N° 252
Septembre

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Septembre 2024
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO

C’est la Rentrée, heu !!!

        Chers Amies, Chers Amis,

        Début septembre, cela ne vous a pas échappé, c'est la rentrée.
        La rentrée des classes pour tous les jeunes élèves heureux de se retrouver entre eux ; c’est la rentrée des travailleurs ; celle des retrouvailles des familles, des amis, après les dispersions estivales ; celle aussi des retraités qui vont payer la facture pour ceux qui « ne veulent rien faire ou qui arrivent sans y être invités ».
        Mais c’est aussi surtout pour la Seybouse, l’occasion de souhaiter à tous, une bonne rentrée communautaire.

        A peine le sable enlevé des pieds, les voilà déjà enfouis sous le bureau, et de nouveau bercé par le petit ronronnement et le soufflement du ventilateur de l’ordinateur. Bref, c’est la rentrée et autant le dire : ça démange !
        Alors que cette période pourrait être morose par les évènements politiques, nous avons tous une bonne raison de se réjouir, la Seybouse est de retour.
        Heureux de vous de vous retrouver sur le site, pour de nouvelles pages à lire ensemble.

        Je vous retrouve, après une longue pause informatique sur le net, mais pas au bureau car j’ai travaillé sur le site du Cimetière où j’ai mis les plans que j’ai rapporté de Bône et sur le site du Livre d’Or des Morts de 14-18 avec la mise en ligne de prés de 40 communes.

        Je ne peux m’empêcher de dire un "Merci" à notre « micron jupitérien » pour ses choix de dissolution et tripotages politico-médiatiques avec les résultats obtenus qui nous donnent un pays ingouvernable en l’état actuel. Je pense qu’il en est le grand gagnant pour masquer son incompétence. Mais je croie que le chaos actuel est sa vraie victoire et s’il avait du courage, et serait l’espoir du pays, il démissionnerait de son poste comme l’avait fait un de ses prédécesseurs.

        L’espoir n’appartient plus à notre vocabulaire politique. Plutôt que de continuer à le porter, la gauche lui préfère la colère qu’elle brandit comme une qualité en soi. Depuis le XIXe siècle, elle revendiquait d’incarner la promesse de jours meilleurs. À présent, elle s’attache à faire écho à celles et ceux qui, pour des raisons qui peuvent être légitimes, manifestent leurs frustrations, les inquiétudes ou leur mécontentement. Il lui arrive même de légitimer le recours à la violence. Son insistance à boucher son propre horizon constitue une menace pour notre démocratie. Elle ruine les chances d’une alternance en dehors de choix extrêmes. (L’Indépendant)

        Peut-être que vous avez retrouvé le sourire, maintenant il faut le redonner aux autres ! Bien sûr nous vous invitons à les encourager à lire toutes les articles de nos sites et de notre gazette la Seybouse.

        Pensez aussi à mettre la Seybouse dans vos messages ou discussions et partagez-les avec vos collègues et amis. Elle sera votre meilleure alliée pour faire disparaître la morosité de votre entourage.
        Alors je vous souhaite une bonne rentrée, pleine de courage et de bons moments à lire ce numéro.
Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
         A tchao.

La Sardine et le Rouget
Envoyé par Jean-Claude PUGLISI.
Raconté par un Poème
de Marc di PATALANO.
( 1933 - 2005 + )

           - Laissez-moi vous conter un rêve que j'ai fait,
            là-bas, loin sur les quais,
            d'un village tant aimé :

            - Je regardais la mer et son bleu azuré,
            en récitant des vers
            d'un ton énamouré.

            - Soudain,
            entre deux eaux d'un Saint Crépusculaire,
            j'entendis quelques mots à la Charles BAUDELAIRE :

            Oh là ! Petit Marquis.
            - Regardes-moi changer !
            De poisson pélagique en gros Rouget barbet.
            - De bleu-vert argenté
            ma cape je rougis et mon corps transformé,
            aux anges me ravit.

            - N’en croyant pas mes yeux, tonna une autre voix,
            avec des palsambleu aux accents de Callois.
            - C'était, mon Rouget Roi apostrophant la belle,
            qui enlevait ses soies
            pour une rouge dentelle.

            - Oh fille !
            Comment t'étais ! ? Comment t'es devenue ! ?
            S'esclaffait le Rouget à la Sardine menue.
            Qu'as-tu fait de ta robe au teint si camaïeu,
            que t'en jettes
            l'opprobre sur ceux de ton milieu ! ?
            - Te voilà à jouer sacrée petite Sardine,
            à la belle Miss Touquet,
            à Cul-Cul la Praline !

            - Cela ressemble à quoi ! ? De vouloir m'imiter.
            Pour être, je ne sais quoi,
            un rien endimanchée.
            - D'un pronom féminin à l'éclat argenté,
            tu rêvasses masculin, d'un rose un peu teinté ! ?

            - Dis ! Pour qui te prends-tu ?
            A renier ainsi, la peau de ton dessus ! ?

            - Enfin quoi ! ? Ta famille,
            l'honorable Matsame *, au sens noble du mot,
            qui a aussi son charme,
            malgré ses oripeaux !

            - Tu sais ! Je vais te dire,
            lui dit le beau Rouget,
            il n'y a rien de pire
            que d'aspirer changer !

            - Vouloir parfois péter, plus haut que le trou de son Cul,
            vous apporte il est vrai, un air de parvenu !
            - Aussi, ma belle Sardine, dans le creux de l'ouïe,
            je t'le dis en sourdine :
            Reste donc du pays !

            - Je crois vous l'avoir dit, que je rêvais profond au fin-fond de mon lit, à cette histoire de Thon... Qui n'en finissait plus...
           - Allez savoir pourquoi ! ? Jamais je ne le sus.
           - Pourtant, il y eu cett' voix qui descendait des nues, et réclamait, pardi - une Sardine menue...
           - Menu ! ? Vous avez dit.
           - Que j'en fus réveillé et jeté de mon lit - avec ce goût salé, j'ai eu bon appétit !
Marc di PATALANO ( 1933 - 2005 +)
alias - Marquis de la Pépinière.
- Veynes - Novembre 1996.

Pensées et réflexions
d'un Callaïoun en exil.

           - Comme Marquis, moi aussi je rêve...
           - Beaucoup trop, je dois bien l'avouer... Et surtout, à beaucoup trop de choses à la fois...
           - Cela ! Il faut que je l'avoue aussi.
           - Mais, il y a un rêve qui m'obsède, depuis longtemps, tellement longtemps, si longtemps... Que, pour tenter de m'en éloigner sur la pointe des pieds - sans toutefois le désirer et l'effacer à tout jamais de ma mémoire -, je me suis enfin décidé de me le raconter une fois pour toute.
           - Comme je n'ai rien à cacher, j'ai laissé discrètement entre-baillée la porte de mes songes, pour qui voudra bien consentir à passer le seuil et pénétrer sans aucune crainte au plus profond de ma chaumière - celle que j'ai là-haut dans les étoiles.
           - S’arrêter sur les quelques pensées et réflexions, qui ne manqueront pas d'être au rendez-vous - là n'est pas l'essentiel.
           - Ce dialogue de Callaïouns, n'a pas - je vous l'assure ! - la prétention d'une leçon de morale... Car je ne suis pas moraliste du tout !
           - C'est surtout une suite disparate de pensées - à méditer sagement ! - de réflexions - que l'on pourrait se faire ! - de questions - à se poser parfois ! - de réponses - à se rapporter en écho !... Et voilà tout !
           - Quant au scénario et à la musique qui viennent sans façon illustrer ce dialogue, il n'est pas utile de s'en aller chercher bien loin tous les interprètes : ce sont ceux de là-bas, s’exprimant dans la belle langue de chez-nous, avec pour décors des lieux et des choses, qui, peut-être, seront reconnus au passage, mais, dont la présentation, me paraît pour le moins superflu.
           - Mais, venons aux faits :

           " Une Sardine peut-t-elle un jour espérer, se métamorphoser en Rouget de roche ? "

           - Ceci ! ? C’est pour les choses de la mer.
           - A partir de là peut-être serions-nous tentés, de se pencher aussi sur les choses de la terre et se demander si par exemple :
           " Un Canard de basse-cour peut-il tous les matins réveiller le soleil, en poussant des cocoricos retentissants, en lieu et place du Coq de service ! ? "
           - Et les hommes dans tout cela ? Me direz-vous.
           - Mais, là encore - à chacun sa réponse !
           La mienne ! ? La voilà.
Docteur Jean-Claude PUGLISI
de La Calle de France
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage.

LA FEMME DU BOULANGER….
(Plagiat Vue et revue par les Bônois)

Envoyé par M. Georges Barbara

          Nina la femme d’un boulanger de la colonne a répondu un jour ( allez savoir pourquoi ? ) positivement aux avances de Titin le marchand d’haricots de mer de Joanonville. Celui-ci qui après avoir déambulé le soir dans les rues du quartier pour vendre ses coquillages, avait par habitude de donner une « sérénade à l’ancienne » sous le balcon de Nina ! Sans mesurer les conséquences de son acte, et certainement sous le coup d’un moment « d’irréflexion », notre Nina séduite par le physique de ce Don Juan de la choumarelle, était partie avec lui sans penser aux conséquences que cela pouvaient entraîner pour elle et bien sur pour Emile son mari depuis toujours ! La différence d’age a t-elle joué dans le comportement de Nina ? Dieu seul le sait !
          Mais après quelques jours d’escapade et pleine d’angoisses, prise de remords certainement, elle décide de retrouver à la tombée de la nuit ... son foyer !
          Nina ( Qui renifle comme la locomotive du Bône - St Charles quand il rentre en gare ) et toute en pleurs, passe la porte de la pièce qui donne accès au fournil. Et là elle se retrouve face à son mari Emile notre brave boulanger de la rue des Prés Salés. Y l’est là devant elle tout en transpiration…


          N-» OH Emile……. C’est moi, je roviens…. Je m’excuse de te demander pardon ! (sniff)
          E- » Et pardon de quoi?
          N- » De ça que j’ai fait.
          E- » Ça que t’ya fait et qu’es ce t’ya fait ? Et qui cats y t’le demande ?
          N- » Fais pas le Tchoutche, aller! Te le sais…. Va !
          E - » Et a debon que je le sais fugure toi, ça s’ois pas non ? Et si y’avait que moi, Diocane ! Si y’avait que moi !
          N- » Je t’ai fait du mal ?
          E- » Atso, mais adebon t’l’a fais toi ? Je pourrais te dire aousqu’il est le mal…. Non ? Mais j’ai eu beaucoup de contrariage c’est vrai, ouais parce que te m’l’avais pas dit. Te pars, toi, comme ça, te t’en vas à dache quand ça te prend. Et te m’avertis pas. Te ne m’avais même pas dit où c’est que tu mettais la boite des cachets pour que je me prends une aspirine que j’en avais besoin, ni les mouchoirs, ni le petit pot que je pisse dedans la nuit. Diocane je le cherche depuis deux jours, je me leve sans arrêt, que c’est surement ça qui m’empeche de dormir. T’ya eu envie de voir ta mère, que ça fait un moment qu’elle vient pas à la boulangerie ? Je comprends, et je te le roproche pas. T’ya pas voulu me le dire, parce que je fais un peu trop autoritaire quand je parle, et que je t’aurais arappelé tous les bâtons qu’elle a pu me mettre dans les roues à moi cette figa molle, quand je t’ai demandé en mariage ? ... D’accord, je le comprends. Mais elle, cette Marie la folle, a’c son chignon qu’elle a t’sur la tête que tu dirais un cornet de crème à la vanille de chez Longo, a l’est juste bonne pour te donner des conseils, mais te crois pas qu’elle pourrait m’envoyer Mazouz le p’tit arabe qu’y l’habite dans sa coure pour me dire qu’elle te gardait chez elle ? Qu’elle m’aurait enlevé tout cette bafougnade que j’avais dans la tête ? Oualou te peux courir ac cette mal apris !. Et combien j’aimerais lui en chanter quatre bien sur !.. Enfin tout d’même ! Mais je peux pas lui en vouloir, dans le fond qu’a même, a l’a été raisonnable puisqu’elle t’a fait rotourner tout de suite à la maison. Et pis t’ya pas eu froid au moins ?
          N- » Qu’est ce que ca peut faire ?
          E- » Beaucoup. Pourquoi métenant que je suis content de te revoir, te ne vas pas m’attraper la tousse, non ? Rogards de t’asseoir, viens te mettre à table j’allais juste manger, ne reste pas la. Assieds toi ma Nine assieds toi. Te dois avoir faim ? Tiens j’avais préparé quelques kémia pour moi, parce que qui cats y l’allait sa’oir que te viendrais ce soir. Mange va moi je peux rien envaler en ce moment, j’ai pas faim. Je dois avoir queque chose au creux de l’estomac qui passe pas, et j’ai sans arrêt le fiel qu’y me romonte ! Et toi que te me fais cette madone de surprise de venir comme ça ! Celle là a l’est bonne alors ! Mais aussi demain, dare dare je vais allumer un cierge à St Anne pour la romercier...
          (Brusquement Nina fond en grosses larmes.)

          N- » Ne me pardonne pas comme ça, te semble accecter ces choses là. Te me fais mal si te savais !
          E- » Pour l’amour de Dieu, ne me parle plus de pardon, parce que Dieu préserve te finirais par me donner des idées ! Çà t’étonnes de me voir pétrir à ces heures là ?
          N- » Quoi ? J’sais pas,,, J’sais plus Emile, j’sais plus madone !!
          E- » Ecoute y faut que je t’avoue queque chose, mais jure moi que t’yen parle pas à Suzette cette nousnika de ta cousine. Parceque celle là, Dieu préserve, quand elle rouve sa bouche et quand a sort sa langue, c’est pas pour lui faire prendre le frais, t’le sais ? Et y l’en faut pas beaucoup aprés pour te remplir toute la colonne avec elle... Te ‘ois ça qu’je va te dire, et ben depuis que t’yes partie, je ne me suis pas bien conduit, mais n’a pas peur c’est pas bien grave. Et ben oila comme j’étais seul, j’en ai profité pour me romettre à l’Anisette, comme avant que je te connais. Eh oui ! C’est une envie qu’elle m’est venue comme ça bêtement. Une espèce de coup de folie…. Mais aousqu’il est le mal ?... Oui un coup de folie quoi ! Te sais ça qu’y z’appelles des Zéquilibres ! Et te me diras adebon que ça peut tomber t’sur tout le monde. Et en plusque ça m’a rendu malade comme un chien ! Et oujourd’hui j’ai pas eu le courage de faire le pain ; Alors dans tout le quartier, je te dis pas, à ces poutanelles du dimanche ça les a bien ennuyées a z’ont même été ‘oir le curé et c’est pourquoi que j’ai promis au commissaire de police de la rue Garibaldi, qu’il est venu me voir que je leur en ferai pour ce soir. Voilà la vérité.

          N - » Et celui là là c’est quoi ce pain en forme de cœur qui c’est qui l’a fait ?
          E- » Ah oui c’est moi, t’ya romarqué qu’il a une drôle de forme, une forme comique… Je l’ai cuit dans le vieux four de ta mère qu’y a dans le débarras. J’ai jeté un morceau de pate à la babale endedans, au hasard, Et rogarde moi un peu comment cette pâte elle a été tomber ! Enfin je n’ai fait que celui là pour toi. Enfin pour moi. Je dis pour toi parceque c’est toi main’nan qui va le manger... Mange, Nina. Fais moi ce plaisir mange ma Fi….
          N- » Misère de tes osses, aimable par dessur le marché, une bonté comme la tienne oh Emile, c’est pire que des coups de bâton.
          E- » Que veux tu la bonté, c’est difficile à cacher. Alors fais pas entention, nouzote dans note famille on ne le fait pas esprés, on est comme ça et je te demande pardon.
          N- » Atso te sais tout alors ; Emile ?
          E- » Moi oui. Tout ce qui concerne le pain. Et ça me suffit. Je ne veux savoir rien d’autre. A quoi ça me servirait d’écouter tout ces cancaneries qui se dit dans le quartier ? C’est devenu le marché arabe depuis que t’yes partie et ça m’aurait pas enlevé tout ce contrariage que j’avais t’sur moi... non !
          N- » Peut être à ne pas etre ridicule
          E - » Te veux pas que je sois ridicule ? Beh com’ a disait ma mère » Cournoude et bastonnade ? »
          N- » Non !
          E- » Te sais là Fi et ben j’ai la chair de poule, parce que c’est la seule parole d’amour que te me dis…. Alors Jesus Marie Joseph, et ben j’sais plus quoi faire... Mais attends t’ientends comme moi, on dirait que c’est la Filounette note chatte qui vient de rentrer. Elle miaule métenant ! Elle a du culot celle-la !
          ( Emile y s’la rogarde un instant, y prend un air sévère et y lui dit ;)

          E- » Ah te oila toi, ( à sa femme Nina ) Rogars là cette Filounette. Assaouar ousque t’y étais ? Te devrais a’oir la honte à la fugure Diokix. Salope, poutanelle d’en haut la place d’Armes, te t’la sens plus métenant que tu roviens ? Et ton pauvre Filou dire que lui y mangeait même plus, michkine y faisait que de te dormir dans les escayers du grenier ! Laisse le qui te cherche, y te rentrait même plus pour faire son caca dans sa caisse ! Il était tout déphrasé le pauvre. ( se tournant vers Nina), et pendant ce temps la, cette belle en cuisse a’c son chat de gouttières…. ce tchoutche, ce falso cette fatche à broutte. Et ben qu’est ce qu’elle lui a trouvé de plusque, hein dis moi ? Y miaulait mieux que ton Filou Hein ! Quest ce qu’il avait de plusque aller dis moi ?
          (A ce moment là, la Nina a te baisse la tête, et a repond.)

          N- » Rien !
          E- » A toi te dis rien ? Mais elle c’te gourgandine du clair de lune, si a savait parler, si a l’avait pas la fugure com’son darrière, ou alors juste par pitié pour son pauvre Filou a me dirait qu’il était beaucoup plusse beau ?
          Et ça veut dire quoi plusse beau, tous les chinois y sont pas tous pareils ? Tous les sénégalais y sont pas tous noirs ? Et parce que les éperviers y sont plus forts que les pigeons, c’est pas pour ca que les femelles des pigeons y leur courent darriere... et la tendresse qu’est ce que t’yen fais ? Ton galant t’homme est ce qu’il se reveillait la nuit pour te rogarder dormir ? Est ce que si tu étais partie ? Y laurait laissé refroidir son four s’il avait été boulanger ? Tu as eu faim ?
          (Tout d’un coup Filounette qui a vu un bol sur le bord du four se précipite et boit tranquillement !)

          E- » Tiens agas moi ça, a l’a vu le bol de lait du pauvre Filou !
          Dis c’est pour çà que tu roviens, tu as eu faim et tu as eu froid ?
          Vas bois lui son lait te lui fais plaisir….. Dis est ce que tu partiras encore ?
          N- » Elle ne partira plus
          ( Le Boulanger à voix basse à la chatte )

          E- » Parce que si t’ya encore envie de partir... agas que tu ropars tout de suite y vaut mieux ! Ce serait moins cruel.
          N- » Non elle ne repartira plus jamais, j’en suis sure !
          ( Et Nina va se blottir contre Emile )

          E- » Que’st ce que tu as Nina tu es pas bien qu’est ce qui te prend ?
          N- » Je ne sais pas je ne suis pas bien, mais je veux rester à coté de toi, y me vient tout d’un coup un madone de froid !
          E- » Ecoute Fi, c’est le moment de rallumer le feu... Oh que cela serait bien si tu ferais courage tu sais. Ce serait juste…. Il s’éteint quand tu t’en vas et tu l’allumes quand tu reviens... c’est naturel
          N- » Te sais Emile cette fumée qu’elle te fait la bruyère quand le feu y prend, j’ai beau en avoir l’habitude et ben a m’a toujours fait pleurer !
          E- » Te vois Nine, et ben tout ça c’est que des paroles verbales... Allez, y va t’être tard... si tu allais te coucher ?
Georges Barbara, 28 mai 2024


LE BOU YOU YOU
Par Antoine Carillo et Georges-Emile Paul
Echo de L’ORANIE N° 261, mars/avril 1999

       Lorsqu'on évoque les souvenirs d'Oran, chacun ressent son propre quartier à sa manière, nimbé de poésie ou d'amertume mais lorsque vous prononcez le nom du Bou-You-You, c'est un sourire ému qui naît sur toutes les lèvres. Le petit train qui joignait la ville à Hammam-bou-Hadjar occupe dans l'imaginaire des oranais, même ceux qui ne l'ont jamais emprunté, la place médiane entre la citrouille et le carrosse mais tous deux ressortissent du conte, du royaume de l'enfance. Pourtant le Bou-You-You était bien réel et bien utile !
       Voici ce qu'écrit Antoine Carillo qui l'appelle "Bouillouillou":

Souvenirs d’Oranie
Le Boulllouillou

       Antérieurement à 1960 existait, en Oranie, un petit train départemental qui reliait le centre viticole d'Hammam-Bou-Hadjar à la ville d'Oran, distante de 70 kilomètres. Mais il fallait à ce tortillard plus de trois heures pour accomplir son périple. A l'arrivée au cœur d'Oran, vers la fin du boulevard de Mascara, c'était l'euphorie pour les Oranais qui saluaient, applaudissaient et riaient en même temps. Ils appelaient ce train le Bouillouillou. Probablement, cette onomatopée désignait le bouillonnement et le jet de vapeur en même temps que le pénible effort de la locomotive. Tel qu'il était cependant, Ies Oranais affectionnaient ce folklorique omnibus.
       Vers seize heures, il entamait le voyage de retour, remontait le boulevard de Mascara en soufflant avec peine mais encouragé par des adolescents en délire. Je me rappelle très bien que, en Octobre 1926, même Albert Camus, nouvellement venu d'Alger et élève de l'école Pasteur, partait en courant vers le boulevard de Mascara, tout proche, pour saluer et applaudir le Bouillouillou, en riant aux larmes.
       Insensiblement Ies Oranais, qui ignoraient presque l'existence d'Hammam-Bou-Hadjar, associaient dans leur esprit la mystérieuse cité à la réalité du train qui lui procurait une âme.

       Je me souviens aussi d'un voyage au départ d'Hammam-Bou-Hadjar. Bien avant l'aube, le train quittait son dépôt à quelques centaines de mètres au Nord de I'agglomération et s'arrêtait en plein centre devant un grand nombre de personnes qui attendaient. Le train était immédiatement pris d'assaut tandis qu'un bon nombre de citadins restaient autour conversant avec les voyageurs. On entendait les mille recommandations habituelles dans les langues française, arabe et espagnole. Il y avait, avec les wagons de voyageurs, des wagons de marchandises parfois vides, avec leurs portes latérales ouvertes. Certains habitués préféraient ces wagons où ils pouvaient s'étendre ou s'asseoir sur le plancher pour entamer une partie de cartes.
       Le départ était toujours pénible et la population pouvait continuer à converser avec les voyageurs en marchant à côté du train.
       C'était, ensuite, le train un peu plus rapide en direction d'Aïn-El-Arba. A droite et à gauche c'étaient des vignes, des vignes et d'autres vignes, des pieds bien alignés et des terres sarclées. Le vignoble d'Hammam-Bou-Hadjar était si savamment mis en valeur qu'il produisait, chaque année, plus de cinq cent mille quintaux de vendanges.
       Le stationnement à Aïn-El-Arba était la réplique de celui d'Hammam-Bou-Hadjar. Mais, ensuite, c'était un changement de décor. A droite et à gauche du train on voyait des céréales. La plaine du Bled-Kerkour formait une cuvette dont le fond était rempli par la Sebkha d'Oran.

       Cette grande plaine était agréablement plantée de céréales. A ce sujet, je me surpris à penser à Dupré de Saint Maur qui, au siècle dernier, voulait faire de ce coin d'Oranie une nouvelle Beauce. Il réussit merveilleusement à produire du blé dur et du blé tendre, dit de force, qui sont deux excellentes céréales semoulières. Son nom resta attaché à son village jusqu'en 1962. Dupré de Saint-Maur... quel attachant personnage. C'était après le village de Saint-Maur qu'avait lieu un curieux cérémonial. Tout le personnel du train : conducteur, chauffeur, mécanicien, contrôleur et autres agents abandonnaient l'omnibus pour prendre possession du train parti d'Oran afin de revenir à leur point de départ.
       Ainsi, et durant des années, les divers employés ignoraient la première ou la seconde partie du parcours. Le voyage continuait avec le passage à Tafaraoui et son silence champêtre, Arbal ; Valmy, La Sénia et, enfin, l'arrivée toujours saluée par les Oranais. A la suppression de la ligne ces mêmes Oranais furent très affectés et la ville d'Hammam-Bou-Hadjar y perdit son âme.
       Sur un plan d'Oran nous avons pu situer la gare du Bou-You-You sur la route de la Sénia, au bout de la rue de la République, à gauche en allant vers le sud, entre Médioni et Sananes.
       Et voici ce qu'écrit Georges-Emile Paul dans son livre : Hammam-Bou-Hadjar sous-titré : Petite chronique de mon village algérien et de son environnement 1874-1962.

COMMUNICATIONS

       Hammam-Bou-Hadjar est, aujourd'hui, un carrefour important, dessiné par les routes la reliant aux villes d'Oran, Ain-Témouchent, Sidi Bel-Abbès, Sainte-Barbe-du-Tlétat et Mascara. Ce sont ces voies que parcourent les longues citernes de vin qui partent notamment vers le port d'Oran pour l'exportation sur la métropole ou les coupages locaux.
       Plusieurs raisons d'attraction militent en faveur de l'agglomération : présence d'une station thermale vivante, équipée d'un matériel moderne, chais de vins, distillateurs d'alcool, transporteurs automobiles, marchés de bestiaux et légumes, important centre bancaire. Des relations immédiates se nouent avec ses voisins : Aïn-El-Arba, Hameau-Perret, Saint-Maur, Rio-Salado, Lafferrière, Turgot et Er-Rahel. Depuis 1936, Hammam-Bou-Hadjar I'emporte sur Rio-Salado par sa population. En 1954, l'agglomération groupe la moitié de la population de la Commune, ce qui justifie sa fonction urbaine.
       Jusqu'en 1948, Hammam-Bou-Hadjar fut le terminus du lent et bruyant tramway départemental à vapeur d'Oran à Hammam-Bou-Hadjar (T.O.H), Le fameux "Bou-You-you" des musulmans. Il amenait à Oran, en haut des boulevards Foch et Mascara, près des rues de Tlemcen, une clientèle musulmane chargée des denrées les plus diverses. Pour fixer les idées, nous pouvons préciser que ce pittoresque "tortillard" routier jouait, sans ambition, un rôle important puisque en 1925, il transporta jusqu'à 80.000 tonnes de marchandises et, en, 1939, 233.000 voyageurs.


       Cette même année, Ies transports routiers automobiles lui faisaient déjà une active concurrence, en absorbant près de 2/3 du trafic (75.000 tonnes), ne laissant qu'une portion congrue du tiers au chemin de fer vieillissant.
       De même malgré le mauvais état de la route de Mléta, 4 services aller-retour d'autocars captaient alors la clientèle des voyageurs, par la rapidité de leur trajet.

       En 1948, à la fermeture de la ligne, le transport est assuré par 8 services aller-retour sur Hammam-Bou-Hadjar et 2 sur Aïn-El-Arba. En 1960, une douzaine de départs sont assurés quotidiennement vers Oran, Aïn-Témouchent et Sidi-Bel-Abbès.
       Dès 1941, on a pensé raccourcir la distance vers Oran d'une douzaine de kms, par l'établissement d'une route sur digue, à travers la Sebkha, aboutissant d’une part à un km à l'ouest d'Aïn-El-Arba, et, d'autre part, à la route nationale de Rio-Salado à Laferrière par Hammam-Bou-Hadjar avec la route nationale d'Oran à Tlemcen.
       Ce projet a été repris en 1958 par la direction des ponts et chaussées qui en poursuit l'exécution avec de gros moyens.
       Des progrès peuvent donc encore être réalisés pour faciliter les communications, ils feront oublier la piste poussiéreuse, qui, il y a un siècle, s'appelaient encore "le chemin du sultan", souvenir décrépi d'une voie romaine.

COMPAGNIE DU TRAMWAY
D'ORAN A HAMMAM-BOU-HADJAR
ET EXTENSIONS

       Comme beaucoup de nos concitoyens, nous avons eu, nous aussi, l'occasion de voyager, de Hammam Bou-Hadjar à Oran et vice versa, à bord de cet étonnant et si populaire "tramway à vapeur" qui quittait le village aux aurores et nous abandonnait, déjà fatigué, quatre heures plus tard en pleine ville, au terme d’un voyage poussif et animé !
       Dans les premières années de la ligne, la voie, au village, arrivait tout près de l'église, et le train venait à reculons chercher sa clientèle éparpillée sur les places, face à l'hôtel AMIC.

       C'est à cette époque, d'ailleurs, que de joyeux lurons, un jour se servirent du train pour une farce mémorable: Il y avait alors la fête annuelle et les baraques foraines étaient dressées en bordure de la voie, le bou-you-you les frôlait donc pour venir, comme chaque jour, prendre son chargement de gens et de couffins. Le wagon de queue stoppé presqu'à I'appui d'une baraque de vaisselle, nos farceurs arrimèrent bien l'une à I'autre et. . . le train s'ébranla ! Fort doucement, comme toujours, mais avec assez de bonne volonté pour faire s'écrouler la baraque, dans un colossal fracas d’assiettes et de soupières ! Et comme le forain dormait à l'intérieur, il y eut, dit-on, autant de jurons qu'il y avait de dégâts.

       Ah, quelle vie originale que celle de notre bou-you-you !
       C'était bien, soulignons-le, un train peu ordinaire, moitié bus, moitié tramway, mais qui ne s'en laissait pas conter, et vous crachait, rageur, une envolée d'escarbilles charbonneuses à vous noircir un ivoirien lorsque le mécano lui chatouillait la vapeur.
       Lorsqu’il s'ébranlait, de sa petite gare-refuge, pour une marche arrière de 500 mètres qui amenait la locomotive devant chez Médéric, il chuintait déjà comme un phoque de cent ans. Son coup de sifflet était alors si faible qu'il n'éveillait même pas Ies clients de I’hôtel.
       Mais il sortait de sa cheminée une encre en lourdes volutes, comme menaçante, et qui semblait dire : - ça commence à bouillir, et vous allez bien voir !
       Les passagers accédaient à l'intérieur des wagons par des marche-pieds si peu accessibles qu'il fallait parfois s’entraider pour les escalader ; et les banquettes étaient si peu confortables qu'il fallait, comme on disait là-bas, avoir le cul tanné pour en user tout le voyage !
       Mais quand venait enfin l'ébranlement du convoi, il se lisait partout un petit air de satisfaction : nous voila partis!


       Quelques petits tcheu-tcheu rétifs, puis, enfin, plus gaillards, qui vous éparpillaient tout aussi bien quelques couffins dans les jambes. C'est que l'hétéroclite voisinait avec le bruyant, car notre bou-you-you ne donnait pas dans l'apartheid, et si sa cargaison humaine comptait moins de chapeaux mous que de turbans, elle se logeait à la même enseigne !
       Le premier arrêt se faisait déjà à la gare où attendaient quelques voyageurs, et le train repartait vers Aïn-el-Arba avec, ici et là, ces haltes surprises en rase campagne, lorsque le mécanicien apercevait les signaux frénétiques d'un arabe. C'était quelquefois pour monter seulement la fatma, qui, un enfant sur le dos et l'autre au bras, n'était encore qu'à mi-parcours...
       Un train, et presque une bonne œuvre !
       Les voyageurs s'accommodaient de ces inconvénients et de ces fantaisies. Grâce aux passerelles qui les joignaient, on allait d'un wagon à l'autre, en se protégeant au mieux des escarbilles de charbon qui restaient le fléau N°1, et vous encrassaient pour la journée.

       Après Saint-Maur et le croisement, où notre bou-you-you laissait monter son jumeau vers Bou-Hadjar, le paysage perdait peu à peu de sa platitude. La locomotive exhalait alors de douloureux chuintements, se lançant par à-coups à l'assaut des collines, autant d'Annapurna qu'elle s'efforçait d'escalader avec soumission et héroïsme !


       Ah, la bonne, et vieille, et rude machine! Un coup de cul, et, chaque fois, un moins dans le souffle, un long tremblement qui donnait le frisson à tout l'équipage et réduisait l'allure au pas. Mais un jet de vapeur et la belle repartait, comme si son chauffeur l'avait flattée à l'encolure. Parfois, c'était l'arrêt pour de bon, le temps de raviver le foyer. Une partie des voyageurs descendaient se dégourdir Ies jambes, et si quelques messieurs s'attardaient dans leur petit besoin, ils reprenaient le train en marche, sans courir pour le rattraper.
       Quelle aimable monture, docile et flegmatique!...
       Franchis ces caps difficiles, le convoi reprenait de la vitesse, assez parfois pour bousculer une vache au passage, se donner une allure d'express du PLM, et lâcher quelques coups de sifflets en bordées afin de bien signaler sa venue et son allure...
       Après Arbal, puis Tafaraoui, on le sentait trépignant, pas encore impatient, mais décidé à avaler son parcours et à aller frétiller du wagon au boulevard Magenta(r). Arrivé là, ayant consciencieusement rempli sa mission et lâché en ville sa cargaison d'ingrats, cette société de bipèdes rouspéteurs et pressés, il accédait enfin, pour quelques heures au moins, à l'indolence et au rêve...

       Brave et courageux petit train, intrépide bou-you-you. Il a su, lui, disparaître en beauté, couvert d'hommages et de compliments, sans qu'on ait bien perçu que vieilli, malade, usé, il avait depuis longtemps dépassé l'âge légal de la retraite !
       Finalement, ce n'est pas lui qui a disparu !
       Non, c'est nous qui, un à un, l'avons quitté, lui laissant moins de recettes que le prix de son charbon, jusqu'à lui préférer ces autocars sournois et caoutchoutés, sans âme ni pudeur, et qui, dans les virages, montrent leur gros derrière comme des nanas qui ne font plus fortune !
       Foin de regrets !
       Il a eu sa belle mort, notre bou-you-you, à la fonderie plutôt que léché sournoisement par la rouille. On l'a brûlé, comme on a brûlé Jéhanne, ailleurs, pour en faire une sainte !
       Il a seulement déploré de fondre comme un sucre, et d'en être amer jusqu'au bout de ses bielles!...
       (1) Pierre Calia affirme qu'il ne peut s'agir du Boulevard Magenta mais du Boulevard de Mascara ce que prouve, en effet, le plan.


       Plus sérieusement, aujourd'hui, à l'âge du T.C.V. et du Concorde, comment croire encore à cette locomotion d'antan qui n'est pourtant disparue que d'hier ?
       Comment imaginer ce train-diligence crasseux, avec sa faune criarde et colorée, portant vers les marchés de la ville des nuées de poulets parfois squelettiques et si mal entravés qu'ils allaient d'un bord à I'autre du wagon à chaque secousse. Comment s'imaginer ces marmailles d'enfants braillards, retenus à grand peine, et dont les "besoins urgents" vous caressaient longtemps les narines, car quatre heures, c'est long et le bou-you-you était sans "commodités"...
       Ne verrait-on pas, aujourd'hui, ce train sortir d'un monde oublié, d'un "autre temps", alors qu'il fut, jusqu'à seulement quinze ans de notre exode, I'unique moyen public de locomotion reliant directement Hammam-Bou-Hadjar à Oran ?

       Nous voudrions ici rappeler un souvenir personnel, en hommage à ce mécanicien qui eut à cœur, pour nous, d'assurer jusqu'au bout notre transport quand les conditions n'y prêtaient guère :
       C'était pendant I'hiver de 1944-45. Peu d'hommes, peu de moyens !
       Notre escadre était, alors, basée à Lyon/Bron et maintenait quelques liaisons avec I'Algérie. Disposant d'une brève permission, et grâce à la complicité de notre ami Robert Cordier, officier-navigateur, nous avons pu embarquer sur un vol pour Oran, le "marauder" devant venir nous reprendre le surlendemain.
       Au jour dit, nous voilà une nouvelle fois passager du bou-you-you. Et malchanceux, car la locomotive cassa juste avant Saint-Maur !
       Bien inquiet pour la suite du voyage jusqu'à La Sénia où nous avions rendez-vous à onze heures, nous sommes allés prendre conseil de ce brave mécano qui s'affairait encore sur sa loco immobilisée.
       Et c'est bien lui qui sauva la situation !
       Familier du maire de Saint-Maur, il nous conduisit chez ce dernier pour le convaincre de nous venir en aide. Et grâce à un véhicule de la commune, ravitaillé en essence sur la dotation des pompiers, nous étions à l'heure en bout de piste. Ouf !...
       Même à plus de 40 ans de distance, merci encore, cher Mécano !

       Lorsqu'il fut mis fin, en 1949, au service de la ligne qui ne fut, finalement, assurée que pendant 40 ans, tout le matériel roulant était à bout de souffle, et les gares bien démodées !.
       Le tramway à vapeur fut donc, dès cette époque, remplacé par une navette d'autocars des T.R.C.F.A.
       Un local fut aménagé en gare routière près de la Mairie, et l'ère du bou-you-you fut définitivement enterrée lorsque disparurent, à leur tour, les rails sur lesquels avait circulé ce train si semblable à celui de Palavas-les-Flots, si talentueusement dessiné par Dubout !
       Entre temps, l'ancienne gare, au bout du village, avait été reprise par les Ponts et Chaussées qui effacèrent, tout doucement, les traces de ce tramway célèbre qui disparut avec notre jeunesse!...

       Grâce à un document d'archives de M. SURAN Ainé, de Toulouse, il est possible de rappeler la naissance, au début de ce siècle, de la COMPAGNIE DU TRAMWAY D'ORAN, à HAMMAM-BOU-HADJAR, société anonyme constituée par acte passé devant Me ENCLEBERT notaire à Bruxelles, le 21 avril 1906, publié aux annexes du "Moniteur belge" les 5 et 7 mai 1906. La dite société substituée au rétrocessionnaire par décret du Président de la République Française du 12 décembre 1906 publié au Journal Officiel de la R.F. le 16 décembre 1906.
       Siège social: Bruxelles - Capital social : 1 million 500.000 F, divisé en 15.000 actions de 100 F.
       Souscriptions reçues aux guichets de la Bourse, 30, avenue des Arts à Bruxelles, et chez tous les banquiers et agents de change de Belgique les mercredi 6 et jeudi 7 février 1907. Les demandes peuvent être déposées à la Compagnie Algérienne, 2, rue des Capucines à Paris, et dans ses succursales et agences à Marseille, Alger et Oran.

       Objet social : La société a pour objet la construction et l'exploitation de toutes lignes de tramways, chemin de fer et transports en commun en Algérie et, spécialement, la construction et I'exploitation du tramway d'Oran à Hammam-Bou-Hadjar.

       Tracé : La ligne d'Oran à Hammam-Bou-Hadjar aura un développement de 72 kms et desservira une population d'environ 150.000 habitants. Elle part d'Oran, traverse la riche et immense plaine de la M'léta, en passant par La Sénia, Valmy, Tafaraoui, Saint-Maur, Aïn-El-Arba, Ain-Témouchent (mixte) pour aboutir à Hammam-Bou-Hadjar, station thermale.

       Concession : La concession de la ligne Oran - Hammam-Bou-Hadjar a été accordée à M. Léon JOUANE par décret du Président de la République Française du 17 mars 1902. Elle échoit le 12 décembre 1981. La substitution au concessionnaire de la compagnie du tramway d'Oran à Hammam-Bou-Hadjar a été approuvée par décret présidentiel en date du 12 décembre 1906.

       Mode de traction : La traction sera la vapeur. La ligne sera outillée pour le transport de voyageurs et marchandises.

       Subvention : L'exploitation sera faite par le rétrocessionnaire, avec une garantie du département limitée à 40.000 F par an, pour la ligne entière et ce, dans les conditions du décret dont les articles relatifs à cette subvention sont reproduits plus loin.

       Capital : Le capital social est fixé à 1.500.000 F, divisé en 15.000 actions au capital de 100 F chacune. Il est créé, en outre, 15.000 actions de dividende sans désignations de valeur. Les actions de capital sont amortissables au moyen d'un prélèvement de 2O%. sur les bénéfices. Elles seront remplacées par des actions de jouissance, conférant les mêmes droits que les actions originaires, sauf le premier dividende de 4%.

       Obligations : Il a été créé, conformément à l'article II des statuts, 1.000.000 de francs d'obligations 4%, de 500F nominal, remboursables, au pair.

       Répartition des bénéfices : Les bénéfices sociaux se répartissent comme suit:
       A - 5% pour former le fonds de réserve légal.
       B - la somme nécessaire pour servir un intérêt de 4% aux actions de capital.
       C - Du surplus, il sera attribué :
       1") 10% aux administrateurs et commissaires
       2") 20% au remboursement du capital-actions
       3") 35% aux actions de capital et de jouissance
       4") 35% aux actions de dividende.

       Considérations générales : Au début de l'occupation française, la population s'élevait à 3.000 habitants. Oran est, aujourd'hui, en 1907,la métropole commerciale de I'ouest africain dans le bassin de la méditerranée. Elle compte plus de 110.000 âmes et est appelée, par sa position géographique même, à un développement considérable ainsi que le prouvent les documents officiels suivants:


       Tous ces chiffres se passent de commentaires
       Région desservie : La plaine de la M'léta est un des principaux centres de culture du département. L'état général statistique officiel de la production des communes ou fractions de communes se trouvant dans la zone d'influence du tramway, pendant la campagne 1905-1906, nous donne des chiffres suivants ;
       (à lire en quintaux):
céréales        paille         fourrage             vins                  bestiaux       
306.000       311.000       8.000       254.850 hectos       48.715 têtes
 

       Toute cette importante production est dirigée sur Oran, port d'embarquement. Il convient d'ajouter à ces chiffres les importations et le transport des voyageurs. La région qui sera desservie par le tramway n'a, actuellement, que des moyens de transports primitifs et onéreux.

       Léon IOUANE : inconnu ou presque des bou-hadjariens, il fut pourtant à l'origine du tramway à vapeur d'Oran à Hammam-Bou-Hadjar (le bou-you-you) tout comme il participa aux grandes réalisations routières et portuaires.
       Les tarifs admis par le décret de concession étant inférieurs aux prix actuels des transports par charrettes et diligences, et le tramway devant fournir un moyen de communication plus rapide et plus régulier, tout fait prévoir qu'il absorbera la presque totalité du trafic. Sa construction est d'ailleurs impatiemment attendue par toute la région et, devant l’intensité du mouvement qui, fatalement, se produira sur la nouvelle ligne, le Conseil Général d'Oran, en sa dernière session, n'a pas hésité à donner son adhésion à la prise en considération d'un vœu tendant à porter la largeur de la voie à construire de l'écartement de 0m60 adopté par le décret, à I'écartement de 1m05.

       Conclusion : L'appui que I'entreprise a rencontré auprès des autorités françaises démontre suffisamment que la ligne répond à un besoin urgent.
       En ne tenant pas compte des progressions de trafic toujours escomptables et toujours enregistrées lorsque les communications sont rendues plus faciles et plus économiques, le capital engagé est assuré, dès à présent, d'une rémunération très satisfaisante.

       Le Conseil d'Administration
       MM; M. SAINT-GERMAIN, à Paris, Président
       L. DUPUY-DUTEMPS, à Paris, administrateur
       L. Hamoir, à Bruxelles, administrateur
       Ph. de BUYL, à Bruxelles, administrateur
       E. ANDRE, à Bruxelles, administrateur
       R. CHRISTIANI, à Paris, administrateur
       L. JOUANE, à Oran, administrateur
       O. SAEY à Courtrai, administrateur
       C. TROUIN, à Oran, administrateur
       Collègues des Commissaires
       Ch. PELZER, à Dolhain (Verviers)
       F. CAMALLONCA, à Saint-Maur (Oran)

LE BOU-YOU-YOU EST MORT
VIVE LE « BOU-YOU-YOU »

Par Marcel CORNETTE

- Oui, mais nous on a le bou-you-you.
- Le quoi ?
- Le "bou-you-you".
- Qu'est-ce que c'est ça ?
- C'est un train qui va d'Oran à Bou-Hadjar en traversant le désert et qui fait son petit 120.
- J'en ai jamais entendu parler.
- C'est de peur qu'on nous l'enlève".

       Vieux souvenir de régiment reproduit dans le langage simpliste de la caserne et qui montre comment entre"bleus" et par-delà la Méditerranée, le T.O.H. connaissait son petit succès tout en servant de tremplin à la blague.

       Or, le bou-you-you est mort. Un avis paru dans la presse a annoncé qu'à partir d'aujourd'hui les services routiers des C.F.A le remplaceraient dans ses fonctions.

       Le tramway à vapeur sur route d'Oran à Hammam-Bou-Hadjar avait vu Ie jour au début du siècle. Ce fut un grand, un beau jour, avec fleurs, discours et redingotes. Pourtant, la naissance ne s'était pas faite toute seule. On n'ouvre pas sans peine la porte au modernisme. Le Conseil général s'était prodigué avec ténacité pour que "des moyens de locomotion rapides et confortables fussent mis à la disposition des voyageurs de la station thermale d'Hammam-Bou-Hadjar et de ses environs et que la riche "plaine de la M'Leta trouvât un débouché à sa production".

       Les débuts furent magnifiques. On rangeait les carrioles le long des fossés pour voir passer ce concurrent redoutable venu jusque sur la route narguer les pauvres voitures à deux et à quatre roues et qui se permettait de jouer du sifflet sous les fenêtres même des habitants des villages. Dans la campagne, c'était la panique à son passage et le chemineau lançait des regards d'envie à ses occupants paresseusement installés sur les banquettes de ses wagons.

       Il eut bien quelques légers accidents, mais quelle ligne ferroviaire n'en a pas ? On raconte que le petit train manqua quelques virages ; qu'une vache, un jour, le fit dérailler ; qu'on pouvait en marche descendre des wagons pour ramasser des escargots et regagner sa place; d'où son nom bien algérien de "bou-you-you". Médisance, calomnie, tout cela !


       La période faste dura jusqu'en 1930. Pourquoi fallut-il, pour I'existence même du "bou-you-you", que les Transports Routiers aient lancé dans la région une offensive à grand rayon d'action. Seul contre tous, le petit train lutta, mais ses bénéfices fondirent dans le feu de la bataille.

       Le 8 juin 1937, après une séance mémorable, le Conseil général, auquel des assurances avaient été données pour l'utilisation du personnel licencié, décidait la suppression du tramway, en raison du déficit croissant de la compagnie. En vain, Me Flinois avait-il pris la défense du moribond, déclarant, notamment, qu'un service public n'est pas créé pour en tirer profit, mais pour répondre à un besoin social ; et il avait cité les chiffres insignifiants de ses tarifs voyageurs et marchandises. A quoi un conseiller avait répondu ironiquement :
       - Evidemment, c'est nous qui payons !".

       Mais le mort était d'une trempe spéciale. Mort dans la légalité, il continua de vivre dans la clandestinité. La guerre même ne l'arrêta pas et le plus jeune de ses employés risquait de prendre sa retraite quelque part sur le circuit, lorsque parvint la nouvelle de l'exécution de la sentence.

       Ainsi, disparaît, victime de l'ingratitude des hommes, un vieux et fidèle serviteur de la chose publique. Mais le "bou-you-you" se venge.

       Les histoires sur son compte n'ont plus cours ; les ménagères n'iront plus se ravitailler en poulets et oeufs à son arrivée et les tramways oranais perdent en lui le seul compagnon avec qui ils pouvaient encore rivaliser.



RUSSICADA & PHILIPPEVILLE
Le 12 octobre 1842 Maurice Villard
ACEP-ENSEMBLE N° 283

              J'ai voulu publier ce document afin de montrer les difficultés, I'aventure auxquelles devaient faire face nos aïeux lors de leur installation dans ce pays où ils avaient choisi d'émigrer.
              La cite romaine sur les ruines de laquelle s'élève aujourd'hui Philippeville, s'appelait Rufsicada ou Rufsicadio.
              On remarque dans les causes qui permirent la fondation de cette cité, et celles qui ont présidé à la création de Philippeville, une analogie, ou plutôt une identité frappante.

              La prise de Carthage avait été le point de départ des établissements de Rome sur la côte d'Afrique, à I'exception de cette ville dont les débuts furent frappés d'une éternelle réprobation par les anathèmes de Scipion lors de I'avènement du christianisme dans ces contrées. Les conquérants s'installèrent d'abord dans les villes du littoral passées sous leur domination.

              Plus tard, la prise de Cirta fut le signal de nombreux établissements dans l’intérieur des terres. Cette cité, place intermédiaire entre le désert et la côte, n'avait pas encore de communication directe avec la mer. Un nouveau port était devenu nécessaire pour l'écoulement des produits des riches plaines de la Numidie dont les maîtres primitifs et indigènes, n'avaient entretenu avec l'Europe que des relations rares et presque toujours hostiles.

              Ainsi fut créé Rufsicada, l'un des grands dépôts de la moisson d'Afrique, toujours si impatiemment attendu pour combler les vides formés dans les magasins de la métropole pour les distributions impériales.
              Divers documents nous font penser que Rufsicada était un municipe. Une inscription qui remonte au règne de Trajan, nous montre les habitants de Rufsicada colonie de Cirta Rufsicademois R P Cirtensium faisant construire à leurs frais les ponts de la route nouvelle, de la ville au port de Stora.

              La conquête d'Alger par l'armée française ne fut pas suivie de la destruction de cette ville ; notre civilisation devait procéder autrement que la civilisation romaine. Les nombreux émigrants qui s'étaient précipités à la suite de l'armée se trouvèrent bientôt à l'étroit dans une enceinte avec la plus grande partie de ses habitants primitifs. A mesure que le gouvernement multiplia le nombre de points occupés, I'excédant de la population Européenne s'y porta. L'esprit entreprenant des colons leur fit trouver bientôt une nouvelle limite.

              L'occupation de Constantine vint donner un libre essor à cette tendance. Mais ce point si important manquait comme autrefois de communication directe avec la mer. Le gouvernement comprit bientôt la nécessité de subvenir à ce besoin.
              Le point de la côte choisi à cet effet pouvait faire espérer des relations commerciales fort étendues avec I'intérieur du pays. Il était entouré d'admirables plaines d'une fertilité proverbiale, une nombreuse armée à ravitailler y offrait la certitude de spéculations avantageuses et de bénéfices immédiats. Ce fut assez pour y appeler une colonie énergique et active qui se constituera bientôt en société nouvelle sous le contrôle et la protection du gouvernement.

              Philippeville n'a pas tardé à prendre un développement qui étonne.. Une population nombreuse s'y est fixée, de nombreux magasins, de nombreuses constructions y ont été élevées ; des efforts persévérants y sont tentés pour redonner à cette province si féconde l’importance agricole et commerciale qu'elle ne peut avoir perdu sans retour.


              Enfin cet établissement qui compte moins de quinze années d'existence, que l'on mentionne à peine en parlant de notre possession en Algérie, affectant aujourd'hui les allures d'une ville formée, s'élève rapidement au niveau d'une cité principale et se fait dans le monde des affaires du pays, une part assez large, pour mériter I'attention la plus sérieuse de la métropole.

              Circonscription Administrative
              Le cercle de Philippeville créé par arrêté de M. le Gouverneur Général de l'Algérie du 1er octobre 1840, est administré par l'autorité militaire. La ville seule et le port de Stora sont soumis à la juridiction du magistrat civil. Cette juridiction s'arrête au pied de la muraille d'enceinte. Nous n'avons donc à nous occuper que de l’intérieur de la ville, en signalant toutefois ici, les inconvénients qui nous semblent résulter de cette délibération.

