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LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
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EDITO
ENFIN, LES VACANCES !!!
Les vacances d'été arrivent et cette année, encore mieux que les autres années, nous allons les apprécier et les chérir !!!
Ces derniers jours de canicule du mois de juin nous ont donné un avant-goût des journées estivales avec l'impatience de partir au bord de mer se faire rôtir ou en montagne avec un peu de fraîcheur afin d'oublier la période de confinement. Ces vacances vont inciter à des réflexions, de recherche de vérités, à faire aussi de ces vacances une période de ressourcement et de nouveaux comportements dans tous les actes de la vie quotidienne.
" La vérité dépend-elle de l'outil ou de l'esprit qui s'en sert ? "
(Citation reçue.)
Oui, mais… nous ne sommes pas tous en vacances en juillet et en août ! Il faut penser à ceux qui assureront les services journaliers de santé, de restauration, d'hôtellerie, de sécurité, d'approvisionnement alimentaire agricole et industriel, d'artisanat avec les ouvriers, etc…
Une autre catégorie qui ne sera pas tout à fait en vacance, ce sont les élus qui doivent se remettre au boulot. Actuellement, un remaniement ministériel occupe les esprits des politiques. Le remplacement ou non du Premier Sinistre fait partie de leurs préoccupations surtout avec la mini vague verte des municipales tronquées depuis le début et qui accélèrera la descente aux enfers.
Olivier Biscaye, directeur de la rédaction de Midi Libre, brocarde les " y'a qu'à, faut qu'on " dans un édito de juin.
On a vu, ces moralisateurs ou " philosoeufs ", sur les plateaux télé et sur les réseaux sociaux avec Internet avant et pendant le confinement, donnant toutes sortes de conseils et diffusant sornettes, contre-vérités, affirmations, mensonges et démentis sans aucune vergogne.
Chercher à se justifier quand on n'est pas coupable, c'est s'accuser.
(Proverbe arabe)
Ils ont été aidés par les " merdias " et leurs flots incessants de peur, de catastrophisme, de décompte des morts. Ils ont pris un pouvoir et ont manipulé le peuple apeuré qui malheureusement en a reconduit beaucoup lors des municipales.
Les six mois que nous venons de vivre laisserons des traces dans les esprits qui n'étaient pas préparés parce que depuis au moins deux générations le travail de préparation en amont n'a pas été fait. Il ne fallait pas bousculer les enfants et leur apprendre les dures réalités de la vie, ils ont abusé du progrès, poussés par l'industrialisation à outrance avec tout son gaspillage. Plus de morale aussi bien dans les relations humaines que dans l'économique et en plus avec une Education Nationale hors course et démobilisée. Où sont les instituteurs et professeurs d'autrefois ?
Si au moins, le peuple pouvait prendre conscience que ce test " Coronavirus " n'est qu'un début car il y en aura d'autres avec des dommages collatéraux bien plus gros. Les dirigeants préparent des changements qui vont bousculer la vie de beaucoup de monde si le peuple n'y prend pas garde en restant aveugle et sourd aux réalités implacables, il s'en mordra les doigts car sa civilisation disparaîtra.
Le peuple est responsable de ses choix et c'est à lui d'aller vers l'avant et de foutre en l'air ceux qui le ruinent, qui lui enlèvent sa liberté d'expression, etc.
Celui qui veut réussir trouve un moyen
Celui qui ne veut rien faire trouve une excuse.
(Proverbe arabe)
Profitez des vacances car la rentrée sera une autre histoire avant l'histoire 2021.
Jean Pierre Bartolini
Diobône, A tchao.
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GOLONDRINAGATE
GILBERT ESPINAL
ECHO D'ORANIE - N°256
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Angustias et la Golondrina remontaient le Boulevard des Italiens - Qu'est ce que t'y as, Golondrina, à lécher les vitrines comme ça ? S'exclama la première ; Tes z'yeux y s'exhorbitent ; on dirait que t'y as jamais rien vu ! Qu'est-ce qu'elle a cette bijouterie que t'y es collée devant qu'on dirait une mouche sur du papier gluant, Tu veux olduper la boutique ou quoi ?
- C'est pas la bijouterie que ça m'intéresse, rétorqua la Golondrina; c'est pas les bijoux non plus ; c'est le bijoutier que y a en dedans du magasin !
- T'y as la touche ? Ricana Angustias.
- C'est pas moi que je l'ai ! Protesta la Golondrina : c'est lui qu'y l'a après moi ! Je suis venue il y a trois ou quat' semaines et j'ai reluqué, dans le présentoir que y a à main gauche, un bracelet qu'il devait m'aller comme un gant, en or massif plaqué argent pour pas que ça fasse nouveau riche ; comme je venais de toucher mon allocation tierce-personne, je me suis dit que je pouvais faire une folie. Je suis rentrée dans le magasin : derrière le comptoir y avait le patron, un type entre deux z'âges, chauve et lippu. Tout de suite, y m'a matée avec des z'yeux de loup ravisseur, comme ceux de Poivre d'Arvor quand, après les z'informations de huit heures, y dit "Bonne soirée à tous". Je l'y ai demandé à essayer le bracelet; y m'a fait : "C'est pour le poignet ou la cheville ?" ; et il a commencé à m'embobiner avec des paroles et avec des gestes ; plus y m'embobinait avec sa bouche et plus je remarquais qu'il était chauve et lippu Ses mains elles restaient pas en place : elles z'allaient d'un côté à un aut', d'un côté à un aut' tandis que j'avais à peine la force de lui balbutier que le bijou, il était trop cher pour moi. Il a eu une seconde d'hésitation mais il était déjà tellement hors de lui-même, qu'il a continué à me palper sur toutes les coutures. Ses mains parcoureuses franchissaient tous les axes de mon corps...
- Qué sipoté, s'encolera Angustias, t'y aurais pas pu lui fout un coup de pied avec tes chaussures là où ça pardonne pas aux z'hommes ?
Déjà j'étais sans chaussures et j'osais plus bouger de tellement que j'étais ax, gémit la Golondrina profondément émue par le rappel de son calvaire. Je l'y ai répété que le bracelet était trop cher pour moi et y m'a répondu en bavant presque : "Je vous ferai des prix et vous me rembourserez les traites à tempérament ! Tous les mois vous viendrez me voir et je vous ferai cracher au bassinet".
Et tout en me disant ça - que d'une certaine façon ça me rassurait - y m'entraînait vers l'arrière boutique. un atelier-entrepôt. en me serrant les poignets en me tirant presque comme une morte car je pouvais pas z'avancer, avec mon corset délacé et mon panty qu'y me tombait jusque sur mes mollets. Le type y me murmurait à mes z'oreilles "Je vais vous essayer le fermoir !"
- Y t'a violée, alors ! S'écria violemment Angustias
- Ça je voudrais sa'oir moi ! Répondit la Golondrina sur un ton non moins violent.
Que si y m'a violée et contreviolée je puisse porter plainte à qu'y finisse ses jours à Cayenne, pasque main'nant, les femmes c'est pas comme avant, qu'avant elles z'avaient les bouches cousues...
- Et y a un mois que ça s'est passé et c'est aujourd'hui que tu vas découdre la tienne ? Ricana Angustias.
- Dix ans après on peut encore ! triompha la Golondrina. T'y as qu'à écouter ça qu'elle te dit Hildegarde Impérial ; et toutes ces ministresses qu'elles siègent dans les cabinets. Toutes elles sont la bouche ouverte à te répéter "Allez avec les z'hommes que si vous êtes consentantes ! Y faut faire ci et y faut pas faire là". T'y as vu toutes ces interdictions qu'elles z'imposent. L'une elle veut que tu roules qu'à quarante à l'heure ; faut' elle interdit les pots qui crachent, l'une elle veut pas que tu chasses, faut elle voue hégémonies (1) le courant nucléaire. Quelles bénédictions toutes ces interdictions ! C'est pas comme avant où les z'hommes y z'avaient qu'à dire "Marie couche toi là" et toi, y fallait que t'y attende le bon plaisir de Monsieur. Maintenant tu peux dire toi "Jules couche toi là et si ça me chante dans z'un moment je viendrai te jouer la romance !"
- Golondrina, fit Angustias sévèrement, toi t'y es en train de noyer le poisson à me raconter les histoires de Périco los Palotès (2) mais tu me dis pas si le type il a abusé de toi !
- Ma fi' ! à l'heure actuelle je suis incapab' de te dire ça qu'y s'est passé ! Ce que je sais c'est qu'il était là contre moi à s'agiter comme un diab' dans z'un bénitier et que, tout d'un coup, y a un client qu'il est rentré dans le magasin et qu'il a crié à la cantonade " y a personne "? Moi, j'ai répondu par un râle d'agonisante de tellement que j'étais outré du culot du bijoutier. "J'arrive ! il a répondu mon tortionnaire, d'une voix forte en s'activant de plus belle à l'abri du rideau de perles. J'en ai pour une seconde !". Le client y s'est impatienté et y s'est avancé pour `oir et y m'a vue à demi morte...
- A demi-nue ? elle a interrogé Angustias.
- Non ! Tout à fait ! Et je m'en étais même pas rendu compte. Même mon wonderbras (3) il avait volé en éclat ! Le client il est rentré dans la pièce, il a pris le bijoutier par le colbac et y l'y a dit d'une voix terrible' "Mais vous vous prenez pour Bill Clinton ma parole ! C'est la version française du Moni-cagate à laquelle j'assiste. C'est pire à Paris qu'à Washington ! Il faut que je téléphone d'urgence à Kenneth Starr (4) à qu'il vienne relever les similitudes et vous coller une amende amère pour attentat à la pudeur dans un lieu reculé mais public. Ramassez vos caleçons, vieux saligaud, à que je vous remonte les bretelles". Déjà y avait un attroupement devant la porte de la bijouterie. J'étais là, mes affaires éparpillées derrière le comptoir et dans l'atelier; avec un cheveu on m'aurait étranglée !
- Mais t'y étais pas consentante ? Elle l'y a glissé Angustias.
- Qué consentante ni otcho quarto ! Elle s'est rebiffée la Golondrina. Cet homme c'était le diab' !
- Toi qui te vantes, depuis que Joaquitin, t'a plaquée pour rester avec Travadja (5), sa mouquère que y a pas plus vierge que toi !
- Qu'est-ce tu veux ma fi", elle a philosophé la Golondrina, y a des jours où on est plus vierge que d'aut' !
- Alors comme ça s'est terminé ton aventure ? Elle a interrogé Angustias.
- Pos, tous les espectateurs y voulaient lyncher le bijoutier en attendant la police.
Moi je faisais que dire aux gens qui me demandaient des explications : "Je suis innocente comme l'agneau qui tête encore sa mère de ça qu'y m'arrive ! Le type y m'a attaquée en traître pour me déshonorer en cachette ! "Les insultes pleuvaient sur mon abuseur. Lui y protestait et plus y protestait plus les gens voulaient lui faire la peau. Pour se défendre, y faisait que dire "Et vous allez croire tout ce que vous dit cette bonnasse ?"
- T'y est sûre qu'il a dit bonnasse ? Elle l'y a interrogé Angustias, pasque tu sais, au jour d'aujourd'hui bon et con ça commence par la même lettre !
- Dans la foule, reprit la Golondrina, y avait une vieille jalouse qu'elle a lancé à la cantonade en me désignant du doigt "Pour que cette greluche elle soit aussi à poil que ça, y faut croire qu'elle aussi elle a trouvé son compte !" J'avais beau nier la plupart des femmes de l'attroupement elles se sont mises à partager cette opinion.
Y a eu des cris hostiles à mon encontre. A la fin, le type qu'y m'avait tiré des griffe du bijoutier y m'a dit "Enfilez quelque chose et sauvez vous par la porte de derrière pasque toutes ces envieuses elles vont finir par vous faire un mauvais sort. "Enfiler quoi ? Je l'y ai murmuré moi plus apeurée qu'une rate ? Si je sors d'en prendre ! "Je sais pas, y m'a rétorqué le type ! Enfilez déjà le bracelet en inox que ça faisait l'objet du litige et mettez un voile sur votre nudité, qu'avec tout ce monde ça finit par faire escandaleux !. J'ai mis le casaquin que ma mère elle m'a tricoté l'hiver dernier et qu'il avait glissé derrière une horloge comtoise et, après m'être assuré que dans la poche y avait toujours mon allocation tierce personne roulée en boule, j'ai pris la poud' d'escampette. Je me suis retrouvée sur le trottoir au milieu d'une populace compacte.
- Et t'y avais que le gilet sur toi! sauta Angustias. T'y avais rien pour te cacher le bas ?
- J'ai pas eu le temps, gémit la Golondrina.
- Et comme t'y as fait pour circuler ? Sauta Angustias.
- Pos, j'ai mis les mains dans les poches pour tirer le tricot à qu'y me cache le devant
- Et comme t'y as fait pour' les fesses, interrogea Angustias.
- Comme elles z'étaient derrière je les voyais pas ! Répliqua la Golondrina. J'ai marché vite pour qu'on remarque rien !
- Tout le quartier y devait te suiv' en rigolant ! Sauta Angustias.
- Personne ne s'est aperçu de rien, déclara la Golondrina. Tu sais, à Paris tout ça passe !
- Et tes seins ?
- J'avais du mal à les contrôler mais comme main'nant la mode c'est qu'y soient à l'air, je suis passée inaperçue. Y a qu'un japonais qu'il a dit à sa japonaise "C'est un modèle de Jean-Paul Gaultier". J'étais mal-heureusement suivie par un pitzbull à l'air féroce qu'y marchait sur mes talons. Chaque fois que je m'arrêtais au bord d'un trottoir en attendant le feu vert pour traverser la rue, y me glaçait le corps avec sa truffe. J'ai cru que j'allais mourir...
- Et quand t'y es retournée chez ta mère tu l'y as raconté. Elle a du sauter au plafond !
- Elle était dans la cuisine en train de faire des migas. J'ai pu me glisser dans ma chambre sans faire de bruit. Je l'y ai parlé de rien ; même sur le bracelet je l'y ai pas dit un mot.
- Et te voilà de nouveau devant la vitrine de ton bijoutier ; Qu'est-ce tu veux faire ? Lui rend' le bijou ?
- Non fit la Golondrina, je voudrais lui régler la première traite. Après tout c'est pas parce que ce sauvageon (6) a commis une incivilité (6) à mon encontre qu'il faut que je soye malhonnête avec lui.
(1) C'est bien sur aux gémonies que veut dire la Golondrina
(2) Personnage imprécis de la mythologie oranienne. On l'évoque quand on a personne d'autre à évoquer cela pourrait être traduit par Pierrot les PINGLOTS.
(3) Soutient gorge avantageux, en plus ou en moins, que l'on trouve chez tous les spécialistes.
(4) Procureur américain qui a pris Clinton dans le collimateur.
(5) Comme chacun sait, Joaquitin, ex-mari de la Golondrina est demeuré à Tamanrasset après l'exode. Il y tient une pompe à essence. Il vit en concubinage avec une indigène inconnue du patio. La grand-mère a baptisé celle-ci Travadja.
(6) Vocabulaire tiré de la sémiologie de la gauche plurielle.
GILBERT ESPINAL
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Histoire navrante de démobilisation
Un père de famille malade est abandonné
La démobilisation se poursuit lentement, classé par classe, rendant à leurs foyers de braves poilus qui, durant plus dé quatre années, ont couru tous les dangers, enduré toutes les souffrances, pour amener nos irréconciliables ennemis à reconnaître que la force employée au service du droit peut avoir raison de la force brutale au service de la barbarie.
Demain, les poilus, redevenus citoyens ; vont vaquer à leurs anciennes occupations ayant pour toute fortune les 52 francs, montant de l'indemnité de vêtement, le rappel à 0 fr. 50 par jour à dater du 1er octobre 1918, le montant du ou des carnets de pécule, l'espoir de l'indemnité de 250 francs, et leurs infirmités.
Ceux qui ont, en effet, mené la rude vie des poilus, durant près de cinq ans, savent que ces années comptent double ou triple dans l'usure du corps et que tel qui a échappé à la balle, aux éclats d'obus, aux gaz toxiques, a eu à souffrir de la malaria, de la sciatique ou des rhumatismes desquels il se ressentira toujours, malgré un air apparent de bonne santé, au moment de son renvoi dans ses foyers.
Il en est d'autres que la démobilisation a surpris, les uns dans les hôpitaux, les autres au moment ou ils sortaient de ces hôpitaux, imparfaitement guéris, et l'ordre étant formel, on les a renvoyés chez eux dans l'état ou ils se trouvaient, sans se soucier un instant qu'ils portaient des germes morbides et qu'en tout cas ils allaient être à la charge de leur famille.
Cette manière désinvolte de traiter les défenseurs de la Patrie, bien souvent pères de famille n'a rien d'humain et donne une piètre idée de la soit-disant sollicitude qu'on avait des poilus quand il fallait qu'ils le soient. Resplendissants de gloire, hier, jouets inutiles, aujourd'hui, comme ces bouquets splendides qu'on hume avec délice et qu'on rejette avec dédain quand ils ont perdu leur éclat et leur parfum. Cette comparaison paraît ridicule et pourtant, elle est juste autant que la question est grave.
Pour en arriver à traiter de choses aussi pénibles, il faut vraiment que nous ayons matière à récrimination, sans quoi nous nous ferions un crime de badiner sur un sujet aussi sérieux et comme, avons trop dit pour pouvoir nous taire, nous allons expliquer, tout au long, pourquoi nous avons écrit ce préambule amer.
Voici la lettre qui en est l'auteur :
"Monsieur le Directeur du "Mutilé",
Je viens très respectueusement solliciter votre généreux concours pour ce qui suit :
Mon époux, Akim Màklôuf, né à Oran, le 27 mars 1872, a été mobilisé le 6 septembre 1915 et affecté au 1er Zouaves, à Alger.
Deux ans après, il contracta une bronchite qui devint chronique, car il était alors gardien aux voûtes et couchait sur les quais, à l'humidité.
Il fut soigné à l'infirmerie et réintégra son corps. Vers le mois de décembre 1918, il fut atteint de douleurs sciatiques et fut encore soigné à l'Infirmerie. Le 10 janvier 1919, il était démobilisé avec la classe 1892 et renvoyé dans ses foyers.
Depuis, mon mari est complètement paralysé de tous les membres et même de la langue. Jugez de mon désespoir, moi, mère-de famille ; de cinq enfants, privée de santé et obligée dé subvenir aux besoins de mes jeunes enfants avec mon mari à ma charge, dont le traitement m'oblige à des dépenses énormes.
" Je me suis adressée au bureau de la place, pour solliciter une consultation médicale d'un major militaire, ce qui, m'a été refusé.
" Je me suis alors adressée au général en chef, même réponse négative.
" La cessation des allocations va bientôt avoir lieu, jugez, de ce que je vais devenir avec cinq enfants, un mari infirme et dépourvue de toute ressource.
" Je me recommande à votre haut esprit de justice, Monsieur le Directeur, pour intervenir en faveur d'une famille digne de mérite et d'intérêt.
"Agréez, etc.... "
Nous avons cette lettre et les deux lettres adressées par Mme Akim à la Place et à la Subdivision. Les réponses sont polies, mais des plus catégoriques :
"Votre mari Etant démobilisé ne petit recevoir, les soins d'un médecin-major.
Nous n'avons pas été du même avis et considérant que la démobilisation partielle faite non pas en période de paix, mais en plein Armistice, c'est-à-dire pendant une époque qui peut nous amener à la paix, tout aussi bien qu'au retour de l'état de guerre ; attendu que les feuilles qui sont délivrées aux hommes renvoyés dans leurs foyers ne stipulent nullement une démobilisation définitive, mais plutôt d'attente ; que, dans ces conditions, l'homme qui, du reste, est encore en compte avec l'Etat doit être considéré comme militaire et soigné comme tel, surtout quand il est prouvé que sa maladie a été contractée en service. Nous avons écrit à notre tour à la Subdivision et nous avons reçu l'étonnante réponse suivante :
" Le nommé Akim, libéré, ne peut être examiné par un médecin-major. Seuls, les anciens militaires titulaires de pensions ou de gratifications peuvent recevoir des soins et être hospitalisés dans les établissements militaires.
" Le nommé Akim peut solliciter la visite du médecin communal, à titre d'indigent.
Il n'a certes pas fallu un effort cérébral pour trouver une solution semblable. Nous savons pertinemment que tous les indigents ont droit à l'assistance médicale civile et nous aurions été des criminels en feignant de l'ignorer au risque de tuer le malade, mais, nous le répétons, nous persistons à nous placer au point de vue militaire et, pour, nous, Akim en est un.
La loi nouvelle dit que :
1° Tout homme renvoyé dans ses foyers aura dix ans pour prouver que son mal est imputable au service et le malheureux n'a pas attendu si longtemps.
2° Akim a été pris bon service armé et n'a jamais subi de visite médicale qu'au moment où il a contracté son mal, en couchant par les temps les plus humides, sur les quais.
3° Il était malade à l'infirmerie d'où on l'a fait sortir pour le démobiliser, au lieu de le conserver et de le guérir.
4° S'il est devenu indigent, c'est l'état de guerre qui en est la cause, car, en période de paix, il a vécu, lui et les siens, du produit de son travail et si le mal a pénétré dans son intérieur, il ne s'est jamais dit indigent.
Nous disons qu'on doit le traiter comme militaire et même mieux, le réformer pour maladie contractée en service en vertu de cette simple vérité que les lois sont égales pour tout le monde, que de cet homme qu'on a pris, sain on a fait une loque et que la preuve du contraire appartient à l'Etat, d'après le vote de la Chambre des Députés.
Et maintenant, s'il le faut, pour parodier un vieil axiome, il y a des juges à Paris et des députés au, Palais Bourbon.
J. ASCIONE.
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Madame Delrieux née Pozzio Arlette
Texte
Envoyé par M. S. Delrieux
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Qui était cette Dame ?
Elle n'était pas "Pied Noir" mais c'était Ma Mère.
Arrivée en Juin 1939, dans ce beau Pays aux senteurs si particulières, comme elle disait souvent : L'ALGERIE.
Arlette et Raymond
Delrieux à Bône sur la c',.,
route de l'aéroport dans
un champ de coton
Maman et ma sœur
Raymonde en février
1958 à Bugeaud
(sous la neige) avec
Kiki, notre chien
Après bien des mésaventures, dans une chambre de l'Hôtel Alexandra, au 6 rue du Pasteur Meyer à Bône au mois de juillet 1941, par une journée de sirocco, elle m'a mis au monde.
Mon père est seul à travailler. C'est l'avantage ou l'inconvénient de l'époque.A chacun de choisir, mais toujours est-il que Notre malle se promène (Passage Sens, Rue du Docteur Purseigle).
Dans cette immeuble, appartenant à Mme Vve Baki, turque, que de joies : Pâques avec les Rameaux bénis à La Cathédrale et le Noël avec des jouets provenant de l'Escale, magasin du bout du Cours Bertagna à gauche en descendant.
Entre temps, il y a eu la naissance de Ma Sœur Raymonde sur la table de la cuisine. J'ai 7 ans.
A 11 ans, après ma primo-infection de la tuberculose, Maman est conseillée par le Docteur Gravier, pneumologue. Il lui conseille de m'emmener à Bugeaud.
Grâce à la connaissance de Mme Francoul, nous sommes mis en relation avec la Famille du Dr Gassiot, pour des soins à sa fille dans sa résidence secondaire de Bugeaud dont il ne reste que le mur de la façade à ce jour.
Des amitiés vont se créer avec les familles : Maurer, Robinat, Santman, Lebohec, Lavigne et autres dans ce village.
Ma Mère infirmière, diplômée de l'Etat Français, par arrêté ministériel du 10-1-1938, signé le 9-2-1938 par le Ministre, va mettre en application toute sa science acquise à l'Ecole des Infirmières de Bordeaux, ce qui n'est pas peu dire. Ce diplôme étant rare à cette époque.
Elle est nommée Directrice du Centre de santé de Bugeaud, un bâtiment tout neuf.
C'est là dans ces murs que je vais connaître son caractère entier, sa rigueur, ses ordres donnés avec parcimonie mais indiscutables, son amour pour tous ceux qui l'entourent, et surtout celui de son métier, sa bonne humeur et ses sourires.
Aidée par Mme Santman Suzanne et son mari Armand, chargé de l'entretien du bâtiment, des gens charmants, elle va démontrer tout son savoir, car elle est confrontée à toutes les urgences, sans l'aide d'un médecin qui ne vient qu'une fois par semaine avant les événements
Que dire de cette émouvante carrière ? Si ce n'est que de raconter quelques anecdotes.
Sur la photo, c'est la petite avec le couple Santman derrière elle, et devant deux lieutenants médecins de l'Armée venus lui rendre visite. Ils donnent un coup de main pour soigner Amar, le gardien du parc, à jeux dont le mollet est brûlé au 3eme degré. Pendant plus d'un an, il attendait que les mouches pondent sur sa plaie pour revenir la voir. Et en souriant, elle me disait "ces petites bêtes me rendent beaucoup service", puis elle m'expliquait. Pourquoi ?
Un autre jour, appelée dans une mechta dans les montages de l'Edough, elle arrive dans un gourbis où une femme qui vient d'accoucher est suspendue par les jambes, le sexe plein de marre de café pour arrêter le sang.
Elle la prend en charge avec les moyens de l'époque et arrive à stopper cette hémorragie et à sauver cette femme.
Une autre fois, c'est le chef "Le Cheikh El Arch" d'un rassemblement de gourbis qui, à cheval après une journée de marche dans les montagnes, arrive et présente son fils âgé de 7 ans. Il lui explique qu'en voulant dénicher des oiseaux, son fils est tombé de l'arbre la tête sur un rocher. Cet enfant a l'occiput plein de marre de café, il est dans le coma.
Ma Mère constate que les os du crâne sont brisés, après une radio qu'elle lui passe, du liquide céphalo-rachidien s'écoule. Elle dit alors au père, il faut amener ton fils à l'hôpital à Bône, j'appelle une ambulance et lui répond : "Non, Madame si toi, tu ne peux rien faire, MEKTOUB".
Tout cela n'était pour elle que son travail, avec ses connaissances multiples en gynécologie, en radiologie, en chirurgie et je ne sais quoi encore...
Puis il y a les événements :
- le 20 août 1955, à la Fontaine du Curé, mitraillage des époux Solere, ils pique-niquaient au milieu des chênes lièges. Mme Solere est morte sur le coup, son mari grièvement blessé survivra. C'était des Amis.
- le 4 mars 1956, embuscade Route d'Ain Barbar, sur sa moto, M. Marius Sales est frappé d'une décharge de chevrotine avec son fils René::-6ts visages sont marqués par l'horreur et la souffrance. Amenés par les militaires, le lendemain, leur famille doit venir les voir. Ma Mère décide alors de les maquiller, afin d'éviter un choc à celle-ci, en recousant leurs paupières et en déroulant une bande autour de leurs cous avec mon aide, j'ai 14 ans et demi.
Les jours sombres vont passer plus durs (des civils et des militaires blessés ou accidentés). Une section de Paras, bérets rouge du Colonel Bigeard logent dans le Centre de Santé à l'étage inférieur. L'un des Paras reçoit une balle explosive. Pendant des semaines, elle va lui enlever les éclats.
Des officiers des différentes armées vont proposer des Décorations à Ma Mère qu'elle refusera en disant : "Je ne fais que mon métier".
Fière d'avoir rempli cette tâche harassante mais épuisée, en 1958, elle quittera cette fonction pour rentrer dans une autre, pendant laquelle, elle me dira jusqu'à sa retraite "je suis fatiguée mon fils de voir si peu de choses".
Combien je la comprenais, elle si vaillante qui aimait tant ce Pays, qu'elle parlait l'Arabe en rentrant en France.
Que vous dire de plus,
Chers Lecteurs, si ce n'est que de vous raconter beaucoup d'autres anecdotes joyeuses ou tristes ou tout simplement sa vie...
Sylvain Delrieux
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EXTRAITS DU LIVRE DU GENERAL CHALLE (1905-1979)
Envoyé par M. Piedineri
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« NOTRE REVOLTE » (PRESSES DE LA CITE, 1968)
A NOS MORTS
«Vous tous qui êtes morts pour l’Algérie française, vous n’êtes pas morts pour rien.
On ne meurt pas pour rien lorsque la cause est noble.
On a dit que notre cause était celle du capitalisme exploiteur.
Ceux qui ont dit cela sont précisément des exploiteurs de la misère humaine.
A des fins prétendues idéologiques.
Laissons mentir les menteurs, fulminer les racistes et les antiracistes, ronronner ou hurler les fabricants de doctrines inapplicables.
Votre cause était celle de la France civilisatrice, de la France de nos rois, de nos révolutions, de nos républiques, de la France généreuse de toujours.
Mes camarades, vous êtes morts comme vos frères et vos pères,
à Dien Bien Phu et dans les rizières d’Indochine,
à Sedan à Dunkerque et dans la Résistance,
à Charleroi et à Verdun.
Vous êtes le patrimoine de la France,
même si vous ne l’avez pas toujours pensé
même si vous ne l’avez pas toujours voulu
même si vous n’étiez pas tous français.
Et demain, grâce à vous, nos jeunes gens deviendront des Hommes. »
« La politique de l’administration, favorisant les nationalistes musulmans, détruisait petit à petit tous les efforts de pacification de l’armée.
On allait assister à cette chose inouïe : un gouvernement dont l’armée était victorieuse allait faire cadeau de cette victoire à son adversaire. Cela ne s’était pas produit en France depuis la rétrocession gratuite par Louis IX à l’Angleterre de l’Aunis, du Poitou et de la Saintonge. Mais Saint-Louis avait fait cela dans un but d’apaisement entre grands et le roi d’Angleterre, quoique ennemi, était de la même espèce, de la même foi que le roi de France.
Le cadeau fait à un G.P.R.A. qui ne représente qu’une fiction, qui est organisé suivant une structure totalitaire, qui est anti-occidental et antichrétien, dépasse les limites de l’entendement pour ceux qui ne se contentent pas d’apparences extérieures et de leçons mal apprises. »
« Ce n’est pas tant d’avoir abandonné des territoires qui fait la culpabilité de la France que d’avoir abandonné des hommes qui avaient notre parole et des principes qui sont le fondement de notre civilisation. Et nous n’étions pas vaincu comme en 1763 [1763 = perte du Canada face aux Anglais]. »
Challe, dans ce même livre précisait que « bien que je n’aie jamais fait de politique, mes idées sont plutôt de gauche. »
« Les bien-pensants, eux-mêmes endoctrinés, ont fini par faire croire à l'opinion mondiale que ceux qui luttent pour s'affranchir d'une tutelle ont tous les droits, même de massacrer à tort et à travers et ainsi de faire régner la terreur sur les populations afin de les gagner par ce moyen à leur cause.
Imaginons que des autonomistes bretons ou auvergnats ou provençaux agissent ainsi et commencent par assassiner des instituteurs ou des administrateurs, comme ce fut le cas en Algérie ? L'opinion française accepterait-elle cela comme un procédé normal de lutte ?
On peut me répondre comme l'a fait de Gaulle : « Voyons, Challe, ces gens-là, ne sont pas comme nous. » C'est la réponse des racistes. Moi, je ne le suis pas. (note : Je ne suis pas non plus antiraciste, dans le sens qui signifie actuellement croisade = choix véhément = racisme.) Et je n'aime pas non plus la violence inutile. Mais ce n'est pas avec de l'eau bénite qu'on calme les assassins. A moins d'être un saint ce qui n'est pas mon cas.
Ainsi cette guerre fut dure mais je crois pouvoir affirmer que les chefs français et leurs troupes ont tout fait pour qu'elle soit la moins inhumaine possible.
Il faut cependant faire la guerre dans ce cas-là ou laisser la place aux cent premiers assassins, chaque fois qu'il s'en lèvera dans le monde, au cri de « vive l'indépendance ».
Aucune société ne pourra jamais résister à de tels errements, qui ne cachent sous une tolérance apparente que la pire lâcheté. »
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Dans l'azur et dans l'or
Envoyé par M. Christian Graille
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L'abeille dans le bleu décor
Au retour riant de la vie,
Errante bourdonnait ravie,
Toute blonde se nimbant d'or…
L'araignée en sa toile grise
L'a prise.
L'alouette dans le ciel bleu,
De son nid s'élevait contente
S'envolait ravie et chantante,
S'habillant de rayons de feu…
Il en tua, l'oiseau de proie,
La joie !
Mes doux songes par ces temps clairs,
Dans cette douceur printanière,
Ailés montaient vers la lumière,
Dans le profond saphir des airs…
Mais la réalité m'enlève
Mon rêve.
El-Djzaïry
Les Annales algériennes (24-30-1892)
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Oran (1891)
Envoyé par M. Christian Graille
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Oran est bâtie sur les deux flans d'un ravin au fond duquel coule l'Oued-Rehhi, rivière qui recouvre en partie le boulevard Oudinot.
L'ancienne ville espagnole et la vieille kasbah occupent le plateau ouest ; le Château neuf et la nouvelle ville s'élèvent en amphithéâtre sur la partie est où se trouvent le plus grand nombre de maisons mauresque ou juives.
A droite on aperçoit le clocher de la cathédrale Saint-Louis, puis le minaret de l'ancienne mosquée d'El Haouri ; à gauche c'est la grande mosquée, puis le fort Saint André couronnant les hauteurs du quartier d'Austerlitz. Enfin le nouveau port, qui s'étend du fort Neuf au fort de la Moune et où sont situés :
- la douane,
- la manutention militaire,
- les quais et
- la gare du chemin de fer d'Oran à Alger.
Le faubourg de Kerguenta où se trouvent le quartier de cavalerie et le parc à fourrages est relié à Oran par d'importantes constructions élevées sur le ravin de l'Aïn-Rouina.
Le boulevard Séguin traverse ce ravin et relie le quartier Saint Michel à la gare. Kerguenta à la pointe de Canastel, la falaise est couverte de fermes et de villas, c'est à cet endroit que le village d'Arcole a été créé.
En suivant toujours cette direction on aperçoit encore la montagne des Lions (Djebel-Khar) et la pointe de l'Aiguille qui termine à l'Est le golfe d'Oran et entre lesquelles se trouve le village espagnol de Christel.
Par un beau temps, étant en vue d'Oran on peut encore distinguer dans cette même direction est le cap Ferrat derrière lequel est Arzew.
L'extrémité ouest du golfe d'Oran est marquée par le cap Falcon dont le phare éclaire la côte ; de cet endroit en se dirigeant vers la ville on aperçoit d'abord le petit village d'Aïn-el-Turk puis perché sur les rochers Mer-el-Kébir ; enfin au pied du Mourdjaja, au milieu des falaises :
- les villages de Saint André,
- de Sainte Clotilde et
- les bains de la Reine.
Sur le sommet du Mourdjaja on distingue le fort de Santa Cruz, la tour de la Vierge et un peu plus loin le fort San-Gregorio. Oran possède sur Alger un grand avantage au point de vue de son port où tous les navires peuvent mouiller à quai.
La population d'Oran est actuellement de 68.000 habitants environ dont :
- 15.000 Français,
- 6.000 Israélites,
- 8.000 Indigènes et
- 39.000 de nationalités diverses.
Parmi ces derniers les Espagnols forme une grande majorité ; d'ailleurs toute la province en est peuplée et leur nombre augmente chaque jour ; la plus grande partie porte le costume de l'Andalousie : ils sont vêtus de grègues (Hauts-de-chausses ou culotte) blanches,
- ont un mouchoir roulé sur la tête et
- portent la traditionnelle couverture de grosse laine rouge.
Les Juifs sont habillés comme leurs coreligionnaires du Maroc, avec :
- la lévite (redingote d'homme, ample et descendant jusqu'à mi-mollet ),
- le pantalon et
- le bonnet noir.
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Les principales curiosités d'Oran sont après le port :
- la promenade de Létang,
- la place d'Armes et
- celle de la République,
- le musée,
- l'église,
- la nouvelle synagogue,
- la kasbah et
- les mosquées de la rue Philippe et d'El-Haouri.
A propos de cette dernière mosquée, convertie aujourd'hui en magasin de campement il existe chez les Arabes une légende dont le marabout El-Houari fut le héros :
A l'époque de la guerre entre les Maures et les Espagnols, une femme en guenilles vint frapper à la porte de Sidi-el-Haouri et se plaignit de ce que son fils avait été fait prisonnier et emmené de l'autre côté de la mer chez les chrétiens.
El-Haouri, le saint et digne homme, l'engagea à ne pas perdre espoir, la fit prier et ensuite l'envoya chercher un plat de viande avec du bouillon.
Lorsque la femme revint avec ses provisions, El Haouri appela une levrette qui allaitait ses petits, il lui fit manger la viande et boire le bouillon, puis lui montra la direction du port ; la petite bête s'élança aussitôt de ce côté, monta sur le bateau qui partait pour l'Espagne et débarqua à l'endroit même où était le jeune captif.
Celui-ci devenu domestique avait été cherché de la viande pour son maître lorsque la levrette le rencontra ; d'un bond elle lui arracha ce qu'il tenait dans ses mains, prit sa course vers le rivage et sauta sur le vaisseau qui venait de lever l'ancre et se dirigeait vers Oran.
Le jeune Maure qui avait poursuivi l'animal jusque sur le port, ayant alors reconnu la levrette du marabout, se cacha au milieu des tonnes et des ballots et débarqua bientôt dans sa ville, escorté de la petite chienne. La bienheureuse mère, n'en croyant pas ses yeux, reçut son enfant dans ses bras et depuis alla de porte en porte raconter aux croyants de quelle façon miraculeuse son fils lui fut rendu.
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Oran fut fondée sur l'emplacement Kouiza par les Maures chassés d'Espagne. A plusieurs reprises cette ville appartint aux Espagnols qui :
- la prirent d'abord en 1509,
- la perdirent ensuite en 1708,
- la reprirent de nouveau en 1732 et enfin
- l'évacuèrent définitivement en 1791.
Pendant leur séjour ils y firent d'importants travaux pour la défense ainsi que pour son embellissement ; c'est dans cette ville que les seigneurs mécontents ou tombés en disgrâce étaient exilés.
" Sa population d'environ 3.000 âmes, dit M. F Mornand, ne se composait que d'Espagnols ; il y avait en outre dans la ville 6.000 à 7.000 hommes de garnison et un nombre à peu près égal de présidarios, galériens employés aux travaux de fortification. Un labeur de galérien peut seul expliquer en effet expliquer une telle débauche de moellons, un pareil luxe de bâtiments.
Soldats, forçats, habitants s'entendaient du reste à merveille, les uns et les autres se faisaient la vie très douce. Les soldats ne veillaient pas sur les forçats qui s'en allaient, toutes les fois que la fantaisie leur en prenait, grossir les renégats espagnols du Maroc où l'on trouvait des villes entières peuplées de ces réfugiés. "
Les Turcs, maîtres de la ville commencèrent par démolir ce que leurs prédécesseurs avaient construit avec tant de peine ; ce fut un élan général et rien de ce qui avait été établi par les chrétiens ne resta debout.
Depuis cette époque les Beys d'Oran se succédèrent rapidement, la place était enviée et était par conséquent le but de nombreuses intrigues. Hassen qui commandait la ville au moment de la prise d'Alger était le trente-troisième Bey.
Après avoir remis la ville entre les mains des Français le 4 janvier 1831, il se retira à la Mecque où il mourut quelques mois après.
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* *
" Le capitaine Louis de Bourmont, dit M. Galibert, arriva le 24 juin 1830 devant Oran dont deux bricks le voltigeur et l'Endymion faisaient le blocus. Le Bey en était encore maître ainsi que de forts voisins ; 800 Turcs restaient attachés à sa cause mais au dehors son autorité était méconnue, informés de ses négociations avec le chef de l'armée française les Arabes s'étaient déclarés contre lui sans oser cependant encore aucune entreprise hostile car son artillerie les tenait en respect.
Le défaut de vivre pouvait seul réduire Hassen, et il était sur le point d'en manquer lorsque notre escadre arriva ; aussi dès qu'il put communiquer avec le dragon, exprima-t-il le désir d'être promptement secouru. Son projet était de remettre Oran et les forts aux troupes françaises et d'aller terminer dans l'Asie Mineure une carrière déjà fort avancée.
Le capitaine Leblanc qui commandait le Dragon ne crut pas devoir attendre l'issue des négociations entamées pour s'emparer d'un point important : Mers El Kébir surtout lui paraissait une position très avantageuse à occuper, et ce fort n'était gardé que par une soixantaine de Turcs.
A peine les envoyés du Bey furent-ils partis, qu'il mit à terre 110 hommes lesquels se portèrent sur le fort avec une grande rapidité, en enfoncèrent la porte et arborèrent le pavillon français sur les remparts. Les Turcs, surpris n'opposèrent aucune résistance et se retirèrent vers la ville. Cet évènement n'altéra en rien les bonnes dispositions du Bey ; il ne cessait de manifester le désir de se placer sous la protection de la France. Le capitaine de Bourmont, n'ayant pas assez de troupes pour lui offrir cette protection, crut devoir se rendre auprès de son père afin de lui exposer le véritable état des choses.
Les 110 hommes établis dans le fort de Mers-El-Kébir continuèrent de l'occuper soutenus par le voltigeur et l'Endimion qui restaient mouillés dans la rade. Les renseignements donnés par Louis de Bourmont déterminèrent le Maréchal à envoyer des troupes à Oran ; le colonel Goutefrey reçut l'ordre de s'embarquer avec le 21e de ligne, 50 sapeurs et deux obusiers de montagne.
Le corps expéditionnaire était parti d'Alger le 6 août. Mais à peine l'escadre eût-elle mouillée dans la rade de Mers-El-Kébir, qu'un ordre arriva pour arrêter le débarquement. M. de Bourmont venait de recevoir de France de tristes nouvelles et le même sentiment de prévoyance qui l'avait porté à s'étendre alors que tout était tranquille le fit concentrer ses forces sur Alger dès qu'il put craindre pour les destinées politiques de son pays. On informa le Bey que le signal du départ allait être donné et que, s'il le désirait, une frégate le transporterait à Smyrne avec les Turcs qui lui étaient restés fidèles. Mais ses négociations avec les Arabes lui faisait espérer une prompte soumission de leur part il avait abandonné son premier projet.
Toutefois, ses dispositions ne cessèrent pas d'être amicales et il déclara au colonel Goutefrey qu'il se considérait toujours comme le sujet du roi de France.
Avant de s'éloigner, le colonel fit sauter un des forts de Mers-El-Kébir puis le bateau à vapeur le sphinx et les bricks le voltigeur et l'Endymion se dirigèrent vers Alger avec 600 hommes du 21e de ligne. Les autres bâtiments mirent à la voile deux jours après.
Au mois de novembre suivant le général Clauzel, qui avait alors remplacé le général De Bourmont dans le commandement en chef craignait voir les Marocains s'emparer d'Oran comme ils venaient de le faire de Mascara et de Tlemcen, fit de nouveau occuper le fort de Mers-el-Kébir ainsi que la ville.
Puis suivant une convention passée le 6 février 1831 avec le Bey de Tunis ce dernier envoya un de ses lieutenants avec une poignée de soldats prendre possession d'Oran le fort de Mers-el-Kébir restant occupé par les Français.
Mais les Tunisiens, dont la présence éveillait d'anciennes haines ne purent y séjourner longtemps ; ils s'en retournèrent donc comme ils étaient venus, sans faire plus de bruit et le Général Berthezène fit définitivement occuper cette place par deux bataillons sous les ordres du Général Faudras. "
Voyage à travers l'Algérie :
notes et croquis par Georges Robert (1891
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Philippeville
Envoyé par M. Christian Graille
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Pendant son séjour dans le Constantinois, la caravane parlementaire est allée visiter Philippeville.
Le chemin de fer, tracé presque sur tout le parcours en pays montagneux, est par lui-même une curiosité. Il court le long des rochers, enjambe des ravins, plonge dans les tunnels. Coûteuse merveille ! Le kilomètre en est revenu, dit-on, à 700.000 francs. Une jeune colonie, encore dans la pauvreté obligée des débuts, ne saurait se payer beaucoup de pareils travaux. Aussi aujourd'hui construit-on les voies ferrées à bien meilleur marché.
La réception a été particulièrement chaude. Toute la population attendait les députés à la gare, et, le soir lorsque, musique en tête, elle lui a fait cortège à travers la grande rue à arcades illuminée, le spectacle n'était pas sans beauté. Philippeville, comme tant d'autres villes algériennes, a commencé par être un camp.
Mais de toutes celles qui ont été fondées de cette façon, c'est elle qui a le plus rapidement prospéré. Bien que ne datant que de quarante ans, elle compte aujourd'hui 14.000 habitants dont 5.000 Français, 6.500 étrangers, Italiens pour la plupart et 2.500 Indigènes. Elle doit ce développement à la sollicitude de Constantine, intéressée à posséder un débouché plus direct que Bône. Elle n'avait autrefois qu'un mauvais débarcadère mal abrité du large et les marchandises devaient aller à Stora.
Aujourd'hui grâce à d'immenses travaux qui ont coûté une quinzaine de millions, elle a un port, mis chaque semaine en relation avec Marseille par deux services de paquebots. Deux services, voilà qui fait frémir Bône, sa rivale, qui n'en a point.
Au paysage près, beaucoup plus charmant à Bône, les deux villes se ressemblent : un plan régulier, des rues larges, des maisons neuves et bien construites, la ville moderne en un mot. Comme Bône, Philippeville réclame un tribunal de commerce. Elle demande, en outre, la construction d'un barrage qui distribuerait les eaux du Zeramna aux parties de la vallée qu'on ne peut plus irriguer aujourd'hui.
Les environs de Philippeville sont très fertiles et très bien cultivés. La culture maraîchère y prend une grande extension. Grâce à la douceur de la température, la pomme de terre y pousse l'hiver. On la plante en automne, et dès le mois de février on a des tubercules comestibles. Pour la même raison on a des petits pois, des haricots verts, des artichauts à peu près pendant toute l'année. On m'a dit qu'un hectare en cultures maraîchères suffit à faire vivre une famille et peut rapporter net jusqu'à deux mille francs par an.
Qui ne voit quel avenir est réservé au commerce des primeurs dans de si heureuses conditions ? Il ne fait que naître encore en Algérie et la valeur des légumes verts exportés n'y dépasse guère annuellement une moyenne de 250.000 francs.
Mais un jour où l'importance de la colonie sera telle qu'il y aura des services quotidiens entre ses principaux ports et la France, ce commerce centuplera, la commodité des transports abaissera les prix et les mettra à portée des bourses moyennes, la rapidité et la régularité des envois introduiront l'usage permanent des légumes frais. La cuisine française et la cuisine européenne elle-même en seront améliorées, car les expéditions pourront se faire dans la plupart des grandes villes de l'Europe. L'Algérie deviendra indispensable aux gourmands.
Cet heureux port de Philippeville, aux avantages d'être le débouché de Constantine et le centre d'une région agricole florissante, joint celui d'être à proximité des riches carrières de marbre du Filfila.
Jusqu'à présent la France était tributaire de l'étranger pour les marbres et notamment pour le marbre blanc, le marbre statuaire. Les recherches faites dans les Pyrénées n'ont pas donné les résultats attendus, et l'État est toujours obligé de demander à Carrare la plus grande partie de celui qu'elle fournit à nos sculpteurs. L'Algérie l'affranchira de cette sujétion.
A huit kilomètres de Philippeville on a retrouvé un gisement que les Romains avaient commencé à exploiter. La montagne du Filfila, qui a sept cents mètres de hauteur, est pour ainsi dire faite de marbre de diverses couleurs.
Rien que la couche de marbre blanc, que l'on voit à découvert et que l'on n'a littéralement qu'à débiter, est évaluée à dix-huit millions de mètres cubes. " Il est d'une rare beauté, dit M.A. Dumont de l'Institut. Le grain en est large, la teinte d'un blanc doux et agréable à la vue. Sa consistance permettrait d'essayer les détails les plus délicats, et sa transparence ajouterait un grand charme au travail de la sculpture. En un mot il réunit toutes les qualités les plus appréciées par les statuaires ". On peut obtenir des blocs de dimensions plus considérables.
Une rivière située à proximité des carrières semble placée là exprès pour faire fonctionner la scierie. Enfin la mer baigne le pied du Filfila, de sorte que les chalands venus du port de Philippeville peuvent charger sur le lieu même de l'exploitation.
A TRAVERS L'ALGÉRIE
Souvenirs de l'excursion parlementaire (septembre-octobre 1879)
Paul Bourde Edition 1880
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SI AHMED OULD CADI
Envoyé par M. Christian Graille
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Histoire d'un homme
brave, généreux et courageux
Bachaga de Frendah, il prit part à presque toutes les batailles qui eurent lieu dans la province d'Oran de 1835 à 1881. A cette époque, il était caïd des Douair, une grande tribu qui combattit aux côtés de l'armée française ; son histoire est inséparable de celle des vingt premières années de la colonisation.
A la tête de ses troupes, il secondait par son intelligence, ses conseils et sa vaillance les projets des généraux.
Il commença dès 1835 la série de ses services en faisant parvenir, dans un moment difficile, une lettre du maréchal Clauzel à son oncle Mustapha Ben Ismaïl prisonnier à Tlemcen.
Abd-el-Kader, mécontent de sa conduite, attaqua par surprise ses campements et opéra sur eux une immense razzia dans laquelle le caïd perdit sa fortune.
L'émir lui écrivit pour lui offrir de lui restituer tous ses biens s'il venait le rejoindre mais il refusa de déserter la cause française, dont le succès était loin d'être assuré.
Ses troupes, lors du combat de la Sikkak livré par le maréchal Bugeaud, grâce à leur redoutable efficacité, achevèrent la déroute de l'ennemi.
Si Ahmed Ould Cadi se signala à plusieurs reprises par sa bravoure : à El Bénian, en 1841, il contribua à la défaite des Hachem, surpris à la fois par les colonnes de Bugeaud, de Lamoricière et de Mustapha dont Si Ahmed faisait partie.
