N° 253
Octobre

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Octobre 2024
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO

GOUVERNEMENT SORCIER !!

        Chers Amies, Chers Amis,

        Qu'est-ce que le mois d'octobre ? Souvent un mois de transition, les feuilles changent de couleur, on assiste à leurs chutes dansantes. Les habits sont plus chauds car les températures baissent doucement et les matins sont un tantinet frisquets. Les jours raccourcissent et nous voilà véritablement entré dans l'automne sans grand bruit si ce n'est de repasser à l'heure d'hiver.

        Rappelez-vous que l'automne, c'est le moment idéal pour faire des réserves et renforcer ses défenses immunitaires avant l'hiver.

        En fait, il paraît qu'octobre est le mois préféré des sorciers, surtout les jours impairs !!!

        Est-ce qu'enfin on aurait un « Gouvernement sorcier » qui durera peut-être le temps d'un budget car la fête est finie, les impôts ne rentrent plus, les taux remontent. Avec le « quoi qu'il en coûte », la charge de la dette a explosé. Plus de 60 milliards partiront dans la poche de nos créanciers et des spéculateurs l'année prochaine. Des milliards qui n'iront pas dans nos écoles, nos hôpitaux ou la sécurité publique. Le déficit de plus de 3500 milliards est un appauvrissement du pays. On se rapproche de la Grèce !!!

        Sans plus attendre, entamons donc ce joli mois d'octobre. Ça tombe bien parce que le 1er octobre, c'est la journée du café et du chocolat. On enchaîne avec la fête des grands-pères, le 3 octobre, pensez à leur offrir une boîte de chocolats.

Comme dirait Berthold BRECHT
« Ceux qui luttent ne sont pas sûrs de gagner,
mais ceux qui ne luttent pas ont déjà perdu. »

        Alors je vous souhaite un bon mois d'octobre à lire ce numéro.
        
Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
         A tchao.

Chronique du Bastion de France.
Envoyé par Jean-Claude PUGLISI.
C'était une fois, Gaétan de La Calle.

            Par un bel après-midi, avec notre habituelle bande de copains, nous nous sommes retrouvés - côté port - à la célèbre Pointe de la jetée, qui, sépare d'est en ouest, le port et l'avant-port de La Calle.
            C'était là et le plus souvent à la belle saison, notre lieu habituel de rencontre et de jeux, mais aussi un endroit privilégié, pour venir taquiner les quelques barques restées à l'amarre ( qui ne se souvient ! ? De l'exploit naval de Marquis le forban* sur le modeste bâtiment qu'un jour il emprunta frauduleusement à Monsieur le Juge du Bastion de France ) et parfois pour pêcher, dans très peu d'eau au bord du quai - les petits Goujons, Baveuses* et autres modestes poissons.

            Le plus souvent armés d'une ligne des plus rudimentaires, nous restions là très sagement assis les pieds dans l'eau, et surtout, toujours bien attentifs aux mouvements des quelques poissons, qui ne manquaient jamais de venir faire honneur aux modestes Gamboutches*, qui, à l'occasion, servaient volontiers d'appâts improvisés.
            Parfois ils arrivaient sur les lieux des promeneurs de tous âges, qui venaient tuer le temps du côté de la Pointe et s'attardaient un moment pour nous regarder pêcher, surtout, lorsque l'un d'entres-nous, avait la chance de prendre un modeste petit poisson...

            Le plus souvent ces visiteurs des bords de mer, étaient des étrangers* en vacances à La Calle - qu'on qualifiait alors, d'Estiveurs* ! -, qui hélas ne connaissaient de la faune marine, que celle rapportée dans les pages des illustrés de l'époque... Alors fièrement, on leur expliquait tout sur les petits poissons pêchés : pourquoi ? C'était un Goujon - pourquoi ? le nom de Baveuse - le Gamboutche ? la technique d'extraction, puis, d'amorçage de son Bernard l'Hermite - le Brometche* ?...
            Toutes ces très sérieuses explications, faites par des petits Callaïouns au langage délicieusement coloré, enchantaient au plus haut point - il faut bien le dire - les vacanciers de passage à notre grande et parfaite satisfaction.

            Mais en cet après-midi d'été, le cours habituel de ces parties de pêche, allait être émaillé d'un fait particulier, qu'il me plait aujourd'hui de raconter :
            Ce jour-là conduisant notre petite bande de gamins pécheurs, un de nos aînés - qui n'avait que quelques années de plus -, entreprit suivant sa bonne vieille habitude, de monopoliser l'attention des quelques curieux qui gravitaient autour de nous.
            C'était, notre ami Gaétan ! C'est ainsi qu'il s'appelait... Fils de Marin Pêcheur et enfant du quartier, il se joignait parfois à notre petit groupe où, sa présence était toujours la bienvenue - et pour cause ! ?

            Mais ce personnage qui a marqué notre enfance, mis à part qu'il était un peu plus âgé que nous tous, possédait un côté bien particulier que le plus souvent il nous faisait volontiers partager :
            C'était dirons-nous, un profond rêveur et un romantique, doublé d'une grande et parfaite sentimentalité...
            Peut-on aujourd'hui se demander pourquoi ! ?

            Peut-être bien ? Parce qu'l employait le plus clair de ses loisirs à lire, tout ce qui peut se lire : bandes dessinées diverses - romans feuilletons variés - tragédies amoureuses... Enfin et surtout, toutes les oeuvres du moment - littéraires et autres oeuvres cinématographiques... etc. qui pouvaient contenir des situations pathétiques et embrouillées aux issues plus qu’incertaines, mais, toujours propres à faire palpiter et saigner le coeur des plus endurcis.
            Mais, voilà ! Gaétan, lui ? Après, dans sa tête, il continuait à se jouer le Cinéma Paradiso entre chaque lecture et c'est à nous que très souvent il se plaisait à raconter avec un réel talent, tel ou tel scénario, qui à vrai dire nous entraînait un long moment, sur le délicieux chemin de ses rêves un peu fous.
            C'était cela ! Notre ami Gaétan.

            Gaétan ! ? Nous, on l'aimait bien. Même si parfois on se riait gentiment de lui - parce que trop sérieux pour son âge... C'était pour ainsi dire, un artiste dans son genre et avec ça, doté par nature d'une imagination débordante - où, les grands sentiments, n'étaient jamais absents - et d'une très grande culture livresque qu'il nous faisait partager à l'occasion.
            Un beau jour il nous réunit pour dire, qu'il avait projeté d'organiser une grande bataille entre Cow-boys et Indiens ! ? Avait-t-il vu un film récent ou bien lu quelque illustré sur le sujet ? Toujours est-t-il, que les combats devaient se dérouler vers les grottes du Lion où il faut le reconnaître, l'endroit choisi était par excellence l'équivalent Callois - à minima bien sûr ! - des célèbres sites Westerns américains, que parfois le Cinéma de Monsieur Dominique Noto, nous gratifiait dans sa grande bonté.
            Bataille de Lion's Rocks ! Avait-t-il indiqué.

            Au jour dit l'affrontement eut bien lieu : d'un côté, notre ami regretté Guy Lamouroux + - commandait les Cow-boys et de l'autre, Gaétan alias grand chef " Bec d'Aigle " - entraînait avec courage, une bande de féroces Indiens dans son sillage.
            Faisant appel à la ruse légendaire des Indiens d'Amérique et dans un souci de parfaite stratégie, le grand Chef " Bec d'Aigle " - dont, la horde hurlante commençait à s'essouffler - par un cri guttural donna l'ordre de contourner l'adversaire, en empruntant la rude et difficile voie des rochers qui de prés longe la mer.

            En tête de colonne le valeureux chef Indien, entraînait courageusement ses braves vers une brillante victoire... Enfin ! ? C'est bien ce que disait la littérature de Gaëtan, qui, semble-t-il, avait justement inspiré notre Ami... Mais, tout à coup ! Alors que l'intrépide Sachem à la tête de ses vaillants guerriers, bondissait en avant sur les noirs rochers, une effroyable catastrophe, devait entraîner la belliqueuse tribu vers une injuste défaite...
            Comme on le sait, hélas ! Une armée privée de son chef, aussi vaillante soit-elle, est toujours vouée à la déroute :
            C'est, ce qui arriva un jour à Lion's Rocks - aux infortunés peaux-rouges improvisés !

            Que je m'explique : le grand chef Indien " Bec d'Aigle " qui progressait par bonds le long des rochers, fît dans le feu de la bataille une mauvaise appréciation de la distance, ratant ainsi son objectif pour s'en aller avec fracas, s'écraser dans les flots - quelques mètres plus bas.
            Autrement dit ! Ce jour-là, Gaétan tomba à la mer tout habillé - ce qui mit un point final aux hostilités.
            Lorsque tout penaud et trempé jusqu'aux os, notre ami sortit enfin de l'onde amère, il leva les bras vers le ciel pour s'adresser au grand Esprit - dans le plus beau des langages Callois - en pleurnichant un moment - sur la malchance qui venait de le frapper :
            Et voilà ! Cria-t-il.
            Putain de guigne !
            Toutes les Couilles ! ? C'est toujours à moi qu'elles arrivent. "

            La bataille de Lion's Rocks, devait se terminer par un éclat de rire général, accompagné de quolibets - dont notre héros fit largement les frais.
            Depuis ce drame des grottes du Lion, Gaétan s'empressa d'oublier le peuple des Indiens, tant il est vrai que toutes les défaites ont aussi leurs conséquences :
            Je ne sais qui l'avait alors affublé - vu, son magnifique nez aquilin - du beau sobriquet de :
            Grand chef - Bec de Gaz !

            Mais fort heureusement, ce qualificatif - qui à vrai dire, lui seyait fort mal - fût vite relégué aux oubliettes.
            Cependant, pour bien cerner l'intérêt du personnage, je ne puis passer sous silence un fait dont j'ai été le témoin direct : c'était, peu avant les fêtes de Noël...

            Exceptionnellement cette année là, Monsieur Laurence - le Syndic des gens de mer - devait assurer la distribution de quelques jouets, aux enfants des Marins pêcheurs Callois. Pour ce faire, il avait dressé une liste où figuraient l'identité des petits, qui devaient recevoir les cadeaux de Noël. C'est ainsi qu'une petite foule, composée des heureux bénéficiaires mais aussi de quelques curieux, vint se rassembler aux p'tits quais - en bas la marine ! - devant le minuscule bureau du Syndic. Là, le garde-pêche très consciencieusement, devait appeler tour à tour les intéressés, pour leur remettre un petit paquet cadeau.

            Au dernier rang de la foule était Gaétan, qui - toujours fidèle à son habitude - devisait en termes précieux avec un grand de son âge, lorsque Monsieur Laurence appela par erreur la petite soeur de notre héros - qui, depuis hélas quelques mois, était décédée... Comme personne ne daignait se présenter, il s'adressa aux présents pour s'enquérir de l'enfant... C'est alors que Gaétan par derrière la foule et sur un ton très assuré, eut cette réponse particulièrement insolite, qui lui valut les reproches les plus véhéments de la foule où l'on entendit jaillir, des qualificatifs pas très élogieux à son endroit dans le genre de - petit merdeux ! Par-ci... Tia pas honte ! Par-là ... l'opprobre quoi !

            Mais qu'avait-t-il donc répondu ! ? Ce brave Gaétan à M. le syndic Laurence.
            - Et bien ! D'une voix forte et assurée, il avait crié par-dessus les têtes :
            " Elle est au boulevard des allongés !"

            Autrement dit : au Cimetière ! Ce lieu sacré par excellence des Callois de toutes confessions, que, Gaétan - voulant faire l'intéressant - s'était permis publiquement de qualifier de " Boulevard des allongés " ! Quel scandale à l'époque !
            Certainement, c'était encore le résultat de l'une de ses passionnantes lectures !

            Mais revenons sur les lieux de pêche pour dire que ce jour-là, Gaétan reçu la visite inopinée d'un petit groupe de touristes, apparemment très intéressé par la petite Girelle qui frétillait au bout de sa ligne... Il y avait là, une dame - très vieille France et d'un certain âge - accompagnée de ses petits enfants. Bien vêtue et s'exprimant dans un français des plus élégants, elle entama avec notre ami un intéressant dialogue sur la mer et les poissons.

            Gaétan, nullement impressionné et très à l'aise, avait enfin trouvé ce jour-là l'interlocutrice qui correspondait parfaitement à son tempérament. Aussi, nous étions tous en admiration, à l'écouter converser avec une personne, qui manifestement était d'une grande culture et de très grande classe...
            A bien réfléchir, notre Gaétan, lorsqu'il sortait le grand jeu de sa besace, devait faire appel aux nombreux scénarios de ses multiples lectures, qui, mentalement lui indiquaient, les mots et les phrases à assembler parfaitement, avant de les servir toutes chaudes à l'interlocuteur du moment.
            Magnifique ! Superbe !... Inutile d'aller plus loin - là, était le génie de Gaétan.
            La conversation qui durait déjà depuis un bon moment, fût un instant interrompue par la charmante dame, qui, en s'excusant, tira de son sac un paquet de bonne contenance, qu'elle entreprit d'ouvrir avec beaucoup de discrétion :
            C'était un beau gâteau à peine entamé et odorant à souhait.

            Pour remercier notre ami, l'excellente dame - très vieille France -, remit-le tout à notre héros muet de surprise, en lui indiquant que "ces débris de gâteau", feraient assurément le régal des poissons. Puis, prenant congé, elle confia cette bonne tâche à notre ami avec une infinie courtoisie.
            Nous étions alors tous prés de notre compagnon, qui, médusé au possible, s'était mis à distribuer - avec une bien évidente parcimonie -, quelques petites miettes de ce gâteau aux petits poissons riverains.

            Gaétan restait silencieux, mais, dans sa tête, son ordinateur habituel, devait rechercher toutes les solutions possibles en pareille situation... La sympathique famille vieille France, venait à peine de rejoindre la terre ferme, lorsque, tout à coup, Gaétan plongea résolument la main dans le paquet, pour se saisir d'un énorme morceau de gâteau qu'il englouti sans plus attendre, suivi de prés par la bande de Callaïouns qui s'était ruée sur le festin - comme un vol de Goélands affamés, suivant les chalutiers..

            Pourtant il m'a semblé un moment, que l'excellente dame a souri gentiment, avant de disparaître au haut du cours Barris, ne se faisant peut-être aucune illusion quant au sort réservé aux débris de son gâteau.
            Lorsque parfois je me remémore ce petit souvenir d'enfance, il m'arrive de me demander, si ces " débris de gâteau " étaient bien destinés aux poissons ! ? J'aime à croire aujourd’hui, que, ce gâteau à peine entamé, était peut-être bien ce qui restait du goûter des petits-enfants, et que, l'excellente dame vieille France, avec beaucoup de délicatesse et de subtilité - prétextant les poissons -, avait confié le précieux paquet au plus grand d'entre-nous, celui qui lui apparaissait des plus matures, avec, semble-t-il, le désir que ce gâteau restant fût aussi notre goûter.

            Et le goûter fût ! Merci Madame, au nom des petits Callois d'alors.
            Après le festin nous sommes restés là, assis autour de Gaétan qui depuis un moment, méditait profondément le regard perdu dans le lointain et plongé dans quelques sublimes réflexions... Avait-il compris le message discret de la dame vieille France ? Je ne puis l'affirmer... Mais, à un moment, il daigna enfin s'adresser à notre petite assemblée, pour dire combien cette vieille dame lui était apparue exceptionnelle, mais, il regretta amèrement, de n'avoir pas osé lui demander une chose avant qu'elle ne quitte la Pointe.

            Que voulait-t-il bien lui demander ? Notre ami Gaétan - à cette charmante personne.
            Il finit tout de même par nous le dire au bout d'un moment :
            " - Madame ! Vous, qui semblait être d'une classe distinguée... Vous ! Qui avait un certain âge, et qui, par conséquent, connaissez tous les secrets de l'existence...
            " -Voulez-vous, je vous prie, me raconter - l'histoire de votre vie ! (sic) "
            - Et nous les petits Callaïouns un moment éberlués, on a très vite compris que Maestro Gaétano, venait de se replonger tout entier dans son éternel Cinéma Paradiso où, déjà un nouveau scénario était en préparation, avec en vedette principale une dame très vieille France, racontant avec beaucoup de sentiments - à la lueur d'une chandelle, le soir au coin du feu, lorsque l'hiver souffle le Bafoungne* ! -, les plus doux mystères de l'histoire de sa vie :

            Les hauts de Hurlevent ! En quelque sorte.
            Autant en emporte le vent ? Peut-être.

            Gaétan de La Calle + ! ? C'était cela :
            Un tendre - un rêveur - un sentimental - un parfait romantique...
            Mais aussi un ami très cher que je n'ai pas oublié.
Jean-Claude PUGLISI
de La Calle de France.
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage.
( le 31 Décembre 2000 à 19 h. et 10' ).
- C'était le dernier article - de l'année 2000 / du XXème siècle / à quelques heures du XXIéme siècle et du IIIéme millénaire. - Au-delà de cette nouvelle du Bastion de France et de notre ami d'enfance Gaétan +, c'est une fois de plus, La Calle - mon unique Amour et ma seule Patrie - qui vient réchauffer ma solitude. - Mais, La Calle ! ?... Cet éternel roman d'amour, qui n'a pas de commencement et jamais de fin.

Bône, ma ville, ma passion
Envoyé par M. Georges Barbara
LE BONOIS ET LA LANGUE DE MOLIERE !

          "OUAIS Ô TANOUDE ,,, TU T'L'ENLEVES CE ZLABIA QUE T'YA T'SUR LA TETE,,,,, OU TU VAS ALLER T'LE CHERCHER CHEZ LES CHÈRES SOEURS A L'ORPHELINAT !"
          Coiffée d'un beau chapeau la Parisienne interloquée, bien calée dans un fauteuil du cinéma « L'OLYMPIA», se retourne fort surprise. Quel est ce langage qu'elle comprend à moitié ? N'est-elle pas en Algérie où les gens doivent parler le français qu'elle croit connaître ? Et bien non, le français n'était pas la langue maternelle de cette province d'Algérie. Sa langue c'était le « Bônois » et si un certain français existait au sud de la Méditerranée, c'était que les gouvernements de la -Métropole- s'étaient efforcés d'inculquer à ces Méridionaux, la langue des français de Paris à coups de bâtons et de punitions.


          Toutefois la langue Bônoise avait résisté, s'était rebiffée et finalement elle s'était immiscée dans la langue française importée. Les instituteurs croyant bien faire, avaient mis tout leur zèle au service de ce français -Parisien- qu'on leur disait être la seule langue digne de ce nom dans ce pays. Il fallait chasser ce Patois, ce Sabir, tout en corrigeant ce français teinté de Bônois que ces enfants retrouvaient dés qu'ils avaient un pied dans la rue. Mais voilà, après cent ans d'efforts, l'école de la -République- n'avait pas réussi à tuer -le Bônois- ni même à éviter l'influence du Bônois parlé sur le français de La Colonne qui était bien vivant.
          Et les mots Bônois francisés, s'étaient introduits dans cette langue venue de -Métropole-. Cependant au fil des temps, ce français à la sauce Bônoise est apparu aux yeux des autochtones, comme leur français à eux, ils se sont mis à l'apprécier et à l'utiliser sans complexes et parfois même avec une certaine fierté. C'était pour eux, une façon de plus de s'affirmer -Bônois- avec ce français local haut en couleurs et si vivant. Quand l'entendions-nous ? Partout et toujours : de Joanonville jusqu'au Pont Blanc et de la plage de Chapuis à celle de la Grenouillère. Dés que le français de -métropole- ne pouvait traduire une réalité ou une nuance, les termes Bônois apparaissaient.
          En effet comment dire en français officiel : « T'ya sûrement une dent qui prend racine au cul, pour imager un mec qui sentait de la bouche et qui ne se lavait jamais les dents, comme le disaient si bien nos p'tits Oualliounes de la rue des Prés Salés ? De même comment traduire tous ces dérivés que l'on entendait constamment, qui indiquaient le dégoût ou la tendresse ?
          Quels étaient les termes français qui, correspondaient à une « Madonne de Dormade » ou une « de ces Mandgeades », il n'y en avait point ! Sieste ou Repas ne suffisaient pas ! Alors que dire de ce français -Bônoinisé- ? Et bien, il s'agissait sûrement de la résurgence de nos réalités Bônoises, inconnues dans cette France du nord et même d'ailleurs en Algérie, et de la présence de l'âme de « la Colonne à nous » qui transpirait à tout moment, de cette âme de nos ancêtres avec ce parler véhiculé à travers le temps, qui pouvait grâce aux dérivés d'un seul mot, exprimer la grandeur ou la petitesse, l'affection ou la colère.
          Bônois d'la Colonne, vous qui parlez français entre vous, n'ayez pas honte, utilisez le plus possible tous ces termes irremplaçables d'origine Bônoise. Ils témoigneront de votre personnalité véritable que vous avez le droit et le devoir de protéger, afin que la civilisation de troubadours qui était la nôtre continue à travers le temps, à donner généreusement le meilleur d'elle même à un environnement qui, à travers l’incompréhension il est vrai, l'attend peut-être !
Georges Barbara, 28 mai 2024


LES CAPRICES DE LA MODE
Par Camille BENDER
Echo de L'ORANIE N° 261, mars/avril 1999

       Non, je ne vais pas vous parler des dernières fantaisies que nos grands couturiers inventent, à chaque saison, en présentant leurs collections, d'autant que leur inspiration ne correspond, presque jamais, aux besoins des femmes actuelles, qui veulent du "pratique" et adoptent ce qui convient à leur physique, leur personnalité et, aussi, à leur bourse. La haute couture, qui constitue une importante richesse en devises pour notre pays, n'est rentable que grâce à l'exportation et elle a le mérite de faire travailler de nombreuses catégories d'artisans et de travailleurs.

       Je veux vous entretenir de ces modes, plus ou moins passagères, qui éclatent tout à coup, lancées, souvent, par une publicité envahissante, tendant à diminuer notre libre arbitre et notre désir de choix. Rappelez-vous l'engouement pour les porte-clefs, c'était à qui en possèderait le plus, au point de les étaler sur des tableaux encadrés, et procéder à des échanges, comme pour les timbres-poste; il y eut aussi la mode des "yo-yo", celle des "pins" ces sortes d'épinglettes qu'on accrochait aux revers des vestes, la mode des "hula-hoop" qui vous faisait tanguer à travers des cerceaux, celle des chaînettes, bracelets pour les chevilles des femmes, des boucles d'oreilles pour les hommes, des tatouages, ou des brillants à la base du nez ! Modes, plus ou moins éphémères, qui disparaissent comme elles sont venues, après avoir enrichi ceux qui les ont lancées.

       Actuellement, le roi de la mode, c'est le téléphone portable ! Qui n'a pas un tel outil de communication est considéré comme "hors norme" ! Les jeunes, en particulier, en font un usage disproportionné. Ah ! Qu'on est fier d'arborer "un portable" qu'on accroche à sa ceinture, dans un étui de cuir ! On le trimballe "non-stop" et on le manie avec la dextérité d'un jongleur. Cet appendice donne à son propriétaire, auprès de ses copains, I'impression qu'il est quelqu'un d'important et de distingué. Et quelle puissance! Le voilà, franchissant les limites de l'espace, abolissant les distances.... n'a-t-il pas le pouvoir d'entrer en communication avec n'importe quel coin de la planète ? Il lui suffit de décrocher, et son interlocuteur est là, à sa portée, selon son bon vouloir !
       C'est comme une oreille supplémentaire, une antenne à l'écoute de l'univers. Voila qui vous valorise un homme!!! C'est l'extase ! Et, quand on se le fait subtiliser, car les voyous apprécient aussi ce genre d'engins, c'est le désespoir !

       Si encore, on s'en servait pour quelque chose d'utile, mais non, on bavarde comme une pie sur des sujets futiles et, bien souvent, le "portable" ne sert qu'à "frimer" ou échanger des banalités.
       Les premiers temps, quand la mode des portables venait à peine de naître, et que je voyais des gens parler tout seuls, je me demandais si une sorte de folie ne gagnait pas les individus, monologuant dans les rues ; en m'approchant d'eux, je constatais qu'ils avaient un appareil près de l'oreille et qu'ils conversaient avec un interlocuteur invisible.
       Victimes des slogans racoleurs que la publicité fait miroiter à leurs yeux, comme des "autistes' inconscients, ils se racontent des histoires, et ont l'illusion d'une importance...inexistante.

       Et en plus, ils ne se doutent pas du prix que leur coûte cette fantaisie ! Les communications venant d'un portable sont bien plus chères que celles d'un téléphone ordinaire... d'où l'étonnement de ce grand benêt qui recevant une facture élevée des PTT s'exclamait "pourtant, je ne téléphone presque jamais de chez moi, je ne me sers que de mon portable".
       Ne croyez pas je sois contre ce nouvel outil de communication, je reconnais qu'il est bien utile, par exemple quand on veut joindre un médecin absent de son cabinet, ou une personne en déplacement qu'on ne peut joindre autrement. Il est des cas d'urgence qu'on ne peut résoudre que grâce à lui et nous nous félicitons de ce progrès dans la technique des communications, mais sachons ne nous en servir qu'à bon escient, ne l'emportons pas dans une salle de classe, ou lors d'un spectacle, réservons-le à des choses utiles et non insignifiantes, sans intérêt, en un mot n'en abusons pas.

       En parlant de mode, je ne peux m'empêcher de penser à cet admirable portrait de La Bruyère, sur "lphis l'esclave de la mode". Dans son remarquable ouvrage "Caractères et Portraits", le grand écrivain peint la société de son temps avec un humour corrosif. Son Iphis, ou Iris, ne vit que pour les apparences, tout ce qui n'est pas du "dernier cri" est dédaigné par ce snob, et il se sent déshonoré parce que la teinte de ses chaussures n'est pas complètement assortie aux basques de sa veste amarante (nous sommes au XVIIème siècle où le costume masculin "des gens de qualité !" fait de satin ou de brocart, arbore toutes les couleurs de l'arc-en ciel "Vanité des Vanités" Pauvre Iphis, qui se satisfait de si peu ou qui se désole pour des riens !...

       La mode s'exerce, aussi, en littérature, en peinture, en sculpture, en architecture... elle évolue avec les mœurs, la manière de penser, les goûts des gens.
       Les écrivains les plus côtés du début du siècle, qui connurent même une certaine gloire, ne sont plus guère lus de nos jours. Qui se souvient d'Henri Bordeaux, de Claude Farrère, de Paul Bourget, de Pierre Benoît ? et encore ce dernier est-il toujours célèbre grâce aux films tirés de ses romans: "l'Atlantide, Koenigsmark, la Châtelaine du Liban,
       En peinture, le figuratif est maintenant rejoint par l'abstrait et même si un certain snobisme en est à l'origine, reconnaissons que les galeries d'art s'ouvrent de plus en plus aux peintres abstraits et attirent, ainsi, beaucoup d'amateurs de tableaux.

       Bien sûr cela ne fera pas oublier des artistes tels que Rembrandt, Léonard de Vinci, Le Titien, Fragonard ou Delacroix pour n en citer que quelques-uns...ceux-là sont immortels et leur oeuvre garde sa valeur intrinsèque, en dépit des modes ! Bienheureux les musées qui conservent de tels chefs-d'œuvres, ils seront toujours visités.
       Même en sculpture. il y a une nette évolution de la mode : les statues qui ornent les parvis de nos cathédrales gothiques, ou celles des gisants de nos chapelles funéraires, n'ont plus rien à voir avec les personnages de Giacometti, les mobiles de Calder ou les compressions de César !

       En architecture, nos immeubles actuels, avec leurs immenses parois de verre, ne ressemblent en rien à nos maisons d'autrefois ! Autres temps, autres façons de vivre, autres formes de l'art ! La mode est passée par-là comme dans d'autres domaines.
       Et en musique, me direz-vous ? La mode est un peu plus conservatrice : Mozart, Beethoven, Bach, Liszt, Chopin, Schubert, Schumann, attirent toujours les amoureux de la musique classique, même si les compositeurs plus modernes Malher, Milhaud, Messiaen, Auric, et le groupe des cinq, ont de plus en plus d'admirateurs.
       Quant à la mode dans la chanson, à cause de l'audiovisuel, elle évolue tellement vite qu'on n'a pas le temps de s'en imprégner.
       Brel, Bécaud, Brassens, Aznavour restent des valeurs sûres. mais qu'entendons-nous sur nos chaînes de télé et de radio, de la chanson techno, soft, hard, rap, country-music, soul, qui envahissent les ondes avec leurs rythmes effrénés, leur déferlement de bruit, qui plaît tant aux jeunes générations, mais qui nous dépassent, nous, "les rétros" qui ne sommes "plus dans le vent". La mode est faite pour les jeunes.

       J'habite près d'un collège et je vois, souvent, des élèves (filles et garçons) sortir de leur établissement. Je suis frappée par l'uniformité de leur tenue: jeans plus ou moins délavés, tee-shirt, blouson et les inévitables baskets, filles et garçons sont vêtus de la même façon. Je suis certaine que, si on leur imposait un uniforme, ils se rebelleraient, au nom de leur indépendance, mais, comme c'est la mode, ils acceptent d'être "comme des moutons". Leur seule coquetterie c'est de ne pas ètre différent. Bien souvent, les parents sont attristés par les goûts de leurs enfants, surtout quand il s'agit des filles, ils se résignent, cependant, à ce manque de grâce et de personnalité qui enferme ces collégiens dans une image grégaire, parce qu'ils se sentent impuissants devant cette force de la mode.
       Un cancre avait écrit, dans une dissertation sur ce thème "il faut suivre la mode ou quitter le pays".
       Nous n'en sommes, heureusement pas là ! Il faut savoir s'adapter ou plutôt adapter la mode à nos goûts, nos âges, ne pas nous en rendre esclaves, et conserver notre conception de l'élégance, de l'esthétisme et de la beauté, en somme, rester dans une juste mesure.

Février 99
Camille BENDER


PHILIPPEVILLE
Maurice Villard
ACEP-ENSEMBLE N° 283

              Le 10 août 1838, des soldats français conduits par le générai Négrier, visitent la région et retournent à Constantine sans être inquiétés. Ils recherchent un débouché vers la mer, Le 7 octobre suivant, le maréchal Valée, à la tête d'une importante colonne, plante pacifiquement le drapeau français sur I'emplacement de la future ville, la baptisant Fort de France, appelée définitivement Philippeville le 17 novembre 1838.
              Entre la colline de Skidda et celle du Béni-Melek, Philippeville, sur la côte méditerranéenne, est située entre 2 caps formant le golfe de Stora : le cap de Fer à I'Ouest et le cap Bougaroum à l'Est..
              Le cap de Fer doit son nom aux minerais de fer très riches qu'il renferme ainsi qu'aux nombreux arbres et porphyres.

              Grâce à la régularité de son climat Philippeville est la station idéale tant en été qu'en hiver,
              A l'époque Phénicienne elle s'appelait Thapsus et Thapas du nom du fleuve voisin qui coulait entre les collines du Beni-Melek et du Skidda.

              Assise de chaque côté du fleuve qu'enjambait un pont à hauteur de l'actuelle place Marqué, Thapsus était alors le seul débouché de la région de Cirta (Constantine). Dans I'antiquité punique, Rusicada succède à Thapsus dénommée tour à tour Rusicada et Ras Skidda et conserve ce nom pour l'élément indigène
              La colonisation romaine laisse une profonde empreinte, la voie des tombeaux jusqu'à Stora dit bien I'importance du rôle qu'elle a joué à cette époque et fait de Rusicada une des plus prospères colonies de l'Afrique Romaine. D'ailleurs jusqu'au départ des Français, les citernes construites par les romains servaient à I'alimentation en eau potable de la ville.
              Sur la place Marqué s'élevait un jet d'eau de 4 mètres de haut produit par la pression des eaux qui s'écoulaient des citernes construites sur les collines de Beni-Melek, 18 gradins les déversaient jusqu'à la mer. Sur les collines avoisinantes s'étageaient les demeures des riches commerçants et seigneurs de Rusicada, ombragées par des chênes liège et les fouillis arborescents des fougères. De I'an 256 de notre ère jusqu'à 411 on relève dans I'histoire religieuse les noms de quatre évêques : Vénillis, (Conseil de Carthage), Victor, 305 (Conseil de Cirta ), Junior et Faustanius, 411 (Conseil de Carthage)

              En 533, la cité fut envahie par les vandales, en 681 les envahisseurs arabes ruinèrent définitivement l'ère de prospérité romaine.
              Les Français en arrivant ne trouvèrent que quelques ruines au milieu des marais et en firent cette magnifique cité.

              La commune de Philippeville fut constituée par décret en date du 9 février 1843, par Monsieur le Ministre de la Guerre, Président du Conseil et Duc de Dalmatie. Rendons un respectueux hommage à cette poignée de Français qui, à la tête de I'Administration de la commune, ont présidé à ses destinées : Baron Peschart d'Ambly - Wallet Adolphe - Teissère Lucien - Riondel Jules - Reguis Théophile - Ricoux Alexandre - Vellar - Calendini Robert - Ricoux René - Sider Lucien - Teisier Albert - Passerieux Octaves - Cutolli Paul - Cordina Louis - Benquet -Creveaux Pau

Le Port

              La ville de Rusicade était dans les temps anciens l'entrepôt du commerce de Cirta (Constantine). Mais le véritable port de transit était à Stora . Ces deux positions, étroitement liées entre elles, se complétaient l'une par l'autre et formaient un seul et même établissement maritime. De vastes citernes dont l'eau était amenée jusque sur la plage, et les vestiges de quais que l'on trouve encore à Stora, constatent en effet que cette anse fut l'objet de travaux importants propres à y faciliter les mouvements du commerce et de la navigation.

              Mais les Romains avec leurs petites galères qu'ils avaient l'habitude de hâler à terre, étaient loin de demander à leurs ports les qualités que l'on exige aujourd'hui. L'anse de Stora, dotée d'une aiguade et d'un quai, et offrant d'ailleurs naturellement une belle plage de halage el un bon abri pour des bateaux, était pour eux un excellent port. Elle n'offre pour nos grands bâtiments qu'un mouillage très dangereux et ne satisfait nullement aux besoins de la Marine du XIXème siècle.

              Lorsque le 7 octobre 1938, une colonne française sous les ordres du maréchal Vallée, arriva sur les bords du golfe de Numidie pour relier Constantine à la mer par la voie la plus directe, il n'existait que de misérables gourbis sur l'emplacement de la cité actuelle, jadis occupée par une importante ville romaine, dont il reste encore des ruines remarquables. Une ville nouvelle s'y éleva, qui devint rapidement prospère grâce à son heureuse situation.

              Le 17 novembre suivant, la presse métropolitaine annonçait la création de Philippeville. La ville se créa rapidement et au mois d'avril 1839 il y avait déjà une population agglomérée de 716 habitants et dès la fin de l'année 1839 le port de Philippeville, constitué par un court débarcadère en charpentes accusait un mouvement commercial de 2 848 744 F à l'importation et de 306 832 F à l'exportation. Les navires ne faisaient pas leurs opérations sur la plage même de Philippeville, ils mouillaient en rade de Stora et déchargeaient leurs marchandises sur des chalands qui les transportaient à Philippeville.

              La création du port fut longuement discutée : la question était de savoir s'il y avait lieu de créer le port à Stora, village distant de 3 kilomètres de Philippeville ou devant Philippeville même.
              Dès que Philippeville a été créée, la nécessité d'un port s'est aussitôt présentée. Mais la nature des lieux est telle que ce serait folie d'en construire un devant cette ville, tel était le raisonnement à l'époque. Ce port, quelque modeste qu'il fût, ne saurait être établi sans une dépense considérable, et il serait d'ailleurs promptement comblé par les sables !
              Mais sa plage inhospitalière, battue par les grandes vagues du large, ne permettaient pas aux navires de s'en approcher.

              La création d'un port, nécessitée par l'importance d'un trafic toujours croissant, fut décidée ; et c'est là que commença l'œuvre difficile.
              Les inconvénients nautiques attachés à la position de Philippeville lui auraient donc interdit tout avenir maritime si la proximité de l'anse de Stora ne lui eut offert ce que la nature lui a refusé.
              Beaucoup de conditions favorables à la construction d'un port se trouvent en effet réunies à Stora : Abri de tous les vents, bonne qualité du fond, matériaux à pied d'œuvre, hauteur d'eau médiocre pour la fondation des digues et néanmoins suffisante pour toutes espèces de navires. Tels sont les principaux avantages de cet emplacement.

