N° 247
Mars

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Mars 2024
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO

LE JEÛNE ET L’AUMONE !

        Chers Amies, Chers Amis,

        Ah, le joli mois de mars, car le printemps prends son envol en mars. Nous voilà au mois de mars. Que retenir de ce mois qui débute par des bourgeons, trop tôt éclos ces temps-ci, puis par une journée fanée comme celle du 8 mars, car c’est la Journée de la femme. Des femmes se demanderont, quel anniversaire ?
        Il paraît que c’est aussi le mois de l’Egalité Homme-Femme ! Allons bon !
        Dans les Pyrénées Orientales, plus touchés que toute la France, par une sécheresse exceptionnelle qui continue de s’abattre en ce début d’année (et plus de 2 ans déjà) et que les réserves sont au plus bas, on doit s’en inquiéter. Depuis des mois déjà, les tensions montent sur le terrain entre les agriculteurs et les défenseurs de l’environnement notamment comme on le voit dans certains endroits du pays. Alors que certains villages manquent déjà d’eau potable. Le partage de cette ressource vitale est au cœur des enjeux et de la colère de part et d’autre. La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ?
        Aurons-nous droit à un nouvel impôt sécheresse ?
        Nous sommes en plein Carême, doit-on faire le carême de l’eau ?
        Dans certains pays, des processions et prières sont faites pour faire pleuvoir.
        St Augustin dit : « Veux-tu que la prière vole à Dieu ? Donne-lui deux ailes : le jeûne et l’aumône. »

        Un sujet d’actualité qui devient de plus en plus pressant, car tout le monde est concerné et pourrait être impacté : C’est la liberté d’expression.
        Cette liberté d’expression touche une chaîne de télévision qui respecte cette liberté. Des juges orientés, des associations, des politiques, en s’attaquant à cette chaîne d’info, s’attaquent aux citoyens. Cela s’appelle la dictature.
        Ces gens qui veulent imposer leur idéologie, leur doxa, utilisent un dicton qui s’est souvent avéré mortel : « qui veut noyer son chien l'accuse de la rage »

        Une pensée aux victimes du 26 mars 1962
        Bon mois de Mars à tous et toutes

Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
         A tchao.




HOMO SAPIENS....
Envoyé par M. Georges Barbara
HOMME...OH COMME ILS DISENT !
.             Josette une fille de la colonne est sur le palier de la porte d'entrée de son immeuble, rue du 14 Juillet avec sa tête des mauvais jours...Quand elle voit apparaître Ninette une voisine de la rue !

          JOSETTE: "Ninette bonjour ! T'ya fini ta vaiselle ? Où te vas ? Viens rentre un moment j'te fais un café ! T'ya bien cinq minutes non ? Viens rentre qu'on discute un peu !
          NINETTE: "Juste un moment alors, comme je dois préparer des pâtes pour ma mère.
          JOSETTE: " Arogards moi ça qu'j'ai dessur la table ce matin, j'ai pas assez de caguades en ce moment y faut aussi que Monsieur Exiga le facteur y me porte cette feuille des impots ! Avec ça que Cissou y me porte de la mer en ce moment, j'te dis pas. Si ce falso de Pantaloni y se croit qu'y va faire des " Champs Des Lysées" a'c le cours Bertagna y se met le doigt dans l'oeil jusqu'au fond de l'oreille, c'est moi que j'te le dis ! Et en plusque, ya six mois en montant les escaliers je me suis fellée la cheville et te crois toi, depuis a'c cette madone de fellation j'te dis pas. Je passe le martyr ma Fi. Et pourtant moi que je fais toujours entention quand je monte chez moi à cet escalier qu’y l'est cassé depuis à debon un an, et que ce cats de Monsieur Jamy le propriétaire a'c son cheval que lui aussi si ça continue y va se prendre pour TOMIX le chérif qui te joue dans les films des indiens. Et ben cuila il attache pas les chiens a'c les saucisses, avant qu'y t'envoie un maçon pour le réparer, à moi l'pompom ! Et même si tu lui envoies Monsieur Sarfaty le luissier, y te laissera crever ! Mais là alors cette fellation a'c ce gros bleu, c'est juste dessur moi que ça tombe. Y z'ont du me mettre les yeux secs toutes ces Poutanelles qui z'habitent dans ma maison. Elles sont pleines de jalousries à en crever. Assis toi belle que j'ai un monde de l'autre monde à t'raconter. Et si c'était que ça ...Te vas voir.
          Dis te prends deux pierres de sucre dans le café ? Ah trois...Et ben te dois avoir des bonnes analyses comme j'te 'ois ! Tant mieux ma Fi ! Et pis aussi par dessur le marché, j'ai un cors au pied tu sais et y me rovient tout le temps.... Si c'est pas malheureux. Pour une fois que Cissou y l'avait fait le large pour mon anniversaire en me faisant cadeau d'une belle paire de demi-talons, que je peux pas les porter. Je me souviendrais de mes 50 ans crois moi.. Alors Comme une Marie la Folle, je sors avec un soulier oui et un soulier non.... Que je suis obligée de me mettre une pantouffe !
          Pourtant je vais chez le pédaguogue à la maison d'santé chaque 15 jours. C'est que c'est important les pieds Ninette. Tu te vois sans les pieds ma Fi ? T'ya plus rien qui marche. Et cette Figua molle de Marie Caroline, te sais la Fi de Cyprie Gros Tétés quand je me suis pris de bec l'autre jour avec elle, et qu'elle m'a dit que j'etais bête comme mes pieds !
          Qu'elle Stroundze alors c'te fausse couche, mes pieds y sont moins bêtes qu'elle à tous les coups. . C'est ça les fantaisies d'la langue française de ceux la qu'y se disent d'la haute de Bône. Comme quand y disent Gai comme un Pinson ! Et ben de toi à moi et que ça reste entre nous Ninette mon fils Riri le deuxième si gentil le pauvre, et ben y l'a attrapé c'te maladie... il est Gai et y l'est pas Pinson pour un sous ! T'ya compris au moins "Il est HOMO" comme y disent.
          Entention Homo c'est pas comme avant qu'on disait "Jean la Fi, Medzafème, ou Holé Holé ! comme mon coiffeur. C'est devenu naturel métenan. Qui c'est qu'y n'en a pas dans sa famille. On te dis à la télé que c'est dans les gènes, d'ailleurs dans la langue on dit bien "HOMOGENE". Te sais Ninette même si toi te sais pas que t'ya pas beaucoup été à l'école, et que je dois t'espliquer longtemps, le promier homme y l'était" HOMOSAPIENS". Et aprés y l'a évolué en " HOMO-ERECTUS". Y l'a même fini "BIPEDE", deux fois PEDE ; moi tout ça je l'invente pas je l'ai lu dans le Petit Reveil Bonois rubrique " INTIMIDE". C'est vrai j'te le dis, mais quand j’l'ai appris d’la bouche de mon p’tit, y me semblait que le clocher de Sainte Anne y me tombait t'sur la tête, O Malheur Dieu en préserve.

          Alors un jour après la messe du dimanche pour pas t'la porter à la longue, te sais le p'tit ça qu'y m'a dit ?
          RIRI: " Voila manman, y faut que je t'avoue un truc, mais pour l'amour de dieu, agas te le prends pas mal, promets moi.... "J'AIME LES HOMMES"
          JOSETTE: -" Ecoute Riri, j'aurais jamais imaginé et là les yeux y me sont sont sortis des orbitres. C'est pas parceque te fais l'enfant de choeur les dimanches que tout d'un coup te vas nous faire curé ? Te sais les vocations tardives y faut bien refléchir avant, parceque là bas en haut, y n'acceptent pas tout le monde. Alors y me dit. ...
          RIRI: " Non...Non o man, si j'aime les hommes pieusement, je les aime amoureusement... Te 'ois la différence ? C'est comme Ninou le coiffeur de derrière le théâtre, le 'oisin de notre jardin t'sur la route de Bugeaud, ou le p'tit fils de François les bas bleus...
          JOSETTE: " A debon si j’t'écoute bien comme te dis, tout le quartier y va devenir HOMO.... et je lui ai dit ;..pas ton père non ? Te l'as pas dans ta liste au moins, Qua même ça je m'en serai aperçu.... Quoique a’c les hommes y faut bien faire entention y te font tout par derrière, ces Falsos !
          Bref j'ai encaissé, j'allais pas te faire la Marie la Folle non ? On en est restés là sans plus parler tell'ment que ça avait jeté un froid, te dis pa ! Et quelques mois aprés j'te le vois qu'y sort de sa chambre, habillé de toutes les couleurs ! Du rose t'yen veux du Rose toi ? T'yaurai dit un catalogue d'la Samaritaine ma parole. Enfin sa tenue a l'été disons un peu éspéciale. Moi je croyais qu'il allait faire Carnaval que c'était Mardi Grans et ben non ! Y m'a dit :
          RIRI: " Non, non je vais à Philiville t'sur la place Marchis. Ne t'inquiète je vais faire le défilé... Ya comment ça s'appelle ce défilé déjà...? Ah oui le défilé de la " Guèpe Raide" c'est ça !

          Alors tout d'un coup mon mari Cissou qu'il était dans la salle à manger, blanc comme le linge que tu laves avec Homo et qui l'a tout entendu, y lui dit :
          CISSOU: " Ecoutes Riri. Tu veux aller faire la guèpe à Philiville vas z'y. La porte a l'est grand'ouverte, mais entention.... J'te jure t'sur la vie d'ma mère que tu mets plus un pied à la maison. Ma maison c'est pas la ruche des mouches à miel te ‘ois ? Moi j'veux pas que quand j'descends dans le quartier, avoir la honte à la fugure t'ya compris ? Te t'en vas bon voyage, mais entention, je dis bien entention. N'oublies rien en partant parc'que moi je vais te changer la serrure ! Et si ta mère a fait semblant de pas comprendre, y risque d'arriver un mauvais temps d'un autre monde !

          NINETTE: " Aïman ma Fi, excuses-moi mais vous êtes dans une drôle de caguade !
          JOSETTE: " Comme te dis, mon fils là je peux dire qu'il a fait l'homme pour une fois ! Y te l'a pris au mot au vieux, et il est resté "HOMO". Avec tout ça te dis pas un mot toi Ninette. Te restes là ta bouche ouverte ! Te comprends au moins ?
          NINETTE: " Et la madone de toi ! Et oui que je comprends que si je me trouverais à ta place, par Sainte Anne je sortirai plus dans la Colonne. Y parait que normalement que ces trucs y z'arrivent dans les familles quand les mères a z'ont une forte personnalité ! Comme toi. Où les enfants y z'admirent trop la mère. C'est comme ça que ça leur vient le "fameux complesse du Type "
          JOSETTE: " Mais moi ça qui m'a étonné que ça m'arrive, que je suis une mère te sais, que j'ai horreur de me faire romarquer ! Ya un trou de souris, je me mets dedans de suite, et comme dans la maison les trous de souris y manquent pas alors..... Et pis te 'ois, j'i essayé de faire avec lui, d'la morale. Y m'a bien écouté. Mais comme je parle beaucoup c'est vrai, y ne m'a même pas repondu. J'ai eu beau de lui parler de son grand père qu’il adorait, coure derriere il n'en a pas placé une ! Et qu'estce que tu veux Ninette c'est mon fils. Aussinon, aprés je me suis dit : il a pris de sa mère dans le fond : "Il aime les hommes ! Les chiens y te font pas des chats. Hein ? Et métenan grace à Dieu y l'a trouvé une bonne place qu'y lui va comme un gant !
          NINETTE: " Ah bon pourquoi, y l'est plus serveur à Nice Plage chez Madame Salemme ?
          JOSETTE: -" Comment te le savais pas ? ça fait un moment déjà qu'y travaille à EDF que la devise c'est :
          """LES HOMMES QUI RELIENT LES HOMMES"""
Georges Barbara, janvier 2024


Il était autrefois,
Envoyé par Jean-Claude PUGLISI.
Un petit Rat et une Mouette.

"Qui se grise de rêverie
Est d'autant plus prêt
au délire
Qui prolonge son extase."
G. MEREDITH, Les Comédiens tragiques.

            S'il m'arrive parfois, de rêver les yeux grands ouverts et ainsi de m'imaginer, quelques bonnes et belles petites histoires - à raconter à la ronde = Intéressantes, toujours-tristes, parfois-amusantes, souvent.
            Voilà pourquoi ? Mon esprit sans cesse nostalgique, se permet de partir allègrement en balade au delà des mers, du côté de choses biens irréelles et imaginaires, pour se bâtir une drôle d'histoire, laquelle, comme toujours, va me ramener vers ces rivages de Barbarie qui me sont chers et où, il me plaît, de construire un scénario, bien “abracadabran”, qui, dès lors, continuera de me faire rêver.
            Je vais sans tarder un seul instant, venir vous parler à mi-mot, d'une petite histoire peu commune, mais, qui pourrait sembler être bien réelle. Cependant, en fermant doucement les yeux et en suivant son cours, je suis des plus certain, que, vous arriverez à vivre pleinement, ce que je vais maintenant vous raconter.
            Mon histoire, vous parlera = d'un petit Rat des champs et d'une belle petite Mouette, au joli plumage tout blanc.
            Il était autrefois, un beau village au bord de la mer ; c'était un lieu divin et tout rempli de soleil. Il s'étalait, sous la garde de deux vieux fortins et des clochers de son église. Mais, en plus vers l'ouest et à quelque bonne distance, s'étalait une belle et majestueuse chaine de montagnes, qui, venait fermer un large golfe, bordé par une longue et belle plage au sable immaculé. Cette chaine de montagnes, qu'on appelait “le BOULIF”, du nom arabe de "LIFA", qui, désigne, les longues feuilles d'un “Joumards”, sorte de petit palmier nain, qui poussait en abondance sur les pentes de ces lieux. Le Boulif par sa taille imposante, était autrefois le territoire de la tribu des Boulifa et les marins-pêcheurs locaux le surnomaient "le Montagnoun ( la grande montagne en Napolitain )". Il semblait par sa stature même, protéger des embruns le vaste golfe et la petite Cité portuaire, lesquels, en plein hiver, soufflaient toujours avec une très grande violence. Sur cette majestueuse montagne, poussaient en abondance, des sistes, bruyères, chênes liège et arbousiers. Sept sources, d'une eau merveilleusement pure et très fraiche, irriguaient abondamment les lieux, qui, restaient toujours resplendissants, par l'étendue d'une belle et abondante verdure.

            C'est dans ce beau décors champêtre, que, résidait, un petit Rat des champs du nom de Gaspard et bien qu'il ne manqua de rien pour assurer son ordinaire, il rêvait que d'une seule chose = aller visiter la belle cité, qu'il apercevait au loin et où, il avait très certainement de la famille, des connaissances et des amis. Gaspard, s'ennuyait fort, sous les grands arbres qui peuplaient la forêt et il se demandait comment ? pouvoir rejoindre ce lointain village, qui, lui paraissait pourtant si proche, mais, lequel, en réalité, paraissait inaccessible par les chemins de campagne, tant sa petite taille et ses courtes pattes, ne lui permettraient jamais d'y parvenir et surtout, sans compter, il faut le dire, toutes les mauvaises rencontres, qui pourraient surgir tout au long de sa route.
            De l'autre côté de la mer, tout là-bas, vivait une bande de Mouettes blanches, qui s'étaient établies dans les rochers du Lion, juste à l'entrée du port de la Cité. Elles passaient leur temps à survoler les lieux, se posant parfois au bord de la petite plage du village, puis, elles s'envolaient joyeusement, pour reprendre ensemble leur vagabondage où, tourmoyer de concert dans l'azur du ciel, en poussant des cris de joie. On pouvait remarquer parmi elles, une charmante petite Mouette blanche, qui, ne faisait que rêver, de s'échapper des cieux du village, pour aller voir un peu ailleurs, ce qui se passait au delà de la mer Elle avait pour prénom Marinette, ce qui lui allait comme un gant et il faut dire, qu'elle était très fière de s'appeler ainsi.

            Nous avons donc d'un côté, le petit Rat des champs, Gaspard, qui s'ennuyait et rêvait de partir au loin et de l'autre, Marinette, la belle petite Mouette blanche, qui, ne pensait qu'à s'envoler, pour partir vers le large et explorer les alentours.
            Un beau jour, Marinette prit son courage à deux mains, et s'envola pour sortit des limites de la Cité, en se dirigeant droit vers l'ouest. Au bout d'un moment, elle survola une jolie petite île, dont elle avait entendue dire qu'elle était maudite et pourtant, elle la trouva cependant bien mignonne et très calme. Puis, un vaste golfe lui apparu où, elle aperçue, quelques petits bateaux de pêche et elle continua à voler, en longeant la longue plage de l'Usine et son beau sable tout blanc peuplée de baigneurs, admirant au passage ce superbe rivage où, venaient se briser des vagues toutes blanches. Au bout d'un long moment, elle finit par aboutir au pieds de la montagne du Boulif côté vieux port où, fatiguée, elle décida de se poser sur l'un des rochers de la côte. Après un long moment où, elle fut enchantée de tout ce qui l'entourait, elle pensa qu'il lui fallait rentrer au bercail et fut ravie de sa longue balade, en se promettant ferme de revenir très souvent, en ces lieux si attirants et enchanteurs.

            Un beau jour, alors que le temps était bien maussade, Marinette entrepris de se rendre une fois de plus, sur les bords de ces belles montagnes, pour admirer le ressac de la mer sur les rochers et défier le vent qui venait du Nord-Ouest. Arrivée sur son rocher, elle se voyait toute heureuse de faire face aux éléments, qui gonflaient harmonieusement, ses belles plumes toutes blanches. Pendant ce temps sur les hauteurs, Gaspard, avait sorti prudemment la tête de son terrier et jetait un regard inquisiteur sur la côte rocheuse d'où, venaient sans discontinuer se briser les vagues. C'est alors, qu'il devait remarquer, campée fièrement sur un rocher, un bel oiseau blanc qui se pavanait fièrement et semblait faire fi des intempéries. Curieux, il observa longuement l'oiseau, en se demandant pensivement d'où, il pouvait bien venir et assista médusé un petit instant à son envol, lequel, après avoir tournoyé dans le ciel d'orage, prit la direction de l'est en direction de la petite Cité, qui, continuait toujours à le faire rêver. Elle doit donc être de là-bas ? devait-il penser un instant, puis, il rentra se mettre au chaud dans son trou, oubliant bien vite le bel oiseau.

            Le temps passa et l'hiver fut long et pénible, mais, enfin, le printemps devait bientôt revenir, en donnant à la nature son bel aspect verdoyant et libérer dans les airs, ce sublime parfum venu de mille fleurs. Le soleil avait de nouveau reconquis le ciel et toute la nature par ses doux rayons, qui venaient éclairer gaiment : campagnes, forêts et toute la côte baignée par la mer Méditerranée. Gaspard, qui, sortait à peine d'un sommeil hivernal, partit le coeur léger de son terrier, pour s'en aller vagabonder ça et là, sur ces lieux qui lui étaient depuis toujours familiers. Il était tout heureux, de pouvoir déambuler sous les arbres, dans les cistes et les bruyères. Ses petits pas, devaient l'amener alors sur un promontoire, qu'il avait toujours l'habitude de fréquenter et d'où, il pouvait voir la mer et au-delà dans le lointain, apercevoir la Cité qu'il voulait connaitre. C'est alors qu'il se rappela, la belle petite Mouette blanche, qui, était venue autrefois, pour se percher sur les rochers de la côte. Pensif, il se demanda un moment, ce qu'elle était depuis devenue, après l'hiver rigoureux des mois précédents.

            Songeur, il regagna sa tanière, en se promettant de revenir tous les jours, pour guetter depuis son observatoire, un éventuel retour de la petite Mouette blanche. Les jours passèrent, mais, aucunes ailes blanches, n'est apparues dans l'azur du ciel, puis, un beau jour ce fut le miracle, la jolie Mouette était de retour et vint se poser avec grâce sur son habituel rocher. Gaspard, qui, l'observait de loin, pensa un moment, se rapprocher discrètement de l'oiseau blanc, en essayant de ne faire aucuns bruits, de peur de l'effaroucher et c'est ce qu'il fit avec mille précautions. Il put alors admirer de plus prêt, son beau plumage blanc, sa jolie petite tête, ornée par de très beaux yeux d'un sublime bleu-azur. A présent, elle se dandinait doucement sur ses pattes, ce qui lui donnait un aspect plus que gracieux. Elle avait l'air très heureuse et semblait adorer cet endroit où, l'air était pur et serein, environné d'un calme absolu. Un moment, elle prit son envol et vira vers l'Est, après avoir tournoyé un long moment juste au dessus de Gaspard, qui, s'était fait tout petit, de peur d'être repéré par la petite Mouette. Mais, l'avait-elle seulement aperçu ? Gaspard n'en doutait pas, car, il avait toujours entendu dire, que, ces oiseaux de la mer, étaient affectés d'une vue exceptionnelle et que du plus haut des cieux, ils pouvaient apercevoir et repérer les bans de poissons, qui imprudemment s'aventuraient en surface. Il ne pensa pas un seul instant, qu'avec sa toute petite taille, il eut pu effrayer la blanche Mouette, alors, il s'en retourna chez-lui, satisfait de cette première rencontre et se promis de se rendre tous les jours sur les lieux, pour tenter de la voir toujours de plus près.

            Enhardi par cette première rencontre, Gaspard, devait s'approcher progréssivement du rocher où, perchait habituellement, le bel oiseau blanc à chacune de ses visites. Il s'arrangea pour demeurer le plus près possible, dans un discret petit coin de rocher où, pensait-il ? il pouvait l'observer à loisir. Puis, tous les jours, il se rendit régulièrement dans sa cachette, mais, hélas ! rien en vue à l'horizon, aucunes ailes blanches ne vinrent apparaitre dans les cieux. Alors, il attendit longtemps et patiemment la venue de l'oiseau marin, qui finit un beau jour par enfin arriver. Gaspard, jubilait et ne se sentait plus de joie, lorsqu'elle finit par se poser sur son habituel rocher. Gaspard tenta un instant, de sortir sa petite tête de son trou, pour admirer son beau plumage, mais, l'oiseau devait s'en apercevoir et battit des ailes comme s'il voulait s'enfuir. Mais, que pouvait-il ? ce petit Rat, lui faire de mal, elle, dont la taille, dépassait de très loin celle le petit rongeur. Elle pencha alors sa belle tête vers Gaspard et lui dit, dans un langage que devait comprendre le petit Rat =
            “Monsieur le petit Rat, qu'avez-vous ainsi à me regarder ?”
            et Gaspard de répondre rouge de confusion =
            “Vous êtes tellement belle et si jolie, Mademoiselle la Mouette, que je ne cesse de rêver à vous !”
            Elle répondit =
            “Merci ! mais, c'est bien la première fois, qu'on me fait pareil compliment !”

            Encouragé par cet échange, Gaspard devait enchainer, en lui demandant de pouvoir la rencontrer ? à chacune de ses escales sur le rocher. Elle réfléchit un moment, pour lui dire son acceptation, ce qui fit sauter de joie le petit Rat. Mais, il n'eut pas le temps de la remercier, car, l'oiseau avait repris son vol, pour tourner un bon moment au dessus de lui, comme si elle voulait lui dire au revoir et à bientôt.
            C'est tous les jours, que, Gaspard le petit Rat, venait s'installer sur le rocher des bords de mer, en espérant voir arriver la petite Mouette blanche, mais, comme elle se faisait rare, il passait tout son temps, à causer avec les habitants des lieux = les crabes, qui grimpaient sur le rocher et tous les poissons, qui passaient par là. Il se confiait volontiers à eux, qui l'écoutaient avec beaucoup d'attention et d'intérêt, en leur avouant ce qu'il désirait tant = aller voir de plus près la petite Cité, que l'on apercevait là-bas dans le lointain, mais, il en parlait, avec une telle émotion dans la voix, que tous tentèrent pour le rassurer, de lui donner leurs avis et parfois même, quelques très bons conseils. A présents, tous ce petit monde qui l'entourait, ne se doutait plus un seul instant, des doux sentiments de Gaspard, à l'endroit de Marinette la petit Mouette et son désir de partir là-bas avec elle. Mais, le temps qui court passait inlassablement et toutes les journées semblaient interminables à Gaspard et pas l'ombre d'une aile blanche à l'horizon. Bien heureusement, il restait avec tous ses amis, qui, chaque jour, venaient très gentiment l'entourer et lui tenir compagnie.

            Par un beau matin, alors que tous, s'étaient rassemblés autour de Gaspard et qu'ils devisaient sentencieusement, une grosse voix caverneuse et chevrotante, se fit entendre au milieu de la foule. C'était un bon vieux gros crabe, qui, semble-t-il ? avait enfin, trouvé la solution aux souhaits du petit Rat et lui lança d'une voix tonitruante =
            “Gaspard ! puisque, tu veux aller voir, du côté de la Cité que l'on aperçoit dans le lointain, demande-donc à Marinette, de t'emmener là-bas sur son plumage.”
            Un gros poisson qui était là, admit bruyamment l'idée du bon vieux crabe, en faisant des sauts gracieux au dessus des flots. C'est à ce moment, que toute l'assemblée se fit silencieuse, puis, petit à petit, chacun applaudit les propos du bon gros vieux crabe. Gaspard, resta un moment sidéré, mais, il trouva le conseil très judicieux, en se plaignant de ne plus revoir Marinette. “Elle reviendra bien un de ces jours” entonnèrent tous ceux qui l'entourait. En cette fin d'après-midi, c'est bien songeur, que Gaspard rentra dans son terrier où, la nuit lui réserva de doux et magnifiques rêves.

            Dans les jours qui suivirent, Gaspard ne cessa pas un seul instant de regarder le ciel, avec le fol espoir d'apercevoir la petite Mouette. Toujours entouré de ses amis, il se désolait et dans son for intérieur, il espérait toujours de la revoir, mais, sûrement, sans trop y croire. Il y avait tellement longtemps, qu'elle n'était plus revenue, que, le pauvre petit Rat, ne savait plus à quel Saint se vouer. Mais en cette fin de matinée, un long cri de joie émergea de toute l'assemblée et Gaspard leva les yeux vers le ciel où, il put enfin voir des ailes blanches qui se dirigeaient vers le rocher. Elle se posa d'un air très gracieux et sourit à toute la foule présente. Elle s'excusa d'avoir si longtemps était absente, car, avec les siens, ils étaient partis très loin en mer, pour traquer les bancs de sardines et ainsi se nourrir à discrétion.

            A présent, ils étaient tous très heureux, de pouvoir converser avec la Mouette et chacun disait la sienne, mais, à un moment, une grosse voix tonitruante l'interpella. C'était celle du bon vieux crabe qui lui dit en ces termes =
            “Marinette ! ton ami, le petit Rat des champs, meurt d'envie, de partir pour aller d'où tu viens, afin de visiter cette belle petite Cité, dont il ne fait que rêver. Avec ses petites pattes, il n'est pas possible, qu'il se rende là-bas par les chemins de campagne, lesquels, pourraient lui attirer que des ennuis. Pourrais-tu chère enfant ? faire quelque chose pour lui.”
            Un moment la petite Mouette resta interdite et s'excusa, de ne pas savoir comment ? aider Gaspard. Alors, le bon vieux crabe insista, en disant d'une voix toujours des plus grave et tonitruante =
            “ le meilleur moyen ma jolie, est de le prendre sur ton dos où, il pourra s'enfouir et se cramponner à ton plumage. De plus, regarde sa taille et je suppose qu'il ne doit pas peser bien lourd !”

            Surprise, la petite Mouette resta un moment interdite et finit par répondre =
            “Cette idée est bonne et me semble acceptable, mais, qu'ira-t-il faire dans cette Cité ? Vous n'ignorez pas, tous les dangers qui guettent chacun de nous ? Le village est rempli de chats et de chiens errants, qui sont de véritables assassins, pour ceux qui leur tombent sous leurs féroces dents.”
            Gaspard s'écria alors =
            “SVP ma petite Mouette, faites-moi ce plaisir. Je ne resterais dans la Cité que peu de jours où, je voudrais retrouver, quelques membres de ma famille et tous ceux qui autrefois, ont déserté le Boulif, attirés par l'attrait de ce village.”
            Marinette réfléchit un petit instant pour répondre =
            “Soit, je vais t'emmener petit Rat, mais, avant, je veux voir comment ? tu pourrais te comporter durant le vol et pour commencer dit-elle, tu vas sauter sur mon dos et t'agripper solidement à mes plumes. Je vais prendre mon envol et tourner à très basse altitude au-dessus du rocher. Si l'expérience est concluante, je t'emmènerai voir le village.”

            Tout joyeux, Gaspard ne se le fit pas dire deux fois et grimpa prestement sur le dos de la Mouette et en suivant ses directives, il se mit à califourchon, saisit le cou de l'oiseau et se cramponna solidement à ses longues plumes moelleuses, qui tapissaient joliment son dos. C'est au milieu des applaudissements de toute l'assemblée, que, Marinette prit son envol. Mais, elle n'était pas sitôt partie, qu'on entendit un beau petit plouf venant des flots. C'était, le pauvre Gaspard, qui, désorienté, ne s'était pas bien tenu à son cou et c'est ainsi, qu'il avait malencontreusement glissé du dos de la petite Mouette, pour s'en aller chuter lamentablement dans la mer. Bien heureusement, il savait nager et c'est tout penaud, qu'il rejoint abondamment trempé sur le rocher proche où, l'attendaient ses amis, qui, à un moment, étaient plongés dans l'inquiétude.

            La petite Mouette revint vite se poser sur le rocher et fut rassurée de voir Gaspard, qui, bien qu'il fut trempé jusqu'aux os, ne paraissait pas déçu de cette première expérience. Elle lui dit, qu'il lui fallait attendre jusqu'au lendemain pour recommencer, mais, le petit Rat insista, pour renouveler tout de suite cette expérience. De nouveau, il enfourcha l'oiseau, en prenant soin de bien se tenir aux longues plumes et la Mouette de nouveau prit son vol. C'est alors que très rapidement, se firent entendre venant des cieux, des petits cris stridents que poussait Gaspard. Toute l'assemblée présente, releva les yeux vers les nues, pour apercevoir le petit Rat qui gesticulait, bien agrippé à une patte de la Mouette. Il avait semble-t-il encore glissé, lors du décollage de l'oiseau et n'avait pas trouvé mieux dans sa chute, que de saisir au passage la patte de Marinette, laquelle, par ailleurs, devait s'empresser d'aterrir mollement, sans pour cela blesser Gaspard.

            Mais, pour aujourd'hui, deux biens mauvaises expériences étaient largement suffisantes et Marinette décida que rien n'était perdu et qu'il fallait les renouveler, dans les jours qui suivirent, puis, elle prit son vol, en promettant de revenir rapidement, pour enfin exaucer les désirs de Gaspard et elle tint parole, car, à compter de ce jour, elle se rendit régulièrement sur le rocher, pour retrouver Gaspard et ses amis, afin de renouveler l'expérience, qui de jour en jour s'est enfin avérée positive.

            C'est ainsi, quelle décida un jour, d'embarquer Gaspard sur son dos, dès le lendemain au lever du soleil. Tous sautèrent de joie, en apprenant cette bonne nouvelle et Marinette prit son vol gracieux et disparut dans le lointain. Chacun regagna ses pénates et Gaspard, rentra dans son terrier où, il se mit en demeure, de préparer un petit baluchon, avec quelques effets personnels, lesquels, pourraient lui être utiles durant son séjour. Pour le petit Rat, la nuit fut bien courte et peuplée de rêves fous. Mais, le matin arriva bien vite et Gaspard et son baluchon, s'empressèrent de rejoindre le rocher où, déjà, ses amis l'attendaient. Comme elle l'avait promis, dés le lever du soleil, la petite Mouette apparue dans les cieux et se posa doucement sur le rocher. Sans dire un seul mot et par un signe de sa belle tête, elle signifia à Gaspard de grimper sur son dos, ce qu'il fit sans se faire prier, en prenant soin de saisir son cou, avec ses petites pattes avant et insinuer sa tête entre le cou et l'aile de l'oiseau, afin de pouvoir jouir du spectacle qui l'attendait. C'est avec un applaudissement des plus retentissant de l'assemblée, que Marinette monta doucement vers le ciel et tourna un moment au dessus de la foule, pour permettre à Gaspard de saluer ses amis. Puis, elle prit la direction de l'Est, en longeant la grande plage de l'Usine où, tout joyeux, le petit Rat ne faisait que s'extasier, en regardant défiler sous ses yeux, ce beau sable blanc assaillit par les vagues de la mer, qui venaient sans fin se briser sur le littoral. Au passage, il remarqua, une curieuse petite île toute proche de la côte et plus loin à droite, un amas de sombres rochers qui plongeaient dans la mer. Au dessus, trônait un petit ensemble surmonté d'une tour, c'était un petit fortin qui semblait monter la garde et il trouva cela très élégant. Puis, soudain ! apparue comme dans un écrin, une belle petite Cité, noyée par un beau soleil, surmontée d'un ciel tout bleu.

            Marinette s'était engagée à l'entrée du port, entre la Presqu'île et les grottes du Lion et après avoir fait un large tour au dessus du village, afin de faire admirer le paysage au petit Rat, elle atterrit en douceur sur les petits quais du port, vides de toute âme à cette heure matinale et Gaspard eut la belle surprise de constater, qu'il était attendu par une foule nombreuse de ses semblables, lesquels, étaient tous très émus et joyeux de le voir et devaient l'accueillir chaleureusement. Il repéra dans la foule, des membres de sa famille, qu'il n'avait plus revu depuis bien longtemps, mais, aussi, de très nombreuses connaissances et puis, les autres, qui lui étaient inconnus, mais, qui cependant, étaient tout heureux de l'accueillir. Avant de reprendre son envol, Marinette lui cria que c'était elle seule, qui avait informé toute cette foule qui l'attendait et elle lui cria, que dans deux jours à la même heure, elle viendrait le chercher à cet endroit, afin de pouvoir le ramener chez-lui. Gaspard, n'eut même pas le temps de lui dire au revoir, car, déjà, la petite Mouette avait disparu et le petit Rat remercia longuement le ciel.
"Les cieux racontent la gloire de Dieu,
Et le firmament
Publie l'oeuvre de ses mains.
Le jour en fait au jour le récit,
Et la nuit le répète à la nuit."
Ancien Testament, Psaumes XVIII, 2-3 ( Maredsous ).

            C'est dans des bâtiments abandonnés près des petits quais, que la clique de tous les rats du quartier, invitèrent joyeusement Gaspard à les suivre et là, un banquet, avait été spécialement préparé, pour fêter son arrivée et lui souhaiter la bienvenue. Mais avant que ne commence les agapes, c'est Gaston, le plus vieux des rats, qui prit la parole et dit =
            “ Mon cher Gaspard, nous sommes tous très heureux de te recevoir, car, tu viens de nous faire le grand honneur, d'être venu jusqu'à nous pour nous rencontrer. Tu es là en famille et surtout, nombreux d'entre - nous, sont de tes amis d'enfance, que tu n'as pas revu depuis bien longtemps. Regarde autour de toi, car, il y a là, certains de tes cousins et peut-être même tes frères ?”
            Très touché par les paroles de Gaston, Gaspard très ému lui répondit =
            “ Merci Gaston ! tes paroles ont touché mon coeur et je peux dire qu'aujourd'hui, que je suis le Rat le plus heureux de toute la terre.”

            Un tonnerre d'applaudissements fit résonner les lieux et tous se mirent joyeusement à table. Gaspard n'avait jamais vu de mets aussi appétissants = il y avait là, un étalage de fines et odorantes graines de maïs et ça et là, des reliefs de poulet, des tombées de charcuterie, des croutes de fromages et des fruits divers, qui venaient compléter le banquet et ce n'est que plus tard dans l'après-midi, que tous se dispersèrent, sauf, Gaston, les amis proches et la famille. Il fut alors décidé, que dès la nuit venue, une visite du village s'imposait, car, lui dit Gaston, nous les rats, sommes obligés de circuler seulement la nuit, afin d'éviter de faire de mauvaises rencontres. Gaspard apprit alors à connaitre, l'existence des matous et des chiens errants assassins, qui sillonnaient le village jour et nuit.

            Ne connaissant pas du tout ces animaux, Gaspard, demanda à Gaston ce qu'étaient un matou et un chien ? Sa réponse, devait faire hérisser les poils du petit Rat, qui se mit un moment, à trembler de tous ses membres, car, il n'avait pas du tout envie, de finir sous la dent de tels personnages. Mais, le brave Gaston le rassura en lui disant, que, des frères rats, gitaient à chaque coin de rue et que lorsque qu'un Chat ou un chien se trouvaient dans les parages, un petit cri strident sonnait l'alerte et tous allaient se tapir dans des trous, en attendant que ne passent, le vilain matou ou un horrible chien. Rassuré, Gaspard remercia le brave Gaston, qui le convia à une petite promenade nocturne, en lui disant qu'il allait lui faire connaitre le village, lequel, à cette heure du soir, était presque désert de toute âme. Les voilà donc partis en petite bande et Gaston leur recommanda le silence le plus absolu, pour éviter d'attirer l'attention des fellins et des chiens assassins de rats. Ils sillonnèrent les différentes rues du village et Gaspard de s'extasier, devant toutes ces maisons blanches aux volets clos, mais, dont certaines, étaient encore éclairées et où, l'on pouvait apercevoir des ombres mouvantes, qui gesticulaient au travers des vitres.

            La nuit avançait et Gaston de dire au groupe =
            “Avez-vous faim !”
            le petit groupe devait crier d'une seule et même voix =
            “Oui, Gaston, nous mourrons de faim !”
            C'est alors, que Gaston, s'arrêta devant la devanture d'une grande épicerie et engagea tout son petit monde, à se glisser sous la porte d'entrée, ce que firent immédiatement toute la petite compagnie et là, dans le clair-obscur du magasin, on pouvait apercevoir s'étalant ça et là, des miches de pain, de délicieuses denrées de toutes natures et dans un coin de la pièce, siégeaient une vaste vitrine restée toute grande ouverte où, ils apparaissaient d'appétissantes pâtisseries. Chacun de son côté se mit à l'oeuvre et Gaspard qui ne faisait, que se régaler devant pareils mets, parce que, chez-lui au Boulif, il n'avait jamais goûté à toutes ces bonnes et délicieuses choses. Mais, soudain dans la nuit ! venant du dehors, on entendit des petits cris stridents, qui annonçaient le passage d'un chat. Alors, chacun resta silencieux dans son coin, en attendant que passe le matou. Mais, quelques instant plus tard, une violente dispute de chats, suivie d'aboiements de chiens errants se fit entendre, ce qui permit à toute la petite bande, de lever le siège et de détaller en vitesse, pour rejoindre les petits quais. Le jour venait à peine se lever sur la Cité et Gaston qui commençait à avoir sommeil, sonna le couvre-feu et ordonna un coucher général. Gaspard trouva un gentil petit tas de paille et très heureux et satisfait de sa nuit, s'endormit profondément en faisant de très beaux rêves.

            Vers la fin de l'après-midi, Gaston sonna le réveil et tous se retrouvèrent, autour d'un grand récipient rempli de lait, accompagné de débris de petits gâteaux secs, qui étaient arrivés là comme par enchantement. Le brave Gaspard encore tout endormi, souriait à la ronde à tous ses amis, en les remerciant de lui avoir permis, de vivre avec eux une pareille nuit. Le Bon Gaston fit silence et prit alors la parole et dit =
            " Gaspard, n'oublie pas, que demain matin, dame Mouette vient hélas ! te chercher, afin te ramener chez-toi. Mais avant, je t'annonce que ce soir, un grand bal est donné en ton honneur. Nous avons convié, toutes les plus belles jeunes rattes du village et j'espère bien que tu danseras avec elles, pour épater la galerie et te faire plaisir."