En 1844 éclata la guerre avec le Maroc ; à la tête de quatre cents cavaliers il prit part au combat sur la Moulouïa et à la célèbre bataille d'Isly.
Il se montra toujours à la hauteur des évènements. Non seulement il sut maintenir dans le devoir ses tribus vivement sollicitées par les émissaires d'Abd-el-Kader mais il rendit un grand service à la petite garnison d'Aïn Témouchent, totalement dépourvue de poudre, en lui faisant parvenir un approvisionnement de munitions et en lui permettant de se défendre.
Lorsque le calme fut revenu dans la région, Bugeaud songeant à asseoir la conquête et à organiser le pays résolut de créer un commandement à Frendah afin de tenir en respect les populations difficiles et remuantes de la région. C'est à Si Ahmed qu'il en confia la tâche. En reconnaissance des éminents services rendus, Bugeaud lui fit remettre une magnifique selle brodée d'or et un sabre d'honneur.
En 1852 il réussit avec ses goums à prendre le ksar de Laghouat et le maréchal Pélissier lui remit la croix d'officier de la Légion d'honneur. " C'est la récompense de votre bravoure, dont j'ai moi-même été témoin : vous ne pouviez rentrer chez vous sans cette marque de distinction que vous avez si bien méritée ".
Après sa participation à l'expédition de Ouargla, en 1853, il fut fait commandeur de la Légion d'honneur en 1860.
Pendant la famine qui éprouva si durement l'Algérie en 1867 le bachaga employa sa fortune à soulager la misère de ses administrés et fit preuve de l'humanité la plus digne d'éloges. A cette occasion il reçut du maréchal de Mac-Mahon alors gouverneur général de l'Algérie, une lettre de félicitation et fut élevé à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur le 13 août 1867.
Il prouva, en 1881, que ses sentiments de fidélité étaient intacts en signalant le premier et le seul, d'une façon précise, le prochain soulèvement des tribus de la région de Géryville. Les évènements ne tardèrent pas à confirmer ses précisions.
La mort le surprit le 8 janvier 1885 au moment où la consolidation de la tranquillité du Sud était sa préoccupation constante, au moment où il travaillait de toutes ses forces à aider le gouvernement dans la réalisation de ce projet.
Sa vie a été bien remplie. Depuis le jour où, avec les principaux chefs des Douair il se rallia à la France, il ne cessa, jusqu'à sa mort, de servir sans restriction et aider de ses sages avis.
C'était un homme hardi, entreprenant, un esprit éclairé, un administrateur habile, un fin diplomate. D'une parfaite éducation Si Ahmed était toujours très déférent à l'égard des représentants de l'autorité.
Ses funérailles furent imposantes. Les généraux, les hauts fonctionnaires de la province avaient tenu à y assister.
LE LIVRE D'OR DE L'ALGÉRIE (de 1830 à 1889)
Narcisse Faucon Edition 1889
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Un pied-noir, dans l'Odyssée d'Homère
Envoyé par Mme N. Marquet
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Dans "l'Odyssée" d'Homère, au vers 225 du Chant XV, il est question de MELANOPAUS (melano = noir, paus = pied) qui a dû quitter la Thessalie..
Confirmation par Josseline Revel-Mouroz (Centre d’études pied-noir, CEPN, Nice )
Et aussitôt Tèlémakhos excita ses compagnons :
- Compagnons, préparez les agrès de la nef noire, montons-y et faisons notre route.
Il parla ainsi, et, dès qu'ils l'eurent entendu, ils montèrent sur la nef et s'assirent sur les bancs. Et, tandis qu'ils se préparaient, il suppliait Athènè à l'extrémité de la nef. Et voici qu'un étranger survint, qui, ayant tué un homme, fuyait Argos; et c'était un divinateur de la race de Mélampous. Et celui-ci habitait autrefois Pylos nourrice de brebis, et il était riche parmi les Pyliens, et il possédait de belles demeures; mais il s'enfuit loin de sa patrie vers un autre peuple, par crainte du magnanime Nèleus, le plus illustre des vivants, qui lui avait retenu de force ses nombreuses richesses pendant une année, tandis que lui-même était chargé de liens et subissait de nouvelles douleurs dans la demeure de Phylas; car il avait outragé Iphiklès, à cause de la fille de Nèleus, poussé par la cruelle déesse Érinnys. Mais il évita la mort, ayant chassé les boeufs mugissants de Phylakè à Pylos et s'étant vengé de l'outrage du divin Nèleus; et il conduisit vers son frère la jeune fille qu'il avait épousée, et sa destinée fut d'habiter parmi les Argiens qu'il commanda. Là, il s'unit à sa femme et bâtit une haute demeure.
Il est le fils de Amythaon, fils de Créthée et Idomène, fille de Phérès. Peu après sa naissance, sa mère le coucha dans un endroit où son corps était bien à l'abri du soleil à l'exception des pieds qui furent brunis et ce fut pour cela qu'on le nomma Mélampous, nom qui signifie «aux pieds noirs». Il vécut à la campagne à Pylos avec son frère Bias et sa soeur Eolia sous le règne d'Anaxagoras ou de Proétos.
Dans la propriété de ses parents, il y avait un grand chêne qui servait d'abri à un couple de serpents. Un jour des serviteurs tuèrent les deux serpents adultes. Mélampous dressa un petit bûcher où il incinéra le couple et il recueillit les serpenteaux pour en prendre soin. Alors qu'il dormait, les petits serpents vinrent sur ses épaules et lui purifièrent les oreilles avec leur langue. Effrayé, il s'éveilla en sursaut mais le lendemain il s'aperçut qu'il était capable de comprendre le langage des oiseaux.
En écoutant les oiseaux il fut capable de prédire l'avenir. Puis un peu plus tard lors d'une rencontre avec Apollon, sur les bords de l'Alphée, il compléta son savoir divinatoire en apprenant à lire l'avenir dans les entrailles des animaux.
Il devint ainsi le premier mortel à accéder à la divination et au pouvoir de guérir.
Mélampous, nom célébré dans beaucoup de mythes grecs différents, est le fondateur et le premier auteur légendaire d'une grande famille de devins qui se continua longtemps. Lui et son frère Bias devinrent rois de parties séparées du territoire argien ; il est reconnu comme maître de cette contrée même dans l'Odyssée, et le prophète Théoclyménos, son petit-fils, est protégé et amené à Ithaque par Télémaque.
Hérodote aussi fait allusion à la guérison des femmes et au double royaume de Mélampous et de Bias dans la terre argienne il reconnaît Mélampous comme le premier qui ait fait connaître aux Grecs le nom et le culte de Dionysos, avec ses sacrifices particuliers et ses processions phalliques. Un certain nombre d'ouvrages de divination ont circulé sous son nom.
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Des Juifs du Royaume d'Alger
Envoyé par M. Christian Graille
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Les juifs sont en grand nombre à Alger. Il y a, selon Gramaye, des descendants de ceux qui se réfugièrent après la destruction de Jérusalem par Vespasien, ou qui abandonnèrent la Judée pendant les persécutions qu'ils eurent à essuyer de la part :
- des Romains,
- des Persans,
- des Sarrasins et
- des Chrétiens.
Mais le plus grand nombre vient de ceux qui ont été chassés de l'Europe :
- de l'Italie en 1342,
- des Pays-Bas en 1350,
- de France en 1403,
- de l'Angleterre en 1422 et
- de l'Espagne en 1462.
Chaque nation a ses tribus et ses synagogues. Ils sont réputés maures, réduits dans une grande pauvreté et dans la servitude, méprisés et maltraités de tous les autres peuples.
Dans chaque ville ils ont des juges de leurs nations pour leurs affaires particulières et de peu de conséquence.
Mais lorsque les parties ne sont pas contentes des décisions de leurs juges, elles portent leurs causes devant la justice turque, qui décide souverainement et fait exécuter les jugements.
Le supplice ordinaire des juifs, lorsqu'ils sont condamnés à mort, est le feu, pour mettre une différence entre les Turcs, les Maures et les chrétiens et eux, par un genre de châtiment particulier à la nation juive.
Ils y sont condamnés sur le moindre préjugé ou soupçon qu'ils ont agi contre l'intérêt du gouvernement.
Ils sont aussi brûlés lorsqu'ils sont jugés avoir fait une banqueroute frauduleuse, qui est regardée telle lorsqu'ils ont négocié par spéculation, et entrepris au-delà de leurs forces et qu'ils se trouvent hors d'état de payer entièrement leurs créanciers, lorsqu'ils sont mahométans, surtout ; car lorsqu'ils sont juifs, on laisse l'accommodement à leurs rabbins ou juges. Ils sont obligés d'être habillés de noir des pieds jusqu'à la tête, pour les distinguer par une couleur des Turcs méprisants. Ils portent une robe longue à mi-jambe et un turban noir, ou tout au plus autour de leur bonnet noir un turban d'une couleur obscure rayée.
C'est un usage de ne recevoir aucun juif dans la religion mahométane, qu'il ne soit chrétien, pour suivre l'ordre des religions. Mais on passe à présent légèrement là-dessus, car il suffit qu'ils aient mangé publiquement de la chair de cochon ou de sanglier, ou fait quelque acte semblable, pour être réputés chrétiens.
Ils ne peuvent sortir du royaume qu'ils n'aient donné caution pécuniaire de leur retour, aucun ne voulant courir le risque d'être brûlé sur la foi d'autrui.
Il y a dans toutes les villes du royaume d'Alger des juifs d'Italie, qu'on appelle juifs francs, et particulièrement ceux de Livourne.
Ils font le principal commerce de ce royaume, tant en marchandises que pour le rachat des esclaves, où ils font valoir leur industrie ou leur friponnerie, comme il sera dit en parlant du rachat des esclaves.
Ceux-là sont libres et considérés comme marchands étrangers, sujets des princes des lieux d'où ils sont originaires, ou des villes où ils ont été domiciliés.
Ils peuvent s'en aller quand ils veulent, pourvu qu'ils ne laissent aucune dette, de même que les autres étrangers turcs, maures et chrétiens.
Ce sont les juifs de Livourne qui ordinairement, de société avec les principaux juifs de la ville d'Alger, prennent les fermes (2) de l'huile, de la cire et autres semblables, où ils font des profits considérables. Les mahométans regardent les fermiers et les traitent comme autrefois on regardait les publicains, et ne veulent point entrer dans ces sortes d'affaires.
Ces juifs étrangers se mettent en arrivant sous la protection du consul de France ; et lorsqu'ils ont quelques choses à démêler avec les Français entre eux, ils portent leur cause devant le consul.
Ses jugements sont exécutés et on lui renvoie les parties lorsqu'elles s'adressent à la justice turque ; le consul de France y étant le protecteur et le juge de toutes les nations étrangères qui n'ont point de consul.
Mais il dépend de ces étrangers d'aller en premier lieu devant le dey, qui selon les cas en décide, ou les renvoie au consul pour en décider.
Les juifs maures ont un quartier assigné pour leur demeure, et il ne leur est pas permis de se mêler parmi les mahométans, comme il est libre aux autres nations. Mais les juifs européens peuvent se loger où ils veulent : aussi se distinguent-ils des autres, et ne demeurent-ils jamais dans leur quartier. Il leur est aussi permis d'aller, habillés à leur manière, et on les nomme ordinairement les juifs francs. Le peuple les appelle communément les juifs chrétiens, à cause de la conformité de leurs habits.
Les femmes juives vont, habillées comme les femmes maures des villes, et aussi proprement qu'elles veulent. Mais elles doivent aller à visage découvert pour les distinguer des mahométanes, dont on ne voit que les yeux.
(1) Né à Anvers en 1579 d'une famille de notables, historien et captif un temps des pirates.
(2) Ce sont eux qui collectaient les taxes sur divers produits car le gouvernement turc étant propriétaire de vastes territoires, les indigènes qui les occupaient, simples métayers, payaient un impôt (hokor)
Histoire du royaume d'Alger
par M. Laugier de Tassy, commissaire de la marine
pour Sa Majesté très chrétienne, en Hollande. Édition 1725
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Des Beys
Envoyé par M. Christian Graille
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Les beys sont les gouverneurs de provinces et les généraux d'armée. Ils sont nommés par le dey, qui les continue et les révoque, quand il le juge à propos, sans qu'il soit d'usage que l'ancienneté de service décide de ces emplois considérables.
Il y en a trois dans le royaume, sous le titre de bey du Levant, bey du Ponant et bey du Midi.
- Le premier réside à Constantine,
- le deuxième à Oran et
- le dernier se tient à la campagne dans un camp, n'y ayant aucune habitation bâtie dans toute l'étendue de son gouvernement.
Ils commandent souverainement dans les pays qu'ils gouvernent. Ils retirent les impositions et les subsides dans les villes, (la garame ou la taille à la campagne, le casuel) et généralement tous les revenus de la République dans leur district, et doivent venir une fois toutes les années rendre compte au dey, en lui apportant les revenus en espèces, qui se mettent dans le Hazenar ou trésor public.
Ils ont l'autorité suprême hors d'Alger, en suivant les constitutions de l'État et les ordres du dey ; mais ordinairement ils ont carte blanche.
Dans Alger ils n'ont pas le moindre pouvoir. On les reçoit avec grande cérémonie, lorsqu'ils arrivent avec le convoi de l'argent que chaque bey a reçu.
Le public juge de son abondance par le nombre de voitures ; et une grande foule de peuple suit toujours le convoi avec des cris de joie. Le dey, à leur arrivée dans la maison du roi, leur fait présent d'un cafetan ( Long manteau oriental d'apparat), mais ils aiment à se passer des honneurs, quand ils peuvent en trouver l'occasion, ne sachant bien souvent s'ils seront traités gracieusement, ou s'ils y laisseront leur tête.
Ce malheur leur arrive assez fréquemment, pour les punir de leur prévarication et de leurs concussions, et les dépouiller des biens immenses qu'ils acquièrent ordinairement par toutes sortes de voies illicites.
Lorsqu'ils ne jugent pas à propos d'aller eux-mêmes à Alger porter l'argent du revenu d'une année, ils envoient à leur place un caïte (Soldat turc qui a le commandement de quelques douars de Maures.) sous prétexte de maladie ou de conspiration contre le gouvernement de la part des Arabes et des Maures ; et ce caïte, selon ses instructions, rend compte de toutes choses.
On peut dire que les beys sont autant de rois dans leur gouvernement, et moins exposés que le dey, dont la tête répond de mauvais évènements, quand bien même il ne serait pas coupable.
Ils ne s'attachent qu'à s'enrichir et à amasser des sommes considérables, ce qu'ils ne peuvent faire qu'aux dépens de l'État et en faisant tort aux peuples. Ainsi ils craignent toujours de perdre leurs biens et la vie, lorsqu'ils vont à Alger ; surtout, lorsque le dey, qui les a placés, est mort.
Celui qui a succédé ayant ordinairement promis les emplois à ses créatures, pour les avoir à sa disposition, et ayant aussi envie d'amasser promptement du bien ne manque jamais de prétexte pour faire étrangler les beys.
On ne peut pas venir à bout de les déplacer, s'ils ne viennent à Alger à moins qu'on ne les fasse tuer par surprise. Quelques-uns après avoir accumulé beaucoup d'argent, craignant pour leur vie, s'enfuient secrètement, et vont en faire usage dans un autre royaume.
Histoire du royaume d'Alger par M. Laugier de Tassy,
commissaire de Marine pour Sa Majesté très chrétienne en Hollande
Édition 1725
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La prostitution dans la ville d'Alger
depuis la conquête.
Envoyé par M. Christian Graille
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Avant-propos.
Chargé d'une mission scientifique dans la province d'Alger pendant l'été 1851, j'ai voulu consacrer quelques moments de liberté à l'étude d'une des questions d'hygiène publique de la ville d'Alger.
Je n'avais que l'embarras du choix ; car malgré les améliorations introduites successivement par les divers gouverneurs dans cette nouvelle ville française, il n'est pas besoin d'y séjourner longtemps pour voir combien il reste à faire sous le rapport de la salubrité.
J'ai choisi un sujet presque médical et qui intéresse vivement la santé publique ; c'est l'histoire de la prostitution dans la ville d'Alger depuis la conquête. Entraîné par l'exemple de Parent-Duchatelet (médecin) qui a rendu un si grand service en s'occupant de la ville de Paris, de cette immense question, et encouragé par quelques-uns de mes confrères d'Alger, je n'ai pas cru devoir reculer devant cette pénible tâche.
Je m'empresse de remercier MM :
- Descous, adjoint au maire,
- Lainé, chef de bureau à la mairie,
- Mouzeler, économe du dispensaire, médecin du dispensaire,
- Berbrugger, bibliothécaire de la ville, membre de la Commission scientifique de l'Algérie,
- Vaillant, inspecteur du service de santé en 1850 et 1851 qui ont mis tant de bonne volonté à mes communiquer les documents administratifs et à me fournir tous les renseignements dont l'avais besoin.
Ceux qui je donnerai ont été pris sur les registres de la municipalité, sur les feuilles du dispensaire qui ont toutes été mises à ma disposition, en même temps que l'on m'ouvrait les portes de cet établissement et que l'on répondait Malheureusement, lors de l'occupation, les fonctionnaires indigènes abandonnèrent leur service en emportant ou en faisant disparaître presque tous les registres et les documents les plus précieux.
" Jamais, dit le capitaine Pellissier, une occupation ne s'est faite avec autant de désordre administratif que celle d'Alger, même dans les temps les plus barbares. "
Ce sont les débris de matériaux anciens ajoutés aux nouveaux, péniblement amassés, quelques rares indications trouvées dans les ouvrages sur l'Algérie et les renseignements pris sur les lieux même qui m'ont servi pour faire ce travail dont je crois la publication de quelque utilité.
S'il peut contribuer à l'amélioration de cette branche de l'hygiène publique, j'aurai atteint mon but.
Nécessité de la prostitution.
On ne peut plus actuellement se poser cette question : la prostitution est-elle utile ?
L'expérience de plusieurs siècles, les travaux sérieux des plus grands administrateurs de tous pays qui n'ont pu détruire cette plaie de notre organisation sociale y répondent suffisamment.
Tous ont reconnu que c'était une nécessité malheureuse à laquelle il fallait se soumettre.
Odéré, médecin aussi célèbre que profond moraliste est obligé de terminer son article sur la matière par les conclusions suivantes :
1° La prostitution est un acte quI amène la dégradation des forces physiques et morales des personnes qui s'y livrent,
2° elle est attentatoire :
- aux bonnes mœurs,
- à la population,
- la santé publique
- qu'elle favorise des maladies honteuses,
- des maladies de la peau, et, dans certains cas
- de plusieurs autres maladies contagieuses,
Ce qui devrait attirer sur elle la sévérité des lois et la faire proscrire comme ennemi du corps social,
3° mais que, d'autre part, dans les villes où il y a garnison et beaucoup de célibataires par état ou par nécessité, elle devient une sorte de mal nécessaire qu'on est obligé de tolérer pour en éviter un plus grand encore ; mais qu'il est indispensable de la soumettre à des dispositions constantes de garantie envers le public sous le rapport de la santé et du bon ordre afin qu'elle soit le moins nuisible possible. "
Cette nécessité de la prostitution une fois admise, on voit que ce sujet est capable d'offrir un grand intérêt au médecin observateur, sous le rapport :
- de la morale,
- de la législation,
- de l'hygiène publique,
- de la population.
Origine de la prostitution. Prostitution biblique.
Croissez et multipliez furent les premières paroles adressées par le Créateur aux deux premiers êtres qu'il venait de forme à son image.
Il s'agissait alors d'obtenir une postérité qui assurât l'empire de l'homme ; plus tard et dans l'espérance d'une progéniture vraiment attendue de sa digne compagne, le vertueux Abraham dut la quitter pour la jeune Agar, sa servante.
C'était pour la même cause que les deux filles de Loth enivraient leur père qui allait commettre un double inceste avec elles.
Jacob épouse successivement, et à huit jours d'intervalles, ses deux cousines germaines Lia et Rachel et les deux sœurs lui livrent tour à tour leurs plus jeunes servantes pour en obtenir une nombreuse postérité.
Nous, nous bornerons à ces citations que nous pourrions multiplier.
Prostitution hospitalière.
Chez les peuples sauvages, on pratiquait l'hospitalité et on regardait comme un bienfait des Dieux la présence d'un hôte. De là l'empressement et les soins dont il était l'objet.
Un mari cédait volontiers son lit et sa femme à l'hôte que les Dieux lui envoyaient, et la femme, docile à un usage qui flattait sa curiosité capricieuse se prêtait de bonne grâce à l'acte le plus délicat de l'hospitalité.
Il est vrai qu'elle y était entraînée par l'espoir d'un présent que l'étranger lui offrait souvent le lendemain en prenant congé d'elle ; et puis, ce voyageur ne pouvait-il pas être un Dieu voyageant sous la figure humaine ?
On dit qu'en Abyssinie cet usage existe encore. Dans l'Amérique du Nord les filles des tribus de Peaux Rouges font fête aux trappeurs qui arrivent avec des pacotilles de colliers et de verroteries.
Prostitution sacrée.
Elle fut la suite de cette première prostitution et des prêtres s'attribuèrent des sacrifices que de jeunes filles nubiles croyaient offrir à la divinité ; de là ces idoles monstrueuses auxquelles les vierges de l'Inde.
Si on en croit Hérodote (historien et géographe grec,) toutes les dames de la ville immense de Babylone venaient religieusement se prostituer une fois dans leur vie, dans le temple de Vénus, à un étranger qui prenait possession de celle qui lui convenait en invoquant la déesse Mylitta qui n'était autre que Vénus Uranie (fille du ciel et de la lumière qui, selon les Anciens, animait la nature).
Plus tard les Phéniciens sacrifiaient à la déesse Astarté (déesse liée à la fertilité et à la fécondité) qui avait les deux sexes dans ses statues pour représenter à la fois Vénus et Adonis. Elle avait vingt temples renommés : les deux principaux étaient ceux de Paphos et d'Amathonte (villes de l'île de Chypre) où la prostitution sacrée s'exerçait sur une à plus grande échelle que partout ailleurs.
Si l'on voulait interroger les mystères des fêtes de :
- Cérès (déesse de l'agriculture, des moissons et de la fertilité),
- de Bacchus,
- de Vénus et
- de Priape (déesse des jardins, des vergers et des plaisirs)
on verrait la prostitution érigée en culte et prenant alors une extension remarquable. Cette prostitution sacrée est encore en usage chez beaucoup de peuples indiens dont la civilisation est peu avancée et nous lisions récemment dans une statistique de Mahé un article sur les mœurs de Malabars où l'on dit : " Leurs mœurs sont loin d'être pures, les plaisirs sensuels les accompagnent partout où ils vont.
Ils ont de la musique et des danses qui sont très lascives, surtout la nuit quand ils ont une fête dans leurs pagodes où l'on trouve des endroits destinés aux plaisirs secrets ; on voit sur les chars de leurs Dieux, ainsi que sur les murs de leurs temples des tableaux qui représentent des scènes mystérieuses. Il paraît que cela tient de leur religion. "
Prostitution légale.
Dans la savante publication qui est faite en ce moment sous le nom de Pierre Dufour (histoire de la prostitution chez les différents peuples), on cite une multitude d'exemples qui établissent cette espèce de prostitution et l'on ajoute page 132 : " La prostitution qui existait dans tous les temples d'Athènes à l'époque où Solon (législateur et poète athénien) donna des lois aux Athéniens, invita certainement le législateur à établir la prostitution légale.
Il vit les prêtres et les autels s'enrichir avec le produits des consacrées qui ne se vendaient qu'à des étrangers. Il songea naturellement à procurer les mêmes bénéfices à l'État et par les mêmes moyens, en les faisant servir à la fois aux plaisirs de la jeunesse athénienne et à la sécurité des femmes honnêtes.
Il fonda donc comme établissement d'utilité publique, un grand dictérion (maison publique de débauche) dans lequel les esclaves achetés avec les deniers de l'État et entretenus à ses frais, levaient un tribut quotidien sur les vices de la population et travaillaient avec impudicité à augmenter les revenus de la République. "
Proscription de la prostitution.
Solon fit en même temps des règlements très rigides pour organiser cette partie des services publics et des lois très sévères punirent toutes les infractions.
Les femmes qui se livraient à la prostitution étaient généralement des esclaves méprisés pour leur honteux commerce, et à Rome, les citoyennes qui se prostituaient perdaient cette qualité.
Sous le règne de Domitien, elles étaient déclarées incapables de succéder et de percevoir des legs.
Cette législation fut conservée par presque tous les empereurs chrétiens. Chaque roi de la première race avait trois ou quatre épouses qualifiées de reines et un plus grand nombre de concubines.
Charlemagne essaya cependant d'extirper la débauche publique en publiant une ordonnance qui bannissait les prostitués tant des villes que des villages.
Dans certains pays, et plus tard on proscrivit les prostituées. En 1521 un magistrat de Strasbourg les expulse de la ville et enfin toutes les maisons privilégiées de débauche sont supprimées en 1540. Mais peu à peu elles reprennent pied dans la ville et s'y multipliant tellement qu'en 1684 on ordonne :
- de les chasser publiquement,
- de les fouetter par la main du bourreau si elles rentrent dans la ville et même
- de leur couper le nez
Ces peines rigoureuses prouvent bien que l'on a parfois tenté d'apposer une digue à l'envahissement de ce spectacle immoral ; cependant il a fallu céder partout et légaliser la prostitution dans l'intérêt, du bon ordre et de la salubrité.
Nous avons vu originairement la prostitution avoir pour mobiles l'hospitalité et la religion ; mais depuis longtemps, telles ne sont plus les causes honorables qui la déterminent, et, il faut l'attribuer :
- à la paresse, à la misère, à la pauvreté, à la vanité, à la gourmandise, à des chagrins domestiques ou à des mauvais traitements.
Parent-Duchâtelet, dans un de ses curieux tableaux ne trouve que 90 prostituées sur 5.183 qui aient pu donner une excuse admissible à l'exercice de cet infâme métier.
J'ai cru devoir faire une courte digression sur :
- la nécessité de la prostitution,
- son origine et
- ses causes,
Avant d'arriver au sujet particulier que je veux traiter ici : De la prostitution dans la ville d'Alger depuis la conquête.
Origine de la prostitution à Alger.
Il existe si peu d'ouvrages sur la Régence d'Alger avant la conquête des Français en 1830, qu'il ne nous a pas été possible de faire l'histoire complète de la prostitution africaine avant cette époque.
Cependant, à force de recherches, nous sommes parvenus à découvrir qu'elle existait déjà à Alger en 1612.
Le père Don Diego de Haedo, qui a publié en espagnol une topographie et une histoire d'Alger nous donne à ce sujet des détails assez curieux.
" Le troisième vice et péché, dit-il, est la luxure dont les Algériens font un si grand usage, qu'ils la regardent comme devant faire leur bonheur dans ce monde et dans l'autre.
Suivant la doctrine de Mahomet, la fornication simple n'est pas un péché et les femmes de mauvaise vie sont si nombreuses que les Maures même disent qu'il n'y a pas de femme à Alger qui ne se prostitue, non seulement aux Turcs et aux Maures mais encore aux chrétiens qu'elles obsèdent de leurs importunités et qu'elles vont chercher dans leurs propres maisons, sans crainte de la mort, ou qu'on les jette à la mer comme c'est l'habitude. " Ces faits se trouvent confirmés par un autre ouvrage publié en 1671 (topographie et Historia de Argel).
Voici ce que raconte Emmanuel Aranda (relation de la captivité et la liberté du sieur Emmanuel Aranda jadis esclave à d'Alger) : " Les femmes ne sont pas scrupuleuses devant les esclaves chrétiens car elles disent qu'ils sont aveugles ; mais elles sont remarquables par leurs mauvaises inclinaisons ; car nonobstant que leurs maris, avec toutes sortes de diligences, tâchent de tenir leurs femmes et leurs filles dans la maison, elles inventent mille finesse :
- pour se baigner, pour faire des visites, ou sous prétexte de dévotion pour visiter un marabout ou santon et s'abandonnent alors, quand elles trouvent l'occasion, à tous ceux qu'elles rencontrent, fussent-ils : des coquins, des bélîtres (vauriens), des sodomites.
Il ajoute dans un autre endroit :
" Quelques esclaves gagnaient beaucoup d'argent ; mais comme l'on voit ordinairement que le bon temps et l'argent perdent les hommes, ceux-ci le perdait avec les femmes et le vin ".
Ces faits intéressants, cités par deux auteurs dignes de foi et qui ont longtemps habités Alger, démontrent d'une manière irréfragable que la prostitution y existait déjà au seizième siècle. Nous n'avons pu remonter à une date plus ancienne.
Prostitution avant 1830.
Nous arrivons, sans intermédiaire aux années qui ont précédé l'arrivée des Français sur le sol africain.
La prostitution y existait sur une grande échelle et y était réglementée.
Et d'abord nous savons que les janissaires mariés avaient tous des concubines, outre les quatre femmes qui sont permises à tout Musulman, d'après le Coran.
Mais comme ils perdaient une grande partie de leurs avantages en se mariant, ils restaient presque tous célibataires et vivaient avec des filles publiques, chez lesquelles ils passaient la moitié du temps à se livrer à toute espèce de débauche.
Le capitaine Rozet estime à 3.000 le nombre des filles publiques qui existaient à Alger lors de notre arrivée. Il y avait :
- des Mauresques, - des Arabes, des Noires mais il n'y avait pas de juives autorisées
Les femmes publiques étaient renfermées dans des maisons particulières et divisées en diverses classes dont chacune avait ses prix ; elles ne pouvaient sortir sans la permission du mézouar. C'était le grand bailli ou le lieutenant général de la police ; il était chargé spécialement de la surveillance des femmes qui faisaient métier de la prostitution.
Prostitution après 1830.
Les Français trouvèrent la prostitution établie à Alger et dans toute la Régence soumise aux règles despotiques des mézouars.
Cette tutelle persista encore quelques temps ; mais aussitôt que l'on eut pris possession du pays et en présence des troupes assez nombreuses, on sentit que dans l'intérêt de la santé du soldat et des arrivants attirés à Alger par l'espoir d'y faire fortune, on devait réglementer la prostitution.
Si l'on ouvre le registre des délibérations de la Commission administrative du dispensaire d'Alger, on y trouve à la date du 6 décembre 1837 un rapport remarquable de M. Antié, lu et approuvé le 29 décembre 1837, où on lit ce qui suit sur l'historique des arrêtés sur la prostitution en Afrique.
Un arrêté du 11 août 1830 créa un dispensaire de santé sous la surveillance de la police. Toutes les filles étaient tenues de s'y faire inscrire et de s'y pourvoir d'un livret. Elles étaient obligées de se présenter une fois par semaine au dispensaire et de payer entre les mains de l'agent comptable une rétribution mensuelle de 5 francs. Par arrêté du 27 mars 1831, le dispensaire fut placé sous l'autorité du maire ; mais l'impôt continua à être perçu par les soins du commissaire de police.
Un arrêté du 12 juin suivant plaça sous la surveillance du maire, les filles et le dispensaire.
La nécessité de mettre un terme aux abus qui résultaient de la mesure par laquelle la perception avait été confiée aux agents subalternes de la police fuit rendre l'arrêté du 11 juillet 1831 par lequel le sieur Loarby fut rendu adjudicataire moyennant la somme de 1.860 francs par mois.
Le 29 septembre suivant, intervint un nouvel arrêté qui, basé sur la concession du sieur Loarby, concéda la ferme au sieur Mehemet moyennant 1.980 francs par mois. D'autres arrêtés furent encore publiés en en 1832, 1834, 1835 pour de nouvelles adjudications.
De l'inscription.
Article 1er. Toute fille notoirement livrée à la prostitution sera inscrite par les soins de Commissaire de police, chef du bureau central, sur un registre tenu à cet effet audit bureau.
Articles 2 ,3 ,4 ,5. Sur la manière de faire cette inscription.
Du service sanitaire.
Article 6. A dater du 1er octobre prochain toutes les femmes publiques seront tenues de se faire visiter deux fois par mois et à quinze jours d'intervalle pour faire constater leur état de santé.
Article 7. Cette visite aura lieu au dispensaire. Toutefois les femmes publiques qui désireraient se faire visiter à leur domicile pourront en obtenir la faculté en payant une rétribution extraordinaire de 3 francs par visite, à titre d'honoraires, en faveur du médecin.
Articles 8 ,9 ,10. Sur la tenue du registre des visites.
Article 11. Les filles publiques visitées au dispensaire et reconnues atteintes de maladies vénériennes seront retenues dans cet établissement pour y être mises immédiatement en traitement.
Quant à celles qui seraient visitées dans leur domicile et qui se trouveraient dans le même cas, elles seront conduites au dispensaire par les soins du commissaire de police.
De la perception.
Article 12. Pour subvenir aux dépenses qui résulteront tant de la visite que du traitement des femmes publiques il sera payé pour et par chacune de ces femmes, au moment de la visite, une rétribution de 5 francs, soit 10 francs par mois.
Articles 13 et 14. Sur le mode de perception de cet impôt par l'économe du dispensaire.
Dispositions générales.
Articles 15, 16, 17, 18, 19. Concernant l'exhibition des cartes, les changements de domiciles, etc.
Article 20. Il est expressément interdit à toutes filles publiques :
- de se produire,
- de vaquer dans les rues après dix heures du soir et
- d'appeler directement ou indirectement les passants,
Soit de jour, soit de nuit :
- aux portes, aux fenêtres, dans les rues, places, promenades ou chemins publics.
Article 21. Il leur est expressément défendu :
- de s'introduire dans les casernes ou corps de garde,
- de recevoir ou d'avoir chez elles des militaires après la retraite
- et même de se trouver ailleurs en leur compagnie.
Article 22. Nulle fille publique ne pourra, non plus sortir de la ville pour se rendre dans les tribus environnantes, sans une permission écrite du Commissaire de police, chef du bureau central.
La même permission leur sera nécessaire pour aller aux fêtes qui seraient données soit dans l'intérieur, soit à l'extérieur de la ville.
Article 23. Réglementaire.
Article 24. La rétribution à payer pour chacune des filles dont la demande sera faite reste fixée, pour l'extérieur, à 10 francs et pour l'intérieur à 5 francs.
Articles 25 et 26. Réglementaires.
Alger le 26 septembre 1835
L'Intendant civil, Lepasquier .
Le 18 avril 1836, M. Germont, commissaire central de police signala à M. l'intendant civil une diminution de plus de 4.000 francs dans la recette et il n'hésita pas à attribuer la cause à un mode qui consistait à confier la perception à trois ou quatre personnes indépendantes.
M. Germont signalait encore :
- le scandale de ces perceptions,
- les interprétations peu honorables qui en résultait pour ceux qui en étaient chargés,
- enfin l'inconvénient d'entretenir pour ce service un personnel très nombreux.
Par un rapport du 3 octobre 1836, M. Méardi, médecin du dispensaire, signala aussi de nombreux abus qui s'étaient perpétués sous l'administration des fermiers dont l'un d'eux a payé, en amendes, la somme de 6.000 francs.
Tant d'abus, tant exactions ayant éveillé l'attention de l'autorité supérieure, M. Maziau, chef de bureau de comptabilité à l'intendance civile, prépara un règlement de vues utiles et dont nous avons à regretter que l'application n'ait pas été faite.
Les choses sont restées dans cet état jusqu'à la formation de la commission. D'après le vérification des registres, on retrouve la trace du désordre des écritures, des comptes etc.
Police.
Irrégularité entière : pour les cartes, les visites à domicile, les perceptions et les visites au dispensaire.
Le sieur Margot, appelé dans le sein de la Commission et interrogé, répondit : " Je savais, il est vrai, que des agents sous mes ordres prévariquaient, mais je n'ai jamais rien pu découvrir. "
L'agent de police Baruch fait les aveux les plus complets et dit que M. Margot lui-même avait touché, pour son compte personnel, de 40 à 60 francs par bal.
On a touché du 1er janvier au 22 octobre 1837, 19.917 francs sur 448 filles.
Il y a là une erreur énorme ; car en retranchant des 448 filles 148 pour non-valeurs ou cessation, retranchant encore les sommes provenant :
- des permis de musique,
- des fêtes, des bals,
Il restait toujours 300 filles qui, à 10 francs par mois, doivent produire ainsi, ainsi que l'a avancé l'agent Baruch, 30.000 francs au lieu de 19.917.
Conclusion.
L'institution des filles publiques est une plaie de notre organisation sociale, une nécessité malheureuse à laquelle il faut se soumettre ; mais le nombre de ces femmes est si disproportionné à Alger que la misère en chassera sans doute celles-là même que la misère y a conduites, et lorsqu'on considère qu'on en compte plus de 300 sur 25.000 habitants, tandis que Paris n'en a que 4.000 pour 900.000 habitants, il est permis d'espérer qu'avec une administration loyale et protectrice on en ramènera plusieurs dans le devoir, en même temps qu'on pourra préserver la santé publique.
Rapport des filles publiques d'Alger avec la population.
Les tableaux des filles publiques et ceux qui concernent la population depuis la conquête sont, malgré nos soins, trop irréguliers.
On sait qu'au dix-huitième siècle la population d'Alger était de 75.000 âmes ; cependant par des causes que nous ignorons, cette population a sensiblement diminué car en 1830 elle n'était plus que de 30.000. Les chiffres doivent être nécessairement augmentés du chiffre de l'armée.
Mais les besoins du service, les expéditions en Algérie ont tellement fait varier cette population mobile que les renseignements recueillis même auprès des officiers généraux de l'armée d'Afrique n'ont rien pu nous apprendre de très positif à ce sujet. Cependant ils se sont tous accordés à porter ce chiffre, en moyenne de 12 à 15.000 hommes dans l'origine de l'occupation.
Depuis que notre pouvoir s'est affermi, on a pu sans danger diminuer cet effectif et aujourd'hui il y a à peine un régiment à Alger.
Il nous a fallu cependant fixer approximativement ce chiffre militaire car on sait que le nombre de filles publiques s'accroît en raison du nombre de soldats qui les entourent.
En 1833, Alger comptait :
- 2.731 Français,
- 689 Anglais et Anglo-Maltais,
- 981 Espagnols et Portugais,
- 671 Italiens,
- 644 Allemands, Suisses et Belges, soit 5.716
- 11.850 Musulmans, soit 17.799 Kabyles et Noirs 1.874.
En 1846 :
- 31.966 Français,
- 5.187 Anglais et Anglo-Maltais,
- 20.588 Espagnols et Portugais,
- 4.088 Italiens,
- 6.452 Allemands, Suisses et Belges,
- 493 Grecs et Russes
soit : 68.778
- 17.858 Musulmans
- 5.758 Israélites,
soit : 23.616
- 1.380 Kabyles et Noirs.
La population d'Alger est composée d'éléments si divers que nous devons trouver des filles de toutes les nations dans celles inscrites au dispensaire.
Nous avons bien les tableaux mensuels mais le cadre restreint de ce travail ne nous permet pas de les donner en entier.
En 1851 le nombre de filles publiques dans la capitale était de :
- 81 Françaises,
- 37 Espagnoles,
- 4 Mahonnaises,
- 5 Italiennes,
- 9 Allemandes
- 2 Anglo-espagnoles
- 170 Arabes et Mauresques,
- 12 Juives,
- 3 Mulâtresses,
- 3 Noires
- soit 336
Les filles Arabes et Mauresques l'emportent par le nombre et les filles juives être certainement moins nombreuse :
- par rapport à la population
- à leur degré de misère ,
- et de moralité.
Mais elles sont Juives et les Musulmans les tiennent en trop profond mépris pour les fréquenter.
Nous aurons occasion de faire ressortir cette antipathie lorsque nous parlerons de la superstition des filles mauresques.
C'est parmi les Juives qu'à Alger et à Oran nos soldats ont le plus de maîtresses. Quoiqu'elles aimassent beaucoup les Français, à moins qu'elles ne fussent tout à fait filles publiques, elles ne cédaient pas sans résistance. Il fallait :
- leur faire la cour, leur dire et quelquefois, leur prouver qu'on les aimait.
A Alger comme à Constantine, ce sont surtout les femmes du pays qui desservent la prostitution.
On n'a pas de données sur la position sociale des familles des prostituées européennes.
Les prostituées indigènes tiennent toutes à des familles pauvres qui vivent du commerce de leurs filles.
La misère produit presque partout le même effet car on sait que dans presque toutes les Villes d'Égypte, les fellahs fournissent la plus grande partie des filles publiques.
Les Mauresques habitantes des villes se trouvent constamment en majorité ; ainsi chez les Musulmans comme chez les Européens les villes fournissent plus d'éléments à la débauche que le peuple des campagnes.
Du Mézouar.
L'inscription qui constatait les noms et la nationalité des filles publiques était faite par le magistrat nommé : mézouar, mézuar, mizouard.
C'était l'intendant général de la police d'Alger. C'était toujours un Maure qui occupait ce poste lucratif, mais des plus abhorrés car ce Maure faisait aussi l'office de bourreau et était alors chargé de faire :
- pendre,
- étrangler ou
- noyer les criminels des deux sexes.
A un degré plus élevé que la fille publique (Kahba ou dourria), il y avait les femmes entretenues (msanat).
Quant aux premières elles étaient sous la juridiction du mézouar, il en tenait la liste et percevait une redevance mensuelle (charama) qui était de 11 francs (2 douros d'Espagne) pour les plus jolies filles ou pour celles qui avaient beaucoup d'adorateurs et de 5 francs, 40 centimes, 3 boudjoux (unité monétaire utilisée dans l'empire ottoman) pour les autres.
Leur nombre total pouvait s'élever à 500 pour la ville d'Alger, et celles de la première classe ne figuraient pas pour plus de douze ou quinze dans ce chiffre.
Le mézouar avait en outre la permission de faire, un certain nombre de fois par année, une sorte d'exhibition de ses administrées dans des bals publics dont tout le profit était pour lui.
Il achetait ces avantages au prix d'une redevance annuelle et il versait dans les caisses de l'ancien gouvernement une somme dont la quotité a dû varier, puisqu'elle dépendait, à chaque renouvellement de la ferme passée au plus offrant, de la quantité des malheureuses soumises à sa taxe.
Quoique chaque Musulman pût avoir quatre femmes et autant de concubines que cela lui plaisait, les bénéfices du mézouar d'Alger étaient considérables.
Dans les idées musulmanes, cette bizarre institution n'avait rien de choquant, et c'était souvent parmi les femmes inscrites sur son livre que les Algériens allaient chercher leurs concubines, les esclaves blanches étant devenues d'une extrême rareté.
Cette magistrature étrange avait un singulier privilège : le prix de la ferme demeurant fixe, et la redevance exigible grossissant avec le nombre des assujetties, le mézouar avait intérêt à voir ce nombre s'accroître.
En conséquence, il recherchait et faisait rechercher par ses agents celles des femmes réputées honnêtes dont la conduite était suspecte et s'il pouvait prouver devant le Cadi qu'elles étaient tombées en faute, libres ou mariées, elles étaient comme femmes perdues, inscrites sur le livre du mézouar et tenues de payer la taxe. Il pouvait, pour arriver à cette preuve de flagrant délit, s'introduire même dans les maisons.
Il avait pour cela un certain nombre d'agents constamment occupés à découvrir toutes les intrigues amoureuses et quand ils étaient parvenus à en connaître quelques-unes, ils en prévenaient leur chef, qui allait lui-même à l'endroit du rendez-vous.
Il cernait avec ses agents les maisons particulières et s'en faisait ouvrir les portes. S'y trouvait-il un amant ? Quel que fût le rôle qu'il y jouât, le mézouar s'emparait de la femme comme se livrant à un commerce clandestin.
Pour éviter l'inscription, elle devait donner une très forte somme d'argent : c'était de cette manière que les choses s'arrangeaient la plupart du temps et c'était surtout pour les rançonner que le mézouar faisait guetter les épouses infidèles, surtout celles des gens riches.
Du jour où ces femmes étaient inscrites sur le livre fatal, les liens du mariage se trouvaient rompus, et la fille était retranchée de la famille.
Conséquence morale d'une institution immorale, peine dont la menace suppléait à la surveillance des époux et des pères et empêchait bien des écarts. Quand l'adultère avait lieu avec un Juif ou un chrétien, la femme était saisie, mise dans un sac et jetée à la mer ; l'homme avait la tête tranchée à moins qu'il ne pût racheter sa faute par une grosse somme d'argent.
Si nous devons signaler la fâcheuse influence de notre conquête sur les Maures et les Arabes, il faut bien reconnaître, par contre, que nous avons délivré l'Algérie de ces peines par trop rigoureuses.
Notre invasion a mis un terme à ces actes barbares ; mais aussi la prostitution clandestine a pris ouvertement un développement extraordinaire.
C'était au mézouar que l'on s'adressait lorsque l'on voulait emmener une fille publique.
Un Maure lui faisait-il savoir celle qu'il désirait avoir le lendemain, à telle heure et pour tel prix ; le mézouar donnait ses ordres et tout s'arrangeait au gré des parties. Si le Maure ne connaissait aucune de ces femmes il demandait la première venue ; le prix qu'il donnait décidait de la beauté et de la qualité de l'objet. On convenait du prix pour la journée ou pour plusieurs jours, on payait d'avance et on pouvait emmener la belle pour la rendre à l'époque fixée.
Quand elle manquait à ses engagements envers l'amateur qui l'avait louée, celui-ci allait s'en plaindre au mézouar qui rendait l'argent payé d'avance et faisait mettre la rebelle en prison pour un temps plus ou moins long suivant la gravité de la faute. Cependant les filles publiques elles-mêmes ne pouvaient être louées qu'à des Musulmans ; celles qui étaient surprises avec des Juifs et de chrétiens subissaient le sort rigoureux des autres femmes coupables d'adultère.
On n'admettait pas les Juives comme filles publiques, non que cette nation n'eût pu en fournir beaucoup mais parce que le profond mépris des Musulmans pour les Israélites leur faisait prendre en un invincible dégoût les filles d'Israël malgré la beauté de leurs traits !
En 1833 on ne comptait que deux Juives inscrites.
Causes de la prostitution des étrangères.
Les causes générales, indiquées par Parent-Duchâtelet, (médecin) sont les mêmes ici pour les filles publiques étrangères qu'elles soient :
- Françaises, Belges, Anglaises, Allemandes.
Mais parmi les filles françaises, qui se distinguent aussi par leur nombre, il y en a beaucoup qui étaient déjà cartées en France.
D'autres entraînées à la suite de notre armée, ont été abandonnées par leurs amants militaires et pour échapper à la misère, elles ont pris le parti de se faire inscrire parmi les filles publiques.
On connaît généralement l'influence des garnisons sur l'augmentation des filles publiques. Le même effet s'est produit non seulement à Alger mais dans toutes les villes de l'Algérie, à mesure que notre armée gagnait du terrain.
Causes de la prostitution des Indigènes.
Le grand nombre de filles mauresque a frappé notre attention et nous a fait rechercher la cause de ce chiffre presque normal de la prostitution algérienne.
- La misère,
- l'influence du climat,
- un relâchement extrême dans les mœurs
- instinctive de la femme pour les travaux manuels assez commune aux peuples du Midi,
- manque absolu de principes religieux,
- facilité accordée aux Maures de répudier leurs femmes, sont, à mon avis, les causes principales de cette prostitution indigène.
On doit peut-être aussi attribuer le développement de la prostitution indigène à la loi de continence qui oblige tout Musulman qui aura prononcé le serment, à ne pas cohabiter avec sa femme pendant toute la durée fixée par ce serment.
D'après la jurisprudence civile, ce serment est obligatoire même lorsqu'il est conditionnel et il peut se prolonger pendant deux ans comme dans l'allaitement dont la durée légale est de deux ans.
Nombre de familles à leur aise avant 1830 se sont vues peu à peu dépouillées de leurs biens, par suite d'une guerre longue et ruineuse ; nombre d'industries indigènes ont dû nécessairement s'évanouir devant une civilisation conquérante ; les exemples ne manquent pas.
La conséquence en a été une gêne immédiate chez un peuple qui, en conservant ses goûts et ses besoins, ne possédait plus les mêmes ressources pour les satisfaire.
- L'argent devint rare,
- les rentes ne se payèrent plus,
- les remboursements furent nuls.
Telle Mauresque qui vivait avec sa fille du produit d'un ana (petite rente) fut obligée, lorsque cette dernière ressource vint à lui manquer, de transiger avec sa répugnance instinctive pour les chrétiens.
C'est là l'histoire de ces marchés tacitement scandaleux où une mère vend sa fille pour un morceau de pain.
Telle était notre opinion sur une des causes de la prostitution des indigènes, basée sur l'étude historique de notre conquête, et nous l'avons retrouvée presque textuellement dans un ouvrage remarquable du capitaine Pellissier (annales algériennes 1836).
Les propriétaires dépossédés reçurent en 1834 sous le gouvernement du général Berthezène une indemnité équivalente à six mois de loyer de leurs biens.
Depuis cette époque la masse de ces infortunées s'est prodigieusement accrue. Or les indemnités qui leur sont dues s'élèvent dans ce moment à 120.000 francs de rente.
On conçoit toute la gêne qu'une pareille somme, enlevée annuellement à quelques familles peu aisées pour la plupart, a dû y laisser, en échange de misère et de désespoir.
Cependant personne n'a voulu pénétrer le secret de tant de douleurs. De pauvres enfants tendent la main, au coin des rues, aux humiliants secours de l'aumône.
De malheureuses filles destinées naguère à la chasteté du nœud conjugal sont livrées par la faim à la prostitution et personne ne s'enquiert de la cause de ces misères.
D'un autre côté, l'impôt étant un revenu, le fisc dont on connaît les entrailles et la moralité a poussé à l'augmentation des recettes.
Ce résultat ne pouvait s'obtenir qu'en précipitant dans le flot de la prostitution des filles ou des femmes qu'une faiblesse amoureuse avait écartées du sentier de la vertu.
La faute ne pouvait n'être que passagère, le fisc la rendait définitive en prenant possession officielle, publique de la malheureuse en la timbrant de son cachet.