              Le projet de port pour Stora, proposé par la Commission Nautique de l'Algérie, a été approuvé par M. le Ministre de la Guerre. Il offre un bassin régulier de 18 hectares, qui pourrait contenir 200 bâtiments marchands de toute dimension et au besoin quelques vaisseaux et frégates. L'entrée serait très facile en toutes circonstances, même pour les bâtiments désemparés. Mais l'appareillage serait impossible lors des gros temps amenés par les vents du large. Le calme des eaux dans le port serait suffisant, les chargements et déchargements des marchandises s'y effectueraient en toute commodité sur le quai Nord. La plage qui forme à l'Ouest l'enceinte du port offrirait de précieuses ressources pour le halage et la réparation des bateaux.
              Pour compléter le système maritime que la nature a tracé en marquant la place du port de Philippeville et la place de la cité, il serait nécessaire de relier ces deux positions par un chemin de fer, et de faciliter leurs communications par mer en construisant un grand débarcadère devant la ville.

Ce projet ne fut jamais réalisé.

              Par contre dans la deuxième édition de son ouvrage paru en 1857, Lieusson émettra un avis favorable à la création d'un port artificiel devant Philippeville même, c'est ainsi qu'il écrivait :
              « Dès que Philippeville a été créé, la nécessité de créer un port s'est aussitôt affirmée. Mais la nature des lieux est telle qu'on ne peut le créer dans de bonnes conditions soit à Philippeville soit à Stora, sans une dépense très considérable. La Commission Nautique avait proposé l'anse de Stora par une jetée de 300 mètres, et d'établir en avant de Philippeville un débarcadère de 50 mètres. Ce plan des travaux n'était qu'un expédiant pour améliorer à peu de frais une situation nautique intolérable.
              L'importance acquise par Philippeville, son avenir comme tête principale artère du réseau des chemins de fer Constantinois, exige et justifie la création, sur ce point, d'un établissement maritime offrant par tous temps un refuge assuré et les moyens de débarquer bord à quai. "
              Lieusson, continue son étude par deux projets de ports, l'un devant Stora, l'autre devant Philippeville.

Le port de Stora

              Le port de Stora serait couvert du côté Est par deux jetées de 1.200 mètres. Il s'ouvre sur des fonds de 15 mètres par une passe de 200 mètres qui fait face à l'Est. Il a 50 hectares de superficie, il offre dans sa région Sud, 800 mètres de quais de rive dont les terre-pleins gagnés sur la mer pourront s'étendre dans le ravin d'El-Kantaraz. Il serait relié à Philippeville par une route longeant le rivage, et à la gare de chemin de fer par un tunnel traversant la montagne en ligne courbe pour aboutir au Sud de la ville.
              Ce port a toutes les qualités, nautiques désirables. Son unique défaut est d'être éloigné de la ville et d'être adossé à des montagnes qui l'isolent de l'intérieur du pays.

Le port de Philippeville

              Le port de Philippeville serait formé par un môle de 1.300 mètres enraciné sur le Cap Skidda et courant à I'O.N.C à 700 mètres du rivage. Il s'ouvre à I'O.N.O et présente une superficie d'environ 60 hectares, des profondeurs variables depuis 14 m jusqu'à 4 m. Il est bordé au S.E par un quai de 1.000 m, dont les terre-pleins gagnés sur la mer seraient reliés à la ville par une double rampe. Il est parfaitement couvert de la grosse houle du large, qui vient du N.N.E, quel que soit le vent. Il se trouve garanti du ressac par la jetée perpendiculaire qui ferme à l'Ouest. Il est protégé des vents par sa position au fond d'un golfe bordé par de hautes terres et par le parapet du môle. L'abri est donc complet contre la mer et suffisant contre le vent.

              L'entrée du port serait praticable quel que soit l'état de la mer et l'appareillage ne deviendrait impossible que par les vents du large assez forts pour empêcher de sortir de la baie en louvoyant.
              Lieussou estime le coût des travaux à 14 millions pour Stora et également 14 millions pour Philippeville.
              Dans sa conclusion générale, il estime :
              « Qu'il serait possible de créer soit à Philippeville, soit à Stora, un bon port de refuge et de commerce. Au point de vue nautique, Ies deux profils nous paraissent offrir des avantages et des inconvénients balancés. Mais l’intérêt de la ville grandissante, les convenances du commerce militent fortement en faveur de Philippeville pour qu'on ne puisse hésiter à la préférer. Son exécution est d'une extrême urgence.


              L’ingénieur Boutroux chargé d'étudier à nouveau les mouillages de Stora à Philippeville, présenta en 1857 un avant-projet de port à créer devant la ville même. Il remarqua qu'il ne s'agissait pas de créer un profil de refuge, mais de procurer le calme nécessaire pour les opérations commerciales. M Boutroux chercha surtout à défendre son port «contre I'effet de la houle énorme qui règne dans le port de Stora, et se lait nettement sentir aux abords de Philippeville ». Il nota qu'en cette partie du golfe, la houle s'avance dans la direction générale Sud.-Ouest. Il proposa par conséquent une grande jetée enveloppant le port du Nord à l'Est (brisant la houle), et une deuxième jetée perpendiculaire à la première, enracinée à la pointe du Château Vert, pour fermer le port du côté de l'Ouest. Le profil n'étant ainsi ouvert que du côté où il est sensiblement abrité par la disposition naturelle du rivage. M. Boutroux s'appliqua encore à placer l'entrée dans un endroit où les fonds sont uniformes et par une profondeur aussi grande que possible, sans toutefois porter trop au Nord la grande jetée. Il proposait en outre pour ce grand ouvrage une longueur totale de 1.400 mètres, et venant s'enraciner à 300 mètres à l'Ouest de la pointe Skidda, sur un plateau rocheux s'avançant à fleur d'eau jusqu'à 150 mètres au large. Ce point d'enracinement ne sera pas adopté finalement, malgré les avantages que M. Boutroux signalait : « je ne la fais pas partir du Cap Skidda, comme cela semblerait naturel, parce qu'ainsi j'évite de passer sur des fonds de sable vaseux. De plus, en partant de Skidda, pour la même longueur de jetée, la profondeur eut été plus grande. Cette disposition permet en outre d'avancer I'entrée vers l'Ouest ce qui la place davantage sous l'abri des terres qui forment la pointe Ouest du golfe. »

              En résumé, le projet de l’ingénieur hydrographe Boutroux fixait à peu près les traits essentiels de l'œuvre à entreprendre. Il a servi de base à une instruction complémentaire, qui dura encore trois ans, et qui apporta des modifications dans le détail des dispositions adoptées, surtout ce qui concerne I'aménagement intérieur, dans laquelle le choix de I'emplacement du port à créer dans le golfe de Numidie n'a plus donné lieu à contestation.
              Comme le dit l'Inspecteur général GAY dans un rapport du 1er mai 1875 : « L'assentiment unanime de tous les hommes et de tous les corps compétents se prononça en faveur de la baie de Philippeville.

              Des différents rapports des Commissions qui se succédèrent jusqu'en 1860, on peut résumer les motifs suivants en faveur de la construction d'un port devant Philippeville :
              1/ Les brises solaires sont très sensibles à Philippeville. Elles ne pénètrent pas à Stora. A Philippeville les vents violents, comme les brises régulières, sont dirigés dans un sens ou dans l'autre, suivant l'axe de la trouée dans lequel la ville est assise, tandis qu'à Stora ils soufflent en rafales déviées par les gorges des ravins sur les petites anses du littoral.
              2/ Pour établir le port à Stora , il aurait fallu prolonger le chemin de fer de 3.000 mètres en tunnels et corniches et imposer définitivement aux marchandises un trajet supplémentaire.
              3/ La ville de Philippeville existait. Elle comptait déjà 10.000 habitants, le terrain avoisinant lui permettrait de lui donner une extension à peu près indéfinie.
              4/ Au contraire, Stora, placée au pied d'escarpements abrupts et instables, en face d'une mer profonde, ne pouvait se développer économiquement , ni du côté de la terre, ni de celui de la mer.

              Après de longues et laborieuses études, et de savantes discussions dans lesquelles furent examinées avec soins les diverses considérations favorables ou hostiles à chacune des propositions, I'Administration fixa son choix sur Philippeville.
              Le 28 juillet 1860 paru le décret qui déclara d'utilité publique la construction du port de Philippeville.

              L'ordre de priorité à suivre dans les travaux était suffisamment indiqué par la destination des divers ouvrages :
              1/ Le premier travail à entreprendre sera le port provisoire et I'exécution des terre-pleins sur une étendue suffisante pour former des chantiers et donner les moyens de communiquer avec la grande jetée.
              2/ L'exécution de la grande jetée suivant son profil provisoire jusqu'à la longueur nécessaire pour donner un abri devant la ville
              3/ La jetée transversale destinée à former une darse.
              4/ La transformation des jetées en quais.
              5/ La construction de traverses ou d'embarcadères.
              6/ Enfin, si la nécessité en est reconnue, la construction de la jetée à l'ouest ( du Château Vert).

Chronologie des travaux exécutés jusqu'en 1960.

              L'avant projet Boutroux servit de base aux études qui conduisirent au programme définitif, lequel fut adopté en 1860 et comprenait :
              La construction d'une darse dans la partie Est, la partie Ouest fermant l'Avant-port.
              La construction de la Grande jetée sur 1400 mètres de long ( extrémité se trouvant à 600 m de la pointe du Château Vert).
              La construction d'une jetée traversable destinée à fermer la darse et à créer un petit port provisoire. A cet effet deux darses étaient prévues dans cette jetée.
              La construction de la jetée du Château Vert et la construction de l'avant-port définitif.
              Les travaux furent entrepris en 1861, l'ouvrage le plus important est incontestablement la grande jetée exécutée en général par des fonds de 15 à 20 m.
              C'est par elle que les travaux furent commencés et sur une longueur de 1.400 m conformément au programme définitivement adopté. Ces travaux donnèrent lieu à une lutte opiniâtre contre la mer - et ne furent pratiquement terminés qu'en 1890.

              Le programme des travaux adopté en 1860 fut poursuivi et réalisé entièrement.
              La jetée du Château Vert fut entreprise en 1877 et achevée en 1882. Elle présentait alors une longueur de 400 m environ et se composait uniquement d'enrochements naturels. Elle fut allongée par la suite de 1900 à 1905 de 100m environ.

Quais et traverses

              La construction des murs de quai fut entreprise en 1881. Ils étaient pour la plupart constitués par 4 assises de blocs artificiels de 10 m3 superposés et reposant à 6 m au-dessous du niveau de l'eau sur des massifs d'enrochements
              Les traverses furent réalisées en même temps que les murs de quai de la darse.
              Les terre-plein furent réalisés au fur et à mesure de l'avancement des travaux de murs de quai.
              L'achèvement du programme de 1860 peut être fixé aux environs de l'année 1890.

Le prolongement de la jetée

              Dès l'achèvement de la première section de 1400 m de longueur la nécessité d'un prolongement fut reconnue bien que la jetée du Château-Vert, fut construite. Le prolongement fut décidé sur une longueur de 225 m en 1890 et les travaux entrepris à partir du 1er janvier 1891. Ils furent terminés en 1897.
              Cependant des travaux complémentaires furent réalisés cependant encore plusieurs années et l'achèvement complet des travaux intervint en 1903.. Par la suite d'autres travaux portant essentiellement sur I'approfondissement de la darse et de l'avant-port furent réalisés.
              1903-1904- Un premier déroctage portant sur un cube de 10.000m3 permit de réaliser des fonds de 10 m dans I'avant-port.
              1910-1911 -D'autres déroctages eurent pour effet de réaliser sur toute I'étendue de la darse une profondeur de 7m40
              1930-1931 - Elargissement du terre-plein Est de la darse obtenu par la reconstruction du quai Est à une distance de 20 m en avant de l'ancien quai, ces travaux eurent pour effet d'agrandir sensiblement ce terre-plein et de permettre ultérieurement de l'affecter au trafic du charbon.
              1937- Aménagement d'un parc à blocs sur le terre-plein Sud-Ouest de I'avant-port muni d'un quai ( provisoire) en vue du chargement direct des blocs..

              1941-1942 - Construction d'un terre-plein à I'enracinement de la traverse Sud ( côté avant-port), installations de dépôts de produits noirs ( bitumes).
              Vers 1950 : Construction d'une zone industrielle, annexe des terre-pleins du port déclarée d'utilité publique le 9 octobre 1945 et concédée à la Chambre de Commerce le 26 mars 1948:
              Ces terrains situés au Sud-Est de la ville sont reliés au port par route, chemin de fer et pipe-line, d'une superficie totale de 20 ha environ (y compris voies intérieures et dessertes), ils sont destinés à la création de dépôts d'hydrocarbures et à l'implantation d'industries transformant les produits et les matières premières reçus par mer.
              Actuellement la zone industrielle, entièrement équipée est occupée en majeure partie ; en raison de l'affluence des demandes de location, il est envisagé d'étendre cette zone vers le Sud de manière à doubler sa superficie.
              1951-1953 - Construction des nouveaux quais et terre-pleins de I'avant-port comprenant :
              Un élargissement de la traverse Sud dans sa partie Ouest sur une largeur de 38 m et la construction de quais à grande profondeur. 160 m de quais fondés à moins 10 et 84 m de quais à moins 7.
              Trois appontements constituant un poste d'accostage pour navires pétroliers, ces ouvrages étant construits sur la partie intérieure de la grande jetée.
              Les dragages et les déroctages dans l'avant-port, permettant de recevoir au nouveau quai de la traverse Sud les navires de gros tonnage et aux appontements des tankers pétroliers d'un tonnage élevé.


              1955 - Le déroctage de la darse de manière à obtenir des profondeurs de 9,65 sur la majeure partie de sa surface est entièrement terminé. Ces travaux ayant porté sur plus de 50.000 m3 cubes de déblais sous-marins permettant aux navires de gros tonnage d'effectuer leurs opérations soit à bord soit à quai, soit à une distance de 6 m du quai au droit du terre-plein Sud-Est en vue du chargement et du déchargement des céréales par le silo construit en 1955.
              1956 -Construction d'une route d'accès aux appontements pétroliers établis sur la Risberme intérieure de la grande jetée ainsi que trois appontements pétroliers supplémentaires constituant avec ceux déjà existants, deux postes d'accostage d'une longueur utile de 450 m.
              Démolition des anciennes installations du transporteur des mines de fer d'El-Halia dans la partie Est du port et construction d'un dépôt d'hydrocarbure d'une capacité de 20 000 m3 en vue du transit des pétroles du Sahara.
              1957 - Construction dans la partie Sud-Ouest de l'avant-port d'un quai et d'un terre-plein destinés à 1'accostage du matériel naval el aux futures installations du parc de balisage du service des phares et balises.
              1958 - Prolongement de la route d'accès aux appontements pétroliers jusqu'à la nouvelle traverse Nord.
              1960 -1961 :
              Construction de 260 m de voies de roulement pour grues sur la traverse Sud.
              Allongement sur une longueur de 104 m des voies ferrées de la grande jetée.
              Construction d'un hangar de 2800 m2 à la zone industrielle
              Amélioration de I'0léoduc reliant le port à la zone industrielle par revêtement intérieur en ciment
              Construction d'une voie de roulement de 400 m sur les quais Sud et Sud-est.
              Re profilage du quai Sud.
              Electrification des quais Sud et Sud-Est pour l'alimentation des grues.

              

Description du port en 1954.

              Le port de Philippeville est abrité : au Nord, par une digue longue de 1625 m qui, enracinée à l'Est sur la pointe de Skidda, s'allonge dans une direction légèrement divergente par rapport à la côte.
              A l'Est par le massif de Skidda.
              A l'Ouest, par la jetée du Château Vert, laissant libre une passe de 100 m de largeur qui constitue l'entrée de I'avant-port.
              Le port comprend deux bassins :
              L'avant port de 32 ha et la darse de 19 ha, séparés par une traverse dans laquelle est aménagée une passe de 90 m de largeur.
              Les marées sont peu sensibles dans le port de Philippeville, elles sont dues presque exclusivement à l'influence des Vents régnants. La différence de niveau peut atteindre 70 cm. Les vents les plus fréquents sont ceux du Nord-Est.


              La construction du port de Philippeville est une des grandes œuvres parmi tant d'autres de la colonisation Française qui redonna à cette terre d'Algérie le visage d'une des plus belles provinces de la métropole en en faisant un pays moderne, le sortant de la misère, lui rendant la prospérité que 16 siècles d'occupation arabe et turque auraient ruinée.
              C'est ainsi grâce à la compétence de nos ingénieurs, de tous ceux qui participèrent à sa construction, aux investissements et aux sacrifices nécessaires que le port de Philippeville devint le deuxième grand port de la province de Constantine

Bibliographie : Archives d'Aix en Provence, le Port de Philippeville.
Philippeville, ses souvenirs par Gilbert Attard.

    
MUTILE N° 7, du 3 septembre 1916

APPELS AUX CAPITALISTES
ET PROPRIETAIRES ALGERIENS

              Lorsque victime de la plus brutale et inexcusable agression, la Patrie a fait appel à ses enfants, nous nous sommes levés tous comme un seul homme pour répondre à son cri d'angoisse. Nous n'avons pas songé à ce moment que nous -laissions derrière nous des familles en larmes et c'est avec joie que nous avons rejoint nos frères métropolitains, assez, tôt pour mêler notre sang au leur jusqu'en Lorraine annexée, jusqu'en Belgique.
              A ce moment il n'existait ni caste, ni classe. La mobilisation était générale par ordre, certes, mais elle était spontanée dans tous les cœurs, quarante quatre ans d'humiliation avaient surexcité nos nerfs.

              Sur les uns comme sur les autres champs de bataille nous avons mérité l'estime de nos frères d'armes de la métropole et justifié l'espoir qu'on avait des légendaires troupes d'Afrique. Nous en causons aujourd'hui bien à regret, puisqu'il est prouvé qu'il n'est pas un point du territoire Français qui n'ait révélé dès héros.
              Il ne nous appartient pas de nous décerner des lauriers, d'aucuns en ayant les pouvoirs l'on déjà fait, peut-être incomplètement, mais nous comprenons que dans cette course à l'héroïsme, sport éminent goûté par notre race, le temps manque à ceux qui ont à charge de récompenser la valeur, puisque beaucoup espèrent la récompense d'un geste héroïque que nous Poilus appelons simplement le Devoir.
              Des mois pour les uns, des jours pour les autres se sont écoulés depuis que nous avons été rendus aux nôtres, parce que mutilés delà plus horrible des guerres.

              Nous ne récriminons pas, heureux des sacrifices consentis et tiers de porter les traces évidentes des combats meurtriers que nous avons affrontés. Qu'importent les blessures du corps ; ceux qui les ont occasionnées n'en parleront jamais et s'il en était autrement peu nous chault, c'était dans la mêlée atroce, où les instincts brutaux se révèlent et où il faut frapper sans commisération ne fut-ce que. Par instinct de conservation.
              Nos coups étaient bien portés, de même nous les avons bien reçus, à la Française et si quelque chose attriste notre pensée, c'est que nos infirmités ne nous permettent plus d'affronter les dangers que courent les frères d'armes que nous avons laissé face à l'ennemi.
              Une autre pensée nous attriste aussi et nous vous la montrons dans toute son horreur pleine de réalité : c'est le souci de l'existence.

              Sans doute le Gouvernement à consenti pour nous les pensions d'usage, sans doute avons nous trouvé dans le Patriotisme Algérien l'aide et le réconfort qui nous était nécessaire pour triompher de notre découragement et des nécessités et obligations de plus en plus impérieuses de l'existence.
              Partout, à notre appel, une ligue de patriotes enthousiastes s'est créée, non seulement mue par la pitié, mais par un sentiment qui l'honore d'avantage, la reconnaissance aux vaillants qui ont opposé à l'avalanche boche leur volonté immuable, d'arrêter leur offensive sous les murs de Paris.
              France d'abord et surtout ! Telle à été notre pensée. C'est en effet sur le sol de cette France chérie et meurtrie que se jouait l'avenir non seulement de la Patrie bien aimée, mais de toutes les Colonies qui en sont tributaires. En ce moment nous n'avions nul souci de notre pays natal, car nous ne connaissions pas le destin qui était réservé à notre belle colonie.

              Depuis la révélation de l'odieux rêve boche, nous comprenons mieux pourquoi notre héroïsme a été doublé. Nous avons défendu et la mère et la nourrice.
              Loin de nous la pensée de discerner entre elles, nous les aimons également, l'une avec un respect atavique, un dévouement allant jusqu'à l'ultime sacrifice, l'autre avec le respect qu'est dû à celle qui nous a procuré par un dur labeur le droit de puiser en son sein des trésors inestimables.
              Si le sort des armes avait prévalu en faveur des boches, nous serions certainement Prussiens. Nul n'ignore aujourd'hui que l'Afrique du Nord tout entière indépendamment des provinces métropolitaines aurait été la rançon de la défaite de notre France.. Nul n'ignore est mal dit, puisqu'il est des esprits simplicités que n'a pas hanté cette amputation.

              Parce que la guerre avec toutes ses horreurs,, n'a pas semé la ruine dans notre belle Colonie, parce que nos foyers n'ont pas connus les déprédations de l'immonde envahisseur, parce qu'au lieu du sang-vermeil ils n'ont vu couler que les larmes de ceux qui ont perdu des êtres chers sur les champs de carnage, certains sont restés sourds aux misères innombrables qui les entourent.
              Et c'est ainsi qu'il s'est formé une catégorie d'indifférents.
              C'est à eux que nous nous adressons en leur répétant : «Vous devez à nos Morts Glorieux à nos Mutilés Respectables, la conservation de vos biens. Par eux vous vivez en quiétude ; qu'un peu de votre solitude aille à eux ».

              Mais comment direz-vous ? Nous sommes prêts à subventionner leur groupement ; C'est très beau, vous répondrons-nous, ce geste vous honore, mais l'argent est périssable et puis, ces fonds que vous nous remettez et dont nous donnerons justification même à ceux qui ne les ont pas versés, sont insuffisants. Il ne sont qu'un palliatif à nos infirmités qui sont éternelles, si nous pouvons nous exprimer ainsi. Il y a d'autres moyens que votre sollicitude saura trouver. Par exemple : croyez-vous qu'un mutilé ne soit pas apte à gérer un immeuble ? Pensez-vous qu'il soit déplacé dans un rôle de concierge ? Pensez-vous lui confier un emploi d'encaisseur quand il porte avec quelque gloire les insignes de l'honneur !
              Que sais-je ? Il y a là un vaste champ de trouvailles généreuses que vous-pourrez exploiter parce que nous vous avons sollicité. C'est un de nos droits, mais y répondre par un geste d'acquiescement, c'est pour vous un devoir.
J. ASCIONE
Mutilé de la Grande Guerre


Prière d'éTé
Par M. Marc Donato

          Notre association d'histoire de Manosque a repris ses présences le samedi matin, jour de marché, dans la rue Grande et votre serviteur assure sa permanence avec les copains. C’est la période des vacances et les touristes passent devant nous, offrant parfois à nos yeux ébaubis le spectacle de corps splendides.

          Que je vous arrête tout de suite : vous pourrez m'accabler de tous les mots, charger ma mule de tous les vices de la création, mais jamais vous ne prendrez ma moralité en défaut.

          Elle n'a jamais donné lieu à quelque que critique que ce fût et ce ne le sera jamais. Esthète, vous dis-je ! Si je vous assure que les jeunes femmes qui passent devant moi sont jolies, il ne faut voir là qu'un jugement d'esthète. Et oui, je suis un esthète (bon, ça va, je vous entends de là : esthète de quoi ? Non je vous en prie, c'est trop facile !) et j'apprécie ce que Dieu, Allah, Jéhovah ou Krishna nous ont donné de plus beau : la Femme, que je veux honorer avec le texte qui suit, ressorti de mes tiroirs. Initialement, il s'intitulait « Rue Grande » et puis il est devenu cette « Prière d'été », action de grâces rendue à l'Eternel. Il veut tout simplement vous honorer, Mesdames, vous qui savez nous offrir ce qu'il y a de plus magnifique : votre beauté. A condition que la révéliez à nos yeux ébaubis (je répète parce que j'aime « ébaubis » !) et je peux mesurer aujourd'hui la fulgurance ou la tristesse suivant que le corps qui passe devant mon étalage de publications historiques est dévoilé ou pas.

          Un poème libertin ? Sans doute, mais il a quand même été inspiré par le très mystique Cantique des Créatures, de saint François d'Assise " Loué sois-tu, Seigneur...". Alors, je vous en prie, respect pour saint François, respect pour la Femme, respect pour la poésie, respect pour l'esthète.

          Pourquoi s'adresser à saint François ? Qui a dit qu'il vaut mieux s'adresser au Bon Dieu qu'à ses saints ? Un ignare qui n'a probablement jamais compté les marches qui, de saint Abraham à saint Zotique, forment l'interminable escalier d'intercessions menant au trône céleste. Comme saint François niche quelque part au milieu du chemin, j'ai fait une pause sur le palier pour lui demander l'inspiration. Avouez qu'il a été de bon conseil puisque cette Prière d'été a été récompensée par un prix de poésie.

          Allons, laissons parler Erato (la muse de la Poésie). J'ai déjà envoyé ce texte au moment du covid, mais je ne résiste pas à vous le renvoyer ; la beauté est éternelle et les femmes toujours aussi belles... Et je compte sur votre mémoire défaillante !

Prière d'éTé

          Pour ces joues rehaussées au teint couleur de pêche
          Je dis Merci, mon Dieu.
          Pour ces peaux rissolées au soleil du Midi,
          Je dis Merci, mon Dieu.
          Pour ces dos révélés qu'Hélios a mordorés,
          Je dis Merci, mon Dieu.
          Pour ces cous dégagés par d'érotiques chignons,
          Je dis Merci, mon Dieu.
          Pour ces épaules rôties qu'on voudrait bien croquer,
          Je dis Merci, mon Dieu.
          Pour toutes ces échancrures aux reliefs enchanteurs,
          Je dis Merci, mon Dieu.
          Pour ces gorges ouvertes à nos regards envieux,
          Je dis Merci, mon Dieu.
          Pour ces seins provocants dans leur écrin offerts,
          Je dis Merci, mon Dieu.
          Pour ces robes légères esquissant des contours,
          Je dis Merci, mon Dieu.
          Pour ces jeans taille basse, ces hanches libérées,
          Je dis Merci, mon Dieu.
          Pour tous ces papillons posés au bas des dos,
          Je dis Merci, mon Dieu.
          Pour ces verts tatouages gravés aux creux des reins,
          Je dis Merci, mon Dieu.
          Pour ces pantalons blancs et ces strings soulignés,
          Je dis Merci, mon Dieu.
          Pour ces jambes galbées conduisant au bonheur,
          Je dis Merci, mon Dieu.

          Pour toutes ces tentations, pour toutes ces frustrations,
          Pour toute cette torture que tu oses m'infliger,
          Je ne dis pas Merci, mon Dieu.
Marc DONATO. Aout 2024.


PHOTOS 1914 - 1918
Envoi de M. Charles Ciantar

Guerre 1914 1918 Troupes Nord Africaines

Carte Charles Ciantar
Carte Charles Ciantar



Carte Charles Ciantar


Carte Charles Ciantar




Carte Charles Ciantar



Carte Charles Ciantar



Carte Charles Ciantar



Carte Charles Ciantar


Le Navire Fantôme.

par Jean Claude PUGLISI,
"Le passé est rempli de Spectres,
à quoi bon les réveiller !"

        Cette histoire commence, dans un petit port d'Afrique du Nord, une région qu'on nommait autrefois la Barbarie. De nombreux chalutiers étaient amarrés en ces lieux et sortaient tous en mer de grands matins, afin d'aller pêcher au chalut tout au long de la journée. Mais, cependant, ils n'avaient le droit de ne pêcher, que, 6 mois à terre et 6 mois au large, afin, que, le poisson, puisse se reproduire dans de bonnes conditions. Ils partaient donc en mer tous les jours, sauf, le dimanche et les jours de grand mauvais temps de mer où, les bateaux restaient sagement à quai. Puis, les années passant, la vie ne changeait pas pour les marins-pêcheurs, qui, continuaient fidèlement, à s'occuper de leur fonction = remaillage des filets, entretien des bateaux... Toutefois, parmi eux, personne n'avait oublié, le tragique naufrage du chalutier "le Merlan" et surtout, cette question restée sans réponse, qui, malgré le temps, persistait dans toutes les mémoires. En effet, lors de ce naufrage, alors que tous les membres de l'équipage avaient été évacués, le chalutier endommagé dont les moteurs tournaient toujours, a continué à voguer tout droit vers le large, sans que l'on ne sache vraiment où, il avait exactement coulé. Des recherches ultérieures, n'ont ramené aucuns indices et même sur la côte, on n'avait pas découvert gisant sur le rivage, quelques débris provenant du bateau, ainsi que sur la mer, qui, ne laissa pas de révéler, des nappes de mazout flottant en surface.

        "Le Merlan", avait donc disparu comme par enchantement, ce que toute la cité a appris et conservé en mémoire.

        Le temps a passé, mais, le souvenir du "Merlan" devait resté gravé dans tous les esprits et il arrivait très souvent, que, ce naufrage fut évoqué, avec toujours la même question = "Mais, où ? a-t-il fait naufrage." Puis un matin, alors qu'il faisait encore nuit et que tous les chalutiers avaient pris la mer, leurs capitaines qui se tenaient à la barre, remarquèrent, qu'un bateau, voguait sans bruit tous feux éteints à distance des chalutiers. Nous étions à une époque où, la pêche était autorisée au large, mais, bizarrement, ce navire circulait à terre presque tout près des côtes. Ce mystérieux navire, avait la taille d'un chalutier, mais, personne sur le pont et même pas de bruit du moteur, ce que devait remarquer les marins, mais, aussi révélé, à la jumelle par l'un des capitaines de chalutier. Alors que tous s'interrogeaient, sur la présence de ce curieux navire, qui voguait "à terre" bien que ce fut interdit, il prit doucement de la vitesse et disparut dans le lointain, laissant tous les membres des équipages interdits. Les discussions allaient bon train sur chaque chalutier et puis arrivés au large, tous se mirent au travail pour caler leurs filets et pêcher à la traîne. Ce n'est que le soir, lorsque la plupart des marins s'étaient retrouvés dans les bistrots de la cité, que les conversations reprirent de plus belles. Mais, disait-on, quel était ce mystérieux navire ? qui croisait dans les parages, tout feux éteints presque sur la côte et chacun donnait sa version de ce qu'il avait observé. Finalement, comme il se faisait tard, tout le monde rentra chez soi, pour aller se reposer avant de reprendre la mer. Puis, les jours passèrent et l'on ne vit plus ce curieux navire. Cependant, un capitaine de chalutier, curieux de savoir d'où il était inscrit maritime, devait contacter tous les ports des alentours. Mais, il lui fut répondu, qu'aucun de leurs vaisseaux, n'avait été pêcher dans le secteur maritime ce matin là. Mais, d'où diable venait ce bateau ? et comme il ne réapparut plus, les marins-pêcheurs ne se posèrent plus de questions et le fameux navire tomba dans les oubliettes.

        Les saisons, laissant la place aux saisons, il arriva un beau jour que la pêche au large, devait laisser la place à la pêche à terre, ce qui convenait bien aux chalutiers, car, ils n'avaient plus besoin de faire de long trajet pour se rendre sur les lieux de pêche et le retour au port était bien plus rapide. Un matin alors qu'il faisait encore nuit, les chalutiers prirent la mer, pour se répartir tout près des côtes. Le jour commençant à peine à se lever et les filets déjà mis à l'eau, alors la traîne devait commencer à petite vitesse. Une partie de l'équipage alla se coucher un petit moment et seul restait à la barre le capitaine et quelques rares marins sur le pont. Soudain ! dans le lointain, apparu le même navire vu autrefois, qui avançait lentement et qui semblait défier ses semblables. Mais, il était loin et on n'arrivait pas à le distinguer clairement même à la jumelle. Il passa lentement sur l'horizon, pour s'arrêter un moment, comme s'il observait les chalutiers en train de pêcher. Ce manège devait durer plus d'une heure et puis, soudain ! il disparut vers le grand large. Les équipages pensèrent que c'était sûrement un bateau Italien, mais, aucun pavillon ne flottait sur son mat et le pont était désespérément vide de toute présence. Par contre, il était peint tout en noir, ce qui lui donnait un air funèbre, ce que ne manqua pas de relever le capitaine d'un chalutier, qui suivait depuis un moment, ce curieux navire avec ses jumelles.

        De retour au port, on ne parla plus que de cet étrange navire et de la façon qu'il avait d'être à terre ou, au large, contrairement à tous les autres chalutiers, qui respectaient la réglementation. Superstition aidant, certains commencèrent à évoquer "le Hollandais volant", un film qui était passé un jour dans le cinéma local. Puis, au fur et à mesure des discussions, Cyprien, un vieux marin pêcheur, qui depuis un moment, suivait les conversations en fumant sagement sa pipe, fit entendre de sa voix chevrotante = ce navire mystérieux ? c'est peut-être ? "le Merlan", qui revient pour nous rappeler à lui. Le silence se fit tout à coup dans l'assemblée et personne ne pensa même; à se moquer des propos du vieux Cyprien. Quelques-uns d'entre-eux qui avaient aperçu le bateau ce matin là, avouèrent qu'effectivement, ce navire semblait avoir quelque ressemblance avec "le Merlan" et la soirée fut riche en suppositions de toutes sortes, sans que jamais aucun d'entre-eux, n'eut le désir de contester cette idée. Il faut dire qu'à cette époque un vent de superstition ancestral, était depuis longtemps descendu sur le petit peuple de la cité, peut-être ? parce que la majorité était d'origine Italienne et avait gardé en mémoire, toutes les traditions de leurs ancêtres.

        Un dimanche matin, les chalutiers étant à quai et que le temps était incertain, comme de coutume, les marins-pêcheurs se retrouvèrent en groupe sur l'esplanade face à la mer et regardaient passer les nuages dans le ciel où, chacun faisait ses prévisions météorologiques. Ils observaient surtout, l'entrée du port agressé par des vagues, qui rendaient la passe presque impossible à franchir. Soudain ! émoi parmi eux et un mouvement de la foule, qui se précipita au plus près des parapets qui dominent la mer. En effet, on distinguait un navire tout de noir vêtu, qui stationnait non loin de l'entrée du port. Il resta là un bon moment sur place, comme s'il voulait se faire bien remarquer de la foule. Puis, il reprit sa route et disparu derrière la côte. Cependant, tous avait pu remarquer que le pont était vide et que l'on apercevait pas l'homme de barre. Par ailleurs, dans les gréements, aucun pavillon ne flottait au vent, autrement dit, ce bateau était d'origine inconnue. Passé cet instant, les marins entamèrent de vives discussions où, chacun disait la sienne et à sa façon, mais, le nom du "Merlan", revenait toujours dans les propos des uns et des autres. Cependant, la recherche du port d'attache de ce navire, fut de nouveau explorée de fond en comble, mais, aucun port ne comptait ce bateau parmi les siens. Alors d'où, venait ce curieux navire ? si ce n'est que de nulle part, autrement dit, ce ne peut être qu'un "Vaisseau Fantôme !" Voilà ce qu'il fut admis par tous en conclusion et chacun rentra chez-lui bien pensif.

        Les mois ont passé et bientôt on n'évoquât plus ce "Vaisseau Fantôme", qui, par ailleurs, n'apparut plus sur la mer et en définitive, cette histoire fut pratiquement oubliée, de presque tous les marins-pêcheurs. Cependant, elle n'était pas encore terminée, car, un matin tôt, alors que les chalutiers avaient pris la mer, soudain ! il réapparu comme par enchantement, se tenant toujours à une distance respectable des autres bateaux, pour ensuite prendre le large et disparaître de la vue de tous les marins. De retour au port, une réunion secrète fut alors organisée, présidée par le grand Felix, le plus audacieux des capitaines, afin de faire le point et trouver enfin une solution à cette histoire. C'est dans l'arrière salle du bistrot où, ils avaient coutume de se réunir, que, ce soir là, cette réunion devait se tenir pour se terminer tardivement. Mais, il semble qu'une solution avait enfin été trouvée = il s'agissait, en quelque sorte, de quadriller tout le secteur maritime avec leurs chalutiers, afin de prendre en nasse ce fameux bateau et c'est ce qu'ils firent à l'unanimité. Chaque chalutier ayant reçu sa place, devait rester en contact radio permanent, avec les autres bateaux et ainsi, ce piège semblait parfait. Maintenant, il n'y avait plus qu'à attendre et passer à l'action...