            Quelle ne fut pas la joie du petit Rat ! danser avec de jolies petites rattes ? quel grand bonheur et il se mit tout de suite en demeure, de se faire très beau et séduisant. Il lissa soigneusement sa petite moustache, ainsi que son beau pelage et se mela à l'assemblée dans l'attente que la nuit ne tombe. Elle devait alors très vite arriver, alors qu'en même temps, apparaissaient les toutes belles et gentilles demoiselles, parées de leurs plus beaux atours, ce qui fit frémir Gaspard de bonheur. C'est alors, que l'orchestre présente se mit en bonne place. Cette formation; était constitué de six rats musiciens, qui tenaient des petites flûtes de roseau et portaient fièrement des petits tambours multicolores. Alors que toute l'assemblée, attendaient impatiemment que ne commence enfin le bal, que déjà, chacun avait repéré la cavalière de son choix. Pour Gaspard qui lorgnait à droite et à gauche, son regard s'arrêta sur une belle petite ratte, qui d'emblée avait fait battre son coeur, aussi, dès que la musique se fit entendre, il bondit vers sa cavalière, s'inclina jusqu'au sol et lui demanda poliment, l'autorisation de danser avec elle, ce qu'elle accepta très volontiers, en lui faisant un merveilleux sourire. Il ne cessa de danser avec sa cavalière toute la soirée et autour de lui, tous les regardaient avec un sourire complice et entendu.

            Ce fut une magnifique soirée et Gaspard le coeur léger, ne fit que faire des compliments à la belle enfant qui rougissait de plaisir Mais, comme tout à une fin, le bal se termina très tard dans la nuit et après avoir dit tristement adieu à sa jolie cavalière d'un soir, il devait alors finir la soirée en petit comité, à discuter d'une chose et d'autre, alors que le jour pointait son nez sur l'horizon. Gaspard avait déjà préparé son petit baluchon et s'apprêtait bien tristement à prendre congé, de tous ces sympathiques habitants du village. Pour l'accompagner, tous sortirent sur les petits quais, dans l'attente de Marinette, qui ne devait plus tarder à arriver à tire - d'ailes. C'est après moultes embrassades et étreintes avec ses amis, que le petit rat grimpa sur le dos de l'oiseau, qui s'envola au milieu d'une formidable ovation de la foule. Pour faire plaisir à Gaspard, la petite Mouette fit un long cercle au dessus du village et pour finir, passa sur les petits quais pour saluer une dernière fois, toute la compagnie des rats du village.

            Après avoir franchi la passe et tourné sur sa gauche, Marinette vira vers l'intérieur des terres, afin de permettre à Gaspard, de visiter le pays qu'il trouva splendide, avec toutes ses petites propriétés agricoles, ses plaines verdoyantes, ses belles forêts et ses grands lacs. Puis, la petite Mouette pris la direction de la mer, pour arriver sur la grande et belle plage de l'Usine, qu'elle longea doucement en frollant presque le rivage. Le vol fut long, car, par gentillesse, l'oiseau faisait durer le plaisir, en effectuant des détours qui laissaient apercevoir, un panorama unique de toute beauté. Puis, dans le lointain, devait soudain ! se profiler, la masse verdoyante des monts du Boulif et Gaspard pensa qu'il serait bientôt arrivé à destination. En effet la petite Mouette perdit de l'attitude et se rapprocha doucement du rocher d'où ils étaient partis. Alors on entendit un petit sifflement et tous les habitants des lieux accoururent, pour recevoir leur héros qui était de retour. Enfin, Marinette se posa doucement sur le rocher et Gaspard s'empressa de sauter de son dos, pour aller saluer toute la bande de ses amis. Le bon vieux gros crabe, lui souhaita la bienvenue et tous de l'entourer très amicalement, manifestement des plus heureux de le revoir et d'apprendre, que, cette belle aventure, s'était merveilleusement bien passée. La petite Mouette blanche prit alors congé et se fondit dans le ciel.

            A présent, Gaspard rentra chez-lui, heureux, tout de même, d'avoir retrouvé ses montagnes du Boulif et son confortable terrier. Il flâna un moment aux alentours et pour se donner un peu de tonus, croqua au passage quelques bonnes arbouses bien juteuses et quelques délicieux glands tombés au sol, puis, s'en alla s'abreuver, à l'une des 7 sources d'eau bien fraiche. Mais, déjà le sommeil commençait à l'envahir, car, le voyage de retour l'avait un peu étourdi, alors, il rejoint son terrier et s'allongea sur sa couche, faite d'herbes sèches confortables et il s'endormit du sommeil du juste. Le temps passait et le petit Rat des champs restait toujours profondément endormi, lorsque soudain ! un violent coup de tonnerre le fit sursauter et une pluie très violente, finit par le réveiller complétement. Il pensa alors à la petite Mouette, à tous ses amis du village et à tout ce qu'il avait pu voir de là-haut. Mais, tout à coup ! il se posa une angoissante question ? Aurait-il fait un rêve ? Cette si belle aventure était-elle vraiment une réalité ? Pour en avoir le coeur net, il sortit promptement de son terrier et dégringola vers le rocher à présent solitaire, afin de demander à ses habitants, de lui confirmer qu'il n'avait pas rêvé. Mais, le rocher était vide de tous ses occupants et il ne fut accueilli que par le bruit de la mer et celui d'un petit vent qui soufflait de l'Est. Seul, le bon vieux crabe, sorti lentement de son trou, mais, en l'ignorant royalement et sans même ne rien lui dire. Dans le ciel, pas seulement l'ombre d'une mouette, mais, de gros nuages noirs, lesquels, laissaient craindre l'arrivée éminente d'un orage. C'est un Gaspard bien songeur, qui rentra tristement dans son terrier et compris tout d'un coup, qu'il venait de faire un merveilleux rêve.

            Mais, les rêves sont trop grands, pensa-t-il un instant et s'ils sont trop grands, c'est parce que l'on peut s'en souvenir très longtemps et Gaspard sans en perdre une miette, devait toujours s'en rappeler, avec une bien grande et douce nostalgie, mais, curieusement, il n'eut plus envie d'aller dans cette lointaine cité et de ne garder rien que pour lui tout seul, le doux souvenir de ce rêve merveilleux, que lui avait envoyé vraisemblablement le ciel.
            Cette petite histoire tirée de mon imagination, laisse à penser, que, Gaspard le petit rat, ne pourrait être que Monsieur tout le monde, rêvant à une Mouette, qui serait une très belle jeune-fille, laquelle, l'emmènerait vers un pays de rêves où, les hommes sont toujours joyeux et accueillants.
            Mais, hélas ! ce n'était qu'un beau rêve.
Docteur Jean-Claude PUGLISI
de La Calle de France
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage.
( Ecrit à 83400 HYERES, le 02 Septembre 2021.)

Le BOULIF.


LE PORT
et LE CHEMIN DE L'AVANT PORT

De LOUIS ARNAUD

                 UN port est une ouverture sur l'infini, c'est une vocation à l'éternité.

                 C'est le port qui fait la Ville, et non la Ville qui fait le port.

                 Les navires qui sillonnent l'immensité des mers peuvent être contraints, par un événement imprévu, par « fortune de mer » pour employer le langage des marins, à chercher un abri et à entrer dans un port qui n'avait même pas été noté sur leur itinéraire.

                 La Ville qui possède une rade sûre et commode ne périra jamais ; tant qu'il y aura des mers et des vaisseaux qui s'aventureront sur elles.

                 La rade de Bône est connue depuis des millénaires, depuis, pourrait-on dire, qu'il y a des mers et que de hardis marins ont osé percer l'inconnu des horizons pour aller faire du commerce avec d'autres hommes vers de lointains rivages.

                 Les Phéniciens ont traversé la Méditerranée pour venir vendre aux habitants d'Hippone, ou d'Hippo-Regius, la pourpre de Tyr et leurs autres produits. Les Espagnols et les Gênois, grands navigateurs, ont laissé des souvenirs tangibles de leur passage dans ce golfe, avec la Casbah, reconstruite par Charles Quint, et le Fort Gênois, excellent mouillage aménagé tout près du Cap de Garde.

                 La France, sous Louis XI, qui avait obtenu la concession du droit de pêche au corail, dans les parages du Cap Rosa et La Calle, y avait installé des établissements de commerce.
                 Les pirates barbaresques, enfin, qui faisaient la course en Méditerranée avaient choisi la rade de Bône comme base de leurs exploits, parce qu'elle était sûre, et surtout, parce qu'elle commandait la route qui coupait le passage du Détroit de Sicile, et qu'ils pouvaient, de là, gagner en droite ligne, la côte ligurienne en utilisant, le cas échéant, sur leurs parcours, les abris de la Sicile de la Sardaigne et de la Corse.

                 Ce fut bien, en effet, de ce côté là que la ville trouva tout d'abord, sa vraie raison de vivre et. ensuite, le germe de sa prospérité

                 C'est donc par le Port que cette rétrospective doit commencer.

                 C'était, la Seybouse qui était le port de l'ancienne Hippone, les navires n'ayant, en ce temps là, que de faibles tirants d'eau.
                 Plus tard, après la ruine d'Hippone, les Arabes fondèrent une autre ville sur la côte, à trois kilomètres en avant de l'ancienne métropole chrétienne, qu'ils appelaient « Bona El Hadidja ».
                 La Ville, bâtie sur le flanc des Santons, face au Sud, descendait jusqu'à la mer, où son enceinte était percée par une porte appelée « Porte de la Mer » .

                 Cette ouverture qui était dans le creux formé par la jonction du promontoire du fort Cigogne la falaise des Santons, était tournée vers l'Est, en direction du mouillage des Cazarins.
                 Ce mouillage était le plus important, le plus sûr et le plus proche de la Ville et les négociants marseillais avaient coutume de l'imposer aux navires dans leurs charte-parties.
                 Les navires étaient, là, à l'ancre, en face des Etablissements français qui, adossés à la falaise, se trouvaient approximativement à la hauteur de l'actuelle caserne de la Douane.

                 Un sentier, accroché contre la falaise, grimpait jus-qu'à la Ville arabe dont une porte appelée « Porte de la Casbah » permettait l'accès.
                 Il y avait, dans la rade, d'autres mouillages, non moins sûrs, certes, mais plus éloignés de la ville, qui n'étaient utilisés que par des navires chassés par les tempétes, ou en simple relâche ; tels celui de la baie de l'Oued Kouba qui englobait la plage Chapuis et la plage Fabre que l'on dénommait « Cazarins » et celui du Fort Gênois, qui sert, encore aux navigateurs en difficulté dans les parages.

                 La première préoccupation des autorités françaises fut naturellement d'aménager un quai d'accostage, en attendant mieux.

                 Elles choisirent pour cela un petit coin situé en deça de la pointe Cigogne où des petits caboteurs venaient souvent se mettre à l'abri des vents d'Est.
                 Elles y construisirent un bout de quai et ayant condamné la « Porte de la Mer », elles ouvrirent, au Sud, donnant directement accès sur ce bout de quai - une autre porte qui fut dénommée « Porte de la Marine ».

                 La « Porte de la Marine » remplaçant l'antique « Porte de la Mer », à jamais condamnée depuis, s'insérait dans l'enceinte de la Ville, entre l'ancienne demeure du Consul de France, abandonnée depuis 1827, qui devint, en 1842, l'Hôtel de la Subdivision, et des bâtiments vétustes qui furent, eux, la Manutention et les Subsistances militaires et l'Arsenal.

                 L'embouchure de la Boudiimah s'étalait en s'évasant entre les murs Sud de l'Arsenal qui étaient avec ceux de la Manutention, presque battus aussi par la mer, et l'emplacement actuel du petit jardin de la nouvelle gare.

                 De ce quai minuscule, il était facile de veiller aussi sur l'embouchure de la Seybouse où, dès 1846, des navires vinrent charger les minerais de fer de la Société de Bassano.

                 Cette installation portuaire rudimentaire parut vite insuffisante et incommode. Les mouillages, en effet, s'ils étaient à l'abri des vents du Nord et d'Ouest, ne l'étaient pas du tout de ceux qui venaient de l'Est et qui étaient, souvent, d'une rare violence. Au surplus, ces mouillages étaient continuellement menacés d'envasement par les limons charriés par la Boudjimah et le lest déversé par les navires qui fréquentaient la rade.

                 Dès 1844, l'Administration fut donc préoccupée par la construction de jetées qui devait être suivie par la création d'une darse.

                 Les premiers projets furent, de suite, axés sur ce bout de quai et cette Porte de la Marine, derrière laquelle semblait déjà s'être concentrée toute l'activité de la nouvelle petite Ville Française.

                 Immédiatement après cette porte, en effet, la place du Commerce (Place du Général Faidherbe) avait été créée et, un peu plus en arrière, la Place d'Armes devait devenir le centre de la Ville.

                 Tous les projets envisagés se heurtaient, hélas, au même inconvénient grave que représentait cette Boudjimah qui semblait s'opposer absolument à la création d'une darse autour du débarcadère originaire.

                 Cet inconvénient paraissait si grave qu'on envisagea, un instant, de creuser les terres du Champ de Mars et des Près Salés pour y placer une darse qu'un Chenal, empruntant les cours de l'Oued Zaffrania et de l'Oued Kouba, aurait relié à la mer dans un grand Avant-Port allant de la colline des Anglais à la pointe extrême du Grand Caroubier (Plage Fabre).

                 Enfin, l'Ingénieur en Chef Lesorre, des Ponts et Chaussées, mit fin à ces perplexités en établissant un projet consacrant l'idée première d'une darse amorcée sur le bout de quai déjà construit devant la Porte de la Marine. Il palliait l'inconvénient causé par la présence importune de la Boudjimah en prévoyant l'utilisation de l'embouchure de ce cours d'eau comme arrière-port.
                 Ces tergiversations retardaient, comme on le pense, la construction tant désirée de ce port dont l'urgence se faisait sentir de plus en plus, en raison de la mise en exploitation des mines de fer du Marquis de Bassano tout près de Bône.

                 Le projet de l'Ingénieur Lesorre qui donnait satisfaction à l'impatient désir des habitants, fut soumis à une commission mixte à Alger, dès le mois d'avril de l'année 1845. II ne fut cependant adopté, à Paris, que plus de dix ans après, le 4 Juin 1855, et le Ministre de la Marine l'ayant quelque peu amendé, son exécution ne commença qu'en 1856.

                 Pendant ce temps, l'opinion publique s'énervait, et le 24 mai 1846, le journal « La Seybouse » de Bône traduisait l'impatience des Bônois, par les lignes suivantes

                 « La rade de Bône se couvre de navires ; il y règne « un mouvement assez actif. Le développement que va prendre le commerce par suite de l'exploitation prochaine des mines et de la mise en activité des usines, dont la Société de Bassano poursuit les travaux avec rapidité, rend opportune la question du Port de Bône.

                 « On sait que l'an dernier une Commission nautique vint se livrer à des études, et émit un projet.

                 « Nous ne savons pas que ce travail remarquable ait été pris en considération, ni qu'il doive y être donné suite ».

                 Enfin, les travaux furent entrepris en 1856, et confiés, pour les Jetées et dragages, à M. Dessoliers et ils se poursuivirent, de cette date à 1869 sans arrêt. La construction de la darse, ne fut exécutée, par l'entrepreneur Castor, que de 1867 à 1869. Tout était donc terminé en 1870.

                 La Boudjimah qui devait permettre la création ultérieure d'un arrière-port, constituait, en attendant, un sérieux inconvénient pour la salubrité de la Ville.

                 Elle envasait inlassablement la petite darse, et ses eaux bourbeuses, marécageuses et nauséabondes qui suivaient le tracé de la rue Prosper Dubourg, tout contre le moulin Labaille (actuellement Maison Sens) empuantissaient l'atmosphère de tout le quartier.

                 Il fallait, d'autre part, songer à aménager l'emplacement de la future gare et les emprises du chemin de fer Bône-Guelma dont la concession allait être accordée en 1874.

                 C'est pour cette double raison que la déviation de la Boudjimah fut décidée, et qu'on lui créa un lit artificiel en aval du pont d'Hippone. On renonça donc à la création de l'arrière-port prévu qui avait justifié le maintien de l'embouchure du fleuve au fond de la petite darse.

                 Cette opération fut effectuée au cours des années1875-1876.

                 Et sur l'ancien lit, comblé de l'antique Boudjimah, vraie rivière d'Hippone, dont le nom « Rivière de la Mosquée » évoque le souvenir de la Basilique de Saint-Augustin, la rue de Guelma fut créée qui devait devenir la rue Prosper Dubourg dans sa partie intra muros ; lorsque, en 1888, le Maire de Bône, de ce nom, décéda.

                 L'actuelle gare de Bône occupe exactement le centre de l'ancienne embouchure du fleuve.

                 La Compagnie du Mokta-El-Hadid, dont les dispositifs d'embarquement du minerai étaient situés dans le lit même de la Seybouse, près desquels aboutissait le petit chemin de fer venant de la mine d'Aïn-Mokra, s'en vint occuper la plus grande partie du côté sud de la petite darse, et son petit chemin de fer franchit le nouveau cours de la Boudjimah, en 1880, pour venir apporter son chargement à l'appontement construit sur le côté sud de la darse

                 Le port prenait progressivement plus en plus d'importance, si bien qu'il fallut songer à l'agrandir encore.
                 De nouveaux travaux, exécutés par les adjudicataires Danton et Vaccaro, furent entrepris dès l'année 1886. Arrêtés en 1894 par suite d'insuffisance de crédits, ils reprirent en 1899 pour se terminer en 1911 sous la direction des entrepreneurs Jammy et Galtier.

                 A la fin du siècle dernier, le port de Bône était constitué par la petite darse qui était au bas du Cours et un avant-port qui est devenu la grande darse d'aujourd'hui.

                 La petite darse n'était, alors, pourvue de quais que sur son côté Nord tout entier et sur son côté Ouest, qu'en partie seulement.

                 Au Sud, il n'existait ni quais, ni aménagement portuaire quelconque, en dehors d'un massif appontement en bois édifié par le Mokta pour servir à l'embarquement de son minerai.

                 Le côté Nord que l'on appelait, et que l'on appelle encore Quai Warnier, était exclusivement réservé aux Compagnies Maritimes qui fréquentaient régulièrement le Port de Bône. Pourquoi ce quai s'appelle-t-il «Quai Warnier » ? Nul peut-être ne saurait exactement le dire, de même qu'il serait difficile d'expliquer pourquoi la jetée extrême de la Grande Darse, qui marque à peu près la place de l'ancien mouillage des Cazarins, s'appelle, depuis près d'un siècle, la jetée Babayaud.

                 Ce quai Warnier qui s'étendait sur moins de quatre cents mètres, dont une partie, à son extrémité est, était occupée par une cale de halage, n'offrait rien de bien curieux et pourtant les Bônois aimaient à le parcourir en fin de journée, à l'heure où le soleil consentait à disparaître derrière le Bou-Zizi.

                 Et c'était une habitude, presqu'un rite, de venir assister à l'arrivée du courrier de France qu'une joyeuse sonnerie de clairon annonçait du bout de la ietée.

                 Les trois plus vieilles compagnies maritimes attachées à notre port se partageaient toute la longueur de ce quai Warnier toujours inondé de soleil et enveloppé de poussière. Elles étaient là depuis si longtemps qu'elles étaient presqu'en droit de se croire chez elles, au bord de cette petite darse qu'elles animaient du mouvement et du bruit de leurs navires et des allées et venues des commerçants et du charroi journalier qu'elles attiraient autour de leurs agences

                 L'une de ces compagnies maritimes fréquentait déjà, il y a plus d'un siècle, la rade de Bône, alors qu'il n'y avait pas de port et que les navires se mettaient au mouillage dans l'anse des Cazarins.

                 C'est en 1847, en effet, que la Compagnie de Navigation Mixte, « La Touache » : a établi ses premiers services réguliers entre Bône et la Métropole, avec des navires à aubes qui furent remplacés, cinq ans après, en 1852, par des navires à hélice marchant à la vapeur et à la voile lorsque le vent était propice, d'où son nom de navigation mixte.

                 En 1865, le Mokta-El-Hadid, en accord avec des armateurs marseillais, mettait en service, sur la ligne Bône--Sète, neuf vapeurs de 1.200 tonneaux pour le transport de ses minerais. Ce sont ces vapeurs à quatre mâts qui ont donné naissance à la Société des Transports Maritimes à Vapeur.

                 Puis, la Compagnie Valéry, qui avait succédé aux Messageries Impériales, organisait, dès 1871, entre Bône, la Corse et Marseille des services réguliers pour les voyageurs, les marchandises et le courrier postal, au moyen de bateaux spécialement construits pour cela et marchant à la vitesse de douze noeuds.

                 La Compagnie Valéry fut absorbée, peu de temps après, par la Compagnie Générale Transatlantique, qui affectait à ces lignes, en 1880 de nouveaux bateaux neufs de cent mètres de longueur, filant 14 à 15 noeuds à l'heure.

                 Leurs agences sont, aujourd'hui, très convenablement logées, dans les grands docks qui ont envahi nos quais. Autrefois ces agences étaient étriquées et d'aspect minable.

                 Toutes les trois étaient alignées sur la voie charretière du quai Warnier, en face de la mer.

                 L'ensemble de cette rue, brûlante et sale, que bordaient des baraques dissemblables, n'avait rien d'esthétique, tant s'en fallait, et, pourtant, les Bônois de ce temps en ont conservé un souvenir nostalgique, un souvenir comparable à celui que l'on garde de l'âge tendre d'un enfant chéri devenu homme et que les années ont complètement métamorphosé.

                 Tout au début de cette rue, à l'angle qu'elle faisait avec la rue du Quatre Septembre, furent les premiers bureaux de l'agence de la puissante Cie Générale Transatlantique. C'était, pour une si grande dame, une pitoyable demeure, dans une cabane pareille à d'autres cabanes en planches qui finissaient avec elle la rue du Quatre Septembre.

                 Le local était sans allure, ce qui contrastait fort avec la distinction naturelle et les titres nobiliaires qui, souvent, caractérisaient les agents, gantés et guétrés de blanc et parfois monoclés, de la grande filiale du célèbre et riche banquier Jacob-Emile Pereire.

                 Aussi, les bureaux de l'Agence furent-ils transférés au rez-de-chaussée du Palais Calvin, tout proche, dès la construction de cet immeuble achevée en 1884.

                 Le marquis de Pleurre lui donna son sens de la grandeur en faisant enfin édifier, dans les débuts de ce siècle, un pavillon de bois vernis à un étage à la place de la vraiment trop modeste baraque indigne du grand nom de l'aristocratique compagnie dont il fut longtemps à Bône le représentant considéré.

                 La « Touache » était plus loin, en allant vers le :môle Cigogne, et le hangar qui abritait son agence était aussi sordide que l'avait été autrefois celui de la « Transat », sa voisine, M. Peclat-Maunder, qui avait succédé à Casimir Bronde son beau-père, présidait aux destinées locales de la plus vieille des agences maritimes de notre port, aidé dans sa tâche par deux collaborateurs éclairés et sympathiques, MM. Bourgoin et Fadda.

                 Entre la « Touache » et la « Transat », comme s'il s'agissait de séparer efficacement deux concurrents, il y avait, dans une baraque à large et basse véranda, le vieux « Café de Belfort », où trônait la jeune et jolie Mme Di Luca, dont la partie postérieure était telle qu'il lui fallait deux chaises pour s'asseoir. A côté était Georges Jan, vieux transitaire du port, dont la firme est aujourd'hui dirigée par son petit-fils.

                 Il fallait ensuite, aller jusqu'à l'extrémité de la rue, toujours pleine de soleil et de poussière, pour parvenir à l'agence de la société des « Transports Maritimes » que l'on appelait toujours, les « Quatre Mâts » quoique, bien souvent, ses unités n'en eussent que deux comme les autres navires.

                 Près de la cale de hâlage, dans une construction décente en maçonnerie légère, l'agence que dirigea si longtemps le populaire M. Antoine Teddé, dont l'aménité et la souriante cordialité étaient si appréciées à Bône où il était né, avait une meilleure tenue que les autres agences maritimes.

                 D'autres compagnies maritimes vinrent s'installer sur nos quais. Dès 1884, deux armateurs marseillais MM. Caillot et Saint-Pierre créèrent un nouveau service régulier de Marseille à Bône pour le transport des marchandises, des céréales et des bestiaux et leur agent était M. Albert Teissier.

                 L'agence de cette firme maritime était installée dans une baraque bien modeste construite sur le quai même, tout au début du côté Ouest de la darse.

                 Ce service a cessé de fonctionner depuis longtemps.

                 Il y eut, aussi, la Cie des Vapeurs du Nord, dont le siège était à Dunkerque qui touchait régulièrement Bône deux fois par mois.

                 Enfin, les sociétés Prosper Durand et Achaque et Schiaffino qui effectuaient des services côtiers d'Oran à La Calle, avaient des agences relativement importantes dans le port de Bône.

                 Tous ces navires à vapeur, de plus ou moins grande importance, habitués de notre port, accostaient le long du quai Warnier pendant leur escale à Bône.

                 Le côté Ouest de la darse, dont le quai restait inachevé, était généralement réservé aux bricks, brigantins, goulettes et autres bâtiments à voile. On en comptait souvent des dizaines à la fois dans la darse, tous amarrés au quai par l'arrière et le cap tourné vers la passe. Du Cours, le spectacle de ces multiples mâts et de ces vergues avec leurs voiles enroulées était vraiment ravissant.

                 De temps à autres, des cargos sombres et sévères, troublant l'harmonie et la beauté du décor habituel formé par la forêt des mâts et des cordages des voiliers qui étaient alors obligés de céder leur place et d'aller se mettre, sur bouée, au milieu de la darse.

                 Ce quai servait surtout à l'embarquement, des fourrages et des alfas. II fut nu et vide de toute construction jusqu'au jour de 1892 où la Chambre de Commerce, ayant acquis l'armature de fer du hall central de l'exposition de 1890 l'a transférée en cet endroit pour en faire ce que l'on a longtemps appelé le « Hangar de la Chambre de Commerce » qui est auiourd'hui affecté à l'Agence Maritime Sultana et aux Bureaux et Entrepôts de la Société des Transports Maritimes à Vapeur.

                 Il y eut souvent sur ce quai Ouest des amoncellements considérables de fourrages ou d'alfas imprudemment exposés à des risques d'incendie.

                 C'est ainsi qu'en 1890, un formidable brasier brûla pendant près de deux semaines, détruisant des milliers de balles de cette graminée spécifiquement algérienne tant recherchée pour la fabrication du papier.

                 La surface de la petite darse était couverte de balles d'alfa flottant à demi calcinées, que l'on avait réussi à rouler jusqu'au delà du quai pour tenter de diminuer l'intensité de l'incendie. Tous les efforts demeuraient vains, et l'on dut finalement se résigner à laisser l'énorme stock se consumer jusqu'à la dernière brindille de la plante tébessienne.

                 C'est sur ce même quai que quatre ans après ce mémorable incendie, en 1894, furent embarqués les premiers phosphates du Kouif, autre produit de la région de l'antique Théveste.

                 Les phosphates de Tébessa, bien peu s'en souviennent encore, eurent en ce temps-là, leur histoire scandaleuse, dont le retentissement fut énorme dans la presse métropolitaine et même au Parlement.

                 Jérôme Bertagna qui avait obtenu le 20 septembre 1894, la concession des gisements phosphatiers du Djebel-Kouif dans la Commune Mixte de Morsott, à quelques kilomètres de Tébessa, avait presqu'aussitôt rétrocédé ses droits à un Anglais, Mr Jacobsen, moyennant une redevance annuelle à son profit de 250.000 francs pendant une période de dix-huit années.

                 Sous l'impulsion de concurrents évincés, le « Lyon Républicain » dont le propriétaire le banquier Ferouillat était l'un d'eux, et le « Petit Journal » d'Ernest Judet, orchestrèrent une vaste campagne de presse qui remua profondément l'opinion publique métropolitaine.

                 Soixante cinq conseils généraux de France protestèrent contre la spoliation au profit des Anglais d'une richesse dont, selon eux, aurait dû bénéficier, seule, l'agriculture française.

                 Tandis que l'on discutait ainsi publiquement sur les clauses du contrat Bertagna-Jacobsen, les premiers cargos anglais venaient prendre livraison le long du quai Ouest de la petite darse, des premiers phosphates exportés en Angleterre.

                 Les procédés d'embarquement employés alors, étaient loin de ressembler à ceux qui sont en usage aujourd'hui.

                 Aujourd'hui, c'est le wagon entier, tel qu'il a été chargé sur le carreau de la mine, qui est versé, au moyen d'engins mécaniques électrifiés, dans la cale du navire accosté à un quai spécialement construit et aménagé pour celà.

                 Autrefois, en 1894, les wagons de phosphates qui arrivaient du Kouif jusque sur le quai Ouest étaient déchargés à la pelle par une multitude de travailleurs qui en faisaient des stocks énormes sur le terre-plein ou dans le hangar de la Chambre de Commerce.

                 Puis, lorsque le navire était là, c'était la même multitude de travailleurs, augmentée encore, qui s'employait à transférer la matière des stocks entassés dans les cales du navire. Ce travail était vraiment spectaculaire en raison du procédé archaïque employé.

                 Le navire était immobilisé à quelques mètres du quai pour avoir plus de fond et éviter tout risque d'envasement. Deux passerelles longues et fléchissantes étaient installées à chaque cale et cent, deux cents portefaix, tous chargés de couffins de bambous tressés, montaient par l'une et descendaient par l'autre de ces deux passerelles, en une file indienne qui n'était , jamais interrompue, ni seulement ralentie.

                 Les couffins pleins en montant étaient vidés de leur contenu en passant devant la cale par les hommes qui redescendaient aussitôt par l'autre passerelle pour reprendre à terre, presque sans s'arrêter, un autre couffin plein, déjà préparé.

                 Tout s'accomplissait dans un synchronisme impeccable et cela tenait presque, en apparence, du mouvement perpétuel.


                 C'est à ce quai Ouest qu'était amarré, lorsqu'il séjournait à Bône, l'aviso « L'Hirondelle », chargé de la surveillance de la pêche côtière. Cet élégant navire avait été, disait-on, le yacht de l'Impératrice Eugénie. Chaque soir, les promeneurs attirés par le bruit du coup de fusil et la sonnerie du clairon, participaient, du quai silencieux et découverts, à la cérémonie quotidienne de la rentrée des couleurs.

                 « L'Hirondelle » fut remplacée dans son rôle et à cette même place par le torpilleur de haute mer «Téméraire » puis par le « Coureur » .
                 Ce côté Ouest de la petite darse mesurait 275 mètres dont 225 seulement étaient pourvus de quais, les 50 mètres restant formaient une petite plage servant à l'atterrissage de quelques barques, à l'entreposage des graviers provenant de la Voile Noire et à la baignade de chevaux dont il fallait soigner les canons et les boulets.

                 La petite plage aux graviers du père Pisani venait finir contre la baraque du père « Comète » vieux gardien de l'entrée des terre-pleins occupés par la Compagnie du Mokta-El-Hadid, pour le stockage et l'embarquement de ses minerais.

                 Le père « Comète » et son singe, car il avait un aimable quadrumane pour compagnon de garde, jouissaient d'une popularité incontestable. Tous les « enfants de la marine » venaient taquiner le singe et faire enrager le père « Comète ». Mais les gens plus sérieux qui passaient par là pour aller chez le père Vial à la Crapaudière, ou pour faire une promenade sur la Jetée au grand air de la mer, ne manquaient pas de distribuer, en passant, des cacahuettes à l'un et des propos aimables et familiers à l'autre, toutes choses qui ne coûtaient pas cher, car on avait en ce temps-là, toute une pleine poche de grosses arachides Galloises, du lac Tonga, pour un sou et les sourires et les propos tenaient de la nature même des gens du pays.

                 Il n'y avait aucune installation portuaire proprement dite sur ce côté sud de la darse, qui commençait à la baraque du « Père Comète ».

                 Cependant, 130 mètres de la longueur de ce côté avaient été concédés par un arrêté gubernatorial du 16 juin 1866 et un arrêté préfectoral du 4 décembre 1869, gratuitement à la Cie du Mokta pour toute la durée de sa concession minière.

                 Sur le terre-plein, le minerai de fer était stocké en attendant son chargement sur les navires qui devaient l'emporter, et, en avant, dans la darse même, la compagnie avait construit un énorme appontement de bois contre lequel ces navires venaient se placer pour recevoir le minerai qui était amené par des wagonnets circulant sur des voies Decauville et versé dans leurs cales au moyen d'une petite grue à vapeur primitive mobile et tournante.

                 II y avait, dans ces cent trente mètres concédés, une vie intense, un labeur continu. C'était une véritable ruche.

                 Après l'appontement, le sentier se poursuivait sur le bord naturel de la darse, côtoyant une petite crique artificielle où étaient mouillés, côte à côte, la yole « Anastasie » et la baleinière « Karézas », fières unités de course de la Cie du Mokta, qui participaient régulièrement, et toujours avec succès, à toutes les régates locales, fort nombreuses en ce temps-là.

                 A côté d'elles, un vieux remorqueur à aubes, « L'Edough » finissait dans une immobilité définitive vie turbulente et tapageuse.

                 Une couche de minium écarlate recouvrait en vain sa vieille carcasse de fer, comme ces ballons d'oxygène qu'on insuffle aux moribonds pour prolonger leur vie terrestre.

                 On arrivait, enfin, en suivant toujours l'étroit sentier qui bordait la terre ferme, au poste de torpilleur de la Défense Mobile, installé dans ce coin extrême de notre darse depuis 1888.

                 Diverses petites unités de la Flotte de la Méditerranée parmi lesquelles les torpilleurs « Capitaine Cuny », le « Déroulède », le « Balny » et d'autres plus petites identifiées seulement par des numéros y stationnèrent en permanence jusqu'en 1898, date à laquelle la base étant supprimée, ils rallièrent le port de guerre de Bizerte qui venait d'être créé.

                 Après la grande guerre de 14/18, la construction d'un quai sur toute la longueur du côté sud de la darse fut entreprise dès 1923.

                 La darse était fermée par deux môles. L'un s'appuyait contre le promontoire du Fort Cigogne qu'il dépassait d'une soixantaine de mètres pour aller au devant d'un autre pareil, situé juste en face, mais moins long qui séparait le poste des torpilleurs d'une petite plage que l'on appelait « La Crapaudière ».

                 Là commençait la jetée sud qui fut la première construite pour empêcher les ensablements et les courants provenant du voisinage de la Seybouse.

                 Cette jetée, autrefois, était très fréquentée par des promeneurs en quête de grand air et de fraîcheur, par des pécheurs et par de jeunes voyous de nos rues et de nos faubourgs qui venaient se baigner, bien souvent tout nus, à « la pierre glissante », au « bloc carré », ou au « 160 », endroits ainsi dénommés par eux qui jalonnaient les neuf cent cinquante mètres que mesurait, en longueur, la grande jetée.

                 Contre la jetée Vial, que l'on appelait ainsi du nom du modeste fonctionnaire des Ponts et Chaussées chargé d'allumer le soir et d'éteindre au matin les feux rouge et vert qui, la nuit, devaient marquer les musoirs entre lesquels était la passe de la darse, se trouvait la « Crapaudière ».

                 C'était une petite plage qui s'était formée dans l'angle des deux jetées.

                 Le flot qu'aucune tempête n'agitait jamais, venait mourir doucement et languissamment sur le bord soyeux de son sable fin.

                 C'est, certainement, à cause de son onde tranquille et accueillante, de son sable d'argent, si fin et si fluide que la poussière ne polluait jamais, de la brise fraîche du grand large qui ranimait les corps épuisés par la chaleur de la journée, mais aussi, à cause de sa proximité de la ville, que la « Crapaudière » était très fréquentée.

                 Pour s'y rendre on traversait la darse en diagonale, en partant du quai, au bas du cours, juste en face de la statue Thiers, où un escalier permettait de descendre jusqu'au niveau de l'eau, ce qui facilitait l'embarquement.

                 Les patrons des « canotes » napolitains pour la plupart, obséquieux et familiers à la fois, interpellaient les passants et les engageaient à faire la traversée qui ne coûtait qu'un sou.

                 Ah ! qui ne se rappelle, sans une douce et tendre nostalgie, ce petit voyage à travers le port, au rythme lent et lourd d'un vieux marin, courbé sous le poids des ans autant que sur les rames, allant mollement à la manière des gondoliers vénitiens, ou bien, à la cadence nerveuse et rapide du sympathique et populaire Raphaël, plus connu sous le dominatif de « Fiel ».

                 « Fiel », qui était vraiment mal nommé, était loin d'être amer. Il était jeune, aimable et toujours souriant. Petit de taille, il avait le regard franc et loyal et le cheveu noir et frisé.

                 Son « canote » était toujours abondamment garni, tandis que souvent les autres ne faisaient la traversée que pour un seul passager, pour un ou deux sous seulement.

                 La petite plage avait ses cabines de bains et sa buvette avec une terrasse, quelque peu branlante, d'où l'on dominait à la fois les baigneurs et les baigneuses qui s'abattaient dans une mer immuablement calme et la foule grouillante et accroupie qui envahissait chaque soir son petit triangle d'argent.

                 C'était le même « père Vial » qui avait obtenu l'autorisation de créer, en cet endroit, cet établissement de bains de mer qu'il dirigeait le jour jusqu'au moment où il lui fallait aller allumer les feux rouge et vert de l'entrée de la darse.

                 Rien n'est plus cruel aujourd'hui que le souvenir de ces fins de journées d'été passées sur la terrasse aux planches disjointes d'autrefois devant un apéritif glacé, sous une brise délicieuse, que la présence des massives et bruyantes installations d'embarquement des phosphates du Kouif et des minerais de l'Ouenza qui ont accaparé la jetée et chassé l'accueillante guinguette et les jolies baigneuses de jadis.

                 C'est ainsi qu'était notre darse dans les derniers temps de l'autre siècle, après plus de cinquante années de présence française dans ce pays.

                 Cinq navires, cargos ou courriers, pourraient à peine s'y tenir à la fois, rangés de bout en bout, le long des six cents mètres de quais qu'elle comptait en tout ; à la condition encore qu'ils ne fussent pas de trop fort tonnage, car les fonds ne se seraient pas accordés avec leur tirant d'eau.

                 En réalité, seul le quai nord, ou quai Warnier, était régulièrement utilisé par les trois courriers attachés à notre port, qui n'étaient jamais ensemble amarrés à ce quai. De temps à autre, un cargo venait charger des alfas, du fourrage, du liège ou des phosphates, en dernier lieu sur le quai Ouest, où les promeneurs n'allaient jamais égarer leurs pas.

                 Naturellement, comme dans tous les ports, il y avait un avant-port.

                 Inseré entre la Jetée Babayaud, longue de sept cents mètres, à l'est et la jetée sud qui mesurait tout près d'un kilomètre, cet avant-port offrait un plan d'eau de plus de quatre-vingts hectares de superficie, qui ne servait pratiquement à rien, commercialement parlant du moins.

                 Quelque navire y séjournait parfois sur lest en attendant une place dans la darse pour faire son chargement.

                 Longtemps l'épave d'un gros cargo anglais, « l'Asia », occupa le centre de ce vaste enclos marin.

                 « L'Asia » était venu à Bône pour charger du fourrage au quai Ouest et le feu s'était déclaré à bord, au moment où il s'apprêtait à reprendre la mer.

                 L'incendie faisant rapidement rage, le navire avait été amené alors dans l'avant-port, par mesure de sécurité et le feu n'avait été maîtrisé que lorsqu'il n'y eut plus rien à dévorer de la cargaison et du navire.

                 Il n'était resté de ce superbe cargo que l'étrave et les membrures en fer que le feu n'avait pu consumer.

                 Elles émergèrent des eaux comme un fantôme sinistre pendant plus de trente ans au beau milieu de l'avant-port sans constituer la moindre gêne, tant cet avant-port restait inutilisé.

                 L'épave triste et douloureuse du vieil « Asia » qui demeura si longtemps à l'endroit où il avait fini sa vie aventureuse, a aujourd'hui une sépulture à l'instar des humains. La terre des remblais l'a arraché à l'emprise jalouse et sournoise de la mer, et il repose maintenant sous le nouveau quai, dans le schiste sacré des Santons, en face du pont de la tranchée.

                 L'avant-port servait peu aux mouvements des navires, il avait, par contre un charme et un attrait incontestables pour les promeneurs et pour les pécheurs à la ligne.

                 De la rue qui descendait de la porte de la Marine au quai Warnier en passant devant les chantiers de charpentiers de marine qui avaient construit toutes les barques de la « Caroube » et les Canotes » du port, partait un chemin qui allait suivre jusqu'à la jetée Babayaud le rivage de la mer, sans jamais s'en écarter, jamais d'un pouce !

                 Ce chemin longeait d'abord le mur extérieur de la Subdivision contre lequel, face au midi, était un joli cadran solaire vertical que l'on a fait disparaître sans grande raison plausible puisque le mur sur lequel il était tracé est toujours là, inutilement vide.