              L'arrêté précité dispose que les Européens habitant le cercle de Philippeville seront poursuivis devant les tribunaux militaires de la province de Constantine pour crime et délits commis en dehors du territoire administré civilement avec des faits de chasse, de recel, et d'autres délits commis le plus souvent à quelques mètres des remparts de Philippeville, poursuivis et jugés devant le conseil de guerre de Constantine. Cependant un avis du conseil d'Etat du 4 janvier, proclame l’incompétence essentielle des tribunaux militaires pour des délits de chasse, commis même par des militaires.

              La crainte d'être soumis aux règles absolues de la discipline militaire peut arrêter les tendances des colons à se répandre dans les campagnes où ils ne sont plus protégés par la légalité civile.
              Les travaux agricoles prenant quelques extensions aux environs de la ville, il est de toute nécessité que l'Administration qui dirige et surveille l'agriculture, qui trace des chemins et fait exécuter des plantations extérieures ait pleins pouvoirs à cet effet.

              Il est également urgent que les colons qui prennent part à ces travaux soient soumis à la juridiction civile au sortir des portes de la ville.
              Nous croyons donc le moment venu de donner à Philippeville un territoire rural, une banlieue régie par l'Administration et la judicature ordinaire.



              Aspect Général.
              Philippeville est bâtie dans la longueur de la gorge où vient aboutir la route de Constantine à la mer. A I'est et à l'ouest elle est dominée par deux montagnes assez rapprochées l'une de l'autre et jointes par la muraille d'enceinte qui s'élève jusqu'à leurs sommets. L’espace compris entre la mer et cette muraille est d'environ onze hectares. Dans le quartier de la Marine, les maisons sont nombreuses et groupées de manière à former plusieurs rues parallèles. Dans le quartier de la porte de Constantine séparé du premier par l'arête de la rue Royale dans son milieu, les maisons sont moins resserrées, et les rues qui au nord sont garnies de constructions ne sont même pas dessinées de ce côté. On pense généralement ce dernier quartier moins salubre. Cette opinion peut être justifiée par la disposition des lieux.

              Le côté sud reçoit directement le vent dit « sirocco » dans toute sa force et est mis à l'abri des vents de mer par l'étranglement de la rue Royale.

              On ne trouve à l’intérieur de la ville ni eau courante, ni source, ni fontaine. Des puits péniblement creusés à des profondeurs souvent considérables pourvoient à l'alimentation de la ville, sans présenter aucune ressource pour l'entretien de la propriété publique, et I'irrigation des jardins et plantations. Cet état de choses subsistait du temps des Romains, ils avalent cherché à suppléer à cette pénurie par la construction de gigantesques citernes dont on voit encore les ruines presque intactes à mi-côte de la montagne qui domine la ville à l'ouest. Il serait de la plus grande nécessité de recourir à ce système de citernes. On pourrait même essayer de réparer celles qui existent, si la disposition actuelle des lieux peut encore permettre de réunir des quantités d'eaux suffisantes..

              Dans le premier vallon de la route de Stora coule une petite fontaine qui tarit pendant trois à quatre mois de l'année. On y a pratiqué des abreuvoirs pour la cavalerie de la garnison. Les Romains avaient construit un important réseau reliant la fontaine aux citernes .
              A l'extérieur, du côté du Sud, les principaux cours d'eau sont le Saf-Saf et l'Oued Zerouanne. Seul le premier coule toute I'année.

              Nous aurions voulu avoir à nous occuper de la description de la partie du cercle parcouru par ces deux cours d'eau. Nous aurions parlé de cette belle vallée de Constantine où l'on entreprend aujourd'hui des travaux agricoles.



              Nous aurions développé toutes les ressources que pourraient présenter ces plaines du Saf-Saf et la montagne qui Ies dominent, mais notre tâche doit se borner à explorer I'intérieur de la ville, et se maintenir dans la limite imposée à notre administration.

              Le Climat
              Le climat de Philippeville dont l’insalubrité était presque un objet de terreur dans les premiers jours de la colonie, s'est considérablement amélioré aujourd'hui. L'écoulement donné aux eaux stagnantes de la plaine, la construction de demeures en maçonnerie ont presque fait disparaître les influences pernicieuses qui ne tenaient pas à la nature même de cette région, et qu'un système d'égouts à l'intérieur même achèvera, sans doute d'assainir la ville. La santé publique à Philippeville devient aussi satisfaisante qu'à Alger.

              Archéologie.
              Les causes, l'escarpement de la montagne et le manque d'eau dès les premières hauteurs, qui imposent aujourd'hui la construction de la ville dans la zone basse, ont été identiques pour les Romains. C'est surtout dans le fond de la gorge que l'on découvre les ruines des maisons particulières et des monuments publics. L'importante couche de terre végétale qui les recouvrent, n'a pas été entassée, comme on le croit communément par un tremblement de terre ou toute autre révolution géologique, mais à ce qui nous semble par le ruissellement des eaux de pluie entraînant ces masses de terre des flancs non boisés des deux montagnes.

              On ne saurait regretter la perte de tous les monuments archéologiques enfoncés sans retour sous les fondations des constructions. Quelques fouilles bien orchestrées auraient permis la découverte de sites précieux permettant de reconstituer l'histoire de la cité antique.
              Mais hélas, ces blocs énormes que nos machines perfectionnées mouvaient avec peine, les chapiteaux admirablement sculptés, les colonnes de marbre blanc, de granit rose et vert qui gisaient renversés de leurs socles, les pierres funéraires ornées de bas-reliefs, tous ces vestiges de la splendeur ancienne que les vandales et les arabes avaient regardé tomber, nous les avons taillés, coupés, ajustés dans nos édifices, sans regrets pour cette profanation sacrilège, sans remord pour les pertes occasionnées ainsi à la science. S'il convenait, comme nous le pensons, d'ailleurs que les matériaux informels, sans importance artistique ou historique dont le sol était jonché, fussent employés dans nos constructions, ne pouvait-on pas du moins conserver pour enrichir nos musées, ou embellir même nos monuments publics, ces fûts de colonnes que l'on a tronqué pour en faire des bornes ou des rouleaux à niveler, ces débris de statues mutilées à coups de pioche ou encadrées dans des murs comme des enseignes, ces plaques de marbre ciselées transformées en dallage de four, les mosaïques gaspillées, les pierres tumulaires taillées pour l'assise d'une porte, ces tombeaux enfin qui servent d'auge pour abreuver les bestiaux.

              Les monuments archéologiques existants à Philippeville consistent en citernes, temples, théâtres, murailles d'enceintes ou de quelques médailles, inscriptions et tombeaux.
              Les citernes construites presque au sommet de la montagne, qui domine la ville à l'ouest, sont immenses et bien conservées. Elles sont divisées en cinq grands réservoirs qui envoyaient leurs eaux à la ville par un conduit principal divisé dans le bas en plusieurs branches - à la marine, puis près du bâtiment des douanes- Il existe aussi d'anciennes citernes transformées en magasins d'état.
              Le théâtre dans l'hémicycle duquel est élevée la maison du port était chauffé et devait être destiné aux représentations tragiques, au chant et à la danse.
              Une inscription qui a été conservée, nous montre un comédien, deux statues au génie de la colonie de Rufsicada, fille de Vénus. C'est dans cet hémicycle que l'on réunit aujourd'hui tous les débris antiques trouvés dans les fouilles par l'Administration des Ponts & Chaussées. Les arènes qui se trouvent en dehors de la ville, dans le vallon sis au dehors des remparts, à l'est des portes étaient réservées sans doute aux combats des gladiateurs et des bêtes fauves. Le monument est vaste et les murailles épaisses ont été en partie renversées par l'eau se déversant des vallons. Des arbres vigoureux ont poussé à de grandes hauteurs dans les fentes de la maçonnerie. On a découvert un grand nombre de tombeaux et de pierres funéraires et votives, la plupart en marbre, beaucoup en grès et quelques-unes en beau granit.

              La plus grande partie de ces inscriptions a été relevée et publiée, il est donc inutile de les rapporter ici. Aucunes d'ailleurs ne sont bien significatives.

              Les médaillons trouvés en grande quantité se rapportent aux temps des empereurs depuis Auguste jusqu'à Justinien, une seule, en argent, remonterait à Jules César dont elle porte l'effigie. On n'a découvert que peu de vestiges chrétiens, une médaille en cuivre percée dans le haut de l'ovale comme les médailles religieuses modernes, représentant l’image d'un martyr.
              Le temple situé au milieu de la ville transformé en magasin de l'Administration militaire, devait être vaste et élégant si l'on en juge par les nombreux degrés de l'escalier qui y conduit, les colonnes et les marbres épars trouvés tout autour. On pense qu'il était dédié à Jupiter.


              Population.
              Le tableau de la situation de nos établissements en Algérie pendant l'année 1839, ne donne pas le chiffre de la population civile de Philippeville. Aucun recensement n'avait été fait, rien n'était encore organisé. Peut-être ne se doutait-on pas à quel point cette colonie allait devenir importante.
              En 1840, les statistiques publiées par le Gouvernement nous révèlent tout à coup l'existence à Philippeville d'une population européenne de près de 3000 âmes. Les états dressés en 1841 donnent un total de près de 4000.

              Les indigènes, arabes, kabyles, mozabites et israélites qui habitent dans nos murs ne restent pas étrangers à cette rapide progression. Mais on ne peut pas encore les considérer comme faisant partie des habitants de la ville parmi lesquels certains ne font le plus souvent qu'un séjour peu prolongé.
              Nous allons établir le mouvement général de la population et celui propre à chacune des nationalités dont elle se compose, en cherchant à déterminer le caractère particulier qui les distinguent entre-elles.

              Français
              Au premier janvier 1841, le nombre des Français était de 1803, au 31 décembre 1841 il était de 1950. Au premier mai 1842 il s'élève à 2092. La proportion entre le nombre d'hommes et celui de femmes s'est beaucoup modifiée. Alors qu'elles n'était pratiquement que masculines aujourd'hui la proportion de femmes est à peu près la moitié de celle des hommes. Depuis quelque temps des familles entières, avec femmes et enfants viennent s'établir dans nos murs, ce sont en général les ports de la Provence et ceux de Corse qui fournissent les immigrants.

              La population française exploite la partie la plus importante des affaires ; presque tout le commerce du port de Marseille passe entre ses mains, la plupart des maisons lui appartiennent, elle entre pour les deux tiers des travaux de l'agriculture. C'est sur son activité et sur son intelligence qu'il faut le plus compter pour l'avenir de la colonie.

              Anglais - Maltais
              En 1840 on en dénombre 825, au 31 octobre 1843, 1.066, au 1er mai 1842, 1523, c'est une population virile.
              Entassé dans une île sans ressources, les Maltais manifestent depuis longtemps une tendance à émigrer que la politique anglaise favorise aujourd'hui. Le peu de distance qui les séparent de la côte d'Afrique, une grande similitude de langage, appellent les émigrants dans le pays barbaresque où leur nombre est aujourd'hui fort élevé à Tunis. Ils forment une communauté assez considérable qui cause quelquefois des tumultes que la police du Pacha ne réprime pas facilement. On en voit à Tripoli, en Egypte et on en voyait à Alger et à Bône avant l'occupation française. Ils y faisaient un commerce furtif avec de grands risques. Depuis la conquête, le risque ayant disparu, ils s'y précipitent avec leurs familles. A Philippeville, le nombre de ces insulaires s'élève à plus de 5.500, formant plus du quart de la population européenne.

              Les Maltais devenus ainsi partie intégrante de notre établissement ont été et sont encore, de la part des autres nationaux qui composent la population, l'objet de récriminations violentes qu'il importe désormais d'examiner avec soin pour les réduire à leur juste valeur.
              Les reproches formulés contre la population maltaise reposent sur la férocité de son caractère, son peu de bonne foi dans ses relations avec les autres européens, sa cupidité qui la porte à s'emparer par une concurrence irrésistible de toutes les branches du commerce de détail..

              Doués d'un tempérament où le sang africain domine, dégradés par la misère, dépourvus d'instruction et sans éducation morale, les Maltais arrivent dans nos colonies avec leur ignorance native, leurs mœurs, et cet esprit industrieux développé par le besoin et stimulé par l’intérêt ; rien ne rebute alors leur activité ingénieuse. Les industries les plus pénibles, les travaux les plus fatigants, les plus infimes, que l'habitude d'une frugalité et d'une économie rigoureuse peut seule faire fructifier entre leurs mains, deviennent en quelque sorte leur apanage exclusif. Peu à peu, leurs modestes spéculations prennent de I'étendue, leurs gains prudemment employés multiplient leurs ressources.
              Leur activité que rien ne rebute, leur sobriété et leur patience font ainsi tomber entre leurs mains presque toutes les parties du commerce de détail et quelques tranches assez importantes du commerce de l'alimentation.

              La concurrence qu'ils font aux marchands des autres nationalités, plus ambitieux pour leur trafic et moins habitués aux privations, est une des causes de la jalousie de ces derniers qui les accablent de leur dédain et de leur colère.

              Les Maltais traités à peine comme européens, avec un mépris arrogant, se séparent des autres parties de la population, vivent entre eux et se tiennent en dehors du mouvement social qui les entourent. Leurs mœurs restent ce qu'ils étaient, leur nature ardente que l’influence d'autres communautés plus avancées n'a pas modifié au milieu de cet isolement, leur instinct sauvage que ne retient pas le respect d'une société qui les repoussent, se révèlent quelquefois d'une manière terrible et cette ville a été trop souvent le théâtre de scènes sanglantes qui font regretter cet état de stagnation morale.

              Et cependant, si l'approvisionnement de nos marchés, si une baisse considérable dans les prix de presque tous les objets les plus indispensables, si la présence d'un grand nombre de bras endurcis au labeur, habitués à manier les instruments agricoles sont des résultats dont on doit se féliciter dans une colonie naissante, c'est donc avec intérêt que nous devons accueillir les hommes qui les produisent, pourvoyeurs infatigables de l'alimentation publique, manœuvres utiles dans nos chantiers, ouvriers intelligents et laborieux dans l’industrie, hommes de peine vigoureux de nos ports, travailleurs expérimentés dans les champs, on les trouvent partout où la patience, I'intelligence et la force sont nécessaires.

              Hâtons--nous donc de dire que les Maltais sont dignes d'être admis comme élément constituant dans notre colonie. Regardés de mauvais œil parmi nous, ils se pressent d'amasser un pécule et vont le porter ailleurs. Mieux traités, objet d'une action spéciale ayant pour but de nous les assimiler par l'éducation, façonnés à nos mœurs, ils resteront parmi nous avec leur industrie, leur vigueur et leur activité. Nos campagnes qui resteraient stériles entre les mains des spéculateurs seront bientôt rendues fécondes par leurs efforts patients. Alors ces champs si fertiles leur paraîtrons, sans doute préférables aux héritages arides de leur pays et ils pourront se vouer, sans arrières pensées de retour au développement d'une colonie dont ils seront les membres essentiels et qui ne sera plus ingrate envers eux.

              Espagnols et Portugais.
              En 1840, 189 - en 1843, 779. Le 1er mai 1842, 498. C'est une Population stationnaire, jardiniers, terrassiers, fabricants de Ligarrel. Les filles publiques appartiennent en grande partie à cette nationalité.

              Italiens
              En 1840, 404, en 1847, 443, le 1er mai 1842, 498, la plupart viennent des ports de la Toscane, des deux Siciles, Dans la statistique ordinaire on ne sait s'il faut dénommer les sujets Sardes, maçons, jardiniers, marchands de détail.

              Allemands - Grecs et Russes.
              En 1840, allemands seulement 124, en 1841, 154. Au 1er mai 1842, 159, ouvriers terrassiers, brasseurs, jardiniers.

              Maures et Arabes
              En 1840, 250, en 1847, 443, au 1er mai 1842, 494. Comme il a été dit précédemment, ces indigènes ne peuvent être considérés comme habitants de la ville. Leur population varie à chaque instant, ce sont en grande partie des arabes de I'intérieur attirés par les possibilités de leur commerce. Ce sont des porteurs d'eau, des Biskris, des Kabyles. La police des indigènes à Philippeville est assurée exclusivement par l'autorité militaire. Pas de femmes, si ce n'est celles des Spahis. Israélites
              En 1840, 79, en 1841, 89, au 1er mai, 1842, 99. Les Israélites sont plus stables à Philippeville que les musulmans. Ils ont un chef ou plutôt un intermédiaire agréé par l'autorité pour leur administration, et un rabbin chargé des affaires religieuses.
              Ils sont presque tous marchands ou courtiers de commerce avec les arabes de I'intérieur. Leurs caractères et leurs mœurs sont identiques que partout ailleurs. Trois ou quatre viennent d'Europe, le plus grand nombre vient de Constantine.

              Etat civil
              En 1840 sur une population de 3.206 âmes, il y a eu 43 naissances, 7 mariages, 139 décès.
              En 1841 la population est de 4.355 personnes, on a enregistré 105 naissances, 34 mariages et 171 décès.

              Dans les premiers jours de notre établissement, la population était presque exclusivement virile, les décès fréquents à cette époque étaient compensés que par de nouveaux arrivants et rarement par des naissances. Aujourd'hui une proportion avantageuse s'établit entre Ies décès et les naissances. Le nombre de mariages en 1841 a considérablement augmenté, mais il ne sont que la réparation d'unions illicites, mais ce fait significatif dénote une tendance marquée à la constitution de la famille, et un retour aux sentiments de respect pour la pudeur publique.
              Nous pourrons souligner que les travaux d'assainissement nous font échapper aujourd'hui aux maladies endémiques du pays mais aussi que l'acclimatation des colons à la nature du climat, fera régresser le danger qui frappe ainsi notre seconde génération.

              Aspect moral
              Nous voudrions avoir à constater un progrès moral aussi rapide que les progrès matériels, malheureusement il n'en est rien. La corruption et le désordre sont encore profond. Les éléments hétérogènes dont se compose cette portion de la colonie ne sont pas encore assez mélangés et confondus entre eux pour former cette mixité sans laquelle seule l'action Administrative peut être puissante. Cependant cette œuvre de régénération a commencé. Beaucoup de passions mauvaises se sont pliées aux exigences d'une société qui s'organise. Les spéculations commerciales et industrielles, le besoin de se créer une place dans celte nouvelle existence ont permis de mettre un terme à ces désordres, que I'oisiveté rendait dangereuse. La famille se constitue, le respect humain reprend le dessus.
              Des hommes honorables mêlés aux intérêts du pays servent en quelque sorte de jalon à cette moralisation que le temps, la force des choses, un plus juste équilibre dans le mouvement des affaires permettront d'humaniser cette société. En attendant, ne prodiguons ni injure, ni dédain à tous ces hommes énergiques, courageux pierre angulaire de notre colonie, beaucoup d'entre eux ont été chassés de leur foyer par des catastrophes de famille et sont venus demander à nos terres fertiles de leur permettre de repartir dignement dans la vie. D'autres, sans doute, ont été poussés dans nos murs par un passé coupable, mais le travail, la persévérance, le danger vont leur permettre de se refaire une autre vie. Il y aurait de la cruauté et de l’injustice à vouloir leur rappeler des fautes qu'ils cherchent à laver dans la sueur de leur front.

              Cultes
              La presque totalité de la population européenne à Philippeville est Catholique. A peine 150 personnes appartiennent à la religion réformée, ce sont en général des allemands ou des français des départements du midi.

              Philippeville ne possède pas d'église, le culte catholique desservi par un seul prêtre, est célébré dans une maison particulière louée grâce aux crédits coloniaux. Il sera nécessaire que l'église dont l'édification est sans doute prochaine, soit en rapport avec les besoins actuels mais de prévoir ceux de l'avenir car si les sources de I'immigration ne changent pas, la population européenne sera toujours presque exclusivement catholique.

              Il serait aussi essentiel, à notre avis, de faire élever une mosquée dans la ville pour les besoins de la population musulmane qui prendra assurément de l'extension si le commerce d'échange que l'on peut espérer avec l’intérieur, s'établit sérieusement, puisque l'élément indigène nous est imposé par la force des choses pour le développement de notre colonie. Il faut l'accepter de bonne grâce et nous l'attacher par des bienfaits administratifs,

              Instruction Publique
              Il était impossible que l'administration malgré toute sa sollicitude, ne soit pas débordée par les exigences de toutes natures et les nombreux besoins qui se sont presque simultanément développés dans notre établissement. Une seule institutrice civile est envoyée pour prendre la direction des intérêts déjà importants mais méconnus jusque là. Un seul magistrat spécial est nommé pour la justice et il succombera très bientôt sous le poids des affaires compliquées et nombreuses qui encombrent son tribunal.
              L'instruction publique à Philippeville est encore dans ce funeste état de demi-organisation.
              On compte environ 250 enfants des deux sexes susceptibles de recevoir l’instruction primaire. Il existe une école publique où peuvent être admis à grand peine 50 petits garçons. L’école privée qui recevait une trentaine d'enfants n'existe plus. Il n'y a pas encore d'école de filles. On remarque d'ailleurs dans les familles une grande indifférence pour l'éducation des enfants. Quelques-uns, unes ont envoyé les leurs aux collèges et aux pensionnats d'Alger.

              Les règles ordinaires de I'enseignement devraient subir en Algérie des modifications imposées par les circonstances locales. Il serait nécessaire de donner à l'administration publique une action plus puissante sur les familles pour vaincre leur inertie coupable ou leur mauvais vouloir et les obliger d'envoyer leurs enfants aux écoles. Au programme ordinaire de l'enseignement il serait nécessaire de joindre des connaissances d'une application immédiate des principes, des notions générales et pratiques d'industries, de commerce, d'agriculture et d'économie. Que l'on apprenne à un enfant à connaître le sol sur lequel il doit vivre, que l'on lui fasse étudier la nature, ses ressources et l'on verra plus tard dans un avenir rapproché quel parti il peut en tirer.
              Là, le Maltais, l'Italien, I'Espagnol, l'Allemand, seraient façonnés dans le même moule social. C'est ainsi que nous imposons sans distinction à tous les étrangers admis dans nos rangs le droit de leur imposer notre langue et les assimiler par tous les moyens possibles.

              La milice
              La milice de Philippeville forme un bataillon de neuf compagnies, composées chacune d'environ cent hommes.
              Le cadre de réserve n'a pas encore complètement été limité. La fluctuation incessante d'une partie de la population ne permet pas de donner des chiffres exacts. on peut toutefois porter à mille, le nombre total de la milice active et de la réserve.
              Dans plusieurs circonstances difficiles la milice a été appelée à garder seule la ville. Elle s'est toujours acquittée de ce service avec zèle. Tous ces hommes dont les tenues et l’inexpérience militaire sont trop souvent l'objet de critiques peu indulgentes, déploieraient pour la défense de leurs nouveaux foyers une énergie et un courage bien propre à compenser l’irrégularité de leurs manœuvres.
              Sans doute, l'agglomération presque instantanée d'une population nombreuse sur un point désigné comme centre colonial, les tendances de cette population mélangée, à se constituer en société régulière, l'organisation de la famille succédant à l'isolement des individus, sont des symptômes certains d'un établissement sérieux. Mais l’indice le plus positif, l'expression la plus irrécusable de cette vitalité profonde, c'est assurément l'ensemble des travaux entrepris à leurs risques et périls par des immigrants qui n'ont du s'aventurer ainsi qu'après avoir attentivement sondé le sol sur lequel ils ont assis leur fortune.

              Le nombre, la nature et la valeur des constructions particulières élevées à Philippeville révèlent chez les colons une confiance instructive et réfléchie tout à la fois sur l'avenir du pays.
              D'après le tableau général de la situation de l'Algérie en 1840, il y avait à Philippeville dans le 1er trimestre 1840, 320 maisons à savoir : 110 en planches, 134 en pierres et le reste en briques et galandage, le tout estimé à une valeur d'environ 3.000.000.

              Au 1er janvier 1842, nous voyons à Philippeville 220 maisons en maçonnerie, 10 seulement en charpentes et planches et 100 en galandage. Au 1er mai 1842 on voit construire 50 maisons en maçonnerie et 2 en briques.


              Constructions particulières.
              On ne constate plus aujourd'hui de maisons en planches, dans la rue Royale qui devra être toute entière bâtie en arcades, il y a déjà une douzaine de belles maisons solidement bâties et fort élégantes.

              Le quartier de la Marine et la place de ce nom présentent de fort belles constructions comme on en voit que dans les grandes villes.
              En général, la ville est projetée sur le côté droit de la route royale de la mer à la porte de Constantine, cela provient de ce que les beaux emplacements du côté gauche sont occupés par d'immenses baraques militaires que l'achèvement des casernes permettra bientôt, sans doute de démolir.

              La plupart des rues sont longues et spacieuses, malgré les modifications apportées pour le dernier plan de détail pour la direction du haut des rues de la ville, ces rues sont quelquefois d'une pente très raide et d'un accès difficile sinon impossible aux voitures.


              On pourrait s'étonner de l'édification simultanée d'un si grand nombre de maisons avant l'établissement du commerce et de I'agriculture, si une circonstance qui devait être décisive venait I'expliquer en partie. En effet à partir de 1840, l'autorité militaire locale avait obligé tous les propriétaires de baraques de les remplacer sans délai par des maisons en maçonnerie, sous peine de se voir retirer la propriété des terrains.

              Travaux Publics
              A l'exception des édifices militaires construits par le génie, les travaux publics à Philippeville pendant l'année 1841 et le premier semestre 1842, ne consistent guère qu'en travaux d'entretien, Nous nous bornerons à les énumérés en laissant le soin à l'administration des Ponts & chaussées de fournir les explications nécessaires.
              Exercice 1841 - Budget de la guerre
              Nivellement et empierrement général de la rue Royale et de la rue de Stora - (grande voirie)
              Grands déblais au bas de la rue Royale et démolition à la mine de vieilles maçonneries romaines.
              Construction d'un débarcadère à Stora,
              Construction d'un débarcadère à Philippeville ( empierrement et déblais)
              Entretien des débarcadères

              Travaux extraordinaires
              Route de Constantine à la mer. Constructions à El-Arrouch de plusieurs aqueducs et ponceaux. Cette partie de la route ainsi que celle de Philippeville au pont de l'Oued Zeramna ont été entretenues pendant toute l'année par deux brigades de cantonniers.

              Budget colonial
              Travaux de nivellement et d'entretien, construction de trottoirs dans presque toutes les rues de petite voirie.
              Achèvement d'un abattoir.
              Construction d'un puits sur la place Bugeaud
              Clôtures et portes du cimetière chrétien.
              Entretiens des bâtiments coloniaux


              Exercice 1842- quatre mois
              Nivellement des rues Nemours, Constantine, du Cirque, de Sétif, Vaillant, du 3éme bataillon d'Afrique, des places Bélisaire, Bugeaud, commencement du nivellement de la place Hélène, de la Marine et de la Douane. Entretien des rues de grande et de petite voirie, réparation des bâtiments coloniaux.

              Plantations
              De nombreuses plantations ont été faites dans les premiers mois de cette année, tant à l’intérieur qu'à l'extérieur de la ville. On ne peut pas encore se promener le long de ces plantations.

              Aucun parc public n'a été réalisé pour la population civile. Les 20.000 F accordés sur les crédits de 1841 pour la construction d'une église ont été absorbés par des virements directs. Les malades civils sont reçus à l'hôpital militaire, les détenus civils pour dettes, pour délits ou pour crimes sont à la garde du camp, confondus avec les soldats condamnés disciplinairement. Tous les services publics, civils, financiers, religieux, sont installés dans des maisons particulières louées à grands frais et ne présentent aucune des commodités que l'on serait en droit d'exiger. Il faut reconnaître qu'il y a de grands besoins et la population civile regardée jusqu'à présent comme négligeable, mérite aujourd'hui d'être prise en considération.

              Commerce
              A l'époque où le marabout Si Zerdoud et le transfuge Boudjma lance l'appel à la révolte et vient troubler l'heureuse tranquillité du cercle de Philippeville quelques négociants au nombre desquels se trouvaient heureusement plus d'étrangers que de français, réunis pour s'entretenir sur les événements du jour, arrivèrent en discutant à cette conclusion, que c'était bien que la guerre se déclare dans la province parce qu'on y enverrait plus de troupes et que cela favoriserait le commerce.

              Le mouillage de Stora s'emplit de navires chargés d'objets de consommation de toutes natures. On vante l'activité commerciale de Philippeville. Des convois nombreux de mulets, des caravanes considérables de chameaux se dirigent vers Constantine afin d'y transporter la plus grande partie de tous ces objets, on s'extasie sur ce prodigieux mouvement commercial.
              Toutes ces transactions n'ont pour but que l'alimentation et le casernement d'une armée sujette souvent à changer de centre d'opération. Et de la population elle-même qui exploite cette mine féconde qui n'ont pour objet qu'une consommation stérile, non reproductive ne constituent pas assurément un véritable commerce.

              Exportation
              On ne trouve dans la province de Constantine que très peu de ces denrées qui sont spécifiques à I'Afrique : la poudre d'or, la gomme, l’ivoire, les plumes d'autruche et elles ne sont apportées que très rarement pour être considérées comme formant une activité commerciale d'exportation.

              Mais, indépendamment de la cire et des peaux ordinaires, on trouve dans la province une marchandise précieuse dont le commerce a été soumis déjà à de nombreuses vicissitudes. La laine de notre province est estimée à une valeur de 10% supérieure à celle de Tunisie laquelle est nettement préférée à celle d'Espagne. Les prohibitions qui frappent depuis longtemps l'exportation de cette denrée ne permettent pas d'en apprécier même d'une manière approximative la quantité que le pays pourrait en fournir.

              Le rôle de Philippeville dans le mouvement commercial de la province sera toujours subordonné à celui de Constantine. Cette dernière ville restera, du moins jusqu'à l'avènement d'une colonie sérieuse à Sétif, le centre des transactions et des échanges avec la population de notre territoire. Les caravanes expédiées des confins du désert, de Biskra, d'Afrique Noire ne s'aventureront pas au-delà de Constantine ; Philippeville est entourée de tribus de montagnards dont les besoins sont plus que limités.

              Industrie
              A l'occasion de i'arrêté pris en mars dernier par Monsieur le Gouverneur Général sur la police des débits de boissons, une question se présente dans la situation exceptionnelle de nos possessions en Afrique.
              Vendre des boissons au détail est à Philippeville, plus encore que dans le reste de l'Algérie, une spéculation qui n'exige aucun apprentissage préalable, ne demande qu'une très faible mise de fonds, une industrie, en un mot toute de bénéfice pour celui qui l'exploite, presque entièrement stérile pour les intérêts du pays. Bien peu de ceux que l'on désigne sous le nom générique de cantinier à cause de leur affinité avec l'armée songent à s'établir dans les contrées où ils ont fait fortune, presque tous après avoir absorbé, souvent au moyen d'une fraude coupable, une partie des capitaux que le militaire répand avec tant de prodigalité. Il serait donc nécessaire d'interdire la vente de ces produits à l'armée.
              Il y avait à cette époque à Philippeville 90 marchands de liqueur, les 3/4 continuent à vendre comme par le passé aux sous-officiers et soldats. Quelques-uns d'entre eux furent immédiatement consignés à la troupe et cette leçon devrait servir à tous les autres. C'est ainsi que l'on peut parvenir à atteindre d'une manière légale les quelques établissements qui étaient devenus des tripots et des foyers de désordre.

              On compte à Philippeville dix boulangeries et autant de boucheries. La première de cette industrie est fort lucrative et l'Administration est encombrée de demandes. Il n'y a ni boulangerie, ni boucherie arabe ou israélite. Les juifs peu nombreux ont pris un arrangement avec un boucher maltais qui leur livre la viande à 0,05 de moins que la taxe par kilogramme, à la charge pour lui de faire abattre les animaux qui leur sont destinés par un rabbin qui les marquent d'un sceau particulier.
              Indépendamment d'un établissement de bains public, d'un cabinet de lecture, d'un tir au pistolet et d'un moulin actionné par des bêtes de somme, les professions industrielles que l'on voit sont celles que l'on trouvera ordinairement dans une ville qui s'élève. On va essayer d'établir un moulin à blé dans l'Oued Saf-Saf, qui torrentueux coule l'été dans un lit profond, assez large où il sera difficile d'établir un barrage et les écluses nécessaires. Ce projet rencontrera de nombreuses difficultés que l'on pourra vaincre, mais à grands frais. La perspective de l’immense avantage qui résultera de la canalisation de l'eau pour les propriétés riveraines est de nature à encourager ce projet.
              Il est difficile dès à présent de dire si l'on verra se développer à Philippeville une industrie particulière au pays.

              Agriculture
              Au temps de l'Afrique Romaine, les vastes régions présentaient le spectacle d'une prospérité brillante, spécialement basée sur l'essor de l'agriculture. De grandes voies militaires traversaient ses campagnes fécondées par la charrue, de nombreuses municipes florissantes.
              Partout où les armées romaines se mourraient, elles trouvaient d'abondantes ressources entre toutes ces riches provinces. La Numidie était riche et fertile. Ces moissons fertiles s'étendaient depuis les premiers sables du rivage jusqu'aux premiers sables du désert.

              Aujourd'hui lorsque l'on sort de l'enceinte bornée de nos villes, au-delà de la zone étroite des jardins créés par la nécessité, l'œil se promène avec tristesse sur ces vastes étendues de terre où le silence n'est interrompu que par le cri du chacal. Dans quelques coins de ces espaces, apparaissent comme des points noirs, se détachant sur le fond jaunâtre de quelques arpents maigrement labourés, les huttes d'un douar isolé, quelques troupeaux errant dans les grandes herbes où leur taille chétive disparaissent à demi. Sur la route qui serpente à travers la plaine, on voit s'avancer péniblement le convoi qui profite aux garnisons dispersées dans les camps la nourriture que le sol ne sait plus leur fournir. Mais rien qui annonce la présence d'une civilisation nouvelle plus puissante que la romaine et capable de faire revivre ce pays.
              La première pensée de la population coloniale devait être de pourvoir à sa subsistance. Hâtons-nous de dire que la propriété rurale n'a pas encore été constituée à Philippeville ; des terrains ont été provisoirement concédés sans garantie pour l'avenir. La question est cependant urgente, quelque système qu'apporte l'administration pour la répartition des terrains aux colons. Que les concessions soient gratuites où à titre onéreux, il est nécessaire auparavant de délimiter le territoire des tribus environnantes. Ce travail est de la plus haute importance et il convient de le faire dans la plus grande justice. Afin de garantir la sécurité pour la colonie européenne..
              Cette année, la récolte du fourrage promet d'être abondante dans quelques parties du terrain attribuées provisoirement aux colons qui pourront vendre le foin à l'Administration.

              Pour résumer, jusqu'à présent, la prospérité de Philippeville a reposé presque exclusivement sur les besoins des corps de troupes de la province. L'impulsion donnée, la population coloniale prend une extension rapide pendant que le chiffre de l'armée et ses besoins restent les mêmes. Il faut donc donner à cette population de nouvelles ressources, seule l'agriculture peut aujourd'hui apporter cela.

Philippeville le 12 octobre 1842
Le Directeur des Commissaires civils,
remplissant par intérim les fonctions de Commissaire Civil
Signé Lapaine
Pour copie conforme : le Directeur de l'Intérieur signature : illisible.

    
MUTILE N° 199 du 26 juin 1921

Le Rhin Allemand

              Nous l'avons eu, votre Rhin Allemand,
               II a tenu dans notre verre.
               Un couplet qu'on s'en va Chantant
               Efface-t-il la trace altière
               Du pied de nos chevaux marqués dans votre sang? Nous l'avons eu, votre Rhin Allemand.
               Son sein porte une plaie ouverte,
               Du jour où Condé triomphant
               A déchiré sa robe verte.
               Où le père a passé, passera bien l’enfant.

               Nous l'avons eu, votre Rhin Allemand.
               Que faisaient vos vertus germaines,
               Quand notre César tout puissant,
               De son ombre courrait vos plaines ?
               Où donc est-il tombé ce dernier ossement ?
               Nous l'avons eu, votre Rhin Allemand.
               Si vous oubliez votre histoire,
               Vos, jeunes filles, sûrement,
               Ont mieux gardé notre mémoire ;
               Elles nous ont versé votre petit vin blanc.

               S'il est à vous, votre, Rhin Allemand,
               Lavez-y donc votre limé ;
               Mais parlez-en moins fièrement :
               Combien, au jour de la curée,
               Etiez-vous de corbeau contre l'aigle expirant ?..
               Qu'il coule en paix, votre Rhin Allemand :
               Que vos cathédrales gothiques
               S'y reflètent modestement ;
               Mais craignez, que vos airs, bachiques
               Ne réveillent les morts de leur repos sanglant.
Alfred DE MUSSET. (1871)
Pour copie conforme : IZENAHR.

Nous n’irons plus au bois…
Par M. Marc Donato

          Allez savoir pourquoi, il y a parfois des mots, des noms, des images qui se concentrent pendant un temps dans votre esprit. Cette semaine, c’était le mot «laurier ».

          Peut-être parce que tout le monde s’extasie en ce moment devant la jaillissante floraison des lauriers roses, qui, soit dit en passant, ne sont pas toujours roses. Blancs, rouges, champagne, ils éclaboussent nos rues et nos jardins, jusqu’à en faire pâlir de jalousie la lavande valensolaise envahie par les hordes de novis asiatiques ?
          Peut-être encore, la chute d’un vénérable laurier-sauce chez mes voisins (excellent répulsif des mites alimentaires dans les placards !) en était-elle la cause ? Lui qui a perdu sa couronne de laurier, bien sûr, gagnée au prix de son grand âge et qui a été sacrifié ces jours-ci sur l’autel de l’exigence immobilière.
          Peut-être enfin, les nouvelles d’un ami retrouvant sa résidence de vacances envahie par les lauriers (roses) qu’il fallait tailler tant ils avaient pris d’importance ?
          Toujours est-il que laurier était dans la sauce de mes pensées ces jours derniers.
          C’est alors que mon enfance m’a sauté au visage : Nous n’irons plus au bois…

          Les lauriers sont coupés, et je me suis rappelé que la chanson avait un autre sens que celui de l’innocente comptine. Car les contes et les chansons enfantines ne sont pas si naïfs qu’on le croit. La plupart des comptines pour enfants ont été créées au XVIIIe siècle, et ont évidemment un deuxième sens parfois ignoré, les colporter autrefois, était une façon de braver les interdits de l’Église. Demandez à Bruno Bettelheim, le psychanalyste, il vous en contera quelques mots. Le petit chaperon rouge et sa grand-mère, mon œil ! Blanche Neige, enfant plus âgée, en proie à une phase particulière de ses conflits œdipiens non-résolus !
          Boucle d’or et les autres… ou encore l’ami Pierrot et sa chandelle éteinte !
          Aie, aie, aie !
          Ouvre-moi ta porte ! Ouille, ouille, ouille… Passez-moi la chandelle, je vous passerai la suite !
          Mais revenons à mes lauriers.
          - Allo, Mme Wikipedia dites-moi tout…

          La comptine “Nous n’irons plus au bois…” a été créée par Mme de Pompadour, pendant la période de Noël 1753. Elle y parlerait de la demande de Mme de Maintenon à Louis XIV, de faire raser les bosquets de Versailles qui abritaient alors les ébats enflammés des nombreux couples illégitimes ainsi que ceux des prostituées et de leurs clients. Louis XIV s’irritait d’ailleurs, lui aussi, que les ouvriers en charge de construire le château soient trop souvent détournés de leurs travaux – il y avait, paraît-il, autant de filles que d’arbres dans le bois – et il craignait que les maladies vénériennes ne ralentissent ses projets. Les prostituées furent chassées du parc avec la menace de se voir couper le nez et les oreilles si elles contrevenaient à l’interdiction. Elles s’installèrent dans des maisons à Versailles, au fronton desquelles elles mirent des gerbes de laurier.
          Ce est-y pas beau ça ? Et romantique à souhait !
          Alors quand vous chanterez la chanson de votre voix avec une suavité somnifère pour endormir le petit, pensez que vous instillez le poison dans le jeune cerveau de votre descendance sur le point de plonger dans l’innocence d’un profond sommeil. Et puisque de prostitution il était question juste avant, je joins les quelques vers de mirliton que j’ai alignés pour le dernier journal municipal de Manosque sur Robinson, la maison close du lieu. Ne croyez pas que je sois obsédé par la question (encore que ! Il faudra que j’en parle à Bettelheim). Si obsession il y a, c’est de l’Histoire, la grande, mais aussi la petite, celle des obscurs, des sans-grades qui, miette après miette, reconstitue la miche de la grande Histoire à la satisfaction de Clio, la muse de l’Histoire.

La villa Robinson
Combien de sous-maîtresses et combien de mondaines
Sujets depuis des lustres de lubriques turlutaines (1),
Au sein des maisons closes, et pourtant bien ouvertes,
Ont montré le chemin des tendres découvertes,
Ravissant à des hommes dans la fleur de leur âge
Ce que, en bon français, on nomme pucelage.

Dans la presse locale, et les articles l'attestent,
Nos rues, nos avenues ne sont jamais en reste.
Nalin ou Léon Mure (2) : on a tout déballé.
Des lupanars d’ici, on n’a jamais parlé.

Rappelons Robinson, l’accorte maison des dames ;
Cette boîte à souvenirs réjouit les fantasmes.

De la ville de Manosque, près du jardin public,
Elle fut pendant longtemps un élément de charme.
Maison d’apprentissage ou maison de santé,
Il me fallait ici quand même la présenter.

1 Clichés répétés ; 2 Personnalités locales.
Marc DONATO. Juillet 2024.

PHOTOS DE BUGEAUD
M. Albert ROFFE
ROUTE DE BÔNE A BUGEAUD

PANORAMA DE BÔNE




HÔTEL DE LA PLACE




LA PLACE




CITE VIOLETTE ---- EN DESCENDANT AUX HOUX

RUE DE LA POSTE ET PLATEAU DU BOU-ZIZI




Dialogue de Callaïouns *.

par Jean Claude PUGLISI,

        - C'était en Algérie, à La Calle de France * là-bas, quelque part, sur les côtes de Barbarie *.
        - Par un beau soir d'été sur le Cours Barris *, Cap'tain Genarro de la Presqu'île * rencontre son ami de toujours, dans un état d'extrême excitation.
        - Et voilà !… Comment toute cette histoire a commencé.
ACTE 1.

        Cap’tain Genarro de la Presqu’île :
        - Oh, Cousin * ! qu'est-ce que tia* toi ?
        -Tu vois pas ! ? tout seul tié en train de parler.

        L’ami de toujours :
        - Tu vas pas me croire toi aussi Genarro.
        - Quand mon histoire, moi, je m’en vas t'la raconter, sans rien oublier ni rien te cacher.
        - Obligé je suis ! Par rapport à Lolo *, et puis, Pyen *, Zef * et tous les autres, qu'encore aujourd'hui y se rigolent tous de moi.
        - A de bon, Cousin * ! Regarde-moi cette bande de Calamars * qui se croivent * plus intelligents que tous les autres.
        -Tu sais de quoi l'autrefois y m'ont traité ! ? Et ben ! De Bombaïoun *... Oui, cousin ! de Bombaïoun... Et ça tu vois ! devant tout le monde.
        - Et puis, y fallait voir ça ! d'une putain * de façon avec en plus, un tas des gros mots et plein des mal élevés *.
        - La honte que j'ai eu !...

        - Sans exagérer, Cousin ! Y m'ont jeté ça en plein dans la figure, en long, en large et en travers, sans même chercher à comprendre ça que moi je leur avais dit !
        Ma parole ! Pour d'la zoubia * y m'ont pris tous ces bourricots.
        D'accord ! J'leur jette pas la pierre... La vérité ? ! Moi, tu vois, l'histoire j'reconnais qu'elle est un peu beaucoup difficile à croire.
        - Mais la Madone * ! Avec eusses * ? Lolo y avait.
        - Lui, il a pas des excuses ! Pourquoi, c'est un garçon qui l'est très très instruit.
        - Le Certificat des études, soit-disant, dans la poche depuis un siècle y l'a.

        - Alors, si la philosophie de cette histoire à dormir debout, les autres y savent pas ce qu'c'est, et ben, au moins lui, Lolo, qu'il est le plus instruit de tous, il aurait pu faire semblant d'la connaître et d'leurs donner plein des explications, à toute cette bande de cons, qui se sont moqués de moi ! ?
        - La Madone * frère * ! La honte qui m'ont fait !
        - J'te jure, presque la figure dans la merde y m'ont mis, et ça tu vois, ces grands tapettes *, devant tous les gens qui s'faisaient le cours.

        - Cousin ! Assis-toi un peu et laisse aller la musique.
        - Pasque*, si tu continues à t'énerver comme ça, d’abord moi, j'vais plus comprendre de quoi tu me parles, et puis, sec-sec *, tu vas te mettre à bégayer, comme moi, que déjà je bégaye depuis la naissance.
        - Alors tu vois, au bout d'un moment, la tête, toi et moi, on va plus savoir où s'la donner *, surtout, si ton histoire, par la philosophie comme tia dit, elle est très compliquée !

        - D'accord, Cousin ! tia raison.
        - Mais tu sais ! c'est ce cornard * de Lolo qui m'a beaucoup contrarié.
        - Y fallait voir comment y m'a parlé.
        - Un putain * d'orgueil y l'avait ce jour là !
        - Y m'a jeté comme ça et en plein dans la figure, que lui, des diplômes un tas y l' en avait, et que moi, non.
        - Et même, oualou * ! rien du tout.
        - Et que moi, j'étais un parfait bourricot * !
        - Ouais ! C'est ça qui l'a dit Lolo - Un parfait bourricot !
        - Après, tu sais ça qui l'a été me dire ? A regarde * !
        - Que moi, j'étais un va-nu-pieds et que même pas la cravate et les souliers vernis, comme lui j'avais mis pour aller promener sur le Cours Barris !
        - Là, tu vois, oh ! Cousin... Y l'a eu peut-être un peu raison - Lolo.
        - Mais ! écoute-moi bien.
        -Tu sais, moi, tu vois, comme d'habitude, de propre toujours habillé je suis.
        - D'accord, ! j'ai pas le beau complet comme Lolo y l'a, ni les souliers vernis et jamais la cravate j'ai autour du cou.
        - Mais remarque que moi aussi je pourrais les avoir, depuis que mes affaires elles marchent bien.
        - Maintenant c'est pas comme avant, du temps de nos parents - les pauvres ! - quand très très dure la vie elle était.
        - Mais qu'est-ce que tu veux Frère ? C’est la vérité !
        - Faut pas chercher à comprendre - on est comme on est !
        - A de bon ! c'est comme quand de l'or sur une dent mauvaise on te met.
        - La Madone * ! d’un coup, la dent elle va s'mettre briller - comme le soleil en été !
        - Oui mais, à regarde ! dessous, porca misère *, qu'est-ce quia ! ?
        - Toujours la dent avec les mêmes choses, qu'elles z'ont pas bougé d'un seul petit chouilla * ! Tia compris ?
        - Alors moi toujours je me suis dit, que tu te mets des souliers vernis, ou que tu marches pieds-nus, c'est pas ça qui va changer quoi que ce soit.
        - Toi ou la dent ! ? C'est la même chose : tié ce que tié et tu restes ce que tié !
        - C'est pas l'or ou les souliers vernis qui vont te faire faire plein des choses !
        - Hein ! ? Genarro.
        - J'ai pas raison ! ? Moi.
        - A de bon ! ? Qu'est-ce que ti en penses toi.

        - Oh ! Ouaglione* !
        - Écoute un peu ce que maintenant je vais te dire, et ça tu vois, une fois pour toute.
        - D'abord Lolo et sans exagérer, je peux te dire d'office que cui-là-là - c'est un Chpakeur* de première classe.
        - Regarde-moi le, ce tapette* ! Quand lui y parle en public, toujours des mots et des mots que personne y comprend, Monsieur, y va se les chercher - vas-savoir où ! ?
        - Tu vois moi ! j'te parie c'que tu veux.
        - Ce Calamar* de Lolo ! Même pas lui des fois y se comprend.
        - Déjà si toi tié pas bête, tu commences peut-être à voir à qui tia affaire.

        - Tia raison à 100% ! frère.
        - Mais toi ! tu peux pas dire que Lolo, les diplômes du Certificat des études des écoles de La Calle y l'a pas ?

        - Le Certificat d'études ! ? Lolo il l'a jamais eu... Ni à La Calle et ni ailleurs.
        - Par curiosité, va-va t'en demander comme ça, mine de rien, à le Directeur de l'école.
        - Tu vas voir comme y va rigoler, le Directeur, quand de Lolo tu lui parles du Certificat.
        - D'accord, comme presque nous tous, Lolo y sait lire et écrire... Sans plus ! Ca, c'est la stricte vérité.
        - Mais, n'exagérons rien ! juste ce qu'il faut.
        - Mais lui comme d’habitude y chpake * tellement, qu'à force à force tout le monde y le croit à bloc * d'instruction.

        - Tia compris ! ? Alors, Genarro ! dis-moi un peu.
        - Le Certificat des études, Lolo, y l'a ou y l'a pas ! ?
        - Mais porca misère ! Alors maintenant tu vas m'expliquer un peu pourquoi ? toujours y fait croire au monde que lui y l'est plus instruit que les autres !
        - Tout ça tu vois ! pour nous faire passer pour une bande de Djadours*…

        - Attends un peu Cousin ! tu sais pas tout encore.
        - Ma parole ! j'te jure que dans un p'tit moment, tu vas comprendre beaucoup des choses.
        - Tout à l'heure tu me parlais du complet et des souliers vernis que Lolo chaque fois y se met, quand y va se faire une Camenade* sur le Cours Barris.
        - Alors là ! écoute-moi bien.
        - Je vais te dire sans faire le critiqueur *, que d'abord le Complet qui se met, c'est toujours le même et ça depuis longtemps !

        - Pourquoi ! ? dis- moi pourquoi... Oh ! Cousin.
        - Moi je le vois bien ! que toujours Lolo y se change le costume.

        - Et ben ! Parce-que sa mère - la pauvre ! -, fatiguée comme elle est, il faut qu'à ce Monsieur, souvent elle lui fasse la teinture du linge et à chaque fois avec la couleur quelle est pas la même !
        - C'est Hadoudja la mauresque de sa cour qui m'la dit !
        - Tia compris maintenant !
        - Comme ça, ce con de Lolo y vous fait croire à tous, que le complet qui se met pour sortir, et ben, c'est jamais le même.
        - Alors voilà pourquoi, bande de Babalouchos * que vous êtes, vous croyez que Lolo, chez lui dans l' armoire de sa mère, il a un tas des costumes à sa disposition.
        - Tia bien compris maintenant ! ?
        - D'accord, la couleur du linge c'est pas la même.
        - Mais le complet, lui, il a pas bougé d'une kème* !

        - La putain ! oh, Cousin…
        - Dis-moi un peu, comment toi, tia pu à de bon deviner tout ça de Lolo ?

        - Achpètes* ! Lolo ? c'est pas encore fini.
        - Tu me connais bien, toi ! Hein, Frère ! ?
        - Tu sais que moi, quand quelque chose y me marche dans la tête *, rien elle est capable de m'arrêter.
        - Je vais direct du début à la fin, même, si des fois la fin, jamais je m' la vois arriver - tellement moi, des choses et des choses je sais.
        - Alors, écoute-moi bien-bien et ouvre tes oreilles.
        - Il faut maintenant que je te dise - puisque que tu m'en as parlé ! - et ben, que les souliers vernis qui se porte Lolo, là dessus, moi, j'te dis rien.
        - Mais à regarde si tu peux... Comme ça... Quand tié à côté de lui.
        - Fais semblant de laisser tomber parterre quelque chose, mais entention * - pas loin des souliers.
        - Alors là, doucement-doucement, tu te baisses, dzarma *, pour soit-disant ramasser ça que tia fait tomber, et en même temps, tu te renifles un bon coup en direction de ses Schcarpes *.

        - La Madone ! oh ! Genarro…
        - Pour qui y va me prendre ! ? ce putain de Jean Babasse* de Lolo.
        - A de bon, orgueilleux comme y l'est, peut-être y va croire que les pieds j'vas lui embrasser ! ?