        Dans la deuxième partie de la nuit, les chalutiers sortirent l'un après l'autre de très bonne heure et chacun gagna la place qui lui avait été attribuée. C'est tous feux éteints et moteur à l'arrêt, qu'une très longue attente devait commencer. Le vaisseau Fantôme allait-il se manifester ? Mais en vain et durant plusieurs jours, pas l'ombre de ce bâtiment. Mais, ne se décourageant pas, la traque se poursuivait, encouragée par le grand Felix et docilement, les équipages attendaient que ce maudit navire se manifeste. Ce qui fut fait par un petit matin et c'est par radio, que tout le monde fut sur le pont, c'est alors qu'une course poursuite s'engagea, tous les chalutiers moteur plein gaz, se lancèrent à la poursuite du navire, qui pris rapidement la direction du grand large, pour disparaître du côté des îles de la Galite où, l'on perdit sa trace malgré toutes les recherches. Enfin, le grand Felix était à présent sûr d'une chose, ce bateau logeait quelque part du côté de la Galite, mais, où ? Il décida alors, de laisser sur place et à tour de rôle un chalutier en sentinelle.

        Les jours se succédaient aux jours, mais, rien à l'horizon, se qui engagea grand Felix, à explorer la totalité des îles de fond en comble. Un beau jour, alors qu'il naviguait à proximité de l'île de la Galite, il repéra l'entrée cachée d'une petite crique, qu'on avait du mal à voir de la mer. Il s'approcha de plus près de l'embouchure, pour repérer qu'elle s'enfonçait dans l'île et se terminait par un élargissement de ses rives couvertes par la verdure. C'est alors que Grand Felix, distingua une masse noire vers le fond de la crique = c'était lui, le fameux navire fantôme ! Alors par radio, il alerta tous les chalutiers, qui, devaient alors, rapidement se rendre sur les lieux. Découvert, le vaisseau fantôme tenta une sortie en doublant tous les chalutiers et pris la mer à vive allure, poursuivi de près par une escouade de chalutiers. Les équipages reconnurent le "Merlan", qui, pourtant, aurait fait naufrage il y a quelques années.

        La poursuite devait durer une bonne partie de la journée et c'est vers le soir, que l'on vit soudain, le bateau s'enfoncer doucement dans les flots et disparaitre. Deux rescapés, furent hissés sur l'un des chalutiers et ramenés à terre afin de les interroger. Il s'agissait, de deux vieilles personnes de sexe masculin, qui, s'exprimaient, dans un espèce de patois sicilien et qui restaient prostrés dans leur coin, répondant difficilement aux questions de grand Felix. C'est tard dans la nuit, que cette histoire connu enfin ses conclusions = "lorsque le Merlan vidé de son équipage et après sa collision pris le large, nul ne su où, il avait fait naufrage. Il prenait l'eau et ces moteurs tournaient encore, lorsque qu'il fut perdu de vue, c'est ainsi, que personne ne su le lieu du naufrage... Mais, il faut savoir que le "Merlan" n'avait pas coulé et qu'il continua sa route vers le large. Il devait croiser, une barque montées par deux marins venus de Sicile, qui, curieux, de voir ce navire sans aucune personne à bord et qui cheminait droit devant, l'accostèrent et grimpèrent sur le bateau, pour se rendre compte qu'il était vide et sûrement abandonné par son équipage. Ils décidèrent alors, de se saisir de ce bâtiment, pour ensuite l'emmener en Tunisie, afin de faire réparer la voie d'eau, par des charpentiers de marine. Ensuite de crainte qu'on ne vienne le récupérer, il devaient le peindre en noir et l'emmener dans une crique, qu'ils connaissaient sur l'île de la Galite où, ils établir un petit port d'attache. Durant quelques années, ils vécurent là, se nourrissant de chèvres sauvages, de poissons et pêchant le corail, qui était abondant autour de l'île. Puis, ce corail, ils allaient le monnayer en Tunisie où, ils en profitaient pour faire le plein de victuailles et de gas-oil pour alimenter le moteur. Mais surtout, ils avouèrent être restés discrets, afin qu'on ne leur saisisse pas le chalutier d'où, leur façon de jouer au vaisseau fantôme. Quand au naufrage de ce bateau, se sont eux qui l'ont coulé par le fond, afin qu'on ne devine pas qu'il s'agissait du "Merlan".

        Voilà, à présent cette histoire est finie, les deux vieux marins, remis en liberté ont regagné leur Sicile natale et le petit peuple des marins-pêcheurs continua de pêcher, mais, ils évoquaient toujours ce fameux navire fantôme, qui n'était autre que le chalutier "le Merlan", qui repose maintenant au fond de la mer, après avoir eu un destin bien particulier.
Docteur Jean-Claude PUGLISI,
de La Calle de France -
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage
Giens en Presqu'île - HYERES ( Var ) le 16.06.2024..

P.S. = Ce conte tiré de mon imagination, m'a été inspiré par le naufrage du "Merlan", dont encore aujourd'hui, personne ne peut dire où il a fait naufrage.


Algérie catholique N°7, 1937
Bibliothéque Gallica

La Fête de Saint Christophe
à la Pointe-Pescade (Alger)

        Gracieuse, harmonieuse, pittoresque d'allures avec ses arêtes à pic qui surplombent la mer avec ses villas toutes fraîches baignées dans une verdure dont les tons s'animent, s'illuminent sous un soleil vainqueur, la Pointe Pescade, ce dimanche 6 juin, présente une animation tout à fait inaccoutumée. D'innombrables autos de toutes marques, de toutes grandeurs, de tous modèles, de tout de toutes grandeurs, de tous âges, de toutes provenances, même lointaines, enfilent la rue principale où un service d'ordre actif, sagement organisé et fleurant bon la vieille courtoisie française, les range avec un souci parfait de ne perdre ni temps ni place sur un vaste terrain vague que domine une large tribune face à la mer.

        Le spectacle qu'offre cette esplanade à 9 heures du matin fait songer à quelque mobilisation générale des véhicules, à une inspection qui devrait être passée de la carlingue d'un aéroplane car les voitures se touchent d'un bout à l'autre du terrain sans qu'il existe entre elles le plus étroit passage qui permit la circulation.

        Que signifie ce rassemblement inusité ?
        C'est une revue annuelle, volontaire et libre que passe pour ses nombreux fidèles un chef débonnaire et bienfaisant protecteur et patron de ses clients dévoués : le Bon Saint Christophe.

        Chaque année, depuis 6 ans, la fête, grâce à l'incomparable activité, au zèle et au talent d'organisation de M. le Chanoine Bado, grâce aussi à la toujours croissante popularité acquise par Saint Christophe dans toute l'Afrique du Nord, la fête, dis-je, remporte un véritable succès. Originalité du décor, choix judicieux de l'emplacement, religieuse cordialité de l'accueil, confiance pieuse et reconnaissante des « Fervents » de plus en plus nombreux, beauté des cérémonies dans un cadre impressionnant, tout concourait à attirer les pèlerins.

        Cette année cependant, l'attraction était plus grande encore. S. Exc. Mgr Leynaud, le très paternel, très actif et très aimé archevêque d'Alger, avait décidé de présider les diverses cérémonies et de procéder en personne à la bénédiction des voitures pour ponctuer, en le rendant officiel et public, un événement qui doit marquer dans l'histoire de la Confrérie de Saint Christophe.
        Le but principal proposé dès l'origine à la générosité pieuse des membres de la Confrérie était en effet la construction d'un temple dédié au Saint patron des Voyageurs, à la Pointe Pescade. Or si la construction de l'édifice est encore un événement futur, ce qui est devenu une rayonnante réalité c'est l'érection imminente de la Cité des Ames, de l'Eglise spirituelle de la paroisse enfin, placée sous le patronage de Saint Christophe.

        Dans une propriété que vient d'acquérir l'Association Diocésaine et qui abritera le nouveau pasteur et ses œuvres, une chapelle provisoire va s'ouvrir incessamment.

        C'est donc un double courant de joie pieuse qui saisit à la fois la population permanente de la Pointe Pescade, enfin assurée de voir son ardent désir prendre corps, et les voyageurs de passage, protégés de Saint Christophe, heureux de voir ainsi glorifier leur bienfaiteur.
        A 9 heures donc, précédé par les autorités municipales de Saint-Eugène, maire en tête, par les actifs et dévoués organisateurs de la fête, conduit par deux sociétés musicales : la Jeanne d'Arc et l'Etoile de Bab-el-Oued, toutes deux irrésistibles d'allant, impeccables de discipline et de tenue, le cortège composé des deux Séminaires, du Clergé et de Monseigneur gravit les degrés qui accèdent à la vaste tente toute parée d'oriflammes aux couleurs joyeuses, de fleurs et de verdure à travers lesquelles se jouent les rayons tamisés d'un soleil de feu.
        Et la Messe commence !

        Je ne m'étendrai pas sur les chants liturgiques qu'exécutent les séminaires de concert avec la foule ni sur les morceaux de musique que détaille la Jeanne d'Arc au cours du Saint Sacrifice célébré précisément par le nouveau curé de la jeune paroisse. Je signale simplement le mot très court, mais combien vibrant de joie pastorale, que prononce Monseigneur à l'Offertoire pour annoncer officiellement l'ouverture prochaine à la Pointe Pescade d'un centre religieux dédié à Saint Christophe.


        Quand la Messe est terminée, le Père Bliguet se lève et commence son discours en traçant de Saint Christophe une magistrale silhouette. En quelques traits, il campe les faits principaux de la vie, de la vie et de la mort par le martyre.


        Puis il reprend son portrait pour le pousser davantage et le présenter, en le divisant en périodes, sous trois aspects différents. De chacun d'eux il tire une utile leçon.
        Sur le premier panneau du triptyque, figure un géant peu sympathique, qui se sert de ses forces physiques extraordinaires pour piller et razzier. La Divine Providence lui ménage cependant un jour une rencontre qui le subjugue, le saisit et le transforme, celle de Saint Babylas d'Antioche, un chrétien intégral, « véritable incarnation de la douceur et de l'esprit du Christ »....
        Puissiez-vous, conclut l'orateur, profiter aussi bien de vos meilleures rencontres !

        Et voici la seconde image. : le brigand s'est mué en un chrétien ardent, qui pour rendre service à ses frères en danger s'est installé passeur au bord des torrents dangereux. Une nuit d'orage et de tempête, un enfant se présente que Christophe transporte avec peine tant il est lourd malgré ses apparences...
        Arrivé sur l'autre rive, l'enfant se découvre : Il est le Maître et le Sauveur du Monde, le Christ Jésus.
        Qui n'a pas fait à un tournant de sa vie la rencontre de Dieu ? Combien il importe alors de ne pas déposer le fardeau.
        Sur le troisième panneau, Christophe a vieilli en accomplissant son bienfaisant métier.

        Il entend alors parler des martyrs et brûlant de se joindre à eux il part, se fait emprisonner et attend les tortures. On lui adresse des courtisanes... qu'il convertit et qui le précèdent au martyre. Que les actuels périls de la route deviennent des triomphes du Christ !
        Le moment est venu maintenant de bénir les voitures. Monseigneur l'Archevêque s'est levé et, face à la foule, prononce les paroles liturgiques puis il invite à commencer le défilé qui s'organise et s'exécute sans heurt et sans à-coups, chaque véhicule s'arrêtant un court instant devant l'autel pendant que Son excellence trace le signe de la croix.

        Ce défilé d'une grande heure n'a lassé aucun des assistants, très impressionnés au contraire par le spectacle de foi qu'il leur était donné de contempler.
        Il est à craindre que dans les pèlerinages qui attirent la foule, la superstition n'entre pour quelque chose dans l'attitude de certains pèlerins. Je n'ai rien constaté de semblable à la Pointe Pescade.


        J'ai vu des hommes, à qui les événements de plus en plus déconcertants posent des problèmes sans solution humaine, apporter au Dieu de l'Eucharistie, le grand triomphateur de la malice et de la haine, une âme toute imprégnée de confiance.
        J'ai vu bien des épaules courbées sous le fardeau d'hier, d'aujourd'hui, sous l'appréhension surtout du fardeau de demain, se redresser pour porter haut la tête qu'illuminait le contact avec Celui qui, après avoir expérimenté toutes les souffrances, les a dominées pour lui-même et pour les autres.

        J'ai vu des Pères de famille nombreuse s'incliner pieusement sous la bénédiction du Pontife, embrasser d'un coup d'œil les têtes blondes groupées autour d'eux et les confier d'un regard ardent à la Providence divine et à Saint Christophe pour le voyage de la vie.
        Face à nous des navires évoluent sous la direction des officiers. La confiance règne et les aléas inévitables n'effraient pas.
        A Dieu vot. Tout est là et c'est le mot de la fin. Les pèlerins de Saint Christophe, voyageurs qui exécutent, à des allures et dans des conditions différentes le voyage de la vie, sont venus faire acte de publique et solennelle confiance à leur Capitaine, le Christ-Jésus, et à son pilote, le Bon Saint Christophe. Et à Dieu vat !
Abbé Ch. CHOCQUEEL.



Les Bônois et le Jugement dernier
Bonjour N° 109 du 25 mars 1934
journal satyrique bônois.

               Au banquet de l'Amicale Bônoise qui a eu lieu dernièrement a Alger, notre excellent ami, M. Louis Lafuente, a dit les vers suivants dont les Bônois qui ont de l'esprit, goûteront toute la saveur.

Le Jugement dernier. Au val de Josaphat
L'appel fatal hélait l'humanité entière.
Les sirènes stridaient. Au nom de Jéhovah,
On allait dispenser la Justice dernière.

Pour les besoins avaient été mobilisés
Les transports en commun des quatre coins du monde.
Et la route et le rail soudain réconciliés
Déversaient leurs clients en cohortes profondes.

L'ordre régnait pourtant. Des huissiers attentifs
Rangeaient, classaient, groupaient, pointaient les répertoires
Des agents très courtois mâtaient les plus rétifs
Les triques et les poings apaisaient les histoires.

Puis quand furent venus les ultimes convois,
On compta, recensa, totalisa sans trêve.
Et c'était toujours faux. Il manquait les Bônois,
Croyez-vous ? un tel jour les Bônois faisaient grève.

Le Juge Président s'arrachait les cheveux,
Il pensait à son bridge ou bien à sa donzelle.
Et pourtant pas moyen de commencer sans eux
Ces Bônois de malheur. Que le... chose il leur pèle.»

Il se précipita vers le champ du repos
Dont les Bônois sont fiers. Soulevant une pierre
«Debout les morts ! » dit-il. La réponse en un mot
Qu'il reçut l'ébranla comme un choc au derrière.

Il insista pourtant : «Au jugement dernier ! »
Zut, répéta la voix, que le diable t'emporte.
Nous ne ressuscitons que pour aller voter,
Nous autres, les Bônois. Bonsoir, ferme la porte.».

Pendant ce temps, les juges restés au prétoire
S'exerçaient à juger en s'aidant du hasard
D'un 200 de valets sortait un purgatoire
L'enfer ou bien le ciel d'un coup de zanzibar.

Mais le - temps s'écoulait. Il fallait en finir.
On décida l'envoi d'un nouvel émissaire
Chargé, par tous moyens, de les faire venir
Dût-il les enchaîner, si c'était nécessaire.

Connaissant ses Bônois il préféra ruser ;
Les coups de poing sanglants, les mortels coups de tête.
Oh ! oh ! très peu pour lui. C'est mauvais d'en user.
n'avait beaucoup mieux, sa tactique était prête.

Il se mit à hurler jusque à pâmoison
« A bas l'un. Vi-ve Lui. Le Réveil, la Dépêche.
Bandits, voleurs, vendus, Saucisson, Saucisson.
Allez, ô les Amis, vite qu'on se dépêche.

A peine eut-on ouï ce Sésame ouvre-toi,
Que de tous les tombeaux surgissaient les Lazares,
Bien éveillas, vibrants, ils délaissaient leur toit
Pour voler aux scrutins, pour courir aux bagarres.

Mais l'un d'eux s'avançant vers ce trouble-sommeil
Lui dit : « Combien la voix ? Moi j'en ai des pagailles.
Voter, crier, taper, pour nous c'est tout pareil
Et tu sais tous en bloc on va vers les batailles

On connaît le filon ; on gardé le bureau,
On sonne les falsos, on surveille les urnes,
Car nous autres, on sait, le fait n'est pas nouveau
Les enveloppes ont des mutations nocturnes.

Enfin pour du labeur çà sera du labeur
Depuis près de cent ans bientôt que l'on opère
On connaît son métier de conscient électeur ;
Tiens, demande à papa, demande à mon grand-père.

Mais, tout ça, pas pour rien. Mon vieux. On n'est pas louf
Qui sont les candidats ? Où sont les permanences ?
Où c'est qu'on boit à l'œil ? Où c'est qu'on mange aouf ?
Envoyez les courtiers. Amenez les finances. »

Et l'autre répondit ; « Qu'est-ce donc que tu veux
Pour chacun ? Si ça colle oui, tous je vous emballe.
Je veux, dit le fantôme, un fantôme aux yeux creux,
Une décoration, l'anisette et cent balles.»
Louis LAFUENTE.

 
Le Naufrage du "Georges-Philippar"
Effort Algérien N°232 du 1er juillet 1932

                  
              Fendant les flots de sa puissante, étrave, le superbe paquebot semble glisser dans la nuit à la surface de la mer. A peine, perçoit-on le rythme sourd et cadencé des organes de la machinerie.
              Eclairé par des lampes électriques, le pont des premières est presque désert. Sur la passerelle, veillent les hommes et l'officier de quart. Tout est en ordre, le calme règne, le voyage se poursuit heureusement.
              Cependant, deux passagers, coiffés de leur casquette de voyage, arpentent le spardeck en causant et fumant...
              - Vous disiez ? Demanda le plus jeune à son compagnon.
              - Je disais que vous envisagez avec trop de pessimisme la situation actuelle.
              Après tant de ruines et de pertes humaines, l'équilibre est difficile à reprendre, mais voici que, peu à peu, nous revenons à un état normal. Le mouvement a commencé par la baisse des prix de gros, ceux du détail suivront.
              - Et le chômage ?
              - Après l'écoulement des stocks, le travail reprendra. La confiance et le crédit feront le reste. Evidemment, il y a des victimes et des profiteurs. C'est aux gouvernements à parer au plus pressé pour entraver la spéculation.
              - Gouverner devient bien difficile.
              - « Ne vous frappez pas », la difficulté résulte du « bouillonnement de la démocratie«.
              - Je vois que nous, les radicaux, Girondins modernes, nous sommes menacés par le socialisme grandissant et le communisme organisé, de plus en plus audacieux et violent.

              - Mon cher, la situation n'est pas ce qu'elle fut en 1792 : Après avoir battu aisément les conservateurs qui ont commis lotîtes les fautes, nous tenons les leviers de commande : Préfets, police, parlement, administration, enseignement. Nos créatives sont partout.
              - Il faut aussi l'armée.
              -Louis XVI et le Tzar ont été abandonnés par l'armée, ce fut leur perte. La nôtre est attachée au régime, elle suivra le gouvernement. D'ailleurs une poignée d'hommes résolus comme nous suffit à tenir un pays. L'important est de savoir ce que l'on veut, de le vouloir avec force et sans scrupules.
              - C'est vrai.
              - Il faut aussi la haine.
              - La haine ! Vous parlez comme Blum.
              - Blum a raison, je voudrais être juif comme lui pour haïr encore davantage l'Eglise, notre puissant adversaire. La religion est au fond de tout, il faut en finir avec elle. Après, tout ira bien...
              - Cependant, au peuple, il faut une morale, un idéal quelconque, ne fût-ce que pour l'endormir. Voltaire faisait sortir les domestiques lorsque ses convives commençaient à discuter l'existence de Dieu.
              - Nous donnerons au peuple une morale laïque: celle de l'intérêt ou de la raison pure.
              - Le peuple, détaché de ses traditions el croyances, commence à ne plus voir en nous que des bourgeois ayant l'ait la révolution à leur profil.
              - C'est exact.
              - En l'ait, nous avons abouti à un régime capitaliste où les gros poissons mangent les petits. Las d'être mangés, saturés d'anticléricalisme, forts du pouvoir que nous leur avons donné, ils veulent une part du gâteau et même lotit le gâteau ou l'étatisme.
              - On leur donnera des miettes. Nous sommes les élites indispensables. Il y aura toujours des meneurs et des menés. La Franc-Maçonnerie mène le jeu.
              - C'est vrai, mais le peuple, aujourd'hui se monte la tête contre la bourgeoisie. Je ne vois pas la France devenir une petite Russie...

              - Vous craignez la lutte, c'est une faiblesse. La lutte donne du prix à l'existence.
              - Ma foi, je ne me soucie pas d'être « écrabouillé » dans un accident de chemin de fer. ni assassiné par un fou ou démoli par une bombe. Je me faisais un autre idéal de la République.
              - Vous avez une mentalité de clérical, prenez garde au « sommeil ». La République. Monsieur, la nôtre, est indestructible: elle est solide comme ce navire. «Fluctuât nec mergitur».
              ...A ce moment un officier du bord vint à passer en courant suivi de deux hommes d'équipage. Des bruits de sonnerie retentirent ; la machine s'arrêta, les lampes s'éteignirent, et ce fut un profond silence...
              Qu'arrive-t-il ? s'écrièrent les deux hommes en se précipitant vers un escalier donnant sur l'intérieur du vaisseau, mais ils furent refoulés par de nombreux passagers demi-nus, affolés, qui arrivaient sur le pont, en criant : «Au feu ! Au feu ! Le navire brûle ! »
              En quelques instants le désordre fut à son comble. De hautes flammes surgirent de plusieurs côtés.
              Heureusement, l'équipage, gardant son sang-froid, organisa le sauvetage. Des embarcations furent mises à la mer. Tant bien que mal, on y fit descendre les passagers dont quelques-uns tombèrent à l'eau et furent la proie des requins.

              L'Océan devint rouge de sang, le ciel embrumé reflétait le rougeoiement de l'incendie... spectacle terrifiant.
              Des navires accourus aux appels de la T. S. F. recueillirent la plupart des sinistrés.
              Quant au magnifique paquebot, l'une des dernières expressions du génie humain, il ne lui plus bientôt qu'un immense brasier dont la carcasse finit par disparaître dans la mer en un remous formidable.
              Indifférente et calme, la tombe liquide se referma sur lui...

F. SY.

    
Les calculettes corses !
Envoyé par Elyette
Un corse en voiture est arrêté à la douane

                - Avez-vous quelque chose à déclarer ?
                - Non, rien.
                - Qu'avez-vous dans le coffre ?
                - Des calculettes uniquement.
                - Quelle idée de mettre des calculettes dans un coffre de voiture ! Vous en avez beaucoup ?
                - Quatre ou cinq.
                - Ouvrez votre coffre, je veux voir ça, c'est curieux de mettre des calculettes dans un coffre.

                Le corse ouvre et là... la surprise :
                1 revolver, 1 fusil de chasse, 1 pistolet mitrailleur, 1 lance roquette... Le douanier lui dit :

                - Vous appelez ça des «calculettes» vous ?

                - Oui, c'est avec ça que je règle mes comptes !

OPERATIONS MILITAIRES
Par MAURICE VILLARD
ACEP-ENSEMBLE N°282
DE PACIFICATION EN PETITE KABYLIE
ET DES HAUTS PLATEAUX LIMITOPHES
Documents concernant la situation en Petite Kabylie
Direction des affaires Arabes N° 52
Constantine.
M. le colonel de Barral à Sétif

         Mon cher Colonel
         Longtemps encore il faudra se résigner à la turbulence des petites républiques quabyles, à leurs guerres intestines, nous n'avons pas les moyens en ce moment de les empêcher, Ce n'est qu'à la suite de courses militaires et surtout par un établissement permanent au milieu d'elles que nous pourrons maîtriser leurs indisciplines et les mener à la régularité que nous nous proposons d'appliquer à l'Algérie entière avec les tempéraments toutefois que comporte une situation aussi différente de ce qui a existé à ce jour.
         J'approuve donc ce que vous avez fait en invitant les Ouled el Kralfa à venir s'expliquer à Sétif.
         Si nous agissons avec de pareils ménagements pour les affaires particulières des tribus du Sahel, il ne peut en être de même lorsqu'un drapeau ennemi du nôtre vient de servir de ralliement aux opposants.
         Employez donc toute votre influence sur les CaÏds pour que Moulay ou Mohammed soit enfin chassé du Babor.
         Les dernières nouvelles venues du Maroc ont affaibli la position de Hadj Abdelkader, cependant, je crois à la possibilité de son retour en Algérie. De plusieurs points des excitations par lettres m'ont été signalées, cherchez à vous procurer quelques-unes de ces lettres.
         J'attends vos propositions pour l'organisation du Commandement du Khalifa Mokrani. Qu'a-t-il fait contre les déserteurs du bataillon indigène ?
         Recevez, mon cher Colonel, l'assurance de ma considération la plus distinguée.
         Le Maréchal de Camp
         Commandant Supérieur de la Province de Constantine.


         Province de Constantine Subdivision de Sétif
Etat Major Général - Affaires Arabes
Situation de la Quabylie N° 66 - Sétif.

         Mon Colonel,
         Conformément aux instructions contenues dans la lettre de M. le Gouverneur Général N° 13, j'ai l'honneur de vous adresser les renseignements que j'ai recueillis sur les dispositions des principaux personnages de Quabylie, et sur la situation des esprits dans cette contrée.

         Je me suis particulièrement occupé de Bouakas ben Achour, cheik des Ferdjaoui, lorsque le bruit d'une expédition, qui devait être entreprise par terre sur Djidjelli, a commencé à se répandre et, j'ai appris qu'il avait pris le parti de nous résister, si nous devions nous montrer dans le pays qui reconnaît son autorité. A la suite de cette résolution, Bouakas a eu avec le cheik ben Azeddir une entrevue, dans laquelle ils ont fait une alliance défensive. Il a ensuite convoqué les Grands de ses tribus afin de s'assurer de leurs dispositions. On lui promit de prendre les armes, mais seulement lorsqu'on le verrait marcher le premier à notre rencontre.

         Les Cheiks des Ouled Sala et ceux des Beni Melloul qui assistaient à cette réunion m'ont rapporté ces informations et, m'ont informé en même temps que pendant qu'ils étaient auprès de Bouakas ben Achour, il avait reçu de la partie des Beni Mimoun, qui refusaient de payer l'impôt à Bougie, une députation, chargée de lui demander des conseils et son appui. Bouakas aurait répondu que les Beni Mimoum étaient placés trop loin de lui pour qu'il puisse les aider, si les Français devaient faire la grande expédition dont on parlait et, qu'il engageait toutes les populations à nous tenir tête sur leur propre territoire, sans trop chercher à se porter Secours mutuellement. J'ai tout lieu de croire que l'entrevue des Beni Mimoum et de Bouakas ben Achour m'a été rapportée exactement et qu'elle n'a pas eu d'autres résultats.

         Une partie des chefs de la partie supérieure de l'Oued el Kebir ayant manqué la réunion, Bouakas s'est rendu quelque temps après au marché des Beni Azis sur la route de Sétif à Djidjelli et, là il a reçu de tous les promesses qui lui avaient été faites à la réunion des Ferdjiouïa. Mais le Cheik des Beni Melloul et d'autres qui m'ont paru être parfaitement au courant des affaires, m'ont expliqué que Bouakas était à la lois détesté et craint des populations qui occupent cette contrée. Elles n'avaient pas dù lui faire connaître leurs véritables intentions et qu'un certain nombre de tribus, préférant notre domination à la sienne et comprenant d'ailleurs les avantages commerciaux qu'elles pourraient retirer de l'ouverture d'une route de Sétif à Djidjelli étaient décidées à nous apporter leur soumission lorsque nous seront campés aux ruines de Mesbar chez les Ouled Ali bel Az.

         Bouakas bien qu'il se soit montré satisfait de l'assentiment qui lui a été donné chez Ies Beni Azis ne peut se tromper sur l'état réel des choses. Il s'estime sans doute très heureux de ce que les circonstances lui permettent de jouir encore de son espèce de souveraineté indépendante. Je crois qu'il a une connaissance assez juste de notre politique et, en même temps trop de sagacité, pour se laisser entraîner dans un moment, où il peut être rassuré sur nos projets au moins provisoirement, à se mêler d'intrigues qui, si elles devaient produire des hostilités, ne pourraient aboutir qu'à accélérer un dénouement dont l'approche lui a tout récemment causé de si vives inquiétudes. Dans tous les cas et après avoir suivi avec soin ses démarches depuis qu'il a été question de l'expédition de Djidjelli, je n'ai rien appris qui m'autoriserait à penser qu'il put en être autrement.
         Au reçu de la lettre de M. le Gouverneur Général, j'ai envoyé immédiatement, sur le cours supérieur de l'Oued el Kebir, plusieurs espions, qui me feront connaître si, Bouakas ben Achour a su dissimuler ses projets et si, contre toute probabilité, il a pu s'arrêter à des idées d'insurrection.

         Dans la partie du Sahel el Guebli, dépendant de la Subdivision de Sétif qui touche au commandement de ferdjioua, il y a un marabout d'un âge très avancé, nommé Si Ahmed Boudjemlin el Lebsir, qui a toujours prêché la guerre sainte. C'est lui qui a appelé successivement dans le Sahel des Amocha les Chérifs Mohamed ben Abdallah et Mouley ou Mohamed. Depuis quelque temps il prétend avoir reçu des lettres de ce dernier, qui lui annoncent qu'Abd el Kader est parti pour la Mecque et que lui-même, rendu à la liberté, ne tardera pas à reparaître du côté du Babor, où il doit poursuivre sa mission contre les chrétiens. Mais Si Ahmed Boudjemlin est bien embarrassé lorsqu'on le presse de produire ces lettres et les quabyles, qui n'ont pas oublié les malheurs que son fanatisme leur a attiré, n'ajoutent plus aucune foi à ses prédications.

         Quant à Ahmed ou Mezzoug, il ne peut qu'être mécontent d'avoir vu tomber l'influence des Amoucha parce qu'elle lui était particulièrement favorable et, d'avoir été obligé de quitter le pays pour accomplir une des conditions de la paix accordée aux tribus qui avaient marché contre eux avec les Ouled Chouk. Il s'est retiré chez les Beni Meraï et, de là il a écrit souvent, tantôt au commandement supérieur, tantôt aux officiers du bureau arabe, pour nous rappeler ses anciens services et, se plaindre des nouvelles dispositions que nous avons prises à l'égard des Amoucha. Ses premières lettres étaient aigries, mais il a bientôt tenté de se rapprocher de nous, en nous demandant d'abord s'il nous convenait qu'il puisse continuer de s'occuper des affaires de justice et enfin sollicitant la position de Gadhi du Sahel, qu'il avait refusé autrefois et, qu'il accepterait aujourd'hui, pourvu que Saïd ben Abid, avec qui, il prétend, qu'il est impossible de faire le bien, fut remplacé, dit-il l'être par des personnages qu'il désignent et, dont il n'a pas toujours eu, dit-il à se louer personnellement.

         J'ai vu hier le cheik Masour ben Abid, qui commande le Sahel des Amloucha et, qui est le plus intéressé à surveiller les menées de Bouakas ben Achour et d'Ahmed ou Mezzoug. Il n'a rien entendu dire qui puisse nous alarmer et n'a jamais moins à se plaindre de I'esprit remuant de ses administrés. J'ai reçu avant-hier une lettre de Sàid ben Abid le caïd du Sahel, qui m'entretient d'affaires courantes et ne fait nullement mention de manœuvres contre nous.

         Les caïds des Beni Ourtilane et des beni Chebana que j'avais envoyés dans leurs tribus, pour y rétablir la paix m'ont écrit qu'ils rencontraient des difficultés, mais ne m'ont rien dit non plus qui pût faire supposer de la part de ces populations la moindre idée de révolte. Elles se battent selon leurs anciens usages parce qu'elles ne tombent pas d'accord sur les arrangements à prendre pour régler de vieux différents et, parce que nous ne sommes pas assez forts chez elles pour faire respecter les décisions qui pourraient être prises par nous à leur sujet. Mais il n'y aurait pas d'appréciation plus inexacte que celle qui découvrirait un sentiment hostile à notre domination dans cet usage qu'ont les tribus quabyles d'avoir recours aux armes pour faire triompher ce qu'elles considèrent comme leur droit.
         En résumé et, au moins en ce qui concerne la subdivision de Sétif, je ne vois pas de complot dirigé contre notre gouvernement et, je dois dire qu'au contraire nos affaires dans le Sahel, bien que leur marche soit un peu lente, n'en sont pas moins dans une voie de progrès qu'elles n'ont cessé de suivre.
         Malgré les rapports fréquents que nous avons eu avec les Beni Slimane du Sud, je n'ai jamais entendu parler de Si Sala el Djoudi. Il est probable que son influence ne s'exerce que sur la population du littoral exclusivement.

         II connaît Si Mohammed Amokrane depuis plusieurs années, il a vécu chez les beni bou Mefaoud jusqu'en 1846 et, ne les a quittés qu'à l'époque où Ahmed ou Mehonna, dont il est peut-être un pur parent, préparait sa soumission. Si Ahmed Amokrane est un personnage assez remuant, plus ambitieux que fanatique et, qui, je crois se serait rallié à nous dans ces temps là, si ses prétentions n'avaient dépassé sa valeur et la position que nous aurions pu lui faire, après avoir-doté convenablement les ouled Araba. Dès qu'il a vu Ahmed ou Mehonna se rapprocher de nous par l'intermédiaire de Saïd ben Abid, notre caïd du Sahel ( c'était en 1.846), il y avait déjà longtemps que les chérif remuaient la quabylie, il s'est mis à parcourir les tribu des ouled Aqbou en prêchant la guerre sainte pour son compte puis en 1847 il a paru dans l'Arach et au marché de Dra el Caïd chez les Amoucha, où il a été peu écouté, et il s'est rendu enfin auprès de Mouley ou Mohamed qui était dans le Babor aux prises avec Bouakas. Mécontent de l'accueil médiocre que lui avait lait le chérif, Si Mohamed Amokrane ne fit qu'un court séjour auprès de lui et ne tarda pas à s'enfoncer dans les montagnes des beni Slimane, pour y attendre les événements. Depuis cette époque son nom était tombé dans l’oubli, et c'est aujourd'hui seulement pour la première fois que j'entends reparler de ce personnage. Le temps a dû lui paraître bien long, et il faut que les éléments de désordres lui ai bien manqué pour qu'il se soit résigné à rester dans l'obscurité pendant deux ans, sa patience doit être épuisée.

         Je ne suis pas donc tellement surpris de le retrouver écrivant aux tribus du cercle de Bougie pour les provoquer à la révolte intempestivement et peut être avec la certitude de ne pas être écouté. il est aussi très naturel qu'il figure au premier rang de la lutte qui a failli s'engager entre les deux parties des beni Mimoum, qu'il profite de la visite faite par les dissidents de cette tribu à Bouakas pour assurer que ce chef doit se mettre à la tête d'un mouvement général, qu'il tire parti du moment où Si Ahmed bou Merzoug vient d'être obligé de s'éloigner pour en faire un partisan déclaré du djihad, il ne fait que suivre le plan tracé avant lui par les perturbateurs qui ont voulu jouer le rôle de chérif et qui. pour y arriver n'ont jamais reculé devant les mensonges les plus grossiers. Il poursuit le même système quand il écrit aux Houdja, aux Fenaïa et aux beni bou Messaoud, que rien ne les obligent à nous obéir, et qu'ils ne doivent rien craindre parce que nous allons être obligés de faire face à une insurrection générale. Mais il me semble que ces tribus savent bien à quoi s'en tenir sur la valeur des discours tenus par Si Mohamed Amokrane puisque au lieu de suivre ses conseils, elles versent au contraire 20.000 f de contribution à la caisse de Bougie, et que les Beni Mimoun récalcitrants s'adressent eux-mêmes à Ahmed ou Mehonna pour faire accepter par son intermédiaire le paiement de l'impôt qu'ils avalent peu de temps auparavant refusé d'acquitter.
         Pendant ce temps là, les Quabyles continuent leur commerce avec Bougie, et les convois de cette place et Sétif, pour le compte du commerce européen se poursuivent avec une croissante activité.