                 Les marins du port avaient une prédilection pour cette primitive horloge qui leur donnait l'heure solaire à laquelle ils étaient habituée et la préféraient à l'horloge de l'hôpital militaire (Mosquée de Sidi-Mérouane) que l'on voyait de toute la ville et tout particulièrement, du port.

                 Puis, il traversait la pointe Cigogne, sur laquelle était une batterie déclassée, appelée ; Fort Cigogne, par un tunnel, haut, large et spacieux qui avait été percé en 1869 par l'entreprise Dessoliers.

                 Ce tunnel était tapissé entièrement par de jolis et coquets moellons de granit que l'on peut voir encore dans la paroi conservée contre le flanc de coteau.

                 Le tunnel franchi, le chemin se poursuivait jusqu'à l'enracinement de la jetée Babayaud, toujours entre la mer et la falaise dont il épousait toutes les courbes et même les sinuosités.

                 Son assiette reposait sur des terres rapportées contre le pied de la falaise, soutenues et protégées, du côté de la mer, par un solide blocage de bonne maçonnerie qui le mettait à un mètre cinquante au-dessus de l'eau.

                 Il était comme une frange claire mise au bas de la roche brune du flanc de la colline.

                 Aucune maison ne s'élevait sur son parcours, en dehors du poste de pilotage et des bureaux de la Santé du Port qui se trouvaient à cent cinquante ou deux cents mètres de la sortie du tunnel.

                 Après avoir dépassé l'endroit où la tranchée devait être ouverte plus tard, on arrivait, toujours en côtoyant la mer, au jardin des Ponts et Chaussées.

                 C'était un coin ravissant tout à fait inattendu.

                 Alors qu'il n'y avait eu, jusque là, aucun arbre, sur la route, pour tempérer l'ardeur des rayons du soleil, on se retrouvait brusquement, dans cette avancée sur la mer, en plein bois d'eucalyptus, dont l'ombre dense s'étendait sur des massifs de géranium et des allées garnies de bancs rustiques.

                 La brise du large qui passait sans cesse à travers les grands arbres en faisant frémir les feuilles dont le bruissement ressemblait à des soupirs de satisfaction provoqués par la fraîcheur qu'elle apportait avec elle.

                 Une balustrade faite de chevrons arrondis, dont chaque bout était scellé dans des piliers carrés en maçonnerie, courait tout autour de ce jardin maritime. Les enfants louaient à l'ombre sans crainte de tomber à l'eau, sous les yeux des parents assis sur les bancs, tandis que, ça et là, par dessus les chevrons, polis par le temps et l'usage, des pêcheurs, dévotement, inclinaient leurs lignes et attendaient en mâchonnant un bout de cigare maltais que le poisson ne soit plus effrayé par les cris des enfants et qu'il vienne leur faire sentir enfin la « touche » tant désirée.

                 Parfois, un bateau, arrivant ou partant, passait tout près dans le chenal de l'avant-port pour la grande joie des enfants étonnés.

                 Fini ce petit iardin fleuri, agréable coin d'ombre et de fraîcheur dans le vert des arbres et des plantes et le bleu de la mer. Les travaux du nouveau port l'ont anéanti sans en laisser la moindre trace.

                 Le port, certes, n'était pas grand, mais tout le monde l'aimait. II était coquet.

                 La population en était aussi fière qu'elle l'était de son Cours National.

                 Les arrivées et les départs des courriers constituaient presque l'essentiel de la vie bônoise. Les habitants suivaient les mouvements du port comme s'ils avaient été les mouvements de leur coeur. Rien ne leur échappait des entrées et des sorties des navires, ni de ce qu'ils importaient ou exportaient.

                 Sur les quais, les Bônois se sentaient plus près de la France, dont, chaque courrier qui venait semblait leur apporter un peu de l'âme, tandis que celui qui partait était toujours accompagné par leurs pensées ferventes et filiales.

                 On aimait la « Marine », c'est-à-dire le port, les quais, la mer et aussi la gent particulière et typique qui y vivait et qui en vivait marins, pécheurs, portefaix et autres, tous bons vivants, sans soucis, serviables et farceurs.

                 C'est de là, et d'elle qu'est parti le bizarre et truculent langage, bien souvent incompréhensible par lequel de mauvais esprits ont tenté de caractériser et ridiculiser les Bônois.


JE VOUS ECRIS DU PLUS LOINTAIN DE MES RÊVES
Par Camille BENDER
Echo de l’Oranie N° 262, mai/juin 1999

       Que Claude Villier veuille bien me pardonner d'emprunter le titre de mon article à celui de son émission quotidienne sur France-Inter, mais je l'ai trouvé si poétique et tellement adapté à mon texte que je me suis permis ce plagiat"
       Est-ce qu'il vous arrive de rêver, après tant d'années à notre pays perdu? Rêver en dormant bien sûr, pas de penser, les yeux ouverts, à notre vie d'avant 1962. Les premiers temps après notre douloureux exode, je rêvais souvent que j'étais encore "là-bas", et que ce que je vivais ici, n'était qu'un affreux cauchemar... quand je m'éveillais, c'est la réalité, elle, qui devenait un affreux cauchemar. Les années passant, je ne rève plus aussi souvent à ce que fut le temps de "l'Algérie heureuse" et quand mes songes me ramènent là-bas, chose curieuse, c'est à l'époque de mon enfance ou de mon adolescence, que je reviens, et non aux dernières années vécues sur cette terre que nous aimions tant !
       J'ai rêvé l'autre nuit, que je devais passer le concours de poésie et que j'échouais lamentablement, la mémoire me faisant défaut, après les premiers vers..., c'était horrible de se trouver " en panne" devant tout un aréopage, et le sentiment de honte fut tel, que je me suis réveillé. Qu'était-ce donc ce concours de poésie ? Dans mon école, nous apprenions beaucoup de poèmes, de beaux poèmes des plus grands auteurs, pas les vers de mirliton, sur des textes insipides que I'on apprend aujourd'hui.
       Dans les petites classes, c'était surtout des fables de La Fontaine, l'inévitable "Mignonne allons voir si la rose..." de Ronsard, quelques sonnets de Du Bellay "Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage".

       Un peu plus tard, on abordait des textes de Corneille, Racine, Molière, puis, après les Parnassiens, (Leconte de Lisle, Heredia, Catulle Mendès) on passait aux Romantiques (Lamartine, Vigny, Musset et surtout Victor Hugo, on effleurait les symbolistes: Verlaine, Raimbaud, Mallarmé, que j'approfondirais plus tard, dans des études supérieures, en y joignant Henri de Regnier, Verhaeren, Albert Samain, Francis Jammes, Maeterlinck, pour enfin atteindre les poètes contemporains : Supervielle, Apollinaire, Max Jacob, Blaise Cendrars, Jean Cocteau.
       Plus tard, j'ai suivi le mouvement dadaïste: Aragon, André Breton, Eluard, Philippe Soupeau, je me suis intéressé à Charles Péguy et à son besoin de spiritualité à Valéry Larbaud, et à ce trio que je ne peux m'empêcher de citer : Anna de Noailles, Paul Claudel et Paul Valéry.
       Mais revenons à notre concours de poésie. A la fin de l'année scolaire, nous avions le droit de choisir parmi mes poètes favoris, un texte soit en vers, soit en prose, que nous devions réciter devant un jury formé de nos professeurs. Tout était noté: la diction, l'interprétation, et, bien sûr, la parfaite connaissance du texte. Les gagnantes du concours, suivant les catégories d'âge, recevaient un livre de poèmes, une sorte d'anthologie qui rassemblait en vers, en prose, ou en chansons, quelques-uns uns des plus précieux et des plus vivants trésors de la poésie française.

       Le goût de la poésie m'est resté, et je suis navrée de constater qu'elle n'occupe plus dans notre culture, la place qu'elle devrait occuper.
       Un libraire me disait dernièrement, que personne n'achetait plus de recueil de poèmes, et que rares étaient les clients qui en demandaient. C'est chez les bouquinistes des quais de la Seine, qu'on peut encore trouver des éditions anciennes de nos poètes. D'ailleurs le mot lui-même a bien évolué; autrefois quand on disait de quelqu'un "c'est un poète" il y avait une nuance d'admiration dans le ton employé, aujourd'hui, on dit avec une certaine condescendance "vous savez, c'est un poète" comme s'il s'agissait d'un être un peu lunaire, n'ayant pas le ses des réalités.

       Poète ! qui ne l'a pas été à un moment de sa vie ? Nous avons tous écrit des vers, plus ou moins boiteux, plus ou moins inspirés, vers 15 ou 16 ans, à l'éclosion des sentiments; nous avons éprouvé le besoin de coucher sur une feuille de papier, ce que nous ressentions, et, de l’écrire en vers, ajoutait à la profondeur de ce que nous éprouvions, mais nous cachions avec pudeur, à nos camarades de classe, ces balbutiements littéraires, de peur d'être ridicules.
       J'ai été ravie, que sous i'égide de l'éducation nationale et du ministère de la Culture, on ait crée, cette année, "le printemps des poètes" et j'ai applaudi toutes ses manifestations organisées par les associations culturelles, et les médiathèques départementales.
       De nombreux jeunes et adultes sont venus écouter de la poésie, récitée par des artistes, qui ont sélectionné les plus beaux textes de notre littérature. Baudelaire, Rimbaud, Verlaine ont été particulièrement à l'honneur, et c'était justice de rendre, ainsi, un hommage à ceux que l'on appelait "les poètes maudits".

       Parmi eux, j'ai une tendresse particulière pour Verlaine, du moins pour son œuvre : "il pleure dans mon cœur, comme il pleut sur la ville. Quelle est cette langueur qui pénètre mon cœur ?" "écoutez la chanson bien douce qui ne pleure que pour vous plaire" " je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant, d'une femme inconnue, et que j'aime et qui m'aime". Malgré sa vie tumultueuse et son destin désordonné (n'oublions pas qu'il fit deux ans de prison, pour avoir tiré sur Arthur Rimbaud) il est l'auteur d'un art poétique, qui se traduit par une véritable musique des mots, et s'ouvre sur le monde infini du rêve, baigné d'une lumière surnaturelle. Je ne voudrais pas oublier parmi les poètes contemporains: Paul Fort, l'auteur des "Ballades françaises", élu prince des poètes par ses admirateurs. Rappelez-vous son poème "le petit cheval, dans le mauvais temps, qu'il avait donc du courage, c'était un petit cheval blanc, tous derrière et lui devant" Georges Brassens avait choisi ce texte pour en faire une chanson délicieusement émouvante.
       Et puis Prévert arriva, et "les feuilles mortes" n'en finirent pas de tourner.

       L'initiative prise par les dirigeants de l'éducation nationale et de la culture, pour réhabiliter la poésie, était fort louable, il m'a semblé qu'elle n'avait pu atteindre véritablement le but et l'ampleur souhaités, car les tragiques évènements du Kosovo, et le spectre de la guerre des Balkans, jetaient une ombre sur toutes les manifestations, les plus dignes d'intérêt soient-elles!
       La poésie n'est pas morte... disons qu'elle est un peu en sommeil, les clubs de poètes, ceux d'Art et Poésie, reprennent, petit à petit, de leur vigueur. Merci à ceux qui les animent avec enthousiasme, et ne se découragent pas devant le matérialisme de notre époque.

       Je terminerai par un texte de Pierre Seghers, auteur du "Livre d'or de la poésie française" : "Les aventuriers de la poésie demeurent infiniment vivants, ils sont votre plus secrète et intime compagnie, si certains vous distraient, d'autres iront beaucoup plus loin, ils vous révèleront à vous-même. Et quelques-uns, à l'improviste, vous conduiront à la réflexion. Devant tant de richesses el de présence, on se dit qu'il faut être respectueux et avides. D'où qu'il vienne, et même des plus réservés, le poème est un cri d'amour, il appelle à une mystérieuse communion, il cherche une autre voix, une moitié qui est vous-même... la poésie vous aide à vivre, je la tiens pour essentielle à l'homme, autant que les battements de son cœur".
Camille BENDER


UN RACCOURCI DE L’HISTOIRE
par Maurice Villard
ACEP-ENSEMBLE N° 289
LA DOMINATION TURQUE : 1510 - 1830

Deux aventuriers turcs reprennent aux Espagnols
les villes de la côte et occupent le pays.

              Au début du XVIe siècle, après avoir chassé les Musulmans de la péninsule, les Espagnols menacent I'Afrique du Nord ; en 1500, ils s'emparent d'Oran, puis de Bougie, de Tripoli et ils bâtissent une forteresse « le Penon », sur les flots situés en face d'Alger.
              A ce moment, des aventuriers turcs, les frères Barberousse, avaient trouvé un repaire dans l'île de Djerba. Corsaires réputés, ils furent appelés de divers côtés pour lutter contre les Espagnols qu'ils finirent par vaincre,
              Aroudj, I'aîné des Barberousse, se rendit maître d'Alger, puis des principales villes de l’intérieur, mais il fut tué en 1518. Son frère Kheir-ed-Din se plaça sous la suzeraineté du Sultan de Constantinople qui lui envoya un corps de 2.000 janissaires

Les janissaires permirent
aux Turcs de dominer I'Algérie.

              La force principale des Turcs, était constituée par les Janissaires.
              A partir du XVIIe siècle, cette milice devint toute puissante et les chefs du gouvernement, qu'on les ait nommés pachas ou deys, furent à sa merci. Turbulents, cupides, sanguinaires, les janissaires firent régner le désordre et la violence dans Alger.
              Pour administrer le reste du pays, il y avait trois deys à Médéa, à Oran et à Constantine Chacun d'eux était secondé par des caïds qui commandaient les tribus et opprimaient les malheureux habitants.
              La domination turque ne fut qu'une exploitation brutale des indigènes.


              Les Turcs ne firent rien pour les populations indigènes ; ils se contentèrent d'organiser la rentrée des impôts avec des colonnes de janissaires et le concours de certaines tribus dites «maghzen » qui rançonnaient sans pitié les autres tribus. En 1830, quand les Turcs furent vaincus par la France, leur chute fut une délivrance pour I'Algérie.

Les janissaires

              Les janissaires se considéraient comme Ies maîtres d'Alger et de la Régence, et ils regardaient de très haut le reste de la population.
              De basse origine, ils étaient recrutés en général parmi la population des villes de Turquie, mais dès l’instant où ils entraient dans la milice ils bénéficiaient des prérogatives que ce corps avait réussi à s'assurer.
              Les règles qui présidaient à l'avancement étaient basées sur I'égalité absolue. La solde s'accroissait régulièrement pendant les cinq premières années, et ensuite c'était la haute paie qui était la même pour tous.
              Les grades étaient attribués uniquement à l'ancienneté ; le plus élevé était celui d'Agha que chaque titulaire ne conservait que pendant deux mols.
              Les officiers supérieurs des janissaires constituaient le Divan qui se réunissait quatre fois par semaine.
              On y réglait les affaires concernant la milice, d'autant que les janissaires échappaient à la justice des tribunaux. Le Divan s'occupait aussi des « noubas » ou garnisons détachées dans certaines villes de l’intérieur, des « mahallas » ou colonnes qui étaient envoyés pour châtier les rebelles et faire rentrer les impôts.
              Enfin, c'est le Divan qui décidait de la paix, de la guerre, des alliances, et on pourrait dire que « les janissaires faisaient absolument tout ce qu'ils voulaient à Alger »
              La milice était la terreur des deys qui, pour la plupart périrent assassinés dans leur palais de la Djenina, situé en bas de la ville.
              En 1817 cependant, le dey Ali Khodja voulut se soustraire à cette tyrannie. Il fit transporter le trésor public à la Casbah, qui domine Alger, et s'enferma dans la forteresse avec deux mille gardes kabyles. Attaqué par les janissaires, il en tua près de 1500, fit empaler les prisonniers, et signifia ainsi à la milice que son règne était fini.

Les Turcs et I'Europe.
Les Corsaires.

              Les turcs firent d'Alger un repaire de corsaires.
              Kheir-el-Din, le second des frères Barberousse, s'empara du Penon d'Alger en 1529.. Aussitôt il fit commencer la construction de la jetée destinée à relier l'ancien îlot à la terre ferme, et créa un petit port.
              La ville fut entourée de remparts avec des forts, des batteries, et I'on eut sur le front de mer surtout, une ligne de défense redoutable. Alger devint ainsi le repaire des corsaires

La piraterie était une
véritable industrie dont
vivait la population d'Alger.

              Les patrons corsaires, appelés raïs, formaient une corporation, la « Taïfa » des raïs, qui joua un grand rôle à Alger. Leurs vaisseaux étaient armés et bien équipés. Tantôt ils opéraient des raids sur les côtes d'Europe, tantôt ils attaquaient des navires de commerce, s'en emparaient et ramenaient à Alger les passagers et la cargaison.
              Les prises étaient vendues aux enchères, et le produit de la vente réparti entre le dey, les raïs, l'équipage et les amateurs. Beaucoup d'habitants, même les juifs, même les femmes, participaient à l'armement de ces vaisseaux et aux bénéfices de la course. Dans le courant du XVIIe siècle, il y eut jusqu'à 35.000 captifs à Alger ; plus tard les prises diminuèrent beaucoup, dès lors, la ville tomba en décadence.

Pendant trois siècles
les Turcs d’Alger bravèrent
les nations européennes.

              A diverses reprises, certaines nations européennes, voulant mettre un terme aux déprédations des pirates organisèrent des expéditions contre Alger. La plus célèbre fut celle de Charles Quint en 1541: elle comptait plus de 24000 soldats et 12000 marins. La tempête engloutit la moitié de la flotte et transforma I'expédition en désastre.
              Par la suite, Alger fut bombardé bien des fois, mais sans grand succès, jusqu’au jour ou la glorieuse expédition de 1830 amena la chute des Turcs

Les captifs chrétiens

              Au retour d'une expédition, dés que le débarquement est terminé, on conduisait les captifs au Badestan, la place Mahon actuelle, qui était le marché aux esclaves. A I'ordinaire le dey était présent : Ies récits des captifs nous le montrent assis. " les pieds croisés comme un tailleur sur un large banc couvert d’un tapis bleu ". Les captifs défilaient devant lui.
              Pour les autres, les enchères commençaient aussitôt. On les interrogeaient habilement pour tâcher de les connaître en vue d'une rançon, Ies ressources de leur famille : on les examinait, on les tâtait.
              « Ils me touchaient les mains, dit l’un d’eux, pour voir si elles étaient dures et calleuses à travailler ; d’avantage ils me faisaient ouvrir la bouche pour voir mes dents, si elles étaient capables de ronger des biscuits sur les galères. Ensuite on faisait circuler ces malheureux autour de la place, et le crieur public lançait d'une voix perçante, les chiffres mis sur la tête de chacun d'eux.

              Les esclaves du dey étaient logés dans les bagnes. Quant aux particuliers, ils emmenaient leurs captifs chez eux et les employaient aux besognes de la maison ou aux travaux de jardinage dans les villas environnantes.
              D’autres les laissaient vaquer à certains petits métiers, se contentant de prélever une partie du gain qu’ils pouvaient réaliser comme taverniers, porteurs d’eau, écrivains publics, etc. Les esclaves de rançon avaient une situation à part ; on les considérait comme une marchandise précieuse, ce qui leur valait quelques ménagements, au lieu de les astreindre à dès travaux pénibles, on leur permettait de sortir dans la ville ou ils s’ingéniaient pour assurer leur subsistance.

              Certains ordres religieux tels Ies Trinitaires ou les Pères de la Merci, déployèrent un pieux dévouement pour recueillir dans la chrétienté les fonds nécessaires au rachat des captifs, rachat qu'ils venaient négocier à Alger, non sans péril.
Maurice Villard


    
MUTILE N° 194,

HISTOIRE D'APRES-GUERRE
Les Françaises qu'on oubli !

        Nous avions consacré, en première page, dans notre numéro 185, du dimanche 20 mars 1921, un long article sur la vie d'une Française, nous la nommerons. Mme Vve Piot.

        Les aménagements, les commodités de son foyer ont rivalisé avec ses bons soins et son impartiale cordialité. La reconnaissance de tous les poilus, du bled lui est acquise et s'est traduite par de nombreuses lettres que nous nous félicitons d'avoir sous les yeux.
        Dès 1914, pendant toute la durée des hostilités, et encore en ce moment son Foyer a fonctionné à Ste-Barbe-du-Tiélat. Tous ceux qui ont pénétré dans ce home hospitalier ont emporté le meilleur souvenir. C'était si réconfortant, après des mois de colonne, de goûter les joies tièdes d'un toit ; de revoir des figures amies...

        Que le temps leur aurait paru long, l'attente entre deux trains !.. heures interminables et glacées où le cafard occupait toute l'immense solitude ! Le Foyer brillait...- c'était le lieu d'orientation. A côté de ce réconfort, de ses attentions matérielles, une figure si bonne, si franche, retenait et guidait ces pauvres automates !...
        Beaucoup, de ces soldats auraient roulé et n'auraient rien fait pour sortir d'où ils étaient tombés. Mme Vve Piot a été leur maman ; ses conseils, ses attentions ont remonté le moral de ces blessés et pour une fois ils ont écouté cette voix ; il y en a qui ont pleuré leur cœur tari de tout sentiment a voulu se rappeler à celui si noble de leur hôtesse.

        Malheureusement, il y a certains Messieurs qui l'ont accablé de leurs forces brutales, acquises, hiérarchiquement dans la vie politique. Ils se taxent du nom de Français et s'entourent de patriotisme. Mais il — je le prends au singulier car je le connais ! - ose se prétendre quelque chose et n'a rien à se reprocher ! Revenons, un peu en arrière et révisons ses états de service..
        Salonique seul, émerge de ses rues étroites. C'était la zone des armées, me dira-t-il !... je l'admets. Le climat était, éreintant !... je veux bien le croire!... c'est pour cela qu’il a fini la guerre en convalescences et « pérmes. » Près de deux ans de congé !.,. qui l'ont remis d'aplomb, aussi approche-t-il.. des 90 kilos !... poids respectable qu'il avait avant d'être débusqué !... et il était réformé !... Il a su accroître sa fortune, déjà bien assise !... plus ou moins honnêtement pour lui ça n'a pas d'importance !... Le connaissez-vous ? Ça été l'éternel embusqué !

        A côté de cela il y a des natures droites, de cœur !... qui ne se vendent pas !... qui n'ont pas failli une minute ; qui ont mis à contribution leur bien personnel, acquis modestement, à soulager, à aider des pauvres malheureux !... des poilus !... Pour toute récompense, elle a les crasses journalières de cet engraissé par la guerre. Il veut lui fermer son Foyer, lui enlever ce qu'elle a de plus cher au monde !... son vrai et seul plaisir !
        Pourquoi ? Je vous le laisse deviner !
        Elle ne demande rien !... aucune subvention !... elle en a même refusé. Elle veut la tranquillité et même l'indifférence de ces goujats. Sa satisfaction personnelle lui suffit et la continuelle attention de ses anciens poilus est la juste récompense de ce qu'elle a fait pour eux.

        Il y a encore des personnes de cœur, des Français, s'occupent d'elle et de ses poilus. Son utile Foyer restera ouvert, et une juste récompense dans la reconnaissance française lui sera offerte, et, c'est ce que nous souhaitons de grand cœur.
        Les années s'écouleront par les méandres bordés d'imprévu de notre siècle mouvementé. Les feuilles tomberont... d'autres renaîtront sous le vent tiède et pernicieux de l'indifférence !.. Il y en a qui oublieront !...
        Mais madame, veuve Piot sera toujours la bonne maman des poilus et l'autre le touriste de Salonique.
REGGIO D'OTRANTE


Souvenir - Souvenirs

par Jean Claude PUGLISI,
Macaronade chez Samouère.

        Qu'il m'arrive parfois, d'imaginer le passé pour tenter d'oublier le temps qui s'enfuit et certes un secret de Polichinelle, que je n'ai nul besoin de cacher. Comme toujours ce retour en arrière, laisse régulièrement apparaître, un passé rempli de spectres qu'il me plaît de réveiller et alors le spectacle commence : le soleil se fait chaud et paternel - la mer plus bleue que jamais, avec sur sa tête un ciel sans nuage ou, tournent sans se lasser les blanches mouettes... Dans le lointain monte doucement, la rumeur tendre et câline du village de mon enfance où, se mêlent souvent, les bruits et les senteurs sublimes d'une époque, hélas ! bien révolue
        Sans interlude, la lanterne magique me renvoie, un long cortège de souvenirs anciens, qui, tendrement, viennent frapper à la porte de ma mémoire. Cependant, chaque fois où je me décide, d'aller faire trois petits tours du côté de chez-moi, après l'ivresse vient le temps des regrets. Le rêve merveilleux s'arrête, brisé dans sa bonté par un réveil plus cruel que jamais. Alors pour tenter de poursuivre mon rêve inachevé, sournoisement, je triche en prenant position, entre la louche et la casserole. Puis, j'invite quelques bonnes recettes Calloises, qui vont me conter une histoire du passé pleine d'amour et de tendresse.
        Comme d'habitude, j'ai le profond sentiment, que, derrière chaque recette, se cache un jardin secret qu'il me plaît de revisiter, pour remonter le temps et retrouver mes souvenirs d'antan. C'est ce sentiment, que, la Cuisine du Bastion, va humblement tenter de vous faire partager. Quant à moi, je m'en vas allègrement me faire, une bonne séance au premier rang de mon cinéma Paradiso où, il y a encore de la place pour tout le monde.
        Préparons les fourchettes et « en avant la musique ! » Car, comme le disait le Cap'tain Gennaro +, Consul de La Calle à Port la Nouvelle : « et maintenant, je vais parler ! » :

        La Macaronade de chez Samouère
        Ce n'est pas une recette classique qui va ouvrir le bal, mais, une histoire bien ancienne, que me contait avec beaucoup de nostalgie - Louise ma chère maman +. C'était dans les années 1925 / 1930, mon grand-père Vincenzo PÊPE alias, l'Afrique, exerçait à Bône la belle profession de marin-pêcheur. Pendant l'été à l'époque des vendanges avec sa famille, il partait pour La Calle passer quelques jours de vacances, route de Tunis chez son cousin Samuel BALZANO - alias Samouère.
        Ma mère évoquait toujours un doux souvenir, qui marquait régulièrement ce séjour à la ferme : c'était celui de la préparation d'une somptueuse macaronade où, chacun, avait sa part de responsabilité. Pour les petits et les grands, l'aventure commençait de très grand matin, car, après une brève randonnée, toute la bande de gamins se retrouvait joyeux, au-delà de la voie ferrée et à deux pas du ravin du trésor.

        Là, pataugeant dans la mer et à fouiller dans les rochers, ils se mirent à ramasser consciencieusement, toutes sortes de joyaux marins d'une infinie fraîcheur : crabes « poileuses ou liches » - quelques poulpes - des arapelles - des petites moules... mais la moisson était loin d'être terminée, puisque, Chkoungils* et Gagaousses* ( escargots de mer ), de peur d'être oubliés rejoignaient la mêlée. Dans leur sillage suivait, une clique de petits poissons variés fraîchement pêchés, sans oublier un bouquet de gracieuse et timides ambrebines ( petites crevettes ), récoltées au creux des rochers... Vers la fin de la matinée, les gamins remontaient vers la ferme, en portant fièrement leur butin, un peu comme un saint Sacrement des jours de fête.

        Dans la cour de la ferme, un bon feu de bois clair et crépitant de plaisir, avait installé sur son trône une bassine de généreuse dimension où, déjà, la cousine Catherine préparait son alchimie... Ecoutez plutôt = de l'huile d'olive de chez MELLIS, précieuse et parfumée - de l'ail, par têtes entières blanches et charnues - de beaux oignons à faire pleurer, coupés en quatre - des tomates, grosses et juteuses gorgées du soleil de l'été, faisaient rougissantes une entrée très remarquée et pour terminer des clous de girofle, pour renforcer l'amitié avec thym et le laurier, puis, sel et poivre pour terminer.
        De ce céleste mélange par le feu de bois caressé, naissait une sauce incomparable qui embaumait tout le quartier. Puis, venait enfin la phase ultime des opérations, un moment magique et inoubliable où, le cousin Samuel, entouré de tous terminait le chef-d’œuvre de la matinée : d'un mouvement majestueux et plein de respect, il incorporait tendrement, dans la sauce écarlate de bonheur et dans un ordre bien défini, tous les produits de la pêche des enfants. Il faut dire qu'à ce moment là, une armée de spaghetti était l'invitée d'honneur, laquelle, n'attendait que la bénédiction du maître des lieux, pour convoler en justes noces avec sa sauce préférée.

        Tout allait ensuite très vite, car, les assiettes pleines, étaient assaillies par tous les convives, qui baïonnette à la main faisait l'unanimité. Pour la suite de ce fabuleux banquet, je vous laisse le soin de l'imaginer et surtout de l'accommoder comme je le fais, façon cinéma Paradiso de préférence.

        La macaronade du cousin Samuel, que contait Louise ma chère maman, restera toujours un festin somptueux et inoubliable, même pour moi qui ne l'ai pas vécue puisque pas encore né. Mais, si par hasard, un jour cette recette vous tentait, il vous suffira de trouver un petit coin de méditerranée, tout près d'un ravin même sans trésor, alors suivez mon histoire et vous serez comblés. Surtout, mes chers amis et amies, avant de vous servir n'oubliez jamais, d'ajouter un petit soupçon de nostalgie et une douce pensée pour tous ceux qui nous ont quittés.

        Extrait du dictionnaire Callois - Français
        Chkoungils ou Bakoums = Bulots
        Gagaousses = Bigorneaux
        Ambrebines = petites Crevettes grises
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Histoire de la Pasta Aglio e Olio à la Napolitaine.

        Cette manière très ancienne de préparer les pâtes, avec tout simplement de l'huile d'olive et de l'ail, est originaire de Naples et sa région. Aujourd’hui encore, la Spaghetatta Napoletane, reste la façon la plus distinguée, d'achever une soirée entre amis. Ce plat peu onéreux et simple à réaliser, figurait fréquemment sur nos tables et faisait, il faut le dire le régal de tous les convives.

        Des années sont passées, depuis le grand départ de là-bas, mais, la pâte aglio et olio est toujours sous mon toit. Cependant, chaque fois que je prépare ce délicieux repas, curieusement, me revient en mémoire une histoire ancienne que me contait « l'Afrique » mon grand-père +, avec sa voix parfumée aux pures senteurs napolitaines : c'était, me disait-il, en 1918 et la guerre venait de se terminer et mon aïeul libéré de ses obligations militaires, s'apprêtait à renter chez-lui à Bône en Algérie. A Marseille il eut l'idée de retourner en Italie, pour un séjour à Ventotène son île natale, 28 ans après son départ pour l'Afrique du nord.. C'est ainsi que Vincenzo débarqua à Naples où, il lui fut indiqué, qu'un bateau ne partirait pour Ventotène que le lendemain matin.

        Il commençait à se faire tard et la faim le tenaillait et c'est dans une ruelle du vieux Naples, qu'il trouva une petite gargotte sans chichi, avec sa vieille mama napolitaine, qui, malgré l'heure tardive, lui dit : « Figlio mio ! Assieds-toi, je vais te faire de la pasta Aglio e Olio.» Déjà, les spaghetti cuisaient, lorsque, prestement dans une grande poêle, elle fit chauffer de l'huile d'olive épaisse et parfumée, puis, elle éplucha un bon peu d'ail, qu'elle broya consciencieusement et sans se cacher dans sa vieille bouche toute édentée, pour ensuite expédier magistralement le contenu de sa cavité buccale, dans la poêle où crépitait l'huile avec hilarité... Cette technique particulière de Naples, n'empêcha pas Vincenzo de se régaler. La pasta aglio e olio durant la drôle de guerre, même sur la tête d'un galeux ne l'aurait pas rebuté. Alors ce soir-là, tout naturellement, mon grand-père n'a même pas fait semblant d'être rassasié.

Recette de la Pasta Aglio e Olio
ou, Spaghetatta Napoletane

        Ingrédients :
        - 500 gr de Spaghetti
        - 6 cuillères à soupe d'huile d'olive
        - 3 à 4 belles gousses d'ail
        - 2 à 4 filets d'anchois à l'huile ou au sel
        - 2 cuillères à soupe de persil ciselé.
        - Sel modérément et poivre du moulin.
        - Parmesan et/ou Gruyère

        Préparation :
        Cuire les spaghetti dans un grand volume d'eau bouillante salée
        Faire chauffer l'huile d'olive dans une grande poêle
        Ajoutez les gousses d'ail écrasées, puis, les anchois et le persil haché
        Laisser dorer un petit moment
        Passez les spaghetti et les incorporer directement dans la poêle
        Arrêtez le feu et bien mélanger
        Servir avec sel et poivre + Parmesan et/ou Gruyère.

        Bon appétit à tous et que les Dieux du Bastion de France vous bénissent. Si d'aventure un jour, ils oubliaient de le faire et qu'il vous venait « le noir » ( la tristesse ), entre la louche et la casserole faite comme moi, à n'importe quelle heure et quel que soit le temps, un bon coup de cinéma Paradiso vous apaisera.
        PAX VOBISCUM, mes chers frères et sœurs du Bastion de France.
Docteur Jean-Claude PUGLISI,
de La Calle de France -
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage
Janvier 2002.



CHRONIQUE LOCALE
Par M. Marc Donato
Bône-Journal.
5 octobre 1922

          Au sujet des mœurs. Nous avons reçu la lettre suivante :

          « Monsieur le Directeur,
          Je ne suis pas plus pudibond qu’il ne convient, mais j’estime qu’il y a certains spectacles qu’on devrait bien épargner au moins à nos enfants.
          C’est ainsi que tous les mardis et vendredis matin, le personnel des maisons hospitalières de la haute ville se rend au dispensaire de la rue Bouscarein en « costume de travail ». Quelques-unes de ces dames, retroussées jusqu’à la jarretière, tentent vers les passants matinaux des œillades fatiguées pendant que d’autres, ébouriffées et carminées, lancent d’un geste crapuleux de la tête, la fumée de leur cigarette.
          Il est 8 heures. C’est l’heure où nos enfants se rendent en classe. Intrigués, ils s’arrêtent pour regarder passer ces groupes étranges et se questionnent entre eux.

          C’est un spectacle sale et d’un mauvais conseil qu’il faut épargner à leurs jeunes imaginations. Que le service des mœurs prenne ses dispositions dans ce sens.
          Un père de famille
          Note de la rédaction : Le père de famille a parfaitement raison mais si le service des mœurs ressemble au service de l’hygiène, il peut toujours attendre…

Les lupanars bônois

          Combien de mères maquerelles, combien de vieilles « putaines »,
          Sujets depuis des lustres de lubriques turlutaines ,
          Au sein des maisons closes, et pourtant bien ouvertes,
          Ont montré le chemin des tendres découvertes,
          Ravissant à des hommes dans la fleur de leur âge
          Ce que, en bon français, on nomme « pucelage ».

          Dans l’illustre media qu’est la dépêche de l’Est,
          Nos rues, nos avenues ne sont jamais en reste.
          Benguèche ou Danrémont : on a tout déballé.
          Des lupanars bônois, on n’a jamais parlé.

          « La Lune » ou « La Régence », « Le Chat noir », « Le Tamtam »
          Les boîtes à souvenirs emplissent de fantasmes.
          De notre ville de Bône, près de la place d’Armes,
          Elles furent pendant longtemps un élément de charme.
          Maisons d’apprentissage ou maisons de santé,
          Il me fallait ici quand même les présenter.
2010 - Marc DONATO


PHOTOS de CONSTANTINE
ACEP-ENSEMBLE 289































































Algérie catholique N°1, 1936
Bibliothéque Gallica

LES PERES BLANCS du Cardinal Lavigerie,
Missionnaires d'Afrique

        La Société des Pères Blancs est africaine de naissance : l'Algérie a été son berceau. A l'ombre du sanctuaire de Notre-Dame d'Afrique, elle a pris vie ; sous le patronage de Marie, Reine de l'Afrique, elle a grandi, elle a étendu ses rameaux du Sahara aux rives du Niger, aux sources du Congo et du Nil, y faisant rayonner avec la foi du Christ, l'amour de la Vierge, sa mère.
        Les Pères Blancs sont missionnaires et ne veulent être que missionnaires : ils n'ont pas d'autre ambition et ce serait grandement les surprendre que leur prêter d'autres desseins ou attendre d'eux d'autres services qui les détourneraient de leur tâche essentielle. Tournés vers le peuple indigène, c'est à lui que, spontanément, ils donnent leurs sollicitudes, partout où ils sont envoyés, en quelque lieu qu'ils s'établissent. A lui va leur temps, leur dévouement, leurs aptitudes à se rendre utiles, leurs modestes ressources ; pour lui naîtront les œuvres inspirées de la vue de ses immenses besoins, qu'ils soient matériels, intellectuels, moraux : et dans ces œuvres les missionnaires mettront tout leur cœur, si bien que le peuple se sentant si franchement aimé ne doutera pas qu'ils soient ses plus surs amis, bien plus sûrs même que les gens de son clan et de sa proche parenté.

        Partout, dans leurs missions, les Frères Blancs ont, au service des populations indigènes, multiplié les dispensaires, ouvert des hôpitaux, des asiles et des léproseries, encouragé le travail nourricier et productif, introduit des cultures et des plantations susceptibles d'assainir la terre et d'améliorer les conditions de vie matérielle de la population ; ils dispensent à des centaines de milliers d'enfants et d'adultes de I'Afrique noire l'instruction élémentaire et primaire, et aux élites naissantes ils préparent un savoir plus développé.
        Autour de chaque centre de mission s'étendent de longues zones de paix confiante où les hommes ont appris à s'entraider fraternellement, où règne une atmosphère de bonté et de charité dans laquelle les âmes baignent et se relèvent du bas matérialisme de la vie païenne.

        Depuis un demi-siècle, le grand effort des Pères Blancs est tendu vers les peuples noirs de l'Afrique intérieure, Bantous à l'Est, Soudanais à l'Ouest. Les résultats obtenus sont tels qu'il faut des missionnaires en nombre croissant et des moyens d'action toujours en progrès pour répondre à des besoins sans cesse grandissants. C'est ainsi qu'aux écoles élémentaires viennent se superposer des écoles de degré supérieur, que la multiplication des lecteurs et des lectrices, (car tous les chrétiens noirs savent lire) doit répondre la diffusion de livres sains et moralisateurs, de périodiques et de journaux d'information en langue indigène, que l'intensité de la vie religieuse a donné naissance à de pieuses communautés, à des instituts religieux de sœurs et de Frères indigènes, que les besoins du ministère pastoral et l'urgente nécessité de pourvoir à l préparation immédiate au baptême de 500000 catéchumènes, à l’administration des sacrements à plus de 1.000000 de néophytes, à leur instruction religieuse continue, à leur persévérance dans la pratique fervente de la vie chrétienne, requièrent l'ordination d'un clergé indigène, sa formation par des études prolongées et la discipline religieuse de la vie cléricale des grands Séminaires indigènes et des multiples petits Séminaires qui y acheminent des vocations longuement éprouvées. Aujourd'hui 119 prêtres noirs collaborent avec les Pères Blancs dans les missions des grands Lacs aux travaux de leur apostolat. Dans cinq grands Séminaires régionaux, 300 séminaristes indigènes se préparent par un stage d'études et de formation qui n'est pas inférieur à huit années à la réception des ordres sacrés et de la prêtrise.
        Dans les petits Séminaires qui sont au nombre de 16, la culture littéraire, l'enseignement du latin et des éléments des sciences sont donnés à plus de 1100 adolescents et jeunes gens, tous désireux d'entrer au grand Séminaire et de devenir prêtres à leur tour.