        - Arrête un peu de dire des choses comme ça et attends mon explication.
        - Quand toi tu te baisses et que le nez y l'est pas loin des souliers vernis de Lolo.
        - D'abord, tu vas voir comme y brillent, et toi, tu vas te penser que Lolo, avec le cirage " l'éclipse* " - y s'est ciré les souliers.
        - Alors là, d'un coup vite fait, renifle fort un bon coup, comme le chien de la chasse quand y sent quelque chose d'intéressant.
        - Après ça, si toi tia pas compris ce Schpakeur* de Lolo, j'te mets dans la même bande de bourricots* que tous ses amis du Cours Barris* !

        - Scuses-moi, Cousin ! J'ai rien compris de tout ça qu'tu m'as dit.
        - Tu veux que moi - à de bon ! -, je vais m'respirer les souliers de Lolo, comme à le chien qui fait la chasse ..! ?
        - La misère * !… et pourquoi Genarro ! ?

        - Écoute-moi bien et réfléchis un peu avant de parler !
        - Si moi Genarro ton meilleur ami depuis qu'on est tout p'tit, j'te dis qui faut que mine de rien, tu te respires de près les souliers vernis de Lolo, c'est qu'y a une raison - porca misère * !

        - Mais quelle raison Cousin ! ?
        - La purée* ! dis-moi à pourquoi maintenant, je dois me sentir les souliers à Lolo ! ?

        - Et ben, si tu fais bien ce que je t'ai dit, tu vas voir un peu ce qu'elles ont - les chaussures du beau Lolo.
        - Tu veux que je te dises à quoi elles sentent ?
        - Et ben, cousin, tiens-toi bien !
        - Ses schcarpes* ! ? elles ont l'odeur du poisson frit ...
        - Et ouais ! Parce-que ce tapette de Lolo, pour faire croire que ses souliers y sont vernis, quand sa mère - la pauvre ! - elle lui fait frire un peu du poisson, ce con, avant de se mettre les souliers, y se trempe un bout de la ouate dans l'huile d'la poêle et doucement-doucement, y se frotte le cuir des chaussures avec...
        - Voilà pourquoi les souliers de Lolo, quand on les regarde de loin on dirait des souliers vernis - du dernier cris de chez Bailly * !
        - D'abord l'autrefois quand j'ai vu l'apprenti, tu sais celui qui travaille chez le Chcarparel * d'la rue de Verdun, entre-nous, voilà ce qu'il m'a confié ?
        - Et ben, y m'a confié que Lolo, ses souliers pas souvent y s'les fait ressemeler - ce putain de rapiasse* !
        - Parce que quand sur la route y a du goudron frais, y marche exprès dedans, comme ça la semelle elle s'use moins.
        - Tu vois, Lolo c'est comme on dit, " grand genre et p'tits moyens " !

        - Putain cousin ! te crois pas que toi aussi, ti exagères un peu beaucoup ?
        - Je sais moi, que toi - ti aimes pas Lolo.
        - Mais de là, à lui trouver un tas des choses pas belles, y faut pas quand même le faire plus noir que la Macaronade - comme quand y a la sauce des seiches dedans !

        - J'exagère pas cousin et je t'le dis officiellement !
        - D'accord ! Moi Lolo j'l'aime pas... Mais la vérité, c'est la vérité ! Lolo, ou pas Lolo.
        - Maintenant, pour ses chemises avec ses cravates, j’aurais beaucoup des choses à dire sur eux .
        - Mais toi, tu vas encore te penser que moi aussi j'exagère... alors je me la ferme... Mais avant, j'te conseille quand même si tu peux, d'lui sentir aussi les cheveux.
        - J'te dis rien, mais, tu vas voir par toi-même, qu'est-ce qu'elle a - la magnifique coiffure de ce putain d'enfoiré de Lolo !

        - A de bon Cousin ! encore pour le chien de la chasse tu me prends ?
        - Aussi la tête y faut que j'lui renifle ! ?
        - Le con de Manon* ! Qu'est-ce que moi j'ai fait au bon Dieu ?
        - Et pourquoi ? Oh ! Cousin.

        - Parce que tu vois ! ? Comme il a les cheveux brillants - le beau Lolo.
        - Magnifiques et bien coiffés à de bon ! pareils à Tino Rossi - qu'il est dans le Cinéma de chez Dominique Noto * sur l' affiche.
        - Et ben ! Ses cheveux, de près y sentent comme la salade avec la vinaigrette, pourquoi ce Bombaïoun* y se met de l' huile d'olive sur la tête.
        - Comme ça les autres y se croient, que comme Lolo y l'est très chic, que toujours y se peigne - avec la brillantine Roja * super luxe !

        - Mais alors pourquoi ! ? Quand les autres y sont à côté de lui, jamais, y se rendent compte de rien du tout ?
        - Et quand lui y va au bal au marché * et que le tango y se danse - avec les plus belles filles de La Calle ! ?
        - Dis-moi alors comment ! ? La putain de merde ! personne y voit ça.

        - Bon maintenant Cousin, je vais te faire une dernière révélation pour t'expliquer, mais entention, n'en parle jamais à personne.
        - Hadoudja - la pauvre ! - elle m'a fait jurer de rien dire à qui que ce soit.
        - Lolo, toujours quand y vas chez Auguste le coiffeur *, y s'achète un gros flacon de Forvil *, que c'est l'odeur qu'elle coûte la moins chère.
        - Que même une fois Auguste - le pauvre ! -, y lia dit en riant : " oh ! Lolo, qu'est-ce que tu fais avec toute cette odeur ! ? Ma parole, tu te laves le cul avec ou quoi ! ?
        - Alors Lolo y répond d'un air détaché, que c'est soit-disant pour sa mère - la pauvre ! -, ou que s'est pour faire cadeau à ses relations ...
        - Ces relations ? Ou gatse * !
        - Enfin tu vois, toujours une excuse ce Calamar* y l'a - pour se faire raison.
        - Mais moi je vais te dire ce qu'il en fait, de toute cette putain d'eau de Cologne.

        - C'est vrai ! la Madone *.
        - Lolo ? qu'est-ce qui fait avec tout cette odeur.

        - Et ben, réfléchis un peu cousin ! ?
        - Si ce con y s'achète plein du Forvil*, c'est pour que ça sent bon à côté de lui !
        - Mais toi, tia pas l'air de comprendre ! ?
        - Tu vois pas ! Que c'est pour que les souliers y sentent pas - l'huile du poisson et ses cheveux - l'huile des olives !
        - Alors ce tapette de Lolo, tu sais ça qui fait avant de sortir de chez lui ?
        - Et ben ! Y se passe plein de l'odeur Forvil sur les deux jambes, dans tout le cou et même - sur sa fatche y poutane* ..!
        - Et peut-être aussi, ailleurs ! Comme Auguste le coiffeur y lia dit un jour.
        - Voilà pourquoi, personne y se rend compte de rien et que Auguste - le pauvre ! -, y comprend toujours pas pourquoi, l'autre toujours y vient s'acheter plein du Forvil - même que cette odeur, entre-nous, c'est d'la zoubia* !
        - Maintenant, y a aussi une chose que je vais te dire.
        - Quand Lolo y va au bal, soit-disant, Monsieur, y boit que du Champagne brut.
        - Là aussi, à regarde dans quoi y le boit ! ?Tu vas vite voir que le verre, c'est un, où on boit la Limonade de chez Charlot Sultana* !
        - Pourquoi, Lolo en cachette, y rentre au bal des bouteilles de Mousseux - que lui à Bône*, au Monoprix y l'a achetées pas très cher.
        - Alors pour se montrer des gens, dzarma *, Monsieur y boit soit-disant du Champagne brut, pour se faire passer pour quelqu’un du grand monde !

        - C'est pas possible ! Manadj y mourte et qui d'estra mourte et qui des canes à mourte *.
        - Ce putain de Lolo ! à de bon, pas seulement à moi y l’a pris pour le derniers des cons.
        - Mais aussi tu vois Cousin et c'est ça quia de très grave poutane à misère * !
        - Ce cornard * ! y s'est moqué de la figure de tout le monde - à se faire passer pour ça qu'il est pas.

        - Et ouais !… Tu vois, frère ? Quand les gens pas bien on les connaît, et que eusses, y se prennent pour du grand monde…
        - Bien sûr, qu'après ça y te traitent de leur hauteur - comme le dernier des derniers.
        - Alors maintenant que toi tu sais Lolo qui y l'est et que toute sa bande de Catchoutchels * c'est pas mieux que lui, dis-moi qu'est-ce que c'est cette histoire que tia été leur raconter ! ?
        - Mais porca misère* ! tu pouvais pas avant - m'la dire à moi ?
        - Jamais tu vois, moi, je m'serais moqué de toi que tié comme mon frère et j'aurais pas dit que ti étais un mensongeur * de première classe !
        - Moi tu vois j'aurais essayé de comprendre bien-bien ça que tu m'aurais raconté, et même s'il le faut je t'aurais tout expliqué – scientifiquement ! -, en long en large et même en travers.
        - C'est la vérité !

        - Tia raison Cousin !… scuses-moi beaucoup.
        - Mais tu sais, moi, la tête avec cette histoire elle me marchait tellement, que je lié dit au premier que j'm'ai rencontré sur le Cours...
        - Et qui c'était ce jour là ! ?..
        - Hé ben, c'était Lolo !… Y se promenait avec Zef et Pien et tous ces tapettes - qui les suivaient comme des p'tits chiens !
        - Alors, comme moi je croyais Lolo qu'il était très instruit - avec le certificat des études des écoles de chez-nous ! -, tout de suite, en confiance, j'lié demandé...
        - Maintenant... toi, la suite tu la connais !
        - C'est pas la peine, la misère* que maintenant moi j'te parle encore de ça !

        - Bon !... Maintenant tu vas me faire le plaisir, de m'oublier Lolo et toute sa bande de bons à rien !
        - Viens avec moi, on va s'acheter plein des Cacahouettes chez Tarzan*, avec un bon morceau chacun de la Fougasse*, et puis, on va s'les manger tranquillement en bas la marine*.
        - Et après, tu vas tout me raconter l'histoire.
        - Mais entention à toi Cousin ! Sans me dire des choses - que c'est pas vrai.
        - D'abord... Tu vas me jurer sur ta Sainte Communion avant de dire quoi que ce soit.

        - D'accord Genarro !
        - Moi, j'te jure sur tout ce que toi tu veux : ma Sainte Communion, la tête de ma Mère, la tombe de mes Morts - enfin, sur tout...
        - Pour te faire voir que moi, je schpake * pas avec cette putain d'histoire à dormir debout qu'à moi - la putain de merde ! - elle a été m'arriver.
Fin du 1er acte.
ACTE 2.

        - Les deux amis se sont arrêtés face à la mer tout au bout des p'tits quais.
        - Suivant son habitude, Genarro prit place - jambes pendantes et faussement désinvolte ! - au bord du parapet qui marquait la fin des quais.
        - Quant à son acolyte, il était resté là, debout, juste devant lui, comme un élève qui va réciter consciencieusement sa leçon.
        - Quelques pêcheurs à la lignes méditaient, tranquilles, les yeux fixés sur le bouchon de leurs lignes.
        - Le port était bien calme et le miroir de ses eaux cristallines, laissait refléter le relief des fonds sous-marins, animés ça et là par les ondulations langoureuses des algues et le ballet incessant des poissons.

        - En avant, Cousin ! Parle, parle... Moi je t'écoute attentivement.
        - Surtout, prends bien ton temps et sans t’énerver - explique-moi cette chose qu'elle t'est arrivée.

        - Et ben voilà Genarro !
        - L'autre jour, moi, je travaillais pas...
        - Alors tu vois, le matin, comme y faisait beau, j'ai été me faire une bonne Camenade * jusqu'au Boulif *.
        - Belle-belle... Tu sais ! ? A côté le vieux Port - en passant par la plage de l'Usine *.
        - Dans les rochers, j'ai vu qu'y avait plein des Arapelles*, une plus belle que l'autre, et comme ma mère - la pauvre ! -, depuis longtemps elle en avait envie, alors moi, mon canif j’ai pris et doucement-doucement, j'ai commencé à remplir le mouchoir à carreaux qu'il est toujours dans la poche du veston.
        - Ce jour là - Madonina mia*- la mer elle était bien calme et dans cet endroit, on aurait entendu - à de bon ! -, même une p'tite mouche qu'elle volait - tellement tranquille c'était.
        - Putain*! cousin ... Ma parole, au paradis j'me croyais.
        - Un Roi ! Qu'est-ce que je dis ! ? Un Empereur j'étais !
        - Les Arapelles*, à bloc* y en avait !
        - Et moi, ramasse et ramasse, j'savais plus où les mettre, et le mouchoir à carreaux, meschkine*, y l'en pouvait plus - tellement rempli y l'était.
        - Alors moi, je me suis pensé que ma Mère - la pauvre ! - les Oursins aussi elle aimait, et d'un coup, comme y avait personne, à poil je m'suis mis, et vite-vite, j'ai été dans l'eau - faire un peu les Oursins.

        - Bon, Cousin ! Maintenant, abrège un peu ton introduction.
        - Tu vois pas ! ?… Que tié en train d'me dire un tas des choses à droite et à gauche, mais l'histoire elle ? La Madone ! tu m'la racontes pas...

        - Tia raison Genarro !
        - Mais obligé que je suis, de te dire le début,
        - Sinon - à de bon ! -, tu vas rien comprendre après...
        - Alors, pendant que j'étais là, en train de ramasser les Arapelles * et les Oursins pour ma mère, d’un coup qu'est-ce que je me vois ! ?

        - Et qu' est-ce que tia vu ? un Spirito* ? un Mounadgel * ?..

        - Et ben ! pas loin des rochers, dans l'eau j’ai vu que quelque chose elle brillait et que doucement-doucement*, elle bougeait !..
        - Alors moi, pour voir ça que c'était, j'ai mis la tête au fond* et qu'est-ce que moi j'ai vu qu'elles z'étaient pas loin ?
        - Et ben, y avait une belle petite bande des Sardines qu'elles nageaient tranquille-tranquille sur place, et même, y en avait qui venaient presque à côté de moi - sans peur et sans rien*.
        - Alors tu vois ! Cousin... Comme là, c'était pas profond, aussi, moi j'ai vu qui avait quelques beaux Rougets d'roche, qui eusses, y se grattaient le fond avec les moustaches, et ça, tu vois, sans même se faire du mauvais sang - que moi, là j'étais.

        - Oh ! Compare*... La mort de tes osses* ! L'histoire ? C'est pour aujourd’hui, ou c'est pour demain ! ?
        - Toi maintenant, tié en train de me parler des Sardines et des Rougets, et j'sais pas encore quel Catse* - que toi tu vas me sortir ! ?
        - Mais moi ton histoire ! ? Arriver, j'la vois pas encore.
        - Tu vois pas ! Que tié en train de me faire tirer dehors - une putain de langue*.
        - Alors ! Porca misère*.
        - Tu vas m'la raconter, oui, ou non, cette putain* d'histoire ?
        - Parce que maintenant, j'vais comprendre à pourquoi, Lolo et les autres sur le Cours, y se sont tous moqués de toi.

        - Voilà Genarro ! Putain... Donne-moi un peu le temps.
        - On peut plus rien te dire ! Toujours tu te mets en colère pour rien.
        - Cousin ! La Madone*... Fais-le pour l’âme de tes morts* !
        - Ne rigoles pas ! Quand maintenant - j'vais te raconter ça que moi j'ai vu.

        - Allez Cousin ! Raconte et n'as pas peur...
        - Moi, j'suis pas Lolo et sa bande de cons, et de toi, jamais je m’ suis moqué,..
        - Même, quand des fois tu dis des choses, qu'elles me font beaucoup rire - sans faire exprès.

        - Et ben ! Cousin, voilà :
        - Moi, j'étais là dans l'eau sans bouger et d'un œil, j'me regardais les belles petites Sardines - qu'elles se brillaient comme les étoiles ! -, et au fond, avec l'autre oeil, mine de rien, je m'louchais les Rougets - qui se grattaient toujours le sable.
        - L'eau ! ? Elle était claire comme c'est pas possible et la mer ! ? Elle était calme comme de l'huile.
        - Sur le Boulif *! ? On entendait même pas un oiseau qui chantait.
        - Enfin tu vois ! ? Ce jour-là, mieux que moi y avait pas.
        - Alors, pendant que j'étais-là, dans l'eau, à me tchaller* de bonheur, et en disant au bon Dieu, merci d'la belle journée qui m'donnait à moi, par curiosité, de temps en temps, j'donnais quand même un p'tit coup d’œil à les poissons qui z'étaient prés de moi.
        - Mais, tu vois pas ! ? De quoi je m'rends compte.
        - Sur le sable, au fond de la mer, y avait un Rouget de roche magnifique.
        - Maousse* au possible et rouge comme le Corail d’à chez nous.
        - J'te jure ! Plus gros que lui, - jamais j'ai vu.
        - D'un coup, vas savoir pourquoi, y s'est arrêté de gratter le sable et puis j'ai vu que longtemps - y l’a regardé le rocher à côté de lui.
        - Moi tout de suite, j'm'ai demandé - ça qui regardait, le gros Rouget ?
        - Alors tu vois ! Dans l'eau, je m'suis un peu baissé, et qu'est-ce que j'ai vu ! ?
        - Y avait là dans un coin, qu'elle se tenait sans se bouger, un autre poisson - pas trop grand... comme la Sardine -, et que lui aussi, le gros Rouget y s'le regardait...
        - Tout d'un coup ! Santa Maria, encore un peu - cousin ! -, le coeur par terre y me tombe.

        - A pourquoi, à pourquoi ! ?

        - Les deux poissons ! ? Entre-eux, y se sont mis à parler.
        - Ne ris pas cousin ! Arrête un peu de rigoler comme ça !
        - J'te dis que le Rouget y lia parlé à l’autre poisson !
        - Et l'autre ! ? Y lia répondu du tac au tac !

        - Enfin Cousin !... Tu vois ?... Sans même que de toi je me moque, je ris à me pisser en d'ssous - de ça que toi, tu viens de dire.
        - Mais maintenant, putain de merde ! Tu vas tout m'expliquer...
        - Porca misère*! Où tia vu toi ? Que les poissons y se parlent entre eux, et que nous, on les entend ! ?
        - Alors dis-moi ! ? En quoi y se parlaient les poissons que tia vu ? En Italien, en Français, en Arabes... ou en Gabotche ou Gatse* ! ?
        - Ma parole Cousin ! Tu crois pas, que, du monde tu te moques, et que c'est pour ça, que Lolo et sa clique - y t'ont pris pour un Schpaqueur* ! ?
        - Dis, par hasard ! ? Tia pas aussi entendu les Gatsoumarines*, qui se faisaient la conversation à côté les Rougets ! ?
        - Aller et vas de là* ! Cousin ! Et sois un peu sérieux maintenant.

        - Non Genarro !... Sur ma Sainte Communion !
        - J'te dis que les poissons y se sont mis à parler - comme toi et comme moi !
        - C'est pour ça que tout à l'heure, moi j't'ai dit, que le coeur - il allait me tomber par terre.
        - Alors, fais comme tu veux ! Tu me crois, ou tu me crois pas.
        - Mais moi, obligé je suis de te dire, que, le Rouget et l'autre y z'ont tenu pendant un bon moment, une putain* de conversation - que moi j'ai tout entendu.
        - Tu vois ! ? Même, quand un y l'avait fini de parler, moi, de l'eau je sortais la tête pour respirer, et puis, vite-vite*, encore je la rentrais, pour bien écouter ça que l'autre y allait dire.

        - Cousin ! Je t'en prie, arrête un peu.
        - C'est pas possible - ça que tié en train d'me raconter !
        - Maintenant, soit-disant qu'les poissons y s'parlent comme toi et comme moi ! ?
        - Mais ma parole, tia rêvé ou quoi ! ? Ou bien ce jour là, moi, je crois, que tia dû te prendre un bon coup de soleil* sur la Pastèque* ! ?

        - Non Cousin ! Tu peux me croire.
        - Les poissons y z'ont parlé pour de bon, et moi, j'ai tout écouté ça qui z’ont dit !
        - D'abord, j'ai pas rêvé et le coup d'soleil - d'accord ! - mal à la tête ça donne, mais jamais, entendre des choses ça fait !
        - Où tia vu ça, toi ! ? Hein Gennaro.

        - D'accord, d'accord Cousin !
        - Mais, puisque les poissons y se parlaient, et que toi, tia tout écouté, dis-moi enfin qu est-ce qui z'ont dit ! ?

        - Maintenant moi, je vais t'répéter la conversation, comme un Papagallo*
        - Sans rien que moi j'oublie ! -, et toi - que tié plus instruit que moi ! -, peut-être, que mieux tu vas comprendre cette histoire.
        - Alors, écoute-moi bien, Genarro !
        - Voilà ! ce que eusses, y z'ont dit :

        " Que faites-vous en des lieux si profonds, charmante petite Sardine ?
        - Vous qui depuis toujours, avez coutume de nager en surface avec les vôtres ?
        - Lui a demandé très gentiment le gros Rouget.
        - Vous n'ignorez pas - j'en suis persuadé ! -, que, c'est ici le royaume des Rougets, puisque, avec mes frères, la nature nous a conçue pour vivre sur le fond de la mer.
        - Il me semble donc à l'évidence, que là n'est pas votre place - jolie fillette -, et je me permets de vous conseiller - très respectueusement -, de bien vite remonter vers la surface, de peur qu'il ne vous arrive un jour prochain, quelques fâcheuses difficultés.
        - Je serai alors infiniment désolé, de vous voir atteinte de cette drôle d'affection, qui affecte sans coup férir, les hôtes qui ne sont pas de ces lieux !
        - Poursuivit le gros Rouget, avec infiniment de douceur.

        - Vous vous trompez, Monsieur le Rouget !
        - S'il est vrai qu'autrefois je fus une vulgaire Sardine, il faut cependant que je vous dise que depuis bien longtemps, cette époque - pour le moins honteuse ! - est bien révolue.
        - Pensez donc ! La vie m'était devenue impossible et j'étais excédée de me voir mêlée à une famille, sans panache, ni ambition, qui passait le plus clair de son temps, à se promener sans souci le long des côtes, et à se dorer ses écailles bien à l'abri des golfes tranquilles.
        - Voyez-vous, moi, qui suis d'une intelligence supérieure, j'ai voulu très vite échapper à cette triste destinée, et voilà pourquoi, Seigneur Rouget, un jour, j'ai décidé comme ça, changer d'identité pour m'en aller allégrement rejoindre votre peuple - dont il faut dire, que la majesté et la délicatesse me va à ravir.
        - Hum, hum ! Toussota très intrigué le gros Rouget.
        - Alors comme ça, douce Damoiselle ! ? Un jour, vous avez décidé de sortir de votre tribu et tenter - à la force de vos nageoires ! -, de rejoindre nos abysses - pour enfin vous fondre, au sein de notre communauté.

        - Mais oui, mais oui ! C'est bien cela - répondit la petite Sardine, en frétillant de bonheur.
        - Voyez vous-même, Monsieur le Rouget, comme ma robe ressemble - à s' y méprendre - à votre livrée.
        - Avouez, qu'elle n'a plus cet horrible ton camaïeu qui autrefois m' affligeait et lorsque parfois, dans un coquillage abandonné, je me surprends à me mirer, cette heureuse métamorphose ne peut que me ravir et m'enchanter au plus haut point, ce qui, vous vous en doutez, comble par cela même tous mes souhaits.
        - Je vous avoue, frère Rouget, que, je ne me demande même plus à présent, si un jour, j'ai bien été cette vulgaire Sardine, dont vous parlez et à l'évidence, si cela était, reconnaissons tout de même, que, ce ne fût là, qu un regrettable accident, voire, une lamentable aberration de la nature. En quelque sorte, une très mauvaise farce - du Seigneur Neptune.
        - En vérité, j'étais faite pour d'autres ambitions et voyez-vous, permettez-moi de vous demander d'avoir, à l'avenir, l'obligeance infinie de ne plus me donner ce ridicule qualificatif, qui à vrai dire, me gêne beaucoup, et que, depuis longtemps - j'ai renié !
        - Comme vous pourrez le constater, c'est par l'énergie que j'ai déployée dans mes activités, que j'ai pu ainsi, gravir tous les échelons de la société.
        - Ce qui enfin, m'a permis d'intégrer de droit - la noblesse des Rougets.
        - J'y ai mis ce faisant, toute ma bonne volonté et surtout, le meilleur de moi-même, pour sortir enfin - de cette insupportable médiocrité.
        - Aujourd'hui, je peux le dire ! Je suis un Rouget à part entière.
        - Comme vous, je vis sur le fond, que, je gratte comme je peux, en attendant que me poussent ces royales moustaches - qui m'iront si bien.
        - Si d'aventure, à certains, ma robe parait plus sombre, il suffit tout simplement de constater, que, ça et là, ses beaux reflets ont un incontestable ton corail - du plus bel effet.
        - Comme vous avez pu le constater, depuis mon arrivée j'évolue dans votre société tel un des vôtres, dont il faut reconnaître, que j'ai pris avec bonheur les manières et les mœurs.
        - Quel joie, frère Rouget ! Moi ! ? Une vulgaire Sardine.
        - Mais non, voyons ! Allons donc, vous avez semble-t-il rêvé ! ? Je le pense.
        - Il y a bien longtemps, compagnon Rouget, que j'ai oublié mes origines, et si d'aventure, il vous venait à en douter, regardez-moi bien évoluer parmi vous et dites-moi franchement que vous vous êtes trompé !

        - Assurément ! J'ai peut-être dû un moment sur votre compte - me tromper.
        - Dit, pensivement, le gros Rouget,
        - Mais, cependant, permettez-moi de vous dire très affectueusement, ce que m'inspire votre singulière philosophie.

        - Mais oui, bien sûr ! Mon frère... Faites donc, faites donc.
        - Ricana la Sardine avec hauteur.
        - Ne vous gênez surtout pas, puisque dans notre communauté, on vous prétend plein de sagesse.
        - Cependant, il faut que vous sachiez, que vos bonnes paroles ne me seront d'aucune utilité, puisqu'à présent, convenons je suis votre égale et par conséquent anoblie pour l'éternité.

        - J'entends bien ! petite sœur.
        - Répondit le gros Rouget,
        - Mais ceci dit, il faut tout de même que sur ce point, je puisse un instant me poser tout haut quelques questions, dont je ne vous demande même pas de réponse.
        - Mais, soyez aimable de ne pas m'interrompre, car, bien qu'il ne soit pas dans mes intentions de faire ici votre procès - et je n'ai pas en vérité du tout cette prétention ! - il me semble urgent, cependant, de tenter de dresser un constat, sur cette situation particulière, en essayant peut-être, d'aboutir à une conclusion objective, qui pourra dans l'avenir être bien utile à la réflexion de certains.
        - Après tout, un Rouget, pourrait peut-être un jour, faire en sens inverse la même démarche que vous ! ?
        - Et pourquoi ! ? Cette singulière épidémie, ne toucherait-elle pas d' autres habitants de la mer, qui, un moment, seraient tentés comme vous de changer de costume, pour s'en aller voguer vers des eaux étrangères - oubliant se faisant, leurs véritables identités ! ?

        - Je vous écoute attentivement, Rouget, reprit la Sardine - quelque peu agacée.
        - Tout cela relève de votre part, d'une très louable courtoisie, mais, cependant, franchement je vous le dis, il me semble, que vous êtes en train de vous épuiser en des discours stériles, qui, ne peuvent à l'évidence, pas le moins du monde me toucher - ni même un seul instant me séduire.

        - Vous avez peut-être raison, poursuivit sagement le gros Rouget.
        - Mais, écoutez-moi bien maintenant.
        - D'abord, permettez-moi de louer votre courage et surtout l'assiduité avec laquelle vous avez réussi à vous hisser, comme ça, à la force de votre seule volonté, dans un rang social - que vous jugiez supérieur et bien fréquenté.
        - S’il est tout à fait normal - et je vous le dis sans ambages ! - que tout un chacun tente au cours de sa vie, de se construire un monde meilleur, à l'abri de la gêne et des soucis, en faisant appel aux multiples possibilités - qui s'offrent à toutes les âmes de bonnes volontés.
        - C'est, me semble-t-il, ce que vous avez entrepris avec beaucoup de hardiesse, de courage et de détermination. Mais, vous avez alors voulu changer de condition et de même, la vie de tous les jours, en vous éloignant de votre race et il faut le dire, en n'hésitant pas un seul instant de la gommer de votre mémoire.
        - Dés lors, vous avez cru être autre chose et d'une race supérieure, au point tel, qu'évoluer sous d'autres lieux, vous fait fermement penser que depuis avec un autre peuple - vous partagez dignement l'égalité.
        - Tout cela semble à première vue - plus-que-parfait.
        - Mais !...

        - Il me semble Rouget, dit, la Sardine avec quelque suffisance, que vos propos, laissent grandement à désirer !
        - Où est donc, cette sagesse que l'on vous prête ! ?
        - Pour l'instant, si je continue à vous écouter - détrompez-vous mon ami ! - Ce n'est pas par intérêt, mais bien, parce que, j'ai tout de même gardé le sens du respect.

        - Bien bien. ! Répondit, le gros Rouget,
        - Je vois avec un infini bonheur, que de là-haut, il vous reste encore quelques qualités .
        - Mais, laissez-moi à votre sujet poursuivre ma pensée.
        - Si j'admets - comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure - qu'il n'est pas interdit à quiconque de gravir les échelons de la société, je me demande alors naïvement pourquoi, il se trouve parfois sur le chemin de l'existence, cet état d'esprit si compliqué qui fait tout renier, en ayant l' outrecuidance, de penser - que l'on est un autre et d'une essence autrement supérieure ?
        - Pour poursuivre mon idée, je pense en ce qui vous concerne, qu'il m'aurait plu de voir vos écailles scintiller d'éclats merveilleux et votre robe s'embellir de ses plus beaux reflets - alors que lentement, vous montiez dans la société.
        - Mais non fillette ! Au lieu de cela, vous avez décidé un jour, que votre tenue de naissance, n'était plus très adaptée, et se faisant, pour clore l'affaire, dans le même temps vous avez pensé, qu'il vous fallait très vite changer de quartier, en plongeant sans tarder vers des abysses étrangères - parmi le peuple des Rougets !

        - Oh ! Mon pauvre ami.
        - Reprit-elle, avec compassion.
        - Vous entendre ainsi radoter, ne peut que me peiner.
        - En vérité, pardonnez-moi ! Car il me semble que cette affaire vous dépasse, et que voyez-vous, je ne puis que vous soupçonner d'être, un sinistre sectaire qui supporte bien mal la réussite des autres et voit partout des étrangers !

        - Plonger dans les abysses,
        - Poursuivit calmement, le gros Rouget,
        - Est malsain pour ceux de la surface, comme n'est pas indiqué aux autres du fond, d'aller vivre là-haut dans les couches supérieures.
        - Voyez-vous, ma mie, même si vous brillez par votre intelligence et que votre teint semble modifié, dites-vous bien gamine, qu'en ces eaux profondes la lumière hélas fait souvent défaut.
        - Et si, sur votre toilette, ce pâle reflet aussi rose qu'il vous semble, n' était qu' une branche de Corail, qui sur vos écailles tente, vainement de se regarder ! ?
        - Dans ce monde que vous croyez le vôtre, mais qui vous est étranger, vous comprendrez peut-être un jour, que, même en sécurité, le danger à tous les coins vous guette et que jamais dans les pires ennuis, vous ne pourrez trouver aide et fraternité.
        - Ceux-là mêmes, que, vous avez cru frères, n'hésiteront pas à vous laisser jusqu'à l'asphyxie, barboter dans la vase et vous fuirons comme une pestiférée - sans même vous tendre un petit bout de leurs nez.
        - Ne prends pas cet air offusqué, belle enfant, bien que révoltante, cette attitude est habituelle, lorsque l'on hante imprudemment des lieux étrangers - où règne il faut le dire, une autre mentalité.
        - Vous serez proprement dévorée à la moindre faiblesse, par tous ceux que vous singiez, en pensant être leur égale et qu'ils vous avaient définitivement intégrée.
        - Si vous-même un beau jour, vous fûtes fermement persuadée, que la réussite pouvait faire de vous ce que votre naissance n'avait pas décidée, comprenez bien une chose simple et sensée :

        - " On est, celui que l'on est, et l'on reste toujours ce que l'on est !
        - Tu es Sardine et tu resteras Sardine !
        - Rien, en ces eaux, ne pourra pleinement te métamorphoser !
        - Une Sardine ne sera jamais un Rouget et chacun ne sera jamais l'autre ! "

        - Les brillantes études, les diplômes et les titres universitaires, la réussite sociale et la fortune... ne sont pas ces philtres magiques qui vous transformeront - en ce que vous n'êtes pas !
        - Gardez vos acquis pour bien vous défendre dans la vie mademoiselle la Sardine, mais, de grâce, remontez vers les vôtres - il fait si bon vivre quand on est en famille !

        - Arrêtez-vous de parler Monsieur le Rouget ! dit soudain la Sardine le souffle un peu court.
        - Je ne sais pas pourquoi, depuis un moment déjà et à force de vous écouter, il me semble que j'éprouve comme une gêne, à digérer de ces fonds marins les aliments, qui, à vrai dire, me donnent souvent quelques nausées.
        - Il faut aussi que je l'avoue, mes délicates lèvres me font souffrir mille martyrs et sont toutes irritées - à force de gratter le sable et le rocher.
        - Depuis quelques temps déjà, mes yeux distinguent mal et figurez-vous que l'autrefois, un vorace Mérou a failli me gober.
        - A tout moment, il faut aussi que je me méfie, de la méchante Murène du quartier, qui, me guette tous les jours - avec la ferme intention de me dévorer.
        - Monsieur le Rouget ! ? Dites-moi pourquoi - il fait si sombre chez vous.
        - Expliquez-moi pourquoi ? Je suffoque de plus belle - malgré la vigueur qui anime mes ouïes.
        - Qu'est-ce qu'il m'arrive, Seigneur Neptune ? Serais-je souffrante ! ?
        - Il faut que je vous dise ; l'autre jour, une autre Sardine, qui, comme moi, pensait avoir changé de peau - a présenté les mêmes symptômes inquiétants.
        - Malgré cela, elle a tenu courageusement le cap qu'elle avait choisi et longtemps, très longtemps, s'évertuant à considérer que sa place était là - bien qu'elle ne m'est jamais apparue des plus heureuses dans sa nouvelle condition.
        - Et puis, discrètement un beau matin, elle avait regagné doucement la surface, tranquillement - le ventre en l'air.
        - La malheureuse était passée de la vie au trépas !
        - J'ai entendu longuement pleurer là-haut, mes sœurs les Sardines, pendant qu'en bas, rigolaient sans vergogne dans leurs moustaches - le peuple des Rougets.

        - Je comprends !… Que tout cela est triste .
        - Convient le gros Rouget.
        - Mais, si mes paroles ne vous ont pas totalement convaincu, votre séjour en ces lieux l'a fait pour moi.
        - Aussi, écoutez-moi bien petite Sardine, ôtez bien vite cet accoutrement ridicule, qui, de plus, vous va si mal, mais, gardez toujours vos mérites et faites-les prospérer - tant que vous pouvez.
        - Cependant, je vous en prie et avant qu'il ne soit trop tard, reprenez vite le chemin du retour et rejoignez les vôtres.
        - Avez-vous seulement une fois, pensé que là-haut, on a peut-être besoin de vous ! ?
        - Après tout, votre parure naturelle vous va si bien, que voyez-vous, je vous avoue bien timidement que j'en suis tout émoustillé et que j'ai presque envie de vous suivre là-haut, et qui sait, peut-être vous demander un jour d'unir nos destinées ! ?
        - Mais hélas, jolie fillette ! Je suis un Rouget et j'ai grâce à Dieu toujours pensé, qu'un Rouget n'était qu'un Rouget et que comme vous, même belle et intelligente, une Sardine n'était qu'une Sardine !
        - Adieu !.. Adieu !.. Ma belle petite Sardine.
        - N'oubliez jamais ce que je vous ai dit, si vous voulez que votre longue vie - se passa tranquille et sans ennuis !
        - Ainsi, parla un jour au plus profond de la mer, un gros Rouget - triste et joyeux à la fois.
        - Mais déjà, la Sardine était remontée vers la surface, où, les siens l' attendaient tous en pleurs... Cette fois, il faut le dire, c'était des larmes de joie.

        - Voilà Genarro ! Ce que moi j'ai entendu l'autre jour et ce qui z'ont dit les poissons.
        - Alors maintenant, que tu me crois, ou que tu me crois pas - mé ne foute* ! et n'en parlons plus.

        - Écoute Cousin ! Arrête un peu de dire des bêtises.
        - Moi, ton histoire - parole d'honneur ! - je vais essayer de toute la comprendre.
        - Tu sais, quand je suis sur le chalutier la nuit et que tout le monde y dort, moi, toujours je réfléchis à plein des choses et souvent on dirait que dans mes oreilles, le vent de la nuit y me parle et y me donne la réponse.
        - Alors, dans quelques jours, je te dirais ce que de toi, le vent y m'a dit .
        - Mais... Quand même ... Y a une chose ! Que de toi, j'ai pas bien compris.
        - Toute cette histoire - la purée de nous autres ! - tu m'l'a racontée en parlant mieux que le Directeur de l'école et que Monsieur le Curé.
        - Dis-moi !.. Oh ! Cousin... Où toi tia appris ! ? A parler très bien comme ça.

        - Mais non ! Genarro.
        - Moi tu sais, je parle toujours la même chose... Seulement tu vois, j'ai la bonne tête* et cette putain d’histoire, à force de m'la penser, je t' l'ai récitée par cœur, impeccable, comme un Papagallo*. - Tia compris ! Genarro.
        - Par cœur ! Comme avant, quand on était enfants de cœur à Saint Cyprien* et que pendant la messe, en latin, on parlait avec Monsieur le Curé - sans rien comprendre de ça qu'on lui disait !
        - Tu vois, pour moi cette histoire, c'est comme le latin qu'on parle à l'église, j't'la raconte alkif*, mais tu vois, là ça s'arrête !
        - Et puis, Genarro, il faut dire que ce jour là, les poissons y se parlaient tellement bien, que moi , y a des choses que j'ai pas pu comprendre en entier.
        - Mais toi Cousin ! Maintenant, je sais que tu vas tout m'expliquer.

        - Bon Cousin ! Achpète uno pocco*…Oublie ça que tu viens de me dire et marche.
        - On va aller se boire une bonne crème* sur le Cours, et puis, comme y commence à se faire tard et que moi cette nuit, je sors de bonne heure avec le Chalutier, après on s'en va à la maison se coucher.

        - Tia raison Genarro ! On va faire comme tia dit.

        - Alors, écoute-moi bien ! Demain soir si tu veux, on se retrouve à côté les Brisants* et moi, j't'dirais ça que j'ai pensé cette nuit sur le bateau.
        - Mais entention ! Pour l'âme de tes morts... D'ici demain soir, tu t'la fermes et à personne tu parles de ça !
        - Tia compris ! ?
        - Même pas à ta mère - la pauvre ! - qu'avec ça, si tu lui racontes, tu vas lui faire attraper un putain de coup de sang, qu'après, tous, on va pleurer pour de bon !

        - N'as pas peur Genarro ! tu peux être tranquille comme Baptiste.
        - Jusqu'à demain soir, moi, je reste muet - comme les estatuts quia chez-nous dans l'église.

        - Tchiao ! Cousin... Buona sera et à domani ! Si Dieu veut...

        - Ciao... Ciao... Genarro.
        - Merci ! Mon frère.
        - Toi, tié vraiment mon vrai frère de lait.
        - Pas comme ce cornard de Lolo et les autres fatche y facousse* !

Fin du 2ème Acte.
ACTE 3.

        - Cette nuit là, à la barre de la Fée Morgane, son chalutier, voguant doucement au large des côtes de La Calle, seul et pensif, Cap'tain Genarro veillait - le regard plongé dans l'immensité du ciel étoilé et l'oreille aux aguets.

        Genarro passa son temps à méditer et le vent de la mer qui était au rendez-vous, lui a doucement parlé dans le creux de l'oreille :
        " Brave Genarro ! " murmura-t-il dans un souffle.
        - " Que c'est bien de prêter ton oreille à ce garçon simple et bon, sans penser un seul instant à l'humilier par quelques railleries grossières et déplacées.
        - Tu vas, ce me semble, demander ce que j'en pense ? Et bien que tu aies, semble-t-il, à peu prés saisi le sens de cette drôle d'histoire, je m'en vais de ce pas te dire ce qu'il en est.
        - D'abord ! ton cousin n'a pas menti.
        - Ca, c'est la vérité !.. Mais ce qu'il t'a raconté, l'a-t-il rêvé ! ?..
        - Tu sais, le cerveau des hommes est tellement compliqué, que parfois, il s'y passe des choses bien étranges qu'il est difficile d' expliquer.
        - Vois-tu, en ce jour de repos, la mésaventure de ce brave garçon est facile à comprendre... Tu n'ignore pas, je le pense, qu'il était constamment l'objet de moqueries de toutes sortes et de plaisanteries de mauvais goût ! ? De la part de ce fameux Lolo et de sa bande.
        - On pourrait même dire, que, depuis toujours, il a été le souffre-douleur de quelques imbéciles, qui non seulement, l'ont relégué dans le clan des bons à rien, mais surtout, en lui faisant croire qu'il n'était hélas, que le taré du village et que le menu fretin - était la seule qualité qu'il pouvait revendiquer.
        - Il n'a pourtant pas si mal réussi ce garçon !
        - Il fait un métier qui lui plait, et gagne honnêtement sa vie - depuis longtemps déjà.
        - Oh ! Bien sûr... Il n'est pas riche... Mais ne manque de rien et sincèrement, je le crois tout de même heureux... A sa façon, bien sûr.
        - Cependant, au cours de ces dernières années, à force de s'entendre dire par les uns, ou, par les autres, qu'il était un bourricot de la plus pure espèce et qu'il ne serait jamais rien, parce que, l'ambition n'était pas son fort... Sans oublier – bien entendu ! - ce fameux Lolo, qui, depuis toujours, le toisait de sa hauteur, sans lui épargner en toutes occasions, quolibets et humiliations...
        - Pourtant, parfois en regardant le fruit de son travail, il pensait que sa façon de vivre pourrait changer.
        - Il en avait les moyens et même s'ils n'étaient pas très importants, ils auraient pu lui permettre de porter des chaussures du dernier cri, et même, changer quelques fois de costume...
        - Souvent, il s'était promis de faire de la lecture et d'écouter la TSF, pour essayer, se faisant, de mieux converser et de parler correctement - sans pour cela avoir la prétention d'étaler en public, des termes rares et des phrases précieuses - pour briller en société.

        - Il a bien tenté plusieurs fois cette belle aventure... Mais chaque fois, il s'est retrouvé sous le feu des sarcasmes de tout le quartier, qui criait à son passage : « Entention !.. Le voilà qui passe !.. Le Monsieur grand genre et p'tits moyens ! »
- Et tout le monde riait et lui, ça lui faisait très mal.
- Cependant, un beau jour, il a tout abandonné de ses bonnes dispositions, pensant, qu'il n'était pas né, pour être dans la vie - autre chose qu'il n'était.
- Je dois te dire, que cette idée lui a fait profondément de la peine et je te confie, que souvent dans son lit, la nuit, doucement il pleurait : sa vieille maman, lui demandait parfois le matin au réveil, pourquoi, dans son sommeil, il avait pleuré, et lui, jouant l'étonné, disait que s'était peut-être - quelque mauvais rêve, qui l'avait chagriné.
- Son histoire est sûrement vraie ! Mais, assurément, c'est sa tête qui lui a racontée... Toutes les questions que naïvement il s'est posées, son cerveau lui a répondu, mais, dans le langage des choses de la mer - la seule langue que lui le pêcheur, pouvait bien comprendre sans philosopher.
- Cette Sardine prétentieuse, à mon sens, ça ne peut-être que Lolo et tous ceux qui lui ressemble, et si l'on regarde le Rouget de prés, je peux t'assurer sans hésiter que c'est la conscience éclairée d'un brave garçon simple et bon qui se répond à lui-même.
- Peut-être que ce jour là, dans le silence de ce havre de paix, il s'est déclenché dans les profondeurs mystérieuses de son inconscient, un dialogue particulier qui ressemble fort bien, à ce que les savants nomment parfois : " délire d'imagination ".
- Tu sais, mon cher et estimé Genarro, la nature fait parfois bien les choses, car, ce délire est béni des Dieux, parce qu'il va lui apporter d' une façon claire et imagée, la réponse à toutes ces interrogations - qui depuis longtemps ne cessaient de le tourmenter :
- Les Sardines restent-t-elles toujours des Sardines ! ?

        - Ceci me semble évident !… et reconnaissons, que le Rouget à mille fois raison !
- Maintenant Genarro, c'est à toi de jouer.
- Dis-lui d'abord qu'il n'a pas rêvé et que la mer dans sa grande bonté, lui a permis de comprendre tout ce que les poissons disaient.
- A toi mon ami de bien transposer, afin que cette histoire serve au moins à redonner la joie de vivre à un garçon pur et sincère, surtout, lorsqu'il aura compris, que pour être bien dans sa peau, il faut la garder toute sa vie et non pas tenter de la substituer, par quelques flambants oripeaux, qui à vraie dire, ne font jamais bon ménage avec la réalité objective de l'existence.
- Vas maintenant vers lui mon ami, et que les Dieux du Bastion te guident dans cette délicate mission.
        - Adieu ! Genarro, et que la paix soit sur vous tous - fils du Bastion de France."

        - La brise du large avait faibli et sur la mer la lune qui brillait, donnait sur les flots des reflets d'argent d' une étonnante beauté.
        - Comme la mer est étincelante ce soir, se dit Genarro, on dirait que des millions de Sardines se sont donnés rendez-vous sous la lune.
        - C'est vrai, pensa-t-il, les Sardines n'ont rien à envier, elles sont belles et gracieuses et savent vivre en famille, et puis, la nuit lorsque tout est calme, elles remontent en surface, peut-être pour parler aux étoiles –Allez donc savoir ! ?
        - Quelle idée elle a eu, la Sardine du cousin ! De partir dans les profondeurs - pour s' en aller vivre avec les Rougets.
Fin du 3ème Acte.
ACTE 4.

        - Le lendemain soir il était déjà là, attendant Genarro tout prés des brisants* - un grand paquet de cacahouètes entres les mains.
        - Il s'était mis de propre : simplement vêtu d'un bleu de chauffe et Genarro remarqua, qu'il s'était chaussé d'espadrilles toutes neuves, et que, pour une fois, - il s' était rasé de frais.
        - Oh ! Cousin... Cria-t-il, pour signaler sa présence.
        - Tu sais ! ? La journée, elle a été très longue et depuis ce matin, que, je me suis levé, y me tardait, - la misère* ! - que, pour te voir, vite, le soir y l'arrive.

        - Alors ! ?.. Cousin, comment ça va depuis hier.
        - Tu sais ? Moi, toute la nuit, j'ai pensé à toi et ce que je peux te dire, c'est, que j'ai pour toi, que des bonnes nouvelles à t'annoncer.
        - Au moins moi, j'espère que tia parlé à personne de toute cette histoire ! ?

        - Non ! Genarro, j'te jure sur la tête de ma mère - la pauvre ! - à personne j'ai parlé.
        - Mais maintenant, je suis content que toi - tié là, avec moi. Tu sais ? Aujourd'hui, moi, j'ai été à la mer*.Toute la journée, j'ai fait rien que des prières - au bon Dieu, à sa mère et à tous les Saints... Pour que toi ce soir, tu m'dises un tas des choses - qu'elles sont bonnes.
        - Frère !... Tu sais ?... Moi, j'en peux plus !…
        - Alors, expliques-moi un peu, ce que toi tia compris de cette putain d'histoire - d'la Sardine et du Rouget.

        - Bon !.. Mais assis-toi et écoutes-moi bien maintenant, et sans que de toi, un seul mot j'entende sortir de ta bouche, sinon tu vas me faire perdre le fil de la conversation et je vais plus savoir où donner d la tête*.

        -Vas-y cousin ! parle - parle...
        - Moi... je m'la ferme et j't'écoute sans rien dire.
        - Alors ???

        - Hé ben voilà !
        - Moi, cette nuit sur le chalutier, j'ai pensé à tout ça - que toi tu m'as raconté.
        - Ce que je peux te dire, c'est que ton histoire - c'est vrai !
        - Oui ! Cousin... Tia pas dit des mensonges et tia pas rêvé - de tout ce qui z'ont dit les deux poissons.

        - Ah ! Cousin... Comme moi je suis content maintenant. Au moins toi, tu me prends pas pour un type, qui raconte des histoires à dormir debout, pour toujours se montrer des autres

        - J't'ai dis tout à l'heure, de pas m'interrompre dans ma conversation, mais toi, tu vois ! J'ai pas à peine commencé, que déjà, la putain de merde, tu me casses le travail !
        - Alors, fais-le pour l'âme de tes morts, une fois pour toute, tais-toi et écoute !

        - D'accord !... Pardon Genarro.

        - Bon !… Je continue pour te dire, que, dans cette histoire, les poissons y ont dit quoi ! ?
        - Et ben !... Que ceusses qui veulent se croire - ça qui sont pas... Et ben !... Un jour ou l'autre... Et ben !... Y leur arrive quelque chose de pas trop bien - pour pas dire de terrible !…
        - Et ça, pas rien qu'à la Sardine ! Tia compris.
        - A regarde chez nous, les gens de la terre, c'est la même chose : y en a qui z'ont la prétention, de se faire passer pour ça qui sont pas et qui veulent péter plus haut que leur cul.
        - Même qui en a, qui font semblant d'oublier - d'ousque* qui viennent et qui y sont !
        - Tié d' accord ! ? Cousin.

        - L'autre sans parler, il acquièse, en hochant la tête avec beaucoup d'ostentation.

        -Tu vois, Frère ! A regarde autour de toi - par exemple Lolo et sa clique.
        - Qu'est-ce qui font cette bande de cons ! ? Surtout Lolo ?
        - A longueur d'année, tu le vois aller et venir avec un air de milord, comme si que lui, il était venu de la haute société.
        - Mais, porca misère* ! Cousin.
        - Dis-moi un peu d'ousque* qu'il est Lolo ! ?
        - Son père - le pauvre ! - cantonnier à la commune y l'était.
        - Dans sa vie, y s'est tué au travail - meschkine ! - pour que toute sa famille, elle mange et elle dorme sous un toit et dans un bon lit.
        - Tia jamais remarqué ! ? Ce tapette de Lolo ? Jamais y parle de son père.
        - On dirait qui l'a honte - de dire, qui, c'était son père !
        - Alors tu vois ! La Sardine ? C'est comme Lolo... Toujours elle veut s'en aller avec les Rougets de roche – parce tu vois, elle a la honte d'être la Sardine !
        - A regarde, quand Lolo y se promène sur le Cours Barris* et quand des fois aux Palmiers* y sont attablés les gens biens... Lolo au passage, y les salue en se faisant bien remarquer par tout le monde, comme ça, tous y croivent*, que, Lolo y l'est bien avec eusses*, comme si que lui - il est de leur milieu.
        - Mais moi je vais te dire, que, souvent, j'ai remarqué, que ces gens là, quand Lolo y l'est passé, y se parlent entre eux et tous y rigolent à bloc* de lui ! Tia compris ? !
        - Comme les Rougets quand y se moquent de la Sardine.

        - Maintenant Cousin, moi, je crois que mon histoire, je commence un peu à la comprendre.
        - La Sardine et Lolo ! ? A de bon - comment ça se ressemble.
        - Mais alors, Gennaro ! ? Pourquoi les poissons, y sont venus me dire ça à moi - l'autre jour à le* vieux port.