Cette licence des Maures musulmans se retrouve dans tout l'Orient. Voici le tableau que nous en donne Hammon qui a fait un livre très curieux sur l'Egypte :
" Les mères vendent leurs filles ; celles-ci ; quoique très jeunes, sont les confidentes et les agents secrets de leurs mères.
Les matrones en grand nombre y sont fort adroites ; elles pénètrent partout, fournissent aux femmes mariées les moyens de tromper leurs maris : le bain, une visite à une amie sont les prétextes ordinaires.
Toutes les femmes s'entendent et se prêtent une mutuelle assistance.
- Des maris spéculent sur leurs femmes
- le frère offre la sœur,
- la mère donne à sa fille des leçons de libertinage et partagent avec elles les caresses d'un homme. Mais le moteur utile, le mobile de ces actions, c'est l'intérêt.
Peu de femmes se livrent par amour. Dans les villes de très jeunes filles mahométanes se mettent en service. Les habitants juifs, chrétiens ou autres peuvent en posséder pourvu qu'ils aient chez eux une femme âgée, une esclave ou qu'ils soient mariés. On s'adresse au mokkadem, c'est le répondant, celui qui s'occupe du placement des domestiques mâles et femelles.
On lui désigne le nombre de filles que l'on désire, l'âge, les qualités physiques, et à jour nommé on les conduit à votre maison.
On peut avoir une jeune servante pour 20 piastres par mois (5 francs) avec la faculté de la renvoyer à volonté.
Chez les nomades du désert j'ai observé, m'écrivait M. Berbrugger, le savant bibliothécaire d'Alger, dans une lettre du 30 avril 1852, que lorsqu'un chef de famille se trouve à court d'argent, il envoie sa femme ou sa fille faire une campagne de prostitution auprès d'une des villes du Sahara. Puis la campagne terminée, la prostituée temporaire rentre en famille comme devant et elle n'est pas plus mal vue pour cela. "
Quand on connaît :
- la tolérance des mœurs des Musulmans en ce qui touche les relations sexuelles,
- la facilité extrême avec laquelle des époux se prennent et se quittent, et
- la singulière ressemblance qu'il y a chez eux entre le mariage et la prostitution,
Les faits que nous avons cités n'étonnent nullement. Chez nous une femme peut trouver à gagner sa vie dans certains travaux, peu productifs à la vérité mais enfin qui lui procurent du pain. Il n'en est pas ainsi à Alger. Une Mauresque ne peut aller en journée :
- soit pour coudre,
- soit pour blanchir,
- soit pour faire un ménage.
Il lui faudrait ôter son voile devant de nombreux témoins et cela lui est défendu par sa religion.
De plus, disons-le, le travail lui répugne aussi tous les soins du ménage sont abandonnées à des esclaves et à des mercenaires.
Les Mauresques plongées dès l'enfance dans la plus grande oisiveté ne rêvent qu'amour et toilette ; elles sont continuellement occupées de leur personne.
Elles n'ont d'ailleurs :
- aucun plaisir,
- aucunes distractions,
- aucun genre de récréation que nos femmes d'Europe peuvent se donner ;
Elles ne peuvent donc songer qu'à l'amour :
C'est le seul mouvement de leur existence, la seule pâture qui soit permise à leurs facultés, à leur surabondance de vie qui les tourmentent dans leurs retraites ; aussi, concentrent-elles tout leur être sur ce point.
Ce que nous disons ici d'une manière générale s'applique du haut en bas de l'échelle sociale chez les Mauresques et on les voit briser assez facilement les obstacles qui les gênent pour se livrer d'abord à la prostitution clandestine avec un amant, et finir par arriver assez promptement à la simple condition de fille publique.
La précocité de la puberté en Afrique est encore une des causes de la prostitution des Indigènes. De douze à quinze ans une femme est nubile et on peut établir la même proportion pour le sexe masculin.
En Égypte, les fellahs et les coptes épousent des filles de huit à neuf ans, chez lesquelles la menstruation ne s'est pas encore effectuée.
Nous voyons le même effet se reproduire à la Mecque, et probablement sur d'autres points de l'Afrique.
Les Arabes de deux sexes se marient fort jeunes et il n'est pas rare d'y voir un jeune homme de quatorze à quinze ans épouser une jeune fille de huit à dix ans ou au moins posséder déjà une esclave.
Cet usage est déplorable parce qu'il énerve la jeunesse et fait dégénérer sa race ; mais c'est un usage adopté dans presque tout l'Orient et les marchands d'esclaves le savent si bien, qu'ils tiennent à très haut prix celles qui sont très jeunes.
Ainsi au Caire une jolie petite noire de dix ans coûte de 600 à 800 piastres.
Une Georgienne de dix à quinze ans se vend 6.000 piastres.
Ces prix extraordinaires surprendront moins lorsque l'on se rappellera que la Géorgie et la Circassie (région située au Nord du Caucase) fournissent les concubines les plus recherchées.
Tel garçon, qui chez nous est pur de corps et d'esprit a souvent fait acte d'homme en Algérie. Ceci explique les vieillesses prématurées que l'on rencontre à Alger.
Les mariages :
- dans un âge aussi tendre,
- les couches dans l'extrême jeunesse,
- l'usage immodéré des bains et
- la vie sédentaire
Se réunissent pour hâter la vieillesse des femmes qui sont décrépites à trente ou quarante ans quelquefois même avant.
Des unions contractées à un âge aussi jeune produisent souvent des enfants rachitiques ou tout au moins mal constitués : ceci explique enfin les désordres graves qui ont lieu entre les membres d'une même famille.
La manière dont se font les mariages est en rapport avec ces désordres.
Une femme n'apporte d'autre dot que son corps.
Le mari offre au père, soit en argent, soit en bestiaux, une valeur regardée comme payement de bonne venue, et s'engage à payer un dédit fixé en cas de répudiation demandée par lui.
La femme n'apporte rien à la communauté.
Un Musulman prend une femme pour son plaisir comme il achète une esclave au bazar ; seulement les formes sont différentes :
- Il offre tant, la place dans sa famille lorsque le marché est conclu,
- s'en sert, et quand il en est las,
- il la répudie,
- paye la somme stipulée lors du mariage et
- la renvoie pour en prendre une nouvelle.
N'est-il pas évident pour tous que ces femmes qui ont pu contracter :
- ainsi des habitudes de luxe,
- de bien-être et
- d'oisiveté,
Sont alors presque forcées de demander à la prostitution les moyens de continuer cette vie qui pour elles renferme toutes les félicités qui les attendent en ce monde ?
Il serait très probablement intéressant de rechercher quels sont les rapports proportionnels qui existent entre le grand nombre de filles publiques indigènes et la nationalité de leurs visiteurs, et il en résulterait probablement ce résultat presque certain, que pour satisfaire leurs goûts pour la nouveauté, pour l'étrangeté, les Français surtout ont recherché et recherchent encore les Indigènes, et que, d'un autre côté, les Arabes non mariés, étrangers à la ville, comme :
- les Biskris,
- les Kabyles,
- les Mozabites, etc.,
Ne visitent que les femmes indigènes et surtout les Mauresques et les Arabes, à l'exclusion des Juives et des chrétiennes.
Ce fait est patent, surtout à Blidah où les filles indigènes ont une clientèle très abondante fournie par les bataillons de zouaves.
Professions des prostituées.
Les registres du dispensaire ne sont pas régulièrement tenus depuis assez longtemps pour que les renseignements incomplets qu'ils donnent sur l'instruction et la profession des femmes publiques des autres nations puissent être utilisés.
On sait cependant que les Françaises prostituées à Alger étaient avant de prendre la carte, généralement :
- dames de comptoir,
- couturières,
- lingères ou
- modistes.
Les Indigènes n'ont jamais exercé de profession.
Il y a parmi les Mauresques certaines filles qui, dotées par la nature d'avantages physiques s'engagent comme chanteuses. Ce sont généralement des Juifs qui les enrôlent à tant par mois et pour un temps fixé ; cet acte a lieu par-devant le notaire. Là, moyenne de prix est ordinairement de 100 francs par mois.
On voit de ces filles dans quelques cafés maures. Une d'elles fut même engagée pour Paris et se vit voir, pendant quelque temps, dans un café des environs du Palais Royal. Il y a des pays où les prostituées exercent encore d'autres professions.
Macartney, dans son voyage, dit qu'en Cochinchine les femmes des villes font fréquemment l'office d'agents et de courtiers pour les étrangers qui viennent y faire le commerce. Elles leur servent en même temps de concubines.
Influence de notre conquête sur les mœurs des indigènes.
Il serait curieux d'étudier l'influence de notre conquête sur les mœurs des Indigènes. Je crois qu'elle a souvent produit des effets déplorables. Les jeunes gens surtout se sont adonnées au libertinage, à l'ivrognerie, méprisant les lois sacrées du Coran qui défend à tout Mahométan l'usage du vin, ils ont perdu, pour les vieillards, ce respect profond si remarquable chez tous les Arabes.
Le respect d'un fils pour son père et en général de la jeunesse pour la vieillesse, puissant jadis, était dans bien des occasions un frein salutaire contre les mauvaises passions. Un adolescent n'eût pas osé fumer devant son père. Il faut avouer, que sous ce rapport, un changement regrettable s'est introduit.
Beaucoup d'Indigènes boivent du vin en dépit du Coran, s'attablant dans les cabarets et promènent ensuite leur ivresse dans les hauts quartiers.
Je me rappelle à ce sujet une petite scène, scène scandaleuse dont j'ai été le témoin. Je me trouvais dans un café maure : non loin de moi était accroupi un vieillard qui causait avec d'autres Indigènes.
Tout à coup une bande de jeunes gens fait irruption dans le café. En tête se trouvait un jeune Maure en état complet d'ivresse. En apercevant le vieillard, ses amis voulurent, mais en vain, le faire rétrograder. Il échappe de leurs mains, reste dans le café, et se met à danser tout en chantant des paroles obscènes..
Ce voyant, le vieil Indigène fixa sur lui un œil sévère ; puis, se levant de sa natte, il ramena sur son épaule le pan de son burnous et sortit à pas lents.
Ce relâchement dans les mœurs se manifeste d'une manière plus grave dans l'intérieur des familles.
Les enfants se permettent entre eux des privautés étranges. Ils se traitent réciproquement et traitent les personnes étrangères de coued, maq…, ben kaôba, fils de p… le tout accompagné de gestes équivoques, et cela en présence de leurs parents.
Leurs mères ont peu ou point d'autorité sur eux. Souvent même elles sont les complices de leurs désordres.
Frappez à cette porte suspecte, une femme âgée viendra vous ouvrir : ce sera la plupart du temps, la mère ou la tante de la prostituée. Ce sera elle :
- qui apportera le café au visiteur,
- qui tirera le rideau ou
- fermera la porte,
- qui reconduira l'étranger en attendant un nouveau chaland.
Ce scandale qui a pu augmenter ne doit cependant pas être attribué uniquement à la conquête car voici ce que dit le docteur Félix Jacquot : " Les indigènes :
Mauresques, arabes, juives, fournissaient la presque totalité des prostituées dans l'origine de l'occupation. Des enfants de huit à douze ans vous accostaient en plein midi et vous débitaient le catalogue varié de la maison dont ils étaient les commissionnaires. Ils n'oubliaient pas d'y faire figurer des petits garçons dont ils nous vantaient les attraits. "
Les prostituées étaient jadis isolées, en rapport avec des hommes ardents mais non libertins. L'arrivée de notre armée et l'arrêté du 11 août 1830 ont commencé à modifier cette situation.
Les lupanars se sont organisés comme en France, et l'enseignement mutuel du vice s'est trouvé constitué sous nos auspices.
Les prostituées indigènes ont appris et pratiqué ces raffinements de débauche des filles publiques étrangères avec lesquelles elles se sont trouvées en contact soit dans les maisons de tolérance, soit au dispensaire, ou bien elles ont dû se prêter à tous les goûts dépravés que leur apportèrent nos jeunes soldats, il faut même le dire, nos jeunes officiers.
Au délire des sens qui peut souiller le corps sans corrompre radicalement l'âme, est venu s'accoler ce libertinage des impuissants et des blasés qui renouvelle la métamorphose de Nabuchodonosor (roi de Babylone vers 1135 avant Jésus-Christ) et détruit toute dignité humaine.
- Le vin, le rhum et l'absinthe ont fait le reste.
Semblable à nos jeunes enfants qui retiennent avec une si merveilleuse mémoire les mauvais mots qu'ils entendent, et pratiquent avec tant de facilité les mauvais exemples qui leur sont donnés, il semble que la population musulmane ne doit prendre aisément notre civilisation que ce qu'elle a de vicieux et de désorganisateur. Elle se refuse avec obstination à retenir et surtout à appliquer ce que :
- le Gouvernement,
- les Administrations,
- les Écoles publiques s'efforcent de lui inculquer encore plus pour son avantage que pour le nôtre.
Ce n'est qu'avec une grande persévérance qu'on amènera la jeune génération arabe à profiter des préceptes qu'on lui enseigne. Si l'on est forcé d'avouer la fâcheuse influence de notre conquête sur les mœurs déjà bien relâchées des Indigènes, on doit malheureusement avouer aussi que cette facilité excessive des mœurs arabes en pareille matière a un peu réagi sur les Européens dont le niveau moral a sensiblement baissé sur ce point comme sur beaucoup d'autres.
Instruction des filles d'Alger.
Dans notre société la pureté des femmes est en raison directe de leur instruction et de leur aisance : L'ignorance, la grossièreté habitent les lupanars. L'élégance, le talent l'esprit qui charmaient les anciens auprès des courtisanes sont l'apanage des salons.
L'instruction est nulle à très peu d'exceptions près, chez les Européennes et entièrement nulle chez les Indigènes. Il n'y a d'ailleurs aucune distinction à établir en ce qui concerne l'instruction entre une femme honnête indigène et une fille publique du pays. Elles sont, l'une et l'autre, plongées dans la plus crasse ignorance qu'on puisse s'imaginer et la plupart de ces Arabes grossiers, et même des femmes, croient qu'elles ne sont faites que pour servir à la génération et aux plaisirs des hommes.
Lorsqu'elles sont ensemble, toute leur conversation roule ordinairement sur les plaisirs de Vénus et sur les moyens de se réjouir de ce côté-là.
Age des filles mauresques.
Les Indigènes ignorent toutes leur âge, car jusqu'en 1838 on n'inscrivait ni les naissances, ni les décès. Ces actes de l'état civil ne s'établissaient que par la notoriété publique.
Mais à partir de 1838, les sages-femmes ont été tenues de faire les déclarations de naissance.
Si l'on interroge une femme mauresque sur son âge elle vous répondra infailliblement : " je n'étais née lorsque les Français sont venus. "
Tempérament des filles indigènes.
Les filles mauresques presque toutes habitantes des villes, sont d'un tempérament lymphatique.
Les femmes arabes offrent des types d'un tempérament sanguin bilieux plus encore que sanguin.
Les Mauresques sont généralement belles, quoique brunes ; on en rencontre qui ont la peau assez blanche ; mais la nature pour cela ne les a point exemptées de la teinte qu'elles doivent avoir dans le pays qu'elles habitent.
Le blanc de l'œil paraît toujours un peu jaunâtre et décèle leur origine. Elles ont la taille avantageuse et paraissent assez bien conformées. Les Mauresques sont ordinairement froides, très peu caressantes à moins que quelques douros ne résonnent dans une poche, n'éveillent leur cupidité et ne changent ces statues en vrais serpents tentateurs.
Les Juives se laissent facilement débaucher. Fades, insipides, le cœur ne les guide pas dans leur choix, et pour se livrer à un homme, elles ne consultent que leur avarice et leur orgueil.
Rapacité des filles mauresques.
Défiantes envers les nouveaux visages, les filles mauresques exigent d'avance le payement de leurs complaisances. Elles sont, d'ailleurs d'une rare rapacité :
Gants, chaussettes, bas, foulards, tout leur est bon. Elles savent admirablement fouiller les poches des visiteurs.
Nourriture des filles publiques mauresques et juives.
La nourriture d'une fille mauresque est des plus simples. Il en est qui ne se nourrissent que de figues de barbarie et de couscoussou. Le couscoussou est une pâte simplement composée de farine et d'eau :
- qu'on pétrit de manière à la rendre assez dure ,
- on la divise ensuite en morceaux cylindriques gros comme le doigt, puis
- on la réduit en grains en amincissant successivement les morceaux et en les divisant fort adroitement avec les mains.
On fait enfin durcir cette pâte ainsi divisée en l'exposant sur des serviettes soit :
- au soleil,
- soit seulement au grand air.
- Cette pâte ainsi préparée se conserve et sert pour faire cuire comme notre riz avec de la graisse, de la viande etc.
Mais il paraît que le couscoussou se prépare encore d'une autre manière, car les Algériens : font moudre du froment en le tamisant un peu gros, Ils prennent la farine ainsi obtenue qui est une espèce de gruau, en l'humectant de manière à la rendre demi-pâteuse ;
- ils mêlent ensuite un peu de cette pâte dans un grand plat de bronze, et
- tournent en frottant dessus pendant quelque temps avec la main pour obtenir un grain de la grosseur du millet qu'ils font ensuite sécher au soleil afin de le conserver pour l'usage journalier.
Les Juives mangent des galettes où il entre beaucoup de cumin. Elles y joignent toujours quelque chose :
- soit du poisson salé trempé dans l'huile,
- soit du fromage,
- des confitures,
- des figues de Barbarie.
Elles sont surtout très friandes :
- de couscoussou,
- de viande de mouton frite dans l'huile et
- de pommes de terre.
Il faut bien d'ailleurs que leur nourriture soit aussi frugale pour que ces femmes dont le salaire varie depuis la pièce de 2 francs jusqu'à celle de 5 francs, trouvent là de quoi payer :
- leur toilette, leur loyer et les fortes redevances que la police exige d'elles.
Gourmandise et goût pour les liqueurs fortes.
" Il faut, dit Parent-Duchâtelet, mettre à la tête des défauts des prostituées leur gourmandise et leur amour pour le vin et les liqueurs fortes. " Ce qui est vrai pour les filles publiques de Paris, l'est encore à Alger pour les prostituées françaises, espagnoles etc., mais l'est moins pour les Indigènes. Ces dernières tiennent moins à la nourriture : qu'au vin, aux liqueurs fortes, au café et au tabac.
Les Mauresques aiment assez les spiritueux et l'on en voit qui dans les bals publics ingurgitent très lestement et cela à plusieurs fois dans la nuit, des verres ordinaires remplis, au tiers, d'eau-de-vie.
Plaisirs des filles mauresques.
Une journée passée au restaurant Belcour, sur la route de Mustapha Inférieur, aux platanes, est une grande partie de plaisir pour les Mauresques.
On voit souvent à la porte de Bab-Azzoun, une bande joyeuse, fournie par les deux sexes.
Noliser une carriole pour l'hammam. (bain maure) Pendant le trajet les femmes :
- se penchent aux portières,
- lèvent les voiles qui couvrent leurs têtes et
- chantent à plein gosier, tout en fumant de nombreuses cigarettes.
Si le départ est gai, qu'on juge le retour. Quelquefois elles poussent de grands cris de joie ou ces retentissants you, you, you dont les femmes animent les fêtes, en lançant leurs voix aiguës d'un seul coup et en se frappant légèrement la bouche par saccades précipitées.
Lorsqu'elles reviennent à la ville et qu'elles en approchent, elles remettent leurs voiles, dans la crainte du cadi qui les ferait punir pour cette infraction à la loi musulmane.
Danses des filles mauresques.
Les filles mauresques trouvent surtout un grand plaisir dans les bita, bals indigènes qui deviennent de plus en plus rares.
Semblables aux almées d'Orient, ce sont souvent de jeunes et jolies femmes à la fois artistes et courtisanes.
- Leurs vêtements serrent et dessinent davantage les formes que celui des autres femmes,
- leur gorge est découverte,
- leurs bras sont nus.
Il y a dans leur parure recherche des étoffes les plus précieuses, profusion de bijoux. Lorsqu'elles se présentent au milieu du cercle des spectateurs, elles commencent par faire quelques pas en agitant au-dessus et autour de leur tête leurs foulards et quelquefois de petites cymbales de cuivre qu'elles tiennent du pouce et du médius de chaque main et dont elles jouent avec expression.
Elles se troussent ensuite en arrière, en avant, à droite et à gauche, comme feraient des bateleurs.
- Ce prélude achevé, la danse commence. Alors leurs jambes demeurent immobiles de même que la partie supérieure de leur corps, excepté les bras qu'elles : écartent, arrondissent, baissent ou élèvent suivant les phases diverses du sentiment qui parait les animer.
Agitées par une trépidation incessante que tour à tour elles accélèrent avec une audacieuse énergie ou ralentissent langoureusement, on remarque que les mouvements des hanches et des reins assouplis à toutes les contorsions qui simulent, avec impudeur, les émotions physiques les plus sensuelles.
Mais le comble du talent est de remuer les membres inférieurs avec une grande vivacité pendant que les parties supérieures du corps restent parfaitement tranquilles.
Les figures de ces danses si étranges se composent de postures libidineuses, d'un certain nombre de pas divers, coordonnés de telle manière, que les danseuses, tout en ayant l'air de :
- se fuir mutuellement,
- se rapprochent cependant insensiblement et
- finissent par se serrer de très près,
- s'entrelacent et
- se permettent alors tous les excès du dévergondage le plus révoltant.
Après que la danse est arrivée à son plus haut point de lascivité, il y a des moments de repos pendant lesquels les danseuses viennent agacer les spectateurs :
- Elles s'assoient sur les genoux de celui qu'elles favorisent de leurs cajoleries,
- l'embrassent et
- prennent avec lui des licences dont on s'effaroucherait même dans le mystère.
Tout le temps que dure la danse, elle est accompagnée de sourires très expressifs et d'attitudes qui ne le sont pas moins et correspondent avec les gestes amoureux et les mouvements du corps.
Enfin lorsque cette danse est terminée, un Arabe s'approche, et tirant de son burnous différentes pièces de monnaie, les enduit de salive et les colle :
- qui sur le front,
- qui sur les joues,
- qui sur le menton de la danseuse,
- qui sur la gorge etc.
Cette dernière alors fait mine de se lever, et les pièces tombent dans un mouchoir étendu devant elle et à cet effet.
J'ignore si cela existe en Afrique, mais en Orient il y a aussi de jeunes danseuses que l'on appelle kowals ou cawales, en arabe, dont la danse immorale est encore plus infâme ; c'est une parodie de celle des femmes dont ils prennent parfois le costume. On voit quelquefois des Arabes pousser encore plus loin la générosité.
Au lieu de menue monnaie, ils donnent des pièces de 5 francs. Seulement alors, ce n'est plus sur la figure qu'on le met.
La femme étend le bras et l'homme range 6 douros en chapelet depuis la saignée jusqu'à la main ; la femme retourne le bras et les grosses pièces vont rejoindre les petites. Telle est la destination que l'on voit donner à des sommes assez fortes ; tel est l'emploi que font beaucoup d'indigènes des produits de plusieurs journées de travail.
Avant 1830 le Dey d'Alger donnait souvent à ses mameluks des fêtes brillantes auxquelles on invitait un grand nombre de belles filles et de danseuses de la ville. Quand on était content d'elles, on leur attachait de l'argent sur le front ou sur d'autres parties du corps ; seulement au lieu de francs c'étaient des sequins, et pour remplacer la salive on les collait avec la précieuse essence de rose ou de jasmin. Les dames du harem assistaient parfois à ce spectacle dans des loges grillées, et elles y prenaient en général beaucoup de plaisir.
A SUIVRE
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70 ANS ET + , Pauvre de nous !!!
Envoyé par Eliane
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Je ne peux m'empêcher de vous l'envoyer, bien que vous ne soyez, pour la plupart, pas concernés
Très drôle et très réaliste !!!
HUMOUR ou constat cruel ? Ce n’est pas marrant d’avoir 70 ans et plus !
À 70 ans, on ne peut rien dire, on ne peut rien faire, sans risquer de se faire rabrouer.
Ne dites jamais que vous vous sentez fatigué, on vous répondrait : c’est normal à votre âge.
Ne dites pas davantage que vous vous sentez en forme, on ne vous croirait pas, on dirait que vous plastronnez.
Si vous ne faites rien, on dira : il faut vous occuper, vous allez vous encroûter.
Si vous entreprenez un travail qui vous plaît, on dira : laissez donc, ce n’est plus de votre âge.
Ce n’est pas marrant, assurément, d’avoir 70 ans.
À 70 ans, on doit tout supporter, sans rien dire :
Les enfants qui braillent et qui cassent tout : c’est de la jeunesse qui vit !
Les beuglantes et les transistors des adultes : c’est de leur âge, il faut bien qu’ils se défoulent (n’insinuez pas que de votre temps on se défoulait autrement, on vous lancerait des yeux de furibonds)·
Les idioties et les navets de la télé : il en faut pour tous les goûts (les vôtres étant exclus, bien entendu).
Ce n’est pas marrant, assurément, d’avoir 70 ans.
Ne discutez jamais avec un automobiliste, même s’il vous fait la pire des entourloupes ; il vous dira rageur : à votre âge, on reste chez soi où on va à pied.
Si à un stop vous tardez à démarrer, votre jeune voisin pressé vous lancera : "alors pépé, on fait la sieste" ? (ce n’est pas méchant, mais c’est vexant).
Ce n’est pas marrant, assurément, d’avoir 70 ans.
Dans les maisons où vous êtes reçu, on vous réserve le fauteuil le plus moelleux : « mettez-vous là, vous serez bien mieux ». Comme si à 70 ans, on ne pouvait plus poser son derrière sur le siège de tout le monde.
Si quelqu’un apprend que vous avez 70 ans, il se précipitera chez vous alors ! : « vous avez 70 ans, vous ne les paraissez pas, vous les portez bien ». Qu’en sait-il ?
Si vous annoncez le décès d’un ami qui comme vous a 70 ans on dira : « c’est un bel âge ». Vous êtes prévenu, vous connaissez votre oraison funèbre.
Avant de raconter une histoire, cherchez à vous rappeler si vous ne l’avez pas déjà dite devant le même auditoire. Sinon quelqu’un vous dira : «on la connaît votre histoire, vous l’avez déjà racontée et l’un de vos petits-enfants ajoutera peut-être : “Pépé tu commences à radoter”.
En société, parlez le moins possible, évitez toute discussion, ne cherchez surtout pas à convaincre, il est entendu, c’est certain, que vous n’êtes plus dans le coup, que vous n’y connaissez rien.
Ne dites pas que vous rentrez dans votre 10 /15e année de retraite, il se trouvera quelqu’un pour dire : “vous coûter cher à l’Etat ”.
C’est pas marrant, assurément, d’avoir 70 ans.
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La prostitution dans la ville d'Alger
depuis la conquête.
Envoyé par M. Christian Graille
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Costume.
Les courtisanes athéniennes devaient porter un costume particulier. Athénée reproduit un passage de Philarcus qui, dans le 25ème livre de ses histoires approuve une loi semblable qui existait chez les Syracusains :
- les bariolages de couleur,
- les bandes de pourpre,
- les ornements d'or composaient le costume obligé des hétaïres syracusaines.
Dans des temps plus modernes, on a quelquefois cherché à donner un costume particulier aux filles publiques ou au moins à les obliger à porter un signe distinctif.
Sous le règne de Saint Louis en 1224, on fit de semblables règlements qui furent toujours éludés.
Jeanne 1ère, reine de Naples, ordonna à toutes les prostituées d'Avignon de porter l'aiguillette (cordon ou ruban servant à attacher ou servant d'ornement).
Toutes les ordonnances appuyées de punition très sévères furent successivement abandonnées parce qu'elles donneront des résultats déplorables et n'eurent pour effet que de favoriser la prostitution clandestine.
A Paris on se contente donc d'exiger des femmes de cette classe une mise décente et en même temps salubre. Il faut :
- qu'elles aient en tout temps les épaules ainsi que la tête couvertes,
- qu'elles ne se fassent pas remarquer du reste de la population et
- qu'elles attirent le moins possible les regards.
Le costume des prostituées étrangères à l'Algérie n'a rien de notable, rien qui puisse fixer l'attention d'une manière particulière.
Dans la rue le costume des Mauresques est celui des honnêtes femmes mais un Algérien les reconnaîtra pourtant bien vite :
- Il se compose d'un large pantalon blanc qui descend jusqu'à la cheville,
- d'un immense voile blanc nommé haïk qui prend au-dessus des sourcils et tombe en arrière jusqu'aux jarrets,
- enfin une bande d'étoffe légère qui, passant au-dessus du nez ne laisse voir que les yeux.
- Quelques-unes ont des bas blancs et des souliers noirs, mais les plus pauvres vont pieds nus.
On en remarque qui ont derrière le dos un large ruban noir ou rouge, qui passé sous le voile descend jusqu'aux talons.
Le voile qui rigoureusement ne devrait laisser voir que la prunelle des yeux, est plus relevé, de telle sorte qu'elles montrent presque toujours les sourcils et la partie inférieure du front.
On les reconnaît encore à leur démarche plus accentuée et quelquefois à une innovation française qu'une honnête femme ne se permettrait jamais : c'est ainsi que j'en ai vu qui portaient des gants, un parapluie.
Le voile cachant toute la figure d'une fille publique a quelque chose d'extraordinaire pour un Européen ; la conservation de cet usage nous prouve combien est grande l'influence des coutumes nationales et des habitudes contractées dès l'enfance.
Le docteur Hasselquist, qui écrivait en 1749, fut aussi frappé de cette anomalie : " Les Égyptiens, dit-il, qui sont naturellement enclins à la débauche, aiment beaucoup les danseuses, parce qu'elles ont le secret d'exciter leurs désirs sensuels.
Il est étonnant que, dans un pays où les femmes sont gardées à vue, le gouvernement permette à quelques-unes, non seulement de se donner en spectacle au peuple mais encore de paraître en public d'une manière indécente et de l'amuser par des gestes et des manières qui choquent la pudeur et la bienséance.
Ces danseuses avaient, suivant l'usage du pays, un voile qui était percé vis-à-vis des yeux et qui leur couvre tout le visage. Elles auraient honte de se laisser voir à visage découvert, mais elles ne se font aucun scrupule de montrer aux Européens des parties dont la pudeur défend de nommer.
Cependant, ajoute-t-il, une ordonnance de police récente leur défend de paraître dans les rues du Caire et d'Alexandrie. "
A la Mecque il y a un grand nombre de filles publiques ; elles ne se montrent jamais à découvert dans les rues ; elles habitent le quartier du Schab-Amer où elles sont soumises à un impôt. Les costumes d'intérieur des Mauresques est des plus simples. Il se compose uniformément :
- d'une espèce de chemise en mousseline légère et transparente, ouvrant sur le col et tombant jusqu'aux reins,
- d'un pantalon très large et à plis, en calicot de couleur, se serrant à la ceinture et descendant au genou.
Les filles mauresques riches ont un costume plus élégant. Il se compose :
- d'une petite chemise blanche, rose ou bleue, très courte,
- d'un tissu fin et transparent et garni de larges manches brodées,
- d'un large pantalon bleu rayé et brodé d'or ou d'argent au bas des jambes,
- d'une petite veste bien pincée, fermée devant par deux ou trois boutons, mais laissant la gorge, entièrement à découvert, tandis que des manches très étroites et garnies d'une multitude de petits moutons cachent une partie des bras,
- un cachemire entourant la taille.
- Elles portent des pantoufles de velours ou de maroquin, sans garnitures ni talons, et brodées
Elles ont cinq ou six trous percés autour du lobe de l'oreille et y attachent de grands anneaux d'or ou d'argent.
Les oreilles, le cou, les poignets, les chevilles sont chargés de bijoux en or, garnis de perles et de pierreries ; leurs doigts en sont couverts.
Ce costume complet est plein d'élégance. Les Mauresques portent généralement les cheveux très longs ou bien elles en font des tresses que l'on parfume, et qu'elles entrelacent de rubans ou d'ornements d'or et d'argent.
Elles se coiffent ensuite d'un foulard qui enserre coquettement le derrière de la tête. Elles y ajoutent parfois des chapelets de fleurs de jasmin qui, en se mêlant à leur chevelure noire, produisent un très joli effet.
Ce costume se modifie en hiver par l'adjonction d'un châle français ou d'une pièce de laine blanche dans lesquels elles s'enroulent.
Comme la cheminée leur est chose inconnue, on les voit alors réunies autour d'un fourneau en terre, contenant quelques charbons sur lesquels tour à tour elles promènent leurs mains.
Le costume des filles arabes se compose :
- d'une chemise,
- d'un pantalon,
- d'un haïk.
Elles marchent pieds nus, elles portent des anneaux en cuivre aux poignets et au-dessus des chevilles.
J'en ai vu dont les oreilles étaient ornées de trois paires de boucles en corail, l'une au bas, l'autre au milieu, la dernière à l'extrémité. Elles coupent leurs cheveux, mais elles en laissent parfois tomber, sous forme de papillotes quelques mèches sur les tempes.
Le costume des Juives se compose :
- d'une robe de laine noire ou bleue ou même de soie foncée, très large et descendant jusqu'à terre. Sous cette robe à manches courtes, elles ont
- une chemise blanche et
- un caleçon qui leur vient jusqu'aux genoux et qu'elles attachent au-dessus des hanches par le moyen d'une coulisse et d'un cordon.
Elles ne portent jamais de bas. Elles ne marchent cependant pas pieds nus, leurs orteils sont à peine cachés dans de petites sandales en cuir ou en maroquin qui n'ont point de quartier derrière le talon et qu'elles sont obligées de traîner en marchant parce qu'elles les perdraient si elles étaient obligées de les soulever.
Elles portent les cheveux aussi longs que possible, les relèvent avec des cordons et les enveloppent avec un fichu de soie ou de coton très rejeté en arrière ; telle est la coiffure la plus simple, celle des femmes du peuple.
D'autres plus riches portent une sorte de cône tronqué plus ou moins long, analogue au sarmah, bonnet métallique des Mauresques, et par-dessus elles rejettent un voile transparent orné de broderies plus ou moins riches.
Au lieu de cette coiffure, une jeune fille porte une calotte ordinaire, garnie de sequins, et elle a des pantalons bariolés de diverses couleurs.
Le goût des noires pour les hommes blancs pourraient faire croire à celui des noirs pour les blanches ; il n'en est cependant pas ainsi.. Il est fort rare de voir un noir rechercher une Mauresque ; mais si cela arrive, il ne contractera jamais de mariage avec elle. Quelque prostituées égyptiennes ont des amants, mais le nombre en est extrêmement restreint.
Ces femmes ont une manière bizarre de leur prouver leur attachement, elles s'appliquent sur les bras ou sur les seins nus, des charbons ardents dont elles endurent l'action jusqu'à ce qu'ils soient éteints. Après une telle épreuve, l'amant ne peut douter de l'amour de sa maîtresse.
Sentiments religieux des filles publiques.
Fanatisme et superstition des Mauresques.
Les Indigènes sont :
- très superstitieuses,
- les Espagnoles aussi mais beaucoup moins,
- les Françaises nullement.
- Il en est qui ne reçoivent que des Arabes et qui croiraient mal faire d'avoir commerce avec les chrétiens !
D'autres qui admettent aussi des Français, mais jamais de Juifs. Cette répugnance à l'égard de la gent israélite est commune à tous les Arabes. Les mots ioudi ben ioudi, juif, fils de juif, constituent une injure grossière dans le vocabulaire indigène pourtant assez riche sous ce rapport.
Cependant les filles de la basse classe admettent indistinctement tout le monde. Ces idées superstitieuses font peut-être que les filles arabes préfèrent leurs coreligionnaires aux chrétiens qui les méprisent.
On regarde l'infortunée possédée par des :
- djinn,
- djinoun,
- djenoun, ou démons, mais non pas comme flétrie à tout jamais.
Un des traits les plus remarquables de la prostitution musulmane c'est qu'elle ne sépare pas celle qui l'exerce des femmes que l'on appelle honnêtes, parmi lesquelles elles rentrent d'ailleurs à volonté et reprennent leur place comme si elles n'avaient jamais commis aucun écart.
Qu'il y ait superstition ou indulgence, toujours est-il que les prostituées qui veulent abandonner la profession peuvent rentrer dans la société à l'aide d'une simple déclaration faite devant le cadi en présence de deux témoins.
Avant d'être réintégrées, elles sont soumises à une épreuve de trois mois et dix jours, comme une femme divorcée.
C'est ordinairement sous l'œil d'un voisin bien famé qu'elles subissent cette espèce de retraite pendant laquelle leur vie doit être irréprochable.
La disposition des maisons mauresques rend la surveillance facile. Après l'épreuve, la repentante se rend devant le cadi qui dresse l'acte de repentance, ou âkod et touba, et elle rentre dans la vie commune. La voix publique ne lui adresse aucun reproche, on ne songe même plus à sa vie passée.
Si quelque parent gémit, c'est silencieusement. " Allah ! C'était écrit ; que Mahomet la garde d'une nouvelle possession du démon. "
L'oubli du passé est si complet, la fatalité est si exclusivement accusée, que ces filles se marient sans que leur conduite antérieure y apporte le moindre obstacle. M. Finot, médecin du dispensaire de Blidah, nous apprend qu'une douzaine de filles publiques, qu'il a vu sortir de la prostitution, se sont toutes mariées à des Maures jouissant d'une belle aisance.
La femme est une sorte de marchandise pour les mahométans ; celle qui a été recherchée par un grand nombre d'individus doit nécessairement avoir des qualités. Mais, au reste les courtisanes ne sont pas méprisées dans tous les pays.
En Chine par exemple, on se rend publiquement chez elles et on l'avoue sans gêne aucune. Dans ce pays elles sont appelées les filles des fleurs parce que leur demeures en sont ornées avec profusion.
Déchéance morale des filles publiques.
A Blidah, et en général dans les deux provinces orientales de l'Algérie la prostitution n'entraîne pas la même déchéance morale chez nous.
Nous en avons fourni des preuves dans le chapitre précédant.
Pudeur des filles publiques.
Parent-Duchâtelet avait fort bien remarqué que les filles publiques ne perdent pas complètement tout sentiment de pudeur.
" Si un étranger, dit-il, entre inopinément dans le dépôt de la préfecture ou dans les dortoirs de la prison, au moment où elles s'habillent, on les voit à l'instant se couvrir ou croiser les bras sur leur poitrine. "
Nous avons eu occasion de faire ces mêmes remarques lors de notre visite au dispensaire d'Alger.
Mais ce sentiment était beaucoup plus marqué chez les Mauresques et les Juives que chez les Françaises ou les Espagnoles.
Étonnées de voir un étranger en compagnie du médecin et de l'aide pharmacien, quelques-unes de ces filles, ordinairement si déhontées, hésitaient à se laisser visiter et fuyaient au plus vite, aussitôt qu'elles en avaient la permission. La visite des salles de vénériennes produisait les mêmes effets ; celles qui étaient surprises s'empressaient de se couvrir avec le premier vêtement qui leur tombait sous la main ou se hâtaient de ramener leurs jupes sur leurs pieds si elles étaient habillées et couchées sur leur L'expérience de tous les jours démontre, au reste, que la prostituée émérite, sans pudeur et sans honte, conserve encore une fibre sensible qui la rend rebelle à cette visite obligatoire qu'elle abrège autant que cela lui est possible, et qu'elle l'esquive si l'occasion s'en présente.
Inscriptions et tatouage sur le corps des filles publiques.
Parent-Duchâtelet, en traitant ce sujet, fait remarquer que l'on trouve peu d'inscriptions ou de tatouage sur les filles publiques et surtout que lorsqu'il en existe, on n'y remarquer rien de contraire à l'honnêteté et à la décence.
Les mêmes observations ont été faites à Alger ; mais j'ai remarqué nombre de fois des caractères ou signes particuliers sur les parties visibles du corps, ce que notre savant confrère n'a jamais vu.
Les femmes arabes sont généralement tatouées.
C'est un usage qui remonte à une date ancienne. En effet, le Professeur Dan observait déjà en 1600, sur les femmes de légers tatouages, de couleur noire :
- sur les joues - le front - les poignets - les jambes
On ne peut pas dire vraiment que les filles publiques aient des sentiments religieux. Quelques-unes portent bien sur elles :
- des croix des amulettes, des talismans,
Mais elles n'y attachent aucune idée religieuse, c'est surtout de la superstition.
En effet, on n'en voit aucune, quelle que soit la religion à laquelle elle appartient, suivre exactement les pratiques réclamées par cette religion.
Cependant si certaines de ces pratiques pouvaient faire croire qu'elles ont encore quelques sentiments religieux, on les observerait :
- surtout chez les filles indigènes,
- quelquefois chez les filles espagnoles,
- mais jamais chez les filles françaises.
On nous a cependant assuré que les femmes mauresques observaient scrupuleusement les jeûnes prescrits par la loi de Mahomet pendant le mois du Ramadan.
- - ce qui constituait, suivant elles, leur plus belle parure.
Elles portent des signes particuliers et quelquefois des fleurs ou des étoiles :
- aux joues - à l'angle externe des yeux - au front et parfois même - sur les bras et - la poitrine ;
Ces mouches que se font les Algériennes, sont fort louées par leurs poètes. On voit bien aussi quelquefois ces signes particuliers chez les Mauresques qui se font quelquefois dessiner une fleur bleue entre les deux yeux. Mais on voit plus rarement ce tatouage chez les Européennes.
Les Indigènes piquent la peau et introduisent dans les piqûres une poudre qui donne une couleur bleue à ces marques et les rend ineffaçables. Quelques-uns cependant emploient seulement une couleur particulière qui ne dure que deux ou trois jours.
Les Juives n'ont jamais d'inscriptions ou de marques particulières sur le corps.
Les Noires, surtout, ont la figure couverte de coups de rasoir.
Elles ont soin de faire sur les joues de leurs enfants de semblables entailles afin de les reconnaître. Chaque tribu parmi les Noirs a sa marque particulière ; quelques-unes de ces coquettes sauvages ont le ventre artistiquement sillonné de cicatrices régulièrement tracées dans le but d'éviter, par la ciselure du tatouage en relief, d'avoir le ventre trop uni, ce qui ne paraît pas être de mode chez elles.
Les filles publiques indigènes ont généralement plus d'embonpoint que les filles publiques étrangères au sol africain.
Les tailles sveltes et dégagées ne sont pas recherchées par les Turcs et les Maures qui n'estiment que les femmes qui jouissent d'un embonpoint excessif.
Ils regardent ce prétendu charme comme le plus haut degré de perfection auquel puisse parvenir la beauté et ce charme l'emporte même, jusqu'à un certain point, sur la régularité des traits et sur les agréments de la figure dont les femmes peuvent être douées.
Cet embonpoint cependant, qui donne aux femmes des formes exubérantes et plus que potelées les gêne dans leur marche et donne à leur allure habituelle une physionomie particulière. D'après ce préjugé singulier, mais généralement adopté :
- si par une vie oisive et sédentaire,
- par l'usage journalier des bains chauds,
- par leur manière de se nourrir, les femmes acquièrent naturellement cet embonpoint si désiré, leurs souhaits les plus chers sont en partie accomplis.
Mais si cette obésité n'arrive pas spontanément, elles ont recours à des moyens qui passent pour avoir la propriété d'engraisser.
Les mères nourrissent leurs filles de pâtes faites exprès avec les aliments les plus nourrissants. Quelquefois on leur en fait tant manger qu'elles s'en dégoûtent, mais on les y force malgré leur réclamation.
L'espèce de nourriture la plus propre à produire l'embonpoint désiré est une semence que l'on connaît à Tunis sous le nom de drough.
Cette graine, indépendamment de la vertu principale qui la fait rechercher, a encore celle d'augmenter considérablement le lait des nourrices en qualité et en quantité. Quoi qu'il en soit il faut que les recettes qu'elles mettent en usage soient bien efficaces, car rien n'est rare comme une femme svelte.
Il n'y a point de terme où l'embonpoint doive s'arrêter pour plaire et ce goût est si vif que la femme qui est plus abondamment pourvue de cet agrément ne laisse pas que de se surcharger de vêtements de toutes espèces pour ajouter encore l'apparence à la réalité.
Quelquefois aussi on associe l'emploi répété des médicaments de la classe des confortatifs.
Une belle femme doit avoir la gorge pendante ; c'est pour cela que la mère et les esclaves la tirent avec la main aussitôt qu'elle commence à paraître.
Cette habitude, sans doute, et l'usage immodéré des bains chauds flétrissent et déforment de bonne heure les seins des Mauresques de la manière la plus désagréable et la plus rebutante.
Les femmes égyptiennes, dit le savant Marcel, chez lesquelles cette mode d'obésité existe aussi, mangent pour y parvenir, outre certains mets particuliers, des aliments aussi étranges que dégoûtants, entre autres des scarabées de la grande espèce, des lézards vivants et d'autres reptiles.
Les filles d'Alger indigènes, encore plus que les Françaises et les Espagnoles, sont naturellement nonchalantes et paresseuses.
Altération de la voix.
Comme l'avait déjà remarqué Parent-Duchâlelet, on observe chez certaines filles publiques d'Alger une raucité singulière de la voix qui a un cachet tout particulier.
Mais cet effet se produit surtout pour nous en entendant parler des filles françaises, espagnoles ou italiennes.
Le son guttural des langues allemandes et arabes avec lesquelles nous ne sommes pas familiarisés ne nous a pas permis de décider si le timbre de voix des filles de ce pays était profondément altéré.
Particularités sous les rapports des cheveux, des cils, des sourcils et des poils.
Les courtisanes anciennes avaient souvent l'habitude de teindre leurs cheveux. Ainsi outre les fleurs dont elles ornaient leurs robes et leurs chevelures, une des modes qui caractérisaient le mieux les courtisanes grecques, quoique cette mode ne fut pas prescrite par les lois somptuaires, c'était de donner une couleur jaune à leurs cheveux.
Elles les teignaient avec du safran ou bien avec d'autres plantes qui, de noirs qu'ils étaient ordinairement les rendaient blonds.
Elles les teignaient encore en rouge avec du jus de betterave, tantôt en bleu avec du pastel ; quelquefois elles affaiblissaient seulement l'éclat de leurs cheveux d'ébène en les frottant avec de la cendre parfumée.
Puis les courtisanes trônèrent vis-à-vis des Césars dans les fêtes publiques et les jeux solennels, le front ceint d'une couleur dorée, comme les déesses dans les temples. Mais leur divinité ne dura pas longtemps, et la poudre d'or leur fut interdite ; elles remplacèrent cette poudre par une autre, faite avec de la gaude (type de plante herbacée de couleur jaunes employée par les teinturiers) qui brillait moins au soleil, mais qui était plus douce à l'œil.
Celles que la couleur bleue avait séduites, se poudrèrent avec du lapis-lazuli (roche bleue foncé utilisée pour faire des bijoux) pulvérisé.
Il nous a paru curieux de donner ces indications, parce que nous trouvons chez quelques prostituées d'Alger cette habitude de se teindre les cheveux.
Ce sont surtout les Juives qui teignent leurs cheveux en blond-rouge, et l'on voit continuellement dans les rues d'Alger de jeunes enfants juifs qui ont les cheveux teints dans cette nuance, mais nous ignorons quel est le procédé employé pour leur donner cette nuance ; nous pensons que c'est avec le henné.
Les Espagnoles gardent leurs cheveux noirs et nous ne croyons pas que les Mauresques recherchent cette coloration particulière. Ces dernières ont très soin de leur chevelure mais elles se teignent en noir :
- les sourcils - les cils et même - les cheveux.
Les sourcils doivent être dessinés en croissant et très gros. Pour qu'ils paraissent beaux, ils doivent se joindre en équerre sur la racine du nez.
Les Mauresques se noircissent le tour des paupières, et, arrangées de cette manière, elles croient avoir des yeux de gazelle, genre de beauté que ces femmes recherchent avec le plus d'ardeur.
Les femmes arabes emploient différents procédés pour obtenir ces résultats. Les unes prennent de la noix de gale (excroissance produite sur les feuilles de chêne par la piqûre d'un insecte) qu'elles font bouillir dans l'eau puis sécher et réduire en poudre. Elles en font ensuite une pâte liquide qu'elles appliquent sur les sourcils en l'étendant avec un peigne de plomb, et sur les paupières avec une aiguille d'argent ; d'autres, en plus grand nombre, se servent de koheul.
Pour obtenir la préparation complète on combine en proportions égales :
- du sulfure d'ammoniaque,
- du sulfate de cuivre et
- quelques clous de girofle,
- le tout réduit en poudre fine dans un mortier.
Comme matière colorante on y joint du noir de fumée, recueilli dans un vase en terre, un moment exposé à la flamme d'une bougie ou d'une lampe.
On masse au tamis fin cette préparation pour en former un mélange intime que l'on enferme dans une petite fiole (mekhralel) :
- en plomb
- en argent - en vermeil et même - en or
Car pour les riches Mauresques le mekhralel est un meuble de luxe.
Pour user du koheul ou kohol, on plonge dans les mekhralel une petite baguette en bois effilée, polie, de la grosseur d'une plume à écrire ou même une épine de porc-épic ; quelquefois aussi c'est une aiguille d'or ou d'argent.
Elle en ressort poudreuse ; on l'applique avec précaution dans sa longueur sur la paupière inférieure ; on la presse entre les deux paupières en la faisant glisser légèrement du grand angle de l'œil à l'autre angle et sur son passage elle colore en noir la partie nue qui donne naissance aux cils.
Dans certains pays on ajoute d'autres substances qui sont douées de vertus merveilleuses ; du musc qui arrête l'écoulement des larmes ; du safran et du benjoin (baume de diverses plantes) qui rendent la vue plus active.
Les Indigènes pauvres usent tout simplement du Koheul pur, sans même le colorer avec du noir de fumée. Les mekhralel du Soudan sont de petites fioles en peau de mouton à poil, moulées sur un moule d'argile et très artistement travaillées. On retrouve l'usage du koheul chez tous les peuples musulmans :
- Arabes, - Indiens, - Persans - Turcs - Noirs, chez tous ceux enfin qui sont exposés aux rayons éclatants du soleil et à la réverbération de la lumière sur le sable.