         En rapprochant tous les faits et tous les renseignements que j'ai mentionnés, il est difficile donc de ne pas penser qu'il n'y a de complot que dans la tête de Si Mohamed Amokrane, or il a toujours existé, que c'est lui seul qui fait parler Bouakas ben Achour, Si Ahmed ou Merzoug et les autres personnages qu'il met en avant, qu'il n'a fait appel qu'à un petit nombre de tribus de la Quabylie, qu'il n'a pas réussi à inspirer la moindre confiance en celles qu'il a essayé d'entraîner et par conséquent il ne peut, avoir dans ce moment une urgence particulière de nous montrer en force chez ces populations.
         Il est également juste de reconnaître que la soumission des tribus Quabyles laisse beaucoup à désirer, que le souvenir de I'expédition de 1847, qui a été faite en courant, doit s'effacer chaque jour d'avantage, et qu'il n'y aurait pas peut être aujourd'hui d'opérations militaires à décider que celles, dont le résultat serait d'assurer notre domination sur les populations établies entre Sétif et les places de Bougie et de Djidjelli.
         Je suis avec respect, mon Colonel, votre très humble et très obéissant serviteur
         Le Chef d'Escadron, Chef du Bureau Arabe
         Signé : ROBERT


         Intervention de la garnison de Sétif.
         Dans la journée du 18 mars 1840, une centaine de cavaliers des Eulmas se jetaient à I'improviste sur un troupeau appartenant à la tribu des Amers, nos alliés, qu'ils enlevaient après avoir lâchement mutilé les bergers.

         Informé de ce brigandage commis à 8 kms du camp de Sétif, Ie colonel Froidement, commandant la garnison, se lança immédiatement sur la trace des pillards. Après une poursuite de plus de 25 kilomètres, ils furent rattrapés par la cavalerie. Tous ceux qui portaient des armes furent exécutés, Ie troupeau récupéré fut rendu aux Amer.
         Quelques jours plus tard, le colonel Froidement partait à nouveau afin de châtier la tribu des Aouamer, dont les hostilités continuelles inquiétaient les Amer. Le 21 avril, au Point du jour, nos troupes se mettaient en marche, précédées de 400 cavaliers auxiliaires lancés à la poursuite des troupeaux des Aouamer, qui fuyaient vers la montagne des Babor.
         Les tribus Kabyles hostiles, en très grand nombre, couronnaient déjà les hauteurs et ouvraient un feu très nourri sur notre goum. L'infanterie escaladant les collines, enleva toutes les positions ennemies, brûla les douars et les moulins environnants, les Aouamer en déroute, furent poursuivis par les chasseurs du lieutenant Verillon.

         Le camp d'AIn Turc.
         Afin d'étendre notre autorité et de protéger les populations qui s'étaient déclarées en notre faveur, Ie commandement décide, à cette époque, la création d'un camp à Aïn Turc, à 30 kms à l'ouest de Sétif. Le Général commandant la province espérait s'appuyer sur ce poste permanent afin de ramener l'ordre dans la Mejana, redonner ainsi à notre Kalifa Mokrani, la prépondérence que son ennemi Ben-Abd-es-Selam lui avait fait perdre. Le Commandement voulait également faire de ce camp la base des opérations sur les montagnes voisines où les lieutenants d'Ab-el-Kader exerçaient plus particulièrement leur influence.
         Aïn Turc est un point situé sur l'Oued Bou Sellam, à I'entrée de cette rivière dans les montagnes kabyles, au Nord de la plaine qui s'étend depuis le Guergour jusqu'aux montagnes des Rhiras et, vers l'ouest jusqu'aux Bibans. Placé sur une des routes qui relient Bougie à Sétif, ce poste semblait menacer les kabyles d'une prochaine opération, mais n'en indiquait nullement la destination réelle.

         Combats autour du camp retranché.
         Le 3 mai 1840, le commandant Delpi de la Cipière recevait l'ordre de se rendre à Aïn Turc avec 500 hommes du 62eme de ligne. Les parapets du Poste commençaient à peine à s'élever lorsque les kabyles, pensant être menacés dans leur montagne là où ils vivaient indépendants, s'opposèrent à la création du camp retranché. Dans les journées, des 4, 5, 6 et 7, ils occupèrent les hauteurs voisines et harcelèrent la petite troupe. Ces tirs réitérés n'étaient que le prélude à une attaque générale qui débuta le 8. Ce jour là, l'ennemi déploya des forces importantes composées de sept à huit mille hommes, dont une partie appartenait aux tribus des montagnes de Bougie. Un bataillon de réguliers commandé par un lieutenant d'Ab-el-Kader, portant deux drapeaux, vint également prendre position en face d'Aîn Turc. Mais au moment du déclenchement de l'attaque du camp, le colonel Lafontaine arrivait de Sétif avec des troupes et des munitions. Il prit immédiatement l'offensive contre les Kabyles qui furent complètement mis en déroute. Le 9, ces derniers réapparurent mais timidement il suffit d'une vigoureuse charge de cavalerie, dirigée par le commandant Rlchepanse, pour les faire fuire, la poursuite sur 40 à 45 kms leur causa des pertes considérables.

         On aurait pu croire que tant d'échecs successifs avaient découragé les Kabyles, qu'ils renonceraient à de nouvelles tentatives, dont l'impuissance leur était si bien démontrée. Cependant le 11, un millier de fantassins et trois cents cavaliers vinrent attaquer avec vigueur un mamelon occupé par une compagnie de tirailleurs indigènes sous les ordres du lieutenant Bourbaki. Les habiles dispositions prises aussitôt, déjouèrent leurs efforts.

         Après une très vive fusillade, les Kabyles furent chassés du ravin dans lequel ils étaient embusqués, un peloton de chasseurs d'Afrique exécuta une brillante charge, qui força I'ennemi à prendre la fuite en toute hâte, abandonnant sur le terrain plus de cent cinquante cadavres.
         Informé qu'un rassemblement considérable de Kabyles, s'apprête à passer à l'attaque du camp retranché, le colonel Lafontaine s'y rendit dans la nuit du 14, avec une partie des troupes de la garnison de Sétif. Une reconnaissance, qu'il exécuta dans la matinée du 15, sur la route de Zemoura, avec trois bataillons, lui révèlera la présence de l'ennemi, immédiatement il les fait attaquer. D'habiles manœuvres permirent au Colonel d'attirer l'ennemi sur un terrain favorable et de les faire charger par sa cavalerie. Les contingents de Abd-es-Selam furent enfoncés malgré une bonne résistance, laissant le terrain jonché de leurs morts. Une grande quantité d'armement et de munitions tomba entre les mains de nos soldats. Pour perpétuer le souvenir de la belle conduite du bataillon du 62éme de Ligne, on donna au poste d'Aïn Turc, le nom de redoute du 62éme.

         Offensive contre les Rhiras alliés d'Abd el Kader.
         Les Attaques réitérées avaient donné une nouvelle force aux agents d'Abd-el-Kader, contre lesquels il fallait agir énergiquement. Cela nécessitait la présence d'une grande partie des troupes disponibles de la province pour se maintenir dans une position d'observation. On se borna à une seule opération sur les Rhiras Guebela qui obéissaient à Ahmed Chérif. Ce personnage était l'un des plus ardents partisans d'Abd-el-Kader et il était parvenu à réunir plusieurs tribus à 40 kms au Sud de Sétif attaquant et pillant nos alliés, elles s'étaient jointes aux tribus kabyles lors des combats d'Aïn Turc. Il devenait urgent de les punir en leur infligeant une sérieuse leçon.

         Le colonel Levasseur quitta Sétif le 19 mai et le lendemain à la pointe du jour, atteignit I'ennemi, qui prit la fuite afin de sauver ses troupeaux, mettre en sûreté femmes et enfants. Mais notre cavalerie et celle des tribus alliées qui avaient précédemment éprouvé des pertes sensibles, saisirent l'occasion de se venger en pillant plusieurs douars emmenant de nombreux troupeaux. Ahmed Chérif essaya de faire face et présenta au combat un millier d'hommes, tant à pied qu'à cheval, occupant dans les ravins et les défilés des passages difficiles que nos troupes devaient traverser. Mais le but de l'opération ayant été atteint, la colonne rentra à Sétif.

         Ce coup de main amena la soumission d'une partie de la tribu razziée et celle de Mohamed Ser'ir-ben-Cheik, qui fut nommé Caïd des Rhiras à la place de son frère Ahmed-Chérif. Mais une semblable rivalité n'était qu'une façade, cette soumission n'avait d'autre but que de se mettre à l'abri d'un plus grand châtiment de la part de la France et, d'éviter en même temps la colère d'Abd-el-Kader, dont les intérêts étaient toujours défendus par Ahmed Chérif.

         Pendant que ces événements se déroulaient dans la région de Sétif, ils eurent des répercussions dans les montagnes de Kabylie et dans la région de Philippeville, amplifiés à notre désavantage par la propagande arabe.
         Les prétendus revers que nous aurions subis poussèrent ces populations à attaquer le camp d'El Arrouch et de perturber les communications de Constantine à la mer. Cette situation peu rassurante, nécessita le rappel d'une partie des troupes stationnées à Sétif et les diriger vers les points menacés. Le camp d'Aïn Turc fut évacué. Outre les inconvénients qui résultaient du choix de cette position, d'autres provenaient de l'inexactitude des renseignements que l'on possédait sur Ie pays. Le chemin de Sétif à cette redoute passait par une gorge profonde et assez difficile à surveiller. De là des escortes fréquentes pour les convois de ravitaillement et l'évacuation des blessés ou des malades. De telle sorte qu'après deux mois de simple observation les troupes étaient aussi fatiguées que lors d'une campagne sérieuse.

         On peut penser que si au lieu de s'établir au camp d'Aïn Turc, le général Galbois avait conservé toutes ses forces rassemblées à Sétif, parcouru la plaine de la Medjana jusqu'au pied des montagnes des Mâadid et des Rhiras et détruit toutes les récoltes de ces tribus en les faisant pâturer par la nombreuse cavalerie dont il pouvait disposer ainsi que par les goums alliés, il aurait produit plus d'effet sur les esprits et donner plus d'autorité à notre Khalifa Mokrani et certainement affaibli, sans combattre, Abd-el-Kader. Les Kabyles seraient restés dans leurs montagnes et aucune tribu de la plaine n'aurait osé entreprendre des actions contre des forces importantes.
         La nomination de Mohammed S'Rir comme Caïd des Rhiras Guebela fut un acte politique dont on ne mesura peut-être pas suffisamment les conséquences. M'Saoud, chef des Rhiras Dahara, avait lait sa soumission lors de la création de Sétif. Cet homme énergique, mais d'une grande duplicité, nous servait d'une manière non équivoque, et nous avait parfaitement secondé au début de notre établissement sur ce point. Quoique parent d'Hamed-Chérif, il était son ennemi. De tout temps, la dignité de Cheik des Rhiras avait été donnée, soit à un membre de sa famille, soit à celle de son rival, qui était de la branche aînée.
         Lors de la razzia des Rhiras Guebela, M'Saoud avait reçu l'ordre de coopérer avec nos troupes, mais il ne participa que tardivement. On ne pouvait cependant douter de lui en cette circonstance car, initié en secret de l'opération, il aurait pu la dénoncer, par une indiscrétion. Ayant été l'objet de l'attention particulière du prince royal, lors de l'opération des Bibans, n'ayant jamais démérité depuis, il est probable que la nomination du frère de son ennemi fut une des causes de sa défection lors des événements qui vont suivre.

         Hadj-Moustafa, lieutenant
d'Abd-el-Kader passe à I'offensive

         Depuis quelque temps, Bou-es-Selami se tenait éloigné, les populations des environs de Sétif jouissaient de tranquillité, lorsqu'El-Hadj-Moustafa, beau-frère d'Abd-el-kader, déboucha tout à coup du Hodna par les Abiad, entraînant toutes les populations jusque sous les murs de Sétif, qui se trouva bloqué pendant plusieurs jours. Abd-el-Kader avait envoyé à Moustafa trois cents cavaliers réguliers. Ce dernier avait fait venir le bataillon de réguliers de Ben-Azouz, Khalifa des Zibans qui, malgré son désastre du Djebel Salsou, s'était promptement refait et comptant déjà cinq cents fantassins.

         El-Hadj-Moustafa arriva à Aïn-Redir, chez les Rhiras-Guebala. Ahmed-Chérif faisait tous ses efforts pour soulever les tribus nouvellement soumises à la France et les dissuader de payer la contribution à laquelle elles avaient été imposées. Enfin notre Khalifa Mokrani, menacé par Abd-es-Selam, s'était retiré avec sa smala dans la montagne, aux environs de Zemora. La garnison de Sétif, composée du 22éme de Ligne, se porta à Ras-el-Oued (Tocqueville) afin d'observer les mouvements d'El-Hadj-Mustafa et appuyer Ie Caid des Rhiras, Mohamed-Serir, dans ses opérations de perception.

         Elle fut attaquée dans sa position, le 29 juillet par les Ouled Tebban et les Ouled Sidi-Ahmed, fraction des Rhiras-Guebaia. Deux jours après, le Commandant des troupes fit une démonstration chez les Ouled-Sidi-Ahmed, sur la demande du nouveau Caïd il trouva un rassemblement nombreux qu'il dispersa après un engagement sérieux.

         Cependant le Khalifa Mokrani réclamait avec insistance une démonstration en sa faveur. Hors d'état de défendre les tribus de la Medjana, il voyait lui échapper une à une des fractions soumises à son commandement et il craignait de voir incendier ses récoltes non encore mises à l'abri.

         Le Commandant de Sétif se porta à Sidi-Embarek ( Paul Doumer) après deux jours de repos donnés à ses troupes et à Ras-el-Oued ensuite. Le lendemain, il fut informé qu'El-Hadj-Moustafa se trouvait à Aïn-Redir, à quatre lieues de là, qu'il avait réussit à former un rassemblement considérable. Les renseignements évaluaient son camp à cinq mille cavaliers et douze cents fantassins. Sans ajouter foi à ces chiffres, Ie colonel Levasseur, dépourvu de moyen de transport pour emmener les blessés en cas d'engagement et, n'ayant que deux jours de vivres préféra se retirer que de s'exposer à une affaire inégale n'ayant que sept cents hommes et cent cinquante cavaliers, dont seulement un tiers de français.

         Par une marche de nuit il arriva au Hammam à 20 kms de Sétif, fit consommer là, le dernier jour de vivre à ses troupes et rentra tranquillement au camp de Sétif le lendemain matin. A peine arrivé, il apprit par les arabes soumis, que I'ennemi se présentait dans la plaine, à quelque distance, sur la rive droite de l'Oued Bou Seliam. Le Caïd des Amers, Ben-Ouani, fut envoyé pour reconnaître les forces ennemies appuyés par soixante chasseurs d'Afrique.

         Ils avaient les ordres en se tenant sur les hauteurs, d'évaluer le rassemblement ennemi et de rapporter des renseignements sûrs. Mais, Ben-Ouami, malgré les consignes formelles du capitaine commandant la reconnaissance, s'engagea de façon téméraire et fut, un instant en péril. Les chasseurs d'Afrique, forcés d'aller le secourir, furent vite entourés de toutes parts par environ 1.500 cavaliers qui leur firent du mal et qui les auraient certainement anéantis, sans I'arrivée de plusieurs compagnies d'élites, que le commandant avait eu la précaution de faire sortir et de protéger la reconnaissance.

         Sétif complètement encerclé.
         Dès ce jour, la garnison de Sétif fut, en quelque sorte , bloquée. On se battit aux portes de la ville sur la place du marché, sur l'emplacement du Cimetière. Toutes les tribus, depuis les Abd-en-Nour inclus, jusqu'aux Bibans, envoyèrent des contingents auprès d'El-Hadj-Moustafa. Celui-ci s'établit à Merdja-Zarga, à 15 kms à l'ouest de la ville et fit, tous les jours des démonstrations sur le camp de Sétif et sur la route de Djemila. Il était parvenu à former un rassemblement de six mille cavaliers et de mille deux cents fantassins réguliers.

         Le Colonel Levasseur contre-attaque,
         Les communications avec Constantine étaient interrompues, quelques émissaires ne passaient à grand peine que la nuit. Les travailleurs étaient, devant les murailles du camp en situation périlleuse, des troupes en arme étaient nécessaires pour les protéger. Quelques renforts furent envoyés de Constantine.

         Aussitôt que le colonel Levasseur eût à sa disposition les troupes qu'il avait jugés nécessaires, il alla attaquer le camp d'El-Hadj-Moustafa. Une colonne composée d'un bataillon du 22éme de Ligne, d'un détachement de Tirailleurs indigènes, d'une demi batterie du 13éme d'artillerie, de quatre escadrons du 3eme chasseur d'Afrique se dirigea sur Merja-Zerga. Des le départ, les 80 sphahis du Caïd Ben-Ouani, sur lesquels le Colonel comptait, désertent dans la nuit, emportant armes et bagages.

         Malgré cette fâcheuse nouvelle, la marche continua et au bout de quelques heures la colonne rencontre la nombreuse cavalerie ennemie qui chercha immédiatement à l'envelopper en la débordant sur les deux ailes. Le colonel Levasseur, se bornant à contenir, par des tirs de tirailleurs, cette masse de cavaliers, continua son mouvement offensif, jusqu'à Merdja-Zerga, reconnaissant I'emplacement de I'ennemi. Le camp venait d'être levé et était protégé dans sa retraite par deux bataillons d'infanterie régulière d'Abd-el-Kader, I'un fort de 600 hommes, s'avança contre la colonne en se faisant précéder par de nombreux tirailleurs.

         Mais, nos Chasseurs d'Afrique s'élancent aussitôt avec une rare intrépidité, sabrant d'abord tous les tirailleurs et enfonçant ensuite le carré, qui est taillé en pièces. Le colonel de Bourgon à la tête de ses chasseurs mena la charge entrant dans le carré ennemi et criant aux soldats " au drapeau " ce qui les galvanisa et, en un instant la porte drapeau des réguliers ennemis est tué par le maréchal des logis Tellier, qui s'empare du drapeau. Après une fuite acharnée les deux Chefs et deux cents réguliers restent étendus sur le terrain.

         Certains parvinrent à s'enfuir en se jetant dans un profond ravin où nos chasseurs ne purent les atteindre. Cependant, beaucoup d'entre eux grièvement blessés, y périrent. La cavalerie ennemie accourut alors au secours des fantassins réguliers, mais fut contenue par notre infanterie, arrivées au pas de course, les combats firent rage. A la vue de cette scène de carnage, un autre bataillon de réguliers ennemis, qui était en position, s'empressa de gagner en toute hâte les hauteurs les plus élevées.
         Après un repos de quelques instants, le colonel Levasseur rallia avec ses troupes le camp de Sétif. Quand à l'ennemi, il se retira du côté de Zemora, loin du champ de bataille qui lui avait été si funeste.
         A la suite de ces revers, ne pouvant tenir les promesses qu'il avait faites aux populations, El-Hadj-Moustafa se trouva, le lendemain aussi déconsidéré qu'il avait été puissant la veille.

         Soumission des tribus de la plaine de Sétif.
         Le combat de Merdja-Zarga venait de porter un coup terrible au prestige d'Abd-el-Kader.
         Les tribus avaient réuni un maximum d'effectifs, le beau-frère du sultan proclamait la guerre sainte et tous ces éléments réunis avaient abouti à un échec honteux face à une poignée de chrétiens. il n'y avait pas de doute, pour les tribus, que le meilleur parti était de se soumettre puisque telle était la volonté de Dieu.
         El-Hadj-Moustafa, suivi seulement de ses réguliers et de la cavalerie qu'il avait amené du Hodna, s'était retiré à Ain-Redir, où il avait une retraite assurée sur les montagnes voisines ou dans le Hodna.

         Le Général Galbois, commandant la province, arriva cinq jours plus tard à Sétif, pensant que de ce point, il serait à même de surveiller l'ennemi et de diriger la politique. Il envoya le Colonel du 61éme, avec une colonne, jusqu'à Aïn-Redir afin d'en chasser El-Hadi-Moustafa. Celui-ci s'était prudemment retiré dans les montagnes des Ouled-Braham, n'ayant pas l'intention de se défendre. Le 17 septembre, une de nos reconnaissances s'étant imprudemment engagée dans un défilé difficile et boisé eut un vif engagement avec des réguliers ennemis qui ne cessa qu'à I'arrivée du Colonel avec ses troupes.

         L'affaire des Ouled-Braham faillit avoir de grandes conséquences car le commandant de la colonne, mal informé, s'était borné à envoyer des secours trop faibles pour soutenir la colonne attaquée dans le défilé. Le lendemain, les troupes rentraient à Sétif, où se trouvait le Lieutenant Général qui fit exécuter une razzia par les Chasseurs d'Afrique sur une fraction des Ouled-Abd-en-Nour, qui étaient venus piller les tribus soumises.

         Parfaitement rassuré sur la tranquillité des environs de Sétif et de la Medjana, il rentra à Constantine, d'où il était absent depuis un mois et demi.
         A partir de cette date, Abd-el-Kader perdit toute son influence dans cette partie de la province. El-Hadj-Moustafa se retira à M'Sila d'où ses tentatives pour troubler la paix furent vaines.
         Néanmoins, d'autres intrigues risquant de troubler le pays au Printemps prochain, il important de se préparer à y faire face.

         Sétif devient subdivision.
         Sétif prit le rang de Chef-lieu de subdivision territoriale, le commandement en fut donné au Maréchal de camp Guesvillier avec des moyens d'agir activement en cas de nécessité. Le projet, déjà ancien, d'occuper de manière définitive Bordj-Bou-Arréridj fut mis en exécution, on y créa une compagnie de soldats indigènes dépendant du bataillon de Constantine.

Je viens d'un paradis perdu

Jean Pax Meffret
PNHA N°191, décembre 2010


Même s'il y a toujours mon village
Où les enfants du quinzième âge
Sautaient les feux de la Saint-Jean.
Même s'il y a toujours le cimetière
Où les filles faisaient des prières
Et repartaient en se signant.
Je ne le reconnaîtrais plus,
Ils ont changé le nom des rues.
Je viens d'un pays qui n'existe plus,
Je viens d'un paradis perdu.

Même s'il y a toujours mon école
Où j'ai vécu des années folles,
Lorsque j'étais adolescent.
Même s'il y a toujours les arcades
Pleines des odeurs de grenade
Et des cris des manifestants.
Le drapeau que l'on voit flotter,
Il n'a plus les mêmes reflets.
Je viens d'un pays qui n'existe plus,
Je viens d'un paradis perdu.

Le terrain vague de mon enfance,
Les carrioles et les oliviers,
Mes souvenirs, mon existence
Passent leur temps à se croiser.
C'est une étrange destinée.
Je viens d'un pays qui n'existe plus,
Je viens d'un paradis perdu.
C'est une étrange destinée.
Je viens d'un pays qui n'existe plus,
Je viens d'un Paradis Perdu.
J.P Meffret                 

70ème anniversaire du séisme
d'Orléansville 9 Septembre 1954

(Rappel de Mme A. Bouhier)
-1954 - La France porte le deuil
d'Orléansville ravagée

         DE NOS ENVOYES SPECIAUX SYLVERE GALARD - MICHEL DESCAMP- IZIS - MAURICE JARNAUX - PIERRE VALS

         En quelques secondes, à Orléansville, dans la nuit du 09 septembre, 1500 personnes sont tombées du sommeil dans la mort. Plus de 1200 blessés ont été retrouvées sous les ruines de leurs maisons, détruites par le plus terrible tremblement de terre qu'ait jamais subi l'Algérie. 60.000 sans-abri à 150 km. A la ronde autour d'Orléansville vivent dans campements de fortune, sans gaz, sans électricité, sous la menace des épidémies. C'est Radio Alger qui a donné l'alarme. Aussitôt, les secours se sont organisés. Chaque jour, 2 000 Algériens ont offert leur sang. L'armée, les pompiers, la police et la gendarmerie ont travaillé quarante heures durant à retirer des décombres les blessés et les morts. Un pont aérien s'est établi entre Orléansville et Alger où toutes les quarante minutes, un convoi de blessés était dirigé vers l’hôpital Mustapha. Dans toute la France, en signe de deuil, les drapeaux ont été mis en berne. Commencé en Algérie, le mouvement de solidarité s'est étendu à tout le pays et bientôt au monde entier.

         L'AUBE REVELE LE DECOR DE LA TRAGEDIE.
         A Orléansville, toutes les horloges se sont arrêtées à 1h. 11 du matin, marquant ainsi l'heure du deuil et de la ruine. Seuls les animaux eurent le pressentiment du désastre. Les pigeons tournoyèrent cette nuit-là sans se poser et les vaches cassèrent leurs longues pour s'enfuir dans la campagne. Pendant toute la nuit les survivants errèrent dans les rues comme des somnambules. Et ce n'est qu'au matin qu'ils reprirent leurs esprits, comprenant du même coup l'étendue et l'horreur de la catastrophe.

         DANS LA TERRE LA SIGNATURE DU CATACLYSME.
         Abord d'un hélicoptère de Gyrafrique, notre envoyé spécial Pierre Vals a pu survoler la région de Bèni-Rached et photographier les crevasses que le tremblement de terre a creusées dans la terre rouge. C'est lesquelles étaient les plus profondes : on a mis plusieurs jours à se rendre compte que Bèni-Rached, le « douar maudit », avait été l'épicentre du séisme. Dans ce village, le plus important d'une région agricole qui couvre 15.000 hectares, on dénombra 307 morts, qu'il fallut transporter au cimetière dans des paniers à dos de mulets - la religion musulmane exigeant en effet que les morts soient enterrés le plus rapidement possible. Les habitants des douars les plus proches durent parcourir 10 kilomètres à travers les montagnes pour porter secours aux survivants.
         En 12 secondes, Orléansville endormie vit la fin du monde et bascule dans l'horreur
         A 1 h. 11, dans toutes les maisons, la pendule s'arrêta. Il y a eut un silence vertigineux, une attente - comme si le Destin hésitait. Mais la pointe de la grande aiguille ne quittait plus le point du chiffre. Alors, dans le ciel et sur la terre, l'Heure sonna- terrifiante.
         Ceux qu'elle appelait- les 1500 qui devaient mourir- se réveillèrent en hurlant et voulurent se lever. Mais déjà la mort les terrassait, les étouffant de gravas, leur défonçant le crâne à coups de madrier, les broyant et les déchiquetant sous les tonnes de pierres et de ferrailles tordues de leurs maisons écroulées.
         De la grande villa d'Orléansville, de la petite ferme de la vallée, du gourbi dans la montagne et des familles qui y vivaient, il ne restait rien - rien que des corps suppliciés gémissant sous des ruines, et des êtres fous de terreur fuyant dans les ténèbres d'une nuit d'apocalypse.

         En douze secondes tout un petit monde paisible venait de basculer dans l'horreur. Les minutes d'avant avaient rassemblé pourtant à toutes les minutes d'une vie calme et normale.
         La dernière fenêtre, de l'hôtel Baudoin, le modeste palace d'Orléansville, venait de s'éteindre. En face, dans le jardin public, un Arabe, étendu sur une pelouse, regardait un jeune couple accoudé au balcon. Un automobiliste s'arrêta devant l'hôtel, souleva le capot de sa voiture et demanda l'adresse d'un garage.
         Place Paul - Bert (Paul-Robert [ndlr]), des Européens prenaient le frais en bavardant, assis par des groupes devant leurs portes, tandis que les Arabes accroupis sur le bord du trottoir et sur les gradins du kiosque à musique palabraient à voix basse. D'autres qui avaient préféré le trottoir à leur lit, dormaient allongés au pied d'un mur.

         Chacun jouissait à sa façon de la fraîcheur de la nuit. Cette journée de jeudi avait été torride. A 14 heures, le thermomètre de la pharmacie Carmagnol était monté à 46 degrés à l'ombre. Orléansville, qui date de la conquête, est la ville la plus chaude de l'Algérie du Nord. Un peu à l'étroit entre ses vieux remparts, avec ses 35.000 habitants, la cité étend ses faubourgs très loin dans la campagne, parmi les vignes, les champs de céréales et les orangeraies, jusqu'aux contreforts de l'Atlas. C'était, il y a quelques jours encore une aimable petite ville de province à la fois africaine et européenne, avec sa vieille mosquée et son église d’Ile-de-France, son collège moderne, son hôpital tout neuf, et son groupe d'H.L.M - un building de neuf étages - en voie d'achèvement. Une petite ville heureuse, fière de sa sous- préfecture, à façade de palais oriental, et de son détachement de la Légion qui berçait de sa clique la nostalgie des soirs d'été.

         La ville, morte pendant les grosses chaleurs - du 15 août au 15 septembre - recommençait à vivre. M. Debia, le sous- préfet, avait rouvert ses salons. M. Remy Hadjez, le propriétaire de l'hôtel Baudoin, qui avait passé, ses vacances en France, était rentré la veille avec sa femme, sa fillette et sa belle-sœur. Les jeunes pourraient danser, le soir, au son du pick-up. C'était de cela qu'on parlait, ce jeudi soir, en sortant de Comedia, le cinéma en plein air, où l'on avait projeté Crossfire, une nouveauté pour Orléansville.
         Des garçons du faubourg de Pontéba, qui avaient été voir le film, étaient rentrés à bicyclette vers 1 heure moins le quart. Ils avaient voulut boire une limonade à l'épicerie-buvette Couturier, mais la boutique était fermée. Ils eurent beau frapper, personne ne répondit.
         Quand ils se furent couchés, les dernières fenêtres s'éteignirent et toute la vallée du Cheliff s'endormit sous la lune.
         Soudain, Charles Couturier, le patron de la buvette, qui dormait près de sa femme et de sa petite fille de trois ans, sauta à bas de son lit. On venait de cogner furieusement à la porte. - Ce sont ces ivrognes qui reviennent ! cria-t-il.

         « La porte a cédé. J'entendais mes parents gémir et je ne les voyais pas »
         La porte vola en éclats. Il reçut un coup terrible sur la tête. Il voulut allumer la lumière. Pas d'électricité. Il palpait son crâne meurtri quand sa main fut broyée par un nouveau coup. - Bandit ! hurla-t-il, persuadé qu'il était victime d'une agression. Cette agression dont étaient victimes en même temps que lui des milliers d'innocents, c'était le tremblement de terre.
         Dans les ruines d'Orléansville, de Pontéba et du douar de Beni-Rached, j'ai interrogé ceux qui ont vécu la catastrophe. Aucun d'eux, dans l'instant, n'a pensé à un tremblement de terre. Tous ont cru qu'ils étaient attaqués, qu'un camion venait de se jeter contre leur maison ou qu'un avion s'était abattu sur le toit. Le tremblement de terre, c'était le crime monstrueux, impensable. - J'ai cru que je rêvais, m'a dit Gabrielle Legout.

         Elle a quatorze ans. C'est la fille du garde-champêtre. Par son courage, son sang-froid, elle a sauvé ses parents et deux de ses frères et soeurs. Cette petite fille modeste, qui ose à peine parler, est peut-être l'héroïne de la catastrophe.
         - Quant je me suis réveillée en sursaut, j'ai vu le ciel, plein d'étoiles. Il n'y avait plus de plafond. Le toit avait été emporté. J'ai crié : « Mais qu'est-ce qu'il y a ? » J'ai voulu ouvrir la porte. Dans la chambre, à côté, mon père et ma mère gémissaient. La porte a cédé. C'était horrible. Je les entendais. Je ne les voyais pas. Leurs plaintes sortaient d'un tas de gravats qui montait presque jusqu'au plafond. « Les petits ! Sauve les petits ! » criait maman. J'enfonçai mes bras jusqu'aux épaules dans la terre, des pierres. Un clou me déchira la main. Je suffoquais. Papa m'appelait. Je ne savais pas où il était. J'ai senti ses cheveux. Il m’a dit d’essayer d'enlever un bloc de pierre qui lui écrasait la poitrine. J'ai eu beau me tendre de toutes mes forces, je ne pouvais pas. Tout basculait. Je tombai, « Les petits ! Sauve les petits ! » répétait maman.

         « Les petits ! Dans mon affolement, je les avais oubliés. Ils étaient quatre dans la chambre voisine. Et on ne voyait rien. Je me suis mise à creuser avec mes mains dans les gravats. J'ai fini par faire un trou. « Maman chérie, vite ! Je vais mourir ! » a crié Marie-Laure.
         « Ma mère gémissait : « Gabrielle, sauve-la ! Sauve-la ! » J'avais beau faire, je ne pouvais pas. Il faisait nuit. Des pierres s'écroulaient sur moi, la poussière m'étouffait. J'ai réussi à sauver Mireille et Fatima, les deux tous petits. Mais Marie-Laure et René... »
         La petite retient mal ses larmes. Marie-Laure qui avait sept ans, et René qui avait neuf ans et demi, étaient morts quand son père et sa mère, qu'elle avait réussi à dégager, purent les retirer des décombres, plusieurs heures plus tard, avec l'aide d'un voisin.

         Ce combat dans les ténèbres, qui parut, durer une éternité, tous les habitants d'Orléansville et des douars de la vallée du Cheliff l'on vécu.
         Surpris en plein sommeil, ne comprenant rien à ce qui leur arrivait, tous s'étaient échappés comme des fous de l'enchevêtrement de poutres, de briques et de ferrailles tordues qui les écrasaient. A moitié nus, meurtris, le visage déchiré, les mains en sang, noirs de poussière, ils sautaient par les fenêtres de leurs maisons écroulées précipitaient vers la campagne.
         Puis brusquement, ils s'arrêtaient et heurtaient au flot contraire des fuyards, revenaient vers les ruines de leur maison en appelant les enfants, la mère ou l'aïeule perdus dans la catastrophe.
         Un nuage de poussière épais comme un brouillard couvrait la ville et stagnait dans les rues. La nuit, éblouie de lune, était devenue à ce point opaque que les gens se jetaient les uns contre les autres comme les Londoniens pendant le blits (mot illisible).

         L'hôtel Baudoin était comble. A 11 heures du soir, le procureur de la République qui habitait le palace, avait téléphoné d'Alger qu'il ne rentrerait que le lendemain. Il fut sauvé, ainsi que l'automobiliste qui à 1 heure, conduisit sa voiture au garage pour faire réparer une soupape. Quand il revint à 1 h 12, l'hôtel Baudoin se fendait en deux et tout le centre de la bâtisse s'effondrait.
         Un Arabe qui dormait en face, sur une pelouse du jardin public, fut tué par des pierres. Le patron de l'hôtel, sa femme, sa fille de neuf ans avaient disparu engloutis dans les décombres, ainsi que leurs trente clients. Seul deux cinéastes logés au troisième étage et un représentant de commerce réussirent à s'évader de leurs chambres éventrées en descendant à l'aide de draps attachés au balcons.

         Toute la ville n'était que ruines. Du building neuf étages il ne subsistait qu'un gigantesque chantier de démolitions. Les trente-cinq ouvriers qui couchaient dans les étages gisaient sous les milliers de tonnes de pierres et de ferrailles amoncelées. Aucun d'eux ne devait être sauvé.

         La secousse avait duré douze secondes, -pendant des heures la ville et les faubourgs demeurèrent plongés dans une nuit de brouillard. Le nuage de poussière, loin de se dissiper, s'épaississait au fur et à mesure que s'organisaient les travaux de secours et de déblaiement.
         Le désastre, d'heure en heure, se découvrait dans toute son horreur. Il n'était pas un quartier, une rue, une maison qui eût été épargné. Le clocher et le porche de l'église s'étaient abattus, découvrant jusqu'au chœur les admirables céramiques du IVe siècle, orgueil de la ville. La mosquée, le minaret, la mairie, la préfecture, le collège, lézardés en tous sens menaçaient ruine.
         Des torches électriques surgirent. Et l'on vit es képis blancs. C'était la Légion qui attaquait. La caserne, près de la mosquée, s'était écoulée. Deux légionnaires avaient été tués, dix autres blessés. Mais les blessés, le visage et les mains en sang, avaient rejoint leurs camarades.