        La vie des Pères Blancs dans ces missions est une vie d'intense activité, toujours tendue vers le but et fermement dirigée. Le but, c'est le bien total des populations indigènes qui est poursuivi sans relâche" Les Missionnaires s'y dévouent, ayant toujours présent à l'esprit I'exemple de leur Père, le Cardinal Lavigerie et se réconfortant de l'une de ses paroles familières « travaillons ! nous aurons l'éternité pour nous reposer. »

        Activité fermement dirigée : le Père Blanc est homme d'obéissance : il ne fait pas son travail à sa guise, il ne l'imagine pas à son goût et ne le choisit pas à sa convenance personnelle. Il a une tâche, il s'y adonne, il l'embrasse de toute son énergie et la poursuit, telle que la lui taille à sa mesure ses Chefs, son Evêque chef de la mission dans laquelle il est envoyé. Son supérieur immédiat dans le poste et la communauté dont il fait partie, Dons son poste de mission. l'activité de chacun n'est pas exposée aux risques et aux déboires des initiatives isolées, désordonnées, incontrôlées ou inconstantes. Les vues et les expériences sont mises en commun dans la réunion hebdomadaire d'un conseil fraternel : elles sont conformées aux directions données par le Chef de Mission ; elles doivent répondre aux réalités de la situation et du milieu dans lesquels les Missionnaires travaillent en commun à leur tâche. Les décisions se prennent sous la responsabilité du Supérieur du poste et il lui incombe de veiller à leur bonne exécution.

        C'est dans leurs grands établissements d'Algérie et de Tunisie, à Maison-Carrée, à Carthage, à Thibarque les Pères Blancs accueillent, préparent à leur vie de missionnaires, les jeunes aspirants missionnaires qui viennent à eux avec la belle ardeur de leurs vingt ans et qui, épris de l'amour de Dieu et de la beauté du don de soi au Christ et aux âmes abandonnées qui l'ignorent, ont choisi l'Afrique comme terre d'élection, résolus à y répandre au prix de leur vie et à y faire rayonner sur ses populations incultes les trésors de bonté et de grâce de l'Evangile.
        Maison-Carrée est le point d'arrivée, le lieu de rassemblement de cette jeune phalange qui chaque année se renouvelle. Maison-Carrée, c'est pour eux, comme pour tous les Pères Blancs, la Maison-Mère, la tête et le cœur de la Société, avec le Supérieur général et son Conseil, avec les directions générales qui assurent la marche de tout l'organisme social. C'est pour eux spécialement l'année de leur première initiation à la vie africaine du Père Blanc, pendant leur noviciat.
        A Carthage, à Thibarque, les futurs missionnaires font leurs études de théologie, sont promus aux Ordres ; après quatre années ils sont ordonnés prêtres et reçoivent leur destination pour les missions. En cours d'études, ils s'entraînent à la vie virile, à la pratique persévérante du dévouement, de la bonté, aux relations bienveillantes et amicales avec les Arabes de la région, soignant leurs malades, les visitant dans leurs gourbis ou sous les tentes, consacrant à leur soulagement les moments libres de leurs jours de congé ou de leurs vacances.

        Ce que font les Pères Blancs dans l'Afrique du Nord en faveur des populations arabes et berbères, les témoignages non équivoques d'attachement et de gratitude qu'ils en reçoivent, fera l'objet d'un aperçu ultérieur. Il est naturel qu'en ce pays où leur Société a pris naissance, où elle s'est consacrée dès la première heure au soulagement des calamités et des infortunes qui frappaient alors le plus durement la population indigène, les Pères Blancs soient restés fidèles dans leur dévouement à ce peuple, premier objet de leur sollicitude. L'Algérie et la Tunisie n'ont pas cessé d'ailleurs d'être pour eux jusqu'à ce jour la première prise de contact avec le continent africain, le centre de ralliement où les ramène après des années de labeur épuisant la nécessité de refaire leurs forces anémiées par les climats tropicaux de l'Afrique intérieure, le rivage accueillant dont ils ont emporté, avec les souvenirs de leurs plus belles années de jeunesse, l'image radieuse et ensoleillée qui les suit dans la dispersion et les immenses étendues de leur champ d'apostolat africain.

        Comment est née, en cette terre d'Algérie, moins d'un demi-siècle après l'établissement de la puissance française sur les côtes barbaresques, cette jeune Société des Missionnaires d'Afrique qui veut être en terres non chrétiennes un des foyers de rayonnement de la bienfaisance et de la bonté des Chrétiens ?
        C'est assez, pour le faire entendre, d'évoquer le nom de son Fondateur, le Cardinal Lavigerie. A la manière des grands Evêques de l'expansion chrétienne dans l'Europe barbare, d'un Saint Martin dans les Gaules, d'un Saint Boniface en Germanie, d'un Saint Anschaire en Scandinavie, Lavigerie, Evêque, se voua comme eux à l'apostolat missionnaire et se fit, approuvé et soutenu par l'autorité du Chef Suprême de l'Eglise, l'apôtre de l'Afrique.

        Jeune Evêque à Nancy, il entend l'appel de l'Afrique et rien n'est capable de l'en détourner désormais, ni les belles réussites d'un épiscopat qui s'annonce brillant et fécond dans son diocèse, ni les offres impériales d'un siège plus élevé dans la Métropole avec l'assurance d'une situation prépondérante dans la hiérarchie et la perspective de la pourpre cardinalice.
        Il refuse ces avantages, les repousse avec vigueur, et court à ce pauvre évêché de mission qu'est l'Alger d'alors, parce que pour lui l'Algérie, dont la France tient en mains désormais les destinées, « n'est qu'une porte ouverte par la Providence sur un continent barbare de deux cents millions d'âmes. »

        Il a 42 ans, et il vient en Evêque à Alger avec la volonté d'y remplir une tâche immense qu'il définit en ces termes : Amener à notre civilisation les populations arabes et berbères de l'Afrique du Nord qui vivent sous notre drapeau ; « avec la grâce de Dieu, je m'en sens le courage, disait-il : les œuvres de charité pour tous, les écoles françaises pour les enfants m'en fourniront dès maintenant deux moyens efficaces. L'œuvre de transformation à accomplir sera longue sans doute ; du moins l'aurons-nous commencée ! Tout ce qui importe et tout ce que je veux faire ici dès la première heure, c'est rompre la glace, donner l'exemple et prouver la possibilité du succès, si l'Etat, qui seul possède les ressources nécessaires, veut comprendre, après expérience ainsi faite, la voie à suivre, la favoriser et la faire aboutir, dans l'intérêt évident du pays.
        Voilà la première tâche d'un Archevêque d'Alger, telle que je la vois.
        « Mais ce n'est pas tout : l'Algérie n'est qu'une porte ouverte par la Providence sur un continent barbare de deux cent millions d'âmes ; c'est là surtout qu'il faut porter l'œuvre de l'apostolat catholique. Là pas d'obstacles : tout dépend de la grâce de Dieu et du zèle des missionnaires. C'est ce que je crois le clergé d'Algérie appelé à tenter un jour, et ce qu'il peut tenter demain s'il le veut, au péril de sa vie.»
        Le 15 du mois de mai 1867, Monseigneur Lavigerie aborde à Alger et prend possession de son siège d'Archevêque.

        Dès le 6 juillet, il est à Rome. Reçu en audience par Pie IX, il expose au Pape ses vues hardies et, encouragé par lui, il remet au Cardinal Préfet de la Propagande une note suggérant la création d'un nouveau territoire de mission qui engloberait les régions inexplorées de l'Atlantique au Soudan égyptien et s'étendrait du Sud Algérien jusqu'aux confins de la Guinée et du Sénégal.
        Une année passe et son projet est agréé : la mission du Sahara et du Soudan est érigée par décret pontifical et l'Archevêque d'Alger en est nommé le Supérieur, avec le titre de Délégué Apostolique.
        Entre temps il a interrogé son clergé, il a visité son Séminaire, il a éveillé dans ses jeunes clercs des pensées d'apostolat missionnaire, il a fait prier pour que Dieu suscite et dirige vers lui les ouvriers de ses grands desseins.

        Le 29 janvier 1868, trois jeunes abbés de son grand Séminaire de Kouba viennent s'offrir à lui pour la grande œuvre missionnaire qu'il médite. Leur vénérable Supérieur, en les lui annonçant, lui dit : « Monseigneur, trois élèves du Séminaire veulent s'offrir à vous pour l'apostolat africain. Avec la grâce de Dieu, ce sera le commencement de l'œuvre que nous avons désirée.»

        Humble commencement, outil faible et combien fragile qu'il va prendre en mains, qu'il façonnera d'abord de sa main ferme et vigoureuse, auquel il imprimera profondément l'empreinte puissante de son esprit, qu'il animera de la flamme ardente de son âme d'apôtre.
        C'était l'année où l'Algérie, ravagée par des fléaux terribles, vivait dans un cauchemar de mort : les sauterelles, la famine, le typhus dévoraient sa population indigène et jetaient à l'abandon par milliers sur les grands chemins ses marcheurs de la faim, ses malades contaminés, ses orphelins sans foyer, ses mourants épuisés.

        Au soulagement de cette immense détresse, l'Archevêque d'Alger se donnait tout entier, lançant au monde ses appels de détresse et ralliant à soi les généreux dévouements de tous les cœurs chrétiens.

        La détresse passée, restaient ses victimes les plus dignes de compassion, les jeunes orphelins recueillis par milliers par l'inépuisable charité du Prélat et qu'il fallait continuer à nourrir, à vêtir, à éduquer, pour en faire des hommes. Son clergé si peu nombreux, ses communautés religieuses peu nombreuses elles aussi et chargées déjà d'autres œuvres urgentes, ne pouvaient suffire à toutes ces tâches.
        « Je cherchais, écrivait-il, dans mon clergé des prêtres qui pussent se charger de nos orphelins arabes et je regrettais de ne pas trouver une société d'hommes apostoliques qui pût me venir en aide. »


        C'est à cette tâche urgente qu'il emploie immédiatement la bonne volonté, les désirs généreux de ses trois premiers aspirants missionnaires. « Ils partageront la vie de leurs orphelins, dirigeront leurs travaux, supporteront leurs privations lorsque les désastres de la France en 1870 auront presque tari les ressources de la charité. Ils devront, en outre, auprès des indigènes, exercer tous les offices de la charité : soins des malades, visite des pauvres, conseils et direction opportune pour l'amélioration de leurs conditions d'existence. Ils embrasseront le genre de vie pauvre des indigènes, ils adopteront leur costume, leur langue, vivront comme eux des ressources alimentaires que produit leur pays. Ils se feront tout à tous, pour les gagner ».
        Tels sont les éléments primordiaux de la règle donnée à ses premiers Pères Blancs par le Fondateur.

        En 1875, ils fondent leurs premiers postes sahariens, l'un à Ouargla, l'autre à Métlili, par delà le Mzab, simples points de pénétration destinés à préparer le départ vers le Soudan.

        Le 15 janvier 1876, une caravane légère s'organise à Métlili des Châambas, à destination du pays des Touaregs elle comprend une douzaine d'hommes, Touaregs et Châambas, avec lesquels voyageront les PP. Paulmier, Ménorst et Bouchand qui ont reçu le serment de leurs guides de les mener à bon port, et qui du Hoggar comptent poursuivre jusqu'à Tombouctou pour s'y établir. Dès avant l'arrivée à In-Salah, les trois courageux missionnaires sont victimes de la félonie de leurs guides touaregs qui les massacrent sauvagement et laissent leurs corps abandonnés sur le sable du désert.

        En 1878, partant de Rhadamès, dans le Sud tripolitain, trois autres tentent à nouveau la pénétration jusqu'au pays des Noirs, et se sont assurés des guides parmi les Touaregs Azgeurs : ils succombent eux aussi, victimes comme les premiers de la trahison des Touaregs, sur la piste de Rhadamès à Rhât. L'accès du Soudan restera fermé et les Pères Blancs n'y pénétreront que bien plus tard par la voie du Sénégal, lorsque la colonne Bonnier aura donné l'assaut à Tombouctou.
        Il fallut donc abandonner pour un temps l'espoir d'atteindre les pays nègres par la voie du Sahara. Mais déjà une autre voie s'était ouverte, bien loin au-delà, au Sud de l'Equateur, sur les côtes du Zanguebar. Sans l'ombre d'une hésitation, le Cardinal Lavigerie y engagera ses missionnaires.
        En 1878, il se fait nommer par le Saint-Siège « Délégué Apostolique pour les Missions de l'Afrique équatoriale ».

        Dès lors, année par année, les caravanes des Pères Blancs, parties d'Alger, se succèdent sur les chemins des Grands Lacs. De 1878 à 1890, en douze ans, cinquante-quatre missionnaires s'embarquèrent à Marseille, à destination du Victoria Nyanza, du Tanganika et du Nyassa. Mais déjà, en l'année 1890, trente-trois étaient morts à la peine. Quelques mois de caravane, deux ou trois traversée en pirogue, une ou deux fondations manquées, des fièvres presque ininterrompues, une attaque fatale de fièvre bilieuse, — ou bien une flèche empoisonnée, un coup de sagaie, un naufrage, — telle était, en ce temps-là, la carrière d'un missionnaire aux Grands Lacs.

        Le 26 novembre 1892, dans sa résidence de Saint-Eugène où il avait accueilli, vingt-cinq ans en arrière, les trois premiers aspirants de sa Société de Missionnaire, le Cardinal Lavigerie rendait à Dieu sa grande âme d'apôtre. Ses Pères Blancs, pour faire face à l'immense tâche qu'il leur avait taillée et dans laquelle il les avait à fond engagés, n'étaient guère plus de deux cents, répartis entre les Missions d'Algérie, du Sahara et de l'Afrique équatoriale. Mais confiants en l'aide de Dieu, résolument attachés aux consignes de leur Père, forts de la discipline et des règles qu'il leur avaient données et qu'il leur léguait comme leur unique richesse, ils n'avaient plus désormais qu'à aller de l'avant.

        A ce jour, en deux cent cinquante postes missionnaires, près d'un millier de Pères et Frères sont au travail, évangélisant des millions d'âmes, soutenant la foi et la pratique chrétiennes de plus d'un million de néophytes, préparant au baptême près de cinq cent mille catéchumènes, assurant l'instruction, dans leurs écoles de mission, à trois cent cinquante mille enfants et jeunes gens.
        Au cours des dix années écoulées, de 1925 à 1935, sous le gouvernement du Tr. Révérend Père Paul Voillard, Supérieur général en charge, l'avance prise par les missions dont les Pères Blancs ont le soin s'accuse dans ces quelques chiffres des statistiques :

        en 1925 en 1935
        Vicariats apostoliques 11 16
        Préfectures apostoliques 2 2
        Missions 1 3
        Missionnaires en activité... 483 947
        Néophytes 425.600 1.091.300
        Catéchumènes 166.700 440.300
        Prêtres indigènes 46 119
        Catéchistes ............. 4.000 8.600
        Moins de 60 ans après la pénétration des premiers Pères Blancs en Afrique noire, alors que l'unique survivant des dix missionnaires de la première caravane est encore de ce monde, tel est le bilan des résultats obtenus, par la grâce de Dieu.
H. MARCHAL.
Assistant.
LE NOUVEAU SUPERIEUR GENERAL DES PERES BLANCS

          Le 21 avril 1936, à Maison-Carrée (Alger), le Chapitre général des Pères Blancs a élu supérieur général Son Excellence Mgr Birraux Joseph-Marie, évêque titulaire de Kom-Ombo, vicaire apostolique du Tanganyka (Afrique Equatoriale)
          Son Excellence Mgr Birraux succède au T.R. Père Voillard qui, dès avant la mort du Cardinal Lavigerie, faisait partie de la haute administration de la Société, d'abord comme assistant puis, ces dernières dix années, comme supérieur général.
          Son Excellence Mgr Birraux est né le 27 novembre 1883, à Bernex (Haute-Savoie) Entré au noviciat des Pères Blancs, à Maison-Carrée, le 1er octobre 1905, ordonné prêtre dans la Primatiale de Carthage, le 28 juin 1908, reçu docteur en droit canon à Rome, le 24 avril 1911, il s'embarquait, le 20 mai de la même année, à destination du Tanganyka.
          Le 6 avril 1920 il fut préconisé évêque titulaire de Kom-Ombo (Haute-Egypte) et nommé vicaire apostolique du Tanganyka. Son sacre eut lieu le 23 juin 1920, à Bernex (Haute-Savoie), son pays natal. En octobre, il repartait pour l'Afrique Equatoriale pour prendre possession de son vicariat.
          Après quinze ans de durs mais très féconds labeurs apostoliques, revenu pour prendre part aux travaux du Chapitre décennal des Pères Blancs et prendre quelques mois de repos en France avant de retourner dans sa mission très aimée, il reçoit de la confiance dudit Chapitre la charge du Gouvernement général de la Société des Pères Blancs.
          Longue vie au quatrième successeur du fondateur des Pères Blancs, l'illustre Cardinal Lavigerie



Un Bônois a créé....
BONJOUR N°1, 6 octobre 1932
journal satyrique bônois.
Un Bônois a créé une Nouvelle Industrie dans le Département
              On dit, avec quelque ironie, que le journaliste complet doit être omniscient et polygraphe, c'est-à-dire qu'il doit tout savoir et être capable d'écrire de tout. C'est irrévérencieux, c’est surtout bien difficile si l'on ne veut pas tomber dans le ridicule. Cependant, il en est parmi nous, comme chez tant d'écrivains, qui ont exercé un second métier dont, quelquefois, ils ont vécu mieux que du premier. Le hasard et aussi un certain goût des choses précises m'ont rapproché, pendant presque deux années, de cette partie de la métallurgie qui a trait à la mécanique pure.
              En ces temps de vacances, les loisirs deviendraient accablants si on ne les employait à quelque chose et, un jour de flânerie, je suis entré dans un vaste atelier dont la renommée m'avait dit grand bien.
              On imagine tout de suite que dans un endroit ou l'on travaille les métaux ne règne que du vacarme.

              Là, rien de semblable : des ronronnements assourdis de moteurs en marche, le grincement atténué des burins sur les matières dures, tout un arsenal d'engrenages huilés qui glissent, pivotent, virent, se frôlent ou se pénètrent, des étincelles muettes autour des meules, des ouvriers, tous en bleus", qui se penchent attentifs, guident, rectifient, relèvent des cotes, des contre-maîtres qui, sur le sol feutré de limaille, vont d'une machine à l'autre, au silence ou presque.
              Je suis fort bien accueilli mais lorsque je dis ma curiosité, on me regarde avec étonnement et un petit sourire de coin. En cet endroit d'intraitable précision et où chaque spécialiste est une manière de scientifique, que vient faire ce gratte-papier, ce faiseur de romans, ce gobe-la-lune ? Voire !

              Je connais la presque totalité des ateliers du département et je me trouvai, dès le premier coup d'œil, dans celui qui est, incontestablement, le plus complet, le mieux outillé et de la façon la plus moderne.
              Ces machines impassibles qui percent, taillent et rognent l'acier, le bronze, la fonte et l'aluminium comme le cuisinier râpe son gruyère, donnent une impression de force à la fois calme et redoutable et on demeure confondu lorsque l'on constate, avec des yeux qui ne sont pas tout à fait ceux d'un philistin, que tout le travail qui sort de là est calibré au centième de millimètre et qu'il se hausse ainsi jusqu'à la précision parfaite.

              Une image s'impose : On a devant soi le contraire de la vie : la machine, elle, ne triche pas et le journaliste encore tout éclaboussé de politique tortueuse s'épanouit devant cette franchise et cette netteté. De ce plaisir et de ce repos apaisants, je dois remercier, ne serait-ce que par politesse, le maître de céans, M. Pierre Gallo, le fondateur et l'animateur de cette grande maison.
              Une conversation rapide et aussi des dates contrôlées établissent que tout ceci a été créé en pleine crise économique et ce n'est pas la moindre surprise. A Bône, ville privilégiée qui ne peut qu'en bénéficier, un homme n'a pas eu peur de l'avenir, il a immobilisé des capitaux majeurs alors que l'argent se cachait et le succès, inattendu à ce point, même pour lui, a répondu à cette audace. L'adage latin est toujours vrai.
              Et, ma foi, on est assez fier de dire que c'est un Bônois qui dans sa propre cité, a résolu ainsi ce chômage dont on parle plus qu'il ne le faudrait en ces temps où les indécis sont en majorité.

              Du point de vue commercial et économique, il faut le remarquer, c'est à Bône, maintenant et dans l'atelier que je dis, que convergent, de tout le département, les groupes-moteurs grands et petits, depuis celui de la simple moto en passant par toutes les marques d'automobiles et jusqu'aux énormes engins industriels qui fonctionnent au mazout, ils viennent comme les éclopés au chirurgien, dans cet espace où le cerveau des ingénieurs et la maîtrise d'un homme ont réuni tout ce qui est utile et précis en matière de mécanique générale.

              A, côté, les uns des autres, se dressent, hautains ou accroupisses rectifieuses de vilebrequins, les rectifieuses de cylindres, les tours aux entre-pointes de toutes les dimensions, les fraiseuses, les aléseuses aussi où se font les « chemises » avant leur emmanchement dans les cylindres ; au fond, complétant le tout, un four "Tranchant", chauffé au gaz de la ville, pour la cémentation, dans lequel sans effort on pourrait faire disparaître un jeune veau, de belle taille ou une femme gênante, au choix.
              Tout ce matériel est signé : Kellenberger une des marques les plus parfaites du monde. On en tire les résultats les plus surprenants. J'ai vu fraiser des pignons de 1 centimètre de diamètre, mignons comme le dé d'une jolie couturière et j'en ai vu de 500 millimètres en taille droite ou hélicoïdale.

              On passe par toute la gamme des diamètres depuis les pièces les plus délicates jusqu'aux plus impressionnantes. Sur deux tours qui voisinaient, un même mécanicien surveillait sur l'un des galets têtes de bielles pour motos de 8 millimètres de diamètre, l'épaisseur d'un porte-plume et, sur l'autre, un monstre de 180 kilos, acier et chrome à 80 cm.
              Enfin, le grand coureur de routes que j'ai toujours été, retrouva là un compagnon de récente date, le fameux piston Bi-Métal employé presque exclusivement par les Etablissements Gallo. L'automobiliste ignorera dorénavant les coups de bélier inquiétants qui démolissent le moteur, les consommations d'huile exagérées, les bougies éternellement encrassées et surtout, au petit matin, les départs difficiles. J’en ai vu de tous les calibres connus et j'ai pu constater que si, par hasard, on venait à manquer d'un piston usiné, ce serait très simple, on le fabriquerait séance tenante.


              Voyez-vous, nous, les Français, nous sommes terriblement routiniers. On s'est complu dans la prospérité d'après-guerre et on s'y était installé comme si elle avait dû être éternelle : on se tasse, aujourd'hui et s'acagnarde dans le marasme actuel, on attend que le ciel fasse un miracle. Dans notre ville, un de nos concitoyens a secoué cette torpeur. C'est un grand patron cet homme qui a osé. Les ouvriers en profiteront, les usagers aussi- Et le journaliste comprendrait, mal le devoir de sa profession qui passerait cet effort sous silence.
              Je suis demeuré là plus de deux grandes heures. J'ai posé un tas de questions avec prudence, mais j'ai fourré mon nez partout et, lorsque au départ, j'ai dit: « Je reviendrai » contremaîtres et spécialistes avaient un petit air moins goguenard. Ça fait toujours plaisir..
Pierre MARODON.


 
Les Condamnés à Mort
Dans l'ancienne Rome
Par : LE CHERCHEUR
Effort Algérien N°237 du 1er juillet 1932
                  
              En 1488,était fondée à Rome l’Archiconfrérie de St-Jean-le-Décollé dont le but était d'assister les condamnés à mort à leurs derniers instants, de les inhumer et de prier pour eux Bellarmin et Michel-Ange en faisaient partie.
              Voici ce que nous lisons à ce sujet dans une Revue bien documentée :
              Le jour qui précédait une exécution, l’Archiconfrérie déléguait quatre de ses membres qui passaient la nuit près du condamné...
              Un autel se dressait contre une des parois, les trois autres étant occupées par les stations d'un chemin de croix. Quelques fauteuils permettaient aux confrères et au condamné de s'asseoir ; un matelas et des cordiaux étaient disposés sur une crédence, ainsi qu'une écritoire. Les confrères préparaient le prisonnier à recevoir les sacrements, l'aidaient à mettre ordre à ses affaires, et l'invitaient à souffrir patiemment les supplices et la mort en expiation de ses péchés, uni à Notre-Seigneur mourant sur la croix.
              Si le condamné manifestait les dispositions requises, les confrères lui faisaient réciter une protestation de foi suivie d'une prière adressée à la Sainte Vierge ou aux anges gardiens.
              Ainsi préparé, le malheureux, l'âme apaisée, était conduit à l'aube vers la potence, qui se dressait aux environs de la prison.
              Les Confrères l'accompagnaient en récitant les litanies, lui tenant devant les yeux l'image du divin Crucifié peinte sur une tablette, qu'on lui faisait baiser de temps à autre ; même sur l'échafaud. L’archiconfrérie ne l'abandonnait pas.

              Lorsque la mort avait fait son œuvre, les Confrères prenaient le corps du supplicié, le disposaient sur une bière recouverte d'un drap noir et le transportaient dans le cloître attenant à leur oratoire. Une dalle de marbre avait été soulevée, et, par l'ouverture, le cadavre descendait dans la fosse commune. Les Confrères avaient coutume de retirer, après les exécutions capitales, les cordes qui avaient servi ; elles étaient brûlées chaque année le jour de la Saint-Jean..
              « Enfin ils faisaient célébrer des services funèbres pour le repos de son âme. »
              L'Archiconfrérie du Décollé avait le privilège de libérer une fois par an un condamné à mort...
              « La libération se faisait avec solennité. L'heureux bénéficiaire ayant été désigné, le jour dit, les Frères se rendaient processionnellement à la prison, où le coupable leur était remis ; on le revêtait de rouge ; sur sa tète était posée une couronne d'olivier, symbole de la paix signée entre ce criminel d'hier et l'humanité ; entre les mains il tenait un cierge allumé. C'est dans ces conditions qu'il était conduit à l'église de l'Archiconfrérie où était célébrée une messe d'action de grâces. »
              L'Association du Décollé eut plusieurs imitatrices. Elle existe encore de nos jours. Tous les 29 août elle donne l'absoute sur les dalles blanches sous lesquelles reposent les condamnés à mort. Elle a un oratoire et un musée très curieux. Son jour de fête s'appelle « Le Jour de la justice.»
              Ce sont des religieux espagnols qui assurent les services religieux de cette Archiconfrérie dont le siège est à l'Eglise romaine Saint-Jean-le-Décollé.

LE CHERCHEUR


    
La médecine de déplacement
Envoyé par M. Christian Graille

                Quand on quitte la France pour aller exercer la médecine dans les pays chauds, on est en présence de modificateurs différents de l'organisme et de la majeure partie du bagage thérapeutique que l'on a péniblement amassé sous la direction des grands maîtres, il ne reste qu'une faible réminiscence.
                C'est à l'observation quotidienne et à l'expérience de plusieurs années qu'on doit de nouvelles méthodes et des applications différentes des remèdes aux maladies régnantes.
                La plupart des valétudinaires qui sont envoyés dans les pays chauds, emportent avec eux des ordonnances et des conseils, et au bout de quelques semaines, ordonnances et conseils sont abandonnés.

                Ils ne tardent pas à s'apercevoir que le médicament utile sous le ciel brumeux de l'Angleterre ou de la Hollande, n'a plus la même efficacité en Algérie, ou bien que l'action de ce médicament est trop énergique ; ils se dépitent et quelquefois ils sont pris de crainte et de découragement.
                Comment faire comprendre à ces timides organisations que la thérapeutique a saturées de toniques et de modificateurs puisés dans la pharmacie, qu'il existe dans les conditions climatériques des influences qui n'ont pas besoin d'adjuvants, et qui à elles seules, peuvent rétablir l'équilibre dans une constitution délabrée ?
                C'est pourtant là un fait d'observation quotidienne et c'est pour le démontrer, que nous consacrons ce chapitre à la médecine de placement.
                Cette médecine remonte à la plus haute antiquité, et les hommes en ont fait usage instinctivement avant d'aller consulter :
                les oracles
                les aruspices (prêtres chargés de prédire l'avenir) ou
                les savants.

                A mesure que les saintes lois de l'hygiène ont été mieux comprises ou mieux appliquées, le déplacement au point de vue médical a été mieux compris et pratiqué.
                Les villes : populeuses étroites et mal aérées ont été abandonnées pour le séjour des campagnes, où on respire un air plus pur, et où les fonctions respiratoires et digestives se relèvent rapidement.
                Les stations minérales ont ajouté au bénéfice du déplacement le traitement curatif des eaux.
                Les montagnes de la Suisse, celles des Pyrénées ont été recommandées à une foule de malades qui avaient subi l'intoxication lente des miasmes humains dans les centres de population ; enfin, dans presque toutes les affections cachectiques déterminées par les émanations paludéennes, le déplacement est ordonné par les praticiens qu'une sérieuse expérience instruit de phénomènes physiologiques du corps humain. L'émigration des peuples a trois grandes raisons d'être : les intérêts - la curiosité ou la santé.

                L'Algérie a été discréditée par la méthode employée dans les premières années de la conquête pour vendre aux soldats fatigués et épuisés par les marches ou par la fièvre la santé dont ils avaient tant besoin.
                Le gouvernement avait formé à Mahon un établissement de convalescence dont on obtenait les meilleurs résultats.
                A mesure : que la stabilité s'établit sur le sol algérien, que les centres de population se constituèrent, que les hôpitaux se fondèrent et que les campagnes s'assainirent, le mouvement sembla se ralentir, et les débilités consécutives aux influences climatériques purent être combattues sans un déplacement aussi coûteux aussi radical.

                On voit, par-là, que la question était restreinte au courant qu'il était nécessaire d'établir de l'Algérie vers la mère-patrie.
                Ce n'est que plus tard, lorsque l'observation eut appris aux médecins que la guérison pouvait être obtenue sur place, qu'on songea à modérer l'espèce de fureur qui, tous les ans, s'emparait des populations et les entraînait vers la France, au grand préjudice de la colonie.
                Dans la question de l'acclimatement qui a préoccupé les esprits sérieusement attachés à l'avenir de la colonie, il faut savoir distinguer deux aperçus principaux : d'abord ce qui convient aux hommes faits, à ceux qui ont, jusqu'à leur complet développement, subi l'influence d'un milieu déterminé ; en second lieu, ce qui convient à la jeune génération, produit des croisements de race et développée entièrement sous l'action du climat algérien, ce n'est qu'après cet examen qu'on peut se demander ce qui adviendra de l'une et l'autre générations.

                Il nous reste une tâche plus facile : c'est de démontrer que le courant qui doit peupler l'Algérie doit aussi fatalement faire dériver une partie des valétudinaires qui vont : en Italie, dans les îles Ioniennes, aux îles Canaries et bien plus loin dans l'Australie, vers une contrée où tout est préparé pour la recevoir et pour la fixer. La fortune de Nice est due à la fréquentation hivernale des étrangers, celle des villes du littoral, de l'Italie, de la Provence, de la Sicile tient essentiellement à la même cause.
                La fortune d'Alger est disons-le, de l'Algérie, dépend de la manière dont sera pratiquée l'hospitalité, qui doit lui assurer le premier rang parmi les contrées désignées aux valétudinaires.
                Alger, malgré sa position géographique, ne suffirait point pour entraîner les esprits irrésolus, et sa salubrité laisserait tant à désirer qu'il ne viendrait à l'esprit d'aucun médecin de la recommander, si autour d'elle ne se trouvait le correctif aux mauvaises influences qu'on peut y signaler trouveront dans la ville et dans les faubourgs de Mustapha et de Saint-Eugène des installations confortables qui répondent à toutes les nuances de progrès réalisés par la maladie.
                Autour d'elle ne se trouvait pas le correctif aux mauvaises influences qu'on peut y signaler.

                Les malades atteints de phtisie pulmonaire trouveront dans la ville, et dans les faubourgs de Mustapha et de Saint-Eugène, des installations confortables qui répondent à, toutes les nuances de progrès réalisés par la maladie.
                Il serait bien présomptueux de tracer, dans un livre, une règle de conduite pour les valétudinaires ; car si la phtisie est un, dans ses manifestations anatomo-pathologistes, il faut bien reconnaître que sa marche dépend de ce qu'on appelle l'idiosyncrasie (manière particulière à chaque individu amené à avoir un type de réaction, de comportement qui lui est propre) du malade : de son origine, de sa constitution et de ses habitudes.

                Nous considérons donc que les médecins qui sont appelés à conseiller un déplacement au point de vue des affections de poitrine doivent s'abstenir de tracer des règles de conduite qui ne s'harmonisent point avec le milieu dans lequel doit vivre le malade.
                Un praticien qui a acquis quelque expérience, et qui a vu, pendant quelques années se succéder des générations de malades, doit être très sobre de toute médication active, car il est placé en face d'un dilemme qui agite sa conscience ; ou c'est le climat qui guérit ou c'est la médication.
                Si c'est le climat, surveillez et constatez les modifications que les organes subissent si c'est la médication pourquoi prôner un déplacement ! il n'en est pas de même s'il s'agit de malades atteints d'intoxication paludéenne.
                Autrefois, le déplacement était considéré comme la suprême et presque la seule chance de salut, et le courant qui avait lieu de l'Algérie vers la métropole constituait une charge qui balançait les conditions de fortune que les immigrants venaient chercher dans la colonie.
                La médication sur place des fièvres contractées dans le pays n'apparaissait aux yeux du médecin que comme un palliatif.

                Aujourd'hui, on guérit complètement, et d'une manière rapide les accès de fièvre sans qu'il soit besoin d'aller respirer l'air natal.
                Il a été reconnu, par exemple, que le colon qui contracte la fièvre dans la plaine de la Mitidja, n'a qu'à quitter pendant quelques jours le milieu dans lequel il l'a contractée, et à passer ce temps à Douéra, dans un village du Sahel ou sur la Bouzaréah pour être complètement rétabli.
                Combien de fois ne nous est-il pas arrivé, dans notre pratique médicale, de conseiller aux habitants de la ville d'Alger d'aller respirer l'air plus oxygéné des environs pour faire disparaître une tendance à l'état intermittent, et de les voir revenir, après une semaine, parfaitement guéris et régénérés !

                Cette curation pour le déplacement est si manifeste que les colons intoxiqués dans la plaine, n'ont qu'à passer quelques jours pour affaires dans la ville, dont pourtant les conditions hygiéniques sont inférieures sous bien des rapports à celles de la campagne, pour y trouver une amélioration rapide obtenue sans autre traitement.
                Ce qu'on observe en Algérie ne s'éloigne point de ce qui est observé en France, et la thérapeutique n'a point à introduire dans son arsenal des nouveautés en dehors du domaine commun.
                Contrairement à ce qui a été avancé par le docteur Mitchell, nous ne saurions admettre que l'air d'Alger soit tonique et reconstituant.

                Une pratique de dix années et les observations faîtes par un grand nombre de médecins nous autorisent à dire que l'air d'Alger est débilitant, et qu'il n'est pas de contrée où l'anémie atteigne des degrés plus étendus.
                Mais encore faut-il s'entendre sur ce point délicat et rendre justice à M. Mitchell : s'il a observé la constitution médicale pendant l'hiver, il approche de la vérité ; s'il l'a observé pendant l'été, il s'en éloigne manifestement.
                A partir du mois de juin jusqu'au commencement du mois d'octobre, la ville d'Alger n'offre aucune des conditions climatériques qui la rendent si recommandable pendant l'hiver.
                Il y règne une constitution médicale qui exige de la part des habitants des précautions infinies, et, au premier rang, celle du déplacement vers les coteaux de Mustapha de Saint-Eugène ou de la Bouzaréah.

                Chaque soir c'est une émigration en masse de tous les habitants vers ces salubres régions où l'atmosphère est dégagée des émanations animales qui ont sur l'organisme un si puissant effet débilitant.
                Mais, s'il est convenable de dégager le problème de cette consciencieuse interprétation, il ne faut pas moins reconnaître que la campagne qui environne Alger possède toutes les conditions favorables qui peuvent être opposées à l'influence urbaine.
                Chaque année, le déplacement entraîne vers les eaux minérales de France, vers le pays natal, une considérable portion de colons d'administrateurs de soldats.
                Est-ce à dire que ce déplacement soit ordonné parce que l'Algérie ne présente point des moyens de guérison suffisants ? Evidemment non.

                L'Algérie possède des eaux minérales en aussi grande abondance que la mère patrie, mais leur organisation est restée à l'état rudimentaire.
                Les points salubres où la fièvre ne règne en aucune saison, sont aux portes des villes, mais ne faut-il pas faire la part des intérêts de famille ?
                Ne faut-il pas faire celle de la nostalgie si puissante chez le Français ?
                Part inégale pour les colons qui sont partis de leur village hommes faits, et pour les enfants nés dans la colonie. Pour les parents c'est un besoin impérieux : d'aller se retremper, voir de vieux parents, un vieux foyer, d'anciens amis, souvent même d'aller raconter leurs espérances et leurs succès.

                Pour les enfants, c'est une curiosité et un attrait qui n'a rien de commun avec les besoins de leur santé. Il est donc bien reconnu que le courant qui rend à la mère patrie les immigrants tend chaque année à diminuer parce que les prétextes qui l'entretenaient deviennent de moins en moins impérieux.
                D'autre part, le courant qui amène sur le sol algérien des voyageurs séduits par la nouveauté ou par des intérêts, tend à s'accroître dans des proportions qui, sont de nature à soulever l'attention des habitants de la colonie et du gouvernement.
                Nous avons estimé à quatre mille le nombre des immigrants valétudinaires qui, en 1872, sont venus réclamer le bénéfice du climat, et nous n'hésitons pas à dire que les plus grands efforts, tentés au point de vue de la colonisation, n'ont pas obtenu un pareil résultat.

                L'Algérie doit se préoccuper avant tout de cette providentielle assistance qui peut, en très peu d'années, lui constituer d'énormes ressources, et les habitants ne sauraient trop faire de sacrifices pour établir cette notoriété profitable à tous ses intérêts.
                Nous n'hésitons pas à déplorer que les sources thermales et minérales qui sont situées à quelques kilomètres de la ville d'Alger et qui répondent à des besoins si impérieux ne soient pas encore aménagées pour recevoir les malades condamnés pendant : l'automne l'hiver et le printemps à subir les rigueurs atmosphériques si contraires au traitement balnéo-thérapique.
                Les eaux d'Hammam-R'rira, si merveilleusement situées et si riches en calorique et en volume, se prêteraient admirablement à une station d'hiver et recevraient plus de malades que n'en reçoivent les eaux : de Plombières, de Néris ou d'Aix-les-Bains.

                L'abandon dont on laisse ces sources de richesse constitue une double perte pour les colons et pour les malades européens car il oblige les premiers à aller dépenser en France le plus pur de ses économies et il retient cette foule de malades riches qui n'ont point la certitude de trouver un gîte et le confortable auxquels ils sont habitués.
                C'est parce que cette faute nous a frappé que nous avons écrit ce livre et c'est parce que nous ne croyons pas à l'aveuglement systématique que nous insistons pour que l'attention du gouvernement de l'Algérie songe à la réparer.
                L'immigration pour cause de santé prime de beaucoup l'immigration sollicitée en vue de la colonisation voilà un fait que nul ne peut révoquer en doute.
                Celle-ci coûte au budget de la métropole des sommes immenses que nous sommes loin de regretter ; celle-ci rapporte sans frais des sommes considérables qui aident à l'établissement et à la prospérité de la ville d'Alger.

                La médecine de déplacement, envisagée au point de vue des intérêts coloniaux, offre aux esprits sérieux un vaste sujet de méditation. Elle commande des dépenses qui ne sont que des avances faites à l'avenir : elle exige une prudence excessive dans les réductions que l'on fait sur le budget de l'assistance publique.
                Pour contrebalancer l'influence des stations hivernales de l'Italie, et pour dériver vers l'Algérie le courant des valétudinaires, il faut leur offrir des conditions au moins équivalentes, en échange de sacrifices qu'ils s'imposent.
                On ne peut se dissimuler que les villes italiennes ont l'avantage des souvenirs historiques et une profusion de saines habitations pour recevoir les étrangers ; la lutte doit donc être établie en vue de fixer les valétudinaires et de leur inspirer une préférence que le climat sollicite.

La saison d'hiver en Algérie par le Docteur Amédée Maurin. 1873


 Propagande algérienne
Envoyé par M. Christian Graille

                C'est un fait acquis. L'Algérie n'est pas connue en France tel qu'elle devrait l'être. Depuis quelques temps, néanmoins, quelques grands journaux parisiens veulent bien nous consacrer des articles plus ou moins documentés plus ou moins inspirés des réels besoins de la colonie et des colons.
                Leurs efforts sont, certes, dignes d'encouragements mais bien souvent ils dépassent le but à atteindre.
                Les intérêts du colon sont, en effet, la plupart du temps ignorés de nos grands confrères qui, ne vivant pas au milieu de nous, ne peuvent s'en rendre un compte exact.
                Il arrive alors qu'ils se font les défenseurs des indigènes au détriment du colon français et des véritables intérêts de la métropole, par un vague esprit de sentimentalité philanthropique qui trouve son origine dans l'optique fausse où ils vivent des choses d'Algérie.

