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LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
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Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO
" LES PASTEQUIERS "
Avant la mise en ligne de ce numéro d'octobre. L'été s'est éloigné, et comme me le disait hier un ami, on est passé " en deux jours de l'été à l'automne et en une journée de l'automne à l'hiver ". Le temps est devenu fou comme l'Etat et ses gouvernants, un jour c'est blanc, le lendemain c'est rouge et le surlendemain c'est noir. Je crois qu'avec les qu'avec les " Ecogigologistes ", ils sont au même diapason, bien que ceux-là sont comme la pastèque, verts à l'extérieur et rouges à l'intérieur.
Le 1er octobre est le 274e jour de l'année du grégorien, le 275e en cas d'année bissextile. Il reste 91 jours avant la fin de l'année. C'est la Journée mondiale du cacao et du chocolat.
- Cela fait aussi 190 ans que le général français Clauzel a créé le " corps des zouaves ", un corps prestigieux qui s'est illustré sur les champs de bataille.
- Depuis 1990, l'ONU a décrété que le 1er octobre était la journée internationale des personnes âgées. En ces temps malsains, propices à la peur, l'angoisse, et l'incompréhension, alors que les plus âgés sont durement touchés par le coronavirus, la tentation âgiste est grande et les initiatives se multiplient pour favoriser les discriminations liées à l'âge. " L'âgisme est la discrimination la plus répandue, la plus banale et la plus universelle (et elle est la seule discrimination à ne pas être réprimée par la loi) ", rappellent la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) et 42 autres organisations.
Face au tri des patients par âge lors de la première vague, au surnom de " boomer remover (dégageur de vieux) " donné au virus, les prises de parole qui appellent, selon le ministre de la Santé Olivier Véran, à " faire l'impasse sur les vieux " tout en parlant à leur place, de nombreuses voix s'élèvent pour le respect des aînés .
Voir le Décret n° 2020-360 du 28 mars 2020 - Légifrance
" À la Saint-Rémi, la grande chaleur est finie. " Dicton populaire.
En octobre, on commence à faire ses réserves pour l'hiver ! Pour ceux qui ont encore la chance de cultiver, il est temps de faire les dernières récoltes de ses tomates, aubergines, courgettes, son basilic et ses oignons, et de préparer soi-même sa tchachouka ou sa sauce maison pour agrémenter ses pâtes, que l'on mangera fraîches si possible.
Le froid s'installe doucement, les feuilles tombent et on ressort les plaids pour regarder la télé ou pour lire le soir avec une bonne tasse de tisane ou de chocolat chaud.
Octobre va aussi être un mois très chargé pour le peuple avec les nouvelles directives des " bons à rien " qui nous gouvernent. Des souffrances supplémentaires pour le petit peuple qui se retient à se révolter, mais jusqu'à quand. Il ne manque plus qu'un " pastéquier " à la tête de l'Etat !
Sans plus attendre, entamons donc ce joli mois d'octobre, par la lecture de ce numéro !
Jean Pierre Bartolini
Diobône, A tchao.
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Un matin de printemps au Cap de Garde
Envoyé par M. Hecquard
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Bien souvent, enfant, j'empruntais en famille, la route sinueuse de la corniche ; après de multiples arrêts pour contempler la méditerranée, nous arrivions, déjà émerveillés au pied du phare du Cap de Garde. Ajoncs et genêts étaient en fleurs, car dans mes souvenirs ils étaient en fleur toute l'année… !
La vue magnifique de ce site unique est ici décrite, mais non sans quelque arrière-pensée métaphorique.
On voit dans les lointains les courbes violines
Des piedmonts de l'Edough. Le Cap salue le ciel.
Mille fleurs de genêt couvrent d'or ses collines
Et donnent à l'aurore une senteur de miel.
Dans l'air céruléen, facétieuse et badine,
Tridule l'hirondelle amoureuse des cieux.
Le roc puissant plonge dans la mer assassine
Et protège, immortel, les pêcheurs ambitieux.
Puis l'azur se teinte des ocres de l'enfer,
Le Sahara soupire : un sirocco brûlant
Rougit de sang les flots jusques au Cap de Fer.
Ainsi va le monde, qu'incertain je regarde.
Après un rêve bleu renaît un monde hurlant :
La vie s'apprend aussi, à l'aube, au Cap de Garde…
P.Hecquard
08/08/2020
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LE PARVIS DES DROITS DE L'HOMME
GILBERT ESPINAL
ECHO D'ORANIE - N°264
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Aie ! Aouéla ! Comme ça se fait qu'on vous z'a pas vue avec la Golondrina cette après-midi, à cette manifestation grandiose qu'elle a eu lieu sur l'esplanade du Trocadéro, s'écria d'une voix frémissante de colère Angustias, en pénétrant comme un ouragan dans l'appartement de la Grand-mère.
Y avait des centaines de milliers de femmes qu'elles z'ont envahi le Parvis des Droits de l'Homme ! Et vous deux, oualou !
- Et qu'est-ce qu'elles z'ont été fout' toutes ces bonnes femmes sur le Parvis des Droits de l'Homme ? interrogea placidement la Grand-mère un peu ahurie tout de même par cette entrée fracassante.
- Pos, elles sont allées au Parvis des Droits de l'Homme pour défend' les Droits de la femme ! Vous trouvez pas que y en a marre de se faire ésploiter par les mâles depuis des sièc' et des sièc' ? s'écria Angustias. On s'est retrouvées toutes z'ensemb', les petites femmes de Paris, pour protester contre le sort qui nous z'est fait...
- Et y avait beaucoup de femmes pied-noir ?
- On dit plus de femmes pied-noir, sauta Angustias ! Maintenant on dit des femmes pièdes-noires. Si vous z'auriez assisté à nos discussions, vous z'auriez été témouines de la décision qu'on a prise de faire en sorte qu'à l'avenir le féminin l'emporte sur le masculin !
- Et vous z'étiez nombreuses de not' band' ? demanda la Golondrina surexcitée comme une puce.
- Mais nous étions toutes là ! clama Angustias. Y avait vot' fi' Isabilica, vot' petite fi' Tonina, Amparo, Conception ma cousine, Tata Pepette, qu'elle est venue espécialement de Douarnenez ? Madame Cébola et son amie Madame de Fleury-Mérogis et encore une de leur relation, Maud Cambronne, qu'elle est dans le show-biz, meneuse de revue aux Folies-Bergères et d'aut' et d'aut' que je peux pas toutes vous citer pasque ma langue elle y suffirait pas. On est passées devant vot' porte; on a fait du boucan mais comme vous vous z'êtes même pas assomées (1) à vot' fenèt' on a pensé que vous z'étiez déjà parties!
- Et qu'est ce vous z'avez fait toute l'après-midi?
- On a chanté, on a dansé, on s'est serré les coudes, on a écouté nos lidrices (2), qu'elles nous z'ont espliqué que y en avait marre depuis Adam de se met' à genoux devant les z'hommes, comme cet' pauv' Monica Lewinski, même sous le bureau du bureau ovale pour leur faire leur quat' volontés et même la cinquième !
- Et y avait beaucoup de femmes publiques ? questionna la Golondrina.
- Elles z'étaient toutes à la tête de not' cortège, dit Angustias; toute l'intelligenzia féminine: Aubry, Sinclair, Ockrent, Tosca, Cotta, la tchatcheuse de Marylise Lebranchu qu'elle nous z'a fait un esposé d'une heure sur les z'hommes et la dioxyne dont ils sont porteurs et qui nous z'a dit qu'il ne fallait plus parler de la vache folle mais du boeuf fou. Y avait aussi Roudy la lumière et Xavière...
- Qui c'est la Xavière ? fit la Grand-mère.
Comment, vous connaissez pas Xavière ? s'insurgea Angustias.
Xavière c'est une écrivaine de talent qu'elle gagne au moins deux cents mille francs toute les trente six pages ; elle a écrit trois traités sur le comportement qui font autorité dans les milieux politiques. Le premier c'est "les Mamelles de la République". le second, en dialecte auvergnat "Par Ichi la Bonne Choupe". Elle était en train d'écrire le troisième "Pas Vu Pas Pris" mais lé salio el tiro por la culata (3) et elle a été vue et elle a été prise et elle a été condamnée à une amende amère de deux cents trente trois mille treize francs et cinquante neuf centimes. On a fait la quête pour elle. J'ai donné dix francs avec plaisir !
- Et dans tout ce jaleo, coupa la grand'mère, y avait pas un seul homme ?
- Si ! fit Angustias, un seul ! La Ministresse Hildegarde Impérial elle nous z'avait prété son ami Molette à qu'y porte la bannière. C'était la seule eception ! Le spectacle était grandiose: toutes ces femmes regroupées pour clamer leur foi en l'avenir et le dépassement d'elles-mêmes, j'en frémis encore !
- Bigoté y t'a laissée aller ? s'enquit la Grand'mère.
- Je l'y ait dit que j'allais assister à un concert de charité et je l'y ai pas menti pasqu'aussi y a eu des chants : l'association des Femmes Battues elle nous z'avait prété sa chorale: plusieurs centaines de chanteuses, avec des voix qu'on aurait dit les bateliers de la Volga. Elles nous z'ont interprété le choeur de Nabucco...
- N'a bu qu'au quoi ? demanda La Golondrina stupidement.
- Au robinet de la cuisine ! s'encoléra Angustias. Regarde que t'y es bamba et inculte !
- T'y oublies que je suis Premier prix de castagnettes du Conservatoire de Paris ! se rengorgea la Golondrina.
- Voui, mais là-bas c'était aut'chose : la chorale de l'association des Femmes Battues elle était accompagnée par le Grand Orchestre symphonique de N.T.M. !
- Qu'est-ce ça veut dire N.T.M. ? interrogea la grand-mère. Angustias approcha ses lèvres de l'oreille de la vieille femme pour lui révéler la signification du sigle.
- Quoi ! s'exclama t-elle, en proie à une horreur indicible. Redis le me le, que je crois que je deviens dure de la feuille ! De nouveau, Angustias saisit la tête de ses deux interlocutrices et leur murmura à l'oreille son explication.
- Ta mère ! s'écria la grand-mère révulsée et à demi morte. Mais y a pas de pardon de Dieu ! A y ! Y faut que j'arrive à mon âge pour entend' des barbarités pareilles ! Il est temps que je meure !
Dans une affreuse grimace la Golondrina eut la force de murmurer:
- Ta mère ! J'ai jamais entendu ça de ma vie ! Moi, j'ai toujours cru qu'avec la soeur, à l'extrême rigueur ! Mais avec la mère jamais !
Angustias entra dans une colère noire :
- Où t'y as entendu dire toi, tontorrona, qu'avec la soeur c'était permis ?
- Quand y a pas moyen de faire otroment ! s'embourba la Golondrina. Des fois, dans la vie, t'y es acculée et tu peux rien faire d'aut' !
Aouéla, fichez lui une calbot' à vot fi' ! hurla Angustias, que je sais pas ce qui me retient lui faire piscas( 4) !
La Golondrina voulut opérer une diversion:
- Et comment y va jouer l'orchestre de N.T.M. pisque son chanteur, Joë Starr, il est en prison ? interrogea-t-elle vivement
Il a pas été condamné à six mois de prison pour avoir foutu une trempe à sa concubine ?
Justement qu'il a été condamné, rétorqua Angustias, mais,' comme il a chante ce soir pour accompagner les Femmes Battues, ça lui est compté comme un travail d'intérêt général et y fera une semaine de moins de sa peine !
- Et qui c'est cet Estarr dont vous parlez ? sauta la Grand-mère. C'est le fils à Quennotte ?
- Qui c'est Quenotte ?
- Quenotte Estarr, le procureur, cui-là qu'il a une dent contre Clinton et qu'y l'y empêche de fumer son cigare tranquille ! sauta la grand-mère.
- C'est pas Quenotte, fit Angustias en rigolant, c'est Kenneth !
- Dé lunés à martes, s'insurgea la grand-mère ! tu vas pas toi me fabriquer une pendule sous préteste que ma prononciation elle est pas parfaite !
- Pos. je sais pas moi si les deux Estarr y sont parents ; peutèt' que c'est le père et le fils ! déclara Angusitas.
- Y doivent se toucher quelque chose (6), affirma la grand-mère, que les Estarr ça court pas les rues...
- Ne dis pas ça man-man, intervint la Golondrina, qu'à Hollywood, comme y te disent les journaux, y a plein des Estar !
- Calla te ! s'exclama Angustias, pour toi, la même chose c'est le savon et le fil noir (5) tout c'est pour le linge ! Bon, c'est pas tout ça, que d'écouter les idioties de la Golondrina. Y faut que je m'en aille que, devant vot' porte j'ai laissé l'amie de Milagro Cébolla qu'elle a pas pu monter vos cinq étages à pied dans l'état ou elle est !
Qui c'est cette amie de Milagro ?
- Maud Cambronne, la meneuse de revue des Folies Bergères ! son mari y l'y a foutu une de ces pelles y a trois jours et même, à demi-morte, elle a voulu manifester avec nous; elle est très connue dans le show-biz ! Toutes les femmes l'ont acclamée ! Tout le parvis des Droits de la Femme l'y a fait une ola quand elle a paru !
- Et pour quelle raison y l'y a foutu la palisse(7) son mari ?
- Pasqu'il est rentré du café avec un coup dans l'aile: à peine si y trouvait le trou de la serrure, reprit Angustias. Maud Cambronne elle l'y a lancé un regard de reproche; un regard seulement, car elle savait qu'il était violent. Ca a suffit ! Il l'y a foutu un trompasso en plein poire. Du choc elle a perdu tous ses cheveux. Je sais pas si c'est de lui voir le crane comme un oeuf d'autruche ou quoi, mais, d'un revers de sa main, qu'il portait une macro-chevalière, il l'a giflée avec une telle force qu'elle a perdu ses dents ; elle est tombée sur les genoux ; il en a profité ce salopard pour lui devisser sa jambe et, avec cette arme, comme une masse il l'y a administré un coup sur l'osquipute avec une telle violence que son oeil a été rouler à trois ou quat'mêt' sous le fourneau de la cuisine. Comme elle nous z'a dit, je voyais presque plus !
- Elle a appelé la police, j'espère, pour arrêter ce tortionnaire ! s'exclama la Golondrina.
- Si je te dis qu'elle avait perdu tout repère. Comme tu veux, toi, que sans son oeil elle trouve l'appareil, sans sa jambe elle puisse se rend jusqu'à l'endroit et sans ses dents elle puisse parler. Monsieur il est allé se coucher à cuver son vin et la pauv' Maud elle est restée sur trois pattes, à tatonner pour retrouver ses prothèses ! Ca a failli briser sa carrière !
J'en reviens pas que ma petite fi', Tonina elle était aussi là-bas ! clama la grand-mère si elle a pas vingt ans ! Qu'est-ce qu'elle faisait au milieu de toutes ces rombières ?
- Vot petite fi' Tonina elle a trouvé du travail, dit Angustias.
- Quel travail elle a trouvé ?
Grâce à la promotion des femmes, elle est devenue sapeuresse-pompière. Elle a répondu à une petite annonce et c'est le chef de corps lui-même qu'y l'a reçue. Elle nous z'a raconté comme ça c'est passé. Elle s'était fardée comme Elisabeth Taylor, elle s'était fait le chignon en choucroute comme Brigitte Bardot, avec des faux cils et tout, elle avait mis une jupe à raz du bonbon avec ses cuisses magnifiques elle était à croquer.
Le Commandant des pompiers y l'y a dit : "Melmoiselle je suis sur qu'avec votre dégaine vous z'alle pouvoir éteindre plusieurs feux à la fois !"
- Sin berguensa ! fit la grand-mère. Et comment elle est venue Tata Pépette de Douarnenez ? En train ?
- Non ! C'est son ami, le camionneur routier qui, en passant, l'a déposée à la porte Dauphine !
- Elle a un ami camionneur ? interrogea la Golondrina. - Bien sûr ! Y vivent ensemb' ! Un type qui fait un met' quatre vingt dix et qui pèse cent vingt kilogs ! Ay mama ! què matcho" ! Il a de ces mains ! à étrangler une veuve !
- Mais Tata Pepette elle devait pas aller à l'hopital ? s'exclama la Grand-mère.
- Voui ! Pour une opération.
- Quelle opération ?
La prostate !
- Mais je croyais qu'on devait lui faire une intervention totale, razibus, pour supprimer tout ce qui dépasse, sauta la grand-mère ?
- Bien sur ! rétorqua Angustias. Comme, avec son camionneur, elle voulait se pacser sans packson, elle s'est même inscrite auprès d'un organisme de dons d'organes pour offrir son superflu à, par exemple, une femme qu'elle aurait voulu devenir un homme...
- Et comme c'est possib' ça ? coupa la Golondrina.
- Oh ! Main'nant, avec les z'ordinateurs et les z'appareils électroniques on peut tout faire expliqua Angustias. On te fait des raccordements, une double couture et en route Simone ! Malheureusement Tata Pépette elle a eu des difficultés avec son malabar de camionneur...
- Et pourquoi elle a eu des difficultés avec son malabar de camionneur ?
- Pasqu'y veut pas qu'elle se coupe quoi que ce soit !
- Et pourquoi y veut pas qu'elle se coupe quoi que ce soit ?
- Pasqu'y dit que c'est ça que ça lui plait le plus en elle !
- Et alors qu'est ce qu'elle fait ?
- Pos, elle est là, partagée dans le désir, d'un côté, de se débarrasser de ce qui la gène et de l'autre de ne pas déplaire à celui auquel elle a voué son existence.
- Elle est malheureuse ?
Avec sa nature, tu crois que c'est pas triste de rester, comme ça, le derrière entre deux chaises ? conclut Angustias
(1) Assomées: de l'espagnol assormarse : se pencher à la fenêtre pour regarder.
(2) Lidrices : féminin de leader.
(3) Expression espagnole qui signifie "la balle n'est pas sortie par le canon du fusil mais a explosé dans la culasse".
(4) Lui faire priscas : de l'espagnol "la mettre en miette".
(5) Expression traduite littéralement de l'espagnol.
(6) Expression traduite de l'espagnol : deben de tocar se algo. Ils doivent être parents.
(7) Palisse : de palissa (esp.) une rouste.
GILBERT ESPINAL
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L'inventeur de la Mélinite
On se souvient de la merveilleuse invention due aux patientes recherches d'un inventeur français M. Turpin, invention qui bouleversa les données de la science sur la puissance des explosifs et valut à l'inventeur de la mélinite non pas les honneurs réservés généralement aux hommes de génie, mais un sombre cachot à Clairvaux où il médita durant cinq ans sur l'inconvénient qu'il y a à vouloir doter son pays d'une merveilleuse invention et à en revendiquer la propriété et le paiement quand on en est indûment dépossédé.
La découverte de la mélinite plaçait la France au premier rang des armes continentales car elle décuplait la force d'offensive de son artillerie qui pouvait désormais se jouer des artilleries ennemies, mais, à la suite de basses intrigues qui, à l'époque firent couler des flots d'encre. La commission chargée de l'expérience du nouvel et puissant explosif, conclut au rejet, cependant que clandestinement des ordres étaient donnés pour la fabrication intensive d'obus chargés à la mélinite.
Que fit alors Turpin ! Furieux d'avoir été joué, il annonça que la mélinite étant sa propriété il allait en vulgariser le secret qu'on lui avait arraché et il fit imprimer dans diverses langues, un opuscule où il révèle le secret de la fabrication, si bien qu'un enfant à l'esprit quelque peu éveillé est à même de la composer lui-même, pour peu qu'il prenne certaines précautions.
On pense bien que nos bons amis les boches ne furent pas les derniers à armer leur artillerie du terrible explosif et voilà comment, avec des noms étrangers, lydite, chédite, les artilleries étrangères furent munies de la mélinite et tinrent la nôtre en respect.
Turpin condamné à 5 ans d'emprisonnement, fut rayé de la Légion d'Honneur. Plus tard, on se rendit compte de la faute commise. Il fut gracié et réintégré dans l'ordre de la Légion d'honneur.
Durant sa détention, cet homme ne se découragea pas. Doué d'une volonté de fer, il travailla sans relâche dans sa cellule et trouva le moyen d'inventer de nouveaux engins de guerre, inventions dont il fut dépossédé contre tous droits.
Aujourd'hui Turpin s'est ressaisi et pensant qu'on lui devait une réparation pour l'expropriation de ses diverses inventions, il a adressé aux pouvoirs publics une requête en ce sens.
Il est à présumer que si le droit est encore le droit, il sera largement dédommagé car il est inadmissible qu'il soit permis de dépouiller un homme du produit de son imagination quand les lois punissent sévèrement ceux qui, frauduleusement ou par contrainte, s'emparent du bien d'autrui et il nous semble fort que les deux cas sont connexes.
P. DRUDE.
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UN NAUFRAGE EN RADE DE BONE
Envoyé Par M. Pierre Latkowski
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L'événement pourrait donner lieu à quelque ironie, s'agissant du naufrage … du bateau de sauvetage ! Mais l'affaire fut suffisamment tragique pour exclure de nos pensées toute plaisanterie de mauvais goût.
Le journal "La Seybouse - journal de Bône" relate dans son numéro 1 (25è année) du 4 Janvier 1868 un fait-divers particulièrement dramatique : le naufrage du canot de sauvetage.
Le 4 décembre 1867, le canot affrété par la Société de Sauvetage de Bône coulait, entraînant dans la mort cinq de ses occupants. Les circonstances du naufrage ne sont pas relatées, on apprend seulement qu'on recueillit les naufragés du côté de la Mafrag, c'est-à-dire à l'embouchure de l'oued du même nom, située à plus de 15 Kms à l'Est de Bône, sur cette longue côte sablonneuse qui forme le fond du golfe.
On imagine l'émoi que causa la nouvelle parmi la population.
La collectivité fit face immédiatement à la catastrophe. On dépêcha des sauveteurs sur les lieux du naufrage pour ramener les survivants, on construisit un abri pour le bateau passablement endommagé, puis on fit appel à la charité publique pour mettre à l'abri du besoin les familles des victimes.
Le curé assura gratuitement le service funèbre.
La Société de Sauvetage décida d'intervenir auprès des pouvoirs publics pour que soient réglées au plus vite les pensions de retraite aux veuves de ceux des naufragés qui appartenaient à l'administration. Elle sollicita des récompenses honorifiques pour les survivants de l'équipage.
La Commune décida d'abandonner gracieusement le terrain où étaient enterrés les corps des marins décédés, et de faire ériger par ses soins un monument en témoignage de la reconnaissance publique.
Une quête, organisée par la Société de Sauvetage, rapporta 479,25 F, une représentation théâtrale 1.068,15 F, et une souscription ouverte chez le patron du bateau (M. Sèbe) 758 F. Par ailleurs, le Commandant de la Province envoya un mandat de 1.000 F, le Préfet 500 F, l'évêque de Constantine 100 F, la Société de Sauvetage de Philippeville 200 F et la Loge Maçonnique de Bône 100 F
Soit en tout 4.205,40 F
Les numéros 6 et 13 de "La Seybouse" feront état, en février et mars, de nouvelles souscriptions.
Cinq sauveteurs étaient décédés dans ce naufrage :
- Le sieur Porcella, Maître du Port, laissant une veuve de 50 ans et une fille de 22 ans.
- Le sieur Provenzali, garde de santé, qui laissait une femme de 31 ans et un enfant de 27 mois. Le Département prit en charge, pendant un an, les frais d'entretien de l'enfant.
- Le sieur Carré,
- Le sieur Siberchicot,
- Le sieur Cauchi .
Le dévouement et l'abnégation du patron, M. Sèbe, et des 6 marins rescapés furent au-dessus de tout éloge.
Puis vint l'heure de poser une question : les dépenses seraient-elles prélevées sur le montant de la souscription ou sur la caisse de la Société de Sauvetage ?
Dans sa réunion du 27 décembre 1867, le Conseil de la Société décida de mettre à sa charge :
- le transport à la Mafrag de deux voitures pour recueillir les naufragés…40 F
- trois bouteilles de Cognac……………………………………………… 12 F
- la nourriture des matelots envoyés pour ramener le canot…… 4,50 F
- les frais pour ramener le canot………………………………… 60 F
- soit 116,50 F.
Seraient prélevés sur les sommes recueillies, les frais d'affiche, ceux de la représentation théâtrale, et la valeur des effets perdus par les sauveteurs.
Le Conseil décida aussi qu'une gratification de 50 F sera allouée à chacun des 6 matelots rescapés ainsi que la prise en compte des frais de médecin et de médicaments.
Le reliquat, soit 3.600 F, fut réparti proportionnellement entre les familles des défunts, au prorata de leur salaire.
Ces salaires, quels étaient-ils ?
- Porcella touchait 1800 F par an.
- Provenzali 840 F.
- Carré 828 F ; sur cette somme il avait délégué 320 F à ses parents âgés restés en France.
- Siberchicot, également 828 F ; il envoyait 144 F à ses parents en France.
- Cauchi environ 840 F.
La situation du sous-officier Porcella qui était à la veille d'être décoré de la Croix d'Honneur et de partir à la retraite, mérita une attention particulière : des démarches furent envisagées pour accorder à sa veuve un bureau de tabac.
Le drame provoqua donc un bel élan de solidarité et les résultats des différentes collectes témoignent que les bônois ne furent pas en reste de générosité.
On peut se permettre toutefois de remarquer que le Cognac envoyé pour réchauffer les matelots coûta plus cher que leur nourriture…..
Pierre Latkowski
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PEUT-ON PARLER DE MUSIQUE " PIED-NOIR " ?
Envoyé par M. Piedineri
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LA MUSIQUE A BAB-EL-OUED, DE LA FIN DU XIXème SIECLE JUSQU'AUX ANNEES 1950
Dès la fin du XIXème siècle, nombreux sont les journalistes, écrivains et voyageurs à faire référence au caractère bruyant et musical du faubourg algérois de Bab-el-Oued. On y célèbre en particulier ses " joyeux guitaristes ", et ses ruelles et ses cafés résonneront longtemps de romances espagnoles, accompagnées du " grincement des guitares et des ritournelles des mandolines " :
" Les guitares sonnèrent joyeusement. Alors un grand garçon pâle se mit à lancer d'une voix perçante une romance valencienne, dont le plain-chant guttural se traînait en longues modulations à la mode arabe " ,
conte le romancier Louis Bertrand dans son livre Le sang des races (1899).
S'asseoir en groupe en cercle le soir autour d'un air de guitare improvisé apportait à ces exilés le souvenir de la terre natale et fut longtemps une de leurs distractions principales. On y danse aussi - malaguena, cachuchas et fandango, mais très vite la valse ou la mazurka -, en particulier lors de la fête de la Mouna. Dans la revue Annales Africaines du 6 avril 1907, on lit :
" Ce sont des natifs de Mayorque qui se trémoussent avec grâce en faisant entendre les paroles rituelles : ils dansent le " Fandango ", la danse nationale, celle de toutes les Espagnes ; comme orchestre, de simples castagnettes ornées de rubans, et une vieille chanson chantée sur un ton traînant et cadencé, à pleine voix par les jeunes, fredonnée par les vieux accroupis sur leurs jambes ".
Mais ces transplantés savent aussi s'intégrer à leur nouveau milieu :
" […] Un Espagnol aveugle, plus modern-styl', chante avec un accent un peu spécial et sur un rythme tout à fait à lui une des plus délicieuses chansons de Mayol. Oh vulgarisation où vas-tu donc te nicher ? "
Les jeunes hommes de la Cantère (partie la plus espagnole et la plus populaire de Bab-el-Oued) pratiquèrent même jusqu'à un certain temps la sérénade à la fenêtre d'une prétendante .
A Alger, les chansons populaires fleurissent, reprises souvent sur des airs connus telle que Elisa la maltaise. Ou cette chanson, assez salée, jouée sur l'air d'une mandoline et qui semble avoir été assez populaire, qui commence ainsi et dont nous ne connaissons pas la suite : " Si veuye vénir cé soir à Baba l'Ouè...è...de / Io té forai voir, o ma belle Espagnolè...è...te " … L'air bénéficie d'une adaptation au quartier voisin de la Marine, plus italien : " Si tu voï venir comé la Marina, / Io te ferai vère la pesca a la sardina... / Oï Marie, comme tou es joulie / Quand tou mets la poud' de riz ! " .
" Tout le monde chante à Alger " , relève l'homme de Lettres Paul Achard. Exemple en mars 1921, lorsque l'établissement le " Nouveau-Théâtre " prend le risque d'organiser un grand concours d'artistes amateurs : " Monomanes de l'alexandrin, glapisseurs de romances, bancroches du contre-ut, andouillers de la sornette, basses-tailles de la gaudriole, tous furent conviés. Cela fit une petite armée " , se moque cruellement un chroniqueur aux Annales Africaines : " Car le côté intéressant de l'affaire, poursuit-il, est que le public se trouvait là - et j'ose dire : un peu là. Jacob qui attendait fébrilement dans la coulisse l'instant de paraître, avait amené papa, maman et les petits Jacob ; Pépico y avait convoqué la parenté jusqu'à la quatrième génération inclusivement et le voisinage "…
Cela dit en avril 1919 le même établissement fait jouer La Traviata (puis quelques semaines plus tard, Rigoletto), qui remporte un grand succès populaire :
" Après l'opéra-comique, l'opéra, lit-on dans L'Echo d'Alger du 1er mai 1919 ; le Nouveau-Théâtre ne se refuse rien et sa devise doit être : "Quo non ascendam !". L'annonce de " La Traviata " (qui n'est précisément pas une nouveauté) avait pourtant attiré un concours énorme de populaire désireux et curieux d'entendre Mme Berthrand et le ténor Rocca, ses favoris, dans l'œuvre désuète de Verdi. Salle bondée à craquer, électricité dans l'air (veille de 1er mai), public nerveux et houleux. […] un nouveau riche du poulailler, pour prouver qu'il a de l'argent à en jeter par les fenêtres, lance des gros sous sur la scène. Rocca le stigmatise en deux mots et le public le conspue bruyamment. […] Salves et bans sont battus en son honneur, tandis que des gerbes de fleurs tombent à ses pieds et M. Rocca n'a pas assez de ses deux bras pour les serrer sur son cœur ".
La Traviata, " chef-d'œuvre représentatif du goût algérien " selon Paul Achard, qui répondrait " aux aspirations romantiques d'un peuple neuf, impulsif et encore peu averti " . C'est que, toujours selon lui, " beaucoup d'algérois connaissent par cœur le répertoire d'opéra et d'opéra-comique ". Le théâtre lyrique eut en effet de grandes faveurs en Algérie, Alger donnant d'ailleurs un certain nombre de chanteurs lyriques à la Métropole. Y sont plébiscités les répertoires italien et français (Cavalleria rusticana, La Traviata, Tosca, Rigoletto…) : " Les Italiens nous plaisent […] et tant que Donizetti, Verdi, Rossini, Mascagni et Léon Cavallo [sic] seront joués sur notre scène, les Algérois applaudiront de grand cœur, et passeront des soirées agréables ", indiquait le journal Papa-Louette en novembre 1907.
Paul Achard, évoquant l'Alger de la Belle Epoque, se souvenait des dames " friandes de musique italienne autant que des petits potins ", relayé par Gabriel Conesa qui note, à propos du Bab-el-Oued des années 1940 : " Les amateurs de belle voix restaient nombreux ", précisant : " surtout chez les Italiens " . Ce goût du lyrique trouve aussi l'occasion de se manifester lors de concerts en plein air joués par l'Orchestre municipal ou les diverses sociétés musicales. Parmi les classes populaires, chacun se fait ténor à l'occasion, comme le concours amateur organisé par le Nouveau-Théâtre pouvait, plus haut, le signifier. Le pêcheur Pépète, héros d'un roman de Louis Bertrand, se vante ainsi de n'aimer que " la grande opéra " et connaît par cœur tout le vieux répertoire italien " pour l'avoir entendu cent fois au théâtre avec son frère Laurent ", frère qui l'emmena aussi bien au cirque qu'au théâtre . Et, s'accompagnant du guitariste Pascualète à la terrasse d'un café, il entame une cavatine, sur un air de Rigoletto : " La voix, d'une étendue et d'une puissance peu communes, s'entendait jusqu'à la rue Bab-Azoun. Immédiatement un cercle se forma. […] Il acheva le morceau, au milieu d'applaudissements qui dégénèrent en une véritable ovation. "
Paul Achard dont les ouvrages ont souvent valeur de document confrontés à d'autres sources, écrit qu'" Alger est une ville pleine de musique. A cette époque [= vers 1900], on peut dire qu'à Alger tout le monde avait une voix, tout le monde chantait. Beaucoup écrivaient des vers, composaient des mélodies. […] La vague d'esthétique gagnait les gens du peuple, les bonnes, les décrotteurs, les salaouetches [= chenapans] et les voyous des rues. Il y a eu là un mouvement comparable à celui de la Renaissance. Toutes proportions gardées. "
Le baryton Ragantini jouit d'un certain succès local lors des soirées artistiques de la société l'Excursion de Bab-el-Oued, et nombreux sont les banquets de tous types d'organisations s'achevant sur une note de Carmen, La Traviata ou autres airs. Le Gavroche Algérois Cagayous décrit ainsi les cafés du faubourg en 1906 : " Les cafés c'est bourré du monde qu'on joue les cartes, le billard et qu'on chante. […] chaque soir le concert on fait. Un junhomme [= jeune homme] petit qui ressemble un chien bouledogue, il a la voix ténor […]. Tous les opéras y connaît. Quand y chante, y se pose une main dessur sa figure comme les marchands des oursins pour que la voix elle sort fort. " A tel point qu'" un aute café il a voulu faire la concurrence à çuilà-là en s'embauchant un qui chante la basse vec la guitare. […] y s'envoye [= il chante] La Juive tout le temps. […] Dehiors, c'est plein des chaises qu'on s'assit les filles pour faire le goût [= sur lesquelles les filles s'assoient pour profiter] " . Une dimension populaire qui a tendance à agacer : " A qui fera-t-on croire qu'un amateur de spectacles dramatiques ou lyriques préférera le Vélodrome au Théâtre municipal d'Alger ? ", s'énerve un chroniqueur au journal Revanche du peuple en novembre 1901. Et si la vie théâtrale est dans l'entre-deux-guerres particulièrement intense à Alger, un article des Annales Africaines daté de 1922, craignant qu'" Alger-capitale " ne se trouve au point de vue artistique au-dessous d'Oran et Constantine - malheur ! -, regrette la prédominance du genre comique : " Ainsi, c'est bien décidé : Alger n'aura pas d'Opéra cette année ! Les nouveaux directeurs […] nous donnent bien à entendre que nous en aurons tout de même lorsqu'ils auront épuisé le répertoire de comédie dont ils veulent nous gratifier. Mais je n'y crois guère " …
Un des opéras les plus populaires et dont le succès ne se démentira jamais est en effet Carmen. " C'est la pièce favorite des Espagnols " , observe Louis Bertrand. Cette passion est bien plus universelle, et le journal Revanche du peuple peut écrire trois ans plus tard au lendemain d'une représentation : " Le bel opéra-comique de Bizet eut, mardi soir, les honneurs de l'affiche. Carmen, très populaire parmi les Algérois, avait attiré un public nombreux, tout disposé à applaudir la musique tour à tour tendre et passionnée de l'auteur de l'Arlésienne. " Carmen est donné quasiment chaque année à Alger . En janvier 1912, on se bouscule à Oran pour pouvoir assister aux deux représentations . Les femmes chantent L'a-mour est en-fant de bo-hème… dans les ateliers .
Alger, aura même lors de la décennie 1910 sa Carmen, Mlle Marina Lambert, cantatrice qui fut cigarière à Oran. Elle obtient en novembre 1917 la première place au concours d'entrée du Conservatoire National de Musique de Paris, après avoir remporté, inconnue qu'elle était la veille, un triomphe dans l'interprétation de Carmen à l'Opéra d'Alger. Ce sera partie remise en juin 1919, cette fois au Nouveau-Théâtre : " Carmen semble avoir été écrit spécialement pour elle. […] Au surplus, elle danse son rôle elle-même avec une fougue et un art véritablement andalous " , dit d'elle la critique de L'Echo d'Alger. Marina Lambert prête aussi régulièrement son concours aux concerts d'été donnés Square de la République, où elle chante des airs de Jules Massenet (Sapho, Hérodiade, Le Cid), Sigurd d'Ernest Reyer, La Tosca de Puccini… Elle y interprète La Marseillaise le jour de l'annonce de la signature du Traité de Versailles, dans une ambiance survoltée . Un chroniqueur aux Annales Africaines invite ainsi les autres cigarières, après en avoir rencontré lui-même, à prendre exemple sur Marina Lambert : " Elles vocalisaient et rossignolaient à qui mieux mieux ; qu'un généreux protecteur s'intéressât à elles, et les voilà lancées. "
Enfin les habitants de Bab-el-Oued ont sans doute été nombreux à applaudir le célèbre ténor espagnol Miguel Fleta qui, très attendu, se produit le jeudi 5 mai 1932 à l'Opéra municipal.
Mais l'opéra est loin de constituer la principale distraction des faubouriens. Il est le " théâtre de la bonne société ", selon la formule du journal Les Spectacles d'Alger . Les places sont chères et le petit peuple s'y rend surtout lors des grandes occasions . Le fruste Rafael, après une représentation de Carmen ne peut admettre que l'on " s'attendrît à ce point pour des choses qui n'existaient pas " . Roland Bacri confie ne pas avoir eu, enfant, l'habitude de s'y rendre et le " viril " Gabriel Conesa se moque dans ses souvenirs d'un groupe de garçons de son quartier, pourtant décrit comme " du même tonneau que [notre bande] ", se passionnant pour l'opéra au point de s'être fait engager dans la claque permanente afin de ne manquer aucun spectacle, ceux-ci s'étant selon lui " laissés toucher par les délices amollissantes du " bel canto " " …
Moins " amollissante ", la musique militaire, depuis toujours très appréciée dans une Algérie cocardière où la population a bien conscience que son destin est lié à la présence de l'armée. Les concerts militaires donnés régulièrement constituent pour longtemps une des principales réjouissances gratuites des Algérois, attirant une population avide de spectacles et de vie au-dehors, selon une mode cependant propre à cette période. Et voici décrite, par le journal Le XIXème siècle, l'arrivée à Alger du bataillon du 1er Tirailleurs revenant du Tonkin le 17 mai 1886 :
" Les divers corps de la garnison d'Alger, le colonel du 1er tirailleurs, venu de Blidah avec le drapeau du régiment, les musiques militaires et civiles sont allés à la rencontre du bataillon. Un arc de triomphe était dressé à la porte Bab-el-Oued ; les rues étaient pavoisées. Le bataillon a traversé la ville sous une pluie de fleurs et au milieu d'applaudissements enthousiastes ".
Si l'on chante, on joue aussi beaucoup de musique. Le voyageur Marius Bernard relate ainsi quelques années plus tard la " rumeur confuse " s'élevant selon lui de la commerçante et cosmopolite rue Bab-el-Oued :
" des psalmodies de mendiants, des chants de soldats, des appels de matelots, des clameurs de disputes, des craquements de castagnettes, des carillons de pianos mécaniques, des bourdonnements de flûtes. Derrière des portes closes retentissent les battements de mains et les crins-crins de mandolines qui, dans on ne sait quel taudis, accompagnent les danses andalouses de l'on ne sait quelles ballerines. "
Et l'on se plaint pareillement, dans les Annales Africaines, du " pleurnichement des mandolines, des guitares, des accordéons embusqués à chaque carrefour " .
Publicité parue dans le Papa-Louette du 15 avril 1909. Vente de cordes pour guitares et mandolines dans un Bar Bodéga situé rue Bab-el-Oued.
" Dans une ruelle voisine, quelqu'un joue : Alma de Dios [comédie lyrique espagnole]. Ces grattements de la mandoline… ça vous chatouille l'âme ! " , indique Lucienne Favre dans son roman Bab-el-Oued. Car, et ce jusqu'à la veille des années 1920 au moins, la reine des rues européennes d'Alger est incontestablement la mandoline (dont la diffusion connaît son apogée mondiale à cette période). D'où probablement le fourmillement d'Estudiantinas dans la Ville Blanche. Les concerts en plein air qu'elles donnent lors des longues soirées d'été sont particulièrement suivis et s'ancrent dans le quotidien des populations. " Avec les belles soirées étoilées, avec nos merveilleux clairs de lune, la saison des sérénades va nous revenir. Mandolines, mandoles et guitares vont se mettre à fredonner. Les génies dulcinées, accoudées à leur balcon vont entendre, dans la tiédeur des nuits calmes, les sonorités mélodieuses qui les feront rêver… " , se réjouit-on, à l'aube du printemps 1909, dans les Annales Africaines. Et Cagayous, après un " gueuleton " mémorable, danse au son de l'accordéon, de la guitare et d'une " mandoline italienne " … C'est ce trio instrumental qui domine alors chez les orchestres Européens d'Alger et qui anime mariages et bals à Bab-el-Oued.
Investissent également les rues certains mendiants ou artistes plus ou moins médiocres. Cagayous se moque ainsi volontiers de Mecieur Hoc lorsque celui-ci s'attarde devant un Napolitain chantant une romance de son pays à l'aide d'un orgue de Barbarie . Mais ceux-ci sont promis à un avenir funeste. Dans une chronique datée de 1922, les Annales Africaines observent un changement inéluctable dans le paysage musical algérois, au profit d'un moindre pittoresque :
" les musicantis, aveugles tournant la manivelle d'un orgue poussif ou écrasant les louches d'un accordéon enroué, boiteux raclant les cordes d'une mandoline grinceuse ou d'une guitare aphone, n'étaient plus écoutés : ils se sont effacés, humiliés et honteux, devant la concurrence déloyale des grands cafés qui ont installé sur leur terrasse un orchestre d'élite. "
Mais six ans plus tard, en juillet 1928, un chroniqueur au même journal s'exaspère : " Tous les soirs […] s'élève et plane sur la ville une rumeur d'abord très vague, puis plus distincte et qui enfin se transforme en symphonie. Symphonie incohérente, faite de mille bruits divers et qui ne devient désagréable que parce qu'on l'entend partout, partout. " Et l'on observe que la misère n'efface pas la créativité. Citons entre une dizaine d'exemples ces femmes à la Casbah, " peintes en bleu et en rouge qui tapent sur des instruments sans nom, ce sont des casseroles de terre dont l'orifice est recouvert de peau d'âne ", ou cet " Espagnol tête sinistre, recouverte d'un foulard à carreaux, [qui] chatouille une mandoline ; là-bas fredonne une guitare dont la boîte est une carapace de tortue : bref, votre exaspération, loin de se calmer s'accroît encore " …
Si le temps amène un moindre particularisme, chanteurs et guitaristes Espagnols sont présents à Alger jusqu'en 1962. Dans l'entre-deux-guerres, il n'est pas rare qu'ils s'y produisent. C'est le cas des danseurs Espagnols du " trio Hernandez ", au Casino music-hall, en décembre 1920, ou de la chanteuse argentine Teresina, accompagnée de son pianiste J. Alfonso et de son guitariste G. Montoya, à l'Opéra d'Alger en 1932. Et la bande-son de " La Famille Hernandez ", pièce de théâtre de la fin des années 1950 s'attachant à retranscrire la vie quotidienne d'une humble famille de Bab-el-Oued, est encore assurée par un groupe de guitaristes Espagnols d'Alger, Los Alcarson. Mais ces particularités que nous évoquons en forme d'ébauche ne doivent pas nous faire oublier qu'Alger comme Bab-el-Oued ne passèrent à côté d'aucune mode. Le peuple de Bab-el-Oued danse la valse au son de l'accordéon sous les lampions du 14 Juillet, et la variété, de Mayol à Tino Rossi, a la faveur des masses autant qu'en Métropole.
