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LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
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Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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LES VACANCES
Chers Amies, Chers Amis,
Le 1er juillet, il y a comme un air de vacances… les soirées sont plus « longues » avec des apéros plus fréquents, il fait beau, chaud, c’est la fête !!!
Les historiens font débuter le 1er juillet de l'an 776 avant JC les premiers Jeux Olympiques de l'Histoire. Leur nom vient de ce qu'ils ont lieu à Olympie, un sanctuaire consacré à Zeus, le roi des dieux...
Notons que des jeux furent organisés à Olympie dès le XIIIe siècle avant Jésus-Christ. Ce fait est confirmé par l'archéologie qui a exhumé sur le site les restes d'un village et d'un sanctuaire datant de l'âge du bronze. Mais nous ne disposons de la liste des vainqueurs aux différentes compétitions que depuis l'année 776 avant JC. C'est pourquoi cette année-là est considérée par la tradition comme l'année de naissance officielle des Jeux Olympiques. (Site Hérodote)
En 1967, Anna Karina chantait « Sous le soleil exactement, Pas à côté, pas n'importe où, Sous le soleil, sous le soleil, Exactement, Juste en dessous », composé par Serge Gainsbourg. C’était l’hymne d’un été qui n’en finissait plus de briller. Plus de 50 ans après, c’est toujours d’actualité.
Que va chanter la France après les élections qui sentent encore le trucage comme les précédentes ?
Des artistes et des sportifs qui devraient briller sur les planches et sur les stades au lieu de dire des conneries devant les micros. Alors que des gens se font tuer sur notre sol et des gosses agressés par des « petits anges bapésques ».
L’été sera-t-il plus chaud que prévu ?
De toute façon, il y aura de la casse quels que soient les vainqueurs, car les casseurs n’ont qu’un but : le Chaos.
Je vous souhaite les meilleures vacances possibles et je vous donne RDV en septembre.
Jean Pierre Bartolini
Diobône,
A tchao.
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L'Auberge du Chat Noir.
Envoyé par Jean-Claude PUGLISI.
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Voyez-vous mes enfants,
Quand le blé est mûr, il faut le couper,
Quand le vin est tiré, il faut le boire."
Alphonse DAUDET.
Lettres de mon Moulin.
Il était autrefois et il y a très longtemps de cela où, dans un petit port de l'atlantique, se dressait un bien modeste établissement, lequel, portait le nom curieux de"l'Auberge du Chat Noir !", qui, par un triste jour, devait disparaitre totalement du paysage habituel local, à la suite d'une bien sordide et ténébreuse histoire, qui s'est déroulée sur les lieux même. Ne cherchez surtout pas cette auberge, car, elle a disparu depuis bien longtemps déjà, comme si elle n'avait jamais existé, mais, pourtant, son souvenir est encore resté vivace, dans tous les esprits des riverains.
Ce qui a pu demeurer dans toutes les mémoires, c'est le souvenir d'une très vieille bâtisse flétrie par le temps et très souvent noyée par la brume matinale où, seuls se faisait entendre, le cri des mouettes et des goélands qui hantaient le petit port. Cet établissement accusait deux étages, chichement meublé de quelques modestes petites chambres, avec un vaste rez-de-chaussée uniquement consacré au bistrot, lequel, s'ouvrait largement sur les quais du petit port de pêche. Ce modeste établissement, ne brillait pas par l'aspect de ses murs sombres et crasseux, qui, le rendait difficilement visible, sous la brume dès la nuit venue et même, si parfois la lune était pleine. Il était situé à l'extrémité du port, pas très loin du petit phare, là, où finissaient les quais. Il faisait l'effet d'une sentinelle silencieuse, que le temps avait installé dans cet endroit, pour monter la garde sur le petit port et surveiller le va et vient des bateaux de pêche. Son aspect était dirons-nous presque lugubre et quelque peu inquiétant, surtout, le soir, où il prenait un air de deuil. Dans les nombreux trous qui ornaient sa façade, nichaient quelques oiseaux nocturnes, en particulier un chat-huant, qui ne cessait d'hululer toute la nuit et une armée de chauves-souris, qui nichait sous les toits et dont, les cris stridents, résonnaient régulièrement à la ronde, donnant à ces lieux, un aspect presque inquiétant dans le calme du soir.
Jusque tard dans la soirée, les fenêtres du rez-de-chaussée laissaient filtrer une pauvre lumière jaunâtre et l'on entendait une espèce de rumeur sourde, venant de l'intérieur de l'auberge et qui répondait au brouhaha des habitués de ces lieux, lesquels, venaient passer un bon moment de bonheur, devant les boissons alcoolisées servies d'une main de maître, par Gaston, le plantureux patron de cet établissement, qui, de sa voix de stentor, interpellait les consommateurs sans être contraint de quitter son comptoir. Philomène l'épouse de Gaston, de sa voix aigrelette, apostrophait les clients par leurs prénoms, pour prendre leurs commandes et encaisser les notes. Il lui arrivait parfois sur demande et pour ceux qui désiraient atténuer les effets de la boisson, de se remplir bien la panse, en leur servant quelques poissons frits, encore ruisselants dans l'huile de friture On pouvait aussi remarquer, la présence d'un employé de couleur d'une trentaine d'années, qui circulait entre les tables pour assurer le service, sans ne jamais s'adresser une seule fois aux clients. Son visage ne laissait apparaître aucune expression et surtout, personne, ne l'avait entendu dire la moindre parole. Quant à Philomène, elle n'était pas très jolie et accusait un corps sans grâce et des traits sévères, qui ne voyaient jamais un seul petit sourire. Avec Gaston, ils sont arrivés là, depuis quelques années déjà où, ils étaient venus pour porter assistance, à un vieil oncle malade propriétaire de l'auberge, lequel, devait d'ailleurs décéder rapidement et laisser la jouissance du commerce à leurs neveux
Le rez-de-chaussée de l'auberge, était presque entièrement consacré au café, qui était meublé de tables et de chaises vétustes plus ou moins branlantes. Il accusait sur l'arrière, trois petites pièces sommairement aménagées, dont l'une faisait office de cuisine. Dans les étages, étaient situées quelques chambres d'hôtel, lesquelles, étaient assez rarement occupées, à cause de la vétusté et de la pauvreté des lieux. L'endroit du café n'étaient pas de première qualité, mais, paraissait plutôt accueillant et c'est pourquoi de par sa situation, il attirait les marins-pêcheurs et les dockers, venus se détendre après une dure journée de travail, ainsi que quelques douaniers, qui assuraient la surveillance du trafic sur les quais du port.
Mais pourquoi ? Avoir baptisé cet établissement « Auberge du Chat Noir. » Bien que les quais du port, étaient toujours abondamment peuplés de chats, qui, traînaient ça et là, en espérant obtenir, peut-être ? L’aumône d'un poisson des marins-pêcheurs. A l'intérieur du café, ne gîtaient que trois ou quatre chats chasseurs de souris, dominés par un très gros chat Noir aux coups de griffes faciles et à l’œil farouche dénommé Raminagrobis. Seul Gaston pouvait le toucher sans aucune crainte et même Philomène évitait de trop s'en approcher. Quant à l'employé noir, il boudait sa compagnie et ignorait sa présence en le tenant à distance. Ce gros chat noir, faisait régner la terreur sur tous les autres chats et si un client audacieux s'autorisait à vouloir le caresser, deux bons coups de griffes le remettaient en place. Il se tenait toujours dans un coin du comptoir, couché nonchalamment sur toute sa longueur, observant d'un œil farouche et les vibrisses en pointes, tout ce qui se passait dans le café. Est-ce pour honorer ? Son gros chat noir et peut-être ? Aussi, le Chat-Huant, ce locataire permanent de la vieille bâtisse, que Gaston avait nommé ainsi son auberge. En tout cas, on pouvait voir de loin un écriteau, "Auberge du Chat Noir", écrit en toutes lettres sur la façade et bien illuminées dès le soir venu.
Parmi la clientèle, on remarquait aussi, quelques jeunes femmes, court vêtues et fardées au possible, qui cigarette au bec venaient se détendre et peut-être même ? rechercher quelques aventures amoureuses. Mais, c'était en général des filles de joie, qui oeuvraient sur le port et venaient se relaxer devant un verre, après avoir accompli leur travail particulier. Tout ce petit monde se retrouvait tous les soirs, pour deviser joyeusement, boire, jouer aux cartes et même parfois chanter en chœur, des chansons paillardes ou de matelots. Ce n'est que tard dans la nuit, que le café se vidait de sa clientèle, qui était il faut le dire plus ou moins éméchée et le gros Gaston, après avoir compté et recompté avec satisfaction le contenu de sa caisse, il appelait sa femme, pour lui demander de commencer à fermer la boutique et ordonnait au noir de ranger le café et de balayer les sols. Puis, rejoint par sa femme, il s'empressait pour s'en aller vers son lit et dormir béatement d'un sommeil du juste.
Le lendemain matin dès le lever du jour, Gaston ouvrait sa taverne et préparait le café. Quelques clients matinaux faisaient leur apparition, pour boire un bon café-rhum, tout en discutant avec Gaston de la pluie et du beau temps. Pendant ce temps, silencieux comme toujours, l'employé noir s'affairait dans l'auberge et rangeait consciencieusement, les tables et les chaises malmenées par la clientèle de la veille. Jusqu'à l'heure de l'apéritif, l'endroit devenait désert, à part quelques rares personnes venues se rincer le gosier. Mais, c'est vers midi, que, l'établissement, se remplissait d'une foule de personnes assoiffées. Cependant, c'est toutes les après-midi, que Gaston fermait son café, car, pour lui, la sieste était plus que sacrée et ce n'est que vers le soir, qu'il ouvrait enfin tout grand son établissement, lequel, devait accueillir une foule de nombreux clients. Les soirées se succédaient toujours de la même façon, l'ambiance était festive et le chiffre d'affaire intéressant, ce qui ne manquait pas de réjouir Gaston. D'ailleurs, les affaires florissantes permettaient au couple de s'offrir quelques fantaisie = voiture neuve dernier cri - réhabilitation de la façade de l'auberge - installation d'une cabine téléphonique et des toilettes modernes... Enfin des dépenses, qui ne semblaient pas être toujours en rapport, avec le contenu de son tiroir caisse.
Il arrivait parfois, qu'une fille de joie prise de boisson, perde conscience et s'affale sur une table. C'était toujours une très jeune et jolie femme, que, Gaston aidé de son employé, s'empressaient de transporter dans l'une des pièces du rez-de-chaussée et revenait en claironnant, qu'elle allait cuver son vin et repartir le matin venu. Puis, la soirée se poursuivait comme de coutume, sans ne plus penser à la jeune-femme ivre-morte. Il faut dire que cet incident avait tendance à se renouveler et c'était toujours de jeunes femmes, que Gaston avait la gentillesse de loger pour la nuit. A la longue des voix s'élevèrent, pour demander à Gaston ce qu'il était advenu de ces jeunes femmes, qui n'étaient plus reparues sur la place publique. Gaston levait les épaules, en prenant son employé à témoin, qui ne put qu'acquiescer en silence les dires de son patron, lequel, avançait qu'il n'en savait rien, car, les donzelles, étaient reparties de chez lui dès le lever du jour,
L'affaire aurait pu en rester là, mais, un souteneur, ayant perdu de vue la fille qui l'entretenait, se mis à fureter et observer ce qui se passait dans ce café. Il devait assister, à un malaise d'une jeune-femme, immédiatement transportée par Gaston et son employé, dans une des chambres du rez-de-chaussée. Puis, toute la nuit, il monta la garde à l'extérieur et vers deux heures du matin, des ombres surgirent de l'auberge en direction du port où, se tenait à quais un petit navire. Une forme confuse fut alors embarquée et les deux ombres regagnèrent en silence l'auberge.
Dès le jour venu, notre souteneur très intrigué, s'en alla voir la police pour leur dire ses doutes et ce qu'il avait constaté durant cette fameuse nuit. Son explication fut prise au sérieux et une enquête discrète fut diligentée. Des inspecteurs en civil se mêlèrent aux clients du café et devaient rester jusqu'à la fermeture. C'est ainsi que tous les soirs et à tour de rôle, les inspecteurs à l'affût attendirent patiemment, qu'un incident puisse se produire. Un beau soir cela devait arriver, toujours avec le même scénario, mais, dès la fermeture du café, les inspecteurs se camouflèrent dans le noir et c'est vers le milieu de la nuit, qu'ils distinguèrent, des formes confuses qui se dirigeaient vers le port. Emboîtant leurs pas discrètement, la police repéra un bateau qui reçut une masse sombre et assista au départ de deux silhouettes rasant les murs. Mais, arrivés à destination, la police sur ses gardes arrêta les deux ombres, dont l'une d'elle n'était autre que le gros Gaston, qui, ne manqua pas, de protester très vivement, en disant à qui voulait l'entendre, qu'il faisait une promenade nocturne après son travail. Mais, soudain ! Alors que l'on ne s'en attendait pas, son employé noir prit la fuite dans la nuit, poursuivi par la police qui perdit rapidement sa trace. On ne le retrouvera plus jamais, car, il est certain, que tous les noirs se ressemblent. Pendant ce temps, une autre partie des policiers investit le navire, pour le fouiller de fond en comble. C'est sous bonne garde, que le capitaine et ses deux matelots, furent menottés et tenus à l'oeil. On devait trouver dans les cabines fermées à clef, des jeunes-filles peu vêtues et apeurées, qui indiquèrent en pleurant aux policiers, qu'elles étaient retenues prisonnière depuis quelque temps.
Tout ce beau monde, fut amené au commissariat central pour un interrogatoire. Le gros Gaston, après avoir protesté abondamment, décida de se taire, mais, il ne put justifier sa balade de nuit sur le port et la fuite de son employé. Son interrogatoire dura presque toute la nuit et au matin il se mit enfin à table, révélant l'odieux trafique de jeune femmes, qui, étaient vouées, à être dirigées vers les bordels d'Afrique du Nord. Il avoua qu'il droguait ces jeunes-femmes, pour les installer dans une chambre du rez-de-chaussée de son établissement, puis, avec l'aide de son employé noir, il transférait de nuit la pauvrette jusqu'au bateau. Lorsque quelques clients l'interrogeaient le lendemain matin, il disait que la personne était partie de très bonne-heure. Quelle rétribution honteuse, avait-il touchée pour sa prestation ? Il ne l'avoua jamais aux policiers. Alors, il fut mis proprement aux arrêts, ainsi que l'équipage du bateau Dans le même temps, son épouse fut appréhendée et de même incarcérée malgré ses lamentations.
Dans tout le petit port de pêche, ce fut une énorme surprise d'apprendre que Gaston, s'était livré à une traite des blanches. Certains n'y croyaient pas et pourtant, cette triste affaire fut révélée dans la presse locale. L'Auberge du Chat noir, fut perquisitionné de fond en comble, pour tenter de retrouver quelques indices. Les chats, y compris le gros chat noir, furent confiés dans un refuge pour animaux et l'établissement fut fermé, au grand dam de la clientèle locale.
Quelques mois plus tard, s'ouvrit un procès retentissant où, devaient comparaître Gaston et sa femme, ainsi que les membres de l'équipage. Le verdict fut le suivant = Gaston fut condamné à 8 ans de prison ferme et une amende faramineuse, qu'il devait régler en partie par la vente de son affaire. Son employé noir condamné par contumace à 2 ans de prison. Quant à son épouse, elle n'écopa que de deux ans de prison avec sursis, quant aux membres de l'équipage, il furent aussi condamnés à 10 de prison fermes et leur bateau saisi.
Aujourd'hui, la bâtisse est fermée et elle est constamment occupée par des squatters. Finalement, elle a pu trouver un repreneur qui l'a acquise à vil prix et s'est empressé de la faire démolir, pour la remplacer par un autre établissement plus moderne, que les propriétaires ont baptisé = "Auberge du Chat Blanc", mais, la clientèle, ne put jamais retrouver en ces lieux, cette ambiance particulière qui y régnait jadis à "l'Auberge du Chat Noir.".
L'auberge du Chat Noir, restera pour toujours dans les esprits, du petit peuple de ce port de l'Atlantique. Mais, il demeurera encore longtemps, troublé par cette triste affaire de traite des blanches. Quant au gros chat noir, il a été adopté, mais, a très mal supporté son nouveau maître. Il devait prendre la poudre d'escampette et disparaître définitivement. Comme l'auberge qui portait son nom, laquelle, a été démolie. C'est ainsi, que le gros chat noir, s'est à son tour évaporé dans la nature, un peu comme l'auberge du Chat Noir. Quand à Gaston, il devait mourir de sa belle mort en prison, mais, a-t-il regretté ? le trafic de jeunes-femmes, dont il a participé pour encaisser de l'argent sale. Quant à son épouse, elle devait regagner sa ville natale et finir ses jours dans un EHPAD.
C'est ainsi, que finit cette drôle d'histoire et la destinée - de "l'Auberge du Chat noir."
PS = Chronique relevée dans la presse locale.
Docteur Jean-Claude PUGLISI
de La Calle de France
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage.
Giens- 83400 HYÈRES.
le 18 Août 2023.
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LA PARTIE DE CARTES EN BONOIS……
(Plagiat de la partie de cartes de Pagnol)
Envoyé par M. Georges Barbara
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LE CASTING :
BINGUECHE : Poète Bonois bon teint, philosophe des rues, surnommé aussi le maire du quartier de l’Orangerie.
PARIS SOIR : Son partenaire qui a une tête à pomper la merde entre les pavés.
P’TIT FRERE : Lui qu’y l’est toujours à pieds nus, et qu’y te vend les Allatches dans les rues le matin.
NA-NA : Te sais çui-la qu’y l’a la table déhors à côté du café LE GLOBE en ville, et qu’y te vend des moules.
Et GESTONI : Le patron du café.
Comme chaque année au mois de décembre, quand l’hiver y l’arrive, le dimanche après-midi, toute la bande des mâles d’la Colonne y se rotrouve en dedans le Café de Gestoni, te sais çuila qu’y l’est t’sur la placette en face où ya l’estatue de Diane la Sècheresse, pour se taper une partie de belote.
Et entention à chaque fois tu rotrouves comme d’habitude nos quates Mousquetaires, Na-Na, Binguèche,,, P’tit Frère, et bien sur cette Patelle de Paris Soir qu’y s’les lache pas d’une semelle !
Dans une table à côté l’a fenêtre, nos quatre oualiounes y sont entraind’e s’en faire une, et entention, t’yentends pas une mouche voler. La partie annoncée à l‘est à mille points a’c la revanche, si c’est pas trop tard ! Nous nous approchons donc de leur table, et là nous retrouvons, Na-Na que lui y l’est entrain de rogarder son jeu depuis un moment, et y sait pas quoi faire. Y se gratte la tête, tandis que les trois autres y z’attendent comme le missi qu’y te prend sa décision !)
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BINGUECHE : «- Eh ben quoi ? C'est à toi, o Nana! Atso, à debon tu dors ?
NA-NA : « - Je le sais bien que c’est à moi, où je dors, on dort les yeux ouverts main’nan ? Pour qui te me prends oh ?. Mais te ‘ois pas que j’hésite non ?
Et y continue de se gratter cette madone de tête, que pour debon y doit rien y avoir dedans c’est sur. A ce moment là, t’ya un client attablé au fond du Café qui fait que taper t’sur sa table, pour appeler le patron qui l’a oublié de le servir. ( tout ce monde bien sur, y z’étaient pris par cette partie de cartes et y s’l’avait oublié )
BINGUECHE : « -(S’adresse à Gestoni qu’y se tape une sieste que j’te dis pas... derrière son comptoir, Y l’a du c’est sur, se manger une madone de macaronade à midi...)
Hé, o frade, t’yentends pas l’aute qu’y te perd patience, il est déjà de gaz ce tanoude ? Va lui mettre la rince, avant qu’y se trouve mal ! A’c ce cirque Ammar qu’y fait, nous on entend plus rien pour jouer !
Et GESTONI : « –Oilà ! Oilà ! (Il se prend derrière le comptoir une bouteille d’anisette et y s'en va au fond du café.)
BINGUECHE : « - Madone, o M’sieu tube, adebon tu t’l’a portes à la longue. T’le fais esprés ? Morte et guida morte, tu vas pas hésiter jusqu'à demain non ?
PARIS SOIR : « – Aller o tête de lune, t’yattends la sage femme ou quoi ?
Na-Na se décide soudain. ( Si tu le ‘ois et ben y l’est blanc comme ces pierres de blanc d’Espagne qu’on nettoie les flik flouk ) Y te prend qu’à même une carte, y se lève le bras pour la jeter t’sur le tapis, puis, à sa’oir pourquoi, vite y la romet dans son jeu.
NA-NA : « - C'est que la chose elle est importante ! Puis y rogarde Bingueche et y lui demande. » Dis-moi toi, o frade, y z’ont trente-deux et nous, combien nous z’avons des points ? (Bingueche jette un coup d'œil t’sur les jetons en bois qu’y l’a devant lui, t’sur le tapis.)
BINGUECHE : « - Trente ! Nous allons en trente-quatre, et diocane te sais même pas en combien on va ? Ca c’est des choses. Et c’est juste à toi que je me suis pris pour jouer ?
P’TIT FRERE : « – Et pis entention, c'est main’nan que la partie à se gagne ou à se perd.
NA-NA : « – E ben, c'est pour ça que je rofléchis et c’est pourquoi je me demande si ce canemourte de Paris Soir y te coupe à cœur.
BINGUECHE : « - Si t’yavais surveillé le jeu, o tchoutche que t’yes et ben t’le saurais. Mais adebon tu dors ma parole !
P’TIT FRERE : (outré) « - Eh bien, mais vous avez la fugure com’ vote darrère. Agads-moi ces tricheurs. Et dalle pachcale, ne vous gênez plus ! Et toi, montre-lui ton jeu,,, puisque t’yes !
BINGUECHE : « - Ou t’ya vu que je lui montre mon jeu, toi ?. Je ne lui montre pas mon jeu, j’essaie de lui donner un p’tit renseignement à ce babalouke de promière qu’il est en face de moi et qu’y te comprend rien…. c’est tout !
P’TIT FRERE : « - En tout cas, la belote c’est un jeu qui se joue à la muette, te sais ça qu’c’est à la muette ? C’est qu’cest défendu de parler.
PARIS SOIR : (à Bingueche) « - Et rogardez ça qu’je vais vous dire moi. Et ben si c'était une partie de championnat toi o l’homme, et ben tu serais déjà disqualifié.
BINGUECHE : « - Putain alors là laisse-moi te dire que j'en ai fait souvent des championnats, moi. Ousque t’yétais toi o frade. J'en ai fait même plus de dix. Le dernier c’était encore à Duzerville dimanche passé. Et la bas, j’ai pas vu une tête de lune comme la tienne.
PARIS SOIR :« - Toi, comme tu parles là, et ben c’est que t’yes perdu. La bave du crapaud que t’yes elle ne peut pas toucher celui qu’y va vous écraser oujourd’hui.
BINGUECHE : « - Comme t’yes beau quand tu dis çà !. Te ressembles à ces man’quins qu’y sont dans la vitrine de chez Laussat.
NA-NA : « - Ouais, mais pendant ce temps, moi laisse que je me demande toujours si y coupe à cœur. (Alors en cachette, Bingueche y fait un signe que Na-Na y ne voit pas…. Mais Paris Soir lui y l’a tout vu pourquoi y le lache pas des yeux.)
PARIS SOIR :« - Agads moi ça mais o l’ami rogards que t’yarette un peu de lui faire des signes sans arret !
BINGUECHE : « - Moi je lui fais des signes ? Que le bon dieu y m’enlève la vue des yeux si j’lui ai fait des signes ? Je bats la mesure meussieu !. Te sais chacun y l’a sa vérité que c’est la sienne, Alors hein!
PARIS SOIR :« - La mesure ou pas la mesure, te dois rogarder qu'une seule chose : ton jeu. (A Na-Na) Et toi aussi, le falso de promière !
BINGUECHE : « - Bon. (Il baisse les yeux vers ses cartes.)
PARIS SOIR :« - Et toi rogards bien ça qu’j’te dis,,, Si y continues à faire des grimaces, qu’on dirait Chita la singe de Tarzan, et ben j’te jure t’sur la vie d’ma mère que je fous les cartes en l'air et je rentre à chez moi. A moi te vas pas me couillonner.
P’TIT FRERE : « - Ne te fâches pas, Paris Soir ». T’le vois pas, Y sont en plein dans la cagade !
NA-NA : « - Moi, je connais très bien le jeu d’la belote, et j’hésiterais pas une seconde si je savais que ce caplatte de Paris Soir y coupe à cœur. Mais assa’oir toi ?
PARIS SOIR : « - Je t'ai déjà dit qu'on ne doit pas parler, même pour dire bonjour à un ami. Te sais o goumbarre dans la vie on peut pas nager et garder le linge. Mais cause à l’aute toi, pourquoi je ‘ois que vous z’autes vous fesez ça qu’vous voulez !
NA-NA : « – A qui j’ai dit bonjour moi ? Mais t’yes niqué d’la tête toi ? J’ai dis bonjour à personne. Je réfléchis à haute voix. OILA !
PARIS SOIR : « - Eh bien ! réfléchis en silence... ( Bingueche laisse le qu’y continue ses grimaces et qui fait des signes.) Et t’le ‘ois l’aute laisse le qu’y te fait des signes ! P’Tit frere, agads te surveilles Na-Na, et moi, je surveille Bingueche.
(Un silence. Puis Bingueche parle sur un ton mélancolique.)
BINGUECHE : « - T’yes tcheugade ou quoi ? Mais tu te rends compte comme c'est humiliant çà qu’te fais là avec ta superbe ? Te me surveilles comme si j’étais un voleur de poules. Réellement, c’est pas bien de ta part. O non, c’est pas bien, qu’en je pense que nous on s’est élevés ensemble à l’Orangerie !
PARIS SOIR :« - Allons, Bingueche, excuse-moi si je t'ai fait d’la peine !
BINGUECHE : « - Atso ? Tu me fais plaisir des fois non?.
P’TIT FRERE : « - Allons, Bingueche !.
BINGUECHE : « - Quand te me parles sur ce ton, et que te me fais tes yeux comme des billes agattes,,,,,,, comme si j'étais un va nupieds... Je ne dis pas que je vais pleurer, non, mais ça me fait marroner et j’en prends un coup o frade, que je m’arappellerais toute ma vie,,,, Et ben te me fends le cœur tout simplement…. Oila la franche vérité !
PARIS SOIR : « – Adebon o frade, ne t’le prends pas au tragique qu’à même !
BINGUECHE (mélancolique) « - C'est peut-être que sans en avoir l'air, je suis
sentimental moi. (Puis il s’adresse à Na-Na.) Alors o galant t’homme, toi le cataplase de farine de lin si ce cats y me fend le cœur à moi,,,,,,,, et à toi, y te fait rien ?
NA-NA : « - Moi, y m'a rien dit .
BINGUECHE : « - Misere de tes ossses va. Par Saint AUGUSTIN ! Rogards ça qu’y faut que j’entends oujourd’hui, mais c’est pas vrai !
Et tout d’un coup, Na-Na lui laisse le qu’y crie. Y vient enfin de comprendre, et alors y te jette une carte t’sur le tapis.
Paris Soir y s’le regarde, y regarde aussi Bingueche, puis se lève brusquement a’c le rouge qu’y lui est monté t’sur la fugure.
PARIS SOIR : « - Est-ce que tu me prends pour un tchoutche ? Cournoude et bastonade main’nan. T’yas dit : « Y nous fend le cœur » pour lui faire comprendre que je coupe à cœur. Et alors lui ce cats qu’y sait pas où y reste, ac la rose à la boutonnière y te joues cœur ce nous’nika, et aousqu’il est le mal ?. Vous pensez pas nous prendre pour des babaloukes non ?
(Bingueche prend un air innocent et surpris.)
Paris Soir y se lève et y te jette alors les cartes à la fugure de Binguèche -
PARIS SOIR :« - Tiens, les voilà tes cartes, tricheur, falso ! Vous pouvez faire la croix tous les deux avant que je joue avec vous ; J’suis pas niqué d’la tête moi vous savez ? ! Y faut pas me prendre pour un daindalon entention ! (Il se frappe la poitrine.) Celui qu’y doit m’embrouiller et ben y faut qu’y se lève de bon matin !
Et le cats en l’air y te sort du café en criant :
«- TE ME FENDS LE COEUR ?…. TE ME FENDS LE COEUR,…..
ATSO TE ME FENDS LE COEUR !!!!!! »
Georges Barbara, 9 mai 2024
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La France meurtrie
Par CAMILLE BENDER
Echo de l’Oranie N° 267
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A vingt quatre heures d'intervalle, deux tempêtes effroyables se sont abattues sur notre pays, le laissant ravagé et brisé.
De mémoire d'homme, nul ne souvient de tels ouragans, le vent soufflait à des vitesses de plus de deux cents kilomètres à l'heure, avec une violence pareille à celle des cyclones tropicaux, emportant tout sur son passage : les arbres couchés, déracinés sont tombés par milliers, même les plus anciens, plusieurs fois centenaires, n'ont pas résisté à cette force destructrice, les plus grands, décapités, déchiquetés, écartelés, ont entraîné les plus petits dans un amas informe de branches cassées et de bois brisé.
Combien faudra t'il de temps pour redonner aux paysages leur aspect d'avant la catastrophe ! Pour le moment, on a l'impression que certaines régions ont subi un bombardement, tant ce spectacle de désolation ressemble à une manœuvre de guerre, ou comme si une division de blindés avait tout canonné sur son passage !
Que dire des dégâts dans l'immobilier ; des hectares de toitures à refaire, des parkings entiers de voitures écrasées, sans oublier les dommages irréparables subis par le patrimoine national, depuis le mont Saint-Michel, jusqu'à la Sainte Chapelle, en passant par le Panthéon, Notre Dame de Paris, la Cathédrale de Rouen, le château de Versailles ; un nombre d'églises incalculable, St Sulpice, St Séverin, la Madeleine, St-Augustin, Ste Clothilde, souffrent de plaies béantes.
Côté bilan humain, la tempête aura coûté la vie à quatre vingt dix personnes, écrasées dans leur voiture par la chute d'un arbre, d'une grue, ou victimes d'une cheminée arrachée sur la toiture de leur maison, éventrant les tuiles et ensevelissant les habitants, sous les pierres et les gravats.
Pour ceux dont la vie a été épargnée, les séquelles de la tempête ont duré parfois plusieurs semaines : pas d'électricité, pas d'eau potable, pas de chauffage, pas de téléphone, la vie au ralenti, dans une atmosphère de fin du monde !...
J'ai vu un octogénaire pleurer devant ses arbres déracinés. Pour le consoler, je lui disais heureusement que sa maison avait résisté,... « Une maison, me répondit-il, cela se répare en quelques mois, les maçons, les couvreurs, les peintres, peuvent vous la rendre presque intacte, mais les arbres, même si on les replante, il faudra des années, voir des siècles pour qu'ils retrouvent leur splendeur et cela, je ne le verrai pas. J'étais si fier de mes cèdres, j'ai l'impression d'avoir perdu quelqu'un de ma famille. »
Moi, qui aime tant les arbres, j'ai compris la détresse de ce vieil homme ! C'est si beau un arbre, si vivant sous son écorce et, comme le dit le poète « Quel spectacle est plus émouvant qu'un arbre dressé dans le vent, comme un fruit vivant de la terre, il élève au ciel sa prière. »
De voir ces cimetières de branches mortes, ces troncs déchiquetés, ces fûts jetés à terre comme des allumettes, on a envie de pleurer. Tant de feuilles ne reverdiront pas au printemps 2000 ! Les 1800 hectares des bois de Boulogne et de Vincennes sont désormais livrés aux bûcherons, les parcs et jardins qu'on appelait les poumons de Paris, (Buttes Chaumont, Parc Monceau, Jardin d'Acclimatation) sont fermés au public, en attendant d'être débarrassés des obstacles qui les obstruent. Paris résonne du bruit sinistre des tronçonneuses, tout un capital vert a été ravagé..
Même constat dans la forêt Landaise où les pins ne sont plus que des squelettes dénudés, et les pentes forestières des Vosges offrent la vision navrante d'un champ de mort.
Ce fut aussi une véritable catastrophe énergétique, le quart des lignes à haute tension furent coupées, même si la mobilisation massive des agents de I'EDF, qui ont été d'un dévouement et d'une compétence admirables, a permis de rétablir l'électricité petit à petit ; il faudra plusieurs mois pour retrouver une situation normale «on ne remplacera pas un pylône en 24 heures.
Catastrophe analogue pour le réseau téléphonique, même les systèmes de téléphones portables, ont été atteints, nombre de relais étant privés de courant, ou même rendus muets par l'ouragan.
Le réseau ferroviaire paralysé, des routes impraticables, des gens bloqués dans les gares, les aéroports, hébergés dans les écoles, les gymnases, partout l'angoisse et la désolation.
Six jours avant l'an 2000, l'homme est capable de marcher sur la lune, mais il ne sait pas se protéger de la violence de la nature, et ses rêves, sa vie, ne sont, face à sa démesure, que fétus de paille. On avait promis aux Français une fin d'année féerique, ils n'attendaient pas un drame au lendemain de NoëI. Ce fut, d'abord, une grande moitié du nord de la France, (la Normandie, l'île de France, la Marne, la Haute Marne, la Meuse, la Moselle, les Vosges) qui fut transformée en un gigantesque champ de bataille. L'offensive reprit, dès le lendemain affectant l'Aquitaine, la Charente Maritime, la Gironde, le Poitou-Charente la Dordogne, I'Auvergne, le Languedoc-Roussillon, le Sud Ouest connut, à son tour, le drame d'un siècle qui se termine en deuil.
Le vent n'épargna rien, ni personne, il avala les chapiteaux des cirques Alexis et Arlette Gruss, Pinder, de Pékin, réunis pour un festival mondial qui n'aura pas lieu.
Le clown triste pleure, mais cette fois, ce sont de vraies larmes. Et, comme si cette horreur n'était pas suffisante, avec cette tempête d'apocalypse tuant et saccageant, voici que l'Erika, un vieux bateau, battant pavillon maltais, transportant du pétrole, se brise en deux au large des côtes bretonnes, laissant échapper de ses soutes le fioul lourd qui va souiller les eaux et les côtes de la Bretagne, de la Vendée, de la Loire Atlantique. Toutes ces îles sublimes, synonymes de vacances, Croix, Belle-Ile, Houat, Hoedic, Noirmoutier, sont polluées par ce bitume pestilentiel, cette peste noire qui s'étale de la pointe de Penmarch, dans le Finistère au golfe du Morbihan, jusqu'à Notre Dame des Monts en Vendée ; des centaines de kilomètres de plages et de côtes rocheuses sur la façade atlantique, sont souillées près de Batz, Le Croisic, le Pouliguen.
Dans cette période de I'année, les oiseaux hivernent par milliers dans cette zone : cormorans, fous de Bassan, guillemots, courlis, grèbes, canards, hérons, englués dans la nappe fétide, collés aux rochers et noyés par la marée montante, presque tous les oiseaux meurent. De nombreux volontaires essaient de sauver les oiseaux mazoutés, la plupart du temps il est trop tard, imbibés de gazole comme des éponges, il vaut mieux les achever pour les empêcher de souffrir «quand l'homme ne peut plus rien, les oiseaux se cachent pour mourir, la population de la côte, aidée par les professionnels de la sécurité civile, et de nombreux volontaires, se bat contre la marée noire, avec des pelles, des seaux, des râteaux, des brouettes, tandis que des bateaux-pompes et des robots sous-marins essaient d'avaler le pétrole par aspiration. Mais la mer déchaînée, où la lave noirâtre se mêle à l'écume, remonte à l'assaut du rivage et dépose une nouvelle couche de mazout sur le sable. Les hommes voient leurs efforts réduits à néant, ils baissent les bras devant la marée, qui, sans cesse, recrache le poison.
Demain, ils reprendront courage et recommenceront, équipés de bottes, de cirés, armés de leurs pauvres outils, ils essaieront d'arrêter la pollution et d'empêcher les plaques de pétrole de s'enfoncer dans le sol. Catastrophe écologique et désastre touristique, une bonne partie de la façade atlantique est économiquement sinistrée ; poissons, crustacés productions ostréicoles sont pollués et pour longtemps et puis, que vont faire les touristes cet été ? La marée noire aura-t-elle une incidence sur I'orientation de leurs vacances ? J'espère que non et que les habitants de Belle-Île ou de Concarneau et de toute cette région salie. blessée, souillée, soit par la tempête, soit par la marée noire n'auront pas à souffrir de désaffection de la part d'autres Français, leur épreuve a été, assez pénible comme cela!
Souhaitons beaucoup de courage à toutes les victimes de cette catastrophe, et qu'après que Torrey Canyon en 1967, l'Amoco Cadiz, en1978, le naufrage de l'Erika soit le dernier désastre écologique qui affecte notre littoral.
Le 20ème siècle finit dans une atmosphère de deuil, tout au moins dans certaines régions. Restons solidaires de ceux qui ont tant souffert des caprices de la nature, et de l'inconsciente folie des hommes.
Janvier 2000
Camille BENDER
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LA NATURALISATION DES INDIGENES
RECHERCHES DE C. CAMEZULI
ACEP-ENSEMBLE N° 282
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Dans un livre sur "L'ALGERIE EN 1891 - Rapports et discours à la Chambre des Députés" édité en 1892, le Député A. BURDEAU fait le point sur la naturalisation des Indigènes et cite un document qui intéressera certainement nos lecteurs.
II précise :
L'assimilation des Indigènes ne saurait être l'effet de quelques lignes d'écriture, même revêtues de la puissance légale.