         Les faisceaux des lampes qui fouillaient le nuage de poussière, découvraient des scènes atroces ; un crâne broyé au milieu d'une flaque de sang, une main vivante émergeant d'un tas de pierres haut de 4 mètres et se tordant comme pour un appel, un corps de femme décapité, un pied de petit enfant qui bougeait.
         Les femmes - européennes et indigènes- hurlaient, se déchiraient le visage avec les ongles en appelant sans fin le mari, la mère ou l'enfant qui gisaient là, enterrés vivants, et qu'il fallait « sauver ».
         Un gros homme, le torse nu, le visage et les bras noirs de poussière, dirigeait les secours, fonçant en même temps que la Légion au plus dangereux de la mêlée. C'était M. Biscambiglia, l'ancien instituteur de l'école des garçons, le maire de la ville. Ce colosse qui remuait des pierres de taille, s'arrêtait par instant pour essuyer d'un revers de bras son visage ruisselant de pleurs.
         - Nous les sauverons ! Nous les sauverons ! répétait-il à ceux qui pleuraient un parent disparu. - Tout sauver, même les ruines, même les morts, voilà ce qu'il voulait ! m'a dit un légionnaire fou d'orgueil parce que ce héros était un Nord-Africain, comme lui.

         Des héros - hommes, femmes, enfants - il y en eut beaucoup cette nuit là, à Orléansville. Européens, indigènes, ces mots n'avaient plus de sens. Une femme qui avait perdu ses deux enfants oubliait son propre malheur pour se porter au secours d'autres victimes.
         L'hôpital - à peine achevé et doté du matériel le plus moderne - était détruit. Les chirurgiens et les médecins opéraient sur des tables dans la cour, à la lueur des torches et des projecteurs.
         Des ombres passaient silencieuses. C'étaient des Arabes qui emmenaient l'un des leurs. Le culte musulman exige que le défunt soit enterré immédiatement après le décès. Tant d'hommes et de femmes ont été inhumés ainsi à Orléansville et dans tous les villages de la vallée - jusqu'à ce douar tragique de Beni-Rached dont les quatre cents habitants furent écrasés dans leurs gourbis - qu'on ne connaîtra sans doute jamais le nombre exact des victimes.
         Quand M. Saiah Menouar, le député d'Alger, descendit d'avion vendredi, il apprit que seize membres de sa famille - dont deux de ses sœurs, trois tantes, une nièce et ses quatre enfants - avaient été tués. Toute sa famille habitait Beni-Rached.

         L'épicentre du séisme, au dire des experts, était là. Ce qui se passa dans ce douar du être terrifiant. Aucun témoin n'a pu en faire le récit. Il n'y eut pas de survivants. Mais les témoignages abondent : ceux des gourbis rasés, de la route crevassée de lézardes, de la montagne éventrée, du torrent qui a jailli, comme un puits artésien, d'un creux de rocher.
         M. Saiah Menouar est retourné à Beni-Rached. Il a vu tout cela, le tas de pierres qui fut la maison des siens, et tous ces gourbis, nivelés au ras du talus comme des tombes où vivaient ceux qu'il aimait. Il n'a pas eu une larme. Mais son visage ravagé, gris de souffrance, où brûlait le regard, était d'une fixité qui faisait peur.
         Ce calme, ce silence presque terrifiants qui tombèrent des le lendemain, il fallait avoir vécu sans doute le cauchemar de la veille pour sentir ce qu'il représentait de force d'âme. « Quand les fous se sont enfuis en hurlant de l'asile - au moment où l'on opérait aux torches dans la cour de l'hôpital - j'ai cru que nous allions devenir fous nous-mêmes », m'a dit le sergent-chef Martinez, de la Légion.

         Depuis, les scènes de cauchemar se succédèrent comme les séquences d'un film d'épouvante. Vendredi, tandis que Mgr Duval donnait l'absoute devant dix-huit cercueils alignés face à la salle de gymnastique transformée en chapelle ardente, des légionnaires et des pompiers d'Alger enjambaient les cercueils pour déposer à la morgue trois nouveaux corps qu'ils venaient de dégager des décombres de l'hôtel Baudoin.
         L'horreur, c'est ce défilé sans fin d'hommes et de femmes piétinant dans le hall macabre où les morts, recroquevillés sous des couvertures militaires, ont l'air de clochards couchés dans un asile de nuit. Ces corps aux mâchoires broyées, au yeux pleins de terre, au crâne scalpé, il faut l'amour d'une femme, d'une mère ou d'une fille pour reconnaître et se pencher sur eux sans horreur.
         L'homme était mort, le pigeon était blessé, l'enfant était vivant

         Plus de 1.100 morts ? Mais qui pourra dire combien d'hommes, de femmes, d'enfants gisent encore sous les gravats de la cité foudroyée ? Aux heures torrides du jour, quand le soleil brûle et blesse, une odeur atroce monte de l'immense charnier qu'est Orléansville. Et pourtant tous les survivants de la catastrophe sont là. Aucun d'eux n'a voulu quitter sa ville. Toutes les maisons sont lézardées. La terre continue de trembler. Chaque jour on enregistre plusieurs spasmes. On en était hier au soixante-huitième. Une secousse plus forte que les autres peut jeter bas la nef de l'église, le minaret de la mosquée, la salle de la mairie où s'empilent les cercueils. Des centaine - des milliers de gens risquent encore à tout instant d'être broyés sous une nouvelle avalanche. Officiellement il est interdit de pénétrer dans un édifice public et même dans une maison. La nuit, ce règlement est observé et les 50.000 habitants d'Orléansville et des douars de la vallée du Cheliff couchent dans les jardins publics, les vergers, les orangeraies et les bois d'eucalyptus. Mais tout le jour le maire, les employés de la mairie et tous les administrés vont et viennent sous les plafonds obliques et les murs lézardés. Le curé retourne à son presbytère, les médecins à leur hôpital et les légionnaires à leur caserne. Pourtant la peur subsiste chez tous ces êtres qui ont vécu la nuit du cauchemar. Malgré la chaleur torride, l'Arabe lui-même ne marche plus à l'ombre courte des murs. Et la femme voilée de son seul œil découvert, observe avec crainte, du milieu de la chaussée, la façade éventrée de la Préfecture ou la nef béante de l'église Saint- Réparatus.

         Mais qu'on ait besoin d'aide pour dégager un corps, l'homme, la femme qui passe - européenne ou indigène - accourt et se précipite dans la plus croulante des bâtisses.
         Les deux draps qui ont permis aux cinéastes et au représentant de commerce de s'échapper des décombres de l'hôtel Baudoin pendent toujours aux balcons de la façade éventrée.
         Les trois dernières victimes qu'on avait dégagées - quarante-six heures après la catastrophe - étaient un homme, un bébé de deux ans et un pigeon.
         L'homme était mort. Le pigeon était blessé à la patte. L'enfant était vivant. Quels liens de parenté, de malheur, de hasard unissaient ces trois êtres ? On ne le saura sans doute jamais.
         L'homme a été enterré avec la mention « inconnu » écrite à la craie sur son cercueil. Le pigeon est soigné par un légionnaire. Quant à l'enfant, dont on ignore l'identité, il est soigné dans un hôpital d'Alger.
         Cet enfant du malheur - que personne n'a réclamé parce qu'il n'a plus personne au monde - a trouvé là un compagnon de misère : un petit garçon de sept ans, frappé de mutisme par l'horreur de la catastrophe, et qui, en douze secondes, a perdu toute sa famille.
         L'un et l'autre observent les pigeons. Chaque fois que la terre va trembler - d'un bref frisson sans danger - tous les oiseaux s'envolent comme s'ils sentaient l'approche de la catastrophe.

         Au milieu de l'après-midi du jeudi tragique - six heures avant le tremblement de terre - dans les faubourgs d'Orléansville, les pigeons tournèrent en rond au-dessus des aires sans vouloir se poser.
         A 10 heures du soir, les vaches forcèrent les portes des étables et se ruèrent dans les champs. A minuit, tous les chiens se mirent à hurler à la mort. A 1 heure du matin - onze minutes avant le cataclysme - un sloughi ( lévrier algérien ) que sont maître voulait obliger à entrer dans la villa, lui échappa, franchit la palissade d'un bond et disparut. On ne le revit que le lendemain, hurlant devant les ruines de la maison où une partie de la famille avait péri.
         Ce sont là les histoires que l'on conte, le soir, à Orléansville. La cité martyre, qui tue son chagrin en pansant ses plaies, veut oublier que le tremblement de terre de San Francisco n'avait fait que cinq cents victimes, et qu'elle est devenue une sorte de vedette du malheur.


Source Gallica - N° 35. 10 Janvier 1925.
SUR L'ORIGINE DU SABIR
              Alger, le 18 Décembre 1924.
              Monsieur et cher confrère,

              Il me faudrait, je crois, remplir plus de cent feuillets pour répondre à la question que vous me posez, et j'ai lieu de croire qu'il resterait encore beaucoup à dire pour éclairer vos lecteurs.
              Tout d'abord, permettez-moi d'observer que le jargon de Cagayous n'est pas du « sabir »' comme on l'entend en Algérie ; il s'apparente évidemment, à la langue franque, ce sabir méditerranéen, mais avec prédominance d'un français plus ou moins déformé.

              Lorsqu'il y a trente ans (déjà mon Dieu !) la Revue Algérienne, de Mallebay a publié les premiers vagissements de Cagayous, vous vous doutez bien que je n'ai pas improvisé une langue spéciale, une langue de pure fantaisie, pour permettre à mon charmant filleul de narrer ses truculents exploits...
              Avant de m'aventurer dans cette rocaille accidentée, j'ai dû, tout d'abord, laborieusement fixer les grandes lignes d'une syntaxe — oui, Monsieur, une syntaxe ! — assez obscure d'ailleurs, qu'un glossaire tenu à jour dans une mesure possible devait compléter.
              C'est ainsi que j'ai pu me rendre compte que dans le Cagayous algérien, des locutions napolitaines, siciliennes valenciennes, mahonnaises, maltaises, fleurissent sur un terreau français, avec des inversions, des altérations curieuses et des idiotismes pleins d'imprévu et de pittoresque.
              Vous ne serez donc pas surpris en apprenant que Cagayous est fort bien compris en Belgique où l'on se souvient de la domination espagnole, et au Canada qui fut français.
              Dans l'Est de l'Algérie, à Bône notamment, le jargon populaire est plus fruité d'italien qu'à Alger ; là-bas le Dio-cane est encore plus imprégné de Sicilien, trop peut-être.

              Dans l'Oranie, le Cagayous se rapproche du nôtre, avec moins de musique italienne et une dose plus forte de pataouète...
              Souffrez que je termine sur ce léger point d'orgue, mon petit air de flûte. Je laisse aux étymologistes de la Colonie le soin de rechercher les origines du grand sabir méditerranéen. Mon vieil ami Marguet qui est un esprit curieux et averti, vous renseignera mieux que je ne saurai le faire à cet égard.
              Mais ce que je puis affirmer ici, véhémentement, c'est que Cagayous est bien un latin d'Afrique, avec le quart colonial en plus.
              MUSETTE.

DE L'ORIGINE DU SABIR

              « ... Quand on achetait quelque chose dans une boutique, le marchand ne voulait parler ni français, ni sabir. Tu sais l'arabe, disait-i ! , puisque tu es juif ! .., »
              JOURNAL OFFICIEL, 25 avril 1875, p. 2982, 1ère col.

              Il convient d'insister - une fois pour toutes - sur ce qu'est, exactement, le « sabir », afin de lui faire sa place nécessaire, et suffisante, dans l'histoire si curieuse des langages usités en Berbérie, à travers les siècles, et de différencier la langue franque.. langue agonisante, et, demain, langue morte, de la langue algérienne, je. veux dire la langue française parlée en Algérie, de jour en jour plus vivante et qui, tout en acquérant un goût de terroir, restera française, dans son essence, avec l'avantage d'avoir incorpore, d'une façon intime, des éléments nouveaux qui rajeunissent la langue-mère sans nuire à sa beauté, à sa force, à sa clarté. Contrastant avec la pauvreté réelle du vieux « sabir », parler sec et commercial, la langue algérienne avec ses riches apports, sans cesse renouvelés, donnera la mesure de la vitalité du peuple néo-latin qui la parlera pendant de longs siècles encore...

              ...Une des dernières et rares vieilles personnes que j'ai connues employant le « sabir » comme langue sérieuse, si l'on peut dire, était ma grand'mère maternelle, venue à Alger très jeune, peu d'années après 1830. Elle parlait « sabir », dans ses dernières années, il y a environ vingt ans, à sa domestique kabyle, comme elle avait parlé aux indigènes un demi-siècle auparavant. « Fasir fougo ! (faire du feu). Fasir chambra bono ! Fasir negro ! (fermer les persiennes) » La Berbère la comprenait à ravir; et le curieux de la conversation était que ma grand'mère avait l'illusion qu'elle parlait arabe pendant que sa kabyle était persuadée qu'elle lui répondait en français !...

              ...La grammaire de la langue franque était puérile, sa syntaxe, embryonnaire. L'expression de la négation et de l'affirmation dominent le mécanisme indigent de ce parler ultra-simplifié. Demande : « Ti sabir ? » Réponse : « Mi, no sabir ! » avec la variante moderne: « Moi ou Ana, makache sabir! » - D : « Toi vendir ? » R : « Si, si, mi vendir ! » ou bien: « Lala, senior, makache volir vendir ! »
              Cela rappelle le rudimentaire: « Ya bon ! Ya pas bon ! » de nos tirailleurs sénégalais. Les verbes, uniquement employés à l'infinitif (remarquer que la langue arabe ne possède pas ce mode) ont une terminaison qui ne correspond pas toujours à celle des verbes romans dont ils sont tirés. Et, à ce propos, une étude très spéciale serait la recherche des lois phonétiques commandant la déformation des mots de souche latine passés au « sabir ». (Ex: en langue franque, sabir, avec la signification de savoir s'éloigne, comme physionomie, et du mot français correspondant et de l'espagnol saber, et de l'italien sapere, et du provençal sabe. Même remarque pour poudir (pouvoir), fasir (faire), bibir (boire), volir (vouloir), etc.

              ...Bien qu'il soit difficile d'apprécier, d'une façon complète, même à une époque donnée, la richesse du « sabir » son vocabulaire n'a jamais dû être bien étendu: quelques centaines de mots. (A moins d'attribuer au vieux « sabir » les spirituels apports, peut-être trop artificiels, trop littéraires, dûs au talent -personnel, à l'influence éphémère de certains Algériens cultivés qui eurent, si on peut dire, à la fois le génie et le culte du « sabir », les Alfred Letellier, les Mermet (Kaddour), les Georges Moussât, les Henri Sans. Mais où sont les Algériens d'antan ?)
              En dépit du sel et du piquant - poivre rouge ! - dont l'assaisonnèrent magistralement quelques humoristes du crû, le « sabir »t ne vaudra plus, désormais, que comme délassement fantaisiste et ne sera surtout relevé, et goûté, que grâce au talent primesautier de quelques auteurs spécialisés et, surtout, de leurs interprètes....

              ...L'usage plusieurs fois centenaire du « sabir», jargon farci de mots d'origine latine, n'a certainement pas peu contribué à l'altération de la langue arabo-mère, importée en Berbérie par les conquérants musulmans. Cette altération, nette surtout dans le parler des habitants des ports, cités cosmopolites, a été signalée, dès 1554, par le voyageur Léon l'Africain (ce Berbère issu d'une famille originaire de Fès, né à Grenade, et converti par le pape Léon X). D'autre part, comme il n'est pas absurde d'admettre que la langue arabe courante usitée en Algérie et en Tunisie, et appelée « arabe vulgaire » par les arabisants officiels est l'héritière directe des dialectes puniques où étaient entrés, en grand nombre, des mots latins et lybiens (en désignant par langue lybienne, avec Bertholon, le grec parlé dans le Nord de l'Afrique, dans l'Antiquité), on ne sera plus étonné que la pureté primitive d'une langue aussi nettement sémitique que l'arabe - littéraire, ou parlé - ait été, on peut dire de tous temps, altérée par des apports latins, signes lointains, mais déjà manifestes, de la prépondérance européenne dans le bassin de la Méditerranée....

              ...En somme, ce qui fait l'intérêt principal - l'unique intérêt -de l'étude du «sabir », c'est qu'il est la marque, timide, d'abord, puis de plus en plus raisonnée, volontaire, du génie latin donnant sa note dominante dans des relations entre peuples différents de langue, de mœurs, de mentalité. Relations d'abord purement commerciales, économiques, puis sociales et politiques ; obligeant, peu à peu, les peuples de langues turque, arabe, berbère à se familiariser avec une langue qui, plus tard, sera remplacée par une autre langue, plus complète, destinée à être employée par le vaincu et le vainqueur. Et, très curieux trait de psychologie des peuples, on retrouve, en maints passages de livres historiques ou anecdotiques, une répugnance marquée éprouvée par certains Musulmans à employer, même pour des transactions banales, la langue franque, imposée par les kouffar (infidèles)... Il semble que ces xénophobes avaient comme l'intuition que le « sabir », tout informe et imparfait qu'il était devait détruire, par sa dangereuse nouveauté, ce qui constituait l'édifice intangible et sacré des traditions de l'Islam.
              Le « sabir », considéré comme langue de transition, revêt ainsi un caractère du plus haut intérêt. Le petits-fils du « mercanti » indigène qui refusait de parler « sabir » -adopte, avec empressement, la langue du conquérant car il s'est aperçu que cette arme précieuse et nouvelle était peut-être destinée à lui permettre de concurrencer, sur de nombreux terrains, le petit-fils du Roumi....

              ...Et c'est justement l'extension de l'emploi de la langue française chez les Musulmans d'Algérie qui a prononcé l'arrêt de mort du vieux « sabir », devenu suranné, fossile, après avoir fait son temps et rendu les services qu'on en attendait. Le lettré indigène, qui s'applique à employer la langue française aussi correctement qu'un Français d'origine - il y parvient ! - ne peut alors qu'exécrer un jargon hybride qui le ridiculise et fait douter de son aptitude à s'assimiler le génie de la France en même temps que sa langue....
              Ainsi, à mesure que s'évanouit le « sabir», lequel va rejoindre les vieilles lunes, monte à l'horizon algérien la nouvelle langue, nourrie du suc de la langue-mère, la langue française d'Algérie, soleil jeune et resplendissant....
Docteur V. TRENGA.



Trois Marabouts
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui N°200, octobre 2011


« La bonbonnière » selon Mgr Lacaste
      
                 La Commune de Trois-Marabouts est située à 3 km au Nord-Ouest d'Ain-Témouchent. Le village est construit sur un plateau volcanique dominant les vallonnements environnants. Il se trouve à environ 10 kilomètres de la mer et à 255 mètres d'altitude.
                 La superficie de la Commune est de 10.726 hectares.
                 Le territoire de la Commune, d'abord assez réduit au nord et à I'ouest du village, et limitrophe des communes d'Ain-Témouchent et de Laferrière, s'étendit par la suite vers l'ouest sur le bled Sidi-ben-Adda, pour atteindre la mer.

                 Quelques plages, chères aux témouchentois, dépendirent alors de la commune: Camerata, la "plage des Mouches", la plage d'Oued el Hallouf.

                Trois-Marabouts avait cette particularité de compter un prêtre catholique et un pasteur protestant et, partant deux types de population de confession différente, plus celle de confession musulmane, entretenant cependant les meilleures relations, et cette autre particularité de ne compter, du moins dans I'agglomération, qu'un nombre relativement infime d'autochtones. Trois religions, trois marabouts, est-ce là I'explication de la dénomination du village ?

Le nom

                 Le nom lui a été donné en raison de 3 Koubbas élevées sur une colline et dont la plus vénérée et visitée est celle de Sidi Rabah.
                 Dans l'Echo de l'Oranie, François Rioland nous conte qu'un facétieux d'Ain-Témouchent lui a donné cette réponse que je vous livre sans avoir pu être confirmée :

                 «...Parmi la population musulmane, trois saints marabouts se disputaient la palme du plus grand faiseur de miracles, et le seul moyen de mettre tout le monde d'accord était de garder les trois marabouts et de laisser à chacun le soin de choisir le sien. » Je vends la nouvelle telle que je I'ai achetée, sans 'backchiche aucun, akarabi !

Histoire

                 Le centre de colonisation de Trois-Marabouts fut créé sur le territoire de la Commune mixte d'Ain-Témouchent en 1880 pour y recevoir des colons d'origine française. Le Comité Coligny, de Paris, présidé par le Pasteur Reveillaud, facilita l'émigration et l’installation d'un groupe de 12 paysans venant de la vallée du Queyras, à qui furent attribués des lots d'une vingtaine d'hectares sous certaines conditions.
                 Ces familles protestantes eurent un pasteur qui s'occupa de leurs âmes et des fonds du Comité.
                 Originaires de la Vallée de Freissinières, ces familles protestantes s'adressèrent au Pasteur Eldin d'Oran qui raconte : "C'est une grave affaire que de quitter le foyer paternel pour adopter une résidence nouvelle si différente ; on conçoit donc aisément les vives préoccupations de ces braves gens.

                L'anxiété se peignait sur leur rude visage, d'un commun accord, ils me demandèrent de prier. Cette proposition m'émut ; je sentais tout ce qu'il y avait de grave dans leur situation et j'augurai bien de ces hommes qui ne trouvaient rien de mieux dans de telles circonstances que de s'approcher de Dieu pour lui confier leur perpétuité et demander sa direction...". Les débuts furent très difficiles. Il fallait arracher jujubiers, palmiers nains et ces montagnards habitués aux grands efforts trouvaient là un travail bien plus pénible que celui de leur fraîche vallée. Certains se découragèrent, mais d'autres tinrent bon et avec leur acharnement réussirent à tirer profit de leurs efforts.
                 À peu près en même temps, une quinzaine de colons, en majorité du Tarn-et-Garonne, s'installèrent. Par la suite, une dizaine d'entre eux quittèrent le centre.
                 Depuis, quelques colons d'origine espagnole et divers Marocains se sont installés également.

                Le 4 Février 1922, le centre de Trois-Marabouts fut transformé en Commune de plein exercice.

Economie

                 De 2.012 hectares qu'elle comprenait en 1880, elle passe, à la suite de divers rattachements en 1927, 1930 et 1949, à plus de 10.726 hectares.
                 La croissance de sa population, de 110 habitants en 1881, elle a été rapide et est passée à 5.349 habitants en 1950.

                La commune se composait, à l'époque française d'un village européen, de deux villages arabes, de mechtas disséminées dans le pays, de fermes isolées et d'un hameau de plaisance: Oued-el-Hallouf.

                 Les Européens possèdent les 9/10ème des terres et se sont surtout attachés à la culture de la vigne, qui couvre environ 4.300 hectares, la récolte de 1954 s'étant élevée à 223.000 hectos.

                 Les autres cultures sont représentées par les céréales destinées à couvrir surtout les besoins locaux, un peu plus de 5.500 oliviers, dont la remise en production normale était en cours, les agrumes qui tiennent une faible place et quelques cultures maraîchères pour la consommation locale, le surplus étant dirigé sur Aïn-Témouchent.

Le culte
Paroisse catholique

                 En 1900, la paroisse est créée et l'église est dédiée à Notre Dame de la Grâce. Le premier curé est I'abbé Bertrand (1901-1908), puis lui succèdent MM. Audebaud" (1908-1910), Mordiconi (1910-1922), Le Hir (1924-1925), Volatron (1925-1929), Bellenger (\929 -1932), Houard ( 1934-1938), Maillard (1941-1945), Hageman (1948-1954), Ailiaume ( 1956-1962).
                 Aux autres périodes, la paroisse est desservie soit par le curé d'Ain-Témouchent, soit par celui de Laferrière.

                Une histoire cocasse se rapporte à la cloche et au clocher en 1909, les paroissiens se plaignent du non-fonctionnement de I'horloge du clocher, et le curé réclame l'accès à ce même clocher alors qu'on peut tirer sur les cordes sans y pénétrer ; en 1954, le curé demande à quitter cette paroisse car il ne supporte pas le bruit des cloches annonçant les heures...

                En 1960, à travers l'Oranie aux cent visages, il n'y avait pas un très long chemin de Béni-Saf aux Trois-Marabouts, pourtant le contraste était cependant très net entre les deux centres, qu'il s'agisse de géographie physique ou de géographie humaine... Il Paraît que, demandant un jour des nouvelles de sa paroisse au curé, Monseigneur Lacaste usa de cette Image : "Comment va votre bonbonnière ?"
                 Le curé rappela ce propos imagé dans son rapport tout en se défendant d'être totalement plongé dans les douceurs. "Je crois pouvoir dire qu'entre Paroissiens et curé règnent l'harmonie et la confiance, ce qui n'exclut pas, bien sûr, certains petits froissements inévitables dans toutes relations humaines...", une mission en 1957 et un retour de mission en 1958 portèrent leurs fruits mais les résultats se faisant maintenant sentir d'une façon atténuée, surtout du côté des hommes, le curé affirma que ce n'était pas de I'indifférence, mais "plutôt de la paresse spirituelle et du respect humain"...

Paroisse protestante

                 Le pasteur Piguet de Trois-Marabouts crée la Colonie de vacances des Petits-Perdreaux sur les pentes de la Forêt des Pins à Tlemcen.

                La commune de Trois-Marabouts se modernisait chaque année un peu plus : réfection et goudronnage des chemins, constructions administratives nouvelles, électrification qui allait être bientôt totale, amélioration du réseau d'eau potable, etc... En projet, création de jardins publics, amélioration des plages et de la scolarisation des classes rurales.

                 Ayant des finances saines, la Commune peut envisager I'avenir sous des couleurs riantes.
                Trois-Marabouts ! Un village serein comme tant d'autres de chez nous, où il faisait bon vivre... avant la flambée de terrorisme de l'automne 1956 et dont I'atmosphère de quiétude changea du jour au lendemain, pour faire place à un sentiment de crainte et de colère contenue, en présence de la carence de certaines autorités, d'abord sur le plan de I'auto-défense, ensuite sur celui du maintien de I'ordre, - cette pacification en dentelle ou feutrée, prescrite par qui vous savez. Un village où les ports d'attache du négoce et des points de rencontres étaient, au temps où la paix française régnait, pour les uns Ain-Témouchent et ses associations agricoles et viticoles, voire les centres proches *parmi les plus vivants, pour les autres le chef-lieu, Oran, cette capitale économique si" bien dénommée de I'Algérie.


La plage

                 Oued-El-Hallouf, très précisément chez l'ami Locia, le bistrot-restaurant de la plage, rendez-vous agréable en dépit de sa dénomination «Plage des Mouches ». rendez-vous jalonné de cabanons de tous genres et de beaucoup de familles de l'arrondissement, où la pêche, la belote, la pétanque, la démocratique mahia, le caldéro la frita aux côtes d'agneau et autres grillades du domaine de Neptune étaient le bonheur de vivre de tout un chacun. Dieu ! que c'est encore plus loin tout ça, et comme s'accroît davantage notre mépris à l'adresse de ceux qui nous ont volé, ce bonheur, lorsque la pensée nous ramène vers ces lieux, vers le Cap Camerata par exemple ! Ah, les salauds !
Compilation J-M L

Départ des Colons pour l'Algérie.
Démocratie pacifique N° 187 : Lundi 23 Octobre 1848

            Nous avons assisté ce matin au départ du quatrième convoi des émigrants, et nous sommes heureux d'avoir reconnu par nos veux que les renseignements donnés à la Démocratie, et qu'elle avait insérés étaient complètement inexacts. Nous avons constaté avec bonheur que les plus grands soins avaient été pris pour rendre supportable et agréable autant que possible le long voyage de nos compatriotes.
            Les bateaux sont effectivement disposés en quatre banquettes, qui offrent 55 centimètres de largeur, et chaque colon, homme, femme et enfant au-dessus de deux ans, reçoit un emplacement de 45 centimètres de largeur. Or, comme en chemin de fer et en voiture publique le voyageur de troisième classe ne reçoit que 40 centimètres, il en résulte que l'on est fort à l'aise surtout si les familles sont nombreuses. Dans la journée, tout le monde est assis, et on peut circuler dans toute la longueur du bateau, qui est partagé en deux grandes salles. Au milieu se trouve un couloir où sont établies deux cantines, une pour les hommes, une autre pour les femmes.

            Le convoi est confié à un personnel administratif installé à bord d'un bateau, sur lequel est une infirmerie pour les cas de maladie ou de naissance à bord.
            Certes, nous le reconnaissons, il eût été difficile de mettre en meilleure condition une grande émigration qui doit, en quelques semaines seulement, transporter en Algérie douze mille personnes. Grâce aux soins empressés des membres de la commission, les colons ont presque le confortable, les femmes nourrices ou enceintes reçoivent du lait. Le soir, tout le monde est couché à bord. Dans la journée les colons se promènent sur les bords des canaux parcourus et traversent ainsi la France sans fatigue au milieu des ovations des populations. Empressées sur leur passage.

            Ainsi, en quatorze jours, le premier convoi est arrivé à Marseille où il s'est embarqué à bord d'une frégate de l'Etat, qui, en trente-six heures, le déposera sur la terre d'Afrique.
            Le deuxième convoi est à la hauteur de Digon. Il entre dans le canal du Centre.

            Le troisième est à Briare.
            La batellerie a résolu un grand problème, car la masse des personnes n’était pas la seule difficulté à lever. Il fallait encore transporter avec la même vitesse cinquante à soixante a mille kilos de bagage en linge, outils, ustensiles de toutes sortes qui ont suivi ces immenses convois.
            Nous nous empressons donc de le reconnaître, ce n'est pas le blâme mais l'éloge que nous devons faire d'une entreprise qui a pu effectuer aussi convenablement un tel transport.

            Le convoi parti ce matin du quai Saint-Bernard, se composait de quatre bateaux cabanés, plus le bateau des bagages. L'émigration était de 834 personnes, non comptés - les enfants au-dessous de 2 ans.
            Des membres de la commission de la colonisation et un certain nombre de représentants assistaient au départ. Le nouvel archevêque de Paris, M. Sibour, est venu avec la pompe épiscopale donner sa bénédiction à la population émigrante.
            Le départ s'est fait aux plus vives acclamations et au son de la musique qui jouait nos grands airs patriotiques. Les émigrants chantaient le Chant des Girondins et le Chant du Départ, et répondaient aux adieux par les cris répétés de :
            Vive la France ! Vive la République ! et souvent
            Vive la République démocratique et sociale !!
            Les trois lettres suivantes, expédiées par les commandants des convois au président do la commission, prouvent que les soins intelligents de l’administration et la fraternelle sympathie des populations se continuent dans toute l'étendue du voyage.

            Nouvelles du premier convoi.
            Montargis, 17 octobre.
            Une partie de mon détachement suit le convoi à pied ; la gaieté est sur tous les visages. Ma petite colonie est organisée militairement ; un chef de groupe par douze personnes, et un chef par bateau qui reçoit les réclamations et me les transmet. Aujourd'hui, il ne m'en a pas été adressé une seule.
            Les colons se conduisent bien en route; quelques-uns sont un peu bruyants ; mais ils m'obéissent tous.
            Le temps est beau ; les hommes se promènent, ce qui permet aux femmes et aux enfants de prendre du repos..
            Les populations nous ont salués toute la journée de leurs acclamations, et|aux cris de vivent les colons ! Vive l'Algérie Les bateaux répondent par ceux de Vive la France ! Vive la République ! »

            Sur la Saône, 19 octobre.
            Au moment de notre embarquement sur la Saône, qui vient d'être terminé à huit heures et demie, j'ai reçu votre lettre du 13 de ce mois par laquelle vous me demandez des nouvelles du voyage des colons composant le premier convoi pour l'Algérie.

            Jusqu'à présent le voyage s'est fait heureusement. Depuis trois jours seulement nous sommes contrariés par le mauvais temps, mais les colons n’en sont nullement affectés; la plus franche gaieté règne parmi eux ils sont en général pleins d'espoir et de bonne volonté. Grâces aux soins assidus du docteur Labouysse, dont le zèle est infatigable, l'état sanitaire ne laisse rien à désirer.
            J'ai appris que les bateaux du deuxième convoi seraient hâlés par des chevaux ; c'est une grande amélioration.
            Le convoi est bientôt à hauteur de Mâcon.
            Le zèle de M. Pélicier vous est déjà connu, tous les éloges que je pourrais faire sur la manière dont il me seconde, ainsi que le docteur Labouysse, seraient au-dessous de la vérité. »

            Nouvelles du second convoi.
            Châtillon.
            Nous sommes salués sur notre passage par les plus vives acclamations. Aux cris : Vivent les colons, ceux-ci répondent : Vive la République! Nous sommes heureux d'avoir à vous faire l'éloge de nos entrepreneurs. Il y a beaucoup de large, les colons sont très contents. Toutes les distributions sont faites sous nos yeux. Les denrées sont bonnes, le vin meilleur qu'au départ.
            L'abondance règne au milieu de nous, mais réglée par l'ordre le plus parfait. Voilà pour notre premier bulletin ; dans trois jours vous en aurez un autre. »


LE CHALLENGE DE BATNA
Par Maurice Villard
ACEP-ENSEMBLE N°284

         Importante manifestation d'athlétisme de l'Est Algérien, le challenge de Batna était organisé chaque année.
         Cette manifestation attirait un nombre impressionnant d'athlètes, filles et garçons, de tous horizons : Est Algérien, Algérois, Oranais, Tunisiens.
         En cette année 1954, le stade Olympique Constantinois ( SOC ), présentait la plus nombreuse délégation entraînée et encadrée par Messieurs Andichou et Gras.
         Les établissements scolaires, les casernes, les hôtels se mobilisaient pour l'accueil et I'hébergement des athlètes.
         Etalé sur trois journées, le challenge de Batna provoquait une joyeuse animation dans toute la ville.

         Cette année 1954, le SOC fondait de réels espoirs de victoire pour son équipe junior, et ne fut pas déçu. Comme titrait" la « Dépêche de Constantine » «Les juniors du SOC triomphent à Batna ».
         Ayant manifesté une certaine supériorité sur leurs adversaires, le SOC s'imposa avec un point d'avance sur I'ASSUS Sétif et avec 25 points sur Hydra Alger. Cette belle victoire lut l'œuvre des : Capril, Senia, Berard, Runfola.
         Après la remise des prix aux lauréats, les athlètes se quittent sans se douter qu'ils venaient de participer au dernier challenge de Batna.
         Norbert SENIA


VOYAGE A TRAVERS L'ALGERIE
Par Georges Robert, 1897, 2ème partie, pages 191-223
- Constantine, son histoire, ses environs.

PHILIPPEVILLE

            Philippeville, par sa situation, est le port le plus fréquenté de la province de Constantine ; créé au prix d'immenses travaux et de dépenses énormes, il possède d'un côté un avant-port de 25 hectares, et de l'autre un petit port intérieur de 19 hectares, bien abrité et bordé de quais où les navires peuvent mouiller directement.
            Une muraille crénelée, percée de trois portes, entoure la ville dont les rues droites et larges, bordées de maisons modernes bien construites, lui donnent l'aspect d'un véritable centre européen.
            « La situation de l'Algérie, dit M. Barbier, était, à la fin de l'année 1838, calme partout, et les agressions des indigènes se bornaient à des attaques individuelles ou par bandes de malfaiteurs, qu'on réprimait aisément. Le gouverneur général profita de cette tranquillité pour organiser l'administration de la province de Constantine. Après les reconnaissances effectuées en janvier et avril précédents, le chemin de Stora était ouvert à l'armée ; les camps de Smendou et d'El-Arrouch étaient occupés et fortifiés. La tète de la route de Constantine ne se trouvait plus qu'à neuf lieues de la mer et s'en rapprochait chaque jour. — Le 6 octobre, quatre mille hommes étaient réunis au camp d'El-Arrouch. Ils en partirent le lendemain et allèrent camper sur les ruines de Russicada. Aucune résistance n'avait été opposée ; seulement, dans la nuit, quelques coups de fusil tirés sur les avant-postes protestèrent contre une prise de possession à laquelle les Kabyles devaient bientôt se résigner.