L'apparition de la radio accentuera cet état de fait. Les chanteurs et musiciens Français les plus populaires se produisent à Alger (Henry Garat en 1932, Tino Rossi, plus tard Django Reinhardt et Charles Trenet). Dans l'entre-deux-guerres, ce sont fox-trot et charleston qui font danser les jeunes, quand les orchestres de jazz animent toujours plus nombreux les bals. Puis ce sera le tour du rock'n'roll, des boums et des mobylettes. Il existe en outre un fort attrait pour les rythmes sud-américains. Les danses et musiques latino-américaines (tango, matchiche) n'ont aucun mal à s'implanter à la fin du XIXème siècle. Les films musicaux espagnols, mexicains ou argentins sont dans l'entre-deux-guerres particulièrement appréciés des femmes. Et les " latins lover " et chanteuses à accent trouveront plus tard sur ce terreau un public conquis d'avance, en particulier Luis Mariano qui bénéficiera d'une grande popularité. Ce dernier sera la vedette de tout radio-crochet de Bab-el-Oued digne de ce nom.
Des symphonies qui se croisent mais se mêlent peu
Bab-el-Oued ne fut pas, comme Oran, une " ville andalouse ", selon le mot d'Emmanuel Roblès. Outre son caractère mêlé, il se trouve par sa position voisin à la fois de la Marine plutôt napolitaine et de la Casbah judéo-arabe, et, plus perméable, en tant que faubourg algérois, à la culture française.
Nous avons déjà évoqué le mélange des genres que promeut la fête champêtre communiste de septembre 1936, entre un concert oriental, la présence d'un ténor et de guitaristes Espagnols. C'est, pareillement, la société de musique arabe El Moutribia qui le printemps suivant accompagne, au côté de l'Elan de Bab-el-Oued, la grande " fête de la Jeunesse " des Groupes laïques d'études , organisation proche de la gauche modérée. Mais les deux populations d'Alger, européenne et musulmane, se trouvent séparées par leurs distractions et pratiques musicales ; si, en plein Front populaire, les samedi-dimanche 20 et 21 juin 1936 un millier de personnes remplissent les baraquements du Sahel où sont organisés, par les grévistes des chantiers municipaux, deux concerts-bals de soutien (samedi soir et dimanche après-midi), un millier d'autres, le dimanche soir, se rendent au " gala oriental ", sans que l'on ne sache toutefois la composition des différents publics . Cela dit, la musique d'inspiration arabo-andalouse pénètre à Bab-el-Oued. Au-delà des joueurs des rues et cafés maures, les sociétés musicales El Andalousia et El Moutribia donnent des concerts au square Nelson. En juillet 1939, lors de fêtes de quartiers, il est prévu une " continuation et finale du radio-crochet et du concert oriental " . Si pour certains, ce ne sera que de la " musique arabe " voire de la " musique d'Arabes ", d'autres y seront peut-être plus attentifs, le patrimoine méditerranéen, la proximité des airs andalous espagnols et maghrébins aidant. Mais, dans un registre plus savant, " peu d'Européens auront connu les raffinements de la musique arabo-andalouse " , note Eveline Caduc.
Pierre Dimech, né à Alger et se penchant sur " l'air du pays ", souligne le fait que " l'apport méditerranéen s'épanouit d'emblée, avec une forte influence du folklore espagnol, contrebalancée par celle du folklore italien " . Bab-el-Oued, par sa situation, est au cœur de cela. Les romans de Lucienne Favre et Ferdinand Duchêne nous montrent les rencontres furtives entre folklores valencien et napolitain dans les cafés et rues de Bab-el-Oued et du quartier de la Marine. " L'accordéon espagnol si habla italiano, qu'est-ce que tu crois ?... " , fait dire le second, amateur de folklore local, à l'un de ses personnages. Quant à Lucienne Favre, cette dernière imaginant un concert d'été dans un café, " spectacle populaire et familial très goûté des gens de Bab-el-Oued ", écrit :
" Sous la tonnelle, les musiciens sont déjà installés. Il y a un joueur de mandoline, un joueur de guitare et un gamin qui manœuvre des castagnettes. Margarita chante d'abord une chanson napolitaine que la mandoline seule accompagne. Tout le monde reprend au refrain. "
Malgré les rivalités de nationalismes, le recours au répertoire espagnol, sur le mode du folklore, ne fut jamais négligé. Nous l'avons constaté en étudiant les programmes des concerts donnés par les sociétés musicales algéroises. Aussi, lors d'un concert au square Bresson donné en juin 1908 (les concerts en plein air ont toujours été très appréciés des Algérois), l'Orchestre municipal, dirigé par le maestro Bardou, joue à l'aide de castagnettes la valse España . L'Italie, lors de ces mêmes concerts d'été n'est pas en reste, sur le mode de la " romance ". Les artistes Napolitains sont aussi présents lors des soirées festives du Kursaal ou de l'Excursion artistique de Bab-el-Oued, tel un certain Rizzi, jouant O sole mio au violoncelle…
Mais il n'y eut pas, à vrai dire, au moins jusqu'aux années 1950, de création sérieuse résultant de ces contacts. " En matière de musique, l'Algérie française a tout reçu, peu donné, beaucoup adapté, note Pierre Dimech. […] Chaque groupe ethnique apporta son folklore et sa sensibilité. Mais, d'un autre point de vue, chaque couche sociale apporta également sa culture musicale. Ceci constitua un ensemble de dominantes plus qu'un patrimoine homogène " . Non sans certaines interrogations, volontés ni regrets. Nous avons consulté un article signé R. Marie V. paru dans La vie algérienne, tunisienne et marocaine du 25 janvier 1925, intitulé " Musique - Pour une école algérienne ". D'emblée, il est indiqué : " il est certain que l'Afrique du Nord est un pays autonome, de cœur français soit, mais avec ses manières de vivre, de penser, de s'exprimer bien caractéristiques et bien différentes des façons européennes ". C'est donc dans la droite ligne de l'algérianisme que l'auteur s'inscrit : " Alors que nombreux déjà sont les Algériens qui se firent un nom dans le monde des lettres ou de la peinture, dans celui de la science ou de la politique, nous en sommes à attendre le musicien né en Algérie qui saura s'imposer… ". Partant du constat que " les compositeurs de tous les pays tendent à nationaliser la musique ", R. Marie V. dénonce le manque d'exploitation des folklores d'Algérie :
" Les scènes arabes, berbères, juives ou même simplement " sang des races " [allusion au titre du roman de Louis Bertrand] depuis le Maltais et le Silicien jusqu'au Valencien et au Majorquais, depuis le Marseillais jusqu'à l'Alsacien, toutes les mœurs fondues pour élaborer un mode d'existence unique et neuf, rien de ce riche filon n'a encore été exploité, comme à l'automne dernier le faisait remarquer une critique de notre revue à propos d'un concert d'Algérois ".
S'interrogeant sur les raisons de ce manque d'intérêt l'auteur déplore que si " les compositeurs ne manquent pas en Afrique du Nord ", ceux-ci tournent trop volontiers " leur regard vers la Métropole " :
" Ont-ils jamais songé qu'ils vivent sur un trésor inépuisable ? Ont-ils jamais noté le chant du Mahonnais qui ramène ses chèvres au Frais Vallon [périphérie champêtre de Bab-el-Oued], jamais écouté sans sourire la rhaïta mozabite, jamais frémi aux étonnantes liturgies juives qui s'échappent par bouffées aux portes des synagogues séculaires ? "
Cet auteur n'est pas isolé et l'ancien secrétaire général de la Société des Ecrivains de l'Afrique du Nord Louis Groisard , s'il se réjouit dans un article des Annales Africaines (" Essor musical ", avril 1937) que " l'exploitation des anciens thèmes populaires français ou espagnols s'est révélée très riche ", regrette à son tour, pour ce qui touche aux thèmes nord-africains, que " l'heure des applications fécondes n'a point encore sonné ". " On s'est borné à emprunter, avec plus ou moins de doigté, les airs indigènes, dont de grands musiciens d'Europe ont usé, dont les chansons des rues ont abusé ", poursuit-il, faisant le constat d'un retard dans les domaines théâtraux et musicaux. Mais les préoccupations premières des migrants Européens furent longtemps toutes autres que la création d'une école musicale. De plus, une fois venu le temps de l'installation définitive, c'est en direction de la France, modèle indépassable, que les regards se tournent, corollaire de l'éloignement avec ce qui peut paraître comme trop franchement arabe et berbère. Une jeune fille Française digne de son nom se doit d'apprendre le piano et les grands compositeurs classiques. Même si l'analyse de Louis Groisard invite à relativiser cette fermeture : " Au Maghreb français, conclut-il, le bourgeonnement est indiscutable. A mesure que les nécessités primordiales se tempèrent, l'homme fait, dans le présent, une place plus grande à l'éternel ". Les arabo-berbères n'ont quant à eux pas attendu ce genre de questionnements pour adapter - ainsi du bônois Cheikh M'hamed El Kourd, et sa valse Haramtou bik nouassi - et faire évoluer un genre musical millénaire, comme en témoigne à Alger l'apparition du chaâbi.
La communauté juive, autochtone, qui tend à s'agréger au groupe Européen (et, surtout, à adopter la culture française) tout en gardant une position " intermédiaire " à l'intérieur de la société algérienne, porteuse de ce même héritage millénaire à travers la musique andalouse, fut en définitive la mieux placée pour faire fructifier ce " trésor inépuisable " qu'évoquait R. Marie V.
C'est en effet à partir des années 1940-1950 que les premiers effets de ces divers contacts musicaux se font sentir, avec l'apparition du music-hall d'Algérie et de la musique françarabe, portée essentiellement par des artistes issus de la communauté juive qui dévoile ainsi son rôle-tampon. Ce genre unique est initié par Lili Boniche (de son véritable prénom Elie, 1921-2008). Issu d'une famille modeste, il grandit dans la Basse-Casbah d'Alger. Elève du grand musicien classique arabo-andalou Saoud l'Oranais (1893-1943), il intègre Radio-Alger en 1936, à l'âge de 15 ans, pour une émission hebdomadaire consacrée au hawzi. " À la fin des années trente, sa voix d'or est réclamée dans toute l'Algérie " , note François Bensignor. Maîtrisant parfaitement le style classique arabo-andalou, Lili Boniche va dès lors le mêler à diverses influences, latino-américaines (tango, rumba), espagnoles, variété française…, donnant naissance à un style nouveau dit " françarabe ", qui connaît dans les années 1950 un grand succès. Lili Boniche, est à l'aise autant dans le style classique que dans le chaâbi (musique populaire algéroise née dans la Casbah, dérivée de l'arabo-andalou), l'interprétation de chansonnettes populaires françarabes comme Pedro le Toréador (" Je suis Pedro le Toréador / Avec moi les taureaux sont tous morts "…), et se rend célèbre par sa reprise de Bambino en arabe. D'autres artistes suivent le mouvement, en particulier l'Algéroise Line Monty, de son vrai nom Eliane Serfati (1926-2003), pour qui le Tunisois Youssef Hagège compose L'Orientale, aux paroles franco-arabes, aux mélopées espagnoles, accompagnées de guitare, piano, violon, tambourin… Ce style puise ses racines en partie dans le Bab-el-Oued de la Troisième République. Anne-Hélène Hoog, historienne et conservatrice au Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme de Paris, s'exprimant en 2012 à la radio en tant que commissaire de l'exposition " Les Juifs d'Algérie ", affirme :
" Il faut beaucoup insister sur le fait que l'espace de la rue, qui est l'espace partagé par tous, a été par excellence celui où la musique, tel des chansons comme Bambino, etc., avec des influences espagnoles, qui plaisaient aux colons espagnols, des influences italiennes, arabes… Tout ce monde-là coexistait et les musiciens sont totalement un miroir de cette société. Et le grand humour, c'est que justement tout le monde s'amuse beaucoup. Et je pense qu'il faut insister là-dessus " .
Enfin, ne sont-ce pas des gitans qui apprirent à jouer de la guitare au jeune Gaston Ghrenassia, petit Juif de Constantine et futur Enrico Macias, pétri de variété française et par ailleurs élevé dans la plus stricte tradition musicale arabo-andalouse de l'Est algérien (le malouf), qui mêlera largement les différents apports reçus ? Peut-être exprime-t-il cette maturité musicale, comme le suggère aussi Pierre Dimech, que la première moitié du XXème siècle ne connaissait pas encore. Nous devons aussi évoquer les guitaristes et chanteurs Martial Ayela, Jean-Paul Gavino, Jean-Pax Méfret (dans un autre style), Georges Blaness mais encore Alberto Staïffi, hélas plus connu pour la chansonnette fantaisiste Mustafa que pour ses émouvantes et nostalgiques Mon pays et Faubourg Montmartre. Une nouvelle étape est franchie, qui fait suite à la génération de Lili Boniche encore très imprégnée de classique judéo-andalou. C'est à partir de là, selon nous, que l'on peut commencer à parler d'une musique " pied-noir ", ou " française d'Algérie ", à savoir un chant en français mâtiné de légers éléments arabes ou espagnols, une inclination vers la mélopée, plus latine qu'orientale, ainsi qu'un accompagnement caractéristique à la guitare. Un style lié en parallèle aux modes de la variété française et qui, du fait de circonstances historiques bien connues, n'aura ni le temps ni la possibilité de prendre forme et s'épanouir.
1 Louis Bertrand, Le sang des races, Paris, Tchou, 1979 (1ère éd. 1899), p..30.
2 Louis Bertrand, Le sang des races, Paris, Tchou, 1979 (1ère éd. 1899), p.34.
3 " Parfois, le novio touche de la guitare. Il se rend sous les fenêtres de sa belle, accompagné d'amis grattant qui de la bandurria, qui du luth espagnol. Un chant s'élève dans la nuit " (Paul Achard, Salaouetches, Balland, 1972 (1ère éd. 1939), p. 197).
4 Lucienne Favre, Bab-el-Oued, roman, La table ronde, Paris, 1946 (1ère éd. 1926), p.15.
5 Ferdinand Duchêne, Mouna, cachir et couscous, Albin Michel, 1930, p. 38 ; Paul Achard, L'homme de mer, Paris, Tchou, 1979 (1ère éd. 1931), p. 99.
6 Salaouetches, op. cit., p. 227.
7 Annales Africaines du 31 mars 1921.
8 Salaouetches, op. cit., p. 215-216.
9 Pierre Darmon, Un siècle de passions algériennes, Une histoire de l'Algérie coloniale (1830-1940), Fayard, 2009, p. 685.
10 Gabriel Conesa, Bab el Oued, notre paradis perdu, Robert Laffont, 1970, p. 174.
11 Louis Bertrand, Pépète et Balthazar, Paris, Tchou, 1979 (éd. 1920), p. 114, p. 244 et p. 284.
12 Ibid., p.60.
13 Salaouetches, op. cit., p.217.
14 Musette, Le mariage de Cagayous, Méditerranée vivante, Alger, 1949 (1906), p. 38-39.
15 2 novembre 1922.
16 Le sang des races, op. cit., p. 241.
17 Revanche du peuple du 12 janvier 1902.
18 Fernand Arnaudiès, Histoire de l'Opéra d'Alger, Ancienne imprimerie V. Heintz, 41 rue Mogador, Alger, 1941.
19 Annales Africaines du 13 janvier 1912.
20 Lucienne Favre, Bab-el-Oued, roman, op. cit., p. 45.
21 L'Echo d'Alger du 15 juin 1919.
22 L'Echo d'Alger des 24 et 28 juin 1919.
23 10 juin 1920. L'article confirme aussi la fréquentation de l'opéra par les classes moyennes et populaires.
24 26 novembre 1930.
25 Marc Baroli, Algérie terre d'espérances, Colons et immigrants (1830-1914), Editions l'Harmattan, 1992 (1ère éd. 1967, publié sous le titre La vie quotidienne des français en Algérie chez Hachette), p. 204.
26 Louis Bertrand, Le sang des races, Paris, Tchou, 1979 (1ère éd. 1899), p. 221.
27 Roland Bacri, Et alors? et oilà!, Editions Balland, 1971, p. 126-129.
28 Gabriel Conesa, Bab el Oued, notre paradis perdu, Robert Laffont, 1970, p. 175.
29 Marius Bernard, Autour de la Méditerranée...., Ed. Crété (Corbeil), 1894-1902, p. 46.
30 2 novembre 1922.
31 Bab-el-Oued, roman, op. cit., p. 150.
32 Pas seulement européennes. Les musiciens de chaâbi ont aussi tendance à préférer la mandoline au luth oriental (oud). C'est un luthier Algérois réputé pour ses mandolines, Jean Bellido, dont l'atelier se situe à Bab-el-Oued, qui fabrique vers 1930 le premier mandole (grosse mandoline au ton plus grave), conçu par le célèbre chanteur El Hadj M'Hamed El Anka (" âme de la Casbah " selon Salah Guemriche (voir Alger la Blanche, biographies d'une ville, Perrin, 2012)). Le mandole est le principal instrument du chaâbi et, de nos jours un des instruments " nationaux " de l'Algérie (voir, à propos de Jean Bellido, Le Temps d'Algérie des 7 et 24 mai 2014).
33 Annales Africaines du 27 mars 1909.
34 Musette, Cagayous à la caserne, Méditerranée vivante, Alger, 1959 (1899), p. 108-109. C'est le même type d'orchestre qui est présent lors de son mariage (pour jouer la " sérénade d'honneur "), ainsi qu'au " concert de Bablouette " : " Y en a qui z'ont l'accordéion ; y en a qui z'ont la guitare et la mandoline ; y en a qui portent rien que la peau " (Musette, Le mariage de Cagayous, Méditerranée vivante, Alger, 1949 (1906), p. 37).
35 Le divorce de Cagayous, Imprimerie Victor Rollet, 1906, p. 18-19.
36 Annales Africaines du 6 juillet 1928.
37 L'Echo d'Alger du 14 juin 1937.
38 L'Echo d'Alger du 22 juin 1936.
39 L'Echo d'Alger du 27 juillet 1939.
40 Eveline Caduc, " Une capitale culturelle ", in J.-J. Jordi et J.-L. Planche (dir.), Alger, 1860-1939, Ed. Autrement, 1999, p. 74-100.
41 Pierre Dimech, " L'air du pays ", in Collectif, Les pieds-noirs, Ed. Philippe Lebaud, Paris, 1982, p. 130-134.
42 Mouna, cachir et couscouss, op. cit., p.37.
43 Bab-el-Oued, roman, op. cit., p.193.
44 Le Papa-Louette du 14 juin 1908. Il s'agit d'un exemple purement illustratif. Une bonne partie des concerts d'été comprennent l'interprétation d'un air " espagnol ".
45 Pierre Dimech, op.cit.
46 Né en Vendée en 1899, est nommé professeur de Lettres à Tunis dans les années 20. Ecrivain, il est de 1930 à 1934 secrétaire général de la Société des Ecrivains de l'Afrique du Nord. Louis Groisard est proche des algérianistes.
47 François Bensignor, " Algérie andalouse : Lili Boniche et El Gusto ", Hommes et migrations [En ligne], 1295 | 2012, mis en ligne le 31 décembre 2014, consulté le 28 mars 2015. URL : http://hommesmigrations.revues.org/1091
48 Cela dit le pianiste Oranais Maurice El Medioni, qui fut accompagnateur de Line Monty, reconnaissait récemment sa difficulté à se constituer un public fidèle, expliquant que, connaissant certes un grand succès et remplissant les salles en Algérie, la diva ne pouvait néanmoins rivaliser avec les grands chanteurs de l'époque tels Gilbert Bécaud, Dalida ou Mouloudji du fait, selon lui, qu'elle chantait en arabe (propos recueillis par Tewfik Hakem dans l'émission Les chemins de la musique (France Culture) du 31 octobre 2003, émission consacrée à Line Monty et au françarabe), langue en effet de plus en plus étrangère aux juifs d'Algérie, population au cœur de ce genre musical. Ces artistes n'étaient cependant pas isolés puisque parrainés par le grand quotidien L'Echo d'Alger.
49 Emission de radio de l'Institut Européen des Musiques Juives présentée par Hervé Roten. MUSIQUES JUIVES D'HIER ET D'AUJOURD'HUI - MARDI 20 NOVEMBRE 2012, JUDAÏQUES FM, 21H05.
50 Enrico Macias (avec Jacques Demarny), Non, je n'ai pas oublié, Ed. Robert Laffont, Paris, 1982, p. 107 ; voir aussi la biographie de son maître et beau-père Raymond Leyris, par Bertrand Dicale (Cheikh Raymond, Une histoire algérienne, Editions First, 2011). Enrico Macias obtint d'ailleurs un succès populaire avec sa reprise de L'Oriental(e), de Line Monty. Et, outre une influence juive évidente, une oreille attentive saurait débusquer quelques traces de jazz manouche dans le jeu de ce chanteur à ses débuts, qui s'accompagne en outre d'une guitare de type Selmer dite " guitare manouche ". Il écrivait d'ailleurs récemment, dans son autobiographie L'envers du ciel bleu : " A Constantine, on écoute les disques de jazz de Django Reinhardt ou la guitare classique de Narciso Yepes, et tout le monde connaît le flamenco " (Le Cherche Midi, 2015).
M. Piedineri
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Un Naufrage près de Bougie en 1918
Texte Par Charles Hovelacque
Envoyé par Mme Leonelli
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Paru dans l'Echo de Bougie 2006
En l’an 1915, la Compagnie Générale Transatlantique avait mis en service un paquebot mixte capturé à l’Allemagne lors de la guerre 14-18. Son nom, le Prince Wilhelm V.Rebaptisé La Dives (rivière normande qui arrose la région de Cabourg, Houlgate, Deauville) sous les couleurs de la célèbre Compagnie Maritime Française, il fut affecté au service des lignes d’Afrique du Nord à Marseille dès sa mise en service et échappa deux par deux fois, grâce à sa vitesse, à deux attaques des U-Boot de Guillaume II.
Le 30 janvier 1918, Pierre Hovelacque, pied-noir, né à Fouka en 1885, jeune capitaine au 19e Génie d’Hussein Dey, eut droit à une permission de trente jours après quatre années passées dans les tranchées de Verdun et au Chemin des Dames. Il embarqua sur La Dives qui partait en convoi protégé vers l’Algérie, sans connaître la destination exacte du navire. Oran, Mostaganem, Alger, Bougie, Djidjelli, Philippeville ou Bône ?Le 1er février 1918, le convoi se disloqua à 60 miles nautiques au nord du Cap Carbon.
La Dives et son chalutier d’escorte restèrent seuls pour atteindre le port de Bougie qui était sa destination secrète. Le gros du convoi se partagea en deux, à tribord vers Alger et bâbord vers Bône. Le chalutier Saint Jean, armé d’un canon de 75 et de deux mitrailleuses resta avec la Dives qui fut attaqué par un sous-marin Allemand, l’U 52, vers 13h30. C’était un U-Boot (interseeboot) de la meute de sous-marins qui chassaient aux alentours du Cap Sigli, qui devint un véritable cimetière de navires pendant cette guerre de 14-19 (et non 18 car les troupes Coloniales se battirent contre les Turcs Alliés de l’Allemagne aux Dardanelles et au Moyen-Orient).
La Dives reçut une torpille à hauteur de la cale arrière remplie de munitions et de caisses d’eau de Cologne destinées aux troupes et aux parfumeurs d’Algérie et du Sud.Les six cents passagers du navire furent assommés pour la grande majorité par la puissance de l’explosion (les Allemands étaient les meilleurs chimistes du monde en ce temps-là).
Il y avait à bord trois compagnies de tirailleurs Sénégalais épuisés par le froid féroce de l’hiver 17-18 et deux cents tirailleurs Algériens qui rentraient au pays après quatre ans de combats.Pierre Hovelacque qui prenait l’air à l’avant du bateau ne fut pas sonné par la terrible explosion qui provoqua près de 400 cents morts et disparus. Il plongea pour rejoindre le chalutier d’escorte qui virait de bord pour secourir les rescapés projetés à la mer. Il plongea dix-sept fois pour ramener des naufragés qui dérivaient dans l’eau glacée en appelant au secours, accrochés à une épave flottante.
Chaque fois qu’il revenait sur le Saint Jean, on le frictionnait vigoureusement avec de l’eau de Cologne sauvée du désastre afin de le réchauffer pour plonger au secours d’un autre naufragé hurlant de détresse et de panique !En ces temps-là, très peu de personne savait nager, contrairement à Pierre qui fit partie des « Tritons de la Marne ».
Complètement épuisé, il finit par s’effondrer sur le pont du Saint Jean où on le ranima une dernière fois à l’eau de Cologne et un bon coup de Rhum derrière la cravate !! Déjà titulaire de la médaille militaire après sa cinquième citation avec palme, il reçut la légion d’Honneur en même temps que Monsieur Dol le beau-frère de César Comolli (qui fut maire de Bougie fin des années 40).
Le Saint Jean surchargé de 200 rescapés arriva à Bougie vers minuit où la population ameutée préparait la réception des survivants. La plupart d’entre eux logea à l’hôpital et chez l’habitant, les rares hôtels de Bougie, l’Orient, des Voyageurs et de la Gare étant complets. Pierre fut hébergé chez la famille de Charles Dufour. Il épousera plus tard la fille aînée et ne repartit pas dans sa ferme (estancia) de Rosario en Argentine (ceci est une autre histoire) et termina son périple à Bougie où il planta des milliers d’orangers, d’oliviers et 400 hectares de vignes sur les communes de Oued-Amizour, Oued-Marsa et la Réunion.
C’est de la place de Gueydon qu’il contemplait la mer où il faillit périr un jour glacial de février 1918 en pensant longuement aux centaines de disparus qui avaient été engloutis avec La DIVES.
Extrait des souvenirs de Charles Hovelacque
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RESULTAT DES EXAMENS
BE.P.C. 1961
Envoyé par M. N. Duchene
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Certains vont avoir un peu de nostalgie en se revoyant dans cette liste de noms.
D'autres vont regretter de ne pas y être.
CENTRE DE BONE
Garçons
Abadila Hocine ; Allouche Hubert ; Arman Gilles ; Bailoti Mihoub ; Bechet Alain ; BeIen François ; Bel-kahia Mohamed Salah ; Benteboula Abdelmajid ; Bouchet Alain ; Bou-Koffa Ahmed-El-Krim ; Brochier André ; Buono Alain ; Buttigieg Gilles.
Calleya Michel ; Casha Jean-Marie ; Chabert Pierre ; Chemla Jean-Jacques ; Corbier Jean-Paul ; Corsi José ; Di Pace Yvan ; Dieffel Mansour ; Duchemin Jean-Pierre : Durney Fernand ; Feraga Abdelhamid ; Fois Guy ; Gebhart Alain.
Genty Georges ; Gheradi Gérard ; Gusman Robert ; Hadded Layachi ; Hadj Moussa Mostefa ; Hantz Jean-Yves ; Heitz Robert ; Huyghues-Despointes Christian ; Izembart Pierre ; Lekouaghet Salah ; Magnin Pierre ; Mainy Christian ; Marchi Bernard ; Masini Jacques ; Mayer Paul ; Mereu Jean-Charles ; Mizzi Christian ; Nouacer Zine ; Grierou François ; Pane Robert.
Papion Jacques ; Pelegri Lucien ; Pommier René ; Portelli Bernard ; Portelli Lucien ; Refalo Pierre : Reynes Pierre ; Riboud Pierre, Romant Alain ; Scotto Georges ; Teissedre Claude ; Zammit Pierre.
Bayada Joseph ; Béna Serge ; Boualit Hocine ; Bouhroum Mohamed ; Colandréa Augustin ; D'Accorso Jean-Pierre ; Debeno Philippe ; Defendini Jean-Paul ; Durand Gérard ; Fertik Djamel ; Galés René ; Kahoul Abdelkader.
Meribout Nourredine ; Oufrella Abdelhamid ; Riccardi Gérald ; Solari Georges ; Zermi Abdelhamid ; Clément Yves ; Argaut Pierre.
Bel-HadJ Azzedine : Bertrand-Cadi Yves ; Brurker Paul ; Crounau Francis ; Degos Christian ; Diffre Charles ; Formosa Jean-Louis ; Leyssenne Jean-Paul ; Licandro Bernard ; Masselot Patrick ; Matrone Gilles ; Pibernus André ; Richert Pierre ; Schiano Gilles ; Taliercio Claude ; Trybou Christian ; Tubiana Pierre ; Zerafa Michel ; Ayad Hocine ; Paulin Pierre.
Filles
Agius Anne-Marie ; Anduran Paule ; Aoun Ella ; Aoun Fadhila ; Attard Bernadette ; Aubert Chantal ; Barthélémy Suzanne ; Batise France ; Belhadj Nejma ; Bey-Lagoum Fella ; Borg Marie-claude ; Borghero Jacqueline ; Boukhezza Ouarda ; Broyet Marie-Louise ; Brun Jacqueline ; Bruno Danielle ; Bekakra Hafisa.
Calvat Isabelle ; Cardenti Marie-Josée ; Casano Evellne : Cassano Rita ; Charlois Jacqueline : Charpentier Monique ; Choux Christiane ; Combaz Thérèse ; Coudry Béatrice ; Curelli Annie ; d'Arcangelo Thérèse ; Delaporte Christine ; Di Amore Annie ; Dingli Marie Ant. ; D'lppolito Nicole ; Duchène Danielle ; Fargue Lina ; Freselle Danielle ; Giner Jeanne ; Guedj Michèle ; Guillard Ghislaine ; Jan colette.
Krantz Marie-Anne ; Labessi Nafissa ; Laborie. Marie-France ; Laurent Annie-Joelle ; Lhomme Annie ; Malléa Michelle ; Mansourt Sakina ; Marcialis Josette; Marty Geneviève ; Masbou Mireille ; Meynot Evelyne ; Nadji Dalila ; Nater Geneviève ; Nicolas Huguette ; Oberdorff Anne-Marie ; Parlavecchlo Nicole ; Pepe Annie ; Pin Franceline ; Prudhomme Annie ; Ramon Jacqueline ; Rassat Anne Marie ; Ravaux Jacqueline ; Ruiz Christiane ; Sammut Christiane ; Santallo Denise ; Seguin Chantal ; SorIin Michèle ; Strini Nicole Taïb Françoise.
Tonal Marie ; Tournier Isabelle ; Tranchat Michèle ; Vignelongue Marie-Thérèse ; Vilella Martine ; Zerafa Annie ; Zerrouk Habiba.
Alvado Jacqueline ; Blisson Colette ; Borg Ghislaine ; Brussiau Jocelyne ; Cammiler Charlette ; Chapapria Régine ; Chapeaux Marie ; Fenasse Josiane ; Grech Charlette ; Gréco Hélène ; Hacène Cherkaski-el?khana ; Khodja Zahour ; Leroux Jacqueline ; Lignier Thérèse ; Loubet Françoise ; Mifsud Annie ; Onorato Anne ; Ravel Béatrice ; Siniscalchi Danielle.
Allouche Aline ; Allouche Maryse ; Alpacca Monique ; Animari Feila ; Arari Ghania ; Audebert Marie-France ; Benabed Garmia ; Bernard Paule-France ; Bertolino Danielle ; Boukheroufa Rachida ; Carméni Josselyne ; Chekroun Fatiha ; Curty Viviane ; Di Giacomo Viviane.
Faci Nafissa ; Fassio Sylvia ; Gallo Michelle ; Ghanem Djemaa ; Jacques Annie ; Lakhal Barkaoum ; Lencioni Mireille ; Magro Thérèse ; Minarelli Hélène ; Restouin Yolande ; Tipa Marie-Hélène ; Arki Sonia ; Avril Christiane ; Canu Lydia ; D'Ingrando Geneviève ; Kadi Bariza ; Le Lamer Roberte ; Sorlin Sylvie ; Vasquez Lucie.
La Dépêche
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Des mœurs et des coutumes des Algériens
Envoyé par M. Christian Graille
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I
Tous les peuples qui habitent le royaume d'Alger ont en général des mœurs déréglées, beaucoup de hauteurs et de brutalités à l'égard des étrangers.
Il faut en excepter quelques anciens officiers du gouvernement, quelques marchands qui voyagent, et ceux qui ont été esclaves des chrétiens. L'ignorance et la mauvaise éducation causent leur dérèglement.
Les Algériens accoutumés dès leur bas âge à voir dans leurs maisons des esclaves de toutes les nations, se persuadent aisément que les autres peuples ne sont nés que pour être soumis ; ce qui leur inspire un mépris extrême pour tous les étrangers.
Ils haïssent surtout les Espagnols et les Portugais, qu'ils regardent comme des usurpateurs des royaumes et des pays qui ont appartenu à leurs ancêtres.
Les soldats qui composent la milice et qui sortent ordinairement de la lie du peuple du Levant, fiers de se voir les maîtres d'un grand royaume, et habiles à parvenir à leur tour, ou par cabale, aux plus hautes dignités, sont d'une insolence insupportable à l'égard des Maures et des Arabes auxquels ils font durement sentir leur supériorité.
Ils sont regardés comme les hauts et puissants seigneurs. On leur donne le nom d'effendi qui signifie seigneur, au lieu que les Arabes ou Maures, quelques puissants qu'ils soient par leur naissance ou par leurs richesses, n'ont que le nom de sidi, qui signifie Sieur ou Monsieur.
Le dey est appelé effendi par les soldats et les consuls étrangers ; mais les Arabes et les Maures l'appellent Sultan ou simplement Maître ou Grand Maître.
Tous les étrangers qui ont affaire à lui, et qui ne sont point caractérisés, lui font plaisir de lui donner le titre de sultan.
Ce qui inspire de la modération aux grands, c'est qu'on s'en prend à eux lorsque les affaires ne tournent pas avantageusement et qu'ils sont déposés ou étranglés ; de sorte que la crainte des mauvais évènements leur inspire de la douceur et de la prudence.
Les marchands du pays qui voyagent sont fort traitables, parce qu'ils ont affaire à toutes sortes de nations et ils guérissent par-là des préjugés de leur éducation.
Les Turcs et les Maures qui ont été esclaves sont plus raisonnables. Lorsqu'ils sont chez les chrétiens, ils se désabusent de l'opinion qu'ils ont de la force et de la grandeur de leur pays. Ils voient les forces des chrétiens, leurs grandeurs, leurs richesses, leur éclat et éprouvent les bienfaits de quelques-uns.
Ce sont ordinairement ceux qui font le plus de bien aux esclaves chrétiens, ayant éprouvé le même sort, et craignant pour eux ou pour leurs enfants de retomber dans l'esclavage. Alors ils demandent aux consuls des nations étrangères des certificats du bien qu'ils ont fait aux esclaves chrétiens.
Tous les étrangers qui arrivent dans la ville d'Alger sont conduits, dès qu'ils ont débarqué, devant le dey par le capitaine du port ou un de ses officiers.
Le Dey leur donne la main à baiser et leur demande en langue franque d'où ils viennent, et des nouvelles de leur lieu de départ et de la route qu'ils doivent suivre ; après quoi ils sont renvoyés.
Ordinairement le truchement de leur nation est avec eux, pour servir de guide et d'interprète.
Les étrangers ne doivent point porter l'épée dans les villes du royaume, principalement à Alger. Les consuls et les officiers des princes étrangers n'en portent point, quoiqu'il leur soit permis de le faire.
Mais les rues sont si étroites qu'une épée embarrasse les passants et peut donner lieu à des querelles avec les janissaires, ce qu'il faut absolument éviter.
Lorsqu'un Turc passe, il faut se ranger le mieux que l'on peut et lui faire place si l'on ne veut essuyer des paroles injurieuses. On va rarement dans les rues sans en recevoir des jeunes Turcs et des Maures ; mais c'est à quoi il faut fermer les oreilles et ne pas répondre, de peur que la canaille ne s'attroupe et qu'il n'arrive un plus grand mal.
On ne saurait agir avec trop de circonspection et de patience. Ce n'est qu'en se plaignant au Dey, qu'on obtient une bonne et prompte justice, comme il est arrivé à M. Thomas Thompson, consul anglais, il y a peu d'années.
Mais quelque fois le remède est pire que le mal et pour un coupable qu'on fait châtier, on se fait un nombre d'ennemis dont il faut se méfier continuellement.
En 1716, le Sir Thomas Thompson, consul anglais, allant à la loge où s'assemblent les capitaines de vaisseaux, rencontra sur le môle un jeune Maure, qui selon ce qu'on a cru était ivre.
Le môle est fort étroit et comme d'ailleurs il avait beaucoup plu, le passage n'était guère commode. Le Maure disputa le terrain au consul et le poussa même.
Le consul lui demanda s'il voulait le faire sauter en bas du môle, et lui dit qu'il le trouvait bien plaisant de lui disputer le pas. Le Maure répondit en colère que c'était bien à un chrétien à vouloir la préférence sur lui et en même temps sauta sur le consul, lui donna un soufflet et un croc en jambe, le jeta à terre et lui mit un genou dans l'estomac.
Le capitaine du port ayant vu de loin ce manège s'avança et menaça de loin le Maure, qui ne jugea pas à propos de l'attendre et s'enfuit ; l'autre conduisit le consul à l'assemblée des officiers de marine pour le consoler et réparer son désordre.
L'amiral lui témoigna le chagrin qu'il avait de ce qui était arrivé. Il lui dit qu'il allait en informer le Dey et que ce Maure recevrait bientôt le châtiment de son crime. L'amiral avait beaucoup de considération pour la famille de ce jeune homme, dont le père était un honnête marchand de ses amis.
Ainsi dès qu'il eut rapporté l'affaire au Dey dans toutes ses circonstances, il le pria de ne pas faire mourir le coupable, comme il le méritait, parce qu'il appartenait à d'honnêtes gens, et que d'ailleurs des libertins l'ayant fait boire, l'ivresse l'avait conduit à cette mauvaise action.
Le Dey répondit à l'amiral que cette action méritait la corde et qu'à sa considération, il voulait bien lui en faire grâce. Mais comme il fallait pour l'exemple et la satisfaction du consul outragé, châtier cet insolent, le Dey demanda à l'amiral de s'expliquer sur le châtiment qui devait être ordonné. L'amiral conclut à la bastonnade et alors le roi lui dit : " A ta considération je lui fais grâce de la corde. "
Le consul arriva un peu après. Le Dey l'apercevant lui dit : " Consul, je fais ce que tu veux. Je suis fâché de ton accident mais tu auras justice : reste là. "
Il ordonna en même temps au bachaoux (Chef porteur de tous les ordres du Dey) maure de faire chercher le criminel et de l'amener devant lui.
Comme il ne s'était point caché, il fut bientôt trouvé et amené devant le Dey, qui lui dit fort en colère. Malheureux qu'as-tu fait ? Le Maure sans beaucoup s'émouvoir répondit : " Eh seigneur qu'ai-je fait ? J'ai battu un chrétien, un chien qui voulait être plus que moi et qui m'a dit des injures. " Le Dey, outré de son arrogance, lui dit :
- Est-il vrai que tu as traité le consul anglais de la manière que l'on m'a dit ?
- Oui, dit-il, seigneur. Cela vaut-il la peine de m'envoyer chercher ?
Alors le Dey, comme furieux s'écria : " C'est assez ! " et prononça sa sentence qui fut deux mille deux cent coups de bâton.
Elle fut exécutée sur-le-champ, en présence du consul. On mit le criminel à la Falaque et on lui appliqua 1.000 coups de bâtons sous la plante des pieds. Comme il ne pouvait pas en supporter davantage sans mourir, le Dey ordonna que le criminel fût conduit en prison, afin qu'il se remit un peu.
Le lendemain à neuf heures du matin, le Dey envoya chercher le consul anglais, et ensuite le criminel auquel on appliqua pour l'entière exécution de la sentence les 1.200 coups de bâtons restants sur les fesses, qu'on lui emporta aussi.
Il perdit la parole et la respiration ; mais comme il n'était pas mort, le Dey ordonna de le conduire en prison, de l'y enfermer et de l'y laisser seul et sans secours. Cet ordre fut exécuté : et on laissa mourir ce malheureux de douleur, de faim et de soif.
Le Gouvernement d'Alger se fait un principe de religion de laisser exercer à chacun la sienne en toute liberté ; et mieux on observe sa religion, plus on est estimé et protégé.
Les Algériens aiment beaucoup mieux les esclaves de la religion catholique romaine que tout autre à cause de la confession qui les rend quelquefois plus fidèles. De sorte que les maîtres souhaiteraient qu'ils se confessassent chaque semaine.
Plusieurs vont avertir les confesseurs des mauvaises actions de leurs esclaves et les conduisent eux-mêmes aux églises aux fêtes solennelles de Noël, de Pâques et autres et s'informent exactement s'ils se sont confessés.
Il faut que les Chrétiens et les Juifs se donnent bien de garde de parler contre la loi de Mahomet ; en ce cas ils y sont punis très sévèrement :
- Les banqueroutiers sont punis de mort à Alger.
- Les Turcs coupables de banqueroute sont étranglés,
- les Maures pendus,
- les Juifs brûlés, et à l'égard des Chrétiens, leur Consul ou la Nation sont forcés de payer pour eux.
On appelle banqueroutiers ceux qui se sauvent sans payer. Ceux qui ne peuvent pas satisfaire à leurs créanciers doivent s'abandonner à leur discrétion avec tout ce qu'ils ont, pour ne pas se rendre coupables.
Il faut observer de ne faire aucun présent ou don aux Turcs ou Maures par pure libéralité, de peur que cela ne passe en usage qui a force de loi dans ce pays-là, lorsqu'il leur est avantageux, de même que dans tout le Levant.
De là vient que les Consuls sont obligés de faire continuellement à ceux qui gouvernent, des présents que leurs prédécesseurs n'avaient faits que par générosité et pour faire leur cour.
Si un étranger, dans quelque occasion particulière, offre un présent à un Turc ou à un Maure, il le demande toutes les fois que la même occasion se présente, et après ses successeurs en font de même, surtout si ce sont des gens dans l'emploi.