Les filles Mauresques mettent encore sur leur visage du rouge et des mouches. ais il est chez les Mauresques un singulier usage dont nous donnerons plus loin l'explication.
Elles se font raser ou épiler au bain les poils des parties sexuelles et ne les laissent jamais pousser ; elles font tomber les poils des membres avec une pâte épilatoire composée, dit-on, en grande partie avec l'orpiment (sulfure jaune d'arsenic.)
Cette pâte est si corrosive que les parties les plus saines qui les reçoivent s'enflent et s'enflamment prodigieusement si l'on néglige de l'enlever aussitôt qu'elle a produit son effet.
Toutes les Mauresques et beaucoup de Juives sont passées sous nos yeux, à la visite du dispensaire, étaient ainsi épilées.
Les honnêtes ont aussi cet usage. Quelques questions que nous avons faites, à ce sujet, à des Maures, sont restées sans réponse.
On sait au reste, combien il est difficile d'obtenir d'eux des renseignements concernant leurs femmes et qu'on ne peut toucher cette corde sans encourir leur réprobation.
Après cette opération on leur enduit tout le corps d'une sorte de terre savonneuse qui a la propriété de nettoyer et d'adoucir la peau. Les Indigènes seulement se teignent les ongles des pieds et des mains en noir ; mais beaucoup plus souvent elles se teignent en rouge-orangé : - les ongles - le bout des doigts - les mains jusqu'aux poignets et les pieds jusqu'à la cheville.
Pour obtenir cette couleur, on prend les feuilles desséchées du henné ou henna, nommé encore alcana, racine à farder, troène d'Égypte.
- On les réduit en poudre fine
- on les mêle avec du suc de limon,
- et on en fait une pâte qui reste appliquée pendant plusieurs heures sur les parties que l'on désire colorer.
Cette teinture dure très longtemps et résiste à tous les détersifs ordinaires.
Les Mauresques emploient ce genre singulier de parure, surtout les jours de fête et de réjouissances.
Il faut que cette préparation soit d'un bien bonne tenue car les Arabes l'emploient pour teindre : la crinière - le dos - les jambes de leurs chevaux surtout lorsqu'ils sont de couleur blanche, parfois aussi les crins d'ânes.
Quelques filles indigènes se servent des écorces de noix fraîches (souak) pour colorer en rouge : l'intérieur des lèvres, de la bouche et des gencives.
Nous savons que certaines filles mauresques mâchent l'écorce de la racine de noyer pour blanchir leurs dents et raffermir leurs gencives. Il y en a qui préfèrent la pyrèthre (substance insecticide extraite des fleurs) comme masticatoire.
Quoique nous n'ayons pu savoir si toutes les femmes mauresques ont aussi ces différentes habitudes, nous serions très-porté à y croire, si nous réfléchissons qu'elles font partie des prescriptions obligatoires imposées aux Musulmans. Sur les dix prescriptions, cinq sont obligatoires :
- 1° de se couper les ongles,
- 2° de s'arracher les polis des aisselles,
- 3 ° de se raser toute les autres parties que la nature a voilées,
- 4° de pratiquer la circoncision,
- 5° de se couper les moustaches à la hauteur de la lèvre inférieure.
Cinq sont facultatives :
- 6° de faire usage du koheul,
- 7° de faire usage du henné,
- 8° de faire usage du souak,
- 9° de faire les grandes ablutions de l'homme et de la femme,
- 10° quand une femme s'est : ornée les yeux de koheul, paré les doigts de henné et qu'elle a mâché le souak qui parfume l'haleine, fait les dents blanches et les lèvres pourpres, elle est, dit-on plus agréable aux hommes ; aussi vient-elle à perdre son mari ou à être répudiée, elle doit, en signe de deuil, s'abstenir pendant quatre mois et dix jours de : koheul, de henné et de souak.
Occupations des prostituées.
Les Indigènes ne travaillent presque jamais, qu'elles soient chez elles ou retenues au dispensaire.
Couchées nonchalamment sur des nattes ou des tapis elle fume un grand houkah (sorte de pipe) ressemblant à une vis sans foin dont elles font passer la fumée, à travers de l'eau avec les gargouillements les plus dégoûtants.
Nous dirons dans un autre chapitre à quoi elles passent leur temps.
- Quelques Mauresques se décident cependant à laver leur linge et
- à l'étendre sur leurs terrasses.
- Quelques-unes s'occupent à moudre le grain pour faire le couscoussou.
Quelques Européennes sont : - modistes - lingères - marchandes de tabac ou - dames de comptoir tenant buvettes, lorsqu'elles sont retenues au dispensaire :
- Elles causent - tricotent et - quelques-unes brodent.
Les prostituées d'Alger sont assez propres et l'on remarque que si elles aiment la boisson, comme dans les autres pays, elles ont aussi la qualité prédominante des filles publiques : les Indigènes ainsi que les Européennes sont bienfaisantes ; elles ont généralement bon cœur.
Des dames de maison des maisons de tolérance.
Nous ne croyons pas qu'il existait des dames de maisons avant la conquête d'Alger. Les filles étaient régies par un mézouar qui n'était lui-même qu'un fermier du gouverneur de la province auquel il payait une redevance. Aussi rançonnait-il fortement les malheureuses qui étaient inscrites sur son livre. Sous ce rapport, il y a un rapprochement complet à faire entre la rapacité des mézouars et celle des dames de maison ; les plaintes causées par ces exactions furent si vives, que l'on fut obligé de supprimer le mézouar peu de temps après qu'on s'était emparé d'une nouvelle ville. On agit ainsi à Alger, à Blidah, mais les filles publiques indigènes restèrent encore isolées.
C'est alors que des dames de maison ouvrirent des établissements pour recevoir les filles publiques de toutes les nations qui arrivaient sur le sol africain. A Oran où presque toutes les filles sont espagnoles, les dames de maison sont de la même nation. A Alger ce sont surtout des filles : - françaises - anglaises - allemandes qui forment le personnel de ces maisons.
Les Juives et beaucoup d'Espagnoles se livrent à la prostitution clandestine. Les Mauresques écartées ne se réunissaient jamais de manière à constituer régulièrement des maisons de prostitution comme chez nous.
Quelquefois elles logent seules quelquefois encore elles se mettent trois ou quatre ensemble, louent à frais commun une maison et chacune occupe une chambre qu'elle meuble ordinairement : avec un lit en fer - un canapé - une table de bois blanc et une ou deux chaises.
Néanmoins il en est quelques-unes plus recherchées, plus à leur aise, dont l'intérieur est plus confortable. On voit chez elles :
- des lits ou sofas dans chaque coin de la chambre,
- des coussins le long des côtés,
- des tapis, persans
- deux ou trois glaces de Venise,
- une commode, quelquefois même, mais c'est bien rare,
- une pendule et de légers rideaux aux fenêtres donnant sur la rue.
Elles mêlent ainsi dans leur ameublement le français et l'indigène. Il est assez commun de trouver chez elles des gravures de mode clouées les unes à côté des autres et quelques images grossières de nos saintes enchâssées dans des cadres en bois rouge et appendues au mur.
Elles se réunissent ordinairement dans la même chambre, lorsque cette chambre offre une ouverture sur la rue. On découvre ces filles au moyen d'entremetteurs qui font la quête aux chalands pendant la soirée sous les arcades des rues :
- de Bab-Azzoun, - Bab-el-Oued, - sur la place du gouvernement.
Ce sont de jeunes indigènes très experts dans ce métier que l'on nomme Kazoued qui vous proposent de jolies femmes et vous conduisent moyennant salaire. On leur ouvre partout les portes sans difficulté.
Nous croyons qu'ils ont un mot ou un mode pour frapper qui est le signe de reconnaissance. Sans eux on ne se fait pas si aisément ouvrir la porte.
Les filles mauresques se promènent peu et ne se tiennent pas à leurs portes.
On les aperçoit à ces petites ouvertures pratiquées au premier étage.
Elles laissent voir leurs yeux noirs au judas par lequel elles regardent dans la rue.
Accroupies les unes à côté des autres, sur un canapé bas, elles causent tout en fumant la classique cigarette.
Pendant les grandes chaleurs de l'été, elles étendent souvent des nattes sur les dattes de la cour de la maison mauresque qu'elles habitent et y reposent nonchalamment étendues, en attendant les visites.
Il y a quatorze maisons françaises de tolérance à Alger ; elles sont tenues presque toutes par d'anciennes filles publiques. Il n'y en a pas qui soient tenues par des hommes ; cependant lorsque les dames de maison sont mariées, on tolère la présence du mari dans l'établissement.
Chez nous cette profession est regardée avec le plus profond mépris et personne ne voudrait avouer qu'il a quelques rapports d'affaires, même indirects avec les femmes qui font ce honteux métier.
357 - des Beysresques toutes sont d'anciennes prostituées ou du moins des domestiques ou des dames de confiance des maisons de prostitution ; il en est à peu près de même en Afrique. Mais il y a des pays où ce métier est considéré comme une industrie très productive, que les gens les plus riches ne dédaignent pas d'exercer.
Au Sennaar (État du Soudan) par exemple, les principaux habitants font une spéculation sur leurs esclaves femelles qu'ils livrent au public.
La setti (madame) Basra, ancienne maîtresse d'Ismaël Pacha, femme très riche, en possède une cinquantaine qui exercent pour elle la prostitution. Parmi ces femmes il se trouve de belles Abyssiniennes. Le gouvernement protège ce commerce.
Des rues d'Alger spécialement affectées aux prostituées.
Avant la conquête les filles publiques étaient tenues d'habiter des quartiers spéciaux.
Elles sont plus nombreuses près de la Casbah et dans la haute ville que partout ailleurs. Elles ne peuvent s'établir que dans certains quartiers et certaines rues.
Nous trouvons dans des notes manuscrites qui nous ont été confiées par le docteur Moreau de Tours quelques renseignements assez curieux sur ce sujet recueillis dans ses voyages.
Certains quartiers du grand Caire pullulaient de filles publiques et, chose remarquable et qui ne saurait vraiment se voir qu'en Égypte, une foule de ces malheureuses campaient sur la grande place de Liesbeki qu'on ne pouvait traverser sans être arrêté, sollicité de toutes manières et presque forcer d'entrer sous leurs tentes.
Depuis elles ont été reléguées dans la haute Égypte avec défense, sous peine du bâton, de rentrer au Caire. La ville en possède encore un assez grand nombre mais la police est censée en ignorer l'existence. Il faut pour y pénétrer user de discrétion et de prudence.
Si l'on est dénoncé, le maître ou la maîtresse de maison sont punis et exilés avec toutes les pensionnaires.
Depuis les filles publiques sont revenues au Caire où il y a deux mille ou trois mille qui sont tenues de loger hors de la ville et sur divers points.
Elles ont un chef à leur tête et payent contribution au pacha. Ces femmes sont obligées de fournir la nourriture aux chiens du pacha qui gardent l'arsenal.
Inscription.
On croit, dit Pierre Dufour que cette mesure fut prise à Rome, dès le commencement de l'édilité qui remontait à l'an de Rome 260.
Les édiles forcèrent la courtisane à venir avouer devant eux sa profession infâme en leur demandant le droit de s'y livrer ouvertement avec cette autorisation qu'on appelait vulgairement licentia stupri. La femme indiquait :
- son nom, son âge, le lieu de sa naissance, le nom d'emprunt qu'elle choisissait dans son nouvel état et même s'il faut en croire un commentateur le prix qu'elle adoptait une fois pour toute comme tarif de son ignoble commerce.
L'inscription d'une courtisane les registres de la licentia stupri était indélébile et jamais une femme qui avait reçu cette tache ne pouvait s'en laver ni la faire disparaître, même en vivant chastement et en se mariant.
Tous les gouvernements ont dû maintenir cette inscription, qui est le premier moyen à employer pour apporter la régularité convenable dans ce service. L'inscription des filles en France paraît remonter à 1770 sans que Parent-Duchatelet ait pu découvrir cette date certaine.
A Alger et dans les autres villes africaines, l'inscription faite par le mézouar existait et était consigné sur un registre déposé entre les mains du cadi.
Tel était l'état des choses en Afrique lors de l'arrivée des Français, mais on a conservé aucune de ces inscriptions et on ne peut dire dans de quelles formes elles étaient faites.
L'arrêté du 11 août 1830 prescrit aux filles publiques de se faire inscrire et de se munir d'un livret.
Les autres arrêtés ultérieurs ont maintenant cette sage disposition.
Les registres mal tenus par les fermiers exacteurs ont complètement disparu ou du moins le chef de bureau chargé de ce service n'a pu nous fournir sur eux aucun renseignement.
Il nous faut arriver à 1847 pour trouver des inscriptions convenablement faites. Les filles sont actuellement munies de cartes sur lesquelles sont inscrits :
- leur noms, prénoms, âge, demeures et date des visites.
Le docteur Potton, auteur de l'histoire de la prostitution dans la ville de Lyon, donne le conseil d'introduire dans les maisons de tolérance le mode usité en Allemagne, lequel oblige les femmes à posséder un registre portant leur signalement avec l'inscription du jour de la visite et le journal des observations des médecins.
Les formalités minutieuses indiquées dans le savant ouvrage de Parent-Duchatelet prouvent bien le soin que l'administration de Paris apporte à ce détail important du service des mœurs, et nous croyons devoir les proposer pour modèle à tous ceux qui seront chargés de réglementer cette matière.
La bonne tenue de ces registres, la sévérité apportée contre toutes les filles qui ne se font pas inscrire, sont un véritable service rendu à la salubrité publique puisque cette inscription oblige les filles aux visites régulières, au moyen desquelles les femmes infectées sont immédiatement séquestrées et mises en traitement.
De la prostitution clandestine.
La prostitution clandestine est de tous les temps, de tous les pays. Voici la définition qu'en donne Parent-Duchatelet :
" - C'est celle qui exerce dans l'ombre,
- qui fuit l'éclat et la publicité,
- qui se cache sous les formes les plus variées, et qui ne se soutient que par la ruse, la fourberie et le mensonge. "
Cette sorte de prostitution est, sous le rapport des mœurs et de son influence pernicieuse, bien autrement grave que la prostitution publique ; c'est elle qui corrompt et pervertit l'innocence et qui, revêtant les apparences les plus honnêtes :
- paralyse l'autorité,
- la brave à chaque instant, et
- propage impunément la contagion la plus affreuse et l'immoralité la plus grande.
Il n'est pas de ruses que n'inventent les filles pour cacher le métier qu'elles exercent - les unes pour se soustraire aux visites médicales, qui sont pour elles d'une grande gêne, et peuvent, pour un temps, les empêcher d'exercer - les autres parce qu'elles sont en contravention avec les lois en favorisant la débauche de jeunes enfants.
Nous pourrions dire qu'à Alger il y a un autre motif, assez puissant, qui leur fait fuir l'inscription administrative : c'est le désir de se soustraire à un impôt mensuel, qui pour quelques-unes est assez lourd.
Nous sommes convaincus que, si l'on abandonnait ce système d'impôt personnel, on obtiendrait un bien plus grand nombre d'inscriptions et l'on aurait ainsi diminué le nombre de filles insoumises.
A Alger on peut distinguer plusieurs sortes de filles qui font véritablement de la prostitution clandestine :
- les unes, comme certaines prostituées espagnoles, qui étaient inscrites, se retirent du vice à l'aide de formalités fort simples, deviennent femmes entretenues et vivent même maritalement ; quelquefois elles sont recueillies par des colons qui les gardent indéfiniment, de sorte que la population flottante finit par en ignorer tout à fait l'origine ;
- d'autres sont attachées à des militaires qui souvent se les lèguent mutuellement quand ils reviennent en France, de manière que la femme passe ainsi de main en main jusqu'à ce qu'elle puisse exploiter la faiblesse d'un amant, pour se créer un établissement qui la tranquillise pour l'avenir.
On ne saurait croire combien de ménages de colons se sont formés en puisant à cette source impure ; mais la problématique délicatesse de la population civile n'a pas le droit de s'en offusquer.
Parmi les filles non cartées, les unes, comme les Mauresques, reçoivent secrètement chez elles et vont aussi visiter leurs amants ; les autres, comme certaines Juives ou Mahonnaises, vivant dans leur famille, ont recours à l'obligeance intéressée que quelques vieilles matrones qui, moyennant rétribution, les amènent à un jeune homme. Il n'est pas très rare qu'un garçon qui aura laissé sa clé sur la porte reçoive, le matin, la visite de quelque Mauresque qui vient lui faire des propositions.
Cette aventure singulière est arrivée, pendant notre séjour à Alger à un de mes amis qui fût obligé de se lever pour chasser cette impudente.
On connaît bien en France la prostitution clandestine qui se fait par la débauche de jeunes filles mineures ; mais ce que l'on ignore presque complètement, c'est cette prostitution clandestine qui a pour but d'offrir à certains appétits désordonnés des enfants mineurs du sexe masculin.
Nous ne saurions trop appeler l'attention de l'autorité administrative sur ces faits qui, à nos yeux, portent une atteinte si grave à la morale et tendent à corrompre le jeune arabe. Quant aux filles mineures il y aurait certainement là une importante distinction à faire.
Nous avons dit ailleurs que certains indigènes étaient nubiles même à douze ans.
Ne serait-il donc pas injuste d'appliquer nos lois à celles qui auraient favorisé la prostitution d'une Mauresque, par exemple de treize à quatorze ans, à l'âge où elles sont quelquefois mariées ?
Il est évident que pour les Indigènes, au moins, il faudra baisser la limite d'âge à laquelle une jeune fille pourra se livrer à la prostitution. Elle n'aura plus de raison alors pour exercer clandestinement.
A Alger comme à Oran il y a d'autres manières d'exercer la prostitution clandestine. A Oran presque toutes les filles insoumises sont Espagnoles et marchandes de tabac, tenant leur étroite boutique dans les carrefours et sur les places fréquentées. Quelques Françaises leur font une redoutable concurrence, mais dans un genre déjà plus relevé ; elles trônent au comptoir :
- des buvettes,
- des petits cafés,
- des magasins de nouveautés à l'usage des hommes
Quelques-unes sont : chanteuses, d'autres actrices ou figurantes.
Cette prostitution clandestine, qui se couvre encore d'autres manteaux pour échapper à l'œil vigilant de la police, se fait surtout dans les cabinets particuliers de restaurants, dans les cabinets noirs des rogomistes (vendeurs d'alcools), surtout chez ceux qui avoisinent les casernes et le port.
Elle se fait encore dans deux maisons de passe qui existent à Alger. " On ne saurait trop le répéter, écrit Parent-Duchatelet, à l'époque actuelle ce n'est pas dans les maisons tolérées que les jeunes filles se perdent mais bien dans les maisons clandestines où on les attire par la ruse et la violence ; c'est là qu'on les séduit, qu'on les façonne au libertinage et qu'on les prostitue.
Sous le rapport, les conséquences ne sont pas moins importantes ; c'est par le moyen de la prostitution clandestine que la syphilis perpétue et propage ses ravages ; par elles encore sont rendues inefficaces beaucoup des mesures les plus sages de l'administration. "
Les exactions de la police d'Alger, signalées dans le rapport de 1837 de M. Antié, furent telles, qu'elles forcèrent quelques filles, même inscrites, à se soustraire aux visites et à faire de la prostitution clandestine.
" Je les ai vues, dit ce rapporteur, ces femmes atteintes de maladies vénériennes ; je les ai interrogées une à une et vous vous feriez difficilement une idée de l'impression pénible que j'ai éprouvé à leur aspect. L'une d'elles était atteinte depuis deux mois au plus haut degré de la maladie vénérienne et ce n'est que lorsque le mal extérieur a été trop apparent qu'elle s'est résolue ou qu'on l'a forcée de se rendre au dispensaire. La disposition particulières des maisons mauresques avec leurs terrasses plates, et l'étroitesse des rues de l'ancienne ville, font que toutes mes maisons peuvent communiquer ensemble par ces terrasses, soit directement, soit au moyen d'une seule planche jetée en travers et formant pont.
Les filles traquées par la police se sauvent ainsi dans les maisons voisines où il n'est pas possible de les suivre.
La difficulté d'arrêter ces filles devint telle pour les inspecteurs de la salubrité que le 30 novembre 1837 on fut obligé de prendre un arrêté qui punit d'une amande de dix à soixante francs tout individu convaincu d'avoir recélé une ou plusieurs filles publiques qui ont l'habitude de se sauver par les terrasses des maisons et cherchent refuge chez les habitants maures, israélites ou européens.
Des bains publics comme lieux de prostitution.
Chez les peuples les plus anciens et chez les peuples méridionaux, les bains sont de toute nécessité et les établissements de bains forment ordinairement des points de réunion assez remarquables. Ces établissements ont souvent servi de local favorable pour la prostitution clandestine. Les empereurs dit Pierre Dufour, vinrent en aide à l'édilité pour obvier (parer à toute éventualité) aux horribles excès qui se commettaient dans les bains de Rome où les deux sexes étaient admis. Adrien défendit vigoureusement ce honteux mélange d'hommes et de femmes, il ordonna que leurs bains fussent tout à fait séparés. Marc-Aurèle et Alexandre Sévère renouvelèrent ces édits en faveur de la morale publique ; mais dans l'intervalle de ces deux règnes l'exécrable Héliogabale (empereur romain) avait autorisé les deux sexes à se réunir aux bains.
Les serviteurs et les servantes des bains étaient, au besoin, les lâches instruments des récréations que les deux sexes venaient y chercher.
Les matrones ne rougissaient pas de se faire masser, oindre et frotter par ces baigneurs impudiques.
En Orient dans les maisons particulières où il y a des bains les hommes sont constamment éloignés au moment où les femmes y sont ; en effet, la loi musulmane défend au mari d'entrer au bain avec une ou deux de ses femmes, car, dit-elle, ce ne peut être que dans un but de curiosité libertine.
Mais ces asiles devenus ainsi inviolables sont très propres pour la galanterie, le service y étant fait par des femmes esclaves qui y introduisent souvent de jeunes esclaves déguisés en filles.
Laugier de Tassy (diplomate) cite plusieurs exemples scandaleux des scènes de débauches qui avaient lieu à Alger dans ces endroits privilégiés.
Avant 1830 les filles publiques avaient deux bains particuliers qui étaient hammam-fruita, rue du chêne et hammam-Jotto rue des Marseillais. Nous ne savons pas si en Orient les sexes sont séparés dans les établissements de bains ; mais à Alger les femmes sont complètement séparées des hommes.
Dans les bains maures nommés hammam en arabe les femmes prennent les bains de six heures du matin à six heures du soir et les hommes de six heures du soir à six heures du matin.
Cependant, et malgré les règlements de police, il est certain que quelquefois, au milieu de la nuit, les filles mauresques suivent au bain, leurs amants.
Dans ce cas le couple se retire dans un de ces cabinets sombres situés ordinairement aux quatre coins de la salle rectangulaires des bains ; le masseur est alors éliminé. Nous ne saurions établir qu'on puisse, se trouvant au bain, se faire amener des femmes par les baigneurs ; toutefois cela nous a été plusieurs fois affirmé par des habitants d'Alger.
Nous avons parlé ailleurs des propositions obscènes qui vous sont faites par de jeunes garçons dans les rues d'Alger. On retrouve encore dans les bains d'autres jeunes garçons qui vous font passer par d'autres épreuves. Il est positif que dans tous les bains maures :
- de Constantinople,
- de Smyrne, d'Alexandrie etc.
On attache à chaque établissement un garçon de douze ans environ, d'agréable figure. Ce jeune garçon est vêtu avec plus de richesse que les autres baigneurs et toujours coiffé d'un tarbouche, espèce de fichu qui rappelle un peu la coiffure des femmes; c'est un schall (sorte d'écharpe) roulé en turban avec un gland en or, garni de petites pièces de monnaie. Lorsque l'on est presque déshabillé et enveloppé seulement de cette bande d'étoffe qui couvre les parties génitales.
Du dispensaire d'Alger.
Avant notre conquête il n'existait aucun service sanitaire ; quand un individu avait contracté une maladie vénérienne avec une fille, il la signalait amateurs.
Le vide se faisait autour d'elle, et la nécessité de rattraper sa clientèle l'obligeait à suivre la diète rigoureuse de quarante jours, qu'on appelle ici pariz et qui était le seul remède efficace usité en pareil cas.
Le dispensaire d'Alger fut créé par l'arrêté du 11 août 1830, et aussitôt qu'une ville avait cédé à la force de nos armes, on s'empressait d'y créer de semblables établissements, ou du moins des salles détachées des hôpitaux militaires pour y recevoir les filles publiques.
Le dispensaire d'Alger ne contenait en décembre 1837 que quatre lits et vingt-six matelas dégradés, et à peine vingt couvertures. Aussi les filles que leur situation maladive rendait plus dignes d'intérêt, couchaient-elles par terre.
Et on demandait que quarante lits complets fussent donnés au nouvel hôpital.
Mais ce dispensaire reçut bientôt des agrandissements comme on le voit dans le rapport du maire d'Alger, en date du 27 août 1838.
A cette époque ce service était bien misérablement fait puisque l'on dit dans ce rapport : " J'ai fait tous mes efforts pour procurer à chaque femme :
- un lit en fer garni - d'un matelas, - d'un sommier, - de draps et de couvertures.
Une nouvelle maison a été louée pour les visites et pour séparer les femmes malades de celles qui viennent à la visite et apportent des objets de consommation. "
Mais ces objets de première nécessité demandés en 1838, n'arrivent qu'en 1839.
En effet on dit que le ministre de la guerre a alloué toutes les sommes demandées pour munir l'établissement du mobilier dont il avait tant besoin. (Procès-verbal de la séance du 5 mars 1839.)
Déjà cependant au mois d'avril on se sent trop à l'étroit et on demande que la commission accepte l'adjonction d'une maison rue Sallustre n° 2 pour augmenter le local du dispensaire moyennant une autre maison, rue de la Lyre, n° 2 et une rente de 468 francs à payer comme soulte (somme d'argent à payer lors du partage d'une indivision) au propriétaire des Juifs évincés de la maison rue Salluste. (Procès-verbal de la séance du 25 avril 1839.)
Le dispensaire actuel parfaitement placé au centre de la ville, et près des maisons et demeures occupées par les filles publiques est situé impasse Galiata n° 14.
Il occupe trois vieilles maisons mauresques dont une seule appartient au domaine. Les deux autres sont louées mais elles sont dans un tel état de délabrement qu'elles coûtent beaucoup à la municipalité.
La porte d'entrée donne immédiatement accès dans une belle cour à arcades ; mais aucune modification dans la distribution intérieure et primitive n'a été faite, si ce n'est l'ouverture de portes pour les faire communiquer entre elles.
La réunion de ces trois maisons forme un dédale inextricable :
- de nombreuses petites chambres, - d'escaliers, - de passages voûtés, - de portes bases, - de galeries, qu'on a cherché à utiliser de la manière la moins imparfaite pour leur destination actuelle, mais qui laisse beaucoup à désirer sous le rapport de la rapidité et de la salubrité du service ; nous oserions même ajouter sous le rapport d'une bonne surveillance.
Il serait facile d'abandonner ces deux maisons et de prendre d'autres maisons voisines qui sont louées à des tiers. Elles sont, il est vrai, en mauvais état mais on pourrait les abattre et construire sur l'emplacement les salles destinées à loger les malades.
On aurait ainsi l'avantage d'avoir un service régulier, établi d'une manière continue, et l'avantage d'isoler le dispensaire des maisons voisines, des maisons juives surtout. Les habitants Juifs de ces maisons reçoivent des matelots et d'autres personnes un salaire pour les laisser causer avec les filles retenues au dispensaire, et permettent aux étrangers, contrairement aux prescriptions médicales, et malgré toute surveillance, d'introduire, dans le dispensaire :
- des aliments, - du vin, - de l'eau-de-vie, etc.
Cet abus a été tel que l'on a été obligé de faire murer certaines croisées dont l'air était nécessaires aux malades mais dont les ouvertures étaient trop commodes pour cette contrebande. Cette mesure aurait encore l'avantage d'empêcher la communication des filles qui viennent à la visite avec celles qui sont retenues au dispensaire. Cette communication dont la surveillance, est actuellement extrêmement difficile, permet cependant aux filles du dehors d'apporter à celles qui sont retenues :
- des vivres, - du vin, - du tabac, - des lettres, etc.,
Et d'éviter ainsi l'examen que l'on fait lors de la visite qui a lieu le samedi de midi à deux heures et qui se fait toujours en présence d'un employé.
Cette visite, faite aux malades par des personnes du dehors, a lieu dans une pièce séparée par des cloisons éloignées et à claire-voie de manière que rien ne peut être introduit sans une permission particulière.
Les nouvelles constructions seraient aussi plus sûres, car les maisons louées sont très mal bâties, les murs sont en terre, et il y a eu jusqu'à 6 ou 7 évasions en quinze mois.
Au moyen d'un simple morceau de fer, d'une fourchette même, les filles ont pu :
- percer ces mauvaises constructions,
- faire un trou, et au moyen de draps de lit
- s'échapper et porter la contagion dehors.
Au moyen des terrasses voisines, des Espagnoles ont même pu arracher des barreaux de croisées et communiquer avec les filles malades. Le dispensaire actuel ne sert pas seulement pour les vénériennes d'Alger, mais encore pour recevoir celles qui lui sont envoyées :
- de Cherchell, de Ténès, d'Orléansville.
Autour de cette cour mauresque on trouve au rez-de-chaussée, la salle de visite convenablement spacieuse et bien éclairée, la cuisine bien installée et suffisamment garnie d'ustensiles. Mais :
- le bureau de l'économe,
- la pharmacie,
- le préparatoire,
- la tisanerie sont dans des locaux insuffisants.
Une fontaine existe dans l'une des cours, elle fournit l'eau nécessaire, qui exige, pour son transport dans différentes parties de la maison, le travail presque exclusif d'un homme de peine.
Il serait facile d'en faire arriver, en plusieurs points, d'un conduit voisin.
Dans une salle sont six baignoires dont une en mois ; elles servent à donner des bains aux malades dont l'état peut chaque jour le réclamer. Le samedi est plus spécialement réservé aux bains de propreté, administrés ce jour à moitié des femmes.
Les malades occupent 13 chambres de diverses grandeurs, reparties dans les divers étages des 13 maisons contenant ensemble 80 lits, mais il y en a 3 hors de service, ce qui ne donne que 77 lits.
Ces lits sont actuellement assez bien garnis de :
- couvertures, - matelas et linge propre,
Mais ils sont près les uns des autres, faute d'emplacement convenable ; et malgré tous les soins apportés par l'économe actuel, les malades sont mal à l'aise dans ces petites divisions de maisons mauresques.
Les salles sont presque toutes trop petites pour le nombre de leurs habitants, et surtout trop peu aérées, l'air n'arrivant que d'un côté de la cour par des fenêtres trop étroites.
Dans la séparation des logements, on a égard aux nationalités pour placer ensemble ou dans des chambres contiguës des femmes d'une même origine.
Pour les Mauresques qui le préfèrent, les matelas sont étendus sur les carreaux des chambres.
Conclusion.
L'institution des filles publiques est une plaie de notre organisation sociale, une nécessité malheureuse à laquelle il faut se soumettre ; mais le nombre de ces femmes est si disproportionné à Alger que la misère en chassera sans doute celles-là même que la misère y a conduites et lorsqu'on considère qu'on en compte plus de 300 sur 25.000 habitants, tandis que Paris n'en a que 400 pour 90.000 habitants, il est permis d'espérer qu'avec un Administration loyale et protectrice on en ramènera plusieurs dans le devoir, en même temps qu'on pourra préserver la santé publique.
De la prostitution dans la ville d'Alger depuis la conquête
par E.A Duchêne, docteur en médecine. Édition 1853
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Bayazid et l’homme égoïste
Envoyé par M. Fabien
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Un homme fit un jour des reproches à Bayazid, le grand spirituel du IXe siècle :
« Trente jours durant j'ai jeûné, prié, pratiqué, et je n’ai pas trouvé la joie dont tu parles.
— Tu peux pratiquer trois cents ans encore, et tu ne la trouveras pas, dit Bayazid.
— Pourquoi cela ?
— Parce que ta vanité fait obstacle.
— Indique-moi le remède.
— Il y en a un, mais tu seras incapable de le prendre.
— Dis-le-moi quand même.
— Va chez le barbier, fais-toi raser la barbe —— ta barbe vénérable —, enlève tous tes vêtements, ceins-toi les reins d’une corde ; puis procure-toi une musette, remplis-la de noix et suspends-la à ton cou. Va sur la place du marché, et crie : “Une noix à tout gamin qui me donnera un coup sur la nuque !” Présente-toi ensuite au tribunal pendant qu’il est en séance, que l’on te voie ainsi accoutré.
— Mais je ne peux pas faire ça ! Indique-moi, je te prie, un autre remède, aussi efficace.
— C’est le premier pas, le seul effort que tu dois faire. Je t'ai dit que tu en serais incapable. Tu ne peux donc être guéri. »
Dans l’Alchimie du bonheur, El-Ghazali a recours à cette parabole pour illustrer ce point : certains, qui pensent être des chercheurs de vérité sincères — ou que les autres prennent pour tels —, peuvent être en réalité motivés par la vanité ou l'égoïsme. À cause de cela, ils ne peuvent apprendre.
Contes derviches
De Jean Néaumet, Idries Shah
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Sermon et rôtissoire
Envoyé par M. Christian Graille
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Quelques joyeux boute-en-train
Buvaient, faisaient bonne chère ;
Arrive un dominicain.
Le voilà fort en colère.
Par la mule du Saint-Père !
S'écria le calotin,
Ce peuple me désespère :
Il rit du soir au matin.
Hé! Quoi ! Mauvaise canaille
Vous mangez de la volaille !
Comment, vous buvez du vin !
Lisez donc ce livre divin
Écrit par frère Basile,
Jeûnez à chaque vigile,
Le carême entièrement.
Et plus tard au firmament,
Quand vous serez morts s'entend,
Vous trouverez un asile.
Au discours du révérend
Tous répondent en riant :
Que le diable vous emporte,
Vous et vos maudits sermons,
Nous savons que nous mourrons,
Maintenant passez la porte.
Quoi me traiter de la sorte !
Moi qui fus inquisiteur !
Satan le grand rôtisseur
Pour vous chauffe sa fournaise.
Vous cuirez à petit feu
Et je ne me sens pas d'aise
De vous voir damnés morbleu !
Comment donc, un prêtre jure ?
Il nous accompagnera :
Et comme nous il fera
Un damné je vous l'assure,
En voyant cette figure
L'enfer rira de bon cœur.
Or, admirez le malheur
Qui termina l'aventure :
L'inquisiteur, en courroux,
Mourut le premier de tous,
Son âme au diable il dut rendre.
Et quand nos pauvres pécheurs
Descendirent tout en pleurs
Où j'ai grand peur de descendre,
Ils trouvèrent leur pasteur
Qu'un infernal tourmenteur
Faisait griller sous la cendre.
Morale
Ainsi sera rôti tout moine rôtisseur.
Jean des Entommeures
Annales algériennes (24-04-1892)
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De l'Agha et autres officiers de la milice
Envoyé par M. Christian Graille
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L'Aga de la milice est le général des troupes qui se trouvent à Alger.
Ce n'est proprement qu'un poste d'honneur et une dignité pour récompenser les services de l'officier qui en est revêtu car il ne va point en campagne pendant son exercice.
C'est le plus ancien soldat qui occupe cette place. Chacun y parvient à son rang. Après que l'Aga a passé deux lunes (Le calendrier lunaire est d'environ 29 jours) dans cet emploi, qui est le temps réglé pour cette dignité, afin que plusieurs puissent avoir part à ce haut rang et à cette marque d'honneur à une distinction, il fait place à un autre et jouit tranquillement de sa paye, sans être sujet à aucun service de terre ou de mer, mais il ne peut aussi parvenir à aucune charge de l'État. C'est la fin de ses travaux qui n'arrive que dans un âge fort avancé.
Pendant ces deux lunes d'exercice, on lui porte tous les soirs les clés de la ville. Tous les ordres que l'on donne aux troupes pour la garde des portes et des forts et pour la discipline, se donnent au nom de l'Aga. C'est dans la maison seule que sont punis secrètement les Turcs, soit par la bastonnade, soit par la prison, ou mis à mort, le tout cependant par les ordres exprès du Dey.
Il loge dans une maison uniquement destinée pour celui qui est revêtu de cet emploi. Il est entretenu aux dépens du gouvernement, qui paye sa table et les domestiques qui conviennent à son rang. Il a outre cela 2.000 pataques-chiques (Une pataque-chique correspond à 0,62 francs) pour sa paye d'Aga pendant les deux lunes de son exercice.
Il ne peut avoir dans cette maison ni femmes ni enfants. Il n'en peut sortir que pour assister au Divan général et la paye qui se fait en son nom de deux en deux lunes. Alors il sort à cheval et deux chaoux qui le précèdent à pied, crient à haute voix : " Prenez garde à vous, voilà l'Aga qui passe ". Ils lui font faire place, à cause que les rues sont étroites et fort embarrassées, et lui font rendre un profond respect.
Dès que les deux lunes de son exercice sont passées, il entre dans sa haute paye ordinaire dont il jouit tranquillement jusqu'à sa mort.
Le Chaya, ou Bach-Boluk-Bachi, est le plus ancien capitaine des troupes, qui doit succéder à l'Aga après ses deux lunes d'exercice ; chacun parvient à être Chaya successivement et par ancienneté
Il est le chef de l'assemblée des officiers qui se tient vis-à-vis de la maison du roi.
Il y demeure tant que le Dey est à son poste et il y décide quelques petites affaires tant civiles que criminelles, que le Dey lui renvoie lorsqu'il a trop à faire, ou qu'il trouve à propos pour se soulager, et il juge sans frais et sans appel.
L'assemblée où il préside est composée des Ayas-Bachis qui est un corps très distingué de vingt-quatre anciens capitaines de compagnie qui ont fait place à d'autres. Le doyen de ce corps devient Chaya et puis Aga et tous les autres lui succèdent à leur tour. Ils sont assis dans cette assemblée selon leur ancienneté.
Ce sont les conseillers du Divan, ou conseil souverain.
Ils doivent accompagner le Dey et être immédiatement après lui, les jours de cérémonie. Ils portaient autrefois des plumes blanches sur le turban par distinction, mais à présent, ils en laissent perdre l'usage.
L'exercice du Chaya est de deux lunes, après lesquelles il est fait Aga de la milice, et un autre Aya-Bachi prend sa place.
Les Mezouls-Agas sont ceux qui ont été Agas de la milice. Ils sont exempts de tout service.
S'ils ne veulent plus faire, ils peuvent se retirer où bon leur semble et venir recevoir leur paye de deux en deux lunes. Ils ne peuvent aussi se mêler d'aucune affaire que ce soit, et vivent tranquillement sans être inquiétés.
Les Mezouls-Agas sont ordinairement vieux et cassés et l'on respecte leurs services passés. Ils assistent aux Divans généraux, lorsqu'ils le jugent à propos, mais n'y ont nulle voix.
Quelquefois ils y sont appelés par le Dey pour avoir leur avis qui sont très utiles en certaines occasions.
Les Boluks-Bachis sont les capitaines de compagnie dont les plus anciens sont fort distingués et parviennent par rang et par ancienneté à être Ayas-Bachis, après avoir été un an Aga ou commandant d'une place où il y a garnison.
Là ils rendent la justice au nom du Dey, de même que celui-ci fait à Alger et font exécuter ses ordres ; ils sont distingués par un bonnet fort haut et une croix rouge qui leur pend sur un cuir derrière le dos.
On appelle Agas des spahis les capitaines de compagnies de cavalerie.
Les Oldaks-Bachis sont les lieutenant de compagnie.
Ils parviennent à leur rang et par ancienneté à être Boluks-Bachis et aux autres emplois et dignités plus distinguées, n'y ayant aucun exemple qu'on ait fait un passe-droit pour favoriser quelqu'un, ce qui serait un sujet des plus légitimes de révolte pour la milice, et le Dey en perdrait certainement la vie. Ils portent par distinction une bande de cuir, qui descend de la tête jusqu'à la moitié du dos.
Les vieillards ou vekilardgis, sont les commis aux vivres de l'armée. Chaque tente qui est composée de 20 hommes en a un, qui a soin de fournir et de faire préparer le nécessaire pour manger et boire, et de faire porter la tente, le bagage et les ustensiles. Chaque tente a un cuisinier, sous les ordres du vekilardgi. Ils ont aussi soin des provisions pour les casernes lorsque les troupes ne sont point en campagne. Ils portent un bonnet blanc en pyramide.
Les Peis sont les quatre plus anciens soldats qui attendent leur avancement à leur tour. Ils portent par distinction un bonnet de cuivre.
Les Soulachs, ou Soulachis, sont les huit plus anciens soldats après le Peis. Ils portent un tuyau ou canon de cuivre sur le devant de leurs bonnets et de grands sabres dorés. Ils servent de gardes du corps au Dey et marchent devant lui à cheval, armés de carabines lorsqu'il va en campagne.
Les Caïtes sont des soldats turcs qui ont chacun le commandement sur quelques douars de Maures, ou d'un petit terrain. Ils en retirent la garame ou taille et en rendent compte au Dey. Il y en a aussi un à chaque marché forain. Ce sont ordinairement des Hojas ou Cogias, qui sont les écrivains du delik, auxquels on donne cet emploi.
Les Sagaïrds ou Sagaïrdgi sont armés d'une lance. Dans chaque armée il y en a une compagnie de cent hommes dont le commandant est nommé Sagaïrdgi-Bachi. Leur soin est de chercher, garder et fournir l'eau nécessaire pour l'armée.
Histoire du royaume d'Alger
par M. Laugier de Tassy, commissaire de marine
pour Sa Majesté très chrétienne
en Hollande. Édition 1725
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PHOTO DE BÔNE
Envoyée par J.L. Ventura
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RUE BOUSCAREIN
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Du Dey ou Roi d'Alger
Envoyé par M. Christian Graille
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Le Dey est le maître absolu du pays. Il gouverne généralement tout le royaume :
- récompense et punit à son gré,
- ordonne les camps et les garnisons,
- dispose des emplois et des grâces,
- et ne rend compte de sa conduite à personne
Il a pourtant dans ce haut rang bien des mesures à garder, pour éviter les fréquentes et dangereuses révolutions, que produit l'inconstance d'une milice féroce, difficile à contenir, et au gouvernement de laquelle il faut user d'une extrême rigueur ou de beaucoup de bonté, selon les occasions.
C'est pourquoi il faut qu'un Dey soit irréprochable dans sa conduite et qu'il prenne sur soi avec hardiesse les évènements bons ou mauvais, sans être agité par les réflexions sur l'avenir.
L'élection d'un Dey, suivant les constitutions du pays, se doit faire par la voix générale des soldats. Lorsque cette place se trouve vacante par la mort ou la fuite de celui qui l'occupait, toute la milice qui se trouve alors dans Alger, s'assemble dans la maison du roi.
L'aga de la milice, général de l'infanterie, demande à haute voix qui elle veut élire pour Dey. Alors chacun peut donner sa voix et nommer celui qu'il croit le plus digne de gouverner. S'il n'est pas généralement approuvé, il est refusé. On en nomme un ou plusieurs autres à haute voix, et lorsqu'un est agréé, ils s'écrient tous ensemble, en le revêtant d'un cafetan et en le portant bon gré ou malgré sur le siège royal, " A la bonne heure. Ainsi soit-il. Que Dieu lui accorde, en le nommant par son nom, félicité et prospérité, à la bonne heure. Ainsi soit-il ".
Le Cadi ou juge de la loi lui lit un moment après tout haut, quelles sont ses obligations, dont le précis est, que Dieu l'a appelé au gouvernement du royaume et de la guerrière milice :
- qu'il est en place pour punir les méchants et faire jouir les bons de leurs privilèges,
- qu'il doit entretenir exactement la paye,
- employer tous ses soins pour la prospérité du pays,
- fixer le prix des denrées pour le bien des pauvres et autres choses semblables.
Après quoi tous lui baisent la main et lui promettent fidélité et soumission. Une heure ou deux est tout le temps qu'il faut pour une grande cérémonie, dont toute la splendeur consiste en quelques coups de canon qu'on tire des forteresses.
Il faut pourtant observer que le choix d'un Dey se fait rarement sans trouble et sans massacre, y ayant toujours différentes cabales sur ce sujet.
Comme tous les Turcs de la milice d'Alger sont sans distinction habiles à être Deys ou chefs du gouvernement, il y en a toujours quelques-uns plus ambitieux que les autres, qui font des partis parmi les plus mutins et les plus intéressés, pour tuer celui qui est en place, sur divers prétextes et en promettant à ses satellites les premières charges de l'État.
Lorsqu'un de ces partis peut tenir la chose secrète, jusqu'à ce qu'il puisse entrer bien uni dans la maison du roi, le Dey étant sur son siège, il est tué à coups d'armes à feu ou de poignards.
Le chef de ce parti est mis aussitôt en sa place par ses adhérents, qui le revêtent du cafetan tout sanglant dont ils dépouillent le mort et crient à haute voix : " Prospérité à untel que Dieu a voulu appeler au gouvernement du royaume et de la guerrière milice d'Alger " sans que les officiers du Divan qui sont présents osent remuer, de peur que la cabale ne soit plus forte qu'eux ; car alors ils seraient sûrs de périr, s'ils voulaient lui résister.
Ils vont au contraire baiser la main au nouveau Dey, et après eux la milice, chacun craignant de perdre la vie. Car il est assez ordinaire que lorsqu'un Turc se fait Dey par une voie semblable, il fait étrangler tous les officiers du Divan lorsqu'ils sont opposés à son entreprise, ayant déjà promis les places vacantes à ceux de sa cabale.
Il ne laisse d'anciens officiers que ceux qui l'ont aidé par leur avis ou autrement et à ceux qui ne se sont pas attachés particulièrement à la personne du dey précédent.
Ali Dey élu au mois de juin 1710 et qui parvint au deylik par la mort cruelle d'Ibrahim Dey surnommé le Fou, fit étrangler, noyer ou massacrer 1.700 personnes dans le premier mois de son règne.
Il jugea à propos de se défaire de quelques esprits remuants, amis du défunt, qui auraient vengé nécessairement sa mort aux dépens d'Ali.
Mais cette exécution ayant déplu à plusieurs personnes, les mécontents prirent le prétexte de former plusieurs cabales, que Ali Dey eut le bonheur de détruire, avant qu'elles eussent le temps d'exécuter leur dessein.
Ibrahim dey fut massacré pour avoir voulu séduire la femme de Mahmoud Raïs, renégat portugais, qui commande actuellement un vaisseau de 22 canons nommé la galère hollandaise.
Il est à propos de raconter ici le fait, pour faire voir combien un dey tout puissant en un sens est chancelant sur son trône rempli d'épines.
Ce Dey parvint au gouvernement dans le mois de mai 1710. Il aimait beaucoup les femmes et se hâta de faire valoir son autorité pour prendre des plaisirs illicites, qui ne sont pardonnés par personne dans ce pays-là.
Il se faisait informer par son confident des maisons où il y avait de jolies femmes, et lorsque les maris étaient en mer ou en campagne, il allait secrètement à une heure indue chez elles.
Il se rendait maître des esclaves par l'argent qu'il leur faisait distribuer et par les menaces qu'il leur faisait s'ils parlaient. Mais malheureusement pour lui, à peine goûtait-il le fruit criminel de ses intrigues, qu'il trouva sa perte.
Ayant appris que la femme de Mahmoud Raïs, qui était alors en course, était une jeune et aimable personne, il se rendit chez elle de la même manière qu'il était accoutumé de faire. Il trouva un esclave noir et fort laid à qui le mari avait commis la garde des portes de sa maison. Cet esclave trembla à la vue du Dey. Il se prosterna à ses pieds et ayant reçu de l'argent, il le laissa monter dans les esclaves chrétiennes accoururent et furent toutes étonnées lorsque Ibrahim se nomma.
Il fit une démonstration des plus tendres à la femme de Mahmoud à laquelle elle répondit par des injures atroces et par des menaces.
Le dey déconcerté s'en alla après quelques instances inutiles, sans crainte pourtant que cette tentative tirât à aucune mauvaise conséquence.
Mahmoud Raïs arriva peu de temps après ; sa femme lui raconta tout ce qui s'était passé et lui demanda vengeance de l'affront que le dey avait voulu lui faire pendant son absence.
Mahmoud lui répondit que, puisque sa vertu et son devoir avaient triomphé, cela ne pouvait pas lui faire du tort, quand même le dey en parlerait, mais qu'il se garderait bien de divulguer et de faire parade de ses sottises :
Que ce dey ne se conduisait que par des maximes opposées à la raison et à la prudence, qu'il ne pouvait pas durer longtemps dans ce poste et qu'il valait mieux que ce fussent d'autres que lui qui entreprissent sur sa personne.
Sa femme fut outrée d'un discours si modéré et lui répliqua par des injures qui le piquèrent au vif. Elle lui dit qu'elle croyait avoir épousé un musulman, ou vrai croyant, mais qu'elle n'avait épousé qu'un chrétien et qu'elle l'obligerait bien de la répudier, s'il ne lui faisait pas raison de cet affront si sensible.
Elle confia cette affaire aux femmes de plusieurs Raïs ou capitaines de vaisseau, auxquelles elle fit entendre :
- que le Dey était un homme sans religion et sans raison,
- qu'il se croyait tout permis,
- qu'il ne se souciait ni des lois, ni du droit des gens,
- que si l'on souffrait de ses crimes et de ses folies au commencement de son règne, lorsqu'il serait devenu encore plus le maître, il les prendrait de force pour les déshonorer et qu'elles seraient toutes ses esclaves.
Elle les engagea par ces discours à contraindre leurs maris de se défaire d'Ibrahim Dey. Ils en parlèrent à Mahmoud et le portèrent à le faire massacrer, lui promettant de le seconder.