            Mais, le 8, un convoi de mulets arabes, escorté par des milices turques à notre service, ayant été, dans un étroit défilé, attaqué avec quelque avantage, les indigènes, encouragés par ce factice succès, dirigèrent, la nuit suivante, une nouvelle attaque contre le camp d'El-Arrouch, qu'ils savaient n'être plus gardé, depuis le départ de l'armée pour Stora, que par des Turcs. Ceux-ci opposèrent une si énergique résistance, que les assaillants, ayant éprouvé des pertes considérables, firent connaître au commandant du camp leur intention de rester désormais tranquilles. L'armée travailla sans relâche à fortifier la position qu'elle venait d'occuper. Le sol, jonché de ruines romaines, lui fournit les premiers matériaux, et des pierres taillées depuis vingt siècles revêtirent des murailles toutes neuves. La ville reçut le nom de Philippeville. »

DE CONSTANTINE A ALGER
SÉTIF

            Le chemin de fer de Constantine à Alger passe à Sétif, seul endroit important de la ligne ; on y arrive en cinq heures, après avoir parcourut 156 kilomètres.
            Sétif est un chef-lieu de commune d'environ 11,500 habitants, au nombre desquels on compte 2,300 Français.
            La ville se divise en deux parties : la ville proprement dite, entourée d'un mur d'enceinte percé de trois portes, et le quartier militaire.
            Sétif est la Sittifa des anciens, métropole de la Mauritanie sittifienne qui, d'après les historiens, pouvait avoir 4 kilomètres de circuit, lorsque les Arabes l'ont détruite de fond en comble.
            La première occupation de Sétif, ou plutôt du lieu où s'élève cette ville, par les troupes françaises, remonte au 31 octobre 1839.

            « Dans le mois de septembre 1839, dit M. Barbier, on jugea le moment arrivé de reconnaître la partie de la province de Constantine qui s'étend de la capitale du Biban jusqu'à l'oued Kaddara, en passant par le fort de Hamza. Le duc d'Orléans vint une seconde fois en Algérie pour s'associer à cette expédition. Après avoir visité une partie du territoire soumis à notre domination, le prince se rendit à Mila, où le gouverneur général avait réuni un corps expéditionnaire composé de troupes de toutes armes. Cette armée, sous les ordres du gouverneur général, fut partagée en deux divisions ; le duc d'Orléans prit le commandement de la première. On se mit en marche le 18 octobre. La colonne arriva à Djemila le 19, et le 21 au soir à Sétif, où le maréchal fit prendre position sous les murs de l'ancienne forteresse romaine. Le prince royal reçut partout sur son passage les hommages des chefs indigènes soumis ou nommés par la France. Le 25 octobre, les deux divisions quittèrent le camp de Sétif et vinrent s'établir sur l'oued Bomela, position qui domine les routes de Bougie et de Zamourah. De là, le corps expéditionnaire se porta rapidement sur Sidi-Embarech. Après avoir traversé le territoire des Ben-Bou-Khetou et des Beni-Abbas, les deux divisions de l'armée se séparèrent. L'une, sous les ordres du général de Galbois, devait rentrer dans la Medjena, pour continuer à occuper la province de Constantine, rallier les Turcs de Zamourah et terminer les travaux nécessaires à l'occupation définitive de Sétif ; l'autre, forte de trois mille hommes, sous les ordres du gouverneur général et du prince royal, se dirigea immédiatement vers la Porte de Fer. Le 28, à midi, commença le passage de ces redoutables roches que les Turcs n'avaient jamais franchies sans payer des tributs considérables, et où jamais n'étaient parvenues les légions romaines. Quatre heures suffirent à peine à cette opération difficile. Après avoir laissé sur les flancs de ces immenses murailles verticales, dressées par la nature à une hauteur de plus de cent pieds, cette simple inscription : Armée française, 1839, la colonne se dirigea vers le territoire des Beni-Mansour. »

            Par les anciennes routes, un service de diligence conduit de Constantine à Sétif en douze heures, en passant par les Abd-en-Nour (126 kilomètres). On traverse alors les villages de Aïn-Smara, Oued-Atmenia, Châteaudun-du-Rumel et Saint-Arnaud.

            • Par Mila, la diligence ne conduit que jusqu'à cet endroit, situé à 52 kilomètres de Constantine ; les 96 kilomètres qui séparent encore Mila de Sétif ne peuvent se parcourir qu'à cheval ou à mulet. Pendant la première partie de cette route, on ne rencontre que le village de Aïn-Tinn (32 kilomètres de Constantine), construit sur les ruines de Praediae-Celia Maxime.
            Sur la seconde partie se trouve Zeraïa (à 64 kilomètres de Constantine) et Djemila (à 116 kilomètres).
            Djemila fut occupée une première fois, par les troupes françaises, le 11 décembre 1838. La moitié du 3° bataillon d'infanterie légère d'Afrique y fut laissée d'abord avec une section d'artillerie de montagne et un détachement du génie pendant que l'armée continuait sa marche sur Sétif. Le demi-bataillon fut attaqué dans son poste à plusieurs reprises par les Kabyles, mais sans succès.
            A son retour de Sétif, le général commandant le corps expéditionnaire craignant un nouveau retour offensif de l'ennemi, compléta le 3ème bataillon d'Afrique, et l'effectif de la garnison s'éleva alors à six cent soixante-dix hommes.
            Vers la fin de décembre, quatre mille Kabyles descendirent des montagnes, entourèrent la place, et la garnison ainsi bloquée, s'étant retranchée de son mieux, repoussa avec une merveilleuse énergie toutes les attaques. Ce ne fut que le 23 qu'elle fut secourue par le 26ème de ligne et put rentrer à Constantine.
            Djemila fut de nouveau occupée le 15 mai 1839, mais cette fois sans coup férir.

EL-MILIA

            La route stratégique de Constantine à El-Milia n'est accessible qu'aux chevaux et aux mulets ; elle traverse d'abord l'oued Smendou au-dessus de Kreneg, puis passe à El-Bénia, de là gravit le Djebel-Sgas à 1,341 mètres d'altitude, contourne ensuite les pentes du Meid-el-Aïcha et arrive à El-Milia, après avoir laissé à gauche le Djebel-Mahanda.
            El-Milia est un poste militaire créé en 1858 sur une montagne escarpée et entourée de forêts.
            Le village est un chef-lieu de commune mixte qui compte environ 44,000 habitants, dont 200 Français.

LA PETITE KABYLIE
BOUGIE. - LES BENI-MANSOUR. - DJIDJELLI. - COLLO.

            Un service de diligence est établi de Sétif à Bougie, et l'on parcourt les 113 kilomètres qui séparent ces deux villes en douze heures.
            La route traverse des ravins dénudés, presque stériles, jusqu'à la plaine de Fermatou ; de là, elle suit un petit défilé entre les contreforts du Djebel-Matrona ; puis, après avoir passé El-Ouricia, descend dans une vallée qui sépare le Magris (1722 mètres d'altitude) de Takitount.
            Takitount est un petit village dominé par un fort à 1051 mètres au-dessus du niveau de la mer et d'où l'on jouit d'une vue superbe.
            A cet endroit, on trouve des guides et des mulets pour l'ascension du Babor, distant de 15 kilomètres et à 2,000 mètres d'altitude.
            Cette montagne, couverte de cèdres et de pins, d'où l'on domine la mer ainsi que toutes les vallées environnantes, est une des plus jolies excursions de cette région, après, toutefois, les gorges du Chabet-el-Akhra (le défilé de l'agonie ou de la mort).

            Les gorges du Chabet-el-Akhra, situées entre deux gigantesques montagnes de 1700 à 1800, mètres d'altitude, presque partout à pic, quelquefois même surplombant l'abîme, surpassent de beaucoup les gorges de la Chiffa et de Palestro.
            LES GORGES DU CHABET EL-AKHRA
            Sur un parcours de 10 kilomètres, la route est tantôt creusée sur la paroi verticale du rocher, tantôt portée sur des arceaux.
            Au fond, l'oued Agrioun roule, en mugissant, de chute en chute ; il coule toujours et jamais au-dessous de 500 litres par seconde.
            Quelquefois la route est suspendue à plus de 100 mètres au-dessus de l'Agrioun, toujours dominée par ces deux gigantesques murailles de rocher qui n'y laissent tomber le soleil qu'à midi. A cette heure on y rencontre très souvent des groupes de singes.

            Les cavernes dont les montagnes sont percées, servent d'abri à une quantité innombrable de pigeons.
            A mi-chemin de la gorge, un pont hardi, élevé d'environ 100 mètres, réunit les deux rives de l'oued Agrioun.
            Environ 4 kilomètres plus loin, une belle cascade s'échappe d'un trou de rocher.

            A l'entrée du Chabet-el-Akhra une pierre porte l'inscription suivante:
            Les premiers soldats qui passèrent sur ces rives furent des tirailleurs commandés par M. le commandant Desmaison, 7 avril 1864.
            Avant de sortir des gorges, on lit sur le rocher : Ponts et chaussées. Sétif. Chabet-el-Akhra. Travaux exécutés 1853-1870. (Extrait du Guide de l'Algérie de M. Piesse.)
            De là, la route traverse de superbes forêts, puis côtoie la mer et fait le tour du golfe sur le bord duquel s'élève Bougie.

LA PROVINCE DE CONSTANTINE
BOUGIE

            Bougie, adossée au revers d'une haute montagne, avec ses maisons perdues dans les massifs d'orangers, de grenadiers et de caroubiers, a un aspect des plus pittoresques ; elle occupe l'emplacement de l'ancienne colonie romaine de Saldae qui fut, avant Carthage, la capitale de l'empire éphémère des Vandales; puis, soumise aux Arabes en 708, elle accepta les dynasties successives qui occupèrent l'Afrique.
            Ce fut l'époque de la plus grande prospérité de Bougie ; elle comptait jusqu'à 20,000 maisons. En 1509, les Espagnols s'en emparèrent, et Charles-Quint la fortifia en 1541. Après le départ des Espagnols, livrée aux compagnies turques des deys d'Alger, exposée aux coups des Kabyles, elle déclina rapidement, et quand le général Trézel s'en empara en 1833, elle ne présentait plus qu'un amas de ruines.


            Aujourd'hui, Bougie possède un port de 7 à 8 hectares, suffisant pour les besoins du commerce ; la ville se compose d'une rue principale. qui est la rue Trézel, et dans laquelle viennent aboutir, à droite et à gauche, d'autres rues plus ou moins importantes.
            De tous côtés on retrouve des traces des nombreuses peuplades qui, depuis vingt siècles, ont occupé Bougie.
            Les fortifications actuelles ne sont que la septième partie de l'enceinte sarrasine dans laquelle elles sont englobées. Les ruines de cette dernière se développent encore sur une étendue de 5,000 mètres. Sur un grand nombre de points, l'enceinte romaine, qui mesurait 3,000 mètres, est encore debout.
            En outre des cinq portes qui donnent accès dans la ville, s'élève sur le quai, isolée, l'ancienne porte sarrasine construite en briques et qui donna une idée parfaite de l'architecture arabe au XIVème siècle.
            On aperçoit encore les ruines du Bordj-el-Ahnlar et du fort Abd-el-Kader, l'un près du Gouraïa, l'autre au sud-est, sur une terrasse de rochers.
            La Kasbah, dont une partie fut rasée en 1853, a été restaurée depuis et convertie en bâtiments militaires ; il en est de même du fort Barral, sur la terrasse duquel on a construit une caserne.

            De nombreuses promenades environnent Bougie; entre autres : le chemin bordé d'oliviers centenaires qui conduit au cap Bouak, à 2 kilomètres ; la koubba de Lella-Gouraïa, au sommet de la montagne de ce nom, à 3 kilomètres ; la vallée des singes, à 5 kilomètres ; les ruines de l'aqueduc romain de Toudja, à 21 kilomètres ; et les ruines de Tubusectus, à 28 kilomètres.

LES BENI-MANSOUR

            De Bougie aux Beni-Mansour, un chemin de fer est en construction ; il conduit actuellement jusqu'à Sidi-Aïch, en longeant la route de terre et en traversant plusieurs viaducs, sous lesquels passent les ruisseaux qui vont se jeter dans l'oued Sahel.
            De Bougie à Sidi-Aïch, on ne rencontre que le village d'El-Kseur, où la plus grande partie des habitants sont Français, et le village kabyle d'Ilmaten, où les trains ne font qu'une halte.
            Sidi-Aïch est un chef-lieu de commune mixte d'environ 50,000 habitants, dont 225 Français. De ce point, on se rend à Akbou avec la voiture qui vient de Bougie.
            Akbou ( Metz) principalement habitée par des Français est appelée à prendre une grande extension ; ce n'est maintenant qu'un simple chef-lieu de commune de 1.400 habitants, dont près de 600 Européens.
            On se rend d'Akbou aux Beni-Mansour en cinq heures, avec une diligence qui fait tous les jours ce trajet.

DJIDJELLI

            La route qui conduit de Constantine à Djidjelli n'est plus praticable pour les voitures à partir de Mila ; elle traverse alors les nombreuses montagnes boisées qui s'étendent dans cette région appelée vulgairement la Petite-Kabylie.
            On ne rencontre, sur ce parcours de Mila à Djidjelli, à part plusieurs villages indigènes, que Strasbourg, chef-lieu de commune de 2,000 habitants dont 180 Français.
            Djidjelli, sous l'Empire romain, était une ville épiscopale ; elle devint plus tard le berceau de la puissance de Barberousse et acquit, dès lors, une très grande importance par son trafic et surtout par sa piraterie.
            En 1664, le duc De Beaufort envoyé par Louis XIV, s'empara de cette ville pour y fonder un établissement français, et posa la première pierre du fort que les Arabes désignent encore sous le nom de Fort des Français. La petite garnison qui y avait été laissée, environ 400 hommes, ne s'entendant pas avec les marins, les Arabes profitèrent de ces dissensions pour les attaquer ; ils enlevèrent facilement le fort, massacrèrent tous les Européens et restèrent maîtres de la ville avec trente pièces de canon.
            Cette ville, après avoir été presque entièrement détruite par un tremblement de terre en 1856, est aujourd'hui très florissante; de nombreux colons sont venus s'y installer depuis quelques années, et ont contribué à donner à ce pays, resté longtemps stationnaire, un développement qui augmente chaque jour.

            L'ancienne ville arabe occupe une petite presqu'île rocailleuse, réunie à la terre, où s'étend la ville française, par un isthme fort bas.
            Cette dernière, bâtie au pied des collines, est remarquable par ses constructions, ainsi que par ses belles rues bordées de magnifiques platanes.
            La ville arabe est défendue par des parapets construits sur les rochers et garnis de canons ; la ville française est entourée d'un mur.
            Le port de Djidjelli n'est accessible que pendant la belle saison ; il possède un phare placé à l'extrémité d'une ligne de rochers qui le protègent en partie contre les vents du nord.
            Cette ville communique, par des routes muletières, avec Bougie (105 km), Collo (110 km), etc., etc.

COLLO

            Collo est situé au pied du Djebel-Goufi ; son port, d'une très petite étendue et peu profond, ne lui permet pas de recevoir un grand nombre de bâtiments ; les paquebots qui font escale à Collo mouillent à 1 kilomètre environ du port.
            La ville est de peu d'importance ; c'est un chef-lieu de commune de 2,700 habitants, dont 450 Français.
            On peut faire la moitié de la route de Constantine à Collo en chemin de fer, en s'arrêtant au Col des Oliviers, à l'endroit où est établi le buffet sur la ligne de Philippeville ; il ne reste plus à parcourir que 56 kilomètres, mais par un chemin inaccessible aux voitures.

L'AURES - KHENCHELA - TEBESSA

            « L'Aurès, dit le colonel Niox, est un vaste pâté montagneux délimité : à l'ouest, par la route de Batna à Biskra; au nord, par une ligne tirée de Batna à Khenchela ; à l'est, par la vallée de l'Oued-El-Arab, entre Khenchela et Khrenga; au sud, par la ligne de Biskra à Khrenga. L'Aurès doit sa formation à deux plissements considérables. L'un, celui du nord de l'Afrique, a produit les escarpes de Kef-Mohmed à l'ouest, et du Chelia à l'est, cimes les plus hautes de l'Algérie, qui dépassent 2,300 mètres. En général, suivant la loi ordinaire des érosions de l'Algérie, c'est au nord et à l'ouest qu'ont été sculptées les escarpes, parce que les grands courants diluviens couraient du nord-est au sud-ouest, avec tendance constante à descendre au sud dans le bassin saharien.
            « Les populations de l'Aurès sont de race berbère avec mélange arabe ; on les appelle des Chaouïa, pasteurs, bergers nomades, bien qu'ils soient devenus sédentaires. Les femmes jouissent d'une grande liberté et travaillent au dehors comme les hommes. On y a signalé la coutume de célébrer certaines fêtes dont les dates présentent la plus grande analogie avec les fêtes romaines, israélites et chrétiennes, telles que Noël, le jour de l'an, les Rogations, les fêtes de l'Automne.

            « La physionomie de l'Aurès est très variable. Dans le nord, des plateaux fertiles à plus de 1000 mètres d'altitude, couverts de neige pendant une partie de l'hiver, rappellent par leurs productions certaines contrées du centre de la France. De belles forêts de cèdres couronnent encore quelques sommets ; elles disparaissent malheureusement chaque jour, mourant naturellement, frappées d'une malédiction céleste, disent les Arabes. Les pentes du Chelia étaient aussi couvertes de cèdres superbes. Quelques-uns seulement ont conservé une touffe de branches vertes à leurs cimes. La plupart sont desséchés. Les arbres géants sont encore debout sans écorce, sans feuillage ; d'autres, violemment renversés par l'ouragan, gisent comme de gigantesques cadavres aux membres tordus. Ce n'est pas sans mélancolie que l'on traverse ces forêts mourantes. »

KHENCHELA

            Une diligence fait le service de Constantine à Aïn-Beïda en douze heures, et de là à Khenchela en onze heures.
            Aïn-Beïda est un petit village construit autour des deux bordjs qui furent élevés sur ce point en 1848 et en 1850. On rencontre là des ruines magnifiques, ainsi que celles d'un ancien poste romain. De nombreux juifs occupent cette localité et font le commerce avec la tribu des Maracta qui, après avoir fourni des guerriers aux Turcs, fournit maintenant des cultivateurs au sol.
            Khenchela. chef-lieu d'un cercle militaire et d'une commune mixte de 17,000 habitants, dont 35o Français, est situé au pied de l'Aurès.

TEBESSA

            Pendant le trajet d'Aïn-Beïda à Tébessa, qui se fait en douze heures, on rencontre le village de la Meskiana dont les environs bien irrigués produisent de grandes quantités de fourrages ; puis on traverse de nombreuses ruines romaines, les grands pâturages de Chabro et d'immenses plaines couvertes d'alfa.
            Tébessa, située à 17 kilomètres de la frontière tunisienne, commande les vallées qui descendent dans le Sahara ; c'est, par sa situation, un point militaire d'une certaine importance.
            Cette petite ville compte environ 2,000 habitants ; elle est le chef-lieu d'un cercle militaire, d'une commune de 3.500 habitants, dont 220 Français, et d'une commune indigène de 15,500 habitants environ.
            Tébessa est d'une haute antiquité et renferme encore plusieurs monuments anciens.
            « Au temps des Turcs, dit M. Letrone, une petite garnison de quarante janissaires appuyait l'autorité du caïd de Tébessa pour assurer la rentrée des contributions et protéger les caravanes qui se rendaient de Constantine à Tunis. - Le caïd choisi par les habitants de la ville, avait sous ses ordres, au dehors, un douar nommé El-Aazib.

            Depuis la prise d'Alger, Tébessa se gouvernant à peu près seule, était pour les tribus environnantes un terrain neutre où elles creusaient leurs silos et déposaient leurs grains pour se soustraire au hasard des querelles fréquentes qui leur mettaient les armes à la main les unes contre les autres. La plus puissante de ces tribus, celle des Nemencha, établie au sud de Tébessa, supportait peu facilement l'action de l'autorité centrale. Lorsqu'on pouvait envoyer des troupes sur son territoire, ce qui n'arrivait qu'à des intervalles irréguliers et souvent éloignés, on nommait un caïd qui profitait de la présence des troupes pour percevoir les impôts. Mais après leur départ, l'autorité du caïd devenait à peu près illusoire, et souvent même, ce fonctionnaire ne pouvait demeurer sans danger au milieu de ses administrés.
            Tébessa, où une première reconnaissance militaire a été faite du 1er au 3 juin 1842, par le général Négrier, et une seconde en 1846 par le général Randon, a été définitivement occupée en 1851 par le général de Saint-Arnaud, depuis maréchal, lors de son expédition à travers l'Aurès oriental. Une garnison a été laissée, dès cette époque, dans ce nouveau cercle destiné à contenir les Nemencha, comme le cercle d'Aïn-Beïda est destiné à contenir les Haracta.

            La ville arabe de Tébessa fut construite sur les ruines de Théveste, et renfermée tout entière dans l'enceinte de la citadelle élevée par Salomon. La muraille, encore debout de cette citadelle, haute de 12 à 15 mètres, épaisse de 2 mètres, longue de 300 mètres au nord et au sud, et de 250 mètres à l'ouest et à l'est, est percée de trois portes ; douze tours à deux étages flanquent cette muraille.

            Ruines de l'Arc de Triomphe.
            La ville, sauf la kasbah française, construite à l'angle sud-ouest, et qui fait face à la kasbah turque, construite à l'angle nord-ouest, sauf encore quelques constructions européennes, est un amas de ruines, dans lesquelles les Arabes se sont ménagé quelques logements et au milieu desquels surgissent l'arc de triomphe, le temple de Minerve et la mosquée.

            L'arc de triomphe, dont la masse, principale forme un cube de près de 11 mètres, est du genre de ceux appelés quadrifons. Chaque face représente un arc de triomphe ordinaire à une seule arche. Trois de ses côtés sont en ruines. Construit pendant les années 211, 212 et 213 après J.-C. et dédié à Septime Sévère, à Julia Domna, sa femme, et à Caracalla, son fils, cet arc de triomphe est un véritable chef-d'œuvre d'architecture, et doit être rangé parmi les monuments les plus remarquables, et surtout les plus rares de l'antiquité romaine.

            LE TEMPLE DE MINERVE A TEBESSA
            Le temple de Minerve, situé entre l'ancienne kasbah turque et l'arc de triomphe, après avoir servi de fabrique de savon, de bureau affecté au service militaire, de cantine, de prison, a été transformé en église catholique. C'est un fort beau monument dans le style corinthien, placé à 4 mètres au-dessus du sol, soutenu par trois voûtes, et auquel on arrivait par un escalier de vingt marches. Le temple est large de 8 mètres et long de 14 mètres, y compris le proonos ou portique entouré de six colonnes, mais non surmonté, comme c'était l'usage, d'un fronton, sans doute remplacé par des statues.
            La mosquée n'a rien qui puisse captiver l'attention des touristes, c'est un monument très simple et sans aucun caractère.


            Dans l'intérieur de l'enceinte byzantine, on trouve encore les ruines connues sous le nom de la maison romaine, dont les importantes dimensions donnent à supposer que c'était là la demeure de quelque grande famille du pays.
            Dans la ville byzantine dont Tébessa occupe l'angle sud-ouest, on a retrouvé, au milieu de magnifiques jardins, des bassins, des puits, etc., etc.
            Le cirque présente une arène circulaire de 45 à 50 mètres de diamètre, environnée d'un massif en maçonnerie qui se terminait intérieurement par quinze ou seize rangées de gradins pouvant contenir six à sept mille spectateurs.
            Le sol, aux environs de Tébessa, est jonché de ruines romaines. Les montagnes qui avoisinent la ville offrent les sites les plus pittoresques. Ce ne sont que rochers, accidents de terrain, cascades, beaux points de vue, etc., etc.

DE CONSTANTINE A BONE

            Avec le chemin de fer, on se rend aujourd'hui de Constantine à Bône (219 kil.) en dix heures; Hammam-Meskoutine, Guelma et Duvivier, sont les endroits les plus intéressants traversés par cette ligne.

            Hammam-Meskoutine (les bains des maudits ou les bains enchantés) possède des sources thermales dont un nuage de vapeur trahit de loin l'emplacement :
            « Les eaux d'Hammam-Meskoutine, dit le docteur Hamel, sourdent sur la droite de l'oued Bou-Hamdem, qui, réuni à 10 kilomètres plus bas, à l'oued Cherf, donne naissance à la Seybouse. Le plateau d'où s'échappent ces eaux forme la partie inférieure d'un versant à pente douce, exposé au Nord et n'offrant pas moins d'intérêt par sa végétation que par les phénomènes géologiques anciens ou modernes dont il est le théâtre. Vues de haut, elles occupent le centre d'un large bassin, entouré d'une ceinture de montagnes modérément élevées. Sur le second plan, le Djebel-Debbar, le Taya, le Ras-el-Akba, la Mahouna, contreforts atlantiques dont l'altitude varie entre z,000 et z,3oo mètres, dessinent leurs crêtes abruptes aux quatre coins de l'horizon, et encadrent le pays le plus pittoresque qu'il soit possible d'imaginer. Le nombre des sources est en quelque sorte illimité ; des changements se sont opérés dans leur lieu de dégagement, à une époque reculée, et continuent de nos jours sur une moins large échelle.

            « Les eaux de la cascade, ajoute M. le Dr Haine, après avoir parlé des différentes sources, comptent parmi les plus chaudes que l'on connaisse ; leur température s'élève à 95°. Celles des geysers, en Islande, sont à 109°, et celles du lac Tricheras de 90°,61. Les Arabes utilisent cette température pour dépouiller de leurs parties solubles certaines plantes textiles qu'ils emploient à la confection de cordes et de nattes, pour laver leur linge, pour faire cuire des oeufs, des légumes, de la volaille, etc. Les sources de la Ruine font monter le thermomètre à 90°. La source ferrugineuse atteint 78°,25.
            « Les eaux de Meskoutine sont indiquées dans les cas suivants, pour lesquels de nombreuses guérisons ont été obtenues : hémiplégies et paraplégies, cachexies palustres, affections cutanées, accidents syphilitiques, névralgies, sciatiques, plaies d'armes à feu, fistules, douleurs, engorgements glandulaires chroniques, ulcères atoniques, douleurs rhumatismales, arthritiques et musculaires. »
            Au milieu de ce superbe et intéressant pays, un petit hôpital militaire a été construit près de la gare, ainsi que de nombreuses piscines pour les Européens, indigènes et Israélites. Enfin, sur la hauteur, un hôtel, entouré de plusieurs chalets, a été installé, afin d'offrir tout le confortable nécessaire aux malades et aux touristes.

            Guelma, l'ancienne Kalama, nommée pour la première fois par saint Augustin, est construite à côté de l'endroit occupé par cette première ville, devenue depuis sa citadelle.
            Une muraille percée de cinq portes entoure cette place qui fut, à l'époque où nous occupâmes cette province, c'est-à-dire vers 1837, l'un des plus beaux établissements militaires de l'Algérie.
            De nombreuses ruines romaines ont été trouvées sur cet emplacement, et par les soins du génie militaire ont été réunies dans un jardin, sur la place de l'Eglise, où elles forment un véritable musée.
            Guelma compte environ 4000 habitants; des rues plantées d'arbres la traversent dans toutes les directions et aboutissent aux places de l'Église, Saint-Augustin, Saint-Cyprien, Coligny, de la Fontaine et du Fondouk. La rue d'Announa, entre autres, longue d'un kilomètre, est très remarquable par son originalité et son animation le lundi, jour du grand marché arabe.

            Duvivier n'est qu'un petit village de 550 habitants, situé sur la rive droite de la Seybouse, à 1 kilomètre de la station.
            A cet endroit existe l'embranchement de la ligne de Souk-Ahras qui conduit à Tunis.

BÔNE

            Bône fut construite au VIIème siècle sur les ruines d'Hippone, dont saint Augustin fut l'évêque.
            Ancienne Hippo-Regius des Latins, la Beled-el-Anab ou ville des dattes des Arabes, Bône est le centre de la pêche du corail sur les côtes de l'Algérie. Sous Louis XIV, la Compagnie Française d'Afrique y établit un comptoir qui fonctionna jusqu'en 1789.
            Aujourd'hui, Bône compte environ 20,000 habitants et forme deux quartiers, l'ancienne et la nouvelle ville, séparés par le cours National.
            L'ancienne Bône s'étend du cours National jusqu'au pied de la falaise sur laquelle s'élève l'hôpital militaire ; c'est un quartier mal entretenu, n'ayant aucun caractère particulier, et dont les maisons, basses et mal construites, bordent sans aucun alignement, les rues, qui sont étroites et sales. C'est là le quartier arabe.

            La nouvelle Bône est un contraste frappant avec l'ancienne. Ici, c'est la ville européenne, avec ses belles maisons à plusieurs étages, ses splendides magasins et ses grandes rues larges où règne toujours une animation qui rappelle celle des grandes citées.
            Six portes, percées dans une muraille crénelée, donnent accès dans la ville.
            L'ancienne Kasbah, construite au XIVème siècle, a été convertie en prison centrale pour les condamnés aux fers.
            Le port est certainement le mieux favorisé de tous ceux de la côte algérienne ; son accès est facile, et sa situation au fond et sur la côte occidentale d'une rade bien abritée contre les vents d'ouest, offre une grande sécurité aux navires qui viennent y mouiller.
            Par suite de la canalisation des eaux stagnantes de la Seybouse et de deux autres petites rivières, toute cette région assainie a pris une très grande importance, et cela d'autant plus facilement que les environs de la ville sont d'une remarquable fertilité.

            Les Français occupèrent cette ville en 1832.
            « Préoccupé avant tout, dans l'expédition d'Afrique, de la perte de nos anciennes concessions de la Calle, le gouvernement avait prescrit à M. de Bourmont, dès les premiers jours de juillet 1830, de diriger le plus tôt possible sur Bône un corps de troupes, pour y faire reconnaître les droits de la France. L'ordre fut mis à exécution ; mais, malgré tous les efforts, l'escadre qui devait transporter ce détachement ne se trouva prête à appareiller que le 25 juillet. Contrariée par les vents, elle n'arriva que le 2 août devant le port de Bône, où elle avait été devancée par M. Rimbert, ancien agent de nos concessions.

            « Les exhortations de cet agent, appuyées par les conseils de quelques maures de distinction qui l'accompagnaient, la haute opinion, que la chute d'Alger avait donnée des forces de la France, et surtout la crainte d'être pillés par les Arabes, déterminèrent les habitants à faire les plus vives instances pour que l'occupation s'effectuât sans retard. En effet, quelques jours auparavant, un des lieutenants du bey de Constantine s'était présenté pour prendre le commandement de la ville ; sur le refus d'admettre sa prétention, il avait demandé qu'on lui livrât au moins la poudre qui se trouvait dans les magasins, demande qui fut également repoussée. Instruit de ces diverses particularités, l'amiral Rosamel ordonna le débarquement, et le général Damrémont entra dans Bône à la tête de sa brigade. » (L. Galibert.)

            Après son entrée dans Bône, le général en chef fit réparer la kasbah, puis construire deux redoutes en avant de la porte où aboutit le chemin de fer de Constantine. Il se prépara alors à la défense, sachant bien que les Arabes, encouragés par le bey de Constantine, viendraient I'attaquer avant peu. Aussi, le 6 août, les ennemis s'étant montrés dans différentes directions, il résolut de prendre l'offensive et envoya quelques pelotons appuyés de deux obusiers dans la direction du couvent de Saint-Augustin, où les Arabes avaient déjà pris position.
            Pendant plusieurs jours, les escarmouches et les combats se succédèrent jusqu'à ce que les pertes de l'ennemi, devenant très sensibles, celui-ci devint moins entreprenant.
            Le général Damrémont allait profiter de cette trêve pour s'occuper de l'organisation intérieure de Bône, lorsque, malheureusement, le corps expéditionnaire fut rappelé à Alger. Obligé d'abandonner cette ville et ses fidèles habitants, qui depuis l'arrivée des troupes n'avaient cessé de donner les plus grandes preuves de dévouement, le général, avant de les quitter, leur remit des munitions, leur donna quelques conseils sur la défense, et reçut d'eux la promesse qu'ils ne livreraient la ville aux Arabes qu'à la dernière extrémité.

            Le 13 septembre, un faible détachement de zouaves commandés par plusieurs officiers, occupa de nouveau la ville, et la majorité des habitants les reçut à bras ouverts. Cependant, cette nouvelle occupation n'étant pas du goût de certaines familles influentes, ces dernières se liguèrent pour expulser cette troupe.
            Les hommes étant casernés dans la kasbah, les officiers prenaient leurs repas en ville ; or, pendant une de leurs absences, les conjurés gagnèrent les zouaves à prix d'argent et s'emparèrent de la citadelle.
            Lorsque les officiers revinrent, ils furent reçus à coup de canon et n'eurent que le temps de rejoindre les bricks le Cygne et le Voltigeur qui se trouvaient en rade. Tous les efforts que l'on fit alors pour reconquérir la kasbah restèrent infructueux, et Bône fut encore une fois abandonnée. Sur les demandes instantes et réitérées de secours, adressées au général en chef, par les habitants de Bône et même par les conjurés, qui après s'être emparés de la kasbah craignaient maintenant les menaces du bey de Constantine, l'occupation de cette ville par une garnison française fut décidée.

            « En attendant la saison favorable et la réunion des troupes et du matériel nécessaire, dit M. Galibert, le duc de Rovigo confia au capitaine d'artillerie d'Armandy et au capitaine de chasseurs algériens Youssouf, la mission d'aider les assiégés de leurs conseils, d'entretenir leurs bonnes dispositions et de les encourager dans la résistance. Malgré les efforts de ces officiers, Bône fut obligée, le 5 mars, d'ouvrir ses portes au bey de Constantine, et subit dans toutes leurs horreurs les calamités de la guerre : livrée au pillage et à la dévastation, ses habitants furent massacrés, ou déportés dans l'intérieur. Ibrahim (le chef des conjurés qui avaient acheté la kasbah aux zouaves) se maintint jusqu'au 26 au soir, et, désespérant de se voir secouru, il sortit furtivement de la citadelle. Instruits de cette circonstance, les capitaines d'Armandy et Youssouf formèrent le courageux projet de s'y introduire de nuit avec une trentaine de marins ; ils réussirent, et arborèrent le pavillon français à la grande surprise des assiégeants comme des assiégés. Pendant les premiers jours, les zouaves obéirent aux deux jeunes capitaines, pensant qu'ils seraient bientôt soutenus par une force imposante ; mais voyant leur espérance trompée, ils se mutinèrent et résolurent de les tuer. Youssouf déconcerta ce complot.

            Instruit de ce qui se tramait, il fait rassembler les principaux meneurs et leur annonce qu'à leur tête il va faire une sortie contre les troupes de Ben-Aïssa.
            « Mais c'est à la mort que tu cours, malheureux, » lui dit son frère d'armes, le capitaine d'Armandy.
            « C'est possible ; mais qu'importe, si je te sauve, si je sauve la kasbah ! »
            A ces mots, il ordonne d'abaisser le pont-levis et sort avec ses Turcs, la tête haute, le visage calme et serein. Lorsqu'il a franchi les glacis, il se retourne vers eux, et, les regardant d'un oeil sévère : Je sais, dit-il, que vous avez résolu de me tuer; je connais aussi vos projets sur la kasbah ; eh bien ! voici le moment propice de mettre votre projet à exécution ; frappez, je vous attends! »
            Ce sang-froid impose aux conjurés ; tous restent stupéfaits. L'intrépide Youssouf profite de leur trouble et reprend : « Eh quoi ! Jacoub, toi le grand meneur, tu restes impassible, tu ne donnes pas à tes camarades le signal de l'attaque ! Puisqu'il en est ainsi, c'est moi qui vais commencer, » et, d'un coup de pistolet, il lui fracassa la tête. L'un des conjurés porte la main à la poignée de son sabre ; mais Youssouf, le devançant, lui plonge son yatagan dans le cœur.
            « Maintenant, à l'ennemi ! » s'écrie-t-il.