Lorsque les Algériens se font visite, après s'être fait annoncer par un esclave, ils restent dans une petite cour ou parloir fait pour cela. Le maître du logis vient à ce parloir et fait apporter du tabac, des pipes et du café.
S'il juge à propos de faire monter ceux qui le demandent, il en fait avertir les femmes et les filles afin qu'aucune ne se trouve dans l'appartement ou dans la chambre où ils doivent aller.
De sorte que s'il se rencontre quelqu'un sur l'escalier d'une maison, ou dans quelque autre endroit, sans être conduit par le maître, il est réputé pour un voleur, arrêté sur-le-champ et dénoncé.
On fait faire des informations sur ses vies et mœurs ; s'il est convaincu de quelque larcin, il est puni de mort, sinon on se contente de lui faire infliger une peine pécuniaire ou corporelle, s'il n'a pas de quoi payer.
On présume qu'un homme qui pénètre dans une maison, sans se faire annoncer, y va pour voler ou pour déshonorer les femmes.
Si ce sont des femmes qui visitent la maîtresse du logis on fait avertir le mari, afin qu'il ne paraisse point tant que la visite durera.
Ces sortes de visites donnent lieu à une grande débauche avec les esclaves chrétiens qui se trouvent en sécurité, parce qu'ils sont regardés sans conséquence et comme des animaux domestiques. Le mari n'oserait entrer dans l'appartement des femmes tant qu'il y a des étrangers dans la maison.
Lorsque les Chrétiens vont visiter les Algériens dans leur maison, ils sont reçus comme des gens du pays au parloir.
Il y en a même qui ne font pas de difficulté de leur faire voir leurs femmes et leurs filles et qui regardent tous les Chrétiens libres sans conséquence. Mais les Chrétiens ne font guère de ces visites qui sont hors d'usage, parce que les Algériens qui ont des emplois dans le gouvernement ou des métiers, ont tous leurs lieux de rendez-vous où on les trouve toujours.
La loi défend aux femmes, comme dans tous les pays mahométans, de se laisser voir à d'autres qu'à leurs maris. On y marie les filles sans que les époux les puissent voir, avant l'engagement devant le Cadi.
De cette manière, ils ne peuvent connaître les défauts personnels l'un de l'autre. Tout ce qu'ils peuvent faire, quoique cela soit aussi défendu par la loi, c'est de se faire informer de ce qui concerne les filles qu'ils veulent épouser par des parentes qui vont leur faire visite à dessein pour les examiner.
Les Algériens, soit Turcs, Maures ou Arabes, qui veulent être réputés gens de bien, mènent une vie simple et laborieuse et n'ont aucun de ces amusements agréables qu'on a dans les autres pays. Leur usage est de se lever au point du jour pour se purifier et faire leur première prière nommée Caban. Ils dînent à dix ou onze heures, pour avoir le loisir de faire leur ablution avant la seconde prière du midi, nommée Dohor.
Ils se retirent le soir chez eux avant la troisième prière, appelée Lazero, qui se fait toujours avant la nuit, en quelque saison que l'on soit.
Après ce temps-là on ne voit dans les rues que des libertins ou des gens qui ont des affaires bien pressantes.
Ils observent aussi religieusement de se lever pour la quatrième et cinquième prière, qui se font toujours pendant la nuit et qu'on nomme Magarepa et Latumar.
Ils n'ont ni jeux, ni spectacles publics ou particuliers. Ils passent plus de la moitié de leur vie à boire du café et à fumer, sans autre compagnie de femmes que celles des leurs, de leurs concubines et de leurs esclaves.
Tous les jeux leur sont défendus, exceptés ceux des échecs et des dames ; encore ne leur est-il pas permis de jouer de l'argent. Ils jouent pour quelques prises de café, pour du tabac, du sorbet ou autre chose semblable.
Leur lune de Ramadan, ou leur carême, est une espèce de carnaval pour la jeunesse libertine, mais plus modéré que celui des Chrétiens, dont ils méprisent fort les mascarades et les bals.
Ils appellent le carnaval, le temps où tous les chrétiens deviennent fous. Comme ils passent tout le jour sans manger ni boire, dès que le soleil est couché, les jeunes gens courent par la ville avec des guitares et des tambours, en criant et chantant, et vont de temps en temps manger et boire ; mais les personnes de bonnes mœurs qui veulent ménager leur réputation se gardent bien de faire semblables choses et restent chez eux comme à l'ordinaire.
Les habitants du royaume d'Alger sont naturellement fort avares, et ils ne font pas difficulté de se reconnaître tels. Ils disent communément que lorsque les Chrétiens veulent peindre un Algérien ils représentent un homme à qui on bouche un œil avec une piastre pendant qu'on lui crève l'autre avec un couteau.
Ils sont fort sobres et vivent avec presque rien. Mais c'est un ancien usage, que chaque père de famille, ou chaque chef de maison, ait un trésor enterré.
La plupart des Chrétiens s'imaginent que c'est à cause qu'ils croient en la métempsycose ou qu'ils pensent jouir de cet argent dans l'autre monde.
Mais m'en étant informé de plusieurs personnes sensées dans le pays, elles m'ont assuré que ce n'était pas là leur motif.
La véritable raison de cette conduite, c'est que personne ne veut passer pour riche ; car dans les besoins pressants de l'État, vrais ou supposés, le Dey prend de l'argent comptant partout où il en trouve et il n'y a aucun exemple qu'on l'ait rendu.
D'ailleurs Alger étant sujet à des révolutions fréquentes, un habitant persécuté par ceux qui gouvernent et contraint de se sauver pour éviter la mort, espère de conserver son trésor, s'il n'a pu l'emporter, en l'indiquant à quelqu'un de ses enfants, à un bon parent ou à un fidèle ami.
C'est aussi l'unique moyen de conserver de quoi vivre aux enfants, en cas de malheur ; car lorsque l'homme est étranglé, tous ses biens sont confisqués par ordre du Gouvernement, ce qui arrive souvent. Dans de semblables occasions le Pitremelgi, ou receveur des revenus casuels, fait fouiller la terre dans les maisons des fugitifs ou des criminels exécutés et bouleverser le terrain qui leur appartient à la campagne.
Les meubles dans ce pays-là consistent en fort peu de chose, chez les personnes même les plus riches. On n'y connaît :
- ni tapisseries,
- ni fauteuils,
- ni chaises,
- ni armoires,
- ni choses semblables.
Les murailles seulement y sont bien blanches.
Dans la chambre la plus propre il y a un tapis de pied ou une natte de joncs ou de palmiers ; les gens du pays quittent leurs babouches à la porte avant d'entrer, les rues étant en toutes saisons malpropres.
Au milieu de la chambre contre un mur, il y a un enfoncement et une marche élevée d'un pied, couverte d'un tapis avec des coussins qui sert pour s'asseoir pendant le jour et pour dormir la nuit, en y mettant de petits matelas que l'on ôte le matin.
A un bout de la chambre, qui est ordinairement fort longue, on fait une séparation avec un rideau de toile sans tringle, et seulement attaché d'une muraille à l'autre par un cordon.
Cet endroit sert à enfermer les matelas, les coussins et les couvertures inutiles pendant le jour, que l'on met sur un reposoir fait de planches. Il y a dans cet endroit une caisse de bois peint où sont les hardes et nippes. Celles dont on se sert journellement sont pendues à des chevilles à la muraille.
On a des rideaux aux fenêtres et aux portes, de toile fort claire avec des rubans de soie de couleur entre deux lés. Ces rideaux sont aussi sans tringle, et tiennent avec un clou ou cheville de chaque côté.
Près des fenêtres il y a de petites niches dans le mur, qui servent d'armoires où l'on enferme les ustensiles de table et autres bagatelles de peu de considération.
On n'y voit presque point d'argenterie ; les cuillers sont de buis, on ne se sert point de fourchettes, la vaisselle est de terre, exceptés quelques grands plats ou bassins en laiton. On mange ordinairement sans table, et l'on met des plats sur une pièce de natte qu'on enlève après avoir mangé.
Les plus distingués ont une table basse et ronde, couverte d'une lame de laiton façonnée autour et en plusieurs endroits.
On sert à manger sans nappe, mais une serviette assez longue pour faire le tour de table, sert à tous ceux qui y sont. Quelques-uns ont des fourchettes d'argent, mais il s'en trouve très peu, et ils ne savent pas même s'en servir commodément.
C'est assez l'usage des femmes, qui veulent passer pour belles, de se frotter le bout des doigts avec une herbe nommée Gueva qui les teint en bleu, et de se noircir les cheveux et les paupières avec de l'antimoine brûlé. C'est là tout leur plus beau fard.
Il y en a qui pour exciter leurs maris ou leurs amants au plaisir de l'amour, leur font prendre de la poudre d'une racine, appelée en arabe Surnag, laquelle a une vertu toute particulière pour cela. Elle se trouve en plusieurs endroits du mont Atlas du côté de l'Ouest et les Arabes assurent que c'est assez qu'une fille y urine dessus pour perdre sa virginité.
On apprend aux enfants à lire et à écrire en même temps comme dans les pays du Levant. Les maîtres crayonnent leurs leçons dans le commencement, et les écoliers suivent les lettres crayonnées avec la plume, dont on leur apprend en même temps le son, jusqu'à ce que la main soit ferme et accoutumée à donner le tour aux lettres.
Le châtiment des enfants, lorsqu'ils manquent à leur devoir est la bastonnade. Comme ils sont toujours assis sur des nattes, les jambes croisées et nues, le maître leur prend les jambes qu'il passe et joint ensemble dans une falaque, instrument fait exprès, qui les tient saisies, et tenant ou faisant tenir les pieds élevés il leur donne sur la plante un nombre de coups, suivant la faute commise avec une règle ou une baguette.
Ils condamnent l'usage de fesser les enfants comme très indécent, scandaleux et abominable : ils en font même un grand crime.
La raison en est, qu'étant très portés à ce que nos poètes appellent l'amour socratique, ils trouvent en cela un grand sujet de tentation. Tellement que si un maître d'école s'avisait de le faire, on le punirait très rigoureusement.
C'est un usage assez reçu parmi les mahométans, mais particulièrement à Alger, de taxer les denrées comme le pain, le vin, les légumes et généralement les autres choses nécessaires à la vie, qui se vendent au détail. Aucun marchand n'oserait outrepasser le prix de peur de s'exposer à de rudes peines.
Ce prix est augmenté ou diminué, selon l'abondance ou la disette, les saisons ou les conjonctures.
Cette taxe est regardée comme un article essentiel de la religion ; et c'est par où commence un Dey nouvellement élu.
Ibrahim Dey surnommé le Fou, élu au mois de mai 1710, voulut faire, quelques jours après son élection, un acte de justice, pour se faire craindre des mauvais et aimer des bons.
Un matin il prit l'habit d'un esclave hambourgeois, qui était de sa taille et sortit de chez lui à la pointe du jour avec un autre esclave qui lui servait de camarade. Il le fit entrer dans une boutique où l'on vendait en détail toute sorte de denrées et dont il soupçonnait le maître de mauvaise foi.
Cet esclave dit au marchand que leur maître les envoyait à la campagne pour travailler et que comme ils n'y faisaient pas bonne chère, ils venaient acheter du riz et des raisins pour faire un mets à la mode de leur pays qu'ils allaient faire cuire à la taverne avant que de partir, mais qu'il le priait de ne pas le dire à leur patron parce qu'il était fort brutal et qu'il ne manquerait pas de les châtier s'il savait qu'ils eussent resté si tard en ville.
Ce marchand leur promit tout ce qu'ils voulurent et leur vendit, pour le secret, le riz et les raisins secs beaucoup au-delà de la taxe qui venait d'être publiée, parce que c'était pour les esclaves, à ce qu'il pensait, et que cela ne tirerait à aucune conséquence.
Le Dey revenu à son palais prit ses habits et se mit sur son siège ordinaire. L'esclave qui était avec lui, vint lui porter plainte publiquement peu de temps après, contre le marchand maure, qui lui avait vendu le riz et les raisins secs beaucoup au-delà de la taxe.
Le Dey envoya un chiaoux pour amener ce maure, qui étant devant lui nia le fait comme une imposture de l'esclave qui apparemment voulait avoir sa marchandise et l'argent.
Le Dey, sans vouloir dire qu'il était avec l'esclave lors de l'achat du riz et des raisins, le garda auprès de lui et envoya un crieur ordinaire publier dans la ville, que si quelque Turc, Maure, Chrétien ou Juif avait des plaintes à faire contre tel marchand il eut à aller incessamment à la maison du roi, et qu'on ne serait plus reçu après la seconde prière.
Plusieurs personnes s'y rendirent et accusèrent le marchand de concussion, dont il fut plus que suffisamment convaincu.
Le Dey prononça en attendant la sentence définitive qu'il lui serait donné par provision 500 coups de bâton sous les pieds, et qu'il payerait 500 piastres d'amende, lesquelles seraient mises dans le trésor de l'État et ce à cause qu'il avait menti au Dey.
La pluralité des voix le condamna à être pendu pour l'exemple, étant le premier prévaricateur depuis la régence d'Ibrahim Dey, ce qui fut exécuté sur-le-champ.
On s'était toujours piqué dans le royaume d'Alger, de ne prendre aucune précaution pour prévenir la peste, ou pour en empêcher le cours. On aurait cru s'opposer aux décrets éternels de Dieu et au dogme de la prédestination absolue si on avait fait autrement.
J'ai vu même en 1718, arriver un navire anglais, qui avait chargé à Alexandrie où la peste était violente.
Le capitaine de ce bâtiment en était mort en route, de même que quelques marchands mahométans. Nonobstant les représentations qui furent faites au Dey par les Consuls, l'équipage, les soies et les cotons furent embarqués le même jour de son arrivée, sans qu'il survînt aucun incident.
Cependant (chose étonnante) la peste qui ravageait la Provence en 1720 avait répandu une telle terreur partout, qu'à Alger on y oublia la prédestination, et Mehmed dey renvoya non seulement les bâtiments qui venaient de Marseille, mais il refusa même la permission de recevoir les lettres qui étaient sur ces bâtiments.
Il n'y a aucun médecin à Alger, ni dans aucun endroit du royaume. On en condamne l'usage ; et les personnes qui veulent être réputées vertueuses disent que c'est tenter Dieu que de vouloir prendre des remèdes au hasard pour des maladies internes.
J'ai vu mourir Baba Ali Dey d'une violente fièvre, sans vouloir prendre aucun remède, quoiqu'il eût un chirurgien français pour son esclave, qui était habile homme et qui lui promettait de rétablir sa santé. Mais il le rejetait en disant que le nombre de ses jours était marqué de toute l'éternité.
Les Algériens approuvent seulement les remèdes extérieurs, et chaque famille a ses petits remèdes particuliers en cas d'accident.
Il y a peu de malades ; les gens y vieillissent et y sont forts et robustes ; ce qu'on doit attribuer à la sobriété, à l'usage des viandes les plus simples et à l'exercice du corps dès le bas âge.
Histoire du royaume d'Alger
par M. Laugier de Tassy, commissaire de la Marine
pour Sa Majesté très chrétienne
en Hollande. Édition 1725
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Les invasions arabes
Envoyé par M. Christian Graille
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Les Arabes et les infiltrations raciales des temps modernes
La première invasion arabe atteint l'Algérie à la fin du VIIe siècle après Jésus-Christ.
Une première vague se heurte à la résistance assez mal conduite par les Byzantins vaincus à Suffetula, Sbeïtla en 647.
Une deuxième vague, plus puissante, sous l'impulsion d'Oqba Ben Nafin, fondateur de Kairouan, s'affronte,, elle, avec les Berbères.
Elle a la force vive des grands mouvements de foi à leurs débuts : Oqba parvient aux confins de l'Ouest africain, et, pour marquer son succès, pousse orgueilleusement son cheval dans les eaux de l'océan.
Mais la résistance s'organise promptement sur ses arrières. Il est attaqué, battu et tué près de Biskra par des montagnards descendus de l'Aurès unis momentanément aux Byzantins.
La puissance de ces derniers en Afrique du Nord est liquidée par la prise de Carthage.
Contre les Berbères la lutte est plus longue, plus ardue. Une " héroïne nationale " ou plutôt raciale, la Kahena, entreprend contre l'envahisseur étranger la guerre du maquis, met en œuvre la tactique de la terre dévastée, s'aliénant d'ailleurs par-là les populations urbaines, peu soucieuses de guerre totale. Elle est bientôt hors de cause.
Au surplus, le dynamisme d'une religion naissante, joint à certains procédés de guerre " sainte " pour la propagation de la foi, commence à susciter des conversions.
Dans la zone occupée, il n'y a le choix qu'entre la collaboration, avec avantages concomitants, (exemption d'impôts, en théorie tout au moins, acquisition des droits communs à tous les musulmans, etc.) ou la déportation et la mort.
Le Berbère est versatile : une partie des " occupés " acceptent avec la langue des conquérants, leur religion, apostasiant d'ailleurs douze fois en 70 ans, dit un de leurs historiens, Ibn Khaldoun ; les autres, appliquant à leur profit la doctrine et les méthodes de la Guerre Sainte, se lanceront avec ces mêmes conquérants à l'assaut de l'Espagne.
La troisième vague islamiste qui déferla sur l'Afrique du Nord de beaucoup la plus puissante et la plus durables en ses effets fut l'invasion des Béni Hilal au XIe siècle. On estime à un million le nombre des Arabes qu'elle déversa sur le pays.
Composée de nomades, destructeurs par destination, c'est celle-là qui ravagea l'Afrique. C'est en pensant à eux que Ibn Khaldoun a écrit : "Tout pays conquis par les Arabes est ruiné. "
L'invasion hilalienne ouvrit une période de désordre et de combats. La ville sainte de Kairouan fut quasi détruite. L'ifrikya (nom arabisé de l'ancienne province romaine d'Afrique) ne s'en releva pas, et le Maghreb (littéralement le couchant, couvrant les départements actuels d'Oran et d'Alger, ainsi que le Maroc) ( Par extension cette expression de Maghreb englobe généralement les trois pays de l'Afrique du Nord française.) perdit son indépendance.
La puissance politique et le flambeau de la civilisation vont passer aux Berbères Almoravides (De Al Morabitoun, ceux qui vivent dans un " ribat " (enceinte, caserne) et Almohades ( Al Mouhaddine " les unitaires ". Les Almoravides et les Almohades furent des sectes avant d'être des empires.)
Les Almoravides sont originaires de la Maurétanie sénégalaise actuelle. Poussés par un réformateur, pèlerin de La Mecque, IbnYâcin, ils s'organisèrent en corps expéditionnaire dans la deuxième moitié du XIe siècle
Yousef Ibn Tachfin, leur chef, les emmena vers le Nord, se rend maître de Tlemcen, de l'Oranie actuelle, d'Alger puis de l'Andalousie où ils construisirent les magnifiques édifices religieux que nous admirons encore. Mais chez les Berbères rien n'est stable.
Pour une question de rite, un nouveau mouvement religieux, concurrent des Almoravides, celui des Almohades, prit naissance au Maghreb cette fois dans l'Atlas, sous l'impulsion du chef Ibn Toumert. Leur grand homme fut Abd-el- Moumen qui étendit la domination des Almohades en Espagne, au Maroc et en Algérie occidentale (Tlemcen).
Ils seront à leur tour remplacés par les Mérinides, Marocains de la Moulouya, dans la longue succession des dynasties conquérantes.
D'autres vagues vous encore déferler vers cette Afrique du Nord battue en permanence par les flots.
D'abord une immigration juive qui commença, croit-on, avec le grand exode consécutif à la destruction de Jérusalem par Titus, (certains israélites de l'île de Djerba, en Tunisie sont encore habillés comme ils pouvaient l'être au temps du Christ).
Puis au XVe siècle, les Juifs refoulés d'Espagne par la " Reconquista " et ceux qui, au XVIe siècle vinrent d'Italie, principalement de Livourne, dans la Régence d'Alger, pour servir de banquiers aux deys turcs toujours à court d'argent, et de commanditaires à la course, prometteuse de placements avantageux.
Enfin, dans les temps modernes, l'infiltration lente, silencieuse, tenace, en tache d'huile, que ne rebutent ni le mépris des Arabes en général, ni les violences des Marocains.
Le Juif est, en Afrique du Nord, ce qu'est le Syrien en A.O.F et le Chinois dans l'Asie du Sud-Est : le nerf irremplaçable du commerce.
Le Juif est, en Afrique du Nord, ce qu'est le Syrien en A.O.F (Afrique Occidentale Française) et le Chinois dans l'Asie du Sud-Est : le nerf irremplaçable du commerce.
Au XVIe siècle, ce sont les Portugais qui s'installent sur la côte marocaine. Se gardant bien d'entamer une épineuse pénétration intérieure, ils se cantonnent au bord de l'océan, fondant Tanger, Ceuta, Anfa (Casablanca actuel) Azemmour, Mazagran, Safi et un petit établissement éphémère à Agadir.
Dans le même temps les Espagnols ayant chassé les Musulmans de leur pays et réalisé leur libération, poussent au-delà de la Méditerranée pour assurer leur sûreté éloignée, occupent Mer-el-Kébir, Oran, Bougie, placent une garnison au Penon d'Alger.
Des centaines de milliers de Maures d'Andalousie déferlent sur le Maghreb après la Reconquista.
Suivant un processus classique, les Algérois pour se débarrasser de ces étrangers, font appel à d'autres étrangers moins différents d'eux-mêmes, puisqu'ils sont, eux aussi, musulmans, et les Turcs apparaissent en Algérie.
Deux aventuriers, écumeurs de la Méditerranée, Baba Aroudj (le père Aroudj dont nous avons fait Barberousse) et son frère Kheïr-ed-Dine (littéralement excellence de la religion, de la religion du prophète, s'entend), accourent.
Le premier s'installe à Cherchell puis à Alger même où le second chassant les Espagnols, relie habilement par une digue, l'îlot de Penon (Ilot sur lequel était implanté une puissante forteresse espagnole.) à la terre ferme, créant ainsi au bon endroit un port, étroit peut-être, mais sûr.
Afin de s'assurer une protection, il fait hommage au Sultan de Constantinople et s'avère ainsi comme le fondateur de " la Régence d'Alger ".
La richesse de la ville repose dès lors sur les Raïs, ou corsaires, et sa puissance sur un contingent de Janissaires turcs entretenus par la Porte qui, pratiquement, font et déposent le Dey, et dont le chef de corps, l'Agha est profitablement changé tous les deux mois.
Basée à l'extérieur sur la course maritime, à l'intérieur sur une fiscalité brutale, la domination ottomane, superficielle et localisée, tout en croûte, si l'on peut dire, ne poussa jamais de racines bien profondes vers l'intérieur.
Au-delà des limites étroites des beylicks de l'Ouest, beylicks d'Oran, du Titteri (Médéa), et de l'Est (Constantine), c'est l'anarchie.
Le Gouverneur Général, le Dey, est à peine obéi, à peine en sécurité dans sa capitale même, Alger. (Et ce qui explique la facilité avec laquelle une fois la ville prise par les Français, en 1830, la puissance turque s'effondra.)
La course en Méditerranée inquiétait l'Espagne. Sa réaction était prévisible, mais elle fut désastreuse. L'essai " d'opération combinée " contre Alger de Charles-Quint, en 1541, tourna fort mal pour lui.
Les Anglais ne retirèrent pas plus de profit d'un bombardement de la ville en 1655 et 1672, ni notre Duquesne en 1683, ni d'Estrées cinq ans plus tard, et, en 1655 trente mille captifs chrétiens razziés par les corsaires continuaient à gémir et à souffrir dans les atroces geôles turques, rachetés difficilement avec de pauvres moyens, par les Frères de la Merci.
Alger s'enrichissait, se fortifiait aussi, pour garder ses trésors.
Les discussions intestines locales entre les gens de mer et l'armée, c'est-à-dire entre les corsaires et les Janissaires, profiteurs respectifs et jaloux de la course et des impôts, firent plus pour l'affaiblissement d'Alger que les bombardements à limite de portée, par mer houleuse des vaisseaux chrétiens.
Au début du XIXe siècle, il ne restait que 1.200 captifs. D'autre part le pouvoir, brutal par sa forme, mais faible en réalité du Dey se débat dans des difficultés financières inextricables. La course ne paie plus.
Ce gouvernement aux abois va recourir à l'expédient classique de tous les gouvernements dans ce cas : les avances des banques, et c'est par ce détour financier de traites protestées que la France va être amenée à intervenir en 1830.
L'administration turque, succédant à l'invasion hilalienne et aux luttes incessantes qui suivirent, avait ruiné, mis en sommeil, l'Algérie.
Les cadres traditionnels avaient disparus. La résistance en commun à l'oppression amena peut-être entre Berbères et Arabes également mal traités, une certaine fusion, mais sans crée r pour autant une âme nationale.
Le seul lien qui subsista fut l'Islam, lien solide d'ailleurs sur le plan spirituel.
A la découverte de l'Afrique du Nord.
Ouvrage collectif. Contribution du général Yves de Boisboissel,
Membre de l'académie des Sciences Coloniales.
Collection guide du tourisme lettré. 1951
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Notices biographiques
Envoyé par M. Christian Graille
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Hussein Pacha
Hussein Pacha, dernier Dey d'Alger, né à Andrinople, vers 1761, fils d'un officier d'artillerie y avait reçu quelque éducation dans l'école spéciale fondée par le célèbre baron de Tott (issu d'une famille de gentilshommes hongrois, fut secrétaire de l'Ambassadeur français à Istanbul).
Son zèle et son intelligence l'avaient élevé rapidement au rang d'oda-bachi (nom d'un officier du grand seigneur ; c'est le grand chambellan qui commande tous les officiers de la chambre où couche le Sultan ; son nom vient de chas-oda qui signifie en turc chambre particulière et bachi qui veut dire chef dans le corps des topschis ou canonniers ; mais son caractère irascible et opiniâtre l'avait exposé un jour à un châtiment sévère, il s'était enrôlé dans la milice d'Alger.
Plus instruit que ses camarades, il sut bientôt se faire remarquer et obtenir de l'avancement.
Attaché à son prédécesseur, Ali-Khodgea, il contribua à l'élever à la dignité de Dey, en 1817, et partagea son autorité comme premier ministre ; après son règne de quatre mois, il devint son successeur d'une manière inouïe dans Alger :
- sans élection,
- sans résistance,
- sans effusion de sang.
C'était lui qui avait conseillé Ali-Khodgea de s'enfermer dans la Kasbah avec le trésor et de s'y entourer d'une garde indigène étrangère au corps des janissaires.
Plus modéré dans l'emploi des moyens tyranniques dont les Deys d'Alger faisaient usage pour satisfaire leur avidité dévorante, il avait régné sans trouble et sans réaction pendant douze ans, et peut-être fût-il mort sur le trône sans sa querelle avec la France.
Il disait à quelques Français qui allèrent le voir avant son départ " qu'il avait commis une grande faute en s'attirant la colère d'une puissance comme la France, mais que, naturellement irascible et obstiné, il se reconnaissait ces deux défauts ".
Du reste, Hussein-Dey était un vieillard honnête homme, doué de beaucoup d'esprit naturel et d'une capacité remarquable.
Son gouvernement se distingua par l'ordre, la douceur et la probité ; mais il avait de l'entêtement ; comme Charles X, une fatalité irrésistible l'a entraîné à sa ruine.
Il ne paraît pas, s'il faut en croire son récit, que, dans sa discussion avec le Consul, dont la France a dû embrasser la querelle, tous les torts aient été de son côté.
Voici comment il l'a racontée lui-même à M. Jal, qui, dans un écrit fort intéressant, nous en a transmis les détails :
" Deval s'était bien mis dans mon esprit ; il était adroit, insinuant ; je ne me défiais point de lui. Il était gai et me plaisait pour cela ; je crus à la sincérité de son affection pour moi.
Il devint très familier, parce que je le traitais en ami, et j'ai su depuis, par quelques-uns de mes officiers, qu'on disait généralement au sérail qu'une pareille intimité avec un homme de son espèce ne pouvait manquer d'avoir une mauvaise conclusion.
Vers la fin du Ramadan, Deval, que je commençais à aimer moins parce qu'il me parlait souvent mal de son souverain, et que je pouvais craindre qu'il ne lui parlât mal aussi de moi, Deval vint me faire la visite officielle d'usage.
Je me plaignais à lui de n'avoir pas de réponse à quatre lettres écrites par moi au roi de France. Il me répondit, (le croiriez-vous ?) : Le roi a bien autre chose à faire que d'écrire à un homme comme toi ! "
Cette réponse grossière me surprit. L'amitié ne donne pas le droit d'être impoli. J'étais un vieillard qu'on devait respecter, et puis j'étais Dey.
Je fis observer à Deval qu'il s'oubliait étrangement ; il continua à me tenir des propos durs. Je voulus lui imposer le silence ; il persista.
- Sortez malheureux !
Deval ne bougea pas ; il me brava en restant, et ce fut au point que, hors de moi, je lui donnai, en signe de mépris, de mon chasse-mouches au visage. Voici l'exacte vérité. "
Hussein vivait retiré à Livourne ; il eût été plus généreux et plus prudent de la part du Gouvernement français de lui accorder l'autorisation qu'il demandait de se fixer en France.
Avant de parvenir à la suprême dignité, nous avons vu que Hussein-Pacha avait passé par tous les grades ; il avait commencé par être simple janissaire. Il avait une éloquence vive, originale, abondante en figures.
Voulant peindre la haine qui sépare les habitants de Tunis et d'Alger :
- haine instinctive, profonde, enracinée, pareille à celle des Portugais pour les Espagnols, et que l'imprévoyance impolitique de l'administration française ne respecte pas assez, il s'exprimait ainsi à Paris en 1831 :
" Faites bouillir dans une chaudière un Algérien et un Tunisien ; laissez reposer, et ils se sépareront ".
Un moraliste du dix-septième siècle et un chimiste du dix-neuvième n'auraient pas dit mieux.
*
* *
Bacri (Jacob-Coën)
Le nom se rattache à cette liquidation qui devint l'une des causes de notre expédition, exerça longtemps, sous l'administration du Dey, l'influence que donne partout une immense fortune ; mais, de graves discussions s'étant plus tard élevées entre lui et ses associés, son étoile pâlit tout à coup, et une prison fut pendant plusieurs années son triste séjour.
Si l'on en croit ses adversaires, cette catastrophe n'aurait été que la conséquence de folles prodigalités.
Suivant Bacri, au contraire, de prétendus créanciers, d'accord avec ses neveux, l'auraient rendu victime des plus odieuses machinations.
Quoi qu'il en soit, il était depuis quatre ans privé de sa liberté au moment où s'entama cette négociation financière qui fit tant de bruit ; et aujourd'hui, à l'âge de soixante-dix ans, il est à peu près sans fortune.
D'après Bacri, les dettes de l'Espagne envers lui s'élevaient à la somme de trente-cinq millions.
Un homme qui est parvenu à réunir de pareils capitaux n'a pas eu que les dés pour lui. La fortune peut lui avoir beaucoup souri, mais il est impossible qu'il n'ait point montré :
- de l'audace,
- de hautes vues,
- quelquefois même une rare capacité
Ces qualités, Bacri les a possédées en partie. Entre autres exemples de la perspicacité qu'il a souvent mise à traiter les affaires, nous ne citerons que le suivant :
Pendant notre occupation d'Egypte, M. de Talleyrand lui fit demander, au nom du gouvernement, s'il voulait se charger à la fois d'une fourniture de blé pour l'armée française et de la faire transporter sous pavillon algérien pour la soustraire aux croisières anglaises.
Bacri accepta sans hésiter ; il n'y mit qu'une condition : celle de pouvoir exporter sous le même pavillon une quantité égale des ports de la Normandie et de la Bretagne pour l'Angleterre.
M. de Talleyrand ayant voulu connaître les raisons, il répondit qu'avec les bénéfices énormes qu'il retirerait de l'opération il aurait de quoi sauver sa tête du péril qu'il courrait infailliblement lorsque le Dey viendrait à savoir qu'il avait concouru à alimenter une armée de chrétiens, au préjudice des musulmans.
La faculté qu'il avait demandée lui fut accordée.
Plus d'une tête bien organisée s'est affaiblie sous les verrous. Bacri est resté plusieurs années dans les cachots d'un tyran. Les prisons du despotisme gardent encore plus longtemps leurs victoires que celles de la civilisation.
(De l'établissement des Français dans la régence d'Alger par M. Genty de Bussy).
L'Algérie française
Arsène Berteuil, ancien pharmacien en chef des hôpitaux militaires
de l'armée d'Afrique . Tome premier. Édition 1856
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La Cigale et la Fourmi
Envoyé par M. J.P. Ferrer
Auteur Inconnu 2020
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Hiver trop beau
Envoyé par M. Christian Graille
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I
Elle expire déjà l'année,
Décembre est venu mais aux cieux
Plaine d'azur illuminée,
Le soleil passe radieux
II
Sous le dais profond qui la couvre,
Et sous les rayons éclatants.
Surprise, la fleurette s'ouvre
Pensant s'ouvrir au beau printemps.
III
L'aubépine timide et douce
S'éveille, se croit en avril,
Et sceptique la tendre mousse
Doute et rit de l'âpre grésil.
IV
A la place des feuilles rousses,
Sans sève, mortes, en lambeaux,
Les vignes à de jeunes pousses,
Ont arboré de verts drapeaux.
V
A peine une légère averse
Fugitive, tombe parfois,
Et le ciel joaillier nous verse
Des perles qu'il suspend aux bois.
VI
D'autres s'apitoieraient peut-être.
O fleurs confiantes sur vous,
Car l'hiver, ce félin, est traître,
Pour mieux tuer se fait plus doux.
VII
Oui quand de sa bonté trop sûre,
Vous pourrez plus échapper,
Ses inexorables morsures
Accourront toutes vous happer.
VIII
Je vous plains, mais ce qui me glace,
En voyant ce ciel trop clément,
C'est que je lis une menace,
Écrite au front du firmament.
IX
En hiver, dans notre Algérie,
Si le firmament est trop bleu,
C'est un peuple à face amaigri,
Quand règneront les mois de feu.
X
Notre terre jeune et féconde,
Pour sa soif, de pluie a besoin ;
Si l'eau manque, la moisson blonde
En vague d'or ne roule point.
XI
Ce ciel riant, c'est la famine,
C'est un peuple entier mendiant,
Un peuple sombre qui chemine,
Et meurt sans pain en suppliant.
XII
Aussi sous le soleil qui brille,
Je vois, funèbre vision,
D'Arabes blêmes, en guenille,
Une morne procession.
XIII
Aussi sous les frondaisons vertes,
J'entends sangloter des douleurs ;
Je vois des tombes entr'ouvertes
Sous l'aubépine et sous les fleurs.
XIV
Au lieu de ces hymnes de fêtes,
Que chantent les oiseaux charmés,
En pleurant, l'écho me répète
Les cris mourants des affamés.
Février 1889
El-Djairy.
Les Annales algériennes (12-04-1892)
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Le colon (1903)
Envoyé par M. Christian Graille
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Un cœur, une intelligence, des muscles ; une énergie morale puissante qui crée la bravoure d'un instant devant le fauve et la ténacité froide en face de cet autre fauve : l'adversité, la possession de faibles ressources et la connaissance précise de mille dangers ; une existence d'activité, de privations, de périls, qui parfois s'achève avec le calme stoïque du héros et du martyr ; une route souvent douloureuse éclairée par le flambeau divin du Progrès. A ces traits, dignes d'être ciselés dans le bronze et creusés par le marbre, reconnaissez, respectez, admirez le colon.
C'est un homme. Il ne lui manque aucune des qualités de sa race ; il les possède toutes à un haut degré.
Dans un pays hostile, ennemi de toute énergie neuve par suite de la routine de ses habitants et de l'inertie décevante de sa nature, il vérifie ce qu'il touche, il se suffit à soi-même et suffit aux autres ; là, où tant de misérables ne savaient que végéter, il sème le grain des moissons fécondes ; là où tant d'êtres ne savaient que gémir, il illumine les âmes avec les rayons de la beauté morale.
Il devient un spécimen merveilleux et rare de la société.
En lutte quotidienne avec le climat, le sol, les fauves, la tradition, les instincts, il s'est aguerri merveilleusement.
Au physique c'est l'athlète, au moral c'est l'énergie même. Il a acquis la connaissance pratique et sûre, la saine intelligence qui lui permet d'analyser toute chose au creuset de la raison et de n'en dégager les préjugés vains, scorie impure.
Le colon est une unité humaine, c'est un homme, c'est l'homme même.
Un jour, on lui élèvera des statues ; pour l'instant il est déprécié, souvent méconnu. Ne cherchez pas bien loin la cause de cette injustice : démasquez l'ignorance, l'égoïsme, l'orgueil, stigmatisez l'envie du prochain qui réussit et le mépris qu'on a pour lui quand il tombe ; puis de ces deux facteurs de l'activité humaine et de l'unité morale du globe, la pensée et l'action, celle-ci n'a pas d'éclat quand elle est individuelle ; elle est simple et cette simplicité lui fait trouver un air de roture qui la déprécie à valeur égale, devant l'aristocratique pensée.
Mais pendant que vous élevez des autels au penseur qui dépeint la cité future, le colon, avec bien moins d'éclat mais bien plus d'énergie, jette les fondements puissants et pénibles de la société qu'on nous fit voir en rêve et lui consacre ses forces, son intelligence et sa vie.
Quel stupide préjugé a jeté sur son nom le synonyme menteur, aventurier ? Quelle grossière superstition l'a montré trafiquant ambitieux, comme s'il était deux hommes au monde qui n'aient pas le désir d'améliorer leur sort, de posséder ?
Alors, ô gens pusillanimes et illogiques, avouez que ceux-là qui s'en vont bien loin dans les steppes jusque-là, infécondes, ont un stimulant qui est aussi le vôtre ; l'appât. Et quand ils tombent, soldats à l'avant-garde du monde, ayez un peu de tristesse, au nom de vos fils, pour le bonheur desquels ils sont tombés.
J'en connais un. C'est un homme merveilleux. Bâti comme Apollon, il a des muscles d'acier, une volonté de fer, une humeur égale, sereine et riante qui adoucit les pires amertumes.
Né en Lorraine, sur les antiques marches de la Gaule, il a le franc-parler, l'œil droit et clair, le geste prompt, le jugement sûr.
Sergent des zouaves, un des premiers il partit au Tonkin à l'appel des renforts demandés par Courbet.
Il vit le glorieux amiral, il fut à Son-Tay, à Lang-Son, il débloqua Tuyen-Quan. Parmi tant d'autres, il fut un héros.
La campagne décisive étant achevée, il était adjudant. Jeune encore il eût pu aspirer à mieux, devenir officier. Mais sous la brutale caresse du soleil des tropiques, sous la pluie triste et tiède inondant les rizières fangeuses, dans la brousse sauvage et déserte, devant cette nature en opposition frappante avec celle du doux pays de France, il avait trouvé son chemin de Damas. Il serait colon.
Par l'épée et la charrue, disait Bugeaud. Telle fut la directrice des actions de l'ancien sergent, mais c'est surtout à l'œuvre du colon que vont mes sympathies et mon admiration.
Une ambition, une vie, la santé, les forces, le reliquat d'un héritage, enfin les seules ressources et les seules énergies d'un être furent pendant dix ans en antagonisme, bien mieux, en guerre sourde, continue implacable avec le climat qui tue, le soleil qui brûle, la pluie qui inonde, les typhons qui dévastent, les Annamites qui obéissent par crainte, les pirates qui volent et assassinent par métier !
Dites-moi ce que pèsent dans la balance de l'éternelle équité, les alarmes des camps et la souffrance d'une collectivité d'hommes animés du même souffle moral, heureux des mêmes joies, tristes des mêmes revers, auprès de la désespérance qui rôde invisible mais imminente autour du cœur d'un homme isolé et assailli par tant d'adversaires.
En vérité, le colon est un homme et sa disparition serait, pour un État, une grande perte et un symptôme de dégénérescence caractéristique.
Donc, l'ancien sergent fut colon, c'est-à-dire qu'il sut être tour à tour l'agriculteur intelligent, l'éleveur perspicace, l'architecte et le maçon, l'artisan industrieux qui élève les vers à soie, cultive les mûriers, dirige des métiers à tisser, le soldat vigilant qui sait protéger ses biens, sa vie et la vie des siens, le médecin patient et obstiné, le prêtre enfin qui dans les âmes sut éveiller, diriger, fortifier les premiers balbutiements de la conscience universelle.
Il ne succomba point à la tâche, mais la lutte fut âpre et rude. Une nuit, il fut attaqué en force par les pirates qui en voulaient à sa vie et voyaient un ennemi redoutable dans un pacificateur modeste qui avait su amener à la France tous les Annamites d'un canton. Le sergent ne fut au-dessous ni de sa réputation, ni de son courage. Réfugié avec dix Annamites dans un fortin qu'il avait bâti et garni de vivres et de munitions, il résista pendant trous jours sous le vieux pavillon tricolore qui flottait doucement sous le soleil. Sur le point d'être pris d'assaut, il fit tout sauter, eut le bonheur de mettre les Chinois en déroute et se relever vivant.
Sous les décombres, il trouva, blessé, le chef des pirates. Phu-Si, qu'il coucha dans son propre lit, soigna pendant deux mois et mit sur pied.
Phu-Si, avait une âme simple, tout d'une pièce, qui se transforma sous l'effet de cette générosité inconnue et le pirate devint l'hôte, puis l'ami du colon ; il est vrai que son humeur guerrière eut des soubresauts, des révoltes même qu'il apprit à contenir, ou à dépenser dans les chasses au tigre, ou la capture des buffles.
Aujourd'hui, quinze ans sont passés. L'ancien sergent est très riche, c'est un des personnages du Tonkin, il a fait venir près de lui ses deux neveux, fils de son frère aîné, mort sous Metz en soldat.
Reviendra-t-il en France ? Je ne le crois pas, me dit-il un jour.
Cette âme cornélienne doit être pénétrée par ce beau ver de Rodogune :
Mais lorsqu'un digne objet a pu nous enflammer,
qui le cède est un lâche et ne sait pas aimer.
Et je pense que sur la tombe
qui lui sera creusée à l'ombre
des cocotiers, son désir secret serait qu'on écrivit :
Ci-gît un colon.
Yatch.
Les clochettes algériennes et tunisiennes (19-04-1903)
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La colonisation en péril
Envoyé par M. Christian Graille
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Il y a quelques jours M. Rouanet, rédacteur à la Dépêche algérienne publiait un long article sur la régression de la colonisation en Algérie et citait, à l'appui des commentaires qu'il croyait pouvoir en faire, une liste de centres abandonnés et des chiffres impressionnants.