                Les véritables défenseurs seront toujours les Algériens eux-mêmes. Il ne peut en être autrement, car c'est au contact du colon et de l'indigène que l'on apprend à discerner le vrai du faux dans les multiples questions algériennes, dont la pratique seule peut devenir le plus sûr critérium.
                Aussi, à notre humble avis, l'Algérie ne sera complètement connue et appréciée en France que le jour où elle se sera décidée à entreprendre elle-même sa propagande sa défense au milieu de nos compatriotes de l'autre côté de l'eau.
                Nous n'avons guère à compter sur l'initiative officielle. On sait ce qu'elle vaut.

                Sans vouloir médire d'elle, on ne saurait contester que : Liée, enchaînée par la routine, elle est incapable de mener à bien une œuvre de ce genre. Tout au plus pourra-t-elle l'encourager et la favoriser.
                C'est donc à l'initiative privée aux colons eux-mêmes à se grouper à se syndiquer pour créer des organes qui, rédigés par des Algériens élevés dans le pays en connaissant parfaitement le fort et le faible aillent porter partout dans la métropole, du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest la bonne parole de la colonisation dans les grands centres industriels et peuplés.

                C'est à force de réclame, à force de propagande, à force d'articles destinés a rétablir la vérité si longtemps méconnue à l'égard des colons algériens, que nous parviendrons à faire une trouée parmi ce grand public français dont on a toujours surpris la bonne foi à notre endroit.
                Nos défenseurs parisiens et métropolitains, quelle que soit leur bonne volonté, entraînés par le tourbillon de la vie politique de la mère-patrie, ne peuvent jouir de la liberté d'esprit nécessaire pour s'adonner entièrement à l'étude de la colonisation.
                Leurs théories, si ingénieuses soient-elles, manqueront toujours d'une sanction, la sanction pratique par excellence celle de l'expérience des choses sur lesquelles ils entreprennent de parler.
                Et cette pratique ne peut-être acquise en quelques voyages. On ne la pose qu'après de longues années de séjour.

                Aux Algériens donc d'aller se défendre eux-mêmes au sein de la métropole. Lorsqu'ils auront mis un pied dans la place, ils en sauront bientôt mettre quatre. Et la victoire de la justice de l'équité sur la calomnie le parti pris le préjugé ne tardera pas à devenir définitif.
A. Blanc Le Progrès de Bel-Abbès (28-052-1893)


Polémiques résumées
Envoyé par M. Christian Graille
Revue de la semaine
Avant la bataille

                Ne vous confiez pas aux politiques : c'est là un principe tiré de la sagesse des nations. Longtemps les journaux radicaux avaient marché d'accord, et l'on aurait pu croire qu'une fois, par hasard, pour rompre avec leur vieille habitude, ils allaient se soutenir l'un l'autre et prôner les mêmes candidats.
                Mais bientôt le Radical se séparait des organes amis et le Petit Colon imitait cette défection.
                A l'heure même où je célébrais l'union indestructible de ce dernier organe et de l'Akbar, celui-là de ces deux périodiques lançait sa première attaque vigoureuse contre celui-ci.

                Les quatre organes radicaux, en y comprenant le Moniteur qui ne l'est peut-être pas, mais qui combat Mauguin et les Mauguinistes bataillaient entre eux au lieu de lutter contre l'ennemi commun.
                Ils s'affaiblissaient mutuellement et préparaient, je le crains, la victoire du sénateur et des siens.
                Ce que le Petit Colon, le Radical, l'Akbar se sont dits d'injures ! Vrai ça a été une véritable campagne électorale d'antan.

                Le " Radical ". Les judaïsants les fourbes de l'Akbar en seront pour leurs calomnies contre l'intègre Samary. Ils ont eu beau à traiter avec les bourliéristes de la Vigie : leur trahison ne leur profitera pas.
                Le suffrage universel ne voudra ni du professeur Serpaggi ni du proprio Begey.
                Il renverra le premier à ses élèves et le second à ses constructions...

                Quant au Petit Colon, journal féminisé du boulevard, et à son directeur Charles Marchal, ils sont tombés assez bas dans l'opinion publique pour qu'on n’ait pas besoin de le combattre. Charles Marchal n'a jamais été : qu'un orgueilleux et un ambitieux, il n'a poursuivi que son propre triomphe, il n'a jamais soutenu le parti radical.

                Sa candidature devait être posée à Koléa, non à Alger, mais le vaniteux personnage voulait être élu dans la capitale.
                Il y échouera ridiculement.
                Le " Petit Colon " tragiquement.
                Il s'est ourdi des trames louches : on a conspiré sourdement.
                Les gens de l'Akbar ont eu des pourparlers avec les amis de la Vigie.
                Une trahison se prépare : Méfiez-vous citoyens méfiez-vous !
                Et considérez la conduite d'Allan.
                Il n'attaque plus les candidats patronnés par l'Akbar.
                Il les défend, il les vante. Méfiez-vous citoyens, méfiez-vous !
                " l'Akbar ". On nous a accusé de trahir le parti radical.

                Aucun de nos actes ne peut justifier une pareille imputation. Nous n'avons jamais pris d'engagement avec aucun opportuniste.
                Le Petit Colon a eu tort de considérer comme sérieuses des conversations vagues qui n'ont été suivies d'aucune décision.
                Le coup d'œil sur la liste des candidats que nous patronnons, prouvera que nous sommes toujours de loyaux radicaux.
                Si quelqu'un fait courir du danger au parti auquel nous appartenons, c'est Samary, le dissolvant Samary.
                Qui a été candidat à toutes les fonctions ? C'est Samary.
                Qui a manqué à la discipline radicale ? C'est Samary.
                Qui a fait échouer les candidats radicaux Lelièvre et Trolard, C'est Samary.
                Qui a réclamé 20.000 francs pour une expertise qui n'a pas exigé deux mois de travail ? C'est Samary.
                Qui faut-il exécuter ? C'est Samary.
                Et qui boit du quinquina ? ajoute Gavroche
                C'est papa !

                Et pendant que les radicaux se mangent ainsi le nez les opportunistes doivent rire silencieusement en disant : Pourquoi irions-nous déranger ces braves gens qui font notre jeu.
                Ils se détruisent mieux les uns les autres que nous ne pourrions les détruire. Au contraire, si nous les attaquions, ils songeraient peut-être à l'ennemi et uniraient leurs forces pour les retourner contre nous.
                Laissons-les se ruiner dans des querelles intestines et regardons leur combat avec calme et noblesse.
                La Vigie pourtant est entrée un peu dans la lutte électorale.
                Allan a fait des articles sages où il a soutenu des candidats radicaux, tout en patronnant Mauguin.

                Mais que sera le sénateur si aucun de ses lieutenants n'est plus avec lui au Conseil général ? Il n'est pas puissant par lui-même, il l'est comme représentant du syndicat opportuniste dont il est le chef.
                Samary, Stotz, Trémaux sont les seuls radicaux combattus par Allan.
                Les défaites n'éclaireront jamais les radicaux ; ils se feront battre et toujours battre faute de discipline.

                L'Akhbar affirme pourtant qu'il a tout tenter pour grouper toutes les forces de son parti. Je veux bien le croire, mais il me semble cependant qu'une union eût pu être cimentée entre les divers organes radicaux et les hommes politiques divers soutenus par eux.
                Comment ? Voici :
                On aurait convoqué les représentants du Radical, du Petit Colon, de l'Akhbar et les radicaux influents à une réunion privée.
                Il n'y aurait eu là que des graves ni septiques ni tapageurs comme il s'en trouve trop dans les réunions publiques. Le premier principe aurait dû être accepté par tous est celui-ci : " Lutte contre Mauguin et ses lieutenants, tous ses lieutenants.
                Ce serait une naïveté de croire que Mauguin battu, nous serions débarrassés du mauguinisme si ses séides se maintenaient au Conseil général. " Je pense que tous les radicaux se seraient ralliés à ce principe.
                On sait ensuite occuper de désigner les candidats. On aurait demandé quels étaient les hommes du parti qui avaient des intérêts et des sympathies dans chacune des circonscriptions votantes, à quelque fraction du radicalisme qu'ils appartinssent.
                Dans les circonscriptions où des représentants du parti avancé avaient seuls chance de sortir des urnes, où les lutteurs contre l'opportunisme étaient assurés de la victoire, on aurait admis plusieurs candidats radicaux ; mais dans celles où les mauguinistes étaient dangereux, un seul le plus populaire, à tort ou à raison, le plus modéré ou le plus violent, n'importe, aurait été opposé aux opportunistes.

                Ainsi par exemple à Alger et à Mustapha, la réunion radicale aurait souscrit aux candidatures radicales multiples, mais à Koléa, un seul aurait été soutenu par elle contre Mauguin. Elle se serait préoccupée surtout de ne pas laisser une seule circonscription sans candidat radical.
                Dans toutes on aurait engagé la bataille contre le parti du sénateur même sans espoir de succès.
                La liste de protestation ainsi formée contre le sénateur, tous les journalistes présents auraient jurer de la prôner toute entière, et ceux qui auraient été désignés pour soutenir le drapeau de leur cause dans tel ou tel centre, se seraient engagés à ne point se présenter autre part et à faire tout leur possible pour réussir. On aurait été divisé par des questions de personnes, je le sais, mais on doit faire des sacrifices à ses convictions.

                Ainsi, il est sûr que De Redon est l'ennemi de la municipalité d'Alger ; l'Akhbar l'aurait pourtant soutenu à Tizi-Ouzou mais en exigeant qu'il se prononça nettement dans sa profession de foi contre Mauguin, Bourlier et les autres opportunistes.
                S'il n'y avait pas consenti, on l'aurait considéré comme un renégat à sa foi politique ; je ne crois pas que le périodique qui lui est le plus souvent favorable l'eût alors défendu. Le Radical aurait compris qu'il fallait l'abandonner.

                A Bab-el-Oued c'est une autre affaire, Samary est un adversaire des radicaux municipaux, et je trouve qu'il a eu des torts et des torts graves, mais jamais personne n'a jamais douté de la correction de son attitude contre Mauguin et Bourlier. Il les a toujours combattus sans faiblesse.
                Comme il s'agissait surtout, au 11 septembre, d'avoir le plus possible d'ennemis du sénateur dans le futur Conseil général, l'Akhbar aurait compté aussi Samary parmi les siens, sans renoncer à faire admettre Bugey dans la future assemblée départementale. Samary est connu dans les circonscriptions rurales ; il aurait pu se faire élire dans l'une d'elles.
                Bugey n'avait guère à espérer des voix qu'à Alger car il est nouveau à la vie politique.
                Croit-on que si on s'était adressé à Samary en ces termes : " Il s'agit d'augmenter d'une unité le nombre des membres de l'opposition contre le mauguinisme.
                Le voulez-vous ? c'est en votre pouvoir. Ne vous présentez à Bab-el-Oued, mais, autre part, nous vous défendrons de toutes nos forces.
                La première circonscription est à vous, nous l'avouons, et vous y serez nommé quand vous le désirerez, mais nous vous demandons d'y soutenir Bugey de lui rallier vos électeurs de leu recommander comme un autre vous-même : c'est à votre patriotisme et à votre radicalisme que nous nous adressons.
                " Croit-on, dis-je, que Samary eût osé répondre : " Non, je veux être candidat à Bab-El-Oued et j'y combattrai Begey. "

                La réunion publique aurait ensuite sanctionné ce qui avait été décidé dans la réunion privée et approuvé la liste que celle-ci aurait dressée.
                Les moyens que je propose auraient-ils amené l'union radicale : je l'espère, sans en être sûr, mais ce dont je suis certain, c'est que le journal qui aurait agi avec cette bonne foi cet esprit de conciliation de désintéressement aurait eu pour lui l'opinion publique.
                A présent la discorde est plus vive que jamais entre les radicaux ; ceux-ci ont échangé tant d'injures que l'indifférence a gagné les électeurs septiques et l'écœurement des autres.
Les Annales algériennes (18-09-1892)


LE TRI
Envoyé par Eliane

                Dans une caserne française, l'adjudant rassemble tous les nouveaux et hurle :
                - Les Bretons et les Corses à gauche,
                - Les Alsaciens et les Lorrains à droite,
                - Les Provençaux et les Normands devant
                - et les ch'tis derrière !

                Un grand remue-ménage s'ensuit. Quand la poussière est dissipée, l'adjudant voit qu'il reste trois maghrébins et trois noirs au milieu de la cour.
                L'un d'eux lève le doigt et demande :
                - Et nous, les Français, on va où ?


Mouvement de l'émigration.
Envoyé par M. Christian Graille

                  Le Moniteur algérien du 4 janvier a publié un tableau comparatif des mouvements de la population algérienne, pendant le troisième trimestre de 1843.
                  Ce tableau présente les résultats suivants par ville principale et par nation immigrante. La population de la colonie était :

                  Il résulte de ce tableau : que la population française augmente dans une proportion beaucoup plus considérable que toutes les autres nations que celle de l'Espagne a une tendance presque égale dans cette progression que l'augmentation la plus forte est dans la ville d'Alger, la plus faible à Philippeville que l'augmentation particulière à chaque nation, sans égard au chiffre de la totalité, mais en raison du chiffre qui lui est propre, est à peu près égale.

                  Mais comme la confiance s'accroît en raison de la sécurité et de la prospérité du pays et que les individus de toutes les classes sont de jour en jour plus impressionnés des avantages que présentent le pays, il est hors de doute que le chiffre du 1er janvier 1845 sera beaucoup plus élevé que celui que nous venons d'indiquer et qu'il ne serait pas surprenant qu'à cette époque la population européenne s'élevât à 150.000 ou 200.000 âmes, c'est-à-dire au triple ou au quadruple de ce qu'elle était au 1er octobre 1843 et cela dans un intervalle de 15 mois. La comparaison des décès avec les naissances n'est pas moins remarquable : les décès ont été de 525 les naissances de 422.

                  Nous n'avons pas de détails sur les spécialités des décès mais sur la notoriété publique on peut bien en attribuer un tiers à cette population malheureuse qui, sous le nom de colons arrive en masse avec le cortège de la faim et de la misère et qui souffre beaucoup avant d'être en mesure de gagner sa vie malgré les sacrifices et les sollicitudes de l'administration.
                  Cette considération réduisait les décès de 355 et donnerait en raison des naissance un gain de 67.
                  Si le trimestre a produit 122 naissances on doit en compter pour l'année 1.638 ce qui donne un rapport de 1 à 5 entre les naissances annuelles et le nombre des femmes propres à devenir mères, abstraction faite des avortements, proportion considérable qui prouve combien la population européenne trouve en Algérie des principe de fécondité et de stabilité.
                  A mesure que l'aisance y deviendra plus grande, la proportion des naissances ne saurait que s'accroître car l'aisance et le bien être des classes laborieuses sont le premier principe des familles nombreuses.

                  A ces aperçus plein d'intérêt que nous puisons dans l'Akbar, nous ajouterons, d'après nos renseignements personnels obtenus à Toulon et à Marseille, lieux des embarquements pour l'Algérie que le mouvement de l'émigration a continué, sans affaiblissement notable, pendant le dernier octobre trimestre de 1845 et que la population coloniale qui, le 1er octobre était de 57.642a dû atteindre, en janvier 1844, le chiffre total de 65.000.
L'Algérie courrier d'Afrique, d'Orient et de la Méditerranée (02-02-1844)


Propos scolaires
Envoyé par M. Christian Graille

                  Dans quelques jours les ruches bourdonnantes que sont nos écoles vont être envahies par la joyeuse petite population qui les remplit pendant dix mois de l'année. Nous allons de nouveau, comme à chaque rentrée d'octobre, entendre les récriminations des parents et les lamentations des maîtres et maîtresses qui sont évidemment très fâchés de refuser des élèves, mais qui ne peuvent cependant pas les accepter, s'ils n'ont pas de place pour les loger.
                  La quantité d'enfants qui peuple notre ville est incroyable. Les Oranais sont très prolifiques et méritent certainement un bon point du gouvernement qui s'intéresse, très platoniquement malheureusement, à la repopulation.

                  Ce bon gouvernement a fait une loi pour rendre l'instruction obligatoire, laïque et gratuite, et les parents, dans les villes surtout, ne demandent pas mieux, en général que d'envoyer leur progéniture à l'école.
                  Pendant qu'ils sont en classe ils ne font pas de sottises à la maison et la mère préfère que les fonds de culottes s'usent sur les bancs de la classe que dans les ruisseaux infects où les gamins de ce pays aiment particulièrement à barboter.
                  Malheureusement la place manque toujours, dans nos établissements scolaires pour recevoir tous ces petits qui veulent y entrer.
                  Et voilà comment la loi de l'enseignement obligatoire et gratuit, si honorable pour les législateurs de la troisième République reste suivent lettre morte.
                  Il faut rendre justice aux municipalités oranaises qui se sont succédées depuis vingt ans ; toutes se sont fait un devoir de songer avant tout à instruire nos enfants et il est peu de villes en mesure de montrer à leurs visiteurs des monuments scolaires semblables aux nôtres tant pour leur nombre que pour l'excellence de leurs installations : lycées de garçons, collèges de jeunes filles, écoles primaires et maternelles ne laissent rien à désirer.

                 Pourquoi faut-il qu'il y ait encore insuffisance malgré tant de sacrifices généreusement consentis par nos édiles, et que des centaines d'enfants en soient réduits à errer dans nos rues sans recevoir aucunes notions capables d'en faire plus tard des hommes utiles ?
                  C'est surtout par l'école que se fait : l'assimilation, la naturalisation et dans ce pays où l'élément étranger est considérable, c'est la plus sage la plus utile des mesures de faire asseoir sur les bancs de nos écoles françaises, côte à côte avec nos enfants tous ces jeunes : Espagnols, Italiens, Maltais, Israélites, Arabes
                  Qui apprennent ainsi : notre langue, s'initient à nos usages, à nos lois et sont amenés tout naturellement à aimer cette France dont on leur dit l'histoire, remplie de faits glorieux et d'une indéniable générosité envers toutes les autres nations.

                 Ces écoliers continueront d'aimer leur patrie d'adoption, leurs camarades de classe, et cette population algérienne faite par la fusion de plusieurs races, restera quand même une population française...
                  Encouragerons donc les parents d'envoyer leurs enfants à l'école et faisons tous nos efforts pour qu'ils puissent y trouver la place nécessaire.
                  Mais puisqu'il y a des exclusions forcées, soumettons-y ceux qui, ne voulurent pas s'astreindre à suivre nos règlements ne peuvent trouver mauvais qu'on ne leur accorde pas les mêmes avantages que ceux qui les acceptent.
                  C'est-à-dire qu'on doit refuser impitoyablement l'entrée de l'école à tout enfant qui n'aurait pas été vacciné. Je sais bien que cette obligation existe et je ne propose rien de nouveau, mais je sais aussi qu'on l'étude souvent, et nous avons, cette année une excellente occasion de la rappeler à ceux qui pourraient la négliger, par oubli ou par indifférence.

                 Les parents raisonnables et intelligents apporteront le certificat de vaccination en venant faire inscrire leurs enfants sur les registres de l'école ; ceux qui n'auraient pas encore subi cette simple et salutaire opération n'auront qu'à aller à la mairie qui donne toutes les facilités possibles aux personnes désireuses de se mettre à l'abri de la hideuse épidémie qui sévit en ce moment à Oran, dans certains quartiers.
                  Il y a aussi au point de vue de la santé de nos écoliers, des causes d'exclusion qui peuvent et même doivent être invoquées afin de ne pas introduire des éléments malsains dans un milieu non contaminé.
                  Les enfants atteints de maladies contagieuses telles que la gale, la teigne et autres doivent être refusés par les maîtres et maîtresses d'écoles mais je ne sais pas s'il existe un règlement contenant la même clause que les granulations des paupières qui sont, comme chacun le sait, un mal qui se communique avec une extrême facilité et qui est fort long à guérir. Les granulations ne sont pas toujours apparentes et bien des personnes en sont atteintes sans qu'on s'en doute autour d'elles.
                  Il faut donc l'avis d'un praticien dès qu'il y a le moindre doute, et je pense qu'il est sage d'éveiller à ce sujet la vigilance de nos dévoués instituteurs et institutrices dont l'intelligence et le zèle sont au-dessus de tout éloge.

                 Donc si nous ne pouvons recevoir tous les enfants qui se présenteront le 1er octobre prochain pour entrer dans nos écoles, montrons-nous particulièrement rigoureux envers ceux dont l'état physique serait une menace pour la santé de notre belle saine et robuste petite population enfantine.
                  Cette rigueur rappellera aux parents qu'ils doivent prendre plus de soin qu'ils ne le font généralement de leurs héritiers si facilement abandonnées à eux-mêmes et à Dame Nature qui, comme la Providence a parfois besoin qu'on l'aide, surtout lorsqu'il s'agit de l'hygiène des enfants incapables de se soigner tout seuls.
G. A. L'Impartial oranais (20-09-1895)


Conclusion
Envoyé par M. Christian Graille

                  L'aventure pour moi se termine définitivement aujourd'hui mais, cependant je l'avoue être gagné par l'émotion et les plaisirs que j'ai souhaité vous faire partager depuis si longtemps. J'ai méthodiquement, passionnément et patiemment effectué de nombreuses recherches, principalement auprès de la Bibliothèque Nationale de France (B N F) exceptionnelle et remarquable source de documents.
                  Puissant vecteur d'information et de diffusion elle m'a permis d'aller à la découverte d'une foultitude de connaissances dont je n'avais pas, un seul instant, imaginé la rencontre.
                  Elle m'a guidé, conseillé, interrogé, poussé à la réflexion, permis, selon le souhait que j'avais formulé d'éclairer l'Histoire de l'Algérie particulièrement méconnue, déformée, dénigrée, calomniée, déshonorée, vilipendée.

                  Sachez enfin que ce fut tout à fait par hasard, qu'un jour, la Direction de " l'Algérianisme " me sollicita en me demandant de réfléchir à la création d'une antenne régionale à Orléans.
                  La surprise fut totale surtout pour le citoyen plutôt individualiste, pragmatique certes mais étrangement atypique que je suis...
                  Mais fallait-il refuser ? Se détourner d'une tâche historique de mémoire fondamentale pour certaines et certains d'entre nous ? Non. Il fallait relever le défi et principalement les mensonges proférés par certains historiens qui n'avaient de la fonction que le nom.

                  A toutes et à tous merci de votre indulgence, de votre fidélité et de l'intérêt porté à ces nombreux textes.
                  Et n'oublions pas, enfin, comme le disait Alfred de Musset : " que la vie est une rose dont chaque pétale est une illusion et chaque épine une réalité ".
                  Très cordialement.
                  Christian Graille

                  NDLR : Pour ma part, webmaster de ce site, je dois dire un immense merci à notre Ami Christian qui nous a apporté, plus de 800 textes piochés à la BNF. Il a fait cela avec une gentillesse et un dévouement exceptionnel pendant plusieurs années.
                  Il prend une nouvelle retraite, souhaitons-lui, longue et reposante.
                  MERCI CHRISTIAN

                  JPB.


La dictée sans réponse
De Mme Eliane


                 Il y a des " cris" que je ne connaissais pas …et assez nombreux en fait …

                 - Le chien aboie quand le cheval hennit et que beugle le bœuf et meugle la vache.
                 - L'hirondelle gazouille, la colombe roucoule et le pinson ramage.
                 - Les moineaux piaillent, le faisan et l'oie criaillent quand le dindon glousse.
                 - La grenouille coasse mais le corbeau croasse et la pie jacasse.
                 - Et le chat comme le tigre miaule, l'éléphant barrit, l'âne braie, mais le cerf rait.
                 - Le mouton bêle évidemment et bourdonne l'abeille.
                 - La biche brame quand le loup hurle. Vous savez, bien sûr, tous ces cris-là mais savez-vous ?...
                 - Que si le canard nasille, les canards nasillardent,
                 - Que le bouc ou la chèvre chevrote,
                 - Que le hibou hulule mais que la chouette, elle, chuinte,
                 - Que le paon braille, que l'aigle trompète. Savez-vous ?
                 - Que si la tourterelle roucoule, le ramier caracoule et que la bécasse croule, que la perdrix cacabe, que la cigogne craquette et que si le corbeau croasse, la corneille corbine et que le lapin glapit quand le lièvre vagit. du verbe vaginer Vous savez tout cela ? Bien.
                 Mais savez-vous ? - Que l'alouette grisolle ?
                 - Vous ne le savez pas. Et, peut-être, ne savez-vous pas davantage que le pivert picasse. C'est excusable !
                 - Ou que le sanglier grommelle, que le chameau blatère
                 – Et que c'est à cause du chameau que l'on déblatère ! Vous ne savez pas non plus peut-être que la huppe pupule
                 – Et je ne sais pas non plus si on l'appelle en Limousin la pépue parce qu'elle pupule ou parce qu'elle fait son nid avec de la chose qui pue. Qu'importe !
                 - Mais c'est joli : la huppe pupule !
                 - Et encore savez-vous que la souris, la petite souris grise : devinez ? La petite souris grise chicote ! Avouez qu'il serait dommage d'ignorer que la souris chicote et plus dommage encore de ne pas savoir, que le geai cajole !"
                 - Et que l’homme picole ! Cette dictée est incroyable mais vraie. Ne manquez pas de la lire, c'est surprenant. On dira après que le français n'est pas compliqué !

                  Ce petit texte, que je vous laisse savourer est une dictée trouvée dans un vieil almanach :
                 - "Monsieur Lamère a épousé Mademoiselle Lepère. De ce mariage, est né un fils aux yeux pers*. (*pers = entre vert et bleu).
                 Monsieur est le père, Madame est la mère. Les deux font la paire. Le père, quoique père, est resté Lamère, mais la mère, avant d'être Lamère était Lepère.
                 - Le père est donc le père sans être Lepère, puisqu'il est Lamère et la mère est Lamère, bien que née Lepère. Aucun des deux n'est maire. N'étant ni le maire ni la mère, le père ne commet donc pas d'impair en signant Lamère. Le fils aux yeux pers de Lepère deviendra maire. Il sera le maire Lamère, aux yeux pers, fils de Monsieur Lamère, son père, et de Mademoiselle Lepère, sa mère. La mère du maire meurt et Lamère, père du maire, la perd. Aux obsèques, le père de la mère du maire, le grand-père Lepère, vient du bord de mer et marche de pair avec le maire Lamère, son petit-fils. Les amis du maire, venus pour la mère, cherchent les Lamère, ne trouvent que le maire et Lepère, père de la mère du maire, venu de la mer, et chacun s'y perd !" Vous êtes toujours là ? Des questions sans réponse !
                 - Les moulins, c’était mieux à vent ?
                 - Quand on voit beaucoup de glands à la télé, faut-il changer de chêne ?
                 - Si le ski alpin, qui a le beurre et la confiture ?
                 - Je m’acier ou je métal ? Que fer ?
                 - Un prêtre qui déménage a-t-il le droit d’utiliser un diable ?
                 - Est-ce que personne ne trouve étrange qu’aujourd’hui des ordinateurs demandent à des humains de prouver qu’ils ne sont pas des robots ?
                 - Est-ce qu’à force de rater son bus on peut devenir ceinture noire de car raté ?
                 - Est-ce qu’un psychopathe peut être embauché comme psychologue chez Lustucru ?
                 - Si Gibraltar est un détroit, qui sont les deux autres ?
                 - Lorsqu’un homme vient d’être embauché aux pompes funèbres, doit-il d’abord faire une période décès ?
                 - Je n’ai jamais compris pourquoi le 31 mai est la journée sans tabac, alors que le lendemain c’est le premier joint !




TIBHARINE, LA FACE CACHEE
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N°204/205 - Mars/Mai 2012
     
             Le monastère de Tibharine fut créé en 1938 par des moines cisterciens venus de l'abbaye d'Aiguebelle, dans la Drôme. Il s'agissait en fait d'un ancien domaine agricole rendu à l'ordre monastique. En raison du nombre de moines qui s'y trouvaient ce monastère fut érigé au rang d'Abbaye en 1947, avec un Père Abbé et une trentaine de moines. Il n'y aura plus toutefois d'abbé à partir de 1951, mais des supérieurs « ad nutum », c'est-à-dire nommé pour un temps indéterminé et dépendant du Père Abbé de la l'Abbaye mère d'Aiguebelle. Tibharine est situé en plein massif de l'atlas blidéen à 1100 mètres d'altitude et à quelques kilomètres de Médéa. Le monastère est caché dans un écrin de verdure composé de grands cèdres du Liban et de sapins.


              Néanmoins, depuis certaines cimes on peut déjà apercevoir les premières avancées des régions sèches du sud algérien. Lieu donc particulièrement porteur pour la contemplation et la vie monastique. Mais nous le savons, selon la règle monastique, « Ora et Labora ». La prière mais aussi le travail rythme la vie des moines. Le travail ce sera essentiellement la culture de la terre. Le domaine attaché au monastère est vaste plus de 300 hectares - et le travail ne manquera donc pas. Les moines ne sont pas les seuls religieux en cette région. Sur une autre colline dominant Médéa se trouve un Monastère de sœurs contemplatives des bénédictines.

             Le Monastère passera la difficile période de la deuxième guerre mondiale. Une population indigène va se fixer dans les alentours du monastère, ce dernier venant à l'aide des plus pauvres et des plus démunis. Des liens forts se créent entre Ies moines et ces familles qui s'accrochent à eux comme à une bouée de sauvetage. L'époque est rude, le pain manque.
             La guerre achevée, la vie devint un peu plus aisée. Le ravitaillement parvient plus facilement, mais c'est un véritable village qui s'est créé à proximité du monastère, et qui entend bien y demeurer. Mais, hélas, se profile déjà une autre guerre qui n'ose pas encore dire son nom, et qui durant sept ans d'horreurs et de cruautés va faire couler le sang des hommes, des femmes et des enfants qui vivent sur cette terre.

             Le massif blidéen et toute la région de Médéa, abondamment boisés, vont être le lieu idéal pour abriter les terroristes du FLN. Très vite le monastère va se trouver confronté à I'existence d'un maquis de rebelles qui fait régner la terreur parmi les populations.
             Il est établi aujourd'hui qu'en certaines circonstances, de gré ou de force, le monastère a hébergé ou soigné certains de ces rebelles. Le frère Luc, médecin, a cependant été enlevé en juillet 1959, en représailles après I'arrestation par les services de police de l'imam de Médéa. Mais il sera relâché après avoir été reconnu par I'un de ses ravisseurs, un maquisard qu'il avait soigné.
             Pendant cette même période, un jeune homme, Christian de Chergé, officier appelé du contingent se trouve en Algérie. Christian a une vocation religieuse. Il ne sait pas encore quelle direction il prendra - clergé diocésain ou vie monastique - mais une chose est certaine, il a décidé de donner sa vie à Dieu. Etre sensible, il ressent durement la violence à laquelle il se trouve confronté comme militaire et, qui plus est, comme officier. Il va vivre un épisode qui va marquer toute sa vie. Il est affecté comme chef d'une section SAS dans la région de Tiaret.
             Un supplétif musulman, Mohamed, avec qui il échange souvent sur la vie, la religion, les hommes...va lui sauver la vie. Les fellaghas avaient décidé d'éliminer le jeune officier français, mais à cause de cet homme fidèle à la France, ils ne pourront parvenir à leur fin. Quelques jours après, cette loyauté coûtera la vie de Mohamed : il sera égorgé par les terroristes.

             Christian de Chergé sera marqué à jamais par ce drame. Bien des années plus tard, alors prieur du monastère de Tibharine, il écrira que le sacrifice de ce musulman pour lui sauver la vie est la preuve que dans l'Islam aussi, comme dans le christianisme, selon les paroles mêmes du Christ, il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime.
             Retenons bien cet événement qui, en fait, va renforcer l'orientation de la vie à venir du futur moine de Tibharine.
             Mais dès maintenant, il est bon d'apporter une autre interprétation à l'acte héroïque accompli par ce musulman.
             Christian de Chergé, tout pétri de sa foi chrétienne mais aussi dépourvu d'une véritable connaissance de l'esprit qui anime ceux qu'il côtoie sur cette terre d'Algérie, a cru reconnaître une preuve de la grandeur d'âme de l'Islam dans le sacrifice de Mohamed, alors qu'il s'agit bien davantage de l'attachement loyal de ce musulman au drapeau français qu'il avait décidé de servir. Nous connaissons nombre de cas de musulmans qui ont payé de leur vie leur attachement à la France. En fait Christian de Chergé ne comprendra jamais comment des Algériens pouvaient choisir la France contre le terrorisme.

             Libéré de ses obligations militaires en Algérie, Christian rejoint la France et y termine ses études de Théologie avant de choisir de rentrer au monastère d'Aiguebelle. Il reviendra donc en Algérie après l’indépendance, en 1991. Le nombre de moines présents au monastère se trouve réduit à tel point que l'on envisage même sa fermeture. Mais à la demande du Cardinal Duval, les cisterciens acceptent de continuer l'expérience d'une vie monastique en milieu désormais presque exclusivement musulman. On dit que, ayant choisi de participer à la construction de la jeune nation, l'Eglise d'Algérie fait don au régime socialiste qui se met en place la réforme agraire, oblige de l'essentiel de l'important domaine agricole du monastère. Pour la douzaine d'hectares qui restent, les moines vont décider de s'associer à leurs voisins musulmans pour cultiver cette terre. Les produits seront partagés en proportion.

             A l'été 1972, le Père de Chergé est envoyé à Rome pour apprendre l'arabe et s'initier à la religion musulmane à l'Institut pontifical d'études arabes et d'islamologie des Pères blancs. En juillet 1974, désormais capable de lire le Coran en arabe, Christian de Chergé retourne à Tibharine
             Très vite après son arrivée, Christian de Chergé, va travailler à modifier l'orientation du monastère, où il donne des cours d'islamologie.
             Mais en octobre 1975, le rêve que certains ont fait d'une Algérie ouverte à tous et dans le respect de tous, reçoit un coup dans l'aile. La gendarmerie prend possession des principaux édifices chrétiens d'Algérie, comme Notre-Dame-d’Afrique à Alger, la basilique Saint-Augustin à Annaba et celle de Santa Cruz à Oran. A Tibharine, un ultimatum de la gendarmerie locale donc aux moines «huit jours pour quitter les lieux».

             Mgr Duval contacte alors le président Boumedienne, puis le colonel Ahmed Benchérif, patron de la gendarmerie, et obtient que les gendarmes quittent les églises. En avril 1976, les écoles, jardins d'enfants et dispensaires de l'Eglise sont nationalisés. Et en juin de la même année, l'Algérie adopte par référendum une «Charte nationale» qui consacre l’islam religion d'Etat.
             Le 8 juillet 1976, Mgr Gaston Jacquier, évêque auxiliaire d'Alger, est assassiné en Pleine rue.
             Officiellement, son tueur est un «déséquilibré». Mais les témoins l'ont vu agir de sang-froid et repartir tranquillement dans une voiture qui l'attendait. Toujours en 1976, le repos hebdomadaire passe officiellement du dimanche au vendredi, islam oblige.
             Tout un symbole, dont la portée échappe pourtant largement non seulement à l'opinion internationale, en particulier en France, où la plupart des médias, contre l'évidence continuent de présenter le régime algérien comme « laïque » et socialiste, mais aussi, semble-t-il à l'Eglise d'Algérie qui continue de croire que l'islam est une religion fréquentable, et plus encore pour certains qui affirment que l’Islam peut ou doit être considéré comme une religion révélée.

             En 1984, signe que le régime du colonel Chadli Bendjedid - successeur de Boumedienne entend poursuivre la refondation « arabo-musulmane » entamée en 1976, un nouveau code de la famille est promulgué. La polygamie est consacrée par la loi, qui traite les femmes comme d'éternelles mineures soumises à leur mari ; elles ne peuvent pratiquement pas divorcer, alors que leurs époux peuvent les répudier.

             Mais revenons à Tibharine. En 1978, le nouveau supérieur est le P. Jean de la Croix Przyluski, ancien abbé d'Aiguebelle. Ce dernier s'inquiète de l'activisme islamophile du Père de Chergé, et exige que celui-ci donne ses cours d'islamologie à l'hôtellerie, donc en dehors du monastère stricto sensu. Mais le Père de Chergé est nommé supérieur du monastère en 1984. En tant que tel, il renonce au statut d'abbaye. Notre Dame de l'Atlas devient donc un Prieuré autonome dont Christian de Chergé sera élu prieur. Il va alors se lancer dans une immersion totale dans ce que j'appellerai « l'Algérianité » - il demandera la nationalité algérienne ; demande à laquelle il n'obtiendra d'ailleurs jamais aucune réponse et dans l'étude approfondie de l’Islam qu’il faut bien le dire, le séduit de plus en plus. Il va créer un groupe de rencontre avec des musulmans soufistes de Médéa. Il estimait que la colonisation avait été porteuse d'injustices et de mépris pour les Algériens. Il voulait réparer. Et n'oublions pas qu'il se sentait débiteur envers Mohamed ce garde-champêtre qui s'était sacrifié pour lui sauver la vie, et donc envers l’islam.


             Deux des moines du monastère, Michel et Christophe participent régulièrement aux rencontres du Ribât. Mais les autres se montrent plus réticents. Ainsi, d'après le frère Jean-Pierre, certains moines estimaient que la communauté devait rester équilibrée et que tout ne devait pas être orienté vers l'Islam. Ce qui provoqua des frictions. Frère Luc, le médecin, par exemple bougonne souvent qu'il ne comprend rien au livre saint de l'Islam. On craint que Christian ne finisse avec un Kamis (vêtement porté par les islamistes). Signe de sa fraternité envers l'Islam, le Père de Chergé enlève ses sandales pour entrer dans la chapelle, comme les musulmans se déchaussent pour entrer dans les mosquées. Pendant le ramadan, il prend I'habitude de jeûner : « Nous lui avons fait des remarques, cela allait un peu loin » se souvient Philippe Ranc, un ancien officier devenu moine, qui partagea la vie de la communauté de Tibharine de 1987 à 1995.

             La poussée de l'Islamisme se fait de plus en plus forte face à un pouvoir corrompu et une caste issue du FLN qui engrange tant et plus les profits nationaux, particulièrement ceux de la rente pétrolière. Cette poussée est aussi encouragée par des éléments extérieurs venus d'Iran, d'Egypte, d'Arabie Saoudite. .. Le 12juin 1990, le parti islamiste remporte largement les premières élections municipales avec 54% des suffrages contre seulement 18 % pour l'ancien parti unique, le FLN ! Les élections législatives qui se déroulent fin 1991, révèlent dès le premier tour un raz-de-marée islamiste. Même s'il s'est nettement atténué par rapport aux élections municipales, le FIS l'emporte largement avec 47% des suffrages exprimés. (Notons tout de même une abstention de 41 %). Le deuxième tour, prévu le 16 janvier 1992 devrait lui donner de façon certaine la majorité au Parlement. Mais le 11 janvier, le deuxième tour est annulé par les chefs de l'armée qui contraignent le président Chadli Bendjedid à la démission.
             Un clan va se former à la tête de l'État, celui des éradicateurs. Il s'agit d'éliminer purement et simplement tous les mouvements islamistes qui risquent d'entraîner l'Algérie dans une dictature théocratique, mais aussi, ce qui n'est pas accessoire, empêcher que la victoire par les urnes des islamistes ne tarisse les sources des incroyables fortunes acquises dans le secret par les hautes sphères du FLN.
             C'est donc une lutte à mort qui va s'engager. D'un côté l'armée et les services secrets, de l'autre les islamistes.