Des esprits généreux avaient espéré qu'il pourrait y être procédé avec rapidité, par la naturalisation accordée facilement, donnée peut-être d'un coup à la masse des musulmans. Contre la naturalisation en masse, tous les indigènes protestent vivement, parce qu'elle les astreindrait au service militaire (1). Quant à la naturalisation individuelle elle est fort rare : il n'y a que 736 exemples dans les vingt-cinq dernières années et l'on peut se demander si elle constitue, même pour les quelques indigènes qui l'ont acceptée, un acte bien sérieux. Beaucoup, en effet, paraissent ignorer profondément leurs obligations nouvelles : ils continuent à se marier devant le cadi (sur 287 dont on a suivi le sort, 21 sont dans ce cas) ; ils ont plusieurs femmes, ils négligent de déclarer à l'état civil les enfants qui leur naissent après leur naturalisation. Il est vrai que, quand on leur rappelle les peines portées contre la polygamie, ils s'en tirent en déclarant qu'une seule de leurs femmes est légitime et que les autres sont des concubines. Ce qui est bien significatif, c'est que leurs femmes appuient énergiquement ce mensonge. Quand on leur fait remarquer que leurs enfants, sauf ceux de la femme dite légitime, sont adultérins et ne pourront ni être reconnus ni hériter, ils tombent dans une profonde indignation. Il est à espérer qu'en dépit du laisser aller ordinaire en ces matières, la loi sera appliquée au moins sur ce dernier point ; mais leur mésaventure n'encouragera pas beaucoup ceux qui, pour obtenir un grade dans l'armée ou une place ailleurs, auraient sollicité la naturalisation. Il faut s'y résigner : la naturalisation des indigènes sera le dernier terme d'une longue évolution. On pourrait presque dire aujourd'hui qu'il n'y a de francisés que les indigènes qui, après naturalisation, ont épousé des Françaises : ce n'est pas à l'action de nos lois que ceux-là doivent leur transformation.
1 - On jugera de l'énergie de cette protestation, par la pétition ci-après revêtue de la signature de 1971 habitants de Tlemcen et qui date de six mois à peine. Elle est remarquable, en quelques passages, par un ton d'ironie presque insolente, que les indigènes se sont bien rarement permis en s'adressant à des autorités françaises :
"Monsieur le Ministre des affaires gouvernementales,
"La France s'était à peine établie à Alger qu'elle s'occupa d'y faire régner la justice et d'y répandre les bienfaits de sa civilisation. Son premier soin fut de s'engager envers les musulmans à leur laisser leur culte, leur loi divine, leurs propriétés, à respecter leurs femmes et leurs personnes en leur permettant le libre exercice de leurs coutumes et de leur droit traditionnel. Il en fut de même lorsque sur notre appel ses soldats entrèrent à Tlemcen.
"Ce sont là des actes qui ont été souvent renouvelés par vos hommes les plus remarquables.
"Depuis que la France a pris possession de notre territoire, nous, musulmans de Tlemcen, nous n'avons cessé de lui être soumis, de prendre de toutes nos forces, sans restriction, la défense de ses droits, comme, du reste, il convenait de le faire.
"C'est ainsi que nous nous sommes efforcés de repousser les insurgés, les fauteurs de trouble tels que Bou Amama et d'autres avant lui. Nous nous sommes pliés à votre législation, nous avons obéi aux arrêts judiciaires ou administratifs prononçant contre nous des peines collectives ou individuelles ; nous avons respecté les lois financières, acquitté l'impôt spécial dit zekkat et achour. Nous avons rempli les engagements contractés envers la France par nos pères, ne demandant qu'une chose, qu'on nous laissât notre religion dont notre société ne peut se séparer.
"Chez nous, la société est fille de la religion.
"Nous avons lu les deux propositions formulées par M. Martineau, l'une relative à la naturalisation en masse des musulmans et l'autre tendant à leur imposer le service militaire. La Chambre des députés a donné son approbation à ces deux projets et les a renvoyés à l'examen d'une Commission spéciale.
"De l'adoption de ces deux mesures résultera nécessairement la ruine des bases de notre culte, elle détruira le principe même de notre loi. Ce sera la fin du respect juré de nos femmes, de nos personnes, de ce respect garanti à tous et dont nous ne pourrons jamais nous passer.
"Toutefois nous sommes bien persuadés qu'on a seulement en vue l'amélioration de notre état ; qu'on veut nous mettre sur le pied d'égalité avec les citoyens français, nous rendre aptes aux fonctions publiques, nous amener à un degré convenable d'instruction, nous mettre sous les armes et nous enseigner les exercices militaires. Certes, c'est là un noble but inspiré par les meilleures intentions. Nous en sommes profondément reconnaissants. Mais, comme tous ces desseins contrarient notre foi, atteignent ce qui est essentiel en nous, ne sont pas en rapport avec notre ignorance, que nous ne nous sentons pas dignes de goûter aux fruits de l'égalité, que nous ne revendiquons nullement le droit de suffrage, nous ne donnons point notre consentement à ces modifications projetées dans notre société, nous ne voulons point nous couvrir d'un vêtement qui n'est pas fait à notre mesure. Pour le moment, nous ne voyons pas l'utilité de ces réformes dans nos institutions, nous n'en comprenons pas le bienfait. Nous aurions nous-mêmes sollicité ces réformes si nous n'eussions pas trouvé que les inconvénients en seraient plus grands pour nous que les avantages purement humains qui en découlent, notamment la faculté de porter des armes de guerre. Nous ne sacrifierons pas notre religion à notre monde et le musulman est tellement attaché à sa religion et à son monde qu'il entend ne se séparer ni de l'un ni de l'autre.
"D'ailleurs, tenir aussi vivement que nous le faisons à notre culte, n'est-ce pas d'une façon absolue la preuve la plus concluante de notre fidélité à remplir toujours les engagements pris par nos pères envers le Gouvernement français ? Et puis, chacun de nous n'est-il pas libre d'entrer en parfaite communion d'idées avec vous, comme le prouvent de nombreux exemples ?
"Une autre conséquence des deux projets livrés à l'examen de la Chambre c'est l'annulation de la convention que nous a consentie la France et qui est devenue chose acquise et consacrée par un long usage. Cette convention constitue pour ainsi dire une donation opérée par l'aïeul, en échange de certains avantages. Il y a eu fait de possession et d'exécution de la part de tous les intéressés de telle sorte que le petit-fils ne saurait révoquer un droit fondé sur une obligation accomplie ni au point de vue légal, ni même pour raison de politique africaine puisque, lors de la conclusion du contrat en 1830, il n'y avait pas en ce qui regarde l'Algérie de politique européenne.
"Monsieur le Ministre, depuis que la nouvelle de ces projets de réforme nous est arrivée, la vie n'a pour nous aucun attrait, nous sommes tous, même nos enfants, dans l'inquiétude et l'appréhension.
"Le Gouvernement français dont la justice repose sur les principes de liberté, loin de nourrir des intentions nuisibles à nos croyances religieuses - car il est le gardien naturel des conventions et des cultes - agira, nous en sommes sûrs, de manière à s'attirer l'affection des populations ; il évitera avec soin l'emploi des moyens qui amèneraient un effet opposé à celui qu'on attend.
"Avant de se lancer dans la voie des réformes, il aura égard aux temps, aux lieux, aux individus ; il sait que chaque chose se fait à son époque déterminée. Ses hommes d'Etat pleins de sentiments d'équité et de droiture n'auront pas recours à ces conseils qui ne produiraient que désappointement. Ne sait-il pas d'ailleurs que l'Algérie est immense ; qu'elle est voisine de l'étranger, que l'étranger est même chez elle, qu'elle renferme des populations de médiocre intelligence qu'il serait imprudent d'habituer au métier des armes ?
"Nous vous faisons l'exposé de notre situation, Monsieur le Ministre, pour vous dévoiler notre cœur et vous inspirer le désir d'éloigner de nous les maux que créerait l'adoption des projets de M. Martineau. Nous tenons absolument à rester tels que nous sommes, avec notre culte, notre loi, nos coutumes que vous nous avez conservés jusqu'ici. Mais nous verrions avec plaisir, avec reconnaissance l'Etat remédier à des dommages provenant de causes autres que celles dont nous vous entretenons.
"Nous espérons, Monsieur le Ministre, que vous accueillerez favorablement nos doléances, que vous en tiendrez compte et ne laisserez pas porter atteinte à notre foi et à nos personnes. De cette façon le calme reviendra dans les esprits.
"Notre confiance dans une solution favorable est tout aussi grande que celle que nous avons conçue en 1887 lorsque nous demandâmes, en nous appuyant sur des raisons qu'étudient aujourd'hui les chefs du Gouvernement, que le soin d'interpréter notre loi fût rendu au cadi.
Nous avons adresse à M. le Président de la République l'original de la présente pétition signée par nos édiles de Tlemcen, par les directeurs de notre culte et de notre loi, nos commerçants, nos propriétaires, nos agriculteurs, nos industriels au nombre de 1971.
"Fait à Tlemcen, le 7 avril 1891.
Pour traduction . Signé ARNAUD, Interprète principal de l'armée.
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MUTILE N° 198 du 19 juin 1924
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AU SUJET DU CHOMAGE
De toute part, on gémit sur la crise grandissante du chômage qui désole la population ouvrière et menace d'atteindre par progression les employés eux-mêmes. Quand nous disons employés nous voulons parler, de ceux qui ont des professions et qui appartiennent aussi bien au commerce ; qu'aux administrations, en qualité d'auxiliaires.
On reconnaît le mal, on en constate les ravages, mais, on se garde bien d'en rechercher la source, parce que le fléau paraît sans remède. Ce n'est pourtant pas notre avis parce que nous examinons les choses froidement avec l'unique souci d'apporter au mal dont nous souffrons non pas un remède radical, mais une atténuation, une espèce de palliatif si l'on veut bien, qui aura pour conséquence une diminution de la crise du chômage.
Lorsqu'un docteur est appelé au chevet d'un malade pour le traiter, il l'ausculte, le tâte, l'interroge et alors, sûr de son diagnostic, il prescrit, à l'aide d'une ordonnance, la médication à employer, le traitement à suivre.
Nous allons donc procéder comme lui. Le malade, nous le connaissons ; c'est le peuple, son mal, nous le connaissons aussi : c'est le chômage qui engendre la misère. Mais, d'où vient ce chômage ? De la brusque paralysie des affaires.
Durant la guerre, les usines à grand rendement regorgeaient d'ouvriers qui menaient bonne vie grâce à de gros salaires. La paix venue, ces usines ont fermé leurs portes et, ces ouvriers se sont trouvés sur le pavé.
Alors, il est advenu ceci ; ces ouvriers sans travail ont diminué leurs achats, le commerce s'en est ressenti ; le prix de vente des marchandises aussi, mais détail navrant, c'est l'élément employé qui en a pâti.
Les commerçants mis dans l'obligation de baisser leurs prix ont, rogné sur les frais généraux et leur première précaution a été de diminuer un personnel devenu inutile.
La finance a elle-même été atteinte par la bonne raison qu'elle est intimement liée au commerce et à l'industrie et toujours par esprit d'économies les banques ont licencié le personnel de fortune qu'elles avaient recruté durant la guerre.
Le chômage sévit dans les trois branches de l'activité nationale.
L'homme, le travailleur condamné à l'inactivité s'effraye.
Le manque de travail c'est l'impossibilité d'acheter du pain, de faire vivre la femme et les mioches qui attendent la becquée et c'est d'autant plus navrant que ces pauvres bébés aux yeux agrandis par la 'lièvre, ont des estomacs qui ne savent pas chômer et qui ne comprennent, pas que si la vie économique est suspendue, la vie matérielle doit l'être aussi.
Parmi les victimes de celle crise, il y a les anciens combattants, les inutiles de guerre vis-à-vis de qui la Nation n'a pas encore rempli le devoir de réparation «qui s'imposait au lendemain de la guerre.
Si la loi sur les emplois réservés et celle sur l'emploi obligatoire avaient été strictement appliquées, ils n'auraient pas à pâlir du chômage car, diminués physiquement, pensionnés maigrement, sans travail pour la plupart, ils sont les premiers chômeurs, qu'on le veuille ou non.
Pendant ce temps, le pays est infesté d'étrangers de toutes nations qui tous travaillent parce que, pendant ...que les nôtres se faisaient trouer la peau, ils les remplaçaient partout à des prix forts.
L'industrie, l'agriculture, le commerce manquaient de bras et il en fallait coûte que coûte. C'était bien pendant la guerre, mais la paix venue, pourquoi n'a-t-on pas licencié tous ces gens-là, ces parasites de la France ! Parce qu'ils ont accepté d'énormes diminutions de salaires et ils l'ont fait avec autant plus de facilité que leur magot est fait et qu'ils savent pertinemment que chez, eux aussi règne la misère.
Peut-être craignent-ils encore d'être traités en indésirables, car très probablement il existe chez eux ce qui manque chez nous, des lois qui protègent les nationaux d'abord et surtout et les étrangers ensuite.
Lorsque nous parlons d'étrangers nous ne parlons pas de ceux qui vivent chez nous depuis de longues années, qui y ont rendu des services et dont les fils ont acquis la nationalité française, non, nous ne causons pas d'eux mais, de ceux qui sont indésirables même dans leur pays quand ils en ont un et, qui viennent chez nous pour vivre en marge de la Société. Qu'on les chasse sans pitié ceux-là en se rappelant que la bonté exagérée confine à la bêtise.
Nous n'avons naturellement pas l'intention de faire allusion aux étrangers dont les pays ont été nos alliés durant la guerre mondiale. Ceux-là méritent un traitement spécial, mais nous demandons purement et simplement que le Français ait le droit de se considérer comme le plus favorisé dans son pays.
Qu'on mette les employeurs dans l'obligation formelle d'employer des éléments français sous peine de fortes amandes, qu'on taxe fortement les étrangers résidant chez nous, que ceux qui emploient la main-d'œuvre étrangère soient fortement taxés et surtout qu'on impose des salaires égaux.
Alors seulement nous respirerons un peu. Certes la crise de chômage ne sera pas annihilée, mais du moins fortement diminuée.
Pour arriver à ce que nous préconisons, il faut voter sans retard des lois de protection de l'élément français, il faut codifier les étrangers afin que l'adage « La France aux Français » ne soit pas une ironie, il faut protéger notre race si l'on ne veut pas qu'elle soit submergée par les races étrangères qui s'infiltrent et s'installent, à demeure chez nous, comme en pays conquis.
La France est une grande malade qu'on a saignée à blanc et qui a besoin de soins et de protection. Les pouvoirs publics ont paru l'ignorer quand, notamment pour la reconstruction des régions dévastées, ils ont laissé des étrangers s'installer somptueusement quand nos -pauvres bougres de compatriotes, ceux qui avaient fait la guerre, ceux qui avaient tout perdu et à qui on avait promis abondance, reconnaissance, paix et travail ont été obligés de se loger dans de véritables gourbis, avec en plus le ventre creux.
Que le Français sauveur de son pays ait le droit de priorité partout et surtout que l'on ne voie plus ce spectacle bien triste d'un Français enrichi pendant la guerre, allant recruter quatre du cinq mille Espagnols dans leur pays pour des travaux de culture, à qui il paie le voyage aller-retour parce qu'ils travaillent à un salaire de famine tandis que les ouvriers algériens crèvent de faim.
Nous avons défini les raisons du mal ; nous en avons indiqué le remède, il reste à nos parlementaires, à. qui incombe le soin de forger les lois, de voter bien vite une loi qui unifie les salaires, protège, le travail, sans quoi nous en arriverions à la diminution des salaires qui ajoutera encore à notre misère.
R. MASSON.
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Pierre Marienne
Envoyé par M. Y. Jan
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En ce jour je pense qu'il est bon de se souvenir ou d'apprendre pour certains que nous avons donné à la France notre part en héros nationaux, le Président de la République doit ignorer que Pierre Marienne est un descendant de ceux qu'il accuse de Crime contre l' Humanité !
Je connaissais Pierre et toute sa famille et j'étais en contact, jusqu'à l'année dernière où il est décédé.
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Charybde et Scylla
Par M. Marc Donato
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Je ne sais pas pourquoi, j’ai eu envie de me replonger dans les fables de ce vieux La Fontaine. L’une d’elles, La Vieille et les Deux Servantes, a retenu toute mon attention.
Assurément, je ne vous reprocherai pas d’ignorer cette histoire bien moins célèbre que Le Corbeau et le Renard, ni même de ne pas afficher l’œuvre du fabuliste dans votre bibliothèque pourtant bien fournie, aussi vais-je derechef vous conter l’argument.
Une vieille acariâtre menait la vie dure à ses deux servantes, les réveillant tous les jours au chant matutinal d’un coq voisin.
Excédées, les deux domestiques firent passer le volatile de vie à trépas, pensant pouvoir dormir un peu plus longtemps.
Las ! Notre couple au contraire à peine était couché.
Que la Vieille, craignant de laisser passer l'heure, courait comme un Lutin par toute sa demeure, réveillant ainsi encore plus tôt ses deux domestiques, exigeant d’elles qu’elles se levassent aussitôt.
Et l’ami Jean de conclure : La Vieille, au lieu du Coq, les fit tomber par-là De Charybde en Scylla.
Faut-il rappeler ici cet épisode mythologique de l'Odyssée où Ulysse et ses hommes passent dans ce qui pourrait être le détroit de Messine, entre Italie et Sicile ?
Charybde : une jolie jeune fille punie par Zeus qui la métamorphosa en monstre et la changea en un gouffre marin. Terreur des navigateurs de l’antiquité, Charybde avalait trois fois par jour d'immenses quantités d'eau, avec les poissons, les navires et leurs équipages.
Elle rejetait ensuite l'eau et ce qui n'était pas comestible. Elle est souvent représentée sous la forme d'un immense tourbillon marin, dévastateur, aspirant tout de sa bouche gloutonne et insatiable.
Scylla : une nymphe que la magicienne Circé, par jalousie, changea en un monstre hideux avec douze moignons pour pieds et six longs cous ayant chacun une tête et une triple rangée de dents. Découvrant avec horreur sa métamorphose, Scylla se précipita dans la mer où, depuis un rocher, elle terrorise les navigateurs.
Tels étaient donc les deux dangers qui menaçaient les marins. Scylla, une haute roche fixe qui se dressait jusqu'au ciel ; Charybde gisant dans les profondeurs de la mer, comme une masse liquide descendant et remontant par mouvements de spirales.
Et voilà l’origine de l'expression « tomber de Charybde en Scylla », qui signifie «aller de malheur en malheur, aller de mal en pis ». Pour Ulysse : Charybde ou Scylla ? Le choix était difficile. Fallait-il perdre tout l’équipage, le navire, disparaître soi-même dans le tourbillon de Charybde ?
Etait-il préférable de choisir le côté où était situé le rocher de Scylla, préférant abandonner plusieurs hommes au lieu de les perdre tous ? Le rusé Ulysse opta pour cette deuxième possibilité et il sortit du dangereux détroit après avoir perdu « seulement » six hommes. Il put ainsi poursuivre son voyage.
Ne voyez aucune intention cachée dans ce papier. J’imagine que certains esprits malintentionnés vont me prêter des idées que je n’ai pas, je vous le jure ! Mon but était simplement de vous distraire comme je l’ai fait régulièrement à l’époque déjà lointaine de l’isolement imposé par un certain virus, et peut-être d’apporter un peu de culture dans ce monde d’ignares, dont vous ne faites pas partie, je le sais.
Enfin, égoïstement, je me suis fait un petit plaisir nostalgique en me rappelant mes professeurs d’antiquité gréco-latine s’évertuant à vouloir faire rentrer dans ma tête juvénile, mais combien rebelle à leur enseignement, ces histoires qui me régalent aujourd’hui.
À l’époque, il n’y avait pas de mythe au logis chez moi. Je le regrette et souhaite que mes vieux maîtres, dans leur repos éternel, m’accordent leur pardon et acceptent ma résilience.
- Vogue la galère, comme m’a écrit Ulysse dans un récent SMS.
Quant à moi, je vais fantasmer sur la beauté de Charybde et imaginer les charmes de Scylla avant que les colères divines ne transforment ces jolies filles en monstres.
Marc DONATO
JUIN 2024.
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PHOTOS du LAC TONGA
Groupe Amis des voyages V
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La Cuisine du Bastion de France.
par Jean Claude PUGLISI,
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SCABETCH - à toutes les sauces
Pastière - à la façon de la femme + de Carmeno+,
et Oranges - siciliennes.
Encore une Scabetch (escabèche)! Encore une Pastière ! Serions-nous peut-être tentés de dire avec juste raison. Mais qui penserait faire pareille objection ?
Devant la majesté incomparable de ces divines recettes, qui fleurent bon La Calle de notre enfance.
Mais ceci n’est pas une excuse et mérite en vérité quelques bonnes explications de ma part : à plusieurs reprises il m’est arrivé d’affirmer qu’il n’y avait pas une, mais, des cuisines du Bastion. Car si les recettes indiquées sont identiques quant à leurs ingrédients, elles diffèrent souvent par quelques petites variations extrêmement harmonieuses, qui respectent et ne perturbent en rien les traditions culinaires Calloises.
Ceci dit et à chaque fois que j'ai la chance de saisir au passage - une heureuse petite astuce - un habile tour de main - un petit savoir-faire intéressant... etc. Je me dis qu'il faut vite révéler ces précieuses trouvailles, qui à l’évidence n’appartiennent pas à moi tout seul, mais qui feront incontestablement le bonheur de bien des nôtres : leur transmettre cet héritage culinaire, c’est la démarche affectueuse, sincère et sacrée - que j’ai le devoir de faire aujourd’hui et demain !
Si la Scabetch et la Pastière ne nous sont pas inconnues, voici cependant 2 recettes originales qui m’ont été contées et qui auront en plus de leurs parfums d’autrefois, le mérite de montrer encore une fois comment avec quelques petits riens - on peut faire de véritables miracles culinaires.
Pour les gourmands et les curieux, voici quelques Oranges siciliennes, spécialité peu ou pas connue des Callois, mais, qui auront la saveur et le parfum, de la terre de certains de nos ancêtres.
Sauce Scabetch made in Bab-el-Oued (Algérie ).
( Recette de mon amie de toujours
- Madame Lyne Sardain-Mennella + de Giens/Var.)
Cette recette de Scabetch est une préparation made in Bab-el-Oued, où certains ingrédients témoignent assurément d’une tradition Arabo-Italo-Espagnole. Car, si dans la forme, on remarque la présence d’ingrédients inhabituels, le fond de la recette reste strictement le même. Cependant essayez de réaliser cette Scabetch au moins une fois et vous comprendrez pourquoi aujourd'hui, la cuisine du Bastion de France se fait un plaisir de vous la révéler.
Avec des Sardines
Ingrédients : ( pour 4 à 6 personnes.)
- 1 kg de sardines fraîches, lavées, nettoyées, séchées.
- 1 oignon moyen.
- 6 gousses d’ail.
- 2 cuillerées à café de poivre rouge.
- 1 à 2 cuillerées à café de kamoun
- 1 piment de Cayenne ( facultatif ).
- 1/2 verre de vinaigre + 1 verre d’eau.
- 1 feuille de laurier + 1 branche de thym.
- Quelques brins de persil frais.
- Huile sans goût pour la friture ( Frial, Huile de soja...)
- Farine.
- Sel et poivre.
PREPARATION :
- Farinez les sardines, les faire frire à l'huile sans goût puis retirer sur Sopalin.
- Ciselez l'oignon et écraser les gousses d'ail, puis les faire dorer dans l'huile de friture des sardines.
- Ajoutez 2 cuillerées à café de poivre rouge et de kamoun et le piment de Cayenne.
- Puis, ½ verre de vinaigre de vin + 1 verre d'eau + 1 feuille de laurier et 1 branche de thym + le persil + sel et poivre.
- Laissez cuire un petit moment à feu moyen.
- Mettre les sardines dans la sauce Scabetch et laisser mijoter très doucement 5 à 10' maxi.
- Éteindre le feu et couvrir un instant la poêle.
- Disposez dans un plat et laisser refroidir complètement et mettre au réfrigérateur.
- A consommer froid.
N.B :
- Astuce : saler et poivrer généreusement la farine avant de fariner les poissons.
- Kamoun et piments sont facultatifs mais très conseillés.
- Les proportions sont données à titre indicatif, mais peuvent être modifiées par ceux qui le désirent, sans toutefois amputer cette recette de ses principaux ingrédients.
Avec d'autres ingrédients :
D'autres poissons :
- Petits rougets de roche.
- Petits maquereaux ( Lisette ).
- Maquereaux de taille moyenne ( Cavales ).
- Bonite coupée en tranches.
N.B :
- Poissons farinés et frits.
LEGUMES :
- Aubergines en tranches et frites.
- Carottes en rondelles et bouillies.
- Courge rouge en tranches et frites.
- Pommes de terre.
N.B :
- Fariner les tranches d’aubergine, elles seront moins gorgées d’huile de friture.
- Arroser les légumes de sauce Scabetch.
- A consommer froid.
Pastière made in Roum-el-Souk
( La Calle - Algérie )
J’ai eu le plaisir de découvrir à la saint couffin Calloise 99, une merveilleuse Pastière perdue au milieu d’une armée de fringants Gazadiels. Je ne cache pas avoir été séduit par la bonté gustative de ce dessert typiquement Callois et par la délicieuse gentillesse de Marie-Thérèse CASA +, qui n’a pas hésité un seul moment à me confier sa divine recette.
Quelle chance il a notre ami Carmeno CASA +, d’avoir une si charmante épouse qui fait si bien la Pastière et les Ravioli, mais aussi les Gazadiels à ce que l'on m'a susurré dans le creux de l'oreille.
Ingrédients : ( pour 6 personnes à 8 personnes.)
- 500 gr de vermicelles en nids.
- 1 litre de lait.
- 8 œufs frais.
- 300 gr de sucre en poudre.
- Les zestes de 1 orange + 1 citron.
- 1 bol de raisins secs.
- Rhum.
PREPARATION :
- Dans un faitout, faire bouillir de l'eau.
- Plongez les nids de vermicelle dans l'eau bouillante.
- Arrêtez le feu dés que l'ébullition reprend et passer les vermicelles.
- Cassez les 8 œufs et les battre en omelette.
- Mélangez à feu très doux sans faire bouillir : 1 litre de lait + 300 g de sucre + les zestes de 1 orange et de 1 citron + le bol de raisins secs gonflés au rhum + les 8 œufs battus en omelette.
- Dans un saladier incorporer les nids de vermicelles à la préparation et bien répartir les ingrédients.
- Versez dans un plat à gratin beurré.
- Saupoudrez de sucre fin + 1 à 2 sachets de sucre vanillé.
- Cuire de 30 à 40' - thermostat 7/8.
- Laissez refroidir la Pastière avant de la consommer.
Les Oranges siciliennes.
(Arancione Siciliano).
Cette recette de pure tradition sicilienne, est plus sophistiquée que celle qui figure dans la Cuisine du Bastion. Un jour elle m'a tendrement été révélée sous le sceau du secret par une plantureuse et sympathique Palermitaine, ce qui ne m'empêche pas aujourd'hui de la conter à mon peuple, pour lequel je n'ai pas de secrets à cacher.
Curieusement à La Calle malgré les ressortissants de souche sicilienne, cette recette n'était pas du tout connue. Pourquoi ? Était-ce une spécialité tombée dans l'oubli ? Ne pouvant répondre à cette question, il ne me reste plus qu'à vous indiquer la façon de préparer ces Oranges siciliennes, qui je le pense font aussi partie de l'héritage culinaire de nos ancêtres.
Ingrédients : ( pour 6 personnes.)
- 400 à 500 gr de riz.
- 2 sachet de safran (ou Spigol).
- 3 œufs frais.
- Sauce tomate + viande hachée + petits-pois.
- Panure + huile de friture.
PREPARATION :
- La veille : cuire le riz à l'eau modérément salée.
- Égouttez et mettre au réfrigérateur toute la nuit.
- Le lendemain : disposez dans un récipient : le riz + le safran + 2 œufs battus.
- Bien mélanger la préparation.
- Préparez une bonne sauce tomate avec : 2 oignons + 2 gousses d'ail + 1 boite de concentré de tomate moyenne + 1 boite 4/4 de tomates pelées au jus + 500 g de chair à saucisse (ou viande hachée : 250 gr de porc + 250 g de bœuf )+ 200 à 300 g de petits-pois au naturel. + sel, poivre, thym et laurier.
- Laissez bien refroidir la sauce tomate.
- Faire des boulettes de riz de la taille d'une petite orange.
- Creusez ces boulettes et les remplir de sauce bien épaisse et parfaitement refroidie.
- Refermez soigneusement chaque boulette.
- Passez à l'œuf battu et à la chapelure de pain.
- Frire doucement et réserver au chaud sur papier Sopalain.
- Accompagnez d'une grosse salade verte, et / ou, de fenouils, assaisonnées d'une bonne vinaigrette.
N.B :
- Il faut utiliser du riz collant, le même que celui employé dans le Rizotto ( Arborio ).
- Se servir d'une louche pour former les oranges : étalez le riz froid sur les parois de la louche, remplir le creux de sauce épaisse et caillée, recouvrir de riz et rabattre les bords, enfin former délicatement les oranges à la main.
- On peut napper les oranges de sauce tomates avant de servir (facultatif).
Alors, si demain il vous venait à l'idée de faire un petit banquet à la Calloise, c'est pas la peine de vous casser longtemps la tête et de vous faire du mauvais sang à l’avance !
Même si ce n’est pas des gens de chez-nous que vous recevez, faites une bonne Scabetch la veille, sans oublier la Pastière de Marie-Thérèse la femme de Carmeno et le lendemain des Oranges siciliennes toutes chaudes au dernier moment !…
Porca misère ! S'ils n’aiment pas ça, la prochaine fois, c'est moi et toute la bande de Callois qu'on débarque chez vous.
Mais je crois que cela ne sera pas nécessaire !
Docteur Jean-Claude PUGLISI,
de La Calle de France -
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage
Giens en Presqu'île - HYERES ( Var ).
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Algérie catholique N°2, 1937
Bibliothéque Gallica
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Sainte Jeanne d'Arc
Héroïne Nationale
par le Colonel Bourgain
L'enfance
Jeanne est née le 6 janvier 1412, en terre française, à Domrémy, aux confins de la Champagne et de la Lorraine. Le site est austère, le paysage calme, le climat rude et froid. La Meuse, en cet endroit encore tout près de sa source, n'est guère qu'un gros ruisseau, au lit étroit. La vallée s'étend, bordée de collines arrondies et peu élevées, s'abaissant encore vers l'Est pour former la trouée de Neufchâteau.
Les parents de Jeanne, Jacques d'Arc et Ysabelette Romée, qu'un témoin représentera comme « de vertueux laboureurs», sont de braves paysans, issus du terroir lorrain, sur lequel ils ont puisé les solides qualités de leur race.
L'enfant grandit, avec ses frères et ses sœurs, dans ce modeste hameau. C'est une simple et douce fillette, aidant sa mère à la maison, prenant part quelquefois aux travaux des champs, gardant souvent les troupeaux. Sa candeur est exemplaire. Elle a horreur du mensonge. Elle est surtout obéissante, soumise à ses parents, comme plus tard elle obéira à ses voix.
Elle est naturelle, pleine de bon sens ; elle n'est ni crédule ni superstitieuse, mais elle possède une foi robuste qui ne l'abandonnera jamais. Vers sa onzième année, elle fait sa première communion avec une admirable piété.
Elle est gaie, joueuse ; elle ne se tient pas à l'écart de ses compagnes qui parfois seulement la trouvent un peu trop dévote. Elle fait «ce que font les autres» dira une de ses amies d'enfance. Elle prend part volontiers à leur jeux, dont elle s'écarte pourtant de temps en temps pour aller prier.
L'état de la France en 1412 et en 1422
Elle entend souvent à son foyer parler des malheurs de la France. En 1412 règne encore Charles VI, le Roi dément. Le Dauphin n'a que neuf ans.
La Reine Isabeau mène une existence dissolue. Les Anglais guerroient contre nous un peu partout.
En 1422, Charles VI meurt, après avoir, par le traité de Troyes, désigné pour son successeur Henri de Lancastre, Roi d'Angleterre. Il n'y a plus de France !
Charles VII n'est plus que le petit roi de Bourges. Les Anglais tiennent Paris, Bordeaux, Rouen. La Nation est divisée. Armagnacs et Bourguignons s'y livrent de sanglants combats. Et vraiment, comme le dira Jeanne, « il y a grande pitié dans le royaume de France. »
Pourtant la région de Domrémy est calme. On n'y signale à cette époque que d'insignifiantes bagarres. Ce n'est donc pas le spectacle des horreurs de la guerre qui a pu troubler l'esprit de l'innocente enfant, dont la conduite atteste de singulières vertus.
La vocation de Jeanne
C'est pourtant au cours de l'été de 1424, en ce point crucial de notre vie nationale, que Jeanne, alors dans sa treizième année, entend pour la première fois, dans le jardin de son père, ce qu'elle a appelé ses voix. Saint Michel se montre à elle, lui recommande de fréquenter l'église. Il ne parle pas ce jour-là de la mission future.
Il a seulement préparé le cœur de la fillette à recevoir plus tard toutes les instructions de Sainte Catherine et de Sainte Marguerite à qui elle devra obéir. Les deux Saintes apparaissent en effet bientôt à Jeanne, auprès de l'arbre chenu, sous lequel elle paît ses brebis. Leurs conseils se font de plus en plus pressants.
Puis c'est l'ordre de départ : « Va, fille au grand cœur, va fille de Dieu, pour délivrer Orléans et faire sacrer le Roi à Reims ».
Jeanne garde dans son cœur le secret de ces apparitions, de la divinité desquelles elle n'a jamais douté. Mais les ordres qu'elle en reçoit la plongent dans une douloureuse inquiétude « Je ne suis, dit-elle à ses voix, qu'une pauvre fille, ne sachant ni chevaucher ni guerroyer ».
L'obéissante enfant hésite donc à obéir, à quitter sa mère, à affronter les terribles colères de son père. Elle sait bien que Jacques d'Arc, à qui un songe a fait redouter la vocation de sa fille, a demandé à ses fils de noyer Jeanne au cas ou elle voudrait aller combattre avec les gens d'armes, et se déclare prêt à l'exécuter lui-même si ses enfants y répugnent.
La situation de la France devient plus tragique. Le 13 octobre 1428 les Anglais mettent le siège devant Orléans. C'est une formidable menace pour l'unité française. Et la délivrance de cette place devait être le point de départ d'un changement si complet de fortune que peu d'événements ont autant marqué dans l'histoire d'un grand peuple». (B. de Montlavon).
Départ de Jeanne vers le Roi Vaucouleurs - Chinon
Ainsi fera-t-elle avec tant d'autres, avec Dunois, l'illustre soldat qui nous déclare que « il émanait d'elle comme de la retenue, ce qui est une chose divine ».
L'heure de Jeanne a sonné. Elle part. La voici à Vaucouleurs auprès du Capitaine Sire de Baudricourt. Rebutée une première fois, elle y retourne et finit par convaincre ce gentilhomme : « Vous tardez trop à m'envoyer. Le Dauphin a eu, près d'Orléans un grand dommage. Il en aura encore plus si je ne suis pas menée vers lui ».
Il est exact, en effet, et Baudricourt pourra vérifier que le jour même de cette visite, les troupes françaises ont essuyé près d'Orléans un sanglant échec.
Quelles ondes mystérieuses, sinon les voix divines, ont pu ainsi, à cent lieues de distance, annoncer à Jeanne cet événement à l'heure même où il se produisait ? Et Jeanne s'en va vers sa glorieuse et tragique destinée, vers l'épopée dont les épisodes sont présents à toutes les mémoires, et que nous voulons résumer très brièvement.
Elle se dirige d'abord vers Chinon où elle doit rencontrer le Roi. Avant son départ elle a écrit à ses parents pour solliciter leur pardon. Du 28 février au 6 mars 1428, elle fait route, au milieu des soldats qui l'escortent. Et, par une puissance très singulière de sa pureté, elle se fait respecter de ces êtres frustes ; personne n'ose se permettre devant elle un mot inconvenant. Ainsi fera-t-elle un peu plus tard avec le bon La Hire, toujours blasphémant et sacrant, qu'elle finit par rendre sage en l'autorisant à jurer seulement « par son bâton ».
Le quatrième dimanche de carême, elle arrive à Chinon auprès du Roi, qu'elle va s'obstiner à n'appeler que le gentil Dauphin tant qu'il n'aura pas été couronné à Reims. Elle ne l'avait jamais vu, mais elle le reconnaît parmi les seigneurs au milieu desquels il se cache. Une douloureuse hantise vaut à ce pauvre Dauphin de lourdes angoisses ; né d'une mère débauchée, il s'est souvent demandé dans le secret de son cœur s'il est vraiment de sang royal et digne d'occuper le Trône des Valois.
Jeanne, la petite paysanne lorraine, est au courant de cette pénible obsession, dont pourtant il n'a jamais parlé à personne.
Elle le rassure : «Tu es le vrai héritier et fils du Roi ».
D'où lui est venu ce mystérieux renseignement, sinon de ses voix encore ?
A partir de ce jour Charles se sent plus sûr de lui-même ; il revoit Jeanne plusieurs fois, s'entretient avec elle, prend confiance en la mission de cette enfant, dont des prophéties plus ou moins authentiques avaient annoncé la venue.
Mais la cour et lui-même ne veulent croire qu'à bon escient.
L'enquête de Poitiers
Ce sont alors les humiliants examens de Poitiers et l'enquête ecclésiastique. Aux multiples questions que lui posent pour la surprendre les Evêques ou les Prêtres elle répond sans ambages, avec une admirable confiance en sa mission divine, parfois aussi avec une fine et désarmante ironie: «Quelle langue parlait donc Saint Michel», lui demande un religieux limousin à l'accent rocailleux et dur. «Meilleure que la vôtre», dit Jeanne tout simplement. Un Prélat lui dit un jour « Puisque Dieu veut délivrer Orléans, il n'a pas besoin de soldats ! »
Oh, répond Jeanne, les hommes d'armes batailleront, et Dieu leur donnera la victoire ».