A vrai dire, notre honorable confrère n'a rien découvert ; il y a très longtemps qu'on a signalé, non seulement dans la presse algérienne mais aussi dans de très nombreux journaux métropolitains, le rachat progressif des terres par les indigènes et le lent abandon des concessions par les colons.
Aussi bien, le recul des cultures et la désertion des campagnes ne sont-ils par particuliers à l'Afrique du Nord et nous pourrions citer ici nombre de villages des plus réputées provinces françaises, dont la population a diminué d'au moins 50 pour 100. Alors que, dans la Métropole, le mal peut être considéré comme simplement passager, en Algérie, il n'y a aucun remède car il est clair que les indigènes qui ont racheté des terres ou des domaines ne les revendront plus jamais à des Européens. En effet, s'il est encore des utopistes qui se méprennent sur les sentiments des Arabes à notre égard, s'il y a des gens assez naïfs pour s'imaginer que nos sujets ont renoncé à l'espoir de nous voir un jour quitter le pays, on peut avoir l'assurance que le rachat des terres est le dernier mot de la tactique indigène dans la guerre sourde qui nous est faite et dont pas un colon n'ignore la conduite patiente et inexorable.
Ce ne sont ni les palabres hypocrites, ni les harangues intéressées qui nous convaincrons d'un loyalisme dont quarante années de séjour dans ce pays nous ont convaincu de la fragilité.
Nous ne pouvons, au surplus, nous défendre d'un réel sentiment d'admiration à l'égard d'un ennemi qui, patiemment, inlassablement, pour expulser l'envahisseur,
- se groupe, agit, intrigue, peine
- et réunit enfin les fonds nécessaires à enrayer la main mise sur son sol par ceux que son fanatisme a voués à l'exécration.
C'est à nous qu'il appartient de prendre les mesures indispensables à arrêter d'abord l'exode des colons et à fixer dans le bled de nouveaux éléments français en leur donnant la possibilité de s'y maintenir.
Nous ne pouvons pas perdre un temps précieux à geindre sur l'échec de la colonisation telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui ; il faut agir et changer de méthode s'il est reconnu, ce qui n'est pas démontré, que les procédés actuels sont vicieux.
En tout cas, la désinvolture avec laquelle a été conduite l'enquête administrative sur la question et qui est marquée au sceau du néfaste Gouverneur Violette, montre le cas que font certains dirigeants de la pénétration française dans le bled.
Assoupie à la cadence des discours officiels où s'exhale un optimisme béat, plus préoccupée de ses petites querelles de boutiques ou de clocher que de l'intérêt de la colonie, l'Administration, exception faite pour le département d'Alger, n'a même pas été capable de dresser le bilan de sa défaite !
Quant à s'être rendu compte des raisons pour lesquelles la plupart des centres créés même depuis ces dernières années, s'anémient ou se dépeuplent, c'était un effort bien au-dessus de sa volonté et de son énergie : nous sommes obligés d'en faire la triste constatation. M. Jules Rouanet est réduit aux conjectures :
" Il resterait à connaître, dit-il, les vraies causes de cette lamentable régression. Il doit y avoir de générales qui s'appliquent à la totalité des cas signalés comme il y en a de locales et de spéciales à tel ou tel centre envisagé. Et c'est tout ! Il est surprenant qu'un publiciste circonspect et averti comme l'est M. Jules Rouanet, ne soit pas en mesure de donner au moins une des causes de la calamité algérienne qu'il déplore dans son article.
En ce qui nous concerne personnellement, chaque fois que, parcourant le bled, nous avons cherché à savoir pourquoi tel village voyait un à un fuir ses habitants, on n'a pas manqué de nous répondre :
" Le pays est inhabitable parce qu'il n'y a pas d'eau ! "
Souvent, il est vrai, on se plaignait du manque de routes ou de voies de communication, mais on ajoutait toujours : " Si seulement on avait de l'eau en suffisance, on s'arrangerait " …
Nous ne saurions tracer un trop sombre tableau de ce que sont un hameau, une ferme en été lorsqu'il faut aller à plusieurs kilomètres, pour puiser dans un oued aux flaques bourbeuses, un liquide souvent imbuvable.
Dès que le soleil s'abaisse vers l'Ouest, ce sont de longues théories de bêtes et de gens accourant de partout vers les sources à demi taries qui ne laissent plus couler qu'in mince filet d'eau saumâtre.
Il y a cependant entre les colons une solidarité touchante. L'an dernier, en juillet, tel propriétaire d'un hameau du département d'Oran renonça à arroser un champ de pomme de terre pour que son voisin put avoir l'eau indispensable à l'alimentation de la chaudière de sa batteuse… A lutte constante,
- les énergies s'usent,
- les espoirs se dissipent,
- les plus ardentes convictions se lassent et un beau jour, on cède en moyennant un morceau de pain à l'indigène qui guette depuis de longues années, la terre pour la fécondation de laquelle on a dépensé le meilleur de soi-même.
Pas d'eau ! On ne lutte point contre cette malédiction et quoique nous n'ayons aucune donnée officielle à cet égard, nous pouvons affirmer sans crainte qu'être démenti qu'aucun des villages cités par M. Jules Rouanet dans son article désespéré :
- Isserville, Pirette, Montenotte, Charon, Beauprêtre etc… n'étaient suffisamment approvisionnés en eau.
Et pourquoi cette lacune puisque, au dire de la circulaire du 17 novembre 1927, testament du Ministre Gouverneur Violette, les collaborateurs de la carte géologique doivent être consultés chaque fois qu'il s'agit de créer des centres nouveaux ou d'approvisionner en eau les anciens ?
Comment se fait-il que ces géologues, dont le champion, M. Dalloni, prenait au congrès de l'eau la défense des colons contre les sourciers avec une véhémence pour le moins extraordinaire, pourquoi ces géologues infaillibles chercheurs d'eau, n'ont-ils pas sauvé tous ces centres abandonnés en découvrant auprès des agglomérations des venues intarissables du précieux liquide ?
A qui fera-t-on croire que Pirette par exemple, à trois kilomètres à peine d'un chemin de fer en pleine exploitation, ne retrouverait pas facilement une prospérité définitive si l'on pouvait transformer en vergers ou en jardins ses champs arides ?
Mais, répondront les géologues, il n'y a pas d'eau dans les environs immédiats de Pirette !
Alors pourquoi ne vous êtes-vous pas opposés, messieurs, à la création d'un centre dans une région aussi déshéritée ? C'était vraiment l'instant d'intervenir et de crier casse-cou à l'Administration.
Vous êtes cependant consultés puisque l'intègre Gouverneur Violette vous a réservé le monopole de fait de l'approvisionnement en eau
- des centres de colonisation,
- des communes et
- des particuliers auprès de qui vous faites aux prospecteurs hydrologues une concurrence ruineuse !
Si d'ailleurs les villages agonisants ont été créés depuis longtemps, pourquoi le Gouvernement Général ne vous demanderait-il pas d'urgence une étude pour chacun d'eux ? Quel moyen merveilleux vous auriez là de justifier la faveur dont vous jouissez auprès de l'inénarrable M. Vieillard-Baron !
Voyez-vous grâce à votre inépuisable science,
- Maillot, Béni-Amrane, Bedeau, Sebdou, Thiers renaître à la prospérité !
Ce serait vraiment un miracle. Eh bien, ce miracle, messieurs les géologues, il y a une société étrangère qui va tenter de le réaliser.
Des prospecteurs hydrologues, des sourciers, non pas des Français, hélas, mais de nos ennemis d'hier, ont étudié le sous-sol des territoires abandonnés ou en voie de l'être, et ils ont reconnu que partout il y avait de l'eau en quantité suffisante pour faire de toutes les régions aujourd'hui envahi par les ronces et les broussailles, des jardins rémunérateurs.
Sans doute, comme l'Administration partage avec vous le redoutable privilège de que l'infaillibilité dressera-t-on en face de la société en question tous les obstacles possibles ; mais il ne semble pas que les dirigeants de ce groupement redoutable soient disposés à se laisser faire.
Et puis, en présence d'étrangers, on n'osera certainement pas faire ce que l'on ne manquerait pas de perpétrer contre des Français surtout s'ils étaient des mutilés de guerre, nous l'avons vu à propos des exportations de pin d'Alep.
Quoiqu'il en soit, nous avons le plaisir à indiquer à notre confrère M. Jules Rouanet une des causes de la régression de la petite colonisation et à l'Administration le moyen d'y remédier : l'appel aux géologues. Nous verrons le compte que l'on tiendra de nos justes observations.
André Doria
La vie algérienne, tunisienne et marocaine (06-02-1928)
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La Mitidja
Envoyé par M. Christian Graille
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La plaine de la Mitidja célèbre par sa fertilité contourne le Sahel à l'est et au sud. Elle est elle-même limitée à l'est par les premières pentes des montagnes de la Kabylie, au sud et à l'ouest par le massif central de l'Atlas et la chaîne qui s'en détache pour rejoindre au nord, sur le bord de la mer, le djebel Chenoua. Les points culminants des montagnes qui la dominent se trouvent au sud aux environs de Blidah ou de Mouzaïa, leur élévation est de 1.608 et 1.640 mètres.
Elle a environ 100 kilomètres de long ; sa largeur varie et va toujours en diminuant de l'est à l'ouest ; ainsi entre la pointe de la Kouba et l'oued Boudouaou elle est environ de 30 à 32 kilomètres ; au centre à Boufarik elle n'est plus que de 10 à 12. A l'autre extrémité, à Marengo elle se réduit à 5 ou 6.
Plusieurs cours d'eau la traversent :
- l'oued Reraïa qui se jette dans la Méditerranée à l'est du cap Matifou,
- l'oued Khémis et l'oued Harrach qui ont leur embouchure dans la baie d'Alger,
- l'oued Chiffa et l'oued Djer qui se réunissent pour former le Mazafran et coupent le Sahel en deux à quelque distance de Koléa,
- l'oued Nador, enfin, qui, après avoir arrosé le fond de la plaine, s'ouvre un passage par la charmante vallée entre le Chenoua et la pointe occidentale du Sahel puis va tomber à la mer près du petit port et des ruines romaines de Tipasa. Le chemin de fer d'Alger à Oran dessert la plus grande partie de la Mitidja ; il suit la baie pendant 6 à 7 kilomètres entre Hussein-Dey et Maison Carrée, il tourne au sud-ouest, passe à Boufarik, à Blidah et enfin arrive à El Affroun sur les bords de l'oued Djer où il s'engage dans les montagnes qui séparent la Mitidja de la plaine du Chélif.
Le parcours à partir de la station d'Hussein-Dey est de 62 kilomètres que l'on franchit en deux heures et demie. La vitesse des locomotives algériennes n'est pas encore très grande, les stations sont fréquentes et le temps qu'on y passe très long parce que tous les trains sont mixtes. Il faut décharger et embarquer partout les marchandises comme les voyageurs. Cette lenteur est du reste fort commode pour les touristes qui peuvent observer le pays à leur aise et même herboriser le long de la route. Pour les voyageurs pressés, le chemin de fer algérien laisse beaucoup à désirer ; mais il s'améliorera avec le temps et tel qu'il est, il rend déjà d'immenses services.
Chose curieuse il n'est pas moins apprécié par les Indigènes que par les Européens. Les Arabes et les Kabyles recherchent avec empressement nos moyens de locomotion, nos bateaux à vapeur le long des côtes, nos diligences où je les ai vus quelques fois entrer par la fenêtre et par-dessus tous nos chemins de fer où ils s'entassent avec volupté. Je doute que nos paysans de basse Bretagne, si soigneusement tenus à l'écart du monde moderne par l'influence cléricale, aient accueilli avec autant de bonne humeur le premier train qui a glissé sur les rails de Rennes à Brest.
Il y a là un point de contact entre les indigènes et nous dont il faut se réjouir. De toutes manières rien n'est plus réjouissant en effet que de voir ces Arabes, qu'on se figure toujours gravement assis sur le dos des dromadaires, pendre comme des grappes au sommet des diligences ou bien passer leurs têtes encapuchonnées par les fenêtres des wagons, causant avec animation, promenant de tous côtés leurs regards ardents, exprimant par leurs physionomies et leurs gestes, non l'embarras ni la crainte mais la curiosité et la gaieté. Aucune race n'est plus sensible que la leur au plaisir de la vitesse.
Dans tous les pays le chemin de fer est un moyen d'accroître la richesse et d'unifier la population.
Ici, il est encore quelque chose de plus : il est un moyen d'assainissement. Pour utiliser la petite bande de terrain qui reste libre des deux côtés de la voie, la compagnie y plante des arbres ; or les arbres n'abondent pas dans les plaines d'Afrique et il importe au point de vue de l'hygiène, comme au point de vue économique de les multiplier.
Parmi ces arbres le plus précieux est l'eucalyptus.
Il y a une quinzaine d'années, les colons qui voulaient se procurer de l'ombrage rapidement n'avaient guère d'autre ressource que " le bel ombra " ; le bel ombra se développe vite en hauteur et en largeur mais il est lourd et disgracieux d'aspect, son feuillage n'est ni permanent ni précoce et son bois spongieux n'est bon à rien, même pas à brûler. Aujourd'hui grâce au zèle de Monsieur Ramel et de ses disciples, les colons ont à leur disposition un arbre qui croît avec une rapidité surprenante, qui toujours est vert et donne du bois dur, propre à la charpente et à la menuiserie. Tels sont les avantages certains de l'eucalyptus.
Beaucoup de personnes leur attribuent en outre des vertus curatives qui ne sont pas encore parfaitement établies. Originaire de Tasmanie, dans l'hémisphère austral, il s'acclimate très bien dans la région méditerranéenne et plus particulièrement sur les côtes d'Afrique pourvu qu'il trouve un sol profond et pas trop sec. Bientôt il transformera tout à fait la physionomie du tell algérien.
Il y en a déjà des centaines de mille groupés en bouquets, alignés en avenues, dispersés isolément le long des routes, autour des maisons de campagne ou des bâtiments de fermes dans le Sahel et surtout dans la Mitidja. Ce genre de culture est devenu une véritable passion.
La première station d'importance du chemin de fer d'Alger à Oran est Boufarik.
Ce nom éveille des réminiscences douloureuses. Dès qu'on le prononce, l'idée de marais pestilentiel et de braves colons morts au milieu de ces marais se présente à l'esprit. L'obsession de ces souvenirs est si intense que la réalité actuelle semble un rêve. On a peine à se figurer que le présent démente d'une manière si heureuse le passé. Le fait est que la ténacité coloniale, trop méconnue en France, a remporté à Boufarik un triomphe complet.
Après vingt ans d'efforts persévérants on a enfin réussi à assécher le marais et à rectifier le régime des eaux ; les fièvres ont disparu ; au milieu des terres d'une fécondité merveilleuse, un grand village, peuplé de 2.600 habitants sert de centre à de nombreuses et productives exploitations agricoles.
Les rues du village, droites et longues, sont bordées de maisons simples, propres, commodes, d'un aspect des plus agréables ; les orangers et les citronniers se montrent dans tous les jardins et poussent jusque dans les rues ; ils forment avec quelques palmiers un charmant bosquet autour de l'église ; les fontaines ne manquent pas ; une vaste esplanade ombragée par de beaux platanes, terminée sur un des côtés par des bâtiments convenables, indique la place du marché.
Le lundi une animation extraordinaire règne dans les rues, dans les auberges, autour des fontaines, sur les places publiques, sur l'esplanade et sur toutes les routes des alentours. C'est le jour consacré à la vente des bestiaux ; colons et indigènes arrivent de toutes parts, quelques-uns à cheval, la plupart à âne, à mulet ou à pied, plusieurs en chars à bancs et autres véhicules du même genre, beaucoup en omnibus et en chemin de fer.
D'immenses troupeaux de bœufs et de moutons sont amenés et soulèvent des tourbillons de poussière ; quelques bêtes sont immédiatement abattues et dépouillées ; ici comme dans toute l'Algérie on remarque la petitesse des bœufs et la grosseur des moutons.
Nos colons font bonne figure au milieu de cette foule, leurs blouses bleues et leurs paletots de velours de coton rayé tranchent crûment sur le fond blanchâtre des vêtements arabes. On sent à leurs allures que ce ne sont pas des colons de fantaisie mais des travailleurs sérieux, de vrais ruraux, ruraux républicains, bien entendu, car les ruraux de l'espèce monarchique sont à peu près inconnus en dehors de la Métropole. Ils n'ont nullement l'air d'être affaiblis par le climat ; solidement bâtis, le teint coloré, la poitrine large, les épaules fortes, ils rappellent plutôt le type du nord que le type du midi.
A peu de distance de Boufarik se trouve un petit endroit qu'on appelle Oued el Halleug tout près des bois de frênes du Mazafran.
Reprenant par ce détour notre excursion sur la route d'Alger à Oran nous rencontrons à une demi-heure de Boufarik la séduisante ville de Blida.
Le parfum des orangers l'annonce longtemps à l'avance ; la nuit surtout ce parfum est si pénétrant qu'il domine même l'âcre odeur des bouffées de la locomotive. Le perfectionnement des moyens de transport, la culture des orangers et des citronniers prend tous les jours une extension plus grande. Elle a pour elle l'agrément et le profit ; ce qui ajoute ici au charme de cette culture c'est que les jardins ne sont pas séparés par de hauts murs, comme à Sorrente, mais par des haies basses et verdoyantes composées elles-mêmes d'orangers et de citronniers.
Au mois d'avril quand les fleurs et les fruits s'entremêlent sur les mêmes arbres, on ne saurait rien imaginer de plus délicieux à voir. Que de nuances heureusement associées, depuis le vert tour à tour sombre et lumineux du feuillage jusqu'au blanc violacé des fleurs, depuis le rouge ardent ou le jaune intense des orangers jusqu'au jaune pâle des citrons !
Blida n'est pas comme Boufarik une colonie française. C'est une ancienne ville arabe, prospère au temps des Turcs, à demi ruinée par la guerre, réparée et transformée depuis la paix. Elle a aujourd'hui 10.000 habitants ; située au pied de l'Atlas à 185 mètres au-dessus du niveau de la mer, elle est très recherchée pendant la saison chaude pour la fraîcheur de son air, de ses eaux et de sa végétation. Elle est arrosée au printemps par des pluies fréquentes ; la montagne dont elle occupe les premières pentes n'a rien de sauvage à cet endroit. Ses flancs ne sont ni abrupts ni dénudés ; ils présentent des mamelons arrondis où l'herbe, les arbustes et les grands arbres croissent abondamment. Des hauteurs voisines on aperçoit, au-delà de la plaine, le Sahel et le sommet du Sahel, le Kbour-er-Roumia.
Les promenades dans la ville et hors de la ville sont nombreuses ou plutôt tout est promenade autour de la ville. On peut aller presque au hasard, sûr d'être récompensé de sa peine, de quelque côté qu'on se dirige, mais il faut avoir soin de ne pas omettre le " bois sacré " ; il y a là un groupe de superbes oliviers séculaires dont le tronc semble avoir été troué à coups de canon.
Deux choses seulement gâtent Blida à mon avis : l'une choque les yeux, l'autre plus fâcheuse parce qu'elle vous accompagne au loin, froisse l'ouïe. La première c'est la lourde église bâtie près de la grande place ; elle semble faite tout exprès pour dégoûter les Musulmans du culte catholique ; la seconde c'est le bruit incessant des tambours et des trompettes. A quoi bon tout ce tapage militaire ? Involontairement je songeais, en l'entendant, aux Prussiens silencieux et je sentais avec amertume le ridicule des démonstrations bruyantes.
A l'ouest de Blida, la Chiffa coule en droite ligne du sud au nord au milieu des lauriers roses. On y va en un quart d'heure par le chemin de fer et une demi-heure par la route de terre ; la dernière partie de la route est bordée de grands aloès qui rompent par le puissant relief de leurs formes la monotonie des champs de céréales. On passe la rivière sur un pont ; on remonte le cours sur la rive gauche et l'on se trouve au bout de quelques minutes dans l'étroite gorge d'où elle sort. Malgré ses hautes parois, ses cascades, ses cascatelles, ses rocs qui surplombent, son torrent qui gronde et mugit, la gorge de la Chiffa causera peut-être un petit moment de déception au voyageur qui a parcouru les Alpes.
L'infernal, le grandiose, le sublime ne vous saisissent pas ici comme à certains passages de la Via Mala ou du Simplon. Il ne faut pas s'attendre à l'impression que donne une symphonie de Beethoven mais plutôt à celle d'une sonate de Mozart.
La nature se montre par ses côtés sombres, abrupts, terribles, juste assez pour vous faire jouir plus pleinement des beautés riantes et aimables qu'elle déploie autour de vous.
Le comique a sa place même dans la gorge de la Chiffa, car les singes s'y plaisent et quelque fois s'y laissent entrevoir. On les cherche souvent en vain, mais on ne regrette pas de les avoir cherchés de l'œil, au travers de cette verdure si riche et si variée, parmi ces groupes de thuyas, d'oliviers, de micocouliers, de lauriers de toutes espèces, étagés les uns au-dessus des autres, enguirlandés et couronnés par d'immenses vignes sauvages, éclairés par les rayons directs ou les reflets d'une lumière auprès de laquelle pâlirait le soleil des Alpes.
Au sortir des gorges de la Chiffa, du côté du sud, un chemin sur la droite conduit aux fameuses mines de cuivre de Mouzaïa. La route principale quitte peu à peu le fond des vallées et monte jusqu'à Médéah qui se vante de posséder une végétation tout européenne, grâce à son altitude (940 mètres).
Elle traverse de part en part le massif central de l'Atlas, redescend le long du versant saharien et aboutit à l'entrée du grand désert à Laghouat. On peut juger de l'importance de cette route par ce fait que Laghouat est située presque sous le même méridien que Médéah. La distance entre les deux villes est de 366 kilomètres. Entre Alger et Laghouat elle est de 456.
Pour achever le tour de la Mitidja il faut revenir sur ses pas et reprendre pendant une demi-heure la ligne de chemin de fer ; on la quitte à la station d'El Affroun, on traverse l'oued Djer que les chaleurs de l'été réduisent à un maigre filet d'eau et l'on suit une route fort agréable qui longe à gauche la montagne et laisse voir sur la droite au-delà de la plaine la silhouette imposante du tombeau de la chrétienne. On rencontre quelques hameaux français portant des noms arabes (Ameur-el-Aïn, Bourkika) et après avoir parcouru une vingtaine de kilomètres on touche au village de Marengo. Marengo est une colonie de 1848 qui a prospéré ; sa population n'est encore que de 700 habitants.
L'aspect des maisons, des places, des avenues, des édifices communaux ferait croire à un chiffre plus élevé : il indique tout au moins une grande aisance. Aux environs sur le chemin de Tipasa se trouve une magnifique forêt de chênes. La plaine finit à peu de distance de Marengo.
Pour gagner Cherchell, l'Iol des Phéniciens, la Julia Caesarea des Romains il faut franchir une petite chaîne montagneuse, tourner le Chenoua et entrer dans une région nouvelle.
IMPRESSIONS DE VOYAGE (17 mars-4 juin 1873)
Jean-Jules Clamageran Edition 1874
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La colonisation en 1880
Envoyé par M. Christian Graille
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Dès les premiers jours de la conquête, malgré l'absence de plan chez nos gouvernants, le problème de la colonisation s'imposa.
Aux portes d'Alger des terres étaient abandonnées ; il se présenta des colons pour les mettre en valeur, et les premières cultures furent entreprises sous la protection de nos baïonnettes et avec l'aide de nos soldats.
Quelques grandes concessions furent données, notamment le beau domaine de la Régaïa, comprenant cinq fermes, avec les prairies du Hamiz, dont on fit cadeau à un réfugié polonais, prince ruiné, qui ne sut en tirer parti.
Peu à peu les colons s'avancèrent dans la Mitidja, et nous avons vu que, lors de la levée de boucliers de 1840, ces hardis pionniers furent forcés d'abandonner leurs fermes pour se réfugier à Alger, et que ceux qui s'attardèrent furent impitoyablement massacrés.
Ces premiers essais ne furent pas heureux. On songea alors à établir des colonies militaires, comme celles de nos devanciers, les Romains.
On pensait avec raison que les soldats formeraient une solide barrière contre les dépravations et les attaques des indigènes, qu'ils s'attacheraient à leurs champs et resteraient dans les villages à l'expiration de leur congé. Un arrêt de 1er octobre du maréchal Valée fonda, à Coléa, la première colonie militaire composée de trois cents soldats qui reçurent chacun quelques hectares et un emplacement à bâtir dans le centre.
Différentes conditions leur étaient imposées pour qu'ils devinssent propriétaires définitifs de leurs concessions.
Ce système qui fut repris par le maréchal Bugeaud et appliqué dans différentes localités, ne donna pas de résultats satisfaisants car les soldats rentrèrent presque tous chez eux, abandonnant leur propriété éventuelle. Néanmoins il permit d'étendre la zone de colonisation en procurant aux véritables cultivateurs un peu de sécurité.
Les premières concessions accordées aux civils ayant donné lieu à des spéculations, ce qui était inévitable, le gouvernement général s'appliqua à réglementer le régime des distributions de terres dans le but d'empêcher le trafic des gens qui ne cherchaient nullement à coloniser.
On imposa aux concessionnaires des clauses dites résolutoires se résumant à peu près à ceci :
1° Construire une maison d'exploitation en rapport avec l'étendue de son terrain ;
2° planter un certain nombre d'arbres par hectare ;
3° défricher et mettre en valeur ses terres ;
4° les entourer d'un fossé ou d'une haie.
Pour en assurer l'exécution, on ne délivra au colon qu'un titre provisoire. (Arrêté du 4 mai 1841 ; ordonnance des 21 juillet, 1er septembre 1845 ; ordonnances des 5 juin et 1er juillet 1847).
Des inspecteurs, dits de colonisation, vérifiaient après un temps donné l'état de la concession et, si les conditions avaient été remplies, le concessionnaire recevait un titre définitif ; sinon, il était ajourné ou évincé.
On saisit facilement les inconvénients d'un tel système.
Ces entraves, cette instabilité ne pouvaient que paralyser l'initiative individuelle et en arrêter les féconds effets.
Cependant de courageux colons se mirent à l'œuvre et fondèrent les villages de la banlieue d'Alger et de la plaine. Les difficultés étaient grandes, bien que la terre fût riche ; mais elle était couverte de palmiers-nains qu'il fallait extirper ; et puis, on avait non seulement à lutter contre les pillards mais contre un ennemi plus terrible : la fièvre.
Beaucoup de villages actuellement ombragés, sains, paisibles, étaient entourés de marais aux exhalaisons délétères et dévorèrent leur population renouvelée successivement trois fois. Il en fut de même aux environs de Bône et de Philippeville aussi bien que dans la province d'Oran.
Nous avons vu que le gouvernement républicain en 1848 s'occupa avec sympathie de l'Algérie.
La terrible révolution de juin, en lui imposant la nécessité de fournir du pain à un grand nombre d'ouvriers inoccupés, le poussa à les utiliser pour la colonisation de ce pays.
Un décret de l'Assemblée Nationale des 19 septembre et 3 octobre 1848, affecta à cette entreprise un crédit de cinquante millions et décida que des lots de terre seraient accordés aux colons, sous les conditions générales du régime des concessions.
Un arrêté ministériel régla les détails d'application. On donna aux colons :
Une maison dans le village à peupler, un lot de 2 à 12 hectares par famille, les semences et les instruments de culture, et enfin des vivres et des secours en argent jusqu'à ce que les terres fussent " mises en valeur ".
A cela on ajouta des prêts de bestiaux. Les ouvriers d'art furent particulièrement avantagés.
Douze mille colons devaient être installés dans ces conditions en 1848, mais ce chiffre fut même dépassé ; il atteignit 13.500 personnes la première année et, en 1850, il s'élevait à 20.000. On les répartit entre quarante-deux localités dans les trois provinces.
Cette entreprise qui rappelle l'essai de colonisation de la Guyane par le duc de Choiseul aboutit à un échec qui, heureusement, ne fut pas un désastre.
Cet insuccès fut dû à des causes multiples dont nous nous bornerons à indiquer les principales :
Le personnel, composé presque uniquement d'ouvriers de grandes villes était le moins possible apte au but auquel on le destinait ; enfin les concessions étaient trop petites.
D'autre part les avantages faits aux colons n'eurent que ce résultat de leur donner l'habitude de vivre sans rien faire, ce qui prouve une fois de plus que l'homme ne profite que de ce qu'il a gagné à la sueur de son front.
Quand les secours furent coupés, ils disparurent. Rien de curieux comme le rapport de M. L. Reybaud, membre de la commission envoyée en 1849 par l'Assemblée Nationale pour examiner sur place la situation des colons.
Les faits relevés par le spirituel rapporteur sont caractéristiques et méritent de fixer l'attention du moraliste comme de l'économiste. Ces braves gens qui, dans les clubs de Paris, faisaient du communisme montrèrent combien il y a loin de la théorie à l'application.
Cependant tous ces centres fondés sont devenus des villages dont plusieurs se trouvent actuellement en pleine prospérité ; il est vrai que trente ans se sont écoulés et que bien des transactions ne sont pas opérées depuis.
L'échec n'a donc pas été absolu.
Partout il resta un noyau de colons qui ajoutèrent à leurs concessions les champs de ceux qui avaient disparu et auxquels vinrent s'adjoindre de véritables cultivateurs.
Quand il fut bien prouvé que le colon soldé et entretenu ne donnait pas les résultats attendus, on en revint au système ordinaire des concessions et l'on distribua des terres aux environs des centres nouvellement occupés dans l'intérieur ; la superficie attribuée à chaque famille fut portée à une moyenne de vingt-cinq hectares (vers 1855).
En outre des traités furent passés avec des sociétés de capitalistes auxquels on accorda de vastes périmètres, à la condition d'y créer des villages.
La société genevoise, l'une d'elles, établie aux environs de Sétif, fut une des premières tentatives de colonisation anonyme réalisée en Algérie, si l'on en excepte, toutefois les entreprises de communautés religieuses, dont l'une, celle des Trappistes de Staouéli a été couronnée de succès.
A partir de 1850, la colonisation prit un réel essor. En un grand nombre de localités, le pays fut réellement transformé.
Malheureusement les cultivateurs étaient obligés de chercher leur voie et perdaient un temps précieux en fausses manœuvres.
Les uns arrivaient de leur pays avec des idées préconçues, ce qui était fort mauvais en général, mais surtout en matière de culture, et ne connaissaient que des procédés routiniers de leurs aïeux ; les autres, plein d'illusions croyaient que leurs terres étaient destinées à les enrichir par des productions exotiques ou inconnues.
Des utopistes que l'Administration soutint trop souvent, lançaient telle plante, tel arbre, dont ils célébraient, avec pompe, les avantages : On s'engouait pour cette nouveauté, on se disputait les grains et les plans et ce n'était qu'après plusieurs années d'efforts qu'on se convainquait de son illusion. Perte matérielle, découragement, telles étaient le fruit de ces prétendues découvertes ; ce fut la cause de bien des échecs.
Il s'agissait non seulement de travailler courageusement et d'avoir des avances permettant d'attendre ; il fallait encore prouver la manière de procéder propre au pays, et ce procédé devait être variable, selon la nature très diverse des localités.
Après la réaction qui fut la conséquence du voyage de l'Empereur, c'est-à-dire à partir de 1860, et pendant la tentative folle de création d'un royaume arabe en Algérie, il ne se donna plus de concessions aux particuliers.
Le sénatus-consulte de 1863, en attribuant toutes les terres aux indigènes, dépouilla le patrimoine de la colonisation.
Il ne resta que les terres domaniales dont la superficie n'était un peu considérable que dans les azels (réserves) de la province de Constantine. Néanmoins, le pays continua à progresser, lentement, il est vrai, mais régulièrement, et rien n'indiqua que la liquidation annoncée fût proche.
Le gouvernement impérial, comme s'il revenait sur les erreurs de son programme, avait conclu, avec une société financière qui prit le nom de société générale algérienne, un traité par lequel il lui concédait cent mille hectares, à charge pour elle de mettre ces terres en valeur et de fournir, en plusieurs anuitées, une somme de cent millions, pour les travaux publics.
Elle était en outre autorisée à faire des opérations de banque.
On avait fondé des espérances sur cette affaire mais le résultat fut à peu près nul pour la colonisation.
Quelques villages furent établis par la compagnie, pour la forme, mais la grande majorité des terres fut simplement louée aux indigènes.
On sait comment cette société sombra, malgré les bénéfices réalisés par elle en Algérie ; quant aux cent millions, ils n'ont pas été entièrement versés.
Après la révolte de 1871, l'amiral De Gueydon frappa de séquestre les tribus insurgées et un certain nombre de ces territoires qu'on avait si généreusement donné aux indigènes se trouvèrent disponibles pour la colonisation. C'est ainsi qu'on pénétra dans les riches vallées de la Kabylie, qui sans cela, nous auraient été fermées pour longtemps.
Une loi du 15 septembre 1871 avait attribué cent mille hectares aux émigrés d'Alsace et de Lorraine ; un décret du Président de la République (16 et 28 octobre 1871) régla le mode de distribution de ces terres.
Le titre I dispose que le concessionnaire qui pourra justifier de la possession d'une certaine somme et s'engagera à la dépenser pour la mise en valeur de son terrain, en deviendra propriétaire définitif, aussitôt qu'il aura établi que les dépenses ont été faites. Il va sans dire qu'il se trouva peu de colons de cette catégorie.
Le titre II s'appliqua au plus grand nombre et apporta une véritable innovation au régime établi jusqu'alors. La concession fut transformée en un bail de neuf ans avec promesse de remise en toute propriété après ce délai, si les conditions de résidences et de mise en valeur imposées avaient été exécutées.
C'était une aggravation considérable des anciennes clauses résolutoires ; de plus, le droit par trop aléatoire du colon lui enlevait la faculté d'effectuer le moindre emprunt puisque en réalité il n'était que locataire et ne pouvait donner de gage.
Ce fameux titre II, dont la paternité fut attribuée à l'amiral, souleva contre lui de légitimes critiques de la part des Algériens et de leurs assemblées électives.
De plus le décret ne faisait aucune part aux gens du pays, aux fils de colons des premiers jours dont le patrimoine si restreint n'était plus en rapport avec l'augmentation de la famille. Ils demandaient depuis longtemps des terres et si on les avait admis dans de nouveaux villages ils auraient pu, par leur expérience, être fort utiles aux immigrants.
Le gouvernement fut amené bon gré, mal gré, à faire modifier le décret afin de garantir les prêteurs par un engagement de l'Administration de laisser vendre, au besoin, la concession à leur requête.
Plus tard on réduisit à cinq ans la durée du bail. (Décret du 15 juillet 1874).
On se décida aussi à accorder des terres aux Algériens mais à la condition qu'ils ne fussent pas célibataires, ce qui était une façon un peu arbitraire de provoquer l'augmentation de la population.
Environ 2.200 familles d'Alsaciens-Lorrains représentant à peu près 10.500 personnes arrivèrent en Algérie après l'annexion de leur pays.
Patronnés par des comités disposant de sommes importantes, reçus à leur débarquement par des délégués chargés de leur fournir la nourriture et des secours, placés par l'administration au milieu de fort beaux territoires dans des villages où l'on avait préparé de petites maisons pour les abriter, ces immigrants se trouvèrent à peu près dans les mêmes conditions que les colons de 1848, avec cet avantage sur eux qu'on leur donna quatre fois plus de terrain.
On ne tint aucun compte des leçons de ce premier essai et on retomba dans les mêmes erreurs.
L'élément immigrant ne valait guère mieux car les cultivateurs s'y trouvaient en minorité.
La plupart des Alsaciens étaient des ouvriers de fabrique, peut-être très attachés à la France mais dont la moralité et l'esprit de conduite laissaient trop souvent à désirer ; il y avait cependant d'honorables exceptions.
Malgré les efforts des comités et de l'administration, malgré les secours envoyés pendant plusieurs années de France, la réussite fut peu brillante comparativement aux efforts et aux sacrifices faits.
Quand on cessa de distribuer de l'argent et des vivres, un certain nombre d'Alsaciens rentrèrent chez eux ou se dispersèrent ; d'autres attendirent l'expiration des cinq ans du bail, vendirent leurs concessions depuis longtemps grevées et disparurent.
Il faut reconnaître néanmoins, et nous le faisons avec plaisir, que dans les immigrants de 1871 se trouvaient de bons travailleurs dont quelques-uns ont réussi à force de persévérance.
Il faut reconnaître également qu'ils ont eu contre eux cette circonstance défavorable d'avoir à supporter, au début, plusieurs années de mauvaises récoltes.
Enfin, non seulement on leur a mesuré trop parcimonieusement la terre (Le décret porte qu'il leur sera donné de 3 à 10 hectares par tête, en comptant les enfants et les domestiques comme unités.) mais encore leur concession a été fractionné en quatre lots répartis en autant de zones concentriques, entourant le village, de sorte que le lot le plus étendu s'est trouvé le plus éloigné ; nous connaissons un centre dont les colons ont leur grand lot de culture à six kilomètres de distance.
Cependant partout où ces villages ont été établis, il est resté un groupe de cultivateurs bien fixés au sol : dans la vallée de l'Isser, dans celle du Sahel, aux environs de Djidjeli et de Mila. Il en est donc résulté une réelle extension du périmètre colonisé.
Sous l'administration du général Chanzy, il a été donné une grande quantité de terres, et les colons algériens en ont largement profité.
En somme il en a été de la colonisation faite depuis 1871, comme des précédentes ; malgré de nombreux échecs isolés, un vaste pays, précédemment occupé par les indigènes se trouve maintenant aux mains des Européens. Ceux-ci possédaient en 1877 en chiffres ronds 1.031.095 hectares.
Un résultat a donc été obtenu. Aurait-il pu l'être au prix de moins d'insuccès particuliers ? Nous le pensons et c'est un sujet qu'il y a lieu de traiter à fond.
L'Algérie cultivable est divisée en deux zones principales. Le littoral comprenant des vallées arrosées et de riches plaines d'alluvions, contrée fertile par excellence, suffisamment pourvu d'eau et qu'un climat chaud rend apte aux cultures les plus diverses et notamment à la production des primeurs et des fruits du midi. La petite culture y est déjà possible et largement rémunératrice. L'autre zone est celle du tell composée de montagnes, de vallées et de plaines s'élevant successivement pour atteindre la région des hauts plateaux qui précédent le Sahara.
Les terres y sont également fertiles, mais les eaux, s'écoulant vers le littoral par des pentes souvent raides y sont plus rares ; le climat plus froid ne permet pas de cultures d'hiver. Enfin les parties montagneuses, les mamelons qu'on ne peut labourer diminuent grandement la superficie des terres cultivables.
C'est la région spéciale à la culture des céréales et à l'élevage des troupeaux.
Quand les hivers et les printemps sont pluvieux, les récoltes y sont fort belles ; mais dans les périodes de sécheresse, le blé et l'orge rendent très peu et le colon n'a aucune autre culture pouvant lui donner de réelles compensations.
La vigne paraît devoir être, aussi bien pour le littoral que pour le tell, une ressource inappréciable, si nous avons ce bonheur que le phylloxéra ne pénètre pas en Algérie. Mais la vigne demande de grands frais de plantations et d'entretien ; et il faut attendre plusieurs années avant d'en recueillir les fruits.
Le genre des cultures et les ressources de la terre sont très variables selon les localités et que si le colon est à son aise avec quelques hectares irrigables sur le littoral.
Il est malheureux avec cinquante hectares dans le Tell s'il a à lutter contre de mauvaises récoltes et qu'il n'ait pas d'autre industrie. Les bestiaux seraient pour lui une excellente ressource ; mais peut-il avoir un troupeau quand il habite un village et a une quarantaine d'hectares divisés en quatre lots distincts éloignés les uns des autres ?
La vie du colon en village qui offre de grands avantages au point de vue de la sécurité et de l'appui mutuel, n'est possible que dans un pays de petite culture, car dans le Tell, il faut de grands terrains et la logique veut en raison même de l'étendue de la propriété que le colon n'habite pas loin afin d'éviter le double inconvénient du temps perdu dans un long trajet au soleil, pendant l'été, et de l'impossibilité de surveiller des fruits toujours exposés aux entreprises des voleurs. Le système des villages a été combattu depuis longtemps et notamment par un économiste de grande valeur, M Jules Duval en 1854. Nous savons qu'on a donné des fermes isolées de 40 à 50 hectares dont les concessions n'ont pas mieux réussi. Pourquoi ? Parce qu'ils n'avaient pas de ressources.
Comment veut-on que l'homme qui, ne possédant rien, va s'établir sur sa concession, réalise ce problème de la mettre en valeur, et, à cet effet, défricher, planter, chercher où aménager l'eau, construire etc., et de vivre, lui et sa famille, en attendant les récoltes ? C'est absolument impossible.
Aussi qu'arrive-t-il le plus souvent ? Le malheureux colon s'installe comme il le peut, sur son terrain dans une chaumière qui l'abrite fort mal contre les intempéries de l'hiver et les chaleurs de l'été.
Il deviendra bientôt la proie de la fièvre ou de toute autre maladie et n'a pas les soins nécessaires. Néanmoins il résiste aux privations et à la misère et travaille soutenu par ce mirage : l'espoir d'être propriétaire s'il a triomphé de la maladie et échappé aux coups des indigènes ; il va enfin arriver ce jour où la législation lui permet d'emprunter sur sa terre. Il croit se sauver et cependant il s'enlève une chance de réussite.
En effet, non seulement il sera grevé du service des intérêts de son emprunt, ce qui réduira ses maigres revenus ; quand arrivera le moment de rembourser, il ne pourra le faire ; où prendrait-il cette somme ? Les quelques mille francs qu'il a empruntés et qu'il n'a reçu que diminues les frais et les intérêts retenus d'avance lui ont servi à se faire une maisonnette un peu plus confortable et à payer les dettes contractées pendant les premiers temps car il fallait vivre.
Tout donc a été absorbé sans créer une nouvelle source de revenus, au contraire, en les diminuant et bientôt le malheureux est exproprié ; il maudit en la quittant cette terre où il a passé sans profit quatre ou cinq années de misère et où il laisse peut-être le tombeau de plusieurs des siens.
Quiconque a vu de près le colon reconnaîtra l'exactitude de ce tableau. Tel est en général le sort de celui qui ne possède pas de ressources pécuniaires et n'a pas d'autre industrie que la culture.
Celui qui a des avances liquides ou qui est ouvrier et peut exercer un métier : maçon, boulanger, menuisier, forgeron, aubergiste même où qui obtient un petit emploi ; cantonnier, garde des eaux, facteur etc., et dans une toute autre situation car le peu qu'il gagnera lui assure sa subsistance, tous les produits de la campagne sont un supplément et, s'il est rangé, il peut les employer en amélioration. Ceux-là ont généralement réussi.
