.
Résolu d'inquiéter les indigènes dans leurs intérêts, je donnai l'ordre d'envoyer des nomades sur le territoire des Ben-Azzeddin dont les troupeaux dévoreraient les récoltes en meules. Cette mesure produisit d'abord un assez bon effet et décida Bou-Renem et son frère à entrer en composition avec le commandant de la colonne. Je me transportais moi-même à Sidi-Mérouan pour tirer parti de ces bonnes disposition, examiner le pays et juger sur les lieux même quelle pouvait être l'influence de Boulakros. J'y arrivai le 21, dans la matinée.
Après avoir parcouru le pays et sondé l'esprit des tribus voisines, je m'assurai en causant avec le colonel Jamin et le capitaine Sadd de la difficulté que nous trouverions à détruire le prestige des Bou-Azzeddin et combien nous avions été trompés sur celui que pouvait avoir Boulakros. Celui-ci n'avait autour de lui que quelques serviteurs, était dans une situation à ne pouvoir rendre aucun service ; d'ailleurs, il me parut plus que jamais dénué d'intelligence, lourd de corps et d'esprit. Mais l'affaire était engagée, il fallait faire eh sorte de la mener à bien tout en évitant de porter la guerre dans la montagne.
Je donnai donc les instructions suivantes : essayer d'amener les Bou-Azzeddin à conclure un arrangement avec leur neveu, se maintenir dans le camp en observant la plus grande surveillance, ne faire de reconnaissances que pour en imposer aux Arabes, éviter tout engagement sérieux, car il ne fallait pas grandir le prestige de Bou-Renem, ce qui ne manquerait pas d'arriver s'il obtenait sur nous le moindre avantage.
L'effectif de nos troupes était du reste trop faible pour leur permettre de s'engager dans la montagne où le cheik voulait les attirer.
Je retournai à Constantine avec l'espérance que nous finirions par arriver à une solution satisfaisante. Malheureusement le colonel Jamin n'avait aucune connaissance du caractère arabe et le capitaine Sadd, officier très capable, au fait de toutes les intrigues et de toutes les ruses des indigènes, penchait pour Boulakros, en faveur duquel il travaillait ; il avait une haute opinion de ce chef et ce n'est que très longtemps après ces événements qu'il fut forcé de convenir que son protégé était un homme nul.
Tout semblait se calmer cependant, quand le 30 août, Bou-Renem se jeta avec ses goums sur les tentes des nomades qui, affolés par cette attaque soudaine, abandonnèrent immédiatement le pays. Le 31, pendant la nuit, il attaqua le camp ; les troupes se défendirent avec courage et l'assaillant dut se retirer en laissant pas mal de monde sur le terrain. Il recommença le 3 septembre et le 4 il parvint à brûler les meules de paille qui alimentaient le camp.
Ces attaques répétées ne me laissaient plus aucun doute sur les intentions des Ben-Azzeddin. Ils voulaient rester les maîtres des tribus du Zouagha et n'acceptaient nullement de partager leur autorité avec leur neveu. De plus, soit faiblesse de la part du commandant du camp, soit, ennui de la part des subordonnés, il est certain que chez nous, il y avait du mécontentement, peu de confiance et, des plaintes.
Je pris le parti de me rendre de nouveau au camp, de me mettre à la tête des troupes et de réaliser par la force ce que les pourparlers, les propositions avantageuses et la politique n'avaient pu obtenir.
Le 7 septembre, je partis de Constantine avec un escadron de chasseurs, à 4 heures du matin, et j'arrivai à Sidi Merouan après midi.
Le lendemain 8, avec un bataillon de tirailleurs indigènes, 2 bataillons du 8e de ligne, 2 pièces de montagne et 3 escadrons de cavalerie, je me dirigeai du côté de l'Oued Endja. Arrivé à 2 kilomètres de cette rivière, j'aperçus des groupes nombreux de Kabyles.
Je fis immédiatement occuper les hauteurs qui nous entouraient, puis je fis tirer quelques obus sur les gourbis derrière lesquels se tenaient les groupes arabes. Aussitôt que le premier effet fut produit, je lançai le bataillon indigène sur l'ennemi et ordonnai à deux escadrons de traverser l'Oued pour couper toute retraite. Ces mouvements furent exécutés avec entrain et en un instant les Arabes furent mis en déroute laissant 53 cadavres sur le terrain ; nous n'eûmes que 2 tués et 3 blessés.
Quand je rentrais au camp, le Krodja de Bou-Renem nous avait déjà précédé, envoyé par son maître.
Le 9, je me mis en route pour surprendre la Zaouïa des Ben-Azzeddin. Les Arabes l'avaient abandonnée.
Le jour même, les frères Ben-Azzeddin envoyèrent faire leur soumission et payèrent les amendes qui leur furent demandées, ainsi que les impôts ordinaires.
On leur laissa les tribus ainsi que les Azels placés sur les rives de l'Oued Endja, mais on donna les Mouillas et les Azels qui en dépendaient à Boulakros.