Enfin, les enquêteurs ne lui trouvent « aucune malice » et, concluent-ils « puisqu'elle offre de donner un signe de sa mission en délivrant Orléans, il faut l'y envoyer, avec des troupes ».
Orléans
Notre petite fille devient donc un chef de guerre. Les généraux la discutent. Elle s'impose à eux, et les entraîne.
Elle entre à Orléans le 29 avril. La population la reçoit avec un enthousiasme délirant. Une vague d'espoir submerge choses et gens ; des mères présentent à la Pucelle leurs enfants qu'elle vient sauver du joug anglais. En peu de jours elle conquiert dans la ville les esprits et les cœurs.
Avant d'en venir aux mains avec les assiégeants, Jeanne écrit aux Anglais : « Allez-vous-en, de par Dieu, en vos pays. Sinon il vous en cuira.»
Les Anglais restent.
Il leur en cuit. Le 6 et le 7 mai, les Français enlèvent de vive force les Tournelles. Les ennemis lèvent le siège le 8. Jeanne avait prophétisé dès le 4 qu'Orléans serait délivré avant cinq jours.
On poursuit les Anglais, Jeanne leur reprend Jargeau, les bat à Beaugency, à Richemond, et gagne sur eux, à Patay, une vraie bataille, le 17 juin. Elle fait preuve, ce jour-là, de qualités militaires étonnantes ; elle use avec maîtrise de son artillerie, une arme alors bien nouvelle.
Et ce chef n'a pas dix-huit ans .
Puis, cédant aux prières de Jeanne, après bien des tergiversations, le Dauphin se décide à marcher sur Reims : « Ne doutez pas, je vous en prie, ne doutez pas, lui dit-elle. Avant peu vous serez couronné.
« Et prophétisant encore, elle ajoute « il faut bien user de moi maintenant ; je ne durerai guère plus d'un an. »
Le 5 juillet, les Français arrivent devant Troyes qui capitule le 6. Le 1 3 Charles reçoit les clefs de Châlons ; le 17 il entre dans Reims.
Reims
Le 18 c'est le sacre, le grand triomphe pour Jeanne, qui a accompli sa mission. Son étendard, qui avait été à la peine, est à l'honneur. L'enfant retrouve à Reims son père, sa mère, un de ses oncles, qui la regardent avec une admiration sans borne et l'embrassent avec une tendresse infinie.
Après l'hosanna des Rameaux, le Christ fut mené au Golgotha. Après l'apothéose de Reims, la Pucelle va gravir, elle aussi, un douloureux calvaire.
Elle connaîtra les trahisons, les outrages ; elle subira le martyre.
Mal soutenue par le Roi qui ne suit pas ses conseils, et qui répugne à l'action, et malgré les succès de Senlis et de Compiègne, elle échoue devant Paris, où elle est blessée le 8 septembre.
Au printemps de 1430, ses voix lui annoncent qu'elle sera prisonnière avant la Saint-Jean prochain mais qu'il faut qu'ainsi soit fait ».
Et soumise comme toujours à ses voix divines, Jeanne reste avec ses troupes au lieu de retourner à Domrémy, comme elle en avait tant le désir.
Compiègne
Jeanne est prisonnière
Le 24 mai, elle se jette dans Compiègne, décide de faire séance tenante une sortie contre les Bourguignons.
La manœuvre échoue. La troupe française veut rentrer dans la ville. Brusquement le pont-levis se lève, sur l'ordre d'un capitaine Flavy, sans foi ni loi, capable de tout.
Un Judas a livré Jeanne, qui est prise par le Comte de Luxembourg, un mois avant la Saint-Jean, ainsi que l'avaient prédit ses voix.
Il paraît certain que, si Charles VII eût fait diligence pour racheter l'illustre captive ou pour l'échanger contre des prisonniers anglais, Talbot par exemple, la démarche eût réussi. Luxembourg vend Jeanne aux Anglais pour dix mille écus d'or. Il l'eût sans doute cédée à Charles pour la même somme.
En décembre 1430, Jeanne est transférée à Rouen chez ses plus cruels ennemis. On sait le reste.
La parodie de justice de Rouen
Les Anglais constituent pour la juger un tribunal irrégulier, se prétendant à tort d'Eglise, présidé par l'Evêque Cauchon dont le nom seul, écrit Delteil, est une magnifique trouvaille du destin. Il y a du valet dans ce Cauchon. »
Les interrogatoires de cette enfant ignorante et simple sont conduits avec une insigne mauvaise foi, et pleins de malveillantes subtilités ; elle déroute pourtant quelquefois ses bourreaux par des réponses admirables.
« Dieu hait-il les Anglais ? lui demande-t-on.
— De « l'amour ou haine que Dieu a pour les Anglais, je n'en sais rien, mais je sais qu'ils seront tous boutés hors de France.»
On lui fait signer, à cette illettrée, une abjuration à laquelle elle n'a rien compris, moyennant quoi elle a, au premier procès, la vie sauve.
Cela ne fait point l'affaire des Anglais qui la veulent morte. On provoque donc sa rechute en ne lui laissant dans sa prison que des habits d'homme ; on fausse ses déclarations en des interrogatoires dont l'évêque Cauchon dénature les termes. Elle est relapse. Et dans un second procès elle sera condamnée à être brûlée vive.
Ainsi finit cette monstrueuse parodie de justice, procès de haine politique et religieuse, procès de passion, souveraine iniquité.
La mort
Le 30 mai 1431, Jeanne, confessée et communiée, et que, dans sa prison, ses voix ont consolée, marche au bûcher, les yeux levés vers le ciel. Elle en appelle à Dieu de ses juges pervers. Martyre de sa foi, martyre de son patriotisme, elle meurt à dix-neuf ans pleine d'espérance, en prononçant le nom de Jésus.
La réhabilitation
Quinze ans plus tard, le 7 juillet 1456, un arrêt solennel des délégués du Saint-Siège réunis à Reims casse la sentence de 1431 et réhabilite pleinement l'héroïne.
Et voilà le nom de Jeanne entré dans notre histoire dont elle est le charme et l'honneur. Il entre aussi dans la légende. Ce nom prestigieux est célébré en France et à l'Etranger par toute une pléiade de littérateurs qui chantent ses louanges, en altérant parfois la vérité historique, comme Schiller, mais en lui rendant presque tout l'hommage de leur admiration.
Et puis, de même que le soleil effarouche les oiseaux de nuit, la radieuse pureté de Jeanne offusque des auteurs haineux qui s'efforcent de salir cette humble fille. Pourquoi faut-il que parmi ces tristes gens se trouvent des Français ? Ainsi la «Pucelle d'Orléans » est une odieuse calomnie, qui n'a pas altéré la noble figure de Jeanne, mais qui a déshonoré Voltaire. Et, comme lui, tous ceux qui ont voulu profaner la réputation de la Vierge de Domrémy y ont laissé une partie de leur renom littéraire. D'autre part, beaucoup d'auteurs ont tenté d'expliquer rationnellement ou par des motifs physiologiques la mission de Jeanne, en niant le surnaturel.
Le surnaturel dans la vie de Jeanne Anatole France n'écrit-il pas dans la Vie de Jeanne d'Arc : « Sous des influences qu'il nous est impossible d'indiquer précisément, la pensée lui vint de rétablir le Dauphin ».
Mais il est forcé de dire ensuite : « sa folie est plus sage que la sagesse, car ce fut la folie du martyre ».
Folie, hystérie ? Oh ! non.
Ecoutez le docteur G. Dumas : « Jeanne reste saine et droite. La pathologie nerveuse n'éclairait que bien faiblement une partie de cette âme ».
Déséquilibre mental, faiblesse d'esprit ? Mais écoutez donc cette enfant répondre aux enquêteurs de Poitiers et de Rouen, avec une si belle netteté ! Ecoutez aussi Michelet qui admire en Jeanne «le bon sens dans l'exaltation ».
Les Rationalistes n'y pourront rien. Le surnaturel éclate partout en l'histoire de Jeanne : à Domrémy, dans la vocation de cette humble bergère pour une mission si haute ; à Vaucouleurs, à Chinon où elle reçoit de si étranges révélations ; à Orléans, à Patay où cette enfant de dix-huit ans se révèle un conducteur d'hommes et un tacticien de valeur ; à Reims où sa mission triomphe ; à Rouen où la palme du martyre consacre la plus sainte et la plus pure des existences.
L'Eglise Catholique a placé la vaillante enfant au nombre de ses saints, en proclamant au monde l'héroïcité de ses vertus. Sainte Jeanne d'Arc a droit à la vénération des fidèles de l'univers entier.
Et Jeanne d'Arc, héroïne nationale, a droit au respect et à l'amour de tous les Français. Une fête nationale lui est consacrée. Nombre de villes de la métropole ont leurs monuments à sa gloire. Alger à son tour aura bientôt sur une des places une statue de la Bonne Lorraine.
Ce sera l'ardent hommage rendu à la plus chère, à la plus noble enfant de la France par la capitale de l'Algérie et par l'Algérie tout entière, fille de la France, qui veut et qui doit, de cœur et d'esprit, rester indéfectiblement française.
Jeanne d'Arc n'est d'aucun parti, elle est au-dessus de tous les partis. Mystique et croyante, elle reste une splendide émanation de l'enthousiasme patriotique et une protectrice céleste du pays qu'elle a tant aimé.
Le soir du 6 septembre 1914, au moment où Joffre prend sa fameuse décision et prescrit la résistance sur place jusqu'au bout, le mot d'ordre des armées françaises est «Jeanne d'Arc».
Trois jours après c'est la victoire de la Marne, à propos de laquelle l'Allemand von Kluck écrit : « Il apparaissait impossible qu'une armée battue, en retraite depuis un mois, exténuée, exsangue, pût se redresser aussi vigoureusement et remporter une victoire ».
Miracle, a-t-on dit de cette bataille ! En tous cas, triomphe de la ténacité chez le Chef, triomphe de la volonté et des forces spirituelles chez les combattants.
Jeanne d'Arc a-t-elle ce jour-là sauvé la France en élevant à un degré surhumain les énergies françaises ?
La France d'aujourd'hui est malade encore et plus peut-être qu'en 1914, blessée aux sources mêmes de la vie par des hordes de sans Dieu et de sans Patrie qui se sont donné pour mission d'éteindre dans le pays tout ce qui en fait la grandeur et la beauté. Mais, la France de Jeanne d'Arc ne peut périr. 0 sainte Jeanne, protégez notre sol sacré pour lequel vous avez souffert le martyre ; protégez l'Algérie, sauvez les âmes françaises menacées dans leurs croyances et dans leurs libertés.
Alger, le 10 avril 1937
Colonel BOURGAIN.
L'auteur de l'article s'est assez largement inspiré de l'ouvrage Ph. Dunand, ainsi que de la «Vie de Jeanne d'Arc » de Mgr Touchet (même éditeur).
Le livre de Delteil, et d'autres monographies de la Sainte ont été également consultés ou cités.
Les clichés de cet article sont extraits de « Jeanne d'Arc », par H. Dunand, ouvrage de 389 pages, orné de 10 cartes et plans et de 136 gravures. Edition de luxe à tranches rouges, 9 francs. Edition courante, 7 F 50. Edition de propagande, 5 F 50. Port 10 %.
Réductions par nombre.
Ces clichés sont la propriété exclusive de P. Lethelleux, éditeur, qui réserve tous ses droits.
Autres ouvrages sur « Jeanne d'Arc », notamment ceux du Cardinal Touchet, voir page 28 du présent numéro.
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Le Challenge Jacquemard
Bonjour N° 105 du 24 février 1934 journal satyrique bônois.
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Nous apprenons que cette compétition aura lieu le samedi 24 courant à 14 heures dans la salle du Cercle d'Escrime de Bône Palais Lecoq.
Plusieurs équipes disputeront Ce challenge :
L'équipe d'Alger sera composée de Maître Bergès, M. Plat, champion de fleuret 1928, 29, 30, 31, 32, 33 ; M. Bonnome, champion d'épée 1932 pour l'Afrique du Nord, M. Raynaud, champion d'épée 1933 d'Algérie, détenteur de la coupe d'Alger 1932-1933.
Un télégramme reçu hier de Boufarik nous apprend que l'équipe représentant la dite ville s'engage dans la compétition mais, par oubli, les noms des épéistes ne nous ont pas été communiqués.
Il est à croire que la ville de Tunis, possédant de très fins tireurs, aura à cœur d'être représentée et nous présumons de sa participation.
Enfin la Ville de Bône sera représentée par l'équipe suivante : Maître Prévost, M. Albagnac Léopold, M. le Lieutenant Perriès, M. Sultana Fernand.
Nous invitons tous les amateurs de noble sport à assister à ce challenge et l'accueil le plus cordial leur sera réservé.
De la PUB
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La fin de l'âge de bronze.
EFFORT ALGERIEN N° 347 du 8 février 1935
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LA MORT DU PETIT SOU
Elle est survenue le 31 janvier puisque le ministre des Finances a fait savoir qu'à partir du 1er février 1935 les pièces de bronze de 0 F 10 et 0 F 05 en nickel du grand module cesseraient d'avoir cours entre les particuliers et ne seraient plus admises dans les caisses publiques.
Après l'or et l'agent, le bronze se dérobe. Ce n'est pas un mince événement. Au cours des siècles, le retrait d'une catégorie de monnaies et l'émission d'espèces de remplacement ont toujours fait date marquant la fin d'un régime, un affermissement ou un bouleversement du crédit.
Cette fois il s'agit d'une ère nouvelle qui s'ouvre. Nous rompons définitivement avec le passé, puisque la monnaie de bronze se réclamait de la plus haute antiquité. Nos paysans, quand ils découvraient dans un champ quelque pièce à l'effigie de César, n'en étaient pas si déroulés puisqu'ils se savaient toujours à l'âge de bronze. Voilà celui-ci révolu. La rupture est faite : nous sommes entrés dans l'âge du nickel.
Les anciens sous, au relief inusable, avaient un style, une noblesse et comme une majesté que les numismates n'étaient pas seuls à apprécier. Aussi peut-on gager qu'il se trouvera, en dehors d'eux, des amateurs pour conserver au fond d'un tiroir quelques échantillons, quelques souvenirs, non démonétisés dans leur mémoire. Ils ne les reverront pas sans émotion, sans mélancolie, surtout s'ils se remémorent en les tenant dans le creux de la main, d'heureux jours d'enfance où petits et gros sous de bronze, au son pur, tintaient joyeusement dans leur modeste tirelire.
Alors, le sou de bronze était précieux, par le métal, la frappe et la valeur. Il avait un aspect artistique, un aspect de médaille. Et que de choses on pouvait avoir avec un sou : un cigare, une boite d'allumettes, un journal, une image d'Epinal, un sucre d'orge. Quoi encore ? En ce temps-là, les enfants eux-mêmes, nantis d'un sou, se sentaient riches. Restait pour eux de bien savoir l'employer, de bien savoir le placer, soit dans une emplette judicieuse, soit dans leur tirelire. Car ils avaient accoutumé d'entendre les grands-mères, formées à l'école du bas de laine, répéter d'un air sentencieux : « Un sou est un sou ».
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LES LANGUES
Envoyé par Rachid
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Un papy se présente aux cours du soir pour les seniors, s'adresse à la jeune prof et lui demande :
- Bonjour madame, je désire m’inscrire à un cours de langues mortes.
- C'est tout-à-fait possible monsieur, mais désirez-vous apprendre le latin ou le grec ancien ?
- Ni l'un ni l'autre madame, je voudrais apprendre l’araméen la langue parlée par Jésus.
- Mais mon bon monsieur, ça n’existe plus l'araméen, c’est une langue éteinte depuis près de 2000 ans. Et pour quelle raison voudriez-vous spécialement parler l’Araméen ?
- Ma petite dame écoutez : je ne vivrai sans doute plus très longtemps, alors en arrivant au paradis j’aimerais pouvoir m’adresser directement au Christ, dans sa propre langue !
- C'est bien ça monsieur, mais qui vous dit que vous irez au paradis ?
Peut-être irez-vous en enfer ?
- Ça c’est pas grave, je parle déjà couramment l'arabe !
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VISITE TRAVERS L'ARRONDISSEMENT
Par
ACEP-ENSEMBLE N°283
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ROKNIA N'EST PAS "VILLAGE A VENDRE"
Par Roger MANDINE
SOURCE : HISTORIQUE DE LA HARKA DE LA 5° CIE DU 2/16° RIMA (1956-1962)
La sollicitude de l'Administration ne s'applique pas seulement aux grands centres urbains. Fort heureusement d'ailleurs, puisque ce sont les communes anciennes ou nouvelles, du bled qui ont le plus besoin de l'effort de développement que la France a entrepris sur nos terres d'Algérie.
En effet, dans la période de gestation que nous traversons, les besoins s'accroissent proportionnellement à l'extension et au relèvement du niveau de vie et demandent un effort constant, s'appliquant sur les couches profondes de l'économie.
C'est ainsi qu'a été mis sur pied un vaste programme portant sur les indispensables travaux d'adduction d'eau, de viabilité, de construction de routes. Parallèlement et dans le domaine de l'urbanisme, un effort a été fait dans le sens d'une réfection de la voirie, tandis que le domaine de l'habitat faisait également l'objet d'études et de réalisations.
Sur les routes de l'hinterland
Mardi dernier donc, un convoi partait de Philippeville en direction de Roknia et des communes environnantes. Il était composé de plusieurs voitures dans lesquelles avaient notamment pris place M. le sous-préfet Francis Laborde, entouré de ses collaborateurs directs, M. l'administrateur Georges Gohin et M. le chef de division Minel ; le colonel Denat, commandant le secteur de Philippeville, accompagné du Lt colonel Lavoix, du médecin-cdt Fayoles, médecin-chef de la place de Philippeville, du Cdt Vidal, chef du quartier de Jemmapes.
Les Affaires algériennes étaient représentées par le Cdt Carbillet, officier supérieur de l'arrondissement de Philippeville, tandis que l'on relevait également la présence du Lt Bastien, de M. Cabéro, chef du 1er Bureau, de Mlle Maginot, attachée sociale.
Les Administrations techniques s'étaient aussi déplacées avec MM. Lemoine, ingénieur de l'Hydraulique, Pouilloux, ingénieur TPE de la subdivision de la SAP de Philippeville.
A Gastu, le convoi sous-préfectoral s'arrêtait pour prendre l'escorte de deux automitrailleuses, tandis que les honneurs étaient rendus par une section du 2/16° RIMa.
C'était ensuite le parcours quelque peu accidenté vers Roknia où nous arrivions aux environs de 9 h 30.
Roknia n'est plus "village à vendre".
Dès 1880, il est question au G.G.A. de créer un centre de colonisation à Roknia en prélevant des terres domaniales sur les territoires des douars El-Ghrar et Méziet. Le projet est relancé en 1899 mais ce n'est qu'en 1904 que le centre commence à prendre naissance avec la construction d'une école, d'un lavoir et d'une maison cantonnière.
Les premiers colons arrivent une année plus tard. Ils viennent de diverses régions de Métropole : Basses-Alpes, Midi, Alsace, Corse, etc... et sont installés dans des logements rudimentaires, de constructions légères et n'offrant aucune commodité. La population souffre du paludisme et aussi de la vermine, d'autant que le médecin de colonisation se trouve à Jemmapes, village distant de 44 kms et le seul moyen de locomotion reste le cheval ou la voiture attelée.
Peu à peu, cependant, le centre commence à prendre vie et les nouveaux venus s'incrustent sur ce sol qui est désormais le seul et s'organisent. Le courrier arrive maintenant chaque jour de Gastu ainsi que le ravitaillement et le service est assuré à tour de rôle par chacune des familles du centre.
Les superficies cultivables, sous l'effort redoublé des pionniers, deviennent plus importantes et il est fait appel à de la main-d'œuvre sarde pour terminer le défrichement. Malgré tout, les premières années sont désastreuses et les rendements très faibles, voire nuls.
1914: c'est la guerre et tous les hommes valides partent, laissant la plupart des familles dans le besoin ; les femmes et les vieux continuent quand même la tâche entreprise.
En 1922 commencent de timides essais de mécanisation par l'apport de tracteurs, tandis que se créent les premières industries : huileries, moulins à mouture indigène. Parallèlement, une Mutuelle-Battage est fondée - c'est l'origine du travail en coopérative qui s'est toujours poursuivie jusqu'à maintenant. La mine de kaolin du Djebel Debar est mise en exploitation et les argiles de première qualité qu'elle produit sont exportées vers la Métropole - Limoges, Sèvres - pour la fabrication des porcelaines fines. Vers 1936, les terres sont en plein rapport et les quelque 200 hectares cultivés à l'origine sont devenus environ 1600 hectares qui produisent en moyenne, annuellement, 15000 quintaux de céréales et 10 à 15000 quintaux d'olives, grâce à la ténacité, au courage, à l'esprit constructifs de ces colons et de leurs descendants.
En 1939 le centre est électrifié, mais c'est à nouveau la guerre et le départ des hommes. Il faut cependant tenir et l'on tient.
Le village est doté d'une gendarmerie en 1954, à la veille de la rébellion qui touchera douloureusement Roknia. La culture de certains terrains doit être abandonnée et, lassés, 32 Européens partent pour la Métropole : c'est le triste épisode du "village à vendre".
Aujourd'hui, sous l'énergique impulsion d'une municipalité conduite par M. le maire Pélissier, Roknia revient à la vie. On construit, on répare, on vit !
Les familles, solidement implantées, sont farouchement décidées à poursuivre la noble tâche entreprise par les pionniers de 1900 et d'avant.
La population est actuellement de 1250 personnes, dont 101 Européens ; elle espère tout entière, qu'il sera bientôt mise un terme à cette situation.
Réception et séance de travail
Sur la place du village, les honneurs sont rendus par une section du 2/16° RIMa, placée sous les ordres du Lt Tiemoko. Les autorités sont accueillies par MM. Pélissier, maire, le Lt Welker, chef de la SAS d'Oued Mouger, Maatallah Hamidou, conseiller général, maire d'El Ghrar, Sellaoui Baghdadi, maire de Méziet, Cabaud, 1er adjoint au maire de Roknia, Halimi, conseiller municipal.
De nombreux notables sont également présents ainsi que le sous-Lt Darmajou adjoint au chef de la SAS, le médecin-aspirant Dubois de la place de Roknia, le maréchal des logis chef Cornu, chef de la gendarmerie de Roknia.
Tandis que le Cl Denat et les autorités militaires vont inspecter quelques postes et regroupements, M. le sous-préfet F. Laborde préside une importante séance de travail qui a lieu dans la salle du Conseil municipal de la mairie de Roknia. "Je suis bien heureux, devait dire le chef d'arrondissement de revenir à Roknia, où la population sympathique et travailleuse, mérite d'être aidée.
"Nous venons ici en séance de travail bien plus qu'en visite officielle, d'autant que nous avons la chance d'avoir aujourd'hui MM. Lemoine, Pouilloux et Archambaud".
Différentes réalisations devaient alors être discutées concernant notamment les pistes, l'assainissement des regroupements et diverses questions de viabilité. M. Lemoine, ingénieur de l'Hydraulique, allait exposer le problème de l'eau, parlant notamment des essais qui avaient été effectués.
"Nous avons envoyé une équipe pour remettre en état l'ancienne station de pompage, déclare-t-il et l'on a donc cette solution de dépannage.
"Pour la solution définitive concernant l'adduction d'eau de Roknia, Méziet et El Ghrar, un premier sondage a été effectué le mois dernier : il s'est avéré négatif. Pour le second nous comptons obtenir des résultats intéressants, mais, là aussi, à cause de la sécheresse, ces derniers ont été presque nuls."
M. Archambaud, directeur de la SAP de Philippeville parle alors de la question des prêts de semences et annonce qu'une sollicitude toute particulière va entourer les trois communes.
C'est ensuite au tour de M. Pélissier d'indiquer les questions particulières à Roknia. Notamment en ce qui concerne la voirie, où l'on annonce une réfection prochaine et le téléphone "problème primordial, souligne M. Pélissier, non seulement du point de vue privé, mais aussi administratif pour le règlement rapide de certaines affaires".
On envisage, également, l'achat de matériel d'incendie et les moyens à mettre en oeuvre pour le protéger, ainsi que l'achèvement définitif des pistes menant aux différents regroupements.
C'est donc sur une note d'optimisme et d'espoir en l'avenir que va prendre fin cette réunion de travail qui aura permis de faire le point de différents chapitres et de mieux voir certains aspects nécessitant un effort particulier.
Sur le chemin de retour -
Au retour, après le repas pris à Roknia, le convoi va s'arrêter au regroupement de Gaucy où quelques notables exposent leurs désirs. Puis l'on reprend la route de Gastu, Auribeau et Jemmapes pour rejoindre enfin Philippeville.
Quelle belle leçon est à tirer de ce périple Quel merveilleux courage anime en effet ces populations de l'hinterland, attachés à une terre quelquefois meurtrière, mais qui demeure la leur au-delà des heurts, au-dessus des passions et d'une haine aveugle.
Roknia, Meziet, El Ghrar, avec leur maire et leurs administrés veulent vivre et veulent construire dans la paix.
Leur exemple mérite d'être médité.... Paru dans un numéro de la "Dépêche de Constantine" de Décembre 1961.
ROKNIA VILLAGE A VENDRE
Suite à notre article ROKNIA VILLAGE A VENDRE, nous recevons certaines précisions de la part de M. Gérard LAPLACE (64800) NAY et un texte sur la grotte du Djebel Taya que nous avons le plaisir de publier.
M. LAPLACE nous signale : Après vous avoir écrit, j'ai poursuivi mes recherches. Résultat : l'article de Mme LAPLACE avait été adressé au Bulletin Jemmapes et sa région, qui l'avait fait paraître dans son numéro 57 de Janvier 2002.
En ce qui concerne ma communication au sujet des recherches de M. Bourguignat des 21 et 22 mai 1867, je vous rappelle qu'en deux jours, il n'a pu faire un inventaire de la totalité des dolmens, ce qui permet aux auteurs suivants, d'annoncer des chiffres douteux : d'où ma prudence. Lors de ce voyage, M. Bourguignat a visité la grotte du Taya, sans en faire une grande relation dans son livre consacré aux dolmens. En ce qui concerne la grotte du Taya, ci-joint la relation complète publié par Jemmapes et sa région. Seule la copie de la carte d'E.M. est de mon fait ; je vous ai entouré en vert l'emplacement d'un ou deux dolmens. La carte n'est pas très lisible, je l'ai faite crapahuter durant les années 60/61, dans la région !....
Pour l'Histoire, je vous informe qu'après l'évacuation du village de Foy, celui-ci a été occupé par l'O.R. du bataillon, avec une Harka de 180 "Bandits du djebel" dont 60 % de HLL ralliés. A l'entrée du village, sous le nom de Foy, l'Officier avait fait installer un panneau "Ici commence le pays de la Liberté".
On connaît la suite !
Ci-joint le poème "Roknia mon village"
Roknia mon village
Je ne reverrai plus mon si coquet village,
Ses maisons alignées, ni ses jardins en fleurs.
Posé comme un joyau cerclé de monts sauvages,
Il offrait au soleil le fruit de son labeur.
Glèbe si prometteuse affamée de semence,
Immenses champs de blé roulant leurs vagues d'or.
Cliquetis des épis qui chantait l'espérance,
Rien n'offrait au regard plus merveilleux décor.
Je ne reverrai plus l'oued qui serpente,
De rose festonné par ses lauriers touffus,
Ni ses eaux paressant tout en suivant la pente,
Allant on ne sait où, par des détours confus.
Les milliers d'étourneaux s'abattant dans la plaine,
Sur les vieux oliviers pliant trembleusement.
Et les moutons paissant, en accrochant leur laine
Aux buissons épineux, toujours paisiblement.
Que de fois j'ai guetté sur le coteau sauvage,
Le lièvre déboulant de la touffe de thym,
Ou la perdrix fuyant, se créant un passage
La buse tournoyant en quête d'un butin.
Sensible aux forts parfums des fleurs de la saison,
Aux cris, aux pépiements mêlés aux airs de flûte.
Là j'écoutais l'écho orchestrant tous les sons,
Le berger au pipeau juché haut sur la butte.
J'aimais ce coin perdu, c'était mon monde à moi.
La nature amplement dispensait ses richesses.
Joie pure, sereine, me mettant en émoi,
Ah ! qu'ils étaient vrais les rires de nos jeunesses.
Et mes précieux amis que sont-ils devenus ?
Maintenant dispersés aux quatre coins du monde,
Dépaysés, meurtris, je ne les verrai plus,
Je leur avais voué une amitié profonde.
Le chemin cahoteux, qui mène à la colline,
Coiffée de hauts cyprès témoins de nos douleurs,
Je ne le prendrai plus. Emportée dans le spleen,
Ma pensée le suivra, en retenant ses pleurs.
Si je suis aujourd'hui mon Dieu votre servante,
S'il m'est permis ce jour de lever sans rancœur,
Le voile au souvenir du passé qui me hante,
Je ne peux effacer les regrets de mon cœur.
Mathilde ENTZ-LAPLACE (1980)
Classés comme nécropoles, les rassemblements de dolmens dits de Roknia, ne sont pas comparables à ceux que l'on trouve en Bretagne, quant à leurs nombres et volumes ; les dolmens de Roknia sont constitués, en règle générale, de deux blocs de pierre fichés dans le sol et recouverts par un troisième monolithe. L'encombrement moyen peut s'évaluer à un mètre de hauteur, un mètre de largeur et deux mètres de longueur.
Après avoir procédé à un recensement à partir de la carte d'Etat Major où figurent les dolmens, on peut situer six lieux où ils sont signalés.
Le tableau ci-dessous en indique les positions, en ayant le village de Roknia comme point départ, le kilométrage est calculé à partir de la croix du cimetière.
1/ SY 06 E8 04,à 2 km 500 au Sud-
2/ SY 06 05, à 4 km 500,à l'embranchement de la route rejoignant la mine du djebel Debar.
3/ RY 96 F5, à l i km, près de l'entrée de la grotte du Taya
4/ RY 86 G4 01/05, à 19 km à la mechta Breda.
5/ RY 86 H2 03, à 19 km 500, à la mechta el Drou
6/ RY 97 D3 01, à 12 km, au pied de la cote 682.
Le site le plus important est le N°1. Il est implanté sur un plateau étroit qui domine les gorges de l'oued Rouknia ; la quantité de monument est de 2 à 3000 selon les sources ; lesquelles sources prétendent que leur nombre est supérieur à l'ensemble des dolmens recensés en Europe !
Les scientifiques qui ont étudié ces monuments n'avancent pas de dates concernant leurs élévation, ni de résultats intéressants sur d'éventuelles trou-vailles suite à des fouilles. La région étant peuplée avant l'époque romaine, on y trouve de nombreuses empreintes de ce peuplement, les éventuels pillards n'ont rien laissé à la curiosité des archéologues.
Source . Historique de la Harka de la 5° Cie du 2/16° RIMa. Avril 2004.
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EXTRAITS DU JOURNAL « AKHBAR »
du 21 Septembre 1854
Envoyé par Mme Bouhier
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Colonisation de I’Est de la Mitidja
Le Fort de l’Eau – Aïn-Taya - Aïn-Beida – Matifou - Rouïba
De toutes les créations depuis la conquête, celle dont le succès a été le plus inattendu, le plus rapide et nous n’hésitons pas à le dire le plus merveilleux, c’est sans contredit le village du Fort de L’Eau, habité par 48 familles mahonnaises. On ne peut se défendre d’un élan de sollicitude et d’admiration pour cette population énergique, sobre et laborieuse, lorsqu’on considère que des 700 ha de broussailles qui composaient son territoire lors de sa création en 1849, elle a fait en moins de 4 années, un vaste champ de bLé et de cultures diverses
Aussi-voit-on avec une douce satisfaction, l’aisance qui règne dans chaque famille et qui se traduit par une remarquable propreté au dehors et au-dedans des habitations. La mahonnaise, chargée spécialement des soins du ménage et d’élever ses enfants, procède chaque samedi à la toilette de sa maison, l’extérieur colonie algérienne, a pris dans ces derniers temps quelques mesures, telles qu’expositions permanentes, récompenses et encouragements aux cultures industrielles etc., proposes à vulgariser en France l’Algérie et ses ressources mais nous croyons ces mesures insuffisantes, et il est certain que des publications spéciales, sérieuses et attachantes, répandues surtout dans les campagnes par les soins de l'Etat, produiraient plus promptement et plus sûrement l’effet qu’il se propose. Il y a dans les campagnes d’Europe une infinité de travailleurs sérieux, vivant pauvrement d’un labeur pénible et qui, s’ils étaient convaincus que l’Algérie offre autant de sécurité que leur propre pays, et qu’un travail, égal leur donnerait ici beaucoup plus que chez eux, viendraient en toute hâte nous apporter le concours de leur activité et en recevoir la récompense.
Mais nous reviendrons sur cette question qui mérite quelques développements ; revenons d’abord à nos villages.
La route qui conduit de la maison Carrée au Fort de l’Eau est bonne et bien entretenue ; mais le chemin qui conduit de ce dernier point à Aïn-Taya, centre principal des villages de l’Est, est raboteux, couvert d’ornières et réclame absolument, non seulement la présence de cantonniers, mais encore des réparations importantes qu’il est indispensable de faire avant l’hiver.
En avançant vers l’Est, on aperçoit bientôt les fumerolles d’une infinité de charbonnières qui décèlent un centre d’activité et de nombreux défrichements, qui disent de loin au visiteur que là, le désert dépouille et brûle son manteau sauvage pour revêtir la tunique civilisée.
Après deux heures de marche, on arrive à Aïn-Taya, situé au bord de la mer, au-delà du cap Matifou.
Mais avant de faire connaître Aïn-Taya, tel qu’il est aujourd’hui, disons un mot de ce qu’il était, il y a six mois, et de l’impression qu’il nous fit lorsque nous Ie vîmes pour la première fois.
Il y a six mois, nous parcourions pour la seconde fois le vaste territoire qui s’étend de la rivière de Hamiz à celle du Boudouaou, et de l’ancienne route de Dellys à la mer, désert immense où l’œil ne rencontrait que deux habitations perdues à l’horizon, dans un océan de broussailles épaisses et de palmiers nains, et dont l’isolement et l’espèce d’abandon ajoutaient encore à la tristesse de ces solitudes, lorsque après avoir gravi la colline qui s’élève comme une digue entre la mer et la plaine, une apparition inattendue vint changer subitement Ie tableau.
Je n’oublierai jamais l’émotion que j’éprouvai en surprenant ainsi la colonisation au travail, en voyant là vie sortir du néant, la création surgir du chaos. C’était de I’étonnement et puis, je ne sais quelle impression heureuse et grave pour laquelle notre langue n’a pas le mot, et que je ne pourrais rendre.
Depuis six mois, l’enfant a grandi avec une rapidité qui tient du prodige : 40 maisons sont achevées ; parmi elles, 32 ont un premier étage avec un four et une écurie ; onze, en construction, seront achevées avant deux mois, et compléteront le chiffre de 60 maisons qui répond aux 60 familles que compte Aïn-Taya"
Tout est construit solidement et bon nombre de maisons ont leurs angles en pierres de taille, tirées des carrières romaines situées sur le territoire du village. La place et les rues sont plantées de deux rangs de platanes de la plus belle venue ; un cours d’eau, abondant, provenant de la source qui a donné son nom au village, sert à irriguer les jardins en plein rapport ; plus de 80 ha sont défrichés. Les défrichements continuent avec activité, et toutes les terres susceptibles de culture ont été ensemencées en blé, en tabac et en coton.
A gauche du village et en direction du Cap Matifou, un chemin large et commode ouvert par Ies soins de l’administration conduit au hameau d’Aïn Beïda, centre de 10 feux situé à un kilomètre environ d’Aïn-Taya. Là, une fontaine-abreuvoir, donnant une eau excellente, est construite ; huit maisons, d’un fort bel aspect, sont achevées et deux sont en construction.
A droite et à peu prés à la même distance d’Aïn-Taya le hameau de Matifou dans une très belle situation, compte déjà sept maisons terminées et une en chantier et l’intérieur sont dans leurs plus petits détails, blanchis à la chaux, les meubles sont cirés et les ustensiles de ménage, coquettement placés dans l’endroit Ie plus apparent, sont brillants de propreté comme dans un tableau de Rembrandt et reçoivent chaque jour un soin particulier.
Quant au Mahonnais, à moins que vous ne passiez par là un dimanche, ne le cherchez pas dans l’habitation ni aux alentours et encore moins au cabaret ; il est aux champs avec tous ses enfants mâles, travaillant sous le soleil ardent avec cette assiduité et cette persévérance, sans lesquelles, il n’y a pas de vrai cultivateur.
Cette étonnante prospérité démontre tout ce qu’on peut obtenir du sol algérien par un travail sérieux... Mais, à l’exception des deux ou trois centres mahonnais, les travailleurs sérieux ont manqué partout.
Sauf quelques hommes énergiques, venus résolument pour demander Ie bien-être et la fortune au travail, la France n’a fourni que ceux de ses travailleurs des champs auxquels la paresse, I’intempérance et Ie désordre avaient rendu impossible le séjour de leur village et c’est en vain que ceux-là l’administration a donné avec des terres, des instruments aratoires, des bestiau, de la farine et même de l’argent : ils n’ont rien su produire.
Les vrais travailleurs ignorant d’ailleurs les ressources qu’offre l’Algérie au travail se sont contentés de leur existence précaire dans, leur pays natal, plutôt que d’affronter le prestige effrayant qu'avaient et qu’ont encore en France l’Algérie et son climat.
Quant à I’émigration de 1848, dont on a tant parlé, il serait aussi ridicule ou injuste de la considérer comme un acte de colonisation et comme un moyen d’exécution dont l’administration eût pu disposer ; ça été un obstacle plutôt qu’un moyen ; ce n’a été qu’une espèce d’opération chirurgicale, quelque chose comme une déplétion sanguine au moment où la tête de la France était menacée d’une fatale congestion. En général, les artisans, les artistes, tous les malheureux que cette mesure a déversés sur l’Algérie ont rien fait et ne pouvaient rien faire à la colonisation.