Quant à l'emprunt il est le plus souvent cause de la ruine du colon, sauf s'il emploie les fonds à acheter des terres dans de bonnes conditions, parce qu'alors il se crée une augmentation de revenus ; dans le commerce ou l'industrie un prêt peut-être avantageux parce qu'il permet de réaliser des bénéfices souvent considérables ; mais pour la culture, il n'y a pas de coups de fortune à espérer et ce n'est que le plus strict calcul et le moins d'avances de fonds qu'on peut y réussir ; et puis, ce n'est pas le tout d'emprunter, il faut rendre.
Il est une autre catégorie de petits cultivateurs venus dans ce pays sans le moindre capital et qui néanmoins ont su s'y faire une position. Ce sont les Espagnols, gens travailleurs par excellence, durs au climat, d'une sobriété étonnante et d'un caractère sur lequel la nostalgie n'a pas prise. Leur réussite dans la province d'Oran où, cependant, ils trouvaient des terres infestées de palmiers nains, est remarquable. Certains Italiens des pays pauvres, des Corses, tous gens doués de qualités qui les rapprochent des précédents ont su également triompher des obstacles des premiers jours et s'établir sérieusement.
Par exemple ils n'ont rien emprunté ; enfin, parmi les Français, ceux qui réussissent le mieux sont des gens des Pyrénées ou des pays pauvres du midi. Il va sans dire qu'il y a des exceptions ; nous citerons notamment le village comtois de Vesoul-Bénian, près de Miliana, le village allemand de Sidi-Lachen, près de Bel-Abbès, etc.
Le cultivateur français émigre peu, et cela se conçoit puisqu'il trouve avec tant de facilité dans notre féconde patrie, une vie plantureuse.
Ceux qui se décident à chercher fortune ailleurs ont généralement échoué dans leur village ; ce n'est déjà pas la crème des fermiers. Ils n'ont pas su réussir chez eux, où ils n'avaient pour ainsi dire qu'à se laisser vivre, et ils partent dans l'espoir de trouver, avec moins de peine, une existence plus agréable.
Aussi quelle n'est pas leur désillusion quand ils voient de près ce qu'est la rude vie de colon ! L'énergie qui leur faisait défaut en France est bien vite épuisée en Afrique. Bientôt ils ne songent qu'à regagner leur village et ils fuient ce pays qu'ils avaient entrevu comme un Eldorado et où ils n'ont trouvé que la misère, les privations et la maladie.
On l'a dit bien des fois, l'Algérie est trop près de la France ; on peut y renter comme on veut, même sans argent, même par un coup de tête, et, de retour au pays on justifie son insuccès par des récits fantaisistes qui enlèvent aux compatriotes toute velléité d'imitation. Il n'en est pas de même pour les contrées éloignées ; quand on y est, il faut rester même après des revers et souvent en se remettant à l'œuvre, on réussit. Fidèle au principe que nous nous sommes tracé en écrivant ce livre, nous disons la vérité, toute la vérité. Les gens forts doivent savoir l'entendre. Les échecs des colons isolés ont été nombreux ; nous avons tâché d'en indiquer les causes ; mais cela ne nous empêche pas de croire fermement à l'avenir de la colonisation française en Algérie ; il n'y a pour cela qu'à constater les résultats obtenus.
Partout où l'on a donné des terres il est resté un noyau de colons bien fixés au sol qui ont su trouver le procédé propre à leur contrée et qui sont l'avenir du pays.
Un grand nombre de villages fondés il y a vingt ou trente ans après avoir passé par diverses vicissitudes et avoir été presque abandonnés ont maintenant une population trop nombreuse et qui, par suite du manque de terre, est forcée de se dédoubler.
Nous avons exposé, aussi longuement que l'exiguïté de notre cadre nous le permettait, les différents systèmes qui ont été appliqués et nous en avons fait ressortir les inconvénients.
Examinons maintenant ce qu'on aurait pu, ce qu'on pourrait encore faire.
Monsieur Lestiboudois dans un rapport rédigé en 1853 sur l'état de la colonisation en Algérie, après avoir apprécié les différentes causes ayant amené l'insuccès des colons en 1848, s'exprime comme suit : " L'État a pour mission d'assurer les indispensables condition de la prospérité coloniale, ce sont :
1° la sécurité,
2° l'étendue des terres,
3° un régime libre, c'est-à-dire la libre action des personnes, la libre disposition des biens,
4° les voies de communication,
5° un marché où les colons puissent placer d'une manière assurée leurs produits….. "
Ce programme est fort bon, à l'exception peut-être du dernier desideratum qui est en contradiction avec les lois économiques, en faisant sortir l'État de son rôle.
Toutes les autres conditions sont de nécessité absolue et, il faut convenir qu'elles ont généralement manqué.
La sécurité n'a pas été et n'est pas suffisamment assurée.
L'étendue des terres a été ridiculement insuffisante.
La liberté des personnes a été souvent contrariée, notamment dans ces villages placés sous la direction d'un officier qui envoyait tous les colons à l'ouvrage ou à la messe au son du tambour.
La liberté des transactions a manqué puisque le concessionnaire ne pouvait disposer de son bien.
Enfin les voies de communication, malgré de réels sacrifices faits par l'administration sont restées longtemps à l'état rudimentaire et ne v sont pas complètes maintenant. Ici vient se placer la question de la vente des terres. A priori, il semble que ce mode eût présenté de grands avantages ; mais on objecte que la spéculation en aurait profité et que les gens, après avoir acheté de vastes domaines auraient attendu la plus-value sans y faire la moindre amélioration, de sorte que la colonisation n'en aurait retiré aucun profit. Cette objection ne manque pas de force ; il est vrai qu'on aurait pu imposer certaines clauses à l'acquéreur, mais il aurait été toujours difficile d'établir une sanction car rien ne prévaut contre les principes, et, quand on a acheté et payé une chose, on en est maître.
Eh bien ! Malgré les inconvénients de la vente, nous déclarons qu'à notre avis ce mode est préférable et que la spéculation ne nous fait pas peur, parce que la spéculation, c'est la vie, tandis que la réglementation outrée entraîne la stérilité.
Si l'on écarte la vente, reste la concession. Or si l'on adopte ce dernier système et qu'on le débarrasse de ses entraves pour se conformer aux principes de M. Lestiboudois, la libre disposition des biens, on ne pourra davantage empêcher la spéculation. Et même avec les entraves actuelles ne s'exerce-t-elle pas ?
Mais quel que soit le système adopté, nous pensons que pour une colonisation qui s'établit dans les régions ordinaires du Tell, il faut dès le début de vastes terres, avec la ferme au milieu de la propriété, dans un endroit dominant et bien exposé, comme les Romains savaient les choisir. Cette ferme doit former un quadrilatère entouré de murs solides pour que les indigènes ne puissent, en une nuit, pratiquer des trous afin de défier l'escalade.
Là où tout est en sécurité, les hommes peuvent se reposer tranquillement du travail de la journée et les bestiaux ruminer à leur aise dans la cour ou les hangars à l'abri des intempéries et hors de l'atteinte des voleurs. Enfin en cas d'insurrection, la ferme devient un petit fort facilement défendable.
Pour procéder de la sorte il faut des capitaux ; c'est la condition sine qua non de la réussite ; or l'argent ne manque pas en France. Il faut aussi des hommes actifs, intelligents et surtout bien au courant des choses du pays pour diriger ces exploitations
Mais en procédant ainsi, quelle différence dans les résultats ! Ce qui tue le colon, c'est son isolement ; son effort est perdu parce qu'il n'est pas complété par un autre effort ; il ne peut résister à ses ennemis : la maladie, les privations et les voleurs, parce qu'il n'est pas organisé et qu'il est seul.
Combien cet homme serait plus heureux s'il arrivait dans une vaste exploitation où il travaillerait comme fermier ou colon partiaire, ayant sa subsistance et sa sécurité assurées et certain d'être soigné à temps s'il tombait malade ! Et, quand il aurait réuni un certain pécule et acquis l'expérience du pays, il posséderait les éléments pour réussir et pourrait devenir propriétaire à son tour.
Voilà, à notre avis, la seule voie logique à suivre en Algérie. Il est vrai que les terres disponibles deviennent rares ; mais le domaine qui a su les conserver et fournir, jusqu'à ce jour aux besoins, en possède bien encore.
Quant aux capitaux, ils sont nombreux en France où ils ne rapportent qu'un intérêt minime.
N'arrivera-t-il pas un moment où les capitalistes, au lieu de risquer leur fortune dans des affaires immorales ou des prêts à l'étranger, préfèreront les employer activement dans des entreprises agricoles en Algérie ?
Le jour où ils s'y décideront, fut-ce demain, ils trouveront dans tous nos villages une jeune génération, forte, intelligente, ayant l'expérience du pays et dont ils pourront tirer un excellent parti.
Nous pensons donc, qu'au lieu de procéder, comme on l'a fait, en partant de la petite propriété pour arriver à la grande par le groupement de plusieurs concessions abandonnées, il faut débuter par la grande propriété pour arriver à la petite. Quant aux ressources que l'agriculture peut fournir, elles sont grandes.
En première ligne se placent les céréales, la production spéciale du Tell, et d'abord le blé et l'orge, puis l'avoine, les fèves, le maïs, le sorgho Cette culture est en grande partie aux mains des indigènes qui souvent travaillent encore comme colons partiaires pour les Européens.
Leurs procédés sont des plus primitifs et cependant, quand l'année est favorable, les récoltes sont fort belles ; ils ont, en outre, l'avantage d'être peu couteaux. La culture faite par les Européens donne des résultats bien supérieurs, mais les frais sont incomparablement plus élevés, la main d'œuvre agricole étant très chère ; néanmoins dirigée par des mains expérimentées elle peut encore donner de beaux résultats. Les fermiers sont rares, et il en sera ainsi tant qu'on donnera des concessions aux gens susceptibles de l'être.
La production des céréales, en 1874, année fort moyenne a été de :
5.611.894 quintaux de blé dur,
1.215694 de blé tendre,
8.000.656 d'orge,
240.851 d'avoine,
13.174 de seigle,
225.576 de sorgho.
Voici les chiffres de 1877, année médiocre :
3.049.200 de blé dur,
770.938 de blé tendre,
5.062.495 d'orge,
317.796 d'avoine,
8.312 de seigle,
101.284 de sorgho.
La différence en moins l'année précédente, est d'environ huit millions et demi de quintaux.
Après les céréales la culture qui est appelée au plus grand avenir est celle de la vigne. Déjà la qualité d'hectolitres de vin produit se chiffre par centaines de mille et augmente rapidement. On consomme en outre beaucoup de raisin de table et on en fait sécher.
Tous les terrains paraissent convenir à la vigne, mais pour savoir quels cépages seront mieux appropriés aux localités, il faut le temps et l'expérience. Il en est de même pour les procédés de fabrication du vin qui doivent être modifiés selon les conditions climatériques du pays et la nature du raisin.
Si le phylloxéra nous épargne, la vigne seule pourra faire la richesse de l'Algérie.
Les vignerons de l'Hérault, du Gard, du Vaucluse, du Var, ruiné par le fatal insecte, commencent à comprendre et à venir, sur cette terre d'Afrique, refaire leurs vignobles détruits.
En 1877, le nombre d'hectares cultivés en vigne était de 17.728 ; il doit être maintenant de 25.000.
Les cultures maraîchères, pour la consommation locale, et celle des primeurs, pour l'exportation, constituent un revenu important. Les Mahonnais des environs d'Alger ont réussi, à cet égard, d'une manière admirable, et il est certain que leur exemple pourrait être suivi sur tout le littoral et que l'Algérie serait en mesure de fournir des légumes frais à une partie de l'Europe, en hiver.
Comme cultures industrielles, le tabac, le lin, la ramie ( ) donnent de bons résultats. Le coton réussit dans quelques localités mais ne peut comme prix de revient supporter la concurrence avec l'Amérique. Peut-être donnerait-il, dans les oasis du sud des produits plus rémunérateurs et à meilleur compte.
Les plantes d'ornement et les plantes à essences sont cultivées avec succès aux environs d'Alger.
La sériciculture, entreprise naguère sur différents points est en grande partie abandonnée, et cependant il y a sans doute quelque chose à faire sous ce rapport. Il en est de même pour l'apiculture qui est pratiquée avec succès par les Kabyles. Presque tous les arbres fruitiers de France viennent bien en Algérie.
Comme fruits d'exportation, l'orange et le citron donnent un certain chiffre. L'oranger vient bien partout où l'altitude ne dépasse pas une moyenne de cinq cent mètres. Cette production peut donc facilement être décuplée.
Un autre fruit d'exportation est la datte. Le nombre de palmiers peut être grandement augmenté et comme des Français viennent d'acheter des quantités considérables de ces arbres dans les oasis de la province de Constantine, il faut espérer que cette production suivra également une marche ascendante et que partout où la sonde amènera l'eau à la surface on plantera des palmiers.
L'olivier, indigène en Algérie, où il atteint les proportions d'un arbre de haute futaie, donne d'excellents fruits et en abondance. L'huile entre pour un chiffre important dans le tableau des exportations et il s'en consomme beaucoup sur place. La quantité d'huile fabriquée en 1877 a été d'environ 1.500.000 hectolitres dont les deux tiers produits par les Européens.
Quant à celle que préparent les indigènes, elle est de qualité inférieure par suite du mauvais procédé de fabrication.
Comme productions naturelles nous citerons : Le liège, les écorces à tan, les bois, les prairies naturelles et les plantes textiles croissant spontanément, c'est-à-dire l'alfa, le dis (plante fourragère) et le palmier nain.
L'alfa exploité surtout dans la province d'Oran donne lieu à une exportation moyenne de 80.000 tonnes. Un chemin de fer a été établi d'Arzew à Saïda dans le but spécial d'aller chercher cette plante dans les hauts plateaux.
Ce textile est exporté particulièrement en Angleterre, à l'état brut, et il est incompréhensible que l'industrie française n'ait pas encore trouvé le moyen de l'utiliser ou, tout au moins de lui faire subir sur place une première préparation.
Il nous reste à parler des troupeaux et des animaux domestiques ; chevaux, mulets, ânes, chameaux, bœufs, vaches, moutons, chèvres formant un chiffre total d'environ quinze millions de têtes dont 500.000 à peine appartiennent aux Européens.
Ici encore c'est l'indigène qui est le principal producteur ; ses troupeaux sont sa meilleure ressource, car ils s'élèvent et s'accroissent sans frais.
Le mouton et le chameau ont en outre cet avantage de vivre et de prospérer dans les steppes des hauts plateaux et du Sahara où l'eau est rare et où la végétation se compose de plantes aromatiques et épineuses dont ces animaux peuvent seuls s'accommoder.
Chaque année, à partir du mois d'octobre, des troupeaux énormes sont dirigés vers le littoral. Là, on les embarque sur des vapeurs qui les conduisent à Marseille où ils arrivent exténués mais vivants grâce à la rapidité de la traversée.
Ainsi l'Algérie contribue, pour une part, à l'alimentation en viande de la France.
Enfin des tentatives sont faites pour vulgariser l'élevage de l'autruche qui se reproduit depuis de longues années, au jardin d'essai d'Alger à l'état domestique.
On ne voit pas en effet pourquoi cette industrie ne réussirait pas aussi bien en Algérie qu'au Cap où elle constitue une véritable richesse publique.
La laine complète le groupe des principales productions du pays ; il s'en exporte chaque année environ huit millions de kilogrammes sans compter tout ce qui s'emploie dans le pays.
L'Algérie en 1880 par Ernest Mercier 1880
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La ronde des joyeux prisonniers
Envoyé par Fabien
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Oh, on est prisonniers, dans la légalité, alité, alité, alité
On est prisonniers, dans la légalité
Dans l'égalité
L'égalité des sexes
L'égalité des textes
Voilà un beau programme
Les Nations Unies
Réellement pour la vie
Voilà un beau programme
Mais on est prisonniers, dans la légalité, alité,alité,alité
On est prisonniers dans la légalité
Dans l'égalité
Liberté pour la femme
Liberté pour l'homme
Oh, oui mais
Faut réaliser
Qu'on est tous prisonniers
Qu'on est tous programmés
Oui, on est prisonniers, dans la légalité,alité,alité, alité
On est prisonniers dans la légalité
Dans l'égalité
Fraternité sur terre
Fraternité sur mer
Fraternels dans l'adversité
Des sœurs et des frères
Sur toute cette sacrée terre
Tous prisonniers
Oui, on est prisonniers, dans la légalité,alité,alité, alité
Oui on est prisonniers dans la légalité
Dans l'égalité
Un nouvel ordre économique mondial
Justice pour tous ! hourrah !!!
Plus de justiciers
La justice règne de Dieu
Plus de patrons, plus d'ouvriers
Mais, on est prisonniers, dans la légalité,alité,alité,alité
On est prisonniers dans la légalité
Dans l'égalité
Tous dans la même prison
S'aimant comme des cons
Voici les joyeux prisonniers
Travail à la chaîne
Et on partage nos peines
Et on est tous prisonniers
Oh, on est prisonniers, dans la légalité,alité, alité, alité
On est prisonniers, dans la légalité
Dans l'égalité
Graeme Allwright
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Au Sersou
Envoyé par M. Christian Graille
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Les routes - le chemin de fer - la sécurité
Après six longues heures de voiture, je suis arrivé à Vialar ; les pauvres ressorts du véhicule en ont vu de très dures et mes reins en capilotade. La route entre le Relais et Bourlier n'existe plus, des pistes nombreuses se sont créées parallèlement à l'ancienne voie de communication qui n'est plus aujourd'hui qu'une vaste ornière.
J'avais sur le métier de charretier des idées que je n'ai plus aujourd'hui, j'enviais auparavant le roulier, qui, libre comme l'air, menait fièrement son lourd équipage sur la grande route.
J'admirais cette vie d'indépendance mais la vue de la route du Sersou m'a ravi toutes mes illusions, pauvres gens ! Pauvres bêtes !
J'ai vu les uns et les autres batailler dans des efforts communs et grands pour démarrer les charrettes dont les roues disparaissaient jusqu'au moyeu dans des fondrières profondes, sous un soleil de feu, dans des rivages de poussière blanche qui brûle les yeux, la lutte se poursuivait ainsi opiniâtre pendant de longues heures, et sur cette maudite route, les charretiers ou les colons mettent en pratique à chaque moment la maxime " l'union fait la force ".
Grâce au concours des équipages qui suivent ou qui précèdent et qui s'arrêtent pour prêter main forte, la charrette sort de l'ornière et reprend sa marche pénible.
Le cœur se brise à la vue d'un pareil spectacle. Il est temps que la Haute Administration écoute les doléances des colons du Sersou ; si ces routes ne sont pas mises en état immédiatement, il est certain que les progrès économiques faits pour le Sersou depuis sa découverte par les Services de la Colonisation se ralentiront, et peut-être le Sersou périclitera par la faute de ceux qui ont eu en main leurs destinées.
On se rend parfaitement compte que seul le chemin de fer apportera dans cette région un regain de prospérité.
Il y a deux façons de desservir cette région :
- soit par une voie ferrée allant de Ténès et qui passant par Orléansville aboutirait à Vialar,
- soit par une ligne qui se raccordant au chemin de fer Mostaganem, Relizane, Tiaret passerait à Bourlier, Burdeau, Victor Hugo et Vialar.
La presque unanimité des habitants du Sersou est fermement favorable à la deuxième solution. La cause de cette préférence est unique.
Le chemin de fer Ténès-Vialar par Orléansville nécessitera un effort financier considérable que ne permet pas à l'état actuel du budget de la Colonie ; autre chose est faire de beaux discours en séances plénières des Délégations Financières, autre chose est mettre à exécution cette ligne très onéreuse et difficile à établir étant donné les accidents nombreux et importants du pays à traverser.
Au contraire le prolongement de la ligne de Tiaret sur Burdeau trouverait un terrain absolument propice où les travaux d'art seraient presque nuls.
Peu de dépenses et rapidité d'exécution, voilà pourquoi le Sersou, las d'attendre désire Tiaret et non Ténès qui n'est vraiment près qu'à vol d'oiseau.
Alger et Oran, qui, dans leur rivalité livrent sur le dos du Sersou de véritables batailles rangées, doivent enfin se mettre d'accord, les influences politiques désarmées lorsqu'il s'agit de l'intérêt d'une des plus belles régions de l'Algérie.
Qu'importe à Burdeau, Victor Hugo, à Vialar que ce soit Alger ou Oran qui triomphe dans cette lutte néfaste d'influence, il faut le chemin de fer, il le faut vite, voilà ce que j'ai ressenti très fortement en traversant cette admirable région, qui a été éprouvée cette année par la sécheresse et l'insécurité.
A. Rolland.
Où peut-on chasser ?
Quand on n'a point de permis de chasse on a le droit de chasse que sur ses terres et encore à la condition qu'elles soient clôturées de façon continue.
En dehors de ce cas unique il faut être muni d'un permis de chasse. Mais cela ne suffit pas qu'une fois le permis obtenu on n'a qu'à siffler son chien et brûler sa poudre au premier gibier qu'on aperçoit.
Le permis de chasse vous donne tout simplement le droit de chasser chez vous sur terrain non clôturé. Et tout en étant muni d'un permis, vous êtes passible d'un procès-verbal si vous chassez chez un tiers sans autorisation voire même sur un terrain communal ou domanial.
Aussi, est-ce très régulièrement que certains Maires ont imposé une taxe supplémentaire conférant le droit de chasser sur les terrains communaux. L'État lui-même donne en location le droit de chasse dans les forêts domaniales, moyennant des redevances annuelles.
Les décisions des particuliers qui interdisent la chasse sur leurs propriétés ont attiré les protestations de bien des Nemrod (chasseurs), mais il faut reconnaître qu'elles sont souvent dictées par le souci d'éviter les déprédations que commettent certains chasseurs et surtout leurs chiens.
Quelles sont les formalités d'usage pour interdire la chasse sur sa propriété ?
D'habitude on porte cette interdiction à la connaissance du public par une publication dans les journaux. En même temps on prévient le garde champêtre et on place des écriteaux aux endroits les plus visibles.
S'il s'agit de plusieurs propriétaires qui désirent se réserver collectivement la chasse à eux et à leurs amis, il est nécessaire qu'ils forment un syndicat et qu'ils en fassent la déclaration à la Préfecture.
L'Écho de Tiaret (28-08-1910)
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GUILLAUME LE CONQUERANT
Envoyé par M. Hugues
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Guillaume le Bâtard, le Duc de Normandie,
Guillaume le Conquérant, William roi d'Angleterre !
Le plus grand des Normands et sa lance brandie,
Un homme de combat, un Seigneur de la Guerre.
Telle est, en quatre lignes, la carte de visite
Du chef incontesté de ma région natale,
Personnage exemplaire, modèle de réussite,
Qui conserve, à jamais, sa stature capitale.
Fils de Robert le Diable, dit aussi Magnifique,
Et d'Arlette, concubine, font de lui un bâtard.
Son père meurt aux Croisades, cette perte tragique
Fait d'un jeune de huit ans, un Duc, son avatar !
La décennie suivante, pour l'écarter du trône,
Les familles manigancent, crimes, empoisonnements.
Rébellion mâtée, le nouveau Duc étonne,
Détruit les espoirs vains et les acharnements.
Homme, il doit prendre femme. Mathilde, l'heureuse élue,
Est fille d'un cousin. Le Pape s'y oppose
Pour consanguinité. L'affaire est résolue
Par le Pape suivant qui, au couple, impose
Le prix d'une pénitence: créer deux monastères
Et quatre hôpitaux. Guillaume et la Duchesse
Fondent deux abbayes au régime austère,
Pour moines et moniales dont Dieu est la richesse.
Des luttes intestines qu'appuie le Roi de France,
Aguerrissent le Duc pour ses futures guerres.
Edouard le Confesseur lui donne l'espérance
D'être son successeur sur le trône d'Angleterre,
Mais d'autres prétendants le visent également.
Guillaume a retenu les conseils de César
Et prépare, en secret, un grand débarquement,
Pour que sa réussite ne doive rien au hasard.
L'Histoire est rapportée dans une bande dessinée,
Authentique et d'époque, Tapisserie de Bayeux
Dite de la Reine Mathilde, contant la destinée
Du Duc de Normandie en roi victorieux.
Il n'est pas triste Sire, il est craint et puissant,
Et régnera vingt ans sur ses deux terres amies,
Qu'il devra protéger des assauts incessants,
D'anglais et de français, d'envieux ennemis.
Quatre ans après sa Reine, il rend son âme à Dieu.
A l'Abbaye aux Hommes, celle qu'il a créée,
Il voulait reposer. Pour son dernier adieu,
Les sorts se sont ligués et tous ont maugréé.
Un incendie en ville perturbe l'enterrement,
Un cercueil trop étroit, pour ce corps de géant,
Provoque une déchirure et un désagrément,
Des miasmes s'exhalant par l'orifice béant.
Il n'est pas responsable de cet instant amer,
Il est et restera le premier des Normands,
Et le seul qui osa et traversa la mer.
De la "Perfide Albion" fit "Belle au Bois Dormant".
Hugues JOLIVET
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Le chemin de fer.
Envoyé par M. Christian Graille
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Tiaret - Relizane - Mostaganem
La gare de Tiaret
A six heures trente minutes du soir, le voyageur quitte Tiaret par le train institué en remplacement du train de trois heures du soir. Vers onze heures et demie, il arrive à Relizane ; à la gare, pas une voiture, pas un porteur ; s'il a une nombreuse famille, il prend la valise d'une main, le panier de l'autre et suivi de sa petite smala, il se dirige vers la gare du P. L. M pour prendre le train de nuit Oran-Alger ; pour la direction d'Alger c'est parfait, l'arrêt en gare de Relizane n'est que d'une vingtaine de minutes.
Mais si le voyageur veut aller à Oran, il est obligé de se mettre en quête d'une ou plusieurs chambres pour s'abriter ainsi que sa famille, jusqu'à quatre heures du matin, c'est-à-dire jusqu'au passage à Relizane du train de nuit Alger-Oran.
Après avoir frappé à la porte de tous les hôtels, après avoir déambulé, vainement par toute la ville, en remorquant bagages et enfants, il revient en désespoir de cause sur le quai du P.L.M et pendant trois heurs d'attente pénible, il songe aux vicissitudes de la vie et surtout aux services que rendrait le train de nuit Tiaret-Relizane-Mostaganem-Oran.
Puisque l'horaire qui comporte le train partant à six heures et demie de Tiaret, n'est applicable qu'en été, pourquoi ne pas prolonger jusqu'à Oran ? Tous les voyageurs sans exception préfèreraient accomplir un trajet un peu plus long et payer un supplément que d'emprunter à Relizane la voie du P.L.M évitant ainsi les trois heures d'arrêt en pleine nuit.
Ce que nous venons de dire pour le train descendant de Tiaret est également applicable au train de nuit qui part de Mostaganem à neuf heures du soir et atteint Relizane à 11 h.38. Le voyageur qui se rend à Tiaret par ce train, est dans la pénible obligation de s'arrêter à Relizane jusqu'à cinq heures du matin.
Les arrêts forcés que fait le voyageur tout en descendant de Tiaret qu'en y montant, n'ont pas leur raison d'être ; ils ne sont pas assez longs pour permettre un repos réconfortant et beaucoup trop longs pour celui qui n'a pas trouvé de chambre et qui en est réduit à s'allonger sur un banc, à la belle étoile.
Nous savons que l'organisation de ces tronçons complémentaires de train de nuit, causera à la Compagnie des Chemins de fer de l'État, un surcroît de dépenses puisqu'il faudra sur la ligne des agents supplémentaires et du matériel de renfort ; mais ces trains rendront de tels services, que par l'affluence des voyageurs, la dépense sera dépassée par les bénéfices réalisés.
La Haute Administration de la Compagnie des Chemins de fer Algériens aura certainement à cœur d'accueillir favorablement la requête que nous lui présentons ; les Tiarétiens qui lui sont déjà reconnaissants des améliorations apportées sur le réseau, la remercient d'avance pour la prompte réalisation des projets signalés plus haut.
R. Rolland.
L'Écho de Tiaret (11-06-1911)
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Question d'émigration
Envoyé par M. Christian Graille
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S'il y a un fait qui mérite de fixer l'attention de ceux qui désirent voir s'affermir en France la politique d'expansion coloniale, de ceux qui rêvent de la plus grande France, c'est assurément celui de l'émigration.
Grâce au perfectionnement des moyens de communication, il nous est permis aujourd'hui de mettre en valeur le coin le plus reculé de la terre avec plus de facilité, à coup sûr, que n'auraient pu le faire non seulement les anciens, mais même les hommes du moyen âge malgré l'étroitesse du monde où ils évoluaient :
" Le moyen âge, a dit avec raison Monsieur De Molinari, offre l'image d'une véritable pétrification sociale : l'homme meurt sur le coin de la terre qui l'a vu naître, comme l'huître sur son rocher, et, avec la circulation des hommes, on voit s'arrêter celle des richesses. "
Si l'émigration présente un intérêt pour tout le monde, pour la France elle est un problème capital à cause de sa faible natalité et du nombre de ses colonies et pays de protectorat.
Nous allons donc considérer tour à tour
- les diverses formes qu'affecte l'émigration
- les pays de grande émigration et
- ceux de grande immigration,
- l'influence de l'émigration sur la natalité, et
- finalement l'émigration française.
Pour le bureaucrate assis tranquillement à sa table de travail, l'émigration n'est guère qu'un sujet à circulaires, à ordonnances, et à règlements plus ou moins bien compris.
Pour le philanthrope sentimental qui met en pratique la doctrine de Sénèque et si spirituellement définie par Victor Hugo : Et l'austère Sénèque, en louant Diogène, boit le Falerne (vin de Campanile en Italie réputé depuis l'antiquité) dans l'or….
Elle n'est qu'un thème à déclarations doucereuses sur le véritable sort des pauvres émigrants et sur la cruauté de ceux qui les exploitent.
Pour le philosophe et le sociologue elle est presque toute l'histoire :
- Elle crée de nouvelles nations,
- elle fonde des États lointains,
- elle féconde des régions peu ou point connues auparavant,
- elle en abandonne d'autres qui paraissaient destinées au plus brillant avenir,
- elle détermine les routes commerciales et
- déplace l'axe des influences économiques.
C'est par elle que sortie des limbes de la " mer ténébreuse " il y a quatre siècles, l'Amérique grandit par-delà l'océan en s'appropriant le sang du vieux monde et en le rajeunissant par les croisements et les influences du milieu.
C'est par elle seule que l'on pourra relever de son tombeau cette grande morte qui s'appelle l'Afrique méditerranéenne.
Lorsque l'on parle d'émigration généralement on ne distingue pas assez les diverses de déplacement des peuples, et l'on raisonne comme s'il ne s'agissait là que d'un phénomène des plus simples, affectant toujours le même mode et aboutissant toujours aux mêmes résultats.
Or, comme le fait remarquer M. James Bryce (juriste, historien et homme politique britannique) ces mouvements de population revêtent ordinairement trois formes qu'il est bon de distinguer :
- le changement d'habitat,
- la dispersion et
- l'infiltration.
Le changement d'habitat comporte le départ en masse de tout un peuple, d'une tribu entière quittant son ancien domaine pour se transplanter dans une autre région. C'est la forme ancienne de l'émigration.
C'est celle qu'ont adoptée, entre le cinquième et le sixième siècle de notre ère les barbares du Nord dont les avalanches inondèrent l'empire romain et donnèrent naissance à la plupart des États modernes.
La dispersion est la forme qu'affecte de préférence l'émigration de nos jours.
Aujourd'hui, en effet, nous voyons une race ou un peuple, tout en conservant son ancien habitat, se répandre sur de nouvelles contrées occupées ou inoccupées, tantôt chassant les Indigènes pour prendre leur place, tantôt s'établissant à côté d'eux. Mais se gardant autant que possible de s'unir à eux.
C'est par la dispersion que la race anglo-saxonne s'est étendue à travers l'Amérique du Nord et sur presque toute l'Amérique du Sud. C'est par un procédé analogue que les Russes, depuis deux siècles, sont en train d'occuper lentement les meilleures parties de la Sibérie.
Dans tous ces cas, la population qui émigre opère ou n'opère pas sa fusion avec la population qu'elle trouve sur place, selon le degré de civilisation et les préjugés des deux races au contact.
- Ainsi entre les colons anglais émigrés dans l'Amérique du Nord et les Indiens, c'est à peine s'il y a eu quelques rares mélanges de sang.
- Entre les Français débarqués au Canada et les Indiens il y en a eu un peu plus.
- Enfin entre les Espagnols et les Portugais d'une part, et, d'autre à part,
- les naturels du Mexique, du Pérou et du Brésil, moins barbares sans doute, il y a eu un tel mélange de sang que le métissage est fort remarquable dans ces trois pays.
L'infiltration, finalement, est cette forme d'émigration qui s'opère plutôt par l'exploitation des idées que par celle des hommes. Dans ce cas un peuple déteint, pour ainsi dire, tellement sur un autre en le pénétrant :
- de sa langue,
- de sa littérature,
- de ses institutions,
- de ses coutumes en le faisant puiser à toutes ou à quelques-unes de ces sources d'influence qu'il parvient à inculquer au peuple " infiltré " quelque chose de son caractère propre.
Dans ce procédé le mélange de sang peut être très léger, presque nul ; avec le temps l'influence de la race assimilatrice n'en est pas moins réelle.
Nous en avons un exemple dans l'expansion de la France dans une grande partie de l'Amérique latine où son influence morale et intellectuelle réussit à se maintenir quoi qu'elle n'y envoie que peu de bras et fort peu de capitaux relativement.
Il ne faut pas croire, cependant, que ces deux dernières formes d'émigration aillent toujours séparément. Au contraire, souvent elles marchent de pair, dans des proportions inégales sans doute et produisant aussi des effets différents.
En effet, tantôt la race assimilatrice garde un caractère primitif bien distinct, tantôt elle le perd presque entièrement.
"Le Maure du Maroc, fait remarquer M. James Bryce, diffère de l'Arabe autant que le Syrien parlant grec, et le Lusitanien parlant latin différaient du Grec de l'Attique et du Romain du Latium.
- Mais les tribus finlandaises de la Russie septentrionale et orientale,
- les Vogouls (peuple de Russie appartenant au groupe finnois de l'Oural),
- les Tcheremisses, (peuple de la haute Volga),
- les Tchouvaches, (peuple turcophone de la Volga) et
- les Mordvins (peuple occupant un territoire qui s'étend de l'Ukraine à l'Asie centrale) qui ont été russifiés peu à peu pendant ces deux derniers siècles sont en train de devenir pratiquement indispensables des vrais Russes slaves de Kiev. "
Le transfert ou changement d'habitat était donc la forme barbare de l'émigration. L'essaimage ou la disposition en est la forme moderne. Entre les deux se place la pénétration ou l'infiltration qui est la forme d'émigration particulière aux nations, comme la France, douée d'une grande force d'expansion intellectuelle et morale mais chez lesquelles la natalité s'est affaiblie et le besoin de déplacement ne se fait plus sentir aussi vivement, soit à cause du développement exagéré du bien-être, soit à la suite de nouvelles mœurs ou de lois mais conçues.
F. De Santa Anna Nery
(La vie algérienne et tunisienne (15-05-1897)
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Siège de Milianah
Envoyé par M. Christian Graille
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Ses ravitaillements
Chapitre premier
Le train d'Alger à Oran, après avoir franchi cinq tunnels arrive au pont de l'Oued-Boutan, dans la vallée du Cheliff.
Là, le voyageur a juste le temps d'entrevoir, à droite, entre deux collines, les maisons blanches aux toits rouges de Milianah, au milieu de jardins verdoyants.
La ville est perchée sur l'un des contreforts méridionaux du Zaccar, crête rocheuse de plus de 1.500 mètres d'altitude qui appartient à la chaîne du petit Atlas. Regardant le Sud elle domine l'immense et étouffante plaine du Cheliff
Elle connaît les caresses brûlantes du vent du désert, tandis que la douce et fraîche brise de mer, arrêtée par la montagne, ne parvient jamais jusqu'à elle. Son altitude l'expose à de brusques variations de température.
D'origine très ancienne, Milianah fut l'un des jalons de la grande voie romaine qui reliait Carthage à l'extrémité occidentale de la Maurétanie.
Elle passa, en1837 sous la domination d'Abd-el-Kader qui en confia le gouvernement à Si M'Barek, un descendant d'une famille guerrière et vénérée du pays. Milianah reçut alors une garnison de 900 réguliers et de six pièces de canon. Son territoire était occupé par des tribus vaillantes, toutes dévouées à l'Émir.
Plusieurs chemins reliaient cette ville à Alger. Le plus important était celui d'Oran qui, remontant les gorges de l'Oued-Djer, franchissait l'Atlas au col du Gontas et descendait de là dans la vallée du Cheliff
Un deuxième chemin, plus mauvais, quittait le précédant à Bordj-Boudouaou, fort ruiné de l'occupation turque et arrivait à Milianah en remontant la vallée de l'Oued-Righa
Enfin une traverse partant du Gontas conduisait à la ville en suivant les crêtes, mais cette traverse était très mauvaise.
En octobre 1839, à la suite de notre expédition aux Portes de Fer, Abd-el-Kader avait recommencé les hostilités.
Le maréchal Valée, alors gouverneur de l'Algérie, résolut d'entreprendre contre lui une campagne décisive.
Il décida l'occupation des places de Médéah et de Milianah qui devaient, selon lui, nous permettre de prendre pied dans la vallée du Cheliff et d'établir, par cette vallée, des communications avec Oran.
Chapitre II
Le 3 juin 1840 il réunit à Blidah :
- deux divisions d'infanterie,
- deux brigades de deux régiments,
- une brigade de cavalerie,
- de l'artillerie, du génie et
- les services administratifs,
En tout 11.000 hommes et 3.500 chevaux.
Le 4, l'armée se met en marche. Elle atteint le 7 le col du Gonta,
- descend de là dans la vallée du Cheliff,
- suit sans être inquiétée le pied des collines,
- atteint le ravin de l'oued-Boutan qu'elle remonte jusqu'à Milianah où elle arrive le 8 juin.
L'ennemi avait évacué la ville après y avoir mis le feu. Le premier soin des troupes fut d'éteindre les incendies.
L'armée resta trois jours pour exécuter quelques réparations à l'enceinte et ébaucher en avant des jardins, quelques ouvrages défensifs. Deux mosquées furent aménagées : l'une pour l'hôpital, l'autre pour le service des vivres.
Après cette installation hâtive, la place fut confiée à la garde du lieutenant-colonel d'Illens du 3e léger.
La garnison fut composée :
- d'un bataillon du 3e léger,
- d'un bataillon de la légion étrangère,
- d'une compagnie de sapeurs du génie,
- de 45 canonniers avec cinq pièces.
- En tout 1.232 hommes.
Le 12 juin, le corps d'armée s'éloigna laissant ce ramassis de masures croulantes et fumantes, ces remparts à demi ruinés et le drapeau français qui flotte sur toute cette désolation, à la garde d'une poignée de braves.
" Je n'avais pas pu prendre de dispositions sérieuses, dit le commandant supérieur, et l'armée qui partit aussitôt n'en avait pris aucune.
Des vivres entassés à la hâte, quelques munitions, quelques outils, c'était tout.
Je ne pus sans un serrement de cœur voir mes camarades s'éloigner et disparaitre derrière les collines.
Le sentiment de ma responsabilité pesa douloureusement sur mon âme. Heureusement que je ne mesurai pas d'un seul coup, ni notre faiblesse, ni tous nos dangers. Si j'avais connu le sort qui attendait nos malheureux soldats, je crois que j'aurais perdu la tête.
Je me suis mis à examiner notre séjour, je puis dire notre prison, car nous étions cernés de toutes parts, et l'armée n'était pas à quatre lieues qu'on nous tirait déjà des coups de fusil.
Le mobilier des Arabes est léger ; lorsqu'ils s'en vont, il leur est facile de tout emporter avec eux ; ils n'y avaient pas manqué. Ce qu'ils s'étaient vus forcés de laisser était brisé. Toutes les maisons offraient des traces d'incendies. Pas une natte, pas une écuelle.
Abandonnés au milieu de désert nous n'aurions pas été plus dépourvus. Une odeur infecte régnait dans la ville, qui, de toutes parts, offrait des brèches ouvertes à l'ennemi. On était au mois de juin ; au soleil le thermomètre marquait déjà 30°. Il fallait :
- assainir la ville,
- réparer la muraille,
- se battre
- garder le troupeau, notre unique ressource et le perpétuel objet de convoitise des Arabes, qui tentaient sans cesse de l'enlever. "
Tous debout derrière les murailles, les défenseurs de Milianah assistent au départ de l'armée dont on aperçoit encore l'arrière garde suivie par quatre ou cinq bataillons réguliers de l'Émir qui tirent sur elle quelques coups de canon pendant qu'une nombreuse cavalerie la harcèle sur les flancs.
Lorsque nos compagnies ont disparu, on songe à commencer les travaux. Il est urgent de relever l'enceinte et d'achever les ouvrages avancés. Le commandant supérieur forme deux sections de francs-tirailleurs pris parmi les meilleurs tireurs des deux bataillons et qui sont destinés à protéger à l'extérieur les travailleurs et le troupeau. La colonne avait laissé dans la place ses malades et ses blessés au nombre de 103.
- Depuis le 12, quelques Kabyles, postés dans les rochers, tiraillaient constamment sur les travailleurs, sur les francs-tirailleurs et sur le troupeau.
- Le 15 juin, 5 à 600 kabyles formés en trois colonnes, soutenus par quelques compagnies d'infanterie régulière attaquent à l'improviste nos tirailleurs. Plusieurs gravissent l'escarpement qui conduit à la lunette gauche qu'ils attaquent par la gorge. Le commandant marche sur eux à la tête de 150 hommes et les culbute. Nous avons un homme tué. L'attaque est renouvelée le 16, mais elle est plus timide en raison des pertes de la veille.
- Les 17 et 18, les Kabyles embusqués sur des rochers qui dominent la lunette de gauche ne cessent de tirer dans l'intérieur de cette lunette ; cette fusillade incessante devient gênante, énervante ; un obus lancé du bastion d'Oran tombe au milieu du principal groupe qu'il disperse et le feu cesse jusqu'à la nuit.
- Le 19 et le 20, l'ennemi ne se montre pas, mais la nostalgie commence à s'emparer de la garnison ; il faut combattre ce nouvel ennemi : le spleen. Le commandant supérieur s'efforce de créer des distractions. Il installe un théâtre, il réunit un certain nombre de chanteurs ; on donnera des concerts chaque dimanche. On trouve des artistes en nombre suffisant dans le bataillon de la légion étrangère. Les travaux de défense continuent.