Mahmoud se rendit et prit la résolution de satisfaire à la fureur de sa femme et de ses confrères, sur les représentations qu'ils lui firent que les capitaines corsaires devaient être les plus considérés et les plus respectés de l'État ; que c'étaient eux qui en étaient le plus ferme soutien, qui y apportaient le plus grand profit tant en marchandises qu'en esclaves et qui exposaient leur vie pendant toute l'année.
Il le dit à sa femme qui en fut ravie d'aise et qui l'obligea de se servir du noir pour porter le premier coup au Dey afin de punir cet esclave de ce qu'il l'avait laissé entrer et monter dans son appartement.
L'affaire fut examinée et concertée et la résolution fut prise de tuer le dey à la première occasion favorable et le secret fut bien observé.
Un jour que le Dey venait de la marine à son palais, suivi des officiers de sa maison et des principaux du Divan, dès qu'il fut entré dans la ville, l'esclave noir de Mahmoud, qui avait été posté à la porte de la marine avec un fusil chargé, lui tira et le manqua.
Le dey pâlit et n'osa pas seulement demander ce que c'était, sachant bien qu'en pareilles occasions il ne peut se confier à personne.
Aucun, de ceux qui l'accompagnaient n'osa remuer, craignant un mauvais traitement, si les assassins étaient les plus forts.
Le Dey et sa suite marchèrent toujours et arrivèrent au Batistan qui est le marché des esclaves, tout près de sa maison.
Le noir qui avait pris les devants et rechargé son fusil, lui tira un second coup et le manque encore. Le Dey et toute sa troupe arrivèrent à la porte du palais, où les conjurés qui suivaient près de lui, sans qu'on les soupçonnât, voyant qu'ils avaient manqué leur coup et que s'ils n'achevaient pas ce qu'ils avaient commencé, ils seraient bientôt découverts et étranglés par ordre du roi, crièrent " Char-Allah : justice de la part de Dieu ".
Le Dey effrayé entra, sans savoir quel chemin il prendrait. Les conjurés le suivirent de près, la populace s'y joignit et l'ayant accusé hautement de ses crimes, on cria confusément qu'il fallait qu'il pérît.
Ce malheureux prince eut le temps de gagner sa chambre et de s'y enfermer avec deux esclaves chrétiens qui étaient ses pages. Les conjurés vinrent à la porte avec des haches pour l'ouvrir ; mais comme la chambre du Dey est ordinairement embellie des armes curieuses dont les princes chrétiens lui font présent, comme des fusils et des pistolets à plusieurs coups, il fit en entrant décrocher toutes les armes par ses esclaves. Il tirait par chaque brèche qu'on faisait à la porte et tuait tous ceux qui se présentaient et d'autres même qui étaient derrière parmi la foule.
Ainsi les conjurés ne pouvant pas tenir et venir à bout de leur dessein, montèrent sur la terrasse, qu'ils dépavèrent au-dessus de la chambre où ils firent une grande ouverture ; et ayant fait apporter des grenades, ils assassinèrent à la fin Ibrahim dey et on en élut un autre. C'est ainsi que ce misérable prince finit ses jours, après avoir régné environ un mois.
Son cadavre fut insulté et traîné dans les rues, après quoi son successeur lui fit dresser un mausolée, et le fit inhumer selon l'usage.
Un Dey se trouve l'esclave des esclaves. Il marche continuellement sur des épines. Il est dans une méfiance perpétuelle, et toujours occupé à découvrir des conspirations et à faire mourir ceux qui en sont accusés ou soupçonnés, quelquefois sans fondement, tant pour détruire les factieux que pour l'exemple.
Mais ce sont des hydres, d'une tête coupée il en naît une infinité : c'est ce qui en a obligé quelques-uns de s'enfuir secrètement dans les montagnes et d'aller chercher leur repos dans la solitude.
Ils n'en ont pourtant pas toujours les moyens, et ils s'exposent à être massacrés s'ils sont découverts ; parce qu'on suppose d'abord, qu'ils ont fait des concussions et qu'ils emportent beaucoup d'argent, ou qu'ils l'ont déjà envoyé dans le pays où ils veulent se retirer.
Lorsqu'un Dey est tué par son peuple, ses femmes sont dépouillées de tout ce qu'elles ont au-delà de leur premier état ; ses enfants sont réduits à la simple paye de soldat et exclus de toutes les charges de l'État.
Mais lorsqu'il meurt de mort naturelle, ce qui est fort rare, on n'inquiète aucun des siens et on lui rend avec distinction les honneurs funèbres.
Cet exemple est arrivé, lors de la mort de Ali dey en avril 1718. Pendant sa maladie et dans le temps qu'on désespéra de sa vie, les officiers de sa maison et du Divan choisirent fort secrètement un d'entre eux pour lui succéder ; et dès que le malade eut expiré, ce qui arriva la nuit du 4 avril, Mehemed dey, qui était alors Cazenadar, ou trésorier de l'État, fut placé sur le siège royal et revêtu du cafetan par les gens de son parti.
On ouvrit les portes du palais à l'heure ordinaire, l'on fit tirer le canon, et l'on annonça la mort de Ali et l'élection de Mehemed.
Alors tous les officiers et toute la milice vinrent lui baiser la main et le féliciter, de même que les consuls étrangers qu'on en fit avertir. Mais on ne s'en tient pas toujours là, et cet exemple en faveur de Mehemed est l'unique.
Quelquefois à l'élection d'un Dey, il n'est pas plutôt assis sur son trône royal, qu'il est tué par un parti et celui qu'on a mis à sa place tué par un autre.
On a vu dans un jour six Deys massacrés et sept élus. On en voit les six mausolées ensemble qui forment un rond hors de la porte de Babalouet.
On ne fait pas plus de difficulté de reconnaître un Turc qui s'est fait Dey par la force des armes que celui qui est placé sur le trône malgré ou bon gré disant que ce qui doit arriver est écrit de tout temps et n'arrive que par la volonté éternelle et immuable de Dieu.
Le Dey ne sort presque jamais de son palais, et seulement dans certaines cérémonies qui sont d'usage, mais fort rares.
Ce qu'on appelle la maison du roi, qui est un bâtiment qui appartient à l'État, est affecté au Dey et à ses domestiques. C'est dans cette maison que l'on règle toutes les affaires du royaume ; l'on y rend la justice et le trésor y est enfermé.
Lorsque le Dey est marié, il a une maison particulière où il tient ses femmes, ses enfants et ses concubines. Les Deys ont à présent perdu l'usage de se marier et d'avoir des concubines, à cause de la jalousie qu'elles excitaient par leurs airs de grandeur et par leurs dépenses.
L'exercice ordinaire du Dey est d'être presque tout le jour sur son siège au fond d'une grande salle à rez-de-chaussée, pour y écouter tout le monde, et rendre la justice sans aucun délai.
Le Dey qui gouvernait au commencement de cette année s'appelait Mehemed fils d'Assein. Il était âgé d'environ 36 ans, d'une grande taille, gros et vigoureux. Il ne savait ni lire ni écrire.
Il gardait dans sa jeunesse des bœufs en Égypte, et il avait conservé une grande brutalité et beaucoup de faiblesse pour les garçons. Il n'avait jamais été marié et il occupait ci-devant la charge de Cazenadar. Il fut élu au commencement du mois d'avril 1718.
Le 18 mai 1724 ce même Mehemed pacha Dey étant allé selon sa coutume se promener à la marine, y visita tous les châteaux.
En entrant dans la ville sur les dix heures du matin, il fut assassiné par cinq ou six Turcs qui l'attendaient en dedans de la porte d'une caserne, devant laquelle il fallait qu'il passât, étant situés au-dessus même de la porte de la marine.
Un Turc qui était sur la terrasse de cette caserne lui tira un coup de fusil, qui le prit entre les deux épaules et sortit par le ventre.
Ce fut le signal pour ceux qui étaient en embuscade, lesquels en se montrant à la porte firent leur décharge sur le Dey qui tomba sans pouvoir prononcer une parole.
Les gardes qui l'accompagnaient se dispersèrent et les assassins tuèrent encore un Chaoux et un écrivain, qui étaient parents du Dey, et coururent à la maison du roi pour s'en emparer et y proclamer un Dey de leur parti.
Heureusement le Cazenadar qui était en compagnie du Dey les y avait devancés, quoique blessé à la tête d'un coup de sabre, et avait engagé les Noubagis ou gardes de la porte de prendre leurs armes et de proclamer un Dey de leur parti.
Ils le firent en obligeant l'Aga des spahis, intime ami du défunt, de prendre sa place. A peine fut-il sur le siège du Dey revêtu du cafetan, que les assassins se présentèrent devant la porte.
Les gardes les arrêtèrent en les couchant en joue et les exhortant à se retirer, ne sachant s'ils venaient comme amis ou comme ennemis.
Ils ajoutèrent qu'on avait proclamé Abdi Aga pour leur Dey ; mais ces assassins ayant répondu qu'ils en voulaient un autre, les gardes firent feu, trois furent tués sur la place et les autres eurent le bonheur de se sauver.
Cette expédition étant faite, on ouvrit les portes de la maison du roi ; Abdi Aga fut proclamé Dey par des Chaoux sur la place qui est devant, et d'autres Chaoux firent avertir les consuls et les ministres étrangers de cette proclamation.
On courut en foule le féliciter et tout fut tranquille avant la fin du jour et l'a été depuis ce temps-là.
Abdi aga Dey est un homme d'environ 60 ans, qui a passé parmi les principales dignités du gouvernement. Il a été bey ou lieutenant-général des pays situés dans le midi et ensuite général de la cavalerie pendant plusieurs années. Il est plus capable de gouverner et de se faire aimer qu'aucun autre.
Il est doux, homme de bien et de bonnes mœurs, ce qu'on remarque d'autant mieux qu'il a succédé à un Dey violent, mais qui a pourtant rendu service au gouvernement, par les fortifications qu'il a fait réparer et augmenter continuellement depuis qu'il a été en place jusqu'à sa mort tragique.
Histoire du royaume d'Alger
par M. Laugier de Tassy, commissaire de la marine
pour Sa Majesté très chrétienne en Hollande. Édition 1725
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L'Europe et la piraterie barbaresque
Envoyé par M. Christian Graille
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Ce fut d'abord à douze galères que la piraterie s'exerça dans la Méditerranée au commencement du XIIe siècle. Le fondateur de ce brigandage devint célèbre sous le nom de Barberousse, surnom qui lui avait été donné à cause de la couleur de sa barbe.
Puissants et redoutés, Barberousse et ses compagnons aspirèrent à jouer un rôle plus relevé que celui de vagabonds.
Ils conçurent alors l'idée de fonder un établissement, ce qu'ils obtinrent presque aussitôt en s'emparant d'Alger dont le roi les avait appelés.
Dès lors les côtes d'Espagne et d'Italie furent infestées de grands armements. Charles-Quint reconnut la nécessité de mettre un frein aux progrès du redoutable pirate. Un bombardement eut lieu. Contraint de sortir d'Alger, Barberousse fut tué en combattant aux environs de Tlemcen.
Après sa mort son successeur, aussi nommé Barberousse, se mit sous la protection de la Porte ottomane. Il reçut d'elle un concours considérable en hommes et en argent.
Plus puissant malgré la défaite de son prédécesseur ses déprédations attirèrent de nouveau Charles-Quint qui le chassa de Tunis où il était.
Plassen-Aga, qui fut nommé après lui, était plus féroce encore que ses prédécesseurs.
Charles-Quint résolut une seconde expédition qu'il commanda lui-même. Sa flotte fut assaillie et presque détruite par la tempête.
L'empereur avait débarqué à quatre lieues d'Alger, où une plus grande déroute attendait encore. Un temps épouvantable laissa toute son armée dans la boue, exposée aux vents et à la pluie.
Ses provisions furent gâtées. Obligés de regagner leur flotte qui était à trois journées de là, les Impériaux pouvaient désespérer de revoir leur patrie. Mais le courage du Roi les soutint et ils furent sauvés.
Cette défaite consterna l'Europe, tandis que les Algériens, persuadés que l'un de leurs saints avait ainsi agité la mer, reprirent avec plus d'énergie leurs courses maritimes.
On supporta longtemps cette tyrannie, et ce fut Louis XIV, toujours jaloux de ce qui intéressait l'honneur d'un Roi qui, le premier, tenta de nouveau de châtier les Barbaresques.
Un jeune Béarnais nommé Renaud d'Elicagaray, souvent appelé dans les conseils du Roi, donna de nouveaux plans pour la construction des vaisseaux.
Sous ce règne Alger fut bombardé deux fois et réduite en cendres. Le bombardement fut si violent et ses effets si désastreux, que les janissaires effrayés demandèrent à capituler. Duquesne y consentit.
Le père Levacher, missionnaire et Consul de France, fut désigné pour négocier la paix. Elle allait être conclue, lorsqu'une de ces révolutions communes dans les États barbaresques changea tout à coup la clef de la Régence, et fit passer le pouvoir entre les mains d'un brigand fameux qui ne consentit plus à la paix. On assassina tous les Français qui se trouvaient dans la ville, et l'infortuné Consul, placé devant la bouche d'un canon, fut lancé comme un projectile dans la direction de la flotte française.
La vengeance de Duquesne fut proportionnée au crime. Le bombardement recommença avec fureur. La flotte algérienne fut détruite et le quart de la population anéanti.
Ce fut alors que, reconnaissant le grand pouvoir de la France et le danger de son terrible ressentiment, les Algériens envoyèrent à Versailles des ambassadeurs qui demandèrent la paix en suppliant, et reçurent l'ordre de délivrer tous les esclaves chrétiens et de payer au Roi une très forte somme.
En 1688 Alger subit un troisième bombardement, sous les ordres du maréchal d'Estrées, et plusieurs fois l'Angleterre et la Hollande vinrent les châtier dans le cours du XVIIIe siècle.
Sous le règne du roi Charles III, l'Espagne fit une nouvelle tentative qui mérite d'être rapportée.
La péninsule n'avait pas vu sortir une aussi belle armée, depuis longtemps la piraterie n'avait été la cause d'une expédition préparée avec autant de soin, et cependant quel fut son résultat !
L'armement, commandé par le général O'Reilly, était composé de :
- dix-huit mille hommes d'infanterie,
- huit cents cavaliers et
- trois mille marins, en tout vingt et un mille hommes, l'élite de l'armée d'Espagne. La flotte qui les portait était commandée par le contre-amiral Castejou, qui comptait en tout quarante-quatre bâtiments de guerre.
Le 30 juin 1775, la première division de cette flotte se montra devant Alger. La division se composait de :
- cent quatre-vingts bâtiments de transport,
- trois vaisseaux,
- huit frégates,
- quatre chebecs (petits bateaux méditerranéens, armés de canons, très fins navigant à la voile et à l'aviron).
Le reste arriva le 1er juillet. Il faisait un temps magnifique. Tous ces vaisseaux, rangés dans le meilleur ordre, étalèrent en arrivant tout ce qu'ils avaient de pavillons, de flammes etc.
Le coup d'œil était superbe mais peu imposant pour les Algériens accoutumés à mépriser les Espagnols et à compter toujours sur leurs forces ainsi que cela est arrivé à Hussein-Pacha en 1830.
Le sixième jour, après leur arrivée, les Espagnols, voulant prouver qu'ils étaient venus pour attaquer sérieusement, détachèrent un vaisseau pour aller détruire la batterie la plus voisine du lieu où il avait été décidé que s'effectuerait leur débarquement.
Ce vaisseau tira quatre heures de suite sans toucher son point de mire. Cependant la batterie était si délabrée et si dépourvue de toutes munitions que ce ne fut que longtemps après les premières volées du bâtiment qu'on la crut en état d'agir. Elle fut enfin démontée mais les Algériens la rétablirent tranquillement sous le feu de l'ennemi.
Enfin, le 8, à deux heures du matin les Espagnols prirent le parti de débarquer.
Ils le firent sans opposition, entre l'embouchure de la Xamche et le septième des fortins construits dans toute la longueur de la rade.
Les Algériens étaient dans la plus complète sécurité et bien éloignés de soupçonner tant de hardiesse à leurs adversaires, aussi l'étonnement fut-il grand, lorsque le soleil, en se levant, leur découvrit dix ou douze mille soldats rangés en bon ordre sur le rivage, à quatre mille de la ville.
Il se passa bien du temps avant de savoir ce qu'il y avait à faire, et comment, on s'y prendrait pour repousser les assaillants.
Les Espagnols eussent pu s'emparer d'une autre batterie, mais ils perdirent leur temps et cette négligence leur coûta la partie. Après le débarquement ils se rangèrent en bataille.
L'action dura cinq heures. Le temps était calme et le soleil fut chaud.
D'abord ils eurent quelques succès ; mais s'étant débandés pour suivre les Maures jusque dans les jardins où ils se cachaient, ils commencèrent à être fortement incommodés du feu des troupes du Bey de Constantine qui étaient venues au secours de la place.
Le tort des Espagnols était d'avoir caché le feu de leurs vaisseaux qui s'abstinrent de tirer pour ne pas les massacrer eux-mêmes. C'est ce qui n'arriva pas en 1830 aux Français qui, avec leur flotte, formèrent l'angle et attaquèrent ainsi la ville des deux côtés à la fois.
Les Espagnols, bientôt attaqués par les batteries que les Turcs mirent à découvert en abattant deux pans de mur qui les dérobaient à la vue, furent obligés de remonter dans leurs vaisseaux, en laissant sur le sol africain un matériel important et leurs soldats tués ou blessés.
On peut juger, après l'issue honteuse de cette expédition, si le nom de chrétien gagna en terreur dans l'esprit des Algériens. Depuis lors, au contraire, ils furent plus audacieux que jamais et si nos vaisseaux eurent quelque répit au commencement de ce siècle ce fut à cause du blocus continental lors de la guerre de Napoléon avec la Grande-Bretagne. En 1814, la liberté des mers rouvrit le cours de la piraterie.
Les malheureux habitants des côtes d'Espagne, d'Italie, de Sardaigne et de Sicile étaient journellement exposés à l'apparition des corsaires qui pillaient leurs propriétés et emmenaient dans les bagnes d'Alger ceux qui ne se dérobaient pas par la fuite à cette cruelle destinée.
L'année 1815 vit éclater la guerre entre Alger et les États-Unis ; l'affaire se termina par un traité que les Algériens enfreignirent continuellement. L'Angleterre leur infligea en 1816 un châtiment terrible.
En avril 1816, Lord Exmouth reçut de l'amirauté des instructions pour traiter avec les régences Barbaresques la reconnaissance des îles Ioniennes comme possession anglaise pour conclure la paix entre ces régences et les royaumes de Naples et de Sardaigne, et les obliger, s'il était possible, à renoncer à l'esclavage chrétien.
Lord Exmouth fit voile pour Alger avec une flotte de :
- cinq vaisseaux de ligne,
- sept frégates,
- quatre bâtiments de transports,
- quelques chaloupes canonnières.
Il conclut avec le Dey un arrangement qui comprenait à peu près toutes les conditions qu'il avait ordre d'obtenir.
Le succès de ces négociations faillit coûter la vie à l'amiral anglais. Les janissaires qui connaissaient l'objet de sa visite ne pouvaient contenir leur fureur à son aspect. Vingt fois ils le menacèrent de leurs sabres. Il en fut de même à Tunis, à Tripoli.
Tout fut rompu parce que les Barbaresques ne consentaient point à l'abolition de l'esclavage. Bien plus ils mirent à profit le temps qu'on leur avait donné pour attaquer de nouveau les navires européens.
La maison du Consul anglais fut pillée et des pêcheurs de corail, au nombre de plus de deux cents, furent massacrés dans une église de Bône pendant la célébration de l'office divin.
Cet effroyable attentat combla le vase d'iniquité ; un cri d'indignation retentit dans l'Europe toute entière. Une expédition menaçante fut préparée, et lorsque l'on crut n'avoir plus rien négligé pour le succès, lord Exmouth reçut l'ordre de se diriger vers Alger.
Le 26 août 1816 il se présenta en vue de cette ville après avoir accepté la proposition du vice-amiral hollandais Van des Capelles de se joindre à lui avec six frégates.
L'escadre combinée était forte de trente-deux voiles ; on y comptait :
- douze vaisseaux de ligne, parmi lesquels la Reine-Charlotte de cent dix canons,
- plusieurs frégates et corvettes, entre autres le Belzébuth chargée de fusées à la Congrève (navire chargé de produits incendiaires destinés à détruire les flottes ennemies) que sa Seigneurie surnomma le premier ministre du diable, - cinq chaloupes canonnières et un brûlot (relatif à une fusée faisant éclater d'autres petites fusées).
Le lendemain lord Exmouth envoya un parlementaire avec une dépêche dans laquelle il proposait au Dey :
1° de délivrer immédiatement les esclaves chrétiens sans rançon,
2° de restituer tout l'argent qu'il avait reçu pour le rachat des captifs sardes et napolitains,
3° de déclarer solennellement qu'à l'avenir il respecterait les droits de l'humanité et traiterait tous les prisonniers de guerre d'après les usages suivis par les nations européennes,
4° de faire la paix.
Le Dey ne répondit à ces propositions que par l'ordre de tirer sur la flotte anglaise. Cette fois le pirate se fiait sur ses préparatifs de défense, et par ses soins trente mille Maures et Arabes étaient venus renforcer la milice turque avant l'apparition de l'escadre anglaise.
Pendant toute la durée du bombardement, le Dey ne démentit point son énergie, et peut-être eût-il réussi s'il avait différé de vingt-quatre heures pour entrer en négociations.
Lord Exmouth fit embosser ses vaisseaux à demi-portée de canon sous le feu des batteries du port et de la rade.
Lui-même se plaça à l'entrée du port, tellement près des quais, que son beaupré (mât principal qui se trouve à la proue du navire et est incliné vers l'avant) touchant les maisons et que ses batteries prenant à revers toutes celles du môle, foudroyaient les canonnières d'Alger qui restaient à découvert.
Cette manœuvre aussi habile qu'audacieuse et que favorisait l'absence d'un fort dont elle a fait sentir depuis la nécessité aux Algériens, obtint le plus décisif et le plus prompt succès.
Ceux-ci, pleins de confiance dans leurs batteries casematées et dans la valeur des équipages de leurs navires qui avaient reçu l'ordre d'aborder les vaisseaux anglais, se croyaient si bien à l'abri d'une attaque de ce genre qu'une innombrable populace couvrait toute la partie du port appelé la Marine, afin de contempler avec plus de facilité la défaite des chrétiens.
L'amiral anglais, éprouvant quelque répugnance à foudroyer cette multitude ignorante et insensée, lui fit, de son bord, signe de se retirer ; mais il ne fut point compris, et ce ne fut qu'après avoir vu le ravage produit par les premières bordées, qu'ils se dispersèrent en poussant d'épouvantables clameurs.
Cependant les troupes du Dey ne partagèrent point cette lâche terreur, et déployèrent au contraire la résistance la plus furieuse et la plus opiniâtre.
Pris en flanc par l'artillerie des vaisseaux anglais, ils tombaient écrasés, mutilés ou broyés horriblement.
Mais à peine une rangée de canonniers avait-elle été balayée, qu'une autre lui succédait d'un front calme, et ne cessait de diriger contre l'ennemi des pièces en batterie du port dont plusieurs étaient de soixante livres de balles.
Le combat se soutenait depuis six heures avec un acharnement incroyable :
- Les détonations multipliées de plus de mille bouches à feu,
- l'éruption des bombes qui éclataient avec un bruit effrayant,
- le terrible sifflement des fusées faisaient du port d'Alger, en ce moment, un sujet d'horreur et d'épouvante.
Toutefois la rage des Africains semblait s'accroître encore à la vue de cet effroyable spectacle, et rien n'annonçait qu'ils fussent près d'abandonner la victoire.
A la fin deux officiers anglais demandèrent la permission d'aller attacher une chemise soufrée à la première frégate algérienne qui barrait l'entrée du port ; cette détermination fut suivie d'un succès complet.
Un vent d'Ouest assez frais mit le feu à toute l'escadre barbaresque :
- cinq frégates,
- quatre corvettes et
- trente chaloupes canonnières devinrent la proie des flammes.
La flotte anglaise faillit elle-même en être atteinte. La marine des Algériens, leurs arsenaux, la moitié des batteries, tout fut détruit. Les bombes avaient fait un dégât considérable dans la ville.
Le lendemain 28 août lord Exmouth entra en vainqueur dans le port d'Alger. Il écrivit au Dey une dépêche ainsi conçue :
" Pour prix de vos atrocités à Bône contre des chrétiens sans défense et de votre mépris insultant pour les propositions que je vous ai adressées au nom du prince régent d'Angleterre, la flotte sous mes ordres vous a infligé un châtiment signalé. Je vous préviens que je recommencerai dans deux heures, si d'ici là vous n'acceptez les propositions que vous avez refusées hier ". Le Dey ne se serait pas rendu mais les habitants épouvantés le forcèrent d'accéder aux propositions de lord Exmouth.
Aucune expédition, assurément, sans même en excepter celle qui fut faite sous Louis XIV, n'avait jusqu'alors causé autant de mal aux Algériens, ennemis acharnés de la foi de Jésus-Christ.
Et le croit-on ? Elle ne mit point encore fin à leurs brigandages. Il était réservé à la France d'obtenir pour la chrétienté cette grande expiation. C'était non seulement la piraterie à détruire, mais la foi à venger.
" Nos courses, répondirent-ils un jour à l'envoyé du Grand Seigneur qui leur ordonnait de respecter les nations chrétiennes ses alliées, n'ont d'autre but que de contenir les chrétiens, les Espagnols surtout, ennemis nés des Croyants ; si nous respections tous ceux qui pourraient acheter la paix ou la liberté du commerce, il ne nous resterait plus :
- qu'à brûler nos navires,
- à renoncer aux glorieux devoirs de défenseurs perpétuels de l'islamisme,
- à prendre part aux paisibles opérations des caravanes et
- à devenir chameliers ".
Cette réponse insultante fut suivie immédiatement de plusieurs descentes que les corsaires algériens firent dans les propres domaines du Grand Seigneur.
Alger et les côtes d'Afrique
par A. de Fontaine de Resbecq. Édition 1837
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Le mezouar
Envoyé par M. Christian Graille
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C'était l'agent spécial préposé à la surveillance des femmes qui faisaient métier de la prostitution. On lui donnait le droit de percevoir sur chacune d'elles une taxe mensuelle de deux douros d'Alger et de faire, un certain nombre de fois par année, une sorte d'exhibition de ses administrées dans les bals publics dont tout le profit était pour lui.
Il achetait ces avantages au prix d'une redevance annuelle ; il versait dans les caisses de l'ancien gouvernement turc une somme dont la quotité variait puisqu'elle dépendait à chaque renouvellement de la ferme passée au plus offrant du nombre des malheureuses soumises à la taxe.
Dans les idées musulmanes, cette bizarre institution n'avait rien de choquant.
La loi, outre quatre femmes légitimes, permettant un nombre indéterminé de concubines, c'était le plus souvent parmi les femmes inscrites au livre du mezouar que les Algériens allaient chercher les dernières.
Cette magistrature étrange avait encore un privilège singulier. Le prix de ferme à payer demeurant fixé et la redevance exigible augmentant avec le nombre des assujetties, le mezouar avait intérêt à voir ce nombre s'accroître. En conséquence il recherchait et faisait rechercher par ses agents celles des femmes réputées honnêtes dont la conduite était suspecte ; et s'il pouvait prouver devant le cadi qu'elles étaient tombées en faute, libres ou mariées, elles étaient, comme femmes perdues, inscrites au livre du mezouar et soumises au payement de la taxe. De ce jour aussi le déshonneur avait rompu les liens du mariage ou retranché la fille de la famille.
L'Administration éprouva une répugnance bien naturelle à conserver l'institution du mezouar. Plusieurs fois elle essaya d'organiser sur une autre base la police de la prostitution ; mais au mois de juillet 1831 elle se crut obligée de revenir à l'ancien moyen de surveillance modifié par l'adjonction d'un dispensaire. La ferme fut consentie à un Maure d'Alger au prix de 1,860 franc par mois. Mais le mezouar ayant commis des abus, le marché fut résilié et passé à un nouvel adjudicataire moyennant une redevance mensuelle de 2,046 francs.
Cet état de chose s'est prolongé avec quelques variations dans le fermage jusqu'au 28 septembre 1835, époque à laquelle la ferme fut supprimée et la surveillance du commissaire central de police substituée à celle de mezouar.
L'ALGERIE par MM les capitaines du génie
Rozet et Carette - Edition 1850
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L'entrée des Français dans Alger
Envoyé par M. Christian Graille
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Premières erreurs ou carences administratives.
Alger, lorsque les Français y entrèrent le 5 juillet 1830, ne présentait pas l'aspect triste et désolé d'une ville où la victoire vient d'introduire l'ennemi. Les boutiques étaient fermées, mais les marchands assis tranquillement devant leurs portes semblaient attendre le moment de les ouvrir.
On rencontrait çà et là quelques groupes de Turcs et de Maures dont les regards distraits annonçaient plus d'indifférence que de crainte.
Quelques Musulmanes voilées se laissaient entrevoir à travers les étroites lucarnes de leurs habitations.
Les Juives, plus hardies, garnissaient les terrasses de leurs demeures, sans paraître surprises du spectacle nouveau qui s'offrait à leurs yeux.
Nos soldats moins impassibles, jetaient partout des regards avides et curieux, et tout faisait naître leur étonnement, dans une ville où leur présence semblait n'étonner personne.
La résignation aux décrets de la Providence, si profondément gravée dans l'esprit des Musulmans, le sentiment de la puissance de la France, qui devait faire croire en sa générosité, étaient autant de causes qui appelaient la confiance ; aussi ne tarda-t-elle pas à s'établir ; si, depuis, elle s'est affaiblie, la faute n'en est qu'à ceux qui ont si étrangement gouverné une population si facile à l'être.
Le peu de relations individuelles qui s'établirent d'abord entre les vainqueurs et les vaincus, si toutefois on peut donner ce nom aux Maures qui avaient à peine soutenu de leurs vœux le gouvernement turc, furent en général favorables à la domination française.
Sans haine et sans préventions contre les habitants de la Régence, nos soldats y déployaient une aménité et une bienveillance qui sympathisaient avec le caractère doux et sociable des Algériens.
Les impressions qui en résultèrent ne purent être entièrement effacées par quelques désordres partiels, ni par les fautes de l'administration, causes premières de ces désordres.
Et aujourd'hui encore, après une suite d'actes peu faits pour honorer notre gouvernement aux yeux des indigènes, le nom de Français n'excite pas, chez eux, plus de sentiments de répulsion que celui de tout autre peuple chrétien.
Les premiers jours de la conquête furent signalés par le respect le plus absolu des conventions. Les personnes, les propriétés privées, les mosquées, furent religieusement respectées ; une seule maison fut abandonnée au pillage, et, il faut bien le dire, ce fut celle qu'occupait le général en chef, la fameuse Casbah.
Mais hâtons-nous d'ajouter que ce pillage, qui du reste a été beaucoup exagéré, fut plutôt l'effet de la négligence qu'un calcul de la cupidité.
Par l'imprévoyance du commandant du quartier général, chacun put entrer dans la Casbah et en emporter ce que bon lui semblait.
Beaucoup se contentaient du moindre chiffon, comme objet de curiosité ; d'autres furent moins réservés ; et parmi eux on doit compter plusieurs personnes de la suite de M. de Bourmont, et même des généraux. Tout cela est fort répréhensible sans doute ; mais tous ceux qui ont jeté la pierre à l'armée française avaient-ils donc les mains si pures ?
Une affaire bien autrement importante que le vol de quelques bijoux à la Casbah, serait la dilapidation du trésor de la Régence, si elle avait eu lieu.
Je ne crois pas que les soupçons qui ont pesé sur quelques personnes à cet égard fussent fondés. Dans mon opinion, ce trésor est venu grossir en entier celui de la France, quoique les usages de tous les peuples en accordassent une partie à l'armée qui l'avait conquis.
Il était placé dans des caves, dont l'entrée, exposée aux regards du public, fut mise sous la garde de douze gendarmes qui étaient relevés à court intervalle, et il n'en sortait rien que pour être transporté sur-le-champ à bord de bâtiments de l'État, sous la conduite d'officiers pris au tour de service et sans choix.
J'ai moi-même fait transporter un million de cette manière, et je ne savais pas en allant à la Casbah à quel genre de service j'étais appelé.
Ce trésor fut inventorié par une commission de trois membres qui étaient le général Tholozé, M. Denniée et le payeur général, M.Firino. On y trouva 48.700.00 francs.
La ville d'Alger n'ayant que peu de casernes, on n'y établit que quelques bataillons ; et le reste de l'armée bivouaqua au dehors, ou fut logé dans les nombreuses maisons de campagne des environs.
Le général Tholozé, sous-chef d'état-major, fut nommé commandant de la place.
Dans l'ignorance où était le général en chef des intentions du gouvernement au sujet d'Alger, il se tint prêt pour tout événement. Ainsi, d'un côté, il se fit présenter un travail sur les moyens de détruire les fortifications de la marine et de combler le port et, de l'autre, il se livra à quelques actes administratifs qui, s'ils n'annonçaient pas une grande prévoyance, du moins semblaient indiquer le désir de conserver le pays.
Le premier de ces actes fut la création d'une commission centrale du Gouvernement, chargée de proposer les modifications administratives que les circonstances rendaient nécessaires ; la présidence en fut dévolue à M. Denniée, intendant en chef de l'armée.
Ce personnage, s'étant trouvé ainsi en quelque sorte le chef civil de la Régence, sous l'administration de M. de Bourmont, doit supporter la responsabilité morale de tout ce qui fut fait, ou plutôt de tout ce qui ne fut pas fait à cette époque ; car c'est par incurie, plus encore que par des fausses mesures, que nous avons commencé cette longue série de fautes qui rendent l'histoire administrative de notre conquête si déplorable, que pour savoir ce qu'on aurait dû faire, il faut prendre presque toujours le contraire de ce que l'on a fait.
S'il est un principe dicté par la raison et reconnu par le plus vulgaire bon sens, c'est celui qui veut que lorsqu'on est appelé à administrer un pays conquis, on respecte d'abord l'organisation existante, afin d'éviter le désordre, et de conserver la tradition et la suite des affaires.
On peut, plus tard, introduire avec réserve et ménagement les changements reconnus utiles ; mais dans les premiers instants de la conquête, un vainqueur sage et avisé n'a qu'à se mettre aux lieux et place du vaincu.
C'est ainsi qu'on se réserve des ressources et qu'on prévient tous ces froissements qui sont bien plus sensibles au peuple conquis que l'humiliation de la défaite.
Quelque peu contestable que soit ce principe, il fut méconnu par l'autorité française.
Je ne sais pas si elle s'imagina que la population algérienne ne formait qu'une agglomération d'individus sans lien commun et sans organisation sociale ; mais elle agit exactement comme si elle en avait la conviction.
Aucune disposition ne fut prise pour régler la nature des diverses branches du service public avec le nouveau pouvoir.
Aucun ordre ne fut donné aux fonctionnaires indigènes : on ne leur annonça ni leur conservation, ni leur destitution.
On agit comme s'ils n'existaient pas ; aussi ne sachant à qui s'adresser, ils abandonnèrent le service sans en faire la remise, et en emportant, ou en faisant disparaître presque tous les registres et les documents les plus précieux.
Dans la Casbah même, sous les yeux de M. Denniée, j'ai vu des soldats allumer leurs pipes avec les papiers du gouvernement dispersés çà et là sur le sol.
Jamais, peut-être, une occupation ne s'est faite avec autant de désordre administratif que celle d'Alger, même dans les siècles les plus barbares.
Les hordes du Nord, qui s'arrachèrent les débris de l'empire romain, se conduisirent avec plus de sagesse et de raison que nous n'avons fait en Afrique.
Les Francs dans les Gaules, les Goths en Espagne et en Italie, eurent le bon esprit de conserver ce qui existait, tant dans leur intérêt que dans celui des nations soumises.
Lorsque les Arabes remplacèrent ces derniers en Espagne, ils ne se hâtèrent pas non plus de tout détruire ; il nous était réservé de donner l'exemple d'une telle extravagance.
Le Gouvernement intérieur d'Alger qui, sous bien des rapports, mérite le nom de municipal, était basé sur les droits et les devoirs qu'une communauté, plus ou moins intime d'intérêts, établit entre les diverses catégories de citoyens.
C'est à ce principe que durent le jour les Communes du moyen âge, et les grandes Assemblées représentatives des nations de l'Europe.
Plus tard la révolution française a prouvé que chez un peuple avancé, ses intérêts devaient être encore plus généralisés ; mais, chez les nations qui ne sont encore qu'au second degré de la civilisation et qui se trouvent en face d'un pouvoir violent et brutal, comme l'était celui du Dey à Alger, et celui des seigneurs dans l'Europe au moyen âge, le système des catégories d'intérêts est celui qui offre le plus de garanties aux libertés individuelles.
C'est ce système qui s'introduisit à Alger sous la domination des Arabes et que les Turcs respectèrent.
- Chaque métier formait une corporation qui avait à sa tête un syndic, appelé Amin, chargé de sa police et de ses affaires ; tous les Amins étaient placés sous les ordres d'un magistrat appelé Cheik-el-Belad (chef de la ville).
- La surveillance des marchés était confiée à un magistrat appelé Moktab, qui avait le droit de taxer les denrées.
- Deux magistrats étaient chargés de la police générale ; le premier appelé Kaïa, (lieutenant), exerçait pendant le jour ; il était chef de la milice urbaine et pouvait être pris parmi les Koulouglis ; le second, qui ne pouvait être choisi que parmi les Turcs, exerçait pendant la nuit : on le nommait Aga-el-Koul.
- Un fonctionnaire particulier, nommé Mézouar, avait la police des maisons de bains et des lieux de prostitution ; il était, en outre, chargé de faire exécuter les jugements criminels.
- Un employé supérieur appelé Amin-el Aïoun, veillait à l'entretien des fontaines, au moyen de revenus affectés à ces sortes d'établissements de première nécessité.
Tous ces magistrats étaient sous les ordres immédiats du Khaznadj qui était le ministre des finances et de l'intérieur.
Tel était le gouvernement de la ville d'Alger, que nous nous hâtâmes de détruire, ou plutôt de laisser périr.
On créa, pour le remplacer, un conseil municipal, composé de Maures et de Juifs.
On y vit figurer tous les Indigènes qui s'étaient les premiers jetés à notre tête, c'est-à-dire les intrigants et quelques notabilités maures, dont on faisait grand cas alors, mais dont le temps nous a montré l'insignifiance.
Ahmed-Bouderbah en eut la présidence. C'est un homme d'esprit, fin et rusé, mais sans le moindre principe de moralité, et plus tracassier qu'habile ; il avait longtemps habité Marseille, d'où une banqueroute frauduleuse le força de s'éloigner.
Le service de la police fut confié à M. d'Aubignosc ; il reçut le titre de lieutenant-général de police, et un traitement annuel de 18.000 francs, y compris les frais de bureau. Son action dut s'étendre sur la ville et sur le territoire d'Alger, et commandée par le mezouar qui conserva en même temps l'emploi de surveillant des filles publiques.
Malgré tous ces moyens, et le concours de l'autorité militaire, la police française a presque toujours été au-dessous de sa mission, ce qui est d'autant plus choquant que, sous le Gouvernement turc, la ville d'Alger était peut-être le point du globe où la police était le mieux faite. Les vols, naguère presque inconnus, se multiplièrent dans des proportions effrayantes, et les Indigènes en furent encore plus souvent les victimes que les auteurs.
Un désarmement général de tous les habitants d'Alger fut ordonné. Les Algériens qui s'y attendaient, s'y soumirent sans murmure ; mais cette mesure fournit une pâture à la cupidité de quelques personnes.
Des armes précieuses, enlevées à leurs propriétaires, au lieu d'être déposées dans les magasins de l'État, devinrent la proie de tous ceux qui furent à portée de s'en emparer tant on mit peu d'ordre dans cette opération qui en demandait beaucoup.
De tout temps les Juifs d'Alger avaient formé une vaste corporation, ayant à sa tête un chef à qui, par dérision, on donnait souvent le nom de roi des Juifs. Cette organisation fut conservée, grâce à l'influence du fameux Bacri.
Sous la domination des Turcs, les Juifs, même les plus riches, étaient traités de la manière la plus ignominieuse, et souvent la plus cruelle.
En 1806, le Dey Mustapha-Pacha ne trouva d'autre moyen d'apaiser une révolte de la milice, que de lui livrer à discrétion les biens et les personnes de ces malheureux.
En peu d'heures, trois cents d'entre eux furent massacrés, et on leur enleva des valeurs immenses que quelques personnes portent à trente millions de francs ; mais patients comme la fourmi, et, comme elle, économes, ils eurent bientôt relevé l'édifice de leur fortune.
M. de Bourmont eut le tort, que la plupart de ses successeurs ont partagé, de se livrer trop à cette classe d'hommes : les Juifs, déjà portés à l'insolence, par le seul fait de la chute de leurs anciens tyrans, ne tardèrent pas à affecter des airs de supériorité à l'égard des Musulmans qui en éprouvèrent une vive indignation.
De tous les revers de fortune, ce fut pour eux le plus sensible, et celui qu'ils nous pardonnèrent le moins.
La population israélite doit être traitée comme les autres, avec justice et douceur, mais il ne faut en tenir aucun compte dans les calculs de notre politique envers les Indigènes. Elle nous est acquise, et ne pourrait, en aucun cas, nous faire ni bien ni mal.
Sans racine dans le pays, sans puissance d'action, elle doit être pour nous comme si elle n'existait pas ; il fallait donc bien nous garder de nous aliéner, pour elle, les populations musulmanes, qui ont une bien autre valeur intrinsèque.
C'est ce que tout le monde n'a pas compris ; et la faute que nous avons commise pour les Juifs à l'égard des Musulmans en général, nous l'avons commise pour les Maures à l'égard des Arabes.
Une décision du 14 juillet conserva aussi la corporation des Biskeris et celle des Mozabites.
- Les Biskeris sont des habitants de Biskra qui viennent à Alger pour y exercer la profession de portefaix et de commissionnaire, comme le sont les Savoyards pour la France et l'Italie.
- Les Mozabites, ou plutôt les Beni-Mezab, appartiennent à une tribu du désert, à qui le monopole des bains et des moulins d'Alger fut concédé dans le XVIe siècle, en récompenses des services qu'elle rendit à l'époque de l'expédition de Charles-Quint.
Ces deux corporations ont leurs syndics nommés par l'autorité française ; il en est de même pour les nègres libres, dont le syndic a le titre de Caïd.
La capitulation ne disait en aucune manière que la population d'Alger serait affranchie des anciens impôts, et certainement il n'entrait pas dans la pensée de ses nouveaux dominateurs, de l'exempter de toutes les charges publiques.
Néanmoins les perceptions s'arrêtèrent par suite de la désorganisation de tous les services. Il faut en excepter celle des droits d'entrée aux portes de la ville, ce que nous appelons chez nous l'octroi.
Un arrêté du 9 août en affecta les produits aux dépenses urbaines, et la gestion au conseil municipal ; mais on oublia bientôt l'existence de cette branche de revenu, et les membres maures de la municipalité, auprès de laquelle il y avait cependant un Français pour commissaire du roi, se la partagèrent tranquillement et n'en rendirent jamais compte : ce fait peut paraître incroyable, il est cependant de la plus complète vérité.
Ce ne fut que plusieurs mois après, sous l'administration du général Clauzel, que le hasard fit découvrir qu'il existait un octroi. On le réduisit alors aux provenances de mer, et on le retira à la municipalité, ainsi que le débit du sel qui lui avait été aussi affecté.
L'histoire de la douane française à Alger offre quelque chose d'aussi bizarre que celle de l'octroi.
La douane turque s'étant dispersée, fut remplacée par quelques individus qui avaient suivi l'armée, je ne sais à quel titre, et qui perçurent, sans tarif et sans reddition de comptes, pendant quinze jours.
On trouva dans les magasins de la douane une grande quantité de blé, le directeur de la nouvelle administration le prit à compte pour 4.000 sâas (mesure d'Alger de 54 litres). On en vendit pendant deux mois, et sous le général Clauzel, on trouva qu'il en restait encore 6.000 sâas. Je laisse au lecteur le soin d'expliquer ce prodige.
Il ne fut fait aucune remise des biens domaniaux, tant meubles qu'immeubles ; aussi, est-ce de cette époque, que date l'horrible chaos, qui existe dans cette branche de l'administration, laquelle a été longtemps sans titres et sans registres.
Les objets existant dans l'arsenal de la marine et dans le port, furent abandonnés pendant plusieurs jours à qui voulut s'en emparer ; les bâtiments de commerce qui avaient été nolisés pour l'expédition, vinrent s'y pourvoir de chaînes de câbles, d'ancre et d'agrès de toute pièce.
Les portes de l'hôtel des monnaies, qu'on ne songea à occuper qu'au bout de deux ou trois jours, se trouvèrent enfoncées, et toutes les valeurs avaient été enlevées.
Enfin, on fut loin de prendre toutes les mesures convenables pour assurer au nouveau pouvoir l'héritage intact du pouvoir déchu. M. de Bourmont peut, jusqu'à un certain point, trouver son excuse dans la douleur dont la mort de son fils avait pénétré son âme ; mais M. Desprez, son chef d'État-Major, mais M. Denniée, son intendant en chef, avaient-ils aussi perdu un fils ?
Annales algériennes. Tome premier
par E. Pellissier, capitaine d'État-Major,
Chef de bureau des Arabes à Alger
en 1833 et 1834. Édition 1836
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Les papiers SVP ?
Envoyé par Eliane
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Au poste frontière belge il y a deux lumières en uniforme qui discutent pour passer le temps en attendant quelqu’un à contrôler éventuellement…
Un véhicule s’approche et un des deux douaniers fait deux pas vers le poste de contrôle, et aperçoit un noir au volant d’une voiture immatriculée en Belgique.
Il lui fait signe de s’arrêter et lui demande ses papiers. En examinant les papiers du noir, il prend un petit air satisfait et dit :
- « hé bien d’où viennent ces papiers ? »
- « de la préfecture » lui répond le black un peu courroucé
- « dites mon garçon, on ne me la fait pas à moi ! sur vos papiers il y a d’écrit que vous êtes belge »
- « oui Monsieur je suis Belge »
- « arrêtez de vous foutre de moi, je vois bien que vous êtes noir »
- « parfaitement Monsieur, je suis Belge et je suis noir » dis le gars de plus en plus en plus énervé
- « c’est ça oui mon garçon et je dois vous croire ??? »
- « mais oui enfin puisque je vous le dis » presque en criant le type dit haut et clair ;
- « je suis Belge, je suis Wallon et noir»
Il y a tant de conviction dans les propos de ce brave type que, pris d’un doute, le douanier va voir son collègue et lui demande :
- « tu y crois toi qu’il y a des Belges Wallons noirs ? »
- « tu sais » dit l’autre douanier « il ne faut plus s’étonner de rien, j’ai vu un reportage sur ARTE il parait qu’il y a des Flamands roses….
Alors pourquoi pas des Wallons noirs… »
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On se fait un drive ?
Par M. Marc Donato
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Un drive. Jusque là, le mot était un peu précieux mais il s'est démocratisé ; après le tennis et le golf, le drive… Je le connais ce mot à travers les drivers de mon ordinateur, les pilotes, ceux sans quoi mon PC ne peut fonctionner. Dans ma nouvelle voiture aussi, "R" comme "Rear", "arrière" et donc "D" comme "Drive".
Encore un mot à l'étonnante diversité. Un de ceux que la plus que jamais perfide Albion distille dans notre quotidien, pour nous apprendre de façon presque subliminale une langue là où des générations de professeurs d'anglais ont échoué, là où la méthode Assimil, n'a pas réussi.
Oh ! Le drive existait avant le Corona, timidement, mais avec le confinement, on drive par-ci, on drive par-là. Tout ce qui s'achète en épicerie passe par le drive. Que des avantages : pas de contact, paiement électronique, tu commandes depuis la maison. Alors, ensuite, ils s'y sont tous mis les commerçants non alimentaires autorisés ; drive au magasin de bricolage, drive à la pépinière. Du drive de partout ; même les bibliothèques, Molière et Queffélec sur un plateau.
Et vas-y encore du cinéma en plein air. Drive in, paraît-il. Ecran géant, projecteur surpuissant et film "Hippocrate", hommage à nos vaillants soignants. On guide ta voiture pour la ranger, en quinconce, ne pas gêner derrière, pare-chocs contre pare-chocs. Personnel d'accueil formé à la discipline ferry-boat, à se demander à quelle heure on arrive à Douvres ou à Propriano !!!
En trois coups de cuiller à pot d'échappement, le parking devient Grand Rex. Attention… On drive sur la fréquence X de l'autoradio. Et là, miracle du drive, le film mieux que dans ton salon, ambiance bluetooth plein les oreilles… Ah ! Qu'est-ce qu'on a raté quand on n'avait pas le drive, obligés de rester coincés entre deux coussins douillets dans un canapé moelleux à siroter un pastis bien frais ou une mousseuse bière locale ; un véritable calvaire dont le drive nous a fort heureusement délivrés.
Et jusqu'à l'Eglise qui s'est mise au drive :
- Mais bon sang ! C'était bien sûr, s'est dit Monseigneur Bourel, alias Raymond Souplex, lors des cinq dernières minutes de sa messe de dimanche dite devant les photos grand format de ses fidèles interdits de rassemblements fussent-ils religieux. Mais, mon Dieu, comment n'y ai-je pas pensé plus tôt ? C'est à me crucifier ! La messe est dite : on va utiliser le drive…
Et voilà que l'autel est dressé, micros et caméras en branle pour le baptême de la messe en drive.
Les voitures là aussi rangées dans le style ferry-boat, avec distanciation latérale : il ne faut pas s'approcher et puis Monseigneur doit pouvoir passer entre les véhicules. Branchement sur la fréquence Y et la cathédrale automobile explose ! Les chapelles Renault retentissent d'Alléluia, les absidioles Citroën résonnent d'Ave Maria, les narthex Ford balancent au ciel l'Agnus dei, Pater noster chez Mitsubishi, Hosanna chez Volkswagen… Drive ! Une bénédiction du ciel !