La grande question du moment, celle qui domine toutes les autres, celle de laquelle dépend l’avenir de la colonie est donc de provoquer, par tous les moyens possibles, l’émigration en Algérie des cultivateurs sobres et laborieux des campagnes de l’Europe.
Le gouvernement français, qui apprécie toute l’importance de sa: total, 64 maisons achevées, 14 en construction, les accessoires d’un village et de ses deux annexes, et 80 ha de défrichement.
Et tout cela dans l’espace de 10 mois !
Quel dommage, s’écriait un jour M. Lautour-Mézeray de ne pouvoir envoyer cela à l’exposition universelle de Paris !
Ce serait en effet Ie plus bel éloge de l’administration qui par sa prévoyance et Ie zèle de ses agents est parvenu, non seulement à faire, faire aux colons leurs constructions avec une étonnante rapidité mais, encore avec la plus stricte économie.
Il est regrettable cependant que l’eau qui alimente le village et qui séjourne au soleil dans un grand bassin, avant d’entrer dans le canal qui la distribue, n’y soit pas amenée par un canal couvert. Il y a là un danger réel auquel il est urgent de remédier en amenant au village par une voie souterraine au moins l’eau d’une des trois ou quatre sources qui se jettent dans le grand bassin.
Enfin, nous n’avons vraiment pu comprendre pourquoi le parrain de ces trois centres, celui qui les a nommé, a donné le nom de Matifou précisément au hameau qui se trouve à droite d’Aïn-Taya, c’est à dire du côté opposé au cap dont il porte le nom. Nous comprendrions presque que I’on eut donné ce nom au hameau de gauche ; mais nous pensons, qu'il vaudrait mieux Ie réserver pour une future création à Matifou même et donner au hameau de droite le nom de l’haouch voisin, Aïn Kala, qui signifie Fontaine Noire, en laissant à celui de gauche son nom d’Aïn Beïda, qui signifie Fontaine Blanche.
A six kilomètres d’Ain-Taya, sur la nouvelle route de Dellys à Alger et à 24 kilomètres de cette dernière ville, le village de Rouiba commence à surgir aussi du milieu des palmiers nains. Sur les 22 maisons destinées à 22 familles, 7 sont déjà terminées. Un lavoir et un puits-abreuvoir sont munis d’une pompe d’un système simple qui débite deux litres par seconde et pourvoit au-delà des besoins des habitants""
Dans cette localité l’eau est à très peu de profondeur : un puits creusé à cinq mètres est inépuisable, les colons pourront donc établir des norias à bon marché ; et la situation stratégique de leur village, sur une route appelée à être importante par les relations qu’elle facilitera avec la Kabylie, leur assure une prospérité qui ne dépend plus que de leurs bras et de leur activité.
En outre, les villages que nous venons de parcourir nous savons que la colonisation dans ce quartier, doit être complétée par la création de deux nouveaux centres : la Reghaïa et le Boudouaou. Ces deux villages sont à l’étude et seront exécutés prochainement.
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Source Gallica - N° 146
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GRAND PRIX D’AUTOMNE AU CAROUBIER
Pour SARDINE-A-POILS,
Chroniqueur turfiste, ami.
On avait rarement vu depuis le début de la saison, une foule aussi nombreuse que celle qui, à l’occasion du Grand Prix d'Automne des Trotteurs, envahit le pesage et la pelouse de notre Caroubier.
La journée aussi bien, était splendide. Soleil et calme plat. La colline d'Alger bouchait l'horizon de sa rigidité, décor de carton pâte trop coloré sur un océan d'outre-mer désespérément immobile. Il fit même un peu chaud aux dires de ceux qui, par excès de prudence, avaient endossé manteaux et pardessus et ceint de fourrure un col frileux.
La réunion, sous de tels auspices, promettait d'être telle. Elle fut magnifique.
Dès les premières heures après midi, la foule des grands jours, avait pris place dans les tribunes et promenait autour du paddock ses premières curiosités.
Je ne dirai pas que les casaques des jockeys fleurissaient le gazon, telles des tulipes vivantes, car ces casaques le plus souvent sont très malpropres.
Mais il y avait sur ce coin de nature tant de sérénité, voire de grandeur qu'on se serait cru reporté aux plus beaux jours de notre été défunt.
Oh ! Certes, nous n'assistâmes à aucun débordement d'élégance. Et nulle acharnée du pesage ne saisit cette fois encore l'occasion de lancer un modèle ou de consacrer une création.
On est timide à Alger. Et le public féminin y craint les excès comme la peste.
Mais il faut dire pour sa défense que la saison est un peu avancée pour qu'on innove et que le ciel ce jour-là pouvait paraître trop bleu pour être honnête. Pour tout dire on prévoyait une surprise.
La vraie surprise — et la seule — et la plus heureuse, ce fut qu'il n'y en eut pas.
Quoiqu'il en soit, très peu de violet. La couleur universitaire ne fait l'impression de rétrograder et de céder le pas au nègre, ce qui n'est peut-être pas très rassurant pour l'avenir de notre élite en particulier, et de notre race en général.
Quant aux mâles, certains s’essayent, mais en vain je pense, à acclimater sur nos terrains le pantalon rayé et le melon gris.
Il est évident qu'à chaque plaisir il faut une tenue appropriée.
Et loin de moi l'idée que le melon — surtout le gris — n'est pas l'instrument idéal pour qu'on arrive à une compréhension parfaite des choses du turf. Le paddock a ses exigences tout comme le Conseil de révision et un rituel au moins aussi respectable. Mais à Alger ça se comprend beaucoup moins. Et la chemise Lacoste, après six mois, de plage et de liberté, est trop ancrée dans les mœurs pour qu'on la néglige.
Consacrant une habitude déjà prise, le Caroubier nous offrait du trot. C'est peut-être moins sportif.
C'est en tous cas moins spectaculaire. Mais lorsqu'une épreuve est dotée d'une allocation aussi importante que celle du Grand Prix, elle est assurée de réunir assez de participants pour que l'intérêt soit rétabli.
A une heure et demie exactement, les trotteurs du Prix de l'Ardèche prenaient le départ devant un public peu attentif. Je ne vous parlerai pas plus longuement d'une course qu'Uppermost fit dans un fauteuil.
Je ne vous dirai rien non plus du steeple-chase militaire où Jouassi dut à la chute de Damon de franchir le poteau en tête.
Le grand prix valait à lui seul tout le programme. Doté de 18.000 francs, il réunissait au départ dix-huit partants dont quatorze devaient arriver. C'est assez dire quel intérêt il pouvait laisser présumer. La course, fut splendide. Quickline emportait la plupart des espoirs. Il fut rapidement réglé. Après lui, Gladiateur. Et dans un effort magnifique, Fou-du-Roi passa le poteau devant Egée.
Voilà un résultat auquel on s'attendait un peu. Le grand prix devait être intéressant et nous réserver une belle émotion sportive. Il n'y faillit pas.
Pour le reste, la grande surprise devait être réservée au Prix des Acacias où La-Parisienne, battant splendidement Harmonieux, rapportait à ses rares partisans, la coquette somme unitaire de cent vingt-deux francs
On était aux environs de quatre fleures lorsque Va-Vite, emportant le plus banalement du monde le Prix du Gouvernement, devant Parfum-d'Orsay et Le-Danly, mit d'un coup de sabot victorieux le point final à la journée.
DESPORTES.
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PHOTOS du LAC TONGA
Groupe Amis des voyages
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ASSE
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N°201 - Novembre 2011
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ASSOCIATION SPORTIVE SAINT EUGENOISE
SOUS LA PROTECTION DE NOTRE DAME D’AFRIQUE
Vers 1905, la jeunesse de Saint-Eugène jouait au football sur la place publique de la Mairie. Une pelote de tennis lui servait de ballon et les buts étaient délimités par l'espace compris entre deux arbres pour une équipe et par l'escalier d'entrée de la Mairie, encadré par deux piliers pour l'autre.
Un véritable ballon de football coûtait alors 20 francs et il fallut la générosité d'un Saint-Eugènois, Albert Rival, pour que nos gaillards pussent se livrer à leur sport favori avec un accessoire digne de ce nom.
Les deux équipes, fières comme Artaban, se rendirent sur le terrain Merlo où elles trouvèrent la formation du plateau de Saint-Eugène qui disputait un petit match six contre six. Le terrain étant vaste, on décida d'imiter les grandes sociétés de football en se répartissant en deux équipes de onze. Quelques éléments, parmi les moins doués, se transformèrent en spectateurs et la rencontre débuta.
La rivalité était grande au cours de ces matches et chaque groupe connut défaites et victoires.
Le terrain Merlo ne suffisant pas à leur dépense d'énergie, les jeunes gens se rendirent sur l'emplacement du "Champ de Génie" où les soldats subissaient un entraînement rigoureux et sur lequel se bâtira I'actuel Stade de Saint-Eugène.
Chaque fois que leurs études leur en laissaient le temps et parfois même, en sacrifiant les devoirs ou les leçons, les jeunes Saint-Eugènois s'en donnaient à cœur joie malgré le terrain en pente et les buts tracés à la craie. Un dimanche, des habitants de "Pointe Pescade" lancèrent un défi à ces jeunes gens. Cette rencontre restera dans la légende comme le détonateur de la constitution d'une société sportive de la ville. Pour la petite histoire, les jeunes banlieusards d'Alger remportèrent un beau succès sur leurs voisins (et aînés) de la Pointe Pescade 3 buts à 1.
C'est au café du cimetière tenu par Mme Sarola que fut constitué le "Stade Saint-Eugène" sous la Présidence du fils du garde-champêtre, Monsieur Louis Labaune.
Dans cette société se trouvaient les pionniers de la future "A.S.S.E" : Lucien Paumier, Joseph Vicente, Albert Fourcade, les 3 frères Stora Alfred, Jacques et Samuel, Raoul et Marcel Fronzi, le grand Jules Couttenceau, Marc Prunies, Aboucaya, Forlani, Zerappa etc...
Affilié au groupe des indépendants, le Stade de Saint-Eugène disputait ses matches au champ de manœuvre et ses succès furent immédiats. Champion des Indépendants, cette équipe de jeunes alliait la générosité à une bonne technique. Boffarul, le joueur du CAM dont la société venait d'être dissoute, encouragea la fusion avec le "Stade Saint-Eugène" et c'est ainsi que I'ASSE vit le jour en 1908.
Le premier Président fut Gaston Cier auquel succéda très rapidement un moniteur de gymnastique au lycée d'Alger, M. Eder. L'effet fut immédiat et I'ASSE recruta parmi les lycéens qui suivaient ainsi leur moniteur. Sous la conduite de Boffarul promu Capitaine, I'ASSE enleva son premier titre à la stupeur des sociétés sportives plus anciennes.
Dans cette équipe qui inscrivait pour la première fois le nom de I'ASSE sur le fronton du palmarès du football algérois figuraient : Couttenceau, El Guiz, Vicent, Armand, Cier, Messali, De Villeneuve, Lacretelle, Darbes, Paumier, Flouret, Forlani, Philippe, Fronzi I et Il, Raynal, Duc, Solal, Fourcade, etc...
Ce premier titre permit à I'ASSE de développer son activité sportive qui la fit connaître dans toute I'Algérie. Parallèlement, d'autres sports furent pratiqués avec en vedette Pruniès en course à pieds, Paul Monthus et G. Dosset en natation.
Paul Monthus qui disparaîtra durant la guerre 14/18. Par manque d'effectif, et pour cause, l’ASSE se retira de toutes les compétitions sportives mais dès la paix revenue, les rescapés du cataclysme regroupés autour de leur Président, Monsieur Eder, reprirent le flambeau "Rouge et Blanc ".
Les Forlani, Couttenceau, Darbes, Vidal Charles et Armand, Fronzi, Paumier, De Villeneuve, Espi, Pele, Hermann voient débarquer au club une jeunesse avide d'oublier la tourmente.
Ainsi les Cattini, Ribere, Pavillard. Meziani, Abdel, Bouche, Andre, Blaison, Hanotel etc...
Durant 7 ans, le doyen des clubs, le FC Blida, le Gallia Sport d'Alger et I'ASSE se partagent le titre du football algérois.
Puis vint l'époque de l'équipe vainqueur de la coupe Lung dont le titre de gloire fut de battre une formation de professionnels anglais invaincus au cours de leur tournée en Afrique du Nord avec Ordioni dans les buts, Cattini, Ribere et Bouche en défense, Couttenceau et Blaison en demis, Pons et Pele aux ailes et une triplette centrale qui fera souffrir toutes les défenses Pavillard, Andre et Charles Vidal.
Une équipe qui en annonçait une autre encore plus performante avec une ligne d'attaque extraordinaire : Soler, Pasqual, Abdeglen, Deschizeaulx, et Charles Vidal. Raimbaud, Baron, Valero, Hanotel, Argudo, Mir, Imbernon, Pradines et le fabuleux Papastrides complétaient cette formation des années 2930.
Champion d'Alger, les hommes du Président Marcel Fronzi remportèrent le championnat d'AFN (Coupe STEEG) en battant nettement I'Olympique Marocain à Rabat 3 buts à 0 après un parcours particulièrement brillant (3-2 après prolongation contre le SCBA en quart de final, 3-1 contre l'A.S Bône en demi-finale).
Mais le résultat le plus marquant de cette saison 1929-1930 fut sans conteste le "Carton" infligé au FC Sète qui venait de réaliser le doublé Coupe-Championnat de France (6 buts à 1).
Mais une équipe digne de ce nom ne peut se passer d'un stade à la mesure de ses ambitions.
En 1923, le "Champ du génie" ancien entrepôt militaire devint terrain d'athlétisme avant d'être aménagé en stade de football autour duquel la construction d'une piste en bois fera le bonheur des amateurs de cyclisme.
Une tribune d'honneur portera le nom de I'ancien adjoint au maire de Saint-Eugène, M. Papillon, sous laquelle le père Baroli tiendra une cantine.
Lors d'un match RUA-GSA décisif pour le titre de champion d'ALGER 1931-1932 disputé au stade Saint-Eugène, I'arbitre siffla contre le RUA un penalty discutable que le grand Maurice Cottenet, ancien gardien de l'équipe de France, arrêta sur la ligne. Une discussion animée s'engagea pour savoir si le ballon avait ou non franchi la ligne fatidique. Joueurs et spectateurs se trouvèrent mêlés à un incroyable charivari que l'arbitre ne parvint pas à endiguer. C'est alors qu'un spectateur passa sa fureur sur une chaise et la jeta sur la piste de bois. Aussitôt, ce fut la ruée et chacun y alla de son lancer de chaises. Les joueurs ayant regagné les vestiaires, les supporters comprirent alors que la fête était finie. Survint alors I'intervention d'un Ruaiste qui répandit un bidon d'essence sur I'amas de chaises puis y mit le feu. Le joueur fut radié à vie. Et I'ASSE, la Ligue d'Alger et la municipalité de Saint-Eugène reconstruisirent leurs tribunes avec philosophie mais. .. en béton.
Le stade municipal de Saint-Eugène renaissait de ses cendres en 1937 et I'ASSE possédait enfin un stade à la mesure de ses ambitions. Il remplacera dans le coeur des Saint-Eugènois le premier stade crée en 1922, le stade Lapergue, destiné exclusivement à I'athlétisme.
Survinrent alors les "évènements" de 1932. La Fédération de Football est saisie d'une plainte contre I'ASSE pour infraction aux règles de l'amateurisme. Dix-sept joueurs sont frappés d'interdit par la L.A.FA (Ligue d'Algérie de Football Amateur). Le club fait appel à Paris et le bureau fédéral réhabilite les proscrits. Les dirigeants Rouge et Blanc : Duc, Stora, Goeau-Brissonnière, Dupus et Staropoli avaient ainsi démontré qu'au sein de I'ASSE, la tête valait les jambes.
Les équipes d'avant-guerre connurent des fortunes diverses. Sortirent de leurs rangs des Izzo, Gerstle, Delvalle, Ciffre, Laget, Pozzo, Tixador, Armand, Champion, Calafat, Bordera, Buis, Thomas, Zedek Abdelkader, Camarata Albane, El Kamal etc...
Mais cette période est la plus noire pour le football Saint-Eugènois et à travers lui pour tout le football Algérois. Car il nous faut évoquer la mort sur le terrain au cours des huitièmes de finale de la Coupe d'AFN le 27 février 1938 de Sylvestre Pasqual, capitaine de l'équipe de 1937-1938.
Pasqual était l'un des plus purs produits du football Saint-Eugènois, le camarade estimé de tous, le joueur qui donnait foi en la victoire, celui que tous ses camarades écoutaient, tombé en pleine jeunesse avec toute sa foi en ses couleurs "Rouge et Blanc". Pasqual est mort au service du sport et de I'ASSE d'une dilatation cardiaque. Sylvestre Pasqual n'avait pas vingt six ans.
L'arrivée de Paul Baron aux commandes de I'ASSE en 1938 ouvrira une nouvelle époque du football Saint-Eugènois.
C'est l'époque des lbrir, Izzo, Salva, Planelles, Valensi, De Villeneuve, Castaldi, Belhadj, Benet, Gomez, Leber, Charly Sas et tant d'autres qui portèrent bien haut les couleurs de la banlieue algéroise.
Mais la guerre est là, omniprésente. Le débarquement allié, la dispersion de tous les jeunes et par-dessus tout, la pugnacité de ses dirigeants qui contribueront à la pérennité de I'ASSE, durant cette période trouble qui sema le hasard entraîner des éléments de bonne volonté à endosser la tunique rouge et blanche pour enlever trois années consécutives le critérium de guerre.
La paix enfin revenue, sous la conduite de Paul Baron, I'ASSE repart de plus belle. Un subtil mélange de jeunes et d'anciens prépare de futures victoires. Oliver, Stepanof, Leber, Kaouah, Gomez, De Villeneuve, Aboulker, Castaldi, Rivas, Bindinelli, Mengual, Benet, Schneider, Collonges, Berenguer, Vidal, Salem, Mercadal, Behra inscriront leurs noms dans le Livre d'Or de I'ASSE des années d'après-guerre jusqu'au titre de vainqueur de la Coupe d'Afrique du Nord aux dépens du S.C.B.A (4 buts à 3).
Ce titre, I'ASSE le doit à trois entraîneurs : Paul Baron qui prépara le terrain avant de partir au Racing Club de Paris, Raymond "Pierrot" Izzo, l'une des grandes figures de l’ASSE qui assuma I'intérim et Charly remarquable meneur d'hommes qui récolta les fruits de ses prédécesseurs en y apportant une touche personnelle.
Le grand club de la banlieue d'Alger devra attendre dix saisons pour offrir à ses fidèles supporters un nouveau titre de portée Nord Africaine en remportant le Championnat de France amateur, Groupe Algérie devant le glorieux S.C.B.A. Bouchet, El Okbi, Betis, Madelon, Chelpi, Xuereb, Serrano, Guittoun, Perez, Meziani, Pappalardo, Buades, Sar, Faye, Rouet, Guaracino évoluèrent dans cette formation menée de main de maÎtre par Louis De Villeneuve étrennant de la plus belle des manières son diplôme de l'Institut National des Sports.
Entre ces deux titres prestigieux, une multitude de joueurs de talent ont maintenu I'ASSE aux sommets du football algérois et nord africain.
Boubekeur, Lopez, Pujol, Signes, Ober, Medinger,
Landi, Jurilly, Dahan, Biscarrat, Bigliardo, Errera,
Brotons, Yalenza, Almodovar, Lotti, Casanova,
Zouba, Yayaoui, Matiben, Liader, Vuillet, Pin,
Serre, Landell, Constantin, Lambert, Alarcon,
Boret, Brouel, Maouche, Bouchache Hocine,
Bouchache Cherif, Haig, Guerin, Bernaoui,
Guerrache, Lievin, Pappalardo Sauveur,
Pappalardo Dominique, Mari, Venutelli ...
Le Grand Club Omnisports Saint-Eugènois aura vécu 53 ans. Il sera le dernier club titré d'Algérie.
Tous unis derrière sa tunique rouge et blanche, dirigeants entraîneurs et joueurs auront porté très haut dans le ciel d'AFN et parfois de France métropolitaine, l’image d'une équipe soudée au sein de laquelle régnait une ambiance fraternelle.
"MOURIR N'EST RIEN CE QUI IMPORTE, C'EST DE LAISSER UN SOUVENIR ET UN EXEMPLE"
H. Z.
La Mémoire du Football d'Afrique du Nord
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NOS VILLAGES
Par Maurice Villard
ACEP-ENSEMBLE N°282
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COMMUNE MIXTE DE BARIKA
Cette région de steppes et de dépression du Chott El Hodna comprend deux villages : Barika et N'Gaous.
Barika est le siège de la commune mixte du même nom située entre le 35° et le 36° de latitude nord et entre le 2° et le 3° de longitude est.
Elle est située dans l'arrondissement de Batna à 88 kms à l'ouest de cette dernière ville et à 117 kms au sud de Sétif. Barika se trouve sur deux grands axes routiers, la nationale N° 28 de Batna qui se prolonge par la rocade sud vers Bou Saâda et Alger et la nationale N° 17 de Sétif vers Biskra. Bien qu'éloignée des grands centres, des services de messageries la relient quotidiennement à Batna et à Sétif.
La pluviométrie pratiquement nulle ne permet pas de production agricole, mais cette région de steppes est un lieu privilégié pour l'élevage des ovins. En effet cet élevage est la seule ressource, les indigènes possèdent des troupeaux de brebis et vendent leur production annuelle.
Barika avec son marché aux bestiaux est le lieu de rencontres commerciales de cette immensité de steppes. Des échanges, de grosses transactions commerciales d'ovins, de chevaux de race « Arabe », de chameaux, mais aussi de céréales en provenance des Hauts Plateaux, des dattes des oasis.
Le territoire de la commune mixte est formé d'une immense cuvette d'environ 100 kms de diamètre et d'une superficie d'environ 4.500 kms carrés. Elle a pour limite au N O la commune mixte des Maâdid ( Bordj bou Arréridj) au Nord celle des Rhiras ( Colbert) , au NE celle du Bélezma ( Corneille), à l'Est celle d'Aïn Touta, au Sud celle de Biskra, au SO celle de Bou Saâda et à l'Ouest celle de M'Sila.
Cette immense dépression, dont le fond est occupé par le Chott El Hodna, est ceinturée au Nord de montagnes : Les chaînes des Maâdid, du Bou Thaleb, le mont du Guétiane, les monts des Ouled Soltane, ceux du Metlili et au Sud par les monts de Bou Saâda.
Ces montagnes sont rocheuses dénudées sur leur versant sud, boisées sur le versant Nord. Le Guétiane aux cèdres centenaires à 1902 m d'altitude abrite la résidence d'été de l'Administrateur de la commune mixte.
Son territoire est constitué de deux régions très différentes : La région qui borde les massifs montagneux d'une altitude moyenne de 460 m constituée par les douars Gosbate, N'Gaous, Ouled Si Slimane et Séfiane, puis la région de plaine sèche et aride, aux portes du désert, légèrement mamelonnée. Son immensité, malgré une très faible végétation permet l'élevage des ovins et des troupeaux de chameaux.
Le climat est continental, sec, chaud l'été jusqu'à plus de 45° et froid l'hiver. Plus de 200 jours de vent, glacial l'hiver passant sur les cimes enneigées des montagnes au nord, siroco brûlant l'été soulevant des tempêtes de sable. C'est le pays des contrastes, les pluies sont très rares et irrégulières avec parfois des orages d'une violence inouïe.
Le manque de pluviométrie provoque des catastrophes, c'est ainsi qu'en 1878, plus de 58.000 têtes d'ovins moururent de faim et de soif, par contre quelques orages peuvent assurer de bons pâturages.
Températures et pluviométries (moyenne des maxima et des minima)
Années Juillet Août Déc. Janv. milli. annuels
1936 38° 37,2° 11,6° 14,9° 162
1937 38,3° 38,1° 11,5° 14,6° 121
1938 39° 37,4° 11° 12,9° 213
1939 38° 35° 13,8° 13,9° 203
1940 36° 34,7° 12.5° 12,1° 210
1941 36,5° 37,7° 14,1° 13,1° 128
1942 35,6° 33,5° 13,7° 10,7° 200
Répartition des terres
La Commune mixte a une superficie de 451.949 hectares qui se répartissent : Domaine public : 38.417 ha — Forêts domaniales : 8.035 ha - Terrains domaniaux : 50.251 ha
Terres Melk 73.283 ha - Terres Arch : 172 066 ha.
Les terres Melk se situent pour la plupart dans les massifs montagneux et dans l'oasis de M'Doukal. – Les terres Arch dans les plaines où l'on distingue les terres « delfa » sèches et celles irrigables « haï ». Les propriétaires n'en jouissent qu'à titre précaire, s'ils n'ont pas d'héritiers, un nouveau partage à lieu au profit des habitants mâles de la fraction.
Les fellahs labourent avec une djebdja ( charrue dite arabe) tirée par une ou deux bêtes, ce n'est qu'un grattage du sol qui sert à enfouir les graines de céréales, principalement de l'orge qui a été semé sur la terre sans aucune préparation. Dans les terres irriguées, aux surfaces très restreintes, les récoltes sont convenables. Dans les autres il faut compter une récolte tous les dix ans et très souvent il n'y a même pas de moisson. Les communaux et les terres de parcours servent aux pacages des troupeaux de moutons et de chameaux.
Aussi le problème de l'hydraulique a été le souci majeur de la colonisation avec la réalisation de 7 barrages, de réseaux de canaux d'irrigation, constitution de syndicats d'irrigation, forages de puits dont bon nombre sont artésiens. Un effort gigantesque avec la construction de nombreux points d'eau avec abreuvoirs, de petits barrages, de forages est entrepris pour palier à ce fléau et augmenter la surface irrigable et l'abreuvement des troupeaux.
La principale culture est celle de l'orge, quelques hectares de blé dur dans les zones irrigables pour la consommation familiale, dans les jardins on peut récolter tous les légumes et fruits méditerranéens.
L'année 1928 est toujours restée en mémoire. Les pluies providentielles permirent une récolte inimaginable. 80.000 quintaux d'orge provenant de la région de Barika, furent expédiés par la gare de Mac-Mahon.
Une société coopérative mutuelle de labours a été créée et gérée par l'Administrateur, afin d'initier les fellahs à une agriculture plus rationnelle.
Une plantation communale de 1.800 oliviers en plein rapport a permis la construction d'une huilerie moderne qui débite annuellement de 7.000 à 8.000 litres d'huile très recherchée. Les particuliers apportant leur récolte à traiter bénéficient pour une charge de 120 kilos d'olive de 14 litres d'excellente huile limpide et savoureuse.
Une pépinière en pleine production fournit les jeunes sujets nécessaires à la plantation.
Mais dans toute cette immense contrée, la principale ressource la plus fiable est l'élevage du mouton avec les brebis de la magnifique race dite des « Ouled Djellal » constamment améliorée par l'introduction de reproducteurs sélectionnés. C'est également la pays des chameaux. Dans les zones montagneuses l'élevage se limite à des troupeaux de chèvres mais aussi à l'élevage de vaches de race dite « Kabyle » parfaitement adaptées par leur taille à la nature accidentée du sol.
Trois stations de monte à Barika, Magra, N'Gaous permettent aux éleveurs, avec des étalons sélectionnés, de maintenir pure cette magnifique race chevaline « Arabe barbe du Hodna »
La société des courses qui groupe près de 10.000 membres , subventionnée par l'Etat, organise chaque année de nombreuses courses de chevaux, de chameaux, mais aussi des concours de présentations d'ovins le tout doté de nombreux prix.
Il n'existe aucune industrie dans la région, la production importante de laine est revendue à des commerçants, les familles la travaille pour leurs besoins familiaux. Elle est tissée par les femmes , teintée par des teinturiers kabyles qui sont de véritables spécialistes. Une fois travaillée elle sert à la confection de burnous, de couvertures et de tapis dont quelques exemplaires sont revendus.
Hydrographie
Cinq oueds, traversent la commune dans sa partie Nord.
L'Oued Menaïfa qui prend sa source dans les Ouled Tebbene, traverse les douars Berhoum et Ain Kelba sous les noms d'Oued Sebitia et Oued Enfida. L'Oued Soubella qui prend sa source dans le Bou Thaleb, traverse les douar Magra et Metlaaouila sous les noms d'Oued Magra et Oued Nashar. Grâce à de nombreux petits barrage, ses eaux servent à irriguer quelques cultures dans la région de Berhoum et de Magra et à actionner quelques moulins à grain.
L'Oued Khelidj, dans la partie NE, prend sa source sur le plateau de Ghenia Gosbate, traverse le Douar Djezzar, sous le nom d'Oued Siguène. Il sert à l'irrigation d'une centaine d'hectares dans la plaine des Mérabtines (Djezzar) et à actionner quelques moulins à mouture indigène
L'Oued Barika , le plus important, dans la région Est, formé par les eaux du Guetiane, du Kigba au Sud d'Ampère et les sources de Ras-el Aioun, traverse les Douars N'Gaous, Djezzar et Barika, serpente à travers le Douar Metlsou. Il reçoit les eaux de deux affluents, l'Oued Chair alimenté par les eaux du Hammam Oued Si Slimane et celles de l'Oued Tabbagart formé par les eaux de Trnibaouine (Bélezma). Trois barrages successifs permettent de canaliser son cours et d'irriguer les jardins de Barika, ainsi que les terres arch en aval du village, soit environ 6.000 hectares. L'Oued Beriche, à l'Est prend sa source dans les montagnes des Ouled Soltane (in Touta) , traverse le Douar Seggana et se perd dans la plaine de Bitam. Son eau, sauf en période de crue, n'arrive que rarement à Seggana et jamais à Bitam. Seules les violentes crues lui permettent de se jeter dans le petit chott de M'Doukal.
Le débit de ces oueds est très variable, souvent presque à sec, ils peuvent prendre un caractère torrentiel avec des crues lors de forts orages. Causant des inondations avec des dégâts importants aux barrages, emportant des campements de Naïlis avec le bétail pour se jeter dans le Chott El Hodna Mais cela n'est pas complètement négatif puisque ces inondations génèrent d'abondants pâturages.
On trouve dans la région Est–Sud des sources importantes, ce sont celles de : El-Hammam (Ouled Slimane-Sud d'Ampère) 331/s - El Kebira (N'Gaous) 140 à 1791/s
Boumegueur (N'Gaous) 113 1/s - Gouriana Aïn et Madjène (Séfiane) 93 1/s – Tadjer et M'Doukal....
Dans la partie Sud Ouest en bordure du Chott des puits artésiens furent forés tels : Ain Nelsbou – Ain Tsaaleb – Ain et Himeur – Ain Khebab ainsi que les sources de : Aïn et Hadjar – Aïn Just et Ain Eddih.
L'eau source de vie est très rare et manque terriblement surtout en été. A Barika l'eau potable provient de la source d'Ain Touta située à 3 kms du village. Stockée dans un réservoir situé à droite de la route de Sétif et redistribuée par un réseau urbain de canalisations. L'eau de l'oued, pompée dans les canaux d'irrigation après avoir été filtrée, désinfectée alimente une fontaine publique.
L'oasis de M'Doukal est alimenté par une source très abondante qui lui apporte dans cet océan de chaleur fraîcheur et prospérité.
La flore et la faune.
La végétation chétive parsème ces étendues de terres incultes, arides, caillouteuses où les troupeaux d'ovins, de chèvres, de chameaux y subsistent.
Des plaines où poussent l'alfa, le jujubier épineux, le palmier nain mais aussi en abondance du thym sauvage. Les piémonts des hautes montagnes sont recouverts d'un maquis composé d'arbustes rabougris, de genévriers, de diss, par endroits quelques chênes verts. Les versants nord, eux sont très boisés entre autre des pins d'Alep, des chênes verts, des genévriers, diss et autres arbustes, sur les hauts sommets comme le Guétiane de magnifique cèdres.
Les terres irrigables produisent tous les légumes méditerranéens, les céréales, le tabac, les arbres fruitiers particulièrement les abricotiers, figuiers, oliviers. La renommée des abricots de N'Gaous a dépassé largement son périmètre. Au printemps toutes ces terres se couvrent de fleurs des champs : coquelicots, mauves, pâquerettes, soucis, etc.
Dans ces régions où l'eau apporte la joie de vivre, les oiseaux par milliers y trouvent un refuge : moineaux, passereaux, fauvettes, mésanges, chardonnerets, verdiers, pies, chasseurs d'Afrique au plumage multicolore, etc., hirondelles et cigognes dès février puis repartent vers d'autres cieux. Novembre ce sont les grives et les étourneaux qui pillent les oliviers. Egalement beaucoup de rapaces et échassiers : éperviers, faucons, grues.
Le gibier très abondant se limite à ; perdreaux, lièvres, cailles au printemps et dans les immensités les congas, dénommées également perdrix anglaises. Les piémonts sont peuplés de meutes de sangliers.
L'animal sauvage le plus courant est le chacal, quelques renards des sables ou fennecs.
Parmi les reptiles on trouve des lézards, des couleuvres , des vipères. Le danger provient des scorpions jaunes qui pénètrent dans les habitations La région subit périodiquement les désastreux vols de sauterelles et l'éclosion dévastatrice des criquets. Un autre fléau, les mouches qui pullulent toute l'année et sont une des causes du trachome dont est affligée une grande partie de la population indigène et dont la lutte s'intensifie et porte ses fruits d' année en année grâce aux moyens mis en oeuvre par le gouvernement général.
La population.
La région montagneuse est habitée par des berbères dénommés Chaouias. C'est une population plutôt sédentaire, vivant dans des mechtas ayant gardé ses traditions millénaires, peu perméable à la civilisation, cultivant les maigres terres, tirant des ressources de leurs troupeaux de moutons et de chèvres.
Dans les plaines, ce sont des tribus arabes qui depuis des siècles subsistent grâce à leurs troupeaux d'ovins et de caprins. Toujours en mouvement, se déplaçant sans cesse à la recherche de pâturages.
L'achaba, exode annuel de juin à octobre permet d'emmener les troupeaux qui trouvent ainsi une nourriture et de l'eau dans les zones cultivées des Hauts Plateaux. Cela permet aussi à une partie des hommes de trouver un emploi saisonnier et de se ravitailler en blé qui est avec les dattes et le lait l'essentiel de leur nourriture pour le restant de l'année.
Dans les petites oasis ou dans les zone irrigables autour des sources de petite mechtas construites en toube et couvertes de diss c'est la vie patriarcale.
Dans ces régions déshéritées, grâce aux bienfaits de la colonisation, l'apport de la médecine la population est en constante croissance.
37.679 habitants en 1931 – 44.270 en 1940.
La scolarisation.
La première école ouverte dans le Hodna oriental fut l'école nomade de Metkaouab où l'enseignement était donné sous la tente au furet à mesure des déplacements par un instituteur indigène.
Ensuite fut construite l'école de N'Gaous avec comme Directeur M. Buron. L'école de Barika fut créée le 13 septembre 1902 alors que le capitaine Massoutier était le Chef de l'annexe. M. Buron en fut le premier directeur . Elle était composée de deux classes de garçons indigènes et d'une classe mixte pour les européens.
Le CCEP, fut créé le 22 juillet 1910 dirigé par M. Buron jusqu'en 1918. Il créa le jardin scolaire planté d'arbres fruitiers et d'oliviers, le fît clôturer d'un mur en toubes par les élèves en 1912. M. Mevière lui succéda jusqu'en 1930. Puis M. Olivier lui succéda. M. David en devint le directeur ayant sous ses ordres un nombreux personnel d'enseignants. L'école mixte fondée en 1936, près de la station de monte a été remplacée par une école de filles indigènes le 3 novembre 1945.
Dans la commune mixte on peut recenser à M'Doukal une école avec deux classes, à N'Gaous une école avec cinq classes, à Goobate une école avec une classe.
Plus de six cents élèves fréquentent ces différentes écoles.
Les habitations.
La plupart des maisons sont construites avec des toubes fabriqués sur place. Ce sont des sortes de briques pleines composées d'un mélange de terre glaise et de paille fine qui devient un mortier placé dans un moule en bois d'environ 40 cm de long sur 15 d'épaisseur et 10 de hauteur. Une fois séché au soleil elles deviennent un matériau de construction fiable. Suivant l'importance de la construction on peut en employer de 4.000 à 15.000. les charpentes sont faites avec des poutres réunies par des branches de palmiers et entrecroisées de lattes pour les plafonds. Les toits en terrasses sont couverts de diss et enduits de terre glaise qui n'assure pas une étanchéité parfaite à la pluie, il est vrai qu'elle est si rare !
L'habitation est ceinturée par une cour fermée donnant sur la rue . Le mobilier très sommaire se compose de malles en bois , certaines sur pieds peintes et décorées de couleurs vives. Les familles aisées possèdent un mobilier très riche composé de tables basses sculptées, d'armoires et de buffets, le sol recouvert de beaux tapis en haute laine et de couvertures aux couleurs vives et multiples.
Une usine électrique fut construite en 1936 sur la place de la mosquée par M. Chabanne entrepreneur à Sétif. Actionnée par des moteurs au gas-oil, cela apporte avec un confort certain, l'éclairage des rues, un nouveau visage au village de Barika.
Administration de la Commune mixte.
La commune mixte comprend le village de Barika et 14 douars. Elle est dirigée par un Administrateur assisté par deux Administrateurs adjoints.
Chaque douar est administré par un Caïd sous les ordres de l'administrateur, assisté par une assemblée élue appelée Djemâa. Une Commission municipale se réunit chaque fois que cela est nécessaire pour délibérer. Elle se compose des caïds, des Présidents de Djemâa et des Conseillers municipaux.
La justice musulmane est rendue par un Caïd assisté d'un Bachadel, d'un Adel et d'un Aoun qui sont nommés. Ils remplissent les fonctions d'Officiers d'état civil.