- Le 21 juin, vers minuit, l'ennemi s'approche du côté de la casbah à la faveur d'un ravin profond et cherche à surprendre les postes, mais il est prévenu et une vigoureuse charge à la baïonnette le repousse.
- Le 22 on entend au loin une vive fusillade, toute la garnison se porte d'instinct aux murailles, on interroge avidement la campagne. On ne voit rien encore, mais la fusillade augmente d'intensité, elle devient de plus en plus distincte.
Enfin vers dix heures du matin on aperçoit une grande poussière dans la plaine, c'est l'avant-garde d'une colonne française ; c'est Changarnier qui vient ravitailler Milianah. Il apporte 53.000 rations de pain et autant de viande.
Le colonel Changarnier venait d'accomplir heureusement une opération que tous les généraux avaient déclaré impossible et que lui seul avait cru praticable.
Il fallait conduire un gros convoi de vivres et de munitions à travers un pays difficile, au milieu de tribus vaillantes dévouées à l'Émir.
Il fallait le faire en présence de la nombreuse et insaisissable cavalerie d'Abd-el-Kader, dont la tactique consistait à éviter les engagements avec nos troupes, mais à les fatiguer, à les démoraliser par des escarmouches incessantes et une fusillade étourdissante à laquelle il était impossible de répondre fructueusement.
Cette cavalerie escortait ainsi nos colonnes qu'elle enveloppait de toutes parts, ne leur laissant mêmes pas la nuit pour se reposer.
Son objectif constant était le convoi dont elle cherchait à s'emparer ou qu'elle s'efforçait de détruire.
Les Arabes sont gens pratiques. Tous les moyens leur semblent bon pour avoir raison de leur ennemi ; mais les meilleurs, et ils savent les choisir, sont ceux qui causent les plus grands dommages à leurs adversaires en les ménageant eux-mêmes.
Les fusils ne partent pas sans cartouches et les hommes ne marchent pas l'estomac vide. La mort de l'ennemi, la vie des défenseurs, tout cela est renfermé dans le convoi sous forme de munitions et de vivres.
L'anéantissement du convoi est donc la perte de la colonne. Voici pourquoi évitant la lutte de front, le duel corps à corps, les Arabes viennent s'attacher à nos flancs et surtout à nos convois inoffensifs et vulnérables. Nos colonnes sont alors obligées de garder ces derniers avec la plus grande vigilance, d'être en mesure, en un instant quelconque de les protéger, car les attaques sont brusques et soudaines.
Elles les enveloppent donc de toutes parts ; ces formations en carrés mouvants alourdissent et fatiguent singulièrement les colonnes.
Si l'un de ces lourds colosses qui s'appelle corps d'armée, qui s'écoule lentement sur les routes, traitant derrière lui des kilomètres de voitures, se trouvait ainsi harcelé tout le temps de sa marche par des petites colonnes de cavalerie légères et indépendantes, agissant alternativement les unes le jour, les autres la nuit, et n'ayant pas d'autre consigne que :
- d'inquiéter l'ennemi,
- de l'empêcher de se reposer,
- de retarder sa marche,
- de désorganiser ou d'enlever ses convois, sachant se dérober à propos, afin de ne pas s'user en voulant user l'adversaire, il nous semble qu'on verrait bientôt cet immense serpent s'enrouler sur lui-même pour protéger les parties vulnérables et inoffensive de son long corps dans lequel il sentirait s'enfoncer profondément, de toutes parts, les aiguillons de ces ennemis légers, insaisissables.
Que deviendraient les corps d'armée, lorsqu'ils se verraient obligés de marcher avec leurs convois et d'y mêler peut-être des bataillons pour les défendre ?
Qui l'emporterait donc, dans cette lutte du léger contre le lourd ?
C'est chez les Arabes et non chez les Allemands aux formations lourdes et … timides, que la cavalerie française doit chercher sa tactique de combat.
Et c'est avec les Arabes qu'on devra la présenter à l'ennemi dans les guerres de l'avenir. Elle jouera là un rôle auquel elle n'est peut-être pas préparée mais auquel elle est apte.
Le corps expéditionnaire de Changarnier comprenait :
- 350 zouaves,
- 900 hommes du 3e léger,
- 400 du 17e,
- 1.000 du 23e de ligne,
- 1.000 du 24e,
- 400 du 58e,
- 400 chasseurs d'Afrique,
- deux compagnies du génie,
- une batterie de montagne,
En tout 4.600 hommes.
Il partit de Blidah le 22 juin, à la pointe du jour et se dirigea avec la moitié de son infanterie et toute sa cavalerie sur le col de Mouzaïa, paraissant ainsi vouloir aller du côté de Médéah.
L'Émir prévenu par ses espions envoya aussitôt toutes ses forces sur ce point qu'elles se mirent à organiser défensivement.
Cependant tandis que Changarnier lorgnait avec une lenteur calculée les pentes des collines qui conduisent à Mouzaïa, derrière lui, le reste de ses bataillons, l'artillerie et le convoi gagnaient le plus de terrain possible sur le chemin de Milianah ; puis quand il jugea qu'ils avaient pris assez d'avance, il les rejoignit par une marche oblique, de telle sorte que l'avant-garde du matin était devenue l'arrière garde du soir.
Quand Abd-el-Kader s'avisa de son erreur, il était trop tard et son infanterie était trop loin. Il courut après nous avec sa cavalerie.
Changarnier lui avait habilement dérobé sa marche. Mais alors de toutes parts surgirent des groupes de cavaliers et de fantassins, derrière chaque rocher s'abritait un fusil. C'est :
- au bruit étourdissant des hurlements des hommes,
- des détonations des armes à feu
- du sifflement des balles,
- des charges sans cesse répétées, que la colonne s'avançait semblable à un taureau qui serait tombé dans un guêpier. Il fallait la calme énergie du colonel Changarnier et la valeur éprouvée de ses soldats pour ne pas perdre la tête dans un tel vacarme.
La colonne laissa à Milianah une centaine de blessés et s'en retourna le 24, escortée de nouveau par la fusillade que la garnison de la place ne cessa de percevoir que lorsque l'éloignement en eut trop affaibli l'intensité.
Chapitre III
Après le départ de la colonne de ravitaillement, la garnison reprend les travaux de défense ; on travaille près de neuf heures par jour.
La revue du premier juillet fait ressortir un effectif de 1.297 hommes.
Il y a 20 malades à l'hôpital. Ce jour-là nous avons un homme tué. La garnison était approvisionnée en vivres mais on ne lui avait laissé aucune réserve d'habillement. Les chaussures commencent à manquer. Alors le commandant supérieur fait distribuer aux compagnies les peaux des bœufs et des moutons fraîchement tués.
Il ordonne que les souliers soient recouverts d'une espèce d'espadrille fait avec ces peaux. Le premier, il en donne l'exemple.
- Le 4 juillet quelques coups de fusils sont tirés sur la place. Les Kabyles des Righas ont établi depuis quelques jours des postes qui font feu sur le poste crénelé et sur le bastion d'Alger. Une sortie de 200 hommes et d'un obusier de montagne refoule ces postes que l'on poursuit durant 2 kilomètres.
- A partir du 7, une diarrhée tenace commence à exercer des ravages dans la garnison.
- Le 8 une colonne de 150 Arabes attaque un de nos postes avancés. Elle est repoussée avec pertes.
Depuis plusieurs jours la garnison n'a plus de tabac ; cette privation est très pénible, tous les fumeurs le savent. Sur l'invitation du commandant supérieur, le chirurgien-major fait des expériences sur plusieurs plantes et il arrive à donner à la feuille de vigne la ressemblance et presque le goût du tabac.
- Le 11 la garnison a à regretter la mort du capitaine Martin, blessé. Les engagements des francs tirailleurs avec les bandes de Kabyles qui nous entourent continuent chaque jour et la fusillade se prolonge fort avant la soirée.
- En raison de l'accroissement du nombre des malades et des blessés on est obligé de créer des succursales à l'hôpital. Malgré tous les efforts que nous faisons pour améliorer leur sort, nos malades sont dépourvus de tout. La plupart sont couchés sur la terre nue.
On place les plus gravement atteints sur des sortes de matelas qu'on avait fabriqués, dans les premiers jours du siège, avec des débris de laine ramassés dans les égouts où les Arabes l'avaient noyée avant de s'enfuir et que nous avions lavé tant bien que mal.
Le thermomètre monte depuis quelques jours.
- Le 13 juillet il marque 58° au soleil. Le vent du désert commence à s'élever, il souffle sans relâche.
- Les malades éclatent avec une violence formidable. En même temps les efforts de l'ennemi redoublent ; jusqu'à ce jour, ils ont porté sur la lunette de gauche ; comme cette lunette avait été construite à la hâte et comme elle ne paraissait pas capable de résistance, le commandant supérieur ordonne qu'elle soit reconstruite avec un réduit.
Les Arabes sèment autour de nous de nombreuses proclamations qui ont pour Le troupeau de bœuf n'avait plus, pour pâturer, que les herbes desséchées par le sirocco qui se trouvaient devant les ouvrages avancés de la place.
- Le 15 juillet les Arabes mettent le feu à ces herbes. Le lendemain ils tentent de s'emparer du troupeau, mais ils sont repoussés par les carabiniers du 3e léger.
- Le 16 trois légionnaires passent à l'ennemi. Le temps devient froid et humide ce jour-là ; cette brusque variation dans la température qui passe d'une chaleur excessive à un froid assez vif est fatale à la garnison.
- Le 17 il y a 200 hommes à l'hôpital. L'ennemi devient de plus en plus entreprenant. - Le 19 il fait une nouvelle tentative sur le troupeau. Il organise tout autour de la place une guerre d'incendie. Nos faibles ressources en herbes sèches nous sont enlevées. Faire vivre le troupeau est un problème qui devient de plus en plus difficile à résoudre.
On établit du côté des jardins des canaux d'irrigation pour faire pousser l'herbe.
- Le 20, de grandes bandes de tirailleurs ennemis tirent sur le troupeau qu'elles cherchent à envelopper. Deux obus lancés à propos jettent le désordre parmi les assaillants et une sortie faite à 2 heures du soir les repousse. Ce jour-là 6 légionnaires passent à l'ennemi.
- Le 21, un déserteur des réguliers d'Abd-El-Kader se rend à nous. Il prétend qu'il a été fait prisonnier à Cherchell. Deux légionnaires passent à l'ennemi.
- Le 23 le Commandant supérieur parvient à se procurer quelques livres de tabac par l'intermédiaire de contrebandiers arabes. La distribution est faite à titre de gratification aux fumeurs les plus nécessiteux.
- Le 24, les Arabes ont de nouveau recours aux moyens de séduction et d'embauchage pour engager aux soldats la désertion. Plusieurs hommes de la légion étrangère sont assez lâches pour abandonner le drapeau de la France qui leur a donné asile et passent à l'ennemi. Des mesures de fermeté et de prudence sont prises pour arrêter les progrès du mal.
- Le 25, nous avons un blessé et un tué ; un officier meurt à l'hôpital. Le nombre des malades augmente. Celui des malheureux officiers de santé diminue : sur sept chirurgiens, quatre sont malades.
- Le 26, on trouve un sac de petites pommes de terre. La moitié est distribuée aux troupes, l'autre moitié est semée.
- Le 27, le troupeau de bœufs est attaqué avec acharnement. Les Kabyles sont repoussés avec pertes. Nous avons 2 blessés.
Deux légionnaires passent à l'ennemi.
Dès les premiers jours du blocus le commandant supérieur avait ordonné que les chiens errants abandonnés fussent réunis en espèces de meutes. Ces chiens soignés par des soldats chargés de leur nourriture sont répartis entre les différents bastions et redoutes Ce sont des gardiens fidèles et vigilants.
Vu l'urgence le conseil de défense entendu, le commandant supérieur ordonne qu'à partir du 30 juillet les officiers ne recevront plus que les rations suivantes : officiers supérieurs deux rations au lieu de trois ; officiers subalternes une ration et demie.
- Le 30 juillet les tirailleurs qui gardent le troupeau sont assaillis par une vive fusillade. Un lieutenant de la légion étrangère meurt à l'hôpital d'une fièvre cérébrale. Un légionnaire passe à l'ennemi.
- Le 31, il reste peu d'hommes disponibles pour le service. Presque tous les chirurgiens et le plus grand nombre des officiers sont malades.
Les Arabes étaient informés, par des déserteurs, de la légion étrangère et d'état d'affaiblissement de la garnison. Les Kabyles des Righas, des Adelias et des Béni-Menasser avaient formé le projet d'une surprise et ils préparaient une attaque générale qu'ils cachaient sous les apparences d'une tranquillité trompeuse.
Extraits de la revue d'infanterie 1904
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Envoyée par divers lecteurs
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PASSAGE DU COL DE MOUZAÏA
OBSEQUES DU GENERAL DAMREMONT
LA FANTASIA
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Siège de Milianah - Ses ravitaillements
Envoyé par M. Christian Graille
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Chapitre IV
Journal de siège-troisième période
Attaque générale de la place - Les Arabes sont repoussés grâce aux prodiges d'héroïsme de la garnison - Le capitaine Bazaine se fait remarquer par son sang- froid et son habileté - L'horizon s'assombrit - Amères réflexions du colonel D'Illens - Les cadavres sortent des tombes - Giacomo Abdallah - Nouveau groupement des forces pour faire face aux attaques continuelles de l'ennemi - Fin de la troisième période.
Le 1er août, à 5 heures du matin, des Arabes armés en grand nombre, occupent les rochers formant le plateau qui domine le poste crénelé en avant duquel allait paître le troupeau. Ce n'est pas sans peine qu'on parvient à les déloger.
Par un heureux pressentiment, le Commandant supérieur, marchait ce jour-là avec le détachement formant la garde du troupeau et l'avait fait appuyer par un obusier de montagne.
Vers 6 heures du matin, de nombreuses bandes armées s'approchent ; le capitaine d'artillerie fait lancer quelques obus sur les groupes ennemis. Bientôt s'engage une vive fusillade mais elle cesse ver 7 heures.
Quelques instants après, l'ennemi, au nombre de 600 hommes, parmi lesquels beaucoup de réguliers, entendant le bruit de l'attaque venant de la porte Ouest de la ville et qu'ils paraissent attendre, recommence le combat.
Il s'excite par de grands cris et s'avance avec rapidité et résolution. Il est reçu par une décharge faite à bout portant et l'on se bat, pour ainsi dire, du corps à corps. Nos soldats ne perdent pas un pouce de terrain.
Au même moment, 4 à 500 Kabyles guidés par des réguliers se forment en plusieurs colonnes et se précipitent comme une avalanche sur la redoute de gauche qu'ils attaquent par tous les côtés à la fois.
Plusieurs arrivent jusqu'à dix pas de la gorge ; cette redoute n'était pas encore terminée. Ils sont reçus par un feu bien nourri auquel viennent se joindre des obus tirés des bastions de la place. Ils se retirent.
Nous avons neuf tués et six blessés.
Le capitaine Bazaine, de la légion étrangère, est cité comme un homme d'expérience et de résolution.
Le 2 août, quelques centaines d'Arabes menacent de nouveau le troupeau.
Le 4 août, comme l'ennemi nous laisse en repos, nous travaillons à l'achèvement de la redoute.
Le 5 deux légionnaires passent à l'ennemi. Ce jour-là le thermomètre marque 48° à l'ombre. L'hôpital et ses succursales ne peuvent plus suffire à contenir tous les malades. Presque tous les officiers de santé et les infirmiers le sont.
Le 6, un légionnaire passe à l'ennemi,
Le 7, un légionnaire passe à l'ennemi,
Le 9, nous avons un homme tué.
Le 12 l'ennemi tente d'incendier les herbes : il est repoussé.
Nous avons deux hommes blessés.
La maladie semble avoir perdu de sa malignité mais le nombre des malades augmente toujours. Il devient difficile d'assurer le service.
Le 15, l'ennemi attaque nos tirailleurs. Nous avons deux blessés.
Le 16, la température à l'ombre est de 45 degrés centigrades. Le vent du désert souffle avec violence. Un légionnaire passe à l'ennemi.
Nous sommes absolument sans nouvelles de nos camarades et de la France.
Le Lieutenant-Colonel d'Illers voit avec terreur les vivres diminuer d'autant plus rapidement que les mites s'y sont mises.
Dans un moment de désespoir bien légitime, le Commandant supérieur écrit dans son journal du siège : " Hélas ! Nos privations morales sont si grandes qu'il serait temps que nos maux physiques diminuent un peu. " *
Il parvient à décider un piémontais, Giacomo Martini, dit Abadallah, homme au courant des mœurs et de la langue arabe pour avoir vécu longtemps dans les tribus à se charger à porter au Gouverneur de Blida, une lettre chiffrée : " Cet homme brave et entreprenant, dit le colonel D'Illens, s'est mis en route hier à deux heures du matin. Dieu fasse qu'il arrive à bon port et surtout qu'il m'apporte une réponse ! Depuis deux mois nous sommes sans nouvelles ni communications aucunes, lorsque déjà nos privations physiques sont si grandes. "
Pour s'assurer de nos pertes, les Arabes venaient compter les fosses dont nous entourions les murs de la ville et tous les jours nous en creusions de nouvelles.
Le Commandant supérieur ordonna alors qu'on les fit plus profondes et que dans chacune on mit à la fois plusieurs cadavres.
Les soldats obéirent, mais leurs forces épuisées ne leur permettaient pas de creuser bien avant.
Un matin ceux qui devaient à leur tour remplir ce lugubre office vinrent tout effarés dire que les morts sortaient de terre. La terre en effet n'avait pas gardé son dépôt.
Elle était inhospitalière aux morts comme aux vivants.
La fermentation de ces cadavres l'avait soulevée ; elle rendait à nos regards les restes décomposés de nos compagnons, de nos amis. Je ne puis vous dire l'effort de ce spectacle sur des imaginations déjà si frappées.
Malade moi-même et me traitant à peine, j'allais présider au travail qu'il fallait faire pour enterrer une nouvelle fois nos morts. Et afin que mes intentions fussent à l'avenir mieux remplies, je continuais à conduire ces convois chaque jour plus nombreux et plus lamentables.
J'avais beau m'armer de toute ma force, je ne pouvais m'y faire. Je m'étais attaché à ces soldats :
- si bons,
- si malheureux,
- si résignés,
- si braves.
A partir du 19 août l'ennemi devient plus pressant comme si, sentant que notre dernière heure est arrivée, il voulait nous donner le coup de grâce.
Il redouble ses attaques principalement contre le troupeau et les francs-tirailleurs qui le gardent. Nous avons un blessé.
Il ne nous reste plus de sel en quantité suffisante pour attendre les premiers jours d'octobre. Pour en prolonger la durée, le Commandant supérieur ordonne que soit mélangé de salpêtre dans la proportion de 1 kilo pour 15 kilos de sel.
Le 22, nous avons un blessé.
Le 24, des chaleurs augmentent. Le vent du désert souffle. Les maladies font des progrès inquiétants ; il ne nous reste que très peu d'hommes valides. Le Commandant supérieur ordonne que tous :
- les officiers valides,
- les chirurgiens et
- employés seront armés de fusils afin de pouvoir faire au besoin le coup de feu.
Il leur en donne lui-même l'exemple.
Afin de faire croire aux Arabes à un plus grand nombre de défenseurs, on place derrière les remparts des mannequins habillés avec les dépouilles des morts.
Le 25, l'ennemi attaque le poste et le troupeau.
Pour être en mesure de faire face à toutes les éventualités, le Commandant supérieur divise en trois parties qui ont chacune leur réduit :
- la casbah,
- l'hôpital,
- la mosquée.
Des vivres, des munitions et des outils y seront transportés en temps opportun.
Rien n'est changé pour la défense extérieure.
Le 30 août, on observe plus de mouvement que d'habitude parmi les Arabes qui entourent la place. Un capitaine meurt des suites d'un accès pernicieux.
Le 31 août, les Kabyles avaient tendu une embuscade pour surprendre les francs-tirailleurs et le troupeau mais ils sont éventés. Nous avons un homme tué.
Chapitre V
Journal du siège - 4ème période
L'effectif au premier septembre - Déplorable situation de la garnison - L'ennemi redouble ses attaques - La ration de viande est réduite à 2 hectogrammes - Les hôpitaux sont pleins - Les Arabes redoublent d'efforts - Le lieutenant-colonel est obligé de marcher à la tête des troupes pour les repousser - Arrivée d'un courrier la place va être secourue - L'espoir renaît - Il pleut.
Depuis le 6 juin il n'est pas tombé une goutte d'eau. Pendant presque tout le mois d'aout, le vent du désert a soufflé. Nous sommes sur les dents.
Le 1er septembre il nous reste environ 150 hommes valides. La revue d'effectifs du 2 septembre donne un total de 722 présents dont la plupart sont malades. Il y a à l'hôpital 387 malades ou blessés.
Le temps est à la pluie, le nombre de malades augmente encore.
On aperçoit, le 3 dans la plaine, au Sud de la ville, sur les bords du Chélif trois camps. On présume que ce sont des tribus nombreuses et armées contre nous.
Ce jour-là nous avons un homme blessé.
Le 4, l'ennemi se montre encore plus entreprenant. Le matin, à la pointe du jour, 3 à 400 fantassins gravissent le plateau qui est en avant de la porte d'Oran.
Ils cherchent à s'approcher du mur d'enceinte mais ils sont contenus. Nous avons un homme blessé.
Le 5, l'ennemi attaque les travailleurs à la redoute. Malgré le petit nombre de soldats en état de combattre les Arabes sont contenus. Nous avons un blessé.
Les chaleurs deviennent moins fortes. Dès la première quinzaine d'août, les travaux de défense ont dû presque entièrement cesser faute de travailleurs valides.
Le 6 septembre à 5 heures du soir, 500 fantassins ennemis essaient de surprendre la garde du troupeau.
Nos tirailleurs se replient. Quelques coups de canon tirés du bastion d'Oran et de la tour du centre arrêtent l'ennemi et le force à la retraite. Nous avons un homme tué et deux blessés.
Vu l'urgence, la ration de viande est réduite à 2 hectogrammes ce qui permettra de la prolonger jusqu'au 10.
Le 7, attaque contre le troupeau qui ne peut plus être gardé que par fort peu de monde. La mortalité s'accroît de manière inquiétante. Nous avons 400 malades à l'hôpital et en dehors plus de 400 qui ne valent pas mieux.
Le 8, nous avons un homme tué.
Le 10, une distribution de grosses raves provenant des jardins que nous avons créés est faite aux compagnies. Ces dernières manquaient totalement de légumes à mettre dans la soupe qui ne se mange plus qu'une fois par jour.
Le 11, un capitaine meurt d'un accès pernicieux ; ce jour-là il y a une grande mortalité dans la troupe.
Nous avons un homme blessé.
Le 14, le temps est au froid et à l'orage, mais sans pluie ; ce changement subit de température augmente le nombre de malades et la mortalité.
Sur 7 officiers de santé il y en a 4 de malades et 2 convalescents. Presque tous les infirmiers sont malades ; nous n'avons plus assez d'hommes bien portants pour les remplacer en nombre suffisant.
Nos embarras sont grands ; l'ennemi nous tient étroitement bloqués.
Le 15, une ligne de tirailleurs ennemis fait un feu très vif sur les avant-postes de la garde du troupeau ; ceux-ci sont obligés de se retirer et de ramener le troupeau dans la ville. Nous avons un homme tué.
On aperçoit autour de nous un assez grand mouvement de Kabyles et de Bédouins. Ils ont l'air de s'occuper d'un déménagement, de se préparer à s'éloigner. Plût à Dieu que ce fut l'indice de la prochaine arrivée de notre armée !
Nos souffrances et nos privations sont grandes !
Hier, le temps qui a été froid a été funeste à nos malades. Maintenant que l'ennemi s'est persuadé de l'inutilité de ses efforts pour s'emparer du troupeau, il va l'empêcher de sortir de la place.
Le 17, dès que le troupeau se montre, il est assailli par une vive fusillade. Nous avons un blessé.
Le même jour, vers une heure de l'après-midi, l'ennemi attaque le détachement qui allait relever la garde de la redoute. Le détachement parait hésiter. Alors le Commandant supérieur se met à la tête de cette poignée d'hommes à peine convalescents et les entraîne à l'attaque de l'ennemi qui est chassé de ses positions. Nous avons un homme tué.
Le Commandant supérieur est légèrement blessé. Outre les nombreux Kabyles qui nous tiennent bloqués du côté de Zaccar, nous avons toujours devant nous, au Sud, dans la plaine du Chélif, plusieurs camps ennemis de cavalerie et d'infanterie.
Il y a un autre camp à l'Ouest à 8 kilomètres. Ce camp est d'environ 200 hommes, moitié contingent de tribus, moitiés réguliers. C'est là que se tient habituellement Abd-El-Kader.
Le 21, le brave Giacomo arrive, nous fêtons son retour, nous lui sautons au cou comme des enfants. Il a vu le gouverneur. Il nous rapporte une réponse qui nous comble de joie. Nous allons être débloqués, nous allons pouvoir enfin sortir de cette tombe où nous sommes enterrés vivants ou plutôt à demi-morts.
A la date du 22 nous avons perdu plus de 500 hommes tant par le feu que par les maladies. L'ennemi parait se tenir plus éloigné, il a très peu tiré sur nos avants postes.
Le 24, ses postes semblent diminués autour de nous. Nous avons un homme tué.
A la date du 25 septembre la force de la garnison est de 530 hommes. Il y en a 313 à l'hôpital. La pluie tombe enfin !
Au 3e léger il n'y a plus qu'un officier pouvant faire du service, à la légion étrangère également ; il y a des travaux urgents à effectuer pour la défense de la place ; on est obligé de les délaisser parce qu'on n'a plus de travailleurs. Il faut aussi abandonner les petits postes extérieurs qu'on ne peut plus garder.
Les jardins sont envahis par une multitude d'Arabes appartenant aux camps ; nous ne sommes plus assez nombreux pour les éloigner.
Le 28, nous avons un blessé.
Chapitre V - Deuxième période
L'effectif de la garnison au 1er octobre - L'ennemi montre de l'inquiétude - L'armée de secours approche - Terribles effets de la nostalgie et de la privation de tabac - L'avant-garde française apparaît à l'horizon - La garnison opère une sortie - Le 2e bataillon du 3e léger est relevé par le 1er bataillon - L'ennemi qui s'était retiré revient prendre la position du blocus - Une colonne française vient faire lever le siège - Milianah est sauvé mais au prix de quelques pertes - Mort du colonel D'Illens.
Le 1er octobre nous avons un homme tué.
A cette date nous avons perdu environ 600 hommes tant par les maladies que par le feu de l'ennemi.
Dans la nuit du 1 au 2 nous avons un homme tué.
Les trois camps se sont éloignés dans la direction de Médéah pour aller probablement au-devant de notre armée. Il est temps que celle-ci vienne, qu'elle accoure car il nous est impossible de tenir plus longtemps.
Grâce à mille subterfuges de notre part, les Arabes, tout en nous sachant bien bas, ignorent notre situation exacte et nous respectent. S'ils venaient à savoir que nous ne pouvons plus réunir 150 hommes capables de résister à leurs attaques, c'en serait fait de nous.
Il faut, en les menant à leur poste, donner le bras à ceux qu'on place en faction. Ces pauvres soldats dont le visage maigre et défait s'inondait à chaque instant de sueur, pouvaient à peine se soutenir sur leurs jambes tremblantes, n'ayant même plus la force de parler, ils disaient à leurs officiers avec un regard qui demandait grâce :
- Mon Lieutenant, je ne peux plus aller, je ne peux plus tenir.
- Allons mon ami, répondait tristement l'officier qui souvent n'était guère en meilleur état, un peu de cœur, c'est pour le salut de tous. Place-toi là, assied toi.
- Eh bien oui répondait le malheureux, content de cette permission. Je vais m'asseoir. "
On l'aidait à défaire son sac, il s'asseyait dessus, son fusil entre les jambes, contemplant l'espace avec ce morne regard qu'on ne voit déjà plus.
Ses camarades s'éloignaient, tête baissée. Bientôt le sergent arrivait et de la voix qu'ils avaient tous :
- Mon Lieutenant il faut un homme !
- Mais il n'y en a plus ; que le pauvre untel reste encore une heure !
- Un tel a monté sa dernière garde. "
Il fallait conduire, porter presque un mourant à la place d'un mort. Et cependant on n'a jamais eu à punir un acte d'indiscipline. Mais on ne pouvait leur ordonner de vivre. Quelques-uns devinrent fous, ceux que la nostalgie avait attaqué, ceux dont le cœur était plus sensible, les jeunes soldats qui avaient laissé en France, une fiancée qu'ils aimaient encore furent atteints les premiers et ne guérirent pas.
Après eux on perdit tous les fumeurs ! Il était bien temps qu'un secours arrivât.
Le 4 octobre, à six heures du matin, on entendit enfin une vive fusillade.
A 7 heures et demie, l'avant-garde française apparaît, comme d'habitude, au milieu d'un nuage de poussière et de fumée. La colonne était encore commandée par Changarnier, devenu Général. On n'avait pu lui donner que 2.000 hommes.
Avec ces faibles ressources il avait réussi à faire passer un convoi considérable. Il avait annoncé partout un ravitaillement sur Médéah et tandis qu'il attirait l'attention et les forces de l'ennemi de ce côté, il s'était avancé vivement sur Milianah, gagnant ainsi une marche sur l'Émir, qui, comme la première fois, ne peut atteindre son arrière garde que lorsque le convoi était passé.
A 9 heures, le Commandant supérieur sort avec le peu d'hommes en état de marche qu'il peut rassembler et une pièce de canon. Il va prendre position afin de favoriser l'arrivée de l'armée française dont l'ennemi cherche à arrêter la marche.
La garnison est relevée, sauf le Commandant supérieur. Le bataillon du 3e léger était réduit à une centaine d'hommes.
Le 5 octobre, la colonne expéditionnaire quitte ses bivouacs et se met en marche accompagnée, comme de coutume, par la fusillade des Arabes. L'ennemi déplace une cavalerie très nombreuse.
Vers 10 heures du matin, on n'aperçoit plus rien, la place est de nouveau livrée à elle-même. C'est le 1er bataillon du 3e léger qui est venu relever le 2e bataillon et celui de la légion étrangère.
La plupart de ces hommes sont dépourvus d'une partie de leurs effets de première nécessité : chemises, souliers etc. Les officiers sont sans provisions. Ils croyaient en trouver ici ! L'effectif de la nouvelle garnison est de 768 hommes. Il y a dans les hôpitaux 207 malades. Les magasins de vivres sont approvisionnés pour deux mois et le troupeau pour un mois.
Le 9 octobre les colonnes ennemies qui avaient escorté nos troupes dans la direction de Médéah reparaissent et viennent reprendre leurs positions dans les camps du Chélif, à deux lieues de Milianah. Les Kabyles se sont éloignés, ils paraissent fatigués et découragés.
L'état sanitaire est satisfaisant mais la mortalité continue parmi les malades de l'ancienne garnison.
Le 23 octobre, l'ennemi n'a plus autour de nous que de petits postes éloignés.
Nous avons quelques malades dans la nouvelle garnison. La mortalité continue dans l'ancienne.
Le 31, un officier meurt d'un accès de fièvre pernicieuse. Il n'y a plus de viande que pour quelques jours. Il faut encore réduire la ration qui est portée à un hectogramme et une demi-ration de pain.
Le 4 novembre, il ne reste plus au troupeau que sept bœufs de petite espèce.
Le 7, on remarque un assez grand mouvement du côté des Kabyles qui semblent se porter dans la direction de Moulay-Abd-El-Kader, au Sud de la ville. Peu après une vive fusillade retentit de ce côté. Le commandant supérieur réunit 200 hommes et un obusier. Vers 5 heures et demie du soir, on fait une sortie pour aller au-devant de nos troupes qui, à l'entrée de la nuit s'arrête dans la plaine sous Milianah.
Cette troisième expédition marque la fin du blocus de Milianah qui avait duré cent cinquante jours. Le colonel D'Illens est relevé. Lorsque Changarnier vint relever la garnison nous avions enterré 800 morts. Les autres, ceux qu'on emmena ou emportés étaient malades et leurs sépultures jalonnèrent le chemin.
Eh bien nous n'avons pas cessé de travailler, nous avons effectué des travaux considérables. Nous avons mis la place en état de défense : nous avons établi un hôpital. Tout le monde, jusqu'au dernier moment, a rempli son devoir.
Toujours l'ennemi nous a craints et respecté. La discipline a été parfaite ; l'union, la concorde, le dévouement n'ont pas cessé de régner entre nous.
Au milieu de tant de fatigue, de tant de privations, de tant de misères que nous n'avons pas pu tout raconter, il n'y a eu que 25 déserteurs et c'étaient tous des étrangers, Allemands ou Italiens , pas un seul homme de ces 25 n'était Français.
Depuis le 9 novembre près de 400 hommes de l'ancienne garnison sont encore morts à Milianah, soit dans les hôpitaux de :
- Blidah, Douéra, Boufarik et
- Alger, ce qui porte à plus de 1.100 hommes ; 70 survivaient seuls au 31 décembre.
Six mois plus tard le colonel D'Illens mourait en héros frappé d'une balle à la tête sur un champ de bataille
Epilogue
La vérité historique nous a empêchés de toutes les défections qui se sont produites dans le bataillon de la légion étrangère.
Mais ce vaillant corps n'a plus à rougir depuis longtemps de la lâcheté de quelques-uns, de ceux qu'elle avait reçu en son sein dans les premières années de son existence car depuis toutes les campagnes d'Afrique et récemment au Tonkin, elle a fait preuve de grandes Qualités de bravoure et de solidité.
Tuyen-Quan ( ville du Vietnam assiégée lors de la guerre franco-chinoise 1884-1885) a racheté Milianah.
Les deux régiments étrangers sont devenus français depuis qu'à l'ombre de leurs drapeaux battent les cœurs de tous les Alsaciens-Lorrains qui ont fui l'annexion et le servage allemand.
Et puisque nous avons cité ces désertions, nous allons en tirer un enseignement.
Abd-El-Kader était plus habile politique qu'habite tacticien.
Rompant avec les mœurs musulmanes qui livrent au supplice les infidèles tombés entre leurs mains, il lança des proclamations dans le but de pousser, par les plus belles promesses, nos soldats à la désertion.
Il espérait sans doute annuler chez nous par ce moyen les qualités de résistance à outrance qu'engendre la crainte des supplices.
Il échoua auprès des Français mais il réussit auprès des étrangers.
C'est une arme qu'il ne faut pas négliger, que la clémence après la victoire, les bons traitements réservés aux prisonniers, les égards aux déserteurs quel que soit le mépris que ces derniers vous inspirent.
Si nos soldats, en revanche, sont mal traités, torturés même par l'adversaire, notre force morale, notre solidité s'accroissent de tout ce qui perd l'ennemi et nos chances de succès deviennent plus grandes.
Extraits de la revue d'infanterie
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Croisade contre la colonisation.
Envoyé par M. Christian Graille
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Fausseté des assertions.
Quand, il y a deux ans, a été prêchée la première grande croisade contre la colonisation, l'indigène était proclamé le paysan par excellence de l'Algérie ; seul, il pouvait, disait-on, se livrer à un travail continu sous une température élevée ; seul, il produisait les matières dont le commerce s'alimente ; seul il payait des impôts et fournissait des soldats, en atténuation des charges de la mère patrie. Le colon, au contraire, ne travaillait pas, il succombait sous l'insalubrité du climat, et, après des sacrifices énormes imposés au budget, une humiliante négation couronnait tous ses efforts stériles. Aussi, ajoutait-on, n'était-il pas nécessaire de combattre la colonisation ; il suffisait de ne pas intervenir et de la laisser tout simplement continuer à se liquider elle-même.
Pendant que l'auteur anonyme de l'Algérie française (indigènes et immigrants) présentait les résultats de son observation personnelle comme des vérités d'Évangile et les faisait recommander aux méditations du chef de l'État, les Comptes rendus officiels de la situation de l'Algérie, pour la même année, établissaient l'authenticité des faits suivants :
Mortalité dans les communes de plein exercice (1)
Colons : Excédents des naissances sur les décès, 2.743 (2)
Indigènes : Excédents des décès sur les naissances, 2.396 (3)
(1) L'État civil n'est tenu que dans les communes de plein exercice et administrées par l'autorité civile. Ces communes, au nombre de 71 aujourd'hui, et comprenant plusieurs centres de population, comptaient en 1862 : Européens : 204.877 Indigènes : 358.760. En 1863 les Européens atteignaient 213.061 âmes (chiffre officiel) et en 1865, leur nombre dépasse 225.000.
(2) Depuis dix ans, les naissances ont toujours dépassé les décès chez les colons. Donc, l'acclimatation des Européens en Algérie n'est pas douteuse.
(3) Quoique, par nos soins, les indigènes de l'Algérie, depuis 1830, aient été préservés des famines et des épidémies de peste qui, antérieurement et périodiquement, exerçaient de grands ravages dans les tribus, tous les recensements indiquent des diminutions dans les populations qui habitent la tente.
Cultures en céréales et récoltes.
Colons : Par tête, 1 hectare 50 ares cultivés et 11 hectolitres récoltés.
Indigènes : Par tête, 0 hectare 61 ares cultivés et 3 hectolitres 90 centilitres récoltés.
Productions totales de l'année (1862).
Colons : Par tête, 419 fr.
Indigènes : 67 fr.83 c
Richesse totale, mobilière et immobilière (4).
Colons : par tête, 2.845 fr.
Indigènes : 724 fr.
(4) La richesse mobilière et immobilière des colons urbains, beaucoup plus considérable que celle des colons ruraux, n'est pas comprise dans ces chiffres. On se borne à la comparaison de la richesse des cultivateurs entre eux.
Impôts de toutes natures.
Colons : Par tête, 85 fr.15 c (5)
Indigènes : id 7 fr.70 c
(5) Dans tous les écrits des adversaires de la colonisation, les colons sont réputés exempts d'impôts parce que l'État les exonère des contributions directes, et on ne tient aucun compte des contributions indirectes et des lourdes taxes municipales et départementales qui les atteignent.
Création de centres, villes, bourgs et villages (de 1830 à 1862)
Colons : plus de 300 centres, dont 186 sont constitués en communes de plein exercice.
Indigènes : Ils ont abandonné, pour la plupart, les maisons que les ouvriers européens avaient construites pour eux, le gouvernement ayant cru pouvoir imposer la dépense d'une habitation fixe aux Arabes des grandes tentes de quelques tribus, dans l'espoir de les rendre sédentaires. Peines et dépenses perdues !!!!
Développement commercial.
En 1830, Indigènes livrés à eux-mêmes : 5.000.000 fr.
En 1862, avec le concours des colons (valeurs officielles) : 228.000.000 fr
Valeurs actuelles : 247.939.780 fr.
Développement industriel.
Indigènes : Rien.
Colons : En1862, la petite industrie, seulement, a livré au commerce pour 36 millions de produits.
Telle était la réponse que les documents officiels faisaient aux adversaires de la colonisation européenne, apologistes fanatiques de la virtualité des indigènes. (Voir Tableau de la situation des établissements français dans l'Algérie ; Paris 1863, et l'Algérie devant l'opinion publique, par le docteur A. Warnier. Alger, 1864).
Pris en flagrant délit d'erreur matérielle calculée, nos contradicteurs changent de thèse aujourd'hui, ce qui leur est facile, leurs écrits étant toujours anonymes.
Obligés de s'incliner devant l'évidence de faits démontrant mathématiquement que la puissance du colon est décuple de celle de l'indigène, ils nous disent :
Les Arabes sont très malheureux sous notre domination, et au lieu de rechercher les causes vraies de leur misère, ils l'attribuent à la colonisation, et voici comment ils motivent leur acte d'accusation :
On a pris aux indigènes leurs meilleures terres de culture.
On les empêche d'utiliser les forêts pour la nourriture de leurs troupeaux.
Aujourd'hui, faute de terres, ils sont obligés de louer, à très haut prix, les propriétés dont ils étaient jadis les maîtres.
L'impôt les écrase.
Ils paient à l'usure une somme d'intérêt quadruple de l'impôt.
Ils entretiennent les colons, à raison de 50 fr. par an et par tête, dans la province d'Alger, et à raison de 28 fr. dans la province d'Oran.
Et, comme preuve confirmant la culpabilité de la colonisation, on ajoute que le bien-être des indigènes a diminué en raison de leur rapprochement avec les Européens.
J'ai démontré, sommairement, mais par des chiffres authentiques, la fausseté de toutes les assertions antérieures qui représentaient l'indigène comme le vrai paysan de l'Algérie et le colon comme une superfétation stérile ; j'espère contredire non moins victorieusement les nouvelles accusations qui se produisent aujourd'hui.
On a, dit-on, pris aux indigènes leurs meilleures terres de culture. Examinons ce premier grief.
D'abord, les colons n'ont jamais pris de terres. Celles qu'ils possèdent aujourd'hui, (700.000 hectares au maximum), proviennent légalement : 1° soit de concessions faites par l'État (environ 500.000 hectares) et réputées à tort gratuites, car elles n'ont été consenties que moyennant une rente annuelle et avec beaucoup de charges ; 2° soit d'acquisitions librement offertes par les indigènes (200.000 hectares environ) et constatées par des actes notariés, avec perception, au profit de l'État, de droit de mutation et d'enregistrement.
Puis, ces terres étaient loin d'être les meilleures, car plus de la moitié était en palmiers nains, dont le défrichement coûte de 300 à 500 fr. l'hectare ; le quart en marais pestilentiels dont l'assainissement a coûté aux colons beaucoup plus que de gros sacrifices d'argent (6) ; et le reste, (175.000 hectares au maximum), en partie épuisés par un excès de production antérieure ou à purger des broussailles ou des plantes parasites que la charrue arabe respectait, mais qui eussent cassé, brisé les charrues perfectionnées des Européens.
(6) Avant les travaux des colons, étaient couverts de palmiers nains :
Tout le Sahel, entre Oran et Mostaganem.
Tout le Sahel, de Cherchell à Dellys.
Tout le versant de l'Atlas, au sud de la Mitidja.
Les environs de Philippeville, en dehors de la vallée de Safsaf.
Le Sahel entre Bône et Guelma.
Aujourd'hui de nombreux villages couvrent ces terres dont les indigènes ne tiraient aucun parti.
Etaient marais :
La partie Nord de la plaine de Tlelat.
Les 21.000 hectares de la Mecta et de l'Habra, vendus l'année dernière, à charge de consacrer 4 millions à leur assainissement.
Toute la région centrale de la Mitidja, du lac Alloula au Hamis.
La Regaïa.
L'embouchure de l'oued Corso.
L'embouchure de l'Isser.
La plaine de Bougie.
La partie inférieure de la vallée de la Safsaf.
Le bassin du Hamma (la fièvre), sous Constantine.