             Loin de craindre la montée d'une revendication identitaire musulmane en Algérie, Christian de Chergé semble au contraire y trouver une stimulation : « Cela nous aide lus particulièrement d'être confrontés en tout à l'omniprésence de l'affirmation musulmane.... Nous recevons de la prière silencieuse, longuement vécue côte à côte, avec nos amis soufis, notamment, un sentiment de plénitude qui trompe d'autant moins que nous le savons profondément partagé. » En fait, estime aujourd'hui le Père Armand Veilleux, procureur général de l'ordre des cisterciens trappistes «Christian ignorait ou voulait ignorer tous les excès de l’islamisme ou de l'islam traditionnel. »
             Après le coup d'Etat de janvier 1992, les moines sont pris en tenailles entre l'armée, qui multiplie rafles et ratissages dans la région de Médéa, et les islamistes, dont certains ont pris le maquis à quelques centaines de mètres du monastère.
             Un communiqué du GIA ordonne à tous les étrangers de quitter l'Algérie.
             Plusieurs attentats ont visé des Français religieux ou coopérants. Le Quai d'Orsay enjoint aux Français de quitter l'Algérie.

             Bien évidemment, la présence des moines en un lieu aussi stratégique de la lutte entre l'armée et les islamistes dérange les services de sécurité algériens. Le l7 novembre 1993, le chef de cabinet de la wilaya convoque Christian de Chergé. Il est contrarié que le prieur de Tibharine ignore l'injonction du Quai d'Orsay. Il lui demande d'accepter au moins le déménagement de la communauté dans un lieu sécurisé de Médéa, ou l'armement des gardiens du monastère, l'installation d'une nouvelle ligne téléphonique et ne plus ouvrir la porte aux malades se présentant de nuit. Acceptant ces deux dernières exigences, Christian refuse en revanche tout déménagement et toute présence armée au monastère. Cette décision de rester sur place, va nouer le drame qui surviendra trois ans plus tard.
             Mais déjà en décembre 1993, dans la nuit du 14 au 15 décembre, douze ouvriers croates qui travaillent sur un chantier situé à 4 km du monastère sont méthodiquement égorgés. Ce massacre est revendiqué par le GIA.
             Le 19 décembre le Père de Chergé est à nouveau convoqué par le wali (préfet) de Médéa. Mais, l'assassinat des Croates n'a pas fait changer d'avis Christian : il ne veut toujours pas quitter Tibharine.

             Le 24 décembre, des maquisards du GIA viennent au monastère.
             L'émir, chef du commando veut emmener Frère Luc pour soigner ses hommes blessés ou malades au maquis et il demande aussi de l'argent. Christian répond que Frère Luc, cardiaque et asthmatique pourrait mourir si on le forçait à quitter le monastère et que, d'autre part, les moines n'ont pas de richesses à partager. L'émir insiste, menace mais finit par céder en disant qu'il reviendrait. A la fin de cet entretien dans la nuit, le Père de Chergé dit à cet homme : « Nous sommes en train de nous préparer à célébrer Noël, pour nous, c'est la naissance du prince de la paix, et vous venez comme cela, en armes ! » L'émir lui répond : « Excusez-moi, je ne savais pas».
             Ainsi Christian n'aurait cédé en rien aux exigences du GIA. Et pourtant, selon le frère Jean-Pierre qui a échappé à l'enlèvement des moines en 1996, si Christian a refusé de laisser partir le Frère Luc, il a dit aux islamistes que s'ils avaient besoin de soins, ils pourraient se faire soigner au milieu des gens au monastère, qu'on ne regarderait pas les identités.»

             Christian aurait donc donné à l'Emir la garantie que si des islamistes blessés se présentaient, ils ne seraient pas dénoncés à l'armée et qu'ils seraient même soignés discrètement, comme l'avaient été les combattants du FLN entre 1954 et 1962. Estimant sa visite en partie couronnée de succès, le chef islamiste aurait annoncé à Christian qu'un de ses émissaires allait revenir. Dans la foulée, il aurait fait un geste d'une grande importance en accordant aux moines sa protection : à compter de ce jour, le chef islamiste ne considéra plus les moines comme des étrangers à éliminer, mais comme des dhimmi, c'est-à-dire des chrétiens vivant en terre d'islam sous protection musulmane en échange d'un impôt.
             Cependant, craignant la réaction des autorités, Christian va tenter de leur dissimuler l'existence du pacte qu'il a discrètement conclu avec l'émir du GIA, Sayeh Attia. Il ne le détaille pas non plus immédiatement à ses frères. Pour leur en faire part, il attend le chapitre du 26 décembre, cette réunion collective que les moines tiennent trois fois par semaine.

             Ce jour là, informés par Christian de la nature de l'accord qui les lie désormais aux islamistes, les moines sont mal à l'aise. Est-il possible de rester dans ces conditions ? Ne sont-ils pas devenus complices des insurgés islamistes ? S'ils ne remettent pas en cause le fait d'avoir accepté de soigner leurs blessés, tous considèrent, comme Christian, qu'il ne serait pas «moral » de leur donner de l'argent.
             Sur la question crucial d'un éventuel départ, les moines vont se prononcer pour la première fois contre I'avis de leur prieur.
             Mais, malgré toutes les précautions de discrétion prises, les services de renseignements algériens découvriront très rapidement que le monastère accueille « les frères de la montagne », comme les appelaient le P. de Chergé. Ils vont reprendre leur injonction pour que les frères quittent le monastère, mais sans résultat. Ils semblerait donc que dès lors le DSR va échafauder un plan pour, comme le dira l'un de ses membres. « faire gicler les moines. »

             En 1994, l'attitude des islamistes pose de plus en plus de problèmes aux moines. Depuis le pacte secret passé avec l'ancien émir local qui a été tué dans un accrochage avec l'armée, les hommes de son groupe ont un peu tendance à se croire tout permis à Tibharine. Souvent après le repas, ils arrivaient par le jardin pour ne pas être repérés et frappaient à la porte de la cuisine pour demander le médecin, relate le frère Philippe Ranc. Ils allaient le voir et repartaient parfois avec des médicaments. Un jour, j'en ai carrément trouvé assis à l’intérieur de la clôture ! J'ai essayé de lui dire qu'il ne pouvait rester là. Menaçant, il a ouvert son couffin et m'a montré sa kalachnikov ! Evidemment, je n'ai plus rien dit. »
             Malgré cela, le pacte secret passé sera respecté scrupuleusement : Frère Luc continuera à soigner discrètement les moudjahidines islamistes, comme il avait soigné ceux de I'ALN durant la guerre d'Algérie. Mais l'armée algérienne estime que l'attitude de frère Luc est inacceptable.

             Alger va dénoncer le Père Christian de Chergé au Vatican. Le 23 février 1994, le ministère des Affaires étrangères algérien écrit à l'ambassade du Vatican et à I'ambassade de France à Alger. Cette lettre est un véritable réquisitoire contre l'attitude du prieur de Tibharine. Elle rappelle les différentes injonctions qui ont été faites au prieur du monastère soit pour quitter le monastère soit pour adopter une attitude de collaboration avec les forces armées pour éviter que les terroristes du GIA ne puissent être accueillis et secourus au monastère.
             Or, poursuit la lettre : « Convoqué à la Wilaya le 29 décembre 1993, le responsable de la communauté religieuse a confirmé la visite des trois terroristes qui ont exigé d'eux : le traitement et soins éventuels de blessés terroristes, la fourniture de médicaments ; la remise d'une somme d'argent dont le montant n'a pas été déterminé, en leur précisant qu'un émissaire prendrait ultérieurement attache avec eux pour les modalités pratiques de ces trois revendications. »
             Manifestement ulcéré par l'attitude des moines, le ministère des Affaires étrangères algérien conclut qu'il «saurait gré à l'ambassade du Vatican de bien vouloir accorder un intérêt tout particulier aux propositions qui ont été faites par les autorités de la wilaya de Médéa, notamment la fermeture momentanée du monastère. »

             Si la réponse de l'ambassade de France à cette lettre embarrassante pour les autorités françaises n'est pas connue celle du chargé d'affaires du Vatican à Alger est mieux cernée. Mgr Augustin Kasuja (un Ougandais) adresse à Alger une réponse subtile : « Supposez que vous avez construit votre maison au sommet d'une montagne. Vous avez une rue magnifique, avec un précipice à droite et un précipice à gauche. On vous demande de déplacer légèrement votre maison. De quel côté le ferez-vous ? » Mais derrière cette réponse, le représentant du Vatican aurait entendu le message et discrètement fait pression sur d'autres communautés pour qu'elles quittent l'Algérie. Quand à Mgr. Tessier, archevêque d'Alger, successeur de Mgr. Duval, il s'en remet à l'abbé général des trappistes, Dom Bernardo Olivera. Lors d'une conversation téléphonique début 1994, ce dernier avait lâché au P. Christian de Chergé : «l'Ordre cistercien n'a pas besoin de martyrs, mais de moines », façon de lui suggérer d'obéir à l’injonction des autorités algériennes. Mais le prieur de Tibharine lui répond que ce n'est pas incompatible : moine et martyr.
             Selon certaines sources, c'est suite à l'échec de cette tentative officielle de faire partir les moines que les généraux Mohamed Médiene et Smaïl Lamari auraient pris la décision de se débarrasser d'eux, à terme, par d'autres moyens.
             Ce qu'il faut aborder maintenant, c'est la complexité de la situation qui résulte non seulement de l'entêtement du Père de Chergé, mais aussi des interventions des différents services de renseignements français et algériens.
             Au gouvernement français, il existe deux approches des événements qui se déroulent en Algérie. Celle qui se rapproche des éradicateurs avec Charles Pasqua, alors ministre de l'intérieur et la Direction de la sécurité du territoire en lien étroits avec la DRS algérienne, et celle qui préfère prendre une certaine distance par rapport aux services de la sécurité militaire algériens avec Alain Juppé. Charles Pasqua et ses services sont très proches du général Smaïl Lamari.

             Ce dernier essaie de persuader la France d'aider l'état algérien dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Sans reprendre le détail des opérations activées par les services secrets algériens dans ce but, révélées par certains enquêteurs, il est probable qu'à partir d'une certaine période le DRS algérien ait décidé de provoquer de manière plus ou moins direct, le départ des moines. La thèse la plus souvent avancée est la suivante : après la mort de l'émir Sayeh Attia, celui qui avait conclu un pacte secret avec le Père de Chergé. les services secrets auraient infiltré des hommes à eux dans les maquis islamistes. Certains de ces hommes sont des islamistes retournés ou manipulés, d'autres sont carrément des agents de la DRS infiltrés. Ainsi un nouveau personnage va entrer en scène : Djamel Zitouni, un marchand de poulets de Belcourt, qui a rejoint le maquis et qui très rapidement se retrouve émir de la rébellion dans la région de Médéa. C'est un être décrit comme peu intelligent, mais d'une cruauté terrifiante. C'est le type même du pion manipulé. L'opération téléguidée par les services secrets algériens consistera à enlever les moines, à les retenir un certain temps, puis à les faire libérer par une unité régulière de l'armée. Du coup toute la gloire revient à l'armée et à l'état algérien, et, bien sûr, après une telle mésaventure, les moines ne peuvent plus demeurer dans leur monastère de Tibharine. C'est donc Djamel Zitouni qui revendiquera l'enlèvement des moines et qui, durant les deux mois que durera la séquestration des religieux, signera les communiqués envoyés à la presse et au gouvernement français. Ses revendications viseront la libération de terroristes détenus en France ou en Algérie, la livraison d'armes ou, comble d'ironie, la conversion de Jacques Chirac à l’islam !!!


             Mais revenons à la nuit de l'enlèvement telle qu'elle m'a été relatée par un prêtre dont je tairai le nom, mais qui était présent au monastère la nuit du 26 mars l996. Non, les moines n'étaient pas seuls cette nuit-là. Des retraitants, prêtres et religieuses logeaient à l'hôtellerie du monastère.

             Voici donc le témoignage qui m'a été livré.
             Première thèse : Que s'est-il passé ensuite ? Les moines auraient été forcés de marcher sur des kilomètres pour rejoindre des caches ou des maisons isolées éloignées de la zone du monastère. Le témoignage d'un repenti, membre du groupe qui les a enlevés, révèle que cette marche fut très pénible pour les moines particulièrement pour le frère Luc, âgé et malade. Ensuite, on se perd en conjectures diverses : une des versions des fait serait que des véhicules les auraient transportés jusque dans une caserne à Blida dans quel cas l'armée aurait été impliquée dans l'enlèvement. Et se développe alors la thèse de la bavure militaire. On ne peut garder trop longtemps les moines à Blida et on les transporte à nouveau dans une région montagneuse. Là, une unité de l'armée algérienne n'ayant pas été renseignée sur l’identité de ce groupe présent en zone interdite, ouvre le feu et tue les terroristes et leurs prisonniers. Lorsque les jeunes recrues de cette unité de l'armée sont envoyées pour l’identification des membres du groupe qui vient d'être anéanti, on découvre que parmi les corps se trouvent les sept moines. Les corps sont criblés de balles tirées par des mitrailleuses héliportées et sont la signature des auteurs du massacre. On va donc couper les têtes, faire disparaître les corps que l'on ne retrouvera sans doute jamais. Et comble d'horreur, on va placer les têtes des moines dans des sacs plastiques que l'on accroche aux branches d'un grand chêne qui se trouve tout proche d'une station service sur le bord de la route qui monte à Médéa, dans les gorges de la Chiffa. Le matin, une femme ouvre les fenêtres de sa maison qui se trouve à proximité du chêne. Elle distingue ces sacs pendus aux branches basses de l'arbre. Elle alerte son mari qui fera la macabre découverte.

             Deuxième thèse : Les moines sont effectivement enlevés par des islamistes purs et durs. Les négociations avec la France ayant échouées, ils mettent à exécution leur menace d'égorger les moines. Les geôliers requis pour les exécuter, s'étant habitués à la présence des moines et touchés par leur vie de prière, ne peuvent obéir à l'ordre qui leur est donné par Djamel Zitouni.
             Ce dernier serait contraint de faire venir d'autres terroristes qui ne connaissent pas les moines pour accomplir cette basse besogne. Cette thèse est aujourd'hui quasiment abandonnée. Et je vous dirai pourquoi tout à l'heure.

             Troisième thèse qui semble s'imposer par rapport aux deux autres. Ce sont bien les services secrets algériens qui ont monté l'opération de A jusqu'à Z. Mais la situation devient trop compliquée. Le clan des éradicateurs en contact avec la DST et Charles Pasqua, veulent faire croire à ces derniers qu'il est possible d'entrer en contact avec les membres du GIA qui a fait enlever les moines. Ce serait Jean-Charles Marchiani alors préfet du Var qui serait chargé de se rendre en Algérie dans le plus grand secret pour contacter Djamel Zitouni. Jean-Charles Marchiani est un homme d'action et de combat dans l'ombre.
             C'est déjà lui qui, quelques mois plus tôt, avait réussi à obtenir la libération de pilotes français tombés entre les mains des Serbes. Le contact avec Zitouni aurait été pris, et la libération des moines envisagée dans un temps relativement court, selon une procédure honorable pour les algériens.

             Malheureusement, une mésentente entre les services de Matignon et ceux du ministère de l'intérieur - les premiers reprochant aux seconds de ne pas les avoir informés de l'opération DGSE contre DST va faire échouer les négociations et les services secrets algériens donc l'état algérien craignant d'être reconnus comme les auteurs de l'enlèvement décident de l'exécution des moines qui par ailleurs, ont du eux-mêmes se rendre compte que leurs ravisseurs n'étaient pas des islamistes en rébellion contre le pouvoir. La seule issue pour le pouvoir algérien est donc d'éliminer ces témoins gênants et d'en faire porter la responsabilité aux terroristes islamistes.

             Tout cela est fort possible, mais sans doute ne connaîtrons-nous jamais précisément la vérité. Mais la pointe de mon propos aujourd'hui ne se situe pas à ce niveau. Aujourd'hui, les enquêtes menées par certains journalistes, les livres parus récemment semblent aller dans le sens d'une totale responsabilité de l'état algérien dans la mort des moines, mais chose étrange, ils s'accordent pour absoudre totalement les islamistes non seulement de la mort des moines, mais aussi de tous massacres et de tous meurtres, qu'il s'agisse de ceux visant les religieux européens ou de ceux ayant atteint durement la population algérienne : plus de 300 000 morts durant ces dix années tragiques.
             Dans les études que j'ai menées récemment sur l'enlèvement des moines de Tibharine, et par ailleurs sur les problèmes que pose l’islam à notre société, j'ai découvert en Occident une certaine mouvance affectant certains membres de l'Eglise de France ou certains milieux intellectuels ayant toute liberté de s'exprimer dans les médias nationaux et internationaux, qui vise à épargner l'islam de toute critique ou attaque pouvant le discréditer. On présente même la religion musulmane comme une religion ouverte et tolérante, respectueuse de la foi des autres, en particulier des chrétiens et des juifs. En Algérie, ce sont eux, disent-ils, qui ont eu le courage et l'héroïsme de s'élever contre un pouvoir corrompu ( pouvoir corrompu ? Oui et oh combien ! ) qui saigne à blanc le peuple. Mais du coup les islamistes apparaissent comme des bandits gentils hommes qui n'auraient quasiment pas de sang sur les mains.

             Une telle approche de l'islam n'est pas nouvelle. Les victoires fulgurantes de l’islam dès ses débuts n'a pas manqué de poser des interrogations. Et certains penseurs chrétiens, pour trouver une explication à ce phénomène, sont allés jusqu'à avancer que l'islam pouvait être une religion révélée et Mahomet un authentique prophète, ou, comme le Cardinal philosophe Nicolas de Cluse au XVéme siècle voit dans la naissance de l'islam une volonté positive de Dieu. Selon lui, Dieu aurait permis ou voulu une révélation fausse ou imparfaite pour faire accéder les Arabes au moins au monothéisme. il ne reste qu'un petit pas à faire pour penser que Dieu a donné une troisième révélation aux Arabes. Il s'agit là d'une thèse proprement délirante.

             Plus proche de nous, au XIXéme et XXème siècles Louis Massignon a été l'un de ces orientalistes séduits par l'Orient islamique et qui croient avoir tout compris. Et l'on veut absolument faire entrer ce monde enchanteur dans la pensée et même dans la foi chrétienne. On va essayer de concilier l'inconciliable. D'unir Jésus et Mahomet, estimant que l'un comme l'autre sont chemin de salut pour l'humanité. Pour certains, comme le Père, de Chergé, les dogmes empêchant la rencontre, il faut donc passer par-dessus. Nous devons donc oublier que Jésus est le Fils de Dieu et Dieu lui-même, et qu'il est le seul sauveur pour l'homme. Il y a chez lui, comme nous l'avons dit au début de cet exposé, le sentiment d'être débiteur envers les algériens et, pour mieux les rejoindre, on pourrait presque parler de désir fusionnel de faire concilier les deux fois. Mais une telle passion donne naissance à un mysticisme où la raison ne peut plus agir. L'histoire personnelle du Père de Chergé peut beaucoup expliquer de son comportement. Mais aujourd'hui, sa personne est utilisée dans le cadre de cette mouvance dont je fais état.

             Ainsi le P. Salenson directeur de l'Institut de Science et de Théologie des Religions de Marseille qui dans son ouvrage « Parcours spirituel et théologique des écrits du P. Christian de Chergé présente ce dernier comme une figure emblématique du dialogue islamo-chrétien qui pourrait atteindre au titre de martyr de cette cause. Mais peut-on parler de dialogue lorsqu'il y a renoncement à la vérité de la foi et de l'enseignement de l'Eglise.
             L'islam reste et demeure une religion de conquête, et de conquête par la violence. Benoît XVI le perçoit et l'exprime clairement quand il écrit (évitant prudemment de nommer l’islam explicitement dans Jésus de Nazareth, tome II,)
             « Les conséquences terribles d'une violence motivée religieusement sont de façon radicale devant nos yeux à tous. La violence n'instaure pas le royaume de Dieu, le royaume de l'humanité. C'est, au contraire, l'instrument préféré de l'Antéchrist - même avec une motivation religieuse idéaliste. Elle ne sert pas à l'humanité, mais à l’inhumanité ».

Mgr Molinas


    
EXPO
Par M. Bernard Donville
                Bonjour chers amis,

            Oui je sais j'ai quelque retard mais il va falloir vous habituer aux tergiversations mentales d'un vieux bien tassé. Mais je vais quand même vous livrer quelque chose à exploiter; en réalité deux développements : L'un concernant le climat de l'Algérie qui vient donc compléter la morphologie décrite précédemment et l'autre bouche trou pour que vous en ayez assez pour cette fois si quelques figures de nos célébrités.
            Et si ça ne vous suffit pas allez donc sur le site du cercle de Toulouse ou l'ami Salvano met en page très harmonieusement la plupart de mes anciens articles : cercle-algerianiste-toulouse.com

            Je poursuis avec l'exposition des panneaux du cercle algerianiste de Toulouse en 2003. Et je voudrais de suite préciser que le conseil d'administration d'alors comportait 14 membres qui ont tous travaillé à la réalisation de ces panneaux et même si j'ai souvent participé à la synthétisation de leur mise en oeuvre je ne cherche pas à m'en attribuer la paternité.
            Aujourd'hui nous poursuivons l'Agriculture dans les départements d'Alger et de Constantine avec les distinctions très nettes du évidemment aux contextes géographiques .
            Amitiés, Bernard
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CLIMAT

PERSONNALITES

AGRICULTURE

AGRI-ORAN

AGRI-ALGER

AGRI-CONSTANTINE
A SUIVRE


Source Gallica - N° 194, 29 mai 1935
Coupe Steeg à Constantine
RUA : 4 — J.S. Guelma : 2
              Nous avons enfin rencontré nos voisins de l'Est pour un match ayant un caractère officiel. Ce match ne nous a pas appris grand chose que nous ne connaissions déjà, à savoir que les Constantinois comptent davantage sur leur cran que sur leur technique pour gagner une partie.
              Avant de parler de la rencontre proprement dite il est, je crois, indispensable d'ouvrir une parenthèse et de la consacrer à l'organisation et au terrain.

              Partis en éclaireurs, nous décidâmes avec Perriau et après un substantiel repas chez Costes, d'aller inspecter. Samedi, le lieu de la rencontre. Un spectacle navrant, le mot n'est pas trop fort, nous attendait. Le terrain était envahi par de hautes herbes qui, par endroits, atteignaient presque nos genoux.
              Les buts n'avaient ni la même largeur ni la même hauteur, l'un et l'autre. Enfin, précaution contre un vol possible, les poteaux étaient fixés au sol par un large canelage de ciment très fort qui risquait en cas de chute d'un joueur d'être la cause d'un accident grave. Deux employés, qui n'avaient pas l'air d'être à jeun, soit dit en passant, étaient affairés à « mettre le terrain en état » à l'aide d'une... binette bonne tout au plus à sarcler un carré de salades.

              Ecœurés nous allâmes voir M. Rédarès, qui est président de la Ligue locale (o combien !) de football association. M. Rédarès, qui s'occupe de politique et qui est le grand administrateur d'un journal qui s'appelle «La Brèche », était à l'imprimerie. Nous eûmes la bonne fortune de le rencontrer dans la rue Caraman, qui, comme chacun le sait, est sur le Rocher la fille dégénérée de la rue d'Isly.

              Nous exposâmes nos doléances à M. Rédarès, qui nous répondit textuellement : « J'avais prévu une solution pour nettoyer le terrain. Un troupeau de vaches devait y paître en permanence et le débarrasser de ses herbes superflues comme le Taky libère l'épiderme de nos élégantes.
              Nous fîmes ressortir à notre interlocuteur que les paisibles ruminants qui devaient assurer la bonne tenue du stade donnaient plus qu'ils ne recevaient et que la pelouse risquait d'être encore plus sale après qu'avant, et nous l'avertîmes que des photos des lieux avaient été prises.

              «Tout est prévu, nous fut-il répondu, deux hommes sont là avec des pelles, qui ont pour mission de nettoyer au fur et à mesure... » !!!!!! avons-nous répondu, si toutefois nous pouvons nous exprimer ainsi, et nous demandâmes à M. Rédarès de vouloir bien faire un effort sérieux pour rendre le ground praticable. M. Rédarès, dont le métier est de défendre la veuve et l'orphelin, nous répondit du même ton qu'il aurait dit aux jurés : « J'affirme que mon client est innocent... » « soyez persuadés que tout sera fait pour demain...»
              Paroles malheureuses puisque M. Rédarès ne tint sa promesse et que le match important dut se dérouler sur un terrain infect, dont une petite ville comme Batna aurait honte.

              En résumé, si à Constantine le football est d'un niveau moyen, on ne peut en être bien surpris lorsqu'on connaît la médiocrité de ceux qui président à ses destinées. La parenthèse est fermée.
              Reçus le matin, avec les Guelmois, dans les salons du Casino Municipal, par la L.C.F.A., nous regagnâmes notre quartier général, en l'espèce l'Hôtel Transatlantique. A trois heures, nos joueurs s'alignaient pour la bataille, dont M. Raïs de la Ligue Tunisienne, allait donner le signal.

              Au bout de dix minutes d'un jeu où nous avons l'avantage. Archilla ouvrait le score d'un shoot sec.
              La partie semblait devoir être facile à enlever, lorsque quelque temps avant la mi-temps Zattara mettait les équipes à égalité en battant son propre goal par un coup de tête malheureux.
              Après le repos, la formation de Guelma se montrait plus agressive et arriva à mener au score grâce à un but dont son inter-droit et Durandeu peuvent se disputer la paternité.
              La situation n'était pas brillante, d'autant plus que nos essais au but devenaient rares, Branca manquant de réussite, Sabaton étant souvent ceinturé par son demi et Ramage ne se rendant guère utile et se dépensant en des feintes déplacées sur pareil terrain.
              Enfin, sur cafouillage devant les buts guelmois, Sabaton réussit tant bien que mal, à obtenir le but de l'égalisation. Le R.U.A. se reprit, mais sans brio, et remonta le courant. Sur tir de Branca, renvoyé par la barre, Lucchini plaça un bolide de biais. Enfin Branca, feintant la défense, obtient un quatrième point puis un cinquième, qui fut refusé. La fin fut sifflée sur ce résultat.

              Que dire de nos adversaires et de leur exhibition. Les Guelmois ont un bon joueur Zuretti. D'autres, moyens, comme les frères Bokler, dangereux lorsqu'ils ne sont pas marqués, et Valter, remplaçant de Delessert.
              Quant à nous, nous devons plus nous réjouir de cette victoire, qui nous mène à la finale de la Coupe Steeg, que de la façon dont fut acquise cette victoire.
              En résumé, partie correcte, bien arbitrée par M. Rais.
              Après la partie, les supporters Constantinois du R.U.A., dont Costes est l'animateur, nous offrirent, toujours au Casino Municipal, un apéritif où la plus franche camaraderie ne cessa de régner ; nous y revîmes nos vieilles connaissances Delessert et Biancardini qui n'ont pas oublié le temps heureux où ils portaient les couleurs bleues et blanches. Tour à tour, MM. Costes, Millot et Perriau prirent la parole. Bobette, dans un long discours, s'étendit sur la grandeur et la servitude du métier de soldat qui est actuellement le sien et après avoir commencé par l'échanson, cette petite fête finit par des chansons.
H. CORDIER.



PHOTOS de CONSTANTINE
ACEP-ENSEMBLE 289






















































Le Congrès de l'Eau
et la Journée du Coton
LA GÉOGRAPHIE mars/avril 1928
Congrés tenu à Alger du 9 au 17 janvier 1928

         Il n'est pas aisé d'exposer en quelques pages les idées et les faits présentés dans les quatre-vingts rapports et les quinze séances, auxquels a donné lieu le Congrès de l'Eau et la Journée du Coton.
         On y a traité de l'eau, c'est-à-dire de l'exploitation du sol par des méthodes intensives qui doivent permettre à l'agriculteur européen de l'Algérie de pratiquer d'autres cultures, de poursuivre d'autres spéculations, que celles déjà en usage de tous temps dans ces contrées; on y a parlé du coton qui doit entrer dans l'assolement que ces méthodes nécessitent.
         Questions toutes d'actualité, qui résument les préoccupations des agriculteurs européens, qui en sont la raison d'être. Aucune présentation ne pouvait être meilleure que celle qui fût faite par le discours d'ouverture du Gouverneur général P. Bordes. En quelques mots, il fit un exposé très documenté des questions qui devaient être traitées par le Congrès et surtout il affirma que la « politique hydraulique » inaugurée par ses prédécesseurs, serait avant tout la sienne; cette persévérance dans le but poursuivi fait bien augurer des résultats qu'on est en droit d'espérer.
*
* *

         Que la Météorologie soit une science, personne n'en peut douter et les remarquables études publiées à l'occasion du Congrès d'Alger en donnent bien la preuve certaine. MM. Ginestou pour la Tunisie, et Lasserre et de Flotte de Roquevaire pour l'Algérie, Dedebant et Roche pour le Maroc, ont fait un exposé très serré des cartes météorologiques et principalement des cartes pluviométriques de ces contrées.
         Pluies topographiques ou de relief et pluies dépressionnaires sont, dans chaque pays, bien différenciées ; discussion des résultats en vue de déterminer les zones dans lesquelles la culture est possible ; importance à attribuer à la variabilité, faisant osciller les quantités d'eau tombée d'une année à l'autre, dans d'inconcevables proportions. Tout a été exposé, étudié, avec un souci d'exactitude qui est tout à l'honneur des auteurs de ces travaux.
         Les analogies certaines qui existent entre la carte pluviométrique et la carte hypsométrique d'une région sont vérifiées dans toutes les régions de l'Afrique du Nord. Les précipitations atmosphériques augmentent toujours avec l'altitude et surtout avec la pente des versants montagneux. Les pays « du vent » et « sous le vent », comme on dit encore dans «les Isles » sont bien caractérisés même sur nos continents.

         La profondeur de la zone arrosée de la mer vers l'intérieur est en effet, en corrélation inverse de l'importance des massifs montagneux, d'autant moins considérable que les quantités déversées au voisinage même de la mer sont rendues plus fortes par l'existence des lignes en relief.
         «En Algérie notamment après l'ascension des versants septentrionaux où se produisent les plus fortes condensations, vient la descente vers les hautes plaines intérieures, avec une brusque diminution de la quantité de pluie.
         « Viennent ensuite les lignes de relief jalonnées par l'Atlas saharien, le Hodna, l'Aurès, la Dorsale tunisienne, où le mouvement ascensionnel qu'éprouve de nouveau le vent provoque de nouvelles condensations ».
         Au Maroc, les mêmes phénomènes se constatent par suite de la chaîne des montagnes normale au vent qui crée un maximum de pluie sur le versant exposé au vent (côté Atlantique) et un minimum sur le versant opposé. Mais l'influence des grandes dépressions commandées par l'anticyclone des Açores est ici plus nette que dans les autres parties de l'Afrique du Nord.

         «Le front polaire se manifeste surtout sur le Maroc par son courant dérivé. Aux limites de la saison pluvieuse, celui-ci n'est pas très puissant, le gradient barométrique en altitude entre le Maroc et l'Atlantique étant en voie de changer de sens. C'est donc à mi-distance entre le milieu de la saison et ses extrémités, c'est-à-dire entre novembre et mars que les perturbations du courant dérivé seront à la fois fréquentes et vigoureuses. D'où le maximum de pluie. »
         Ce qui suggère à l'auteur de ces observations une division de l'année qui paraît bien définir les régions subtempérées, en une saison sèche d'été et deux saisons pluvieuses d'automne et de printemps encadrant une saison de beau temps relatif d'hiver.
         A signaler encore deux études originales, l'une de M. de Flotte de Roquevaire sur un rapprochement possible entre les taches solaires et la pluie à Alger et l'autre de M. Petitjean, chef de la prévision au Service météorologique d'Alger sur la périodicité et la symétrie de la courbe des pluies à Alger de 1857 à 1927, et l'extrapolation de cette courbe jusqu'en 1778.

         Du point de vue pratique, ces observations amènent le météorologue à diviser la contrée qu'il étudie en régions caractérisées par des courbes de température et de pluie. C'est bien l'aboutissement du remarquable rapport de M. Ginestou pour la Tunisie qui a défini dans ce pays dix-sept régions.
         Mais l'eau n'intervient utilement dans l'exploitation d'un végétal qu'au moment précis où elle sert de soutien aux autres facteurs et non pas tant par sa masse; il faut donc chercher pour chaque région le coefficient de pluie utile par rapport à la masse annuelle observée.
         C'est ce qu'ont cherché à établir des esprits très judicieux, M. M. Bœuf pour la Tunisie et J. Stotz pour l'Algérie (Besoins en eau des plantes cultivées, Essai d'une répartition des cultures en Algérie d'après ses ressources en eau).
         En découpant la durée de la végétation en périodes caractéristiques, en s'attachant plus particulièrement à l'étude des périodes critiques, on peut arriver à établir les corrélations positives et négatives assez étroites entre les éléments climatiques et le rendement des plantes cultivées.
*
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         L’utilisation des eaux par l'agriculture est l'œuvre de travaux collectifs, il est donc naturel que ce soit l'administration qui en garde l'initiative et la charge, celle-ci étant, pour une part seulement, répartie entre les intéressés.
         Les administrations techniques, tant en Tunisie qu'en Algérie qu'au Maroc n'ont pas failli à cette tâche; les programmes d'hydraulique industrielle et agricole occupent la place principale dans les budgets de ces gouvernements, après guerre. En Algérie notamment le rapport de M. Ferrand, ingénieur à la direction des Travaux publics indique que sur l'appel de M. le Gouverneur général Steeg, un programme de travaux fut établi et arrêté qui devait être exécuté de 1925 à 1929 ; 450 millions de travaux sont prévus ; les travaux à exécuter en 1928 entraîneront une dépense de 56 620 000 francs.

         C'est par des barrages et les canaux de dérivation qu'ils nécessitent qu'on se propose d'assurer l'emploi utile des eaux ; or, toutes les rivières en seront pourvues. Celui dont l'importance est la moindre ne retiendra pas moins de 25 millions de mètres cubes d'eau, tels ceux de la Haute Mina, Relizane, les plus importants retiendront 345 millions de mètres cubes (plaine du Cheliff) ou encore 220 millions (barrage de l'oued Fedda en cours de construction).
         Une partie importante de ce programme est consacrée à l'évacuation des eaux nuisibles; assainissement des plaines de la Macta, de la plaine de Boufarik, de Bougie, de la Fetzara, du lac Tonga, assainissement de la plaine de Bône; la protection des eaux contre les inondations n'a pas été omise (travaux à Batna, aménagement du lac Oubeira et rectification de l'oued Kebir).
         On espère assurer l'irrigation de 200 000 hectares de terres et l'assainissement, le dessèchement et la défense contre les eaux de 65000 hectares.

         Le Maroc bien qu'il ait eu à se préoccuper de tous les moyens de mise en valeur, les routes et les chemins de fer s'imposant tout d'abord, n'a pas omis de prévoir dans ces dernières années un programme très complet de travaux d'hydraulique agricole qui sont exposés d'une façon très détaillée en deux rapports, l'un du Service de l'hydraulique constitué auprès de la Direction générale des Travaux publics et l'autre par le chef du Service de l'agriculture et des améliorations agricoles, M. Troussu.
         Ces rapports mentionnent les principaux caractères de la législation hydraulique, ils indiquent comment a été entrepris l'inventaire des ressources hydrauliques et mentionnent les grands barrages qui ont été prévus comme ceux qui sont en cours d'exécution.
         Parmi ceux-là, se trouve le barrage de l'oued Beth à El Kansera qui doit retenir 240 millions de mètres cubes et la dérivation en aval, qui aura une portée de 9 mètres cube-seconde. L'hydraulique urbaine, les dessèchements de marais ont donné lieu à de nombreux projets et travaux.

         C'est donc une transformation radicale du genre de cultures entreprises jusqu'ici qui en résultera. L'Afrique du Nord, pays paradoxal comme on s'est plu à le dire, peut espérer des productions plus régulières et qui seront à un degré moindre dans la dépendance immédiate du climat. C'est un bel élan qui brusquement s'est déclenché ; ces pays ont besoin de réalisations immédiates.
         Projets grandioses, tout à l'honneur des grands Gouverneurs qui en ont pris l'initiative, et de tous ceux chargés de les réaliser et parmi ceux-là nous comprenons les agriculteurs intéressés dont on exige avant toute exécution de travaux, la réunion en association syndicale ; c'est, en effet, le plus souvent, au nom de ces associations que ces travaux seront entrepris; elles assument par conséquent de ce fait une large part dans les peines et les responsabilités.
         Mais ces perspectives pour aussi souriantes qu'elles soient, ne peuvent se soustraire aux préoccupations de l'heure présente ; les calamités qui ont si fortement éprouvé les plaines de l'Oranie jettent une ombre inquiétante sur cet éparpillement de barrages qu'on voit se dresser au débouché de toutes les rivières, tels de vigilants gardiens qui conservent et retiennent les richesses que prodigue notre mère à tous, la montagne.

         La Géographie ne perd pas ses droits cependant; or elle enseigne que dans ces mêmes pays chaque région a ses caractéristiques, son histoire, et que ce qui est possible dans le Tell oriental peut ne plus l'être dans le Tell occidental. C'est même entre ces deux régions de véritables contrastes qui se manifestent non seulement dans les plaines mais bien dans les cours montagneux des rivières. Pour le Sig et l'Habra, ces deux rivières dont on a tant parlé cet automne, leurs lits incertains, creusés dans des terrains marneux, sans consistance, leurs captures récentes, leurs profils caractéristiques, indiquent «de toute évidence, des rivières très jeunes, qui ont à peine commencé leur travail d'érosion ».
         L'une sort des montagnes à Saint-Denis, l'autre à Perrégaux ; à partir de là dès qu'elles s'engagent dans la plaine elles n'ont plus de lit, elles se perdent et s'étalent dans une zone d'épandage ; celle qui est commune au Sig et à l'Habra s'appelle marais de la Macta à 1500 mètres de la mer.

         «La rupture du barrage des Cheurfa en 1885 a suffi pour substituer aux anciens endiguements un lit nouveau tout à fait aberrant qui a donc vingt-cinq ans d'existence. E.-F. Gauthier, Structure de l'Algérie. »
         On n'ose pas formuler la conclusion de ces observations et, en fait, ces questions trop brûlantes d'actualité, n'ont pu être examinées au Congrès.
         Il eut fallu énumérer les conditions dans lesquelles un barrage est possible. Conformité des pentes permettant l'appui des grands murs, solidité des roches encaissantes et des fondations, possibilité d'accumuler à l'amont un nombre élevé de mètres cubes d'eau, ne sont pas les seules conditions pour qu'un barrage soit possible ; l'âge du bassin de réception, c'est-à-dire la fixité du lit de la rivière, le degré de friabilité des terres, la possibilité d'utiliser pour le comblement des déjections, les débris apportés par les eaux, en un mot, la détermination de l'époque vécue par cette région dans son histoire géographique, tels sont les éléments dont il eut été intéressant de dire l'importance.
         Dans une communication présentée par M. Bollard cet ingénieur évalue l'envasement du barrage de l'Oued Fergoug de l'ordre de 1 m. 30 de vase par hectare du bassin versant et par an. M. Bories indique les dispositifs qu'il applique dans ses plantations de coton pour utiliser l'eau rationnellement tout en permettant les travaux de culture nécessaires pour lutter contre l'envahissement des herbes et empêcher les remontées de sel.
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         L'utilisation agricole des eaux, consiste à répartir un débit qui a été capté soit par une dérivation soit par l'élévation mécanique. C'est un art nouveau qui entre en jeu.
         A vrai dire, remarquons qu'il n'a pas intéressé beaucoup le Congrès et que cet art n'est pas très développé en Algérie. Cependant l'importance prise par ces questions en Egypte notamment et plus près de nous dans le Midi de la France indique qu'il n'est pas de bonnes irrigations sans une bonne répartition.
         Cette répartition s'établit en tenant compte de la durée de la végétation, la quantité totale de l'eau nécessaire, le volume à donner par arrosage, l'espacement dans le temps des arrosages, ce qu'on appelle en Égypte la rotation.

         M. Frolow indique dans une étude très poussée les formules employées par la Compagnie africaine de cultures industrielles ; l'eau y est élevée au moyen de machines, on en connaît le prix, il faut l'utiliser au mieux ; les méthodes et dispositifs qu'il indique permettent de le faire.