Ce dernier fut placé à Milah, où on installa une petite garnison. Là, ce chef était à portée de sa tribu pouvait s'y faire des partisans et balancer le pouvoir de ses oncles.
Le succès fut loin d'être complet, cependant il y eut un grand pas de fait. Le temps et une occasion opportune devaient amener la soumission complète de ces deux chefs qui pour la première fois venaient d'éprouver la force de nos troupes. L'échec leur avait été d'autant plus sensible que par lui Bou-Renem venait de perdre tout son prestige, ayant dû demander l'aman et ayant dû se soumettre aux conditions dictées par le commandant de la province.
La soumission des tribus du Zouagha eût été totale si, après l'affaire de l'Oued Endja, j'avais pu me jeter dans la montagne; mais je n'avais aucun ordre, je manquais de troupes, et de plus, les événements de France ne permettaient pas de s'occuper pour le moment de ceux d'Afrique.
Je rentrai à Constantine le 11 septembre et les troupes le 12. Elles avaient besoin de repos, les fièvres avaient commencé à sévir et les malades augmentaient de jour en jour.
A SUIVRE
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PROVERBES ACTUALISES
De Hugues Jolivet
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L'actualité est telle qu'il faut se ressaisir,
N'a t-on pas l'impression d'avoir perdu le Nord ?
Plonger dans les proverbes rien que pour le plaisir,
Retrouver nos racines, s'y fondre sans remord !
"Si tu veux qu'on t'épargne, épargne aussi les autres".
Que tous nos dirigeants le prennent pour patenôtre !
"Sur un cerisier mort, on ne trouve pas de fleurs".
La Nation sans croissance, croissance des chômeurs !
"Le plus beau lendemain ne nous rend pas la veille".
Les promesses non tenues ne créent pas de merveilles !
"Les étourneaux sont maigres parce qu'ils vont en troupes".
Les pauvres plus nombreux se partagent la soupe !
"Qui ne doute de rien, ne se doute de rien".
La tête dans les nuages et l'esprit aérien !
"Un chat avec des moufles n'attrape pas de souris".
Entreprises surtaxées, des pertes sans profits !
"Rien ne sert de courir, il faut partir à point"
Ne sait quelle voie choisir, tourne autour du rond-point !
"Qui veut voyager loin ménage sa monture"
Qui vient de Lille à Nice entretient sa voiture !
Hugues Jolivet
Le 19 novembre 2014
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ALGÉRIE : PRIVÉS DE LIEU DE CULTE, DES CHRÉTIENS KABYLES PRIENT DANS LA RUE
Publié le 7 Novembre 2018 par PERSCH Emmanuel
Envoyé par Monsieur JL. Ventura
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Dans la région de Kabylie où le christianisme se répand rapidement, les persécutions se multiplient de la part des autorités. (photo : kabylietimes.com)
Des chrétiens algériens de la région d'Akbou à 70 KM du chef lieu de la wilaya de Béjaia en Kabylie, étaient contraints de prier en pleine rue suite à la fermeture de leur lieu de culte par les autorités locales.
En effet, les fidèles de l'église protestante du village du Colonel Amirouche (Ex-Riki), ont observé la prière de samedi sous une tente à proximité de leur lieu de culte mis sous scellé par les forces de sécurité sous ordre du nouveau Wali de Béjaia.
Un activiste de la communauté chrétienne algérienne a mis en ligne sur le réseau social facebook une vidéo montrant des chrétiens de Kabylie prier en pleine rue. Il dénonce des "fermetures injustes d'églises (…) notamment en Kabylie".
Si la constitution algérienne garantit dans son article 36 la liberté de conscience, ce qui comporte la liberté de culte (dans les limites de la loi), tous les groupes religieux doivent s'inscrire auprès du Ministère de l'Intérieur avant d'entreprendre toute activité et ils peuvent se rassembler seulement dans des lieux approuvés par l'État. La même constitution érige l'islam comme religion de l'Etat dans son article 2, alors que l'article 10 interdit aux institutions de l'État de faire quoi que ce soit contre la morale islamique.
En 2006, le président Abdelaziz Bouteflika a promulgué l'ordonnance 06-03 pour réglementer la célébration des cultes autres que l'islam. L'ordonnance interdit les tentatives de convertir un musulman à une autre religion ou d'" ébranler la foi d'un musulman ". Les Algériens sont passibles d'une amende allant jusqu'à un million de dinars et d'une peine de cinq ans de prison pour l'impression, le stockage ou la distribution de matériel destiné à convertir des musulmans.
Pour rappel, deux églises ont été mises sous scellés par la force publique sous l'ordre du nouveau Wali de Bejaia, au début du mois d'octobre dernier. La dernière en date est l'église " Ville de Refuge " d'Ighram, petite ville limitrophe d'Akbou, après celle du village du Colonel Amirouche (Ex-Riki) dans la même région.
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TOUTES LES LARMES
DE LA MER
Par M. Paul Rocca
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Chers Compatriotes,
La famille Bonelli vit heureuse au sein du quartier Beauséjour de la coquette ville de Bône, dans l'Est algérien.