Toute la plaine de Bône, entre le lac Fezzara et les lacs de La Calle.
Tous ces marais pestilentiels n'étaient antérieurement d'aucune utilité réelle pour les indigènes : des myriades de moustiques seules les habitaient, et quand des troupeaux, contraints par la famine, s'en approchaient, leurs peaux étaient tellement criblées qu'il était impossible de les tanner, et leur sang tellement empoisonné que les plus belles hélas étaient atteintes par la pourriture du foie en moins de quelques mois.
Aujourd'hui, ces marais assainis donnent à la colonisation européenne ses plus riches terres de culture. Là se trouvent, entre autres, Boufarik et Oued-el-Aleug, dont l'Empereur a tant admiré la magnificence de végétation.
Les colons ont donc conquis les champs qu'ils fécondent, non sur les meilleures terres de culture des indigènes, mais sur des espaces abandonnés par eux.
Entre les mains des colons, ces terres sont devenues les meilleures du pays, c'est vrai, mais ce résultat a été acquis par le travail persévérant et opiniâtre du pionnier de la colonisation, de l'ouvrier européen car, en général, les indigènes ne sont pas assez forts, en raison de leur mauvaise nourriture, pour se livrer au travail pénible des défrichements.
Au maximum, la colonisation, en l'an de grâce 1865, avec tout son développement, n'a encore privé les indigènes que de 175.000 hectares utilisables par leurs procédés de culture.
Ceux d'entre eux qui ont vendu possèdent en argent monnayé l'équivalent de leurs terres. On ne demande sans doute pas que les colons, après les avoir payées, les restituent à leurs anciens propriétaires. Quant aux terres provenant du domaine de l'État, et concédées à rente aux colons, on me permettra bien de croire qu'elles n'ont pas été spoliées, et que leur affectation à la colonisation n'a porté préjudice à aucun indigène, car le domaine turc, avant nous, les réservait pour ses propres besoins (7).
(7) L'Administration des Domaines est souvent accusée d'avoir inscrit sur ses sommiers des terres qu'elle aurait dû, dit-on, abandonner aux détenteurs indigènes.
De deux choses l'une cependant : ou ces terres étaient domaniales ou elles ne l'étaient pas.
Dans le premier cas, on ne peut accuser une administration publique de remplir son devoir.
Dans le second, il n'y avait qu'à produire des titres établissant l'affectation privée de la terre.
Toujours, il y a eu des tribunaux en Algérie et des fonctionnaires supérieurs assez dévoués aux intérêts indigènes, pour faire respecter leurs droits.
L'affectation a changé, je le veux bien, mais l'État était parfaitement libre, au lieu d'avoir des terres pour l'entretien de sa cavalerie, de ses troupeaux, ainsi que pour la solde de ses fonctionnaires (8) de donner la préférence à tout autre mode d'administration de son domaine. Aujourd'hui, comme sous les Turcs, ces mêmes terres, quoique devenues propriétés privées, fournissent encore aux troupes la viande de leurs rations, à la cavalerie le foin de ses chevaux, enfin leur part contributive de la solde des agents du gouvernement.
(8) Les Turcs percevaient l'impôt en nature sur les troupeaux ; ils possédaient de nombreuses bêtes de somme pour leurs transports, des chevaux pour leur cavalerie régulière et irrégulière ; de grands parcours leur étaient nécessaires pour l'entretien de ces animaux. De plus, une terre ou une ferme était affectée à chaque fonction publique.
Si ces terres avaient été délaissées aux indigènes, ce qu'eussent voulu les adversaires de la colonisation, nos soldats mangeraient non de la viande, mais de la carne, notre cavalerie tirerait d'Europe ses foins et ses avoines, et, pour couronnement d'une situation aussi précaire, l'armée entière, comme aux premiers jours de l'occupation, serait annuellement décimée par les maladies dont la cessation est exclusivement due aux travaux d'assainissement des colons, au bien-être matériel et moral qu'ils ont introduit dans l'existence de tous, même des ingrats qui les combattent à outrance.
Tout cela est de la plus éclatante évidence, mais quand la passion aveugle des hommes, ils nient même la lumière. Aurait-il fallu priver notre armée des bienfaits de la colonisation, pour conserver aux indigènes les 175.000 hectares utilisables par eux dans 700.000 aujourd'hui au pouvoir des colons !
Voyons donc quelle perturbation a été apportée dans la vie des indigènes par la distraction légitime de ces 700.000 hectares. Le Tell, c'est-à-dire la partie cultivable de l'Algérie au moyen des pluies hivernales, comprend 14 millions d'hectares (9), et, sur cette vaste superficie, il y a 2.261.848 indigènes y compris les Maures des villes.
(9) La lettre de l'Empereur au duc de Malakoff, en date du 3 février 1863, décompose ainsi le domaine agricole du Tell algérien :
Forêts 4.800.000 hectares
Terres cultivables à l'État 890.000 hectares
Terres cultivables aux colons 420.000 hectares
Terres cultivables aux indigènes 2.000.000 hectares
Terres incultes (marais, lacs, rivières, landes) 5.890.000 hectares
Total général 14.000.000 hectares.
D'après ces chiffres les deux tiers du Tell algérien sont incultes. C'est un point important et à retenir.
De la superficie totale il y a à défalquer :
700.000 hectares propriétés des colons.
550.000 hectares de forêts, propriétés de l'État, soumis au régime forestier et dont moitié environ sont affermés à des Européens, à long bail et à charges d'aménagement.
1.250.000 hectares en tout.
Reste à la disposition des indigènes une superficie de 12.750.000 hectares.
Mais parmi les indigènes du Tell, il y a 800.000 Berbères sédentaires constitués en communes, possédant le sol à titre privé, le cultivant comme en France, n'ayant en moyenne que trois hectares par tête, communaux et non valeurs compris, et satisfaits de cette propriété restreinte, pourvu qu'on la respecte, ce à quoi l'administration française a toujours religieusement veillé.
Défalcation faite de la propriété berbère, reste donc 10.350.000 hectares pour 1.461.848 Arabes ou Berbères arabisés, habitant la tente, ne connaissant que la culture pastorale, c'est-à-dire la culture qui se borne à récolter les fruits spontanés de la terre, sans la cultiver ou très peu.
Or, 10.350.000 hectares divisés entre 1.461.848 habitants donnent par tête 7 hectares 8 ares.
En sus d'un lot aussi considérable dans le Tell, les tribus arabes ou berbères arabisées de la limite du Tell et du Sahara possèdent encore un droit de parcours illimité dans la zone limitrophe des steppes sahariennes, d'une étendue superficielle de cinq millions d'hectares et l'une des plus belles régions de pacages connues dans le monde comparables mêmes aux riches pampas de l'Amérique.
Et c'est au nom des gens auxquels le sénatus-consulte de 1863 garantit la propriété incommutable d'une aussi grande richesse territoriale qu'on crie à la spoliation ; parce que, en trente-cinq années, l'État a disposé, en faveur de la colonisation, de 500.000 hectares lui appartenant au même titre que les millions trouvés en 1830 dans la kasbah d'Alger.
C'est au nom des tribus qui usent et abusent de la terre, en la traitant en marâtre, qu'on demande au gouvernement de rendre la propriété indigène incessible et inaliénable pendant plusieurs générations, et d'entourer de plus de formalités restrictives le droit d'expropriation pour cause d'utilité publique, parce que, en trente-cinq ans, les colons ont pu, par des achats réguliers aux indigènes ajouter 200.000 hectares à ceux dont l'État a dû, dans son propre intérêt, se dessaisir en leur faveur !
On peut juger du préjudice fait aux tribus par la colonisation, sur les points où elle a atteint son plus grand développement : dans la Mitidja, pour la province d'Alger ; dans le triangle compris entre Oran, Mascara et Mostaganem, pour la province d'Oran ; autour de Bône, de Philippeville, de Constantine, dans la province de Constantine.
Dans la plaine de la Mitidja, avant 1830, il y avait cinq grandes tribus : Isser, Khachna, Beni-Mouça, Beni-Khelil, Hadjout. Ces cinq tribus existent encore, et bien qu'une vingtaine de communes françaises aient été créées dans leurs anciens périmètres, elles ont encore de la terre à vendre, car si la liberté des transactions existait, on les verrait assaillir les études de notaires pour y trouver des acquéreurs.
Dans le triangle colonisé de la province d'Oran, il y avait avant la conquête six tribus : Douaïr, Zmala, Abid-Gharaba, Abid-Cheraga. Bordjia et Medjéher. Ces six tribus sont encore sur place. Avant que ce territoire fût colonisé, je l'ai parcouru pendant plusieurs années, dans toutes les directions, et souvent je marchais une demi-journée sans y rencontrer un douar. La colonisation, là, s'est bornée à combler des vides dans des terres généralement vaines et vagues et appartenant toutes à l'État ou ayant été rendues domaniales, par voie d'échanges, quand elles étaient propriétés privées.
Dans la province de Constantine, on a colonisé exclusivement dans le domaine de l'État, et le territoire d'aucune tribu n'a été atteint par le développement colonial. Loin de là, sur ce même domaine de l'État, on a fait de larges concessions aux indigènes, dans une proportion qui dépassera bientôt la part faite aux Européens.
La colonisation n'a donc, jusqu'à ce jour, porté aucun trouble sérieux dans la vie des indigènes. Prétendre le contraire, c'est calomnier le gouvernement et Quant à l'accusation d'avoir pris aux indigènes leurs meilleures terres de culture, on est étonné qu'elle ait pu se produire sous un souverain qui " veut l'apaisement des rivalités entre le système qui pousse à l'extension de la colonisation européenne, et celui qui défend les droits sacrés des indigènes ".
Aussi espérons-nous, avec la plus grande confiance, que l'Empereur saura mettre fin à une lutte déplorable, en conciliant réellement les intérêts de tous.
L'Algérie devant l'Empereur par le Dr Warnier,
officier de la Légion d'honneur,
médecin militaire en retraite,
membre de la commission scientifique de l'Algérie,
ancien Directeur des Affaires Civiles de la province d'Oran,
ancien membre du conseil du gouvernement de l'Algérie.
Édition 1865.
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L'amour sous la tente
Envoyé par M. Christian Graille
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Autrefois la Mauresque ne détestait pas ainsi, l'homme de sa race. Il y a douze cents ans, en Arabie, les époux ne s'interpellaient que par ces doux mots : " Toi qui es à moi ! "
Maintenant que les jeunes filles, des enfants plutôt sont vendues par leur père à un mari qui pourrait être leur grand-père, l'amour dans le mariage n'existe pas et la matraque est impuissante à assurer la fidélité de la femme.
La nature violentée reprend un jour ses droits, le petit organe que la jeune épouse a dans la poitrine s'agite. Parfois c'est pour un homme qu'elle n'a jamais vu mais qui a aperçu lui, à la dérobée, quand elle soulevait son haïk, ses yeux qui assassinent comme la poudre.
" Le cœur est le plus court chemin pour arriver au cœur " disent les Arabes ; Aussi quand ils veulent être aimés ils commencent par aimer.
Les musulmanes les encouragent par leur coquetterie et leur indifférence ; mais elles n'aiment pas plus leurs amants que leurs maris et ne sont que des dilettantes de l'infidélité.
En trahissant pour un bijou ou même pour rien ceux qui les aiment, les Mauresques jouent leur existence.
A Biskra, si une femme regarde par la fenêtre, son mari achète un de ces excellents pistolets fabriqués dans la ville même et lui casse la tête.
Pour un coin de voile soulevé, pour un regard échangé, elle risque sa vie.
On mesure la somme de félicité que cette infidélité platonique représente pour celui qui est honoré. Aussi malgré tous les périls, l'ardeur des amoureux ne se dément pas plus que la témérité des femmes toujours prêtes à provoquer le courroux des hommes qui les ont achetées.
Les amants arabes ont pour leur belle Lella (dame) une violente passion, c'est l'adoration enthousiaste des chevaliers pour les pieuses du moyen âge.
Dans le désert la mahométane n'a pas perdu sa puissance et elle joue un grand rôle lors des guerres entre tribus.
Les plus belles d'entre les plus belles femmes de la tribu, suivent les combattants assises dans de riches palanquins, sorte de boudoirs portatifs hissés sur des chameaux. Elles excitent les guerriers par :
- leurs chants,
- leurs déclamations,
- leurs cris joyeux ou irrités.
Après la victoire on reconnaît le concours de ces houris en leur attribuant une part dans le partage du butin.
Dans l'Arabie païenne, des femmes sont allées jusqu'à l'impudeur pour sauver leur tribu. On raconte qu'à la bataille de la " coupe des Toupets " les filles du poète Find quittèrent leurs vêtements et s'avancèrent toutes nues, au milieu des combattants, elles les excitaient en criant : " Guerriers, foncez sur l'ennemi, terrassez-le et nous vous embrasserons à pleins bras ! "
Les femmes arabes en Algérie par Hubertine Auclert. Édition 1900
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CITATIONS DU FISC ...
Envoyé par Hugues
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Pour une fois vous allez rigoler grâce aux ...
impôts !!!
Lorsque je donne quatre coups de pédale,
il y en a trois pour le fisc
Bernard Hinault
Le fraudeur fiscal est un contribuable
qui s’obstine à vouloir garder
un peu d’argent pour son propre usage
Philippe Bouvard
Si l’état créait un impôt sur la beauté,
je serais exonéré
Sim
Un millionnaire est un milliardairequi vient de payer ses impôts
Jean Rigaux
C’était un Français qui payait tellement d’impôts
que le jour où il mourut … le gouvernement fit faillite !
Roger Pierre
Les conneries, c’est comme les impôts,
on finit toujours par les payer ...
Michel Audiard
L’impôt est un tribut prélevé sur le travail des uns,
pour entretenir la paresse des autres
Inconnu
Puisque les impôts ont une assiette,
pourquoi mangent-ils dans la nôtre ?
Alphonse Allais
Chaque contribuable est quelqu’un qui travaille au profit du gouvernement
sans être astreint à passer les
concours de fonctionnaires
Ronald Reagan
Réunion : L’administration française adore ça. Certains fonctionnaires
poussent même le raffinement jusqu’à organiser des réunions pour fixer la
date des prochaines
Jacques Mailhot
Mon père était fonctionnaire et ma mère ne travaillait pas non plus
Coluche
Un ministère est un lieu où les fonctionnaires qui arrivent en retard croisent
ceux qui partent en avance
Clémenceau
Les fonctionnaires sont les meilleurs maris :
quand ils rentrent le soir à la maison, ils ne sont pas fatigués et ont déjà lu
le journal
Clémenceau
Les fonctionnaires sont comme les livres d’une bibliothèque : ce sont les
plus haut placés qui servent le moins
Clémenceau
La France est un pays extrêmement fertile :
on y plante des fonctionnaires,
et il y pousse des impôts
Clémenceau
Et je terminerais par celle dont je ne me
rappelle plus l'auteur :
Le fisc, c'est l'inverse de l'école :
c'est quand tu travailles bien que tu es puni !
Inconnu
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HISTOIRE DE BÔNE
PAR RENE BOUYAC
Contrôleur civil suppléant Interprète militaire hors cadre
Source Gallica
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DEUXIEME PARTIE
BONE DEPUIS 1830
CHAPITRE VIII
Situation de Bône en 1836. - Yussuf, bey de Constantine.
- Création du camp de Dréan. - Occupation de La Calle.
- Tentatives d'Ahmed Bey. - Le général Trézel
nommé au commandement de la subdivision de Bône. -
Préparatifs de la première expédition de Constantine.
- Premier échec. - Deuxième expédition.
- Prise de Constantine. - Départ du général Trézel.
Dans les premiers mois de l'année 1836, la province de Bône jouissait d'une profonde tranquillité et affirmait ainsi les progrès réels accomplis par notre domination. Les Arabes se montraient plus nombreux sur le marché; nos relations avec les tribus devenaient de jour en jour d'autant plus amicales qu'El-Hadj-Ahmed, battu et refoulé par nos colonnes, abandonné de ses plus chauds partisans, avait fini par comprendre l'inutilité de ses efforts et ne sortait plus de Constantine, où il n'ignorait pas que nous irions bientôt le chercher.
En se prolongeant, cette situation nous eût permis de faire pénétrer notre influence plus avant dans la région et il eût été plus sage de pacifier les provinces d'Oran et d'Alger qu'Abd-El-Kader soulevait contre nous, avant de tourner les yeux vers Constantine. Mais le maréchal Clauzel qui, déjà, en 1830, avait signé la déchéance d'El-Hadj-Ahmed et le traité avec la Tunisie, pour la cession de Constantine, était de retour en Algérie et décidé cette fois à soumettre la province de l'Est à l'autorité directe de la France.
La paix dont jouissait la région de Bône, les affirmations de Yussuf qui garantissait le concours dévoué des tribus, les dispositions amicales dont celles-ci nous donnaient chaque jour de preuves, n'avaient fait qu'encourager la résolution du maréchal. Son premier acte fut de décréter, au mois d'avril, la création d'un camp retranché sur la route de Constantine, comme une première marche du pénible escalier qu'il allait gravir pour atteindre la capitale du beylik.
Situé à 22 kilomètres au sud de Bône, au-delà du village actuel de Duzerville, le camp de Clauzel ou de Dréan fut établi sur un petit plateau, à pentes douces, qui dominait et découvrait la plaine à gauche jusqu'à la Seybouse, à droite jusqu'au lac Fezzara. Il avait la forme d'un rectangle de 375 mètres de côté sur 72 mètres de large, entouré d'un fossé profond de deux mètres dont les déblais avaient servi à élever des parapets. Aux quatre angles, un petit bastion armé d'une pièce surveillait la plaine.
L'occupation de ce point décida de la soumission de quelques tribus hésitantes jusqu'alors, car elles s'étonnaient que la France laissât Ahmed exercer un pouvoir qu'elle aurait dû lui retirer en déposant le dey d'Alger. Les circonstances paraissaient donc on ne peut plus favorables au maréchal. Le bruit de la mort d'Ahmed ayant même couru, la joie manifestée par les Arabes fut une preuve de la haine qu'ils lui portaient, et le maréchal, en rendant compte de ce fait, en profitait pour insister sur l'opportunité de l'expédition.
"Ici, disait-il dans une note du 19 juillet 1836 où était exposé son système d'occupation, il ne faut pas reculer lorsqu'on s'est avancé, cela équivaut à une défaite dans l'esprit des Arabes." M. Thiers, président du conseil des ministres, et le maréchal Maison, ministre de la guerre, étaient favorables au projet d'extension du maréchal, et, l'un comme l'autre, ils accordèrent les moyens demandés pour atteindre le but. Ils lui promirent les 33,000 hommes qu'il demandait. Le maréchal crut donc le moment venu de donner un successeur au bey dont la déchéance était prononcée depuis six ans. Yussuf se trouvait tout naturellement désigné pour le remplacer et il reçut des mains du maréchal à Tlemcen, le 21 janvier 1836, son brevet de bey de la province de Constantine (1). Ce ne fut que le 15 août 1836 que cette nomination fut ratifiée et encore le fut-elle en termes peu agréables contre Yussuf " malgré les plaintes graves, disait la réponse officielle, que les excès commis à Tlemcen ont soulevé, le gouvernement consentira à laisser Yussuf investi du titre de bey qui lui a été conféré par vous ; mais un officier général capable de lui en imposer et de le diriger sera placé dans la province." La lettre ci-jointe va nous apprendre le rôle auquel il était destiné.
ARMÉE D'AFRIQUE " Alger, le 13 mars 1836.
ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL
" Commandant,
" Vous vous rendrez immédiatement à Bône pour y reprendre le commandement des spahis réguliers. Vous y joindrez le commandement supérieur des spahis auxiliaires.
" Je donne des ordres pour qu'en votre qualité de bey de Constantine on vous salue, à Bône, de trois coups de canon.
" Les Arabes de l'extérieur seront ainsi prévenus de la présence de celui qui est appelé à les commander. Comme il importe que votre autorité soit reconnue le plus promptement possible dans la province de Constantine, je vous autorise à agir pour votre propre compte, toutes les fois que vous le jugerez avantageux aux intérêts de la France et à l'influence que vous devez vous efforcer d'acquérir dans le pays. Je fais donner l'ordre au commandant supérieur de Bône de vous aider de tous les moyens qui sont à sa disposition.
" Deux pièces d'artillerie de montagne seront mises à votre disposition avec leurs accessoires, et des munitions à raison de 50 coups par pièce ; elles seront servies par des artilleurs de bonne volonté, en attendant que ces derniers puissent être remplacés par des canonnières turques dont vous hâterez l'instruction. " Je ne cloute pas que vous ne remplissiez d'une manière satisfaisante la haute et importante mission qui vous est confiée. Votre dévouement et vos brillants services m'en donnent l'assurance, et j'ai la confiance que vous acquerrez de nouveaux droits à la bienveillance du gouvernement français. Je vous autorise à continuer l'enrôlement des indigènes, jusqu'à concurrence de mille hommes.
" Le gouverneur général, CLAUZEL. "
Au reçu de cette lettre, Yussuf se hâta de quitter la province d'Oran et d'accourir à Bône, où il fit une entrée triomphale. Il se dirigea aussitôt vers Dréan et s'y installa en souverain arabe.
M. le baron Baude, conseiller d'Etat, en mission en Algérie, nous a laissé la description de la réception dont il fut l'objet à son arrivée à Dréan :
"Yussuf, dit-il, nous reçut sous une vaste tente ouverte, en avant de laquelle ses drapeaux étaient plantés près de quatre obusiers de montagne, placés en batterie ; il vint à notre rencontre entre deux rangs, l'un de Turcs et l'autre d'Arabes qui se tenaient dans une attitude respectueuse à droite et à gauche de son divan.
"Les Turcs étaient de ceux qu'il avait conquis par son adresse et son courage en 1832 dans la Casbah de Bône. Les Arabes étaient des jeunes gens appartenant aux principales familles des tribus ; leur présence en ce lieu était un gage d'assentiment et de soumission
Bel Kassem ben Younes avait adresse à Yussuf une lettre dans laquelle il lui disait : " Je t'envoie mon fils, c'est ce que j'ai de plus cher au monde. Garde-le jusqu'à ce que tu marches sur Constantine et si, au premier bruit de tes pas, je ne te rejoins pas avec 8.000 cavaliers pour me ranger sous tes bannières, fais tomber la tête de mon enfant chéri.
Nous eûmes pendant la journée notre part des honneurs du beylik ; on nous fit entendre la musique aiguë et monotone qui accompagne partout les beys.
" Des Turcs et des spahis noirs nous donnèrent tout nus, sur les tapis dont la tente était garnie, le spectacle de luttes qui rappelaient les jeux athlétiques de l'antiquité."
Depuis longtemps le cheik de La Calle, dédaignant les offres presque suppliantes d'El-Hadj-Ahmed, avait fait sa soumission au général d'Uzer. Les tribus des environs, qui n'avaient encore pu oublier les bénéfices qu'elles retiraient de leurs relations avec nos anciens comptoirs, nous pressaient de revenir parmi elles.
Enfin, toute la population de corailleurs qui, sur les instances de M. Raimbert, était venue de Tabarka à Bône, demandait à grands cris l'occupation d'un point qui devait constituer pour ses embarcations, par les gros temps, un refuge plus rapproché que Bône du champ d'exploitation de leur industrie.
Le maréchal Clauzel ordonna à Yussuf de faire, à la tête de toutes ses troupes, une première reconnaissance sur La Calle ; elle eut lieu au mois de mai. Yussuf traversa toute la région qui s'étend de Dréan à La Calle sans brûler une cartouche ; il adressa à son retour un rapport concluant à l'occupation immédiate.
Le 15 juillet, le capitaine Berthier de Sauvigny, parti la veille du camp de Dréan, avec 40 cavaliers indigènes, arrivait à La Calle sans avoir été inquiété et écrivait au commandant de la subdivision de Bône, le Colonel d'état-major Duverger.
" Le détachement n'a rencontré aucune résistance ; un groupe d'Arabes sans armes, assis paisiblement sur les ruines de cette ville française, attendait l'arrivée de ses anciens maîtres, dont ils reconnaissaient les droits. Nous avons trouvé La Calle dans l'état où l'incendie du 27 juin 1827 l'avait laissée "
Le même jour, le brick le Cygne arriva de Bône amenant le capitaine du génie Carrette et 30 ouvriers de ce corps, qui se mirent aussitôt en devoir de relever la petite ville de ses décombres. Les corailleurs qui péchaient au large, à la vue du pavillon français flottant sur les ruines du Bastion, arrivèrent en toute hâte, et telle était leur joie qu'ils mirent spontanément leurs équipages à la disposition de nos officiers pour aider les ouvriers. Pendant que cette nouvelle prise de possession s'effectuait pacifiquement les plaines de Dréan étaient le théâtre de rencontres entre les troupes du nouveau bey et les contingents qu'Ahmed affolé lançait sur nous.
La nomination de Yussuf aux yeux d'El-Hadj-Ahmed était une menace beaucoup plus redoutable que celle de 1830.
A cette époque, son compétiteur était réduit à ses propres forces ; aujourd'hui, il avait l'appui de nos armes. Ahmed comprit donc que l'heure suprême était arrivée où il allait être forcé jusque dans les murs de sa capitale. Il se mit en campagne exploitant notre inaction momentanée et le mécontentement qui commençait à se faire jour parmi les tribus qu'exaspéraient certaines exactions, sinon commises par Yussuf, au moins tolérées par lui à des personnages de son entourage.
Si Yussuf avait d'éminentes qualités, ses habitudes se ressentaient de l'éducation de ses jeunes années.
Pour faire face aux exigences de sa nouvelle situation, autant que pour satisfaire ses goûts de prodigalité et, disons-le, de folle générosité, Yussuf avait dû emprunter 10,000 boudjous à Lasry de Tlemcen. Ce dernier, avec la finesse de sa race, devina dans ce nouveau client une mine d'or à exploiter et obtint de l'accompagner clans la province de Constantine. Lasry avait stipulé que la somme prêtée et ses intérêts (21/2 pour 100 par mois) seraient restitués en bœufs, à raison de 18 francs par tête.
Il est facile de prévoir ce qui arriva. Des troupeaux entiers, produits de razzias dont la raison échappe, livrés ainsi pour des sommes dérisoires, venaient s'embarquer à Bône d'où ils étaient expédiés sur la France ou Alger et vendus le triple ou le quadruple du prix d'achat.
Des plaintes ne tardèrent pas à s'élever. On ne voulut d'abord pas les entendre, mais il fallut bien se rendre à l'évidence. M. Melcion d'Arc, intendant militaire de l'armée d'Afrique, qui, depuis longtemps, s'était élevé contre les embarquements de bestiaux opérés par Lasry, en objectant la difficulté qui en résultait d'approvisionner les troupes en viande fraîche, obtint qu'un arrêté, en date du 20 juillet 1836, prohibât l'exportation des bestiaux de la province de Constantine.
La mesure était bonne, mais tardive. Pressurées, mises à contribution avec une dureté presque aussi rigoureuse que sous le régime turc, les tribus, qui n'étaient venues à nous que pour échapper aux exactions d'Ahmed, s'éloignèrent les unes après les autres et, quand on s'en aperçut, le vide était fait autour de nous. Ce fut une première déception.
A l'appui de ce que nous venons de dire, nous avons tenu à citer un passage de l'ouvrage de M. le Baron Baude, intitulé : l'Algérie.
" Pour acquitter ces dettes usuraires, dit-il, attirer à soi par de riches cadeaux les chefs des tribus, subvenir à une représentation dispendieuse, suivre enfin l'impulsion souvent irréfléchie de sa générosité naturelle, on mettait à la discrétion de Yussuf sans règle, sans frein, sans contrôle, les tribus qui nous étaient soumises. Ce n'était pas le moyen de se les attacher, et c'est ainsi qu'elles s'éloignèrent de nous à petit bruit, aimant mieux, disaient-elles, être foulées par Ahmed, dont la fortune était faite, que par un homme qui avait à faire la sienne et celle de ses amis. Yussuf a dépensé dans son beylik autant et plus qu'il n'en a tiré ; il en est sorti avec des dettes. Un bien est pourtant résulté de ces avanies, beaucoup d'Arabes, en voyant combien leur condition a été différente sous le général d'Uzer à Bône, le colonel Duvivier à Guelma, M. de Berthier à La Calle, ont trouvé, tout considéré, la domination immédiate des Français préférable à celle des leurs.
Cependant, les émissaires d'El-Hadj-Ahmed parcouraient les tribus prêchant la guerre sainte pendant que ce dernier allait s'installer de sa personne avec 3 ou 400 cavaliers un peu au nord de Guelma et, de là, rayonna sur le pays environnant. Il importait de détruire l'effet produit par cette sorte de mouvement offensif d'Ahmed.
Le général d'Uzer avait été remplacé dans son commandement par le colonel d'état-major Duverger. Encouragé par Yussuf, qu'animait le désir très légitime de démontrer l'exactitude de ses renseignements au sujet de la neutralité de certaines tribus et du con273 cours des autres, le colonel Duverger sortit du camp de Dréan dans la soirée du 23 juin à la tête d'une petite colonne formée de 650 cavaliers français, 1.200 cavaliers indigènes, 525 fantassins et 4 pièces d'artillerie et se dirigea sur Guelma, par la vallée de Hammam-Berda.
En apprenant l'approche des nôtres, Ahmed se hâta d'aller s'établir à quatre lieues plus loin. Cette reconnaissance, poussée jusqu'à un point que n'avaient encore jamais atteint nos colonnes, les promesses de Yussuf et la vue de nos 1.200 cavaliers indigènes avaient frappé l'imagination, si facile à exalter, des indigènes, et quelques tribus vinrent au camp, établi sur les ruines de Guelma, faire acte de soumission.
Le colonel Duverger, étonné lui-même de la facilité avec laquelle s'était faite son expédition, en rendait compte au maréchal et ne lui demandait, pour aller jusqu'à Constantine, que deux bataillons. Cette assurance ne faisait que confirmer l'opinion du maréchal qui écrivait, à son tour, au ministre :
" Dans la province de Constantine, 1.200 hommes, dont la moitié seulement de troupes françaises et l'autre formée par des troupes indigènes irrégulières, viennent de s'avancer jusqu'à 18 lieues de Constantine et, non seulement elles n'ont pas tiré un coup de fusil, soit en allant, soit en revenant, mais le commandant supérieur de Bône a reçu, chemin faisant, la soumission de plusieurs tribus des plus nombreuses et des plus guerrières (19 juillet 1836)."
Depuis quelque temps, les habitants des environs de Bône, et même ceux de la ville, vivaient sous le coup de la terreur que leur inspirait un audacieux bandit du nom de Bel Arbi.
Cet indigène, qui était porteur d'eau à Bône, se trouvait un jour, d'après le récit des indigènes, sur la place d'Armes, alors centre de la ville, devant un café que fréquentaient les sous-officiers de la garnison. Ceux-ci, au sortir de table, se moquèrent de Bel Arbi, et l'un d'eux lui jeta même son cigare à la figure. Bel Arbi, doué d'une force peu commune, se rua sur le sous-officier qu'il jeta à terre. Ses camarades intervinrent et Bel Arbi fut blessé de plusieurs coups de sabre. Fou de colère, il quitta la ville en jurant de se venger des chrétiens et des mauvais musulmans qui pactisaient avec eux.
Depuis ce jour, en effet, semblable à un fauve, il ne cessa de rôder autour de la ville et des blockhaus, ne signalant sa présence que par l'assassinat des factionnaires isolés et des malheureux Européens que les travaux de jardinage appelaient hors des murs. Ces assassinats étaient accompagnés de tortures horribles, lorsqu'il ne craignait pas d'être surpris dans sa sinistre besogne. Dans le cas contraire, il se contentait d'emporter la tête de sa victime que le bey Ahmed lui payait généreusement, car ces hideux trophées étaient destinés à tenir en éveil le fanatisme des tribus.
Yussuf s'était mis en campagne, et il payait généreusement de sa personne, mais le bandit aussi habile que féroce déjouait tous les projets. Les pentes de l'Edough lui offraient un abri sûr et lorsque le besoin de refaire ses provisions se faisait sentir, il se ruait avec quelques partisans que lui avait attiré sa haine du nom chrétien sur les tentes isolées qu'il mettait au pillage, quand il n'en massacrait pas les propriétaires.
Le nom de Bel Arbi était devenu légendaire, et une véritable terreur régnait sur les populations, car l'audace du bandit s'augmentait chaque jour de l'impunité dont il jouissait.
Mais tout a une fin. Le 10 août, le cheik Kermiche envoya un cavalier à Yussuf pour le prévenir que Bel Arbi venait de lui blesser mortellement deux hommes, mais que le bandit et deux de ses complices étaient cernés. Il demandait du renfort pour s'en emparer.
Un escadron de chasseurs sortit immédiatement de Bône avec quelques hommes d'infanterie et se dirigea en toute hâte vers le point indiqué. Bel Arbi, tant qu'il n'avait eu devant lui comme adversaires que des coreligionnaires, s'était bravement comporté, mais à la vue de nos uniformes, il voulut forcer le cercle qui l'entourait et s'enfuir. Il tomba atteint de trois blessures. Sa tête fut tranchée avant sa mort et envoyée à Bône où tout, le monde put la voir exposée pendant huit jours, sur la porte de Constantine. Ainsi périt le redoutable bandit.
Ahmed, à la nouvelle de la nomination de Yussuf, avait d'abord cru que nous allions immédiatement marcher sur Constantine. Encouragé par les lenteurs de nos préparatifs, il comprit que sa présence à proximité de nos troupes était le seul moyen de maintenir les Arabes hésitants et d'éviter ainsi des défections. Il vint donc camper sur les hauteurs du Ras-El-Akba, où il se retrancha. Il se hâta d'y appeler toutes ses forces pour être prêt à exécuter l'attaque qu'il projetait depuis l'établissement du camp de Dréan. Mais pour cela il fallait que notre attention fût attirée sur un autre point par une attaque simulée. Il chargea de cette opération les montagnards de l'Edough qui, dans la journée du 9 octobre, au nombre d'une centaine environ, se ruèrent dans la plaine, massacrant les ouvriers ou colons isolés. Vingt-cinq chasseurs sont immédiatement envoyés au devant de cette bande qui se retira dans les bois, où il était impossible de les poursuivre. On réussit à leur tuer quelques hommes et à leur reprendre deux malheureux ouvriers qu'ils entraînaient.
Pendant ce temps, à neuf heures du matin, les contingents d'Ahmed envahissaient la plaine de Dréan et se rapprochaient de ce poste qu'ils faisaient mine d'attaquer.
Aussitôt, Yussuf avec la cavalerie indigène, formant une masse de 500 cavaliers que suivaient à courte distance 36 chasseurs, ayant à leur tète le capitaine Marion, se ruent sur les troupes du bey. C'est ce que celui-ci voulait. Pendant qu'une partie de sa cavalerie tiraille en fuyant devant les nôtres qu'elle attire, une colonne, à la faveur de ce mouvement, longeant la Seybouse, se répand dans la plaine de Bône. Tout un douar, bien que campé sous la protection d'un blockhaus, voit ses troupeaux enlevés. Un voiturier est massacré.
Mais, quatre compagnies du 17e, prévenues, se mettent à la poursuite de l'ennemi, lui reprennent le bétail volé et lui tuent une vingtaine d'hommes.
A la veille d'une expédition dont le succès était déjà si gravement compromis par l'insuffisance des moyens de transport et des troupes mis à la disposition du gouverneur général, et par l'éloignement des tribus dont Yussuf nous avait promis le concours, il importait, si nous ne voulions à jamais ruiner notre prestige dans la province, d'aller chercher notre ennemi assez loin pour que l'audacieuse attaque du 9 ne se renouvelât pas.
Le général Trézel qui avait été nommé au commandement de la subdivision de Bône, où il débarquait le 3 octobre, avait remplacé le colonel Duverger, désigné lui-même pour remplir les fonctions de chef d'état-major général de l'armée expéditionnaire en formation.
Informé par Yussuf de l'audacieuse entreprise d'Ahmed, il quitta Bône le 10 au matin et se dirigea en toute hâte sur Dréan, emmenant avec lui 600 hommes du 59e et 50 sapeurs, 320 chasseurs et 2 pièces d'artillerie.
Le lendemain, 11 octobre, à quatre heures du matin, il repartait dans la direction d'Ascours et, après avoir traversé le Bou-Infra, petit affluent de la Boudjima, restait toute la journée en observation et rentrait à Bône sans avoir tiré un coup de fusil.
Le général Trézel trouvait dans le port, à son retour, le Fulton et le Ramier qui apportaient 800 hommes du 17e de ligne, destinés à entrer dans la composition du corps expéditionnaire.
Les partisans d'Ahmed couraient toujours la campagne.
Le 11, pendant que le général Trézel passait une journée à observer la campagne du côté d'Ascours, les rôdeurs venaient, le matin, jusqu'à la baie des Caroubiers, couper la tête à un corailleur napolitain.
Le 12, ils enlevaient, au même endroit, deux enfants et un Maltais. Yussuf même, malgré son intrépide activité, était désarmé contre ces maraudeurs isolés qui, leurs méfaits accomplis, disparaissaient et allaient plus loin continuer leur lugubre besogne, semant partout la terreur. Sur ces entrefaites, et malheureusement pour le succès de l'expédition projetée, le ministère de M. Thiers, qui lui était favorable, venait de disparaître pour faire place, le 7 septembre, à un nouveau cabinet entièrement hostile aux intentions du maréchal qui recevait, le 27 septembre, la dépêche suivante :
" Le gouvernement du roi aurait désiré qu'il n'eût pas encore été question de l'expédition de Constantine. C'est parce que cette expédition avait été annoncée, et pour ce seul motif que le gouvernement l'autorise. Il est bien entendu qu'elle doit se faire avec les moyens personnels et matériels qui sont actuellement à votre disposition."
Le maréchal, bien que déçu sur ce premier point, n'en conservait pas moins une conviction qui, disons-le, était habilement entretenue par Yussuf. Jusqu'au dernier moment celui-ci ne cessa de promettre et le concours des tribus et les moyens de transport.
" Les populations ne demandent qu'à se soumettre, écrivait-il, seulement elles attendent qu'elles puissent le faire sans danger. Pour qu'elles viennent à moi, il suffit de me désigner à elles comme leur nouveau bey. Dès lors des milliers de cavaliers accourront à nous pour combattre Ahmed qu'ils redoutent autant qu'ils l'exècrent. A la rigueur, je pourrais, je crois, entrer en possession de la capitale de mon beylik avec les seules ressources dont je dispose."
L'auteur du journal de l'expédition et de la retraite de Constantine dit à ce sujet : Sa jeune ambition (Yussuf) le fit-elle s'abuser lui-même ou bien le porta-t-elle sans qu'il s'y méprit pour son compte à embellir la vérité, à déguiser la mauvaise chance Il représenta cette opération comme la chose la plus aisée...
Le duc de Nemours débarquait à Bône le 29 octobre et le maréchal le 31. Obligé de dégarnir les provinces d'Alger et d'Oran d'une partie de leurs troupes, il avait signé, avant de quitter Alger, un arrêté organisant la milice africaine.
A la même date, il avait remis en vigueur l'arrêté qui suspendait toute transmission d'immeubles et son application avait été étendue aux provinces de Bône et de Constantine, tant le maréchal était convaincu que la soumission de la capitale se ferait sans coup férir.
La proclamation qu'il lança de Bône aux habitants de Constantine en est une nouvelle preuve.
" L'armée française, leur disait-il, respectera votre religion, vos personnes et vos propriétés. Il ne vous sera rien demandé, rien imposé. Le soldat sera logé dans des maisons séparées des vôtres et le plus grand ordre régnera dans Constantine, si notre entrée se fait sans résistance et pacifiquement de votre part."
On apprit plus tard que, grâce à la surveillance exercée par Ahmed, pas une de ces proclamations n'était entrée dans Constantine.
Bien que gravement préoccupé depuis six mois des préparatifs de la campagne qui allait s'ouvrir, le maréchal n'oubliait pas les réformes intéressant l'avenir de notre colonie naissante. C'est ainsi qu'il avait fait signer, le 2 août 1836, au maréchal Maison, ministre de la guerre, un arrêté réglant les attributions du gouverneur, des chefs de service, des administrations civiles et des conseils d'administration d'Oran et de Bône.
Une ordonnance royale du 6 octobre 1836 modifiait le service judiciaire. Le tribunal de Bône était composé d'un juge royal, d'un juge suppléant, d'un substitut du procureur général et d'un greffier.
Au dernier moment, c'est-à-dire à l'arrivée du maréchal à Bône, il fallut bien reconnaître que nous n'avions plus à compter sur le concours des tribus. En outre, les 1,500 mulets promis par Yussuf étaient réduits au nombre de 475. Il était impossible d'organiser avec d'aussi faibles moyens les services administratifs et surtout le service si important de l'ambulance. Les maladies étaient venues depuis quelques jours décimer le corps expéditionnaire ; 2000 hommes encombraient déjà l'hôpital de Bône et les baraquements.
Il n'entre pas dans le cadre de cet historique de faire le récit de la campagne qui se termina par la douloureuse retraite que tout le monde connaît. Le général Trézel, qui avait été désigné pour commander une division de l'armée, avait été provisoirement remplacé dans le commandement de la subdivision de Bône par le colonel Brice, commandant de place. Il n'y eut rien d'important à signaler pendant cet intérim. Les populations étaient dans l'expectative et n'osaient se prononcer avant de connaître le dénouement.
Le 1er décembre, l'armée rentra à Bône après avoir laissé, à son passage à Guelma, le 28 novembre, le chef de bataillon Philippe, du 62e, avec son bataillon et 150 malades qui y moururent presque tous.
Le maréchal s'embarqua le 4 pour Alger, non sans avoir donné l'ordre au colonel Duvivier d'aller s'établir à Guelma avec le bataillon d'Afrique, un bataillon du 17e et quelques spahis, car il emportait l'idée plus arrêtée que jamais de venir réparer son échec, et il voulait faire de Guelma sa base d'opération dans une nouvelle tentative. Mais il ne devait plus revenir. On l'accusa d'abord de s'être laissé berner par Yussuf ; puis les attaques devinrent plus personnelles.
La calomnie s'en mêla ; les calomnies les plus ridicules comme les plus flétrissantes furent lancées contre le vieux général, que son glorieux passé aurait dû défendre.
On ne peut s'empêcher d'être ému à la lecture des lignes empreintes d'une douloureuse fierté qui achevaient la défense qu'il publia en 1837 : " J'ai été triste, dit-il, mais je n'étais pas désespéré. J'avais encore mon épée, on me l'a ôtée, autant du moins qu'on pouvait me fêter; on a laissé une carrière de victoires trébucher sur un revers sans vouloir lui laisser prendre un dernier laurier. On a pensé sans doute que j'étais assez tombé pour m'empêcher de me relever.