Les Centres de Colonisation
Il n'y a pas à proprement parler de centre de colonisation créé artificiellement par l'administration avec un territoire propre . Il existe aux douars Barika et N'Kaous , deux zones délimitées arbitrairement que l'on appelle « Le Centre » pour les besoins de l'administration locale. C'est là que l'agent de police de Barika et l'adjoint spécial de N'Gaous exercent leur autorité. Il s'agit d'une question de commodité vu que les problèmes posés par la population agglomérée sont différents de ceux de la population éparse au douar. Les caïds restent responsable de la totalité du territoire , centre et douar. Cependant, comme chacun de ces centres présente une vie propre, il est susceptible de devenir autonome , nous allons donc étudier la situation comme s'il s'agissait de vrais centres de colonisation.
M'Doukal
L'oasis de M'Doukal fait partie de la commune mixte, elle est située à 40 kms au sud de Barika. Elle est peuplée d'arabo-berbères composés de deux fractions, les Guebela et les Dehara, son origine date de l'époque romaine. Un mélange a donné une race au teint et aux yeux clairs qui caractérise les berbères. Un marabout célèbre, Si Mohamed El Hadj venu de Fez s'y installa à l'époque Turque.
Les M'Doukalis ont toujours voulu rester indépendants sous les dominations arabe et turque, ils se sont toujours défendus contre les nomades pillards. Ils ont construit un village facile à défendre à l'image des ksours sahariens. Les maisons sont construites en toubes, les charpentes en troncs de palmiers, les toits en terrasses de terre battue.
M'Doukal qui compte environ 2.500 habitants, est curieuse à visiter avec son cachet saharien, ses ruelles couvertes et sombres, ses bains souterrains , ses mosquées de pur style arabe.
Une source très abondante a permis la plantation de 16.500 palmiers, la création de nombreux jardins plantés en abricotiers, grenadiers, figuiers et pêchers, de légumes, particulièrement des fèves. Les dattes sont de qualité inférieure car le climat n'est pas assez saharien. Un marché hebdomadaire se tient le samedi.
Barika Historique de la Commune.
On ne connaît que peu de choses sur l'histoire de Barika. Les ruines nombreuses et imposantes de la ville de Tobna rappellent que la région fut civilisée et devint fertile à l'époque romaine. Le labour des terres fait resurgir de nombreuses pièces de monnaie romaines en bronze. Les traces de canaux d'irrigation vers la plaine autrefois plantée d'oliviers sont encore visibles. Après l'ère romaine et la conquête arabe ce fut la désertification complète
Après la prise de Constantine par la France, les grands chefs féodaux indigènes de la région firent leur soumission tout en gardant leurs privilèges. Mais en 1858, une colonne de troupes française dut intervenir pour calmer les révoltes entre les différents coff de la région.
En 1860, les Ouled Amor de Magra entrent en dissidence, la colonne du colonel Desmarets, rétablit l'ordre. En 1864, nouveau soulèvement des Ouled Mehdi auquel mit fin la colonne du colonel Séroka..
En 1871, afin de faire face au soulèvement du Bachaga Mokrani, un détachement militaire fut installé à demeure.
En 1873, l'annexe de Barika fut créée pour maintenir l'ordre et préparer le développement de la colonisation.
En 1855, l'annexe fut transformée en commune indigène.
En 1900, le capitaine Massoutier entreprit la transformation de la commune avec la scolarisation des indigènes, construisant une école, réalisant la plantation des olivettes communales.
En 1907, cette dernière est transformée en commune mixte et ce furent les administrateurs qui prirent le relais. Pendant toute cette période 17 officiers administrèrent le Hodna Oriental.
Malgré la pauvreté qu'engendre son climat près-saharien, Barika prend de l'importance, la population ne cesse d'augmenter, les constructions s'étendent, de nouvelles routes et pistes sont ouvertes, les recherches d'eau s'intensifient.
Barika Centre.
Le centre de Barika est de création artificielle.
En 1844, il fallait installer un Caïd à Barika simple marché et nœud routier, le Génie construisit un bordj dont une aile subsiste.
Pendant les insurrections de 1860, 1864, 1871, simples scènes de pillages entre tribus, il n'existe que quelques tentes autour du Bordj. A partir de 1874, Barika devenait le chef-lieu de l'annexe. La capitale du Hodna n'avait plus qu'à se développer, mais les années de sécheresse de 1878, engendrant la famine oblige le commandement militaire à se replier provisoirement sur N'Gaous, par suite du manque d'eau. En 1881, la région de N'Gaous d'où proviennent les eaux de l'Oued Barika ne dépend plus de Barika mais de la commune Mixte des Ouled Soltan qui retient toutes les eaux. Barika doit alors faire venir par tonneaux et peaux de bouc l'eau du puits artésien de Bordj Kebah distant de 16 kms.
Ce n'est seulement que l'arrêté du 22 juillet 1882 qui règle la question, Barika a droit à toute l'eau d'amont pendant les 10 premiers jours du mois, cela est bien pour l'irrigation, insuffisant pour l'alimentation des habitants.
En 1883-1884, création du bureau de poste et installation du télégraphe. C'est 1885 qui marque une nouvelle ère dans l'évolution de ce centre . L'arrêté du 17 janvier 1885, crée la commune indigène de Barika avec ses propres ressources . Le Bordj est considérablement modifié et agrandi. Le village est tracé, les constructions commencent.
La population.
En 1891 : 404 habitants - en 1901 : 803 habitants - en 1946 : 4.328 habitants.
La répartition des habitants est la suivante :
4.158 d'origine arabe - 44 mozabites - 30 kabyles - 66 européens dont un espagnol et cinq italiens - 32 israélites. Nombre de lettrés en français : 500 - en arabe : 1.000 - militaires retraités : 40 - fonctionnaires retraités : 5 - fonctionnaires et employés en activité : 84 - artisans : 237 - commerçants : 169.
La question de l'eau est réglée en 1946-1947 par la construction d'une conduite d'eau. L'achat par la commune mixte d'un domanial de sept hectares va permettre l'agrandissement du village.
1905 - Transformation de l'établissement de facteur-receveur en recette simple de 3éme classe.
1906 - Arrêté du Gouverneur Général, désignant le Caïd du Hodna Oriental commune indigène de Barika, comme Président des Djemaas formant la commune du même nom
1907 - Formation de la commune mixte de Barika avec comme administrateur M. Vitalis. La Commission municipale sera composée de 19 membres. L'Administrateur en sera le Président à défaut il sera remplacé par son adjoint. Elle comprendra pour N'Gaous : 1 adjoint et deux membres français, pour Barika, deux membres français, tous les autres membres seront indigènes.
Afin d'alimenter le centre de Barika, la jouissance des eaux de l'Oued Touta est accordé à la commune mixte.
1908. - Le droit de taxe sur les chiens est fixé : chiens d'agrément ou de chasse 6 f - chiens de garde 1 f. Cette taxe est redevable par tous les européens, pour les indigènes, seuls ceux payant les centimes additionnels aux impôts arabes.
1914. - Le 7 août, la Commission municipale de la commune mixte de Barika s'est réunie à 16 heures, sous la présidence de M. Zévaco Jean Adjoint administrateur avec les membres suivants : Dartigues, Roux, Sgambatti, Si Mohamed ben Gana. Lecture est donnée d'une dépêche, en date du 3 juin, provenant du gouvernement général qui fait connaître qu'il ne peut s'en tenir qu'à sa décision du 3 avril dernier, concernant le lotissement de Barika de 10 lots. Un agrandissement ne pourra être réalisé qu'aux frais de la commune car les postulants européens ne sont pas nombreux. La Commission décide donc, puisque la commune n'a pas les moyens nécessaires de construire un village indigène, de s'en tenir au projet initial de 10 lots urbains
M.M Sandraz Alphonse et Sfar interprète judiciaire, acquièrent un lot urbain. Vente de gré à gré à M.M Pol Laurent et Fourcaud, cantonnier d'un lot urbain.
1929 - Mois d'avril, rapport sur la situation agricole.
La campagne anti-acridienne bat son plein. Les éclosions ont été extrêmement importantes par suite des pontes répétitives. D'importants chantiers sont échelonnés depuis la limite de M'Sila jusqu'à celle d'Ain Touta, ce qui représente 100 kms de long sur 25 kms de largeur.. D'énormes quantité de criquets ont été détruites par tous les moyens préconisés. M. le Sous-Préfet de Batna visitant les nombreux douars les 26 et 27 avril a pu constater l'activité déployée . Dans la journée du 27, un ouragan d'une extrême violence a ramené dans la commune des sauterelles pèlerins en nombre considérable.
Les cultures indigènes ont souffert notamment dans les douars Djezzar-Sefiane- Magra.
Les moissons ont commencé dans certains douars de la commune avec des rendements très faibles.
Le bétail est dans un état satisfaisant, aucune épizootie n'a été signalée, ni aucun délit de chasse.
Barika le 30 avril 1929 : l'Administrateur M. Di Méglio est nommé Juge de paix.
Conformément aux avis émis par le Colonel directeur des établissements hippiques et le Commandant du dépôt de remonte, une prime d'encouragement de 1.500 f est attribuée à la circonscription hippique de Barika par le Conseil général.
1928. - Recensement de la population : Européens 187 - Indigènes 50.567
1935.- Mme Bérard est nommée infirmière visiteuse.
1946.- Plan d'action communal.
Prévisions des constructions avec un échelonnement sur les 10 prochaines années.
Constructions :
Egouts, encaillassement des rues, conduite d'eau 4.000.000 f
Groupe scolaire de huit classes de garçons avec logements 2.500.000 f
Groupe scolaire de trois classes de filles avec logements 1.000.000 f
Aménagement de la commune mixte, appartements et bureaux 3.000.000 f
Recette municipale et appartement 1.300.000 f
Etablissement de remonte et cité des cavaliers 3.000.000 f
Hôpital de 40 lits et logements 6.000.000 f
SI, bureaux, logements, silos à grains de 20000 quintaux de stockage 8.000.000 f
Construction de 4 villas pour employés 3.600.000 f
Installation de la prison 600.000 f
Les Administrateurs de la commune mixte ont été :
M.M.: 1914 PIOLA – 1920 ZEVACO – adjoint LLEU – BARBIER DUBRUT
LE VILLAGE DE BARIKA
En arrivant par la route de Batna, le village est situé sur une petite colline au milieu de la plaine désertique. Toutes les constructions qui composent le village, forment un grand rectangle d'environ 500 mètres de long sur 300 mètres de large, au milieu d'une oliveraie, de pépinières et de jardins. Les trottoirs des rues sont plantés de grands arbres, toute cette verdure donne une impression de fraîcheur et de bien être.
A gauche de la route, l'hippodrome avec ses tribunes, un pont métallique enjambe l'Oued Barika, une route bordée de peupliers , à gauche les bâtiments des Ponts& Chaussées, à droite l'hôpital, la gendarmerie, la justice de paix, et l'établissement de la Société Indigène de Prévoyance (S.1.P), tous ces bâtiments sont des constructions récentes entourées de plantations et de jardins.
A gauche, laissant la route de Sétif , on pénètre dans l'avenue Villot qui est l'artère commerçante principale, bordée de palmiers avec de nombreux magasins et de boutiques. Il y règne toujours une très grande animation.
Les commerçants étalant leurs produits sur les trottoirs, taxis et camionnettes encombrant l'avenue, une foule bruyante , uniquement des hommes, venant des douars environnants y faire leurs achats. A l'extrémité de l'avenue se trouve l'hôtel du Sahara, construction typique des villes du Sud avec ses arcades. Puis le Bordj Communal, des ruelles à droite et à gauche et quatre autres rues secondaires parallèles forment le centre du village.
Au nord, sur une grande place s'élève la mosquée, très beau bâtiment au style oriental. Très proche l'usine électrique, également l'agence des PTT avec le logement du Receveur.
Le service de santé.
Le service de santé à Barika comprend : un médecin de colonisation, un adjoint technique à la santé publique et une assistante sociale. Le médecin de colonisation dirige l'hôpital auxiliaire, soigne, traite les malades , effectue des tournées dans les douars soigne et fournit gratuitement les médicaments.
L'hôpital compte 40 lits, des vaccinations y sont faites régulièrement, des secours y sont distribués au indigents.
L'assistante sociale donne des soins à domicile s'occupe des mères et des nourrissons et également des vaccinations.
Pendant la seule année 1946, 1.400 malades ont été soignés à l'hôpital dont plus de 1.000 atteints du trachome, 10.000 consultations , 12.000 vaccinations contre la variole, le typhus, la fièvre typhoïde etc., le tout gratuitement.
D'autres médecins indépendants sont installés dans le village.
Un cinéma parlant a été installé dès l'électrification du village en 1936.
La Société Indigène de Prévoyance.
Cette société ( S.I.P ) est composée d'un agent technique, d'un comptable, d'un magasinier et d'employés.
L'agent technique est chargé de la formation des fellahs en leur prodiguant des conseils et des renseignements, il contrôle également les emblavures.
Les récoltes sont livrées et stockées à la S.I.P qui les revend aux consommateurs. Cet organisme est habilité à faire des avances de semences.
Pendant la période des restrictions dues à la guerre, la S.I.P était chargée du ravitaillement de la population.
Le commerce dans la commune de Barika
Le commerce est très actif, le village de Barika est le centre le plus important de toute cette région peuplée de plus de 75.000habitants qui y vivent, certes dans des conditions difficiles mais qui consomment les produits essentiels.
L'élevage des brebis est la principale richesse avec la vente annuelle de leurs produits soit à la boucherie, soit pour la plus grande partie pour faire de l'embouche dans les régions aux pâturages plus riches, soit pour l'exportation en métropole dans les régions de Provence et également la vente de la laine.
On trouve de nombreux moulins à grain dit :à mouture indigène, des fabricants de nattes et paniers en alfa, quelques forgerons, des artisans spécialisés dans la fabrication de bijoux en argent, des cordonniers qui confectionnent des babouches, des chaussures, des botte en filali « belghas » travaillées en cuir tanné localement. Les femmes pratiquent la poterie particulièrement des ustensiles de ménage en terre cuite.
Tout cela n'est qu'une simple production locale.
La population locale commence à consommer du pain aussi trois boulangers se sont installés dans le village ainsi que de nombreux épiciers, pour la plupart des mozabites, ces derniers sont aussi des couturiers installés sur le trottoir avec leur machine à coudre confectionnant des gandouras et des vêtements féminins aux couleurs chatoyantes.
Les cafés maures sont nombreux et très fréquentés, la boisson principale est le café et le thé et maintenant la « gazouze » limonade locale. Les bouchers avec leurs étals archaïques abattent sur le marché, aucun contrôle vétérinaire, il est vrai que les moutons sont sains.
Le marché aux bestiaux principalement moutons, chèvres et chameaux se tient chaque semaine le jeudi et le vendredi. C'est le plus important point de vente de tout le Hodna.
La race des brebis dit «des Ouled Djellal » la plus belle de toute l'Algérie attire les acheteurs venant de toute la région nord du Constantinois et d'ailleurs.
L'adjudication des droits se fait aux enchères et dépasse annuellement la somme d'un million de f., c'est la principale ressource du village de Barika
Les principaux établissements et entreprises de Barika sont
La Commune mixte – la Poste – la Mairie – l'Hôpital civil – la Justice de paix-les Ponts & Chaussées – la Coopérative de céréales avec ses docks silos – la Société indigène de prévoyance – l'Huilerie communale – l'Usine électrique – les Etablissements scolaires – La Société hippique – le Marché aux bestiaux - La Gendarmerie.
M. Atlan Félix est propriétaire du café, restaurant des passagers – M. Nadjar tient un café – également l'hôtel du Sahara. On peut noter l'entreprise du cinéma, celle de transports avec M. Kircher Louis, de nombreux moulins à grains et l'entreprise Truchet et Tansini ( barrage de l'Atouta).
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VOYAGE A TRAVERS L'ALGERIE
Par Georges Robert, 1897
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LA PROVINCE DE CONSTANTINE
Physionomie de la province de Constantine. — Les Aissaoua. — Les Khouans ou confrérie religieuse. — Les Berranis. — Les nègres. -La prière du musulman. - Constantine, son histoire, ses environs. —Description et historique des principales villes : Batna, Bône, Bougie, Djidjelli, Guelma, La Calle, Philippeville, Sétif, Tébessa, etc., etc. — Les gorges du Chabet-el-Akhra et d'El-Kantara. - Histoire de Yusuf. — Légendes arabes, etc., etc. — Principaux itinéraires.
Cette province est celle qui, jusqu'à ce jour-là été la plus favorisée sous le rapport de la colonisation; de nombreuses améliorations y ont été apportées, particulièrement dans le sud, et sa transformation est telle que ceux qui l'ont parcourue, à l'époque de notre occupation (1837), la reconnaîtraient difficilement aujourd'hui.
Plusieurs lignes ferrées sillonnent cette province ; a l'heure actuelle, on peut se rendre d'Alger à Tunis en passant par Constantine, Duvivier, Souk-Ahras et Ghardimaou, et bientôt il sera possible aussi, avec la ligne de pénétration qui s'arrête en ce moment à El-Kantara, d'arriver jusqu'à Biskra, première oasis du Sahara.
C'est à la Société de Batna et du Sud Algérien, ainsi qu'à la Compagnie de l'Oued R'rir, que l'on doit les importants travaux qui ont été exécutés dans le sud de cette province.
Afin de fertiliser cette contrée et de la rendre habitable, non seulement pour les Européens, mais même pour les indigènes, ces sociétés ont creusé de nombreux puits artésiens et ont planté sur ce sol jusqu'alors aride et dénudé, plus de cinquante mille palmiers.
Le littoral de la province de Constantine est particulièrement intéressant au point de vue de l'agriculture et de l'élevage, là, on rencontre un grand nombre de villages peuplés de colons français, parmi lesquels les Alsaciens dominent, et qui ont fait de cette région un des plus beaux pays de notre colonie algérienne.
DESCRIPTION GÉNÉRALE
La province de Constantine, située entre celle d'Oran et la Tunisie, a une superficie d'environ 19,2S3,500 hectares, dont 5,950,000 dans le Tell. Sa longueur du nord au sud (de Philippeville à Ouargla) est de 660 kilomètres, et sa largeur sur le littoral (de l'Oued-Kerouli au cap Roux) est d'environ 460 kilomètres.
Ses principaux massifs montagneux sont :
Le Djebel Amantous (à 1.660 m. d'alt.), le Djebel-el-Gouffi (1.183 m.) et l'Edough (1.004 m.) près du littoral, aux environs de Djidjelli, Collo et Bône.
Le Djebel-Takintouch (1.674 m.), le Takouch (1.870 m.), le Tababort (1.963 m.), le Pic de Tamesguida (1.663 m.) et le Djebel-Oum-Chenak (1.477 m.) sur une ligne plus éloignée de la côte que le massif précédent, mais toujours parallèle au littoral.
Le Djebel-Morissane (1.497 m.) le Maadid (1,848 m.), le Magriz (1.724 m.), le Guergour (1.800 m.), le Djebel-Youcef (1.431 m.), le Djebel-Soubella (1.513 m.) et le Bou-Thaleb (1.408 m.), autour de Sétif.
Le Djebel-Ouach (1.292 m.), le Djebel-Debar (1.049 m.), le Ras-el-Alia (1.290 m.), le Djebel-Mahabouba (1.261 m.) et le Djebel M'Cid (1.408 m.), entre Constantine et la Tunisie.
Le Djebel-Aurès, qui est formé de plusieurs chaînes et qui s'étend entre Batna, Kenchela et les Ziban, a, comme point culminant, le Chellia (2.328 m.).
Entre ces nombreuses montagnes s'étendent les plaines de l'Oued-Sennadja, de Bône, des Kharèzas, des Beni-Urgine, de la Mafrag, de l'Oued-el-Kébir, de la Medjana et de Sétif dans le Tell ; du Hodna sur les Hauts-Plateaux, et d'El-Outaya dans le Sahara.
De nombreuses forêts couvrent une superficie d'environ un million d'hectares dans cette province ; les essences dominantes sont : le chêne-liège, le chêne vert, le chêne-zéen, le pin d'Alep, le pin maritime et le cèdre.
Les forêts les plus importantes sont celles de l'Oued-Okris, d'Akfadou, des Babors, de Guergour, de Dreats, des Beni-Fourhal, du Bou-Thaleb, du Djebel-Bou-Arif, des Aurès, etc.
Les chasseurs trouvent dans ces plaines et dans ces forêts du gibier en abondance ; aussi les lièvres, les lapins et les sangliers ou marcassins sont-ils la nourriture favorite des habitants de ces régions, qui s'en procurent facilement pendant presque toute l'année.
La province de Constantine est celle où on trouve le plus de lions et de panthères ; d'après les statistiques, il y a été abattu, depuis une quinzaine d'années, environ deux cents lions et huit cents panthères, alors qu'on n'a tué que trente lions et quatre cent trente panthères dans celles d'Alger et d'Oran.
Par contre, les hyènes et les chacals sont en plus grand nombre dans ces deux dernières provinces, où, pendant le même laps de temps, on en a tué environ dix-sept cents de la première catégorie et vingt-cinq mille de la seconde, pendant que, dans la province de Constantine, on n'abattait que deux cents hyènes et trois mille chacals.
Les principales rivières qui sillonnent cette province sont :
L'Oued-Sahel qui passe à Aumale, Bouïra et à Beni-Mansour.
L'Oued-Agrioun qui traverse les gorges du Chabet-el-Akhra
L'Oued-Djindjen qui se jette dans la mer, près de Djidjelli.
L'Oued-el-Kébir qui, sous le nom de Rummel, coule au pied du rocher de Constantine et qui, après avoir reçu le Bou-Merzoug, va se jeter dans la mer à 52 kilomètres de Djidjelli.
La Saf-Saf qui passe à El-Arrouch, Gastonville, Saint-Charles, Vallée, etc.
L'Oued- Sanendja qui se jette dans le golfe de Stora.
La Seybouse qui, après un cours de 220 kilomètres, se jette dans la rade de Bône.
La Magraf qui tombe dans la mer au même endroit que la Seybouse.
La Medjerda qui passe près de Souk-Ahras.
L'Oued-Djedi qui, sous le nom d'Oued M'Zi, passe à Laghouat, et l'Oued-Biskra qui passe dans les fameuses gorges d'El-Kantara.
Dans la province de Constantine, les lacs et les chotts sont en plus grand nombre que dans les deux autres provinces ; ceux du grand Hodna, à 50 kilomètres de Bou-Saàda, du petit Hodna et de Melr'ir, à 66 kilomètres nord-ouest et à 70 kilomètres sud de Biskra, sont les principaux, et couvrent à eux trois une superficie de près de 300 hectares. On peut encore citer les chotts M'Zouri et El-Beïda, ainsi que les lacs Fetsara, de la Calle, Ank-Djemel-el-Kébir, El-Guellif, El-Tarf, mais qui n'ont que peu d'importance, relativement aux premiers.
Cette province possède un grand nombre de curiosités, entre autres les gorges du Chabot-El-Akhra, entre Bougie et Sétif ; les cascades du Ranimai, à Constantine ; les Bibans ou Portes de Fer ; et les gorges d'El-Kantara sur la route de Batna à Biskra.
Le climat est à peu près le même que dans les autres provinces ; la température moyenne, sur le littoral, est de 180 sur les hauts-plateaux, elle varie de 4 à 46, la moyenne est de 15° ; dans là région mixte, elle varie de 8 à 38, la .moyenne est de 16 ; enfin, dans le Sahara, la moyenne est de 20 et 22e.
LES KHOUANS
OU CONFRÉRIES RELIGIEUSES
Les différents ordres religieux musulmans ont inspiré beaucoup d'écrivains, et M. Brosselard, le colonel de Nevers et le commandant Rinn, entre autres, ont donné sur les Khouans des détails très intéressants.
M. Piesse, dans son Guide de l'Algérie, résume ainsi les principaux passages de ces ouvrages : « L'idée de nationalité et les notions de patrie font défaut dans la société musulmane ; le seul lien qui solidarise les tribus, c'est le lien religieux; mais là se manifeste l'esprit de division ; ce qui explique les différentes associations, dont les adeptes sont connus sous le nom de khouans. »
Les khouans ou frères sont les membres d'ordres religieux musulmans dont les rites, les règles et les statuts, différents pour chaque ordre, sont essentiellement basés sur le mahométisme,
Les ordres répandus dans le monde musulman sont nombreux. On compte, chez les Algériens, ceux d'Abd-el-Kader-ed-Djilani, de Chadeli, de Moulaï-Taieb, de Sidi Mohammed-ben-Aïssa, de Sidi Mohammed-ben-Abd-er-Rahman, de Sidi Ahmed-Tedjani, de Sidi Youcef-el-Ham-sali, des Derkaouao et de Si-Mohdammed-ben-Ali-es-Senoùsi.
Le fondateur de chacun de ces ordres a reçu en songe, de Mohammed en personne, ses rites, ses règles et ses statuts. Ce fondateur est quelquefois un homme que ses vertus et sa piété ont fait choisir par Dieu pour être r'out, c'est-à-dire l'homme chargé de prendre pour lui les trois quarts des maux de toutes sortes, chutes, blessures, maladies et morts tombées du ciel sur la terre, au nombre de 380,000, pendant le mois de Safar. Le r'out affecté de 285,000 maux n'a tout au plus que quarante jours à vivre, quelquefois moins. Abd-el-Kader-ed-Djilani a été r'out.
Chaque ordre relève d'un khralifa, supérieur général ou grand malte, descendant souvent du marabout fondateur et résidant dans le lieu où l'ordre a pris naissance. Des cheikhs ou mokkadems, directeurs provinciaux, en nombre indéterminé, administrent chacun une circonscription plus ou moins étendue. Le nekil est au cheikh ce que celui-ci est au khralifa. Le cheikh a sous ses ordres d'autres agents secondaires: messager, porte-bannière, chaouch. Le messager ou rekkas est l'intelligent intermédiaire entre le cheikh et le khralifa, que ses instructions soient écrites ou verbales.
Entrer dans un ordre s'appelle recevoir le dikr ; c'est la révélation de la formule, de la courte prière qui distingue l'ordre d'un autre. On dit encore prendre le oueurd (rose) de tel ou tel. « Quelle rose portes-tu? demandera un musulman à un autre. — Celle de Moulaï-Taleb ou de Sidi Ahmed Tidjani, » répondra l'Interpellé. S'il n'appartient à aucun ordre, il dira : « Je suis un pauvre serviteur de Dieu et le prie pieusement. » Le futur frère se prépare à prendre la rose par la prière, le jeûne et l'aumône. Introduit ensuite auprès du cheikh, il lui demande l'initiation, promettant soumission et fidélité à la règle et aux pratiques de l'ordre. L'oraison continue, qui consiste à dire un certain nombre de fois des formules ou des invocations propres à chaque ordre, entretient ou réveille chez les khouans les sentiments d'exaltation religieuse. Négliger l'oraison serait se faire chasser à tout jamais comme un infâme de la corporation.
« Les femmes sont reçues dans les corporations religieuses; elles ont alors pour chefs des femmes et prennent entre elles le nom de sœur, khouata.
Quelques mots sur les fondateurs des associations religieuses :
Abd-el-Kader-ed Djilani vivait au VIème de l'hégire. L'ordre qu'il a fondé à Bar'dad est le plus ancien et le plus populaire de ceux auxquels les Arabes de l'Algérie se sont affiliés ; ses koubbas en Algérie sont innombrables ; ses khouans sont des agents très actifs de la propagande islamique ; ils reçoivent, le cas échéant, le mot d'ordre de Constantinople, car tous les princes musulmans s'honorent d'appartenir à l'ordre de Sidi Abd-eI-Kader.
Tadj-ed-Diff-ech-Chadeli, mort au VIIème de l'hégire, disciple de Ben-Machich et héritier spirituel d'Abou-Median de Tlemcen, a fondé un ordre auquel vinrent plus tard se rattacher ceux des Zianya, des Nacerya, des Kerzazya, de Cheikhya, des Habibya, des Youcefya et des Derdourya, et dont on rencontre quelques adeptes en Algérie.
Moulaï-Taïeb. L'ordre des khouans de Moulaï-Taïeb a été fondé au XIème de l'hégire par Moulaï-ed-Dris, de la famille impériale du Maroc, il y a environ trois cents ans. Les Taïbya ont aujourd'hui pour chef spirituel et grand maître Si Abd-el-Sellem, plus connu sous le nom de chérif d'Ouazzan ; c'est un grand admirateur de la civilisation européenne et un ami de la France. Il a obtenu, en 1884, le titre de protégé français. C'est là un acte d'une haute importance politique et dont les résultats peuvent être considérables.
« Sidi Mohammed-ben-Aïssa vivait, il y a environ quatre cents ans, à Meknès, dans le Maroc. Le sultan Moulaï-Ismaïl, jaloux de l'influence du marabout, en prit de l'ombrage, et l'expulsa de Meknès. Le saint allait, avec sa femme, ses enfants et ses disciples, vers un endroit nommé Hameria, quand un jour on ne rencontra rien qui pût rassasier les voyageurs. Comme les khouans se plaignaient à leur maître : « Mangez du poison, » leur dit ce dernier. Ils se mirent à chercher sous les pierres des serpents et des scorpions qu'ils mangèrent. De là la croyance encore répandue aujourd'hui que les Aïssaoua peuvent manger impunément tout ce qui leur plait et qu'ils jouissent du privilège de guérir toutes les piqûres de bêtes venimeuses. Le sultan essaya de lutter avec le marabout ; mais il dut compter avec lui. Aïssa, protégé par Dieu, resta toujours le plus fort ; on connaît les pratiques étranges auxquelles se livrent les Aïssaoua ; on trouvera plus loin la description de leurs immondes jongleries auxquelles il est facile d'assister sur tous les points de l'Algérie.
« Sidi Mohammed- ben-Abd-er-Rahman-bou-Kobrin est mort au commencement de notre siècle. Après avoir étudié au Caire, il vint plus tard répandre en Algérie les doctrines des soufis, religieux musulmans dont l'institution remonte aux premiers temps de l'islamisme. Après avoir fondé l'ordre des Rahmaniens à Alger, il alla s'établir chez les Beni-Ismaïl, tribu centrale des Guetchtoula, dans le Djurdjura septentrional. Quand il mourut, son corps, dit la légende, se dédoubla, si bien qu'il repose à la fois au Hamma, près d'Alger et chez les Beni-Ismaïl, d'où le surnom de Bou-Kobrin (le père aux deux tombes), qu'on lui donna.
" Sidi Ahmet-Tedjani a fondé son ordre vers la fin du XVIIIème, à Aïn-Madhi, ville du Sahara algérien, qui appartenait à sa famille. Comme l'ordre portait ombrage au gouvernement turc, et plus tard à Abd-el-Kader, Aïn-Madhi fut prise et saccagée pour se relever. II s'est fondé à Temacin, dans l'Oued-R'ir, une zaouia de l'ordre, devenue aussi puissante que celle d'Ain-Madhi. L'ordre professe actuellement que, Dieu ayant donné l'Algérie aux Français, il est permis de vivre avec eux et qu'il ne faut pas les combattre.
« Sidi Youcef el-Hamsali est né, il y a environ deux cents ans, dans la petite ville kabyle de Zamoura, à 20 km N. de Bordj-bou-Areridj. Il a fondé son ordre dans le Djebel Zouaoui, partie O. du Chettâba, près de Constantinople.
L'ordre des Derkaoua a été fondé, il y a une centaine d'années, dans le Maroc, par Sidi Ali-ed-Djemal ; c'est une sorte d'ordre mendiant qui se confond avec la secte d'Ech-Chadeli. Des Derkaoua ont essayé à plusieurs reprises de s'opposer à notre pouvoir : Zerdoud, dans la province de Constantine, et Moustafa-ould-Mahi-ed-Din, frère d'Abd-el-Kader, dans l'Ouarsenis, tous deux tués en 1843.
L'ordre de Sidi Mohammed-ben-Ali-es-Senousi, fondé en 1835, est le plus hostile et le plus dangereux. Son fondateur, de la tribu des Medjâher, né à Mostaganem, quelque temps avant l'occupation française, après avoir parcouru l'Algérie, visité le Cake et la Mecque, devint le successeur du célèbre Ahmed-ben-Edrîs, le plus haut représentant du chadélisme. Nouveau Luther musulman, il poussa le rigorisme à ses limites les plus extrêmes. La confrérie a pris une extension immense en Asie et en Afrique, mais elle n'existe en Algérie qu'à l'état de société secrète ; on connaît cependant le nombre des affiliés qui est de 511. Le chef actuel de l'ordre, fils d'Es-Senoûsî, qui réside à Djerboud, dans le pays de Barca, n'est autre que .Mohammed-el-Madhi qui a dit: « Les Turcs et les chrétiens sont tous d'une même catégorie, je les briserai d'un même coup ! »
Voici comment sont répartis, d'après M. le commandant L. Rhin, les chiffres des différents ordres de khouans en Algérie :
Rahmanya, Abd-er-Rahman-bou-Kobrin 96,916
Tatbya, Mouiat-Taleb 16,045
Kadrya, Abd-el-Kader-ed-Djilani 14,843
Tidjanya,Ahmed•Tedjani 14182
Chadelya, Ech-Chadeli 10,252
Halansya Youcef-el-Hamsali 3,648
Zlanya, branche d'Ech-Chadell 3,403
ATssaoua, Mohammed-ben-Aïssa 7,116
Keraazya, branche d'Ech-Chadell 2,986
Cheikhya, branche d'Ech-Chadell 2,819
Madanya, branche d'Ech-Chadell 1,601
Nacerya, branche d'Ech-Chadell 1,000
Snuossiya, Mohammed-es-Senoust 511
Youcofya, branche d'Ech-Chadell 413
Derdourya, branche d'Ech-Chadell 204
Habibya, branche d'Ech-Chadell 40
TOTAL 1 169,971.
LES AÏSSAOUA
Les Aïssaoua forment une secte religieuse très répandue en Afrique et surtout en Algérie. C'est, parait-il, le marabout Sidi-Aïssa qui, au seizième siècle, fonda cette confrérie, et qui donna à ses fanatiques le privilège d'être insensibles à la souffrance et aux privations.
Les Aïssaoua parcourent l'Algérie en tous sens et vivent du produit des représentations qu'ils donnent particulièrement, pendant le ramadan (carême).
Accompagnés d'une musique composée de tambours et de krakeuls (énormes castagnettes en métal), ces hallucinés commencent d'abord par exécuter une danse désordonnée en poussant des hurlements épouvantables.
Sautant tantôt sur un pied, tantôt sur l'autre, sans quitter leur place, ils augmentent graduellement leur mouvement au fur et à mesure que la musique accélère la cadence et arrivent ainsi à tourner avec une rapidité vertigineuse. Étourdis par le bruit ainsi que par les émanations odorantes répandues dans la salle, les yeux éblouis par les mouvements des danseurs, les spectateurs sont bientôt pris du môme délire et joignent leurs chants à ceux des exécutants. Les femmes poussent leurs you-you, cri perçant, sorte de trille suraigu, qu'elles soutiennent avec une force d'haleine incroyable et une grande justesse d'intonation ; le bruit assourdissant des krakeuls et des tambours augmente encore, s'il est possible ; les pauvres endiablés sentent la folie arriver ; ils ne dansent plus. ils se démènent ; ils ne chantent plus, ils vocifèrent, et bientôt, épuisés, trempés de sueur, ils s'abattent les uns après les autres et restent ainsi anéantis pendant que la musique les chanteurs baissent graduellement la voix de façon à ne plus faire entendre qu'un léger tremolo.
Après ce prologue qui met toute l'assemblée dans un état voisin de la folie, les fanatiques exécutent, à tour de rôle, les différents exercices de leur répertoire, toujours accompagnés de leur musique infernale.
L'un entame un chant triste et, tout en dansant, verse d'abondantes larmes, implorant ainsi la miséricorde de Sidi-Aïssa.
Puis il se livre ensuite à des contorsions désordonnées, jetant violemment la tète en avant et en arrière et paraissant avoir le cou complètement désarticulé.
II continue de la sorte jusqu'à ce que, haletant et brisé, il s'affaisse et tombe, laissant la place à un autre de ces coreligionnaires.
Viennent ensuite les insensibles qui mangent des scorpions vivants, des vipères, avalent des feuilles d'aloès avec leurs épines, et broient du verre avec leurs dents pour l'absorber ensuite.
Puis, c'est le tour des invulnérables, qui jonglent avec des barres de fer rouge ; se les passant de temps à autre sur la langue ; ramassent à terre un morceau de charbon ardent avec leur bouche et le broient avec les dents ; éteignent un brasier avec leurs pieds nus ; marchent sur le tranchant d'un sabre fraîchement effilé, sans seulement s'entamer la peau et enfin à l'aide d'un poignard, font sortir leurs yeux de l'orbite et les rentrent avec leurs doigts.
Ce spectacle ne dure pas plus de deux heures, fort heureusement !
Les nerfs tendus, la respiration oppressée, on en attend impatiemment la fin et l'on en sort affolé, ayant toujours dans les oreilles ce tintamarre infernal et devant les yeux ces horribles exercices et leurs malheureux interprètes.
C'est une curiosité que l'on peut voir une fois, mais alors il faut s'armer de courage et y assister jusqu'au bout, afin de ne plus avoir envie d'y retourner.
LA PRIÈRE
Les mahométans font, dans les vingt-quatre heures, cinq prières : la première, le matin, au lever de l'aurore ; la deuxième, immédiatement après l'heure de midi ; la troisième, dans l'après-midi, à l'heure moyenne entre midi et la tombée du jour ; la quatrième, au moment où le soleil se couche ; la cinquième, le soir à la nuit close.
L'attitude y joue un grand rôle.
On évite, pour la prière, d'avoir des habits somptueux et des bijoux. Les femmes ne prient point publiquement avec les hommes, mais chez elles ou bien à la mosquée quand ceux-ci n'y sont pas.