Les trois générations qui la composent ne s'attendaient cependant pas à ce que leur vie soit bouleversée par l'arrivée en 1954 des " événements " qui vont remettre en question leur cadre de vie et les confronter aux horreurs d'une guerre qui ne dit pas son nom. Puis vient le moment de quitter le pays lors de l'indépendance de 1962, avec le drame supplémentaire de la disparition mystérieuse de Nadia la fille adoptive, quelques jours avant le départ vers la nouvelle vie, en France. Quel sera le destin de cette famille dans cette métropole qu'elle ne connaît pas ?
L'auteur est né en Algérie, pays qu'il a quitté en 1962, à 14 ans. Après des études secondaires, il s'est orienté vers le droit à la faculté d'Aix-en-Provence avant d'exercer les fonctions de directeur d'hôpital au centre hospitalier de Compiègne puis au C.H.U d'Amiens. Il est aujourd'hui retraité en Provence et publie son second livre après " P'tit Paul ou le bleu des jours gris " - une enfance en Algérie.
Ce livre est disponible chez lulu.com France ou alors joindre l'auteur à l'adresse paulo8084@gmail.com
Reproduction interdite sans accord de l'auteur
PROLOGUE
Aujourd'hui, le temps est suspendu. Lascivement installé dans un fauteuil transat au bord de la piscine de sa coquette maison de campagne des environs d'Aix-en-Provence, Ange est dans une semi-somnolence. Il n'a pas résisté à la chaleur de plomb qui s'est abattue sur toute la région depuis une bonne dizaine de jours. C'est un été brûlant, bien plus éprouvant que celui des années précédentes et il s'en trouve quasi assommé, avec l'envie de ne rien faire sinon de se laisser couler dans le coton de la rêverie. La retraite a cela de bon, plus rien ne presse désormais dans sa nouvelle vie. Du moins peut-il l'espérer. Sitôt après le déjeuner, dès que sa femme Sophie, aidée de leur belle fille Julia et de leur fille Aurélie, a commencé à débarrasser la vaste et lourde table de ferme installée au jardin, il s'est éclipsé comme à son habitude pour céder à une petite sieste réparatrice à l'ombre de l'imposant figuier. Confortablement lové dans la toile bleue du transat, à l'écart de son fils Jean Michel et de son gendre Ivan, unis dans une recherche prolongée sur internet, il n'avait désormais plus qu'à se laisser glisser progressivement et avec délice dans la douce quiétude du début d'après-midi.
C'est l'instant de la journée qu'il vénère, juste après avoir avalé d'un trait le bon café brûlant que Sophie ne manque pas de lui verser au préalable dans sa tasse de prédilection. Celle-ci est en porcelaine de Chine décorée d'un tableau champêtre et familial du plus bel effet, aux couleurs d'un ton pastel rehaussé, çà et là, de pointes plus vives pour cerner contours et visages. C'est l'une des rescapées du service à café hérité de ses parents André et Réjane Bonelli, qu'il a tant aimés et qui ne sont plus de ce monde aujourd'hui. Il en ressent régulièrement l'absence et ce rappel le plonge dans un halo de nostalgie qu'il essaie alors de balayer, sans toutefois y parvenir car, et c'est là tout le paradoxe, cela lui procure aussi du bien. L'espace d'un instant il leur redonne vie, ce qui lui vaut parfois d'esquisser un sourire à leur évocation et plus particulièrement au souvenir de sa mère. Cette dernière, grande maladroite devant l'éternel et peu attachée aux objets du quotidien, qu'ils soient décoratifs ou de simple usage, en cassait avec une régularité de métronome sans en être affectée le moins du monde mais au grand dam de son mari.
Ce comportement désinvolte mettait par contre André en transes. Il fulminait aussitôt et reprochait à son épouse son étourderie et le manque de précaution dont elle faisait preuve dans les gestes du quotidien comme dans les tâches ménagères. Réjane s'en moquait comme d'une guigne et lui répondait tout à trac que ce serait l'occasion de changer la vaisselle ou l'ustensile et que c'était un excellent moyen d'éviter la monotonie. Moqueuse, elle se prétendait militante du changement perpétuel qui évite la rouille et la routine dans le cadre de vie d'un couple appelé à vivre ensemble durablement, lui ! Et la réplique se terminait généralement par un grand éclat de rire qu'il fallait interpréter comme la manifestation de son ressenti et qui s'exprimait ainsi dans sa bouche : " il y a des choses plus importantes dans la vie la tolérance et l'indulgence, par exemple ! ".
Ange aimait à faire ressurgir les petites chamailleries qu'entretenaient ses parents avec une théâtralité bien rôdée sur la longueur, alors qu'ils ne se seraient jamais séparés l'un de l'autre plus d'une journée. Dieu sait s'il les aura constamment vus emplis d'une énergie folle, de joie, de plaisirs, de projets à mettre au point tout au long de leur existence en Algérie. Jusqu'à l'indépendance. Jusqu'au moment du départ pour la France.