         Le Dr Trabut mentionne les caractéristiques de l'irrigation des agrumes..
         Mais l'application d'un plan de distribution soulève des diffiCultés ; à défaut de gendarmes, il faudra disposer d'appareils réglant automatiquement les eaux, du genre de ceux proposés par M. P. Darche, ingénieur des Ponts et Chaussées en retraite.
         L'étude des différents modes de répartition des eaux ferait à elle seule l'objet d'un Congrès; il est à souhaiter qu'une étude comparative des différents systèmes employés dans les pays méditerranéens soit faite. Depuis les vieillards auxquels on confiait les sabliers destinés à mesurer à chacun « son temps d'arrosage», et qu'on retrouve encore de nos jours dans le temple du Soleil à Palmyre, ou dans certaines oasis sahariennes, jusqu'aux formules précises employées par les ingénieurs égyptiens, tous les systèmes ont été formulés. M. Jean Brunhes dans son étude fondamentale sur l'irrigation, s'est attaché à ce travail; il faut actuellement le mettre à jour à l'usage des irrigants de l'Afrique du Nord.

         Nous pourrions citer telle région de l'Afrique du Nord dominée par les hautes montagnes de l'Atlas où l'eau qui s'écoule des grandes réserves neigeuses de ce haut massif est encore mal utilisée. Cette utilisation nécessite une étude minutieuse des besoins en eau des arrosants, besoins mal définis par suite de l'état imprécis de la propriété, la construction de multiples ouvrages de dérivation, de répartition ; elle nécessite surtout des règlements et des gendarmes pour les faire appliquer. Travail ingrat, s'il en fût, modeste et sans gloire. Certes il est plus tentant d'élever de grands murs au travers des vallées et d'apposer sa signature sur la dernière haute pierre qui domine tout l'ensemble du périmètre arrosable avec l'eau qu'il permet de mettre en réserve. Mais ensuite il faut répartir cette eau entre des centaines d'usagers et on connaît leur ingéniosité à tourner les règlements, ainsi que les jalousies, les haines, les voies de faits, qui sont monnaie courante dans ces milieux. Il faut donc s'attacher à développer plus encore les études de répartition des eaux dans l'Afrique du Nord, c'est aussi important que de créer de nouvelles réserves.
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         La recherche des eaux souterraines ne pouvait être qu'un des chapitres importants d'un Congrès des Eaux. En fait, si le nombre des rapports émis sur ce sujet n'est pas élevé, leur qualité les rendit tous intéressants ; ils émanaient des professeurs tels que MM. Brive, Savornin, Dalloni ou d'observateurs expérimentés tels que le Dr Alquier. Enfin, une séance spéciale fut accordée à ceux qu'on dénomme les sourciers, mais leurs rapports ne furent pas imprimés à l'avance.
         Les recherches des eaux devraient être présentées par des monographies intéressant chacune une région bien délimitée; de l'ensemble de ces monographies, il est possible ensuite de tirer quelques règles pour l'ensemble du pays.

         La connaissance de la région paraît indispensable pour prévoir une venue d'eau en un point déterminé. Cet état de choses qui paraît bien naturel à un hydrologue, surprend encore grand nombre de particuliers. En fait, chaque hydrologue devient le spécialiste d'une région; le professeur Savornin peut prévoir actuellement avec une précision remarquable l'effet d'un ouvrage dans les territoires du Sud, et plus particulièrement dans le bassin du Hodna et ses connaissances sur cette région sont de la plus haute importance pour les recherches d'eau dans un pays.
         La monographie, du bassin de l'Oued Touil et de la commune de Chellala qui en fait partie, due au Dr Alquier, est un modèle du genre d'études qui pourront être faites pour toute l'Afrique du Nord. Elle constitue un inventaire de ce qui existe, soit apparemment, soit caché pour une région bien délimitée; on peut donc en déduire ce qu'il est possible de faire, c'est-à-dire trouver les points de sortie de l'eau et prévoir le nombre de ces points qu'il est possible d'aménager étant donnée l'importance de la réserve d'eau. Les agriculteurs de la région du Sersou, récemment colonisée y trouveront les renseignements les plus utiles.

         Les observations relatives à l'abondance du débit de certaines sources, leur situation à flanc de coteau, leur altitude, permettent différentes hypothèses pour expliquer leur raison d'être et leur alimentation; de l'avis du commun bon sens, et des observations scientifiques de la météorologie, la pluie est insuffisante; il faut admettre un autre phénomène.
         «Ce phénomène ne peut être que la condensation de la vapeur d'eau atmosphérique par les terrains qui lui sont perméables, condensation qui doit augmenter d'intensité avec la chaleur solaire et avec l'état de sécheresse de la surface qui maintient sa porosité. »
         «Nous pouvons différemment conclure, qu'en pays secs un sol léger et poreux est d'autant plus humide par captation de la vapeur d'eau, que sa surface est rendue plus absorbante par de nombreuses façons.
         «Celles-ci sont doublement utiles après les pluies qui ont pu produire du colmatage et du tassement et dont l'évaporation peut être plus facilement reprise par le sol façonné.»

         L'effet d'un binage n'est pas tant de conserver l'humidité acquise, que de faciliter l'absorption de la vapeur d'eau de l'air ambiant sous l'action du vent et du soleil. Cette explication vaut toutes les autres, elle n'est, tout au moins, pas contraire au bon sens et aux pratiques de la vie.
         Dans une étude d'ensemble M. Chaptal, directeur de la Station de physique et de climatologie agricole de Montpellier, a réuni les différentes observations et hypothèses se rapportant à ces phénomènes, dont nous avions indiqué l'importance dès 1922 à l'occasion de notre étude sur l'Hydraulique en Syrie ; ses conclusions sont nettes : «Dans la région méditerranéenne, aux étés secs et chauds, l'absorption de la vapeur d'eau atmosphérique par les végétaux et la surface du sol et sa condensation à l'intérieur de la terre ont une importance agricole considérable. L'eau qui est ainsi apportée au sol compense l'insuffisance des précipitations estivales et permet aux plantes cultivées de poursuivre leur cycle végétatif. Les agriculteurs doivent donc se préoccuper de ces secours secondaires de l'humidité du sol et s'efforcer, par des systèmes de culture appropriés de les utiliser au maximum.»

         Toutes ces observations sont du plus haut intérêt et on ne peut que se féliciter que le Congrès de l'eau d'Alger ait donné l'occasion de les émettre.
         L'étude du professeur Dalloni constitue la première description géologique des sources minérales et thermales algériennes. C'est un travail de longue haleine qu'il a entrepris en réunissant au laboratoire de géologie appliquée de la Faculté des Sciences, toutes les observations s'y rapportant. Cette classification permet de les mieux connaître et par suite de les mieux utiliser. La recherche des eaux par les hydrologues sourciers a donné lieu à de très intéressants débats avec les géologues. Les praticiens de cette intéressante corporation ont très loyalement tenté de décrire leurs méthodes et la façon de les appliquer.

         Il n'en résulte rien de bien net cependant et l'application des termes employés par d'autres sciences tels que les courants de self-induction, courants telluriques, n'apportent pas beaucoup de lumière dans l'explication de ces phénomènes; au surplus est-il si important que cela de les expliquer ? Le fait paraît indéniable que certaines personnes ont un sens de l'eau, c'est un don qui ne s'acquiert pas. Les affirmations très catégoriques de certains d'entre eux, les résultats qu'ils ont obtenus et leur indéniable bonne foi font désirer que l'on s'efforce par tous les moyens de rapprocher géologues et hydrologues sourciers; leur collaboration ne peut être que favorable à la découverte des eaux souterraines.
         De toutes ces constatations, on peut conclure avec le professeur Brive, que l'Algérie présente sauf quelques régions défavorisées, un grand développement de terrains perméables dans lesquels existent des nappes aquifères qui se manifestent par des sources nombreuses et parfois importantes qui à l'heure actuelle sont loin d'être toutes utilisées.
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         L'une des particularités les plus caractéristiques des grandes plaines alluviales de l'Afrique du Nord, de la Mitidja au Sebou, est l'inexistence du drainage.
         Au sortir des montagnes les fleuves s'étalent et se perdent dans des zones d'épandage. Certaines zones sont complètement fermées, c'est le cas des Chotts; celles qui sont dans le voisinage de la mer se creusent un lit sinueux et mal défini soit à travers des bancs rocheux d'âge récent ou de dunes côtières. Le Sig, l'Habra, le Rio Salado, la grande plaine du Sebou et de ses affluents, aucune de ces rivières ne traverse la plaine dans un lit nettement individualisé ; elles donnent lieu à des zones d'épandage, d'innombrables cuvettes sans écoulement où l'eau s'étale en hiver et disparaît en été plus ou moins complètement. On les appelle «sebkas » lorsque l'eau est salée, «dayas » lorsqu'elle est douce.

         Les rivières elles-mêmes sont souvent salées, leurs noms l'indiquent, les Rio Salado, les Oued Mellah sont nombreux ; les bancs de sel du trias qu'elles traversent en sont généralement la cause ; engorgement du réseau, écoulement difficile des eaux stagnantes, chapelets et archipels d'étangs et de lacs, plages de sel, terres marécageuses qui appellent le drainage, bords de lits ou d'anciens lits toujours surélevés sur les autres terres, tel est l'ensemble qui, malgré des accidents à vaincre tente le colon toujours à la recherche de la terre noire, de ce qu'il pense être une terre humifère. Mais la complexité de la mise en valeur de ces marais ou plaines alluvionnaires a sa cause principale dans l'extrême jeunesse des régimes fluviaux auxquels ces formations appartiennent. Nous assistons à des phénomènes actuels, nous y participons, acceptons donc toutes les conséquences de cette situation.

         Une des difficultés pour la mise en valeur de ces terres réside dans la présence du sel. M. Manquené, chef du Service agricole du département d'Oran, en étudie les conditions. Des centaines de prélèvements qu'il a opérés lui ont permis d'indiquer les teneurs du sol et du sous-sol en chlorure, et les raisons pour lesquelles la dose maxima que le terrain peut contenir est de 1,25, ici, là jusqu'à 2 grammes el même 2 g 5 ; le drainage lui apparaît comme le seul moyen de lutter efficacement et de pouvoir utiliser une partie des 200000 hectares de terrains salés actuellement inutiles qu'on trouve dans les basses plaines oranaises.
         M. Fournier, directeur de la Ferme Blanche, apporte des précisions sur l'effet de ces drainages, leur coût d'exécution et d'entretien. Les études du genre qu'ont présentées ces deux savants expérimentateurs présentent un intérêt primordial pour toute l'Afrique du Nord.
         A ces études se rattachent toutes celles qui sont relatives à la mise en culture des terres parmi lesquelles il faut citer celle du directeur des Services agricoles d'Alger, M. Thomas, sur l'adaptation du « Dry farming » à l'Algérie.
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         Un ensemble de rapporteurs se sont attachés à étudier les moyens de retenir sur le sol et dans le sol l'eau de pluie qu'il reçoit.

         Le système des puits aériens de M. Knapen, la nécessité d'avoir une politique de l'arbre et la restauration de nos pâturages de montagne, ont été exposés avec art, et l'utilité de ces questions n'a échappé à personne. Ils ont mis une fois de plus en présence deux systèmes, deux civilisations, l'une la plus ancienne qui pratique la culture et l'élevage extensif et qui nécessite de grands espaces, de vastes parcours, sa réglementation est difficile; l'autre est celle de la culture intensive, propre à la culture à l'européenne, elle doit se substituer à la première qui est destinée à disparaître.
         L'interdiction de pâtures dans l'ensemble du bassin de réception d'une rivière dont le cours a été barré au cours de la création d'une réserve d'eau, sera la seule façon d'assurer la consolidation des terres dans ce périmètre, en laissant agir les forces de la nature, on opère d'une façon plus active que par des reboisements artificiels, forcément coûteux et d'action limitée.
         L'élévation mécanique des eaux, les diverses méthodes de forage, l'utilisation de la force éolienne, l'utilisation de la chaleur solaire, l'épuration des eaux potables, les centrales solaires du Sahara, ont fait l'objet de rapports que spécialistes et grand publié liront avec intérêt.

         L'absence d'un code de législation constaté même par son rapporteur M. Berthaut, est une lacune qui a été mise en évidence par les rapports et les discussions du Congrès.
         Il est d'une impérieuse nécessité de créer un statut légal de l'eau comme il en existe un dans tous les pays méditerranéens. Comme l'a fait remarquer le Commissaire général du Congrès M. Moatti, l'idée d'un Congrès de l'Eau lui avait été suggérée par l'inquiétude provoquée par la sécheresse qui plusieurs années durant avait anéanti les cultures algériennes; aujourd'hui, à ces préoccupations qui subsistent, sont venues s'ajouter celles résultant de la nécessité de réparer la dévastation produite par ces masses formidables d'eau qui vont se perdre à la mer en ne laissant que des traces de ruines sur leur passage.
         Problèmes complexes, qui ne peuvent être étudiés que par la collaboration des trois pays intéressés; cette collaboration, le rapporteur général, dans son rapport, insiste sur sa nécessité.
         « Il faut que nous puissions nous rencontrer régulièrement avec nos collègues tunisiens, marocains, voire espagnols, pour mieux nous connaître de l'Atlantique à la Méditerranée! L'agriculture nord-africaine, en raison du climat, ne varie guère de l'ouest à l'est, et du choc des idées, de la discussion des méthodes, naîtra forcément une technique agricole générale qui nous permettra de tirer le meilleur parti possible de nos ressources hydrauliques afin d'assurer le bien-être des populations européennes et indigènes et l'intensification de notre production agricole et de notre élevage.»
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La Journée du Coton.

         Les différents rapports auxquels ont donné lieu la Journée du Coton ont été fort bien résumés dans le rapport d'ensemble qu'a présenté M. Vivet, chef du Service d'Expérimentation en Algérie et Commissaire général de cette réunion. Il met au point les méthodes de culture et d'irrigation jusqu'ici forcément un peu disparates que les uns et les autres ont appliquées dans cette culture, nouvelle pour le plus grand nombre de cultivateurs. Ce sont des questions spéciales et dont l'exposé n'a pas sa place ici.

         Signalons toutefois deux faits qui sont des résultats tangibles et bien dus au Congrès. La production et la vente du coton sont dominées par la question de l'homogénéité des produits et leur classement après égrenage ; ces questions ont été étudiées et mises au point dans tous les pays et les meilleurs résultats ont été obtenus par les Américains qui se sont astreints à cultiver dans chaque région la même variété : c'est la loi de la variété unique.
         Depuis trois ans les services officiels, les associations privées de l'Afrique du Nord, en France, l'Association cotonnière coloniale, ont entrepris des essais, publié des études, des tracts sur la nécessité d'adopter cette méthode, cette loi, comme disent les Américains.
         Le résultat de ces tentatives a été l'adoption par le Congrès de la variété Pima comme type du coton algérien.
         L'accord fut unanime; il sera sanctionné par la publication d'une description de cette variété ou plutôt du type commercial vers lequel les producteurs, dans leur culture et les égreneurs dans leurs usines, devront tendre.
         C'est un commencement de standardisation de cette production, c'est un premier pas qui fait bien augurer du résultat final.

         On a beaucoup parlé en France durant ces dernières années d'une politique cotonnière ; peu se sont préoccupés des moyens de l'appliquer. Jusqu'ici, l'industrie française s'est bornée à examiner les résultats obtenus par les agriculteurs ; elle a bien constaté que les premiers pas étaient heureux; elle a acheté beaucoup en 1925-26, moins en 1927 et persiste à cataloguer les cotons algériens comme cotons exotiques ; étiquette bien vague qui, pour un trop grand nombre d'acheteurs assimile notre qualité courante de 36-38 millimètres à des cotons de 26 millimètres de l'Afrique Occidentale. Il appartient aux intéressés de dissiper cette erreur; à cet effet, il fut décidé qu'une campagne devait être poursuivie pour renseigner le producteur sur la qualité, sur les prix, sur les desiderata des filateurs et dire à celui-ci ce que l'Algérie fait et peut faire.

         Pour mener cette campagne, les intéressés réunis au Congrès, sur l'initiative prise par MM. Perret et Carie, ont décidé la création d'un organisme fonctionnant sous le contrôle des Chambres d'agriculture et de commerce et entretenant des rapports constants avec les producteurs, les égreneurs et les acheteurs; ce sera l'Office du Coton en Algérie.
         Déjà au Maroc un groupement de ce genre a été formé sous l'égide de l'Association cotonnière coloniale qui a rendu durant la période difficile du début de grands services à la cause cotonnière. Choix d'une variété destinée à créer le type de coton algérien, création d'un organisme chargé de la propager, tels sont les résultats tangibles de la Journée du Coton organisée par la Confédération générale des Agriculteurs d'Algérie.
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         Remarquons, en terminant, que les séances se sont succédé sans perte de temps, sans longueurs, toutes d'un égal intérêt ; elles ont été fort bien préparées par la Commission désignée à cet effet par la Confédération générale des Agriculteurs de l'Algérie et conduites et présidées avec autant de tact que de compétence par M. Baubier, président du Congrès de l'Eau, M. Moatti, commissaire général du Congrès de l'Eau et M. Vivet, commissaire général de la Journée du Coton.
G. CARLE.
Paris, le 1er février 1928.

À PEU PRÊT
De Jacques Grieu

PRÉTENTAINE
     
Prêter est tout un art et souvent un dilemme
Où l’on doit… s’apprêter à subir des problèmes :
Refuser de prêter, c’est perdre des amis ;
Accepter de prêter vous crée des ennemis…

S’il ne faut pas prêter, alors, il faut donner ?
S’il en coûte moins cher, pourquoi donc s’en priver ?
Donner fait des ingrats ? Oui, mais pas d’ennemis !
Cela prête à sourire mais la vie est ainsi…

Du mot latin « praesto » qui nous dit « sous la main »
Le prêt est comme l’homme et tout aussi ancien.
Qui n’est pas prêt à tout, en fait, n’est prêt à rien
Et près d’être un gredin, il n’est qu’un plaisantin.

« Celui qui donne aux pauvres, ainsi il prête à Dieu »,
Nous dit le vieux dicton plein de conseils fort pieux.
Mais qui donne à l’État prête surtout… à rire !
Et sans un résultat ne pourra qu’en rougir.

Si pauvres sont certains que personne autour d’eux
Ne leur prête… attention ou n’écoute leurs vœux.
D’autres prêtent à Dieu de basses intentions :
C’est la mauvaise foi que je prête à leur ton.

Si les « prêts-à-porter » ne sont pas des porteurs,
Le « prêt à emporter » ne crée pas des prêteurs…
De même un « prêt salé » ne vient pas d’usurier !
Barrer au « prêt serré » n’accuse aucun banquier !

Jamais « prêter l’oreille » aucun sourd n’a aidé
Ni fait qu’il soit tout prêt à vous en remercier.
On se prête à autrui : on se donne à soi-même
« Courir la prétentaine » est un autre système…

Être « prêt de ses sous », ce n’est pas investir
Et peut « prêter le flanc » à bien des repentirs.
Volontiers votre banque, un parapluie vous prête,
Mais dès qu’il va pleuvoir, veut que cela s’arrête.

Je suis prêt à parier qu’après les avoir lus,
À ces vers tourmentés, on prêtera des vues.
Prêter n’est pas donner : je peux donc protester,
Prétextant que leurs fins sont mal inter… prêtées.
Jacques Grieu                  



Devoir de réponse
PAR MANUEL GOMEZ
Envoi de M. Georges
Fabrice Riceputi, un faussaire de l’Histoire de la guerre d’Algérie           

               Manuel Gomez-Brufal, né en 1931 : ex-journaliste des quotidiens algériens « Alger-Républicain » et « La Dépêche d’Algérie ». Correspondant de guerre des quotidiens « L’Aurore » Paris et « Le Méridional » Marseille. Écrivain.
               Nice-Matin du vendredi 16 février 2024 a publié un entretien d’un pseudo-historien mais d’un vrai « faussaire de l’Histoire ». J’ai adressé un « Devoir de réponse » à ce quotidien qui s’est empressé « de ne pas le publier ».
               Fabrice Riceputi persiste et signe. Il est enseignant, paraît-il historien, né en 1958 et il serait un spécialiste des questions coloniales et post-coloniales et il nous affirme que « Jean-Marie Le Pen a torturé en Algérie lors de son court séjour ».

               Fabrice Riceputi « en est certain » pourquoi ? « Parce que pour les jeunes de sa génération il était entendu que Le Pen avait pratiqué la torture ». Et, bien sûr, quand « il a appris (sur France Inter en mars 2022) que Le Pen n’avait jamais torturé, il a estimé qu’on effaçait « la réalité historique ».
               Et donc, Fabrice Riceputi estime, selon lui seul, « avoir une certaine légitimité historique pour s’opposer à ces déclarations ».

               La seule légitimité historique de Fabrice Riceputi « est d’affirmer un tas d’absurdités » et il s’inscrit ainsi dans la lignée des Benjamin Stora et autres soi-disant historiens, notamment quand il affirme, par expérience sans aucun doute, « que personne ne peut citer un seul exemple d’actes de torture ayant permis de désamorcer une bombe ». Pas seulement une bombe, Monsieur l’expert, mais des dizaines de bombes et notamment l’immeuble de la rue de Thèbes, à Alger, où le communiste Timsit fabriquait les bombes du FLN. C’est la torture également qui a permis de découvrir la cache de Yacef Saadi, responsable des tueurs FLN de la Casbah et c’est la torture qui a permis de sauver des centaines de vies innocentes.
               Toutes les armées du monde ont torturé, et continueront à torturer et à interroger sous la contrainte et ce n’est pas faire l’apologie de la torture mais constater la réalité : celui qui ne parle pas sous la torture… c’est qu’il en meurt !

               Quand la torture peut sauver la vie de nombreux civils innocents, femmes, enfants, elle est une nécessité.
               En Algérie, le général Massu était responsable de la torture « et il n’a jamais eu Jean-Marie Le Pen sous ses ordres. »

               J’affirme donc que Jean-Marie Le Pen n’a non seulement jamais torturé ni même jamais assisté à une séance de torture.
               Jean-Marie nous l’a lui-même confirmé, lorsque nous lui avons posé cette question en 1965, alors que nous participions avec Jacques Peyrat (maire de Nice de 1995 à 2008) à la campagne de l’élection présidentielle de maître Tixier-Vignancour. S’il n’a pas toujours démenti cette accusation par la suite, et qu’il l’a même laissée circuler : il s’agissait de provocations de sa part, comme d’ailleurs nombre de ses déclarations postérieures.
               Riceputi ne connaît pas Jean-Marie, bien sûr, mais son enquête est fondée sur des archives, des témoignages (de qui ?) et des enquêtes (de quand et de qui ?).

               Mais Fabrice Riceputi est en mesure de nous le prouver, écrit-il ? Mais n’a-t-il pas déjà prouvé, lors d’une précédente publication « Ici on noya les Algériens » qu’il savait tout sur « le massacre des Algériens le 17 octobre 1961 » (vous savez ces plusieurs dizaines de manifestants du FLN dont les corps, jetés des ponts de Paris, se sont dissous dans la Seine et ces milliers de blessés dont aucun service n’a jamais entendu parler, ni morgue, ni hôpitaux, ni enquêtes officielles… ni même les familles de ces soi-disant victimes ; comme le confirment mes témoignages, notamment sur Riposte Laïque, le dernier en date du 21 novembre 2023).

               Mais Riceputi, lui, le prouve : ne l’a-t-il pas lu et appris en parcourant le livre du communiste Einaudi (La bataille d’Einaudi, paru en 1991, soit 30 ans plus tard) et en reprenant ses élucubrations fantaisistes ?
               N’affirme-t-il pas que ce serait l’OAS qui serait responsable, à Alger comme à Oran, des catastrophes des derniers mois de la guerre « ce qui a rendu les choses irrémédiables ! ». Selon l’historien Riceputi ce serait donc à cause de l’OAS qu’auraient été massacrés des centaines d’Oranais début juillet 1962 et non pas à cause du FLN et ses tueurs ?

               Le FLN a commis des violences, c’est indéniable, écrit-il « mais celles commises par la France sont incomparablement plus nombreuses et plus massives ».

               Toujours selon lui : l’armée française a commis des crimes contre l’humanité et « cela ne fait, pour lui, aucun doute ». Massacres perpétrés dans des villages, et des bombardements au napalm. Je suppose donc qu’il considère le massacre de Melouza (303 musulmans massacrés, femmes, enfants, vieillards et même les animaux domestiques), ou celui d’El Halia (71 Européens, 52 musulmans, 120 disparus. Femmes violées, éventrées, dépecées, bébés fracassés contre les murs) et je pourrais en citer des dizaines d’autres, comme des pages héroïques à la gloire du FLN ?
               Puisque, toujours selon l’historien que vous prétendez être, le FLN n’a commis aucune « grave » atrocité, ni en Algérie ni en France métropolitaine, je suppose donc que, pour vous, François Mitterrand, alors ministre de l’Intérieur en 1956, serait un criminel ? N’a-t-il pas fait condamner à mort et exécuter 32 « assassins » du FLN ?

               Nous sommes d’accord sur un point : la diabolisation de l’islam et des musulmans a débuté avec la guerre d’Algérie et cela n’a pas changé depuis, ne venons-nous pas de le constater le 7 octobre en Israël par les crimes commis par les musulmans du Hamas ?
               Ah ! Vous n’étiez pas au courant. Fabrice Riceputi co-anime avec Malika Rahal le projet « Mille autres », concernant les personnes victimes de disparition forcée durant la bataille d’Alger (vous l’avez compris bien sûr, il s’agit des disparitions forcées de membres du FLN et de traîtres français, les Audin et Cie). Je leur propose un autre projet « 3000 autres », disparitions forcées d’Européens d’Algérie, civils innocents, femmes, enfants, etc. par leurs amis du FLN durant ces mêmes événements qu’ils connaissent si bien !

               Mais peut-être ne connaissez-vous pas Malika Rahal ? Elle est née à Toulouse en 1974 mais elle est, paraît-il, également une historienne algérienne, directrice de recherche au CNRS et directrice de l’Institut d’histoire du temps présent et, bien entendu, spécialiste de l’histoire de l’Algérie sous la direction de Benjamin Stora à l’INALCO, présente à Sciences Po Paris et fut professeur de collège en Seine-Saint-Denis.
               Vous savez, à présent, comment les élèves des collèges et lycées de l’Île-de-France peuvent devenir de bons citoyens français quand ils sont proposés à l’enseignement de ces gens-là !
               Tout de même, si j’étais à la direction du CNRS, je me poserais des questions sur certains collaborateurs comme François Burgat, Malika Rahal et quelques autres.
               J’attends avec intérêt la prochaine publication de Fabrice Riceputi sur la guerre entre Israël et le Hamas !


ANDRE HEBUTERNE
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N° 204, avril 2012
Lauréat ABD-EL-TIF pour le Centenaire de 1930
                       André Hebuterne est un peintre français, né le 3 septembre 1894 à Meaux (Seine-et-Marne) fils de Achille Casimir et Eudoxie Anaïs Tellier, frère de Jeanne Hebuterne, et décédé à Paris le 30 juin 1992.

                 Il débute sa formation dans les écoles de Paris, Bernard-Palissy et Germain-Pillon. Il rencontre Henri-Gabriel Ibels en 1910, et travaille à l'Académie Ranson sous la direction de Sérusier. Appelé au front en 1914, et un an après son retour de la Grande Guerre, sa sœur la compagne de Modigliani à qui il l'avait présentée, se suicide, il passe ensuite un an à Rome et expose régulièrement aux salons des Indépendants, au salon d'automne, et celui des Tuileries. Il avait son atelier 12 rue de Seine et c'est dans sa cave que seront retrouvées 9 peintures de sa sœur de nombreuses années après son décès.
                 Lauréat Abd-el-Tif en 1930, il réside deux ans en Algérie et au sud Maroc ; avec Jean Launois, il présente ses œuvres à Alger à La maison des Livres, suite à une exposition chez Dano en 1929, et aussi en décembre 1932 galerie Soubiron également à Alger.
                 Il s'installe jusqu'en 1934 à Oran, il expose au salon d'automne de 1933 : «Place à Béni Abbès », « Femme de la Saoura » et en 1934 idem « Paysage saharien à Béni Abbès », et « Laveuses de la palmeraie de Béni Abbès ». En 1934, il s'installe en Corse pendant 9 ans, où il peint des œuvres destinées à sa clientèle d'amateurs algérois.
                 Retiré à Meaux, il retournera de nombreuses fois jusqu'en 1960 en Algérie.
 
    


 
PHOTOS de CONSTANTINE
ACEP-ENSEMBLE 289

























































LE PUITS
Tirailleur Algérien, N°510, octobre 1900

Source Gallica

                 Contrairement aux femmes de notaires qui sont remarquablement laides, Mme Tabaret était remarquablement jolie, blonde comme les blés, avec des yeux qui ressemblaient à des bleus, fine, aristocratique, portant bien la toilette — si elle en eût porté

                 Car la dame était dévote, mettait des robes sans volants, des chapeaux cloche comme ceux des néophytes de l'armée du Salut, de gros souliers, et passait plus volontiers son temps dans la mansarde dès pauvres que dans le salon de ses amies.
                 Elle faisait l'édification de sa petite ville de province.
                 Son mari avait d'abord commencé par, l'adorer ; puis, comme c'était un gros matérialiste, il s'était peu à peu dégoûté d'une femme qui n'aimait ni la toilette ni la table et passait comme une jolie morte au milieu des vivants. Alors le tabellion s'offrit le luxe d'un ménage en ville et délaissa un peu sa femme.

                 Pendant ce temps, l'un des petits clercs se consumait d'amour pour la jolie Colette qui, dans sa cruauté de dévote, se donnait la joie, de déchirer les lettres envoyées par le pauvre garçon en passant sous les fenêtres de l'étude. - Pour le guérir, elle employa tous les dédains, l'assomma de sermons. Jamais un mot de bonté... si bien que, de désespoir ou de rage, le pauvre garçon se noya dans le puits du jardin.
                 Quinze jours après, le saute-ruisseau, pris du même mal d'amour, comme d'une influenza, demanda à retourner dans sa famille, à la campagne.. Cette femme cœur de roc avait des yeux de charmeuse qui hypnotisaient les gens.
                 De même le principal clerc, Jacques Gouvillon, devint amoureux d'elle à son tour et jura de venger ses camarades.

                 Il commença son attaque et Colette y répondit par une avalanche de glace ; — alors ce garçon nerveux subit aussi le vertige du puits et la fascination de la mort, il voulut se tuer. — Mais qui dit nerveux dit aussi bon comédien et il se tint le raisonnement suivant : — L'amour vrai est une hypertrophie du cœur, les femmes ne sont sensibles qu'à l'amour factice et aux belles phrases de drame et de comédie. Elle a dédaigné mon pauvre camarade, c'est une succession ouverte pour moi, je serais bien bête de ne pas la recueillir.

                 Et il ne lui fut pas difficile d'observer que Mme Tabaret, depuis qu'il s'était déclare, avait échangé, ses robes de bure contre des toilettes claires, transparentes sur les bras et sur la poitrine. L'idée de se venger de son infidèle mari lui était peut-être venue. Elle rêvait beaucoup à la fenêtre de sa chambre du rez-de-chaussée, et le clerc, qui avait la permission de se promener dans le jardin fort tard, en sa qualité d hôte de la maison, se dit que, puisqu'elle s'installait là comme dans une loge, il fallait lui donner un spectacle. En conséquence à onze heures du soir, il se mit à rôder au tour du petits, comme un homme qui va se noyer par désespoir d'amour, il s'assit sur la margelle, tira de sa poche une vieille lettre de sa mère - ou de tout autre, -la lut puis se mit à sangloter dans son mouchoir parfaitement sec.
                 L'événement attendu arriva, deux beaux bras le retinrent sur le bord de « l'abîme et une voix fraîche murmura à son oreille:
                 — Je t'aime ! Viens !...
                 L'équipée finit dans une chambre tiède qui ne ressemblait nullement à un puits, et, ce fut la vertu de la prude qu'on noya définitivement.
M


ANECDOTES DU PAYS PERDU
Texte Auteur Inconnu
ACEP-ENSEMBLE N°290
LES PETITS BLANCS

Par le Docteur Claude CAUSSIGNAC

         Non, les grands crus de nos coteaux ne sont pas cette fois mis en cause, encore que les grains dorés de notre terre de soleil, révélés justement dans nos caves, étaient si souvent venus au secours des piquettes métropolitaines, appelant, de solides renforts une année sur deux ou trois pour cause d'été pourri les rendant imbuvables.
         Même les vignobles du Bordelais n'étaient point exempts de ces faiblesses, si l'on en croyait les tenant des grands chais, qui relevaient d'une noria de pinardiers pleins à ras bord des quatorze degrés blancs de Mostaganem, l’insignifiance des "Château la pompe" lors des années sans chaleur. Grâce soit rendue aux excellents vins italiens qui ont pris le relais, évitant ainsi bien des aigreurs d'estomacs à nos compatriotes, même s'ils ne veulent point en accepter l'évocation.

         Il est question dans un tout autre ordre d'idée, de faire justice une bonne fois pour toutes, de ces accusations de richesse excessive mal acquise par surcroît, que certains se plaisent à insinuer lorsqu'il est question de Français d'outre mer. Sous-entendant n'est-ce pas que le grand exode n'aurait été somme toute que légitime revanche du sort et des exploités de tous bords.
         Cette opinion certes, aurait peut-être pu se concevoir à Alger ou dans quelques grandes cités, il en est de même en France et ailleurs, ni plus ni moins. Il y a des pauvres, il y a des riches et s'il fallait compter sur les manœuvres balai pour sortir le pays de sa lente décomposition, je doute que l'on puisse jamais espérer retrouver un rang significatif dans ce monde.

         En Algérie, la situation de "petit Far West" où l'on pouvait dénicher avec beaucoup de chance, quelque trésor de Golconde, s'était fait oublier depuis le deuxième conflit mondial. Les alouettes ne tombaient plus toutes rôties et cela me remplissait d'amertume, au moment où je devais m'installer dans la vie.
         Bien sûr, existaient de grands domaines, arrondis de générations en générations, de par le renoncement de certains, malades des fièvres ou victimes de la crise vers 1927-1930. Mais à qui appartenaient ces terres peut-être comparables à Tara, en Louisiane d'avant la Guerre de Sécession ? A des familles entières, les descendants de tel ancêtre tenace et né avec la Baraka, arrivé d'Alsace, de Provence ou du Poitou, un petit siècle auparavant. Et s'ils pouvaient être trois ou quatre, c'était parfois aussi quarante.

         Cette race féconde et ayant non pas des facultés intellectuelles particulières, mais un bon sens paysan extraordinaire, avait saisi bien vite que, dans les conditions du pays, seules, Ies très grandes surfaces étaient exploitables, en complétant une main d'œuvre inéluctable, infidèle, aléatoire et incapable, par les machines les plus modernes fort coûteuses, tout droit venues d'Amérique où les conditions étaient les mêmes. Les centaines d'hectares de vigne d'un seul tenant, en sociétés familiales, pour rien au monde on ne les aurait morcelées, les rendant du même coup inexploitables ! Un domaine restait un domaine, véritable unité autarcique, impressionnant et donc objet d'envie, mais appartenant à plusieurs. Qui d'ailleurs étaient parfois métropolitains, habitant Paris tout simplement et déléguant un des leurs tous les ans pour contrôler les comptes et donner quitus.
         Gardez-vous donc des idées préconçues et orientées, lorsque l'objectivité que je possède sur ce point, n'y ayant jamais possédé de terres, est remplacée par la jalousie qui soufflant la haine et l'envie à foison, voudrait jeter un certain doute...
         Les vrais privilégiés étant sans conteste, les fonctionnaires d'autorité que la métropole dépêchait dans ce pays non pour y exercer la justice, mais pour assurer son emprise. Tout en pouvant y avoir accès, les Français nés sur place ne s'y voyaient guère.

         Je doute que beaucoup d'administrateurs de communes mixtes, vrais potentats d'un style moyenâgeux, comblés de tous les avantages et aux pouvoirs exorbitants, aient vu le jour sur le sol algérien. Mes rapports avec eux ne m'ont guère appris à le surestimer, étant comme les autres soumis à la loi de leur bon plaisir, retranchés qu'ils étaient derrière "l’intérêt supérieur du pays" Hum...
         Je comprends que ce genre d'administration ait donné naissance, parmi les populations en bénéficiant, à une majorité d'ennemis irréductibles sous des dehors faussement soumis. Toujours écoutant les doléances du fellah dans mes remplacements, j'avais contact avec bien des vérités qui auraient dû déranger la sérénité administrative.

         Car l'administration française n'était représentée en fin de compte dans les douars que par les caïds choisis par elle, comme présentant toutes garanties de loyalisme, énergiques, main de fer sans gants de velours, tenant donc l'ordre bien en main. Moyennant quoi, en dehors de quelques avantages personnels comme une route goudronnée de quatre à cinq cents mètres, isolée au milieu des pistes muletières, devant leur demeure, je ne me rappelle plus si c'était à Yaskren ou à Tikobain, enfin c'était par-là, en Kabylie, on fermait les yeux sur leurs agissements. Faire suer le burnous était la grande occupation de certains, pas tous je l'espère, tout devait leur être acheté depuis les promesses de médaille militaire jusqu'au certificat d'indigence pour consulter le médecin, donc moi gratuitement. Il fallait un critère pour les distinguer, car un burnous égale un burnous. Les vrais pauvres en étaient exclus, je les soignais batel, pour rien, sur leur mauvaise mine. Tant pis si je me suis parfois laissé avoir.
         Tout cela explique que le jour où les Sirènes Nasséro Islamiques se sont fait entendre, du fond du cœur, souhaitant plus de justice, tous aient soutenu la rébellion, commençant par expédier les caïds honnis chez leurs ancêtres, surtout dans les régions comme les Aurès Némentcha ou certains douars de Kabylie naturellement frondeurs, où pour ainsi dire jamais un Français administrateur ou pas n'avait mis les pieds.

         Lorsque les inopportuns potentats Françaouis dont je vous entretenais se retrouvaient parachutés sur un secteur, en proie à des avis contradictoires et rarement désintéressés, ils commettaient des bévues irréparables, eu égard à la psychologie des Musulmans qu'ils ne possédaient point, avant d'être rodés. Et il advint qu'un certain jour, il fut trop tard pour reconsidérer la question. Krim Belkacem qui n'avait rien d'un bandit de droit commun, son nom signifie "Généreux" avait soulevé la montagne.
         Car au début je pense que ce fut avec un esprit très "Robin des Bois", non pas pour la richesse, même pas pour le pouvoir, pour plus de justice tout simplement. Je ne parlerai plus de cette douloureuse constatation, que tant d'autres ont développée avec plus ou moins de bonheur et de réalisme, mais cela pourrait bien éclairer votre lanterne sur la soi disant "fatalité de l'histoire".
         Car dans les Aurès et pour les mêmes raisons, Ben Boulaïd avait fait de même.
         L’insurrection a éclaté dans des zones où ne résidaient aucun Pied-Noir, ni colon ni autre, il ne faut pas leur mettre sur le dos ce dont ils ne sont que très partiellement responsables, tout simplement par leur existence qui gênait les Musulmans.

         Mais nous en étions à la répartition des richesses avant ces tristes événements entre Pieds-Noirs d'une part et entre ceux-ci et les Métropolitains qui venaient faire carrière et repartaient ensuite avec de substantielles économies prélevées sur le pays.
         Certes les fonctionnaires "faisaient tourner la machine" étaient assurés d'un revenu correct, plus élevé qu'en Métropole ! Mais qui étalent-ils ? Sachant que le Pied-Noir avait une nette répugnance à traverser la mer, il n'est que d'avoir assisté à l’invraisemblable cohue des vacanciers cherchant à acquérir des places dans les nombreux paquebots, pour être assuré que les natifs du cru n'avaient que modeste part à ce pactole.
         Ce n'étaient que Français de souche regagnant pour les congés leur Nivernais natal, leur Bretagne, la Lozère ou la Corse, beaucoup de Corses et des meilleurs, les mauvais sévissant ailleurs. On ne répétera jamais assez l'œuvre immense des natifs de l'Île de Beauté sur ces terres nouvelles ! Ah, que n'en ont-ils fait autant en Corse, pays exsangue par le départ de tous ses jeunes et, qui en dehors de l'été, était devenu à demi un hospice !