Ce sont les muezzins qui avertissent les fidèles en criant du haut des minarets des mosquées ; chaque musulman fait alors ses ablutions et se rend à la mosquée ou, s'il est dehors, se tourne vers la Mecque.
Cette purification corporelle par les ablutions précède toujours la prière ; elle en est le prologue obligatoire. Cette coutume a évidemment été empruntée par le prophète aux juifs de l'Arabie.
En voyage, il est permis de remplacer l'eau par du « sable fin et pur ». La main ouverte ayant touché la terre fait sur le corps la même opération que si elle contenait de l'eau.
Le croyant, avant de commencer sa prière, étend un tapis ou un vêtement, se place dessus en se tenant debout, la figure tournée vers la Mecque ; il répète le istig far (demande de pardon) ; puis, haussant les deux mains, il porte le pouce sur la partie inférieure de l'oreille et récite l'oraison préliminaire appelée tekbir (Allah Akbar). Passant au fatilrab, il récite trois versets ou ayat de cette oraison qui est le premier chapitre du Coran, en posant les deux mains au-dessous de la ceinture, la main droite toujours sur la main gauche et les yeux baissés vers la terre.
Pour réciter le tekbir, puis le teshihk, il incline profondément le corps en posant les mains sur les genoux.
Il se redresse en reprenant la position du fatilrab qu'il garde un instant. Alors succède une prosternation pendant laquelle on répète le tekbir et trois fois le tesbihk ; la face est contre terre ; les doigts des pieds, ceux de la main, à plat, serrés, le bout du nez touchant le sol.
Relevé, il reste un instant assis sur ses genoux, les mains posées sur les cuisses, les doigts séparés et il répète le tekbir.
Enfin, après une dernière prosternation, la cérémonie se 'termine par une salutation à droite et à gauche, que le croyant, restant agenouillé, adresse aux deux anges gardiens supposés toujours à ses côtés, l'un pour l'exciter au bien, l'autre pour le charger du mal qu'il pourrait commettre. — (Racinet.)
LES BERRANIS
Les Biskris, les Kabyles, les M'zitis, les nègres, les M'zabites, les Lar'ouatis, ainsi que les Tunisiens et les Marocains, qui sont répandus dans le Tell, soit comme commerçants, soit comme ouvriers, sont compris sous la dénomination générale de Berranis ; en un mot, ce sont les individus qui, par leur origine ou leurs races, sont étrangers aux gens et au pays au milieu desquels ils. vivent.
Les Biskris se trouvent surtout dans les grandes villes; ils sont originaires de Biskra, et vont ainsi, loin de leur pays, exercer les professions do porteur d'eau, commissionnaire, etc., jusqu'à ce que, jugeant leurs économies suffisantes pour acheter un coin de terre et quelques palmiers, ils s'en retournent chez eux.
Les Kabyles quittent leurs montagnes à l'époque des récoltes, et s'engagent chez les cultivateurs pour faire la moisson ; on en rencontre aussi beaucoup parmi les manœuvres, les maçons, les terrassiers, les boulangers et les bijoutiers ambulants. — Les M'zitis, Kabyles des environs de Bordj-bou-Areridj, sont surtout connus comme marchands de blé ; on en trouve quelques-uns employés dans les bains maures, où ils exercent la profession de masseur.
Les Mzabites viennent du M'zab, dont Ghardaïa est la ville principale; ce sont des gens essentiellement commerçants ; aussi les voit-on, dans toute l'Algérie et particulièrement dans le Tell, tenir des petites boutiques d'épicier, de fruitier, de marchand de charbon, etc., etc.
Par leur costume, ils sont faciles à reconnaître : ils portent, comme les Arabes, le haïk entourant le visage, mais chez eux la coiffure est rejetée en arrière, le front est découvert et souvent, par suite de l'habitude contractée dans leur pays, le menton et la bouche sont cachés.
La gandoura ou grande chemise blanche sans manches fait aussi partie de leur accoutrement, mais ils la remplacent souvent par un vêtement plus court, en laine de différentes nuances et composé d'une quantité de petites pièces formant des dessins, quelquefois très curieux.
Les nègres, qui viennent de nos possessions du Sud, où la plupart d'entre eux ont été amenés par les caravanes du Soudan, forment une population laborieuse.
Jusqu'en 1882, époque de l'annexion du M'zab à la France, les nègres subissaient encore les rigueurs de l'esclavage ; leur émancipation, dans cette région désormais soumise à nos armes, fut décrétée le 1er novembre de la même année, et ces malheureux qui, jusque-là, étaient considérés comme de véritables bêtes de somme, purent enfin jouir des prérogatives de l'homme libre et choisir leur métier et leur maître.
Les nègres sont marchands de chaux, blanchisseurs de maisons, fabricants de sparterie, manœuvres, portefaix, etc., beaucoup d'entre eux appartiennent à nos régiments de tirailleurs et de spahis, où ils se font remarquer par leur intelligence et leur bonne volonté.
Les négresses sont les bonnes d'enfant du pays ; tout Arabe aisé possède une négresse comme servante, quelquefois même comme femme. Beaucoup d'entre elles sont aussi marchandes de petits pains arabes et s'installent à cet effet aux environs des marchés, des fondouk (hôtellerie) et près des endroits fréquentés par les indigènes.
Les Lar'ouatis, qui viennent de Laghouat, sont mesureurs et porteurs d'huile ; leurs costumes graissés ainsi que l'odeur qui s'en dégage indiquent suffisamment à quelle profession ils appartiennent.
Les Marocains et les Tunisiens se trouvent en assez grand nombre en Algérie ; ils exercent les métiers de charbonnier et de manœuvre.
LA CHASSE AUX LIONS
La chasse aux lions et aux panthères est une des plus rudes que l'on puisse faire, moins à cause des dangers à courir que par les difficultés que l'on éprouve pour aborder ces fauves. Même dans les localités qu'ils fréquentent, les montagnes du Djurdjura par exemple, les lions et les panthères, quoi qu'on en dise, deviennent de plus en plus rares.
L'époque des grandes chasses où se sont illustrés Jules Gérard, le général Margueritte et tant d'autres, est déjà bien éloignée, et il est certain qu'aujourd'hui, ces hardis chasseurs auraient beaucoup de peine à renouveler leurs prouesses.
Les quelques fauves qui restent maintenant pourraient facilement vivre inaperçus s'ils ne prenaient à tâche de révéler, de temps à autre, leur présence par leurs déprédations.
C'est surtout l'hiver que l'on entend parler d'eux ; la neige n'a pas plutôt fait son apparition qu'ils se mettent en campagne, ne cherchant même pas à se, dissimuler, et exécutent alors quelques razzias dans les troupeaux des environs.
Le lion rend la vie très dure aux gens dans le voisinage desquels il se cantonne, et, selon l'expression arabe, il leur enlève le sommeil des yeux. Il est vrai qu'il n'attaque pas toujours, mais par l'appréhension qu'il donne de sa visite et ses rugissements, il maintient les douars à deux ou trois lieues à la ronde dans un état d'anxiété fort pénible ; les hommes veillent toute la nuit en poussant de minute en minute des cris perçants et en jetant en l'air des tisons enflammés, quand les chiens, par leurs aboiements furibonds, annoncent l'approche du lion.
On ne se figure pas le trouble et la con-fusion qu'amène l'apparition de cet animal au milieu d'un douar. Le général Margueritte, dans son ouvrage sur les chasses de l'Algérie, raconte ainsi une scène de ce genre à laquelle il assista, une nuit que, s'étant attardé à la chasse, il couchait chez les Matmatas :
Je m'étais profondément endormi après avoir fait honneur au souper que les pauvres gens chez lesquels j'avais demandé l'hospitalité m'avaient offert.
Tout sommeillait dans le douar, lorsque le lion, sans avoir été comme d'habitude annoncé par les chiens, bondit en rugissant au milieu des tentes.
A cette subite agression, à cette voix puissante, répondit un immense cri d'angoisse de tout ce qui vivait dans le douar.
Un irrésistible mouvement d'effroi s'empara des gens et des bêtes : chevaux, bœufs, moutons, chiens, se ruèrent dans les tentes pour y chercher un refuge et foulèrent aux pieds, hommes, femmes et enfants.
Pendant un bon moment, ce fut un pèle-mêle tourbillonnant duquel sortaient des cris, des pleurs, des lamentations, renforcés de bêlements et d'aboiements à rendre sourd pour la vie.
Le lion n'avait mis que quelques secondes pour commettre son larcin et s'élancer avec sa brebis en dehors du douar, mais l'émoi qu'il avait causé dura jusqu'au jour.
Ce qu'il y a de plus bizarre, c'est que ce furent les femmes qui les premières, se dégageant de la mêlée, se mirent à poursuivre le lion pour lui reprendre sa proie.
Il en est souvent ainsi chez les Arabes, notamment chez les Matmatas, qui croient que le lion ne fait aucun mal à la femme. Trois ou quatre des plus ingambes s'armèrent à la hâte de tisons encore embrasés et coururent sur les traces du ravisseur en lui criant :
O trahisseur des musulmans, tu te couvres de honte en prenant le bien des femmes et des orphelins. Laisse-nous notre brebis, pour l'amour de Dieu... va dérober chez les puissants; les sultans ne font la guerre qu'aux sultans.
Le lion ne se laissa pas séduire par ce discours, comme les Arabes prétendent que cela lui arrive quelquefois ; il avait sans doute trop faim pour le quart d'heure, il emporta bel et bien la brebis, et s'en fut la croquer à son aise dans le bois; les femmes revinrent exaspérées de leur insuccès.
Les quelques passages qui suivent, relatifs à une chasse aux lions, sont extraits du même ouvrage, et nous laissons ainsi la parole au général Margueritte :
El-Mokhtar (le guide), après nous avoir fait exécuter un circuit pour donner moins d'éveil, nous conduisit sur le sommet de Kef-el-R'orab.
Ce rocher surplombait à pic, d'une hauteur de plus de 15 mètres, le fourré dans lequel était le lion ; mais le bois en était si dru que malgré l'élévation et notre vue plongeante, nous ne pouvions rien découvrir.
A mesure que nous arrivions sur le rocher, nous nous placions les uns à côté des autres, sur un rang, les fusils armés et prêts à mettre en joue.
Les deux tiers de notre troupe avaient déjà pris place de cette manière et sans faire de bruit, lorsqu'un des derniers Arabes, en marchant sur la partie déclive du rocher, glissa en arrière en laissant échapper son fusil, qui rendit sur la pierre un son de ferraille.
A ce moment, le lion, qui sans doute nous voyait agir depuis quelques instants et n'attendait qu'un prétexte pour se révéler, répondit à ce bruit, qu'il prit pour le commencement des hostilités, par un rugissement formidable qui nous donna la chaire de poule ! En même temps, il s'élança vers nous du milieu du fourré, en couchant sous son élan de jeunes chênes de la grosseur du bras, comme s'ils n'eussent été que des roseaux.
Bien nous prit, et nous ne fûmes pas longtemps à le reconnaître, d'être placés assez haut pour que, de ses premiers bonds, il ne pût nous atteindre.
Il nous aurait certes fait un mauvais parti, malgré quelques balles qu'il reçut d'une décharge presque générale, mais qui n'eurent d'autre effet que de le rendre furieux !
La hauteur de notre rocher était trop grande pour qu'il parvînt à la franchir; il le tenta néanmoins à plusieurs reprises par des sauts prodigieux, en poussant des rugissements qui agaçaient nos nerfs et vibraient fortement en nous.
J'avais réservé mon feu ainsi que El-Mokhtar, ce qui nous permit, après les efforts que ce fier animal fit pour arriver jusqu'à nous, de le bien viser et de le tirer au bas de l'escarpement, dans un moment où il s'apprêtait à un nouvel assaut.
La balle d'El-Mokhtar lui entra par le poitrail, longea les côtes sous l'épaule droite et sortit par le flanc, ne lui faisant ainsi qu'un séton. La mienne, qui avait été tirée au front, n'eut pas cette destination, par suite d'un de ses brusques mouvements de tète ; elle pénétra dans la gueule, cassa une grosse dent du bas et sortit par la joue en entamant la mâchoire inférieure.
Ces deux nouvelles blessures portèrent au comble son exaspération ; de sa queue qui sifflait dans l'air, il se battait les flancs avec rage, ses pattes de devant arrachaient des racines d'arbres et des pierres qu'elles faisaient voler en arrière comme lancées par une fronde.
Ce moment d'action n'avait pas encore duré deux minutes, lorsque, voyant qu'il ne pouvait nous joindre, le lion sembla prendre un parti et se mit à fuir vers notre droite, afin de nous tourner.
Sur le conseil d'El-Mokhtar, nous fîmes choix à la hâte des chênes les plus rapprochés pour y monter, et à peine étions-nous juchés sur ces arbres, dont la plupart, peu élevés, ployaient sous notre poids, que nous le vîmes apparaître nous cherchant des yeux.
Il était effrayant d'aspect : sa gueule, à chaque contraction, lançait une écume sanglante ; ses yeux injectés semblaient jeter des lueurs rouges; sa longue crinière noire, hérissée et rabattue sur son front, la faisait paraître énorme... Sa queue, fouettant autour de lui, abattait les branches des arbres.
C'était un des plus grands lions que l'on ait jamais vus, et, dans l'action, il nous parut démesurément long et haut.
Il aurait pu nous cueillir sur nos arbres comme des pommes mores, s'il l'eût voulu.
Rien qu'en se dressant sur ses pattes de derrière, il pouvait atteindre le plus haut perché d'entre nous, mais le lion ne grimpe pas comme la panthère.
Il se contenta de courir d'un arbre à l'autre dans la direction des coups de fusil et des cris qui les accompagnaient.
Nous avions fini par nous griser au bruit de la poudre et aux rugissements de notre brave adversaire ; c'était à qui l'interpellerait le plus fort et Dieu sait comment, surtout quand il allait vers un arbre qui recelait un des nôtres ; les cris redoublaient afin d'attirer ailleurs son attention.
Le combat dura ainsi pendant un quart d'heure, tirant sur le lion quand nous l'apercevions à découvert, entre les arbres ; lui, courant dans toutes les directions vers les appels et les coups de fusil, qui de moment en moment lui causaient de nouvelles blessures
Enfin, s'étant une fois plus rapproché de moi en me prêtant le flanc gauche, je lui tirai ma troisième balle qui l'atteignit au cœur. Il s'affaissa sous ce coup, qui fut salué des plus brillantes acclamations !
Le croyant mort, nous descendîmes de nos arbres pour aller le contempler de près sans attendre, comme nous disait El-Mokhtar, que son sang se fut refroidi.
A peine avions-nous fait quelques pas vers lui, que, dans un suprême effort de sa violente agonie, il se releva sur ses pattes et fit deux ou trois pas comme pour s'élancer sur nous.
Nouvelle émotion, comme bien on pense, mais c'était là son dernier effort ; il retomba presque aussitôt, en exhalant sa vie dans un dernier et sourd gémissement.
« Il avait reçu dix-sept balles ! »
A SUIVRE
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Charles Landelle, portraitiste, hors pair
Pieds-Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N"206 - Juillet-Août 2O12
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Né d'une famille modeste, il épouse en 1857 Alice Letronne, fille du peintre officiel garde général Jean-Antoine Letronne qui sauva les Archives nationales en 1848. De cette union, naîtront deux fils, Georges et Paul, décédés tous du vivant de leur père.
Peintre officiel
La carrière de ce fils d'employé de la préfecture de Laval est le type même de celle du peintre officiel du XIXe siècle, de celui qui veut réussir. En 1827, il suit son père à Paris. Il ne reviendra dans sa ville natale qu'à la fin de sa vie.
Au départ, un talent et un métier très solide appris à l'école des Beaux-arts de Paris (à partir de 1837). Et tout de suite, le souci constant de recevoir honneurs et récompenses. Ses portraits et ses grands tableaux religieux connaissent un succès immédiat. Dès l'âge de 20 ans, il expose son premier tableau, un autoportrait. Il est remarqué par Louis-Philippe au salon de 1841 et aussitôt médaillé et encensé par la critique. Napoléon IIl, qui I'admire beaucoup, lui achète pour les offrir à la ville de Laval, les deux toiles des « Béatitudes » (1852). À 34 ans, I'Empereur le décore de la légion d'honneur pour « Le repos de la Vierge » qu'il acquiert personnellement.
C'est la consécration et la fortune. II est le portraitiste talentueux de la haute société (célèbre portrait de Musset).
Les musées, les églises (Saint-Sulpice, Saint-Germain-l'Auxerrois), les bâtiments publics, les palais nationaux (l'Élysée) s'ornent de ses grandes compositions. En 1848, la Mairie de Paris lui achète Sainte-Cécile toujours en place en l'église Saint-Nicolas-des-Champs.
En 1859, il réalise suite à une commande de I'empereur la décoration d'un salon du palais de l'Élysée, celui des aides de camps. Six dessus de portes représentant les quatre éléments (l'eau, le feu, l'air et la terre) et une allégorie de la paix et de la guerre. Il peignait beaucoup très vite, trop vite. Il a dû réaliser 2000 à 3000 tableaux avec les répliques, mêmes tableaux refaits à des dimensions différentes (l'un d'eux sera refait 23 fois).
Peintre officielLe succès
Très rapidement, Landelle oscille entre une création témoignant d'un talent indéniable et d'une tendance à plaire, à se laisser aller à la facilité ou à suivre les modes, comme l'orientalisme. Il devient un portraitiste à succès.
Portrait de Mounet-Sully", Musée de Fécamp. Ses voyages en Afrique du Nord et au Moyen-Orient vers l'âge de 45 ans sont cependant I'occasion d'œuvres souvent très réussies. Son premier voyage au Maroc date de 1866, mais le peintre exerce peu son art et préfère faire partie de la délégation officielle.
C'est en I866 qu'il réalise Femme fellah qui lui vaut le surnom de peintre des fellahs, œuvre achetée par l'empereur sur sa cassette personnelle mais qui est détruite dans m’incendie du château de Saint-Cloud en 1870. Une réplique, exécutée par Charles Landelle, se trouve actuellement au musée du Vieux Château de Laval.
En 1875, il est en Égypte, et descend le Nil avec l'explorateur Mariette. Chaque année, il va en Orient ou en Algérie et rapporte des tableaux. À la fin de sa vie, Charles Landelle encouragea la réalisation à Laval d'un musée de peinture qu'il inaugura en 1895, au faîte de sa gloire, aux côtés du président de la République : c'est l'actuel musée des Sciences. Il meurt sans histoire, et sans descendance en 1908 à Paris. À sa mort, il possède des propriétés foncières, des villas, un hôtel à Paris. Le tout avec du beau mobilier, et des tapisseries.
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ANNALES NOUVELLES
N° 4, 1842
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Hippone et ses environs
Dans un précis historique sur la ville d'Hippone, honoré d'une mention par l'Académie des inscriptions et belles-lettres M. Carette capitaine du génie en Afrique, a présenté avec talent le tableau d'Hippone, cette ville célèbre dont il reste à peine quelques débris.
Située au fond d'un golfe, sur les bords d'un fleuve qui servait de refuge aux vaisseaux, assise sur un sol fertile, elle était devenue au commencement de l'ère chrétienne un centre de commerce et de civilisation. Cependant un obstacle puissant avait semblé dès l'origine devoir s'opposer à l'agrandissement de la ville. La nature avait refusé à Hippone l'eau de ses réservoirs souterrains, et le voisinage de la mer rendait insalubre celle de l’Ubus.
Mais la magnificence romaine y avait largement pourvu ; des flancs du Pappus s'élançait un aqueduc ; il traversait deux vallées et une rivière sur des arches, perçait deux collines, et rapportait ainsi a la ville l'eau pure des montagnes.
Une haute et épaisse muraille, flanquée de tours rondes, enceignait la double colline au levant elle bordait l'Ubus, dont elle était séparée par un quai construit en blocs de marbre de l'Hippo-Promontorium c'est là que venaient s'amarrer les galères mouillées dans le fleuve ; au nord, la muraille bordait l'Armua, dont l'embouchure était voisine de celle de l'Ubus ; puis elle se repliait, marchait du nord au midi, passait derrière les deux mamelons, et venait rejoindre par un nouveau retour le quai de l'Ubus.
Sur le sommet de la plus haute des deux collines s'élevait un palais ; c'était la résidence des rois de Numidie, quand ils venaient visiter Hippone, et ils la visitaient souvent car, charmée sans doute par la beauté du site, ils paraissaient en préférer le séjour à celui de Cirta, quoique celle-ci fut la capitale. Aussi l'appelait-on Hippo-Regius.
Au levant et à mi-côte, un édifice de forme quadrangulaire attirait les regards ; il venait d'être achevé et il avait encore la fraîcheur et l'éclat d'une construction neuve.
C'était une fondation de la charité on la devait à l'évêque Aurelius Augustinus, dont le nom était déjà vénéré. L'édifice reposait sur sept rangs de larges voûtes, vastes réservoirs destinés à recueillir les eaux pluviales, pour suppléer à celles de l'aqueduc, s'il venait à être rompu dans un temps de désordres.
Au pied du coteau, l'Ubus déployait son cours on le voyait monter du nord au midi, puis se replier vers le couchant, puis disparaître comme un filet noir au milieu de la nappe d'or dont la culture couvrait les plaines ; au-delà s'étendait le golfe, vaste croissant dont on dominait toute l'étendue c'était d'abord une grève aux contours réguliers mais plus loin le rivage changeait de forme.
A droite, il s'escarpait en dunes de sables, sur lesquelles se dessinait, comme une large déchirure, l'embouchure du Rubricatus : puis, au-delà, la vue se perdait sur la mer. A gauche et à 2 milles environ (le mille romain vaut 1481 mètres), la côte commençait à se hérisser de falaises. C'est là qu'était assise la petite ville d'Aphrodisium les navires de haut bord venaient d'habitude y jeter l'ancre ; et comme pendant la belle saison la passe de l'Ubus était plus étroite et plus difficile, beaucoup de vaisseaux préféraient le mouillage d'Aphrodisium. Aussi cette ville avait-elle acquis de l'importance ; à ses pieds, un quai de débarquement avait été conquis sur la mer, et sur la crête des falaises on avait élevé un temple à Vénus.
Vers le nord, l'horizon était borné à une distance rapprochée par la chaîne du Pappua des bois séculaires, des arbres à fruits de toute espèce, quelques champs cultivés, des prairies, des rochers arides nuançaient de teintes diverses ce vaste rideau, et dentelaient de mille manières la crête de la montagne, qui se détachait en noir sur un ciel pur.
Vers l'orient, la crête s'abaissait par de grands ressauts jusqu'à l'Hippo-Promontorium, où elle se plongeait dans la mer. Ce cap était surmonté de deux édifices dont on ne distinguait pas bien la nature, à cause de l'éloignement, mais qui paraissaient être des temples.
A l'occident et au midi s'étendaient de vastes plaines ; elles étaient couvertes de riches moissons ; c'était le grenier où s'approvisionnait l'Italie.
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ABANDONS
De Jacques Grieu
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Celui qui « met les pouces », devrait bien se méfier :
Car trop vite lâcher, souvent, c’est tout gâcher.
Avant d’abandonner, il faut tout essayer
Pour découvrir alors qu’il faut persévérer.
Admirer, c’est un peu, un abandon de soi ;
Tout l’inverse d’envier, revendiquant son moi.
L’abandon, dans le fond, n’est autre qu’un refus ;
Mais un refus léger, anesthésié, diffus.
On n’est pas achevé, lorsqu’on est un vaincu ;
C’est quand on abandonne, qu’alors, rien ne va plus.
Les plus fous de nos rêves, il faut s’y accrocher.
C’est quand on les méprise qu’on dit s’abandonner…
A l’ombre des promesses et des serments trahis,
C’est pourtant d’abandon dont on a seule envie.
C’est là qu’il faut trouver la lueur qui persiste
Qui fera qu’à la fin certains rêves résistent.
La joie qu’on a conquise en luttant pied à pied
Et en ayant vaincu l’idée d’abandonner,
Est celle du grimpeur à pied jusqu'au sommet,
Sans le téléphérique tentant mais refusé.
Il est de rares cas où l’abandon d’un tiers
Est mieux que sa présence odieuse ou trop amère.
L’abandon devient là un vrai sauve-qui-peut
Où c’est l’abandonné le piteux, le fâcheux.
L’intelligence est libre et on s’y abandonne.
Ses idées vont et viennent qui hésitent et tâtonnent
Comme de branche en branche le singe les saisit,
On les lâche, on les prend, l’horizon s’agrandit…
Un abandon de poste est un délit puni,
Et parfois un vrai crime en face d’ennemis.
Celui de sa famille est devenu courant
Et est moins réprimé depuis un certain temps.
L’abandon, bien souvent, est un mal contagieux
Qui, insidieusement, entraîne les peureux.
Voir baisser trop les bras, cela nous impressionne :
On abandonne tous, celui qui s’abandonne…
Jacques Grieu
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MON PANTHÉON DE L'ALGÉRIE FRANÇAISE DE M. Roger BRASIER
Créateur du Musée de l'Algérie Française
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A SUIVRE
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HISTOIRE
PAR MANUEL GOMEZ
Envoi de M. Georges
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N’en déplaise aux historiens faussaires, c’est la France qui a mis fin aux barbaresques
Certains « historiens » officiels voudraient nous faire croire que si ce territoire, qui ne s’appelait pas encore l’Algérie, a été conquis en 1832, ce serait parce que le 30 avril 1827, donc trois ans plus tôt, le Dey d’Alger (à l’époque El Djezaïr) avait souffleté, avec son éventail, le consul de France Duval.
Bien entendu cela est un faux prétexte. Il y aurait certainement eu, à l’époque, un Emmanuel Macron pour s’excuser et promettre de faire repentance durant un siècle.
Non, la raison véritable fut de mettre fin à la piraterie barbaresque en mer Méditerranée. Aux razzias incessantes sur toutes les côtes des pays voisins, de l’Espagne jusqu’à l’Italie et, notamment, l’île de Minorque et sa capitale, son port Mahon, dont l’une des artères principales, qui descend jusqu’au port, a longtemps était baptisée « Calle de la Sangré » (Rue du Sang) car les pirates arabo-turques y avaient décapité des centaines d’habitants.
Ce que l’on sait moins, mais il n’est jamais trop tard pour apprendre, c’est que les pirates barbaresques avaient poussé leurs incursions bien au-delà de la Méditerranée et cela jusqu’aux îles Britanniques et même jusqu’aux côtes du Danemark, de la Norvège et aussi de l’Islande.
Trois navires pirates turcs se sont rendus jusqu’en Islande, en 1627, et, après des razzias, massacres, viols et vols, ont emporté environ 400 Islandais, femmes et hommes, qui seront vendus comme esclaves sur la « Place du marché » d’Alger, dès leur arrivée.
Nous l’avons appris, grâce à l’enquête de l’auteure islandaise Guoriour Simonardottir : en l’an 1636, le représentant du roi du Danemark avait dû payer les rançons, après de longs marchandages, pour parvenir à libérer et faire rapatrier vers leur pays d’origine, 28 femmes islandaises et 22 hommes danois, norvégiens et islandais.
La facture payée pour ces rançons nous indique :
– le 9 juin 1636, Ornia Jondochter, 100 riksdals plus 60 pour le voyage, soit 160 riksdals ;
– le 11 juin 1636, Abdraham Molet, 215 riksdals plus 63 pour le voyage, soit 278 riksdals ;
– le 12 juin 1636, Gudridur Simonsdochter, 180 riksdals plus 62 pour le voyage, soit 242 riksdals.
Il est impossible de convertir ces sommes en « riksdals » en « euros » actuels mais il est indiqué dans les commentaires que ce furent des sommes « assez élevées ».
Donc, après six années d’esclavage dans la région d’Alger, et comme cette pratique se reproduisait chaque année, soit par les représentants des rois de divers pays européens, soit par les chevaliers de Malte, les esclaves pouvaient être « revendus » à leurs pays d’origine grâce aux paiements de rançons et avec un bénéfice important pour leurs propriétaires.
Il est intéressant de noter que, à l’époque donc de l’occupation ottomane de toute cette côte méditerranéenne du Maghreb, il existait tout de même à Alger, la capitale, lors du XVIIe siècle, une église dont les prêtres étaient autorisés à exercer leur culte catholique et à recevoir à deux dates principales, Pâques et Noël, certains esclaves de religion catholique qui, après plusieurs années d’esclavage et ayant acquis la confiance de leurs maîtres, pouvaient s’y rendre, accompagnés et surveillés par un garde.
Les enfants de ces captives étaient convertis dès leur plus jeune âge et détachés de leurs mères, ou de leurs pères, quand ils en avaient un officiellement, donc il n’était pas question de pouvoir les récupérer.
Quelques femmes esclaves se convertissaient également, soit pour s’assurer une vie dans de meilleures conditions, soit par mariage.
Près de quatre siècles plus tard, les chrétiens, ce qu’il en reste, des pays ottomans (la Turquie) et du Maghreb, n’ont ni le droit, ni l’endroit, pour se recueillir (quand ils ne sont pas massacrés) et l’on peut affirmer que les frères Barberousse étaient bien plus tolérants que l’actuel dictateur turc Erdogan qui, sans la moindre protestation du pape actuel, soi-disant défenseur de la chrétienté, transforme ses églises en mosquées, notamment la plus illustre « Sainte-Sophie ».
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PHOTOS du LAC TONGA
Groupe Amis des voyages
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Galettes de poulet
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N°207 - novembre 2012
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Préparation :10 min : Cuisson : 10 min ; Pour 4 Personne(s)
Ingrédients :
2 blancs de poulet,
chapelure,
2 oeufs,
2 gousses d'ail,
gingembre, cumin,
coriandre, persil,
un morceau de pain.
Préparation :
Hacher le poulet avec le pain, l'ail, persil, coriandre, les épices.
Former des petites galettes, faire passer dans l'oeuf puis la chapelure.
Faire chauffer l'huile, et frire les galettes de poulet
et servir avec une salade verte.
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L'HABITUÉ
Tirailleur Algérien N°511 du 4 novembre 1900
Source Gallica
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Quel que soit l'établissement, café luxueux, boui-boui, grande brasserie ou boite à femmes, on est sur d'y rencontrer l'habitué. Il est quelconque, vieux généralement, de figure et de mœurs variables suivant la table où il s'assoit, mais ponctuel toujours, maniaque, exact, réglant les horloges.
D'où vient-il ? Où va-t-il ? Quel est-il ? On l'ignore, on ne l'a jamais su, on ne le saura jamais J'en connais un qui, depuis trente ans, va boire sa chope sur le coup de 4 heures en une brasserie.
Un soir, j'allai l'y demander. Pas un garçon, même le plus vieux dans la maison, ne put m'indiquer cet antique client que je lui nommai et dont le nom lui était complètement inconnu.
A 4 heures précises, il entrait, s'asseyait à une table, toujours la même. Et sans qu'il eu besoin de commander, on lui servait sa chope et le journal du soir. Et c'était chaque jour la même chose, sauf le dimanche où l'habitué n'apparaissait pas, peut-être par crainte de voir sa table occupée par d'autres buveurs.
L'habitué est silencieux, rêveur, quelque peu misanthrope, et furieusement philosophe, Il faut qu'il soit philosophe pour arriver, A cette exactitude minutieuse qui le caractérise. Quelque temps qu'il fasse, quoi qu'il fasse, quoi qu'il arrive, l'habitué s'assoit à sa place marquée, à l'heure voulue. La pluie, le vent, la neige, les émeutes, les tremblements de terre, la guerre civile, rien ne l'arrête.
Hier il était en chapeau de paille, en costume clair, avec une cravate de couleur : aujourd'hui, sa tenue et sévère, sa cravate noire, il porte une redingote et son haut, de forme se brunit d'un large crêpe de deuil; il a perdu sa femme, son fils peut-être, quelqu'un est mort dans sa famille, il en est attristé, mais il est venu s'installer quand même devant l'absinthe accoutumée, Une puissance ignorée l'a poussé une force supérieure contre laquelle il ne peut lutter, une vieille habitude dont il est l’esclave maintenant, l'esclave soumis et dompté.
Il en souffre peut-être ? mais qu'y faire !
On ne peut revenir en arrière il lui faudrait trop combattre pour perdre ses vieilles manies ; et puis, à quoi bon ? Cela ne fait tort à personne, et lui c'est sa vie.
Aussi quelle mine piteuse, ou quels yeux furibonds suivant le tempérament lorsqu'il advient que t'habitué trouve sa table prise, il s'installe à côté, faute de mieux, mais il ne peut tenir en place ; il est gêné, quelque chose lui manque, l'absinthe lui paraît fade, le cigare infect et le journal idiot. Les garçons n'ont qu'à bien se tenir ; oh ! ils seraient bien sûrs de ne pas avoir d'étrennes, les garçons, si le bonhomme n'avait accoutumé de leur donner tant de pourboire, et maintenant, le voulut-il, qu'il ne pourrait sortir sans leur donner leur étrenne ordinaire.
Fatalement, il arrive aussi dans la vie de l'habitué qu'un beau jour il trouve son café fermé : cause de décès, de faillite, ou d'émeute, que sais-je, moi! Peu lui importe d'ailleurs la cause : son café est fermé, c'est ce qu'il voit seulement.
Il arrive, et soudain, au lieu de la claire tache que faisait jadis le café avec sa tente bariolée, ses glaces miroitantes, sa terrasse pleine ne petites femmes en joyeuses robes, voici qu'il voit les volets sombres, lugubres, plus sinistres encore par le petit papier blanc collé tout au milieu et cela lui crève le cœur. Plus que la mort d'un des siens, ce décès d'un étranger lui cause un malaise indescriptible, il s'en retourne, ahuri, flanochant, d'ici, de là, sans but, sans pensée, jusqu'à l’heure où il doit rentrer, et sa mauvaise humeur s'accroît de tout ce qu'il rencontre, des enfants qui s'amusent, des femmes qui rient, des hommes qui passent, du soleil qui brille là-haut, aussi clair, aussi chaud, aussi gai qu'hier, comme si rien d'extraordinaire ne venait de se passer.
Si c'est pour cause de faillite que le café est fermé, s'il ne doit plus se rouvrir, l'habitué en devient malade, le reste de sa vie est gâché, empoisonné : il en mourra un jour ou l'antre.
Mais cette fin d’habitué est peu commune, car les cafés font rarement faillite. En général, l'habitué meurt dans son lit de vieillesse, d'une attaque d'apoplexie si c'est un buveur de bière, de delirium s'il s'est adonné à l'absinthe. Un beau soir, la table reste vide ou l'habitué s'asseyait depuis vingt-cinq ans ; les garçons s'en étonnent, on en parle toute la soirée ; il ne réparait pas le lendemain ni le jour suivant : l'habitué est mort ; encore quelques semaines où l'on se souvient de lui, puis un autre habitué vient s'installer à sa place et la vie reprend sa monotonie.
Ainsi va le monde.
R. D.
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MINCEURS
De Jacques Grieu
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« Ah ! Et puis, mince, alors ! » : La belle exclamation !
On peut se demander d’où sort cette expression.
Certains esprits retords y voient un euphémisme
Pour camoufler un « merde ! » aux relents de snobisme.
Tous deux ont bien cinq lettres et commencent par « M » :
Ce n’est pas par hasard si leur ton est le même.
Le « zut ! » sonne moins bien qu’un « mince ! » bien craché,
Prononcé par un gros ou un maigre fâché.
Au sujet des gros mots, on a beaucoup à dire :
Leur effet n’est pas mince et le fait bien sentir.
Le gros mot est une arme, un obus, un missile
Mais savoir le lancer est un art et un style.
Plus le mensonge est gros et mieux il va passer.
Plus mince est le savoir, plus forts les préjugés.
Un très mince croquis vaut mieux qu’un gros discours ?
Oui, mais « moins qu‘un gros chèque », ajoutent les balourds !
Si le verbe « mincer » n’est plus guère employé
L’obsession de « mincir » est partout proposée.
Le mince est à la mode et le gros mal perçu.
Plus on est filiforme et mieux on est reçu.
Dans l'univers des formes, la minceur est un rêve,
Un reflet d’élégance, une vision trop brève,
Une quête légère, un souhait de finesse,
Eternelle prière ou nouvelle promesse…
Plus mince est le discours, plus chaque mot est gros :
Plus mince sont les bois, plus gros est l’arbrisseau…
Gros défaut vaut-il mieux que trop mince vertu ?
Qui a un trop gros nez croit que chacun l’a vu !
« Gros mot n’est pas mot gros », a dit le professeur ;
« Cœur gros n’est pas gros cœur », ajoute le censeur.
Je grossis, je grossis ! Et ainsi, je m’aigris !
Mourir gros, mourir mince est même vilenie…
Jacques Grieu
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ALGÉRIE
AGRICULTURE ET COMMERCE
Gallica : Revue d’Orient 1853-2 pages 162-170
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Le Térébinthe
L'Algérie coûte cher, parce qu'elle produit peu.
Elle produit peu, parce que les bras manquent, et parce que les bras qui s'y trouvent ne sont pas toujours employés d'une manière intelligente ; d'ailleurs ils ne peuvent pas, dans bien des cas, soutenir la concurrence que leur fait l'indigène. Celui-ci est Plus sobre, il a moins de besoins et peut se contenter d'un moindre bénéfice. Nous avons un exemple de ceci dans la culture des céréales dont l'Arabe aurait presque le monopole, si nos colons n'avaient pas la ressource de faire du blé tendre dont l'Arabe ne se sert pas.
Le pays possède des richesses immenses qui ne demandent qu'à être mises à profit. Le colon, l'industriel passent souvent à côté sans même en soupçonner l'existence, ou bien, la timidité que l'on a si souvent reprochée au commerce français les empêche d'en essayer l'exploitation.
Qu'on nous permette de signaler ici une source de brandes richesses, dont nous n'avons pas encore entendu parler, probablement parce qu'elle se trouve fort peu en vue des gens qui auraient pu en tirer parti.