Jusqu'au moment du fracas de leur vie, de la cassure irrémédiable accentuée par la disparition mystérieuse de leur fille adoptive Nadia. Elle, qu'ils considéraient comme leur troisième enfant. Avant ce drame, chaque jour qui naissait leur était un nouveau bonheur. Il leur procurait un insatiable appétit de croquer chaque instant la vie à pleines dents pour en profiter sans vergogne, entourés de leur famille et de leurs amis, en menant néanmoins une vie simple et sans ostentation, bien ancrée dans les racines du temps pensaient-ils. Il faisait si bon vivre sur cette terre généreuse et fertile où ils étaient nés et s'estimaient plantés à jamais. Il ne devait plus en être de même par la suite, à leur arrivée à Marseille puis à Aix-en- Provence où ils s'installèrent définitivement près de leurs enfants.
Ange a vu ses parents changer du jour au lendemain. Réjane avait perdu peu à peu son beau sourire, sa fougue, sa fantaisie revigorante et taquine. André, n'en parlons pas ! Il s'était peu à peu complètement fermé aux autres, se complaisant dans un vague à l'âme qui le dévorait par petites touches inquiétantes pour son entourage. Et puis revenait sans fin le sempiternel refrain " qu'est devenue Nadia, est-elle vivante ou morte, le saurons-nous un jour ? ". Ils ne pouvaient admettre l'idée qu'elle ait fugué ou rejoint ses coreligionnaires musulmans. Elle semblait si heureuse avec eux, en famille. A-t-elle eu peur de ne plus avoir sa place en quittant l'Algérie pour la France avec sa famille d'adoption ? Toutes ces questions n'avaient cessé de ronger le quotidien des Bonelli à partir de ce funeste jour où, en juillet 1962, Nadia n'était plus revenue au foyer.
Ange n'aimait pas trop s'attarder sur ces images du passé qui revenaient pourtant avec malignité se rappeler à lui. Elles s'imposaient régulièrement, insidieuses et avec acharnement dans ses moments de solitude ou de repos. Il s'efforçait alors de les dissiper dès qu'il sentait son cœur déborder et ses yeux s'embuer de larmes en pensant à ses parents, certainement parmi les plus sacrifiés des pieds-noirs par cette maudite guerre d'Algérie qui n'avait pas voulu dire son nom véritable et se cachait derrière cette navrante qualification d' " événements ". C'était le cas de tous ces gens qui avaient passé l'intégralité de leur jeunesse là-bas et qui arrivaient en France, souvent le bagage mince et à l'orée de la quarantaine et plus. Les illusions perdues, il fallait se refaire une vie ou la reconstruire sans espoir de revoir un jour le beau pays perdu, celui qu'on leur avait arraché des mains mais pas du cœur.
Ange, lui, faisait partie de ceux arrivés plus jeunes en métropole et qui avaient plus de chances de se réadapter sans trop y laisser des plumes. Il y avait pour eux la perspective d'un avenir tout neuf à la fin des études et de trouver un emploi plus facilement, de se lier à de nouveaux copains et amis. Mais est-ce que l'on peut faire table rase de ses racines à tout jamais ? Ange préfère ne conserver que les bons souvenirs de son enfance en Algérie. Ceux qu'il peut évoquer notamment lorsqu'il retrouve tous les amis ou les quelques membres de la famille de sa ville natale de Bône, Annaba aujourd'hui. C'est alors l'occasion de revivre dans un même élan et avec un brin de nostalgie l'époque bénie de ce pays, quand il était encore français, incrustée de manière indélébile dans le cœur et les souvenirs de chacun.
Dans l'instant présent de cette insupportable chaleur d'été, Ange savoure la fraîcheur que lui procurent les deux oliviers et le figuier sous lequel il s'est installé. Ils coiffent providentiellement la proximité immédiate de la piscine. Ils lui apportent aussi cette délicieuse sensation de bien-être et de paix intérieure qu'il aime à éprouver dans le silence de l'après-repas, lorsque chacun, apaisé, entame le long processus de digestion et renonce à la parole qui a fusé sans relâche tout autour de la table familiale.
Lorsqu'il émerge de sa léthargie un peu plus tard, c'est pour constater que la piscine a été investie par la tribu des quatre jeunes ados et post-adolescents que sont ses petits enfants. Si les plus grands, Christophe et Jean-Baptiste, respectivement les enfants de Jean-Michel et Aurélie, prennent un plaisir fou à sauter du plongeoir pour éclabousser leur grand-père et le sortir de sa torpeur, leurs sœur et cousine Léa et Mélissande, quant à elles, s'esclaffent et rient effrontément à la vue de la mine surprise et déconfite de ce dernier. La première, fille de Jean-Michel, est la benjamine mais aussi la plus pipelette du quatuor, qui plus est la préférée de son pépé. Elle s'empresse d'ailleurs, lorsqu'il retrouve le sourire et rentre dans le jeu de la jeune garde, d'aller le couvrir de baisers et de se blottir dans ses bras pour un câlin prolongé. La seconde, Mélissande, est bien la fille de sa mère. Comme Aurélie elle est de nature secrète et peu expansive mais elle peut brusquement dériver vers la colère si elle se sent prise dans la contradiction ou exposée aux reproches.