        - Les poissons y t'ont dis tout ça, parce que toi, ti avais rien compris de ce cinéma que toujours Lolo y fait.
        - Depuis des années, toi aussi, tu le prends pour ça que tié pas et que toi, à côté de lui, tu crois que tié un couillon et un bon à rien.
        - Plus le temps y passait et plus toi dans ta tête, tu t'mettais plus bas que la terre.
        - Entre nous, Lolo et sa bande de Catchoutchels*, y z'ont jamais rien fait, pour te faire croire le contraire.
        - Et pourtant Cousin ! Moi, ce que je peux te dire, que la tête haute tu peux marcher sur le Cours Barris* et même ailleurs.
        - Regarde Lolo, qu'est-ce qui fait toute la journée ! ? Y va, y vient, jamais y travaille et mange et beve* sur le dos de sa mère - la pauvre ! -, et avec ça, y se prend pour du grand monde, ce putain de chiqueur de famille* !
        - Tu te rends compte, Monsieur, y l'aime pas qu'on l'appelle Lolo, parce que soit disant, c'est vulgaire. Alors toujours y dit : « moi ! mon nom c'est - Laurent ! ?
        - Mes couilles ! Laurent... Quand lui il est né, sa mère et son père - les pauvres ! - y l'ont baptisé Carmello - comme son grand-père le Sardaignole... Mais tu vois, cousin ! Pour lui, Carmello, ça fait pas assez chic... Enfin, passons...
        - Toi, comme ça, tia jamais fait... Au contraire ! Tia toujours été simple honnête et travailleur et respectueux.
        - Lolo ! Moi j'te dis - Y t'arrive pas à la plante des pieds ! Maintenant, tia compris ou tia pas compris ! ?

        - Putain !... Genarro... Comme tia raison.
        - Tu vois... Moi ! jamais j' ai pensé comme ça.

        - C'est pas moi que j'ai raison, c'est les poissons que l'autre jour y t'ont dit les quatre vérités.
        - Si moi je t'avais expliqué ça, à de bon*, tu m'aurais peut-être pas compris, mais là, y a pas à chercher à comprendre. Pour moi, c'est clair comme l'eau du Boulif* !
        - Les poissons, quand y z'ont parlé entre eux, c'était pour que toi, tu te mets bien dans la tête ça qui t'ont dit.
        - Je suis sûr qui z'ont voulu te faire une bonne leçon et comme toi tié pas bête, je crois maintenant que tia tout compris - ça que moi j't'ai expliqué.
        - Ce con de Lolo ! Je pense pas que lui, y pourrait comprendre ça.
        - Dzarma* ! Lui, y l'est trop intelligent.
        - Mais - poutane à misère !* - attends un peu, qui se casse un jour la gueule - à force de se prendre pour le Rouget de roche.
        - Peut-être que là, y sera bien obligé de voir, que toujours, - y faut rester ça qu'on est !
        - Voilà !... Ca que toi, tia entendu l'autre jour et si tu retournes dans cet endroit, surtout, n'oublie pas de dire merci aux poissons - parce que maintenant, ta vie, elle va plus être la même qu' avant.

        - A pourquoi cousin ! ? A pourquoi pas la même qu’avant.

        - Hé ben ! Parce que maintenant, tu vas plus te prendre pour un bourricot et pour le dernier des derniers - comme y t'avaient fait croire toute cette bande de cons !
        - Tia compris ! ?

        - Oui, oui ! Cousin...
        - Ne te fais pas du mauvais sang, moi, j'ai tout compris et cette histoire - grâce à les poissons !
        - Tu sais, Genarro ! ça va m'servir de leçon - jusqu'à Camposanto*.

        - Allez Cousins ! A présent, ne parlons plus jamais de cette histoire.
        - Yamoungel* !
        - Pour fêter ça, on va aller se boire l'Anisette chez Antoine* aux palmiers, surtout, pendant que je parlais, toi, tu t'es rempli le ventre avec plein des Cacahouètes* !
Fin du 4ème Acte.
ACTE 5.

        - Aux Palmiers chez Antoine*, c'était l'heure de l'apéritif et le café était rempli de monde.
        - Comme d'habitude, l'ambiance était chaleureuse et chacun disait la sienne.
        - Sur le comptoir, la Kémia* et tout le reste ne manquaient pas.
        - Les deux Callaïouns* s'installèrent dans un coin du bar et Genarro pour commencer, commanda deux Anis Cristal *.
        - D'un coup, d'une voix forte et bien assurée, l'autre cria à Amor* le barman de service :

        « Amor ! envois la Kémia* - Ya ham oualdik*.
        - Non ! pas les Loupines*, ni les Cacahouètes*.
        - Envois-moi le poisson frit ! oui, le tout p’tit poisson.
        - Mais intention * Amor !… Entention !…
        - Et comme Amor n'avait pas l'air de comprendre, l'autre claironna joyeusement à tue-tête :
        « La Matsame* ! Amor... La Matsame !
        S'il te plait. »

        - Et puis, se tournant vers Genarro et prenant les autres à témoins, il dit bien fort comme pour se faire entendre de tous :
        « Tu sais Genarro ! La Matsame* ? Putain comme c'est bon !
        C'est même très très bon ! »

        - Tout seul assis dans un coin du café - devant sa Grenadine à l'eau ! - Lolo était là, silencieux et je crois même qu'à ce moment il a baissé la tête...
        - Il n’était pas si Calamar* que ça – Lolo…
        - La leçon ! ? depuis longtemps - lui aussi, il l'avait comprise.
        - Mais il faisait croire le contraire... vas savoir pourquoi ! ? pauvre Lolo.

        - Allez !... Lolo - mon frère.
        - Vas de là !... laisse tomber !... remontes vite à la surface…
        - Tu verras comme on est bien en famille - avec la Matsame*.
        - Merci mon Dieu !
Fin du 5ème et dernier Acte.
Docteur Jean-Claude PUGLISI
-Sardine de La Calle de France.
Le 04/11/99 à Giens.

Par un jour bien pluvieux,
Et sur un récit bien Nostalgique et plein d'Espoir.

Légende*
- Pour tous ceux qui sont ou pas, d'à chez nous autres ! -

Sardine :
        - Du latin Sardina - de Sardaigne - / Poisson voisin du Hareng / Famille des Clupeïdés / Commun, dans la Méditerranée et l'Atlantique à la belle saison. / Long de 10 à 15 cm./ Dos bleu-vert, ventre argenté.
        - Poissons populaires et sans prétention, de consommation courante - et surtout, accessibles à toutes les bourses.
Rouget-barbet :
        - Du latin Mullus barbatus / Famille des Mullidés / Long jusqu'à 30 cm./ Poisson comestible très estimé - à ne pas confondre avec le Rouget grondin, appelé Galinette à La Calle.
        - Poissons très fins et onéreux, autrement dit - d'une classe très supérieure.
La Calle de France :
        - Premier Bastion de France en Algérie / 1ère Colonie Française au monde dés le début du XVIéme siècle, dont le nom de Samson Napollon Guidiccelli - le Corse se rattache à étroitement à sa fondation.
        - Petit port de pêche à l'Est de l'Afrique du nord / Fondé pour le négoce et la pêche au Corail - parmi les plus beaux du monde / Situé à 20 km à l'ouest de la frontière Algéro-Tunisienne et 25 km. de Tabarka / 5000 habitants en 1962 ( aujourd'hui 130.000 h.).
        - Population d'origine diverses : Sicilienne, Napolitaine, Maltaise, Corse, Provençale, Arabe, Française, Européenne... / Un des sites les plus merveilleux des côtes d'Algérie / Pêche / Chasse / Agriculture / Viticulture / Exploitation des forêts / Tourisme...
Côtes de Barbarie :
        - En fait, côtes de Berbérie ( de Berbères, habitants premiers du Maghreb ).
Cours BARRIS :
        - Esplanade de 400 à 500 m. de long, dominant le port d'est en ouest et baptisé du nom de l'ancien maire de La Calle - M. BARRIS du PENHER.
        - L'été c'était un lieu de promenade et de rencontre très agréable de la population Calloise et des estivants.
La presqu'île :
        - Péninsule cheminant d'est / ouest - ainsi nommée des Callois - et, abritant au nord, les port et avant-port.
        - Habitée par les Presque îliens, qui, formaient là, une communauté à part entière. - C'est le premier site colonisé et aménagé en place forte - dés le XV ème siècle. On l'appelait alors - Îlot de France.
Cousin :
        - Souvent, les habitants de La Calle - lorsqu'ils s'interpellaient - disaient « Cousins ! », par amitié, par affection, mais aussi, parce que là-bas, toutes les familles - de prés ou de loin ! - étaient parentes, même à leur insu.
Lolo - Zef - Pyen :
        - Diminutifs courants à La Calle :
        - Lolo = Carmelo - Zef = Joseph - Pyen = Cyprien ( du nom de notre Saint-patron.).
Calamars :
        - Du latin Calamarius / Mollusque marin voisin de la Seiche / Appellation attribuée - aux bons à rien - aux nigauds - aux maladroits - à tous ceux , qui ne font jamais une de bonne ! ...
Bombaïouns :
        - Vantards, affabulateurs, menteurs...
Putain :
        - Expression donnant ironiquement plus d'ampleur, plus d'importance, plus de volume... Au mot qui suit - mais d'une façon péjorative.
        - Exemple = putain de chapeau, cui-là y l'a ! = chapeau remarquable et particulier attirant l'attention sur celui qui le porte.
Des mal élevés :
        - Dire des mal élevés c'est dire des gros mots, des grossièretés, des insultes...
Zoubia :
        - Terme Arabe qui signifie = ordures – détritus – déchets - choses méprisantes et infiniment négligeables...
Madone :
        - Comme putain – expression amplifie le mot qui suit, mais d'une façon non péjorative.
        - Exemple = une Madone de macaronade = qualifie un plat de pâtes à la sauce tomate, remarquablement présenté en qualité et surtout en quantité.
Frère :
        - Tradition Orientale ancienne, où, tous, s'appelaient : mon frère !
Tapette :
        - Pédéraste / expression très amicale ou très péjorative - suivant, l'usage fait et la prononciation adoptée ! - pouvant être utilisée, soit, pour interpeller très amicalement une connaissance, soit, pour insulter quelqu'un lors d'une altercation.
Pasque :
        - Parce que.
Sec-sec :
        - Très rapidement / Très vite / Instantanément / Immédiatement...
S'la donner :
        - En parlant de sa tête = ne plus pouvoir réfléchir / Ne plus savoir par quoi, où, comment - commencer / Faire ...
Cornard :
        - Au sens figuré = enfoiré - Conard ...
Oualou :
        - Terme Arabe = rien / Zéro / Nul / Inexistant...
        - Anecdote qui illustre ce terme : un pieds noirs rapatrié en France, qui s'était orienté vers la viticulture, a créé depuis, un vin qu'il commercialise sous l'appellation de Château Oualou ! = Publicité mensongère ! ? Que non ! Le vin est incontestablement fameux, mais, aucun château ne figure sur sa propriété - d'où : " Domaine du Château Oualou ".
Bourricot :
        - Grand imbécile, énorme bon à rien... Grand - comme les Bourricots !
A regarde :
        - Demander de porter son regard, ou, son attention, sur, quelque chose, quelqu’un ...
Porca misère :
        - Terme Napolitain = cochonne de misère / Vilaine destinée / Mauvaise situation... Se dit souvent lors de situations pénibles et regrettables.
Chouilla :
        - Terme Arabe = petite quantité / très peu de chose / Petit rien ...
Ouaglione / Ouaglioune / Ouaglio :
        - Terme Napolitain d'usage courant, servant à interpeller, ou, qualifier une personne = enfant / Adolescent / Jeune homme / Homme.
Chpakeur :
        - Terme napolitain Spacone qui se prononce Chpakoune.
        - Celui qui raconte des énormités pour se faire mousser = en beau langage Callois, ce terme s'est semi-francisé sous la forme de Chpakeur.
A bloc :
        - Plein – Rempli – Gavé - Rassasié...
Djadour :
        - Terme Arabe désignant un Mulet, mais en Callois - qualifie les grands imbéciles...
Camenade :
        - Promenade / Ballade...
Critiqueur :
        - Celui qui trouve régulièrement à redire de tout ce qui l'entoure = c'est un critique intempestif.
Babalouk :
        - Du sicilien " Babaloutcho " = escargot.
        - Qualifie : un grand nigaud / un bon à rien...
Achpète :
        - Terme Napolitain = attends !
Qui marche dans la tête :
        - Idées fixes, ou, pensées qui prêtent à réflexion et qui reviennent sans cesse en mémoire.
Entention :
        - Attention ! C'est une mise en garde - en quelque sorte.
Dzarma :
        - Terme Arabe = soit-disant / Excuse / Justification...
        - Exemple : dzarma, y dormait = soit disant, il dormait !
Schkarpes :
        - Terme Napolitain = chaussures / de Schkarparel = Cordonnier.
Jean Babasse :
        - Personnage légendaire et populaire de La Calle - affecté d'un délire d'imagination ! - qui s'inventait des situations imaginaires - qu'il faisait partager aux autres -, où, il faisait toujours figure de vedette, jouant le premier rôle - une espèce de Don Quichotte en quelque sorte.
        - Pourquoi Babasse ? Parce qu'on le disait, fils illégitime d'un Curé - babas en Arabe ?...
        - Qualificatif attribué à tous ceux, qui, comme lui, étaient des Schpakouns de premier ordre.
L'éclipse :
        - Célèbre marque de cirage à chaussures.
La misère :
        - Terme Napolitain = mauvaise fortune / Malchance / Profond dépit...
La purée :
        - Terme Pieds noirs : expression pouvant signifier - la poisse ...
        - Exemple = la purée de nous autres !
Bailly :
        - Enseigne d'un célèbre magasin de chaussures chics, de la ville de Bône en Algérie.
Schkarparel =
        - Cordonnier.
Rapiasse :
        - Avare – Chiche – Radin ...
Con de Manon :
        - Grossièreté traduisant le dépit, lors de situation particulièrement regrettable, ou, ennuyeuses.
Cinéma de chez Noto :
        - Le seul Cinéma du village - appartenait à Monsieur NOTO Dominique et Mme RENDU sa femme.
Brillantine ROJA :
        - Huile parfumée - bleue ou jaune - donnant un brillant particulier à la chevelure.
Bal du Marché :
        - C'est au Marché couvert de La Calle, que, se faisaient habituellement les bals.
Auguste le Coiffeur :
        - Monsieur Auguste JACOMINO = patron Coiffeur, sise, rue de Verdun à La Calle.
        - Personnage légendaire du Bastion de France : autoritaire en apparence, mais brave et honnête homme - indiscutablement.
Forvil :
        - Marque d'eau de Cologne bon marché.
Ou Gatse :
        - Terme Napolitain = désigne la partie intime, dont l'homme - est le plus fier.
Fatche y poutane :
        - Qualificatif Napolitain = figure de putain / Effronté / Figure de marbre ...
Bône :
        -Ville portuaire des alentours de La Calle - à 87 km. à l'ouest.
Cane à mourte :
        -Terme Napolitain = qui qualifie de chiens, les morts de celui - à qui s' adresse le juron.
Poutana misère :
        - Terme Napolitain = qui traite de putain, la mauvaise fortune / la malchance...
Catchoutchel :
        - En Napolitain, c'est un petit Squale comestible de la Méditerranée, appelé aussi, Chien de mer = qualificatif de mépris, lorsqu'il s' adresse à une personne.
Mensongeur :
        - Menteur / Fabulateur / Affabulateur...
Tarzan : -
        Sobriquet donné au populaire marchand Callois + de - Cacahuètes et de Pizza.
Fougasse :
        - Pizza / Pitse en Callois.
En bas la marine :

        - Désigne un lieu-dit, en l'occurrence les petits quais bordant l'avant-port à l'ouest.
Boulif :
        - Célèbre et merveilleuse chaîne de montagnes - dit le Montagnoun - s'étalant nord / sud et limitant à l'ouest le golfe de La Calle.
        - En arabe signifie = qui porte les Lifas ( ce sont des petits palmiers nains sauvages, appelés - Joumars ou adjoumars en Callois).
Plage de l'usine :
        - Splendide plage de sable fin ouverte au nord et dominée autrefois dans sa partie médiane, par l' usine de mise en conserve des sardines.
        - Elle est limitée à l'est par la pointe du Chacal et à l'ouest, par le Boulif.
        - Appelée autrefois : " plage des Romains ".
Arapelles :
        - Petits mollusques collés aux rochers, le plus souvent à fleur d' eau = aussi appelés : Patelles - Arapêdes.
        - Très appréciées des Callois.
Madonina mia :
        -Terme Napolitain très affectueux : petite Madone à moi.
Meschkine :
        - Terme Arabe de compassion = le, ou - la pauvre / le, ou - la malheureuse ...
Doucement doucement :
        - Très lentement / Insidieusement / en tapinois...
Tête au fond :
        - En immersion, tête la première.
Sans peur et sans rien :
        - Très détendu et sans aucune crainte.
Coumpare :
        - Compère / Compagnon...
Osses :
        - Les os / Squelette...
Catse / Gatse :
        - Sexe viril de l'homme.
Tirer une putain de langue :
        - Faire mourir d'impatience.
        - Se régaler - dans tout le sens du terme.
Maousse :
        - Gros / Enorme / Volumineux...
Gabotche ou Gatse :
        -Terme napolitain = tête de nœud.
Gatsoumarine :
        - Mollusque marin qui ressemble à un sexe mâle ( Gatse ! ) = Holothurie / Concombre de mer - en terme scientifique.
        - Littéralement en napolitain = Gatse sotto marine = sexe mâle sous marin.
Vas de là :
        - Expression qui signifie : vas te faire voir ailleurs / Lève toi du milieu ...
Coup de soleil sur la Pastèque :
        - Insolation.
        - Pastèque = analogie avec la tête.
Papagallo :
        - Répéter comme un Perroquet. Papagallo = Perroquet en italien.
J'ai la bonne tête :
        - J'ai bonne mémoire / Je suis intelligent / Je réfléchis bien / Je ne suis pas bête...
Saint-Cyprien :
        - Paroisse de La Calle.
Alkif :
        - Terme Arabe : très bon / Très bien / Excellent...
Achpète uno pocco :
        - Expression Napolitaine = attends un peu !
Une crème :
        - Une glace / Une crème glacée.
Les Brisants :
        - Lieu-dit à l'est du cours Barris = où en hiver et par mauvais temps, venait furieusement se briser la mer.
Les Palmiers :
        - Célèbre café situé sur le cours Barris, lieu de rencontre des gens de La Calle.
Eusses :
        - Eux.
Mandge et bève :
        - Mange et bois = qualifie les fainéants, qui vivent aux crochets de leur famille ou autres personnes.
Chiqueurs de famille :
        - Ceux qui vivent aux crochets de leur famille.
A de bon :
        - Expression : à de vrai / Pour de bon / En vérité...
Eau du Boulif :
        - Eau célèbre par sa pureté, sa fraîcheur et son goût - qui jaillissait au Boulif.
Yamoundgel :
        - Expression Napolitaine = allons-y !
Chez Antoine :
        - Chez Monsieur Antoine Noto + - propriétaire du café " les Palmiers ".
Cacahouètes =
        - Cacahuètes = arachides.
        -Très appréciées des Callois.
Kémia :
        - Amuses gueules typiquement Pieds-noirs - servis avec l'Apéritif.
Callaïouns :
        - Callois du cru.
Anis Cristal :
        - Célèbre marque d'Anisette - très prisée à La Calle.
Amor :
        - Barman en chef des Palmiers +.
Ya ham oualdik :
        -Terme Arabe = s'il te plait ( littéralement = la chair de ton fils ! )
Loupines = lupins = Tramousses.
        - Espèce de très grosses lentilles de teinte jaune - cuites à l'eau salée et servies en kémia.
        - Très prisées à La Calle.
Matsame :
        - Terme Napolitain = petits poissons non vendables - menu fretin ! - mais, excellents en friture - que l'on servait surtout en kémia.
        - Expression péjorative, utilisée pour qualifier - les plus basses couches de la société, ou, les gens très ordinaires.
Aller à la mer :
        - Pour un marin pêcheur, c'est partir pêcher en mer.
D'ousque :
        - d'où... : d'ousqu'il est = d'où il est.
A le.. :
        - Terme qui désigne la chose - que l'on veut montrer.
        - Exemple : à regarde - à le chat = regarde le chat.
Camposanto :
        - Gamboudzang en Callois.
        - En italien désigne le cimetière = littéralement - le camp Saint.
        - Terme employé souvent à La Calle pour désigner quelque chose de très lointain - dans le temps, ou, la distance.
Fais-le, pour l'âme de tes morts :
        - Ardente prière que l'on fait à quelqu'un, pour lui demander une chose qui tient à cœur.
Un Spirito :
        - Un esprit / Un fantôme / Un revenant...
Un Mounadgel ( moinillon ) :
        - Terme Napolitain = désigne quelque chose, de surnaturel, d'effrayant, ...
Anecdote : ( entendue à la Radio, par notre ami Jojo Barbara - la Perrade / Sète. )
        - Autrefois à Naples, les propriétaires des maisons cossues, faisaient régulièrement appel aux monastères environnants pour nettoyer et curer, les égouts et canalisations de leurs propriétés. Les supérieurs religieux mandataient alors - pour effectuer ces tâches ingrates et malpropres -, de jeunes moinillons, qui, du fait de leurs petites tailles, arrivaient à s'insinuer n'importe où - pour effectuer leurs délicates missions.
        Deux conséquences à cela :
        La 1ère : c'est qu'ils surgissaient des égouts, dans un état particulièrement repoussant, mai surtout effrayant, qui, en ces temps de superstition, les faisait prendre - pour des créatures venues tout droit de l' enfer.
        La 2éme : c'est que parfois, ces petits moinillons profitant de l' aubaine, faisaient main basse sur tout ce qui pouvait traîner - à l' intérieur des maisons visitées… Ainsi, l'infortuné qui d'aventure, rencontrait un Mounadgello au détour d'un obscur couloir, devait à l' évidence être gratifié ce jour-là - de la plus belle des frayeurs de son existence.
Une Kème :
        -Terme arabe dérivé de Kémia = une très petite : parcelle / portion / infime partie...
Charlot Sultana :
        - Monsieur Charles Sultana était l'unique fabriquant de sirops et boissons gazeuses de La Calle.

Moralité de cette histoire :
Quoique l’on fasse de très glorieux,
On est toujours celui que l’on est,
On restera toujours ce que l’on est,
Mais jamais on ne sera
ce que l’on n'est pas.
Docteur Jean-Claude PUGLISI,
de La Calle de France -
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage
Giens en Presqu'île - HYERES ( Var ).



Algérie catholique N°5, 1937
Bibliothéque Gallica

CONSTANTINE
Le Scoutisme Catholique


         Le Scoutisme Catholique

        Le diocèse de Constantine et d'Hippone, dans lequel s'épanouit jadis la gloire de Saint Augustin, voit vivre et prospérer aujourd'hui, toute une phalange de chevaliers des temps modernes, de Chevaliers du Christ-Roi, « les Scouts de France ».

        Placée sous la haute direction spirituelle de son Excellence Mgr Thiénard, évêque de Constantine et d'Hippone ; de Mgr Bats, Vicaire général et aumônier diocésain, et de M. l'Abbé Rochet, Aumônier diocésain-adjoint, la Province scoute de Constantine groupe de nombreuses jeunes énergies qui, sous la bannière verte et d'après le Règlement du Quartier général de Paris, veulent vivre leur idéal de franchise, de dévouement et de pureté.
        Une vive impulsion fut donnée, dès 1928, par le Commissaire de province actuel, M. Devaud, député de Constantine, qui réunit sous son autorité les quelques troupes alors existantes.
        Successivement, les grands centres virent rayonner le scoutisme catholique : Constantine, Bône, Philippeville, Bougie, villes qui comptent actuellement plusieurs groupes chacune. Le mouvement se propagea dans l'intérieur : Djidjelli, Guelma, Batna, Biskra, voulurent avoir leur groupe S.D.F. et elles l'ont : Le Kouif voit se créer sa première troupe. Et les villes de Mila, Saint-Arnaud, Bordj-Bou-Arréridj, le centre de l'Ouenza, n'attendent plus que l'arrivée d'une cheftaine pour sonner le ralliement à leur tour.

        Les résultats du recensement annuel furent pour les chefs, une très agréable surprise : la Province est une famille qui compte plus de cinq cent cinquante membres (dont 15 aumôniers, quarante chefs et cheftaines, nommés officiellement). Si nous entrons dans le détail, nous constatons la présence, pour la branche Louvetisme : de 250 louveteaux répartis en 11 meutes, et pour la branche Scoutisme : de 235 scouts groupés en quatorze troupes.
        La branche Route, notre espoir, est à ses débuts. Un clan civil à Bône, un clan militaire à Constantine, une patrouille d'aînés à Guelma, sont pleins d'avenir : au total, vingt-cinq routiers.
        Et nous envisageons très sérieusement la création du Scoutisme marin à Bône et Philippeville.


        La formation des chefs et des cheftaines a une importance capitale, aussi fait-elle l'objet des préoccupations incessantes des dirigeants. Nombreuses sont les réunions de chefs dans les Villes, les causeries religieuses et techniques. Les revues éditées à Paris sont également d'un appui précieux. Enfin, des « Journées Provinciales » rassemblent périodiquement les chefs et les cheftaines dans une grande ville de la province, et dans une atmosphère joyeuse, vivante, pieuse et bien fraternelle, sont étudiées en commun les grands problèmes scouts d'actualité et d'utiles directives sont données par les commissaires. Toujours précédées d'une émouvante veillée de prière présidée par Monseigneur Thiénard, ces journées sont extrêmement importantes et tous les comprennent si bien que les rares absences sont réellement motivées. Les distances (parfois cinq cents kilomètres, aller et retour) ne sont même pas un obstacle.


        Les « Scouts de France » ont su grouper autour d'eux de nombreuses bonnes volontés. Le mouvement des « Amis des Scouts », lancé officiellement en 1935, est en plein essor et dans chaque centre des Comités se forment pour aider les chefs dans leur tâche aux points si divers. Les parents des Scouts et Louveteaux sont eux-mêmes intéressés directement à la vie des Groupes. Une collaboration effective et plus productive est attendue des groupements de parents actuellement en formation.

        La vie des groupes est une progression constante vers l'Idéal chrétien que concrétisent les cinq buts du Scoutisme catholique : les garçons acquièrent de solides disciplines personnelles (1° but : formation du caractère), ils deviennent vigoureux et énergiques (2° but : Santé), adroits, aptes à maints travaux utiles (3° but : Savoir-faire). Ils apprennent à songer aux autres, à se dévouer, à mettre en pratique la grande vertu de charité (4° but : service du prochain). Et surtout, des Scouts de France émane un rayonnement chrétien plus intense (5° but : recherche et service de Dieu).

        Et cette vie scoute est toujours joyeuse. Belles sorties de journée, camps, voyages, journées de récollection sont autant d'occasions de louer Dieu et de reconnaître sa Bonté, qui nous a permis d'entrer au sein de la grande et heureuse famille scoute.
        Les dirigeants de la province n'estiment pas, cependant, leur tâche achevée. Il faut lutter encore pour avoir des chefs et des cheftaines toujours mieux préparés et en plus grand nombre, des garçons plus nombreux aussi, la qualité étant aussi indispensable que la quantité, pour que les bienfaits du scoutisme soient plus appréciés. Il est nécessaire enfin d'élargir le cercle de nos amis en nous faisant mieux connaître et en nous montrant toujours plus dignes d'estime.
G . P. Commissaire aux Scouts de France.

Les Scouts à la Forêt du Meridj

        Le Conseil des Chefs avait décidé que l'on irait au Meridj...
        Onze à douze kilomètres... la -rivière des Chiens à traverser... et par les sentiers muletiers... on y est » avait déclaré le Chef Tapir.
        C'est pourquoi, dimanche dernier 31 janvier, deux premières patrouilles, après avoir entendu la Messe se mettaient en marche à 7 heures pour établir la piste.
        Une heure plus tard, la dernière patrouille quittait le local sac au dos.
        Par le Pont de Sidi-Rached, le Chalet des Pins, Sidi-Mabrouk, le Septième kilomètre, on parvient au grand viaduc du chemin de fer et à la Rivière des Chiens, tristement célèbre à l'époque de la Conquête.

        Là commence la piste... Il nous faut quitter la route, partir à l'aventure... à travers champs traverser à gué la rivière, prendre d'assaut les pics environnants pour arriver, après une heure de marche à l'entrée de la Forêt.
        Halte de dix minutes. Magnifique panorama s'étendant à perte de vue. Les notes lointaines d'une cloche de couvent montent jusqu'à nous, tandis qu'un train serpente dans la vallée...
        Nous repartons en chantant dans la forêt encore toute engourdie par la fraîcheur matinale et nous parvenons enfin à l'endroit fixé pour le camp... où les Scouts ont tôt fait de monter leurs tentes et de préparer les feux pour la cuisine.

        A midi, un repas succulent réunit toute la troupe autour du chef Giovannangeli C.T. et des chefs Tollemer, Orsini et Levas invités de la 2° Constantine.
        Après une heure de repos, les grands jeux battent leur plein...
        Hélas, tout a une fin ! Et à dix-sept heures, les couleurs sont ramenées et le camp levé.
        L'on s'en retourne gaiement en chantant, par les bois et par les monts, au pays... des V.P.
LE GRILLON.





Quelques réflexions
Bonjour N° 103 du 11 février 1931
journal satyrique bônois.
Quelques réflexions d'un Français
sur les événements de France

               Un homme vient de dire.
              On vient de demander à un homme ce qui, à son avis, devait être innové dans le domaine politique. Il a répondu : « Peu de chose au fond, mais assez pour que la machine se mette à tourner bien rond : Tout simplement en revenir à la vraie doctrine républicaine car elle n'est pas démocratique, du tout, cette dictature de Six cents Députés qui, pendant quatre ans, ne rendent des comptes à personne et qui, parfois, ayant ainsi perdu contact avec la nation se «mettent au service d'intérêts privés.»,

              On frémit lorsque l'on songe que des paroles semblables puissent être prononcées et être véridiques après les soixante années de la Troisième République.
              Qui les a dites ? Un français souriant. Un homme qui a été le premier magistral de son Pays. L'homme qui va sauver fa France, on l’espère, M. Gaston Doumergue. (Interview prise au nouveau Président du Conseil et publiée par tous les journaux, notamment, près de nous, par la « Dépêche de Constantine » du 7 Février, page 5, première colonne).
              Dissolution ! Le Pays jugera.
              Le Pays et la Chambre Paris, cerveau de la France, a dit ce qu'il pensait. On a éteint autant que l'on a pu les nouvelles qui arrivaient de province. Dans presque toutes les grandes villes, il a manifesté comme à Paris.

              La Chambre a une opinion sur l'Affaire. le Pays en a une autre. Les députés de la majorité estiment qu'il vaut mieux s'arranger entre bons camarades. Ceux qui ont été pincés disent aux autres : « Tu sais, mon vieux, ça pourrait t'arriver demain ! » Car si ces messieurs se combattent à la tribune ; à quelques exceptions près, ils se tutoient dans les couloirs. La France n'est pas de cet avis.
              L'heure jacobine est passée. Elle a sonné le glas des morts. M. Doumer pourrait nous amener Thermidor.
              Mais s'il ne l'amène pas ? Il reste une solution.
              La seule. Les députés n'en veulent pas. L'hypothèse les effare et peut les ramener à une sagesse apparente.
              La dissolution est le seul cautère capable de nettoyer cette gangrène.
              Tous les Français seront des juges, tous !. On saura, alors, à quoi s'en tenir.
              Où étaient les Fascistes ?
              Qu'est-ce que le fascisme ?

              On pourrait en donner la même signification que de la dictature à quelque chose prés. Le Fascisme ne peut pas être une doctrine, c'est une entité dont le sommet est un homme ou un parti auquel sont subordonnés tous les individus. Le Fascisme a un dédain parfait du régime parlementaire. Il est d'essence monarchiste et, par conséquent, essentiellement antirépublicain. Il est inutile, nous le souhaitons sans trop l'espérer, de donner la définition de la République ; il y a, ici, des «Républicains » ou soi-disant tels pour qui, ce serait de l'hébreu !..
              Enfin, il est certain que si un coup de force installait le Fascisme en France, les Français, qui sont tellement individualistes, en secoueraient le joug avant longtemps.

              Refusant de reconnaître la valeur réelle de leurs adversaires et leur classe sociale, les éléments révolutionnaires proclament que tous ceux qui ne pensent ou agissent comme eux, sont des fascistes. Nous avons dit dans notre article de fond : «Il n'y a plus de Républicains depuis Gambetta ». On pourrait dire mais on a le droit d'en rire qu'il n'y a d'autres Républicains, en France, que les hommes qui se targuent de Karl Marx sans l'avoir bien compris et l'immense majorité d'entre eux sans même l'avoir lu.
              Les premiers mouvements ont été créés par les partisans de l'Action Française. Quiconque le nie est un niais. Fort bien. Cela prouve que les royalistes sont des hommes d'action.
              Mais à quel chiffre peut-on évaluer leurs troupes militantes à Paris ? Il est restreint.

              Or, on ne peut plus le cacher, plus de deux cent mille parisiens ont manifesté lors de la fameuse nuit. Croix de feu; Anciens Combattants, Ecrivains combattants avec Claude Farrère et Roland Dorgelès, Veuves de Guerre elles y étaient aussi, lisez le texte de leur démarche auprès du Président de la République au lendemain du massacre le barreau de Paris, la Ligue des Contribuables, les Etudiants en Médecine et en Droit, les Boursiers, - le Comité - du Commerce et de l’industrie lisez les journaux, s'il vous plait ? les 21 conseillers municipaux de Paris, ceints de leur écharpe, qui sont partis de l'Hôtel de Ville pour aller à la Chambre et où quatre d'entre eux seulement parvinrent dont Armand Massard, ami personnel, chic garçon, vieux camarade de journalisme, ancien champion de France d'épée, ce qui ne gâte rien les 17 autres ayant été arrêtés ou assommés !
              Tous ces gens sont des fascistes !. Des antirépublicains. Les seuls républicains que la France conserve étaient la « majorité ministérielle » dans la Chambre ; le Fascisme était dans la rue.

              J'aimerais mieux être fasciste comme Farrère, Dorgelès ou Massard que Républicain comme M. Frot.
              Le Cabinet Chautemps avait voulu juguler la presse, M. Daladier allait en exécuter la menace. M. Daladier prétendait limiter la parole de l'opposition.
              Briand avait dit, naguère : « Arrière les fusils Arrière les mitrailleuses»
              Il est vrai que ce n'était pas à Paris mais à Genève. MM. Daladier et Frot avaient fait installer les mitrailleuses place de la Concorde
              - oui, de la Concorde Le destin a des ironies sanglantes !..
              - les députés délibéraient derrière les baïonnettes encore quelque chose qu'il ne faut pas dire en Algérie d'après mon interlocuteur de Jeudi soir ce secret de Polichinelle qui dure depuis plus de 15 jours.

              Le Fascisme n’était pas dans la rue. Il était dans la Chambre, à la tribune et dans la majorité du moment. Si Daladier et ses soutiens, socialistes et radicaux, n'ont pas fait là du Fascisme, dites-moi, alors ce que c'est ?.
              Un peu d'Histoire
              M. Daladier est un universitaire. Il est professeur d'histoire.
              Il a dû enseigner à ses élèves que tous les régimes qui ont mis la justice aux ordres de la politique ont sombré. Dans l'Histoire contemporaine, il leur a dit que le second Empire avait voulu museler la presse et qu'il en était mort.

              Lorsqu'il était simple ministre dans le Cabinet Chautemps, il aurait dû rappeler à son Président du Conseil, qui est avocat et qui voulait utiliser les finasseries de toutes les procédures, que Camille Desmoulins s'était. écrié : « La Justice est morte depuis que le Droit est né».
              Ça aussi c'est de l'Histoire.
              Il aurait dû se souvenir que ce sont les bourgeois qui ont fait la Révolution.
              Mais oui, les bourgeois et surtout les bourgeois, Et lorsqu'il a vu les bourgeois de Paris envahir les rues, il aurait dû se méfier.
              Enfin, certain matin, il aurait pu rappeler à M. Frot que Louis XVI, dans les Tuileries assiégées, avait refusé avec obstination de donner l'ordre de tirer sur le peuple. (Lire Henri Martin, Michelet, Lavisse et Rambaud, Guizot, Thiers et, peut-être, Anquetil, qui fût surtout un encyclopédiste inouï que pillèrent tous les historiens qui lui succédèrent et se référèrent à lui).
              M. Daladier a perdu son Histoire ancienne, contemporaine et moderne et, aussi, sa réputation.

«LA MARSEILLAISE » et le Drapeau

              Sur l'antique Palais construit par Saint-Louis et où siège la plus haute magistrature de France et à l'Hôtel de Ville, le drapeau est en berne. Paris pleure ses morts.
              -- Lamartine avait dit que le drapeau tricolore et La Marseillaise avaient fait le tour du monde. On disait à l'époque et les républicains de ce temps valaient bien ceux d'aujourd'hui que le drapeau tricolore et La Marseillaise avaient fait lever les peuples pour leur droit à la liberté.

              C'est en chantant La Marseillaise que les bourgeois de Paris ont marché sur la Chambre et sur l'Elysée. Ils chantaient La Marseillaise ceux qui ont été assommés, ceux qui ont été tués aussi.
              C'est en chantant La Marseillaise que les avocats du barreau de Paris ont chassé les gardes mobiles du Palais de Justice.
              C'est au chant de La Marseillaise que les boursiers ont accueilli les uniformes qu'on leur avait envoyés.
              Mais La Marseillaise, pour la majorité « républicaine » était devenu un chant séditieux. Lamartine était Français.
              M. Alexandre Stawisky était international. Dégoût.

Les Républicains !.

              La C.G.T. la C.G.T.U. la Fédération des P.T.T. les organisations syndicales en y comprenant les fonctionnaires, vont faire, lundi une grève de 24 heures.
              Pendant 24 heures, la vie sociale et économique du Pays pourra être arrêtée en certains endroits, suspendue dans d'autres pendant des temps dont les « républicains » ont fixé la durée.

              Car sont républicains tous les Français qui vivent de la collecte des impôts. les contribuables qui payent ces impôts ne sont pas des républicains, ce sont les cochons de payants, leur opinion politique n'a aucune importance.
              Les commerçants, les industriels, les petits rentiers qui ont confié leur épargne à l’Etat ou à Stawisky tous ceux des français dont les autres vivent, ne sont pas des républicains.
              - - Madame Roland, alors qu'on la conduisait à l’échafaud, s'est écriée : Liberté ! que de crimes, on commet en ton nom ! »
              Aujourd'hui que les Français sont devenus des hommes petits, les crimes sont réservés au gouvernement. Les autres « républicains » se contentent de commettre des saletés.
              Mais nous, nous payons

«Le Ministre sanglant»

              C'est le mot terrible que M. Ybarnegaray a accollé au nom de M. Frot, ex-Ministre de l'Intérieur. Ce sera sa tunique de Nessus.
              Lorsque Constant, prédécesseur de M. Frot, ordonna la fusillade de Fourmies on l'appela «Constant l'assassin ! » L'épithète le suivit partout et toute sa vie.

              Dans « Gringoire» et avant la tuerie de mardi, Georges Suarez, avait écrit de M. Frot deux colonnes prophétiques et il avait affirmé que c'était «un jeune plein de promesses ». En effet !..
              M. Frot est un ancien socialiste. C'est par le socialisme qu'il s'est fait élire député. Le socialisme n'en est pas responsable, c'est certain.
              M. Frot a adressé des félicitations aux tueurs le mercredi matin. Sa proclamation sue la peur et la menace. Son manque de sang-froid ne lui a pas permis de trouver un mot de pitié pour les victimes, des Français et des Françaises comme lui. Tous les journaux ont constaté cela. M. Frot est un grand « républicain ».
              Il est avocat. Tous les avocats de Paris ont demandé sa radiation du barreau.
              Ces avocats ne sont pas des vrais républicains : ce sont des fascistes !.. Il serait plus honnête et plus estimable d'être fasciste aux mains pures que « républicain » aux mains rouges !..

 
Chez les Scouts de France

EFFORT ALGERIEN N° 306, 23 février 1934
M. Tamiato, chef du district d'Alger, nous dit les origines de son groupement et son activité.
                  
              Le chef Tamiato ?
              Moi-même...
              J'ai devant moi un homme jeune, réservé. Modeste même. Son premier mot est pour me dire de ne pas parler de lui.
              Cela ferait mauvais effet auprès de mes garçons, ajoute-t-il.
              Je lui demande les origines de son groupement, et voici ce qu'il me dit en substance.

              Les origines
              Les Scouts de France constituent le groupement le plus important du Scoutisme français. Sur 80.000 scouts environ, nous comptons pour 50.000.

              L'origine de notre mouvement date de 1911, origine un peu éparse d'ailleurs. Ce n'est qu'après la guerre que toutes ces initiatives individuelles parviennent à se grouper. Le 25 juillet 1920.le général de Maud'huy, premier chef scout de France et le chanoine Cornette, aumônier, fondaient notre Fédération d'après les principes qu'avaient établis en 1916 le P. Savin. Ces principes sont les suivants :
              « Le Scout est fier de sa foi et lui soumet toute sa vie.,,
              « Le Scout est fils de France et bon citoyen...
              « Le devoir du Scout commence à la maison...»

              Suivent les dix articles de la loi proprement dite.
              — Et votre organisation ?
              — La Fédération comprend des provinces, chaque province des districts chaque district des troupes, chaque troupe des patrouilles.

              La patrouille est composée de 6 à 8 hommes sous les ordres d'un chef, la troupe comporte au maximum 4 patrouilles sous le commandement d'un scoutmestre et de ses assistants. C'est le générai de Salins — l'un des sauveurs de Verdun
              — qui, depuis la mort du général de Maud'huy, est notre « premier chef scout »...
              Le chef Tamiato me tend à ce moment un petit opuscule intitulé « Pour devenir Scout de France ». Je le feuillette, et j'y vois que chez les Scouts il y a trois saluts : Le grand salut, le demi-salut, le salut d'honneur et l'arche triomphale. J'y vois également que chaque patrouille a un nom de bête, et que chaque Scout peut passer par les degrés suivants: novice, aspirant, scout de 2° et 1ère classe et enfin chevalier de France.

              La vie scoute proprement dite s'échelonne entre 12 et 17 ans d'âge. Avant 12 ans, et à partir de 7, le novice "est un louveteau, après 17 ans le scout peut devenir un routier.
              Les louveteaux sont divisés en sizaines et en meutes dirigés par des sizeniers, des cheftaines ou des maître-louvetiers.
              Tout cela paraît un peu compliqué, mais combien pittoresque !.. L'on voit que Baden-Powell s'est inspiré du Livre de la Jungle de Kipling.
              - Mais j'ai hâte de connaître l'organisation du Scoutisme algérien. Mon interlocuteur reprend ses explications.

               En Algérie
              — La province d'Algérie, dit-il, est provisoirement commandée par le colonel Thévenet. Elle comprend les districts d'Alger, d'Oran el de Constantine. Le premier est commandé par votre serviteur, le second par M. Lafaille et le troisième par M.Devaud.

              Le district d'Alger date de 1922. Ce sont M. Robin, d'Hussein-Dey, les abbés Gouriou et Carganico qui ont été les premiers promoteurs. Ce district comprend 8 troupes, dont 4 qui sont sous la dépendance du P. Moreau. Notre aumônier diocésain est l'abbé Bauzon, chevalier de la Légion d'honneur.

              Le tout représente environ 300 scouts louveteaux et routiers. Noire local se trouve 9, rue Lys-du-Pac, à Alger.
              — Et quelles sont vos principales réalisations ?
              —Nous formons surtout des âmes et des corps. Aux grandes fêles et pendant les vacances nous allons camper à Cherchell, Chréa, en Kabylie, voire même en France. Cette année deux troupes d'Alger ont été dans le Massif Central. Les années précédentes nous avions visité les Alpes, les Pyrénées, l'Exposition Coloniale, etc... Et puis, nous nous occupons d'œuvres sociales.
              — Et encore?
              — Encore ? Vous faites sans doute allusion à notre fameux camp (Jamboree) de Godoilo près de Budapest. C'était merveilleux. Nous étions là 25.000 scouts et éclaireurs de France, dont 1000 français. Le régent hongrois Horthy nous a accueillis dans sa forêt royale. Quel merveilleux souvenir ! Souvenir assombri par la grave blessure que s'est faite notre aumônier général, le chanoine Cornette.

              Scoutisme féminin
              N'y a-t-il pas un scoutisme féminin ?
              — Oui, mais son activité si surtout intérieure et vise « Le Foyer ». Les groupements neutres s'appellent ni Eclaireurs et les groupements catholiques Guides de France. C'est Mme Duhamel qui a fondé ce scoutisme féminin. A Alger, Mme Poidebard commande les deux compagnies de guides.
              — Et quelles sont vos relations avec l'étranger ?

              Excellentes. Il existe à Paris un Bureau international du scoutisme catholique. Dans certains pays ce scoutisme est très développé. C'est ainsi qu'en Hongrie, sur 50.000 scouts, il y a 48.000 catholiques. Enfin dites bien qu'à la date du 27 avril 1927 le Gouvernement français nous a reconnus d'utilité publique.

              Le chef Tamialo se lève. J'ouvre au hasard le petit opuscule qu'il m'a donné, et j'y lis le premier complet de la marche officielle du Scoutisme:
Scout de France ! et ton bâton en main,
Pars sur la grand'route
Prêcher la loi scoute
Aux vagabonds du chemin !
Scout de France ! et par ta belle humeur
Enseigne à tes frères
La loi simple et claire
Qui fait les hommes d'honneur !...

              Voilà en vérité un chant viril, sain, en français. Comme il doit bon faire entendre « sur la plaine, la colline et bois » quand dans la nuit « le petit loup » s'étend pour dormir après avoir dit :
              « Bonsoir, mes petits frères..,
              Bonsoir, chef… Bonsoir »


    
Généalogie familiale
Envoyé par Annie
Pas facile d’éduquer convenablement les enfants !!

                Un jour, une petite fille demande à sa mère
                "Dis maman, comment ils sont nés les tout premiers parents ?

                "Hé bien, lui répond sa maman, c'est Dieu qui a créé les premiers parents humains, Adam et Eve.
                Adam et Eve ont eu des enfants qui plus tard sont devenus parents à leur tour et ainsi de suite.
                C'est ainsi que s'est formée la famille humaine."

                Deux jours plus tard, la fillette pose la même question à son père.
                Celui-ci lui répond :
                “Tu vois ma fille, il y a des millions d'années, les singes ont lentement, très lentement évolué jusqu'à devenir les êtres humains que nous sommes aujourd'hui.”

                La petite fille toute perplexe retourne aussitôt voir sa mère :
                “Maman maman !!! Mais comment c'est possible que tu me dises que les premiers parents ont été créés par Dieu et que papa me dise que c'était des singes qui ont évolué ? ”

                Et la mère de lui répondre très calmement, tout en souriant :
                "C'est très simple ma chérie ! Moi, je t'ai parlé de ma famille ... et ton père de la sienne." !!!!

LE BARRAGE DE BENI-BAHDEL
Par
ACEP-ENSEMBLE N°282

         Le barrage des Beni-Bahdel est construit sur l'oued Tafna, dans l'arrondissement de Tlemcen devenu département. Il est situé à 28 km au sud-sud-ouest de Tlemcen.

         Sa construction a été inscrite en 1920 au programme des grands travaux hydrauliques par la direction des Travaux Publics de I'Algérie. Il est situé immédiatement en aval du confluent de la Tafna avec son important affluent de rive gauche, l'oued Khemis.
         La construction proprement dite commença en avril 1934 ; au cours des travaux, i'administration décida de porter la réserve d'eau de 42 à 63 millions de m3 en surélevant le niveau de 7 m, afin d'assurer I'alimentation en eau potable de la ville d'Oran et de quelques autres collectivités au moyen d'un ensemble de souterrains et de conduites forcées de 170 km de long.

         Le périmètre actuellement irrigué a une superficie de 4.000 ha environ. Il est alimenté par un canal principal de 25 km dont le départ se trouve au barrage du Kef. Grâce à une surélévation effectuée en 1938, il est en mesure de débiter 800 1/s. Il distribue annuellement 5.000 m3 à l'ha.
         Compte tenu du débit prélevé par la conduite d'Oran, les irrigations pourraient disposer de 1 m3/s soit sur la base de 6.000 m3/ha, irriguer 5.000 ha.
         Signalons que de nombreuses exploitations agricoles sont également irriguées au moyen de pompages particuliers.


         En amont du barrage, le bassin versant se décompose en trois bassins secondaires : celui de Mafir, celui de Khemis et celui de Sebdou. La surface totale du bassin versant est de 1.016 km2 ; les précipitations moyennes annuelles sont de 540 mm ; le débit annuel moyen de 79 millions de mètres cubes.
         L’ensemble de l'ouvrage, crée une retenue de 63 millions de m3. Il comprend trois ouvrages principaux : le barrage principal, la petite digue "du col nord", la grande digue "du déversoir".

         Ces trois ouvrages sont du type "à voûtes multiples".
         La structure des terrains est compliquée par tout un système de failles provoquées par la poussée d'un horst (mot allemand signifiant "butoir", géographique - môle) jusqu'en Algérie par la Meseta marocaine.
         Il en résulte que ces trois ouvrages sont fondés sur des terrains différents.
         On procéda à une étude approfondie des terrains d'appui de chaque ouvrage pour fixer le type de ceux-ci et assurer l'étanchéité satisfaisante de la cuvette elle-même.
         Prévu à l'origine pour une hauteur de 47 m, il fut décidé, en cours de travaux, de la porter à 54 m, le barrage ayant alors une longueur de crête de 350 m ; il comprend :
         - une partie centrale formée de 12 contreforts en béton soutenant 11 voûtes en béton armé inclinées à 45°, I'ouverture de chaque voûte étant de 20 m,
         - des tronçons de barrages-poids à chaque extrémité, d'une longueur de 50 m sur la rive droite et de 80 m sur la rive gauche,
         - un mur parafouille assure l'étanchéité ; il a une longueur de 6 m descendant de 8 à 20 mètres de profondeur ; il contrebute les voûtes à leur base et contrevente la partie amont des contreforts.
         Le mur parafouille a été soigneusement collé au terrain par injections ; et l'étanchéité sous le parafouille et, sous les ailes poids, par rideau d'injection par des forages placés de 5 m en 5 m, inclinés de 45° vers le nord, situés immédiatement en amont de l'ouvrage et sur ligne parallèle à l'axe longitudinal de celui-ci.
         Le béton des voûtes est assuré au moyen d'un système d'arcs métalliques en charpente soudée, disposée perpendiculairement aux génératrices des voûtes et d'un quadrillage de barres rondes, suivant l’intrados et l'extrados.

         Les contreforts, dont le plus médian est vertical et perpendiculaire à la direction générale du barrage, sont pleins, en béton. Ils comportent à leur partie basse une semelle d'appui armée d'acier doux.
         Les contreforts sont contreventés par deux séries d'entretoises. Chacune se compose de deux arcs en charpente d'acier doux armé. Au niveau du sol de fondation, tous les contreforts sont réunis en amont par le mur parafouille surmonté de massifs de butée des voûtes.
         Chacun des contreforts est muni d'une butée en béton armé ancré contre les grès ; la liaison contrefort-butée est assurée par un joint actif constitué par des vérins spéciaux ; ils permettent d'exercer de fortes contraintes sur les entre-forts d'une part, sur les terrains d'appui, d'autre part, par I'intermédiaire des butées. Les opérations de blocage des joints actifs eurent lieu au cours du premier semestre 1943 ; l'ouvrage était resté pendant 3 ans sur vérins.

         Digue du col Nord :
         L'ouvrage est du type à voûtes multiples. La partie centrale a 155 mètres de longueur. Elle est constituée de 31 voûtes circulaires en béton armé prenant appui sur des contreforts en béton armé, dont l'écartement entre axes est de 5 mètres. Cette partie centrale est bordée par deux ailes en béton formant barrage-poids, l'aile nord ayant 15,50 mètres de longueur, l'aile sur 50,50 mètres ; la hauteur de la digue est de 15 mètres, sa longueur est 221 mètres.