Et Monseigneur s'avance maintenant entre les voitures, ciboire en main pour distribuer la communion à travers la vitre baissée, l'hostie passe des mains épiscopales à la bouche affamée du fidèle privé de pain bénit après deux mois de jeûne cultuel rompu le dimanche par la rituelle mais désormais ennuyeuse messe télévisée. Dieu que c'est ringard ! Alors que la messe en drive, ça c'est "in"…
- Je fais le tour de la file pour vous donner la communion de l'autre côté. Faut pas déroger : distanciation. Une messe en drive. !!! La béatitude avant l'heure.
Excusez, je n'ai pas fait mes courses. je file au téléphone, je vais me faire un drive…
Marc DONATO
Histoire d'eau
Par M. Marc Donato
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Quand je vous disais que l'Eglise s'adaptait au confinement et que le Covid aura conduit à des initiatives intéressantes. Je m'esbaudissais (on ne vous l'a jamais fait celui-là !) à propos du drive, par exemple… Même la messe était dite en drive ! Mais alors s'est posé un problème auquel on n'avait pas pensé de prime abord, celui de la bénédiction et de l'eau bénite.
Certes en d'autres circonstances, quelques officiants avaient déjà eu leur petite idée. Tiens par exemple, et je n'invente rien, ce prêtre brésilien qui n'a rien trouvé de mieux que de dispenser le précieux liquide à grands coups de pulvérisateur et pas n'importe lequel, un vrai Vermorel, celui de nos vignobles d'autrefois, en cuivre et tout et tout... Il faut le voir s'avancer dans l'allée centrale de l'église comme un vigoureux vigneron bourguignon entre ses rangs de Chardonnay, avec son engin sur le dos, 15 litres d'eau bénite, pompant, pompant, pompant comme un Shadock de la main droite et brandissant la lance de la main gauche pour asperger les fidèles et les protéger du mildiou-mensonge, du phylloxera-voleur ou de l'oïdium-luxure. Douche garantie : tu rentres chez toi l'âme totalement propre et le corps entièrement toiletté ; pas besoin de passer au baquet. Efficace, sans doute, mais quelle gabegie ! L'eau pour bénite qu'elle soit, avec tout le respect que je lui dois, reste de l'eau et il faut l'économiser. Pas écolo, le Brésilien.
Mais il y a pire !
En Louisiane, aux États-Unis, pour bénir un maximum de familles de sa paroisse isolée, dans une zone rurale, le révérend du coin a chargé un pilote de pulvériser par hélicoptère près de 400 litres d'eau bénite sur les champs, magasins, églises et écoles. Qui dit mieux ? Si c'est pas moderne, ça ! La mesure, pour l'officiant, ce n'était pas la surface, mais le nombre de ses familles dispersées. Ratio bien évidemment positif, mais pas écolo non plus, le révérend !
Et il n'y a pas que là-bas que l'eau a coulé à flots. Près de la grotte de Massabielle, à Lourdes, en cette période de contamination, on s'est posé la question de la manipulation des robinets qui dispensent l'eau miraculeuse. Coronavirus est là aussi. Manipuler c'est contaminer : il n'y a pas de miracle ! Dès que l'accès au sanctuaire a été autorisé, les fontaines ont débité à jet continu toute la journée ; au moins on n'avait pas à toucher et on ne prenait pas de risque. Alors les pèlerins sont arrivés avec leurs récipients : tel avec une nourrice de 3 litres, tel autre avec un jerrican de 5 litres. Il fallait bien cela pour amener le liquide salvateur aux amis restés au loin. Mais la facture d'eau…
De l'eau miraculeuse à tire larigot, de l'eau bénite a gogo, quand je pense qu'à Nice, le curé d'une église de la vieille ville a décidé de priver ses fidèles d'eau bénite durant tout l'été, au motif qu'il manquait de personnel pour s'occuper du bénitier et qu'il craignait donc, compte tenu de la chaleur, la prolifération de moustiques tigres, vecteurs de maladies !
Insupportable cette inégalité dans la gestion de l'eau bénite !
Je n'ose même pas évoquer ce qui s'est passé à Château-Chalon, dans le département du Jura, où des plaisantins ont remplacé l'eau des deux bénitiers de l'église par de l'eau-de-vie, à la grande surprise des touristes. Vite remplacée par de l'eau plate. Qui sait? Peut-être que cette eau bénite new look aurait accru le nombre des paroissiens ?
En tous cas, si je devais accorder la palme (aquatique, évidemment), ce serait à ce curé qui s'est heurté au problème de la bénédiction pendant le drive. Voyez qu'on y revient. Tout le monde sait que le goupillon quand il a été bien trempé disperse loin, asperge large. Et alors, là, quand tu passes donner la bénédiction voiture après voiture, tu arroses le conducteur, le passager en prend plein la figure, tu inondes le pare-brise, tu salis la carrosserie, bref, c'est un véritable gâchis… Le goupillon postillonne vaste. C'est là que notre ingénieux curé a eu l'idée de la précision et de l'économie en même temps. Il s'est armé lui aussi d'un pulvérisateur, mais un petit engin, du genre de celui que Mamie utilise pour nettoyer les vitres ou Tante Yvonne pour pulvériser les produits phyto sur les plantes de la maison. Il a réglé son engin sur le jet plein et continu, supprimant le brumisateur. Et là, toc ! un coup bref sur la gâchette, une petite giclette bien précise à travers la vitre baissée de la portière. Ainsi tu touches où tu veux, le front, la main. Bref, ce brave homme a trouvé un moyen performant pour dispenser son eau bénite avec une parcimonie qui prend en compte le réchauffement climatique.
Je souhaite de tout cœur que l'eau bénite conserve ses pouvoirs. Je constate qu'elle reste l'objet d'un culte inchangé et j'en suis sincèrement heureux. Mais alors, je supplie les responsables de nous conserver le goupillon. Voilà des siècles que des générations d'enfants de chœur ont transporté l'inséparable couple goupillon-bénitier. Et on voudrait nous en priver ? L'eau bénite perd de sa saveur sans cet ustensile auquel elle est liée depuis des lustres. Et puis pensons un peu à Clémenceau, il se retournerait dans sa tombe s'il ne pouvait plus parler du sabre sans pouvoir évoquer le goupillon.
Eau bénite, c'était du pain bénit pour moi ; je n'allais pas passer cette occasion de vous en parler. Voyez que l'Institution s'adapte et se modernise… Mais j'y pense, pulvérisateur de ménage, Vermorel, hélico, il n'y a plus de bénitier dans tout ça ! Et qu'est-ce qui en fait les frais ? Les grenouilles, pardi ! Et si les grenouilles de bénitier disparaissent avec le bénitier, je gage que c'est tout un pan ancestral de notre société qui ne survivra pas. On ne peut que le regretter. Avec ces bêtes à Bon Dieu, pas de commérages, chacun sait que si la vipère doit sa réputation à sa langue, la grenouille ne vaut que par sa cuisse. La discrétion est la marque de nos grenouilles qui n'ont jamais coassé de rumeurs dans la paroisse, mais gare ! Les corbeaux qui les remplaceront ne manqueront pas, eux, de croasser des fake news à tout va…
Avec ma bénédiction scripturale,
Marc DONATO
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HISTOIRE DE BÔNE
PAR RENE BOUYAC
Contrôleur civil suppléant Interprète militaire hors cadre
Source Gallica
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DEUXIEME PARTIE
BONE DEPUIS 1830
CHAPITRE VI (1ère partie)
Ibrahim, maître de la Casbah, oblige Ben Zagouta à se retirer. - Ben Aïssa, lieutenant du bey de Constantine, le remplace et assiège Bône. - Yussuf et d'Armandy sont envoyés à Bône. - Longs pourparlers avec Ben Aïssa et Ibrahim, ce dernier s'enfuit. - Prise de la
Casbah par d'Armandy, Yussuf et l'équipage de la Béarnaise. - Occupation définitive de Bône.
Cet événement eut un grand retentissement en France, l'opinion publique s'en émut. Le commandant Huder avait payé de sa vie son imprudente confiance, mais il fallait encore une victime, et toute la responsabilité tomba sur le général Berthezène, qui fut sacrifié.
Il dut céder son commandement au général Savary, duc de Rovigo, qui arriva en Algérie avec des instructions précises au sujet de la province de l'Est. Il devait essayer de conclure avec Ahmed bey un traité par lequel ce dernier reconnaîtrait la suzeraineté de la France, paierait un tribut annuel et consentirait à la cession de Bône.
Le bey devait, en outre, interdire tout commerce d'exportation ou d'importation avec Tunis, au profit de Bône. En échange, la France lui accordait sa protection, se chargeait de l'entretien et de l'armement de ses troupes, etc.
Ahmed eût peut-être accepté les autres conditions, mais refusa obstinément de céder Bône, et les choses restèrent en l'état.
Ibrahim, au profit duquel nous avions, en cette circonstance malheureuse, joué le rôle du Raton de la fable, s'était solidement établi dans la Casbah. Il n'avait au début, pour toute garnison, que les Turcs déserteurs dont il a été déjà question ; mais, peu confiant dans la fidélité et le dévouement des habitants de Bône, qu'il écrasait d'impôts et de contributions de toutes sortes, il fit appel aux Turcs que le maréchal de Bourmont avait, après la prise d'Alger, fait transporter en Asie mineure.
Environ quatre cents de ces bandits accoururent, alléchés par l'espoir de voir renaître les beaux jours de la piraterie. A leur arrivée, Ibrahim, jusqu'alors sur la défensive, se décida à attaquer Ben Zagouta qui, durant tous ces événements, s'était tenu dans les environs.
Les Bônois, n'ayant point de pitié à attendre du bey, s'ils tombaient en son pouvoir, se virent bien à regret dans l'obligation de faire cause commune avec Ibrahim et de soutenir son attaque.
Ce fut le 5 janvier 1832 qu'eut lieu la rencontre des deux adversaires sur l'ancienne route de Constantine, au-delà du pont du même nom. Ben Zagouta avait, il est vrai, l'avantage du nombre, car presque toutes les tribus de la plaine lui avaient envoyé des contingents ; mais les Turcs avaient pour eux un semblant de discipline. Le combat dura deux grands jours avec des alternatives de succès et de défaite et les deux armées se retirèrent sans résultat définitif.
Cependant, Ben Zagouta traînait avec lui 250 prisonniers qui, sur l'ordre du bey, furent égorgés; il n'épargna que les Turcs pris dans la lutte et dont il espérait pouvoir se servir pour entraîner ceux qui, après le combat, s'étaient retirés dans la Casbah avec Ibrahim.
En outre, exaspéré de ce qu'il considérait comme une défaite, il fit mettre à mort Ben Zagouta.
Le bach-hamba, Ali ben Aïssa, lui succéda et arriva devant Bône. avec environ 1.800 hommes de renfort. Il établit son camp sur l'Oued-Deheb (Ruisseau d'Or) et rétrécit chaque jour le cercle dans lequel il avait enfermé la ville. Pour ôter aux Bônois leurs dernières ressources, il bloqua le port avec une grande felouque qui courait sus à toute embarcation. Il priva aussi la population des provisions qu'elle se procurait chez les Kabyles du cap de Fer. En même temps il réussit, soit par ses promesses soit par ses menaces, à faire déserter une grande partie des Turcs d'Ibrahim.
La Casbah, bien que sa garnison fut réduite par cette désertion, n'en demeurait pas moins imprenable. Il ne fallait pas songer à l'enlever de vive force. La résistance de la ville aurait pu être facilement domptée; mais les batteries de la citadelle en rendaient l'occupation impossible.
Ali ben Aïssa eut alors, tour à tour, recours aux promesses et aux menaces. Les unes et les autres demeurèrent sans effet sur les défenseurs de la Casbah.
Quant à ceux de la ville, l'horreur inspirée par le nom d'Ahmed les empêcha seule d'accepter les propositions de Ben Aïssa, malgré les garanties qu'il leur offrait dans la proclamation suivante : " Je ne viens point, disait-il, attenter à vos jours et à vos biens; je viens en toute sincérité et charitablement vous dire que si vous suivez mes amis, vous avez tout à attendre de ma bienveillance. Je ne vous demande que de m'ouvrir vos portes et j'entrerai chez vous, accompagné de quelques-uns des miens. Je vous demanderai ensuite comme chef celui que vous choisirez, j'informerai notre maître Ahmed Pacha, que Dieu le dirige, que vous êtes rentrés dans sa tutelle et la colonne reprendra le chemin de Constantine. Certes, mes instructions me commandent d'éviter tout conflit et toute effusion de sang. Seulement, je suis là pour vous bloquer et, si vous résistez, pour vous réduire par la famine au point de souiller Bône de vos cadavres. "
Alors commença une guerre de Vandales ; tout ennemi pris, de part et d'autre, eut la tête tranchée. Les jardins, véritable forêt d'arbres fruitiers qui couvraient les espaces de terrain dont nous avons fait le cours National et la nouvelle ville, furent dévastés et détruits, et cette plaine, jadis si riche, ne fut bientôt plus qu'un vaste marais. " Bône, a dit M. l'interprète principal Féraud dans la Revue Algérienne de 1873, avant les sièges qu'en fit Ben Aïssa, n'était pas cette ville où peu d'années après des régiments presque entiers se fondaient sous les exhalaisons pestilentielles des marécages.
La plaine, à partir de l'enceinte de la ville jusqu'au pied de l'Edough, s'étendait, couverte de jardins cultivés et de quinconces de jujubiers, d'où provenait le nom de Annaba, la Jujubière, par lequel les Arabes désignaient depuis le moyen âge la ville de Bône ; des eaux abondantes favorisaient la plus riche végétation abritée contre les ardeurs du soleil par de nombreuses plantations qui donnaient l'aspect le plus riant aux environs de la ville, tout en assurant sa salubrité.
" Loin d'être un foyer d'infection, Bône était, renommée alors par la pureté de son eau, la beauté de son climat et le charme de ses campagnes. Les gens de Constantine venaient y rétablir leur santé épuisée."
Six mois s'écoulèrent. La population, décimée par la famine, sentait faiblir sa résolution. Trois notables se dévouèrent, et, malgré la violente opposition des frères Ben Cheickh, qui voulaient rendre la ville à Ben Aïssa, purent, à la faveur de la nuit, franchir l'enceinte des remparts et gagner la montagne, d'où ils se dirigèrent rapidement vers Alger ; admis en présence du duc de Rovigo, ils le supplièrent d'oublier la trahison dont le commandant Huder et ses officiers avaient été victimes et de venir à leur secours ( Nous verrons plus loin dans une lettre adressée par les habitants au duc de Rovigo, que ceux-ci se défendaient d'avoir trempé dans le guet-apens du commandant Huder.).
Bien que résolu à mettre à profit l'occasion qui lui était offerte, le général en chef ne voulut point s'engager au hasard.
A cette époque servait dans les rangs algériens, avec le grade de capitaine, un jeune homme dont le nom devait être quelques années après dans toutes les bouches. C'était Yussuf ( Les détails qui vont suivre sont empruntés à la biographie du général Yussuf par le colonel Trumelet.).
Il est intéressant de faire connaître, en les résumant, les commencements, véritablement romanesques, de celui dont la vie a été mêlée à toutes les phases de notre établissement dans la province de l'Est, depuis l'audacieuse entreprise qui nous livra Bône jusqu'à la retraite de la première expédition de Constantine.
Yussuf, ou plutôt Joseph, était né, selon le récit qu'il fit lui-même au maréchal de Bourmont, à l'île d'Elbe vers 1808 ou 1809. Il se rappelait y avoir vu l'Empereur Napoléon, sa mère et la princesse Pauline, sa sœur, chez laquelle on le conduisait chaque matin et qui lui montrait beaucoup d'affection (Trumelet "Yussuf".).
Il fut envoyé à Florence vers le commencement de 1815 pour y faire des études. Un corsaire tunisien donna la chasse au navire qui le portait et s'en empara. Le jeune Joseph, conduit à Tunis, fut offert au bey régnant, Mahmoud, qui le garda dans son palais. Yussuf, comme on l'appela désormais, reçut d'abord l'instruction des fils de famille, et lorsqu'il fut en âge de quitter le harem beylical, il sut, par son intelligence et son courage à toute épreuve, se concilier l'affection de son maître. Dès lors, il prit part à toutes les expéditions contre les tribus insoumises de la Tunisie et apprit ainsi à diriger les razzias qu'il devait renouveler d'une manière si brillante en Algérie.
Mais, jouissant d'une extrême liberté dans le palais du bey, il noua bientôt une intrigue d'amour avec la fille aînée du prince, la belle Kaboura. Surpris dans un de ses rendez-vous par un esclave grec, il tua l'imprudent et en jeta le cadavre dans un puits. Son crime fut découvert et sa mort résolue. Il réussit à s'enfuir et put gagner, non sans lutte, le brick français l'Adonis, qui croisait devant les ruines de Carthage (Selon M. Marcotte de Quivières (2 ans en Afrique), ce fut un M. Vangaver, négociant, marié à une Tunisienne et habitant Tunis depuis 20 ans, qui facilita l'évasion de Yussuf. "J'ai eu, dit-il, sur cette circonstance, des détails très intéressants et généralement ignorés, qui trouveraient mieux leur place dans un roman que dans l'humble relation de mon voyage.").
Ce navire, que commandait le capitaine Huguet, avait mission de se joindre à la flotte de l'amiral Duperré, et c'est ainsi que Yussuf débarqua à Sidi-Ferredj (Sidi-Ferruch) et vint mettre au service de la France son intelligence et sa bravoure. (Le colonel Trumelet, dans sa biographie de Yussuf, donne une autre version que je résume. Le gouvernement français, au moment de l'expédition de 1830, avait envoyé à Tunis MM.d'Aubignosc et Girardin, interprètes de l'armée, pour engager le bey à se faire représenter à l'armée expéditionnaire par quelques officiers. Le bey refusa. Mais Yussuf, ayant eu connaissance du but de la mission des deux officiers français, supplia le prince de l'autoriser à les suivre. Il fut traité d'ingrat et ses ennemis eurent beau jeu pour miner son crédit à la Cour. Son intrigue avec Kaboura, découverte, l'obligea à chercher son salut dans la fuite. Poursuivi, il dut la vie à MM. Jules et Ferdinand De Lesseps, fils du consul général de France à Tunis, qui le firent recevoir à bord de l'Adonis.)
Tour à tour, en faveur ou soupçonné de trahison, il ne tarda pas à s'attirer l'affection de ses camarades et de ses chefs par sa rare intrépidité et son indiscutable dévouement (Yussuf avait été nommé interprète militaire par arrêté du 1er août 1830. Puis admis avec le grade de capitaine, à titre provisoire, dans les Chasseurs algériens.).
Tel était l'homme auquel le général en chef allait confier l'importante mission de relever le courage abattu de toute une population et de préparer pacifiquement notre arrivée dans une nouvelle province.
Nous, nous bornerons à reproduire le récit d'un témoin oculaire, c'est-à-dire, la relation d'un Jeune élève de première classe, M. de Cornulier Lucinière, embarqué à bord de la goélette la Béarnaise, chargée de conduire Yussuf à Bône ( Cette relation a été publiée dans la biographie de Yussuf, par le colonel Trumelet.).
" A la suite de L'échec de la précédente opération, celle du commandant Huder, dit M. de Cornulier dans son récit, le gouvernement avait interdit de la manière la plus formelle toute nouvelle tentative, voire même toute relation avec Bône. "
Cependant les envoyés de cette ville, assiégée par les troupes du bey de Constantine et réduite aux dernières extrémités, étant venus supplier M. le duc de Rovigo d'accepter leur soumission et de les sauver de leurs ennemis, il ne crut pas devoir les décourager par un refus absolu, et leur donna donc quelque espérance d'être secourus lorsqu'il se serait assuré de leurs véritables sentiments. Tel fut le motif qui décida le premier envoi de la Béarnaise à Bône.
Telle était la situation de cette ville lors de l'arrivée du duc de Rovigo à Alger. Revenant, en raison de l'urgence et du puissant intérêt politique que présentait pour la France l'occupation de Bône, revenant, disons-nous, sur sa précédente détermination, le commandant en chef a décidé de faire une nouvelle tentative pour entrer en possession d'une place qui était une des clefs de Constantine.
Le général en chef avait d'abord, décidé qu'il Serait envoyé une mission à Bône pour reconnaître l'état des choses. Le coup d'œil exercé du duc de Rovigo se porta sans hésiter sur le capitaine Yussuf, dont il n'avait pas tardé à reconnaître les mérites ; il lui adjoignit quelques Maures en relations de commerce avec ceux de Bône, les embarqua sur la Béarnaise et nous partîmes le 2 février pour cette ville.
" Le beau temps était revenu ; nous fûmes mouiller le 9 février, au matin, devant Bône, et nous envoyâmes à terre un canot avec pavillon parlementaire. On convint que des otages, désignés par les Maures que nous avions à bord, nous seraient livrés, pendant que Yussuf, qui avait offert de se charger seul de cette périlleuse mission, se rendrait à la Casbah. Il arriva à la porte où, quelques mois auparavant, avait eu lieu le combat de Huder. Quelques têtes grimaçantes ( Ces têtes, au nombre de trente, étaient celles d'Arabes de Constantine qui avaient été tués récemment dans une attaque de nuit. (Trumelet Yussuf).), en putréfaction, étaient rangées sur le mur du rempart.
" Ibrahim voulut d'abord, par ses manières hautaines et menaçantes, essayer d'intimider Yussuf ; mais celui-ci, par son intrépide dignité, l'obligea à plus de respect et de déférence à l'égard de l'envoyé de la France.
" L'entretien fut grave et solennel, et il eut lieu en turc, car Ibrahim ne parlait pas l'arabe. Yussuf en profita pour dire la vérité aux Turcs de la garnison et les éclairer sur leur position, nous avons su plus tard que ses paroles avaient produit une grande impression sur les défenseurs de la Casbah. La situation était en effet fort difficile pour eux : ils avaient peu de vivres et ils étaient bloqués du côté de la terre, ils recevaient encore des secours par mer ; mais nous pouvions facilement leur fermer cette porte; dès lors, ils en étaient réduits à mourir de faim, ou à se rendre, c'est-à-dire tomber sous le yatagan.
" Yussuf eut l'audace de leur faire entendre cette vérité, et de leur démontrer que si, au contraire, ils remettaient la Casbah à la France, ils obtiendraient leur plein pardon pour l'affaire du commandant Huder. Je dois dire que s'il ne fut pris aucun engagement, l'offre n'en fut pas non plus repoussée.
" Nous étions à bord fort inquiétés de Yussuf, car la séance nous paraissait bien longue ; aussi les otages, qui connaissaient la barbarie d'Ibrahim, étaient très peu rassurés sur leur propre sort.
" Yussuf étant enfin revenu, nous renvoyâmes ces pauvres diables dans leurs familles et nous reprîmes la route d'Alger."
Cette mission n'avait pas été sans résultat. Deux lettres avaient été remises à Yussuf pour
Le général en chef. La première était ainsi conçue :
" De la part d'Ibrahim, ex-bey de Constantine, actuellement à Bône, au général en chef.
" Salutations.
" J'ai reçu votre chère lettre qui m'engage à être tout d'accord avec vous et de faire la paix. Ma soumission a été faite cependant il y a longtemps, mais pour vous l'assurer davantage, j'ai ouvert mon cœur à Yussuf qui mérite votre confiance. Je ne demande pas mieux que de me présenter à vous, mais je ne puis laisser la ville de Bône une seule minute, car les ennemis parviendraient à leurs desseins.
" J'ai chargé Yussuf de tous mes pouvoirs, tout ce qu'il fera auprès de vous sera bien fait.
" Salut.
"IBRAHIM, bey."
La seconde lettre disait :
" De la part des notables de la ville de Bône au général en chef.
" Vous nous demandez quels sont les sentiments qui nous animent et si nous nous souvenons des bienfaits que nous avons reçus de vous. Sachez par le nom de Dieu que personne de notre ville ne nie vos bienfaits.
Quant à nos sentiments nous sommes fidèles et n'avons jamais eu l'idée de trahir les Français. Si vous avez été trompés ce fut par d'autres que nous.
" Les habitants de la ville ont reçu Yussuf avec plaisir et lui ont dévoilé les sentiments qui les animent ; il vous répétera tout ce qu'il leur a entendu dire et les assertions fondées de leur innocence.
" Ceux qui cherchent à faire des révoltes ne sont pas musulmans ; par la grâce de Dieu, nous le sommes, nous !
" Yussuf vous dira quel mal nous ont fait les Arabes de Constantine. Nous espérons que vous prendrez notre vengeance.
" Si vous ne nous envoyez pas de provisions, nous mourrons de faim. Il y a une partie de nos notables qui ont fui depuis longtemps à Tunis, craignant l'entrée à Bône de Ben Zagouta et de Ben Aïssa qui, autrefois, nous ont fait beaucoup de mal.
" Salut.
" Les notables de Bône. "
Aussitôt débarqué, Yussuf accourut auprès du duc de Rovigo, auquel il dépeignit la situation désespérée de Bône, les excellentes dispositions de ses habitants et des frères Ben Cheickh, dont l'intention évidente était de livrer le ville à Ben Aïssa.
Le général en chef était convaincu de la nécessité d'occuper Bône, mais il n'avait pas de troupes disponibles sous la main et il était impossible d'organiser un corps expéditionnaire dans quelques jours. Or, il était à craindre que pendant ce temps une trahison introduisît le lieutenant d'Ahmed dans la place, ce qui en eût rendu l'occupation sinon impossible, du moins difficile à effectuer sans effusion de sang.
Il fallait avant tout ravitailler les habitants et relever leur moral abattu. Le duc Rovigo jeta les yeux sur un capitaine d'artillerie en qui il avait toute confiance. C'était le capitaine d'Armandy.
" Sorti de l'école de Saint-Cyr en 1813 avec le grade de lieutenant d'artillerie, d'Armandy avait fait les dernières campagnes de l'Empire en Espagne et dans le midi de la France; son début dans la carrière avait été remarqué et, lors de la réorganisation de l'armée, en 1815, il fut classé dans la garde royale, mais cette distinction ne l'avait pas empêché de subir des discussions politiques et d'être renvoyé de l'armée comme beaucoup d'autres officiers. Il prit alors le parti de s'expatrier.
" De 1816 à 1824 il visita l'Egypte, Mascate, la Perse, le royaume de Lahore et l'Inde anglaise. Doué de tous les avantages extérieurs comme des plus brillantes qualités de l'esprit et connaissant plusieurs langues, il fut bien accueilli partout, mais il refusa les propositions les plus avantageuses pour garder la liberté de rentrer au service de la France, aussitôt qu'il le pourrait.
" En 1824, par l'intermédiaire de nos résidents de l'Inde, il fut nommé consul à Moka ; il occupa ce poste pendant six ans.
" En 1830, celui de Damiette étant vacant, il vint à Paris pour le demander, mais la Révolution de Juillet le fit rentrer dans l'armée ; et, à la fin de 1831, on l'envoya à la direction de l'artillerie d'Alger avec un emploi de capitaine en second. Il fut accueilli avec une extrême bienveillance par le gouverneur général duc de Rovigo qui venait d'exil comme lui ( Féraud, interprète principal)."
La Béarnaise sortit d'Alger le 23 février emportant les capitaines d'Armandy et Yussuf. Ce dernier avait reçu avant son départ la lettre suivante du maréchal de camp Trézel, chef d'état-major général :
" Monsieur le capitaine,
" M. le général en chef me charge de vous témoigner sa satisfaction pour la manière dont vous vous êtes acquitté de votre dernière mission à Bône ; il désire que vous y retourniez pour suivre les mêmes affaires et lui en rendre compte aussitôt que vous en aurez l'occasion.
" Le capitaine d'artillerie d'Armandy, qui a longtemps résidé en Arabie et dans l'Orient, part aussi sur la Béarnaise. Il est chargé d'offrir à Ibrahim bey le secours de ses conseils pour la défense de la place ; il s'entendra avec vous pour la distribution, par portions, des vivres que le général en chef envoie à la garnison. L'objet de ce mode de distribution est de tenir cette garnison et son chef sous notre dépendance, au moins jusqu'à ce que les assiégeants se soient retirés.
" Vous prendrez l'un et l'autre les précautions que votre connaissance des Orientaux vous suggérera pour votre sûreté et celle de la felouque la Casauba, qui pourrait être laissée à Bône pendant le voyage de la goélette à Tunis.
" Si vous jugiez l'un et l'autre qu'il n'y eût point d'inconvénient à l'y laisser, et, pour vous, à séjourner à Bône jusqu'au retour de la goélette, vous reviendrez avec cette goélette à Alger.
" Le général en chef demande pour vous au ministre de la guerre la décoration de la Légion d'honneur.
" P.-S. - Si l'on ignore à Bône que nous avons ici les assassins du capitaine Bigot, il faut bien se garder de laisser transpirer cette nouvelle. "
La Béarnaise sortit donc d'Alger le 23 février, traînant à sa remorque la felouque la Casauba chargée de provisions et de vivres. Elle avait à son bord les deux capitaines d'Armandy et Yussuf, deux maréchaux des logiss d'artillerie, MM. Coulomb et Chanier, et le canonnier Monsire.
Laissons la parole au capitaine d'Armandy, qui adressait, le 8 mars, le rapport qu'on va lire, au général en chef :
" Rade de Bône, 8 mars 1832.
Les rapports autographes du capitaine d'Armandy ont été retrouvés au gouvernement général par M. Féraud, qui les a reproduits.
" Partis d'Alger le 23 février, nous mouillâmes, avec la Béarnaise, le 28 au soir, dans la baie des Caroubiers, à deux milles environ à l'ouest de celle de Bône ; le lendemain, à la pointe du jour, au moment de l'appareillage, nous découvrîmes sur une plage voisine une troupe de gens armés" ; bientôt après une chaloupe se détacha du rivage et amena à bord de la goélette un Turc se disant envoyé du général de l'armée de Constantine, de la part duquel il apportait une lettre qui engageait le capitaine du navire à lui envoyer quelqu'un, soit musulman soit chrétien, avec lequel il put communiquer, disant avoir des choses de la plus haute importance à faire connaître.
" Ne jugeant pas convenable de hasarder personne dans une entreprise de cette nature, dont on ne nous laissait pas même soupçonner le but, je priai le capitaine de répondre par écrit à Sidi Ali ben Aïssa que, ne pouvant retarder notre départ et contrevenir ainsi aux ordres que nous avions d'aller mouiller dans la rade de Bône, nous nous y rendions et que nous serions toujours enchantés d'y recevoir ses communications, soit par écrit soit de vive voix. Cette lettre resta sans réponse et la barque ne revint plus à notre bord.
" A peine entré dans la rade de Bône, deux bateaux de cette ville vinrent accoster la Béarnaise amenant les principaux habitants : le beau-père d'Ibrahim bey et plusieurs des grands attachés à sa personne.
" Le capitaine Joseph mit pied à terre aussitôt et monta à la Casbah pour y annoncer notre arrivée qui parut faire tant de plaisir au bey qu'il nous fit saluer par toute l'artillerie de la ville et du fort. La goélette lui rendit ce salut par un autre de quinze coups de canon. Mais d'abord j'étais descendu à terre, accompagné de M. Fréart ( Le nom de cet officier a été donné à une rue de Bône. ), capitaine de la Béarnaise, et de trois officiers de son état-major ; une partie de la garnison de la Casbah nous attendait sur le rivage ; elle nous y salua d'une salve de mousqueterie et nous accompagna jusqu'à la citadelle, où Ibrahim nous acccueillit fort bien. Il était entouré des principaux personnages de Bône qui parurent nous voir avec le plus grand plaisir. Je remis au bey la lettre dont j'étais chargé pour lui ; il la reçut avec respect et la fit lire à haute voix pour que tout le monde dans la ville en eût connaissance. Son contenu procura une telle satisfaction que tous les habitants en rendirent grâce à Dieu, en récitant la Fataha, espèce de Te Deum musulman.
" Cette première audience terminée, je fus conduit dans la maison qui m'était destinée ; en traversant la ville je fus tristement frappé de l'air de désolation et de misère qu'elle présentait aux regards : les rues étaient désertes, la plupart des maisons paraissaient abandonnées, beaucoup tombaient en ruines ; d'autres, sans habitants, avaient leurs portes brisées ou toutes grandes ouvertes, et l'aspect de celles qui étaient encore occupées prouvait que le propriétaire, découragé, sans espoir, comme sans ressources, ne pensait nullement à réparer le toit sous lequel il reposait sa tête et sous lequel il désirait peut-être la mort comme terme de ses maux.
" La maison dans laquelle je fus conduit était sans doute l'une des plus belles et des mieux conservées de la ville, mais elle n'offrait que les quatre murs et des fenêtres sans châssis.
J'y campai et, ayant pris congé du capitaine de la Béarnaise, qui était pressé de quitter la rade peu sûre de Bône et qui mit à la voile le même soir, je restai seul avec mes trois hommes au pouvoir d'Ibrahim que l'on peut, à bon droit, accuser de la mort de plus d'un Français et dont l'extérieur ne prévient pas en sa faveur. Ses manières polies m'avaient parues forcées et, semblable à un tigre apprivoisé, il paraissait gronder encore en faisant des caresses.
" Je ne demandai pourtant pas d'otages, ne croyant avoir rien à craindre des habitants de la ville et Ibrahim, n'ayant personne près de lui (son fils n'étant pas venu le rejoindre), qui lui fut assez cher pour que sa vie pût répondre de la nôtre.
" Tenant cependant à remplir la mission dont vous avez eu la bonté de me charger et justifier votre confiance, je fis en musulman : je me confiai à ma destinée.
" Le lendemain, 1er mars, je montai à la Casbah, où j'eus une longue conférence avec le bey ; il me fit part de ses projets et des espérances qu'il avait d'être avant peu secouru par ses amis du Sahara. Je lui dis qu'il devait se confier bien davantage à vos promesses et n'attendre son salut que de la France, qui saurait lui donner tous les secours nécessaires, s'il se défendait assez bien pour se maintenir de son arrivée. A cela, il me répondit en me conduisant au-dessus de la porte de la Casbah, où il me montra les têtes de sept malheureux tombés entre ses mains et seuls trophées de tous les avantages qu'il me dit avoir remportés sur ses ennemis, en m'annonçant que tant qu'il aurait des vivres et des munitions, sa citadelle serait imprenable. Il finit par me demander les provisions que vous lui aviez envoyées et dont le capitaine Joseph lui avait promis la moitié.
" Ne pouvant, après cela, paraître vouloir le rationner et bien sûr qu'il ne vendrait pas ce que je lui donnerais, je mis à sa disposition soixante sacs de blé et vingt-cinq de riz, me réservant ainsi le droit de disposer comme je l'entendrais de plus des deux tiers du chargement de la felouque. Il me remercia et je le quittai après lui avoir demandé la permission de visiter les murailles de la ville. Ma proposition parut l'enchanter, mais il me donna pourtant un de ses soldats les plus fidèles sous prétexte de m'accompagner partout et, sans doute aussi, pour épier toutes mes démarches.
" Bône est bâtie au pied de la colline sur laquelle s'élève la Casbah qui la domine entièrement ; elle a la forme d'un quadrilatère irrégulier, entourée d'une chemise flanquée de quelques feux croisés en avant d'elle. Je trouvai la face du sud ou de la porte de Constantine assez bien gardée et armée d'autant de pièces qu'il était nécessaire à sa défense de ce côté ; à une lieue de distance l'on apercevait dans un vallon le camp des troupes de Constantine, dont j'évaluais la force à 1.200 ou 1.500 hommes ; d'après le nombre des tentes je me trompais au moins d'environ la moitié, ainsi que je l'appris quelques jours plus tard. Les assiégeants, pour venir attaquer la ville, devaient passer sur une chaussée qui traverse un marais, qui s'étend depuis une petite rivière jusqu'au pied de la colline de la Casbah, couvrant ainsi parfaitement le front attaqué, de sorte que je regardais Bône d'une défense très aisée. Les trois autres côtés de la ville étaient moins bien armés, encore plus mal gardés et laissés, faute d'hommes, presque entièrement à leur propre force.
" Le 2 mars au matin, je fis délivrer au bey les grains que je lui avais promis la veille ; en sortant de chez moi je trouvai deux notables ; je ne les avais plus vus et j'en avais été surpris; je leur en fis amicalement le reproche. Ils m'assurèrent s'être présentés chez moi et que le janissaire d'Ibrahim, qui était à ma porte, leur en avait refusé l'entrée. Je montai sur-le-champ à la Casbah pour me plaindre d'être tenu ainsi en charte privée. Le bey fit l'étonné et me promit que désormais je pourrais recevoir qui bon me semblerait.
" Dès que je fus rentré chez moi, je fis prier les cadis, muphtis, etc., d'y venir et j'eus avec eux une longue conversation. Ils me parlèrent longuement de leur triste sort qu'ils me peignirent des plus sombres couleurs et qui me parut être, en effet, véritablement déplorable.
"Assiégés depuis huit mois par l'armée de Constantine, ils avaient peu à peu épuisé leurs provisions dont Ibrahim bey s'était fait donner par force le reste pour nourrir les soldats de la citadelle. Une seule ressource leur restait, c'était de se procurer quelques vivres sur la côte voisine du Cap de Fer (Sidi-Akacha, en arabe), dont les habitants étaient leurs amis. Sidi Ali ben Aïssa la leur avait enlevée en se procurant une chaloupe qui, courant sur les leurs, les empêchait d'avoir aucune communication avec le dehors, et ils témoignèrent les plus vifs regrets que nous n'eussions pas retenu cette chaloupe lorsqu'elle était venue à bord de la goélette.
Pressurés par Ibrahim, redoutant les vengeances d'Ahmed bey, mourant de faim, réduits à manger de l'herbe pour soutenir leur misérable existence, voyant leur population diminuer tous les jours, ou par la fuite ou par la mort de quelqu'un d'entre eux, ils n'avaient, me dirent-ils, d'autre espoir que dans la France. Je leur répondis qu'ils pouvaient y compter, que vous vous occupiez d'eux avec sollicitude, que ne pouvant mieux faire pour l'instant, à cause de la mauvaise saison, vous m'aviez envoyé vers eux pour les assurer de votre bienveillance et leur apporter des vivres qui pourraient les aider à attendre les secours plus efficaces que vous comptiez leur faire passer bientôt.
" L'annonce des vivres leur fit plaisir, mais lorsque je leur dis que je ne pourrais leur distribuer que quatre cents livres de blé ou de riz par jour, je vis la tristesse se peindre de nouveau sur leur figure.
" Quatre cents livres, me dirent-ils, c'est une bien faible pitance pour toute une population affamée : ne pourriez-vous donc pas nous en donner une plus grande quantité pour faire vivre nos pères, nos femmes et nos enfants ? Serions-nous heureux de manger en les voyant autour de nous mourir de faim ?
" Mais, leur dis-je, si je vous livre toutes les provisions que j'apporte et que vous les dévoriez en un jour, comment ferez-vous le lendemain ?
" Si, après avoir déchargé votre felouque, vous ordonnez à son capitaine de transporter quelqu'un de nous au cap de Fer et d'y prendre les vivres que nous achèterons, nous n'aurons plus à craindre le besoin et nous n'aurons que des grâces à vous rendre et des bénédictions pour le général en chef de l'armée française qui vous a envoyé.
" Ne pouvant résister à leurs prières, je leur promis de faire ce qu'ils désiraient, si le capitaine de la barque jugeait qu'il pût faire ce voyage sans danger.
" Pour leur plaire, je fis appeler à l'instant ce raïs, et, comme il m'assura qu'il n'y avait rien à craindre, il fut arrêté que le chargement à apporter d'Alger serait débarqué et déposé chez moi et que la felouque irait ensuite chercher des vivres sur la côte. Cette décision prise, les notables se retirèrent en m'assurant de toute leur reconnaissance.
" Cependant, j'avais remarqué avec peine que quelques-uns d'entre eux, entre autres le cheik El Islam Sidi Ahmed, le personnage le plus important de la ville, avait pris, peu de part à la conversation. Je ne savais qu'en penser et m'en informai à diverses personnes qui me laissèrent mon incertitude, tandis que d'autres me dirent qu'ennuyé des malheurs de son pays, on le soupçonnait de traiter avec le général des assiégeants.
" Le 3 mars, malgré le mauvais temps, l'on débarqua de la felouque 90 sacs de blé ou de riz ; j'en distribuai sur-le-champ quelques-uns aux notables de Bône, les chargeant d'en faire la répartition parmi leurs concitoyens les plus nécessiteux.
" Le soir du même jour, Ibrahim me fit prévenir qu'il avait appris, par ses espions, que les troupes de Constantine nous attaqueraient dans la nuit suivante ; je la passai sous les armes avec mes hommes et fis une ronde sur les remparts pour m'assurer qu'on y fit bonne garde. Je trouvai tout en bon ordre, et la nuit se passa sans que nous fussions inquiétés, bien que de temps à autre il y eût quelques-coups de fusil tirés.
" Le lendemain, 4 mars, étant le premier jour du Beyram, je montai à la citadelle dès le matin, accompagné des principaux habitants, pour y souhaiter les bonnes fêtes à Ibrahim. C'est un usage oriental, je le Connaissais et je crus devoir m'y conformer.
" Le bey reçut, en même temps que les miennes, les félicitations de tout ce qu'il y a de marquant à Bône ; il nous régala d'un concert de tambours et du spectacle d'un combat de lutteurs et d'un autre au sabre.
"Tout me parut avoir pris un air plus riant ; les gens que je voyais se presser autour du bey me semblaient lui être dévoués. Il leur fit quelques petites distributions d'argent et de burnous et je le quittai enfin, persuadé qu'il avait encore assez de partisans et qu'il pouvait, sans crainte, se maintenir jusqu'à l'arrivée de nos troupes.
" La journée se passa comme si l'ennemi n'eût pas été aux portes.
" Le soir, la fatigue me fit coucher de bonne heure et je dormais lorsque, vers minuit, des coups de fusil me réveillèrent ; je m'habillai à l'instant et je fis lever les trois artilleurs que j'avais avec moi. J'envoyai en même temps un des soldats d'Ibrahim, que j'avais à ma porte, s'informer de ce qui se passait ; il revint et m'apprit que les assiégeants attaquaient, mais mollement, le front de Constantine ; je fis prendre les armes à tout mon monde et me disposai à me rendre de ce côté, lorsqu'en ouvrant la porte pour sortir, cinq à six personnes armées, mais pâles de frayeur, se précipitèrent dans la maison, en priant de les sauver, me disant que la ville était prise et qu'il fallait fuir et fuir à l'instant, si nous voulions éviter d'être massacrés.
"Surpris d'une nouvelle à laquelle je m'attendais si peu, je commençai par faire barricader la porte. La maison où je restais donnait sur le rivage de la mer ; je fis disposer une corde à une fenêtre pour pouvoir y descendre au besoin. Deux ou trois mauvaises chaloupes s'y trouvaient sur le sable ; j'envoyai les Arabes effrayés, qui s'étaient réfugiés chez moi, pour s'assurer de deux d'entre elles et les mettre à flot. Ces dispositions prises pour assurer notre retraite en cas de besoin, je montai sur la terrasse pour mieux entendre ce qui se passait dans la ville ; tout m'y paraissant assez tranquille et comme l'on continuait à tirer des coups de fusil, entremêlés de quelques coups de canon du côté de la porte de Constantine, je pensai qu'une terreur panique avait fait fuir les Arabes, qui s'étaient réfugiés chez moi. Je voulus donc sortir pour aller m'assurer de la vérité, mais les deux soldats d'Ibrahim, qui étaient encore dans la maison, refusèrent de m'accompagner.
" Pendant que je cherchais à les décider à me suivre, on frappa à la porte. Je fis demander qui c'était et Mohamed Serradj, l'un des députés de Bône à Alger, me répondit en le priant de lui ouvrir.
" Il entra, suivi d'une vingtaine de Turcs et d'Arabes, dont la plupart, connaissant la maison, se précipitèrent vers la fenêtre donnant sur la mer et en descendirent au moyen de la corde qui y était attachée; ils s'emparèrent d'une barque et s'éloignèrent du rivage.
" Mohamed Serradj me confirma la nouvelle que l'on m'avait déjà donnée que la ville était prise, mais que Sidi Ali ben Aïssa, au nom de son maître, promettait quartier à tout le monde ; il me dit cependant que nombre de gens s'étaient déjà retirés dans une des mosquées de Bône à Sidi Mérouan ( Aujourd'hui hôpital militaire ), regardée comme un asile.
"D'après cela je m'assurai que les habitants ne se fiaient pas plus à ces promesses que je n'avais envie de le faire moi-même. Cependant, n'entendant rien dans la ville qu'elle fut prise d'assaut, je n'ajoutai point encore foi à ce que l'on me disait et refusai toujours de me retirer comme tout le monde m'engageait à le faire. Enfin, vers les quatre heures et demie, j'entendis de mes propres oreilles le crieur de Sidi Ali annoncer la miséricorde de Dieu et du prophète Aman Allah, Aman Reçoul Allah, que El Hadj Ahmed Pacha promettait asile à tous les habitants de Bône, quelque fût leur religion.
" Dès lors je n'eus plus de doute, et la ville étant prise, je pensai à faire retraite, ne jugeant pas prudent de me fier à des paroles qu'on pouvait désavouer ou interpréter comme on voudrait. Dans ce moment on vint me prévenir que l'on voyait beaucoup de gens armés sur les terrasses voisines de la mienne ; il n'y avait donc plus un instant à perdre ; nous descendîmes sur le rivage, abandonnant nos effets et nous nous éloignâmes à force de rames.
" Le jour commençait à poindre ; nous fûmes aperçus et salués de quelques coups de fusil qui, heureusement, n'atteignirent personne. J'arrivai à bord où je trouvai que le raïs, prévenu par les fuyards qui nous avaient précédés, avait tout préparé pour mettre à la voile. Je fis lever l'ancre et vins louvoyer dans la baie des Caroubiers.
" D'après ce que j'ai appris des divers côtés, ajoutait le capitaine d'Armandy, dans un autre rapport daté du 10 mars, c'est-à-dire cinq jours après l'événement, il paraît que le Cheik El Islam a traité de la reddition de Bône, qu'il a indiqué aux soldats de Sidi Ali ben Aïssa la route qu'ils devaient prendre pour s'y introduire sans être vus.
" C'est du côté du nord, sur le front opposé à celui de la porte de Constantine, qu'ils sont entrés par une veille brèche qu'on n'avait pas réparée ( Cette brèche s'ouvrait exactement au-dessous de l'hôpital militaire actuel dans la muraille qui, partant du fort Cigogne, remonte le long de la ruelle qui débouche entre le bureau de la place et de l'hôpital.).
" Les promesses que Ben Aïssa a sans doute faites pour se faire livrer la ville n'ont pas l'air de rassurer les habitants ; depuis le cheik lui-même jusqu'au dernier, chacun tremble pour l'avenir, tout le monde cependant semble espérer que ma présence produira un bon effet et évitera bien des malheurs, je le désire, sans y croire : je ne quitterai la rade que s'il est nécessaire que je monte à la Casbah pour nous la conserver et ce sera dans l'un ou l'autre endroit que j'attendrai vos nouveaux ordres. "
La trahison, prévue par Yussuf, s'était produite ; l'arrivée du capitaine d'Armandy avait fait comprendre à Ahmed ben Cheickh que le gouvernement se décidait à agir.
Il n'y avait pas de temps à perdre si on voulait sauver la ville d'une occupation française. Ahmed ben Cheickh était entré en pourparlers avec ben Aïssa, qui s'était empressé d'accueillir ses propositions.
Le 4 mars, toutes les troupes de Ben Aïssa sortent silencieusement du camp et, à la faveur des ténèbres de la nuit, se dirigent vers la porte de Bab-el-Mekaber. Arrivées à une certaine distance, elles se massent et attendent. Pendant ce temps, une troupe d'une trentaine d'hommes, armés de haches, se glisse dans la nuit, pénètre dans le jardin dont les arbres forment un épais rideau, contourne la ville, et, dirigée par un émissaire de Si Ahmed, arrive sur le bord de la mer.
Ces hommes, résolus, entrent dans l'eau, continuent leur marche et arrivent enfin à une brèche du rempart dont nous venons de parler. Ils pénètrent dans la ville et se précipitent du côté de Bab-el-Mekaber, qu'ils se mettent à enfoncer.
Les habitants, de garde sur les remparts, accourent et la lutte s'engage. Pendant que cette partie de la troupe fait face aux Bônois, l'autre continue à battre la porte de coups redoublés; enfin, elle tombe et l'armée de Ben Aïssa s'engouffre dans la ville, en poussant des cris de joie.
Le capitaine d'Armandy s'était réfugié à bord d'une felouque qui était dans la rade et, de là, il écrivait au général en chef :
" Rade de Bône, 10 mars 1832.
" La ville de Bône prise, ou plutôt vendue aux troupes d'Ahmed bey, commandées par Ben Aïssa, m'a forcé de me retirer en toute hâte à bord de la petite felouque chargée des vivres que nous avons amenés d'Alger. Je la fis éloigner tout de suite hors de portée des canons de la ville et me mis à croiser dans la baie, ne pouvant abandonner Ibrahim bey, qui se maintient toujours dans la Casbah où je serais allé le rejoindre, toutes les avenues n'étant pas assez bien gardées pour que je ne pusse le faire, si la connaissance que j'ai du caractère turc ne m'eût fait craindre que ses soldats ne m'y eussent vu entrer avec peine, et si je n'eusse cru qu'avec de pareilles gens, l'espérance d'être secourus, ou de pouvoir se sauver à mon bord au besoin, n'eût produit un meilleur effet que ma présence parmi eux.