Elle a toujours tendance à se mettre un peu en retrait mais on sent bouillir en elle une émulation intérieure qui ne demanderait qu'à exploser par moment. Pourtant cela ne se produit que rarement. Tout au plus, lui arrive t-il de jouer les approches affectives auprès de ses grands-parents, avant tout, en arborant un rapide sourire sur les lèvres ou en posant la question qui est susceptible d'attirer un peu plus l'attention sur elle.
Ange aime à se repaître de la gaieté de ses petits enfants, ses " petits monstres " comme il les appelle, lorsqu'ils se retrouvent entre eux le dimanche ou en vacances, à l'occasion d'un bon repas en famille. Leurs roulades dans l'herbe, leurs combats innocents à main nue pour faire tomber l'adversaire au sol, les parties de ballon ou de baby-foot, leurs éclats de rire cristallins et inépuisables lui renvoient à la mémoire les mêmes jeux et pugilats qu'il menait enfant avec ses copains dans une euphorie insatiable. Cela le fait sourire et lui met du baume au cœur. C'est pour lui la récréation après les quelques travaux de jardinage ou de réparation, qui sont les contraintes de maintenance qu'exige une grande maison aux pièces nombreuses pour accueillir parents ou amis fidèles. Dans ces moments-là, c'est à travers eux qu'il retrouve chaque fois un pan de sa jeunesse à Bône, en Algérie, dans les années cinquante.
Dans cette ville lumière à la beauté insolente qu'il n'arrive toujours pas aujourd'hui à appeler de son nom actuel d'Annaba. Non, pour lui il n'en sera jamais question. Son enfance et son adolescence s'étaient incarnées dans cet écrin rassurant en apparence, mais n'avaient pas tardé à connaître à la fin de cette décade les hauts et les bas d'une situation politique et sociale très instable et incohérente. Les éléments précurseurs servant de déclic en furent les émeutes de Sétif en 1945, et le rebond le début de l'insurrection algérienne et la proclamation du F.L.N (Front de Libération National) le 1er novembre 1954. Alors qu'en France souffle enfin le vent de la liberté au moment de l'Armistice de mai 1945, face à une Allemagne vaincue, en Algérie la fièvre monte. L'esprit nationaliste gagne la population musulmane qui organise une manifestation d'environ dix mille personnes dans les rues de Sétif. Elle se terminera dans un bain de sang avec la mort de 27 français et 48 blessés au cours de l'affrontement avec la police. La réplique du gouvernement de la France sera cinglante les jours suivants. La contre attaque de l'armée fera un grand nombre de morts arabes mais ne signera pas l'arrêt de la progression du nationalisme chez les musulmans, après sa propagation en petite Kabylie.
Le mouvement insurrectionnel repartira de plus belle lors de la Toussaint rouge du 1er novembre 1954, avec son lot d'attentats à l'explosif en campagne comme à Alger la capitale, mais essentiellement à l'est du pays, près de la frontière avec la Tunisie. A partir de cette date, sa revendication de l'indépendance de l'Algérie allait entraîner huit années de guerre baptisées " événements " et jeter à maintes reprises dans le chaos ce pays aux terres prodigues. Français et arabes musulmans, opposés, se livreront une lutte de tous les instants après une cohabitation de cent trente ans.
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Les interrogations !
Envoyé Par M. Christian
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L’évêque interroge les futurs communiants.
Il s’adresse à un premier enfant :
- Qu’a dit le Seigneur en instituant le baptême ?
- Il a dit : « Je te baptise au nom du Père,
du Fils et du Saint-Esprit »
- Très bien.
Il s’adresse à un deuxième enfant :
- Qu’a-t-il dit pour l’eucharistie ?
- « Prenez, mangez et buvez, ceci est mon corps et mon sang »
- C’est bien.
S’adressant à un autre enfant, il demande :
- Et toi : qu’a-t-il dit pour le mariage ?
- Heu … heu … ah, oui, il a dit
« Mon Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font »
Un curé rencontre une de ses paroissiennes
qu’il ne voit jamais à l’église.
Comme il s’en étonne, la dame lui répond :
- Oh, je suis croyante, monsieur le curé,
mais je ne pratique pas.
Et le curé répond :
- Je comprends, c’est comme moi :
je suis nudiste mais je ne pratique pas.
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LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS
Par J.C. Stella et J.P. Bartolini
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Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens d'ajouter Petit, Clauzel, Gelât Bou Sba, Héliopolis, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.
De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.
Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Duvivier, Duzerville, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Penthièvre, Randon, Kellermann et Millesimo, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :
Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :
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NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers
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L'inexorable déclin du Haras national algérien
Envoyé par Pierre
https://www.lexpress.fr/actualites/1/culture/l-inexorable-declin-du-haras-national-algerien_2049959.html
Par AFP ,publié le 23/11/2018
Tiaret (Algérie) - Vieux de plus de 140 ans, le Haras national de Chaouchaoua est un monument du patrimoine algérien mais il se meurt, victime de la mécanisation, du déclin du secteur hippique et du désintérêt des pouvoirs publics.