         Digue du col de la route :
         La digue a une longueur de 451mètres. Elle comporte :
         - au centre, un évacuateur de crues, déversoir fixe à grand débit d'un type nouveau : il a une longueur de 110 mètres ; il est bordé par deux contreforts massifs de 2,50 mètres d'épaisseur,
         - de part et d'autre de l'évacuateur, une série de voûtes multiples et de contreforts du même type que ceux de la digue nord.
         Les contreforts reçoivent un contreventement souple constitué :
         - à partir de l'évacuateur, sur 17 travées vers l'aile gauche et 15 vers l'aile droite, par un cours de voûtes cylindriques de 7,50 mètres de largeur, d'axe horizontal,
         - par un cours de voûtes identiques aux précédentes, mais de 2,50 mètres de largeur réunissant en tête tous les contreforts : ces voûtes supportent la dalle de la chaussée, identique à celle du col Nord et qui couronne l'ouvrage.
         La hauteur maximum de la digue est de 15 mètres environ.

         L’évacuateur de crues :
         Il est composé de 20 canaux perpendiculaires à l'axe de l'ouvrage dont la section droite est un U de largeur extérieure constante de 3,50 m et de hauteur variable. Ils sont distants de 5,50 m d'axe en axe. On leur a donné le nom de "becs de canards" que leur forme rappelle. Chaque bec, constitué par une console évidée de 30 m de longueur, dirigée vers l'amont, est étayée à 10 m environ de son extrémité par un appui vertical fondé sur Ie rocher non altéré : il est prolongé vers I'aval par une béquille courbe ancrée profondément dans le rocher non altéré et constituant en quelque sorte un barrage-poids évidé, dont la forme extérieure est commandée par les conditions optimales d'écoulement de l'eau du déversoir.
         Le déversoir proprement dit se raccorde à un bassin d'amortissement dont il est séparé par un joint longitudinal. II s'étend vers l'aval sur 55 m, limité latéralement par deux bajoyers dont les parements sont distants de 115 m vers l'extrémité aval.
         Toute la surface du bassin est revêtue de briques spéciales en béton comprimé présentant une résistance excellente à l'usure de l'eau sous grande vitesse.
         L’étanchement des voûtes fut obtenu de façon satisfaisante par l'application, sur leur face amont au contact avec l'eau, d'un enduit de "Guttaterna solide".
         Ce produit à base de caoutchouc chloré est caractérisé par sa résistance aux actions mécaniques, chimiques et atmosphériques et par son élasticité. Adhérant parfaitement au béton, il constitue un isolant thermique excellent. Il s'applique à chaud, à la brosse ou à la truelle, sous forme d'un enduit de 3 mm d'épaisseur.
         Ces différentes qualités ont certainement limité les déformations des voûtes et contribué à assurer l'excellente étanchéité de celles-cl, après plus de 10 années de service.

         Organes d'évacuation des eaux de retenue:
         - Ouvrages de prise d'eau : la prise d'eau comporte une conduite inclinée de 2,50 m de diamètre logée dans une tour sensiblement parallèle au parement amont des contreforts du barrage. La tour est munie de quatre fenêtres de prise, d'une largeur de 1,70 m et d'une hauteur de 2,50.
         - Ouvrage de vidange de fond : la retenue comporte deux ouvrages de vidange ; l'un est situé au pied amont du barrage principal. Il est constitué par une canalisation de 0,80 m de diamètre traversant le mur parafouille.
         L'autre est constitué par l'ancienne galerie de dérivation rive gauche dans laquelle débouche, plus en aval, Ie déversoir auxiliaire de crues.
         Ouvrages évacuateurs de crues, compte tenu des caractéristiques du bassin versant de l'oued Tafna, I'administration a estimé à 1.200 m3 le débit de crue à évacuer.
         La retenue comporte deux ouvrages évacuateurs de crues :
         - un trop-plein de 9,90 m de largeur qui par son agencement permet d'évacuation d'une crue de 200 m3/s.
         - un déversoir principal constitue la partie centrale de la digue du col de la route.
         Grâce à la disposition originale des canaux de déversement affectant, en plan, la forme de dents de peigne, il a été possible de réaliser un seuil de 7.270 m de développement pour une passe de 110 m seulement assurant un débit de 1.000 m3/sec. Pour une lame déversante de 0,50 m d'épaisseur.

L’USINE HYDRO-ELECTRIQUE
DE PIED DE BARRAGE

         L'usine de Beni-Bahdel installée au pied du barrage est destinée à turbiner en pointe toutes les eaux lâchées du barrage. Son équipement est susceptible d'absorber à pleine charge 10 m3/s sous une chute de 37 mètres.
         Sa production d'énergie annuelle devait atteindre environ 8 millions de kilowattheure.
         L’usine de Chabet-Sayad était envisagée, sur la conduite des irrigations de Marnia, pour turbiner au fil de l'eau, sous une chute de 110 mètres, les débits réservés à cet usage (1,5 à 2 m3/s.)
         L'usine de Tessala, située à mi-distance des deux extrémités de la conduite d'Oran, utilise une chute de 200 m créée au franchissement de la chaîne du Tessala.
         Sa particularité est d'être greffée sur la canalisation d'Oran et d'utiliser les eaux potables pour la production de l'énergie hydroélectrique.
         Elle turbine au fil de l'eau tout le débit absorbé par les agglomérations d'Oran et Mers-el-Kébir. Et le produit à plein débit 20 millions de kilowatt-heure.

LA CONDUITE D'ORAN

         Le barrage des Beni-Bahdel a été conçu à l'origine pour assurer l'extension des irrigations de la plaine de Marnia.
         Cependant, ainsi que nous l'avons indiqué, le service de l'hydraulique décida d'assurer l'alimentation en eau de la région d'Oran à partir du barrage des Beni-Bahdel, en portant sa hauteur de 47 à 54 m et la capacité de la retenue de 42 à 63 millions de mètres cubes.
         La conduite d'Oran désigne l'ensemble des ouvrages destinés à alimenter en eau potable la ville d'Oran et Ie port de Mers-el-Kebir.
         La principale caractéristique du projet résidait en deux facteurs techniques d'importance primordiale :
         L'adduction se fait entièrement par gravité, supprimant les pompages avec leurs risques et leur caractère onéreux.
         Cette disposition a été complétée par une innovation : la régulation des débits par la demande à l'aval, entièrement hydraulique et automatique, sur l'ensemble de la canalisation depuis la prise d'eau jusqu'à la distribution y compris le fonctionnement de la station de filtration à plusieurs étages et de ses annexes de traitement.
         Les différentes études techniques et essais ont été effectués par le service de I'hydraulique en collaboration avec le laboratoire dauphinois Neyrpic.
         Le jugement du concours attribua les différents ouvrages du projet aux entreprises suivantes :
         - I'exécution du souterrain 11,400 km à écoulement libre, à l'entreprise EGTH ainsi que le bassin de compensation de 80.000 m3.
         - les travaux de la conduite proprement dite et de ses ouvrages d'art et hydraulique furent adjugés à l'entreprise SOCOMAN.
         - les stations de filtration et de stérilisation et les travaux confiés à l'entreprise C. Chabal et Cie.
         - les travaux du souterrain commencèrent après-guerre. Ceux de la canalisation débutèrent par l’installation de l'usine de fabrication de tuyaux à Laferrière près d'Aïn-Temouchent et l'exécution des souterrains du "télégraphe" près du Centre des Abdelhys, long de 396 m ; d'Aoubellil longs respectivement de 280 et940 m et celui du Djebel Oubar, long de 1.070 m.
         La conduite proprement dite a une longueur de 170 km, elle est constituée par des éléments en béton précontraint de 7m de longueur et de 1,10 de diamètre intérieur. Leur épaisseur est de 8,6 cm et leur poids de 5.700 kg. Dans le cas de fortes pressions, l'épaisseur atteint 12 cm et le poids 8.200 kg.

         Les laboratoires Dauphinois d'Hydraulique ont étudié les nombreuses mises au point nécessitées par le programme : la stabilité de la commande par l'aval, l'équipement des chambres de rupture (brise-charge, cheminées d'équilibre, ventouses hypersoniques, etc...) les pertes de charge, les surpressions.
         Il y a lieu de citer les points particuliers présentant une incontestable originalité :
         - brse-charge intermédiaire : au nombre de huit, ce sont des ouvrages importants comprenant trois parties distinctes :
         - la chambre des mécanismes : groupant les organes de réglage automatique de débit,
         - la rotonde centrale : de 18 m de diamètre et 6,60 m de haut où est dissipée l'énergie libérée par la rupture de charge, - le bloc aval qui contient les organes de contrôle et de sécurité ayant pour rôle de protéger le tronçon laissant suite au brise-charge;
         - la station de filtration : avec, également, commande par l'aval,
         - la circulation d'air a été résolue par la mise en place, à chaque point haut, de "ventouses" et de "purgeurs"
         - Appareils de mesure : cette conduite a été volontairement transformée en vaste laboratoire d'essai permanent, pour les pertes de charge en particulier, permettant de se rendre compte de l'évolution de ces dernières au cours des temps, ceci grâce à une judicieuse répartition d'appareils de mesure.
         En conclusion, les données techniques et les solutions hydrauliques originales mises en œuvre dans la réalisation de l'adduction d'Oran, en particulier la commande hydraulique automatique intégrale par I'aval, installation filtrante comprise, semblent constituer une innovation intéressante et d'une envergure exceptionnelle.

8 mai 2024

Envoyé par M. Louis Aymes
8 mai 2024 : quand Sébastien Lecornu efface l’Armée d’Afrique de notre mémoire

         Ce 8 mai 2024, j'ai écouté devant le monument aux morts de ma commune le message de Sébastien Lecornu, ministre des Armées, et je n'y ai pas entendu la moindre référence au demi-million de combattants de l’Armée d’Afrique qui, dès le 10 novembre 1942 - signature des accords entre l'amiral Darlan et le général Clark, adjoint d’Eisenhower -, avaient constitué l’immense majorité des forces armées françaises qui participèrent aux campagnes de Tunisie (1942-1943) et d’Italie (1943-1944), puis au débarquement en Provence (août 1944), avant d’être rejoints par la mobilisation des métropolitains au sein de la 1re Armée française. Afin de pallier, le cas échéant, une oreille défaillante (84 ans), j’ai donc imprimé et lu attentivement le texte officiel signé de M. Sébastien Lecornu, ministre des Armées, et de Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès de ce même ministre des Armées, chargée des Anciens Combattants et de la Mémoire. Mon oreille n’était pas défaillante. Ainsi, tout était conforme à la « doxa » officielle !

          Alain Mimoun, futur champion olympique, caporal à la 3e DIA

          Dans le domaine militaire, le ministre ne connaît donc que « les combattants des Forces françaises libres (FFL) »… Y compris dans la bataille de Monte Cassino ! N’en déplaise au ministre, il s’agissait du Corps expéditionnaire français (CEF), commandé par le général Juin, futur maréchal de France, et, en particulier, de la 3e division d’infanterie algérienne au sein de laquelle combattait le caporal Alain Mimoun. Blessé grièvement au pied par un éclat d’obus le 28 janvier 1944, Alain Mimoun conserve son pied grâce au savoir-faire des médecins militaires français qui lui évitent l’amputation. Il deviendra ce grand champion qui nous apportera, le 1er décembre 1956, la médaille d’or du marathon aux JO de Melbourne. Entretemps, il s’était converti au catholicisme en 1955 et marié en juin 1956.

          Le rôle majeur de l'Armée d'Afrique*
          Mais revenons à l’Armée d’Afrique. Cette armée, préservée par l’armistice, dynamisée par le général Weygand puis par le général Juin, se déploie en couverture pour faire face aux forces de l’Axe en Tunisie. En un mois, elle met en ligne quatre petites divisions (60.000 hommes) alors que les Alliés n’ont que deux petites divisions (30.000 hommes) en attendant le déploiement du reste des forces alliées en cours de débarquement en Afrique du Nord. Les commémorations à venir, à commencer le 20 mai (81e anniversaire de la victoire en Tunisie), puis celle d’Italie et le débarquement en Provence, devraient permettre à M. Sébastien Lecornu de rendre hommage à l’Armée d’Afrique et à Mme Patricia Mirallès de rendre justice à ses parents « pieds-noirs ».

          Enfin, pour les commentaires non militaires, je précise à l’attention des « sachants » qui veulent trop bien faire que le 8 mai 1945 ne marque pas l’avènement d’une ambition « qui a donné à tous les enfants la possibilité de bénéficier de l’instruction », comme l’écrit le ministre dans son message ! Certes, je ne suis entré à l’école qu’en 1945, mais mes sœurs et mon frère aînés étaient entrés en classe avant comme tous leurs petits camarades. Les « hussards noirs » de la IIIe République doivent se retourner dans leurs tombes. Ils méritent un peu plus de vérité, même si l’alphabétisation de la France était en cours bien avant eux, était une construction continue des siècles passés et était déjà en partie réalisée à la fin du Second Empire.
Christian Baeckeroot

«Muhadjirouns»

Envoyé par Mme Bouhier

Ci-dessous un texte très émouvant en hommage aux "Pieds-Noirs" .

         Il était une fois des milliers de petits garçons et filles vivant en Algérie, dans les milliers de villes et villages répartis sur tout le territoire qui allaient à l’école, grandissaient, jouaient, ne se doutant pas un seul instant de la catastrophe qui les attendaient. Car, il faut bien parler de catastrophe humaine, provoquée par l’exil et les dommages collatéraux qui ont suivis.
         Mais le peuple pied-noir a hérité de ses ancêtres toutes leurs qualités, celles des pionniers.
         En venant en France, ou ailleurs sur la planète, il ne s’agissait plus de défricher des terres incultes, d’assécher des marais, de lutter contre le climat et les maladies, de bâtir un pays. Il s’agissait de construire sa vie, sa famille, de faire sa place. Tous l’ont fait, dans l’honneur et la droiture, dans l’amour du travail bien fait, dans le respect de la parole donnée.
         Maintenant, que tous ces petits garçons et ces petites filles sont devenus vieux, ils témoignent. Les sites qu’ils ont créés sont nombreux, émouvants. Tous recréent cette vie d’avant, cette vie où ils étaient jeunes, insouciants et installés dans leur terre natale pour mille ans.
         Nous sommes des «Muhadjirouns» des exilés, des vrais sans espoirs de retour, sans espoirs tout court. Seuls restent nos souvenirs amplifiés par la nostalgie, que nous partageons à longueur de page sur le web ou dans des milliers de livres édités souvent à compte d’auteur. Nos publications deviennent nos racines. Elles veulent remplacer celles qui furent coupées brutalement une année maudite de 1962.

         Qui peut nous comprendre? Rares sont les hommes et les femmes de bonne volonté qui puissent accéder à comprendre cette souffrance.
         Mais malgré tout cela, le peuple pied-noir qui va disparaître, comme toute chose vivante d’ailleurs, ne perd pas son caractère. Cette joie de vivre, cette bonne humeur et ce bruit qui le caractérise. Ce bruit de la parole et du geste dont on lui fait reproche encore aujourd'hui. Ce bruit qui cache ses pudeurs, ses tristesses et sa peine immense de l’Algérie perdue. Ce bruit qui est notre marque de fabrique.
         Ces milliers de petits garçons et de petites filles se retrouvent maintenant autour de la toile, partageant leurs textes d’avant, recroquevillées ensembles comme pour se tenir chaud dans leurs derniers moments. Leurs histoires, nos histoires seront les monuments de notre patrimoine national. On les visitera comme on visite un château perdu. Leurs enfants, leurs amis, les anonymes profiteront de ce jour annuel du patrimoine pour leur rendre l’hommage qui convient.
         Notre histoire est grandiose, nous étions des petites gens, nous sommes devenus grands. Malgré toute la rancœur que nous pouvons nourrir contre les politiques d’antan, la France nous a permis de vivre de manière économique sociale et culturelle en échange nous lui avons donné nos grands pères, nos pères nos frères pour la défense de sa liberté. Dans la France ce grand pays nous avons reconstruits nos familles, nos vies. A l'heure des bilans nous pouvons être fiers de nous.

         Vive le Peuple Pied-Noir . NOUS AVONS SU NOUS INTÉGRER, NOUS......
         D'AUTRES NE LE VEULENT TOUJOURS PAS ...ET CONTRAIREMENT A NOUS,
         LA FRANCE LES PROTÈGE !!!!!!!!!
Auteur inconnu                  

Source Gallica - N° 146
LE PETIT NAVIRE
Pour ROSE CELLI.
Par Edmond Brua
              C'est la nuit, la nuit grande ouverte,
              La nuit fraîche comme un tombeau.
              La planète lisse et déserte
              Semble le pont d'un paquebot.
              La solitude et le silence
              Où tant de rêve se balance.
              M'ont laissé luire ton destin,
              Vagabonde aux airs de mystère.
              Toi que l'on nomme ici la Terre,
              Petit navire clandestin !

              Les hommes, jusqu'au fond des soutes.
              Dorment de leur sommeil de fer,
              Cette route entre tant de routes
              N'a pas le rythme de la mer.
              Est-il à bord un capitaine ?
              Où, sont la boussole et l'antenne
              Et qui donc tient la barre en mains ?
              Nous croisons sans cesse des astres
              Menaçant des pires désastres
              L'insouciance des humains !

              Ho ! compagnons de la planète,
              Laisserez-vous finir la nuit
              Sans affronter sur la dunette
              Le vent profond de l'Infini ?
              Laisserez-vous mourir la flamme,
              Laisserez-vous s'évader l'âme,
              Laisserez-vous changer les temps
              Sans que mon cœur qui vous convie
              Vous ait crié le cri de vie,
              Le mot merveilleux que j'entends ?

              O profondeur retentissante
              Qui nous fais tomber à genoux.
              O vertigineuse descente,
              Saisissez-nous ! Emportez-nous !
              Compagnons de la terre ronde,
              Ecoutez aux voûtes du monde.
              Ce grand appel répercuté :
              Eternité ! Miracle immense.
              Tout finit et tout recommence,
              Compagnons de l'Eternité !

              Silence à bord... Vogue la terre !
              Nul à ma voix n'a répondu.
              Va, ce fol amour planétaire,
              C’est du cœur bel et bien perdu !
              Puisqu'ils ne veulent pas entendre
              Le mot le plus vrai, le plus tendre.
              Le seul qui les eût consolés,
              Qu'en ferai-je, avec ma faiblesse ?
              Tout me tourmente, tout me blesse,
              Sous les grands déserts constellés.

              Mère de l’éternelle Enfance
              Qui me laissez à l'abandon,
              D'une si longue et triste absence,
              Venez me demander pardon.
              Du fond du temps, du fond de l'ombre,
              Remonter vers mon cœur qui sombre,
              Mon Cœur lourd, mon cœur fatigué.
              Chantez-lui, pendant qu'il chavire,
              La chanson du Petit Navire
              Qui n'avait jamais navigué...
EDMOND BRUA.
(Faubourg de l'Espérance)


PHOTOS DE BUGEAUD
M. Albert Roffé

EGLISE ET MONUMENT AUX MORTS



RUE PRINCIPALE




ENTREE BUGEAUD COTE EDOUGH





EGLISE DE L'EDOUGH






LA FÔRET VUE DU ROCHER






L'EGYPTIENNE VUE DU ROCHER





Claude FAYER
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui N°206 - Juillet-Août 2012-


LA « MAIN » DU STADE GUYOTVILLOIS
      
                Avec un grand-père Président de la Fédération de Basket du département de Constantine et un père sélectionné du même département comme ailier gauche de football, Claude, dès sa naissance le 30 Juillet 1931 dans la capitale de l'Est Algérien, ne pouvait échapper à la passion du sport. C'est dans le quartier de Sidi Mabrouk qu'il fait étalage de ses nombreuses qualités de gardien de but alors que ses " 10 ans" sonnent à peine au carillon de sa jeune carrière. Mais un exil involontaire (déjà !!) en Haute-Savoie pour suivre des études à I'Ecole Hôtelière lui donne l'occasion de signer au club local, le CS Thonon-les-Bains où il demeurera jusqu'au début des années 50 qui le verront regagner la terre natale.

                Ses parents constatent que le virus du football ne I'a pas quitté. Bien au contraire. Il est à présent un beau gaillard et l'équipe junior du Racing Club de Guyotville lui offre la chance de prouver sa valeur. Très vite, il devient le titulaire du poste de gardien de but de l'équipe première.
                En 1952,le Stade Guyotvillois rejette dans l'ombre le Racing Club et Claude FAYER suit le mouvement.
                D'abord réserviste, il gagne ses galons d'incontestable " n°1 du maillot n°1 ".
                Durant une dizaine d'année. il va promener son athlétique stature sur tous les terrains d'Afrique du Nord.

                Sa souplesse étonnera plus d'un spectateur lors d'envolées mémorables de ce gardien que certains supposaient "un peu lourd". Trois sélections de la Ligue d'Alger récompenseront le mérite et le talent de ce goal dont le modèle restera le grand Julien Darui. S'il regrette (si peu) de ne pas avoir d'autre titre de gloire, sa tête foisonne de souvenirs qui chantent encore à ses oreilles. Comme ses deux matches faramineux qu'il réalisa en Coupe d'Algérie contre le Gallia Club Oranais et le Sporting Club de Bel-Abbès, reconnaissant lui-même avoir bénéficié ces jours-là de "la Grâce du Dieu des Gardiens de Buts".

                N'ayant jamais eu la "Grosse Tête" (n'a-t-il pas eu tort ?), Claude FAYER mena de concert une carrière professionnelle entreprise à l'EGA dès 1954 et termine comme chef de service à I'EDF-GDF. Homme d'amitié (comme tous les fils d'AFN), il n'oublie jamais de rendre hommage au rôle tenu par Raymond Couard, Dominique Zattara. Bolek Tempowski et Louis Vitiello dans la progression d'une carrière mise en lumière par Papa Fayer. Parmi tous les souvenirs qui n'ont pas manqué de jalonner son itinéraire sportif, il en est un qui est inscrit en lettres de feu dans sa mémoire.

                C'était le 10 Février 1957, le Stade Guyotvillois affrontait le Gallia Sport Algérois, Claude s'apprêtait à dégager un ballon "aux six mètres" lorsque l'explosion meurtrière ébranla les tribunes du Stade Municipal d'Alger. Les supporters de Guyotville, groupés autour de sa grand-mère, de ses parents et de sa fiancée, se trouvaient trois rangées plus bas. Sa famille épargnée, le match arrêté et des cadavres. Il n'oubliera jamais!
H. Z. La Mémoire du Football d'Afrique du Nord

NOS VILLAGES
Par Maurice Villard
ACEP-ENSEMBLE N°283
COLIGNY

         Gaspard de Châtillon, sire de Coligny ( Châtillon sur Loing 1519 - Paris 1572 ) Amiral de France - Principal Chef Huguenot avec Condé, est défait à Jarnac-Moncontour dévaste la Guyane et le Languedoc – Obtient la paix de Saint-Germain. Il est victime du massacre de la Saint-Barthélemy.

         Bouhira - Nom arabe.
         L'histoire du village de Bouhira et celle de celui d'Aïn-Arnat étroitement liée n’en font qu'une.
         Bouhira est le deuxième village de peuplement Suisse suite à la décision de la Compagnie Genevoise, le 18 février 1854. Il est situé au Nord-Ouest de la ville de Sétif à 1.017 mètres d’altitude, sur des terres appartenant à I'Etat.

         Hors de l'emprise même du village, deux mille hectares de terre constituaient la surface du périmètre de la colonisation.
         Ils furent répartis en cinquante lots de vingt hectares chacun comprenant 2 hectares de jardin et de prairie à créer, six hectares de terre de première qualité et douze hectares de terres de deuxième qualité. Mille hectares pour les colons, huit cents pour la Compagnie Genevoise et deux cents de terres dites de parcours gérés par la Compagnie, bien que ne lui appartenant pas.


         La plupart des candidats à l’émigration n'avaient pas les moyens d'acheter leurs lots. Ce sont des familles Vaudoises fortunées qui en acquirent, le plus grand nombre ainsi que des communes Suisses. A Bouhira, les deux tiers des lots appartenaient à deux familles suisses, les d'Hauteville et les Gingins La Sarraz, parents du Directeur de la Compagnie. Les quelques familles qui purent acquérir leurs lots ne purent régler les échéances, leurs biens furent hypothéqués par la Compagnie et la plupart de ces familles émigrantes, après avoir défriché ces terres vierges, n'en seront que locataires ou métayers.

         Lorsque le premier convoi d'immigrants Suisses, composé de 28 personnes, hommes, femmes et enfants arrive à Bouhira, début novembre, rien n'est prêt pour les accueillir. Ils découvrent un sinistre cloaque, des sentiers boueux donnent accès à de petites maisons basses inachevées. Elles sont composées d'une grande pièce et de deux autres plus petites en enfilade, sans plafonds ni sanitaires. Seul un carton planté sur un poteau indique le nom du destinataire du lot.
         C'est alors que ces familles découvrent que les promesses étaient fallacieuses, qu'elles ont été trompées et qu'un sort misérable leur était réservé.
         Fort heureusement elles ne se découragèrent pas et se mirent aussitôt à la tâche. Des sources furent captées qui permirent de créer des jardins potagers, d'élever des volailles, de réaliser des plantations qui leur permirent de subsister.

         1854, - Le 20 mars, le Gouverneur Général adresse au ministre la délibération du Conseil du gouvernement approuvant le projet dressé par le génie, modifié par le Commandant supérieur, de la construction d'une caserne de gendarmerie à Bouhira. Le poste dont il s'agit est destiné à assurer la surveillance des différents villages établis par la Compagnie. Le premier projet qui prévoyait cette implantation à Aïn-Arnat avait été ajourné dans l'attente de connaître I'emplacement des futurs villages. Bouhira, point central est donc choisi. Ce sera un bâtiment d'un étage qui devra pouvoir loger une brigade à cheval, composée d'un Brigadier et de quatre gendarmes avec une annexe séparée pour la sellerie, des latrines et une écurie pouvant abriter six chevaux. le coût estimé à : 128.000 f.

         1854. Le 4 octobre, la Compagnie par une lettre adressée au Maréchal comte Vaillant, Ministre de la guerre, annonce que le 24 août dernier, 28 personnes se sont embarquées à Marseille pour Philippeville et Bouhira ce qui porte le chiffre des départs à 71 personnes, qui ajoutées aux 409 indiquées sur la lettre du 24 août, fait un total, à ce jour, de 680 personnes dirigées par la Compagnie sur l'Algérie.
         Malheureusement, les nouveaux départs que nous indiquons, ne font guère que combler les vides causés par Ie choléra et il est probable que les nouvelles de l'épidémie ne tarderont pas à ralentir les départs.

         Les entreprises de roulage, étant encore dans leurs débuts sur la route de Philippeville à Sétif, il est arrivé fréquemment dans ces derniers temps que malgré les arrangements pris par la Compagnie avec les Maisons algériennes, pour le transport des bagages des colons, des retards importants privent les gens de leurs affaires ce dont se plaignent, à bon droit, les colons rendus sur les lieux qui se trouvent ainsi provisoirement dans un état de dénuement total.

         Pour remédier à cet état de choses, faire s'il y a lieu de nouvelles conventions ou insister sur l'exécution de celles qui existent déjà, notre Compagnie vient de décider d'envoyer à Sétif Monsieur André Sutcher qui est actuellement chargé à Marseille de la réception des colons et des bagages.
         En conséquence, nous avons I'honneur de demander, le passage en seconde classe auquel M. Sutcher a droit comme agent de la Compagnie.

         1855. le 22 janvier, une tempête s'est déchaînée sur l'Algérie dévastant la rade de Philippeville causant quelques dégâts à Bouhira, à Aïn-Arnat et plus particulièrement à Messaoud et Mahouan.
         Le 28 mars, le village compte 137 personnes se composant de 36 hommes, 25 femmes, 42 garçons et 34 filles, une salle d'école primaire ainsi qu'une salle d'asile ont été ouvertes. Le traitement de l’instituteur s'élève à 1.200 f par mois.

         1863. Le 22 aout, un décret Impérial crée la commune de plein exercice de Bouhira avec les annexes d'Aïn-Arnat et Messaoud. La municipalité se compose d'un maire, d'un adjoint plus six conseillers municipaux dans chaque centre, constitués de deux français, trois étrangers et un indigène. Les limites de la nouvelle commune sont : Au Nord, la limite de Bouhira, au Sud, celle d'Aïn-Arnat et des fermes de Bouhira et Messaoud, à l'Est, les limites de Bouhira et d'Aïn-Arnat, à l'Ouest, les limites du territoire civil.

         1867. MM. Bérard, Arabert, Malherbe, Girardet, Margiavacchi, Allamand, Rampin, propriétaires au village de Bouhira, contestent le prix des maisons construites par la Compagnie Genevoise.

         1871. Lors de la rébellion du bachaga Mokrani, les habitants du village sont évacués sur Sétif, un seul, M. Louis Mottaz refuse d'abandonner sa maison, reste au village où il fut lâchement mutilé et assassiné. Les insurgés commettent de nombreuses destructions sur les bâtiments et les biens.

         1882. le 20 mars, une Commission, chargée de l'étude d'un agrandissement de la commune de Bouhira, composée par : le Sous-préfet Martien, le médecin Lacot, d'un géomètre, du maire de Bouhira, M. Goley Louis et de MM. Chollet et Morel, constatent que la sécurité est complète, l’influence politique positive, que la contrée est parmi les plus saines de la région de Sétif.
         Seuls des chemins muletiers existent, aussi la distance des agrandissements ne doit pas dépasser 5 kms par rapport au village. Les terres sont propices à l'emblavure des céréales et de l'élevage du bétail. Par contre il n'existe aucune activité commerciale. L’acquisition de 1.300 hectares de terres arch au douar Matrona pour la somme de 360.000 f est envisagée ainsi que de 380 hectares appartenant à la Compagnie.

         Le 30 juin, la Commission des Centres, présidée par le Sous-Préfet Faure, donne un avis favorable à l'agrandissement afin de donner un regain de vie à cette commune, porter ainsi les lots de 20 hectares à 40 et créer des lots de 20 hectares pour de nouvelles familles de colons. Le débit d'eau mesuré de 30 l/m est suffisant pour I'alimentation du Centre.

         1889. Rapport du Sous-Préfet de Sétif.
         Les centres de Bouhira, Aïn-Arnat et Messaoud ainsi que ceux d'El-Ouricia et Mahouan végètent et ne peuvent se développer qu'avec l'attribution de nouvelles concessions. Pour Bouhira, les terres manquent complètement et l'expropriation coûterait certainement trop cher. On pourrait néanmoins, si le Gouverneur Général le jugeait convenable, procéder à des études en vue d'obtenir la cession par voie d'échanges où par achat d'une certaine quantité de terrain afin de donner des suppléments d'attributions aux cultivateurs résidant dans ces localités et créer de nouvelles concessions pour les jeunes ménages.
         J'estime qu'il y a un intérêt majeur à essayer d'atteindre ce résultat, mais j'attendrai les instructions de M. le Gouverneur Général pour faire commencer, s'il y a lieu, les démarches nécessaires auprès de la Compagnie Genevoise.


         Travaux d'utilité communs
         La municipalité demande une subvention de 13.288,83 f se répartissant de la façon suivante :
         Bouhlra : réparation de la Mairie-école : 1.235 f - grosses réparations à la fontaine : 2.000 f.
         Aïn-Arnat : réparations de l'école : 1.553 f - grosses réparations du Temple : 3.500 f - sondages et réparations de la fontaine : 1.000 f.
         Messaoud : Création d'une fontaine abreuvoir : 4.000 f

         Quoique ces évaluations ne soient pas exagérées, le Sous-Préfet émet les observations suivantes :
         Les réparations du Temple seront, très probablement, l'objet d'une demande spéciale du Conseil municipal avec la production d'un projet avec les pièces réglementaires à l'appui, subventionné par le Ministère des Cultes.
         Le hameau de Messaoud est entièrement dépeuplé. II ne faut pas songer à le relever, la construction d'une fontaine ne me paraît offrir qu'un intérêt secondaire.
         La sécurité en cas d'insurrection est assurée aux colons du village par la proximité de Sétif qui n'est qu'à 12 kilomètres, ils peuvent d'ailleurs en cas d'alerte se réfugier dans la mairie qui est très vaste. La non nécessité d’une enceinte défensive a pu être admise sans difficulté.
         Dans ces conditions, je propose d'allouer à la commune, au fur et à mesure des possibilités budgétaires et de la présentation de projets détaillés et chiffrés, une subvention s'élevant à 5.780 f,..

         1889. Décret du 25 février.
         Art. 1 - La commune de Bouhira, arrondissement de Sétif, département de Constantine, portera à I'avenir le nom de Coligny.
         Art.2 - Le Président du Conseil, Ministre de l'Intérieur et des Cultes, est chargé de l'exécution du présent décret.
         Signé : Le président de la République : Emile Loubet - Le président du Conseil : Ch Dupuy

         1903. - Approbation des statuts de la Société Indigène de Prévoyance, de secours et de prêts mutuels de Coligny.
         La population se compose de : 159 européens et de 3.373 indigènes.
         Création d'un Bureau téléphonique municipal avec cabines publiques à Coligny et Aïn-Arnat

         1906.- Le Gouverneur général autorise la mise en activité d'un réseau téléphonique urbain pour les abonnés.

         1911. - Note administrative : Coligny 1017 mètres d'altitude - 14.833 hectares - Commune de plein exercice située à 15 kms de Sétif, 140 kms de Constantine, 112 Kms du port de mer de Bougie - dotée d'un Bureau de facteur receveur. La population se compose de : 3.800 habitants européens et indigènes.
         La fête patronale se déroule le jour de l'Ascension. Le maire est M. Chollet Edouard, le Secrétaire de Mairie, M. Riffet E, la Directrice de l'école mixte est Mademoiselle Koemmere, les agriculteurs sont : MM. Béroud, Ch, Dancet, Henry A, Morel.

         1929. - la population se compose de 137 européens et de 3.493 indigènes.
         Situation agricole et économique au mois d'avril :
         La situation agricole dans l'ensemble de la commune est assez critique. Nous n'avons pas eu de pluie dans le courant du mois, les gelées ont été assez fortes pendant plusieurs nuits. La terre s'est desséchée, les cultures et les pâturages commencent à souffrir, surtout dans les terres légères de la plaine. Les troupeaux de bétails ne souffrent pas encore du manque de nourriture dans les champs.

         Les labours préparatoires se poursuivrent normalement mais sont rendus pénibles pour les animaux de trait à cause du sol sec. La situation économique des indigènes n'a pas varié, elle est plutôt bonne grâce aux fonds reçus. Du travail a été procuré aux indigents et aux miséreux.
         La situation des sauterelles est inquiétante, des éclosions importantes ont été signalées dans plusieurs communes du Sud, Ies mesures prises paraissent efficaces, néanmoins Ie Syndicat des communes se tient prêt à intervenir si nécessaire.
         Pour le Maire absent : l'Adjoint : Dahmen

         1947-1954 - Plan d'action Communal de Coligny.
         Acquisition d'un terrain et construction d'un groupe de bâtiments avec la création d'une école, d'une salle de consultation médicale, d'une agence postale, au douar Malah.
         Réfection du captage et de la conduite d'eau de la fontaine d'Aïn-Messaoud.
         Amélioration du chemin communal d'Aïn-Arnat au Hammam.
         Electrification du village de Coligny et du hameau d'Aïn-Messaoud.
         Rattachement à la commune du douar Gherazla et du centre de colonisation de Mac-Donald, faisant précédemment partie de la commune mixte des Maâdid.
         Acquisition d'un terrain et construction d'un bâtiment groupant une école, un dispensaire de santé et une agence postale à Aïn-Melsa.
         Aménagement de la salle des fêtes, de la salle « Guillaume TeIl » et surélévation d'un étage de la Mairie d'Aïn-Arnat.

         Aménagement des locaux désaffectés de la mairie de Coligny en une infirmerie et en un logement pour le médecin
         Acquisition d'un terrain et construction à Aïn-Messaoud, d'un bâtiment avec la création d'une école, d'une cabine téléphonique et d'un dispensaire médical.
         Aïn-Arnat, agrandissement de l'école, création de deux nouvelles classes, ouverture d'un dispensaire médical.
         Coligny, construction d'un groupe scolaire avec ouverture de deux salies de classes, remise en état du bâtiment de la poste.

         Hamma, construction de locaux administratifs, d'un préau abattoir, clôture du marché aux bestiaux.
         Rattachement du douar Gherazla à la commune de Coligny.
         Elections municipales - Inscrits 86, votants 67, suffrages exprimés 67.
         Ont obtenu, Baye Jean, 66 - Beroud Ulysse, 67 - Chollet Pierre, 67 - Chollet Gaston, 67- Dahmen Charles, 67 - Fabrer Bernard, 67 - Morel Roger, 66 - Quaille Joseph, 66 - Roze Jacques, 66 -Viande Roger, 66 - Tous élus.
         L'exploitation d'un taxi est autorisée.
         Nouvelle école de garçons à Coligny comprenant une salle de classe primaire, 38 élèves, un logement de trois pièces, une cour de 230 m2 clôturée, un préau - de 10 m2.


         Les maires de la commune de plein exercice de Coligny :
         1854, Marchiavi - 1860, Chaix Emile - 1867, Mangiavacchi Achille - 1881, Golay Louis - 1888, Beroud Charles - 1893, Chollet Edouard – 1921, Chollet Emile – 1935, Dahmen Charles - 1941, Chollet Pierre - 1943, Viande Léonce - 1945, Chollet Pierre - 1958 à 1962, Chollet Pierre, Président de la délégation spéciale.

         Liste des 50 concessions attribuées à la création du village à des colons d'origine suisse.
         Allamand Jean-Pierre - Aubert Jean-Louis - Berguer Samuel - Bernard Samuel - Béroud Louis - Bouzon Pierre-François - Borrey Louis - Burnens André – Bussy Laurent – Challet Jean Issac - Challet-Chappalaz Louis – Challet-Dauphin Henry - Challet-Rochat Henry - Champond Jean-Jacques - Charlet Louis - Cochard Rodolphe – Coeytaux Paul Antoine - Crinsoz de Cottins Henry - Dancet Simon Marc - Demole Jean-François - Desponds Jean Henri – Diday Jean-Louis - Emery Abraham - Failletaz Marc - Freymond Jacque-Louis - Général de Gingins la Saruaz - Golay Rupft Louis - Girardot Pierre-Louis - Grisel - Louis - Guex François - Guigne Daniel - Huguenin Charles-Louis – Huguenin Jean-Louis – Juvet François - Léger Albert-Louis – Lossier Jacob François - Malherbe David - Monnard Gabriel – Mottaz Jean-Louis - Monquin Henry - Neker Théodore – Perey Charles Philippe - Petit-Pierre-Mercier Louis – Petton Jacques Frédéric – Résin Samuel - Régancy Etienne Frédéric - Thiébaud Charles Auguste - Van Muyden Sauther Henri

         Les dernières familles de Coligny :
         Béroud Ulysse - Fabrer Bernard - Henry Louis - Morel Allred - Morel Roger - Reinmuth Robert.
         Dans la revue Historique Vaudoise 98, Patrick Ronald Monbaron a étudié l'émigration vaudoise en Algérie au milieu du XIXe Siècle on peut y lire : Sétif, eldorado genevois pour « petits capitalistes », publiant notamment un recensement statistique sur l’immigration de janvier 1853 à mars 1854. On y relève que Pierre François Meystre, sa femme et ses trois enfants ( arrière-grand-père de Raymond Marcucci) bénéficièrent d'un subside de 20 f de la part de leur commune d'origine en raison de la grande gène financière du chef de famille.

         Témoignage de M. Louis Henry.
         Louis Henry fait le récit du voyage des premiers colons suisses en partance vers le village de Bouhira.
         L'aventure des familles suisses qui émigrèrent pour le compte de la Compagnie - Genevoise à Sétif, grosse société capitaliste Suisse, composée de hauts financiers : Gingins la Sarraz, d'Hauteville, de Sautere de Beauregard ainsi que des communes Suisses qui profitèrent de se débarrasser ainsi de familles déshéritées et nécessiteuses en les envoyant défricher comme locataires, leurs nouveaux biens.

         Pour ces tous premiers colons qui tentèrent de vendre les quelques biens dont ils n'avaient pas besoin, seul le voyage de Suisse à Marseille était à leur charge.

         Ils furent rassemblés à Genève bien que certains soient déjà partis à pied à Lyon.
         Les détails du récit du voyage qui va suivre proviennent des archives d'Etat, référence : les quatre cantons, 1202 Genève, dépositaire des documents de la compagnie genevoise et notamment des correspondances entre ses agents et la direction genevoise.
         Le convoi constitué de chariots et de diligences s'ébranla alors afin de rejoindre Lyon. A Lyon ce fut l'embarquement sur les bateaux fluviaux du Rhône descendant le fleuve jusqu'à Arles. C'étaient des bateaux à aubes de la « Compagnie du Rhône » Trois jours de voyage furent nécessaires pour atteindre Arles. Trois jours dans le vacarme infernal des chaudières, dans un épouvantable inconfort, avec une nourriture infecte et une peur panique de voir tomber les enfants dans les gros remous du fleuve. De Arles à Marseille ils ont pu reprendre des chariots et des diligences. A Marseille, ceux qui le purent logèrent dans une auberge pas trop chère près du port. Les autres dormirent à la belle étoile sur le port cherchant quelque abri sous les hangars lorsqu'on les autorisait. Il fallut attendre trois jours pour le départ pour l'Algérie, d'un bateau mû à la lois par la vapeur et les voiles. En attendant chacun agissait selon ses moyens car le voyage n'était gratuit que pour la traversée de la mer et en partie pour l'accompagnement militaire de Philippeville à Bouhira ( pris en charge par l'Etat français)

         Après I'embarquement des familles et des bagages, on quitta enfin Marseille. Dès la sortie du port la mer était très agitée et elle allait en grossissant. Les passagers étaient répartis dans des cabines, hommes d'un côté, femmes et enfants de l'autre. Beaucoup étaient malades, il fallait les aider, les aider, s'en occuper.
         Le bateau se dirigea vers la Corse pour y trouver éventuellement un refuge tant la tempête faisait rage. La mer se calmant, il repris la direction de l'Afrique. Après deux jours de navigation par un beau temps clair et lumineux, on vit les côtes se profiler à l'horizon. Après avoir longé Stora, petit port charmant où venaient de s'installer des pêcheurs italiens, on accosta à Philippeville.

         Les autorités de la ville les accueillirent ainsi que le pasteur Curie en poste dans cette ville mais qui rejoindra bientôt Aïn-Arnat et Bouira. ( Les Suisses étaient de religion protestante).

         Tant bien que mal chacun essayait de retrouver ses caisses, ses affaires et de regrouper sa famille, Les militaires emmenèrent tout le monde à « I'asile » où on ne pouvait disposer que de trente lits, des paillasses furent installées. Le surlendemain le convoi fut organisé, composé de chariots bâchés, tirés par des mulets. Tout le monde s'y installa avec des paillasses et quelques bagages. Les gros colis, les malles, les paquets importants et autres ustensiles, furent arrangés sur des prolonges d'artillerie. Des soldats étaient présents pour guider les attelages et aider les émigrants, une escorte militaire accompagna Ie convoi.

         Première étape El-Arrouch, où l'on passa la nuit au poste militaire. Des soupes chaudes furent servies avec du gros pain de la bière et de I'eau.

         La deuxième étape conduisit le convoi à Constantine. Arrivés au bas du rocher des gorges du Rhumel et de la grande falaise, tout le monde se trouva impressionné par la vue de ce site grandiose, curiosité géologique s'il en est. Après avoir gravi la pente en contournant le rocher, on accéda aux casernes édifiées en surplomb du précipice. Là l'armée disposait d'infrastructures importantes. Les uns couchèrent sous les tentes, d'autres dans une salle de la caserne, quelques-uns préfèrent rester dans les chariots pour veiller à leurs affaires. On sentait déjà la différence de température avec celle du littoral, en effet Constantine est à 800 mètres d'altitude, Bouhira sera à 1.100 mètres.

         Le lendemain départ pour Mila. Le voyage sera pénible, il fut impressionnant à cause du relief accidenté. La route, longeant des ravins profonds, n'était qu'une piste qui deviendra un cloaque lorsque la pluie arrivera. De nombreux animaux sauvages hantaient la région, les hyènes ricanaient, des troupes de chacals hurlaient et parfois un lion solitaire rugissait. Le vent violent avivait le froid, on s'abrita comme on le put sous les bâches des chariots que la pluie violente traversait. Lors d'un passage difficile en flanc de ravin, une prolonge d'artillerie glissa, ripa, se renversa et roula au fond du ravin. Heureusement personne n'était assis sur cette prolonge, les militaires qui guidaient les mulets purent échapper, la prolonge se retrouva au fond du ravin, totalement disloquée, les mulets morts et le chargement irrécupérable tant à cause des dégâts que de I'escarpement de la falaise. Les biens de David Malherbe se trouvaient sur cette prolonge, il avait tout perdu avant d'arriver à destination avec son épouse et ses trois enfants. - Trois mois plus tard, le 22 février 1855, ce dernier récupéra une partie de ses affaires, dans un état pitoyable, Elles lui furent remises par l'armée en présence de trois témoins dont Louis Béroud

         Après avoir passé la nuit à Mila, le convoi repartit en direction de Djemila. Le temps ne s'était pas amélioré, les enfants étaient malades, ils manquaient de lait. Lorsque cela était possible on en quémandait aux tribus arabes rencontrées sur le chemin qui possédaient quelques brebis ou chèvres. Une petite fille, malade, transie de froid, rendit I'âme, Elle dut être abandonnée, enterrée au bord du chemin. Lecture de la bible et prières accompagnèrent la fin de son si court destin ! le convoi se remit en route vers Djemila, ancienne Cuicul romaine, tenue par un petit détachement militaire. Fourbus, désespérés, les colons n'accordèrent qu'un faible intérêt à ce lieu sublime et à l'austérité empreinte de splendeur de ce paysage. Ils campèrent dans les ruines de l'une des principales villes romaines au milieu des asphodèles sauvages dressant en cet automne leurs hampes desséchées.

         En quittant Djemila, le lendemain, on passa devant un petit cimetière où reposaient des militaires des éléments précurseurs de la colonne de Louis Philippe. Djémila avait été encerclée et harcelée par des milliers de kabyles. Les militaires français qui périrent faisaient partie du 3ème régiment de Chasseurs d'Afrique. On eut une pensée émue à leur égard, Ie convoi continua son chemin, sur la droite la masse imposante des montagnes kabyles du Babor.

         Enfin le convoi arriva à Sétif en entrant dans la citadelle militaire par la porte de Djemila. Le lendemain, le grand jour était arrivé. On longea quelques maisons dont I'hôtel du trésor et de la poste. On déboucha sur une place au milieu de laquelle se dressait une fontaine aux eaux abondantes et claires. Sur la droite, un bâtiment à arcades, abritant le bureau des affaires indigènes. Sur la gauche s'élevait une belle mosquée qui venait d'être construite par le génie militaire afin de faciliter aux indigènes qui commençaient à se sédentariser, la pratique de leur religion. Le convoi franchit les remparts ceinturant la ville par la porte d'Alger, à double voûte. Les bordures de la route avaient récemment étaient plantées d'arbres, sur la droite se trouvaient les allées d'Orléans. De nombreuses pierres et statues romaines dressées le long des allées, elles avaient été récupérées, mais la plupart des ruines romaines de « Sitifis Colonia » avaient été utilisées aux constructions.

         On longea quelques jardins potagers, la route descendait vers un cours d'eau venant du Djebel Mégris, I'oued Bou Sellam qui fut franchi sur une passerelle établie par le génie. La route remontait alors pour aboutir à une ferme qui venait d'être construite par la Compagnie Genevoise. Il s'agissait d'El-Bez. Le convoi s'y arrêta pour y déposer des ouvriers venus de suisse sur le même convoi que les colons. Après cette séparation le convoi reprit son chemin grimpant une côte très raide pour aboutir à la vue du panorama de I'immense plaine d'altitude qui s'étendait à perte de vue complètement dénudée. A l'horizon vers Ie Nord les montagnes du Mégris et de l'Anini, au Sud la plaine était barrée par les monts du Hodna avec la chaîne du Bou Thaleb. En face, à l'Ouest, on distinguait au loin les monts de la Mediana. Les nuages avaient disparu, le ciel était d'un bleu violet, le soleil éclairait ces immensités, mais à mille cent mètres d'altitude, I'air était frais.

         Les autorités militaires avaient prescrit à l'escorte du convoi d'éviter le nouveau village d'Aïn-Arnat où des colons Suisses étaient arrivés l'an dernier et où la situation était catastrophique matériellement et l'état sanitaire très inquiétant, des épidémies avaient décimé plus de cent personnes.
         Les colons de Bouhira auront tout le temps d'appréhender cette même situation et de plus, il convenait dans l’immédiat d'éviter la contamination de la fièvre typhoïde, du choléra et du typhus qui sévissaient à Aïn-Arnat.
         Donc deux kilomètres avant Aïn-Arnat, on quitta la route principale pour emprunter une piste passant à Lanasser pour arriver à Bouhira.

         Les maisons de Bouhira étaient basses, rangées le long de sentiers cahoteux, inégaux, noueux. Certaines maisons étaient encore inachevées, c'était de partout un chantier inextricable. Un poteau près de l'entrée portait un carton avec un numéro permettant de reconnaître son lot. certains en tant que locataires d'autres en tant que futurs propriétaires s'ils pouvaient verser trois milles francs !
         Au centre de ce village fantôme, se trouvait une fontaine, une autre moins importante était située à l'orée Ouest. Les maisons se composaient de trois pièces.

         L'entrée donnait dans la pièce centrale avec une cheminée mais qui ne comportait pas de fenêtre. De chaque côté une porte permettait d'accéder à une pièce éclairée sur le devant par une fenêtre et sur l'arrière par un vasistas.
         Au fond de la pièce centrale une porte ouvrait sur un terrain attenant à la maison. Sur ce terrain quelques planches assemblées à la hâte clôturaient le lieu d'aisance. Du bols avait été rangé par l'armée près de chaque maison. Le froid, l'humidité dans ces maisons non terminées sans plafond, la cheminée n'arrivait pas à réchauffer, on était en novembre et à plus mille mètres d'altitude. Le bois provenait des forêts et maquis des montagnes de la Petite Kabylie, sur place aucun arbre. Pour l’immédiat, il fallait récupérer les paillasses et de la nourriture auprès de I'armée.

         Le lendemain de ce voyage de 20 jours qui se déroula de fin octobre au début novembre 1854, malgré les fatigues, les familles se réunirent sur la place, sous ce ciel qui sera désormais le leur. On allait prier Dieu en lui demandant d'assister cette communauté et en premier lieu la famille qui avait perdu leur petite fille enterrée sur le bord du chemin entre Mila et Djemila.

         Ainsi les familles, certaines avec huit enfants, durent s'entasser dans ce qui allait devenir la maison familiale pour de nombreuses années. Mais en définitive très peu purent résister à ces conditions inhumaines qui leur étaient réservées par la Compagnie Genevoise. Celles qui le purent regagnèrent la Suisse, d'autres cherchèrent à s'employer pour un meilleur sort dans les villes, hélas la maladie, les épidémies en décima un grand nombre.

         Liste des familles ayant fait partie de ce voyage :
         Toutes d'origine suisse. Allamand - Aubert - Béroud - Bouzon - Dancet – Freymond - Golay – Giraudot – Guigne - Juvet - Lossier - Malherbe – Moltaz - Necker - Pietet - Résin - Thiébaud. Les Hauts Plateaux Sétifien Tome III

Aïn-Messaoud
Lieu dit désignant la source de Messaoud
Maurice Villard

         Aïn-Messaoud est Ie site du troisième des cinq premiers villages que la Compagnie Genevoise a l'obligation de peupler. Il est situé à 4 kms au Nord Ouest d'Aïn-Arnat et à 2 kms au Sud de Coligny dont il est le complément territorial.
         1854. Le 18 février, la décision de construction est prise avec le choix du site pour l’implantation du futur hameau.