Nous voulons parler des térébinthes, qui, plus disséminés dans certaines parties de notre sud, se trouvent réunis en quantité quelquefois considérable sur quelques points de notre Tell. Pour ne parler que de la subdivision de Médéah, que nous connaissons mieux que les autres, nous citerons;
1° Le pays des Ouamris, où cet arbre atteint des dimensions vraiment extraordinaires. On en compte au moins cinq ou six mille dans la vallée de l'Oued El-Harbil et dans l'Oued-Sid-Ali Temdjered, la plupart plusieurs fois séculaires, entremêlés à de magnifiques ormes et à de fort beaux oliviers ( 23 km de Médéah au sud de la route de Milianah). Dans une lettre adressée à M. Berbrugger et publiée par l'Akbar, notre confrère M. Mac-Carthy fait à cette belle forêt les honneurs d'une pompeuse description parfaitement méritée.
2° Le pays des Hassen-ben-Ali en compte plus d'un millier aux eaux thermales dites Hammam-mt'a-Hassen-ben-Ali, dans le territoire compris entre Berrouaghia, le Djebel-Seba et l'Oued El-Rouss. (30 km de Médéah, au nord de la route d'Aumale).
3° Les steppes d'Alfa, où se retirent, pendant l'hiver, nos tribus sud-est du Titery (Oued Alanes, Titery, Oued Moitas et Mouyadets-Cherragas, etc.). On en voit quelques milliers disséminés du côté de Thouela, Mourrich, etc. Cette dernière localité surtout, qui est le pays aux guépards ou tigres chasseurs (en arabe feuheud) en possède une forêt peu fournie il est vrai, mais considérable en étendue (100 km sud-est de Médéah, route de Bou-Saada). A partir de ce point, les térébinthes se retrouvent encore par petits bouquets isolés traçant dans notre petit désert une brande ligne de l'est â l'ouest. Entre les Sebarous et la frontière saharienne de l'Oued Djeddi, ils sont très-peu nombreux. Ils semblent reparaître au sud de Laghouat, d'où l'on ne peut en apercevoir une quantité considérable situés à environ 20 km de l'oasis, sur la route de l'Oued Mezab.
A la suite de la relation du voyage d'une caravane aux pagodes nègres, relation écrite par M. le général Daumas, se trouve un vocabulaire d'histoire naturelle de M. le docteur Lagger, qui parle en ces termes du térébinthe, Betoum. Les Arabes désignent sous le nom de betoum, un arbre magnifique que l'on trouve presque toujours isolé ou en massif de tris-peu d'étendue, et que nous appelons pistachier de l'Atlas, térébinthe, lentisque de la brande espèce. Desfontaines l'a décrit dans sa Flore atlantique sous la dénomination de pistacia atlantica.
Le betoum est beaucoup plus grand que le pistachier lentisque, pistacia lentiscus que les Arabes appellent d'arou. Le betoum croit peu sur le littoral ou dans le Sahel ; on ne le voit que dans l'intérieur des terres et du Sahara ; il semble qu'il commence à paraître où cesse le lentisque. Ces deux arbres se distinguent facilement l'un de l'autre par leurs dimensions et leurs formes. Un caractère plus tranché existe dans les folioles, qui sont en nombre pair dans le lentisque et en nombre impair dans le betoum, ce qui donne à la feuille de ce dernier un aspect plus animé. Le betoum perd ses feuilles en hiver et le lentisque les conserve.
Les betoums se voient dans beaucoup de localités du Tell et du Sahara. Il en existe à Mila, sur le territoire des Oued Sid-ben-Sabou, entre Sétif et Mekaous, sur les rives de l'Oued Zeroua, affluent de l'Isser, à Médéah, au sud de Mascara, près de Saïda, etc.
Ces arbres acquièrent de grandes dimensions ; leur tronc est d'une venue droite et généralement régulière ; mais, au-delà de deux mètres d'élévation, ils se divisent et les branches se multiplient en telle quantité u qu'elles forment une masse sphérique légèrement aplatie qui, vu de loin, rappelle les arbres taillés des jardins ; leurs rameaux couvrent souvent une superficie circulaire de plus de vingt mètres de diamètre.
Les Arabes coupent souvent les branches de manière à conserver la forme sphérique. La hauteur de ces arbres n'est pas en proportion de leur grosseur. Le tronc, mesuré à un mètre du sol, a une circonférence de deux à trois mètres et plus. Cette disproportion entre la hauteur et la grosseur de ces arbres se remarque surtout chez les individus isolés.
Le bois du betoum est dur, compacte, à grains très fins, susceptible d'acquérir un beau poli, comparable en cet état au palissandre et très-propre à, l'ébénisterie.
D'après le dire de quelques Arabes, cet arbre se propage au moyen des boutons.
Les fruits des betoums sont des baies d'un rouge violacé, semblables à celles du lentisque ; dans le Sahara on les appelle el-kedim, et dans la province de Constantine, el-haoucija.
Les indigènes mangent souvent ce fruit avec l'idée qu'il fait du bien à l'estomac. Les femmes du Sahara écrasent les fruits pour en avoir le suc dont elles se servent pour huiler les cheveux. On retire de cet arbre une résine : alk.
D'après ce qui précède, on voit que le Tell de la province de Titery n'est pas seul à posséder cette essence que M. le docteur Lagger signale comme existant dans les régions kabyles arrosées par l'Isser. Or, avec ces térébinthes, ne pourrait-on pas faire de la bonne et vraie térébenthine, de la térébenthine supérieure à celle qui nous vient du nord et qui est le produit de toute espèce d'arbres résineux, hormis de celui qui doit la donner dans son plus grand ébat de pureté ? Pour notre compte nous défiant de notre inexpérience pratique en pareille matière, nous avons voulu consulter des gens compétents. Ceci joua ont assuré que notre térébenthine pourrait faire une redoutable concurrence aux sapins du nord dont la térébenthine conserve toujours une nuance jaunâtre peu favorable à la peinture fine.
L'exploitation du térébinthe est facile. Elle consiste dans la récolte des fruits, petites baies rouges qui couvrent littéralement l'arbre pendant la saison d'été, et dans des saignées faites en temps opportun au tronc pour donner passage à la gomme. Cette homme, même sans cette précaution, s'échappe de tous côtés en abondance et vient s'épancher sur le sol en assez brande quantité pour que le voyageur ne puisse pas toujours se reposer à l'ombre du betoum pendant les brandes chaleurs.
Il serait difficile de fixer, même approximativement, le rendement probable et moyen de chaque pied d'arbre, en supposant que l'exploitant se contentât d'en vendre le produit brut sans en essayer la manipulation sur place. Cependant, inspection faite des térébinthes que nous avons eus sous les yeux, de la quantité de baies et de gomme que chacun d'eux peut fournir, nous croyons pouvoir assimiler sa valeur â celle de l'olivier, dont le produit, si nous sommes bien informés, est fixé à une moyenne de 15 à 20 F par année.
Le térébinthe présenterait encore, pour l'exploitant, le bénéfice des coupes réglées que l'on emploierait vis-à-vis des improductifs. Le bois de cet arbre, ainsi que le dit M. le docteur Lagger, est très-propre à l'ébénisterie, et nous savons que M. Warnier en a fait faire à Alger de fort beaux meubles.
Le betoum doit se multiplier par jets ou boutons. II pousse à peu près dans toutes les terres, et on pourrait le naturaliser presque partout où il n'y a pas d'autres arbres. Ce serait un précieux moyen de boiser sans grande peine les terres nues comme le sont celles du Titery, où il n'est pas rare d'en rencontrer de distance en distance mélangés à des tuyas et à des genévriers. Ce qui ferait croire que ces essences se trouvaient autrefois en plus grande quantité dans le pays.
Dans les terrains arrosés, le betoum prend un développement quelquefois prodigieux. Il est en moyenne de dix, douze et quinze mètres de haut sur deux, trois et quatre de tour. M. Mac Carthy nous a déclaré en avoir mesuré un de huit mètres de tour sur vingt de hauteur..
Aussi les Arabes le tenaient-ils en vénération profonde et lui avaient-ils décerné le titre de marabout. Dans les terres sèches du Sahara, il se pelotonne pour ainsi dire sur lui-même et ressemble quelque peu, de loin, à un immense champignon. En somme , c'est un arbre magnifique comme forme et comme verdure, et nous n'hésitons pas à le classer parmi les plus utiles essences du pays.
Certes, nous sommes convaincus que si l'idée de cette exploitation venait à quelque industriel français qui en demanderait la concession, l'état s'empresserait de l'aider en lui faisant de faciles conditions, heureux sans doute de pouvoir ainsi grossir le nombre des exportations algériennes et de venir en aide au commerce français. Par commerce français , nous entendons ici celui de la métropole en même temps que celui de l'Algérie. Il nous semble que le fabricant de la mère-patrie qui recevrait le produit brut de l'arbre pour le convertir en huile ou en essence de térébenthine aurait un avantage incontestable sur le fabricant étranger dont la matière première serait de qualité inférieure. On voit que nous admettons que, jusqu'au jour où le prix de la main-d'œuvre sera naturellement abaissé par suite de l'affluence des bras, il faut bien se garder d'établir sur notre sol africain des usines dont le matériel et le personnel absorberaient infailliblement tous les bénéfices. Aussi cette question de la main-d'œuvre nous a-t-elle semblé assez importante pour que nous ayons à trouver un moyen propre à en dégrever autant que possible l'exploitation que nous proposons.
Supposons un concessionnaire prenant à l'essai l'exploitation des térébinthes de l'Oued El-Harbil. Ces arbres sont dispersés sur près de deux lieues carrées dans un pays fort accidenté. Un nombre considérable d'ouvriers serait peut-être nécessaire pour en faire la récolte, et les frais de leur entretien pourraient bien emporter la majeure partie des bénéfices. Nous proposons de remédier, dans une certaine limite, à cet inconvénient de la manière suivante :
La tribu qui occupe le territoire de l'exploitation doit fournir, deux fois par an, son impôt en argent. Pourquoi ne le fournirait-elle pas en nature en versant entre les mains du concessionnaire une quantité de baies et de gomme correspondant à la valeur de l'impôt dont le montant en argent serait versé par le concessionnaire lui-même â la caisse des revenus des contributions diverses de la localité, qui en donnerait quittance aux chefs indigènes, ainsi que cela se pratique ? Les livraisons seraient surveillées, réglementées et tarifées par une commission nommée par le commandant militaire. Croit-on que les Arabes se plaindraient de ce nouveau mode de perception de l'impôt ? Nous ne le pensons pas, et nous sommes même convaincus que, malgré leur répugnance pour tout ce qui est travail, ils ne tarderaient pas à apprécier les avantages d'une mesure qui leur permettrait d'acquitter leurs contributions sans bourse délier. Cette récolte ne leur donnerait pas grand embarras, car elle serait faite sans effort, par leurs pâtres, tout en dardant leurs bestiaux ; par leurs bûcherons, tout en ramassant le bois nécessaire aux besoins de la tente ; par leurs femmes, tout en allant chercher la provision d'eau de chaque jour. Le total de l'impôt de la tribu pourrait certainement, clans bien des cas, être au-dessous du chiffre probable de la récolte.
Aussi nous donnons ce moyen comme destiné à diminuer seulement les frais de l'exploitation, et non à les supprimer entièrement. Peut-être même sommes-nous en droit d'espérer qu'après avoir été forcé une fois à verser son impôt de cette façon, l'Arabe, comprenant les bénéfices qui en résultent pour lui, ne vienne par la suite au-devant des besoins de l'exploitation en lui fournissant au prix du tarif qui sera établi par la commission, une quantité de produits plus considérable que la valeur de l'impôt ; ce qui, nous le croyons du moins vaudrait infiniment mieux que de faire faire les récoltes par les ouvriers européens.
De plus, il est évident que si cette industrie prenait un développement quelque peu considérable, les réunions de térébinthes donneraient lieu à la formation de centres européens qui mettraient en culture les terres d'alentour.
Ce n'est pas sans de grandes hésitations que nous avons écrit ce qui précède. Nous connaissons mieux que personne les susceptibilités souvent légitimes qui s'éveillent chez les commandants militaires en Algérie, aussitôt qu'on veut associer leur concours à des affaires commerciales essentiellement incompatibles avec les sévères devoirs de leur profession. Cependant nous ne sommes pas de l'avis d'un grand nombre à qui nous avons entendu dire, â quelques variantes près, au sujet des rapports d'Européen à indigène : « Que m'importe, à moi, que M. tel ou tel gagne ou perde de l'argent en commerçant avec les Arabes ? Je suis commandant supérieur et non pas courtier de commerce. » Le mot n'est pas juste et restreint la question d'intervention de l'autorité à des bornes bien mesquines. Aussi nous ne l'enregistrons que comme I'expression d une mauvaise humeur exagérée qui ne manque pas d'assaillir (souvent avec raison) MM . les commandants supérieurs lorsqu'ils sont mis en demeure de protéger les Européens commerçant avec les indigènes. Cependant ils n'ignorent pas que le commandant d'un cercle ou d'une province n'est pas seulement commandant d'armes, il est administrateur ; il est surtout administrateur français, et tout ce qui touche à la prospérité industrielle ou commerciale de son pays doit l'intéresser autant que ce qui touche à sa gloire.
Nous avons entendu un commandant supérieur émettre une idée qui entre si bien dans nos vues, que nous allons la résumer ici. Il disait que la France ne devait pas exiger d'impôt en argent des tribus soumises, mais bien dire à chacune d'elles : Vous qui produisez de la laine, portez-moi tant de toisons tous lei ans ; vous qui cultivez des céréales en abondance, vous remplirez mes greniers de vos récoltes ; vous dont les champs sont couverts d'oliviers , vous verserez en huile le montant de vos contributions. Le commerce français Profiterait de l'impôt du vaincu dont il rembourserait la valeur en argent dans les caisses de l'Etat. Il ne faudrait pas cependant dénaturer le sens du vœu que nous formons de voir le commerce français étendre ses ramifications sur toute l'Algérie à l'abri de la protection de nos armes, et nous attribuer le désir de voir nos canons â la disposition de tout marchand qui voudrait faire sa fortune aux dépens des indigènes.
Mais il nous semble que l'intervention demandée ici au commandement militaire, quelque insolite, étrange même qu'elle puisse paraître, ne nous conduirait pas à gouverner l'Algérie par les moyens que l'Angleterre emploie dans les Indes. Nous nous bornons à appliquer cette vérité incontestable : Que le plus beau rôle que doit remplir en Afrique le commandement militaire est certes, après avoir compris et pacifié le pays, de le faire produire le plus possible d'une manière utile à notre patrie. C'est faire une oeuvre bien méritoire que de rendre à la mère patrie un peu du lien qu'elle ne cesse de nous faire.
Si nous nous sommes appesantis sur ce sujet, c'est que le principe que nous soutenons nous semble seconder de bons résultats, et que nous aurons l'occasion de l'examiner encore dans la solution de quelques-unes des questions qui seront traitées par la suite.
Cie. DE SANVITALE,
Lieutenant au premier régiment des spahis,
chevalier de la Légion D’Honneur,
attaché aux affaires arabes, membre de la Société orientale.
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C’est à l’Algérie de rembourser
Par M. Bernard Lugan. Jeudi 30 mai 2024
Envoyé par M. Marc Mottet
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C’est à l’Algérie de rembourser ce qu’elle doit à la France et non le contraire…
Madame Rima Hassan, candidate LFI aux élections européennes, vient d’oser déclarer que « La France rende à l’Algérie ce qui lui appartient ». Or, si madame Rima Hassa avait un minimum de culture, pour ne pas parler de simple décence, elle devrait tout au contraire crier « Vive l’Algérie française », tant ce pays doit en effet tout à la France. Jusqu’à son nom qui lui fut donné par elle en 1839…
Au moment de l’indépendance de juillet 1962, tout ce qui existait en Algérie y avait en effet été construit par la France à partir du néant, dans un pays qui n’avait jamais existé puisqu’il était directement passé de la colonisation turque à la colonisation française. Ce fut en effet la France qui créa l’Algérie en lui donnant ses frontières. Des frontières qui, à l’Ouest, furent tracées en amputant territorialement le Maroc. Le Tidikelt, le Gourara, le Touat, Tindouf, Colomb Béchar etc…furent ainsi arrachés au Maroc pour être généreusement offerts à Algérie française dont l’Algérie algérienne est l’héritière directe. Une héritière qui, sans le moindre remords, a conservé le legs exorbitant fait par la France aux dépens du Maroc.
Une Algérie que la France ouvrit vers le Sud en lui offrant un Sahara qu’elle n’avait, et par définition, jamais possédé puisqu’elle n’avait jamais existé…Une réalité historique résumée en une phrase par le général de Gaulle : « (…) Depuis que le monde est monde, il n’y a jamais eu d’unité, ni, à plus forte raison, de souveraineté algérienne. Carthaginois, Romains, Vandales, Byzantins, Arabes syriens, Arabes de Cordoue, Turcs, Français, ont tour à tour pénétré le pays sans qu’il y ait eu à aucun moment, sous aucune forme, un Etat algérien » (Charles de Gaulle, 16 septembre 1959, déclaration à la RTF).
Dans l’ancienne Régence turque d’Alger, l’ouest reconnaissait l’autorité spirituelle du sultan du Maroc. Ce dernier avait d’ailleurs un représentant, un khalifat, dans la région, l’un d’entre eux ayant été le propre père d’Abd el-Kader. Quant à l’Est, il était tourné vers Istanbul. Nulle part, la prière n’était donc dite au nom d’un chef « algérien » car, à l’époque, la « nation algérienne » n’existait pas puisqu’il s’agissait d’un « non concept ».
Ferhat Abbas (1899-1985), l’ancien chef du GPRA écrivit lui-même en 1936 : « Si j’avais découvert la nation algérienne, je serais nationaliste (…) je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce que cette patrie n’existe pas. Je ne l’ai pas découverte. J’ai interrogé l’histoire, j’ai interrogé les morts et les vivants ; j’ai visité les cimetières : personne ne m’en a parlé… ».
En 1962, la France légua à sa « chère Algérie » selon la formule de Daniel Lefeuvre, un héritage composé de 54 000 kilomètres de routes et pistes (80 000 avec les pistes sahariennes), de 31 routes nationales dont près de 9000 kilomètres étaient goudronnés, de 4300 km de voies ferrées, de 4 ports équipés aux normes internationales, de 23 ports aménagés (dont 10 accessibles aux grands cargos et dont 5 qui pouvaient être desservis par des paquebots), de 34 phares maritimes, d’une douzaine d’aérodromes principaux, de centaines d’ouvrages d’art (ponts, tunnels, viaducs, barrages etc.), de milliers de bâtiments administratifs, de casernes, de bâtiments officiels, de 31 centrales hydroélectriques ou thermiques, d’une centaine d’industries importantes dans les secteurs de la construction, de la métallurgie, de la cimenterie etc., de milliers d’écoles, d’instituts de formations, de lycées, d’universités avec 800 000 enfants scolarisés dans 17 000 classes ( soit autant d’instituteurs, dont deux-tiers de Français), d’un hôpital universitaire de 2000 lits à Alger, de trois grands hôpitaux de chefs-lieux à Alger, Oran et Constantine, de 14 hôpitaux spécialisés et de 112 hôpitaux polyvalents, soit le chiffre exceptionnel d’un lit pour 300 habitants.
Sans parler du pétrole découvert et mis en exploitation par des ingénieurs français. Ni même d’une agriculture florissante laissée en jachère après l’indépendance. A telle enseigne qu’aujourd’hui l’Algérie doit importer jusqu’à du concentré de tomate, des pois chiches et même de la semoule pour le couscous… Quant à sa seule exportation agricole, celle de ses succulentes dattes, elle ne sert même pas à compenser ses achats de yaourts fabriqués à l’étranger…
Or, tout ce qui existait en Algérie en 1962 avait été payé par les impôts des Français. En 1959, l’Algérie engloutissait ainsi 20% du budget de l’Etat français, soit davantage que les budgets additionnés de l’Education nationale, des Travaux publics, des Transports, de la Reconstruction et du Logement, de l’Industrie et du Commerce !
Pour la France, le fardeau algérien était donc devenu impossible à porter car, en soulageant les misères, en soignant, en vaccinant et en faisant reculer la mortalité infantile, elle avait créé les conditions de la catastrophe comme l’a écrit René Sédillot en 1965 :
« (En Algérie), la colonisation française a poussé l’ingénuité – ou la maladresse- jusqu’à favoriser de son mieux les naissances : non seulement par le jeu des allocations familiales, mais aussi par la création d’établissements hospitaliers destinés à combattre la stérilité des femmes. Ainsi, les musulmanes, lorsqu’elles redoutaient d’être répudiées par leurs maris, faute de leur avoir donné des enfants, trouvaient en des centres d’accueil dotés des moyens les plus modernes tout le secours nécessaire pour accéder à la dignité maternelle ».
Chaque année à partir du lendemain du second conflit mondial, 250 000 naissances étaient ansi comptabilisées en Algérie, soit un accroissement de 2,5 à 3% de la population, d’où un doublement tous les 25 ans. Or, la France s’était elle-même condamnée à nourrir ces bouches nouvelles et à créer ensuite autant d’emplois puisqu’elle considérait l’Algérie comme une de ses provinces, au même titre que la Bretagne ou que l’Alsace...
En 1953, comme les recettes locales ne permettaient plus de faire face aux dépenses de fonctionnement, l’Algérie fut en faillite. Au mois d’août 1952, anticipant en quelque sorte la situation, le gouvernement d’Antoine Pinay (8 mars 1952-23 décembre 1952), demanda au parlement le vote de 200 milliards d’impôts nouveaux, tout en étant contraint de faire des choix budgétaires douloureux. Pour aider encore davantage l’Algérie il fallut alors faire patienter la Corrèze et le Cantal.
L’addition des chiffres donne le vertige : durant les seuls 9 premiers mois de 1959 les investissements en Algérie atteignirent 103,7 milliards de crédit dont 71,5 milliards directement financés par le Trésor français. De 1950 à 1956 la seule industrie algérienne reçut, hors secteur minier, en moyenne 2 395 millions anciens francs annuellement. En 1959 et en 1960 cette somme atteignit en moyenne 5 390 millions (Lefeuvre, 2005). Entre 1959 et 1961, pour le seul plan de Constantine, les industries métropolitaines investirent 27,40 milliards d’anciens francs, gaz et pétrole non compris.
La France s’est donc ruinée en Algérie alors qu’elle n’y avait aucun intérêt économique réel. Qu’il s’agisse des minerais, du liège, de l’alpha, des vins, des agrumes etc., toutes les productions algériennes avaient des coûts supérieurs à ceux du marché international. Or, toujours généreuse, la France continua d’acheter à des cours largement supérieurs au marché des productions qu’elle avait déjà largement payées puisqu’elle n’avait jamais cessé de les subventionner!
Au bilan, l’Algérie a donc été placée sous « assistance respiratoire » par la France qui n’a cessé de l’alimenter artificiellement. Année après année, la France remplissait donc le « tonneau des Danaïdes », algérien, nourrissant les bouches nouvelles, bâtissant hôpitaux, écoles, routes, ponts et tentant de créer artificiellement des milliers d’emplois.
Non seulement la France n’a donc pas pillé l’Algérie, mais, plus encore, c’est elle qui serait fondée à lui « présenter la facture » …En effet, les demandes de Madame Rima Hassan ne valent pas davantage que celles faites au mois de janvier 2021 quand les médias officiels algériens exigèrent de la France un « dédommagement » pour le « pillage » du fer « algérien » qui, selon eux, aurait servi à fabriquer la Tour Eiffel !!!
Or, le minerai de fer ayant servi à édifier l’emblématique monument fut extrait de la mine de Lurdres en Lorraine, département de Meurthe-et-Moselle…Quant aux pièces métalliques composant la Tour, elles sont, comme ses visiteurs peuvent le constater, estampillées à la marque des aciéries de Pompey, également en Lorraine, là où elles furent fondues…
Au verbe et à l’idéologie, l’histoire oppose donc les faits. Des faits qui font l’objet de mon livre argumentaire
Plus d’informations sur le blog de Bernard Lugan.
Illustrations : DR : [cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
https://bernardlugan.blogspot.com/2024/05/
cest-lalgerie-de-rembourser-ce-quelle.html
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RAPPEL D'HISTOIRE
VERITAS Janvier 2004 N°79
Par Docteur Pierre Catin
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ETUDE DES SUITES DES
TRAUMATISMES PSYCHOAFFECTIFS
CHEZ LES RAPATRIES D'ALGERIE
Les séquelles psychoaffectives présentées par les rapatriés d'Algérie à la suite du grand exode de 1962 offrent bien des similitudes avec celles observées lors des bouleversements qui ont suivi les deux guerres mondiales précédentes en Europe. Mais dans le cas des rapatriés d'Algérie, les manifestations de ces troubles psychiques ne furent pas entachées de « sinistrose », c'est-à-dire majorées, consciemment ou non, par un syndrome revendicatif, engendré par des « droits à pension» institutionnalisés.
Encouragé peut-être par le mur d'indifférence, hostile souvent, de l'opinion publique métropolitaine de 1962 (70% des métropolitains ne se considéraient pas concernés par le drame des rapatriés et contestaient tout droit à indemnité de leur part*), le Gouvernement refusa de prendre en compte la notion même de préjudice subi par la communauté française d'Algérie, tandis que De Gaulle rejeta même toute étude dans l'application de la loi d'indemnisation pourtant votée par le Parlement le 26 décembre 1961, et ceci jusqu'à son départ en avril 1969. Quelle que fût l'ampleur du préjudice subi, les rapatriés n'avaient rien à attendre d'une ingrate patrie...
A titre de comparaison, combien furent plus généreux le Gouvernement britannique pour ses concitoyens rapatriés d'Afrique ou d'Asie et le Gouvernement des Pays-Bas envers ses concitoyens revenus d'Indonésie (ex Iles Néerlandaises), en masse, peu d'années auparavant. Non seulement les Gouvernements, mais toutes les couches de la population de ces deux pays, tous partis politiques confondus, manifestèrent un élan de générosité et un effort exceptionnel de solidarité nationale envers leurs compatriotes rapatriés, en comparaison desquels, malgré des moulinets de « Grandeur », l'attitude indigne du Chef de l'Etat français devant l'exode des Pieds-Noirs de 1962 restera comme une honte dans l'Histoire de notre pays.
Mais il y a eu pis encore : le Gouvernement français refusa d'admettre la notion même d'un préjudice moral subi par l'exode en catastrophe de 1962 d'une communauté en pleine détresse alors que ce concept aurait dû être à l'origine d'un grand mouvement officiel de compassion et de solidarité nationale traduisant la vitalité du lien spirituel unissant, entre eux, tous les citoyens d'un grand pays démocratique. Si la Grande Bretagne et les Pays Bas, en pareille circonstance, se montrèrent à la hauteur de leur passé de grandes nations, la France de 1962 renia totalement, quant à elle, une longue tradition de terre d'accueil envers des hommes et des femmes dans le malheur, attitude d'autant plus inimaginable qu'il s'agissait de ses propres concitoyens victimes du plus cruel des destins : arrachement du sol natal avec, comme unique alternative, la valise ou le cercueil.
Ainsi près d'un million de citoyens français, déjà traumatisés par cette brusque transplantation humaine imposée dans les pires conditions matérielles, se sont sentis, en plus, agressés dans un sentiment collectif d'injustice résultant d'une trahison, sentiment d'injustice exacerbé encore par le mur d'indifférence qui fut opposé à la douleur des sévices, enlèvements, meurtres, déjà subis par certains en Algérie dans les semaines qui précédèrent l'exode. Sentiments d'injustice aussi, violemment ressentis, devant l'attitude de beaucoup de Français de métropole qui n'hésitaient pas à s'ériger en justiciers pour attribuer le malheur de cette communauté à une justice immanente, à un châtiment légitime venant sanctionner une faute collective, un péché originel historique !
Cette notion de culpabilité collective d'une communauté me parut donner lieu, de la part de nombreux métropolitains endoctrinés par la propagande officielle, à un jugement global dévalorisant, à un rejet collectif d'exclusion à l'encontre d'un groupement ethnique d'êtres humains rappelant étrangement cet enchaînement de réflexes d'amalgames et de dérives perverses qui, de tout temps, a engendré le racisme et l'antisémitisme, sentiments pourtant honnis, de principe, dans cette société française de l'après-guerre mondiale. Eternel piège de beaucoup de justiciers qui se proclament d'autant plus farouchement « antiracistes» qu'ils n'ont pas éteint cette pulsion de haine et d'exclusion dans leurs cœurs.
Il existait un autre motif d'aggravation du sentiment d'injustice et de frustration né de l'exode. Les Français d'Algérie, en effet, avaient été privés, arbitrairement, de l'exercice de leurs droits civiques les plus fondamentaux en démocratie et cela précisément au moment où se jouait leur destin.
1. Aucun représentant légal de la communauté pied-noir, député, sénateur, élu local, n'avait été admis aux négociations d'Evian, où se discutait l'avenir de toute l'Algérie.
2. Le Gouvernement français avait cédé aux exigences ultimes du F.L.N. en refusant à tous les habitants de l'Algérie, toutes ethnies confondues, le droit de participer au référendum du 8 avril 1962 ratifiant ces dits accords.
Dans les deux cas, on avait décidé du destin de cette communauté sans qu'elle puisse exprimer le moindre avis (Nous avons été traités comme du bétail, comme une simple marchandise...).
A cette violation :
1 De la Constitution de la Ve République,
2 De la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme définie par les Nations Unies,
3 De toutes les pratiques électorales en démocratie
La majorité de l'opinion publique métropolitaine, par ignorance, plus encore que par complicité, opposa une indifférence de plomb, tandis que les membres du Conseil Constitutionnel, juristes sourcilleux, souvent pour des virgules, parce qu'ils avaient été nommés, en majorité, par De Gaulle, se voilèrent pudiquement la face.
Enfin, l'extermination de ses souvenirs les plus sacrés dans la profanation quasi systématique, en Algérie, des lieux de cultes, églises, synagogues, cimetières chrétiens et israélites par le F.L.N. (près de 400.000 tombes furent ouvertes et les ossements dispersés ou jetés aux chiens) fut vécue par la communauté rapatriée dans un saisissement de honte, d'horreur et de révolte.
Ce refoulement fut d'autant plus traumatisant que le Gouvernement français, parfaite-ment au courant, laissa faire sans jamais protester, que Léon Duval, évêque d'Alger jusqu'à sa mort en 1996, refusa d'en parler et que, quarante ans plus tard, tous les médias télévisés français continuent à... l'ignorer, dans les très nombreuses émissions consacrées cette année à la guerre civile d'Algérie.
Le rappel des conditions historiques, psychologiques et morales de l'exode de 1962 était nécessaire pour essayer - non pas de comprendre car le mot a été trop dévoyé - mais, pour un médecin surtout, d'être mieux à l'écoute de toute cette souffrance qui s'exprima rarement de façon ouverte, mais plus souvent de façon silencieuse, contenue par la pudeur, refoulée par l'humiliation, masquée souvent par ce mutisme si particulier que donne l'accablement du malheur.
« Je suis née française, en Algérie, et je croyais que je mourrais française, dans mon pays. Je me sens comme dépossédée. Les Pieds Noirs seraient moins désespérés s'ils avaient senti en métropole une chaleur, une solidarité. Mais ils se sont sentis abandonnés, méprisés et même insultés... »
Ainsi s'exprimait, le 12 avril 1962, Francine Camus, l'épouse du célèbre écrivain, citée comme témoin à décharge au procès du Général Jouhaud.
Le hasard d'une installation m'ayant fourni l'occasion de suivre médicalement un certain nombre de familles de rapatriés pendant plusieurs années, je peux témoigner qu'au-delà des ruines matérielles, des souffrances physiques et morales subies en Algérie du fait d'un terrorisme aveugle et barbare, ce fut aussi le sentiment d'injustice devant les calomnies proférées et le mépris affiché par trop de Français métropolitains qui occasionna des cas de grande détresse et induisit des troubles psychoaffectifs parfois dramatiques dans cette communauté. La publication de la suite de cet article, que vous pourrez lire (et faire lire), paraîtra dans la prochaine LETTRE DE VERITAS, en apportera la preuve éclatante car j'ai l'intention de faire un rapport authentique sur des cas semblables que j'ai eu l'occasion de traiter, ceci sous couvert de l'anonymat imposé par la règle du secret professionnel.
« Quarante ans après, le mot rapatrié dérange encore » remarque Jeannine Vergès-Leroux, directrice de recherches au C.N.R.S. et auteur d'une étude remarquable « Les Français d'Algérie » (Fayard 2001). Ne faut-il pas y voir la preuve d'une culpabilité enfouie qui s'abrite commodément derrière l'idéologie régnante d'un anticolonialisme primaire né d'une désinformation digne d'un régime dictatorial qui veut faire « table rase» de l'Histoire ?
Ce fut bien une telle désinformation totalitaire que celle qui régna dans les médias français, en cette grotesque et caricaturale « année de l'Algérie » où, non seulement toutes les associations de rapatriés furent interdites d'antenne, mais aussi PRIVEES D'UN DROIT DE REPONSE QUI NE FUT JAMAIS REFUSE, AUPARAVANT, A TOUTE AUTRE CATEGORIE DE CITOYENS !
Quel aveu involontaire de mauvaise conscience chez tous ces directeurs des services d'information des chaînes de télévision peut-on voir dans cet ostracisme !
Les médias français sont ainsi devenus les messagers de la pensée unique dont le caractère exclusif et répétitif entraîne des réflexes conditionnés qui tiennent lieu de jugement ! N'est-ce pas là... le mécanisme même de la propagande totalitaire ?
« La pensée unique officielle est incompatible avec l'exercice de la démocratie» écrit Valéry Giscard d'Estaing dans son livre : « Les Français » (Pion 2000) et une vérité systématiquement refoulée ne retrouve-t-elle pas sa plus grande authenticité dans le fait que, quarante ans plus tard, elle continue de... DERANGER ?
Docteur Pierre Catin
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RAPPEL D'HISTOIRE
VERITAS Février 2004 N°80
Par Docteur Pierre Catin
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ETUDE DES SUITES DES
TRAUMATISMES PSYCHOAFFECTIFS
CHEZ LES RAPATRIES D'ALGERIE
SUITE : LE PRIX DE LA DOULEUR
Ce témoignage authentique, exceptionnel et inédit, est celui d'un médecin métropolitain qui s'est dévoué à soulager de son mieux les troubles psychosomatiques dont nous avons tous souffert à la suite de notre exode.
Sous couvert d'anonymat (suppression des noms propres) le Docteur Cattin nous relate, dans une parfaite authenticité, l'expérience qu'il a vécue dans sa vie professionnelle et qui a motivé son engagement à nos côtés. Il nous précise avoir sollicité l'avis de l'Ordre des Médecins qui, à 90% approuvent son témoignage. Ils sont nombreux, ils sont quelques milliers, dans la France entière, qui pourraient apporter d'autres témoignages corroborant ceux de notre ami. Qu'ils le fassent donc, sans crainte. LA LETTRE DE VERITAS leur ouvre ses colonnes Tous les Français doivent connaître nos épreuves et mesurer notre calvaire.
Le terme de médecine psychosomatique évoque l'antique problème des relations du corps et de l'esprit, ce dernier étant longtemps confondu avec l'âme, terme théologique. Ce conflit fut occulté ou obscurci par la survivance du dualisme cartésien jusqu'au XIXe siècle. « Aujourd'hui, nous savons qu'on ne peut pratiquer une médecine séparée de chacun des deux composantes de l'être humain » ( Professeur Jean Delay « Introduction à la médecine psychosomatique» Masson 1961). Nous connaissons l'importance du rôle des « affects », c'est-à-dire des émotions violentes, extériorisées, mais plus encore secrètes, dans le déterminisme de certaines maladies organiques, aussi bien que dans celui de perturbations mentales plus ou moins durables.
Les observations médicales qui vont suivre sont véridiques, mais elles sont rapportées sous le plus strict anonymat, pour respecter la loi du secret professionnel. Elles s'étalent sur une dizaine d'années depuis 1962 :
LE CAS DE MADAME R...
Le 15 août 1962, Madame R..., 31 ans, rapatriée d'Oran, se présente à la maternité de L.... avec une grossesse à terme. Dès le début de l'accouchement, la patiente présente brusquement les symptômes d'un délire confusionnel aigu, désorientation complète, refus de tout effort expulsif. Une application de ventouse, difficile en raison de l'agitation, permet d'extraire un enfant vivant normal.
Dans les jours qui suivent, le délire va se poursuivre, moins agité, mais avec la même désorientation. La patiente ne reconnaît plus son mari, refuse de voir son enfant, nie, même, avoir accouché. On pense, un moment, à une psychose puerpérale. C'est alors que le mari, très peu loquace, nous apprend que sa femme « qui n'a jamais été malade un seul jour depuis dix ans qu'ils sont mariés » avait été admise dans une maternité d'Oran, au début du mois de juillet 1962, pour menace d'accouchement prématuré.
Le 5 juillet, des terroristes F.L.N. se sont introduits dans cette maternité, ont violé et éventré plusieurs femmes dont l'une était en train d'accoucher. Une sage-femme arabe, qui tentait de s'interposer, a été violée et égorgée. Madame R... a pu se barricader dans les toilettes avec une autre femme enceinte et elles sont restées ainsi plusieurs heures avant que les gendarmes n'interviennent.
Les suites de ce violent choc émotionnel vont durer longtemps. Après un séjour hospitalier qui n'apportera guère d'amélioration, Madame R... va garder un état dépressif chronique. Elle ne pourra s'occuper de ses enfants (elle en a deux autres). Une voisine charitable viendra les garder dans la journée pendant que le mari part à la recherche d'un travail, puis, une belle-sœur viendra, à demeure, manifestant cette belle solidarité familiale méditerranéenne.