A sa création en 1877 par le colonisateur français sous le nom de "Jumenterie de Tiaret", à 340 km au sud-ouest d'Alger, il avait pour mission de fournir l'armée française en chevaux: des pur-sangs arabes importés d'Orient et des barbes, une race d'Afrique du Nord qui était déjà montée dans l'Antiquité et réputée pour son endurance et sa "rusticité" (résistance aux aléas climatiques, besoins alimentaires modestes...)
Le barbe a été la monture des régiments des spahis de la cavalerie française, après la conquête de l'Algérie par la France en 1830. La Jumenterie a aussi développé l'arabe-barbe, issu du croisement des deux races et alliant l'énergie de l'un et l'endurance de l'autre.
Au début du XXe siècle, naissaient dans ce haras jusqu'à 22.000 poulains par an, destinés à la cavalerie mais aussi aux travaux agricoles.
Du côté des pur-sang, certaines lignées issues d'étalons et poulinières nés à Chaouchaoua, devenue Haras national à l'indépendance de l'Algérie en 1962, se sont couvertes de gloire sur les hippodromes du monde entier.
Mais avec la mécanisation, le besoin en chevaux n'a cessé de diminuer, dans l'armée comme dans l'agriculture. Quant au hippisme, il est aujourd'hui moribond en Algérie et les courses réservées aux chevaux nés localement ont disparu.
Le Haras national de Chaouchaoua n'abrite plus désormais que 208 chevaux, dont plus de la moitié sont des pur-sang arabes.
Et comme cet établissement public ne reçoit aucune subvention, il ne parvient plus à s'autofinancer avec le seul commerce de ces animaux. La vente de fourrage et de céréales cultivées sur la majeure partie du terrain lui permet tout juste de tenir.
"Avoir maintenu l'élevage de chevaux relève du miracle", constate avec amertume Saïd Benabdelmoumen, le directeur des lieux.
Car depuis le début des années 90, le haras souffre notamment de la concurrence d'éleveurs privés et du goût récent pour des races importées.
S'il vient à disparaître, "nous risquons de perdre la souche algérienne" des pur-sangs arabes, met en garde Ahmed Bouakkaz, un responsable de l'Office national de développement équin et camelin.
Malgré sa tradition équestre ancestrale - incarnée notamment par les spectacles de fantasia -, l'Algérie ne compte plus selon lui qu'environ 30.000 chevaux, dix fois moins qu'au Maroc voisin.
Pour M. Bouakkaz, le Haras de "Chaouchaoua est victime de la politique générale liée au cheval", ignoré des pouvoirs publics bien que partie intégrante du patrimoine culturel de l'Algérie.
AFP
Annaba
Envoyé par Henri
https://www.liberte-algerie.com/est/inauguration-dune-annexe-du-lycee-alexandre-dumas-303772
Liberté-Algérie l Par M. A. Allia- 15/11/ 2018
Inauguration d’une annexe du lycée Alexandre-Dumas
Une annexe du lycée international Alexandre- Dumas a été inaugurée avant-hier à Annaba, en présence de Christophe Bouchard, directeur de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, et d’Ahmed Ayachi, directeur de l’éducation de la wilaya de Annaba, conformément à l’engagement du président de la République française et suite à l’accord des autorités algériennes, a annoncé l’ambassade de France dans un communiqué de presse.
Il est indiqué dans ce courrier que cette cérémonie s’est déroulée en présence de M’Jid El-Guerrab, député de la neuvième circonscription des Français établis hors de France, Thibaut Fourrière, ministre conseiller de l’ambassade de France en Algérie, et Patrick Poinsot, consul général de France à Annaba.
Et de préciser que cette école, qui est située sur la route de l’avant-port de la ville côtière, accueille depuis le 7 octobre 2018 des élèves sur deux niveaux, le cours préparatoire (CP) et le cours élémentaire première année (CE1) du système éducatif français. L’auteur dudit communiqué assure que cette inauguration ne serait qu’une première étape du projet, car l’école prévoirait de s’installer dans des locaux plus spacieux afin d’ouvrir de nouvelles classes et poursuivre son développement.
“L’inauguration de cette école française à Annaba est un nouveau succès de la coopération éducative entre l’Algérie et la France qui place l’éducation au cœur de ses priorités. Nous formons le vœu qu’elle contribue à l’attractivité et au rayonnement culturel et économique de la wilaya de Annaba”, est-il ajouté.
Ceci avant de conclure en soulignant que “l’ambassade de France, comme le consulat général de France à Annaba, l’Institut français en Algérie et le lycée international Alexandre-Dumas (LIAD) remercient les autorités algériennes de leur soutien constant qui a permis à ce projet d’aboutir, et saluent, en particulier, l’appui précieux de la wilaya de Annaba”. Nous apprenons par ailleurs qu’une délégation menée par le wali de Annaba aux côtés du président de l’APC de Annaba et des représentants français ci-dessus nommés a procédé, dans la même matinée, au choix du terrain devant servir d’assiette à un plus grand établissement, qui sera construit à proximité du nouveau siège de la cour de justice de Annaba.