         Observations préliminaires
         Le 23 avril dans son rapport, le Chef de bataillon du Génie de Sétif précise : « Nous avons fait des efforts pour mettre l'assiette du village le plus possible en harmonie avec la configuration du terrain et nous nous sommes rapprochés autant que possible de la tête des eaux en nous défilant des vues des hauteurs des montagnes du Nord. »

         Le plan de construction prévoit :
         Une enceinte défendue par quatre tours défensives
         Les cinquante lots réunis par groupe de quatre, de manière à donner deux façades à chacun des lots. Quatre ont été réservés à l'Etat et deux grands lots à la Compagnie Genevoise. D'un côté nous avons une rue de 6 m de large ainsi que des rues intermédiaires, côté Sud la largeur de la rue est portée à 10 m de manière à pouvoir y planter une allée d'arbres qu'il sera facile d'arroser. Le nivellement a été réalisé de manière à réduire à leur minimum les déblais et surtout les remblais.
         La construction de la retenue et de la conduite des eaux, les trois sources réunies ont donné un débit de 900 l/m,
         L'élevage des ovins était le complément indispensable dans ces régions de céréaliculture mais risquent de diminuer sensiblement en été. D'autre part la source la plus abondante est d'un niveau très bas.

         Sur la place du village :
         Une fontaine placée au centre, semblable à celle des villages de Coligny et d'Aïn-Arnat. A droite de la porte en entrant, un abreuvoir sera installé.
         Un lavoir, placé dans la position symétrique avec celle de I'abreuvoir, en tout semblable à celui des deux autres villages. Ses eaux se déverseront par un canal ordinaire avec celles abondantes de la fontaine, vers les jardins.
         Le total de ces travaux est chiffré à : 64.100 f.
         Le 27 avril, le Conseil du Gouvernement apporte les modifications à la proposition du Commandant du génie.
         L’Enceinte est supprimée pour les mêmes motifs que ceux invoqués pour le village de Coligny, d'où une économie de : 39000 f.
         Le projet de nivellement et d'empierrement des rues est approuvé en réduisant la dépense de 3.000 f.
         L’aménagement des eaux abondantes, sera une des conditions vitales de la prospérité de ce centre, il vaut mieux reporter sur ces travaux les économies opérées par ailleurs et porter la dépense initialement prévue de 13.000 f à 15.000 f.
         Ces modifications dans les travaux porteraient la dépense à 25.000 f
         Le Conseil de Gouvernement propose à M. le Maréchal d'approuver le projet d'alignement du village de Messaoud, ainsi que les travaux à exécuter et imputation de la dépense à prendre sur l'ensemble des crédits du budget de la guerre de l'exercice 1854 colonisation.

         1854. - Le 21 juillet, le Maréchal de France - Ministre Secrétaire d'Etat de la Guerre arrête :
         Article 1er,- Les distributions et les alignements du village de M'Saoud sont fixés conformément au plan annexé au présent arrêté
         Article 2. - Une expédition de ce plan sera affichée dans un local disposé à cet effet et y restera à la disposition du public,
         Article 3 - Le Gouverneur Général de I'Algérie est chargé de la promulgation et de l'exécution du présent arrêté. Signé :Vaillant

         1855. - Cinquante maisons sont bâties, le peuplement commence. Une salle d'école et d'asile est ouverte.

         1856. - Le hameau ne compte que 22 hommes, 12 femmes, 9 garçons et 7 filles. La Compagnie a le plus grand mal à assurer le peuplement Les cinquante lots de 20 hectares sont attribués entre 1856 et 1857. Mais comme à Coligny, ils appartiennent à deux familles suisses fortunées.


         1861. - Le 21 mars, nomination clans la milice de protection des centres, groupe de Messaoud, au grade de lieutenant Morel Isaac, de sous-lieutenant : Martin Wrigt Paul.

         1886. - Des crédits sont alloués pour la recherche d'eau.

         1889. - Rapport du Sous-préfet de Sétif sur le hameau d'Aïn-Messaoud :
         « Ce village est entièrement dépeuplé. Une grande partie des terres vendues aux riches famille suisses ont été données en exploitation aux indigènes, au mépris des conventions initiales. Il ne faut pas songer aujourd'hui à le relever »

         1911. - Note administrative - Aïn- Messaoud annexe de la commune de Coligny située à 2 kms de cette dernière. Aïn-Arnat situé à 4 kms. Agriculteurs : G Cardon, Compagnie Genevoise, Laouamri Hadj Ahmed.
         Les premiers colons ne pouvant assurer leur avenir, subvenir aux besoins de leurs familles, quittent le hameau qui se dépeuple. La Compagnie Genevoise ayant profité de cette situation catastrophique pour tous ces malheureux, a récupéré toutes les terres et les donnent en métayage principalement aux indigènes.

         1961. Construction d'une école, inaugurée par M. Berger, Inspecteur d'académie et de M. Valat Claude, Secrétaire de mairie de la commune de Coligny.

         Premières concessions de 20 hectares concédées entre 1856 et 1857
         Albarella Jean-Baptiste - Albarella Vincent - Ansemier François - Ballauri pierre - Barberies François - Bernard Jean-Jacques - Boivines Henri - Bonelli César -Bonelli Louis - Bonna Louis Frédéric - Brégaud Charles - Burnens François -Chaillet Charles - Chaix Emile - Chaix Paul - Cometti Pierre - Desfonds Henri - Bruzon Louis - Dubois Henri - Furer Emmanuel - Gambale Emmanuel - Geisendorf Elie - Girardet FranÇois - Gonves Samuel – Gazabouil Jules – Griffon Jules - Guillemin Henri - Herzog Henri - Meley Henri - Mellani Dominique - Molinéri Jean - Mormard François - Mottu Charles - Nebbia Rémy – Novara Jean - Opereti Paul - Pelisseti Etienne - Ravelli Edouard - Renaud Jean - Reverdin Bernard - Rod Jean-Louis - Salleti Alexandre – Desio Jean – Tresoldi Joseph - Viande Jean Samuel - Villa Dominique - Villa Louis.
          Les Hauts plateaux Sétifiens Tome III

Le Hameau d'Ouled Yllès,
commune de Coligny

         Nom arabe signifiant bain d'eaux chaudes au lieu dit le fils de Yllès - nom d'une tribu.
         Le hameau du Hammam est situé dans une plaine à l'extrémité Sud de la Commune de Coligny dont il dépend administrativement. Son territoire est bordé à l'Ouest par Tixter et les Maâdid au Nord et à l'Est par la commune de Sétif, le Mesloug et au Sud par la commune mixte des Rhiras.

         Le 21 juillet 1879, M. Ie préfet de Constantine a adressé à l'ingénieur en Chef le rapport de la Commission des sites au sujet du village projeté de l'Azel Hammam situé près du douar Melka et l'a invité à faire connaître, conformément aux instructions de M. le Gouverneur Général, l'ordre d'urgence et l'évaluation des différents travaux.

         Le 5 septembre 1879, le procès verbal de la commission des centres désigne pour le village projeté deux emplacements étant subordonnés aux résultats que donneront les recherches d'eaux auxquelles lIa Commission a proposé de procéder le plus tôt possible.
         Dans les deux cas il est nécessaire de dessécher la plaine et d'y effectuer des plantations le long des canaux d'assainissement.

         Sur I'emplacement A, il est nécessaire de construire un puits avec une noria alimentant une fontaine abreuvoir et un lavoir, le nivellement et l'empierrement des rues nécessaires pour un village de 30 feux. Dans les deux cas l'amélioration du chemin actuel de Sétif au Hammam, la construction d'un pont sur le Bou Sellam au droit du village du Mesloug, la construction d'une maison d'école, sont nécessaires.
         Soit pour le point A une dépense de : 67000 F.

         Sur l'emplacement B, il est nécessaire d'effectuer le captage de sources, la construction d'une conduite d'eau de 4.500 m de longueur avec une fontaine abreuvoir, lavoir. Une indemnité d'expropriation au sieur Kraft afin de passer la conduite d'eau à travers sa propriété, la construction d'un chemin d'accès à la fontaine, le reste identique au point A.
         Soit pour Ie point B une dépense de 107.000 F.
         Nous croyons devoir ajouter à cet exposé purement technique quelques observations d'un autre ordre, qui nous paraissent de nature à faire rejeter l'idée de la création d'un centre de population au Hammam sur l'un ou I'autre de ces deux emplacements.

         L'insalubrité de toute cette région de l'Azel du Hammam est notoire. Il y aurait lieu avant tout de procéder à un assainissement général de la plaine. Ces travaux ont fait l'objet d'un projet dressé par notre prédécesseur à la date du 10 juillet 1864 avec une évaluation de 9.000 f. mais l'exécution de ces travaux priverait d'eau le barrage de la chute du moulin Kraft et on ne peut prévoir à l'avance dans quelles proportions. Il y aurait là un préjudice sérieux causé à une usine existant depuis de nombreuses années et qui somme toute rend des services au pays. Il est à craindre que l'établissement du village n'entraîne la suppression de cette usine.

         La nature aride de tous les mamelons qui bordent la vallée ne permet aucune culture ailleurs que dans la vallée même et les futurs colons ne pourront subsister qu'en se livrant à l'élevage du bétail. Or le volume d'eau amené par la conduite ou débité par le puits suffisant aux besoins des habitations, n'est pas assez considérable pour assumer l'abreuvement de nombreux bestiaux. En temps de hautes eaux, le bétail pourrait s'abreuver au Bou Sellam, mais en temps de sécheresse cette ressource manquerait. Il faut en effet remarquer que cette année, la moitié des terrains compris au périmètre irrigable de la vallée, n'ont pu être mis en culture faute d'eau.

         Enfin, il résulte des fouilles que nous avons effectuées que le plan d'eau de la source d'Ain Beïda s'est affaissé de 1m50. Rien ne dit que par les temps de sécheresse que nous traversons, la nappe ne subisse un nouvel affaissement. S'il en était ainsi, il est à craindre que la conduite desservant le village au point B, ne soit plus alimentée. Pour le point A, l’inconvénient serait moindre, il suffirait d'allonger le tuyau d'aspiration et la chaîne de la noria..
         A cause de tous ces motifs, nous pensons que l'Administration agirait prudemment en renonçant à créer un village à I'Azel Hammam et qu'il vaudrait mieux en livrant ce territoire à la colonisation l'allotir en fermes isolées dont les concessionnaires, possédant de plus grandes surfaces, pourront mieux en tirer partie.

         Le 25 septembre, suite à l'avis défavorable émis par la Commission des sites, le projet de création d'un Centre de peuplement européen est définitivement abandonné.

L'Azel du Hammam sera loti en lots
de fermes qui seront aliénés

         1911. - Document administratif : Hammam, commune de Coligny situé à 24 kms de Sétif - station de chemin de fer sur la ligne Alger-Sétif-Constantine, gare du Hammam - Agriculteurs : Ben Ali Chérif, Chevalier Omer spécialisé en élevage de moutons, Coutaya J, Malvezin A, Salomon Lévy minotier, Malvezin, Sèbe, Hass Raoul et Marcel.

         Pour l'époque récente les propriétés qui après de nombreux travaux, efforts et sacrifices devinrent les plus rentables où des puits furent forés, avec la culture des céréales, blé dur et blé tendre, prairies naturelles, prairies naturelles, élevage de bovins, de juments poulinières, de moutons, qui avec quelques parcelles de jardinage le long du Bou Sellam, furent les principales ressources. La proximité de la ville de Sétif et de la gare du Hammam, furent des avantages appréciables.

         Nous citerons : les fermes de Charles Brincat avec comme gérant M. Barthalay, Sèbe, Kraft, Lévy, Ben Ali Chérif, de Francheschi anciennement Treille clôturée par un mur de 2 m de hauteur sur plusieurs hectares exploitée par M. Heyberger et par M. Charles Dahmen, Hass Raoul et Marcel, Carat.
         Toutes les fermes situées le long du Bou Sellam possédaient un moulin à mouture indigène.

         Dans les années 1943, un immense camp de prisonniers Allemands et Italiens fut installé dans la ferme Treille.
         Un important marché aux bestiaux se tenait le dimanche.
         La construction d'une école moderne de garçons avec deux classes, un logement de 4 pièces, une cour clôturée, une bibliothèque, une coopérative scolaire, permit la scolarisation de plus de 72 élèves.
         M. Chanier fut le dernier Chef de gare du hammam
         Le douar Melsa est composé de grandes exploitations qui se livrent principalement à l'élevage du mouton.
         Une école fréquentée par des garçons indigènes. M. Vergès en fut longtemps f instituteur.

La station thermale des Ouled Yllès

         En 1935, les sources chaudes thermales du Hammam bou Sellam dont M. Quaille est amodiataire en qualité de grand invalide de guerre puis à son décès gérées par son épouse, sont déclarées d'utilité publique. Situées à un kilomètre de la voie ferrée, l'établissement thermal modeste comporte, un café hôtel restaurant. Cette station dont l'eau est utilisée pour soigner les rhumatismes chroniques, se déverse dans cinq bassins différents. Des vestiges importants attestent de la grande vogue de cette station au temps de l'époque Romaine.
         Le Bou Sellam très poissonneux dans cette région est une attraction qui attire de nombreux amateurs de pêche venant de Sétif et qui fréquentent l'établissement du Hammam.
         Les Hauts Plateau Sétifiens Tome III.
         


VOYAGE A TRAVERS L'ALGERIE
Par Georges Robert, 1897, 2ème partie, pages 165-189
- Constantine, son histoire, ses environs.

            Constantine est une forteresse naturelle, bâtie sur un rocher à 644 mètres d'altitude et défendue sur les deux tiers de son pourtour par un ravin au fond duquel coule le Rummel. Ce plateau a la forme d'un trapèze, et son inclinaison, de la Kasbah à Sidi-Rached, est d'environ 110 mètres.

            L'aspect de Constantine est des plus pittoresques, et des hauteurs de Mansoura et de Sidi-Mecid qui dominent la ville, on peut facilement se faire une idée de sa configuration.


            Le quartier arabe, qui, tout récemment, a été très abîmé par le percement de la rue Nationale, est circonscrit, au nord, par ladite rue, à l'est, au sud et à l'ouest par le ravin; il compte environ 20000 habitants et est le point central où aboutit le commerce à l'intérieur. Ce quartier, malgré les transformations de son voisinage, a conservé son aspect primitif, ses rues étroites et tortueuses, mal entretenues, où grouille une population bigarrée, donnant encore une idée exacte de ce que devaient être les grands centres musulmans avant notre occupation. C'est là, dans ces ruelles, que sont établis tous les commerçants M'zabites et autres, dont les petits magasins exigus sont bondés de marchandises. Une rue de ce quartier est réservée aux cordonniers chez lesquels tous les indigènes de la province viennent s'approvisionner.

            Le quartier européen, composé des anciens bâtiments de la kasbah, de l'église, de l'ancien palais d'Ahmet-Bey, des hôtels du gouvernement, tels que la préfecture, la mairie, la banque, le trésor et la poste, ainsi que des constructions particulières, est situé au nord-ouest de la ville, et en occupe un peu plus du tiers. On retrouve là le mouvement et l'animation qui existent dans toutes les grandes cités européennes ; dans son ensemble, il présente aussi la même physionomie, avec cette différence cependant que la tonalité générale est rehaussée par le burnous blanc de l'Arabe, le voile bleu de la mauresque et le brillant costume des juives, qui sont plus belles à Constantine que partout ailleurs.
            La population de cette ville est actuellement de 45000 habitants environ, dont 10500 Français, 5500 israélites, 21000 musulmans et 8000 de nationalités diverses.

            Les fortifications de Constantin consistent principalement dans les rochers infranchissables qui bordent le Rummel ; avec les murs de la kasbah, les seuls remparts qui existent s'élèvent du sud à l'ouest.
            Des six portes par lesquelles on pénétrait dans la ville au XVI° siècle, il n'en reste plus que deux aujourd'hui : celle de Bab-el-Djabia à l'ouest et celle de Bâb-el-Kantara où se trouve le pont jeté sur le Rummel.

            Ce pont en fer, d'une seule arche, a été construit en 1859, pour remplacer celui qui, en 1836 et en 1837, avait servi aux troupes françaises pour franchir le ravin, et dont une partie s'écroula en 1857 ; il relie maintenant la rue Nationale à la gare.
            La kasbah, qui date de la fondation de la ville et dans laquelle se réfugiaient toujours les habitants aux époques d'investissement, a été considérablement améliorée depuis l'occupation française. Elle renferme aujourd'hui trois casernes pour l'infanterie, le génie et l'artillerie, un hôpital, une manutention et un arsenal. Les citernes immenses, creusées à cet endroit par les Romains, ont été réparées aussi et servent actuellement de réservoir et de château d'eau.

            Le quartier européen est séparé du quartier arabe par la rue de France, et ce dernier est lui-même partagé en deux par la rue Nationale.
            La nouvelle préfecture, qui est le plus beau monument moderne de la ville, est située sur le boulevard de l'Ouest, qui, avec ceux de l'Est, du Midi et du Sud, forme les principales voies de communication.
            Les quartiers européen et arabe renferment de nombreuses places, entre autres la place Vallée, la place de Nemours, la place du Palais, la place du Caravansérail, la place d'El-Kantara, etc.

            Les maisons arabes ressemblent absolument à celles que l'on rencontre à Alger et dans tous les grands centres : c'est toujours la même disposition avec la cour intérieure entourée d'arcades, n'ayant d'autre ouverture sur la rue que la porte d'entrée ; c'est toujours la même architecture, fort simple et bien uniforme d'ailleurs ; il n'y a, en somme, qu'une différence à signaler, c'est celle qui existe dans la suppression des terrasses, qui ici sont remplacées, à cause des pluies et des neiges, par des toits en tuiles.
            Avant 1837, Constantine possédait plus de quatre-vingt-quinze mosquées ; depuis, plusieurs ont été détruites, mais les principales sont restées debout. On peut voir encore Djama-el-Kebir, qui est postérieure au VI° siècle de I'égide ; Djama-Sidi-el-Akhdar, qui fut achevée en 1743 ; puis Djama-Rahbat-es-Sauf, Djama-Sidi-el-Kettani, etc.
            C'est dans la mosquée de Souk-er-Rézel, bâtie en 1143, que l'église ou cathédrale de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs a été installée.

            Sous les Romains, le territoire de la province de Constantine formait à l'est et jusqu'au fleuve Ampsajas (Rummel) une portion de la Numidie, qui avait pour capitale Cirta (Constantine). Il comprenait aussi la Mauritanie sitéfienne, chef-lieu Sitifie (Sétif).
            Conquis par Genséric sur les Romains, ce territoire passa au pouvoir des Vandales en 476, puis il fut repris par Bélisaire en 553. Les Arabes n'en prirent possession qu'en 670.

            Sous les califes, ce pays, souvent morcelé par des guerres intestines, faisait partie du Magreb-el-Aousat, lorsqu'en 1509 il fut soumis par les deux Barberousse et ensuite par l'odjak turc ; il devint alors partie intégrante du gouvernement d'Alger.
            C'est de cette époque que date l'élévation de la famille des Ben-Lefgoum (Oulad-Sidi-Cheik), dans laquelle pendant trois cents ans consécutifs, jusqu'en 1837, s'est maintenu intact, de père en fils, le titre de Cheik-el-Islam. C'est aussi à partir de ce moment que les gouverneurs prirent le titre de Bey.

            « Hadj-Ahmet, le dernier bey, 1242 de l'hég. (1826 de J.-C.), dit M. Cherbonneau, gouverna onze ans et fut tout à fait indépendant de 1830 à 1837. Avant la signature de la capitulation d'Alger, Hadj-Ahmet, qui s'était battu vaillamment contre les Français, voulant rentrer dans la ville de Constantine, en trouva les portes fermées. Mais Hadj-Ahmet, en peu de jours, réunit sous son drapeau une armée de Kabyles, s'attribua le titre de pacha, qui lui fut confirmé par la Porte. Un forgeron de la tribu des Beni-Ferguen, appelé Ben-Aissa, devint son ministre, pour ne pas dire son exécuteur des hautes oeuvres.
            « Lorsqu'il se fut débarrassé des janissaires, il les remplaça par des Kabyles et par des cavaliers du désert, qui se comportaient comme en pays conquis. Tous ces excès n'étaient pas faits pour lui assurer un appui contre les menaces de la France ; mais l'horreur du nom chrétien est si grande chez les musulmans qu'il vit même les victimes de sa tyrannie défendre avec acharnement son drapeau. »

            La prise de Constantine, qui eut lieu en 1837, présenta des difficultés énormes, que nous ne pûmes vaincre qu'au prix de grands sacrifices.
            Le maréchal Clauzel partit de Bône avec son armée le 8 novembre 1836 et arriva sous les murs de Constantine le 21. La première et la deuxième brigade, sous le commandement du général de Rigny, se portèrent sur le Koudiat-Aty, à l'ouest ; le reste de l'armée s'établit à Mansoura, à l'est.
            Voici comment M. Léon Galibert raconte ce premier siège de Constantine : « Il s'offrait donc deux points d'attaque : l'un par Koudiat-Aty, dominant une porte à laquelle on arrive de plain-pied ; l'autre par Mansourah, prenant la place par le bas et dominé par les assiégés. Évidemment, le premier était préférable ; aussi, dès que les troupes furent réunies à Mansourah, le maréchal envoya la brigade de Rigny pour s'en emparer ; mais le terrain était si mauvais et le passage de l'Oued-Rummel si difficile, qu'il fut impossible d'y transporter les pièces de 8 ; le général se trouva donc réduit à ses obusiers de montagne, arme trop faible pour battre des remparts. Son avant-garde fut d'abord repoussée par une masse d'Arabes qui gardaient le plateau ; mais vivement abordés à la baïonnette par les chasseurs d'Afrique, ils cédèrent le terrain et rentrèrent en ville.

            « Dans la journée du 22, le maréchal fit canonner la porte d'El-Kantara à une distance de 400 mètres. N'ayant plus de vivres et que très peu de munitions, il songeait plutôt à un coup de main qu'à une attaque régulière, et, après avoir endommagé la porte à coups de canon, il espérait se la faire ouvrir entièrement dans la nuit par les troupes du génie. Le soir, la galerie crénelée et les pieds-droits étant à peu près détruits, le capitaine Hackett, suivi de quelques hommes d'élite, se glisse à la faveur des ténèbres, jusqu'au milieu des ouvrages attaqués, où il essuie une décharge meurtrière. La porte était à demi abattue ; mais, plus en arrière, il s'en trouvait une seconde complètement intacte, et qu'il s'agissait d'enfoncer au moyen du pétard. Cette opération, qui exigeait quelques préparatifs, fut remise au lendemain.

            « Le 23, les batteries de Mansourah commencèrent leur feu contre la porte d'El-Kantara; mais, vers le milieu de la journée, on dut le suspendre pour répondre à une attaque que les Arabes campés hors de la ville dirigèrent, simultanément sur Koudiat-Aty et Mansourah : des charges brillantes de cavalerie et le tir à ricochet de nos obusiers dispersèrent, sans trop de peine, ces hordes tumultueuses. Le soir, les munitions de l'artillerie étant presque épuisées, le génie s'apprêta à faire sauter les deux portes. Les sapeurs, à qui cette opération était confiée, s'avancent intrépidement sur le pont ; mais un rayon de lune les signale à l'ennemi, et ils sont reçus par un feu de mousqueterie à bout portant qui en renverse quelques-uns. Le général Trézel, chargé de les soutenir avec des détachements des 59° et 63° de ligne, s'avance alors ; lui aussi est accueilli par une vigoureuse fusillade. Entassés dans cet étroit passage, nos soldats reçoivent, sans en perdre une seule, toutes les balles de l'ennemi ; le général lui-même tombe grièvement blessé, et le désordre se répand parmi eux : on ne retrouve plus les mineurs chargés des fougasses ; ceux qui portaient les divers instruments de sape manquent aussi, tant le feu des remparts est meurtrier. Au milieu de ce pèle-mêle d'hommes appartenant à deux armes différentes règne une hésitation d'autant plus douloureuse que la blessure du général Trézel l'a contraint à se retirer. Le colonel Hecquet du 63° lui succède, et, reconnaissant l'impossibilité de donner suite à l'attaque, fait rebrousser chemin.

            Afin de partager l’attention de l’ennemi, le Maréchal avait ordonné une contre attaque sur Koudiat-Aty ; là, il s'agissait également d'enfoncer une des portes qui débouchent vers le plateau, et le lieutenant-colonel Duvivier fut chargé de conduire cette opération
            « De même qu'à Mansourah, les mineurs qui portent les fougasses tombent sous les balles de l'ennemi, et couvrent les sacs de poudre avec leurs cadavres. Le bataillon d'Afrique, qui devait les protéger, s'avance à leur secours avec une si grande hâte qu'il augmente l'encombrement.
            On cherche à enfoncer la porte à coups d'obusier, puis avec la hache, jusqu'à ce que, enfin, voyant qu'il perd inutilement beaucoup de monde, M. Duvivier ordonne la retraite. Le capitaine Grand, de l'arme du génie, et le commandant Richepanse, fils de l'illustre général républicain de ce nom, qui faisait la campagne en qualité de volontaire, y perdirent la vie.

            « Les deux attaques ayant échoué, les vivres manquant tout à fait et les munitions de l'artillerie étant réduites à 15 kilogrammes de poudre, le maréchal se résigna à ordonner la retraite. « Quatre heures « de plus devant la ville ennemie, ont dit quelques officiers dévoués au comte Clauzel, et il y entrait en maître, car les habitants organisaient la députation qui allait lui en apporter les clefs ! Quatre heures de plus, et, pour la centième fois de sa vie, il était proclamé un grand « capitaine ! » Quoi qu'il en soit, le mouvement rétrograde commença avec une déplorable précipitation ; le matériel qu'on ne put emporter fut détruit, on précipita dans les ravins les tentes, les bagages, les caissons d'artillerie, et, chose affreuse à dire, on abandonna même les prolonges chargées de blessés ! La brigade de Rigny reçut d'abord l'ordre de revenir sur le plateau de Mansourah ; le général y arriva le premier avec les chasseurs d'Afrique. Malheureusement, on avait oublié plusieurs petits postes sur le Koudiat-Aty ; quelques traînards y étaient aussi restés ; le commandant Changarnier, du 2° léger, revint sur ses pas pour les dégager et les arracher à une mort certaine : c'est ainsi que ce brave officier inaugurait une journée qui devait être si glorieuse pour lui.

            « Enfin, à huit heures, le signal du départ général était donné : les spahis éclairent la marche ; le 17° léger vient après, et le convoi, flanqué des 59° et 62°, reprend en ordre le chemin que l'on avait déjà suivi, pendant que le 63°, en colonne serrée, contient l'ennemi qui sort en foule par la porte d'El-Kantara. Enfin, l'armée s'avance lentement au milieu du feu roulant des soldats d'Ahmet, qu'elle maintient par ses tirailleurs, et qui fuient dès qu'un bataillon leur fait face.
            « Dans un de ces moments où elle se trouvait pressée par un ennemi implacable, supérieur en nombre, exalté par sa victoire, la bravoure et le sang-froid du chef de bataillon Changarnier la tirèrent d'affaire. Arrivé à Mansourah à l'instant où le 63° se mettait en marche, le 2° léger, réduit à un peu moins de trois cents hommes, se trouvait former l'extrême arrière-garde et porter à lui seul la responsabilité des prolonges encombrées de blessés. Devant une si faible poignée d'hommes, les Arabes se décident à charger à fond, et la ligne de tirailleurs est enfoncée, en partie sabrée. Mais le commandant Changarnier a deviné leur intention ; il rallie sa troupe au pas de course, fait former le carré, et attend de pied ferme. « Ils sont six mille, dit-il, et vous êtes trois « cents, la partie est donc égale. Regardez-les en face, et visez juste! »
            « Les soldats ont entendu la voix de leur chef ; ils laissent arriver ces bandes sanguinaires jusqu'à portée de pistolet et les accueillent par un feu de deux rangs des plus meurtriers. Renonçant à l'espoir d'enfoncer cette troupe héroïque, elles reprirent leur système d'escarmouches, toujours tenues à distance par le bataillon Changarnier, le 63° de ligne et quelques escadrons de chasseurs. »

            Il était impossible que la France restât sous le coup d'un pareil échec, et, l'année suivante, le général Damrémont reçut l'ordre de marcher de nouveau sur Constantine.
            Le corps expéditionnaire, composé de dix mille hommes, était divisé en quatre brigades, commandées par le duc de Nemours, le général Trézel, le général Rulhières et le colonel Combes. Le général Vallée commandait l'artillerie, et le général Rohault de Fleury, le génie.
            L'armée arriva devant Constantine, le 6 octobre, et le 12, tout étant disposé pour l'attaque, le général Damrémont envoya faire les sommations d'usage.
            L'émissaire chargé de cette mission revint avec une réponse qui repoussait en termes outrageants des propositions dictées par l'humanité. « II y a à Constantine, y était-il dit, beaucoup de munitions de guerre et de bouche. Si les Français en manquent, nous leur en enverrons. Nous ne savons ce que c'est qu'une brèche ni une capitulation; nous défendrons à outrance notre ville et nos maisons. Vous ne serez maîtres de Constantine qu'après avoir égorgé jusqu'au dernier de ses défenseurs. »

            Le général Damrémont se rendit alors pour examiner la brèche, qu'un obusier, pointé la veille par le commandant Malichard, avait déterminée dans les murs de la ville. C'est alors qu'ayant mis pied à terre, un peu en arrière des ouvrages, le général en chef s'arrêta sur un terrain trop découvert et fut renversé sans vie par un boulet parti de la place. Le général Perrégaux, qui s'était porté à son secours, fut tué à ses côtés par une balle qui le frappa au-dessous du front.
            Le général Vallée prit alors la commandement des troupes, et le lendemain 13 il ordonnait l'attaque. « Deux heures avant le jour, les première et deuxième colonnes d'attaque furent placées dans la place d'armes et le ravin y attenant ; la troisième se trouvait derrière le Bardo, grand bâtiment en ruines sur les bords de la rivière.

            A sept heures, toutes les dispositions étaient prises, et le colonel Lamoricière, à la tête de ses zouaves, attendait avec impatience le signal de l'assaut; le duc de Nemours le lui donna. Stimulés par la voix de leur chef, ces braves se précipitent aussitôt sur la brèche, à travers une prèle de balles, et, renversant tous les obstacles, ils couronnent les remparts de leurs baïonnettes, au-dessus desquelles flotte le drapeau tricolore, soutenu par le capitaine Garderens. De vives acclamations saluent ce premier succès.
            Dans le trajet plusieurs zouaves tombent mortellement atteints; mais le nombre de ceux qui arrivent au sommet des murailles est plus que suffisant pour comprimer les efforts des assiégés. Cherchant partout un passage pour pénétrer dans la ville, ils en rencontrent partout que des obstacles ou des entrées sans issue, et partout un feu meurtrier de mousqueterie. Alors un combat acharné, terrible, s'engage de maison en maison. En faisant brèche, le canon avait créé un terrain factice composé de terres remuées et de décombres, qui, se superposant au sol primitif, avait fermé les passages, obstrué les portes, défiguré entièrement les localités : on escarmouchait sur les toits ; on tiraillait aux croisées ; on chargeait à la baïonnette dans les boutiques et les allées. Après avoir sondé plusieurs couloirs qui paraissaient des entrées de rues, mais qui n'aboutissaient nulle part, on en rencontra un qui, s'élargissant à distance, semblait promettre un débouché ; les zouaves s'y précipitent. Il serait impossible de dire avec détail les attaques partielles, les luttes, les assauts qu'il fallut livrer et soutenir avant de pénétrer dans la ville ; les lignes tortueuses des rues, la construction des maisons, le caractère opiniâtre des Arabes, n'en donnent qu'une idée imparfaite.

            Cependant, à mesure que la première colonne gagnait du terrain, le général en chef, qui se tenait à la batterie de brèche avec le duc de Nemours, lançait de nouvelles troupes prises dans les deux autres colonnes.
            Ces troupes n'arrivaient que par détachements de deux compagnies : disposition sage et prudente qui prévint l'encombrement et qui rendit moins considérable le chiffre des morts et des blessés. Cependant, un grand nombre de ces braves et parmi eux beaucoup d'officiers, furent mortellement frappés. La chute d'un mur en écrasa quelques-uns, entre autres le commandant Serigny, du 2ème léger. Ils eurent à souffrir d'une explosion terrible, que l'on crut d'abord être l'effet d'une mine creusée par les assiégés, mais qui provenait de l'incendie d'un magasin à poudre. Le colonel Lamoricière se trouva parmi ceux qu'elle mit hors de combat.

            Cet habile et intrépide officier était horriblement brûlé ; on craignait même pour sa vie, ou du moins pour sa vue, mais heureusement il conserva l'une et l'autre. Le colonel Combes, qui l'avait suivi de près sur la brèche, fut moins heureux ; il reçut deux blessures mortelles, au moment où un mouvement qu'il dirigeait livrait l'intérieur de la ville à nos troupes. Il eut pourtant encore la force de s'assurer du succès, et vint en rendre compte au duc de Nemours, avec un calme stoïque : « Heureux, dit-il en terminant, ceux qui ne sont pas blessés mortellement ; ils jouiront du triomphe ! » Après ces dernières paroles, il chancelle et s'affaisse ; on s'aperçut alors qu'une balle lui avait traversé la poitrine ; le surlendemain, il n'était plus! Ceux qui l'ont vu dans ce moment suprême ne parlent encore qu'avec un religieux enthousiasme de son admirable sang-froid.

            Privées de leurs chefs, les troupes montraient quelque hésitation. Le colonel Corbin, du 17ème, commandant la troisième colonne, arriva à temps pour relever leur courage et diriger leurs efforts. Il les répandit à droite et à gauche, en ordonnant à chaque détachement d'opérer un mouvement concentrique vers le cœur de la place. Bientôt, les zouaves rencontrèrent les premiers une des grandes voies de communication, la vraie route stratégique à travers ce dédale de rues et d'impasses. Dès ce moment, la défense devint timide et incertaine. Quelques grands édifices, des magasins publics, opposèrent pourtant encore une opiniâtre résistance. Dès que les colonnes d'attaque eurent pénétré assez avant pour être maîtresses de la ville, le général Rulhières en prit le commandement supérieur. On se battait encore, il est vrai, mais les autorités faisaient leur soumission, et imploraient la clémence du vainqueur. Le général fit cesser le feu et se dirigea sur la Kasbah, où il entra sans difficulté.

            Pendant l'assaut, une partie de la population avait tenté de fuir par les côtés de la ville non exposés à nos coups; mais un grand nombre de ces malheureux se brisèrent sur les rochers escarpés qui ceignent Constantine, et d'où ils ne pouvaient descendre qu'au moyen de longues cordes que leur poids faisait rompre.

            Nos soldats furent saisis d'horreur et de compassion lorsque, plongeant leurs regards dans le fond de l'abîme, ils virent cette multitude d'hommes, de femmes et d'enfants écrasés, mutilés, entassés les uns sur les autres, et se débattant encore dans les angoisses d'une douloureuse agonie. Ben-Aïssa, le lieutenant du bey, fut du petit nombre de ceux qui parvinrent à s'échapper ; le Kaîd-el-Dar (intendant du palais), blessé la veille, était mort pendant l'assaut. Un des cadis avait suivi le bey ; l'autre, quoique blessé, s'était enfui dès qu'il avait été en état de supporter la fatigue. Il ne restait dans Constantine, à l'exception du cheik El-Belad, aucune des autorités principales. Ce vieillard vénérable, affaibli par l'âge, n'avait pas assez d'énergie pour faire face à toutes les nécessités de la situation. Heureusement, son fils se chargea d'organiser une espèce de pouvoir, une municipalité composée d'hommes dévoués, à l'aide desquels on parvint à connaître et à classer les ressources que la ville offrait, ainsi qu'à faire rentrer la contribution de guerre imposée aux habitants pour subvenir aux besoins de l'armée.

            Quelques jours après notre installation à Constantine, on vit arriver, non sans quelque surprise, le 12ème régiment de ligne, ayant le duc de Joinville à sa tête. Le jeune; prince, monté sur l'Hercule, avait fait relâche à Bône, le 4 octobre. Instruit de l'ouverture de la campagne, il voulut courir les mêmes périls que son frère ; mais il dut différer son départ jusqu'à la quarantaine prescrite. Cette arrivée soudaine jeta une espèce de panique dans l'armée : le régiment traînait à sa suite un grand nombre de fiévreux, et, comme durant la traversée de France en Afrique, plusieurs de ses hommes avaient été atteints du choléra, on prétendit qu'il apportait avec lui ce fatal fléau. En effet, soit qu'il fût réellement atteint, soit que la peur eût contribué au développement de la maladie, la mortalité devint très grande dans les hôpitaux ; les décès s'y succédaient avec une effrayante rapidité, non seulement chez les soldats, mais encore chez les officiers ; un général, le marquis de Caraman, succomba même de cette affection.
            Pour arrêter le progrès de l'épidémie, le général Vallée résolut d'évacuer Constantine; l'approche de la mauvaise saison lui en faisait d'ailleurs un devoir rigoureux. Plusieurs colonnes partirent donc de cette place à différents intervalles et il ne resta bientôt plus que deux mille cinq cents hommes sous les ordres du général Bernelle, casernés dans la Kasba et chargés de défendre la ville en cas d'attaque.

LES ENVIRONS DE CONSTANTINE

            Constantine est entourée de promenades ravissantes, parmi lesquelles il faut tout d'abord citer : les deux collines de Mansourah et de Koudiat-Aty ; sur la première, on a établi un fort et des casernes. Ces deux endroits sont maintenant des faubourgs de Constantine, peuplés d'aubergistes, de forgerons, de charrons, etc., etc.
            Au sud-est de Koudiat-Aty se trouvent les cimetières français et arabe.
            A droite de la route de Sétif, au point de rencontre des rues Saint-Antoine et Rohault-de-Fleury, on voit la pyramide élevée en l'honneur du général Damrémont, sur la face nord de laquelle on lit :
            Ici fut tué par un boulet en visitant la batterie de brèche le 12 octobre 1837, veille de la prise de Constantine, le lieutenant général Denys, comte de Damrémont, gouverneur général, commandant en chef l'armée française expéditionnaire.

            Du côté de l'abattoir où l'on arrive en sortant par la porte Vallée et après avoir descendu un chemin rapide bordé de fondouks (hôtelleries arabes), de maréchaux-ferrants, de teinturiers, de marchands de fritures, etc., on peut voir le Bardo, ancien quartier de cavalerie turque.
            C'est au-delà de ce point qu'est situé l'aqueduc romain, qui fut construit sous Justinien et dont il ne reste plus que cinq arcades dont la plus élevée à encore environ 20 mètres de hauteur.
            Une source thermale, où les indigènes vont prendre des bains, se trouve de l'autre côté du Pont du Diable ; ce pont, d'une seule arche, construit en bas de la pointe de Sidi-Racket qui forme l'extrémité sud du rocher de Constantine, traverse la rivière à l'endroit où elle commence à s'engouffrer dans le ravin.
            La gare de Constantine se trouve dans la plaine qui sépare Mansourah du ravin ; lors de sa construction, on a trouvé de nombreuses pierres de taille ainsi que des quantités de corniches, chapiteaux, colonnes, etc., etc., qui prouvent que des monuments devaient exister là à une certaine époque.
            Les cascades du Rummel, encadrées par des rochers hauts de 200 à 300 mètres, sont superbes ; on y arrive en prenant le sentier qui se trouve entre la ville et la route de Philippeville et qui est entouré d'une quantité de masures et de gourbis où loge une population en loques.

            Lorsque le Rummel est à sec, ce qui arrive quelquefois, on peut alors s'avancer jusqu'à la première arche naturelle qui existe entre la kasba et Sidi-Meçid, et, en prenant le pont en bois qui est construit entre cette arche et la cascade, gravir un petit sentier taillé dans le roc, à quelques centaines de mètres duquel on aperçoit l'établissement thermal de Sidi-Meçid. C'est à cet endroit, fort bien aménagé d'ailleurs, que les habitants vont se baigner le matin ; c'est un charmant but de promenade où l'on trouve non seulement l'utile, mais aussi l'agréable, puisque, après le bain, on peut aussi s'y réconforter par un excellent déjeuner.
            C'est sur la hauteur de Meçid d'où l'on a une vue superbe, que se réunissent de préférence les fameux corbeaux, émouchets et vautours, qui sont en si grand nombre aux environs de Constantine ; leur présence '' est une nécessité et un bien pour cette région, puisqu'à l'instar des chacals qui généralement se chargent de ce travail en Algérie, ils font disparaître toutes les charognes que les indigènes précipitent dans la rivière.

LE HAMMA

            Le Hamma, village d'une certaine importance, qui compte environ 4,800 habitants, est situé dans une région d'une fertilité merveilleuse. De nombreuses sources arrosent toute la campagne, et les jardins, entretenus avec soin, possèdent des arbres de toute nature; les plantes exotiques s'y trouvent mélangées à celles d'Europe et le palmier du Sud s'y trouve côte à côte avec le peuplier.
            Dans les environs du Hamma, d'importantes prairies sont réservées pour l'élevage du bétail, et les terrains non irrigables sont ensemencés et produisent l'orge, le blé et le sorgho, ou bien alors sont plantés de vigne.
            De Constantine on vient à ce village soit par le chemin de fer (7 kilomètres), soit par la route (13 kilomètres) qui est ravissante à parcourir.

KRENEG ET OUDJEL

            Kreneg (la gorge) est située à 24 kilomètres de Constantine ; on peut s'y rendre en voiture en passant par le village du Pont-d'Aumale, le hameau de Salah-Bey et l'Oued Beyrat, affluent du Rummel.
            M. Charbonneau nous raconte ainsi l'histoire de Salah-Bey : « Vers la fin du dernier siècle, il n'y avait autour de la ville romaine qu'un champ de fèves et de mais. Salah﷓Bey eut la fantaisie d'en faire une demeure princière. Alors il était loin de prévoir que sa destinée le condamnerait un jour à fonder, près de là, une chapelle expiatoire.

            Tandis que Salah-Bey gouvernait la province, un marabout influent et vénéré, Si-Mohammed, dirigeait contre son autorité une opposition acharnée ; Salah-Bey surveilla ses démarches, le fit prendre et le condamna à mort ; le chaouch fit son devoir et la tâte de Sidi-Mohammed roula sur le sol ensanglanté. — En ce moment, le corps du marabout se transforma en corbeau, et l'oiseau, après avoir poussé des croassements lamentables, s'élança à tire d'aile vers cette maison de plaisance, il y jeta une malédiction, puis il disparut. -- Averti de ce miracle, le bey, pour calmer les mânes de sa victime, fit élever sur l'emplacement où le corbeau s'était abattu l'élégant mausolée à coupole blanche que l'on désigne sous le nom de Sidi-Mohammed-el-R'orab, Monseigneur Mohammed-le-Corbeau.
            C'est cette zaouia que l'on aperçoit sur le mamelon situé au nord-ouest en face de Constantine, au milieu d'une petite oasis.

            Kreneg est le but d'une des plus intéressantes excursions des environs ; les ruines de l'ancienne Tiddi, petite ville qui était entourée d'escarpements infranchissables, se voient encore, et l'on se sert même encore aujourd'hui de la voie romaine qui la traversait.
            A côté de Kreneg se trouve le ravin de l'oued Smendou, site remarquable. De l'oued Begrat, c'est-à-dire à 10 kilomètres avant d'arriver à Kreneg, on trouve le chemin (non carrossable) qui conduit à Oudjel, petite colonie où sont encore des ruines romaines.

            A cet endroit, le colonel Le Neveu a découvert une inscription, dédicace à Caracalla, 15e année de son règne, z t 2 de J.-C. par les Uzelitains.
            Plusieurs épitaphes couvrent aussi la surface d'un rocher situé à environ 500 mètres de là.

LES CHETTABA
ET LES NOUVEAUX VILLAGES

            Pour se rendre au Djebel-Chettabâ qui fait partie des monts de Constantine et qui fut habité par une importante colonie romaine, on peut prendre la diligence qui conduit de Constantine à Sétif en passant par Aïn-Smara où l'on descend.
            R'ar-el-Zemma (la grotte des inscriptions) n'est distante d'Aïn-Smara que de 2 kilomètres ; on y arrive en traversant une série de ruines. A cet endroit, près de l'entrée de la grotte, le panorama est très étendu, et l'on jouit d'un magnifique coup d'œil.
            Ain-Kerma (la fontaine du figuier) se trouve à 8 kilomètres plus loin ; on s'y rend en doublant la pointe sud du Chettabâ.
            En suivant la route romaine, au sud-est du Chettabâ et en prenant comme point de départ R'ar-ez-Zemma, on rencontre, à 6 kilomètres de là, Arsacal, qui, au quatrième siècle, fut le siège d'un évêché.
            El-Goulia, qui fut probablement une forteresse, devait être aussi, d'après les ruines retrouvées, entourée d'un grand nombre de constructions ; on y arrive en suivant toujours la route qui conduit à l'Arsacal et qui s'arrête au pied du mamelon sur lequel s'élèvent ces ruines.
            MM. Creuly et Cherbonneau ont découvert dans ce dernier endroit une inscription indiquant le nom précis de la ville : le chetteau d'Arsacal.
            En quittant Constantine par la route de Mila, on arrive aux nouveaux villages bâtis au nord et à l'ouest du Chettabâ après avoir pris le chemin carrossable qui se trouvé â gauche, au 17e kilomètre.
            Rouffach, Belfort, Altkirch, Ribeauville, Eguishelin et Obernai sont habités par des colons alsaciens-lorrains ; ils ont été construits sur l'emplacement d'anciens villages arabes, et, grâce à la fertilité des terrains environnants, se sont développés rapidement.

AÏN-EL-BEY

            Ain-el-Bey, dont l'ancien caravansérail a été transformé en pénitencier pour les indigènes, s'élève, d'après Ies recherches qui ont été faites, sur l'ancien emplacement de Sadar, première étape de la voie romaine de Cirta (Constantine) à Lambèze.
            On y arrive en suivant cette route montueuse qui, avant la construction du chemin de fer, conduisait de Constantine à Batna. Après avoir dépassé le Polygone, on aperçoit sur la gauche le séminaire, puis on arrive à Fedj-Allah-ou-Akbar, d'où l'on domine toute la capitale.
            Alors que Ain-el-Bey s'appelait Sadar, cet endroit, ainsi que Kreneg et le Chettabâ, avait la réputation d'avoir les habitants les plus âgés de la région ; en effet, Tiddi (Kreneg) en comptait plusieurs, au nombre desquels Ælius, mort à cent cinq ans. Sadar, de son côté, a eu Sextus Arius, mort à cent quinze ans, C. Secondimus, â cent vingt ans et Quintus Comines à cent vingt-six ans. Une femme, Lucia Marula, a encore dépassé cet âge et est morte à cent trente-deux ans !

SIDI-MABROUK ET L'HIPPODROME

            Le chemin de fer de Constantine à Sétif conduit à Sidi-Mabrouk et à l'Hippodrome. Le premier de ces deux endroits est situé sur les pentes de Mansourah, et la cavalerie, la remonte et le haras de Constantine y sont installés.
            De nombreuses habitations entourées de jardins y sont aussi groupées près des principaux bâtiments.
            L'Hippodrome est à un kilomètre plus loin. Cet emplacement, réservé pour les courses, est bien choisi et très fréquenté à l'époque de ces fêtes. Ainsi que dans toutes les villes de la colonie qui s'occupent de sport, les indigènes luttent avec les Européens et présentent ainsi un très curieux spectacle.


            
A SUIVRE


Paul Leroy crée la Société des Orientalistes Français
Pieds-Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N°207 - Septembre 2012


                  
               Il naît à Paris en 1860. Il débute sa formation d'artiste à I'Ecole des beaux-arts d'Odessa (alors en Russie).
               En 1877, il part pour Paris et entre à l'Ecole des beaux-arts de Paris dans l'atelier d'Alexandre
               En 1881 à 1939, il expose au Salon des artistes français, il obtient une bourse de voyage lui permettant de parcourir l'Italie.

               En 1884, il obtient le second « Premier grand prix de Rome ».

               Il parle parfaitement I'arabe, a étudié les langues orientales, est passionné d'art islamique.

                 Il voyage beaucoup, en Égypte, en Tunisie, en Perse, en Turquie et sept fois en Algérie :
               Le premier de ses nombreux voyages en Algérie a lieu en 1885, en compagnie de Georges Landelle. Ils séjournent à Alger puis se rendent à Biskra, à Constantine et à El-Kantara. Leroy retourne passer ses hivers à Biskra en 1887, 1889, 1891 et 1892.
               Paul Leroy devient un grand collectionneur d'objets arabes et berbères, il s'inspire de ses croquis et études réalisés au Maghreb, très attiré par la lumière orientale, il traite ses paysages dans une esthétique proche de I'impressionnisme.
               Le goût de l'Orient l'a incité à peindre des sujets religieux comme Les Aveugles de Jéricho.

               En 1893, il fonde la Société des orientalistes français, qui a pour but de favoriser les études artistiques conçues sous I'inspiration des pays et civilisations d'Orient et d'Extrême-Orient, avec son ami Etienne Dinet.
               Pour la première exposition de 19 Société il présente Les lauriers roses dans l'oued d'El-Kantara.
               Leroy peint avec une certaine spontanéité des scènes de la vie du Sud ou de la Casbah d'Alger, mais également des oeuvres de salon d'une grande précision décorative.

               Le musée du Luxembourg acquiert en 1889 Tisseuse sous la tente (Biskra) et Oasis El-Kantara, celui des Colonies achète en 1946 dans la Siguia.
               Au musée des Beaux-Arts de Rouen : Une rue de la Kasbah. Le musée des Beaux-Arts de Dijon conserve Mosquée à Alger, celui de Nemours L'Aveugle de l'oasis d'El Bordj
               En 1900, il reçoit la médaille d'argent à I'Exposition universelle de Paris pour le Portrait de Mme Delafon.
               En 1931, il participe à l'Exposition coloniale de Vincennes.
               En 1941, il réalise sa dernière toile Intérieur de mosquée à Constantinople-qui fait partie du musée Rolin d'Autun (acquise en 1974).
               Il décède à Paris en 1942.
               "Sa fille Sacha deviendra après lui une peintre de renommée.
    


Mgr Toulotte
Publié le 28 juin 2021 — dans Réflexions & Histoire
Par CLAUDE TIMMERMAN



         Anatole Toulotte, successeur du cardinal Lavigerie au vicariat général du Sahara-Soudan, restaurateur de la communauté de Sainte-Marie de Jérusalem, explorateur et historien transsaharien est né en France dans le village de Lisbourg, diocèse d’Arras, le 7 janvier 1852. Son père était bourrelier. La famille plutôt pauvre comptera neuf enfants, sept garçons et deux filles : Anatole est l’aîné. (Les curés de village prenaient alors systématiquement en charge les enfants qui méritaient d’être encouragés et suivis : le petit Anatole est envoyé à l’école paroissiale.)

          En octobre 1865 Anatole quitte son village pour le collège de Sainte-Austreberthe, à Montreuil-sur-Mer, où il passera six années.
          À la fin du collège, en 1871, Toulotte entre au grand séminaire d’Arras. A cette époque où venait d’être fondée la Société des Missionnaires d’Afrique, quelques “pères blancs” visitaient les séminaires de France pour susciter des vocations missionnaires.
          Le père Charmetant, un des tous premiers compagnons de Lavigerie, passa ainsi dans le diocèse d’Arras et parla de la mission aux séminaristes.
          Anatole Toulotte et son camarade Léonce Bridoux sont volontaires pour cette aventure et, avec autorisation de leur évêque, partent en Algérie – où ils poursuivent ensemble leur scolarité de séminariste. Ils reçoivent alors les ordres mineurs à N.-D. d’Afrique et intègre le scolasticat, installé depuis quelques mois dans des locaux attenants. Toulotte, au-delà des matières théologiques et religieuses se passionne pour l’étude de l’arabe.
          En septembre 1874 il est nommé professeur d’arabe au noviciat de Maison-Carrée. Il est finalement ordonné sous-diacre, diacre et prêtre en octobre 1874, en même temps que son compagnon Léonce Bridoux.