Un an plus tard, Madame R... ne peut encore sortir seule, reste paniquée devant tout visage étranger, doit suivre un traitement médicamenteux assez lourd et reste chroniquement handicapée avec la nécessité d'une tierce personne à domicile. En fait, il faudra des années avant que cette femme retrouve un comportement tout à fait normal.
LE CAS DE MADAME L...
Madame L..., 63 ans, rapatriée d'Oran, a erré d'hôpital en hôpital depuis son arrivée en métropole, avant de venir échouer dans un logement misérable, une sorte de hangar, avec deux lucarnes pour fenêtres. Un logement décent, disponible et tout proche a été refusé par son propriétaire qui ne voulait pas le louer « à ces gens-là parce qu'il était gaulliste à 100% » (sic).
L'environnement est hostile : « Qu'est-ce que ces étrangers viennent faire chez nous ? ». Question souvent posée surtout lorsque ces rapatriés sont d'ascendance espagnole.
La malade est atteinte d'une tumeur primitive du foie, affection incurable à cette époque. Elle souffre jour et nuit, présente un comportement très agressif envers le médecin, ne veut plus entendre parler d'hôpital où elle dit avoir été « si maltraitée ». La famille est sans ressources. Le mari, ancien fonctionnaire municipal, ne perçoit plus sa retraite depuis qu'il a quitté l'Algérie.
Les plus proches voisins, des Espagnols réfugiés, depuis 1939, de l'Espagne de Franco, refusent tout contact avec « ces Pieds Noirs fascistes ». Pourtant, aidant un jour le mari à se retrouver dans ses papiers, je découvre une carte d'adhésion au parti communiste d'Oran...
L'état de la malade s'aggravant, elle me demande de lui adresser un prêtre. Par malheur, celui que je contacte est un ancien du Prado. Par deux fois, il refuse de venir parce qu'il s'agit de rapatriés d'Algérie (sans doute des suppôts de Satan dans son esprit ?). Je pourrai, enfin, trouver un prêtre neutre politiquement qui accepte de venir... Mais la malade va mourir en maudissant Dieu et les hommes, projetant également contre moi ses malédictions, perdue dans un délire induit par des doses croissantes de morphine.
Après la mort de Madame L.., la famille de cette dernière va reporter sur moi, médecin métropolitain, toute l'agressivité qu'une trop longue souffrance avait fait naître. Toute la misère du monde s'était réunie dans l'hostilité générale rencontrée en métropole dans des conditions de vie matérielle lamentables et dans la fatalité d'une maladie douloureuse et incurable.
Refusant de méditer sur l'ingratitude humaine qu'un jeune médecin doit apprendre à rencontrer sur son chemin, je ne peux éprouver qu'une immense compassion devant un destin de malheur aussi accablant !
LE CAS DE MADAME S...
Madame S... , rapatriée de Boufarik, vient me voir pour des maux de tête intenses, quotidiens, l'obligeant parfois à garder la chambre dans l'obscurité, ne cédant à aucun calmant. « Je crains, par instant, de devenir folle... ». Bilan, radio, fond d’œil, tout a été fait à Aix-en-Provence. « Je ne comprends pas qu'on ne m'ait rien trouvé... Ne me dites surtout pas que c'est nerveux I ».
Revue une seconde fois. La réticence hostile de la patiente s'accentue : « Vous ne pouvez rien pour moi, je ne veux pas vous faire perdre votre temps... ». Le hasard d'une matinée vide... et c'est le déclic... Je réponds : « Mais... j'ai tout mon temps. ». La patiente baisse sa garde, sa colonne vertébrale rejoint lentement le dossier du fauteuil, ses mains, crispées sur les accoudoirs, se relâchent.
La patiente va parler. Parler d'abord avec hésitation, méfiance ou retenue de pudeur, puis, bientôt, avec véhémence, précipitation même, comme pressée de se soulager d'un fardeau trop longtemps porté ! J'apprends la mésentente familiale avec la belle-famille, les difficultés de vivre entassés à cinq personnes dans deux pièces, le mari toujours sans emploi, l'inquiétude pour un frère engagé dans l'O.A.S. et dont on est sans nouvelles depuis trois mois...
La patiente s'interrompt un instant, me jette un coup d’œil interrogateur. Devant mon silence, elle poursuit : « C'est bien une des rares fois où prononçant le mot O.A.S. devant un métropolitain, celui-ci ne me fait pas la morale... ». La morale ? Je ne suis pas là pour ça et je dois garder une neutralité bienveillante. Ayant l'intuition d'un moment de grâce dans cet entretien à but thérapeutique, je lui demande de poursuivre, bien que, deux ou trois fois, Madame S... esquisse le geste de se lever. « Ah ! cela m'a fait du bien de pouvoir dire tout ce que j'avais sur le cœur ! ». Combien de fois entendrai-je, de mes patients rapatriés, cette exclamation qui atteste bien de l'empathie curative de la relation médecin-malade ». Lors de cette consultation, nous avons à peine parlé des maux de tête qui, pourtant sont toujours là !
Un mois plus tard, je revois Madame S... car son fils souffre d'une angine. Les maux de tête ont entièrement et spontanément disparu. Je reste muet, autant de surprise que d'embarras. D'où venaient-ils ?
Je veux éviter le charabia médical des « céphalées psychogènes » tout autant que la simpliste affirmation « c'était intérieure. nerveux ». La patiente me tire d'embarras : « Pour moi, c'était la sinusite. ». D'accord pour ce mot familier et rassurant.
Puis elle ajoute : « La vie était devenue, pour moi, un enfer. C'est vous qui m'avez guérie. ». Je crois bien que la dernière fois, je ne lui ai même pas fait d'ordonnance ! Ma disponibilité de temps et d'écoute a-t-elle suffi pour servir de catharsis à une souffrance morale inexprimée jusque là, à l'exorcisme d'un environnement hostile ? Un sourire lumineux, un de ceux que l'on n'oublie pas, veut m'en persuader.
LE CAS DE MADAME V...
Madame V... souffre d'un état permanent d'angoisse « peur de quelque chose ». Elle ne sait pas quoi, mais « qui va arriver ». Elle vient me voir pour me demander conseil, mais elle ne veut aucun médicament. Elle a « peur de se droguer».
L'exode s'est passé, pour sa famille, le moins mal possible. Son mari, employé de banque, avait été muté en métropole au début de 1962. Logement médiocre mais bonne entente familiale. Un peu réticente à ce premier contact, Mme V... va s'ouvrir davantage, ensuite. Elle souffre de cauchemars : « retenue prisonnière dans une cage sans issue ». Elle entend des voix, chose qu'elle n'a osé dire à personne, ni à son mari, ni à sa fille de seize ans... « Je crains de devenir folle ». Je la rassure : ce syndrome mineur de psychose hallucinatoire de la cinquantaine est souvent de bon pronostic, traité par la chlorpromazine que j'impose à ma patiente.
Un mois plus tard, nette amélioration : les voix se sont tues. « Ce qu'elles disent n'a plus aucun sens » affirme la patiente. Je pense que tout va s'arranger en poursuivant le traitement. J'ai tort. Comme j'ai tort de ne pas avoir remarqué davantage cette réflexion faite au moment de raccompagner ma patiente : « Cela fait deux ans que je n'ai pas fait mes Pâques... ». Nous sommes en avril 1963.
Quelques jours plus tard, c'est la grande crise de délire. Madame V... présente un état confusionnel. Elle veut partir, en pleine nuit, n'importe où, son mari et sa fille doivent la maintenir. Les voix ont repris de plus belle et lui disent : « qu'elle est damnée et que personne n'y peut plus rien ». Pendant le long séjour que la patiente va faire en psychiatrie, le mari m'apprendra que sa femme a commencé à être perturbée à Pâques 1961, lors d'un sermon de l'Evêque d'Alger, lu à l'Eglise Saint Augustin, ce qui avait fait sortir, en pleine messe pascale, tous les fidèles outrés et révoltés par les insultes et les reproches dont ce prélat accablait la communauté Pied Noir en général, et ses ouailles, en particulier ! L'époux de la patiente, qui se dit « non pratiquant» me déclarera : « J'éprouve moins de haine contre le F.L.N. qui nous a chassés que contre certains prêtres qui ont excité les musulmans contre nous, par pure démagogie. Voulant revoir un prêtre en métropole, il y a quelques semaines, ma femme est tombée sur un imbécile de petit abbé qui lui a dit : "l'exode des Pieds Noirs est une punition que Dieu leur inflige !" ».
Or, le bilan hospitalier sera bien celui d'une névrose religieuse d'une patiente profondément croyante, déchirée entre son respect de l'habit ecclésiastique et sa révolte silencieuse contre certains prêtres d'Alger. Elle devra suivre un traitement très long avec de nombreuses rechutes de crises d'angoisse, traversant cet univers morbide de la faute rempli de rites expiatoires multiples qui trouvent un terrain favorable chez une nature scrupuleuse.
Revue de loin en loin, pendant des années, Madame V... ne retrouvera le chemin de l'Eglise qu'avec beaucoup d'appréhension et seulement le jour de la mort de son mari, tandis que sa fille, elle, abandonnera toutes pratiques religieuses.
J'aurai encore l'occasion de rencontrer plusieurs cas semblables de névroses religieuses, latentes le plus souvent, prenant le masque de troubles psychiques, d'accès dépressifs, de crises d'angoisse, d'insomnies rebelles dans leurs formes mineures, mais parfois, aussi, tournant à la pathologie mentale déclarée, comme le cas de Madame V...
Toutes ces perturbations avaient comme origine commune le scandale éprouvé par cette communauté chrétienne, gravement menacée dans sa survie par la violence d'un terrorisme aveugle, et qui voyait cette violence meurtrière, encouragée, souvent bénie et parfois ostensiblement soutenue par certains membres du clergé catholique !
LE CAS DE MADAME B...
Madame B..., la cinquantaine, élégante, a tellement besoin de parler, de s'exprimer, que, dans le salon d'attente, elle a rédigé une liste de tout ce qu'elle veut me dire. Insomnie presque totale, angoisses par crises redoutables avec palpitations. Bien sûr, « les événements » y sont pour quelque chose. « Pourtant, aux pires moments, j'ai fait face. Oui, nous avons tout perdu, mon mari avait un cabinet d'assurances... ». Pleurs. « Je n'ai jamais pleuré lorsque nous sommes partis, précipitamment... » En fait, la patiente me parle peu de l'exode. Tout roule sur ses souvenirs d'enfance, sur sa ville natale, Miliana « cette perle du Zaccar située au flanc du Dahra. Si vous la connaissiez !... »
Au cours des consultations suivantes, j'apprendrai à connaître « ces couchers de soleil sur la vallée du Chélif, les plus beaux d'Algérie !.. ». La patiente a un don de conteuse. Ses descriptions sont lyriques, colorées. « Quel merveilleux pays !... ». Larmes redoublées... Je suggère : « Vous devriez écrire cela, pour vos enfants... ». « Oh ! Docteur - répond-t-elle - mes mains tremblent tellement que je ne peux presque plus écrire. ». L'étincelle aurait dû jaillir ce jour-là !
Appelé à domicile quelques jours plus tard en raison de l'aggravation de l'état de la malade, le ma me prend à part pour me dire que sa femme n'a jamais été comme cela en Algérie, même aux pire moments de l'exode. « Tout semble s'être déclenché depuis que nous sommes arrivés à Lyon !... » Enfin la lumière jaillit. Non, la ville de Lyon n'y est pour rien. Cette patiente développe les symptômes d'un maladie de Basedow, un hyperfonctionnement du corps thyroïde dont la cause est souvent dépendant d'une violente émotion. Je n'avais pas pris assez de recul pour noter tous les symptômes tremblement des mains, amaigrissement, insomnie totale, tachycardie...
Très améliorée par le traitement, Madame B... viendra me dire, un mois plus tard, qu'elle attribue cela au fait que j'ai, longuement, su l'écouter, qu'elle avait pu « me dire tout ce qu'elle avait sur le cœur». Si elle savait que mon écoute, trop complaisante, a failli me faire passer à côté du diagnostic Le charme de Miliana... Peut-être aussi celui de cette femme qui n'en manquait pas (convient-il d faire cet « aveu» ?). Dans ce cas précis, j'ai privilégié l'écoute au détriment de l'observation rigoureuse des symptômes, alors que l'inverse est parfois reproché aux médecins.
II s'agissait là d'un cas typique de maladie organique, déclenchée par le stress des événement d'Algérie, qui nécessita un très long traitement et laissa, ensuite, pendant très longtemps, un instabilité nerveuse.
LE CAS DE MONSIEUR C...
Monsieur C... , employé des Postes à Constantine, se présente aussi comme un ancien de la 3ème D.I.A. ( troisième division d'infanterie algérienne). Il me montre sa blessure de l'épaule « un éclat de 88» comme si la signature du célèbre canon allemand était un motif supplémentaire de fierté.
Il vient pour des douleurs à la face externe des deux jambes, de plus en plus vives, et de cauchemars « terrifiants » qui, joints à l'irascibilité manifeste annonce une polynévrite alcoolique Indifférent au diagnostic, l'homme enchaîne : « Nous avons été trahis par De Gaulle qui est un falempo ! ». Le monument aux morts de son village natal aurait été détruit par l'Armée française elle-même.« Le nom de mon père, tué en 1917, au plateau de Craonne, y était inscrit, avec ceux d'une trentaine de Pieds Noirs morts pour la France... Nous voilà obligés de partir de chez nous, une main devant, une main derrière. ».
Je m'efforce d'être apaisant et m'enquiers de l'emploi retrouvé. « Ils ont décidé de me reprendre aux PT.T. si j'acceptais une cure de désintoxication ». Un point favorable, le patient reconnaît son alcoolisme, ce qui est rare... Et alors ? Après trois jours en cure libre à V...(hôpital psychiatrique), l'homme a interrompu cette cure.
« Ils ont été odieux avec moi, me disant, qu'à la 3ème D.I.A., il n'y avait que des bougnoules, les Pieds Noirs étaient restés bien tranquilles chez eux pour continuer à faire suer le burnous ! ». L'homme écumait de rage, prenant au premier degré ces éternelles stupidités qui règnent en métropole, attestant, pour l'Histoire, d'une dégradation de l'esprit public.
Avec l'assistante sociale, nous essayons de lui trouver un emploi aux Travaux Publics, moins regardants sur la question de l'intempérance. Conflit avec « un cégétiste qui m'a traité de fasciste », suivi de voies de fait, renvoi au bout de quinze jours.
Voilà un homme en détresse, veuf, sans famille, isolé au milieu de voisins indifférents ou hostiles. Je tente, avec prudence, une cure de désintoxication à domicile qui paraît réussir pendant trois semaines, laissant quelque espoir. Puis, la solitude et le découragement aidant, c'est la rechute avec, une nuit, crise de delirium tremens nécessitant l'admission urgente en psychiatrie... Décès quinze jours plus tard dans un tableau de confusion mentale irréversible.
II s'agissait, certes, d'un terrain alcoolique, mais curable. J'accuse la propagande officielle anti-Pieds Noirs, l'imbécillité et la méchanceté de certains métropolitains, jusque dans le personnel sanitaire, d'être responsables de la fin misérable d'un citoyen français arraché à sa terre natale et qui ne connaissait cette ingrate métropole que pour l'avoir « visitée » lors du « grand voyage organisé» de 1944 !
Citoyen d'un autre pays, ancien combattant et blessé de guerre pour la France, il aurait été honoré comme il le méritait. Le malheur, c'est qu'il n'était que citoyen français, mais... Français d'Algérie !
LE CAS DE MADAME T... ET SA FILLE
Madame T... m'appelle au chevet de sa fille. Elle a 6 ans et présente des douleurs abdominales vives et une température élevée, évoquant une appendicite aiguë. « Il ne s'agit pas d'une appendicite - me déclare la mère d'un ton affirmatif - ma fille est atteinte de la Maladie Périodique, affection très rare atteignant exclusivement les familles juives sépharades d'Afrique du Nord. Le professeur S..., d'Alger, qui a reconnu cette maladie, m'a recommandé de ne pas faire opérer ma fille. ».
II se trouve que je connais le professeur S... de nom, ayant lu une de ses publications. Me voilà aussitôt investi par la mère d'une parcelle de la confiance totale qu'elle place dans ce pédiatre algérois.
Cependant les symptômes persistent, inquiétants. Je demande un bilan hospitalier. Alors la colère de Madame T... éclate. Elle a déjà fait hospitaliser sa fille dans un grand service de pédiatrie où l'on voulait, à toute force, l'opérer : « Devant mon opposition, on m'a traitée de mère irresponsable. J'ai réagi, comme vous le pensez. Un interne a été odieux. Vous, les Pieds Noirs, m'a-t-il dit, vous vous croyez d'une race supérieure. II va falloir en rabattre, ici. Quant à vos médecins algérois, tout ce qu'ils savent faire, c'est de laisser mourir les enfants arabes. ».
J'exprime aussitôt mon indignation à Madame T..., lui rappelant que l'Ordre des Médecins Français a condamné ouvertement cette calomnie odieuse. Mais le choc émotionnel a été trop violent et Madame T... refusera longtemps toute idée d'une nouvelle hospitalisation, ne facilitant pas ma tâche. « Je ne veux pas m'exposer à me faire insulter de nouveau ».
Cette femme avisée ne connaît que trop les limites offertes par la médecine au traitement de sa fille. « Venez quand même-me dit-elle - votre présence nous réconforte et, après ma fille va mieux. Vous voyez bien que vous êtes capable de la soigner ici ! ». Miracle ou illusion que donne la confiance ?
Je ne veux pas passer pour un thaumaturge. L'angoisse de Madame T... se répercute sur celle de sa fille et redouble les douleurs de celle-ci, tandis que - je l'ai bien observé - l'apaisement de la mère améliore indiscutablement l'état de l'enfant.
Comment a-t-on pu méconnaître à ce point l'importance des liens privilégiés unissant une mère hyper protectrice et une enfant chroniquement malade, à la sensibilité exacerbée, trop précocement mûrie par la souffrance ? Cela se lit dans le regard pathétique qu'échangent ces deux êtres.
A la détresse de l'exode, à l'insécurité de l'avenir familial, (il y a deux autres enfants et le mari n'a pu encore retrouver de situation), à l'alarme d'une mère devant cette inquiétante maladie, au devenir mal connu de la médecine, en métropole, il a fallu que s'ajoute le traumatisme affectif causé par ces médecins manquant de la plus élémentaire psychologie, à défaut de toute compassion humaine !
Par bonheur, Madame T... pourra revoir le professeur S..., réinstallé en métropole. La famille quittera la région mais je serai tenu au courant de l'état de santé de cette enfant pendant très longtemps, entretenant un lien amical, presque affectif, avec cette famille, lien qui parfois apporte le meilleur soulagement quand la médecine est impuissante.
LE CAS D'HELENE
« Je vous amène ma fille qui se plaint de maux de tête continuels, de troubles de la vue. Elle maigrit sans arrêt depuis deux mois. Avec cela échec scolaire complet. Pourtant, elle était toujours première de sa classe au lycée Fromentin à Alger, spécialement douée en mathématiques... ».
Je regarde cette jeune fille de seize ans, longiligne, maigre en effet, le front haut dégagé, légèrement bombé (tendance au mysticisme ?) enfermée dans un mutisme total. « A la maison également Hélène ne dit plus un mot ». Un bilan hospitalier n'a rien montré d'organique.
Après deux rendez-vous annulés, je peux enfin recevoir la jeune fille seule. Elle s'exprime avec beaucoup d'aisance. « II y a deux mois la prof. de maths du lycée m'a prise à parti pendant le cours, pour me dire que je devrais avoir honte de mes parents et grands-parents qui pendant 132 ans en Algérie s'étaient conduits comme des esclavagistes... Ce qui m'a le plus choqué, c'est qu'ensuite, en récréation, la plupart des élèves ont approuvé. Une fille a même ajouté que le colonialiste équivalait à fasciste. C'est son père qui avait lu cela dans les temps modernes, la revue de Sartre ... Je ne veux pas que mes parents le sachent, je ne veux pas qu'ils soient humiliés comme je l'ai été : vous me promettez de ne jamais rien leur dire ? ». Mais les troubles de la vue se sont accentués, la moindre lecture est difficile, l'amaigrissement m'inquiète. Je parle d'un nouveau bilan hospitalier qui est refusé.
Hélène, élève brillante, fille unique, était l'objet de toutes les ambitions de ses parents, ruinés par l'exode. Le père architecte n'avait retrouvé qu'un emploi médiocre. Pourtant, elle va décider d'abandonner ses études pour devenir une petite employée de commerce. Trois mois plus tard, en m'apprenant cette lamentable décision, et en me remerciant d'avoir gardé son secret, Hélène me dit que tous ses troubles ont disparu dès qu'elle a pris cette décision, avec reprise de poids de 5 kg en quelques semaines.
Une psychothérapie, d'ailleurs refusée, aurait été problématique dans un environnement hostile, surtout dans ce monde scolaire et universitaire, qu'Hélène a dû fuir car il lui renvoyait trop une image insupportable de ses parents et grands-parents. L'agressivité qu'elle a dû ressentir en retour, enfermée dans se secret volontaire, s'est retourné contre elle-même, induisant cette conduite auto-punitive.
Ai-je eu tort de rester le dépositaire de ce secret ? Et au contraire, gardant ainsi la confiance de cette jeune fille à l'intelligence et à la sensibilité extrêmement vives, ai-je pu contribuer à conjurer l'évolution d'une « maladie de conversion », en particulier la redoutable anorexie mentale que l'on a craint un moment ? Qui peut le dire ?
Telle est l'histoire véridique d'une jeune fille Pied-Noir qui se sacrifia symboliquement pour défendre l'honneur de sa communauté et de ses ancêtres. Elle rappelle un peu celle d'Antigone, cette héroïne antique qui se fit victime volontaire au nom d'un idéalisme trop exigeant.
Les parents d'Hélène sont morts, elle-même a quitté ma région pour se marier à l'étranger.
LE CAS DE MONSIEUR G...
Monsieur G... est rapatrié de l'Oranais. Sa stature de colosse silencieux aux traits figés, contraste avec l'aspect de sa femme menue, remuante et bavarde. Elle parle pour lui, entamant une longue narration de leur exode.
L'odyssée a débuté quelques jours après l'indépendance lorsque l'homme, artisan maçon, découvre un matin que son unique ouvrier, musulman qu'il emploie depuis 10 ans, a été égorgé avec sa femme et leur fille de 18 mois par le F.L.N.
C'est le départ précipité vers le port le plus proche avec deux valises et leur fille de 4 ans. Refus de la marine nationale de les embarquer à Arzew, ils sont renvoyés sur Oran. « Plus de 40 km en partie à pied. Les camions militaires refusaient de nous prendre à bord. C'est un paysan arabe avec sa vieille camionnette qui nous a sauvés ».
Ensuite, c'est le cauchemar d'Oran, le port inaccessible, l'atteinte interminable à La Senia. « On nous avait mis en garde contre les A.T.O, ceux qui nous ont le plus maltraités ce furent les gendarmes rouges, nous faisant défaire nos valises 5 à 6 fois de suite en jetant toutes nos affaires par terre, nous insultant et nous menaçant si nous protestions... J'ai cru que mon mari allait en étrangler un. Je ne sais pas comment il a fait pour arriver à se contenir car l'autre cherchait à le provoquer. Si vous saviez ce que nous avons enduré sur ce terrain d'aviation, la chaleur, la soif, l'angoisse de tout le monde, les enfants qui pleuraient, et ces militaires français qui nous injuriaient et nous brutalisaient ! Oui, des militaires français, quelle honte ! ». La femme pleure, l'homme reste figé, absent.
L'état dépressif de ce dernier a débuté quelques semaines après son arrivée à L. Ayant trouvé du travail comme manœuvre sur un chantier du bâtiment, il a dû interrompre au bout d'un mois, à cause de vertiges, et d'une fatigue croissante. « Depuis qu'il est en arrêt de travail, en raison d'un traitement antidépresseur, mon mari ne va pas mieux. Il dit qu'il n'a plus confiance en lui, qu'il est fini ». Et c'est la seule phrase que j'obtiendrai du patient : « Je suis fini ! ».
Malgré tous les traitements, l'état mental s'aggrave. Ne pouvant plus monter sur des échafaudages, on l'a relégué dans des petits travaux de gardiennage avec un salaire très réduit. « Cela l'a achevé» dit sa femme quelques semaines plus tard. Des électrochocs restent sans effet, au contraire le patient accuse maintenant des troubles de mémoire, se dit « indigne de la société ». II ne pourra plus jamais travailler. Cette dévalorisation est un signe inquiétant.
Un soir, la femme du patient m'appelle au téléphone. Son mari n'a pas dormi depuis deux jours. Il refuse de continuer son traitement. Elle est inquiète. Je passerai ce soir un peu tard. Mais elle préfère le lendemain « pour ne pas réveiller sa fille ». Car ils vivent à trois dans une pièce. Ce soir là j'ai manqué d'intuition. J'aurai dû me rendre auprès du patient même très tard. Car on vient me prévenir au petit matin que l'homme s'est pendu.
Chez un homme indemne de tout passé psychiatrique, au traumatisme de l'exode est venu s'ajouter l'indignation et l'humiliation ressenties devant l'attitude de l'Armée et de la police métropolitaines qui avaient retourné leurs armes contre la population Pied-Noir depuis plusieurs mois, laissant les bandes du F.L.N libres de se livrer à des enlèvements et des assassinats !
L'attitude indigne de ces soldats dans leurs camions, des gendarmes d'Oran, avait fini d'exaspérer cet homme pacifique. Sa souffrance morale cachée, n'ayant pas trouvé à s'exprimer dans un environnement hostile ou indifférent, s'était retournée en agressivité contre lui-même, conduisant à ce geste auto-destructeur.
Il avait tout renfermé en lui » me dira plus tard Madame G dans une image simple mais vraie. Le mal était trop profond pour être accessible à une main secourable.
LE CAS DE MONSIEUR D...
Monsieur D... est un homme d'une quarantaine d'années, fonctionnaire de l'Enregistrement, qui se présente bien, c'est-à-dire simplement avec l'aisance naturelle d'un homme droit qui inspire confiance.
Il est porteur d'un volumineux dossier de radiologues, cardiologues, pneumologues, consulté pour une douleur rétro-sternale constrictive rebelle depuis 3 ans... Le diagnostic d'angine de poitrine reste en suspens, ce qui tourmente le patient : « je ne discute pas la compétence des spécialistes déjà consultés mais je n'ai pu échanger deux mots avec aucun d'eux ».
Je saisis ce grief au vol. Il me paraît important. La profession ? Ses collègues de bureau sont très corrects avec lui « à condition de ne jamais aborder le sujet de l'Algérie ». Le mot douloureux est prononcé, ravivé par un événement récent : De Gaulle vient d'être réélu, la veille. Nous sommes en décembre 1965. « Voyez-vous en dehors des meurtres et enlèvements, des ruines matérielles (depuis la confiscation des terres par Ben Bella en automne 1963 mes beaux-parents sont complètement ruinés), ce qui, malgré tout, nous affecte le plus, c'est le mépris avec lequel de Gaulle nous a traités. On peut opprimer, ruiner, anéantir une communauté d'hommes, ce sont les vicissitudes de l'Histoire, on n'a pas le droit de les humilier, eux et leurs ancêtres, par une cascade de mensonges dont on nous abreuve encore aujourd'hui. De penser que les métropolitains ont pu réélire cet homme, me bouleverse ».
Rompant avec ma réserve professionnelle. Je ne peux m'empêcher de dire à Monsieur D... à quel point je partage ses sentiments, ce qui encourage chez lui ce ton de confidence prolongé dont le patient avait besoin. En me quittant Monsieur D... me dit son soulagement (le mot est répété 2 ou 3 fois) d'avoir pu parler librement.
Revu chez des amis quelques semaines plus tard, Monsieur D... me prend à part pour me dire que ses douleurs constrictives, mystérieuses ont complètement disparu. « Devinez depuis quand - ajoute t-il avec malice - et bien c'est depuis la réélection de De Gaulle ! ». Nous échangeons une longue poignée de main complice.
L'avenir confirmera que cette angine de poitrine était une projection d'un long conflit intériorisé d'une souffrance refoulée, que seule une compréhension globale du patient pouvait soulager. Si certains spécialistes se montraient un peu plus psychologues ? Mais peut être répondraient -ils que ce n'est pas là leur métier.
CONCLUSION
A côté des conséquences matérielles et du stress de l'exode lui-même, nous avons vu apparaître, dans ces quelques observations, le rôle important joué par la honte et la colère chez beaucoup de rapatriés dans les perturbations psychosomatiques qu'ils ont présentées devant cette incroyable campagne de calomnies menée, conjointement, dans une alliance contre nature, par le parti communiste et le parti gaulliste.
Transformant les victimes en coupables, celle-ci était destinée par leurs auteurs à se dédouaner de toutes responsabilités dans cette tragédie. A la souffrance de cet exode, en catastrophe, résultant de la capitulation d'Evian, s'ajouta en métropole le temps de l'humiliation et du mépris : ce fut là le plus grand péché de la France.
Docteur Pierre Catin
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LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS
Par J.C. Stella et J.P. Bartolini
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Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.
De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.
Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :
Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :
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NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers
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Produits alimentaires de base
Envoyé par Fernand
https://www.jeune-independant.net/produits-alimentaires-
de-base-le-stock-suffisant-pour-plus-dune-annee/
jeune-independant.net - Par: Rim Boukhari le 12 juin. 2024
Le stock suffisant pour plus d’une année
Le stock stratégique des produits alimentaires de base, notamment les céréales et les légumineuses, est suffisant pour approvisionner le marché national sur une durée de plus d’une année. C’est ce qu’a affirmé ce mercredi, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Youcef Cherfa, depuis la wilaya de Laghouat.
Lors d’une visite de travail, Cherfa a indiqué que « son secteur a alloué 340 milliards de dinars pour la réalisation de 30 plateformes logistiques, comprenant 350 centres de proximité pour le stockage de plus de 50 millions de tonnes de produits de large consommation afin de répondre aux besoins des citoyens ».
A ce propos, il a évoqué le rendement de la campagne moisson-battage de l’année en cours, qui a atteint 80 quintaux (qx) de céréales/hectare, affirmant que ce chiffre témoignait du succès de la saison agricole. Outre les 11 000 moissonneuses mobilisées pour cette campagne, M. Cherfa a indiqué que ses services avaient également mis à profit des silos d’une capacité globale de 43 millions qx de céréales.
Le ministre a également souligné que l’Etat a réuni toutes les conditions pour l’investissement agricole permettant, ainsi, à l’agriculteur d’obtenir une parcelle de terre cultivable une semaine après le dépôt de sa demande, à condition, « qu’il ait la volonté de travailler et de produire » a-t-il ajouté.
Il convient de rappeler que le secteur de l’agriculture en Algérie qui emploie plus d’un quart de la main-d’œuvre nationale, soit 2,7 millions de travailleurs, assure une couverture de 75% des besoins alimentaires nationaux. Soit une contribution de 18% au produit intérieur brut (PIB), selon des chiffres qui ont été annoncés récemment par le ministre.
Lors de cette visite, M. Cherfa a procédé à l’inauguration d’un complexe frigorifique d’une capacité de 10 000 m3, réalisé sur une superficie de 3 hectares dans la zone de Bouchaker, au chef-lieu de wilaya.
Ce projet, confié à la Société Entrepôts Frigorifiques de la Méditerranée (Frigomedit), a bénéficié d’une enveloppe financière de plus de 700 millions da. Il comprend 10 chambres froides positives, 3 chambres froides négatives et trois pavillons de réception, de distribution et de congélation, selon les explications fournies.
La délégation ministérielle a également visité l’exploitation agricole « Atlas Saharien » (investissement privé), qui s’étend sur une superficie d’environ 200 hectares dans la commune d’Aïn Madhi, et comprend plusieurs filières notamment les élevages bovin, équin et camelin en sus de l’aquaculture.
De son côté, le ministre de l’Hydraulique, Taha Derbal, a inauguré un château d’eau, dans le cadre de cette visite, d’une capacité de 500 m3 dans la daïra d’Aflou, avant de mettre en service une station d’épuration des eaux usées (STEP) dans la même commune. M. Derbal a souligné l’importance de ce projet de 2,4 milliards de DA, pour assurer les eaux d’irrigation aux agriculteurs de la région.
Rim Boukhari
Algérie – France
Envoyé par Gaston
https://www.tsa-algerie.com/algerie-france-
une-liste-ouverte-dobjets-historiques-a-restituer/
- tsa-algerie.com - Par: Ryad Hamadi 27 Mai 2024
Une « liste ouverte » d’objets historiques à restituer
L’agenda de la commission algéro-française d’historiens chargée du dossier de la mémoire de la colonisation est scrupuleusement respecté. La commission vient de tenir sa cinquième rencontre depuis novembre dernier.
Les membres du panel ont convenu de se voir tous les deux mois alternativement en Algérie et en France. Cette cinquième rencontre a eu lieu au siège des Archives nationales à Alger et a été l’occasion pour la partie algérienne de dresser une liste d’objets symboliques de la période coloniale dont elle réclame la restitution par les autorités françaises.
Dans un communiqué rendu public, ce lundi 27 mai, la commission a rendu compte de la teneur des travaux qui se sont étalés sur deux jours, les 22 et 23 mai. Les membres français du panel ont séjourné en Algérie entre le 20 et le 24 mai et ils ont eu un riche programme de visites chez de nombreuses institutions algériennes.
La commission Histoire et Mémoire a été instituée à l’initiative des présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron à l’issue de la visite de ce dernier en Algérie en août 2022.
Elle est composée de cinq historiens de chaque pays, coordonnés par Benjamin Stora côté français et Mohamed Lahcen Zeghidi pour la partie algérienne. Leur mission est de travailler « loin de la politique » sur le très sensible dossier mémoriel et d’émettre des propositions pour aller de l’avant sur cette question.
Dans leur communiqué, repris par l’agence officielle APS, les membres de la commission ont formulé le vœu que « le traitement du dossier mémoriel réponde aux aspirations des peuples algérien et français » et plaidé pour des actions tangibles qui prennent en compte toutes les dimensions de l’histoire de la période coloniale.
Ils ont aussi souhaité que ce « corps soit donné à la Déclaration d’ Alger et que les missions imparties à la commission mixte se concrétisent ».
La commission « s’accorde pour poursuivre et parachever la chronologie relative aux domaines militaire, politique, économique, social, culturel et humain au cours du XIXe siècle », indique-t-on.
L’Algérie dresse une « liste ouverte » d’objets symboliques à restituer par la France
Sur la question des archives, les dix historiens ont souligné la nécessité de « poursuivre les négociations dans le cadre du groupe de discussion mixte ». Lors de la rencontre de janvier dernier, il a été décidé que la France restitue à l’Algérie 2 millions d’archives numérisées.
Pendant cette cinquième rencontre, la partie algérienne a présenté « une liste ouverte » d’objets « historiques et symboliques » de l’Algérie du XIX siècle, conservés en France. Ces objets sont proposés à la restitution à l’Algérie par la France « sous forme de gestes symboliques », indique le communiqué.
La partie française, qui a été invitée à exprimer ses préoccupations sur cette question précise, s’est engagée à transmettre les réclamations de l’Algérie au président Emmanuel Macron « afin que les biens qui peuvent retrouver leur terre d’origine puissent l’être le plus rapidement possible ».
À l’issue de la rencontre de janvier dernier, la commission avait dévoilé quelques objets que réclamait la partie Algérienne, dont l’épée, le burnous, le Coran, les canons et la tente de l’Émir Abdelkader, la tente d’Ahmed Bey, la clé et les étendards de Laghouat…
Fin décembre dernier, le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, avait révélé à Al Jazeera que la partie française était réticente quant à la restitution de certains objets à l’Algérie, citant le burnous et l’épée de l’Émir.
Dans son communiqué de lundi, la commission mixte ne dit pas s’il y a évolution du côté français sur ce point. Elle exprime toutefois sa satisfaction de la coopération en matière de restauration, de numérisation, d’échange d’expériences, de bibliographie, d’échanges scientifiques et culturels, de valorisation de lieux de mémoire, de la numérisation des registres d’état civil et des registres des cimetières français en Algérie, des cimetières algériens du XIXe siècle en France, de création d’un portail numérique…
Le panel se réjouit particulièrement des « perspectives de partenariat » esquissées par les responsables du Service interministériel des archives de France (SIAF) et de la Bibliothèque nationale de France (BNF), à l’occasion de leurs visites au Centre des archives nationales d’Algérie et de la Bibliothèque nationale algérienne.
Ryad Hamadi
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Thérèse
Envoyé par Eliane
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Thérèse, la bonne antillaise, voulait une augmentation...
La Maîtresse de maison très énervée par cette requête lui demande :
“Et pourquoi voulez-vous une augmentation, Thérèse ?
”Thérèse : “Eh bien Madame pour 3 raisons” :
- “La 1ère, c'est parce que je repasse mieux que Madame”
Madame :
- "Et qui vous dit çà" Thérèse?
- "C'est Monsieur qui me dit ça".
Madame :
-"Ah bon ?
"Thérèse :
-"La 2ème, c'est que je cuisine mieux que Madame".
Madame :
-"Sornettes! Et qui dit que vous cuisinez mieux que moi ?
"Thérèse :
- "C'est Monsieur qui dit que je cuisine mieux que Madame".
Madame :
- "Tiens donc ?"... Et la 3ème raison Thérèse ?
Thérèse :
- "La 3ème raison, c'est que je fais mieux l'amour que Madame"
Madame (hors d'elle) :
- "Et c'est Monsieur sans doute qui vous a dit que vous faites mieux l'amour que moi ?”
Thérèse :
- "Non, Madame, c'est le jardinier !
"Et Thérèse a eu son augmentation !!!!!!!
Lorsqu'on prétend grimper au cocotier, mieux vaut avoir la culotte propre ! (Proverbe antillais)
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Notre liberté de penser, de diffuser et d’informer est grandement menacée, et c’est pourquoi je suis obligé de suivre l’exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d’information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d’expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
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