A. Allia
Port d’annaba-Djebel Onk
Envoyé par Georges
https://www.liberte-algerie.com/est/la-ligne-ferroviaire-bientot-rehabilitee-302659
Liberté-Algérie Par - A. Allia 29/10/ 2018
La ligne ferroviaire bientôt réhabilitée
Lors de sa visite à Souk Ahras, à la fin de la semaine écoulée, le ministre des Travaux publics et des Transports, Abdelghani Zaâlane, a annoncé le lancement prochain du projet de réhabilitation de la ligne ferroviaire reliant le port de Annaba à la mine de Djebel Onk (Bir El-Ater, wilaya de Tébessa).
Se confiant à la presse, le ministre a annoncé que l’opération de modernisation de cette ligne minière portera essentiellement sur la correction du trajet et l’installation de panneaux signalétiques de dernière technologie. M. Zaâlane a précisé que l’objectif de réhabilitation de cette ligne minière est considéré comme l’un des plus grands projets de son département.
Il a notamment souligné que la réhabilitation de cet axe ferroviaire est la complémentarité entre différents secteurs qui assure une meilleure exploitation des mines de phosphate de Boukhadra et de minerai de fer d’El-Ouenza, toutes deux situées dans la wilaya de Tébessa, des gisements dont les produits sont destinés à l’industrie de transformation et à l’exportation.
Le ministre a annoncé lors de cette rencontre avec la presse le raccordement de la wilaya de Souk Ahras et partant celles de Tébessa et d’El-Oued à l’échangeur autoroutier de Dréan (wilaya d’El-Tarf). Ce projet de doublement de la RN16 reliant Annaba à Souk Ahras via Bouchegouf, dans son axe inclus entre Aïn Ben Beïda et Mechroha sur une distance de 42 km, devrait être lancé avant la fin de l’année, a assuré le ministre.
Ceci en faisant noter que l’objectif attendu de cette importante réalisation, qui comporte une vingtaine d’ouvrages et l’évitement de la ville de Bouchegouf, est d’alléger le trafic routier, tout en réduisant les risques d’accidents et en permettant l’accès rapide à l’autoroute Est-Ouest et le développement socioéconomique de toute la région.
A. Allia
Annaba
Envoyé par Victor
http://www.jeune-independant.net/Annaba-fait-sa-toilette-et.html
Jeune independant Par Nabil Chaoui -21/10/ 2018
ANNABA FAIT SA TOILETTE ET RETROUVE SON CIVISME
La vaste campagne de volontariat pour l’assainissement des lieux insalubres de la « Coquette » a débuté ce samedi. Dirigée par le nouveau wali, cette opération, unique dans les annales annabies, met un véritable holà aux centaines de tonnes de détritus qui jonchent les rues et places publiques. Il faut signaler que le cadre de vie s’y est vraiment détérioré ; les habitants ne cessent de constater cela, et nombreux sont ceux qui estiment que les limites de l’incivisme ont été dépassées.
Certains élus sont les premiers à en faire le constat et reconnaître la gravité de l’insalubrité de la ville. Ainsi, samedi dernier, chaque membre de l’exécutif a été désigné pour diriger le nettoyage d’un secteur donné. A l’aide de plus 100 moyens de locomotion, entre autre chargeurs, niveleuses et camions de gros tonnage, les cinq secteurs du chef-lieu de la commune d’Annaba ont été passés au crible par les citoyens volontaires pour cette opération qualifiée de « grand nettoyage de la ville ». Les cités Seybouse et Beni M’Haffer, Auzas, plaine ouest, oued Forcha et la Colonne ont été les premières à connaître un début de nettoyage, et la même opération s’est poursuivie hier à travers ces mêmes cités pour s’étendre ensuite à d’autres quartiers limitrophes.
Interrogé sur cet acte de volontariat bénéfique à la ville balnéaire, un vice-président de l’APC nous déclare : « Les services communaux de nettoiement, quels que soient leurs moyens matériels et humains, ne pourront jamais, à eux seuls, assurer quotidiennement la salubrité d’une métropole aussi grande que la ville d’Annaba qui a pris, ces deux dernières années, la dimension de véritable mégapole, d’où l’immensité et le nombre croissant des agglomérations nouvelles et anciennes à entretenir. » Selon des sources de l’administration locale, une autre opération d’assainissement sera lancée prochainement, visant à écarter les risques d’inondation et ciblera entre autres la réparation et le curage des réseaux d’évacuation des eaux usées et l’entretien des avaloirs.
Selon des membres des comités de quartier présents en force lors de cette opération de nettoyage, « il faut que les pouvoirs publics sensibilisent les citoyens à ce genre de volontariat au moins deux fois l’an. Il faut aussi que la police urbaine de protection de l’environnement (PUPE) applique la réglementation en vigueur contre ceux qui salissent, entre autres une catégorie de commerçants qui jettent leurs ordures au bord des trottoirs sans se soucier de l’hygiène ni du bien-être des personnes ».