          En 1875, au Chapitre Général qui se réunit à N.-D. d’Afrique, le père Toulotte est élu membre du Conseil Général de la Société.
          À cette époque, la Société des Missionnaires d’Afrique, vieille seulement de quelques années, avait un effectif total de 56 missionnaires. Un nouveau chapitre est convoqué par Mgr Lavigerie afin de pouvoir attribuer des fonctions cumulées compte tenu du faible effectif de la société missionnaire et d’en réorganiser ses structures. Toulotte, présent à cette assemblée comme représentant de Maison-Carrée, est élu assistant général dès le premier tour de scrutin, le 18 octobre 1875 ; il n’est âgé alors que de 23 ans !

          En 1876, trois Missionnaires d’Afrique, les pères Ménoret, Paulmier et Bouchand, sont massacrés au Sahara lors d’une expédition en direction de la boucle du Niger et de Tombouctou.


          Le père Anatole Toulotte écrit alors à Mgr Lavigerie pour lui proposer de prendre la relève des disparus en organisant une nouvelle expédition vers le sud. À défaut d’être investi d’une mission vers Tombouctou comme il le souhaitait, Toulotte est nommé en juillet 1877 au poste de Metlili, situé à une quarantaine de kilomètres au sud de Ghardaïa, poste fondé en décembre 1874 dans l’optique du grand projet apostolique de pénétration du Sahara qui habite Mgr Lavigerie depuis son arrivée à Alger.

          L’hostilité, de la population de la région ne facilite pas l’insertion des missionnaires. Leur inexpérience, ajoute à ces difficultés et le poste de Metlili sera à nouveau fermé en février 1878.
          Le cardinal Lavigerie recevant de nouvelles consignes pour l’évangélisation de l’Afrique Centrale et la restauration hiérarchique de la présence catholique romaine à Jérusalem, doit y envoyer certains de ses pères…

          Après la guerre de Crimée qui opposa la Russie à l’Empire ottoman en 1854-1855, la France, qui avait soutenu l’empire turc contre le tsar, reçut du gouvernement turc l’année suivante, en signe de gratitude, la propriété du sanctuaire chrétien de Sainte-Anne, dans la vieille ville de Jérusalem. L’église et les bâtiments attenants étaient dans un état lamentable, mais faute de véritable décision politique ou de crédits les travaux de restauration ne se firent qu’au compte-gouttes et durèrent près de vingt années. Le gouvernement français décida alors de confier la garde de ce sanctuaire à une congrégation religieuse et divers contacts sont pris en ce sens.

          Or l’intérêt de Mgr Lavigerie pour cette région ne s’était jamais démenti, au point qu’il avait laissé entendre, en 1873, qu’il accepterait éventuellement la charge du patriarcat latin de Jérusalem, alors vacante, mais Rome en décida autrement.
          Lorsqu’il eut connaissance des intentions du gouvernement français où il comptait de nombreux amis, Lavigerie présenta la candidature des Missionnaires d’Afrique. Sa personnalité, son expérience et les appuis qu’il reçut cette fois du Saint-Siège firent pencher la balance en sa faveur, et une convention fut signée avec le gouvernement français en mars 1874. Cet accord stipule qu’il serait fondé une École Supérieure d’études bibliques destinée au clergé de France, et que le père Toulotte en serait le supérieur. (Ce projet cependant ne correspondait ni à une demande réelle de l’épiscopat français ni aux intentions profondes de Lavigerie : il se transformera rapidement en la création d’une école apostolique, c’est-à-dire d’un petit séminaire, pour devenir finalement un séminaire pour le clergé catholique de rite oriental, en 1882.)

          Les débuts ne sont pas faciles. L’installation matérielle est des plus sommaires et les pères souffrent de fréquentes crises de fièvre. Pourtant le père Toulotte se met rapidement au travail. Il est déjà connu parmi ses confrères pour ses capacités linguistiques, en langues arabe et hébraïque notamment, et pour son intérêt pour l’archéologie. La direction d’une future École Biblique justifie qu’il se consacre à compléter ses connaissances en ces matières. Durant les deux années de son séjour à Jérusalem, il va révéler pleinement l’ampleur de ces dons intellectuels et son goût pour ce genre de travaux, mais aussi l’attirance qu’il ressent pour une vie quasi-érémitique des plus austères.

          Ce premier séjour en Terre Sainte prend fin de manière inattendue car en septembre 1880 le VIème Chapitre Général des Missionnaires d’Afrique, à Alger, où le père Toulotte y est à nouveau élu assistant général. Il quitte donc aussitôt Jérusalem pour rejoindre ses confrères à Alger. En dehors de ses fonctions d’assistant général il aura la responsabilité du noviciat. Il retourne donc à Maison Carrée. Il prépare là toute une expédition à destination de l’évangélisation de l’Afrique centrale et de Zanzibar.
          Mais Lavigerie, qui vient d’être fait cardinal, annule finalement cette mission et renvoie Toulotte à Jérusalem où la communauté de Sainte Anne manquait toujours cruellement de cadres mais le ministère paroissial convient peu à ses aspirations, et son austérité personnelle est assez mal perçue : il est clair qu’il n’est pas à l’aise dans ce ministère.
          Les aptitudes du père Toulotte pour la recherche historique s’étaient déjà manifestées à Jérusalem lors de son premier séjour, aussi le cardinal le rappelle auprès de lui en 1884 pour lui confier un grand projet qui va faire pleinement appel à ces capacités.

          Lavigerie, en effet, lui-même ancien professeur d’histoire à la Sorbonne, sait combien la connaissance du passé peut nourrir l’intelligence, élargir la compréhension de la foi et donner éventuellement des perspectives neuves pour mieux vivre le présent : il a décidé de mettre en chantier une vaste histoire de l’Afrique chrétienne, des origines aux temps actuels. Il participe avec une équipe de quatre pères, en plus de Toulotte aux travaux de recherche et de publication. Le travail de cette équipe aboutira à la rédaction d’une considérable Histoire de l’Église d’Afrique, en trois volumes manuscrits. La première rédaction est annotée et corrigée par le Cardinal lui-même, et une seconde rédaction notablement augmentée verra le jour à l’initiative du père Toulotte.

          Au cours de cette première période ou dans les années qui suivront d’autres travaux seront publiés par Toulotte, notamment une Géographie de l’Afrique chrétienne de plus de 1500 pages, un ouvrage sur les monuments anciens de l’Église d’Afrique, un autre sur les basiliques, etc.

          En février 1886 le Cardinal Lavigerie inaugure à Rome une petite résidence (procure) située à St- Nicolas des Lorrains. Il peut ainsi avoir auprès du Saint-Siège une représentation permanente pour sa Société de missionnaires, pour les affaires concernant les missions, et en même temps pour pouvoir loger les missionnaires envoyés à Rome pour y faire des études supérieures. L’équipe de fondation comprend trois prêtres, le père Burtin qui sera procureur du Cardinal et de la Société, le père Mesnage et le père Toulotte à qui Lavigerie demande précisément de poursuivre ses travaux dans les archives et les bibliothèques romaines.

          En 1890, le Cardinal prévoit une célébration à laquelle il entend donner une réelle solennité, la consécration de la basilique de Carthage. Pour lui cette église symbolise d’une certaine manière la renaissance de l’antique Église chrétienne d’Afrique du Nord, et pour marquer davantage cet événement il décide de réunir à cette occasion un Concile provincial de l’Église d’Afrique. Il écrit au père Toulotte: « D’après mon dessein ce Concile doit se diviser en deux parties : Résurrection, en les remettant au jour, de toutes les anciennes prescriptions canoniques des Conciles Africains. Pour cela, il faut les promulguer de nouveau…

          Mais ce qu’il faut, c’est de trouver exactement et complètement toutes les anciennes prescriptions dont le texte existe encore. Vous êtes bien préparé à cette œuvre par vos études antérieures, et voilà pourquoi je vous nomme, à cet effet, premier théologien du Concile, et vous charge, au nom de tous les Révérendissimes Pères, de préparer immédiatement ce travail, sans oublier les Spicilèges de Dom Pitra, dans lesquels vous pourrez trouver traduits en grec un grand nombre de ces anciens canons… » La lettre continue en expliquant que la seconde partie du travail conciliaire portera sur les enseignements pontificaux du pape Léon XIII alors régnant, dont il rappelle que c’est lui précisément qui a rétabli le siège épiscopal de Carthage : « Voilà du travail, mon cher enfant, mais voilà aussi une belle œuvre et qui pourra servir au rétablissement et à l’honneur de cette Église africaine dont nous sommes les fils. »
          Les fêtes de la consécration de la grande église de Carthage se déroulent avec toute la solennité que souhaitait le Cardinal, et le Concile provincial se réunit effectivement aussitôt après. Le père Toulotte se trouve assez logiquement chargé de la rédaction finale des Actes de ce Concile de Carthage, et le Cardinal Lavigerie, en octobre lui demande d’aller les présenter en son nom à Léon XIII, à Rome.

          Quelques jours avant de porte le fameux “toast d’Alger”, en novembre 1890, Lavigerie avait communiqué aux Missionnaires d’Afrique réunis en Chapitre Général la décision du Saint-Siège d’élever la délégation apostolique du Sahara–Soudan, dont il était administrateur au nom du Saint-Siège, au rang de Vicariat Apostolique. En même temps, invoquant sa mauvaise santé et ses multiples occupations, il informait les membres du Chapitre son intention de se décharger de cette responsabilité sur un missionnaire qui serait ainsi son coadjuteur et le futur vicaire apostolique pour ce nouveau vicariat. Le Chapitre Général était concerné car en acceptant cette proposition la Société s’engageait du même coup à assurer la mission dans ces régions. Le vote fut favorable à l’unanimité et quelques mois plus tard, le 4 juin 1891, Rome nommait effectivement un évêque coadjuteur : Anatole Toulotte. Le sacre épiscopal a lieu en juillet 1891 à Alger fait par le Cardinal Lavigerie en présence de nombreux évêques. Mgr Toulotte est ordonné évêque in partibus de Thagaste, ville natale de saint Augustin, ce qui est hautement significatif, quand on sait qu’il est son Père de l’Eglise préféré.

          Peu après, Mgr Toulotte partit pour Biskra (devenue entre-temps partie du diocèse de Constantine). Après un séjour de quelques mois dans ce poste, il va s’établir à Ghardaïa dont il fera le siège de son vicariat apostolique. C’est là que, trois jours après son arrivée, il apprend la mort du Cardinal Lavigerie, le 26 novembre 1892. Toulotte se trouve désormais non plus coadjuteur mais pleinement titulaire du vicariat du Sahara-Soudan, immense par ses dimensions géographiques, où la mission est de taille très modeste quant à ses implantations.
          Les premiers missionnaires étaient arrivés au Sahara dès les années 70 : Laghouat est fondée en 1872, Metlili en 1874, Ouargla l’année suivante, puis Rhadamès en 1878 et Tripoli en 1879.

          Biskra, où des missionnaires sont présents dès 1873, accueille souvent le Cardinal au cours des dernières années de sa vie : sa santé en effet se dégrade de plus en plus et le climat de cette oasis du sud lui fait du bien. Avec la nomination de Mgr Toulotte, le Sahara retrouve son statut de territoire ecclésiastique autonome uni au Soudan, alors que le Chapitre Généra de 1886 l’avait rattaché à la province de Kabylie. En 1895, Mgr Toulotte participera à la création de l’hôpital Sainte-Marie-Madeleine de Ghardaïa.
          Autre projet élaboré par le Cardinal quelques années plus tard, dans le cadre de son importante campagne anti-esclavagiste : la création de milices armées destinées à combattre les trafiquants dans les régions où les missionnaires étaient établis. Le Conseil Général des Missionnaires d’Afrique se montra plutôt réservé vis-à-vis de ce projet, mais Lavigerie insista et lorsqu’il le fait connaître publiquement, en France, des candidats assez nombreux se présentent. Le Cardinal organise alors un centre de formation pour ces futurs auxiliaires à Biskra, dans le sud algérien où il résidait lui-même de plus en plus souvent. Les futurs auxiliaires devront y recevoir une formation militaire mais aussi religieuse, et leur engagement devra se situer clairement dans une perspective missionnaire. Lavigerie confie la direction de ce centre au Père Hacquard et les premiers candidats arrivent en janvier 1891 : ainsi commence l’œuvre des Frères Armés du Sahara.



          L’existence des Frères armés (portant la croix pattée rouge sur la vareuse et sur le casque dit colonial) devait finalement être très courte. À la conférence de Berlin, les puissances européennes s’étaient quasiment partagé l’Afrique. Dès 1890, Lavigerie savait déjà que ses frères armés ne pourraient agir qu’en zone d’influence française. Mais même là, il y eut très vite des oppositions politiques. Et beaucoup s’imaginaient qu’il y avait à Biskra une troupe armée indépendante. Lavigerie avait parlé de 1700 candidats. Ils ne furent qu’une quarantaine – dont seulement 22 frères recrutés en formation ! On comptait parmi eux d’anciens zouaves pontificaux qui avaient l’avantage de disposer d’une connaissance certaine du feu et du maniement des armes. En novembre 1892, juste avant sa mort, Lavigerie prit finalement la décision de dissoudre les Frères armés.
          Mgr Toulotte n’avait jamais adhéré à ce projet qui sera, parmi bien d’autres, un sujet de friction avec le père Hacquard était le supérieur de la mission de Ouargla quand Mgr Toulotte, vicaire apostolique du Sahara, était son supérieur immédiat. L’abbé Marin note : “Sans chercher à les opposer, en aucune façon, l’un à l’autre, il est permis de constater que le Père Hacquard et son supérieur immédiat, avec lequel il eut désormais de fréquents et nécessaires rapports, différèrent plus d’une fois dans leurs vues sur les plus utiles moyens de prosélytisme ou d’influence du missionnaire d’Afrique, en face des indigènes et des européens “.
          Les bonnes conditions dans lesquelles s’est déroulée l’installation des premiers missionnaires au Soudan ont amené Mgr Toulotte visiter lui-même l’immense partie méridionale de son vicariat où il monté plusieurs expéditions et qu’il a sillonné personnellement durant dix ans. Commencé en octobre 1896, son plus important voyage, au sud se terminera à Conakry en mai 1897 : son but est de visiter ses confrères missionnaires, d’apprécier leur action et de préparer la voie à de futures fondations et d’étudier les possibilités d’un accès à ces régions par Conakry et la Guinée : déjà une approche visionnaire du désenclavement du Sahel. L’intérêt particulier de cette longue visite pastorale vient de ce que tout au long de ces quelques 14.000 km de son périple Anatole Toulotte a tenu régulièrement et avec grand soin un journal de voyage qui, a fait l’objet d’une édition commentée publiée en 1995 par l’historien père blanc Joseph de Benoist connu pour la qualité de ses nombreuses études sur la présence des pères blancs et de l’Afrique Occidentale Française.
          Cet ensemble de voyages constitue un témoignage unique sur la situation de l’Afrique transsaharienne au tournant du XXème siècle en pleine période de la confrontation en AOF entre les populations locales, les troupes françaises et l’implantation de l’administration coloniale naissante. La connaissance sahélienne du terrain par les pères blancs sera un atout majeur mis à profit par les stratèges de la pénétration coloniale, notamment en ce qui concerne la lutte contre le trafic d’esclaves et les rezzous au tournant du siècle.
          Rappelons que plusieurs pères blancs, dont les caravanes furent attaquées et détruites entre 1885 et 1895, payèrent de leur vie leur progression vers le sud, notamment vers la mythique Tombouctou. En 1894, la colonne du lieutenant-colonel Bonnier(qui y sera mortellement blessé) sera massacrée par les touareg au camp de Takoubao dans la nuit du 14 ou 15 janvier. Un seul des officiers, le capitaine Nigote, parvient à s’échapper. Le bilan est de 13 officiers et sous-officiers européens tués, 67 soldats et 14 personnels de soutien, guide, interprètes et serviteurs. Epuisé par ces voyages, physiquement affaibli par le paludisme, il avait demandé, dès son retour en juillet 1897 à être relevé de sa charge de vicaire général.

          La lettre adressée par Toulotte à la Congrégation de la Propagation de la Foi provoqua la surprise, et son préfet, le Cardinal Ledochowski, écrivit à Mgr Livinhac, le Supérieur Général des pères blancs pour lui demander de quoi il retournait. Dans sa réunion du 13 septembre, le Conseil Général de la société des Missionnaires d’Afrique met en avant dans sa réponse le grave état de santé de Mgr Toulotte, mais il souligne : « Son amour de la solitude et son esprit méticuleux le rendent absolument impropre au gouvernement des hommes. S.E. le Cardinal Lavigerie, qui l’avait choisi, a vu lui-même qu’il s’était trompé.» Anatole Toulotte, quelles que soient ses qualités, grand chrétien, mystique, ascète, gros travailleur, intellectuel brillant et chercheur opiniâtre, n’était pas un meneur d’homme et tous ses confrères, avec qui il entretenait des relations souvent difficiles, comme ses subordonnés, en ont souffert.
          Mgr Toulotte se retire dans la communauté des Pères Blancs de Rome en janvier 1898. Il fera encore un séjour d’un peu plus d’une année à Jérusalem (juin 1900 – septembre 1901), ira également à Alger pour quelques mois en 1903-1904 et à Paris pour des consultations avec le premier ministre sur la question coloniale comme expert incontesté du Sahel occidental. En dehors de ces voyages, il réside à Rome et y mène plus que jamais une vie d’une grande austérité. Pendant ses années dernières d’épiscopat ses œuvres ayant été en partie publiées, il continuera ses recherches sur l’histoire de l’Église ancienne d’Afrique. En janvier 1907 Monseigneur Toulotte prend froid à l’occasion des obsèques d’un ami. Après quelques jours de maladie il meurt à Rome, le mardi 22 janvier. Il est le premier “père blanc” enterré, au cimetière de Campo Verano, dans le caveau concédé aux Missionnaires d’Afrique par les Sulpiciens.
          Il laisse une œuvre historique et géographique très importante notamment sur le Sahel et l’histoire de ses peuples. On peut citer : Géographie de l’Afrique chrétienne, Histoire, de l’Eglise d’Afrique (3 vol.), Journaux de voyage, etc… et de très nombreux articles publiés dans les revues historiques techniques et archéologiques.
         
Cet article est tiré du site : https://noussommespartout.com/. Ce site n’existe plus en apparence et s’il a été repris qu’on me le fasse savoir.
Merci d’avance

VOIX DE FAITS
De Jacques Grieu

VOIES OFF
     
À chercher trop de voies, on perd souvent sa route ;
Je perds ma route aussi quand trop de voix, j’écoute !
Suivre sa propre voie est la voie du succès,
Mais céder à sa voix est mal considéré.
Mieux vaut la vieille voie que les nouveaux sentiers,
Et des sentiers battus, les voix ne pas renier.

La voie des urnes est-elle encor la voix des urnes ?
Cet obstacle a donné des votants taciturnes.
Il compte bien les voix, mais ne les entend pas,
Notre très cher élu, aux voies sans résultats !
Les coûts du TGV nous ont laissés sans voix,
Montrant qu’SNCF est sur mauvaise voie...

Ce que cache un regard, c’est la voix qui le livre.
Les inflexions des voix vibrent comme des cuivres,
Et leurs intonations ont fait les anagnostes …
Si le timbre de voix ne doit rien à la Poste,
Chaque voix est unique, est une signature ;
Empreinte digitale, elle est tout aussi sûre.

Il existe des voix qui sont de doux velours,
Qui sont simples murmures mais qui en disent lourd,
Et qu’on entend fort bien à moins que d’être sourd.
Et il est des fâcheux qui hurlent dans les cours,
Que personne n’entend malgré tous leurs efforts
Car ils brassent du vent en luttes insonores.

On dit que l’écriture est peinture des voix ;
Mais la littérature au peintre dit sa voie !
Si élever la voix ne donne pas raison,
Élever des enfants, fait bien hausser le ton.
La voix peut être haute, ou basse ou de stentor,
Mais pour la juste voie, le monde cherche encor.

Si les voies du Seigneur sont bien impénétrables,
Sa voix est inaudible et reste indétectable.
J’ai beau prêter l’oreille au moindre son de voix,
Je n’entends toujours pas. Il faudrait que je voie,
Si cette surdité aux voix de la raison,
De la voie du salut n’est pas ma privation.
Jacques Grieu                  


MON PANTHÉON DE L'ALGÉRIE FRANÇAISE
DE M. Roger BRASIER
Créateur du Musée de l'Algérie Française

A SUIVRE


PHOTOS DE BUGEAUD
M. Albert Roffé

LE ROCHER ET L'EGYPTIENNE




SOUS BOIS DE LA FONTAINE VERTE






PONT PRES DE L'AQUEDUC ROMAIN





SOUS BOIS VERS L'AQUEDUC ROMAIN






VUE DU PLATEAU DU BOU-ZIZI






RUE PRINCIPALE VUE DE LA PLACE



GRAND REMPLACEMENT
PAR MANUEL GOMEZ
Envoi de M. Georges
Charles Gave annonce la prochaine disparition de l’Europe blanche            
               Selon Charles Gave, qui n’est, hélas, ni très entendu, ni très écouté, le taux de fécondité qui passe sous les 1,5 en Europe, est l’une des causes principales de la possible disparition d’une « Europe blanche » dans les 30 à 40 prochaines années.
               Et il nous le démontre mathématiquement :
               Actuellement 100 grands-parents ont en moyenne 42 petit-enfants. C’est l’exemple d’une pyramide démographique inversée. Or, une pyramide inversée ne peut que s’écrouler.
               Démonstration irréfutable : si ces 100 grands-parents ont créé une dette étatique gigantesque, comment peut-on imaginer que les 42 petits-enfants seront capables de la rembourser ? Cela relève d’un optimisme béat.

               Sur ce même raisonnement : si ces 100 grands-parents ont acheté un bien immobilier, comme ce bien pourra-t-il se revendre s’il n’y a que 42 petits-enfants pour l’acquérir ?
               Ces prévisions sont d’une réalité incontestable, ce qui amène Charles Gave à « supputer » qu’avec un taux de fécondité de 3 à 4 enfants par femme musulmane (ou épouse française d’un musulman) il y aura inévitablement autant de petits-enfants de cette origine d’ici une trentaine d’années et que, forcément, la population européenne sera inéluctablement d’origine musulmane. Et ce phénomène de basculement devrait se produire plus tôt en France que dans les autres pays européens « compte-tenu de notre immigration incontrôlée ».
               Nous entrons dans un hiver démographique qui, Charles Gave le craint, ne sera suivi d’aucun printemps.

               La disparition de la population européenne est d’ores et déjà programmée dans les 30 à 40 prochaines années et donc, par conséquence, la disparition des nations européennes.
               « Les civilisations ne meurent pas assassinées, elles meurent parce qu’elles se suicident » (Toynbee).
               L’Europe va mourir « parce qu’elle a refusé de vivre ».

               Il y a déjà quelques années, selon Azouz Begag, ancien ministre, « il y aurait entre 15 et 20 millions de musulmans en France », soit un quart de la population.


ROGER IRRIRA
PEINTRE COMPLET
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui
N°212 - Juillet/Août 2013


                  
   Le paysagiste se révèle sûr de sa maîtrise... La même maîtrise dans les huiles, encres de chine, pastels, plus loin, tous ces croquis rapides dont aucun ne ressemble au voisin parce que I'auteur a mis dans chacun d'eux.
   Roger Jouanneau, dit Roger Irriera est de ceux-là.
    Son talent très sûr et sa grande simplicité n'ont jamais cédé aux sirènes de I'argent facile et d'un art aussi factice qu'intellectuellement correct.
    Dès lors, son chemin s'est écarté des voies toutes tracées d'un monde moderne coupé de ses racines, en panne de simplicité, de spontanéité et d'authenticité. Il l'a mené des coulisses des théâtres parisiens au fin fond du Sahara, le crayon toujours en poche prêt à croquer un artiste célèbre, un roi, un simple artisan avec ce sens inné de I'instantané, cette capacité à saisir l'étincelle, le pittoresque, l'important, la vie.
    Le goût du pittoresque, de la lumière, de la couleur, l'ont poussé à traverser la Méditerranée. Mais c'est à Bordeaux qu'il est né, par accident, disait-il car sa famille et sa jeunesse étaient toute parisienne. Ses parents - bourgeois - le poussent à préparer les Hautes Etudes Commerciales, d'où il sort diplômé.


    Toute sa vie cependant, il leur restera fidèle, même en partant pour la guerre sans renoncer à son crayon. Il la fera de bout en bout, la seconde comme la première. Blessé ou malade des fièvres pendant la campagne d'Orient, il repartira et comptera six titres de combattant volontaire. Il la fera obstinément, écrivant en juin 40 qu'il ne se considère pas comme atteint par I'armistice. Il la fera comme fantassin sur I'Yser et la Marne, puis blessé et réformé comme radio, puis comme mitrailleur et observateur en avion dans la célèbre escadrille du capitaine Colis. Il la fera à plus de cinquante ans déjà comme adjudant de blindés puis dans les Forces Françaises Libres, dans les mehallas chérifiennes », « peintre de la guerre », reporter en première ligne avec sa djellaba de goumier et, dans la neige des Vosges, l'hiver 44-45, la « baignoire » du side piloté par un garde mobile ! Il a fait tous les fronts, 14 campagnes, 3 blessures, 8 citations, 32 combats en avion, 2 croix de guerre, la Médaille militaire et bien d'autres médailles, barrettes et agrafes. En 1941, invité à signer les papiers pour la Légion d'Honneur, il a répondu qu'il ne jugeait pas le moment particulièrement propice aux distributions de récompenses. Ce qui lui vaudra de la recevoir treize ans plus tard I De son oeuvre de peintre de l'armée, il reste 3000 croquis de guerre. La plupart sont conservés au Musée de l'Armée, aux Invalides, d'autres en province (Toulon... ). Ils ont illustré plusieurs ouvrages de guerre.
    Son talent de portraitiste n'était déjà plus à faire, collaborant à de nombreux journaux de Paris et de province (La Rampe, Cyrano, Comédia. ) ; a partir de 1924, à I'Echo d'Alger, Terre d'Afrique... croquant ainsi la plupart des personnalités de l'époque de part et d'autre de la Méditerranée.

    L'inventaire de l'œuvre d'Irriera est presque impossible à dresser. C'est le résultat d'une activité prodigieuse et d'une extraordinaire facilité à surprendre l'expression d'un visage, une attitude, un mouvement. Le résultat aussi d'un talent très varié : du croquis le plus simple ou suggestif à I'œuvre la plus achevée, la grande toile inspirée justement de ces croquis pris sur le vif au coin de la rue ou au fin fond des Aurès. Du crayon, à I'encre de chine, à l'aquarelle au pastel, à l'huile, dans tous les genres il a su exceller.


    Chargé de mission en Orient en 1920, il parcourt le Liban, la Palestine, puis I'Egypte et le Soudan en 1921, 1922. Il en rapporte ou y laisse une importante moisson de dessins documentaires et de portraits.
    Résidant plusieurs années en Algérie, il accumule les portraits, de simples particuliers ou enfants, tant au crayon qu'au pastel, d'une ressemblance saisissante et d'un coloris puissant et exquis. Il s'attache au type populaire et indigène avec « un sens averti du dessin, de la touche juste, du trait vivant, (Terre d'Afrique, 1924).

    En 1925, pour une exposition au Syndicat d'Initiative d'Alger, Terre d'Afrique lui consacre un long article dont nous citons quelques extraits : « Roger lrriera est le type du peintre complet... Le paysagiste se révèle sûr de sa maîtrise... La même maîtrise dans les huiles, encres de chine, pastels, plus loin - tous ces croquis rapides dont aucun ne ressemble au voisin parce que I'auteur a mis dans chacun d'eux l'âme même de son modèle... Quel est le secret d'IRRIERA ? Ce secret, lui-même nous I'a révélé: « Toute main qui dessine sait tracer exactement une bouche, un nez, et je ne cherche que les yeux ».
    Plus loin : « lrriera n'est pas venu pour vendre ses toiles à I'Algérie, mais bien pour faire de celle-ci son modèle et en livrer la beauté à la métropole, au monde entier plutôt, car les gravures tirées de ses originaux vont jusqu'en Amérique porter I'image d'une Algérie sans fard, sans faux orientalismes, d'une Algérie prise sur le vif.. Ainsi ces exquises petites aquarelles, croquis de la route et de la rue, qui reproduites en cartes postales constituent l'effort de propagande le plus artistique et le plus heureux....».

    Ces oeuvres ont illustré de nombreux ouvrages : « Ceux d'Algérie, (Duchêne), Les Mecs du Rif, (Hugues), Le voleur de lumière, (Boutet), L'Aurès, escalier du désert, (Rozet), Algérie, atlas historique géographiques, et un ouvrage collectif - L'Afrique du Nord française dans l'histoire, (Albertini, Marçais, Yver, Prigent) parue pour le centenaire. »

    Des affiches très prisées ont été réalisées pour les Chemins de Fer algériens, pour le Gouvernement général. L'attachement à I'Algérie n'a pas modéré I'esprit bohème. Le peintre est aussi en Tunisie (portrait du Bey, réalisation d'affiches et nombreux croquis), au Maroc (portrait du roi Mohammed V, scènes de rue, petits métiers)
    Chargé de mission, il parcourt à la veille du second conflit mondial I'A.E.F et I'A.O.F.
    Après l'armistice de 1945 et jusqu'en 1951, il séjourne à Baden-Baden, peintre honoraire de I'armée, participant à la Revue d'information des T.O.A.,.

    De retour en Algérie, il réside à Ouargla en 1952, et y réalise un reportage graphique sur le Sahara qu'il connaît si bien pour l'avoir parcouru à maintes reprises, à dos de chameau, allant jusqu'au Fezzan avec son ami Konrad Killian, célèbre géologue qui affirmait déjà la présence de riches gisements de pétrole dans le Sahara français contrairement à l'affirmation officielle.
    En 1953-54, il est à l'Ecole militaire de Cherchell, puis jusqu'en 1956, au cercle des officiers d'Alger, où il participe à l'organisation d'un musée, et peint plusieurs toiles, décors des salles du Cercle. Fatigué, désespérant d'une bureaucratie qui lui laissait entrevoir, sans jamais la lui accorder, une retraite d'officier (il a fini lieutenant), que ses années de guerre, puis de peintre de l'armée auraient dû lui valoir, il vient s'installer à Marseille où vit en famille, sa fille aînée et où il collabore au Provençal. Il décède en 1957, à Aix-en-Provence, dans un dénuement presque complet.

    Au lendemain de sa mort, la Revue des F.F. de l'Est, a écrit : « Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi simple que lui et qui tenait aussi peu aux choses matérielles de la vie », et souligne : « l'aspect combattant de cet homme pacifique, I'un de ceux, en notre temps, qui a aimé la France comme elle veut l'être, pour elle-même et sans haine pour personne. En cela, ainsi d'ailleurs que par sa courtoisie et toute son éducation, un homme aux manières d'aristocrates, sous la bohème du rapin ou I'uniforme inimitablement réserviste. Las d'une mode exclusive où s'expriment beaucoup de mots savants et peu de talent, beaucoup reviennent aujourd'hui à un art qui sait faire vivre autant la couleur que le dessin par une approche créatrice.
Patrick Jouanneau

    


HIER

De Jacques Grieu

DEMAIN LA VEILLE

Si le jour d’«avant-hier» est bien veille d’hier,
Le mot «surlendemain», de l’avant-veille est frère.
Si le mot de la veille au mot «demain» s’oppose,
Alors celui «d’hier» ne sert pas à grand-chose.

Pourquoi le jour d’« après», dans notre dictionnaire,
Est-il toujours placé avant le jour «d’hier» ?
Hier, lui, est placé après le «aujourd’hui» !
Passé après futur est encor duperie !

Promettre est-il toujours la veille de tenir ?
Tenir n’est pas toujours lendemain de prédire.
Entre hier et demain, on rencontre aujourd’hui ;
Qui passe de la veille au présent par minuit.

Hier est un jardin de souvenirs enfouis,
Où se terrent les ombres de nos jours accomplis.
Les rires des enfants, le murmure des voix,
S’effacent doucement, mais restent là, parfois.

Quand nos ordinateurs sont mis en mode « veille »,
On peut se demander s’ils rêvent en leur sommeil ?
On rit le lendemain des espoirs de la veille :
L’espérance est un rêve éclipsé au soleil.

Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain,
Les choses qu’on veut faire expirent au lointain.
Quand les morts de demain vont saluer ceux d’hier,
Alors c’est la Toussaint qui nous sert de repère…

Le plus beau lendemain ne nous rend pas la veille :
On ne crée pas deux fois ce qui nous émerveille.
Les mensonges d’hier sont dogmes au matin.
Ce que j’étais hier, le serais-je demain ?

Jacques Grieu                  


ALGÉRIE
AGRICULTURE ET COMMERCE

Gallica : Revue d’Orient 1853-2 pages 240-245 et 333-358

RAPPORT SUR LA COLONIE
SUISSE DE SÉTIF.

                 Un décret du 26 avril 1833 a accordé à une compagnie de capitalistes Genevois une concession de 20,000 hectares de terre, situés dans les environs de Sétif, province de Constantine. Nous avons reproduit, dans cette Revue, l'exposé des motifs qui précédait le décret et qui résumait les vues du département de la guerre.
                 La Compagnie genevoise a commencé immédiatement ses opérations, et elle a déjà publié un rapport dans lequel elle rend compte de la situation de Sétif et signale les avantages que ce territoire peut offrir aux émigrants. Voici les principaux extraits de ce rapport :
                 C. Lavollée.


                 « Ce que l'on appelle la plaine de Sétif est un terrain ondulé et fortement accidenté, de telle sorte cependant que les sommités des collines ont une élévation assez identique et que le fond des vallons se trouve aussi à des niveaux peu différents les uns des autres. Cette contrée étant à environ 1100 mètres au-dessus du niveau de la mer, n'est point exposée à une température trés﷓élevèe, et elle est par sa latitude méridionale également à l'abri des grands froids ; il y tombe de la neige en hiver, mais il est très-rare qu'elle ne fonde pas presque immédiatement ; les variations de température y sont par conséquent beaucoup moins sensibles qu'en Suisse.
                 Moyennant quelques précautions hygiéniques, qui sont bonnes en tout pays, le colon suisse n'aura certainement aucune peine à s'y acclimater très-promptement.

                 « Le premier village est situé sur un mamelon ou petite colline, à côté d'une belle source de très-bonne eau, connue sous le nom d'Aïn-el-Arnat ; Arnat sera aussi le nom du village. Cet emplacement se trouve à cinq quarts d'heure de marche de Sétif ; il touche à des ruines romaines assez importantes, circonstance qui nous a paru un indice favorable de prospérité, les Romains ayant toujours montré beaucoup de discernement dans le choix des localités où ils plaçaient leurs habitations. A proximité du village sont les terrains irrigables destinés aux jardins ; à peu de distance, dans une vallée appelée Chaïb, se trouvent des prairies naturelles et des terrains susceptibles de recevoir des cultures industrielles. ; les terres pour les céréales sont sur les pentes des vallons.

                 Les maisons préparées pour les colons se composent de trois pièces contiguës ; chaque habitation est entourée d'une surface de terrain de sept ares et demi, surface jugée suffisante pour recevoir toutes les petites dépendances nécessaires à une exploitation de 20 hectares.
                 Le village sera entouré d'un fossé et d'un parapet, de manière à la préserver de toute tentative de maraudage et â inspirer toute sécurité aux colons dans le cas où, chose tout à fait improbable, l'état de la contrée pourrait rendre cette précaution utile. Le gouvernement fait tous les travaux nécessaires pour rassembler les eaux susceptibles de servir à l'irrigation des terres et pour augmenter la source qui alimente une fontaine romaine dont nous venons de faire récemment la découverte ; il fera aussi construire un lavoir, un abreuvoir et un puits au centre du village ; il est également chargé de la construction de l'église, du presbytère, de la maison d'école, et de la plantation des promenades de la place principale.

                 A moitié chemin entre Sétif et le village se trouvera la ferme de la Société, où résidera le directeur de la colonie.
                 Le colon de la Suisse romane qui se fixera à Arnat, se trouvant dans un pays où l'on parle sa langue, et où il arrivera sous le patronage d'un directeur et d'un pasteur dont les noms et les personnes lui seront déjà connus, entouré de compatriotes du même village ou du même canton, qui professent le même culte que lui, qui ont les mêmes habitudes et les mêmes besoins, sera placé dans des conditions aussi propres que possible à le préserver de ces regrets irréfléchis du sol natal qui doivent nécessairement atteindre le colon qui se trouve isolé au milieu de contrées et d'habitants auxquels il est étranger de toute manière. Nos villages auront, sous ce rapport spécial, des chances de succès et nous dirons même de confort pour les colons. Nous devons toutefois les prémunir contre une déception, s'ils voulaient faire une comparaison entre l'aspect général de nos contrées suisses et l'aspect de cette partie de l'Algérie. Il faut que le colon sache bien d'avance que sur le territoire d'Arnat il n'y a pas un seul arbre ; presque tout le sol est couvert de prairies ou de céréales, mais encore une fois il n'y a pas un seul arbre.

                 Cependant cette circonstance n'est pas en réalité aussi effrayante qu'elle peut le paraître au premier abord, parce qu’avec des soins bien entendus les plantations d'arbres de toutes sortes d'essences y prospèrent avec une rapidité surprenante. Il sera facile au colon de se donner du courage à cet égard, en visitant plusieurs fermes des environs qui jouissent de très-beaux ombrages dans des localités où il n'y avait, il y a cinq ou six ans, que du blé ou moins encore ; nous avons vu plusieurs propriétés entourées de beaux jardina, de vergers contenant toutes les espèces d'arbres de nos vergers d'Europe, des plantations de mûriers, etc., de la plus belle venue, quoique n'ayant que bien peu d'années d'existence. Nous avons, entre autres, remarqué un saule planté de bouture depuis cinq ans seulement, et qui mesure aujourd'hui près d'un mètre de circonférence. Sans doute il faut créer tout cela ; mais il y a de grands charmes dans belle création, et nous voudrions pouvoir dépeindre à nos lecteurs l'expression de bonheur de ces colons qui nous recevaient sous d'épais ombrages dans un jardin garni des plus beaux fruits et de légumes magnifiques, et qui pouvaient nous dire : « Tout cela nous l'avons créé nous-mêmes. »

                 Nous avons entendu exprimer quelquefois la crainte que la condition imposée aux colons de posséder à leur départ une somme de 3,000 F ne fût un grand obstacle à ce que nous pussions trouver un nombre suffisant de colons. Nous devons reconnaître que c'est une clause qui place hors de concours une nombreuse classe de cultivateurs, mais nous avons une conviction si profonde que cette condition est la véritable base sur laquelle repose la réussite de notre colonie que, si elle n'eût pas été mise dans les statuts, nous n'aurions pas songé à tenter cette entreprise.
                 Nous avons heureusement en Suisse bien des agriculteurs qui possèdent ces 3,000 F et qui comprendront, nous l'espérons, que cette somme employée en Suisse à l'acquisition de quelques parcelles de terrain ne peut donner qu'un chétif revenu en comparaison de celui, que la même somme peut produire en Algérie, en y étant employée comme capital d'exploitation pour faire valoir un terrain de 20 hectares concédé gratuitement.

                 Il y a aussi divers genres d'associations qui sont possibles pour arriver à former le petit capital de 3,000 F dont le colon doit prouver la possession. Ainsi le père de famille concessionnaire peut s'associer avec un maître valet, qui lui confierait ses économies et recevrait en retour une part dans le revenu de l'exploitation, représentant à la fois la valeur de son travail et un intérêt élevé de son petit avoir. Ce genre d'association peut Théine avoir une grande convenance dans le cas où le concessionnaire aurait une de ces vocations qui sont absolument nécessaires dans le village, telles que celles de boulanger, de boucher, de maréchal, de charron, de bourrelier, d'épicier, si ceux qui les exercent n'ont pas de fils en âge de faire valoir le terrain concédé, qui serait toujours mieux cultivé par un associé intéressé à la réussite que par des domestiques salariés. Lorsque ces deux associés auront ainsi par leur travail réuni fait prospérer leur capital, l'un d'eux pourri demander aussi une nouvelle concession en son nom, et il n'y a nul doute qu'un séjour préalable de ce genre dans la colonie ne fût que forte recommandation pour l'obtention d'une concession, et une grande garantie de succès pour celui qui la recevrait. Et d'ailleurs une famille très-recommandable qui ne posséderait pas toute la somme nécessaire pour devenir concessionnaire, n'est-elle bas placée, par cela même qu'elle est recommandable, dans la position de pouvoir la compléter par le moyen de quelques protecteurs ?

                 « Disons-le aussi en passant : cet espoir d'obtenir une concession de terrain devrait être, pour des domestiques de campagne ; un grand encouragement à partir avec des concessionnaires qui n'auraient pas assez de bras dans leurs familles pour faire valoir leurs terres ; lorsqu'ils auraient fait ainsi un apprentissage de la culture en Afrique, ils trouveraient facilement des places plus lucratives dans les fermes de la Société ou dans d'autres, ou bien ils pourraient devenir eux-mêmes concessionnaires dans quelque nouveau village.

                 «Quoique les termes mêmes du décret nous paraissent bien définir la position du futur colon, il est peut-être nécessaire d'expliquer d'une manière un peu plus circonstanciée ce que sera cette position au point de vue pécuniaire. Nous rappellerons donc ici que la Compagnie remettra à chaque colon, à son arrivé à Sétif, une maison de trois pièces construite solidement en pierres, de manière à pouvoir être élevée d'un étage lorsque cela sera nécessaire. La Société a fait l'avance des frais de construction de cette maison montant à la somme de 2500 F, non compris bien des frais accessoires de surveillance et autres que la Société consent bénévolement à supporter.

                 «Comme nous l'avons dit plus haut, le colon dépose à son départ une somme de 3000 F aux mains de la Société. Sur cette somme la Société retient 4000 F, à titre de premier à compte de remboursement de ses avances pour la construction de la maison. Le reste du dépôt fait par le colon, savoir 2000 F, lui sera restitué par l'administration française, savoir 1000 F au moment de son arrivée à, Sétif, 500 F six mois après, et 500 F après un an de séjour. Cette combinaison décharge le colon de toutes les chances que pourrait avoir pour lui le transport d'espèces d'or ou d'ardent pendant un long cours, ainsi que des frais assez considérables et des risques d'une autre nature, qu'il devrait supporter s'il voulait faire arriver son argent en Afrique par le moyen de négociants de ce pays.

                 Ainsi le colon, au moment où il commencera sa nouvelle carrière dans la colonie, se trouvera propriétaire d'une maison et de 20 hectares de terres, et d'un capital de 2000 F à employer à son exploitation, et il n'aura d'autre engagement financier qu'une dette de 4,500 F à 5 % vis-à-vis de la Compagnie, remboursable par versements qui ne devront pas être moindres de 100 F par an. Il sera toujours loisible au colon de se libérer de cette dette lorsqu'il lui conviendra de le faire. »

SAHARA ALGERIEN
COMMERCE DES GRAINS
ET DES LAINES

                 Nous appelons Sahara, le territoire auquel les Arabes eux-mêmes donnent cette appellation eut qui est bien loin d’être ce que l’on se figure habituellement en France.
                 Les Arabes appellent Sahara tout ce qui n’est pas le Tell, et le Sahara commence pour eux aux grandes steppes ou pays de terres de pâture dont les limites nord pour la subdivision de Médéah sont à Tekraza, tribu du Titery, à 75 kilomètres S.E. de Médéah. A partir de là, on trouve de vastes plaines ou montagnes entremêlées de terres cultivées ou cultivables, partout où il y a de l’eau.
                 Des populations, qui ne laissent pas que d’être considérables, se meuvent dans ces grands espaces. On n’a qu’à lire, pour s’en convaincre, le Sahara Algérien de M. le Général Daumas, dont nous avons pu plusieurs fois constater d’une manière pratique les renseignements exacts.

                 La plus importante des tribus de notre Sud était et est encore celle des Larbas, qui dépendent de la circonscription de Laghouat, ou mieux Lar’ouat.
                 Avant de poursuivre, que l’on nous permette de justifier ici en deux mots la façon dont écrivons Lar’ouat. En feuilletant le travail de la commission, nous trouvons ce mot écrit El-ar’ouat. En feuilletant le travail de la commission scientifique, nous trouvons ce mot écrit El-ar’ouat, ainsi que sur la plupart des cartes que nous possédons : cependant tous les indigènes lettrés de la ville et autres écrivent Lar’ouat. Nous avons cherché et retrouvé la cause de cette différence d’orthographe dans une étymologie qui a séduit les membres de la commission scientifique, entre autres M. Renou ; qui forme son mot de r’out, bas fonds pluriel ar’ouat, et avec l’article El-ar'ouat les bas fonds. Il n'y a qu'un malheur, c'est que de tout temps le mot s'est écrit autrement dans le pays, et qu'Ibn-Khaldoun, qui écrivait au milieu du quatorzième siècle, parle des Lar’ouat comme d'une tribu berbère appartenant à la grande famille berbère. Ce témoignage nous semble trancher la question beaucoup plus péremptoirement que ceux des Tolbas - (pluriel de Thaleb, savant indigène) de nos jours.

                 La grande tribu des Larbas se divise en deux grandes fractions que nous appellerons les adhérents et les dissidents. Ces derniers sont ceux qui ont suivi leur ambitieux chef Ben-Nacer-Ben-Chora dans sa révolte contre son khalifa et contre nous, révolte bientôt suivie de celle d'une partie des Ouled-Naïls Gharrabas et de toute l'oasis de Laghouat. Les adhérents sont ceux qui nous sont restés fidèles, maintenus par quelques chefs plus soucieux que Ben-Nacer au soin de leurs intérêts. Ensemble ils formaient environ douze cents tentes réunissant près de quinze mille dromadaires et deux cent mille moutons. Les Larbas étaient les Djouads (nobles) par excellence de notre Sahara, ce qui ne les empêche pas d'être à peu près les maîtres de tout le commerce du Sahara. Cette condition même les aide singulièrement ; les Ouled-Naïls, leurs concurrents, les craignent trop pour ne pas les laisser faire ; d'ailleurs ils ont été tellement ruinés par les guerres qu'ils ont eu à supporter que leur état a toujours été, depuis longtemps, des plus misérables. Le nombre considérable des dromadaires des Larbas leur facilite les moyens de faire le commerce, cet animal étant le seul moyen de transport possible dans le pays.
                 Avant leur révolte, les Larbas venaient tous ensemble une fois par an vers la fin de l'été, au moment des moissons, faire dans le Tell leurs provisions de grains.
                 Ils donnaient des kessouas en échange et payaient un impôt habituel fixé à deux boudjoux (3 F 60 c.) pour chaque chameau, impôt perçu par le trésor et appelé enssa. Cet impôt n'a jamais été fixe, il a varié tous les ans.

                 Dans ces transactions, leurs intérêts étaient complétement liés avec ceux des gens des Ksours (villages fortifiés) du Sahara, et plus particulièrement avec ceux des gens de l'Oued-Mezab, qui se servaient de leurs transports pour assurer leurs approvisionnements, leurs pays ne produisant pas de céréales en assez grande quantité pour leur nourriture. En outre, les Beni-Mezab servant d'entrepôt à tous les coureurs du Sahara qui sont en dehors de nos lignes bénéficiaient sur ceux-ci en leur revendant le surplus de leur nécessaire. Les Ksours, habités par des gens que nous appellerons lei clients des nobles, servent à ceux-ci d'entreposeurs jusqu'au moment de la vente ; mais les villes de Mezab sont le marché où ils sont vendus ou échangés contre des kessouas ou touaziza (vêtements).

                 Les Larbas ne sont pas les seuls qui fassent le commerce des grains avec les villes de Mezab ; leurs habitants viennent aussi avec eux dans le même but pendant que les Beni-Mezab qui sont dans nos villes s'y livrent de même.
                 Tous, Beni-Mezab et Larbas, y trouvent de grands bénéfices.
                 Le rôle de l'homme des Larbas consiste à faire le commerce pour son compte ou bien à fournir ses chameaux, moyennant loyer, soit aux Beni-Mezab de nos villes, soit à ceux qui sont venus du sud avec lui, soit aux gens des Ksours. On conçoit que le commerce serait impossible sans les moyens de transports dont le Larba dispose.

                 Nous avons sous les yeux certains documents statistiques de 1850 qui vont nous renseigner sur les bénéfices dei traitants. A cette époque les Larbas s'approvisionnèrent de grains dans le sud du Tell de Sétif, où ils achetèrent l'orge à raison de 10 F la charge et le blé à raison de 20 F La charge de chameau est évaluée à 2 quintaux 40 kilogrammes. Chaque homme ayant conservé ce qui était nécessaire à sa consommation de l'année, le reste fut vendu aux gens de l'Oued-Mezab. L'opération se fit de la manière suivante.
                 Premier cas. Un homme de l'Oued-Mezab donne à un homme des Larbas une somme de 500 F, à la charge par ce dernier d'acheter dans le Tell et de rapporter à, Mezab l'équivalent en grain dont la moitié reste au bailleur de fonds et l'autre moitié au Larba.
                 D'après la mercuriale énoncée ci-dessus, l'homme des Larbas a dû acheter pour 250 F 25 charges d'orge et pour les autres 250 F, 12 charges de blé, qui valent à Mezab en temps ordinaire, l'orge 30 boudjoux (44 F) et le blé 45 boudjoux (81 F).

                 La quantité de grains enlevée pour 500 F dans le Tell représente donc à Mezab une valeur de 750 boudjoux pour l'orbe.
                 540 idem pour le blé.
                 Total, 1290 boudjoux, ou 2322 fr. de notre monnaie, dont chacun prend la moitié, soit : 1131.
                 Décompte fait, le Mozabite, qui a fourni 500 F, en gagne 661 sans bouger de place. Le Larba, qui a fourni 37 chameaux, gagne 1161 F Le loyer de ses chameaux étant estimé à 15 boudjoux par tête, ensemble 999 F, il lui reste — son loyer payé — 162 F de bénéfice net.
                 Ce genre de transaction ne peut se faire que lorsque les parties ont une grande confiance l'une dans l'autre ; aussi devons-nous constater qu'il est fort rare.

                 Voici quelle est la façon d'opérer la plus habituelle :
                 Deuxième cas. Un homme des Larbas possède 50 chameaux disponibles, sur lesquels il peut charger 25 charges de blé et 5 charges d'orge. Un Mozabite se présente et lui achète rendues à Mezab, 5 charges d'orge à 24 boudjoux la charge, et 25 charges de blé à 48 boudjoux chaque (ces prix sont ceux de 1850). L'homme des Larbas reçoit pour l'orge 600 boudjoux et 1.200 pour le blé, ensemble 3240 F de notre monnaie. Il achète son grain dans le Tell pour 750 F ; déduction faite du loyer de ses 50 chameaux (à 15 boudjoux la pièce, 1,350 F), il lui reste 400 F de bénéfice net. Seulement il est à remarquer que, dans ce cas-ci, l'homme des Larbas doit livrer le grain à Mezab, et qu'il ne peut pas faire valoir le cas de perte de chameaux ou d'enlèvement à main armée. De cette façon, le Mozabite est sûr de son bénéfice, mais il ne gagne que peu de chose à la revente.

                 Il arrive aussi que le Mozabite loue les chameaux aux Larbas à 15 boudjoux par tête et qu'il vient lui-même faire ses approvisionnements clans le Tell. Dans ce cas, le bénéfice est entièrement pour lui, sauf le loyer perçu par le Larba.
                 L'homme des Larbas qui fait le commerce pour son compte n'ayant pas d'associé avec qui partager, supporte à lui tout seul et les embarras du voyage et les chances de gain ou de perte.