            Tous ces hommes, qui naguère se disposaient à l'assassiner, le suivent sans murmurer, et font à ses côtés des prodiges de valeur, pour lui prouver que, s'ils ont été un instant égarés, ils veulent désormais se montrer dignes d'un si vaillant capitaine.
            Deux heures après, Youssouf rentrait chargé des dépouilles de l'ennemi, et recevait les étreintes fraternelles du capitaine d'Armandy.
            Le duc de Rovigo ne put envoyer à Bône que quelques faibles détachements; mais le gouvernement fit partir de Toulon trois mille hommes commandés par le général Monck-d'Uzer. La ville n'offrait alors qu'un monceau de décombres ; Ben-Aïssa, en se retirant, avait achevé de la détruire, la citadelle seule était à l'abri d'un coup de main. Dans cette partie de la régence, depuis si longtemps en relation avec la compagnie des concessions d'Afrique, l'arrivée des Français produisit une impression favorable sur le plus grand nombre des tribus du voisinage.
            Une seule, celle de Beni-Jacoub à laquelle s'étaient réunies les troupes du bey de Constantine, se montra hostile. Le 26 juin, le général d'Uzer marcha contre elle et la refoula dans l'intérieur.
            
A SUIVRE


JACQUES MAJORELLE
PNHA- N°213- Septembre/Octobre 2013


Et sa passion pour les lumières de l'Afrique
                  
               Fils de l'ébéniste Louis Majorelle, Jacques baigne, dès son enfance, dans le courant art nouveau de l'École de Nancy. Il accompagne fréquemment son père dans ses ateliers. Il s'inscrit en 1901 à l'École des beaux-arts de Nancy en section Architecture et Décoration.

               Dès 1903, Jacques Majorelle s'éloigne peu à peu de Nancy et de son père. Il préfère devenir peintre et part à Paris. Il s'inscrit à I'Académie Julian où il suit des cours à l'atelier "S R", c'est-à-dire, celui de Schommer et Royer.
               Il complète sa passion par des voyages en Espagne, en Italie et en 1910, il découvre l'Égypte, le monde de l'Islam, ses couleurs, ses lumières, ses coutumes. 'est le début de sa passion pour l'Afrique.
               En 1908 a lieu sa première exposition à Paris à la Société des Artistes Français.
               En 1917, il arrive au Maroc et s'installe à Marrakech et donne l'année suivante une première exposition dans le hall de l'hôtel Excelsior à Casablanca.

               L'atelier de Majorelle (Bleu Majorelle) à Marrakech
               En 1919, il épouse Andrée Longueville, née à Lunéville et arrivée avec lui au Maroc.

               Au Maroc
               Il s'installe dans la médina de Marrakech (durant le protectorat français au Maroc) dont il tombe amoureux.
               En 1922 il achète une palmeraie en bordure de celle de Marrakech, au nord-ouest de la médina, et en 1931, il fait construire par I'architecte Paul Sinoir sa villa style architecture mauresque / art déco d'une étonnante modernité, inspirée de l'architecte Le Corbusier. Il y aménage son habitation principale au premier étage et un vaste atelier d'artiste au rez-de-chaussée pour peindre ses immenses décors.

               Amoureux de botanique, il crée son jardin botanique inspiré de jardin islamique avec la luxuriance d'un jardin tropical autour de sa villa, un jardin impressionniste ; « une cathédrale de formes et de couleurs » structuré autour d'un long bassin central, avec plusieurs ambiances variées, où se nichent des centaines d'oiseaux. Ce jardin est une œuvre d'art vivante en mouvement, composé de plantes exotiques et d'espèces rares qu'il rapporte de ses voyages dans le monde entier : cactus, yuccas, nénuphars, lotus, nymphéas, jasmins, bougainvillées, palmiers, cocotiers, bananiers, bambous, caroubiers, agaves, cyprès ... et orné de fontaines, bassins, jets d'eau, jarres en céramique, allées, pergolas...

               En 1937 l'artiste crée le bleu Majorelle, un bleu outremer cobalt à la fois Intense et clair dont il peint les murs de sa villa, puis tout le jardin pour en faire un tableau vivant.
               Puis il fait sa première expédition dans le sud du pays et publie à son retour, Carnet de route d'un peintre dans l'Atlas et l'Anti-Atlas, journal relatant son périple. Il se fait construire une maison dans le style mauresque dont le jardin est progressivement aménagé. Il peint le plafond de I'hôtel La Mamounia.

               En 1926, son père meurt à Nancy et Jacques poursuit son exploration de l'Atlas.

               Il commence en 1930 à peindre des nus noirs. Il multiplie ses expériences sur la couleur, en particulier l'application de poudre d'or et d'argent, et séjourne souvent dans l'Atlas et en Afrique noire.

               En 1937, à Marrakech, il peint sa villa de couleurs vives dominées par le bleu auquel il donne son nom.
               En 1947, il ouvre son jardin au public.

               En 1955, il est amputé d'un pied à la suite d'un accident de voiture. Il divorce en 1956 puis se remarie en 1961.

               Le 14 octobre 1962, il meurt à Paris, ville où il a été rapatrié à la suite d'une fracture du fémur. Il est inhumé à Nancy au cimetière de Préville au côté de son père.
               Le jardin est alors laissé à l'abandon durant plusieurs années.
               Mémorial Yves Saint Laurent au milieu des bananiers


               Yves Saint Laurent et Pierre Bergé découvrent le jardin Majorelle en 1966, au cours de leur premier séjour à Marrakech : « nous fûmes séduits par cette oasis où les couleurs de Matisse se mêlent à celles de la nature. Ils achètent le jardin Majorelle en 1980 pour le sauver d'un projet de complexe hôtelier qui prévoyait sa disparition. Les nouveaux propriétaires décident d'habiter la villa de I'artiste, rebaptisée Villa Oasis, et entreprennent d'importants travaux de restauration du jardin pour en faire du jardin Majorelle le plus beau jardin, celui que Jacques Majorelle avait pensé, envisagé ». L'atelier du peintre est transformé en un musée berbère ouvert au public et dans lequel la collection Yves Saint Laurent et Pierre Bergé est exposée.

               Disparu le 1er juin 2008 à Paris, les cendres d'Yves Saint Laurent sont dispersées dans la roseraie de la villa Oasis et un mémorial, composé d'une colonne romaine ramenée de Tanger posée sur un socle où une plaque porte son nom. Le 27 novembre 2010, Son Altesse royale la Princesse Lalla Salma, épouse du roi du Maroc Mohammed Vl, inaugure I'exposition Yves Saint Laurent et le Maroc en même temps que la création de la rue Yves Saint Laurent.

               Le 3 décembre 2011, le musée berbère est inauguré au rez-de-chaussée de la villa en présence du ministre de la culture française Frédéric Mitterrand, et la maison ou vécu Yves Saint Laurent est labellisée Maisons des illustres.
               À ce jour, le jardin, entretenu par une vingtaine de jardiniers, est un des sites touristiques les plus visité de Marrakech et du Maroc avec plus de 600 000 visiteurs annuels.
    


MON PANTHÉON DE L'ALGÉRIE FRANÇAISE
DE M. Roger BRASIER
Créateur du Musée de l'Algérie Française

A SUIVRE


USAGE
De Jacques Grieu

     
L'usure, on le sait bien, vient d'un trop long usage :
Savoir user des choses est le fait de grands sages.
User ou abuser ? Usage ou bien usure ?
On s'interroge, on s'use et l'on n'est plus très sûr...

Notre usage du temps devient répétitif
L'usage est habitude, il devient instinctif.
On ne s'aperçoit pas quant il tourne à l'abus
C'est quand il est trop tard qu'on voit... qu'on n'a pas vu.

Dans l'ombre des ennuis, l'usurier est caché ,
Ses longues tantacules encerclant le ruiné.
Il prête avec des chaînes et qui sont bien usées.
Ses contrats sont des pièges aux ressorts..... usagés.

Sur le chemin du temps l'usure se révèle,
Et nous ronge les jours, d'une emprise cruelle.
Sous son poids implacable s'éteignent nos ardeurs
Et l'âme fatiguée émousse ses ferveurs.

On croit user le temps : c'est le temps qui nous use,
Et l'on doit s'incliner même quand il abuse.
L'optimisme est espoir à l'usage des lâches,
Et qui sonne tout faux dès que la vie se fâche.

Le concret n'est qu'abstrait, mais rendu moins secret
Par l'emploi familier qu'on fait de ses effets.
L'usage en fait alors un exemple pratique
Qu'on comprend aisément sans effort héroïque.

Quand, pour avoir la foi, il faut tuer la raison,
Il faut de son usage faire toute abstraction.
On aime les saints morts mais on les hait vivants :
Les us, les religions, sont souvent inconstants.

Avant de la quitter, il faut user la vie.
Et avoir consommé ses meilleures envies.
Il faut bien l'agiter pour en faire l'usage.
L'usage de nous-mêmes en est l'accommodage...

Jacques Grieu                  



PHOTOS 1914 - 1918
Envoi de M. Charles Ciantar

Guerre 1914 1918 Troupes Nord Africaines



Carte Charles Ciantar



Carte Charles Ciantar



Carte Charles Ciantar



Carte Charles Ciantar



Carte Charles Ciantar



Carte Charles Ciantar



Carte Charles Ciantar



Carte Charles Ciantar



NOUVELLE CONQUETE
PAR MANUEL GOMEZ
Envoi de M. Georges
La différence entre les nouveaux colonisateurs
et les anciens  
       
   
               Avant un pays allait à la conquête de nouvelles terres avec ses armées. Il l'envahissait puis l'exploitait pour son plus grand bénéfice bien entendu mais en faisant travailler la main-d'œuvre locale.
               Par exemple, ce fut le cas de la France en 1830 lors de la conquête d'une partie de l'Afrique du Nord que l'on appela Algérie quelques années plus tard.
               Nous avons conquis ce pays et avons mis en valeur des terres inexploitées en nous aidant bien entendu de la main-d'œuvre indigène, et cela pour le plus grand bénéfice et du pays conquérant et forcément du pays conquis.
               Ce schéma s'est reproduit sur tous les continents au cours des derniers siècles.
               Ces temps-là sont révolus.

               Un pays n'envoie plus ses armées à la conquête de terres inexploitées mais le temps du colonialisme, lui, n'est pas révolu.
               S'il n'y a plus d'armée, il y a des capitaux, des investisseurs, des spéculateurs.
               Quand un pays comme la Chine achète toutes les terres, arables ou non, et minières d'un pays comme la République démocratique du Congo, et une immense superficie de pays comme le Cameroun, le Mozambique, Madagascar, le Nigéria (plus de 30 millions d'hectares arables, essentiellement en Afrique. Plus que la surface totale exploitée en France) et même au Brésil, en Russie et au Kazakhstan.
               Quand des pays riches comme le Qatar, l'Arabie Saoudite, la Chine, etc. acquièrent d'immenses superficies de terres, arables ou non, partout dans le monde qu'ils s'empressent de mettre en valeur afin d'en tirer le plus grand profit, tout en exploitant la main-d'œuvre locale, n'est-ce pas très exactement ce qu'était le colonialisme des siècles précédents ?
               Et je vais même plus loin : quand des Qataris, des Russes ou des Chinois achètent tout ce qui est à vendre sur notre planète : industries, biens d'équipement, hôtellerie, etc. et les exploitent en se servant de la main-d'œuvre locale, n'est-ce pas du colonialisme ?
               Qu'on le veuille ou non il n'y a aucune différence.

               Un pays est conquis par un autre pays plus riche, plus puissant, que ce soit par ses armées ou par ses capitaux, et cela dans le but de l'exploiter sans que les « indigènes » aient leur mot à dire. Ces mêmes indigènes sont exploités ensuite pour enrichir les nouveaux propriétaires... les nouveaux colons.
               C'est un éternel recommencement, seules les méthodes changent.
               Mais il y a tout de même une différence.

               Au début de cet article, j'ai fait référence à la conquête de l'Algérie par la France, en 1830.
               Il est vrai que la France a mis en valeur d'immenses surfaces de terres inexploitées et de terres arables, et cela comme il se doit avec l'aide de la main-d'œuvre locale, qu'elle a dû former, et l'arrivée de dizaines de milliers d'immigrants venus de toute l'Europe.

               Mais la France a construit un pays là où il n'y avait rien, ou presque rien : toutes les infrastructures, les industries, les ports, les aéroports, les barrages, les routes, les voies ferrées, les hôpitaux, les écoles, et j'en passe. Quelle chance a eu ce vaste territoire sans nom d'avoir été conquis par la France, qui l'a baptisé Algérie !
               Si cela n'avait pas été le cas en 1830, s'il était resté aux mains des Arabes (qui l'avait laissé en déshérence durant plus de dix siècles), eh bien ces immenses superficies de terres inexploitées et arables seraient de nos jours achetées par ces mêmes Chinois, Qataris et d'autres, comme cela est en train de se passer avec le reste de l'Afrique.
               Et les Algériens seraient « colonisés » comme ils l'ont été, mais avec certainement pas les mêmes avantages qu'ils retirent encore actuellement de la « colonisation française », loin s'en faut.

               Ils n'ont pour cela qu'à constater ce qui se passe dans « ces nouveaux pays colonisés » et ils comprendront la différence qui existe entre « colonialistes » et « colonisateurs ».
               Il n'a été question que d'une « colonisation » mercantile dans cet article mais il y a bien pire, c'est la colonisation par une religion différente et une civilisation étrangère, et son objectif n'est pas de conquérir uniquement un territoire, un pays, un continent, mais le monde entier et cela par une « invasion migratoire ». Et cette colonisation nous concerne plus particulièrement car nous sommes devenus « une nation » faible, sans âme et qui rejette son passé historique.
               Comme l'avait si bien défini De Gaulle : un peuple de « veaux ».

               Mais vous avez compris que nos « colonisateurs » sont les islamistes...


PIERRE LAMBERT
De la nonchalance et du talent
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui
N°213 - Septembre 2013


                  
   
            Avec du talent, on arrive à tout c’est sans doute ce que pensèrent les divers entraîneurs de « Pierrot » Lambert lorsqu'ils s'aperçurent qu'ils n'obtiendraient jamais de ce joueur, ô combien nonchalant, les heures nécessaires à son plein épanouissement.

            Il faut dire que l'enfant de Guyotville, petite station balnéaire située à l'Ouest d'Alger, où il naquit le 30/12/1937, n'est pas a proprement parler un foudre de guerre sur le plan physique.
            Comme d'autre part, il ne possède pas cette volonté qui déplace les montagnes, ne lui reste que la technique.

            Et dans ce domaine, il ne craint personne. Habitué dès son plus jeune âge à taquiner la balle sur le plateau de Guyotville ou sur la plage toute proche de l'habitation de son ami Claude Fayer, Pierrot a acquis l'art de jongler, dribbler, caresser cet objet de convoitise pour tous les footballeurs de la planète.
            Aussi quand ses copains Lopez, Atzei, Fayer et Sanchis lui demandent de signer au Stade Guyotvillois, il accepte bien volontiers en n'espérant pas forcément une place de titulaire.
            Son manque d'ambition footbalistique découle directement de sa nonchalance naturelle, mais il sait pertinemment que, sur le plan technique, il n'a rien à envier à ses camarades, bien au contraire.
            L'entraîneur des équipes de jeunes accueille avec plaisir ce grand garçon qui apprivoise le ballon avec une maîtrise de vieux briscard. Par contre, en le voyant distancé lors des fameux tours de terrain, il comprend tout de suite quel type de joueur il a sous sa coupe.
            Avec une grande philosophie et un grand sens de son rôle d'éducateur, il maquillera les exercices physiques en y ajoutant l'élément indispensable : le ballon. Ainsi Pierrot Lambert effectuera nombre de tours de terrain sans même le savoir.

            Il évoluera au sein des équipes inférieures jusqu'à ce jour où le Stade Guyotvillois réalisa l'exploit de vaincre l'ASSE, Championne d'Afrique du Nord Juniors, des Buades, Maouche, Pappalardo, Matiben, Aboulker, Brotons, etc...
            Ensuite le "coach" guyotvillois, Bolek Tempowski fit confiance à cette bande de gamins qui rejoignirent les De Pasquale, Louis Vitiello, Ballester et autres pour le plus grand bien du SG.


            Malgré un gabarit appréciable, il ne sera jamais un avant-centre au style percutant mais plutôt un n° 9 remiseur, déstabilisateur par ses dribbles arrêtés et ses remises instantanées au partenaire qui le sollicitait. Sa très belle technique lui permit de concrétiser nombre de coup-francs grâce à une frappe de balle très travaillée comme par exemple le Gallia Sportif d'Alger du grand Marcel Salva.

            En 1958, Pierrot Lambert signe à I'ASSE.
            Après la traditionnelle licence B., il évoluera aux côtés des lzzo, Constantin, Xuereb, Serrano, Pappalardo, Landel, en servant de rampe de lancement à ses deux ailiers Vuillet et Guaracino.
            Pierre Lambert se repliera à Sénas dans les Bouches-du -Rhône.

            Il deviendra l'entraîneur-joueur du club local durant de nombreuses années, puis se "contentera" de l'entraînement. Pierre Lambert laissera le souvenir d'un joueur de talent qui n'eut pas envie de trop se forcer pour réaliser une carrière plus glorieuse et se forger un palmarès plus prestigieux. Mais tel qu'il était, l'enfant du Plateau, n'en marqua pas moins l'histoire du Stade Guyotvillois.
H.Z.
La Mémoire du Football
D'Afrique du Nord

    


ANCRIER

De Jacques Grieu


« Anchora nautica », l'ancre est un beau symbole
Qui souvent, aux chrétiens, a servi d'auréole.
Figurant l'espérance et la solidité,
L'épître de Saint Paul dit que l'ancre est sacrée.
Avec « trabe et gumène » sur beaucoup de blasons,
Son image héraldique on plaça à foison.

« De bossoir, de détroit, à jas ou bien à jet »,
Dés qu'on sut naviguer, l'ancre fut grand sujet.
« Ancres plates ou charrues, de touée ou de veille,
À bascule ou bien borgnes », on en fit des merveilles.
Encore de nos jours, nos modernes navires,
Ont toujours à l'avant, l'ancre prête à partir...

L'ancre est toute une image aux yeux des littéraires.
De la stabilité, elle est bien la bannière.
Plantée dans les abysses ou rangée sur le pont
Sa chaîne nous protège avec ses bons maillons.
Ô, ancre, fidèle amie, tu restes la gardienne des sécurités
Sans qu'on puisse douter de ta fiabilité.

L'encre prête à partir... est pour bien des journaux,
Une encre opportuniste et qui joue sur les maux.
Elle est souvent signée à l'encre sympathique
Sans la rendre pourtant, pas moins antipathique.
« Écrire à l'eau bouillante » était bien à la mode,
Mais l'encre d'internet a déjà tué ces codes...

Avoir « la mer pour encre, la terre pour papier »,
Est pour un journaliste, un programme à rêver.
Certains achètent l'encre en bidon de cent litres
Et ont la maladie de grossir tous leurs titres ;
De trop de tâches d'encre ils veulent se charger,
Et leur « encre flottante », ira bien les couler...

Est-ce pour lever l'encre ou bien en panne d'encre
Qu'on a vu autrefois tant d'écoles à cancres ?
Certains « grands » écrivains sont encrés dans un thème
Où leur chaîne de l'ancre est devenue système.
Ce que sang est au corps, l'encre l'est à la plume,
L'ancrage à style unique est lassante coutume.

Si l'ancre de mouillage est loin de l'encrier,

L'ancrier ne sert pas, à l'ancre, d'écubier.

L'ancre d'imprimerie écrit sur.... les bas fonds :

L'impression à jet d'ancre est de vieille invention !

Le jet d'encre pourtant, fait encore impression ;

Sur les pages des vies, il ancre nos saisons.

Jacques Grieu                  


COLONISATION.
Gallica : Revue deOrient 1853-2 pages 339-341

Conditions d'admission des colons étrangers.

                 M. le ministre de la guerre vient de prendre, en ce qui concerne l'admission des colons étrangers en Algérie, des dispositions qui doivent seconder d'une manière efficace le développement de notre colonisation.
                 On sait que certaines justifications pécuniaires sont exigées des émigrants, soit qu'ils demandent des concessions de terrain, soit qu'ils veuillent se rendre dans notre colonie comme simples ouvriers pour y exercer leur profession. Le montant des capitaux dont les futurs concessionnaires ont à justifier varie suivant l'étendue des terres qu'ils sollicitent. Toutefois, une somme de 2.000 fr. au moins est nécessaire pour obtenir une concession quelconque, parce qu'elle représente le minimum des frais à faire par le colon pour se construire une habitation, commencer ses cultures et pourvoir à la subsistance de sa famille en attendant la première récolte.
                 Les émigrants ouvriers, à moins qu'ils ne soient appelés par des propriétaires ou chefs d'industrie, doivent également posséder une certaine somme destinée à les faire vivre à leur arrivée, jusqu'à ce qu'ils aient trouvé du travail.
                 Ces précautions se justifient d'elles-mêmes.

                 Quelque privilégiée que soit une terre, quelques ressources qu'offre un pays nouveau à toutes les formes du travail, il faut, pour fonder une colonisation civile, l’énergique concours des capitaux particuliers et des forces individuelles ; il faut, non des pauvres que le budget entretient, mais des hommes capables par eux-mêmes de changer de fortune en changeant de climat.
                 Ces éléments normaux de colonisation, le gouvernement français les demande non seulement à la France, mais à l'Europe. Il ouvre l'Algérie à toutes les activités ; les étrangers et les nationaux jouissent des mêmes droits, reçoivent les mêmes encouragements, sont soumis aux mêmes conditions.
                 Malheureusement, le décret du 3 avril 1852, qui détermine le mode suivant lequel les justifications pécuniaires doivent être produites par les émigrants, et qui arme, sous ce rapport, l'administration de garanties, à la rigueur suffisantes , ne saurait être applicable aux étrangers. Le département de la guerre a dû se contenter, jusqu'à ce jour, de certificats émanant de leurs autorités locales ; mais il a été démontré que ces certificats, trop souvent inexacts, méritent peu de confiance.

                 Un grand nombre de familles allemandes, notamment, dirigées dans ces derniers temps sur l'Algérie, sont arrivées dans le plus complet dénuement et se sont trouvées hors d'état de tirer parti des terres qui leur avaient été réservées.
                 Il importait d'appliquer un prompt et efficace remède à ces abus, qui n'entravent pas seulement dans le présent la marche de notre colonie, mais qui tendent encore à compromettre son avenir en la discréditant dans les contrées d'où sont parties les émigrations restées en état de détresse.
                 On doute, en effet, dans ce cas, du pays, non des hommes, et les familles possédant un certain avoir, qui sont toujours les plus prudentes, s'éloignent d'une terre d'où elles ne reçoivent que de fâcheuses nouvelles.

                 En conséquence, M. le ministre de la guerre a décidé, à la date du 28 septembre dernier, que des permis de passage gratuit en Algérie continueraient à être délivrés aux étrangers sur la foi de certificats émanant de leurs autorités locales ; mais que ces permis ne seraient admis comme valables par MM. les sous-intendants militaires à Cette et à Marseille, qu'après exhibition par les titulaires de sommes dont le minimum est fixé ainsi qu'il suit :
                 Futurs concessionnaires, 2,000 fr.
                 Ouvriers chefs de famille, 400 fr.
                 Ouvriers célibataires, 100 fr.
                 MM. les sous-intendants militaires remettront aux familles de concessionnaire embarquées, des certificats énonçant le montant des sommes représentées par elles, et, d'après ces certificats, l'administration algérienne déterminera l'étendue de la concession à accorder à chaque famille. L'expérience ayant démontré que l'établissement d'une ferme exige en moyenne une dépense de 250 à 300 fr. par hectare, c'est sur cette base que l'autorité locale se fonde dans la délivrance des terres.

                 Par suite des dispositions qui précèdent, cultivateurs et ouvriers arriveront désormais dans des conditions favorables de succès, et le bien-être qu'ils ne tarderont pas à acquérir sera la force d'attraction la plus capable de détourner, au profit de notre colonie, une partie de ce grand courant d'émigration qui se dirige annuellement vers l'Amérique du Nord.
                 L'Algérie d'ailleurs attirera d'autant plus les populations européennes, que l'expatriation est moins lointaine et moins coûteuse. Une famille un peu nombreuse dépense, pour se rendre aux Etats-Unis, des sommes qui suffiraient, dans la plupart des cas, pour assurer son avenir dans nos possessions d'Afrique. C'est là une considération importante ceci ne peut manquer de frapper tôt ou tard l'esprit des émigrants.
(Documents du ministère de la guerre.)



Pensées d'un Sage
Tirailleur Algérien N°511 du 4 novembre 1900

Source Gallica

                 Les jeunes filles tiennent presque toujours leur livre de prières des deux mains alors que, d'autres fois, elles n'en emploient qu'une pour la lecture des romans.

                 Les enfants légitimes ne devraient pas tous médire du viol car ils lui doivent souvent un père.

                 Quand les petites femmes ont un terme à payer, elles n'en mettent pas à leur activité.

                 La première ride d'une femme vient de la peur qu'on ne devine son âge.

                 La probité de certains hommes ressemble à la vertu de certaines femmes ; elle n'a jamais été à l'épreuve.

                 Un homme aimable, c'est celui qui veut qu'on soit content de lui.
                 S'il sème les compliments, c'est pour augmenter sa récolte.

                 Les belles manières sont les fausses clefs qui ouvrent les portes de tous les palais.


RAPPEL D'HISTOIRE
VERITAS Novembre 2003 N°77
Par Georges DILLINGER
DU PARJURE A LA TRAHISON
                  
           LE RETOUR DE DE GAULLE
           En dépit de la nullité des derniers gouvernements de la 4ème République en matière de politique algérienne, de leurs incohérences, de leurs décisions stupides parfois au point d'être criminelles, il y avait eu, quand même, quelques actes qui reflétaient encore de vagues velléités patriotiques.
           Citons le rappel des réservistes, en 1955, pour étoffer nos effectifs opérationnels sur le terrain, le parachutage de nos hommes sur Suez, en 1956, pour tenter de mettre fin aux agissements du régime du Colonel Nasser - ancien espion Nazi - à l'encontre de nos départements algériens, l'arrestation d'agitateurs révolutionnaires algériens par l'arraisonnement d'un avion de ligne aux larges des côtes algériennes, sur ordre du Gouverneur Lacoste, etc...

          L'amour affiché de la patrie a été une constante du jacobinisme originel. Et peut être en existait-il un vague résidu chez des socialistes tels que Mollet, Lejeune ou Lacoste.
           Ce qu'il y a de plus frappant, dans la politique gaulliste qui a fait suite à ces velléitaires, c'est à la fois ses choix systématiquement les plus anti-français et son extraordinaire duplicité. Voyons d'abord la duplicité : De Gaulle et son parti, pour abattre la 4ème République et créer des institutions nouvelles dont ils seraient les maîtres, ont évidemment tiré parti de la déliquescence du pouvoir, plus évidente que jamais, en ces années cinquante. Mais ils ont tout spécialement tiré parti des insuffisances de la politique nationale pour préserver les départements français d'Algérie en tant que tels.
           Les « cocus d'Alger» du 13 mai 1958 dont l'action avait été déterminante pour permettre le retour au pouvoir du guide, se sont en effet soulevés révoltés qu'ils étaient par l'extrême mollesse de nos pouvoirs publics face aux exactions dont nos départements et notre armée étaient quotidiennement victimes. Dès que la nécessité de faire appel à De Gaulle s'est imposée à Paris, l'instigateur suprême du complot est venu en Algérie, foyer du mouvement de protestation. En plusieurs discours, en présence d'une foule immense et de nombreux chefs militaires, il s'est engagé solennellement sur le destin français de l'Algérie et sur sa propre détermination absolue sur ce point fondamental. « Comment pouvez-vous croire que De Gaulle ne soit pas pour la solution la plus française ?» et tant d'autres promesses, débitées dans tant de grandes villes de l'Est à l'Ouest de ce vaste territoire.

          UNE DUPLICITE DIABOLIQUE
           Si ces discours publics avaient été plus nuancés, moins tranchants, moins catégoriques, les officiers supérieurs et généraux responsables de notre armée auraient eux-mêmes manifesté plus de circonspection dans les actions qu'ils allaient mener. Mais des affirmations aussi catégoriques, tenues en public et maintes fois répétées, ont paru à ces officiers devoir être crues. Ces hommes se sont vus enfin investis d'une mission claire, nette et conforme à l'honneur du soldat. Ils ont engagé alors les opérations de pacification qui s'imposaient et ils les ont gagnées sur la plus grande partie du territoire, associant des dizaines de milliers de Harkis - parmi lesquels d'innombrables anciens fellaghas - qui prenaient confiance de ce que le fameux « vent de l'Histoire » pourtant réputé fixé de toute éternité, avait brutalement viré cap pour cap.
           Ils ont triomphé d'une subversion, abattue certes par son infériorité militaire, mais surtout parce qu'elle avait perdu la foi en son combat, dès lors qu'une détermination nette s'exprimait au nom de la France.

          Or, pendant que les militaires français gagnaient petit à petit cette bataille contre la subversion au prix de tant de vies humaines, De Gaulle et son entourage, se ralliaient de plus en plus nettement à la thèse indépendantiste, prônée et défendue conjointement et aussi énergiquement par les communistes que par les chrétiens progressistes. Et, après avoir lancé notre armée dans cette bataille, dans cette guerre qu'elle couronnait d'une victoire si chèrement acquise, si chèrement payée de part et d'autre, De Gaulle décidait que la solution finale passerait... par le seul prétendu FLN. !
           C'est ainsi que la politique gaulliste ajoutait à la duplicité le choix des révolutionnaires les plus absolus, les plus antifrançais, les plus sanguinaires parmi les différentes composantes indépendantistes. Aujourd'hui, avec plus de quarante ans de recul, nous savons que ce prétendu FLN a tenu, dans la paix, les promesses infâmes qu'impliquaient ses actions dans la guerre.

          LES SEQUELLES SANS FIN DE LA DUPLICITE GAULLISTE
           L'invraisemblable duplicité de De Gaulle et les conséquences extrêmement meurtrières des contradictions absolues de cette politique se sont, en fait, révélées dès le début des années soixante et sont devenues évidentes - même pour les plus optimistes et les plus candides - en 1961.
           Chez les Arabo-Berbères qui se sont engagés si nombreux à nos côtés après 1958 et malgré les effroyables dangers que leur faisait courir cet engagement, cette attitude nous a couverts d'infamie, définitivement.
           Actuellement, la presse nous apprend que tel dirigeant islamiste (un des plus féroces et des plus sanguinaire) installé à Stockholm, est un fils de Harki du département d'Oran. Mais personne ne nous rappelle qu'un tel fait, à priori surprenant, prend ses racines dans la politique honteuse de la France à l'égard de ces Harkis. Encore faudrait-il ajouter ces instructions extraordinaires par lesquels le Ministre gaulliste Joxe interdisait en 1962 aux unités françaises de ramener en France quelque Harki que ce soit alors que tout le monde savait à quelle fin horrible eux et leurs familles étaient promis.

          Du côté des militaires français, le drame n'était pas moins immense. Comme je l'ai rappelé ci-dessus, à la suite, des premières visites algériennes du guide et de ses engagements catégoriques, les plus hauts responsables de notre armée ont engagé, poursuivi et mené à bien une lutte meurtrière, ô combien, et qui avait pour seule justification de ramener ces départements à la paix, à la paix française. Le remords de s'être laissé tromper et, par-là, d'avoir trompé tant de soldats, tant de populations est la seule explication du mouvement de révolte du 22 avril 1961 que De Gaulle et les médias ont appelé le Putsch.

          LE 24 JANVIER 1960: UN LEGER SURSAUT NATIONAL
           Quant aux Européens, ils étaient évidemment mis dans une situation impossible par une politique diabolique, dans laquelle, simultanément, on matraquait énergiquement en Algérie les indépendantistes et les populations dans lesquelles ils s'immergeaient, tout en se préparant à Paris à leur remettre le pouvoir in fine.

          Le premier mouvement de révolte, très local, a été le retranchement de quelques sections de territoriaux dans l'Université d'Alger et ses abords, le 24 janvier 1960. C'est à dessein que le pouvoir gaulliste a lancé contre cette tentative dérisoire un assaut en règle par ses gendarmes mobiles. Quelques-uns uns de ces assaillants ont été tués par la riposte des territoriaux, ce qui a constitué de la part du pouvoir, un véritable placement psychologique pour l'avenir.
           Car du même coup, ces Pieds-Noirs, comme disait De Gaulle, ont passé pour de vulgaires assassins auprès de l'opinion publique française, à laquelle on a pris soin de ne pas expliquer toute l'affaire.

          En outre, les gendarmes mobiles, dont quelques éléments avaient ainsi péri stupidement, se trouvaient préparés aux sinistres besognes que certains allaient bientôt mettre en oeuvre sous les ordres du Colonel Debrosse.
           Tout le monde savait pourtant que pour mettre fin à ce « camp retranché » - retranché derrière quoi ? Grand Dieu ! - il suffisait de l'entremise de quelques officiers respectés : par exemple ces colonels de la Légion auxquels on a eu recours quelques jours plus tard et qui ont mis fin à l'opération en peu d'heures de négociation.
           En 1962, toutefois, après les « accords d'Evian », la colère, le désespoir et la révolte des Européens devaient prendre une toute autre tournure, dans la mesure où l'enjeu devenait une question de survie. Et c'est pour écraser tout mouvement qu'auraient pu susciter ces sentiments que le massacre du 26 mars a été monté et exécuté.

          LA PASSION ET LA HAINE SE DRAPENT SOUS LA RAISON D'ETAT
           Peut-on évoquer la raison d'Etat pour justifier cette opération sanglante menée sur des populations civiles, des familles, toutes totalement désarmées ?
           D'aucuns pourraient soutenir en effet que ce massacre était devenu la seule voie pour sortir d'une situation impossible, pour mettre fin à une impasse compète.
           La raison d'Etat, froide, égoïste, implacable, effrayante, a t-elle été ce qui a entraîné la décision du guide dans l'organisation de cet attentat collectif du 26 mars ?
           Peut-on penser, dans cette affaire algérienne, où le guide nous apparaît sans parole, sans honneur, sans entrailles, qu'il a perpétré ce couronnement inhumain de sa politique parce qu'il pensait profondément qu'il n'y avait pas d'autre issue que de traiter avec le FLN et de lui remettre le pouvoir sur cette Algérie ?

          Face à cette raison d'Etat, nous dira-t-on, qu'importent ces millions d'Algériens qui n'ont jamais voulu quitter le giron de la France, qu'importent ces dizaines de milliers de Harkis qui allaient être massacrés dans les conditions les plus atroces, qu'importent ces Européens qui allaient perdre ce pays qu'ils avaient tant contribué à faire... et perdre, en même temps, tous leurs biens, leur passé, leurs cimetières. Oui, qu'importe le sacrifice rendu inutile de trente mille soldats français et de centaines de milliers d'Algériens !

          La situation sur place, le contexte national ou international auraient donc été tels qu'il n'y avait aucune autre solution que cet apartheid intégral : les Algériens, « chez eux », les Français en France.
           Et la nécessité d'imposer cette solution finale aurait alors justifié tous les actes, même ceux qui apparaissent les plus monstrueux.
           Hélas, ces constructions de l'esprit et ces invocations à la raison d'Etat n'ont aucun fondement. Il est impossible de comprendre la politique et la décision du guide si l'on ne tient pas compte d'un facteur passionnel, capital : De Gaulle détestait les habitants de l'Algérie, tout autant les Arabes que les Européens.
           Que de distance, que de mépris, dans cette phrase de l'un de ces discours : « Sont-ils Français, tous ces Lopez et tous ces Mohammed ?»

          Moins de 20 ans plus tôt, de la Tunisie au Danube en passant par Cassino, ces Lopez et ces Mohammed avaient payé le plus lourd tribut de toutes les populations Françaises à la guerre contre l'Allemagne nazie.
           Hormis, cet élément passionnel, il y avait la pression de l'intelligentsia, tout spécialement de sa fraction « chrétien progressiste », dans laquelle il baignait. Ces hommes se fermaient les yeux et les oreilles à tous les éléments de la genèse de l'Algérie Française. à toutes les composantes du drame qu'elle vivait, à toutes les évidences sur l'évolution qui allait suivre et ils ne croyaient qu'à leur idéologie, relevant d'un christianisme perverti.