" Ibrahim a trouvé le moyen de me faire parvenir une lettre. Il me demande de prompts secours en vivres et en soldats. Je lui ai répondu que l'un et l'autre m'étaient impossibles pour le moment, mais que j'allais vous expédier la Béarnaise, à laquelle j'ai envoyé un express pour me la faire revenir tout de suite et que sans doute vous prendriez les mesures nécessaires pour le secourir de toutes manières. Je lui conseille, en attendant, de se défendre, mais en l'engageant à ménager la ville, lui promettant de ne pas m'éloigner, quel temps qu'il fasse, et d'être toujours à portée de le recevoir à mon bord s'il était forcé de se retirer avant l'arrivée de votre réponse ; auquel cas, je lui recommande d'enclouer toutes les. pièces et de disposer une mèche pour faire sauter le magasin aux poudres, pour que les troupes de Constantine ne puissent, en se logeant dans la Casbah, nous empêcher de rentrer dans Bône, si ce qu'il me reste à vous apprendre ne change rien aux projets que vous avez formés sur cette ville.
" Dans l'après-midi du 5, jour même de la prise de Bône, une chaloupe partie de terre vint m'apporter une lettre du général Ben Aïssa, de Constantine, qui m'engageait à aller le voir. Le porteur de cette missive, Hadj Mohamed El Markanti, ou capitaine du port, l'un des, notables de la ville, me dit en me la remettant, que je pouvais en accédant à la proposition de Sidi Ali ben Aïssa éviter de grands malheurs à sa patrie ; dès lors je ne balançai pas à répondre à Ben Aïssa que je me rendrais le lendemain, près de lui, s'il m'envoyait quelques-uns de ses chefs de son armée pour me faire traverser une ville remplie d'une soldatesque qui, n'ayant peut-être jamais vu un seul Européen, pouvait m'insulter même contre ses ordres les plus précis.
" Le 6 au matin, un bateau amenait à bord le secrétaire de Ben Aïssa et trois des principaux habitants de Bône. Je descendis à l'instant avec eux, je trouvai le rivage couvert d'une foule de soldats avides de me voir, et que je ne pus traverser qu'avec peine, sans cependant entendre aucune injure. L'on m'amena un cheval, je le montai et me rendis au camp de Ben Aïssa, qui se trouvait à une demi-lieue de la ville.
" Ce général, naguère négociant, ayant eu l'occasion de voir des Européens, soit à Tunis, soit ailleurs, me reçut avec politesse. Il me témoigna le regret qu'il avait éprouvé en apprenant que ma maison avait été pillée, malgré les ordres contraires qu'il avait donnés. Il m'assura qu'il ferait faire des recherches et que tout ce que l'on trouverait à moi me serait rendu. Je le remerciai et le priai en même temps d'étendre sa bienveillance aux habitants de la ville qui étaient dans des inquiétudes mortelles ; il me le promit en me disant que son maître El Hadj Ahmed Pacha n'avait désiré s'emparer de Bône que pour se rapprocher de la mer, avoir de ce côté un point de communication avec nous et parvenir à faire la paix avec les Français qu'il aimait beaucoup. Je lui répondis que si telles étaient en effet les intentions de son chef, je m'estimerais heureux de pouvoir être l'intermédiaire des propositions qu'il aurait à vous faire et l'engager, en conséquence, à lui écrire tout de suite pour que je puisse vous transmettre sa réponse, par le navire que j'attends de Tunis à chaque instant.
" Il me demanda si je savais sur quelle base le bey de Constantine pourrait espérer de traiter avec la France ; ma réponse fut que n'ayant pas été envoyé pour faire un traité de paix, je n'avais aucune instruction à cet égard, mais que je pensais que S. M. le roi des Français s'étant emparé d'Alger par la force de ses armes et la grâce du Tout-Puissant, il voudrait que tous les anciens vassaux du dey de cette Régence se reconnussent pour ses sujets et lui payassent les tributs auxquels ils étaient soumis par le passé.
Cette proposition lui parut inadmissible. Je n'oserais, me dit-il, la faire connaître à mon maître dont j'encourrais sûrement l'indignation si je le faisais, et lui-même serait mis à mort ou tout au moins repoussé par ses sujets s'il voulait l'accepter et s'y soumettre. Je me bornai donc à lui répondre que je me chargerais de vous faire savoir quelles étaient les intentions d'Ahmed Pacha dès que je les connaîtrais moi-même.
" Voici quelle était la réponse, car il paraît jouir de toute la confiance de celui qui l'a élevé : " El Hadj Ahmed Pacha, descendant d'une longue suite d'aïeux beys d'Alger ou de Constantine, allié par sa mère et sa femme aux chefs des plus puissantes tribus arabes du Sahara, ne peut se connaître vassal d'un prince chrétien. Sa loi, sa religion et les préjugés de ses sujets, encore plus que les siens propres, l'en empêchent ; mais il désire vivement être en paix avec lui et devenir son ami. Pour cela, il accordera aux Français les privilèges les plus étendus et les plus grandes facilités pour commercer avec son pays. Le port de Bône et tous ceux qui se trouveront dans ses Etats leur seront toujours ouverts ; des consuls pourront y être établis et y jouiront des prérogatives, mais la souveraineté de la terre restera à Ahmed Pacha.
" A ce compte, lui dis-je, la conquête d'Alger ne nous aurait procuré aucun avantage, car nous jouissons déjà de tout ce que vous nous offrez aujourd'hui?
" Croyez-vous donc que nous ne puissions pas nous emparer de Bône et de tous les autres points de la côte, comme nous l'avons fait de la Régence ? Croyez-vous donc que nous ne puissions pas aller à Constantine et au-delà, si notre roi le commande ?
" Tout est aux mains de Dieu, me répondit-il, les Français sont braves et nous savons qu'ils peuvent tout ce qu'ils veulent ; mais quels avantages retireront-ils d'une course dans notre pays ou en s'emparant de nos côtes ? Nous cesserons à l'instant tout commerce et toutes relations, avec eux, nous les tiendrons bloqués dans les villes, nous les harcèlerons dans leurs marches, nous ruinerons le pays devant eux, tellement qu'après beaucoup de dépenses et, de sang répandu de part et d'autre, ils seront obligés de se retirer ou de nous exterminer tous jusqu'au dernier, avant de pouvoir espérer jouir paisiblement, de leurs conquêtes ; tandis que la paix peut nous rendre tous heureux et tranquilles.
" Je communiquerai, lui dis-je, votre réponse au général en chef de l'armée d'Afrique ; lui seul peut décider ce qu'il y a à faire.
" Avant de me laisser partir, Sidi Ali me pressa de revenir prendre possession de ma maison ; mais je lui répondis qu'ayant été accrédité par vous auprès d'Ibrahim bey, je ne pouvais, sans de nouveaux ordres de votre part, rester dans une ville dont il n'était plus maître; et, profitant de cette ouverture, je lui dis qu'Ibrahim étant notre ami, je regarderais comme une preuve du désir que son maître avait de faire la paix avec nous, s'il lui accordait une suspension d'armes jusqu'après la réception de votre lettre. A cela, il me répondit qu'il ne croyait pas la chose possible, qu'il en écrivait à Ahmed, mais qu'il pouvait me promettre que si jamais Ibrahim se réfugiait sous votre pavillon il serait, dès lors, hors d'atteinte et sous une sauvegarde inviolable. Notre conférence se termina là, et je retournai à bord où l'on commençait à être inquiet sur mon compte ; cette entrevue avait duré plus de sept heures.
" Je crois qu'Ahmed bey a véritablement envie de faire la paix avec nous, et je pense qu'il me sera facile de l'amener à accepter vos propositions. Les Arabes, ses sujets, quoi qu'en ait dit Ben Aïssa, le désirent autant que lui ; la politesse de tous les chefs et même des soldats lorsque je descends à terre, me le persuade. Je suis allé deux fois chez Ben Aïssa, pour plaire aux habitants de la ville, qui sont venus m'en prier ; j'ai dîné une fois chez lui avec les chefs de son armée, qui tous faisaient des voeux pour la paix. Ben Aïssa a fait rechercher mes effets, presque tout a été retrouvé, les seules choses aisées à cacher sont perdues.
A SUIVRE
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LE PHARE FOUILLEUR
Par Michel SALANON
Chronique n° 258 - Dimanche 31 mai 2020
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Loi AVIA : censure et délation légalisées !
Madame, Monsieur, cher(e)s ami(e)s et compatriotes.
Le Dandy-de-l’Elysée démontre chaque jour sa volonté d’interdire, voire de réprimer, toute forme d’expression critique envers lui ou sa politique qu’il met en place à la façon d’un hussard pour se donner l’impression d’exister et d’imprimer sa marque à un quinquennat liberticide.
Son objectif n’est plus de dire « que faire pour protéger les Français » mais plutôt « que faire pour me protéger » !
Victime d’un nombrilisme démesuré, il poursuit une mise en scène grotesque dans laquelle il s’est donné le rôle d’un chevalier blanc (pardon Laetitia et Sibeth il a oublié de se maquiller le visage avec du cirage noir), galopant l’épée à bout de bras en hurlant « tous contre la haine sur Internet » !
A l’heure où nous croulons sous la dette et les produits chinois, le problème prioritaire reste clairement : « la haine sur Internet » !
Et puis vous le savez la haine n’existe pas dans nos rues : pas de slogans anti-français gueulés dans les manifs made in racaille, aucun vol à l’arraché, aucun feu de poubelle, aucune vitrine brisée, pas de voiture de Police incendiée (de préférence avec les policiers à l’intérieur), pas de trafic régulier de drogues ni de camions de pompiers caillassés dans certaines cités, pas de victime égorgée ni écrasée par un véhicule conduit par un islamiste, etc.
Bref, rien dans la rue…. toute la haine est sur Internet !
Le chevalier blanc considérant son épée trop courte trouva un seul moyen pour augmenter la censure sur le Net : une loi de plus.
Nous savons tous le penchant irrationnel du Dandy-de-l’Elysée pour les représentant(e)s de la diversité (terminologie de gauche) au détriment des Auvergnats, Bretons et autres Provençaux !
Il était donc inéluctable que la « porteuse » de cette loi soit issue de la diversité si prisée par le Dandy, passionné d’exotisme africain.
Evoquons brièvement la femme qui a donné son nom à cette « loi AVIA ».
Née en 1985, Laetitia AVIA, troisième d’une fratrie de quatre enfants dont elle est la première née en France, grandit à Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis), au sein d’une famille originaire du Togo.
En 2003, elle intègre Sciences-Po.
En 2008 elle obtient un master en droit économique, avant de commencer une carrière de juriste au sein d’un cabinet de droit international.
En 2011, elle devient avocate au barreau de Paris, enseigne à l’école de droit de Sciences-Po puis cofonde son cabinet en 2014.
En 2016 elle rejoint le mouvement En Marche, dès sa création, sans doute impressionnée par un jeune homme fringant, version messie politique, dont on se souvient certains discours criards.
En 2017 elle est membre du bureau exécutif de LaREM, chargée de la communication et porte-parole de cette formation (très portée sur la couleur).
Courant 2017 elle intègre la commission d’investiture du parti pour les élections législatives de 2017.
Le 18 juin 2017, au 2e tour des élections législatives, elle est élue députée de la 8e circonscription de Paris (certainement très colorée) avec 64,6 % des voix.
Le 4 juillet 2017, dans son discours de politique générale, Edouard PHILIPPE, Premier ministre, ne manque surtout pas de rendre hommage à la diversité de la nouvelle assemblée. C’est chic, non ?
Il m’est facile d’admettre que sa formation et ses diplômes sont méritants, je regrette seulement qu’elle ne soit pas retournée au Togo pour les mettre au service du pays de ses parents.
Découvrons son look.
Prétendus objectifs : différentes sources nous apprennent qu’elle se fait un nom à l’Assemblée nationale en incarnant le combat contre le harcèlement et les discriminations (pas celles contre les Blancs), et la lutte contre le racisme (pas celui contre les Blancs) et l’antisémitisme (pas contre l’anticatholicisme) sur Internet, sans oublier l’annulation de contenus haineux et pornographiques, sous 24 h, avec, dit-elle : « des solutions opérationnelles, concrètes, immédiatement applicables et conformes à la liberté d’expression ».
Vote à l’Assemblée : le texte est adopté par l’Assemblée nationale le 9 juillet 2019, puis par le Sénat le 17 décembre 2019, puis voté par l’Assemblée (de moins en moins nationale) le 13 mai 2020.
Résultat des votes :
- pour : 434
280 LREM - 74 LR - 39 MoDem - 25 UDI - 12 PS - 2 PCF - 1 LT - 1 NI,
- contre : 33
6 LR - 1 MoDem - 2 LT - 15 FI - 9 NI,
- abstentions : 69
2 LREM - 21 LR - 1 MoDem - 2 UDI - 15 PS - 10 LT - 2 FI - 14 PCF - 2 NI.
En résumé, après deux ans de cogitation (dure mais bien rémunérée) et une volonté farouche d’interdire au français lambda de critiquer la pensée unique d'un pouvoir démagogue aux abois :
la censure et la délation deviennent légales.
Commentaire de Mathieu Bock-Côté, essayiste et chroniqueur québécois :
« Cette loi néo-soviétique prétend civiliser les réseaux sociaux contre la haine qui s’y déverse. Elle favorisera une culture de la délation, chacun surveillant son prochain et étant invité à le dénoncer grâce à un bouton dédié, le citoyen éclairé prenant désormais les traits du délateur zélé ». (Source : Le Figaro, 16.05.2020).
Sanctions envisagées :
- si le site Internet refuse de supprimer un contenu illicite ou s’il le fait trop tard, son représentant fait l’objet de 250.000 euros d’amende,
- le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) peut aussi infliger une sanction administrative qui peut atteindre 4 % du chiffre d’affaires mondial,
- le signalement abusif est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende.
Conclusion :
Le Dandy-de-l’Elysée, plus nombriliste que jamais, ne supporte aucune critique, et cette loi liberticide vient s’ajouter aux lois PLEVEN, GAYSSOT, TAUBIRA, qui se sont succédées depuis 1972 sans que ceux qui s’y étaient opposés à l’époque, y compris la droite dite traditionnelle, ne reviennent dessus une fois au pouvoir !
Quelques un(e)s seront choqué(e)s mais tant pis : preuve est faite, dans ce contexte précis, que la droite traditionnelle a été la plus c.. du monde, puisqu’elle a été complice en n’abrogeant pas ces lois !
Il est aisé de comprendre que rien ne changera si nos votes ne permettent pas à une nouvelle majorité issue d’une droite forte, de s’installer à l’Assemblée nationale.
Le 28 juin 2020, date du 2e tour des élections municipales, comme à toutes les autres élections intermédiaires, que soient éliminés politiquement les bobos du camp MACRON, sans état d’âme !
Merci de votre aimable considération. Bien cordialement.
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" La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ".
Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen - Article XI - 1789
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ALGER MAI 1960
Par M. Bernard Donville
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Ce mois ci j’ai supprimé, les Evénements peu actifs ( au moins en articles) mais ce sera fortement compensé par les nouvelles universitaires .Il y a 90 ans le service d’hydravion Alger -Marseille devenait quotidien (ce que l’on appelle la navette à Air Inter !) . Le soleil est là les sports se calment et les dames se mettent en maillot… ; elles ont quand même le temps de songer à la fête des pères. .Et revoilà les résultats d’examen, beaucoup en sessions universitaires. Pour un rattrapage quelques sujets du bac en Coup de Cœur .Et en bonus à la gloire de nos grandes écoles et institut des pages entières . Les réclames sont toujours aussi nostalgiques …
Vous pouvez lire tranquilles les seuls virus que je vous transmets sont les souveniro-amertus virus …
Amitiés, Bernard
Cliquer ICI pour voir la suite du dossier
LA CALLE : Ici la France depuis 500 ans
1. - LES PREMIERS FRANÇAIS
- LES CORAILLEURS
SE SERAIENT INSTALLES VERS 1450
(De notre envoyé spécial : Gaby CONESA, 1960 )
Si Nice et la Savoie sont françaises depuis 100 ans et Alger depuis 130, La Calle l'est depuis au moins 407 ans. Les lettres patentes du roi de France autorisant Thomas Lenches (Tomasse Lincie de son vrai nom) à s'installer après accord avec le sultan d'Alger, sur la côte barbaresque, datent en effet de 1553.
Mais si l'on n'est pas pointilleux jusqu'à exiger des parchemins, on entend déjà parler de " la nostra compania dalle pesca de coralli de Buona " vers 1530. Et si l'on fronce les sourcils pour percer la brume des siècles, on s'aperçoit qu'un certain Plantet en fait état dès 1473, et qu'un non moins certain Léon Bourgues, en parle dès 1450.
1450, c'est loin ! C'est vers ce moment qu'on tire les derniers coups de bombarde de la guerre de Cent ans, que Gutenberg taille les premiers caractères d'imprimerie dans une planche, que les affaires des Arabes occupant l'Andalousie commencent à mal tourner et que, dans trois ans, les Turcs vont s'emparer de Constantinople.
On est encore au Moyen-Age et déjà la France est installée en Algérie, apportant, avec une paix toujours approximative en ces temps troubles, la prospérité de son commerce. Avec des hauts et des bas, des catastrophes et des bénéfices, des naufrages et des périodes d'euphorie, elle se maintiendra ainsi à La Calle pendant quatre ou cinq siècles, c'est-à-dire pendant un temps si long qu'on se permettra de ne retenir comme point de départ que la date de 1553.
Une vieille histoire
Naturellement, l'origine, on trouve les inévitables Phéniciens, Carthaginois et Romains. Mais rien ne subsiste de leur occupation, et si on sait qu'ils vinrent, c'est par les auteurs qui Ies citent. En ces temps presque bibliques, La Calle s'appelle Tuniza, du berbère Tounes (bivouac). Au Moyen-Age, les Arabes, qui à leur tour fréquentent la rade, la baptisent Marsa-el-Kharaz (le port aux breloques) car déjà on y pèche ce corail incomparable qui étend sa renommée jusqu'en Orient et même en Extrême-Orient. C'est une ère de prospérité qui cesse brusquement quand commence la sanglante épopée des pirates barbaresques.
Ceux-ci, comme ils le feront jusqu'au 19ème siècle, piétinent les plate-bandes de leurs voisins, et dés 1238, Roger de Lorta, agissant au nom de son souverain, le roi d'Aragon, se présente devant la ville, l'emporte, la pille, la broie et la détruit méthodiquement. Ce n'est qu'un début ; La Calle subira ce sort funeste en 1586, 1604, 1637, 1658, 1683, 1744, 1798, 1807, 1837. Détruite neuf fois, elle sera chaque fois reconstruite. Si bien que lorsque la présidente de son avant-dernier syndicat d'initiative, Mlle Sériot, lui donnera des armes, elle choisira tout naturellement le phœnix et les coraux.
Le Bastion de France
II apparaît donc vers 1550 avec la compagnie citée plus haut, Thomas Lenches, Corse de Marseille (la tradition ne s'est pu perdue !), est un ancien patron de bateau enrichi dans le négoce avec la côte de Barbar!e. Sa compagnie recrute parmi l'élite de la société marseillaise et on retrouve Jean Richetti, qui n'est autre que l'ancêtre de Mirabeau, Albertas. seigneur de Saint-Chamas, P. Bausset, seigneur de Roquefort etc..
Le but est évidemment de pécher ce fameux corail que les femme apprécieront jusqu'au 19ème siècle. Lenches, constatant que Bône est trop éloignée des bans cherche un endroit plus propice. C'est ainsi qu'il fixe sont choix sur un point situé à 5 miles à l'ouest par la mer (19 km, par la route) de l'actuelle La Calle. C'est le Bastion de France, dont les ruines sont encore visibles. Le choit est bon, car une ante abrite contre les tempêtes d'est et d'ouest. les bateaux qui peuvent en outre et grâce à un chenal naturel, hiverner dans le très poissonneux lac Mellah. Quant à la forteresse établie à l'extrême pointe du cap, elle est d'une approche difficile.
La compagnie réussit si bien que des jalousies s'éveillent en France. A tel point qu'en janvier 1597, pour couper court à toutes polémiques, tout en manifestant l'intérêt qu'il porte aux concessions d'Afrique, Henri IV confère le titre de gouverneur a Thomas de Lenches. seigneur de Moissac, neveu du fondateur. En plus du coran, on fait aussi le négoce du blé. Mais en 1604, le bastion est rasé, sur l'ordre du Bey, et à l'instigation des corsaires, sous le prétexte que ce négoce affame des populations.
Pour être ancien, le procédé doit être efficace, qui incite les gouvernements à ouvrir les vannes de la xénophobie chaque fois qu'une difficulté économique pointe à l'horizon.
Il - Neuf fois détruite, la ville a toujours resurgi de ses ruines
Le parler chantant des Marseillais transforme bientôt Marsa-El-Kharaz en Massacarés à la consonance plus provençale. Après le coup dur de 1604. le Bastion reste abandonné jusqu'à 1629, date où apparaît un personnage remuant qui sera le grand homme de l'établissement français, Samson Napollon. Gentilhomme de la Chambre du Roi, et comme Thomas Lenches, Corse marseillais, Il s'est, au service de Sa Majesté Louis XIII, signalé dans le Proche-Orlent. La paix conclue entre la France et le bey d'Alger, il obtient le 29 septembre 1628 et à titre personnel, l'autorisation de relever le Bastion de ses ruines et de s'y livrer à la Pêche du corail ainsi qu'au commerce des marchandises autorisées. Il prête serment au roi, obtient des capitaux du duc de Guise et se réserve le tiers des bénéfices.
Tout repart d'un bon pied : commerce, pèche et même fortification de l'établissement. Malheureusement pour lui, Napollon qui a une bonne place ne sait pas la garder. Travaillé par le virus de la politique et entrant dans les vues de Louis XIII et du duc de Guise, il se mit en tête de faire du Bastion, la plage d'un débarquement en Barbarie. L'instant paraissant propice, et les Arabes soupirant de plus en plus fort sous le joug turc, il décide de s'emparer de Tabarka, citadelle et port plus commode que celui du Bastion. Mal lui en prend puisque le 11 mai 1633, il trouve la mort en lui donnant l'assaut, et que le chef de la garnison fait jeter son corps à la mer après avoir fait clouer sa tête sur une porte de la forteresse.
Sacs, reconstructions, abandons et pêches se succèdent jusqu'en 1637 où, sur l'ordre du Divan, le corsaire Ali Bitchln rase le Bastion. Les tribus avoisinantes réagissent alors de façon Inattendue : elles protestent à Constantine car la disparition du comptoir français les prive d'une source de profit. Satisfaction ne leur étant pas donnée assez rapidement. elles entrent en rébellion et les Turcs doivent consentir en 1640, au retour des Français.
La Calle de Massakarés
Mais les courageux occupants du Bastion de France redoutaient moins les pillards que les moustiques. Une chronique avance qu'en une année, la malaria aurait tué 400 personnes. De guerre lasse, le gouverneur décide en 1679, d'abandonner définitivement l'emplacement au profit de La Calle où on avait pris l'habitude de tirer les navires au sec pour les calfater et les repeindre. La Calle de Massakarés est née qui deviendra plus tard La Calle.
C'est une rade s'ensablant facilement et ouverte aux tempêtes de l'ouest, mais où le climat est meilleur et où habitations et magasins peuvent commodément s'édifier sur la presqu'île. L'Isthme se trouve à peu prés à l'emplacement actuel de la digue qui limite l'avant-port. On y élève une maison pour le gouverneur et une chapelle qui aura la destinée curieuse de ne connaître ni mariages, ni baptêmes, la présence de femmes, éternelle source de discordes, étaient rigoureusement Interdite à La Calle. Les deux bâtiments existent encore, le premier recouvert d'un inesthétique éternit et le second sans toiture et barricadé contre les intrusions des enfants.
La pêche du corail
Elle se pratique sur des balancelles montées par huit ou douze hommes, augmentés d'un ou deux mousses chargés de ravauder les filets. Ces balancelles se déplacent à la voile latine et au brigantin. A l'avant, on dispose en croix deux forts madriers .d'environ 1,50m qu'on leste convenablement pour les faire descendre jusqu'à 80 brasses. Aux extrémités de cette croix, on attache des paquets de ficelle dont le rôle est évidemment d'accrocher les coraux, de les briser et de les faire tomber dans le filet fixé sous le dispositif. L'opération terminée, on remonte le tout au cabestan et on trie les prises. Le corail est expédié au centre Industriel de Marseille pendant les XVIème et XVIIème siècles, puis à Livourne vers la fin du XVIIIème, où on le paye alors de 30 à 50 francs la livre. Pour ce travail pénible, l'armateur a besoin d'hommes sobres et robustes. Chaque vente qui atteint de 10 à 12.000 francs, lui revient 6 à 7.000 francs.
Aux Indes, ce corail sert de monnaie d'échange contre les épices. Le profit qu'il donne est accru par le trafic du blé que les négociants marseillais préfèrent acheter à meilleur compte, dans l'Est algérien plutôt qu'en métropole même. Mais ce commerce est dangereux comme on l'a vu plus haut. Pourtant. dés les dernières années du XVIIème siècle, les affaires de La Calle périclitent. La concession passe de mains en mains, mais les Marseillais qui ont compris les premiers, sont déjà hors de ce mauvais pas. C'est finalement la Compagnie royale d'Afrique qui la reprend en 1741 pour la conserver jusqu'à la Révolution, qui la supprime d'un trait de plume. La pèche reste mauvaise jusqu'au moment où les Génois dont la ville est occupée par Napoléon réussissent à se faire considérer comme Français. Ils reviennent exploiter les bans de corail, bientôt imites par les Napolitains qui usent du même subterfuge. 400 balancelles sont signalées dans la même année. Mais voici que I'Angleterre, maîtresse de la Méditerranée et qui ne saurait se désintéresser d'une source de profit aussi légendaire, se met sur les rangs. La France perd ses droits jusqu'en 1816, date où une nouvelle compagnie touchant La Calle, Stora, Collo. Bougie et naturellement Bône, recommence ses achats de grains, cuirs, laines, huiles, soies et cires. C'est par elle qu'on arrive tout doucement à la difficile créance Bacri-Busnach qui vaudra au consul Deval de recevoir un coup de chasse-mouches, et qui marquera la fin de la régence d'Alger.
Après 1830
Le gouvernement royal qui n'ignore pas les profits parés de la pèche aux coraux, envoie dès mai 1831, le capitaine d'état-major Saint Hippolyte en reconnaissance par mer jusqu'à La Calle. Il n'y trouve que des ruines. Quant aux bancs de coraux ils ne lui paraissent plus assez riches. En 1832, le ministre de la Guerre fait occuper le port car il espère tirer de la région le fourrage qu'il lui faut faire venir de métropole. En I836, un aventurier français, Bertier de Sauvigny, tente sa chance en s'installant sur la presqu'île à la tête de 40 Turcs. Abandonné par Alger, il croupit avec sa misérable garnison pendant deux ans. Vers cette époque, les marins italiens, confiants dans la pacification française, arrivent en nombre (232 balancelles) pour reprendre l'exploitation, du corail. Mais s'ils ne trouvent ni magasins, ni machines pour le curage du port, ou hôpital, ni église, ils font en revanche connaissance avec le percepteur d'impôts. Cependant, on recense 228 Européens en 1844. Suit une période où les différents ministères se renvoient La Calle comme un ballon de football.
La pèche reprend cependant contre toute attente, jusqu'aux environs de 1880. Mais à ce moment, les pécheurs italiens découvrent de nouveaux bancs en Sicile. Et puis, la mode du corail est passée : il s'entasse, inutile et sans valeur dans les magasins. L'exploitation du chêne-liège et du tan et aussi l'ouverture de la mine de Kef-Oum-Theboul sont alors d'un appoint précieux pour l'économie. De son côté. la petite garnison du poste-frontière entretient un peu d'animation.
L'occupation de la Tunisie porte un coup fatal à ces espérances. Le dernier produit de la prospérité calloise reste cette énorme église de N.D: du Carmel, où on célèbre saint Cyprien patron de la et qui est figée avec son horloge arrêtée à 3 heures 10 minutes.
III. - Rien depuis novembre 1954 n'y est venu troubler une paix pourtant si ébranlée
dans le reste de l'Algérie.
Celui qui débarque à Bône, prend le car pour La Calle, reçoit un sérieux coup dans l'azur de son optimisme : le conducteur est assis dans une cabine blindée d'où il surveille la route par deux fentes, l'une ouverte à sa gauche et l'autre devant lui. Dans cet équipage le chauffeur fait songer à ces scaphandriers pour grandes profondeurs qu'on utilisait, il y a 25 ans dans la recherche des trésors sous la mer. Le franchissement du premier barrage et le sévère contrôle des laisser-passer qui s'opère à Morris renforce cette fâcheuse impression.
Et puis la route se déroule sous le soleil, longeant tantôt le lac des Oiseaux, tantôt le barrage électrifié qui n'a vraiment rien de belliqueux, dans une atmosphère visiblement détendue, et traversant des centres de regroupements. Le voyageur constate alors que dans ce car, tout le monde se connaît et bavarde avec l'esprit détendu. Et soudain, il se dit : " Serait-ce la paix ici ? "
Algérie année 1954
Il descend du car et aucun yaouled ne se jette comme à Bône, sur sa valise dans l'espoir de gagner une pièce. Pendant son séjour, aucun mendiant ne viendra exercer son chantage sur ses moments les plus agréables. A contraire même, la fraternisation entre tous les éléments de la population lui saute aux yeux : pas un groupe en discussion où européens et musulmans ne soient mêlés. Les gosses qui tapent dans une balle, jouent à la marelle ou à cache-cache sont dans le même cas. Et le nouveau venu s'apercevra vite que si La Calle compte 3000 européens et 3000 musulmans, ces 6000 personnes ne vivent pas dans deux quartiers différant mais bien souvent, elles se partagent les mêmes maisons.
Mais si le meilleur moment de détente reste la promenade sur le Cours Barris qui domine le port. C'est à l'ancien maire, Barris de Fenher qu'on doit cette magnifique promenade rectiligne de 300 mètres de long et 10 mètres de large, complantée de 64 palmiers des Canaries encore bas et entrecoupés de bancs offerts par le Syndicat d'Initiative qui a aussi créé une bibliothèque.
L'église monumentale qui à elle seule, héberge presque toutes les hirondelles de la ville, en marque le centre. En face de son entrée, sur le trottoir du Cours, se dresse le monument à la mémoire de Sanson Napollon et des pionniers de La Calle, mais le temps et l'air marin en ont effacé les lettres. Après tout, dans ce bonheur tranquille où les jours passent, rigoureusement semblables les uns aux autres, cela n'a peut-être pas d'importance. Les **********
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IV. - " LE PARADIS A L'OMBRE DES EPEES "
sera-t-il demain le " SAINT-TROP " Algérien ?
Alors, direz-vous, La Calle, c'est un paradis ? Eh oui ! A l'ombre des épées peut-être, mais un petit paradis tout de même. Car il y a aussi cette réserve qu'il faut formuler. C'est un fait que la rébellion avec le poison qu'elle verse à la source où tous s'abreuvent, n'a pas éprouvé La Calle.
Dans les tous premiers temps de l'insurrection, l'affaire se circonscrivait à l'Aurès, on s'en souvient. Par la suite, même dans les sombres jours de la bataille du barrage, pendant le premier semestre de 58 quand les parachutistes mirent 4000 rebelles au tapis, rien ne se passa à La Calle. Il y eut bien dans les environs, des musulmans égorgés, mais en ville, rien ne vint troubler la paix des esprits. Il y a d'ailleurs là, quelque chose de mystérieux. Les hors-la-loi utilisaient-ils cette région montagneuse pour le passage entre la Tunisie et l'Algérie, de leurs cadres et de leurs agents de liaisons ? Ca n'est pas impossible. En revanche, ce qui équivalait à un véritable casse-pipe, c'était le voyage Bône-la-Calle, particulièrement du côté du Tarf. C'est de cette époque que datent les cabines blindées des autocars qui font encore leur petit effet sur les étrangers. Les malheurs arrivés sur ce tronçon de route, même dans les convois blindés, sont innombrables mais les Callois ne veulent plus les considérer comme de mauvais souvenirs
C'est que nulle part en Algérie la pacification n'a progressé de façon aussi spectaculaire. Il n'y a eu à vrai dire dans le secteur, qu'un moment d'angoisse, lorsque le premier barrage fut posé qui part de Morris aux portes de Bône et filait sur Souk-Ahras en avant dans le no man's land. La Calle et de nombreux village comme Yusuf, Lamy, Lacroix et autres. Allait-ou abandonner cette portion du territoire national et la commodité de la défense du réseau électrifié ? L'inquiétude dure jusqu'en septembre 59. L'installation d'une bretelle de l'entrée de La Calle et rejoignant Souk-Ahras dissipa tous les nuages. Mieux encore : la route cessa d'être dangereuse au point qu'aujourd'hui, on circule librement et en toute sécurité.
Les jours heureux
Je suppose qu'au paradis, si on vit sans soucis, on vit aussi sans ambition. C'est ce qui se passe à La Calle. La population y est indolente, isolée contre la frontière tunisienne, en un point de la carte de l'Algérie qui lui vaut la commisération des bonnes âmes mal informées et même, de quelques Bônois non avertis. Ceux qui voudraient la tirer de son demi-sommeil, s'agitent au sein de son syndicat d'initiatives, mais le poids de l'inertie finit par paralyser les énergies les mieux trempés comme par exemple, celle de l'ancienne directrice de l'école, Mlle Sériot qui reporte sur son magnifique jardin la vitalité qu'elle a longtemps dépensé pour faire connaître sa ville. C'est maintenant M. Brunet et aussi le maire M. Luciani qui se sont attelés à cette tâche ingrate. Mais dans les tourments que traverse l'Algérie, ils ont peu de chance de faire entendre leurs voix. Quant aux Callois, le souvenir même du trésor selon la légende au Bastion, au Boulif ou au Ravin du Trésor, n'a pas réussi à leur communiquer l'esprit d'entreprise.
Ressources absentes
Car la pêche mise à part, il n'y a, à La Calle, aucune activité économique digne de ce nom. Et encore les pêcheurs procèdent-ils selon d'immuables moyens artisanaux, sur les éternels même bancs depuis toujours localisés grâce à des repères communiqués de bouche à oreille de père en fils. Il y a peu, ils pouvaient se rendre à l'ilot de La Gallite où la langouste foisonne. Mais dans la bousculade de l'Indépendance accordée à la Tunisie, l'ilot a été abandonné dans des conditions passablement obscures à ce qu'on nous a assuré. La sardinerie de la plage de l'usine, directement issue de la pêche ne s'est de son côte, signalée que par ses faillites périodiques, Si le liége, le Minerai et le tan ne sont plus que des souvenirs, le corail lui n'est plus qu'une légende et la seule espérance apparue avant guerre à La Calle fut celle que donna le tourisme.
La côte des fleurs de lys
Avant 39, des touristes aventureux avaient découvert cette région sauvage et pittoresque. Nous ne parlons pas des Constantinois et des Tunisiens qu'on avait sous la main, Mais des Belges pan exemple qui, en hiver, n'hésitaient pas à venir chasser le canard sur le lac Tonga. Bien entendu, la situation de l'Algérie n'est pas de celles qui attirent le touriste mais après tout, La Calle est absolument et étonnamment tranquille et puis, il faut voir loin. Car il y a des balles qu'Il faut savoir saisir au bond, par exemple la saturation par les congés payés de la Côte d'Azur que la " grosse galette " abandonne, Où vont ces touristes de luxe ? Surtout sur Costa Brava en Espagne, mais aussi sur la Riviera Italienne aux Baléares et même au Maroc. Pourquoi ne viendraient-ils pas à La Calle, sur ce morceau de littoral baptisé un temps, en souvenir des anciens établissements royaux, " la Côte des fleurs de lys ". De grandes entreprises hôtelières ont, on le sait là-bas, prospecté la côte algérienne. Si on les encourageait, ne viendraient-elles pas s'installer à La Calle ?
Une autre balle à reprendre de volée sera celle du complexe de Bône s'il voit jamais le jour : le petit port pourra facilement devenir le " Saint-Trop " des industriels et de tous ceux qui au terme d'une semaine passée dans le tapage des usines, auront besoin d'évasion et d'iode.
Mais tout cela, c'est le futur. Pour l'heure, le syndicat d'initiative s'efforce d'aboutir à la création d'un village de toile, ce qui sans aucun doute, serait un début encourageant et d'une excellente publicité. Mais on ne le verra sûrement pas en 19600.
Quoi qu'Il en soit, c'est seulement du tourisme que La Calle peut, dans l'avenir, espérer une nouvelle prospérité. Mais ces riches Touristes attendus comme l'étaient jadis les oncles d'Amérique, ne sauraient coucher sous une barque ou même sous une guitoune. Il faudra donc bâtir des hôtels et des installations élégantes. Alors, à La Calle aussi, en louchant vers le Plan de Constantine, on se joue quelques séquences de ce film qui eut son heure de célébrité : " Bienvenue, Monsieur Marshall ".
La paix française
La preuve qu'il ne se passe rien, c'est que les Callois vous parlent volontiers de leur grand homme actuel, Georges Lamia, descendant de pêcheurs siciliens et gardien de but de l'équipe nationale de football. A l'école, il a laissé le souvenir d'un galopIn à la fois sympathique et cabochard et dans l'échoppe de cordonnier de son père, les conversations vont bon train sur le championnat de France. Car au fond, el elle n'est pas sans histoire, La Calle est une ville où les jours coulent sans histoires.
L'explication en est simple : 3000 européens et 3.000 musulmans vivent mêlés depuis bientôt 300 ans dans les vielles maisons de La Calle de Masarcarés. Pour peu qu'on laisse tomber de ses yeux, les écailles qui empêchent de nos jours, de voir les choses comme elles sont, on comprend vite que ces 6.000 hommes Français depuis toujours, que pour eux, la France est une réalité ancienne et palpable, et la paix qu'elle a apporté est autre chose qu'un mot qu'on imprime sur une affiche électorale ou qu'on place dans la péroraison d'un discours officiel.
(Fin)
Gabriel CONESA
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FIXITE DISPARITE ADVERSITE
De Hugues Jolivet
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Les évènements récents remettent en question
La devise nationale de notre République !
Assignée au logis, jusqu'à l'indigestion,
Semaines après semaines, confinée étatique
Pour cause de pandémie mystérieuse, mortelle,
La France fut condamnée à l'immobilité !
Faute de dérogation, la police interpelle
Qui déroge à la règle de sa captivité !
Oh, Liberté chérie, ce cas de force majeure
S'impose à chaque nation et à la Terre entière !
La République, "en douce", et ses élus marcheurs
Légifèrent pour doter chacun d'une muselière,
Arguant de faux prétextes, pour supprimer le droit,
Que tout un chacun a, d'appeler "un chat" un chat !
Liberté d'expression qu'on muselle, qu'on foudroie
Qu'on qualifie de "haine", qu'on couvre de crachats !
Inscrite dans la Déclaration des Droits de l'Homme,
Entre en Constitution en Cinquième République,
L'Egalité, devise, siège dans un Museum,
Absente du quotidien, un voeu pieux angélique !
L'actualité du jour conforte ma véhémence :
Réunions interdites ! Aucune intervention
Des Forces de Police, accusées de violences !
Lorsque l'Etat recule, il est en perdition !
L'égalité se lit sur listes électorales,
Pour l'élection d'un groupe et non d'un candidat !
Cas du dernier scrutin pour les Municipales :
Parité hommes - femmes en quête d'un mandat.
Mais, dans le quotidien du "monde du travail",
Le poste et le salaire sont oeuvres du "patron"
Dont le choix portera sur quelqu'un du sérail,
Issu d'une Grande Ecole, aux allures de Baron !
Oui, la disparité engendre l'adversité !
Quand "cultures - religions" s'affrontent jour après jour,
Disparait la devise de la fraternité !
Le "vivre ensemble" vacille, n'est pas le grand amour !
Pour nombreux émigrés, la France est l'oasis
Où ils montent leurs tentes dans des quartiers fermés.
Nul n'est le bienvenu, encore moins la Police !
A la loi du "milieu", il faut se conformer !
Au profit des français, descendants de migrants
Des anciennes colonies, électeurs potentiels,
Bon nombre méprisant la France, c'est flagrant,
Bénéficient souvent d'une "grâce" présidentielle,
Reposant sur l'acquit durable d'une paix sociale !
Ce traitement de faveur confirme la faiblesse
D'une France "Etat de Droit", de son avenir crucial !
Elle a perdu sa Loi, ainsi que sa noblesse !
Hugues Jolivet
9 juin 2020
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Le coup de l'éventail !
Par M. Robert Charles PUIG
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Souvenons-nous de l'Histoire. C'était en 1830...
L'ambassadeur de France à Alger est bafoué par le Bey. Que croyez-vous qu'il se passe ? Charles X réagit. C'est Sidi-Ferruch, la prise d'Alger et la conquête.
Puis du temps passe, passe... L'Algérie devenue française va perdre, par le sortilège d'un charlatan, sa forme occidentaliste pour une suite de dictatures que nos élus de France soutiennent. 1962... 2012... 2017... 2020. Non seulement ils soutiennent les différents tyrans de ce pays construit par nos ancêtres, mais ils considèrent les anciens de " là-bas ", les Pieds-noirs comme des mal-pensants, des factieux, des ultras... Ainsi va le monde et surtout la France... mal !
Puis toujours au fil du temps, la France socialisante se perd dans son complexe des colonies, son mépris de l'armée et des trois couleurs et leur moquerie de Ségolène Royal parlant de drapeaux aux fenêtres des immeubles de France, en 2007. C'est un socialisme progressif avec ses idées libérales et ses bras ouverts, toujours ouverts, à ceux qui nous veulent du mal et changer la République de nos pères en une salade mexicaine ou algérienne ou tout le monde " il est beau, tout le monde il est gentil " surtout lorsque l'on déblatère sur le temps des colonies, le temps de la grandeur française...
Quel rapport avec le coup de l'éventail ?
Souvenons-nous François Hollande. Un président de la République roi des promesses non tenues qui se fait " souffleter " par une jeune roumaine, Léonarda... Il veut lui passer ses caprices, accepte de la faire revenir en France et elle refuse, dédaignant l'offre avec mépris. François Hollande avale sa couleuvre, mais il n'a pas assez le sens de la Nation pour s'en offusquer. Rien ne semble le toucher à l'âme alors il assène un autre coup de l'éventail avec les commémorations du 17 octobre 1961 et du 19 mars 1962.
Bien entendu, Charles X manque !
Nous sommes en 2020. La France tangue et son gouvernement progressiste, européen et mondialiste, pro-arabe souvent, ne sait plus quoi faire ou dire pour accueillir les étrangers, les migrants, en les laissant faire de quartiers entiers des zones interdites à la loi... A ce point, et c'est notre nouveau coup de l'éventail, que la Ministre de la Justice s'offre à recevoir la famille Traoré d'un certain " contrevenant " à l'ordre public, en contestant les informations sur son décès. Une famille dont quelques " frères " sont louches, louches, mais la France est pauvre de vrais patriotes. Alors Madame Belloubet propose un rendez-vous et cette famille dédaigneusement le refuse. Elle assume son coup de l'éventail, encourage des manifestations interdites... que le gouvernement accepte et se donne le beau rôle sur les chaînes d'informations où les journalistes ont été formés dans des écoles jouant la carte de la gauche à combien ? 80, 90 % ? Ainsi va le monde et une fois de plus, Charles X n'est plus là pour remettre de l'ordre dans cette France soumise aux desiderata des extrêmes de gauches, des salafistes, des groupuscules qui ne sont en France que pour la détruire.
Nous sommes donc dans le temps des manifestations antiracistes - et cela peut se comprendre - mais pourquoi aussi, anti police ? A-t-on une police " américaine " en France ? Les manifestations partent d'une bévue USA et semblent dans notre pays ouvrir la voie aux contestations de tous les bords, avec en tête cette idée qu'il y a du racisme plus qu'ailleurs et principalement dans nos Forces de l'Ordre... Des choux gras pour le monde des banlieues qui ne veulent pas respecter les lois de la République en les accusant de racisme et de mauvais traitements...
Ils ne veulent pas de nos lois dans les cités où les policiers sont reçus à coups de pierres et contestent d'être contrôlés lorsqu'ils défilent en bandes dans les autres quartiers de la ville. Ils veulent bien s'habiller en Adidas mais refusent que ce mode de référence à la contestation soit contrôlé.
C'est sûr, Charles X nous manque.
François Hollande encore ! Il va au " chevet " d'un jeune délinquant, mais omettra d'aller saluer les policiers blessés, brûlés dans un véhicule incendié par des jeunes barbares... C'est le temps du mépris de la police... Elle gêne le progressive socialo-communiste et justifie une position anti ordre public.
C'est alors que les coups de l'éventail, haineux, barbares, vont se multiplier avec l'avènement du Larem. Le premier d'entre eux, ignorant de l'Histoire traitera la guerre d'Algérie de " crime contre l'humanité ". Rien que cela. C'était en 2017... Il remettra une dose de mauvaise foi en 2020 en comparant la Shoa et cette même guerre dont il ne connait rien, mais toujours en adhérant à une idéologie gaullienne du plus mauvais effet et une attitude pro-arabe évidente.
En vérité, le coup de l'éventail n'a plus de contrepartie. Le pays est soumis, totalement progressiste et imprégné de ces idées de transformer une terre patriote en une terre ouverte à la contestation, au genre, à la GPA, la rébellion, la guerre. Pour cela il n'y a qu'à suivre les opposants à l'ordre dans leur désir de punir les Forces de l'Ordre. Rien n'est plus simple... Une affaire ancienne de quatre ans refait surface à la faveur de l'affaire du décès de George Floyd aux USA. Il suffit de faire un amalgame, d'exciter les populations périphériques et d'accuser la police française de racisme, de mauvais traitements aux délinquants... Une action publique du plus grand effet dans la mesure où des hommes politiques, des artistes, des sportives et surtout des journalistes ouvrent leurs gueules ou leurs écrans aux contestataires et deviennent les premiers accusateurs de l'Ordre, du Droit, de la Sécurité - ce que je nomme les ODS - assurés par la police au peuple de France.
Le coup de l'éventail est multiplié par la voix des réseaux sociaux, à ce point que l'Elysée envoie son Ministre de l'Intérieur abonder dans le sens de la contestation. Il faut donner raison au pire contre la sécurité des français. Alors Castaner monte au créneau pour annoncer des mesures fortes qui vont réjouir les banlieues -interdites à la police - mais frapper au cœur et à l'honneur ceux qui défendent l'ordre contre le désordre. Il va en quelques directives comme la tolérance " zéro ", donner raison aux mafieux, en décidant qu'un " soupçon " sera une preuve et Dieu là-haut sait combien les réseaux sociaux sont promptes à prendre en photo la moindre ligne blanche dépassée avec toujours juste des policiers pris en flagrant délit d'erreur. Il y a aussi les mesures nouvelles pour arrêter un bandit... On supprime les méthodes rudes remplacées... par rien. Le petit mafieux aura la route et le champ libre de disparaître après avoir caillassé, insulté, frappé, joué la vedette dans des rodéos sauvages ou comme cela se passe, défilé sans danger dans des manifestations interdites... mais " admises " !
C'est la France nouvelle. Après la justice bafouée, l'Intérieur se met du côté des loubards. Pas de vagues à si peu d'une élection... Pas de vagues alors que le gouvernement se divise, que des rats quittent le navire. Il ne reste qu'une carte à jouer au Larem, celle de la soumission aux " bons " rapports entretenus avec l'Orient et l'espérance que le vote des banlieues sous la coupe des frères musulmans et consorts, évite la déconfiture et la honte...
Pourtant nous savons combien la police paie son rôle de défenseur de l'ordre, combien de policiers sont tués ou d'autres se suicident du trop de laxisme de leur hiérarchie.
Dans des quartiers chauds, trop chauds où des vols, de la drogue, des meurtres ont lieu, ils sont sur le terrain des heures entières. Ils sont sans broncher devant les insultes, les pierres, les bras d'honneurs et en sus, le pouvoir Larem va leur demander de prendre des gants de velours pour arrêter la racaille... Quelle France est cette France ? Souvenons-nous que celui qui informe des nouvelles directives de " luttes " anti racistes et du contrôle renforcé des policiers est le même qui vota avec Hollande la suppression de la commémoration de Napoléon Bonaparte à cause de ses lois sur l'esclavage maintenues à la Réunion et celle de Céline pour des idées " interdites " par le socialisme. Mais n'oublions pas qu'imprégné de son socialisme macroniste, il laissa poiroter ses troupes dans le froid et la nuit lors des manifestations des Gilets Jaunes en 2019, pour aller faire le beau dans une boîte de nuit... Pourtant, il commande à la sécurité de la Nation !
Bien entendu cette idéologie de la soumission ne date pas d'aujourd'hui. Depuis la fin de l'Algérie française il semble qu'une partie de la France se plie et se courbe face à une organisation arabo-salafiste de plus en plus puissante dans notre pays. Nous sommes pris dans un engrenage qui délaie nos frontières et s'ouvre à la conquête musulmane, celle des prières dans les rues, du voile pour les femmes, des mariages multiples déjà consentis sous François Hollande. Le pouvoir en place actuellement montre envers qui il se soumet. Nous sommes devant un Etat faible qui laisse le pire de l'anti France s'imposer. Nous sommes, semble-t-il, face à un gouvernement qui s'incline devant l'Apocalypse ; se soumet aux exigences de banlieues indépendantes des règles de la Constitution comme De Gaulle s'est soumis à celles du FLN pour nous perdre à Evian, en 1962.
Aujourd'hui nous assistons à l'abandon de l'Etat à défendre l'ordre et la civilisation occidentale face au communautarisme et à la loi religieuse d'un Dieu étranger.
Charles X, où es-tu ?