                 Voici ce que fait habituellement l'homme pauvre ; prenons pour exemple celui qui ne possède qu'un seul chameau. Cet homme vient du sud, son chameau chargé de kessoua ordinaires pour une valeur moyenne de 100 boudjoux (180 fr.) ; son gain sur ces kessoua vendus dans le Tell est habituellement d'un tiers. Il a donc 240 F après la vente. Avec cet argent, il achète une charge de blé de 20 F qu'il revend 81 F à Mezab. Il stagne donc 60 F (tiers du prix des kessouas), plus 61 F (excédant du prix de la charge de blé à Mezab), soit 121 F, valeur plus forte que son impôt, le loyer d'un autre chameau et l'achat d'une deuxième charge de grains.

                 Les kessouas et touazizas (vêtements) que les Larbas achètent à Mezab sont confectionnés par les femmes avec la laine apportée par les Larbas eux-même, les Ouled﷓Naïls, les Ouled-Yacoub, ou achetée souvent sur nos marchés pax les Beni-Mezab de nos villes qui l'envoient à leurs frères. Celle des Ouled-Naïls est la plus douce et convient le mieux à la confection des vêtements. Elle se vend de 70 à 90 c. la toison dans les moments où elle abonde sur les marchés, et de 2 F à F 20 c. lorsqu'elle est rare, ce qui est arrivé en 1850. Le fabricant fagne 4/3 par vêtement. En effet un vêtement de 20 toisons vaut environ 60 boudjoux dans le Tell ; la laine brute a coûté 4 0 boudjoux, les faux frais à peu près autant, le bénéfice net est donc de 40 boudjoux

                 Les tribus de notre sud n'approvisionnent pas exclusivement les gens du Sahara. Elles apportent leurs grains et leur laine sur les marchés du Tell. Là, achète qui veut, Français et indigène ; mais il faut dire que l'indigène achète plus que nous ne le faisons. L'année dernière un négociant français est venu acheter à Médéah des chameaux avec lesquels il se propose de faire lui-même les transports des grains et des laines qu'il achètera dans les tribus. Nous souhaitons de grand cœur qu'il réussisse et que son exemple soit imité. Les statistiques nous montrent que le transport par location de chameau et mulet fait enchérir la laine de 27 à, 30 c. par toison des tribus de l'intérieur (ligne de Boghar, Teniet, Tiaret) à Alger. On comprend que celui qui pourra faire ses transports sur des chameaux à lui, dont l'entretien et la nourriture coûtent si peu, devait y trouver largement son compte.

                 Il est constant que quelques négociants européens ont fait des tentatives, la plupart assez timides il est vrai, pour attirer vers nous, le commerce des laines. Mais, sauf les cas où il ne peut pas faire autrement, l'Arabie préfère les exporter ou les faire exporter à l'Oued-Mezab, où elles sont échangées contre des vêtements sur lesquels il gagne encore quelque chose, tandis que nous ne lui offrons que de l'argent ; il doit donc nous faire payer plus cher.
Cie. DE SANVITALE,
Lieutenant au premier régiment des spahis,
chevalier de la Légion D’Honneur,
attaché aux affaires arabes de Médeah, membre de la Société orientale.



SIMPLE PROMENADE
Tirailleur Algérien N°511 du 4 novembre 1900

Source Gallica

                 Si tu veux fuyons ensemble
                 Au pays des amoureux,
                 Ne crains pas si mon cœur tremble
                 Le pauvret, il est heureux !
                 Ouvre au vent tes ailes blanches,
                 Bien loin nous fuirons tous deux,
                 Nous cueillerons des pervenches
                 Au fond des grands bois onéreux !

                 Au cristal d'une fontaine
                 Tu pencheras ton front pur,
                 Et tu verras, oh ! ma reine,
                 Tes beaux yeux remplis d'azur.
                 Quand la nuit tendra ses voiles
                 Sur l'immense firmament
                 Je compterai les étoiles
                 Sur tes lèvres, les baisant.

                 Et puis quand Phœbé la blonde,
                 Dénouant sa tresse blonde,
                 Viendra dans les cieux errer,
                 Si tu veux, oh ! ma charmante
                 Dans une rose enivrante
                 Nous irons nous reposer !

                 Et là perdu dans le rêve,
                 Nous nous aimerons suis trêve,
                 Nous nous aimerons toujours !
                 Nous viderons le ciboire
                 Où l'on voudrait toujours boire,
                 Car son nectar est l'amour !
                
G. FLORAC.


15 août 1944 :
Par M. Georges Michel 14 août 2024
Envoyé par Mme Annie Bouhier
Maréchal de Lattre, Débarquement de Provence

        « Il faut pourtant patienter encore durant tout un jour. Mais le 16 août 1944, à 17 heures, la minute attendue fiévreusement arrive enfin. Dans le lointain, on aperçoit la forêt des Maures qui brûle. D’un seul élan, sur tous les navires, tandis que montent les couleurs, la Marseillaise éclate, la plus poignante qu’on ait jamais entendue. Les torpilleurs de notre escorte et les croiseurs de l’amiral Jaujard, qui depuis vingt-quatre heures soutiennent de tous leurs feux les premiers assauts de nos alliés, défilent, les équipages rangés à la bande, à contre-bord de mon bâtiment. Dans la splendeur lumineuse de cette soirée d’été provençale, avides, les yeux embués, le cœur étreint, tous regardent la terre qui leur apporte le premier sourire de la France retrouvée. » Ces lignes magnifiques, presque cinématographiques, sont signées du général de Lattre de Tassigny dans son Histoire de la Première armée française, publiée en 1949. La veille, le 15 août, l’opération Dragoon, sous le commandement du général américain Patch, jetait ses forces sur nos belles côtes de Provence : 350.000 hommes, dont 250.000 Français aux ordres de De Lattre. Le débarquement de Provence – celui que l’on appelle, un peu péjorativement, « l’autre débarquement » - commençait. Face aux Alliés, 250.000 Allemands déployés dans le grand sud de la France.

        Un débarquement qui faillit ne pas avoir lieu en Provence mais du côté de Trieste, en Italie, afin de « porter la guerre vers l’Europe centrale » alors que la progression des forces alliées en Italie allait à grands pas (les troupes du général Juin, venues d’Afrique, avaient défilé dans Rome le 15 juin après de terribles combats dans le sud de l’Italie). Le général Juin, vainqueur du Garigliano, défendait du reste cette option orientale, comme le raconte le « roi Jean » dans son Histoire : « Du succès lui-même allait naître une menace », écrit-il. Heureusement, le général Eisenhower, commandant suprême des forces alliées, jugeait vitale l’ouverture d’« une seconde grande porte d’accès en France » et eut le dernier mot.

        L’armée française invitée à se tailler la part du lion !
        Les Américains furent les premiers à débarquer, précédés, dans la nuit du 14 au 15, par des troupes des forces spéciales, notamment françaises, et après un matraquage aérien redoutable. « Faut-il dire avec quelle passion les Français, toujours en mer, durant cette radieuse journée de l’Assomption, recevaient les nouvelles des succès remportés par leurs alliés du 6e corps [américain] », raconte de Lattre. Mais les Français n’allaient pas rester longtemps spectateurs. Après le débarquement entre Cavalaire et Saint-Tropez, c’est la réarticulation, la mise en ordre de marche et le combat. L’objectif, pour l’armée française qui s’appelle encore l’Armée B avant de devenir la 1re armée française en septembre ? Il n’est pas des moindres : attaque du camp retranché de Toulon puis Marseille. Deux môles de résistance allemande mais aussi des ports en eau profonde d'un intérêt stratégique évident pour la suite des opérations. « Toulon, Marseille… L’armée française était invitée à se tailler la part du lion ! », écrit le général vendéen. Un général vendéen qui sera fait citoyen d’honneur de Cogolin, le 17 août. Le second citoyen d’honneur de ce village, proche de Saint-Tropez, puisque le premier avait été Georges Clemenceau, natif, comme de Lattre, de Mouilleron-en-Pareds !

        Quant aux Américains du 6ème corps, ils reçurent pour mission de progresser directement vers le nord et le nord-ouest en remontant par la vallée du Rhône et la Haute-Provence : le 25 août, les troupes de la 3e division d’infanterie - la fameuse Rock of the Marne, en souvenir de son action héroïque durant la seconde bataille de la Marne en 1918, et qui totalisera plus de 530 jours de combats continus, depuis l’Afrique du Nord, la Sicile, la Provence, la vallée du Rhône, la poche de Colmar, l’Allemagne jusqu’à Berchtesgaden - libéraient Avignon. Toulon et Marseille, malgré de durs combats, seront libérées un mois plus tôt que l’avait prévu la planification minutieuse des Alliés. Quand la gloire s'impatiente et prend le galop ! Le 29 août, les troupes de la 3e division d’infanterie algérienne, commandée par le général de Montsabert, avec notamment les tirailleurs algériens et les chasseurs d’Afrique, mais aussi les Forces françaises de l’intérieur (FFI), défilent sur le Vieux-Port. La veille, de bon matin, une messe solennelle avait été célébrée à Notre-Dame de la Garde en présence des porte-drapeau et étendards de la 3e DIA. Une autre époque...

        Nord-Africains et pieds-noirs sous les armes
        Faut-il rappeler, ici, que la majorité des troupes françaises qui participèrent au débarquement de Provence, à l’exception de la 1re division française libre (DFL) du général Brosset, provenait de l’Armée d’Afrique ? Cette fameuse « petite Armée d’Afrique de transition que le général Weygand avait reformée et retrempée après l’Armistice, dans une intention qu’il n’avait dissimulée à personne », comme le rappelait le maréchal Juin, dans son discours de réception à l’Académie française, le 25 juin 1953. La moitié de ces troupes étaient d’origine nord-africaine, l’autre moitié d’origine européenne, notamment pieds-noirs. Oui, il fallait le rappeler, quand on se souvient du message du ministre des Armées Sébastien Lecornu, à l'occasion du 8 mai dernier...
        Mais laissons au maréchal de Lattre de Tassigny, évoquant la « Victoire de Provence », le soin de conclure. « En imposant à la lutte un rythme extraordinaire de rapidité, en empêchant l'ennemi de jamais se ressaisir et de jouer de ses réserves, nos soldats n'ont pas seulement affirmé leur supériorité et remporté des succès locaux considérables : ils ont littéralement hâté l'heure de la victoire finale. »



RAPPEL D'HISTOIRE
VERITAS Février 2004 N°80
Par Docteur Pierre Catin
LE FILS DU MILIEU
                  
           Chacun, dit-on, est le fils de son milieu. Le milieu est, en grande partie, la résultante de conditions géographiques. En Algérie, ces conditions avaient de quoi surprendre le Français habitué à un climat tempéré, où règnent la verdure et la forêt et où l'eau miroite ou ruisselle partout, chante et enchante l'homme qui sait qu'elle est la vie.
           Le climat de la plus grande partie de l'Algérie, par ses excès et son aridité trop souvent affirmés, n'est pas favorable à l'agriculture. Si le pays, inondé de lumière, a ravi le peintre ou le touriste en mal d'exotisme, en revanche, une terre, brûlée de soleil et parfois craquelée de sécheresse, est bien parcimonieuse pour celui qui y sue sang et eau à vouloir en tirer sa substance !
           Les précipitations de type méditerranéen sont insuffisantes sur la plus grande partie du pays et le peu qui tombe le fait trop souvent de façon torrentielle et, dès lors, ravageuse et incapable de réhydrater comme il le faudrait ces sols assoiffés.

           Ce tableau est aggravé par plusieurs caractéristiques géographiques. C'est d'abord la fréquence et l'étendue de ces grands bassins fermés ou mal drainés. Les uns évoluent en vastes marécages pestilentiels, dont la Mitidja n'est que le plus fameux. Les autres évoluent en dépressions arides, dont les parties les plus basses sont occupées par des croûtes de sel ou de gypse (chotts, sebkras, zahrez) irrémédiablement stériles et dont les flancs n'offrent que des terres elles-mêmes imprégnées de sel et d'une extrême pauvreté.
           Deux circonstances aggravantes : d'une part, ces terres d'Algérie n'ont pas été, en général, fécondées par l'humus forestier millénaire qui a enrichi les terres de France, et, d'autre part, elles sont souvent superposées à des couches géologiques rouges, décalcifiées ou recouvertes de carapaces calcaires qui ne sauraient avoir engendré les terres grasses et riches que nous connaissons en Europe.

           On ne comprend rien aux conditions de la colonisation si l'on ignore que, même en dehors de. zones marécageuses ou des vastes aires où le roc est à nu, même en dehors des zones sursalées, même quand la broussaille a été arrachée et les pierres retirées, la terre d'Algérie est, souvent, d'une grande pauvreté.
           L'attachement des colons européens à ces terres pauvres, souvent rouges - couleur de l'infécondité - à ce pays où leurs ancêtres étaient morts d'épuisement ou de malaria, avait quelque chose de pathétique, comme l'amour d'une mère pour son enfant handicapé, amour plus fort, en apparence du moins, que celui qu'elle porte à ses enfants normaux, inexplicable pour les étrangers à la famille.

           Bref, les conditions d'origine de la colonisation étaient fort loin de ce visage prospère, civilisé, de ces vergers, de ces vignobles, de ces surfaces emblavées à perte de vue, de ces forêts, que constatait l'observateur superficiel qui, bien souvent, ne voulait voir, d'ailleurs, que les disparités des conditions de vie des communautés différentes sans tenir compte du contexte historique.
           Pour parachever l'enrichissement de ce pays, il y a eu l'exploration pétrolière de l'Algérie du Nord et surtout de sa partie saharienne à laquelle les Européens d'Algérie ont largement participé, même s'ils n'étaient pas, le plus souvent, parmi les cadres de cette entreprise.
           Et ils n'en ont été que plus douloureusement attristés de voir les magnifiques découvertes réalisées soudain abandonnées à un pouvoir qui n'avait rien fait pour les mériter et qui n'a su en tirer d'autre fruit que d'alimenter la corruption. Rappelons, avec nostalgie, ce que le grand géographe et historien français Emile-Félix Gautier a écrit en 1937 : « Depuis un siècle et demi, depuis la Révolution, malgré des efforts prodigieux, des guerres ont secoué la planète. La France n'a eu qu'un succès durable, important, parfaitement unique : son oeuvre en Afrique du Nord. Le reste n'a été que glorieux échecs. ».

           De la nuit des temps à l'aube de la colonisation, ce qui allait devenir l'Algérie était dépourvu de tout équipement, de toute infrastructure, de tout progrès, de toute facilité. Le colonisateur n'avait qu'une issue : un travail forcené débouchant, dans bien des cas hélas, sur des échecs dramatiques. L'Algérie de la colonisation a été une terre de pionniers. Elle a été ce que les Américains appellent une frontière.
           Ces conditions très rudes forgent des hommes courageux, entreprenants, laborieux, mais pas forcément des intellectuels. Les colons eux-mêmes - tous stupidement assimilés à de « gros colons » par une intelligentsia malveillante - étaient surtout des manuels : la première nécessité, la plus impérieuse, n'était-elle pas, pour eux, de savoir manœuvrer, et surtout de dépanner, un tracteur ?...
           Quand une famille, après plusieurs générations d'un labeur acharné, atteignait une certaine réussite matérielle, celle-ci ne se traduisait pas par l'appétit d'opulence ou de gloriole ou d'autres sentiments tels que l'avidité ou la cupidité : elle était le fruit tardif d'un labeur imposé par une nécessité de survie. De telles conditions impitoyables sont, sans doute, à l'origine d'un certain matérialisme de cette population.

           A ces conditions particulières de la vie matérielle s'est ajoutée une christianisation relativement faible. Certes, dans les premières années de la pacification, Mgr Dupuch et ses collaborateurs ont déployé un zèle missionnaire admirable. Mais ces efforts ont été contrecarrés, puis rapidement brisés, par l'administration louis-philipparde ou maçonnique. Le zèle apostolique des successeurs de Mgr Dupuch, c'est-à-dire Mgr Pavie et Mgr Leynaud a également porté des fruits puisque les archiconfréries qu'ils ont suscitées et animées ont compté plusieurs dizaines de milliers de fidèles.
           Il est vrai, aussi, qu'une partie des immigrants européens, originaires de l'Europe du Sud (Espagne, Baléares, Sicile, Italie, Malte) étaient, en général, des hommes d'une grande piété. Et leur présence n'était pas étrangère à la fois aux valeurs familiales et, également, à un certain rigorisme moral indubitable dans la communauté des Européens d'Algérie. Il est vrai, aussi, que, dans les dernières années, le moindre village de nos départements d'Algérie possédait son église, souvent flanquée de son cimetière, reconstitution émouvante du terroir de France.

           Il n'en reste pas moins que la plupart des historiens ou des chroniqueurs ont remarqué une christianisation plutôt plus faible en Algérie qu'en France où l'Eglise du XIX° siècle flambait d'un véritable renouveau. Des officiers profondément chrétiens, comme le Général de Sonis, ont déploré, en mainte occasion, que l'Administration française en Algérie construisît plus volontiers des mosquées que des églises.
           II n'est donc pas étonnant que soient restés fort rares des avertissements comme celui de Charles de Foucauld en 1912, prophétisant que cette colonisation, parce qu'elle n'avait pas su convertir, était vouée à la mort dans les cinquante ans à venir.
           En fait, la plupart des Français d'Algérie, soucieux de l'avenir de leur province, ne voyaient de salut que dans le travail, l'élévation du niveau de vie de toutes les populations et uniquement dans les réalisations concrètes. C'est ce qu'expriment dans la littérature le « Travail d'hommes » d'Emmanuel Roblès ou « L'Algérie à bâtir» d'André Rossfelder, ou, mieux encore, « Le onzième commandement» du même auteur.

           Allaient dans le même sens les espoirs de tenir enfin une solution pour faire survivre l'Algérie française qui ont été placés dans les découvertes pétrolières de 1948 dans le nord de l'Algérie, puis, surtout, de 1956 à 1962, au Sahara. C'était encore l'esprit révélé par le plan de Constantine, avec lequel on attendait - non sans une certaine naïveté et une méconnaissance absolue de la subversion - par un afflux d'argent et un regain économique, la solution à la guerre civile fanatique et raciale qui nous était faite par des hommes qui avaient juré notre départ ou notre mort.
           Hélas, la maladie qui a entraîné la mort de nos départements français d'Algérie était encore plus spirituelle que matérielle et l'âpreté et la dureté de notre Histoire expliquent que nous ayons été si mal armés, mal immunisés, contre cette maladie de l'esprit.

           A ce sujet, Rossfelder, dans « Le onzième commandement » (page 672) répond à un officier emblématique qui reprochait aux Pieds Noirs de s'être insuffisamment défendus pendant la subversion algérienne, quelques-unes unes des raisons profondes à la source de cette attitude. Citons seulement : « Parce que vous l'aviez connue, cette terre, sans savoir lire le désespoir sous le faux bonheur de son soleil, dans les vieux villages de colonisation à demi déserts, les fermes appauvries de l'intérieur, les cafés délabrés sur les places publiques avec leur poignée de retraités et d'anciens combattants, les églises aux lourdes portes closes, les kiosques à musique depuis longtemps silencieux, les fleurs de fer au pied des Monuments aux Morts... Sans savoir remonter d'une génération, vers la Grande Guerre et sa grande tuerie plus que partagée avec la métropole, de deux générations, vers la pauvreté, la disette, les fièvres, l'incertitude de vivre, de trois générations vers plus de dénuement, plus de paludisme et de tuberculose, plus d'épidémies, de vols et de meurtres et, toujours, cette volonté d'extraire un pays pour soi, hors des steppes et des marais ; toujours ces jeunes tombes et cette lassitude d'une tâche qui n'en finissait jamais et que nous avions vue aboutir à rien... ».

           Comment les Français d'Algérie de la dernière génération, dont le passé avait été un tel calvaire, ont-ils pu être traités de profiteurs et d'exploiteurs, pour mieux servir de bouc émissaire ? Comment a-t-on pu pousser la malhonnêteté intellectuelle jusque là ?
           Cette maladie de notre race, cette maladie de l'esprit qu'elle entraînait, nous permet, à nous, Français d'Algérie, de mieux comprendre la crise, tout aussi spirituelle, qui, actuellement, défait la France même ! L'expérience tirée de notre long et douloureux calvaire ne nous fournit pas, malheureusement, de solution miracle. Elle nous permet, au moins, de cerner les causes profondes de la crise et sa nature essentiellement spirituelle. Or, comment envisager de lutter contre un mal tant qu'on ne l'a pas, clairement, identifié ?

           Ce matérialisme s'est encore marqué par la place relativement importante accordée aux plaisirs simples de l'existence, en particulier de l'existence des humbles dans cette mince bande côtière de l'Algérie du Nord où il pouvait faire bon vivre : rappelons l'attrait pour la plage ou ces repas champêtres collectifs, tels que ceux quasiment rituels du lundi de Pâques ou-de la Pentecôte.
           Les pisse-vinaigre qui déploraient le prix Nobel décerné à Albert Camus n'ont-ils pas parlé, au sujet de son oeuvre littéraire d'une « métaphysique des bains de mer» ?
Georges DILLINGER
« Français d'Algérie face au vent de l'Histoire »
    


RAPPEL D'HISTOIRE
VERITAS N° 30 et 31 février/mars 1999
Par Docteur Pierre Catin
UN FRANÇAIS NOMME WEYGAND
( Le Général Weygand en Afrique du Nord )
      
           Le Général Weygand débarque à Alger, sous un soleil radieux, le 9 octobre 1940. C'est un homme qui a derrière lui de brillants états de service et une notoriété mondiale.
           Il a participé, aux côtés du Maréchal Foch et comme major général des armées alliées, à la victoire de 1918. Il a été, en 1920, le principal artisan de la victoire de Varsovie sur l'armée rouge et il a sauvé la Pologne et l'Europe Centrale de l'invasion soviétique, au grand soulagement des démocraties occidentales, ce qui lui a valu I'hostilité violente du parti communiste et d'une partie de la gauche française qui l'ont surnommé « le général fasciste ».

           Grand stratège, unanimement reconnu en Europe comme aux U.S.A., il sera désigné comme expert militaire dans de nombreuses conférences internationales. Diplomate renommé, il se verra confier de nombreuses missions en Europe Centrale, en Pologne, en Roumanie, en Turquie, au Moyen Orient où il assumera, avec brio, les fonctions délicates de Haut Commissaire de France à Beyrouth.
           Enfin, le Général Weygand est un écrivain de talent, auteur d'une vingtaine de livres largement diffusés à l'étranger, d'innombrables articles et conférences, ce qui lui vaudra d'être élu à l'unanimité en 1931, membre de l'Académie Française.
           C'est aussi en 1931 que le Général Weygand sera nommé Chef d'Etat Major de l'armée française. Il s'ingéniera dès lors à moderniser cette armée. En 1932, création des « Dragons portés » par la transformation de cinq brigades à cheval en troupes motorisées ; le 30 mai 1933, création de la première grande unité de chars français. En 1934, le Général Weygand met à l'étude la fabrication de 3.800 engins blindés et en 1935, il crée 7 divisions motorisées.

           Mais le Général Weygand va se heurter bientôt au monde politique de la IIIème République. On ne lui pardonne pas son franc parler et sa vivacité d'esprit qui l'entraîne parfois à des réparties cinglantes... (comme Clemenceau) ni le fait qu'il se soit élevé au sommet de la hiérarchie par son seul mérite, sans avoir « fait sa cour » à aucun homme ni aucun parti politique. On lui reproche son intransigeance pour tout ce qui concerne l'Armée et la défense nationale. En effet, à chaque période électorale, beaucoup d'hommes politiques promettent, par pure démagogie, de réduire les crédits militaires alors que le danger du réarmement allemand s'accroît chaque année. « Weygand est un mur, Gamelin un édredon. » dira Daladier à ce sujet. « L'édredon » est bien commode, prêt à toutes les compromissions, il aura longtemps les faveurs des hommes politiques pour lesquels il sera un général « républicain ». Quittant son commandement en 1935 après avoir seulement amorcé la modernisation de l'Armée française, Weygand lancera, un an plus tard un avertissement sur les carences de notre défense dans un écrit célèbre qui était un véritable cri d’alarme : « La France est-elle défendue ? ».

           Tel est l'homme que les politiciens affolés iront chercher à Beyrouth le 19 mai 1940, alors que la partie est déjà perdue. Le gros des armées alliées est encerclé en Belgique et le 16 mai, Gamelin avoue à Churchill « qu'il n'a plus de réserve. » Avec une totale abnégation, le Général Weygand accepte ce rôle impossible à jouer de « Messie de la dernière heure. » Que personne d'autre que lui n'aurait accepté. La suite est inévitable : Dunkerque, la bataille de France, l'invasion, un million huit cent mille prisonniers et l'armistice du 24 juin 1940.
           Le Général Weygand est alors nommé par le Maréchal Pétain délégué en Afrique du Nord. On croit, au début, que la mission du Général se borne à limiter, pour éviter l'envahissement de l'Afrique du Nord par les Allemands qui n'attendent qu'un prétexte, l'extension de la dissidence gaulliste alors que les agressions de Mers el Kébir et de Dakar ont déjà entraîné, à elles seules, la mort de plus de 1.300 marins et soldats français, ce qui a beaucoup refroidi le zèle des partisans de cette scission.

           La conduite du Général Weygand est simple : « Si les Anglais viennent avec deux divisions, je les jette à la mer - dit-il - mais s'ils viennent avec dix divisions, je leur ouvre les portes.
           Mais toute aventure prématurée serait dramatique». Par ailleurs, jamais Weygand n'acceptera de reconquérir d'emblée les territoires africains passés à la dissidence comme certains le souhaitent, sous la pression allemande. Un autre danger auquel veille le Général Weygand est la pénétration germano-italienne par le biais des commissions d'armistice. Il sera absolument intraitable sur ce point et mènera une lutte quotidienne qui ne tardera pas à lui attirer I'hostilité des Allemands.
           Weygand n'en a cure. Le Maréchal Pétain lui a confié une mission primordiale et secrète et il va s'y atteler, sans relâche. A son arrivée, l'état des forces françaises en Afrique du Nord est plus que médiocre.

           Une grande partie de ces troupes a été envoyée en Métropole de septembre 1939 à juin 1940, très exactement douze divisions, soit 170.000 hommes et tout a été englouti dans la débâcle. De plus, les unités restantes sont totalement désorganisées puisqu'on en a prélevé non seulement les spécialistes, mais aussi le matériel des blindés, de la DCA et des antichars au profit du front métropolitain. Les mesures de démobilisation avaient achevé de détruire la cohérence des unités restées en Afrique et le moral des populations était assez bas car elles voyaient dans la défaite une grave atteinte au prestige de la France.
           Aussi, la tâche confiée par le Chef de l'Etat au Général Weygand était-elle immense, difficile, presque irréalisable et faisait-elle appel à toutes les qualités de chef militaire, de diplomate, au charisme exceptionnel et au don de meneur d'hommes dont le nouveau proconsul avait déjà fait preuve au cours d'une longue carrière au service de la France.

           D'emblée, avec toutes les populations d'Afrique occidentale, d'Afrique du Nord et principalement d'Algérie, c'est le coup de foudre... Weygand sait admirablement établir le contact avec les diverses communautés, spécialement avec la communauté française d'origine européenne « ivre de patriotisme » et qui le montrera bientôt dans Ies combats de Tunisie, d'Italie et de libération de la Métropole.
           La méthode Weygand ? Pour mieux la comprendre, laissons la parole à son fils, le Commandant Jacques Weygand, qui l'accompagna, durant les trois premiers mois, dans un long périple de 42 étapes à travers tout l'Empire et au cours duquel le Général fit la conquête de tous les cœurs et tous les esprits.

           « Il racontait la bataille de France, disait ses déconvenues, ses tentatives, ses espoirs, pourquoi il avait dit demander l'armistice... Vieux et fidèle ami de l'Angleterre, il disait sa tristesse d'avoir vu ses intérêts diverger des nôtres. Mais pour un temps seulement, car pour lui l'armistice n'était qu'une suspension d'armes à l'issue de laquelle la France rentrerait dans la lutte à côté de son alliée. En attendant ce jour qu'il souhaitait avec autant d'ardeur que le plus jeune de ses officiers, il demandait à chacun de se taire, de travailler et de faire confiance à ses chefs... Le Général Weygand était sobre, presque sec dans son langage, mais on sentait une émotion contenue, une conviction, une sincérité, qui, plus sûrement que l'emphase des discours officiels, ralliaient tous les cœurs. Le vieux chef était là qui n'avait jamais failli... On pouvait le suivre sans déchoir, certain qu'il ne serait pas le fossoyeur de cet empire qu'on lui avait confié.. . » ( Jacques Weygand - WEYGAND, mon père - Flammarion 1970 )
           En arrivant à Alger, le Général Weygand avait trouvé une Armée exsangue. Un an plus tard va surgir une Armée transformée. Des 30.000 hommes laissés par 'armistice et les prélèvements métropolitains massifs, elle va passer à 40.000 puis à 135.000 hommes, tandis qu'une seconde Armée, composée d'engagés volontaires, clandestinement sélectionnés, enrôlés et entraînés par les collaborateurs et amis, civils et militaires, du Général Weygand, est opérationnelle et possède un matériel habilement camouflé, qui même remonté et réparé, et quelquefois construit avec le patriotisme et les moyens du bord, correspond tout à fait à celui d'un corps d'Armée.

           De plus, Weygand a su s'entourer de prestigieux chefs militaires dont il a toute la confiance : Juin au Maroc, de Lattre en Tunisie, Koeltz à Alger. Le Colonel du Vigier, participant à cette grande mission de reconstitution de l'Armée française défaite, réussit par d'ingénieux procédés, à dissimuler aux Allemands, depuis Vichy, les effectifs réels des troupes française d'Afrique et, à l'automne 1942, ceux-ci auront la surprise de découvrir, en Tunisie, cette Armée reconstituée, pourvue d'un matériel presque artisanal mais en parfait état de fonctionnement dont la vétusté est largement compensée par un civisme et une combativité exceptionnels. Tous, du simple soldat au plus haut gradé, sont galvanisés par ce chef prodigieux et humain auquel ils obéissent autant par patriotisme que par amitié.
           Le Maréchal Foch avait bien raison de dire : « Si un jour la France est en danger, appelez Weygand. »
           Certains qualifient de « miracle » l'époustouflante reconstitution de l'Armée Française qui a, non seulement permis l'intervention alliée et la délivrance de la France captive, mais aussi rendu à notre pays l'honneur et la crédibilité qu'il avait perdu. il ne s'agit en rien d'un miracle, tout le mérite en revient au Général Weygand.
DOCTEUR PIERRE CATTIN Délégué Rhône-Alpes
ANNE CAZAL Déléguée Générale
UN FRANCAIS NOMME WEYGAND
( Suite du N° 30 et fin )
DANS UN PAYS OU LA NOTION DE PATRIE EXISTE DEPUIS PLUS DE MILLE ANS, IL SERAIT INDECENT QUE CERTAINS VEUILLENT S4ANNEXER CE SENTIMENT POUR CONDAMNER ET EXCLURE ALORS QUE LA VERTU ESSENTIELLE DU PATRIOTISME EST DE PACIFIER ET D'UNIR.
MAXIME WEYGAND.

           Et lorsque, plus tard, le Général Weygand connaîtra de dures épreuves personnelles, tous les anciens de l'Armée d'Afrique, l'immense majorité des habitants d'Afrique du Nord, toutes communautés confondues, lui donneront des témoignages touchants de fidélité.
           Les proches du Général, comme lui-même, découvriront ce que veut dire, en terre d'Afrique, ce simple mot « amitié » car sur cette terre-là, tous savaient que la renaissance de cette Armée Française qui renaît, c'est bien l'Armée d'Afrique mais c'est aussi l'Armée Weygand qui a repris confiance en elle grâce au moral très élevé de son chef, c'est aussi le miracle Weygand dont la foi et le patriotisme vont apporter la plus grande contribution à la délivrance de la France.

           Ses fonctions de Proconsul vont obliger le Général Weygand à faire face à une situation économique difficile. L'Afrique du Nord souffre d'une grave carence en sources d'énergies industrielles. Grâce à ses talents diplomatiques et à la grande audience dont il jouit à Washington, Weygand peut signer, le 21 février 1941, avec l'Amérique, les fameux accords Weygand-Murphy qui vont permettre à l'Afrique du Nord d'importer un premier contingent de carburants, de charbon, de matériel agricole et de lait condensé ; en même temps, Weygand va obtenir un adoucissement du blocus anglais, et l'Afrique du Nord, en se rationnant pour aider la Métropole qui souffre d'une disette croissante, va lui envoyer, en un an, cinq millions de quintaux de blé, six millions d'hectolitres de vin et plus de trois cent mille têtes de bétail.

           Brusquement, à la fin du printemps 1941, le ciel s'assombrit du côté de Vichy. L'Amiral Darlan, devenu tout-puissant, signe le 28 mai 1941 les « protocoles de Paris » qui projettent de livrer aux Allemands Bizerte et Dakar. Alors, le Général Weygand arrive en trombe à Vichy le 2 juin au soir et il proclame haut et fort « qu'il fera tirer sur le premier Allemand qui débarquera à Bizerte. » Le Maréchal Pétain, jusque là hésitant, penche du côté de Weygand et les protocoles Darlan sont annulés. Mais ce dernier ne pardonnera pas à Weygand cet affront. Hitler tonne et menace : « Le Général Weygand constitue un obstacle insurmontable à la collaboration ! » Et le Maréchal Pétain fut contraint de céder assez piteusement. Quelques jours après avoir présidé, à Alger, à la cérémonie du centenaire des tirailleurs algériens, Weygand est révoqué. Il lui est interdit de retourner en Afrique, même à titre privé, il est assigné à résidence dans le midi, sous surveillance policière... Le27 décembre 1941, il a la satisfaction de recevoir du Président Roosevelt une lettre exprimant l'admiration et la confiance que le peuple américain ressent pour lui.
           Mais les événements se précipitent et le 12 novembre 1942, le Général Weygand est arrêté par la Gestapo, quatre jours après le débarquement des troupes alliées en Afrique du Nord. Il sera interné en Allemagne jusqu'au 7 mai 1945, date de la victoire de l'Armée d'Afrique et de ses Alliés.

           Le lendemain de son retour en France, le Général Weygand est, de nouveau arrêté ! ...Sur ordre de De Gaulle et sous l'inculpation de « COMPLOT CONTRE LA SURETE INTERIEURE DE L’ETAT DEPUIS LE 17 JUIN 1940 ET CRIMES SE RATTACHANT AU MEME OBJET ANTERIEUREMENT A CETTE DATE.». On ne sait pas si l'Histoire qualifiera d'odieux ou de grotesque le caractère de cette vengeance personnelle présentée comme un règlement politique. En réalité, De Gaulle voulait faire disparaître les vrais auteurs de la délivrance de la France, selon le propre des usurpateurs, ce qu'il a toujours été. Naturellement, De Gaulle fait appel à ses amis communistes pour le soutenir dans cette scélératesse et ces derniers réclament « la peau » du vainqueur de Varsovie.

           Pendant trois ans, le Général Weygand va subir, avec beaucoup de grandeur d'âme et de dignité, plus de 150 heures d'interrogatoires-inquisition, dans le plus pur style des procès de Moscou, avec tout ce que la vilenie, la malveillance, les calomnies et les faux-témoignages peuvent accumuler. En vain, Weygand dont, à 78 ans, la mémoire et la vivacité d'esprit sont intactes, va confondre ses accusateurs.
           En 1948, enfin, ces derniers se lassent et renoncent. De Gaulle a quitté le pouvoir, les communistes ont été chassés du Gouvernement, la justice peut redevenir sereine.
           Le 6 mai 1948, c'est enfin le non-lieu que tout le monde attendait. Weygand est lavé de tout soupçon de « crime contre l'Etat » ! Durant le reste de sa longue vie, le Général Weygand va se consacrer aux travaux littéraires et aux séances de I'Académie Française.
           En 1961, il protestera vigoureusement contre le sort tragique et prévisible qui va être réservé à I'Algérie dont les habitants, de toutes communautés, l'ont entouré de messages affectueux pendant toutes ses épreuves.

           On pourrait croire les épreuves terminées pour ce grand patriote et cet homme d'honneur. Ce serait oublier le « monstre froid » qui règne sur la France en s'appuyant sur la mystification, la falsification et le mensonge. Sitôt annoncée la mort du Général Weygand, le 29 janvier 1965, De Gaulle fait interdire un service religieux prévu à l'Eglise Saint Louis des Invalides ; l'Eglise des Soldats.
           L'opinion publique tout comme la presse, s'indignent. Gilbert Cesbron dans le Figaro du 2 février 1965, Hervé Beuve-Méry dans le Monde, stigmatisent la bassesse de sentiments qui inspire ce geste d'ultime vengeance envers un « rival » qu'on n'a pas réussi à abattre, cette haine délirante qui ne cède pas devant la mort...

           Mais Weygand le savait, De Gaulle, dont l'incapacité n'est plus à démontrer quand on considère le marasme dans lequel sont plongées, aujourd'hui, la France et l'Algérie, n'était qu'un incapable et un être nuisible.            Nous reproduisons, ci-contre, quelques mots extraits d'une lettre manuscrite de la propre main du Général Weygand, dans laquelle il affirmait en 1957 : « Il est temps de sortir du mensonge et j’espère que nous ne verrons jamais ce sinistre personnage, mythomane et incapable, revenir aux affaires alors qu'il a, dans son village, deux églises pour aller pleurer ses péchés.

           Ce en quoi, malheureusement, le Général Weygand se trompait. Mais la dernière épreuve que De Gaulle lui a imposée, non seulement par incompétence mais aussi par un absurde racisme et un mépris total de la vie humaine, fut le fleuve de sang ouvert sans pitié dans cette Algérie qu'il aimait.

           C'est à Saint Philippe du Roule que se déroulèrent les obsèques de celui qui fut un véritable héros. Une foule immense assiste à la messe en présence du Cardinal Feltin, Aumônier en Chef des Armées, de la Maréchal Juin, représentant son époux trop malade pour se déplacer, de la Maréchale de Lattre de Tassigny, de la Maréchale Leclerc et de nombreux généraux dont certains gaullistes qui osent braver l'interdiction dictatoriale tels que les Généraux Koenig et de Bénouville, tous ceux de Tunisie, d'Italie et de la 1ère Armée : de Monsalbert, Béthouart, Guillaume du Vigier, Ely, Noiret, Mirambeau et tant d'autres qui veulent rendre une dernière fois les honneurs à celui qui forgea I'Armée d'Afrique, dont on oublie trop facilement que cette illustre Armée fut d'abord I'Armée Weygand et qu'elle donna la victoire à la France.

           Assistèrent aussi, avec ferveur, à ces obsèques, une importante délégation des anciens combattants d'Afrique du Nord, à côté de ceux de 14-18, la grande majorité des membres de l'Académie Française et de très nombreuses délégations étrangères.

           Le Préfet de police, en courtisan larvaire, avait mobilisé une importante foule de C.R.S. casqués pour « contenir la foule » : C'est à dire ces centaines et ces centaines de fidèles, agenouillés sur les trottoirs car l'Eglise Saint Philippe était comble. Tous ces gens, ces anonymes, dévoués au bien et à la vérité, prièrent avec ferveur et suivirent l'office grâce à des haut-parleurs de fortune installés à la dernière minute. A la même heure, dans toute la France, plus de cinq cents messes de requiem ont été célébrées à la mémoire de ce grand soldat.

           Alors qu'importe la haine, le sectarisme et l'interdit des Invalides : l'immense dévotion et l'émotion intense qui traversèrent le pays ont apporté là la seule réponse qui soit digne pour un preux de cette valeur :
LE VRAI TOMBEAU DES MORTS N’EST-IL PAS LE CŒUR DES VIVANTS ?
ANNE CAZAL Déléguée Générale
DOCTEUR PIERRE CATTIN
Délégué Rhône-Alpes
    

LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


               Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.

             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il a continué jusqu'à son dernier souffle. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous, j'ai fait des mises à jour et ajouté d'autres communes, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir. Jean Claude est décédé, et comme promis je continu son oeuvre à mon rythme.

             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Guelma, etc. a été fait pour d'autres communes de la région de Bône et de Constantine.

POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et du Constantinois
    
CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net
Autres Communes

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

 
NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers

De nouveaux détails sur le projet Baladna en Algérie

Envoyé par Martin
https://www.tsa-algerie.com/de-nouveaux-details- sur-le-projet-baladna-en-algerie/

jeune-independant.net - Par: Merzouk. A 16 Août 2024


           Implanté dans la wilaya d’Adrar, au sud de l’Algérie, le projet de production de lait en poudre de la société qatarie Baladna devra entrer en production à partir de 2026. Pourquoi l’Algérie et pourquoi Adrar ? Des responsables de la société qatarie répondent.

           Fin avril, un accord-cadre a été signé entre le ministère de l’Agriculture et Baladna pour la réalisation d’une ferme géante de 270.000 vaches pour la production de lait en poudre à Adrar, dans le Sahara algérien.
           S’exprimant en marge de la signature de l’accord, le ministre de l’Agriculture, Youcef Cherfa, a indiqué que la production du projet de la société Baladna se fera en quatre phases. La première débutera en 2026 et la dernière aura lieu neuf ans après le lancement du projet.
           Des représentants de Baladna expliquent le projet de la société en Algérie
           Le montant du projet s’élève à 3,5 milliards de dollars. Implanté sur une superficie de 117.000 hectares, ce projet intégré est composé de trois pôles : une ferme de production de céréales et de fourrage, une ferme d’élevage de vaches et de production de lait et de viande, ainsi qu’une usine de production de lait en poudre.
           Le représentant de la société qatarie, Ramez Al Khayyat, a souligné, lors de la signature de l’accord avec le ministère de l’Agriculture, que le projet permettra de produire près de 194.000 tonnes de lait en poudre par an.
           Dans un reportage réalisé par la Télévision algérienne, diffusé mercredi 14 août, des représentants de la société qatarie Baladna sont revenus sur ce projet, en apportant de nouveaux détails.

           « Le projet Baladna en Algérie est en adéquation avec la vision de notre pays concernant la sécurité alimentaire durable », a expliqué un représentant à propos du choix de l’Algérie. Quant au choix de la wilaya d’Adrar pour l’implantation de la ferme géante, l’intervenant souligne que c’est par rapport à la richesse de la région en ressources naturelles.
           Projet Baladna : pourquoi l’Algérie et pourquoi Adrar ?
           « Pourquoi précisément à Adrar ? C’est parce que cette région regorge de ressources naturelles et répond parfaitement aux conditions de l’élevage des vaches », a-t-il encore expliqué.

           Le spécialiste ajoute, dans le même sillage, que le climat sec est « parfaitement favorable » à l’élevage bovin. « Nous pensons également que nous sommes en mesure de réaliser ce qu’on a déjà concrétisé au Qatar sur une grande échelle », a-t-il dit.

           Au Qatar, Baladna a en effet transformé une vaste étendue de Sahara aride en une ferme de plus de 24 000 vaches qui produisent annuellement 250 millions de litres de lait. « En 2014, la société a entamé ses activités en tant que ferme d’élevage caprin », a souligné un autre représentant de la Baladna.

           En 2017, la société a décidé d’élargir son activité à la production de lait de vache. « Aujourd’hui, nous avons atteint l’autosuffisance au Qatar », a-t-il ajouté.
           « Nous utilisons la technologie pour aider les animaux à donner une meilleure rentabilité, avec de la climatisation. Nous utilisons l’arrosage intelligent pour arroser les vaches quand c’est nécessaire. Nous avons un système de contrôle qui permet de déterminer la température et l’humidité extérieures ainsi que l’humidité et les températures à l’intérieur des étables », a expliqué un autre dirigeant de Baladna.
           Le lait produit dans cette ferme est ensuite transformé sur place en lait UHT, lait écaillée ou autres produits laitiers.

           Une responsable chez la société qatarie a insisté ensuite sur le respect de l’environnement et du développement durable dans toutes les étapes liées à la production de lait et l’exploitation de la ferme.

           Ce projet en Algérie, dix fois plus grand que celui du Qatar (selon l’ENTV), promet donc de bons résultats dans la filière lait en particulier et pour l’économie du pays en général.
Merzouk. A 16 Août 2024             

Agriculture, eau, accueil des émigrés

Envoyé par Robert
https://www.tsa-algerie.com/agriculture-eau- accueil-des-emigres-nouvelles-instructions-de-tebboune/

  - tsa-algerie.com - Par: Rédaction 15 Juil. 2024

Agriculture, eau, accueil des émigrés : nouvelles instructions de Tebboune

           Agriculture, eau potable, dessalement, et conditions d’accueil des émigrés algériens étaient au menu de la réunion du conseil des ministres présidée ce lundi 15 juillet par le président de la République Abdelmadjid Tebboune.

           Devant les membres du gouvernement, le chef de l’État a insisté sur l’accélération du rythme des travaux pour le parachèvement des nombreuses usines de dessalement en cours de réalisation, selon un communiqué de la présidence de la République.
           Il a en outre souligné la nécessité d’intégrer les compétences algériennes, notamment les jeunes, dans ces projets et d’encourager les fabricants locaux d’équipements et de pièces qui composent les usines de dessalement.
           Le président Tebboune a aussi ordonné la création d’un organisme chargé de superviser et de gérer les stations réalisées à travers les régions côtières du pays. En attendant, la priorité c’est la mise en œuvre du plan d’urgence d’approvisionnement en eau potable.
           Le président de la République a souligné la nécessité de travailler de manière proactive dans toutes les régions qui accusent une pénurie en ressources en eau, et d’interconnecter les barrages au niveau national.
           Il a aussi, comme mesure d’urgence, ordonné aux services concernés de délivrer les autorisations de forage de puits dans les zones à fort stress hydrique.
           S’agissant de l’agriculture, M. Tebboune a indiqué que le développement de ce secteur constitue pour l’Algérie une question de souveraineté et de dignité nationale.
           Au cours de la réunion, il a ordonné au ministre en charge du secteur d’ouvrir les portes à la nouvelle génération d’ingénieurs agricoles à travers les petites entreprises et les startups pour parvenir à une véritable révolution qui mènera le pays à l’autosuffisance.
           Dans ce sens, il a demandé la mise en place à très court terme d’une stratégie nationale pour atteindre dans un premier temps l’autosuffisance dans trois cultures stratégiques, à savoir le maïs, l’orge et le blé dur.
           Le président Tebboune a souligné l’importance de redonner la priorité à la culture du maïs et en faire une tradition dans l’agriculture algérienne.

           Les instructions de Tebboune concernant l’approvisionnement en eau, l’agriculture et l’accueil des émigrés algériens
           L’autre orientation présidentielle et la conversion des minoteries à l’arrêt en unités de production d’aliments de bétail, tout en exploitant les capacités de production du maïs du pays. Ce qui, a-t-il dit, aura un impact positif sur la production de viandes.

           Toujours dans le secteur agricole, Abdelmadjid Tebboune a estimé nécessaire d’entrer dans l’étape de valorisation des produits agricoles à travers les fermes modèles, qui ont été restructurées de manière à les rendre plus rentables.

           L’huile d’argan doit bénéficier de toute l’attention, étant donné les atouts dont dispose l’Algérie pour sa production, a-t-il indiqué, ordonnant en outre l’organisation de rencontres au profit des jeunes agriculteurs pour leur faire sentir que l’Etat apporte un soutien permanent à leurs projets.
           Il a aussi réitéré ses instructions sur la nécessité de fournir toutes les facilités aux agriculteurs et ingénieurs agronomes pour l’acquisition du matériel nécessaire, notamment les tracteurs neufs et d’occasion.
           Les efforts de l’État doivent être suivis d’effet. Évoquant la récolte des céréales, le président de la République a ordonné que les bénéficiaires des aides et du soutien de l’État soient tenus d’atteindre des objectifs précis, indiquant que leurs performances doivent être évaluées pour situer les insuffisances.

           Dans le secteur maritime, le chef de l’État a ordonné la création d’une grande entreprise de travaux maritimes spécialisée dans l’aménagement des ports, et l’agrandissement du port de Djendjen, à Jijel, qui jouera un rôle central en Méditerranée.
           Les conditions d’accueil de la communauté nationale établie à l’étranger est l’autre point au menu du conseil des ministres de ce lundi.

           Sur cette question, le président de la République a instruit de nouveau le Premier ministre de prendre toutes les mesures pour des facilitations supplémentaires au profit de cette catégorie de citoyens, d’autant plus qu’on est en pleine saison estivale.
Rédaction              


De M. Pierre Jarrige
Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
    PDF 183                                                  PDF 186
    PDF 187A                                              PDF 187
    PDF 187A                                              PDF 188A
    PDF 188                                                  PDF 189
    PDF 190                                                  PDF 190A

Pierre Jarrige

Site Web:http://www.aviation-algerie.com/

Mon adresse : jarrige31@orange.fr



RENCONTRE DE BÔNOIS CELEBRES
Ecrit et Envoyé par Mme Colette LEVY
JAMY – MANON- BINGUECHE
Cette histoire comique est purement imaginaire. Elle fait référence à deux grands personnages Bônois, célèbres par leur originalité. Nous assistons à présent, à la rencontre de M.M. BINGUECHE et JAMY -puis, MANON vient dans leur jeu.

     SUR LE COURS BERTAGNA
     JAMY passe sur son cheval brun, vêtu de son burnous beige, il défile le long du cours ...et Binguèche l'interpelle
     Binguèche : « oh ! M. Jamy que vous êtes beau dans votre burnous beige doré ! Et « Chochotte » votre jument va-t-elle bien !
     Jamy : « Ah ! Binguèche merci de me trouver beau – quant à « Chochotte » elle commence à se faire vieille ! »
     Binguèche : « alors elle n'est pas la seule à vieillir – regardez ma voix n'est plus la même, je ne peux plus crier tous les petits Arabes qui font la roue derrière vous ! »
     Jamy :"Où sont-ils je vais les massacrer avec ma cravache ! Tiens ! Binguèche prends ces quelques bonbons et ces petits sous... »
     Binguèche : « oh ! Merci grand maître du désert – je fais une petite révérence ... »
     Jamy : « mais c'est Manon qui arrive sur sa vespa blanche, elle veut me dépasser ! »
     Binguèche : « oui ! Oui ! C'est elle : Manon toujours aussi belle la brunette, la fille du boulanger »
     Jamy : Ah ! Si je n'étais pas si vieux , tu pourrais lui dire que je l'attends ! »
     Binguèche : »Oh ! Vous aimez les jolies filles Zotch ! C'est super ! »

     RENCONTRE ENTRE MANON- JAMY ET BINGUECHE
     Manon : »Oh ! M. Jamy que vous êtes charmant avec « Chochotte » et votre beau burnous ! »
     Binguèche « ah ! C'est pas à moi Manon tu me dirais de si jolies choses, tu n'as pas de « fugure » alors ! »
     Jamy : « mais pourquoi Manon tu n'aurais pas de « fugure » comme dit Binguèche ! »
     Manon : « Alors pourquoi , tout simplement parce que des fois, je dis du mal de vous ! »

     LA DECLARATION D'AMOUR DE M. JAMY
     Binguèche : « oh ! Tu n'as pas vu Manon ! Le père Jamy comme il te fait « des yeux de merlan « frit »
     Jamy : « ah ! Surtout M. Binguèche ne dites pas du mal des « merlans » ! »
     Manon : « Alors il peut dire avec des « yeux de rouget frit » n'est-ce pas ... »
     Jamy : « Dis-moi Manon, le rouget me va mieux au teint, je l'accepte ! »
     Binguèche : « Dites-moi M. Jamy- mais vous acceptez quoi de Manon »
     Manon : « je crois qu'il accepterait une bise bônoise ! »
     Jamy : « alors là Manon me voilà comblé de bonheur – vite une petite bise sur ma joue «
     Binguèche : « Allez ! Zotch aujourd'hui c'est ma « Bône » journée Manon ma belle : une bise pour tonton Jamy et une bise pour « Binguèche »

     Et, voici que nos trois compères partent dans la plus grande joie, finir leur tour sur le Cours Bertagna ...c'est le printemps et les petits oiseaux chantent la « mélodie du bonheur »..

     mon forum : www.amen.forumsactifs.com
     Amitiés à tous les Bônois
     F I N




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