          Aucune raison d'Etat ne justifie les condamnations requises contre les auteurs du mouvement de révolte du 22 avril 1961 et les pressions exercées sur les magistrats, pressions qui ont conduit l'un d'eux jusqu'au suicide. Aucune raison d'Etat ne justifie le massacre du 26 mars 1962. Ce qui a créé ces mouvements, ces sursauts de révolte, ce n'est pas l'indépendance accordée à l'Algérie. C'est la duplicité de la politique qui a été conduite pour y arriver, avec ces mensonges, ces parjures, ces reniements, ces trahisons. C'est l'hypocrisie qui a consisté à faire semblant de signer un accord international

          APRES 1962 : UNE ESCALADE DANS LA POLITIQUE ANTI-NATIONALE
           Mais notre analyse ne saurait s'arrêter à l'événement. Le gaullisme, hélas, ne s'est pas arrêté avec De Gaulle. Chez les Gaullistes, la haine est tenace, l'honnêteté absente, le pardon inconnu. Si la raison d'Etat avait justifié l'organisation du massacre du 26 mars, pourquoi, trente ans plus tard, continue-t-on à faire porter, contre toute évidence, aux Européens et à l'OAS la responsabilité de cette monstrueuse affaire ?
           La solution finale a été obtenue en 1962, grâce à cette manœuvre. Ne pourrait-on maintenant au moins cesser de mentir et de fabuler sur la responsabilité de l'affaire ? A supposer que la raison d'Etat ait pu rendre compte de la lourdeur des peines infligées aux officiers rebelles de l'Algérie française en 1961-1962, comment expliquer que, en 1982, ce soient ces mêmes parlementaires gaullistes qui aient tenté de s'opposer au geste d'apaisement voulu par une majorité socialiste ? Vingt ans après les faits incriminés ! Quelle bassesse !

          Quarante ans après, et en dépit de tout ce qui s'est passé dans ces quatre décennies, ces gaullistes tentent encore de justifier la solution finale ignoble qu'ils ont imposée à la France et l'Algérie. II y a peu d'années, M. J.F..., ancien ministre gaulliste, se croyant homme d'esprit, disait dans une réunion publique à Angers que, si l'indépendance n'avait pas été octroyée à l'Algérie en 1962, Colombey-les-Deux-Églises aurait peut-être maintenant deux mosquées ! Comment peut-on avoir l'impudence de jouer de tels arguments alors que, depuis des décennies, notre territoire se couvre de mosquées toujours plus nombreuses ? Mais surtout, sur le fond, on touche là le pire drame.
           Si les gaullistes sont arrivés aux accords d'Evian pour ne plus entendre parler des Mohammed, alors, en vérité, pourquoi leur politique n'a t-elle pas eu la cohérence la plus élémentaire, qui consistait à surveiller nos frontières et à n'admettre qu'une immigration limitée ?

          Comment, après avoir mené une politique et une guerre ainsi insensées, nous faisant aussi sûrement détester et mépriser par ces Arabe-Berbères qui placent au-dessus de tout, la force et la justice, comment avons nous pu être aussi totalement ouverts à une immigration Algérienne massive illimitée ?
           Comment, après avoir rejeté ces populations de la patrie française, a t-on pu se fermer les yeux à l'égard de tous ces facteurs qui allaient entraîner inéluctablement une immigration-inondation ?
           Comment De Gaulle et ses successeurs, qui ont continué à diriger la France sans partage de 1962 à 1981, ont-il pu superbement ignorer les conséquences inévitables du différentiel énorme des salaires entre France et Algérie, de la distance considérable séparant les conditions de vie d'un côté et de l'autre de la Méditerranée, de la natalité Algérienne sciemment chauffée à blanc par des Ben-Bella et des Boumediene qui savaient quel instrument impérialiste ils forgeaient ainsi à leur pays ?

          J'ignore s'il n'y a toujours pas de mosquées à Colombey-les-Deux-Églises. Logiquement, un jour, il devrait y en avoir une près de la tombe du guide. Car, en vérité, il a bien mérité de l'Islam Algérien.
Georges DILLINGER
« Français d'Algérie face au vent de l'Histoire »
    


RAPPEL D'HISTOIRE
VERITAS janvier/février 2013 N°165
Par Docteur Pierre Catin
La complicité du gaullisme
et du communisme
      
           Un tel titre peut entraîner, au premier abord, un scepticisme légitime de la part de ceux qui reconnaissent en De Gaulle la Personnification du nationalisme barrésien le plus intransigeant, avec les outrances et les anachronismes que comportait ce dernier dans la période de l'Histoire qui a correspondu à la politique de l'homme du 18 Juin (de 1940 à 1969).

           Les biographes s'accordent tous, par ailleurs, pour reconnaître une convergence d'idée entre leur héros et le nationaliste d'extrême droite, Charles Maurras, directeur de l'Action Française, avec sa devise, « LA FRANCE SEULE ». Rien ne prédisposait moins de Gaulle, de par sa formation intellectuelle, son milieu d'origine, à ressentir la moindre affinité pour l'idéologie marxiste et pour l'action politique révolutionnaire menée par le parti communiste français (PCF) inféodé, par son adhésion à la IIIème internationale, à une puissance étrangère, I'URSS.

           En fait, sur le plan intérieur durant toute sa vie politique de Gaulle va entretenir des rapports contradictoires avec le PCF. Il va d'abord favoriser dangereusement les desseins révolutionnaires de ce dernier pendant la guerre, en confiant des postes importants, dans le Comite de Libération d'Alger, puis à Paris dans le gouvernement provisoire, à des personnalités communistes connus, au moment du Front Populaire, pour leur antimilitarisme militant extrêmement violent et pour leur refus de combattre l'Allemagne nazie, alliée de Staline, à la déclaration de guerre de septembre 1939.
           Ce refus va se maintenir jusqu'à l'attaque allemande contre I'URSS le 22 juin 1941. Cette façon de faire passer en premier les intérêts de I'URSS, patrie du prolétariat mondial, avant ceux de la France, cet étrange patriotisme, mis en quelque sorte sous condition d'un visa de Moscou, justifieront plus tard le qualificatif de « parti de l'étranger » que de Gaulle donnera au PCF dans ses moments de grande lucidité.

           Mais c'est surtout dans les mois qui ont suivi la Libération que De Gaulle s'était montré ouvertement complice du PCF, lors des vengeances politiques, ou souvent personnelles, exécutions sommaires commises par ce dernier. Le nombre des victimes, exécutées de façon sommaire, sans jugement, et la plupart innocentes de tout délit de collaboration, par les communistes et leurs formations apparentées, se monte, selon les estimations les plus modestes, à près de QUARANTE MILLE PERSONNES ! (Robert Aron – « Histoire de l'Epuration ». Fayard-1967).
           Henri Amouroux dans son « Histoire des Français sous I'Occupation » (R. Laffont 1993) confirme cette estimation. P.H. Teitgen et Adrien Tixier, qui firent partie tous les deux du gouvernement provisoire à la Libération, avaient publié des chiffres bien supérieurs..

           Les historiens gaullistes qui minimisent cette épuration sanglante, affirment que, sans de Gaulle, cela aurait été pire. C'est en réalité grâce à la présence en force des armées alliées sur le sol national et, pour le sud est de la France, grâce à l'Armée d'Afrique, que fut évitée une prise de pouvoir révolutionnaire par les bandes armées communistes, renforcées en pays du Languedoc par les républicains espagnols.
           La preuve en fut aisément démontrée, car c'est dans le centre et le sud-ouest du pays, où la présence des armées régulières alliées fut trop éphémère où inexistante, que les victimes de l'épuration sanglante furent, de beaucoup, les plus nombreuses, en particulier dans la région de Limoges, où une véritable terreur rouge a régné pendant plusieurs mois.

           « Loin de calmer ces haines, De Gaulle les a attisées par ses appels et ses actes politiques... contre ses ennemis tout était bon, y compris I'alliance contre nature avec les communistes dont tout le séparait, mais avec lesquels il avait conclu un pacte de sang, celui de l'épuration. » (Dominique Venner- « De Gaulle »- Editions du Rocher- Prix \TERITAS 2004)
           La retentissante Trahison de Thorez, secrétaire général du PCF, sa désertion en octobre 1939, dès les premières semaines de la guerre, traduisaient bien le refus du parti de combattre l'Allemagne nazie tant que celle-ci était l'alliée de Staline. Elle gênait sérieusement la profession de foi patriotique des communistes français, et signait de façon éclatante leur allégeance totale à Moscou.

           Lorsqu'en novembre 1944 De Gaulle, usant d'un droit régalien qu'il s'était octroyé, amnistia et blanchit totalement Thorez de sa condamnation de haute trahison prononcée par un tribunal militaire régulier, et lui confia, plus tard, un poste ministériel important, le sacrant héros national, il commit une faute politique majeure.
           Le PCF va se servir de ce geste inconséquent pour revendiquer bientôt la quasi-exclusivitéé de la lutte contre l'occupant, se proclamant même « le parti des 75.000 fusillés » ! Toute idéologie totalitaire se trahit par une absence totale de scrupule pour user des plus flagrantes impostures, car celles-ci trouvent toujours du crédit auprès d'une opinion ignorante.

           Cette propagande outrée permit au PCF de bénéficier d'une « aura » populaire de vertu usurpée, de rallier de nombreux suffrages dans les élections ultérieures - près d'un tiers des électeurs en 1951 - et de se dire premier parti de France. Quand il fut rejeté dans l'opposition, il tira argument d'une légitimité acquise, de fait, dans la primauté du patriotisme et « sa lutte contre le fascisme », pour menacer à plusieurs reprises la démocratie française d'un coup de force révolutionnaire.

           C'est aussi dans les mois qui vont suivre la Libération que De Gaulle va inaugurer sa grande politique de rapprochement avec Moscou. Les motifs invoqués dans les « Mémoires de Guerre » semblent, de prime abord, plausibles. Dédaigné par Roosevelt, qui n'avait pas confiance en lui, en conflit quasi permanent avec Churchill, le chef du gouvernement provisoire de la République française voulait obtenir de I'URSS la reconnaissance de son gouvernement comme seule autorité légitime, reconnaissance que les Anglo-saxons tardaient à lui accorder, en l’absence d'élections libres sur le sol national.

           La démarche aurait été habile et légitime si cette reconnaissance, consacrée lors d'un voyage de Charles De Gaulle à Moscou, en décembre 1944, n'avait pas été négociée en échange d'une concession déshonorante pour la France : Staline avait exigé en effet, comme contrepartie, la reconnaissance par la France, comme seul gouvernement légitime de la Pologne libérée, d'un comité marxiste polonais des plus fantoches, le comité de Lublin, composé exclusivement d'agents communistes formés à Moscou, et qui n'avaient aucune représentativité dans le pays, avant même tout simulacre d'élection...

           Et cela au détriment du seul gouvernement légitime du pays qui, de Londres, avait, pendant toute la guerre, mené une résistance très active contre l'occupant. Lors du soulèvement de Varsovie mené par le représentant de ce gouvernement, le général Boris Komorovski, qui, avec le général Sikorski, reste le principal héros de la guerre, l'armée rouge avait refusé de soutenir les Polonais alors qu'elle n'était plus qu'à une étape de la capitale !
           Staline avait laissé l'armée allemande détruire la ville et massacrer la population. Son hostilité envers « la Pologne capitaliste » que l'armée rouge avait envahie en septembre 1939, de connivence avec les Allemands, s'était aussi traduite par le massacre des milliers d'officiers polonais dans l'immense forêt de Katyn en 1940.

           Dans ses « mémoires de guerre», De Gaulle, poursuivant sa carrière de brillant avocat d'un certain nombre de très mauvaises causes, dissimule habilement cette trahison mais les faits et les dates sont là : signature de l'accord franco-soviétique à Moscou le 10 Décembre 1944, reconnaissant De Gaulle comme seul chef de gouvernement légitime de la France ; arrivée de Christian Fouchet, représentant officiel de la France auprès du « comité marxiste polonais de Lublin » quelques jours plus tard, le 28 décembre 1944.

           De Gaulle est d'autant plus inexcusable de ce lâchage qu'il avait fait lui-même partie des officiers français que Paris avait envoyés avec le général Weygand en Pologne en 1920 pour contribuer à la défense du pays envahi par l'armée rouge. Tous avaient pu mesurer la crainte qu'éprouvait déjà l’immense majorité des Polonais pour I'URSS et leur profonde aversion pour l'idéologie marxiste.
           Plus tard, la longue lutte de Solidarnosc, qui précédera de plusieurs années la vraie libération de la Pologne, celle qui suivit la chute de I'URSS en 1990, après 45 ans de dictature communiste, confirmera cette réalité historique de façon éclatante. De tous les pays de l'Europe de l'Est, la Pologne fut le plus rebelle au régime marxiste, celle qui souffrit le plus de la répression policière.

           Le prestige personnel indiscutable que retira Charles De Gaulle de son premier voyage à Moscou, grâce à l'intronisation officielle que lui avait accordée Staline comme grand chef d'Etat, rôle que lui chicanaient encore les Anglo-saxons, se payait au prix fort d'un reniement par la France officielle de la démocratie en Pologne.
           Lorsque l'armée rouge eut « libéré » le pays, tous les chefs survivants de la résistance armée polonaise, l'Armia Krajowa (armée de l’intérieur), en particulier ceux qui avaient déclenché le soulèvement héroïque de Varsovie contre les Allemands en août 1944, furent arrêtés et condamnés sur ordre de Staline.

           La caution nouvellement apportée à l'installation de cette tyrannie marxiste par la France, patrie des libertés, et soutien historique de la résistance de la Pologne contre la domination russe depuis plus d'un siècle, était profondément immorale.
           Mais cela l'opinion publique, en France, n'avait pas à le savoir.
           Sur le chemin du pouvoir, « I'homme du destin », dédaignant les leçons de l'Histoire, montrait une nouvelle fois combien son ambition pouvait être sans scrupule. En 1947, ayant quitté le pouvoir de Gaulle fonde le RPF, dont les députés siégent à l'extrême droite sur les bancs de l'Assemblée Nationale.

           Pourtant ils votent souvent avec les communistes pour former une majorité de blocage, mettre en difficulté la IVème République, (ce fut une des causes de l’instabilité de cette dernière) et provoquer une crise de régime, afin de faciliter le retour au pouvoir de l'homme des tempêtes : « Levez-vous enfin, orages tant désirés ! »
           Dans les années 50, une collusion historique gaullo-communiste allait faire échouer un projet européen de défense commune (CED), qui tut rejeté le 30 Août 1954 par un vote associé du RPF et du PCF. « Je ferai tout pour combattre ce projet. Je m'associerai si besoin avec les communistes.. . » avait dit de Gaulle à la veille du scrutin. (Michel Winock - « La France sous influence » - Grasset-1997).

           Cet échec d'un premier pas vers une défense européenne commune, en pleine période de guerre froide, face à la menace bien réelle de l'impérialisme de l'URSS, fut accueilli avec grande satisfaction à Moscou, car, en affaiblissant I'Europe Occidentale, il comblait les vœux du camp communiste... Ce n'est que plus tard que tous les pays de l'Union réalisèrent toute l'erreur de ce vote absurde, obtenu par une majorité de rencontre, entre les représentants d'un ultra nationalisme d'un autre âge, et les tenants de l’idéologie la plus antimilitariste qui ait vu le jour en France.

           Après avoir mal vécu 12 ans d'exil loin du pouvoir, et parcouru plus de mille fois le tour du parc de Colombey, De Gaulle, revenu aux affaires, en juin 1958 par une brèche de l'Histoire, va trouver, dans l'attitude du PCF à son égard, des variations d'humeur extrêmes qui étaient l'exact reflet des variations aussi extrêmes de sa politique algérienne. Personne avant De Gaulle ne s'était engagé aussi solennellement à œuvrer pour « LA SOLUTION LA PLUS FRANÇAISE» en Algérie, déclenchant alors l'hostilité violente du PCF et de ses satellites intellectuels « le fascisme ne passera pas !... » hurlait Jacques Duclos dans une grande manifestation de mai 1958)... Lorsqu'il se décidera ensuite pour « LA SOLUTION LA PLUS ANTIFRANÇAISE » qui se puisse imaginer, celle de la capitulation d'Evian, la complicité entre gaullisme et communisme sera alors éclatante pour mener à son terme le drame de l'abandon, c'est-à-dire de la trahison. L'historien Dominique Venner rappelle que si, au moment de la Libération, De Gaulle avait conclu contre ses ennemis politiques un pacte de sang avec le PCF, « la même logique en 1960 nourrira sa vindicte contre les Français d'Algérie, les officiers fidèles à leur serment ... De nouveau il conclura le même type d'alliance contre nature avec les communistes... » (Dominique Venner - o.c.)

           En définitive De Gaulle ne fera que s'aligner sur les positions les plus extrêmes du PCF, qu'en d'autre temps il avait farouchement condamnées. Le PCF ne manqua pas de proclamer « sa victoire » à tous les échos, et de le rappeler encore aujourd'hui.
           Si il y eu un grand vaincu à Evian, non seulement le parti de la France en Algérie mais toute la France, en définitive, il y eut deux vainqueurs à célébrer le même triomphe : le FLN et le parti communiste français, unis par les mêmes affinités totalitaires, profondément antidémocratiques. Quarante quatre ans plus tard, le PCF et le FLN ne fêtent-ils pas tous deux avec la même ferveur le 19 Mars ?
           Un des mobiles principal du comportement de De Gaulle vis-à-vis du monde anglo-saxon, spécialement des USA, reposait sur l'existence d'une rancune personnelle qui prit chez cet indiscutable paranoïaque une dimension exceptionnelle, « hors du commun », à l'image du personnage qui n'hésite pas lui-même à se définir ainsi.

           Cette haine sera inaltérable et imprescriptible, car le temps va la nourrir au lieu de l'apaiser, ce qui est une des caractéristiques des sujets appartenant à cette catégorie mentale... Derrière un masque d'impassibilité très composé se cachait une tempête de « passions froides », dont cette fureur vengeresse, qui va contribuer à obscurcir parfois le jugement de cet homme, pourtant supérieurement doué.
           « Il aurait pu être un grand visionnaire s'il n'avait pas mis si souvent devant sa vision sa propre personne », disait Louis XVIII en parlant de Chateaubriand. La vocation messianique que de Gaulle s'attribue, celle de l'homme du destin, sera sa force devant l'adversité, mais aussi parfois, son point vulnérable, le talon d'Achille d'un homme qui se voulait d'airain.

           La plupart des Anglo-saxons, trop rationnels, vont méconnaître ce point de susceptibilité extrême, ou pire, vont le railler, dans une offense mortelle à un narcissisme monstrueux. Les slaves, eux, plus intuitifs vont flatter ce dernier et l'instrumentaliser à merveille... Au-delà de la recherche légitime d'un contre poids à l'Est pour équilibrer la toute puissance des USA, type même de ces alliances de revers traditionnelles de la monarchie capétienne, il y a dans la démarche gaulliste une raison plus profonde qu'il est impossible de saisir si l'on méconnaît ce profil psychologique très succinct mais révélateur de De Gaulle.

           Il est impossible de comprendre autrement sa réceptivité aux chants des sirènes moscovites, son extraordinaire attirance, voir sa fascination pour les dirigeants du Kremlin, surtout pour Staline, « ce grand tsar au charme ténébreux » dont à l'occasion de son voyage à Moscou en décembre 1944, il décrit, visiblement admiratif, la toute puissance de satrape en des pages remarquables, et devenues classiques de ses Mémoires (Mémoires de Guerre -Plon- 1959-pages 73 à 79).
           La grande parade de charme entre De Gaulle et Moscou débute semble-t-il en Mars 1960, par un voyage spectaculaire en France de Kroutchev, nouveau grand maître de I'URSS depuis la fin de l'époque stalinienne. Pendant une semaine la Franco gaulliste, et la presse de gauche feront au bourreau de Budapest un accueil d'un enthousiasme très officiel, soigneusement préparé.

           De Gaulle qui promène le dictateur du Kremlin à travers tout le pays, lui témoigne les plus grands égards, comme la France n'en a jamais réservé à aucun chef d'Etat allié. Le rusé moujik, vite devenu populaire par sa faconde et ses réparties (le Français moyen a toujours éprouvé une facilité d'engouement aussi éphémère qu' inconséquente) a mesuré l'antiaméricanisme passionnel de De Gaulle comme la vraie justification de cette surprenante cour qu'on lui fait partout, et tout le parti que I'URSS pourrait en tirer. Premier bilan à l'actif de Moscou : le grand méchant loup était dédouané devant l’opinion française. Celle-ci, grâce à sa légendaire mémoire courte, avait déjà oublié que c'était le même Kroutchev qui avait ordonné le massacre de la population hongroise par les chars de l'armée rouge, il y avait moins de 4 ans ! Deux mois plus tard revenu à Paris pour une conférence au sommet avec Eisenhower, Kroutchev va soudain jeter le masque du brave homme pacifique, et se livrer à une stupéfiante attaque contre les USA et I'OTAN, dans une première manœuvre pour dissocier l'Alliance Atlantique, but réel de sa politique.

           Dans ses mémoires De Gaulle, pourtant expert en cautèle et dissimulation, avoue qu'il fut tout de même un peu décontenancé devant cette volte-face calculée... Avaient trouvé plus fort que lui ? Le Kremlin va jouer du chaud et du froid, flattant outrageusement le Président français, en même temps qu'il menait une campagne toujours plus virulente à I'ONU contre les alliés occidentaux de la France, particulièrement contre l'Allemagne de l'Ouest d'Adenauer, que le parti communiste français, plus que jamais inféodé à Moscou, traitait de nazi revanchard.

           Si la presse communiste accentuait sa propagande contre les alliés occidentaux, la presse de droite de révérence gaulliste amorçait, sur un mode mineur, un virage soviétophile.
           Un courant de sympathie la plus niaise en faveur du bon Tovaritch Nikita Kroutchev se doublait à cette époque d'une intense propagande en faveur du FLN dont I'URSS soutenait ouvertement la cause aussi bien à Paris qu'à l'ONU.
           La plupart des barons gaullistes, suivant les discrètes consignes élyséennes, commençaient à se répandre dans un antiaméricanisme bourgeois et distingué, devenu à la mode au quai d'Orsay comme dans les salons parisiens, tandis qu'un autre antiaméricanisme populaire sous forme du slogan «US GO HOME » allait orner les murs de tous les lieux d'aisance de la capitale.

           Ainsi, à la fin de cette année 1960, s'échafaudait la « grande politique » gaullienne qui s'était donné pour tâche de « liquider le fardeau algérien », de montrer aux USA, très poliment mais fermement, la direction de la sortie, et de bâtir une nouvelle Europe, « L'Europe de I'Atlantique à I'Oural », dans une « belle et bonne alliance » avec la République des Soviets. Dans sa pensée l'homme du destin en serait, bien entendu, devant l'Histoire, le fondateur.
           Nous venons apparaître deux personnages de roman. Le premier, le beau, l'étonnant Sergueï Vinogradov, prince de l'élégance et coqueluche du Tout Paris, ambassadeur de I'URSS, le Talleyrand soviétique, était un grand expert en flatterie et eau bénite de cour, réputé comme le plus gaulliste et le plus parisien de tous les ambassadeurs accrédités en France.

           II allait subjuguer et manipuler De Gaulle en découvrant le secret des vrais mobiles qui guidaient le comportement de ce dernier. L'autre, Georges Pâques, obscur mais trop fervent baronnet gaulliste, qui, anticipant audacieusement sur la pensée de son maître, livrait au KGB des secrets importants de l'OTAN.).
           Il arrive que la fertilité en rebondissements des événements que nous offre l'Histoire soit bien supérieure à celle née de l'imagination des meilleurs romanciers. C'est dans ce sens que Guizot disait : « Vous voulez du roman ? Lisez I'Histoire ! »
Par le docteur Pierre Cattin
    


LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


               Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.

             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il a continué jusqu'à son dernier souffle. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous, j'ai fait des mises à jour et ajouté d'autres communes, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir. Jean Claude est décédé, et comme promis je continu son oeuvre à mon rythme.

             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Guelma, etc. a été fait pour d'autres communes de la région de Bône et de Constantine.

POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et du Constantinois
    
CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net
Autres Communes

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

 
NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers

UKRAINE !

Envoyé par Antoine
https://www.jeune-independant.net/ pourquoi-lukraine-recourt-aux-mercenaires/

jeune-independant.net - Par: Mahmoud Benmostefa le 22 sept. 2024

Pourquoi l'Ukraine recourt aux mercenaires ?

           La pénurie des hommes en âge de se battre a contraint le régime de Volodomyr Zelensky à recourir au service des mercenaires étrangers. Cette option renseigne sur l'incapacité notoire du régime de Kiev à enrôler ses propres citoyens dans l'effort de guerre, mais surtout du niveau de désertion au sein d'une armée complétement décimée par la folie du régime de Kiev et de ses sponsors.

           Ainsi, après l'échec de la prétendue bataille de Koursk, et dans le contexte de lourdes pertes militaires, d'un nombre élevé de morts et d'une pénurie aiguë d'armes, de plus en plus d'hommes ukrainiens préfèrent fuir vers l'Europe au lieu d'être recrutés et tués. Si les membres des centres de recrutement territoriaux parviennent à les attraper, il y a une sérieuse résistance et même des violences pour fuir à tout prix l'enrôlement dans l'armée ukrainienne.

           Se trouvant dans une situation critique, le commandement militaire ukrainien doit combler un grave déficit de soldats en impliquant des mercenaires dans les parties les plus difficiles de la ligne de front. Ces mercenaires participent aux assauts, en véritable chair à canon, ainsi qu'à la défense de positions souvent en étant mal préparés face à la supériorité des forces russes en hommes et en armement.

           Selon les observateurs, il y a un recours quasi systématique à l'utilisation de mercenaires dans toutes les lignes de front en étant sous contrôle de forces peu structurées, ce qui raccourcit considérablement leur espérance de vie sur le champ de bataille.

           Dans les médias occidentaux, de nouvelles publications font état de la mort d'oies grises, un terme qui, historiquement, désigne les mercenaires irlandais qui s'engageaient dans les armées continentales. Le journal finlandais Ilta Sanomat a rapporté la mort d'un citoyen de ce pays dans la région d'Artemovs (Bakhmut). Près d'Avdeevka (région de Donetsk), le légionnaire brésilien M. Woukapanuovo (de son vrai nom Gomes Ribeiru Maxuel) a été mortellement blessé. La même situation s'est produite pour les mercenaires à Krynky près de Kherson, où plusieurs citoyens américains ont été tués, parmi lesquels l'ancien militaire américain B. Bauersocks.

           Outre les criminels notoires, les sadiques et les ultra-radicaux, la plupart des étrangers qui entrent en Ukraine dans le but de combattre la Russie sont poussés par la cupidité et le souci d'une gloire à bon marché. Il y aussi l'attrait de l'argent versé par le Congrès américain, le plus grand pourvoyeur de l'Ukraine et d'Israel.

           Les mercenaires pensaient qu'ils gagneraient facilement de l'argent en restant loin du front, en étant instructeurs, en entretenant des blindés et en tant que conseillers militaires. Au début, la situation était la même et les néonazis de Kiev les traitaient comme des privilégiés. Mais depuis, la situation a changé. Aujourd'hui, le commandement ukrainien, en les menaçant de mort et en exerçant du chantage, force les étrangers à se battre. Les légionnaires ont ainsi compris qu'ils sont une cible légitime pour l'armée russe et qu'ils seront tués.

           Depuis le début de l'opération militaire spéciale, et jusqu'à l'été 2023, au total 11 675 mercenaires étrangers originaires de 84 pays sont arrivés en Ukraine pour participer aux combats aux côtés des unités ukrainiennes. Les groupes les plus nombreux venaient de Pologne, des États-Unis et du Canada, de Géorgie, du Royaume-Uni et de Roumanie, de Croatie, ainsi que de France et de la partie de la Syrie contrôlée par la Turquie, c'est-à-dire, les terroristes de DAECH recyclés en combattants sur le théâtre ukrainien.

           Il y a quelques mois, le régime de Kiev a procédé au recrutement des mercenaires étrangers en Argentine, au Brésil, en Afghanistan, en Irak et dans les zones de Syrie contrôlées par les États-Unis, soit d'autres terroristes ayant commis des crimes contre l'Humanité en Syrie et en Irak.

           Le recrutement aux États-Unis d'Amérique et au Canada s'est également intensifié. C'est également le cas pour la France. Ce travail est effectué sur la base des représentations ukrainiennes à l'étranger avec l'aide des services de renseignement occidentaux, principalement la CIA et les sociétés militaires privées sous son contrôle (Academic, Cubic et Dean Corporation).

           En juin dernier, des témoignages en provenance d'Odessa ont fait état de l'arrivée de mercenaires dans la ville. « Les résidents locaux ont constaté l'arrivée de trois bateaux de mercenaires étrangers, totalisant environ 60 personnes, au port maritime d'Odessa. Les passagers étaient armés et communiquaient entre eux en français », a assuré l'agence russe Ria Novosty qui dit s'appuyer sur des sources locales.

           « Après leur arrivée à Odessa, ces militaires étrangers se sont dispersés dans toute la ville, essayant de ne pas quitter leurs lieux de résidence et évitant tout contact avec la population locale », a ajouté une de ces sources, cité par l'agence de presse russe.

           Au rythme actuel, il semblerait que Kiev entend utiliser ces mercenaires pour influer le cours des combats sur le terrain.

           Si la propagande occidentale met l'accent sur l'existence de soldats étrangers dans les rangs russes, en se focalisant sur le groupe paramilitaire Wagner, opérant en Ukraine et en Afrique, ces mêmes médias mainstream oublient que le recours au mercenariat est l’apanage du Pentagone, le département américain de la Défense, avec les tristement célèbres mercenaires de Blackwater en Irak, cela même qui ont commis l'irréparable en tuant des milliers d'Irakiens innocents après l'invasion de ce pays en 2003.

           Les exemples occidentaux de recours aux mercenaires sont édifiants, et érigés en cas d'école à l'instar de la Légion étrangère qui opère aux côtés de l'armée française. Cela explique notamment pourquoi ce mode opératoire est utilisé en Ukraine.
Mahmoud Benmostefa             

Déluge dans le Sahara algérien

Envoyé par Albert
https://www.tsa-algerie.com/deluge-dans-le-sahara- algerien-les-americains-lont-predit/

  - tsa-algerie.com - Par: Karim Kebir 09 Sept. 2024

Les Américains l'ont prédit

           Pluies abondantes, inondations, oueds en crue : depuis quelques jours, de nombreuses régions dans le Sahara algérien connaissent des précipitations d'une ampleur jamais connue par le passé durant cette période de l'année.

           Bechar, Tamanrasset, El Oued, Ghardaïa, Djanet, Naama, El Bayadh, Ain Sefra, Illizi ou encore Tindouf ont enregistré de fortes précipitations, provoquant des morts, des inondations et de nombreux dégâts matériels.

           Le phénomène a même touché certaines villes des hauts plateaux, comme Saïda, Tiaret ou encore Sidi Bel Abbes.

           Déluge dans le Sahara algérien : comment cela est-il possible ?
           Selon les services de la météorologie, les quantités de pluie ont atteint dans certaines localités jusqu'à 70 millimètres.

           Ce phénomène a été prédit par le Severe Weather Europe, un organisme climatique européen, qui a alerté fin août sur des pluies exceptionnelles dans le Sahara qui s'étend de l'océan Atlantique à la mer Rouge, en passant par l'Algérie.

           Exceptionnellement rare, ce phénomène qui touche des régions du Sahara algérien, où pratiquement il ne pleut presque jamais ou rarement, a été prédit par le Global Forecast System (GFS), modèle de prévision numérique du temps du National Weather Service des États-Unis.
           Ce système prévoyait que certaines régions du Sahara connaitront des précipitations cinq fois supérieures à la moyenne des mois d'août et de septembre, selon le Washington Post.

           « Les modèles informatiques montrent qu'il est possible que des quantités record de pluie tombent dans ce désert habituellement aride, qui ne reçoit en moyenne que 7,5 cm de pluie par an », indique le quotidien américain de référence.

           « Cet épisode rare pourrait provoquer des inondations dans certaines régions du Tchad, de la Libye, du Niger et de l'Algérie. La moitié du Sahara reçoit moins de 2,5 cm de pluie par an, et les dunes de sable absorbent mal l'excès de ruissellement », précise le même journal.

           Déluge dans le Sahara algérien : explications d'un organisme américain

           À l'origine de ce phénomène, peu habituel, le déplacement vers le nord de la zone de convergence intertropicale (ZCIT), une bande d'orages et de basses pressions qui s'étend d'est en ouest à travers l'Afrique centrale, là où se rencontrent les alizés (vents) des hémisphères nord et sud.
           Lorsque les masses d'air entrent en collision, l'air est poussé vers le haut, générant des cumulus et des orages.

           D'ordinaire, la ZCIT oscille vers le nord et vers le sud au cours de l'année, suivant les rayons les plus directs du soleil et atteint, fin août ou début septembre, la position la plus septentrionale de son méandre annuel. En moyenne, cela l'amène à environ 17,8 degrés de latitude nord.
           « Actuellement, la latitude nord est d'environ 20 degrés. C'est environ 245 kilomètres plus au nord que la moyenne, ce qui explique pourquoi les endroits où il ne pleut presque jamais sont sur le point d'être mouillés », explique encore le même média.

           D'après GFS, des quantités de pluie pouvant osciller entre 2,5 et 5 cm pourraient tomber sur la Mauritanie, le sud de l'Algérie et même en Libye. « L'air au-dessus de l'Afrique du Nord contient désormais trois à quatre fois plus dhumidité que la normale », souligne l'auteur de l'article.

           Une situation établie, que les Algériens ont éprouvée depuis plusieurs semaines et notamment ces derniers jours.

           Cependant, les raisons exactes pouvant expliquer le déplacement si loin vers le nord de la ZCIT, alors que d'habitude elle s'arrêtait à quelques centaines de kilomètres au nord de l'équateur, ne sont visiblement pas encore bien cernées.

           « Cela pourrait être lié à une circulation atmosphérique à plus grande échelle appelée oscillation Madden-Julian. Cela dit, ce n'est pas tout à fait clair », affirme le journal.
           Une chose demeure certaine : le phénomène se poursuivra encore quelques jours et le désert algérien sera confronté à des déluges localisés alors que les pluies se propagent beaucoup plus au nord que d'habitude.

           De quoi inciter nos autorités locales dans le sud à prendre désormais les mesures nécessaires pour pallier toute mauvaise surprise
Karim Kebir             




De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
    PDF 187A                                              PDF 187

    PDF 187A                                              PDF 188A

    PDF 188                                                  PDF 189

    PDF 190                                                  PDF 190A

    PDF 191                                                  PDF 191A

    PDF 192

Pierre Jarrige

Site Web:http://www.aviation-algerie.com/

Mon adresse : jarrige31@orange.fr



CREPUSCULE A TIPASA
ALGER-ETUDIANTS N° 35.
10 Janvier 1925.

     Par delà le grand mont qu'il auréolait d'or
     Le soleil a sombré et sur la plaine immense.
     La nuit étend son ombre el son morne silence ;
     Tout s'apaise et se tait ; la nature s'endort.
     La barque du pêcheur fend les flots sans effort

     Car la brise du soir gonfle ses fines voiles
     Voici que dans les deux s'allument les étoiles
     Là-bas à l'Orient Phébé prend son essor.
     Vers le couchant en feu tel une nef splendide
     Un nuage pourpré glisse dans l'air limpide.

     Et dans ce crépuscule an doux charme enchanteur.
     Avec ses vieux palais, ses temples en ruines
     L'Antique Tipasa, la ville aux trois collines
     Semble pleurer tout bus son ancienne splendeur.

Abel STRELLAS.





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Notre liberté de penser, de diffuser et d'informer est grandement menacée, et c'est pourquoi je suis obligé de suivre l'exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d'information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d'expression, tel qu'il est reconnu par la Résolution 59 de l'Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d'expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
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