Robert Charles PUIG / juin 2020
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Mascarade
Par M. Marc Donato
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Premier jour de déconfinement, "grande" sortie inaugurale. Escapade libérée des achats de première nécessité, des déplacements brefs dans la limite d'une heure… Et ne pas oublier mon masque ! Protection oblige, surtout pour moi, un senior, vulnérable parmi les vulnérables. Première sortie après cinquante et quelques jours de confinement, un peu comme une jeune accouchée quarante jours après la naissance. Seulement voilà, pour la jeune accouchée, il faudra repasser : point de naissance, le bébé a plus de cinquante ans, mais il y a le dernier-né, le Corona. Faut s'en méfier, alors, masque, s'il vous plaît !
Masque ! Tout un univers fantasmatique peuplé de représentations spinaliennes (ce sont des images d'Epinal, c'est pareil, mais c'est plus mieux !). Invincible Zorro de mon enfance avec sa cape, son épée et son loup sur le visage, qui se joue de tout et de tous… Plus tard, l'homme au masque de fer qui a troublé mon imaginaire d'adolescent. Porter toute la journée, toute sa vie, un masque en fer ! Une ceinture de chasteté, je peux comprendre, mais un masque en métal. Brrr ! J'en avais froid dans le dos. Plus tard encore, il y a eu les terribles masques de la guerre, ceux dont j'ai parlé à mon auditoire scolaire follement passionné par un programme d'Histoire exaltant, subitement revigoré par la projection de photos de soldats masqués, de chevaux masqués, de chiens masqués, affublés de cette prothèse censée les protéger des lacrymos ou de la terrible ypérite. Mais je préfère classer au fond de la pile ces dossiers lugubres pour ressortir les lumineux clichés de Venise. Ah ! La belle Sérénissime et son festival ! La place Saint-Marc avec ses pigeons toujours aussi idiots (Renaud, le chanteur). Comment ne pas être idiot si on ne fait pas la différence entre un grain de maïs et le grain de beauté dans le cou d'un de mes élèves ? Hop ! Un coup de bec, parti le grain de beauté…
Panique à bord. Mais rassurez-vous, l'idiot est certainement mort aujourd'hui et le gamin de l'époque vogue allégrement sur la nef de ses quarante ans. Venise ! La lagune, les gondoles, la Piazzetta et la foule agglomérée. Corona n'a pas montré encore le bout de son nez… Et là devant, les ors des costumes carnavaliers confectionnés avec passion pendant des mois. Aristocrates de tout poil, splendides emperlousés dans leurs pourpoints de brocard, Arlequins de comédie sous leur bicorne bigarré, marquis éphémères avec perruque poudrée et canne imposante. Mais les masques ? Parlez-nous des masques ! J'ai gardé pour le meilleur toutes ces beautés resplendissantes dans leurs simples bahutes, ce modeste costume populaire typiquement vénitien, ou dans leurs somptueuses robes de satin rutilant, leur cascades de plumes d'autruches multicolores, avec éventail évidemment ! Mais aussi et surtout le masque. C'est le grain de sel qui rehausse le goût. Quel coquin, celui-là ! Il ne laisse apparaître que des yeux malins, provocateurs, velléitaires de toute compromission, plus si affinité… Moretta, bauta, Colombine ou soleil, ils sont tous là pour cacher, provoquer, mais pas pour protéger.
Encore que le masque du docteur de la peste avec son nez démesuré, réservoir de tissus vinaigrés, d'herbes ou de parfums, se prétende gage de protection. En français, nous n'avons qu'un seul mot pour désigner le prothétique appendice prophylactique ou le masque de carnaval. Les Italiens distinguent la maschera pour la mascarade, et la mascherina pour la protection. Joli nom : mascherina, ça rime avec ballerina ; ce serait mignon si la Camarde ne se cachait pas sous le costume de la ballerine !… Et nous y revoilou, parlons de nos masques antivirus…
Première sortie frileuse après ce long isolement, première sortie suspicieuse. Dans la rue, la plupart des gens portent un masque. C'est vrai que pour beaucoup, cela nous donne un air ridicule. Mais il faut se plier… Les jeunes, présomptueux, prétendument au-dessus de toute agression virale, ne sont pas nombreux à en porter ; les autres, on s'en fout ; et puis vous savez ce qu'on leur dit aux vieux ?... Après le choc de la découverte, il faut voir les yeux interrogateurs : mais je connais cette personne... Non, ça n'est pas elle. Mais si ! Ah ! Excusez-moi, je ne vous avais pas reconnue !!! Beaucoup de confection domestique aussi. La pénurie de masques a jeté les couturières sur leur machine à coudre pour compenser le manque et fournir aux soignants l'indispensable protection. Au niveau national, voire local, ce sera la marque de l'incurie et de l'impéritie de cet épisode de coronavirus.
Quatrième jour de déconfinement, certaines communes n'ont toujours pas reçu les masques commandés. Impossibilité de fournir pour des fabricants - étrangers, bien sûr -, dépassés par les demandes, vols, détournements et mainmise par les mafias de tout poil qui se sont jetées sans tarder sur ce nouveau et juteux trafic. Confection domestique qui a précipité les couturières sur les innombrables tutos d'internet, et elles ont ahané sous leur pied de biche (Dieu que c'est mignon !) pour nous livrer toutes sortes de fantaisies, des masques de tout acabit, hauts en couleur : toile à matelas, percale fleurie, petit vichy rose ou bleu, pois blancs, pois noirs, rayures, même Souleiado a donné son lot de tissu provençal ; un festival aussi varié que celui de Venise.
Les moins chanceux arborent des masques unicolores, tristounets : c'est tout ce qu'on avait comme tissu ! Finalement, j'étais à peu près rassuré : j'avais mon masque, les autres aussi. Mais là où l'affaire s'est corsée, comme on dit à Sartène, c'est quand il a fallu conjuguer le port du masque avec le port des lunettes et le port des appareils auditifs. Les seniors, les plus vulnérables, comme déjà dit, portent presque toujours des lunettes et souvent des appareils auditifs. Commençons par les lunettes pour dire combien on doit se disputer avec cette buée inopportune qui vient se déposer sur les carreaux dès qu'on expire ! Va pour les lunettes : je vois bien de loin, je les enlève. Mais si je les garde avec mes sonotones ? Impossible alors de rajouter l'élastique. Choix cruel : élastique obligatoire, certes, mais alors lunettes ou sonotones ? Si j'enlève les premières et garde les autres, j'entends, mais je ne vois pas. Si je garde les lunettes et enlève les sonotones, je vois, mais je n'entends plus ! Peste soit du virus !
Assez bavardé, j'ai tombé le masque, comme on dit en Provence, vous savez (presque) tout de cette première sortie. Je vais essayer de me plonger dans un joli rêve vénitien et tenter de me faire accepter sur le Rialto avec mon masque à moi. Tiens, pour mettre l'ambiance avant de m'endormir, je me passerai ce chef-d'œuvre inoubliable de la chanson française du 20ème siècle, Les gondoles à Venise, de nos touchants amoureux, Ringo, superbe, combinaison moulante d'un vert plein d'espoir, pattes d'eph, ceinture en or, et Sheila, magnifique, robe de mousseline rose à manches pagodes. Un conseil pour finir, enlevez votre masque pour dormir !
Marc Donato - 14 mai 2020 - 4ème jour de déconfinement.
Fantaisie pour un adieu
Le petit bonhomme tout rond
Par M. Marc Donato
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Le village crâne du haut de ses 650 mètres. Il toise la ville, plus bas, la vallée tout au fond. Il tutoie le Bon Dieu avec les ailes de son moulin et, arborant continûment les ruines de son Castelas, il défie le temps. Un village heureux et qui le fait savoir. Les gens se pressent pour la fête votive du mois d'août, pour les représentations théâtrales en été ou pour les brocantes.
Ce soir du 19 mars, la tristesse s'est emparée du village. Depuis la première maison sur la route du bas, Guenièvre voit arriver un drôle de bonhomme. La route du bas, c'est celle qui a toujours amené le malheur, la guerre ou la maladie depuis les fonds.
Au fur et à mesure que l'étranger s'approche, Guenièvre découvre un petit homme au visage tout rond, les cheveux hirsutes, un visage ni brun, ni noir, d'un gris lugubre, vêtu d'un survêtement à la sportif. Il est d'ailleurs assez alerte pour gravir allégrement comme il le fait la côte qui se raidit à cet endroit. En passant devant la chapelle, sa face se crispe d'une espèce de rictus mélange, semble-t-il, de peur et de haine. A moins que ce soit une grimace arrogante effrontément défiante devant le lieu saint ? A la surprise de Guenièvre, le petit bonhomme marque un temps d'arrêt devant le cimetière puis décide d'y pénétrer après un court instant d'hésitation. Il en fait le tour lentement, là, il retrouve un semblant de sourire ; alors il compte les tombes : 17, 18, 19… et à son grand regret, pas la moindre trace d'une sépulture récente. Au moment où il reprend sa route, la cloche de l'église là-haut au bout de la côte égrène les 19 coups de 19 heures.
- L'heure de l'apéro, se dit le petit bonhomme. Je vais en profiter pour lier connaissance et me faire héberger le temps d'une nuit. Je me ferai discret et on parlera longtemps de moi.
Au niveau du parking, il tourne à gauche et arrive sur la place. Tout de suite, il est frappé par le fait qu'il n'y a pas âme qui vive, c'est le désert. Et puis ce silence… roublant ! Le bar brocante est fermé. Bizarre… Peut-être que le bougnat est en congé, malade, à moins qu'il soit parti faire un marché potier avec sa femme ? Pourtant à cette heure-là, il y a toujours deux ou trois habitués qui rebâtissent le monde autour d'un pastaga. Un papier est collé sur le volet fermé : "Compte-tenu des circonstances…"
Circonstances ? Quelles circonstances ?
Le glacier encore : porte close. Mais pourquoi ? se demande le petit bonhomme rond. Il fait beau, il fait chaud, les gourmands devraient se presser sur la pelouse.
Plus loin, le restaurant est fermé lui aussi. En ce début de printemps, les clients sont nombreux d'habitude sur la terrasse. Encore une affichette sur la porte : "Jusqu'à nouvel ordre… "
Le petit bonhomme au visage rond et aux cheveux hirsutes remonte la rue du Four. Personne. En passant devant le n° 19, il aperçoit une vieille femme derrière ses carreaux et à peine le temps de croiser son regard, elle s'éclipse et disparaît. Dans la rue grande, deux maisons devant lui un volet claque et se ferme, puis un autre, un autre encore avant qu'il arrive. Il est repéré. Faut-il qu'il fasse peur !
Le village n'a plus rien de joyeux, rien d'accueillant. Finis les rires, plus de zumbas, terminées les paëllas géantes, oubliés les bals populaires.
Retour sur la place toujours aussi déserte. Un coup d'œil rapide et le petit gros en survêtement compte les maisons : il y en a 19, toutes fermées, inaccessibles. A ce moment, il éprouve un immense chagrin, la fatigue l'incite à s'asseoir, mais le banc du parc est interdit par un ruban de rubalise rouge et blanc. Que c'est bizarre quand même ! Mais qu'est-ce qu'ils ont dans ce village ? Et moi qui voulais me faire inviter… Et le petit bonhomme se laisse aller sur la bordure du trottoir et voilà qu'il se met à pleurer :
- Mais pourquoi m'accueille-ton de cette façon ? Je ne leur ai encore rien fait à ces gens-là. Pourtant, pour peu qu'on m'accepte, je donne toute mon amitié sans réserve et je suis fidèle jusqu'à la mort, moi !
Une petite vingtaine de minutes après, 19, je crois, le petit bonhomme quitte le village et prend la route du haut. Il n'est pas si fatigué qu'il paraissait plus tôt et il est toujours prêt à s'inviter pour peu qu'on lui ouvre sa porte. Il ne refuserait pas, au contraire !
Là-haut, le moulin préside, protégé par un rempart de genêts. Aux branches, le printemps commence à accrocher des perles d'or, autant de gemmes que le soleil couchant venu du Ventoux enlumine. Mais le vieux moulin menace, brandissant ses ailes comme autant de sabres :
- N'avance pas… Sinon !
Mais non, Il n'y a personne au moulin, alors cela ne l'intéresse pas, le petit gros.
Lorsqu'il dépassa la derrière maison, celle du meunier, le petit bonhomme en survêtement s'arrêta pour embrasser du regard toute la vallée, le plateau, les Alpes de Digne avec un sentiment de puissance. Une autre vallée l'attendait de l'autre côté, d'autres villages, d'autres villes, d'autres hommes.
Il ne remarqua pas le meunier qui l'observait, dissimulé derrière son portail.
- Drôle d'étranger, se dit ce dernier.
Car ici on remarque tout de suite l'étranger et on sait au premier coup d'œil s'il est fréquentable ou pas.
Or ce petit gros tout rond, avec sa face de bouc, son teint gris, ses cheveux hirsutes ne lui disaient rien de bon. Et quand il se retourna pour reprendre son chemin et partir ailleurs, le meunier découvrit dans son dos, sur son survêtement, le flocage en grosses lettres blanches : COVID-19.
Marc Donato - 4 juin 2020
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Banlieues parisiennes, caïdat et islamistes
Envoyé Par A. Bouhier
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« Dans la guerre, les voyous suivent la troupe comme les mouettes les chalutiers. Ils attendent les lendemains des batailles pour détrousser les morts. Ils ont la patience des vautours. » Bérézina, Sylvain Tesson
Aujourd’hui, je suis sorti de la citadelle parisienne pour aller m’aventurer dans les quartiers où la République n’a plus aucune prise. Vous savez, ces quartiers périphériques qui tournent autour de la capitale et dans lesquels les lois communes ne s’appliquent plus. Vous n’y trouverez ni femmes en jupe ni jeunes en short mais des barbus en qamis et baskets. Si le qamis est l’uniforme attitré des bédouins salafisés, je me suis toujours posé la question sur le lien qui unissait les baskets de LeBron James ou de Michael Jordan avec les pratiques douteuses de ces zonards.
Dans ces quartiers de Saint-Denis par exemple, que ce soit autour de la célèbre basilique où les rois de France se reposent pour l’éternité, ou dans le ghetto des Francs-Moisins, ni les policiers ni les sapeurs-pompiers n’ont la possibilité de faire leur travail de vigies sans qu’il y ait, chez eux, un pincement au cœur. C’est le royaume d’une monarchie qui ne dit pas son nom, celle de petits caïds et de gros pontes qui régissent une administration basée sur la vente de la drogue et de la protection de l’honneur des jeunes filles issues de certaines communautés.
Cette monarchie qui prospère à l’intérieur du territoire de la République n’a pas besoin des lois de cette dernière. Elle possède ses propres dogmes, sa propre constitution, ses observances et jusqu’à sa propre justice. Elle n’a pas besoin que l’on s’occupe de ses petites et de ses grandes affaires. Les bachaghas qui dirigent ces royaumes au nom de leurs propres majestés gèrent les cités HLM comme s’il s’agissait de leur bien propre. Il suffit de passer par là pour voir les guetteurs qu’on appelle des choufs, les gardiens des lieux saints et des districts sacrés.
Les barbus se sont accaparés non seulement l’économie locale mais aussi les territoires et les habitants qui peuplent ces territoires. Les finances de la cité tournent autour du trafic de drogue et personne n’a intérêt à piper mot. Les lois sont dictées par un parlement invisible qui réfute toute influence de l’extérieur. Et ce parlement s’est rendu maître du périmètre quelle que soit l’heure du jour et de la nuit. Le soir venu, les immeubles sont plongés dans une obscurité totale et les êtres sont enfoncés dans un obscurantisme moyenâgeux.
Ici, il ne subsiste aucun désir de République. Toute possibilité de promotion par le mérite est totalement inenvisageable. Rares sont les jeunes qui pensent à l’ENA ou à Sciences-Po ou l’école polytechnique. L’exemple à suivre est le caïd qui a pu se payer une voiture aussi puissante et aussi chère que la BMW X3 réglée en cash à près de 100.000 €. Le jeune qui rêve du caïdat a détruit la plus petite des appétences pour les valeurs communes qui font le vivre en République, la plus petite aspiration à escalader, les mains nues et sanguinolentes, les parois vertigineuses du talent et de la gloire de gravir les échelons professionnels, la plus minime fringale d’arriver à bon port par des moyens légaux…
Je n’ose même pas parler de perspectives d’avenir et d’identification avec de grands écrivains ou des professeurs d’universités, véritables soldats de la République une et indivisible. Tout est mis sous le boisseau. L’immédiateté est la seule projection possible. J’ai parlé de Saint-Denis et de sa basilique royale mais je peux tout autant parler de Sarcelles dans le val d’Oise, ou de Grigny dans l’Essonne où les voitures des gens honnêtes brûlent dans les rues dominées par les cow-boys de la cité de la Grande Borne. Je peux citer également Melun en Seine-et-Marne et même Trappes dans les Yvelines.
Voilà de charmantes villes fleuries, bucoliques à souhait, où les promenades nocturnes dans les parcs doivent être le nec le plus ultra. Il y a, à l’évidence, une véritable désintégration des tissus urbains. Nous n’avons plus affaire à des villes gérées par des municipalités mais à un archipel de cités de non-droit où les caïds imposent leur volonté aux maires et aux conseils municipaux.
Les partis sont gangrénés tant par les voyous que par les communautaristes à qui profite ce commerce florissant de la drogue. Il faut dépasser la citadelle du périphérique pour accéder aux banlieues abandonnées à la racaille et à la fripouille. Dans ces faubourgs, il y a énormément d’habitants qui gèrent la politique de l’évitement : une fois le travail terminé, ils rentrent directement chez eux en ayant le regard posé sur la porte d’entrée de l’immeuble HLM en s’interdisant de pivoter la tête à gauche ou à droite.
Dans ces lisières, la classe populaire s’est totalement paupérisée. Sont venus se greffer à ces anciens électeurs du Parti communiste, ceux du Rassemblement National et ceux qui ne savent pas ce qu’est un bulletin de vote. Et ceux qui n’attendent que les ordres de leurs parrains salafistes pour voter pour telle ou telle liste qui mettrait genoux à terre devant leurs exigences de plus en plus démesurées.
Ces besogneux et ces gueusards ont assisté au départ de leurs usines vers la Roumanie ou l’Extrême-Orient sans pouvoir s’y opposer – services publics démantelés, hôpitaux déplacés avec de moins en moins de soignants, écoles barricadées parce que les enseignants se font de plus en plus chahutés, une police qui s’interdit de pénétrer dans ces cloaques à pièges, débordée par une extrême violence, voilà la France du nouveau monde.
Il faut dire que l’ancien monde a été enterré par tous les gouvernements successifs qui n’ont jamais anticipé les évolutions de la société. La République a perdu de vastes territoires et c’est, visiblement, une dynamique que les responsables politiques ne maitrisent pas. Nous sommes passés d’un État structuré qui faisait office de nation à un conglomérat de tribus. Dans les cités, c’est un ramassis d’islamistes et de caïds (les deux peuvent être une même et seule entité) qui dirige toute une communauté qui ne sait plus vers qui se tourner.
Le moment est proche où les islamistes et la racaille annexeront totalement le biotope et ce sera des présides au cœur même du territoire national. Il convient de pressentir d’ores et déjà que nous sommes tout proches du moment de vérité si nous ne bougeons pas. Il faut absolument inverser la tendance et arrêter de penser communautés. Ceux qui sont au pouvoir garderont le pouvoir quels que soient les problèmes que les petites gens peuvent subir. Ce qui est important, c’est que la communauté qui dirige reste toujours la même ! Là est le secret de cette déconfiture.
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Vers une loi criminalisant le colonialisme ?
Envoyé Par plusieurs internautes
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C’est peut-être pour la première fois qu’un dossier lié à la mémoire sera au menu du Conseil des ministres. Dans son communiqué publié ce samedi, la présidence de la République a indiqué qu’un exposé ministériel lié à la mémoire nationale sera examiné au cours de ce conseil prévu ce dimanche.
On ignore pour l’heure la nature de ce dossier mais tout porte à croire qu’il s’agirait d’une éventuelle réactivation du projet de Loi sur la criminalisation du colonialisme, initié par un groupe de députés en 2009, mais mis sous le boisseau depuis.
En attendant ce que va révéler l’exposé, cette programmation n’a rien de fortuit : elle vient confirmer la décision des autorités de remettre sur la table le contentieux mémoriel qui empoisonne souvent les relations entre l’Algérie et son ancien colonisateur.
« La grandeur d’un État se voit lors de la célébration des pages glorieuses de son histoire, mais il est jugé à travers sa capacité à regarder en face les pages horribles de cette même histoire », a écrit le 08 Mai dernier dans un tweet, lourd de sens, le président Abdelmadjid Tebboune.
Message de Tebboune
Publié le jour de la célébration de l’anniversaire des massacres du 8 mai 1945, le texte invitait implicitement les autorités françaises à reconnaître et à assumer les crimes commis durant la colonisation.
La veille dans un message à la Nation, Abdelmadjid Tebboune a estimé que ces évènements tragiques « ont mis à nu définitivement le véritable visage de la colonisation française qui a exterminé, détruit, brûlé, exilé, violé… et tenté d’occulter la personnalité nationale et de semer les germes de la discorde et de la division ».
«La répression sanglante et sauvage de la colonisation abjecte demeurera une marque d’infamie collée au front du colonisateur qui a commis, 132 années durant, des crimes imprescriptibles à l’encontre de notre peuple malgré les multiples tentatives de les effacer car le nombre de victimes a dépassé cinq (5) millions et demi de personnes tous âges confondus, soit plus de la moitié des habitants de l’Algérie sous l’occupation coloniale », avait-il ajouté.
Tensions entre Alger et Paris
Le discours pouvait paraitre de circonstance, mais il semblait déjà indiquer un début de tension entre Alger et Paris et dont les prémisses étaient perceptibles quelque semaines plutôt lorsque l’ambassadeur de France à Alger avait été convoqué après la diffusion par une chaine de télé de propos critiquant la gestion par les autorités algériennes de la crise du Covid 19.
« L’ambassadeur de France en Algérie a été convoqué, ce jour, 31 mars 2020, par M. le ministre des Affaires étrangères, qui lui a fait part des vives protestations de l’Algérie suite aux propos mensongers, haineux et diffamatoires à l’égard de l’Algérie et de ses autorités tenus, tout récemment, sur un plateau d’une chaîne de télévision publique française », avait indiqué un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
« Tout en demandant à l’ambassadeur de France en Algérie de porter ces protestations aux plus hautes autorités de son pays, le ministre des Affaires étrangères a déploré que cette chaîne persiste dans son dénigrement systématique de l’Algérie au moment où tous les efforts doivent converger vers la lutte contre la pandémie du Covid-19 », avait ajouté le texte.
Sans donner suite à ces protestations officielles, la France s’est abrité derrière le principe de la liberté dont jouissent ses médias.
Il y a quelques jours, ce sont deux émissions diffusées simultanément par deux chaines de télévisions sur le « Hirak » qui de nouveau suscitent le courroux d’Alger qui décide de rappeler son ambassadeur, une première depuis 1995.
« Le caractère récurrent de programmes diffusés par des chaines de télévision publiques françaises, dont les derniers en date sur France 5 et la Chaine Parlementaire, le 26 mai 2020, en apparence spontanés et sous le prétexte de la liberté d’expression, sont en fait des attaques contre le peuple Algérien et ses institutions?; dont l’ANP et sa composante, la digne héritière de l’Armée de Libération Nationale (ALN) », a estimé le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué, dissimulant difficilement l’agacement.
Y a-t-il un lien entre cette escalade et la remise sur la table du contentieux mémoriel ? Possible. Il faut dire que depuis la déclaration du président Macron à Alger en 2017 qualifiant le colonialisme de crime contre l’humanité, les dossiers liés à la mémoire, dont la restitution promise des crânes des martyrs, sont restés au point mort.
D’où peut-être la volonté des autorités algériennes d’avoir une explication avec l’ancienne puissance coloniale. « Cette fois, une explication franche est nécessaire pour préserver les intérêts de chacun des deux pays. Le reset se fera à cette condition », a expliqué à TSA une source proche du dossier.
Mais au regard du contexte prévalant dans les deux pays, il n’est pas exclu que d’autres enjeux y soient liés.
Ryad Hamadi —31 Mai 2020
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https://www.asafrance.fr/item/apres-la-premiere-bataille.html
Babel en France
Libre opinion du général (2s) Bernard MESSANA
https://www.asafrance.fr/archives/resultats-de-recherche-archives/item/libre-opinion-du-general-2s-beranrd-messana-babel-en-france.html
C'est une vidéo découverte un peu par hasard sur une " Toile " où elles pullulent. Son titre m'a attiré : Les nouveaux jeunes Français, et je l'ai visionnée une fois, puis deux, et plus encore… Deux minutes 15 secondes, ce n'est pas très long. Et depuis, je ne cesse d'y penser.
On y voit une vingtaine de jeunes " ados ", Noirs ou d'origine maghrébine, bavards et souriants, rassemblés dans une salle de classe. Face à eux trois adultes, peut-être des enseignants, posent des questions simples, sans pièges, sans ambiguïté : " Qui est Français dans le groupe ? " Tous le sont, les mains se lèvent. " Qui se sent Français ? " Murmure gêné, embarras, les mains se font hésitantes, retombent … Tous Français et personne ne se sent Français ! Si, moi, dit une jeune Noire ; je suis " Blanche dans ma tête ".
Est-ce donc ça être Français ? Je ne sais pas. Un jeune Noir, embarrassé, avoue son incapacité à se définir. " Mais tu es quoi, au fond ? " Silence, et puis lourde, presque accablée, tombe la réponse : " Noir ". Un autre va expliquer qu'on peut avoir la nationalité française mais ne pas l'être, car le vrai Français est un " blond aux yeux bleus ". Une jeune Maghrébine dira qu'elle ne se sent pas Française car chez elle, on ne parle qu'arabe. Point. On la sent perdue, égarée. Un jeune Maghrébin plein d'assurance déclare lui, qu'il ne se sent qu'Algérien. " C'est quoi, être Algérien ? ". " C'est avoir des parents algériens ".
J'ai là tout dit, ou presque. Qu'en retenir ? La couleur " de la tête ", la couleur " dans la tête ", et le primat des origines et du milieu ? Assurément. Mais si je ne cesse de penser à ces jeunes, c'est parce qu'une autre histoire est depuis longtemps gravée dans ma mémoire :
Sitôt conquis et pacifiés les territoires de l'Algérie après 1830, et à l'appel d'une France qui avait besoin de " bras ", beaucoup d'Italiens, de Maltais, d'Espagnols se sont levés. Eux fuyaient la misère, parfois la " malavita ", et leur fuite était rupture volontaire avec leurs origines. Devenus petits paysans dont les fermes plus tard brûleront, ouvriers du bâtiment, cantonniers, tailleurs de pierres, ils ont contribué à bâtir une Algérie française qui leur offrait ses espaces à défricher, à modeler. Ils le faisaient avec d'autant plus d'ardeur et de talent que c'était là aussi exprimer leur gratitude envers ces " Gaulois " qui les avaient acceptés dans leurs " petites huttes " ; il est vrai qu'ils avaient dû bien sûr courber un peu la tête pour y entrer. Cette gratitude, ils la transmettaient alors avec rigueur à leurs enfants nés sur cette nouvelle terre, et donc Français par droit du sol. Ceux-là, à l'école républicaine, apprenaient que la France, c'était la grandeur, le talent, les Lumières, et qu'être Français était une grâce, un privilège ; il fallait le mériter, en être digne. Beaucoup s'acharneront d'ailleurs à le prouver à Cassino, jusqu'à Berchtesgaden et, plus tard, en Indochine. Quant à leurs enfants, la deuxième génération, eux seront alors structurellement Français, Français jusqu'à la moelle.
C'est ainsi par exemple que lorsque la Nation hésite, se divise, se déchire, et que le Français en colère redevient Basque, ou Breton, ou Corse, eux restent Français, uniquement Français.
Alors pourquoi pas le ou la Noire, le Maghrébin ou la Maghrébine ?
Parce que des apprentis sorciers ont totalement faussé le jeu. Un jeu où aux côtés de ces émigrés, essentiellement européens, qui, en Algérie mais aussi en Métropole, répudiaient leur nation d'origine et aspiraient à devenir Français à part entière, figuraient aussi des travailleurs temporaires. Ceux-là, depuis nos colonies, venaient simplement gagner en France de quoi faire vivre leur famille, leur village, leur douar. Ils venaient seuls, travaillaient, puis retournaient chez eux, remplacés aussitôt par un frère, un cousin. C'était le temps de la " noria ". Dignes, en costumes gris un peu fripés, le dimanche aux terrasses des bars, ces travailleurs disaient leur respect pour la France qui les nourrissait. Aujourd'hui, on voit toujours, le dimanche, des travailleurs aux terrasses des cafés maures de nos cités ; ils portent la djellaba et égrènent un chapelet à gros grains. Pour eux, la France a avoué tout le mal qu'elle leur a fait. Elle doit payer.
Payer quoi ? Les méfaits de la colonisation. N'ont-ils pas été assimilés, par notre Président, à des " actes de barbarie ", à un " crime contre l'humanité " ? Dès lors, toujours présents sur notre sol, les descendants de ceux à qui nous avons imposé le joug colonial sont en droit de s'interroger. Et de réagir. Parmi eux, les plus anciens, très majoritaires, fils et filles de ceux qui ont fui l'Algérie indépendante, comme nos harkis échappés aux massacres, ou bien d'autres fuyant les insuffisances et faillites du nouveau régime algérien. Leurs enfants, journalistes, politiciens, entrepreneurs, écrivains, etc. sont aujourd'hui largement intégrés. Comment ne pas noter, par exemple, alors que sévit chez nous une pandémie, le nombre et l'engagement de médecins et soignants aux noms à consonance maghrébine ? Mais il y a aussi les autres, minoritaires mais nombreux, qui ont échoué, main d'œuvre à bas coût entassée dans des banlieues désertées par les Français de souche, et devenues zones dites de " non-droit ". Ceux-là ont reçu la décision du " rapprochement familial " de 1976 comme l'aubaine leur permettant désormais de vivre d' " allocs ", et des trafics divers auxquels se livrent leurs enfants qui, de plus, nés en France, ont vocation, par " droit du sol ", à devenir Français Ils le deviennent ainsi, de fait, sans l'avoir voulu, sans l'avoir désiré. C'est cette troisième génération qui, en 2005, va enflammer nos cités, par une révolte noyée par le pouvoir sous une pluie de crédits vite détournés par les intermédiaires et les gangs islamo-mafieux.
La quatrième génération est là, sous nos yeux, dans cette salle de classe que je décrivais. On la sent indécise, perdue, hésitante, et navrée, et l'on devine alors, sous cette tristesse qui pourrait devenir désespoir, une sorte d'appel à l'aide. Alors j'ai pensé irrésistiblement que le plus humble de mes anciens caporaux (Il est vrai que les miens étaient tous exceptionnels.), face à ces jeunes désorientés, aurait d'instinct trouvé les mots simples et vrais qui rassurent, répondent, mobilisent. Comme autrefois les hussards noirs de la République savaient dire le juste, le vrai, savaient dicter la Loi et convaincre de ses bienfaits, savaient former des " citoyens ", au service de la Cité France. Non, le Français n'est pas blond aux yeux bleus ! Et la France écrivait Michelet, s'est faite " races sur races, peuples sur peuples " ! Si des parents étrangers préfèrent entretenir chez leurs enfants la dévotion à un État étranger, qu'ils soient donc raccompagnés à nos frontières ! S'ils ne parlent qu'arabe, inscrivons-les d'office à des cours de français ! Le jeune Noir qui ne se sent que " Noir " le croira-t-il encore lorsqu'au sein d'un nouveau Service national vibrant et engagé il aura partagé épreuves et aventures avec ces " Blancs " qui deviendront ses amis, et peut-être plus tard ses " frères d'armes " ? " Il est évident que les Français ne sont plus les Gaulois ", écrivait encore Michelet, et la France s'est faite de mélanges s'achevant par " le mystère de l'existence propre ".
La France c'est Babel, la vraie Babel de la Genèse où " tout le monde se servait d'une même langue et des mêmes mots ", au point de vouloir, tous ensemble, " bâtir une tour dont le sommet perce les cieux ". En ce temps-là, Yahvé ne l'avait pas voulu. Certains illuminés y verront sans doute, aujourd'hui, la volonté d'Allah. Laissant les dieux à leurs fantaisies, nos élus devraient, alors que la pandémie déchire le rideau de leurs menus calculs politiciens, et de leurs insatiables appétits, s'attacher à reconstruire Babel en France, sans qu'il soit nécessaire de percer les cieux. Retrouver le mystère de " l'existence propre ", comme cette jeune Noire, " Blanche dans sa tête ", redécouvrant en fait le mystère du Cantique des cantiques, " Nigra sum, sed formosa ", (" Je suis Noire mais je suis belle ").
Samedi 02 mai 2020
Bernard MESSANA
Officier général (2s)
Source photo : La Tour de Babel, Van Valckenborch, 1594, musée du Louvres
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:La_Tour_de_Babel,_Van_Valckenborch,_1594.jpg
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LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS
Par J.C. Stella et J.P. Bartolini
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Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens d'ajouter Petit, Clauzel, Gelât Bou Sba, Héliopolis, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.
De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.
Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Duvivier, Duzerville, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Penthièvre, Randon, Kellermann et Millesimo, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :
Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :
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NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers
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Déconfinement à Annaba
Envoyé par Pierre
https://www.liberte-algerie.com/est/la-reprise-des-transports-pose-probleme-340403
Par Liberté Algérie - par A. ALLIA le 17-06-2020
La reprise des transports pose problème
La reprise des transports en commun et des taxis, à Annaba, hier, aura été plutôt compliquée, en raison de l’inobservation des mesures de prévention contre la pandémie de Covid-19 par un grand nombre de citoyens, a-t-on pu constater. L’empressement des habitants à emprunter les 39 bus mobilisés par l’Entreprise de transport urbain et suburbain de Annaba (Etusa) a, en effet, causé bien des soucis aux chauffeurs et aux receveurs, qui ont eu beaucoup de mal à faire respecter les consignes, se plaignent ces derniers.
“Nous avons comme instruction de limiter à 25 le nombre de personnes à l’intérieur de nos bus, et cela a été très difficile à faire admettre à la population qui était attroupée à chaque arrêt”, explique cet agent de l’Etusa, en rappelant que les usagers qui ne portaient pas de masque étaient systématiquement interdits d’accès aux navettes.
Cela a causé quelques frictions avec des personnes indisciplinées, qui voulaient provoquer des esclandres, ajoute notre interlocuteur, en précisant que ces scènes ont eu lieu aux arrêts de bus qui longent le boulevard principal de la plaine Ouest. Les taxis collectifs, qui étaient le moyen le plus utilisé par le passé dans la ville côtière, notamment par les habitants des cités périphériques, en raison des tarifs pratiqués, n’ont, par contre, pas été sollicités hier.
Cela est dû à l’obligation qui a été faite à ces derniers par la Direction des transports de ne prendre qu’un seul passager à bord de leur véhicule en s’assurant que la personne transportée respecte les règles sanitaires d’usage. Un chauffeur de taxi que nous avons interrogé explique à son tour que ces mesures drastiques découragent la clientèle, qui s’est réduite comme une peau de chagrin. “Le citoyen résidant au niveau de l’une ou l’autre des cités périphériques n’a pas toujours les moyens de se payer une course de 150, voire 200 DA pour se rendre en ville.
C’est quasi impossible pour le plus grand nombre”, notera-t-il. Et d’estimer que l’exigence par la wilaya de fixer une séparation en plexiglas entre la partie avant et l’arrière du taxi est très contraignante pour la corporation qui a chômé pendant plus de trois mois. “Nous avons demandé à l’administration de prendre en charge une partie des frais d’achat et de montage des plaques de protection, en espérant que notre demande aboutira”, conclut ce chauffeur.
A. Allia
Un chantier de parc de loisirs assailli à deux reprises à Annaba
Envoyé par Julie
https://www.elwatan.com/regions/est/annaba/lannulation-du-projet-provoque-des-remous-16-06-2020
Le Quotidien l Par M Mohamed Fawzi Gaidi - 16 juin 2020
L’annulation du projet provoque des remous
Un important chantier d’investissement (Parc de loisirs écologique), acquis dans le cadre du Calpiref, dans la localité de Guirech (commune de Berrahal) a été assailli, dernièrement, par une bande de malfaiteurs.
Ils se sont accaparés d’une assiette de près d’un hectare faisant le prolongement de ce chantier. En toute impunité, ils l’ont même clôturée mettant les autorités sécuritaires et judiciaires devant le fait accompli.
Même si la direction des forêts a déposé une plainte tout autant que le propriétaire du chantier, le wali a décidé de l’annulation de ce projet. Il s’est basé sur un rapport d’un «inspecteur» dépêché depuis Alger, au grand bonheur des assaillants, privant toute une population qui vit dans l’ombre depuis l’indépendance.
Ce rapport fait état de «réserves », dont la présence d’une piscine, réclamée par les habitants.
Au lieu de sommer le propriétaire de se conformer à la réglementation, il aurait tout simplement décidé de l’annulation de ce projet.
Par cet acte radical, le wali d’Annaba ne savait pas qu’il a renforcé la main basse d’un parrain dont les assaillants, issus des bidonvilles limitrophes, lui obéissent au doigt. «Ayant une administration acquise à ses désirs, il a actionné ses relais tel qu’il a induit en erreur le wali d’Annaba.
En effet, il peut facilement vérifier que celui qui est derrière cette machinerie est lui-même en porte à faux avec l’administration fiscale», s’insurgent les habitants de Berrahal. Équitablement, comme il a fait appel à un inspecteur depuis Alger, il pourrait, en effet, faire de même pour dépêcher une enquête sécuritaire indépendante et vérifier la «sainteté» de celui qui tire les ficelles.
Pour preuve, cette victime qui ne trouve pas d’oreilles attentives à ses doléances n’est pas à sa première mésaventure. Il y a quelques mois, elle a subi la même attaque, aggravée par l’agression des travailleurs à mains armées.
Depuis, aucun parmi eux n’a été inquiété. Impuissant, l’investisseur fait appel à la justice du Président pour venir à son aide à l’effet de mettre fin à cette injustice. Sommes-nous dans un État de droit ou dans une jungle ? s’interroge-t-on.
Entre temps, le malheureux opérateur qui a déposé une plainte, sans suite depuis, compte ses dommages.
Pour rappel, cet investissement, «Forêt Ouichaoua », est un espace de loisirs et de détente, implanté sur une superficie de 17 hectares, aux abords de la RN 44. Récréative, cette forêt est composée de plusieurs infrastructures écologiques.
Un projet de plus de 400 millions de dinars qui va générer plus de 200 postes d’emploi au grand bonheur des jeunes chômeurs de cette région. Le taux d’avancement des travaux est actuellement estimé à 70%.
Mais la mafia a voulu autrement, assistée indirectement par une administration manipulée.
Ainsi, le principe de la protection des biens et des personnes semble être sérieusement menacé dans la wilaya d’Annaba.
Mohamed Fawzi Gaidi
Il dénonce l’insécurité au CHU de Annaba
Envoyé par Romane
https://www.elwatan.com/regions/est/annaba/il-denonce-linsecurite-au-chu-de-annaba-le-personnel-medical-du-centre-covid-19-proteste-14-06-2020
Le Quotidien l Par M Mohamed Fawzi Gaidi - 14 juin 2020
Le personnel médical du centre Covid-19 proteste
Le personnel médical exerçant au niveau du centre de référence du Covid-19 au service infectiologie de l’hôpital Dorban, relevant du centre hospitalo-universitaire (CHU) de Annaba, a observé, jeudi, une journée de protestation.
Par cette action, il veut exprimer sa colère suite aux agressions successives – verbales et physiques, subies régulièrement par l’équipe des maladies infectieuses du centre Covid-19 de Annaba.
Les auteurs sont des patients et leurs parents. «Nous sommes épuisés. Nous travaillons sans aucune sécurité. Les éléments de l’équipe médicale et paramédicale se font agresser de nuit comme de jour, sous le regard de l’administration qui, au lieu de venir en notre aide, demeure totalement indifférente.
Pis encore, nous subissons souvent l’humiliation par des consultants et des patients hospitalisés, en particulier lors des visites nocturnes, durant lesquelles, l’équipe du service de l’infectieux est totalement sans protection», se plaignent les protestataires.
Egalement confrontée aux mêmes problèmes d’insécurité, l’équipe médicale et paramédicale du service des urgences médicales, situé avant l’entrée de l’hôpital Ibn Sina (CHU de Annaba) a de sont côté emboîté le pas à leurs collègues du centre Covid-19 de Dorban en observant la même journée une action similaire.
Ils dénoncent aussi l’insécurité à laquelle font face quotidiennement, notamment par les accompagnateurs des malades. «Il faut savoir que nous sommes en première ligne face au coronavirus. Au lieu d’être considérés et respectés, nous avons chaque jour rendez-vous avec l’humiliation et parfois avec l’agression physique. Nous ne savons plus à qui se plaindre pour assurer notre protection.
Nous sommes ici pour soigner les malades pas pour être agressés et humiliés», tonitruent plusieurs médecins et paramédicaux parmi les contestataires.
Ainsi, les premiers comme les seconds en appellent au directeur général du CHU de Annaba et au directeur de la santé à l’effet de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des médecins et infirmiers, notamment l’équipe médicale et paramédicale du service des maladies infectieuses hôpital Dr Dorban CHU de Annaba où on reçoit les malades atteints de la Covid-19. «Nous lançons un appel aux malades et leurs proches pour une réelle prise de conscience citoyenne dans l’intérêt de tout le monde, ce qui nous permettra d’accomplir notre délicate mission de les soigner dans des meilleures conditions», conclut l’une des médecins du centre Covid-19 de Annaba.
Mohamed Fawzi Gaidi
Une production de plus de 2 millions de quintaux de céréales attendue
Envoyé par Martin
https://www.liberte-algerie.com/est/une-production-de-plus-de-2-millions-de-quintaux-de-cereales-attendue-340815
Liberté Algérie - Par M. A. Allia - 24/06/2020
Souk Ahras
En marge de la cérémonie d’ouverture de la campagne de moissons-battages 2020, qui a eu lieu, samedi à la ferme Keraza de Saf El-Ouiden, le directeur des services agricoles de la wilaya de Souk Ahras, Sid-Ahmed Chebah, a affirmé que la production attendue cette saison sera de l’ordre de 1,2 million de quintaux de blé dur, 535 800 q de blé tendre, 570 560 q d'orge et de 5310 q d'avoine. “Au volet préparatifs de la collecte de la production prévue, 23 moissonneuses-batteuses ont été mises à disposition par la Coopérative des céréales et légumes secs, qui viennent s’ajouter aux 510 machines appartenant aux exploitants agricoles de la région”, a assuré M. Chebah. Cela en signalant que quelque 180 000 sacs de différentes contenances ont été répartis entre les différents points de ramassage.
Affirmant que toutes les conditions matérielles sont réunies pour la réussite de cette opération, ce responsable a indiqué au wali de Souk Ahras et aux membres de la délégation que cette opération concerne une surface agricole globale de 162 345 ha à travers la wilaya, dont 90 000 ha de blé dur, 35 720 ha de blé tendre, 35 660 ha d'orge et 295 ha d’avoine, avec un taux de production de 15 q/ha. S’agissant du transport, la même source a fait savoir qu’un accord de location a été conclu cette saison entre la CCLS et l’Entreprise de transport agricole pour la mobilisation de 20 camions durant toute la campagne.
Et de rappeler que les capacités de stockage de la coopérative sont de l’ordre d’un million de quintaux, en plus de celles des 16 points de stockage, dont 8 non couverts répartis dans plusieurs communes de la wilaya. Intervenant à son tour, le wali de Souk Ahras a qualifié de “très appréciable” la production attendue cette année, au regard de toutes les mesures prises. Il a notamment souligné les mesures prises par l'État pour soutenir le secteur agricole dans cette wilaya agricole par excellence, avant d’inviter les différents acteurs à coordonner leurs efforts pour relancer le secteur dans la région.
A. Allia
Je veux partir seul au paradis !
Envoyé par Bernard
https://www.liberte-algerie.com/culture/je-veux-partir-seul-au-paradis-339203
Liberté-Algérie - Par Amin ZAOUI le 28-05-2020
…SOUFFLES…SOUFFLES…SOUFFLES…
Vous êtes tous des impies. Donc, je veux partir seul au paradis. Tout seul ! Occuper seul tout le paradis. Aucun chat avec moi. Ce monde appelé selon la rhétorique géopolitique la “terre d’islam”. Ce monde commence je ne sais où et ne s’arrête que dans les têtes bouillantes de quelques-uns. Dans ce monde qui se termine je ne sais pas où, une grande question me taraude l’esprit : pourquoi dans ce monde dit “terre d’islam” chacun veut partir au paradis, mais seul, sans les autres ? Chacun souhaite occuper le paradis tout seul, comme accaparer un lot de terrain communal ! Chacun veut planter sa tente, seul, au paradis ! Tout le monde est musulman, dans cette “terre d’islam”. Mais tout le monde n’est pas musulman aux yeux des autres musulmans ! Tout le monde veut partir au paradis, mais tout le monde ne veut pas que l’autre “tout le monde” parte au paradis ! Et pourtant, dans ce monde, le salafiste est musulman.
Le communiste est musulman. Le voisin est musulman. Le daech est musulman. Le soufi est musulman. L’athée est musulman. Le frère musulman est musulman. Le syndicaliste est musulman. Le corrompu est musulman. Le corrupteur est musulman. L’association des zaouïas est musulmane. L’association des ulémas est musulmane. Le barman est musulman. L’imam est musulman. La prostituée est musulmane. L’école est musulmane. La mosquée est musulmane. Le nom de la rue est musulman. Le chahid est musulman. Le moudjahid est musulman. Le harki est musulman. Le djoundi est musulman. Le général est musulman. La Constitution est musulmane. Le Parlement est musulman.
Le Sénat est musulman. Le prisonnier est musulman. Le geôlier est musulman. La banque est musulmane. Le voleur est musulman. Le muezzin est musulman. Le prieur est musulman. Le taxieur est musulman. Le passager est musulman. Le jeûneur est musulman. Le déjeûneur est musulman. Le parti est musulman. Le RND est musulman. Le FLN est musulman. Le MSP est musulman. La langue arabe est musulmane. L’art plastique est musulman. Le poète est musulman. Le Coran en tamazight est musulman. Le chanteur est musulman. Le vestimentaire est musulman. Le PT est musulman. L’UGTA est musulmane. Le libéral est musulman. Le socialiste est musulman. Le pilote est musulman. Le pied-nu est musulman.
Le paysan est musulman. L’hôpital est musulman. La clinique est musulmane. Le médecin est musulman. Le figuier de barbarie est musulman. L’infirmière est musulmane. L’ambulance est musulmane. Le lait est musulman. L’insuline est musulmane. Le shampooing est musulman. Hamoud-Boualem est musulmane. Le drapeau est musulman. L’hymne national est musulman. La réunion est musulmane. Les mathématiques sont musulmanes. La télévision de l’État est musulmane. La télévision privée est musulmane. L’APS est musulmane. Le journaliste est musulman. L’article est musulman. Les frites sont musulmanes. Le journal est musulman. Le JT est musulman. Hamdullah, tout est musulman ! Et le tout n’est pas musulman ! Comment ? Le musulman dit au musulman : vous n’êtes pas musulman ! Celui qui est considéré comme non-musulman répond à celui qui se voit musulman : vous n’êtes pas musulman ! Mais si tout ce monde est musulman, les personnes, les rues, la langue et les choses, donc, ils sont où ces non-musulmans ? Si tout ce monde n’est pas musulman, pourquoi tout le monde se dit qu’il est musulman ?
Si tout ce monde n’est pas musulman, ils sont où les musulmans ? Ou bien tout simplement, c’est cela le musulman et c’est cela le non-musulman ? Ou, peut-être, l’islam existe sans les musulmans. Ou les musulmans vivent depuis quinze siècles sans l’islam ! Ou bien le “musulman” musulman n’est pas encore arrivé sur la “terre d’islam”, du moins chez nous, après quinze siècles d’histoire de l’islam dans la terre d’islam sans les musulmans ! C’est pourquoi chacun, dans cette terre d’islam, veut partir et seul, aucun chat avec lui, au paradis créé et promis par Allah de l’islam ? Nous sommes une société d’égoïstes, et pour cela nous ne sommes pas arrivés à gérer une mairie, ni construire un pays, ni fonder une nation !
A. Z.
aminzaoui@yahoo.fr
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Bahaudin et le vagabond
Envoyé Par Fabien
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Bahaudin El-Shah, grand maître des derviches nagshbandis, rencontra un jour un kalandar errant sur la grand-place de Boukhara. Ce kalandar suivait la Voie malamati (la Voie du Blâme).
« D'où viens-tu ? lui demanda Bahaudin, selon l’expression soufie consacrée.
— Je n’en ai pas la moindre idée », fit l’autre avec un grand sourire idiot.
Certains des disciples qui accompagnaient Bahaudin, jugeant l'attitude du vagabond peu respectueuse, firent entendre un murmure désapprobateur.
« Où vas-tu ? insista Bahaudin.
— Je ne sais pas ! » cria le derviche.
Les passants commencèrent à se rassembler.
« Qu'est-ce que le bien ?
— Je ne sais pas.
— Qu'est-ce que le mal ?
— Je n’en ai aucune idée.
— Sais-tu ce qui est juste ?
— Tout ce qui est bon pour moi.
— Sais-tu ce qui est injuste ?
— Tout ce qui est mauvais pour moi. »
La foule, exaspérée par ces manières, chassa le derviche, qui s’éloigna à grands pas, l’air résolu, dans une direction qui ne menait manifestement nulle part.
« Imbéciles ! dit Bahaudin Naqshband. Ce derviche joue le rôle de l'homme. Pendant que vous étiez là à le couvrir de votre mépris, il vous faisait, de propos délibéré, une démonstration de l’inconscience et de l'inattention dont vous faites preuve chaque jour de votre vie. »
Contes Soufis - Idries Shah
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Notre liberté de penser, de diffuser et d’informer est grandement menacée, et c’est pourquoi je suis obligé de suivre l’exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d’information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d’expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
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