Nabil Chaoui
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MESSAGES
S.V.P., Lorsqu'une réponse aux messages ci-dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté,
n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini
Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la Seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,
cliquez ICI pour d'autres messages.
sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura
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De Mme Nathalie Kergall
Bonjour à tous,
J’ai reçu un coup de fil de Richard CHAIX (78 ans), bônois, qui recherche des personnes qui l’ont connu ! N’hésitez pas , il est très enthousiaste car il n’avait jamais parlé ou très peu de sa vie à Bône jusque-là…
Vous pouvez me contacter et je ferai le lien.
Petit rappel pour les adhérents ou pour ceux qui veulent adherer nous avons un groupe BONE ELEVES. Ce serait sympa de communiquer aussi par ce biais. Sinon, vous avez dû recevoir le journal (ou il arrivera lundi), je m’excuse du retard mais je reprends le rythme pour que le suivant arrive dans les boites aux lettres en mai comme habituellement. Ceux qui étaient présents à Najac en 2018, pensez à m’envoyer vos meilleurs photos et sinon, J’attends vos articles, vos photos-souvenirs de ‘là-bas’ mais également tout ce que vous voudrez partager d’aujourd’hui pour le prochain journal.
Pour l’association, je peux envoyer le bulletin d’adhésion et la proposition de séjour 2019 (des retrouvailles) pour ceux qui ne l’auraient pas reçus par courrier. Postez l’adhésion avec ou sans l’inscription au séjour à Sauveur et les chèques sont à libeller à Bône Elèves.
Je vous espère tous en bonne santé et je vous embrasse,
Nathalie. 07 82 11 08 62
Mon adresse est, (cliquez sur) : nathaliekergall@outlook.fr
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DIVERS LIENS VERS LES SITES
M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er Novembre 2018
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
http://piednoir.fr/guelma
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C'est divin !
Envoyé par Annie
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En 2018 après Jésus-Christ, Dieu visite Noé et lui dit :
"Une fois encore, la terre est devenue invivable et surpeuplée. Construis une arche et rassemble un couple de chaque être vivant ainsi que quelques bons humains. Dans six mois, j'envoie la pluie durant quarante jours et quarante nuits, et je détruis tout !"
Six mois plus tard, Dieu retourne visiter Noé et ne voit qu'une ébauche de construction navale. Mais, Noé, tu n'as pratiquement rien fait ! Demain il commence à pleuvoir !
- Pardonne-moi, Tout Puissant, j'ai fait tout mon possible mais les temps ont changé :
1. J'ai essayé de bâtir l'arche mais il faut un permis de construire et l'inspecteur me fait des ennuis au sujet du système d'alarme anti-incendie.
2. Mes voisins ont créé une association parce que la construction de l'échafaudage dans ma cour viole le règlement de copropriété et obstrue leurs vue. J'ai dû recourir à un conciliateur pour arriver à un accord.
3. L’urbanisme m'a obligé à réaliser une étude de faisabilité et à déposer un mémoire sur les coûts des travaux nécessaires pour transporter l'arche jusqu'à la mer. Pas moyen de leur faire comprendre que la mer allait venir jusqu'à nous. Ils ont refusé de me croire.
4. La coupe du bois de construction navale s'est heurtée aux multiples Associations pour La Protection de l'Environnement sous le triple motif que je contribuais à la déforestation, que mon autorisation donnée par les Eaux et Forêts n'avait pas de valeur aux yeux du Ministère de l'environnement, et que cela détruisait l'habitat de plusieurs espèces animales. J'ai pourtant expliqué qu'il s'agissait, au contraire de préserver ces espèces, rien n'y a fait.
5. J'avais à peine commencé à rassembler les couples d'animaux que la SPA et WWF me sont tombés sur le dos pour acte de cruauté envers les animaux parce que je les soustrayais contre leur gré à leur milieu naturel et que je les enfermais dans des pièces trop exiguës.
6. Ensuite, l'agence gouvernementale pour le Développement Durable a exigé une étude de l'impact sur l'environnement de ce fameux déluge.
7. Dans le même temps, je me débattais avec le Ministère du Travail qui me reprochait de violer la législation en utilisant des travailleurs bénévoles. Je les avais embauchés car les Syndicats m'avaient interdit d'employer mes propres fils, disant que je ne devais employer que des travailleurs hautement qualifiés et, dans tous les cas, syndiqués.
8. Enfin le Fisc a saisi tous mes avoirs, prétextant que je me préparais à fuir illégalement le pays tandis que les Douanes menaçaient de m'assigner devant les tribunaux pour "tentative de franchissement de frontière en possession d'espèces protégées ou reconnues comme dangereuses".
Aussi, pardonne-moi, Tout Puissant, mais j'ai manqué de persévérance et j'ai abandonné ce projet.
Aussitôt les nuages se sont dissipés, un arc-en-ciel est apparu et le Soleil a lui.
- Mais tu renonces à détruire le monde ? demanda Noé.
- Inutile, répondit Dieu, l'administration s'en charge.
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Notre liberté de penser, de diffuser et d’informer est grandement menacée, et c’est pourquoi je suis obligé de suivre l’exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d’information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d’expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
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