Non! non! Je me relève, moi, je me relève pour rentrer la tête haute dans mes foyers. Je me relève et, sur le seuil de cette maison paternelle où je retourne, je poserai entre la calomnie et moi ma vieille épée de combat.
Regardez-la bien ; elle n'a ni or ni diamant à sa monture ; elle n'a que du sang sur la lame, c'est le sang des ennemis de la France. "
Le 12 février, le général Damrémont était nommé au gouvernement de l'Algérie et y débarquait le 3 avril. Il annonça aussitôt, dans une proclamation, qu'il allait venger l'échec de Constantine. A Guelma, le colonel Duvivier, par la fermeté de son attitude et sa politique bienveillante, avait ramené une partie des populations autour du camp établi sur les ruines de l'antique Calama; il avait rétabli ainsi chez les Arabes la confiance qu'avait détruite l'administration un peu à la turque de Yussuf. "La confiance que M. Duvivier sut inspirer aux Arabes était telle que les envois d'argent de Bône au camp de Guelma ayant plusieurs fois éprouvé des retards, ils ne firent aucune difficulté d'accepter en échange des denrées nécessaires à la consommation du camp, des billets à termes garantis par lui et qui circulèrent dans les tribus comme monnaie courante. "
Pour obtenir cet ascendant moral, il avait fallu que le colonel déployât également une grande énergie contre les Arabes encore soumis à l'autorité d'Ahmed Bey et que ce dernier lançait contre les populations qui nous montraient de la sympathie.
Rien, jusqu'au commencement de mai, n'était venu troubler la garnison de Guelma, mais à cette époque les Oulad-Zenati reçurent avis de Constantine qu'Ahmed lui-même arrivait avec de nombreux contingents et qu'il leur ordonnait de préluder à une attaque sérieuse par la razzia des tribus en relations avec nos soldats.
Fort heureusement, le colonel Duvivier, prévenu à temps, se porta au devant des révoltés et leur infligea, le 24 mai, une première leçon. Il marcha ensuite sur les Achaches qui avaient coopéré à l'expédition des Oulad-Zenati et leur enleva leurs troupeaux qu'il ramena à Guelma. Les Achaches y arrivèrent le lendemain pour faire leur soumission. Le 16 juillet, des forces considérables attaquèrent le camp de Guelma, mais bien que le colonel n'eût que 600 fantassins et 120 chevaux, elles furent vigoureusement repoussées.
Le nouveau gouverneur général avait décidé la création de deux postes entre Bône et Guelma, le premier à Nechmeya, le second à Hammam-Barda, comme points de ravitaillement pour l'armée expéditionnaire qui allait marcher sur Constantine, dans le cas où Ahmed ne consentirait pas à traiter avec nous.
Le maréchal arriva à Bône le 26 juillet. Toutes les instructions qu'il avait reçues du gouvernement lui recommandaient de faire tous ses efforts pour qu'Ahmed bey acceptât nos conditions sans effusion de sang.
Voici, en résumé, les conditions auxquelles nous désirions le voir se soumettre :
La France se réservait l'administration directe du territoire de Bône, de La Calle et de Guelma. Le drapeau français serait, dans toutes les cérémonies publiques et sur tous les bâtiments à Constantine, placé au-dessus du drapeau musulman. Le bey Ahmed devrait se reconnaître vassal de la France, payer un tribut annuel et rembourser les frais de la dernière expédition.
" Ne perdez pas de vue, écrivait à la date du 21 juillet le ministre de la guerre au gouverneur, que la pacification est l'objet principal que le gouvernement se propose et que la guerre n'est considérée ici que comme moyen de l'obtenir aux conditions les plus avantageuses, moyen auquel il ne faudra avoir recours qu'à la dernière extrémité. "
Le maréchal Damrémont se mit donc à l'œuvre pour entamer des négociations avec Ahmed. Il envoya à Tunis un de ses aides de camp, M.Toltz ; mais pendant que ce dernier s'efforçait de nouer des relations, Busnach, d'Alger, reçut l'invitation du bey de Constantine de se rendre dans cette ville pour y entendre ses propositions et les transmettre ensuite au gouvernement français. Il s'y rendit aussitôt.
Pendant ce temps, le gouverneur ne restait pas inactif. Par ses soins, des troupes tirées d'Oran et d'Alger s'installaient à Bône ; des moyens de transport très considérables y étaient également réunis. Un gros matériel de siège et de campagne fut amené de France et, enfin, des baraquements furent construits à Bône, Nechmeya et Guelma. Le maréchal se transporta de sa personne le 9 août à Medjaz-Ahmar avec le 47e et le 23e de ligne qu'il employa à construire sur ce point un immense camp retranché.
Cependant les négociations avec Ahmed continuaient : tantôt il paraissait disposé à s'incliner devant nos conditions, tantôt ses prétentions devenaient arrogantes. Il était facile de deviner que deux influences agissaient sur lui : celle de M. Busnach lui montrait tous les avantages de la paix proposée ; celle de Ben Aïssa et du parti de la guerre à outrance lui faisait entrevoir la possibilité d'être secouru par le gouvernement turc.
Cette puissance sembla vouloir même un moment s'interposer, mais l'escadre de l'amiral Lalande eut bientôt fait de calmer les ardeurs belliqueuses de la Porte.
A la fin d'août, le maréchal Damrémont, fatigué de toutes ces lenteurs, fit signifier son ultimatum à Ahmed qui y répondit par une sorte de défi insolent. C'était la guerre ; mais le maréchal, encore influencé par l'injuste responsabilité qu'on avait fait peser sur le maréchal Clauzel, ne voulut prendre aucune initiative, s'appuyant sur une dépêche gouvernementale du 9 août, qui lui recommandait de " se borner à rassembler tous les moyens de guerre, à les organiser complètement, afin d'être prêt à marcher, et de ne rien entreprendre au-delà sans avoir fait connaître au gouvernement du roi l'état exact des choses et avoir reçu ses ordres. "
Il demanda des instructions. Le conseil des ministres se réunit et l'ordre de prendre Constantine à tout prix fut envoyé. L'armée entière, forte de 10.000 hommes, quitta Medjaz-Ahmar le 1er octobre.
Nous ne ferons pas plus le récit de la deuxième expédition que de la première. Disons simplement que le maréchal Damrémont, tué devant la brèche, fut remplacé dans la direction du siège par le général d'artillerie Valée.
Le 13, après un combat acharné, le drapeau tricolore flottait sur Constantine. L'armée expéditionnaire rentra à Bône par fractions, laissant à Constantine 2.500 hommes sous le commandement du général Bernelle. Le général Valée trouva à Bône sa nomination de gouverneur général des possessions françaises en Afrique. Le corps du maréchal Damrémont fut embarqué pour France. On le déposa aux Invalides.
Le général Trézel, nommé lieutenant général, avait été désigné par le ministère pour remplir les fonctions de chef d'état-major général de l'armée d'Afrique.
Il s'embarqua le 21 novembre 1837 et arriva à Alger où le gouverneur, qui n'avait pas été consulté sur ce choix, refusa de le recevoir. Il dut rentrer en France. Constantine relevait alors de Bône, siège du commandement de la province.
A SUIVRE
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EPHEMERIDES
Par M. Bernard Donville
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Chers lecteurs de" Alger il y a 60 ans"
Arrive le temps où il faut cesser de se retrouver sur ce thème car la qualité des copies de l'Echo d'Alger a ma disposition est inadéquate pour une lecture confortable. J'ai donc pris la décision d'arrêter ce rendez vous mensuel qui nous replongeait tous (?) au sein du cadre de notre jeunesse.
Je n'ai pas l'outrecuidance de penser que certains attendaient ce compte rendu mensuel avec impatience pour égayer leurs vieux jours ou insuffler à leur descendance l'exemple de vie de la France de chez nous. C'est cette façon de raconter notre "colonisation" qui pourra vous manquer le plus.
Peut être après réflexion trouverai je l'idée de revenir vous rencontrer sur une autre façon de vivre notre histoire ?
Merci d'avoir été je l'espère des lecteurs fidèles et souvenez vous que vous restez les derniers témoins de notre Algérie Française.
Voilà , c'est fait, j'ai retenu un nouveau projet !
Comme à mon âge ( et même avant ) je suis un peu flemmard il fallait que ce soit facile à entreprendre.
Je vais reprendre chaque mois une partie de mes conférences faites au cercle algérianiste avec incrustation des commentaires. Bien sûr certains les ont déjà suivies mais ainsi ils disposeront de leurs enregistrements et peut-être seront-ils heureux de les revoir !
Bonnes lectures
Amitiés, Bernard
Cliquer CI-DESSOUS pour voir les fichiers
Ephéméride de 1830 à 1846
Ephéméride de 1847 à 1860
Ephéméride de 1860 à 1880
A SUIVRE
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LA MACHINE
De Jacques Grieu
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Notre époque " évoluée " veut du renseignement ;
C'est là notre pâtée, notre doux aliment.
Chaque jour, il nous faut la dose-information :
On se sent déficient, les jours sans sa ration.
Comme pour les cocktails, avec les petits fours,
L'info a ses traiteurs cuisinant le discours.
Ce serait imprudent de nous la livrer brute
Et mille spécialistes la traitent et la charcutent.
Cependant, Ô, merveille, une immense invention
En fixera bientôt l'automatisation.
Pour bien traiter l'info, voici donc la " Machine "
Qui est, évidemment, conçue et faite en Chine...
Toute hydropneumatique, elle est sans pollution.
Les nouvelles au rebut, mises en décantation,
Massèrent dans des cuves pour leur fermentation
Et ré-utilisées après transformation.
Tout est ré-injecté dans la circulation :
Pas de reste ou rejet : tout repart, tout est bon.
On y déverse en vrac la moindre info notable
Et ce qui en ressort devient indiscutable.
Terminés fakenews et autres boniments
Pollués de propagande et d'endoctrinements.
Enfin, un bel outil pour tous les journalistes
Et pour tout démocrate un progrès de puriste !
Heureux sont les médias, les hommes politiques
Qui pourront désormais, avec un simple " clic ",
Informer le bon peuple avec la certitude
De livrer du solide en toute quiétude.
A l'heure où tout se fait à coup de robotique,
Il était temps d'avoir l'info automatique.
Tout y est ausculté, vérifié, soupesé :
La Machine nous rend la pure Vérité !
Jacques Grieu
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N'est-ce pas monsieur Stora ?
Envoyé Par Mme Leonelli
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Juste un petit "document" à verser au dossier des réconciliations des mémoires.
Cela s’est passé il y 62 ans mais, à l’époque, cela ne vous concernait pas « métropolitains » !
*Le 20 août 1955 à 12 h, une katiba (bande de terroristes-égorgeurs du FLN), armée jusqu’aux dents, a massacré 123 habitants (71 européens, 52 musulmans et 120 disparus).
Cela s’est passé à El Halia, petit village minier près de Philippeville, où les Arabes et les Français cohabitaient en parfaite osmose.
250 familles algériennes ainsi que 130 familles européennes, travaillaient dans la mine, dirigée par un jeune ingénieur, M. Revenu, nommé tout récemment.
Dans l’éventualité d’une attaque, le responsable de la sécurité avait réclamé des armes mais elles lui ont été refusées par les autorités françaises.
Le responsable local du FLN se nommait Zighout Youssef.
Mais plutôt que de laisser des gens raconter ce qu’ils n’ont pas vécu, je préfère laisser la parole à Marie-Jeanne Pusceddu, qui était sur place ce jour-là (Marie-Jeanne a été recueillie, après l’indépendance, et dès son arrivée en métropole, par les sœurs de Saint-Vincent de Paul à Lacanau-les-Bains (Gironde)
**« Il était 12 h lorsque nous avons entendu des coups de feu et les youyous des mauresques. Tous les hommes travaillaient à la mine. Ma belle-sœur, Rosé, sa petite dernière, Bernadette (3 mois) dans les bras, et ses enfants, Geneviève 8 ans, Jean-Paul 5 ans, Anne-Marie 4 ans et Nicole 14 ans, sont venus se réfugiés chez nous. Il y avait ma mère, mon frère Roland, 8 ans, mes sœurs Suzanne, 10 ans, et Olga 14 ans, et mon mari qui venait de rentrer pour déjeuner avec nous. Mon autre fils, Roger, 17 ans, travaillait à la mine.
*Les fellaghas ont fait irruption en cassant la porte à coups de hache. C’était Chérif qui les dirigeait. Chérif, le chauffeur de taxi, notre ami, lui qui avait assisté à notre mariage et était venu nous chercher à la gare à notre retour du voyage de noces. C’est lui qui commandait les fellaghas qui hurlaient : « Nous voulons les hommes ».
Chérif a tiré en pleine poitrine sur ma pauvre mère avec son fusil de chasse. Elle est morte sur le coup, avec Roland dans ses bras, grièvement blessé. Rosé a été tuée dans le dos et son bébé écrasé contre le mur. Ensuite Chérif a tiré sur moi et j’ai reçu la balle à hauteur de ma hanche. Olga, ma sœur, a été violée puis assassinée et mon autre sœur, Suzanne, blessée à la tête (elle en porte encore aujourd’hui la marque).
*Toute la famille Azaï a été également massacrée à coups de couteaux, la sœur de ma mère, son mari, ses deux filles, dont l’une était paralysée, et son autre fille, qui arrivait de France en vacances, déchiquetée à coups de couteaux avec son bébé.
*A la mine le massacre s’est poursuivi. Mon frère assassiné, mon cousin Julien également alors qu’il se trouvait au restaurant. Pierrot Scarfoto à coups de fourchette et les testicules coupées et enfoncées dans la bouche, tout comme mon neveu, René. Mon père, sourd de naissance, blessé s’est réfugié dans une galerie abandonnée où on ne l’a retrouvé mort que 15 jours plus tard. 13 membres de ma famille abattus ce même jour. »
**L’armée française est arrivée à 17 h.
Y aura-t-il quelqu’un, même un simple anonyme, ce 20 août en Algérie, pour se recueillir sur les tombes de ces 123 victimes des barbares du FLN ? A condition que ces tombes soient toujours présentes et qu’elles n’aient pas été profanées pour tenter d’en effacer même le souvenir !
« Même pas peur », dites-vous, lorsque les médias vous interrogent ! Il est facile de ne pas avoir peur lorsque l’on n’est pas sur place, lorsque l’on n’a pas assisté à des massacres, lorsque l’on pense que ça n’arrivera qu’aux autres.
Imaginez une seule seconde que vous ayez vécu ce cauchemar à El Halia, le 20 août 1955, tout comme ces innocents qui ont vécu « le Bataclan », en novembre, « la promenade des Anglais », le 14 juillet à Nice ou le récent massacre sur la « Rambla » de Barcelone, alors vous auriez peur pour tout le restant de votre vie.
Nous en avons eu la preuve dramatique un week-end de fête à Juan-les-Pins. Quelques pétards tirés par des inconscients, d’une inconscience criminelle, ont causé une panique générale, dont le bilan fut de 80 blessés et il y a huit jours, à Cannes : quelqu’un, sur une plage, a crié « On a tiré un coup de feu » et ce fut la fuite générale sur la croisette. Plusieurs blessés secourus par les pompiers.
Jamais de telles paniques ne se seraient produites si les attentats, les meurtres, les agressions à coups de couteau, qui sont devenus quotidiens dans ce qui était « notre douce France » n’étaient pas présents dans tous les esprits.
Mais continuez à ne pas voir peur, continuez à nier ce qui se passe, car vous êtes si bien protégés par ceux qui sont chargés de « faire la guerre » à ces barbares, en respectant « les valeurs républicaines » de la France, patrie des «Droits de l’Homme», jusqu’au jour où il sera trop tard, même pour avoir peur !
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PHOTO "ECOGIGOLOGISTE"
Envoyée par M. Ferrer
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Ecologie frénétique
La remarque est fort pertinente, car les cons ça ose tout … c’est même à ça qu’on les reconnait !?
Et surtout en ce moment dans le Bordel-Laid, le Lyon-Nez et le Gren-o-Blois.
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SAUVER LA FRANCE
De Hugues Jolivet
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Qu'Emmanuel MACRON cesse d'ouvrir la bouche
Pour salir notre France et lécher les babouches
De ceux qui ont voté, guidés par des chaouchs,
Pour ce faux patriote, dangereuse sainte nitouche !
Durand ces trois années d'une morne Présidence,
Limogeant, par un acte d'une rare outrecuidance,
Son chef d'Etat Major. Entrer en dissidence
Avec les Forces Armées : symbole de décadence !
Il préfère s'entourer de joueurs et de danseurs !
Un maître du poker, Ministre de l'Intérieur,
Alexandre Benalla, garde du corps et "casseur".
Quelques élus de Droite lui donnent des couleurs !
C'est aux Ides de Mars de cette année en cours,
Prenant un air martial, il prononce un discours :
"Nous sommes en guerre !" dit-il. Il appelle au secours
Français et habitants des villes et des faubourgs.
L'ennemi désigné est le virus chinois
Qui envahit le Monde et le met en émoi.
Combattre, se protéger, entrer dans le tournoi,
Eviter de sortir, se confiner chez soi !
"Corona" a franchi notre ligne Maginot !
Ni masques, ni protections, car nos stocks nationaux
Se sont évaporés ! Les masques artisanaux
Que produisent des Français, fleuris, originaux !
Oui, nous sommes en guerre contre des pandémies !
Quelle qu'en soit l'origine, ce sont nos ennemies.
Les combattre, les vaincre, chassons la bonhomie.
Reculer, laisser faire relèvent de l'infamie !
La "Grande Muette" d'active, respecte, par son silence,
Son devoir de réserve, les ordres, la transcendance
Du Pouvoir politique. Assume l'indépendance
Et l'intégralité de notre Nation "France" !
Des Généraux "hors cadres" dénoncent les dangers
Qui menacent la France, qualifiée à Alger
De Nation criminelle. Des propos mensongers
Que le peuple et l'Armée ne peuvent partager !
Mais, le Chef de l'Etat assassine notre France
Dont la seule qualité serait la "repentance" !
La guerre d'Algérie, des actes d'ingérence,
Source, telle la Shoah, de terribles souffrances !
Pour étayer sa thèse, tromper l'électorat,
Demande une réflexion à Benjamin Stora
Sur la Guerre d'Algérie ! Et la diaspora
D'un million de français, qui donc en parlera ?
Que cessent les turpitudes du Président Macron,
Réduisant son bon peuple au rôle de larron !
D'une Patrie séculaire, nous voulons un patron
Et non un pénitent aux allures de poltron !
D'ex-chefs militaires reprennent leur service
Pour sauver la Nation, ce, jusqu'au sacrifice
D'une retraite paisible. Une oeuvre salvatrice
Pour une France, en dérive, au bord d'un précipice !
La Patrie est en guerre, c'est une terre sauvage
Que des hordes étrangères défigurent et ravagent !
Qu'un homme fort émerge, qu'il lave son visage,
Qu'il soigne ses racines, redore son paysage !
Hugues Jolivet
Le 26 juillet 2020
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La loi anti bandes
Par: Ryad Hamadi 02 Sept. 2020
Envoyé par M. Barisain
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La loi anti bandes de quartiers entrée en vigueur : les peines prévues
L’Algérie se dote d’une loi pour lutter contre les gangs des cités. Le texte est entré officiellement en vigueur ce mercredi après la publication de l’ordonnance présidentielle relative à la prévention et à la lutte contre les bandes de quartiers.
Les peines encourues par les personnes impliquées dans les batailles rangées sont comprises entre deux ans de prison ferme et la réclusion criminelle à perpétuité « si la rixe, la rébellion ou la réunion a entraîné la mort d’une personne autre que les membres de la bande », selon le texte.
Plusieurs cas sont prévus. Par exemple, l’article 22 de l’ordonnance précise : « Est puni d’un emprisonnement de dix (10) ans à vingt (20) ans et d’une amende de 1.000.000 DA à2.000.000 DA, quiconque dirige une bande de quartier ou y exerce un commandement quelconque ».
L’article 21 dispose qu’il « est passible d’une peine d’emprisonnement de trois ans à dix ans et d’une amende de 300.000 DA à 1.000.000 DA, quiconque crée ou organise une bande de quartier ; s’enrôle ou participe sous quelque forme que ce soit dans une bande de quartier, tout en connaissant son objectif ; recrute une ou plusieurs personnes pour le compte d’une bande de quartier. »
La loi punie aussi d’ « un emprisonnement de cinq ans à douze ans et d’une amende de 500.000 DA à1.200.000 DA, quiconque fabrique ou répare une arme blanche dans un atelier légal ou illégal ou dans tout autre en droit, ou importe, distribue, transporte, vend, propose à la vente, achète ou achète pour la revente ou stocke des armes blanches au profit d’une bande de quartiers, en connaissance de son objet. »
L’ordonne prévoit un « emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 60.000 DA à 200.000 DA, ou de l’une de ces deux peines, quiconque, ayant connaissance d’une des infractions prévues par la présente ordonnance, déjà tenté ou consommé n’en a pas aussitôt averti les autorités compétentes. »
La loi protège aussi les victimes, les témoins et les dénonciateurs des batailles rangées. « Est punie d’un emprisonnement d’un (1) an à cinq (5) ans et d’une amende de 100.000 DA à 500.000 DA, toute personne qui recourt à la vengeance, l’intimidation ou la menace, sous quelque forme que ce soit et de quelque manière que ce soit, contre les victimes, témoins, dénonciateurs ou contre les membres de leurs familles ou des autres personnes qui leur sont proches » (Art 27).
L’article 2 de l’ordonnance présidentielle donne la définition de bande de quartiers. Il s’agit de « tout groupe, sous quelque dénomination que ce soit, composé de deux (2) personnes ou plus, appartenant à un ou à plusieurs quartiers d’habitation, qui commet un acte ou plus dans le but de créer un climat d’insécurité, à l’intérieur des quartiers ou dans tout autre espace, ou dans le but d’en assurer le contrôle, en usant de violences morales ou physiques, exercées à l’égard des tiers, en mettant en danger leurs vies, leurs libertés ou leur sécurité ou en portant atteinte à leurs biens, avec port ou utilisation d’armes blanches apparentes ou cachées. »
La loi ne punit uniquement les agressions physiques, elle concerne aussi les violences verbales. « La violence morale comprend toute agression verbale susceptible de causer la crainte ou la panique chez autrui, telles que la menace, l’injure, la diffamation, la terreur ou la privation d’un droit ». (Art 2).
NDLR: Qu'en pense le professeur Dupont Moretti ?
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LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS
Par J.C. Stella et J.P. Bartolini
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Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.
De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.
Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :
Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :
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NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers
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Un drame sans fin
Envoyé par Philippe
https://www.liberte-algerie.com/actualite/un-drame-sans-fin-346124
Par Liberté Algérie - par Rédaction Nationale le 24/09/2020
Le phénomène de la harga connaît un rebond inquiétant
Des centaines de personnes, issues de différentes catégories sociales, tentent tous les jours la traversée de la Méditerranée à la recherche d’une vie meilleure. Face au drame, l’état demeure impuissant.
L’épisode tragique qu’a connu l’Ouest du pays la semaine passée où dix harragas étaient repêchés par les gardes-côtes de la marine nationale et l’interception de près de 500 personnes qui s’apprêtaient à traverser clandestinement la Méditerranée vient rappeler, si besoin est, le rebond inquiétant du phénomène de la “harga”.
Régulièrement, des départs massifs sont signalés. Le dernier en date est celui qui a vu l’arrivée sur les côtes espagnoles de près de mille personnes, à en croire la presse ibérique. Cette recrudescence de la traversée de la Méditerranée vient confirmer que ce “fléau” mortel est loin d’être une vague passagère. Il est structurel.
Il n’ast pas propre à l’Algérie ; il concerne un certain nombre de pays en proie à des crises multiformes. Cette “massification” du mouvement migratoire irrégulier s’accompagne par une mutation du profil des migrants.
Il ne touche pas seulement la catégorie des jeunes désœuvrés, il draine également de nouvelles tranches d’âge et catégories sociales. De plus en plus de femmes risquent le pari en prenant des embarcations de fortune, emportant leurs enfants en bas âge.
Des spécialistes parlent aussi des personnes en situation sociale “aisée” qui traversent clandestinement les frontières maritimes pour rejoindre le Nord. La crise sanitaire qui contraint les pays à fermer leurs frontière aériennes, maritimes et terrestres n’a pas dissuadé les candidats à l’immigration. Il est à s’interroger si justement cette fermeture n’a pas été un accélérateur du phénomène.
D’autant que dans les pays de destination, les mesures de refoulement ou d’extradition sont comme suspendues en raison de la pandémie. C’est le cas de l’Espagne, pays fortement touché par le coronavirus, qui avait décidé de ne pas mettre les migrants – arrivés clandestinement sur son sol – dans les centres de rétention. Ils sont lâchés dans la nature.
Ce qui a sans nul doute créé un appel d’air. Il faut aussi dire que des deux côtés de la Méditerranée, les autorités publiques sont souvent dépassées par, à la fois l’ampleur du phénomène, mais surtout par la capacité des migrants et aussi celle des réseaux de passeurs à contourner les multiples “barrages”.
“Les candidats à la migration et les passeurs ont toujours une longueur d’avance sur les gardes-côtes. Ils connaissent les failles, anticipent la réaction des polices et surtout maîtrisent les voies de passage”, reconnaît un spécialiste de la question migratoire.
Il est évident que, jusque-là, les mesures de restriction ou de sanctions adoptées par les différents gouvernements peinent à mettre à un terme, du moins à réduire l’ampleur du phénomène. Les lois punitives semblent en tout cas insuffisantes comme en témoigne les candidats récidivistes.
Il faut dire que cette problématique n’est abordée que sous l’angle “sécuritaire”, négligeant les multiples et complexes raisons qui conduisent de plus en plus de personnes à sauter dans la mer. Comme il y a lieu de préciser que le phénomène est transnational et qu’il ne peut être traité au niveau de chaque pays séparément.
Seule une coopération entre les gouvernements en associant les sociétés civiles et des spécialités qui depuis des années scrutent le phénomène que l’on peut réellement endiguer ce drame qui se joue en Méditerranée qui “avale” régulièrement des centaines de personnes.
Les Etats sont appelés en mettre en synergie leurs efforts et surtout à s’appuyer sur les travaux de recherche menés par des spécialistes qui n’ont cessé d’alerter sur la problématique de la migration qui doit être aujourd’hui plus que jamais inscrite au cœur des préoccupations majeures des politiques publiques.
L’Algérie, qui était dans un passé récent un pays de “transit”, est devenue un producteur de migration clandestine. Pour cela, elle ne peut faire l’économie d’un débat national.
R. N.
Les frères Kouninef condamnés à des peines allant de 12 à 20 ans de prison ferme
Envoyé par Babette
https://www.liberte-algerie.com/actualite/les-freres-kouninef-condamnes-a-des-peines-allant-de-12-a-20-ans-de-prison-ferme-346063
Par Liberté Algérie - l Par M. Rédaction Web - 16 jillet2020
Avec la saisie des biens à l'intérieur et à l'extérieur du pays et des amendes de 8 millions de DA
Le Tribunal de Sidi M'hamed d'Alger a condamné, ce mercredi, les frères Kouninef à des peines allant de 12 à 20 ans de prison ferme avec la saisie des biens à l'intérieur et à l'extérieur du pays et des amendes de 8 millions de DA.
Après un procès qui s'est déroulé du 9 au 14 septembre, le Tribunal a condamné Réda à 16 ans de prison ferme, Tarek-Noah à 15 ans de prison ferme et Abdelkader-Karim à 12 ans de prison ferme.
Le gérant du groupe KouGC dont les frères Kouninef sont les propriétaires, Keddour Ben Tahar a quant à lui été condamné à 8 ans de prison ferme.
Les quatre accusés doivent payer une amende de 8 millions de DA chacun, et leurs biens à l'intérieur et à l'extérieur du pays seront saisis, selon le verdict prononcé par la juge.
Leur sœur Souad-Nour Kouninef (en fuite à l'étranger) a été condamnée à 20 ans de prison ferme, avec la saisie des biens à l'intérieur et à l'extérieur du pays, et une amende de 8 millions de DA. Le Tribunal a ordonné le lancement d'un mandat d'arrêt international contre elle.
Les autres personnes impliquées dans l'affaire, essentiellement des cadres des ministères de l’Industrie, de l’Agriculture, des Ressources en eau, de l’Energie et des Télécommunications ainsi que d’autres secteurs où le groupe KouGC a obtenu des marchés, ont été condamnés à des peines allant de 18 mois à 3 ans de prison ferme et des amendes allant de 200.000 DA à un million de DA. La défense a décidé de faire appel du jugement.
Pour rappel, les frères Réda, Abdelkader-Karim et Tarek-Noah Kouninef, ainsi que le gérant du groupe KouGC, Keddour Ben Tahar, sont poursuivis pour plusieurs chefs d'inculpation dont "trafic d'influence", "blanchiment d'argent", "obtention d'indus avantages", "détournement de fonciers et de concessions", et "non-respect des engagements contractuels dans la réalisation de projets publics".
Rédaction Web
Volé en 1996, récupéré et exposé à Alger depuis 2014
Envoyé par Roxane
https://www.elwatan.com/regions/est/annaba/vole-en-1996-recupere-et-expose-a-alger-depuis-2014-le-masque-de-la-gorgone-retrouve-le-forum-dhippone-regius-27-08-2020
Le Quotidien l Par M Mohamed Fawzi Gaidi 27 août 2020
Le masque de la Gorgone retrouve le forum d’Hippone Regius
Enfin, après 24 ans, le masque de la Gorgone a été restitué officiellement avant-hier au site antique Hippone de Annaba. La cérémonie de cet important événement a été tenue en présence de Malika Bendouda, la ministre de la Culture, le wali et le directeur de la culture de Annaba.
Avant de reprendre sa place sur son site initial, ce masque antique était exposé au Musée national des antiquités à Alger depuis 2014, au lendemain de sa récupération de la Tunisie. Cette dernière l’avait restitué à l’Etat algérien au terme d’une cérémonie officielle tenue le 6 avril 2014 au musée de Carthage, dans la capitale tunisienne.
Pour ce faire, un procès verbal de restitution avait été signé par Khalida Toumi, l’ancienne ministre algérienne de la Culture, et Mourad Sakli, son homologue tunisien de l’époque, avons-nous appris du musée d’Hippone de Annaba. Bien emballée dans une caisse en bois, cette pièce archéologique de 320 kg en marbre blanc et d’une envergure d’un mètre de longueur et 0,80 m de largeur a retrouvé le forum d’Hippone où elle avait été volée en mars 1996. «A l’époque, l’Algérie était en pleine décennie noire et celui qui avait dérobé le masque de la Gorgone avait profité du manque de vigilance et réussi à le faire passer à travers les frontières terrestres vers la Tunisie. Avant sa disparition, il ornait la façade d’une fontaine publique aux abords du forum de l’antique Hippone Regius», expliquent les archéologues sur place.
Découvert en 2011 dans la résidence de Sakher El Materi, le gendre de Zine El Abidine Ben Ali, l’ex-président tunisien déchu après la révolution tunisienne, ce masque archéologique a été authentifié à la faveur d’une mission spéciale d’un groupe d’experts relevant du ministère algérien de la Culture, dépêchée en 2012 en Tunisie pour la circonstance.
Parmi eux, l’ancien conservateur du musée de Annaba et non moins historien Saïd Dahmani, qui a reconnu le masque de la Gorgone. Les autorités algériennes avaient formulé officiellement une demande de restitution, selon les dispositions d’une convention internationale de l’Unesco prévoyant ces cas de figure, dont l’Algérie et la Tunisie sont signataires.
A cette demande, les autorités tunisiennes avaient répondu favorablement en prenant toutes les dispositions nécessaires pour que l’Algérie reprenne son bien, appartenant à son patrimoine culturel. D’une valeur inestimable, cette pièce archéologique avait été mise au jour en 1930, durant la période coloniale, lors de fouilles menées par l’archéologue français Pierre Choupaut.
Une antiquité parmi tant d’autres volée au patrimoine culturel algérien, qui a également servi, en tant que pièce à conviction, dans le procès d’El Materi, ouvert en décembre 2011 à Tunis.
Mohamed Fawzi Gaidi
Retour en force des migrants clandestins
Envoyé par Maurice
https://www.liberte-algerie.com/est/retour-en-force-des-migrants-clandestins-345965
Liberté Algérie - Par M. Chabane BOUARISSA - 22/09/2020
Le phénomène n’est pas propre à Bordj Bou-Arréridj
Ils ne cherchent pas de travail, ni à s’installer, mais juste passer quelques mois en mendiant pour amasser le maximum d’argent.
Faute de pouvoir rejoindre l’Europe, les migrants subsahariens se sont installés en Algérie et surtout dans les villes où la générosité de ses habitants est grandiose. “Avant, on visait l’Europe, mais maintenant beaucoup restent en Algérie en quête d’une vie meilleure”, résume cette femme d’une vingtaine d’années qui porte son enfant sur son dos et des sacs en plastique à la main. Depuis qu’elle est arrivée à Bordj Bou-Arréridj avec son mari et ses proches, en pleine crise de la pandémie du coronavirus, elle a trouvé une terre d’accueil. “Nous mangeons à notre faim, nous sommes mieux habillés et surtout pas inquiétés”, résume-t-elle.
En effet, l’Algérie est leur nouveau terrain de prédilection depuis qu’ils ont appris de la part de certains d’entre eux que les Algériens sont généreux ; voilà pourquoi ils viennent en masse, avec femmes et enfants. Pourtant, rien de la situation au Niger actuellement, ne justifie ce déferlement de migrants sur Bordj Bou-Arréridj ! Ces dernières années, ces migrants ne cherchent plus de travail ni à s’installer définitivement, mais juste passer quelques mois en mendiant pour amasser le maximum d’argent et de choses avant de faire le trajet du retour gratuitement (reconduits à la frontière par les autorités).
“C’est mon cinquième va-et-vient entre Arlit et l’Algérie”, précise cette femme qui semble très à l’aise dans notre pays. Comme chaque matin, la jeune maman, mendie aux fenêtres des voitures, à un carrefour, au pied d'un feu rouge, en plein centre-ville de Bordj Bou-Arréridj. Elle n’est pas la seule. Elle est assistée par d’autres femmes et enfants qui se partagent les voitures et les passants. Ce genre de manège auquel se livrent ces femmes et enfants se multiplie dans les rues de l'agglomération bordjienne.
Aux feux tricolores, aux carrefours, postés parfois durant des heures, ils sont des dizaines à tenter de forcer la pitié par leurs demandes insistantes. Ils ont appris quelques mots en arabe, en argot et même en amazight pour pouvoir amadouer les passants. Les Bordjiens, comme tous les Algériens, éprouvent beaucoup de compassion envers ces étrangers qu’ils aident au mieux, mais se demandent sur l’étrange facilité avec laquelle ils ont atterri dans la région.
“Ces migrants, en provenance du Niger, ne sont pas des réfugiés de guerre ou des sinistrés de la sécheresse, mais plutôt des mendiants professionnels qui se livrent à cette activité depuis toujours dans leur pays”, dira Mokhtar, un enseignant à l’université qui ajoute : “Comment expliquer que les femmes et les enfants s’adonnent à cette activité ‘mendicité’ et les hommes, d’ailleurs ceux qu’on voit ont toujours un téléphone collé à l’oreille ?” Pour confirmer les dires du chercheur, nous avons demandé à notre interlocutrice de nous parler de son mari, mais en vain. Il est avec elle, mais lui reste loin.
Ils se rencontrent le soir dans leur camp de fortune installé à la sortie ouest de la ville, dans une petite forêt où ils trouvent presque toutes les commodités : lampadaires allumés toute la nuit, des places pour dormir en sécurité, des endroits pour cuisiner, des toilettes à l’air libre et surtout ils sont loin des regards. “Ce n’est pas le seul endroit. À Bordj Bou-Arréridj, il y a aussi la forêt Boumergued, située à la sortie est de la ville, les bâtiments en chantier et les bâtisses en construction”, dira Adel, un bénévole d’une association caritative locale. “C'est de la mendicité organisée. Les mêmes personnes qui reviennent chaque fois avec de nouveaux enfants et de jeunes femmes encadrées par une vieille.
Quant aux hommes, ils se font discrets et gèrent la troupe de loin et par téléphone”, précise-t-il. La multiplication des dispositifs de contrôle et de reconduite à la frontière n’ont pas, à l’évidence, réussi à juguler cette migration clandestine. Les responsables, pour le moment, continuent de tolérer cette migration clandestine, entrecoupée d’opérations ponctuelles, d’arrestations et de reconduites aux frontières, signe manifeste qu’ils n’ont pas trouvé de solution à ce problème qui risque d’épuiser la région qui est déjà très affectée par une crise économique causée, surtout, par la pandémie du coronavirus. Pour de nombreux citoyens, les autorités doivent agir rapidement pour régler ce problème de mendicité organisée.
Chabane BOUARISSA
L’Exécutif mise sur une exploitation accrue des gisements souterrains
Envoyé par Charles
https://www.elwatan.com/edition/economie/lexecutif-mise-sur-une-exploitation-accrue-des-gisements-souterrains-les-ressources-minieres-ou-lapres-petrole-23-09-2020
Liberté-Algérie - Par Ali Benyahia le 23 septembre 2020
Les ressources minières ou l’après-pétrole
L’Algérie, qui a produit quelque 58 kg d’or en 2020, affiche l’ambition de porter sa production, dans un premier temps, à 240 kg, soit six fois plus que son niveau actuel
L’après-pétrole a-t-il déjà commencé ? C’est du moins ce que l’on retient de la philosophie de l’Exécutif actuel, qui semble prêt à mettre les bouchées doubles dans l’exploitation des autres richesses minières que l’or noir, à l’heure où l’Algérie fait face à une situation difficile sur le plan économique.
Le ministre des Mines, désormais un portefeuille ministériel à part entière, a dès hier embrayé sur la réunion du Conseil des ministres, tenue la veille, pour étaler la nouvelle politique en tant que chantier très prioritaire. Invité de la Radio, lundi dernier, le ministre du secteur, Mohamed Arkab, compte bien relancer la production aurifère en Algérie.
Dévoilant le niveau de production national du métal jaune, qui ne dépasserait pas 58 kg en 2020, il considère que celui-ci est «très faible» par rapport au stock national qui, selon lui, dépasse actuellement les 121 tonnes.
Son objectif ? Il s’engage à augmenter la production à 240 kg par an dans une première étape. Mais sans donner de calendrier. Et pour cela, il affirme que cet objectif sera réalisé à travers la mise en place, depuis trois mois, de 95 micro-entreprises dans l’exploitation aurifère dans les régions d’Illizi et de Tamanrasset. Selon l’APS, son département avait élaboré, en collaboration avec le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des Micro-entreprises, un cahier des charges qui couvre cette opération et prend en charge la pose de jalons et de bases qui permettent la création de ces micro-entreprises, où les jeunes et artisans sont formés dans ce domaine.
Aussi, des experts de l’Agence nationale des activités minières (ANAM) ont-ils récemment effectué, en compagnie de spécialistes du service de la cartographie minière et géologique, une action de terrain pour déterminer les régions où l’or avait été découvert, ce qui a permis de recenser 95 régions jusqu’à présent, allant de 6 à 400 ha.
Le cahier des charges relatif à la création de ces micro-entreprises prévoit, selon la même source, des conditions rigoureuses qui interdisent aux jeunes activant sur le terrain d’exploiter les produits chimiques, au vu de leurs dangers sur leur santé et sur l’environnement. De même qu’elles leur interdisent le concassage des roches contenant de l’or. L’activité de ces jeunes se limite à la collecte des roches sédimentaires contenant de l’or, à remettre à l’Entreprise d’exploitation des mines d’or (ENOR) pour exploitation. Le ministre a en outre souligné l’impératif d’actualiser la loi minière en vigueur afin de la rendre «plus attractive» pour les investissements, précisant que l’exploitation des ressources souterraines ne se limitait pas à l’or mais concernait tous les métaux, d’où la nécessité, a-t-il dit, d’actualiser et de développer la cartographie minière de manière à garantir l’exploitation optimale des mines, d’intensifier l’activité minière et de l’adapter davantage à la stratégie minière du pays.
Comme il a aussi fait état de la nécessité d’augmenter rapidement la production des matières premières pour couvrir les besoins du marché national, réduire leur importation et lancer les activités de transformation de ces matières. M. Arkab a, par ailleurs, relevé que l’Algérie accusait un grand retard en matière d’exploitation minière, évoquant l’importation de 31 matières destinées à l’industrie manufacturière pourtant disponibles dans notre pays.
Les nouvelles stratégies prévoient un réexamen des mines disponibles car, a-t-il dit, de nouvelles technologies sont nécessaires pour produire les matières premières et répondre aux exigences de l’industrie manufacturière.
Des questions restent tout de même en suspens quant à savoir comment ces entreprises ont vu le jour et quelle est la valeur de production sur laquelle on table. Le secteur minier en Algérie a jusqu’ici toujours été entouré de mystère, tandis que la recherche de l’or dans le Grand Sud s’est effectuée dans des conditions peu transparentes. A-t-on jamais fait un bilan sur les entreprises qui ont opéré dans ces zones ? Un effort de transparence est requis sur la production des minerais précieux et par qui ? Aussi doit-on aujourd’hui savoir ce qu’on en a fait.
Ali Benyahia
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Il me reste un pays
Envoyé Par Fabien
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Il me reste un pays à te dire
Il me reste un pays à nommer
Il est au tréfonds de toi
N’a ni président ni roi
Il ressemble au pays même
Que je cherche au coeur de moi
Voilà le pays que j’aime
Il me reste un pays à prédire
Il me reste un pays à semer
Vaste et beau comme la mer
Avant d’être découvert
Puis ne tient pas plus de place
Qu’un brin d’herbe sous l’hiver
Voilà mon jeu et ma chasse
Il te reste un pays à connaître
Il te reste un pays à donner
C’est un pont que je construis
De ma nuit jusqu’à ta nuit
Pour traverser la rivière
Froide, obscure, de l’ennui
Voilà le pays à faire
Il me reste un nuage à poursuivre
Il me reste une vague à dompter
Homme, un jour tu sonneras
Cloches de ce pays-là
Sonnez, femmes, joies et cuivres
C’est notre premier repas
Voilà le pays à vivre
Il nous reste un pays à surprendre
Il nous reste un pays à manger
Tous ces pays rassemblés
Feront l’homme champ de blé
Chacun sème sa seconde
Sous l’amour qu’il faut peler
Voilà le pays du monde
Il nous reste un pays à comprendre
Il nous reste un pays à changer
Auteurs: Gaston Rochon / Gilles Vigneault
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Notre liberté de penser, de diffuser et d’informer est grandement menacée, et c’est pourquoi je suis obligé de suivre l’exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d’information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d’expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
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