         Les Pieds-Noirs, Grands Seigneurs de naissance, se contentaient de leur mer parfumée à l'écume caressante. J'en aurais bien profité aussi si les auteurs de mes jours n'étaient eux aussi fidèlement retournés au Pays. Parfois, les Orléansvillois, les citadins de Mérouana ou de quelque autre pays funeste, attrapant le taureau par les cornes, attaquaient la France comme une médecine désagréable, quinze jours dans un hôtel très chic de Megève ou d'Evian, la Haute Savoie ayant leur préférence quant aux catholiques, les protestants eux gagnant le Chambon-sur-Lignon, juste en face de l'autre côté du Rhône. Ils tâchaient d'épater la galerie sous prétexte de changer d'air les enfants, s'ingéniant à accumuler les griefs trop faciles à dénicher contre leurs hôtes d'accueil, histoire de meubler un peu au retour les longues soirées d'hiver.

         Voilà pour ceux dont il n'est pas question dans ce titre évoquant aussi, mais à tort, un paisible mastroquet. Alors les autres, les "Petits Blancs" comme les appelaient certains ? Vous comprendrez facilement que dans un pays où I'on se heurte pour tout emploi à la concurrence d'une main d'œuvre surabondante, pas fatalement trop inefficace, si I'on est sur son dos, parlant en outre l'Arabe avec le don du commandement, mais beaucoup moins payée, deux à trois fois moins, en raison de son manque de fiabilité et de son irresponsabilité, les salaires à espérer à ce niveau soient fatalement limités.
         Même si je précise que la seule façon d'employer les Naturels se révélait après expérience d'engager les équipes à la tâche, avec un chef gardant pour lui un tiers du salaire total et dont le seul travail était d'empêcher les autres de tirer au flanc. N'en doutez pas par scrupule, car c'est l'exacte vérité. Et malgré cela étant donnée l’inefficacité de cette main d'œuvre, il était préférable de faire venir du gros matériel à prix d'or.

         Un Européen, lui, était responsable et faisant son travail, seul et sans surveillance particulière. Donc son salaire était bien plus conséquent. Mais les débouchés manquaient. Car l'artisanat était en grande partie entre les mains des Juifs que je ne compte pas dans les nouveaux venus, la présence de leurs communautés remontant aux temps primordiaux souvent antérieurs à I'Islam qui ne date pas d'hier. Etant habiles, ils excellaient à tous les petits métiers, une grosse partie du commerce aussi était leur lot, chez un Juif, même à Toulouse, vous paierez moins cher que chez quiconque et il gagnera sa vie et celle des siens, là où tout autre pliera boutique. C'est cela le génie du commerce.
         L'épicerie ? Le plus souvent aux mains des M'Zabites et des Kabyles. Que pouvait-il rester aux autres qui, des petits emplois publics, n'avaient certes pas le monopole ?

         Il n'était que de pénétrer à Bâb el oued dans les quartiers populaires, là où vivait la majorité des "Petits Blancs" urbains, d'aller "taper" l'anisette et la "kémia" avec eux dans les petits bistros, d'écouter avec soin leurs soucis et leurs tracas, pour réaliser l'extrême modicité de leurs ressources, même si le Dimanche à la messe, les familles arrivaient sur leur trente et un, Le linge bien lavé et bien reprisé n'avait pas sa place ici, selon les mœurs d'Espagne et d'Italie où i'on met "tout sur le dos", question d'honneur que l'on doit à soi même et à ses proches.
         Songez que pour une simple communion nos voisins d'origine italienne à Constantine, s'étaient endettés pour une année entière, rien qu'en festivités à crédit ! J'ai cru comprendre que le mot "Pied-Noir" vient de cette conception de la dignité, tous ces trimardeurs en pull-over et traînant la savate en semaine, se rengorgeant le Dimanche dans leurs beaux atours, en beaux souliers noirs et vernis, comme cela se pratiquait alors, en début du peuplement méditerranéen.

         Dans campagnes, sur le littoral et même aux portes d'Alger, dans les familles de petits maraîchers, souvent Mahonnais d'origine, exploitant avec minutie deux à trois hectares de terre fertile, I'aisance, liée au cours aléatoire de la tomate, de la courgette et du poivron, était celle des huertas de Valencia. On vivait, sans plus. Dans l’intérieur, les terres médiocres, beaucoup plus vastes, restaient à la merci des pluies. Un hiver sec sur les Hauts Plateaux et ils n'étaient pas rares, cela en était fait de la semence. La conquête du Sersou ainsi a pu n'être qu'un leurre. Tous les cinq ans, une récolte exceptionnelle. Le reste du temps, cinq, six, sept quintaux tout au plus.
         Rendements trop faibles pour se mécaniser correctement, la vie n'était possible que grâce à une main d'œuvre bon marché parce qu'en surnombre et à des mœurs essentiellement spartiates. Pour les petits artisans dépendant indirectement aussi de la récolte, les charrons, menuisiers, restaurants de campagne, bistros, il en était de même.

         En tant que médecin ayant ses entrées en tous milieux, je n'ai découvert ni richesse scandaleuse, ni misère excessive, chacun savait s'adapter. Les intérieurs, tels en Espagne dans des conditions identiques, ne recelaient souvent que l'essentiel, lits, table, chaises, une ou deux gravures au mur tirées d'une revue, c'était là tout le foyer.
         Ah, certes les Méditerranéens aiment à en jeter plein la vue ! Quand ils se déplaçaient en France, je ne parle pas des plus misérables, ils ne lésinaient pas, les meilleurs hôtels, de bons pourboires, s'entourant d'une auréole. Le reste du temps souvent, on se contentait de pas grand chose, sans s'en trouver pour autant plus malheureux.

         Tout est bon pour noyer son chien même s'il n'a pas la rage, lorsqu'il a cessé de vous être utile. Ce qui a dressé ce mur d'incompréhension entre les Français des deux rives, c'est la philosophie de I'existence totalement opposée. Son but n'a rien de comparable, la solidarité d'outre-mer, une morale différente, laxiste sur certains points, par exemple l'honnêteté irréprochable entre gens de même origine perdant beaucoup de sa rigueur lorsque apparaissait un pigeon à plumer, le Métropolitain à bec enfariné semblant tout désigné pour ce rôle tout aussi ridicule que prédestiné ; morale beaucoup plus dure aussi sur d'autres points pour tout ce qui touche au comportement familial en particulier, à la fidélité des époux, les Algériens faisant de très mauvais cocus et n'hésitant guère à venger leur honneur outragé avec l'énergie la plus grande ; tout cela rendait l'intégration profonde parfaitement utopique.
         La société algérienne, qui aurait peut-être évolué prudemment dans son milieu naturel, se figera plus tard sur le modèle qu'elle représentait lors de I'exode. Face au rejet dont elle sera l'objet, tout ce qui touche à l'autrefois, trésor précieux à transmettre, sera conservé, tel un symbole, devenant par-là même, immuable.

         Non, l'échelle des valeurs là-bas n'avait guère de points compréhensibles aux gens de France. Le travail, mal nécessaire, n'était pas le but de I'existence. La rentabilité encore moins, pourvu que l'on arrive à vivre, qu'importe ! L'honneur des filles et des femmes, le respect et l'amour portés aux vieux parents, l'entraide dans la famille au sens le plus large du terme, comprenant aussi cousins, oncles, alliés, voire tous ceux de la "petite patrie" et qui est toujours vivante, ayant rendu moins cruelle la réinstallation des exilés, voilà la base des relations sociales.
         Les femmes au foyer, dans la mesure du possible, le travail au dehors étant peu admis et plutôt déshonorant. "Il ne peut pas nourrir sa flemme" entendait-on. Sauf par nécessité, bien sûr, mais avec l'orgueil des Algériens, c'était l'exception.
         Le travail pour le plaisir, vaste hypocrisie, ou par désœuvrement, ne serait venu à l'esprit de quiconque.

         La joie était explosive et familiale ; lorsque cela était possible, chacun cherchait à acquérir, avec un vaste véhicule capable d'emménager au printemps et de déménager ostensiblement à I'automne tout le mobilier qui sans cette précaution, serait fatalement pillé l'hiver, - c'est ainsi lorsque l'on vit dans un océan de pauvreté - une villa ou même une masure en planches pompeusement baptisée cabanon. Au bord de la côte la plus proche, on se groupait contre les voleurs omniprésents, les pieds dans l'eau bien entendu.

         Une pastéra, barque à fond plat en pitchpin, vous promenait dans les petites criques mystérieuses, au lent balancement des avirons. Et les girelles aux couleurs des mers du sud, les rascasses, les racaos, ce sont les "vieilles", les vaches de mer au faciès de bouledogue, s'accumulaient au fond d'un seau pour la soupe du soir. Parfois une tchelba, le poisson juif aux flancs dorés, se faisait prendre par erreur, elle finissait toute fraîche sur la braise, et la Mamma, tenant en mains le safran et les épices odorantes, mitonnait la soupe maison relevée d'une gosse pincée de piment de cayenne.
         Qu'importait argent, richesse et fortune, entre la mer au cœur d'azur qui vous murmurait à l'oreille, tendrement, sa fidélité et Ie soleil nimbant d'une auréole tout ce qu'il caresse, lorsque le bonheur présent à I'appel, s'offrait à tous sous le plus beau ciel du monde !
11 Décembre 1963
FIN


REFUGE

De Jacques Grieu

Mer patrie

« C’est la mer qui prend l’homme » et ce n’est pas l’inverse,
Nous a chanté Renaud sur un air qui nous berce.
Sur la mer on a dit souvent beaucoup de choses,
Car la mère est porteuse et refuge grandiose :
« Tu chériras la mer si tu es homme libre »
« Voyages et migrations sont mères d’équilibre »

En mer la plus profonde, existe bien un fond
Où même à basse mer se cachent cent leçons.
Atteint du mal de mer, on espère mourir ;
Quand on voit que c’est faux, alors ça devient pire.
De « s’asseoir sous un arbre », conseillent des experts :
« Au niveau de la mer » est cet argumentaire !

Ceux, indemnes, ont dit : « c’est pas la mer à boire »,
Et que « le mal de mère est pire désespoir ».
La mer forme les mœurs comme aussi les rivages …
Pas plus de mer sans sel que mère sans courage.
À la fête des mers, les migrants cherchent terre,
Et pour toute patrie ne trouvent que déserts …

On dit qu’oisiveté est mère de tous vices ;
Mais elle est mère aussi des pensées et délices !
Prudence est une mère … avec la porcelaine.
Comme la bonne chère est mère des bedaines.
Ils ne sont pas salés, poissons et crustacés !
Est-ce grâce aux morues si la mer est salée ?

La mer est un abîme empli jusque au ras.
Mais qui sait réunir les régions dans ses bras.
Vigneron dans ses vignes ne sait rien de la mer ;
Son fleuve, vers la mer, pourtant va à l’estuaire.
La mer est une terre et qui nous endoctrine ;
Elle crée des visions que les ports exterminent …

Jacques Grieu                  


EMMIGRATION EN ALGÉRIE
Gallica : Revue d’Orient 1853-1


                 C’est par l'accroissement de sa population civile que l'Algérie pourra développer ses cultures et ses richesses naturelles. Il est donc du devoir et de l'intérêt du gouvernement de favoriser l'émigration vers l'Afrique.

                 Pour détourner vers l'Algérie le courant de population qui se porte aujourd'hui au-delà de l'Océan, il importe essentiellement que notre colonie soit bien connue eu France et à, l'étranger ; il faut qu'une publicité incessante répande jusque dans les plus chétifs hameaux des notions exactes sur l'Algérie, sur les ressources qu'elle offre au cultivateur et à l'artisan.

                 Les journaux ne suffisent point pour exercer cette propagande : ils ne s'arrêtent guère qu'aux faits généraux ; ils laissent de côté les détails. Les Revues qui traitent spécialement des intérêts algériens ne remplissent elles-mêmes que d'une manière incomplète et dans une mesure restreinte les conditions de publicité, à l'aide desquelles l'attention des émigrants serait utilement tournée vers l'Afrique. Elles s'adressent surtout à la population aisée et lettrée. Les idées qu'elles expriment, les enseignements qu'elles donnent pourront, à la longue, filtrer à travers la classe moyenne et descendre dans les ateliers et les villages ; mais ce mode indirect d'initiation prendra beaucoup de temps. N'y aurait-il aucun moyen de le rendre plus rapide et plus efficace ?

                 Voyons ce qui se pratique en Angleterre.
                 On sait que l'Angleterre et l'Irlande envoient chaque année, au-delà des mers, plus de 300.000 émigrants. Ceux-ci se partagent entre les Etats-Unis et les colonies britanniques. Le gouvernement et les paroisses encouragent cet immense mouvement de population qui, loin d'appauvrir la mère-patrie, l'enrichit et l'honore. Toutefois, le gouvernement n'accorde son patronage officiel qu'aux émigrants qui se rendent dans ses colonies, et cette préférence s'explique aisément : l'Angleterre retire plus de profit d'un émigrant qui va peupler l'Australie, le cap de Bonne-Espérance, les immenses domaines qu'elle possède sur tous les points du monde, que d'un émigrant qui s'établit aux Etats-Unis ou dans les colonies étrangères. Dans le premier cas, elle perd un habitant, mais elle gagne un colon ; dans le second cas, elle voit l'un de ses sujets enrichir par son travail et par son intelligence une terre rivale.
                 La direction de l'émigration est confiée à un comité spécial (colonial land and emigration commissioners). Ce comité a sous ses ordres un personnel assez nombreux dans la métropole et dans les colonies. Dans la métropole, les officiers de l'émigration, qui appartiennent pour la plupart à la marine royale, ont pour mission de fournir gratuitement tous les renseignements relatifs aux départs des navires, de veiller à l'exécution des contrats stipulés entre les émigrants et les armateurs, de s'assurer que les bâtiments affectés au transport des passagers, remplissent toutes les conditions prescrites par la loi (passenger's act), et qu'ils mettent à la voile au jour fixe ; en un mot, ils sont constamment à la disposition des émigrants qui réclament leur assistance contre toute fraude, injustice ou exaction. Les agents établis dans les colonies sont chargés d'indiquer aux émigrants qui débarquent les districts où ces nouveaux colons pourront trouver de l'emploi, les meilleurs moyens pour se rendre dans ces districts, et les salaires que reçoit chaque branche de travail.

                 Ainsi, au point de départ et au point d'arrivée, les émigrants savent où ils doivent s'adresser pour obtenir immédiatement et sans frais toutes les informations qui les intéressent ; partout il y a un agent officiel chargé de leur répondre, de les diriger, de les protéger au nom du gouvernement.
                 En outre (et c'est précisément sur ce point que nous voulons insister), le comité publie deux ou trois fois par an une petite brochure sous ce titre : Colonisation. circular. Cette brochure ou circulaire contient :
                 Le prix du passage à bord des navires qui se rendent d'Angleterre dans les différentes colonies ;
                 Un résumé indiquant, pour chaque colonie, la situation du travail agricole et industriel, en sorte que l'émigrant peut choisir, avant de s'expatrier, la destination qui lui offrira le plus de ressources ;
                 Un tableau présentant, pour chaque colonie, le prix des denrées alimentaires, instruments aratoires, tissus et produits fabriqués ;
                 Un tableau indiquant le taux des salaires, dans chaque colonie, pour les hommes et pour les femmes, pour les agriculteurs et pour les artisans ;
                 Un résumé de la législation qui régit, dans chaque colonie, la vente des terrains dépendants du domaine public (prix des terrains, frais d'acquisition, mode de paiement, etc.) ;
                 Un exposé des règlements spéciaux qui déterminent, en Australie, le droit de pâture, distinct du droit de propriété ;
                 Un résumé de la législation spéciale qui accorde aux officiers, désireux de s'établir dans les colonies à l'expiration de leur service, des privilèges et avantages particuliers pour les concessions de terre ;
                 Un chapitre indiquant le coût du défrichement dans chaque colonie, ainsi que la nature et le taux des impositions ou autres charges qui grèvent la propriété foncière ;
                 Un chapitre consacré au climat et aux conditions hygiéniques de chaque colonie ;
                 Un exposé détaillé de la législation en vigueur touchant les émigrations subventionnées par le gouvernement, les colonies ou les paroisses ;
                 Enfin, une série d'indications et de conseils fournis aux émigrants sur les divers points qui se rattachent à leur établissement dans chaque colonie.

                 La Colonization circular forme un cahier de 8 pages, imprimé sur deux colonnes, et se vend pence (20 centimes) .
                 A l'aide de cette publication, tout cultivateur ou artisan est en mesure de connaître, en moins d'une heure, quelle est la colonie qui lui convient le mieux, à quel prix il peut s'y rendre, quelles seront ses dépenses et son salaire, etc. Il a entre les mains un guide sûr qui lui enseigne tout ce qu'il a intérêt à savoir, pour établir le budget de son expatriation.
                 Pourquoi, en France, le gouvernement ne publierait-il pas une brochure analogue sur l'Algérie ?

                 Si la Colonisation circular peut, en 8 pages, contenir tous les renseignements relatifs à la plupart des colonies anglaises (Canada, cap de Bonne-Espérance, Maurice, Australie, Nouvelle-Zélande, etc.), et fournir un aperçu de la législation qui régit, en Angleterre, le transport des émigrants, il suffirait, à coup sûr, d'une brochure de 10 pages au plus pour mettre les populations des villes et des campagnes en possession d'un Guide de l'émigrant dans les trois départements de l'Algérie.
                 L'administration recueillerait très-aisément les éléments de ce travail, en consultant ses propres agents, les conseils municipaux et les chambres de commerce.
                 Publié par le gouvernement, qui en ferait chaque année une ou deux éditions, un Guide de l'émigrant inspirerait aux populations toute confiance.
                 Vendu à 10 centimes (ce qui suffirait et au-delà pour couvrir les frais d'impression), il obtiendrait un facile débit.
                 En outre, comme il serait à la fois très-court et plein de renseignements utiles, il serait sans doute reproduit dans la plupart des almanachs qui, chaque année, circulent dans toutes nos communes.
                 On donnerait ainsi une immense publicité aux intérêts de la colonisation africaine.
                 La propagande des journaux et des Revues serait secondée par une brochure populaire, que son bas prix et une distribution intelligente répandraient en France et à l'étranger.
                 Si l'on donne suite aux projets qui ont été déjà émit au sujet de la création de villages départementaux en Algérie, cette brochure deviendra indispensable.
                 En tous cas, il nous a paru utile d'appeler l'attention sur la publication anglaise, Colonisation circular : il y a là un bon exemple à imiter.
C. LAVOLLÉE.



René CORBY
Pieds-Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N°203, janvier 2012
L’UN DES GRANDS N° 9 D’AFN
     
                 C'est à Relizane que René CORBY naît le 30 Juillet 1919. De son balcon, à peine tient-il debout, qu'il assiste aux rencontres amicales qui se déroulent dans la rue.

                 Piaffant d'impatience, il doit attendre le feu vert de ses parents pour, à son tour laisser libre cours à son envie de taper dans la balle de caoutchouc qui reste l'objet de convoitise favori des enfants.
                 Interdit de jouer à son sport préféré pendant la récréation, la jeunesse s'en donne à cœur joie dès la sortie de l'école et les jours de congé. René, comme ses petits camarades, acquiert une maîtrise individuelle appréciable avec des rencontres qui se renouvellent chaque jour et parfois même, deux fois par jour. A 11 ans. René se décide à franchir le grand pas qui sépare le football de la rue du "vrai" football, disputé avec un ballon" à lacets" et un véritable équipement. Le Club des Joyeusetés enregistre cette signature en 1933 et conservera son joueur jusqu'à la guerre, en 1939.

                 Durant ces six années, René assimilera le football de haut niveau avec le collectif quelque peu délaissé lors de son apprentissage dans la rue. Il se révèlera un attaquant redoutable, capable de marquer dans n'importe quelle position grâce à sa faculté de frapper des deux pieds et à son remarquable jeu de tête.

                 En 1940 et jusqu'à la fin des hostilités, René défendra la patrie et... les couleurs de la Marine Nationale. En 1945, c'est le Football Club Oranais qui "hérite" de ce chasseur de buts qui va causer des ravages dans toutes les défenses d'Oranie et même d’AFN.
                 En 1946, il battra I'US Marocaine à Casablanca en Finale du Critérium d'AFN, appellation donnée au Championnat d'AFN de cette année-là.

                 Un attaquant pareil ne peut laisser insensibles les responsables de la Ligue Oranaise de Football Association. Sélectionné à 15 reprises, il leur donnera entière satisfaction inscrivant un nombre appréciable de buts quelle que soit sa position. Il permettra à son club, le FCO, de bien figurer dans le Championnat d'Oranie et de n'être que rarement en position de reléguable. René CORBY cessera de jouer en 1952 après une carrière et des cages bien remplies de... buts.
Hubert Zakine
La Mémoire du Football d'Afrique du Nord


      
Chaussons aux dattes
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N°204 - Mars 2012


Préparation : 20 minutes Cuisson : 20 minutes
                  
               INGREDIENTS :
               Pâte :
               300 g de farine,
               150 g de sucre,
               250 g de beurre,
               1 verre d'eau de fleur d'oranger,
               1 pincée de sel,
               Garniture :
               250 g de dattes,
               1 verre à thé d'eau de fleur d'oranger,
               c à c de cannelle,
               250 g de sucre glace,
               colorant alimentaire : rouge et vert. Facultatif

                PREPARATION :
              - Préparation de la garniture : Dénoyauter les dattes et les hacher.
               Dans une casserole, mettre les dattes, l'eau de fleur d'oranger, la cannelle mélanger et laisser caraméliser sur feu doux.

               - Préparation de la pâte : dans un bol, mélanger la farine, le sucre, le beurre ensuite ajouter le sel et l'eau de fleur d'oranger, travailler jusqu'à obtention d'une pâte homogène.

               Diviser en 3 parties égales, ensuite colorer la première de colorant rouge, la deuxième de colorant vert et laissez la dernière nature.

               Etaler chaque portion en des petits disques. Répartir la garniture au centre des disques de pâte, et replier en chausson en soudant les bords. Faites cuire 15 à 20 min au four préchauffé à 200°.

               À la sortie du four saupoudrer les chaussons de sucre glace.
               Suggestion :
               Ajouter 100 g de cacahouètes concassées dans la garniture

    


VOLLEY-BALL 1955
Par Norbert SENIA
ACEP-ENSEMBLE N° 289 - juin 2013
CHAMPIONNAT NORD-AFRICAIN

DE CONSTANTINE à CASABLANCA
                  
               Après avoir remporté Dimanche 3 avril, le titre départemental Est Algérien, les universitaires (CUC) des docteurs GRESSE et PARET s'apprêtent à effectuer le déplacement de Casablanca où les 30 avril et 1er mai 1955, ils participeront aux 9ème championnat Nord-Africains.

                 Le moyen de transport retenu par les dirigeants accompagnateurs GUEDJ et HENRY : le train INOX. C'est donc un long voyage qui nous attendait (l'avion s'avérant trop onéreux).

                 Mercredi donc, départ 20 h 30. Arrivée à Alger jeudi 7h 30. Poursuite vers Oran. Arrivée 20 h. Voyage de nuit : arrivée à Casablanca vendredi 10 h.

                 Fourbus et éreintés après ce voyage exténuant, notre pensée allait plutôt vers un lit bien moelleux, que d'en découdre sur un stade de volley.

                 Après une nuit réparatrice, le tirage au sort nous désigna l'Hydra d'Alger samedi après-midi et le C.C. de Casablanca le dimanche matin.

                 L'autre poule mettait aux prises l'Alliance de Tunis, l'A.S.M. Oran et la seconde équipe du Maroc.

                 Contre l'Hydra des internationaux COQUAND - LAVERGNE - RODINEAU, nous enlevons un set après nous être bien battus comme le soulignait l'article d'Henri TORRE de la "Dépêche de Constantine".

                 Nouvelle défaite le dimanche 3 sets à 2 face au C.C. de Casa.

                 Après les différentes rencontres, la journée s'achevait par la remise des prix à toutes les équipes participantes autour d'une réunion conviviale dans un parc de la ville.

                 Inutile d'épiloguer sur le voyage retour. Nous avons malgré tout vécu ce séjour au Maroc de manière tout à fait fabuleuse. Que de souvenirs et d'anecdotes à conter à notre retour.

                 D'autant plus fiers d'avoir participé à ces championnats Nord-Africains qui, indépendance oblige, (Tunisie et Maroc 1956) étaient les derniers.

                 Pour la petite histoire, l'Hydra d'Alger a été sacrée Champion d'A.F.N. 1955.

                 Le CUC entraîné par l'illustre Auguste GERMAIN (par ailleurs capitaine des Sapeurs Pompiers de Constantine) avec à sa tête le capitaine Georges MAZELLY et composé de : M. MAZELLY - J. ZERBIB - H. HUREAUX - M. MIGNUCCI - J. REY - J.P. PIETRI - Bop. PEREZ - C. BACKOUCHE - N. SENIA.


    
C'est drôle tout ça !
par M. Robert Charles PUIG.

         C'est drôle tout ça ! Voilà à nouveau un homme, étranger, qui blesse trois personnes à Paris, gare de Lyon, mais... c'est un malade psychiatrique annonce le préfet de Paris Laurent Nunez en s'empressant de dire qu'il avait un titre de séjour italien. Une façon de maquiller la faille de son passage en France. Moi je veux bien, MAIS rien ne l'autorisait à être sur notre territoire sauf les lois européennes. Il y a comme des trous de gruyère dans nos frontières et un véritable sentiment d'insécurité que le pouvoir veut cacher.

         C'est drôle tout ça ! C'est surtout en France que beaucoup d'individus blessent ou tuent et sans aucun examen préalable de l'état de santé. Rapidement "ON" les désigne comme des "possédés" ou des tordus du cerveau même s'ils possèdent un couteau ou un marteau ! Dans le reste de l'Europe on ne voit pas ça, comme chez nous, des victimes subissant l'égorgement de l'AID ! Faut-il s'inquiéter de ces actions ? Je pense que oui, en mettant en place d'autres lois plus restrictives que ces passages d'un pays à l'autre à travers des frontières passoires.

         C'est drôle tout ça ! Il faut admettre que depuis l'Élysée, ça ne tourne pas rond. CET AMOUR D'UNE EUROPE QUI NOUS EFFACE ! Ce libéralisme européen, l'accueil des migrants accepté, le progressisme de l'Élysée et de Renaissance qui viennent de saboter avec le Conseil Constitutionnel sous la coupe d'un socialiste, la loi immigration annoncée ne peut que pousser la population métropolitaine à s'interroger sur la sécurité sur notre territoire et exiger un référendum sur ce sujet ou un vrai changement de gouvernement.

         C'est drôle tout ça ! Des agriculteurs en colère, une éducation nationale en manque de professeurs, des policiers qui manifestent, une population appauvrie et une dette de l'Etat de plus de 3 000 milliards avec toujours de nouvelles dépenses.

         C'est drôle tout ça ! Bien que minoritaires en nombre, nous avons un gouvernement et un groupe à l'assemblée nationale qui réussissent encore à mettre du sable dans les urnes pour les rendre inutilisables. Il semble que notre pays reste étouffé ou aveuglé par une philosophie ou un "idéal de vie" différent de celui du commun des mortels. Ces hommes et ces femmes qui pensent, agissent en fonction de leur propre ressenti de "mâle" ou de "femelle", d'humains qui ne se posent pas de question et ne transforment pas leur masculinité ou leur féminité en autre chose de différent du sexe qui est le leur.
         Chute !!! Cela est mal vu dans un pays qui a perdu sa "puissance" de grande Nation.
         C'est drôle tout ça ! Je me pose la question...
Robert Charles Puig /3 février 2024
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La révolte paysanne.

         L’Élysée est prise de court et malgré les voyages du président qui l’éloignent des problèmes que traverse le pays, une réunion de crise est prévue ce 29 janvier entre un retour des Indes et le départ pour la Suède. Pendant ce temps, le monde agricole a enfin mis ses charrues en ordre de marche pour bloquer les grands axes routiers vers Paris et d’autres villes comme Marseille, Bordeaux…
         Il est évident que des voix s’élèvent contre ce blocage et le pouvoir espère une fin en queue de poisson comme pour les Gilets Jaunes, les retraites ou la loi immigratoire. Un pourrissement de la situation d’où il sortira vainqueur et les agriculteurs, les éleveurs baisseront-ils aussi les bras ? Pouvons-nous leur en vouloir de cette action ? Non ! Ils ont raison, car à cause d’une écologie permissive, les normes françaises sont souvent plus sévères que celles de l’Europe comme s’il fallait donner l’exemple. C’est du Macron tout cracher cette méthode et c’est cela qu’il faut revoir.

         Des normes à réviser et si nécessaire, imposer un point de vue français à Bruxelles qui ne soit pas le béni-oui-oui habituel qui fait dire une chose à Paris et s’incliner, se soumettre à chaque fois à l’Europe. Pour cela, il faut que le peuple des villes se rende compte que le monde agricole aujourd’hui par son action défend une France alimentaire saine et loin des décisions prises par l’Europe admettant des exceptions étrangères qui pénalisent nos produits agricoles, les fruits, les légumes, les céréales, nos volailles et nos viandes.
         Est-ce nécessaire ces publicités qui parlent de « cinq fruits et légumes » lorsque l’on sait que la plupart viennent de l’étranger sans la pesanteur des normes françaises ou nous faire manger des steaks d’origine chimique pour supprimer des troupeaux dans les champs et nous priver de vraies viandes, sauf celles importées sans nos normes sanitaires ? C’est de la même veine que la voiture à 100 euros alors que l’électricité augmente de 10% !

         Je pense que très vite, ce coup de force paysan sans incident et ce monde d’une agriculture désespérée arrivera à gagner cette bataille du bien vivre et du bien manger pour tous. En vérité, que souhaitent le pouvoir exécutif et Darmanin qui mettent de l’huile sur le feu qui couve. Ils ont peur et face aux tracteurs paysans ils mettent des blindés de la gendarmerie, des armes de guerre, choses qui n’ont jamais été utilisées face aux révoltes des banlieues et des 250 écoles brûlées cet été !
         Avec Macron, le pays est véritablement soumis à l’Union européenne et c’est dommage.
Robert Charles Puig / 29 janvier 2024



La semaine des barricades à Alger…

        Tout avait commencé le 18 janvier 1960. La mèche avait été allumée par un simple entretien, accordé par le général Massu au Süddeutsche Zeitung, dans lequel il tenait des propos que certains, rétrospectivement, pourront juger prophétiques. « De Gaulle, disait-il, était le seul homme à notre disposition. Peut-être l’armée a-t-elle fait une erreur. » L’erreur dont il parlait, évidemment, était le recours au chef de la France libre. En 1958, alors que l’opération Résurrection, organisée par les parachutistes français, prévoyait un coup d’État à moins que l’on ne rappelât Charles de Gaulle, et que la Corse était déjà occupée par les putschistes, le gouvernement aux abois avait cédé à l’armée et appelé le vainqueur de 1945 pour régler la question algérienne.

         Un an plus tard, en 1959, de Gaulle, à la surprise de ses partisans, se prononçait en faveur de l’autodétermination du peuple algérien. Massu n’en revenait pas. Les pieds-noirs non plus. Même si le général parachutiste nia toujours avoir tenu ces propos, le mal était fait et Massu, le 18 janvier 1960, donc, fut rapatrié en métropole pour manquement au devoir de réserve. Galvanisés par ce qu’ils estimaient être une trahison de plus, une poignée de jeunes idéalistes dont certains noms passeront à la postérité (Susini, Lagaillarde, Ortiz, Forzy), alliés aux pieds-noirs, décidèrent de prendre d’assaut les bâtiments officiels d’Alger.

         Le 24 janvier, les insurgés manifestent, malgré l’hostilité inattendue du général Challe et l’indifférence des militaires. Ils finissent par s’installer dans un bâtiment de la Compagnie algérienne. Ortiz harangue la foule du haut d’un balcon. Les gendarmes sont envoyés pour maintenir l’ordre et une fusillade générale éclate, qui n’est interrompue que par l’arrivée du légendaire 1er REP.

         Le 25 janvier, le Premier ministre Debré se rend sur place. Le délégué général du gouvernement, Delouvrier, et le général Challe s’enfuient pour Paris. Challe sait qu’il ne peut ordonner la répression, car l’armée désobéira, et demande à de Gaulle de renoncer à l’autodétermination. Évidemment, le général refuse. Debré interdit à l’armée de dicter sa conduite, tandis que les paras et la foule fraternisent, confirmant la fracture entre le pays légal et le pays réel, comme dirait l’autre.

         Le 31 janvier, une solution négociée - que l’allocution martiale de De Gaulle, deux jours plus tôt, rend inévitable - est trouvée. Le lendemain, Lagaillarde et ses partisans se rendent au 1er REP, qui leur rend les honneurs. Forzy, lui, prend la tête du commando Alcazar, nouvellement créé au REP pour agréger les volontaires autour d’un idéal commun – qui devient de plus en plus flou. Challe est limogé : il ne digèrera pas cette blessure d’orgueil, qu’il considère comme une trahison. Lagaillarde et Ortiz sont incarcérés, jugés en novembre et, mis en liberté pour la durée du procès, filent en Espagne franquiste pour fonder l’OAS.

         Soixante-quatre ans plus tard, cet événement, qui fit 22 morts, prend une amère saveur de prémonition. Tout y était, déjà : la duplicité des chefs militaires, l’idéalisme désespéré des partisans d’une Algérie qu’ils avaient, pour certains, littéralement bâtie, la déconnexion des politiques, la pusillanimité du gouvernement, l’exaspération des troupes de choc devant le peu de prix que l’on accordait à leur sang – et surtout, plus que tout cela, l’ombre tutélaire du général de Gaulle, qui finit par duper tout le monde.

         Comble d’habileté, le même de Gaulle réédita ses combinations politiques en amnistiant les « soldats perdus » peu avant la manif monstre du 30 mai 1968 contre les gauchistes.

         À nous, pour ne pas oublier, il reste la fameuse chanson de Jean-Pax Méfret (Les barricades - YouTube), les témoignages de ceux qui ont vécu sur le sol de cette autre France et n’en sont, en esprit, jamais tout à fait revenus… et la nostalgie, comme tant de fois, de ce qu’aurait pu être la France avec un peu plus de courage, un peu moins de calcul - avec de l’honneur et de la fidélité, diront certains.
Arnaud Florac 01 février 2024
       


NOUVEL ORDRE MONDIAL
Par M. Jacques Guillemain.
Envoyé par M. J.P.

Les mondialistes ont eu la peau des démocraties

         Il n’y a pas pires ennemis pour les mondialistes qui veulent nous imposer leurs délires d’un monde sans nations ni frontières que ces insupportables patriotes qui ont la prétention de défendre leur identité et leur patrimoine culturel. Tous les moyens sont bons pour les museler.

         Désinformation des médias subventionnés, persécutions judiciaires, dissolution des mouvements patriotes taxés de racisme et d’appartenance à l’ultra droite, mais aussi déconstruction de l’Histoire, car un peuple privé de son histoire propre est mûr pour disparaître.

         On n’est plus très loin de la Corée du Nord. Mais il y a une différence de taille.

         C’est que le régime despotique de Pyongyang assume totalement l’oppression de son peuple, alors qu’en France, on donne des leçons de démocratie au monde entier, tout en persécutant les patriotes opposés au mondialisme et au multiculturalisme.

         La tyrannie, sous couvert de défense de la démocratie, de lutte contre le racisme et de combat contre l’extrême droite, s’exerce toujours plus implacable contre les patriotes.

         Tout gaulliste souverainiste est menacé de représailles judiciaires.

         Tout défenseur de l’identité française est présumé raciste, suppôt de l’extrême droite.


         Les juges tout-puissants voient un néo-nazi derrière chaque arbre. Accusation imparable et arme fatale pour éliminer un gêneur antisystème trop bruyant.

         L’Europe, qui n’est plus qu’une colonie américaine, est dirigée par une poignée d’illuminés non élus, qui gouvernent contre les 27 peuples européens en prétendant défendre les valeurs démocratiques et les libertés fondamentales. Les peuples rient jaune…

         Les 27 Parlements nationaux ne servent à rien, à part faire la chasse aux identitaires de leur propre pays. On ne compte plus les lois antiracistes élaborées depuis 40 ans. Quant aux lois sur l’immigration, c’est la farce permanente. La 30e en quarante ans a été une mascarade antidémocratique historique.

         Macron, qui n’a pas la majorité à l’Assemblée, a fait mine d’accepter les propositions de la droite pour obtenir le vote LR. Et le jour même, il a demandé à ses amis du Conseil constitutionnel de balayer tout le travail de la droite, à savoir 40 % des articles.

         On notera que dans notre République exemplaire, il y a parmi les sages disant le droit certains membres ayant vécu de lourds démêlés judiciaires. Cela ne choque plus personne.

         Un ministre de la Justice mis en examen et qui ne démissionne pas, c’est la norme. C’est pire qu’au temps des rois. Macron règne en maître, ignorant le Parlement, méprisant le peuple et imposant ses délires sans consulter qui que ce soit.

         Tous ceux qui le gênent sont écartés. L’association Anticor, qui lutte depuis 20 ans contre la corruption et qui a lancé 160 procédures depuis sa naissance, vient de perdre son agrément.

         https://www.tf1info.fr/politique/ong-anticor-contre-corruption-perd-son-agrement-ces-5-affaires-politiques-que-l-association-a-conduit-devant-la-justice-2280807.html

         La France n’a plus rien d’une démocratie modèle.

         Elle se classe au 22e rang mondial pour l’indice de démocratie et au 13e rang européen. Pas de quoi donner des leçons aux autres peuples.

         En matière de liberté de la presse, elle se situe au 32e rang mondial et au 20e rang européen.

         https://atlasocio.com/classements/politique/presse/classement-etats-par-liberte-de-la-presse-monde.php

         La souveraineté n’appartient qu’au peuple, mais Macron la lui a confisquée, comme on le voit avec sa volonté de partager notre dissuasion nucléaire avec toute l’Europe. Comme chacun sait, Macron est d’abord un patriote européen.

         N’y a-t-il donc plus aucun gaulliste, plus aucun patriote sincère parmi nos élus pour stopper ces dérives anti-démocratiques ?

         Le Système a fait de la France paradisiaque des Trente Glorieuses un enfer pour les défenseurs de la liberté d’expression et un pays qui se tiermondise à grande vitesse.

         La moitié nord de Paris, ex-ville Lumière, se transforme en un immonde bidonville sans la moindre réaction des autorités. Certains quartiers sont effrayants de crasse et d’insécurité. Un cloaque où trafic de drogue et prostitution s’étalent en plein jour sur les trottoirs.

         Où va la France ? Les élus s’en moquent royalement.

         Avec l’Otan, nous sommes les supplétifs des Américains dans toutes leurs expéditions coloniales. Et avec l’Europe, nous sommes les vassaux des ayatollahs de Bruxelles, qui nous ont confisqué notre souveraineté monétaire, budgétaire, économique, judiciaire, territoriale, diplomatique. Le peuple est réduit au rang de simples consommateurs n’ayant que le droit de se taire.

         Même les élections sont une farce, puisque tous les partis ont épousé l’idéologie mondialiste. Et je reste convaincu que si un antimondialiste arrivait en tête, le scrutin serait truqué pour l’écarter. Un scénario qui a fait ses preuves aux États-Unis pour torpiller Trump en 2020.

         En attendant, rappelons à ces crétins qui nous mènent au chaos économique et racial que dans une véritable démocratie, le peuple participe à la vie politique de la cité. C’est le seul système politique où le peuple est souverain et bénéficie de lois protectrices.

         Mais un pays où la liberté d’expression a disparu, où la légitime défense n’est plus reconnue, où le propriétaire n’est plus protégé des squatteurs, un pays où la presse est aux ordres, où la justice politisée ne protège plus les victimes, un pays qui impose la dictature du politiquement correct dans tous les rouages de la société, un pays qui refuse d’écouter le peuple qui ne veut plus d’immigration, un tel pays n’a plus rien de démocratique.

         La France mondialisée est devenue un contre-modèle de démocratie, dirigée par des mondialistes ennemis des peuples.

         Tout cela finira mal.



Pour nos chers Amis Décédés
Nos Sincères condoléances à leur Familles et Amis

Envoyé par Mme Gentile
DECES D’UN AMI ET D’UN COLLABORATEUR

        Madame Nathalie GENTILE nous informe du décès de son père Jean-Claude STELLA survenu le 9 décembre 2023 à 86 ans.

        Jean Claude est né le 18 octobre 1937 à Alger ; il s'est marié le 31 juillet 1963 à Nice avec Pierrette Forte. Il a 3 filles, 6 petits-enfants et 2 arrières-petits-enfants. Il a été instituteur, puis PEGC (histoire/géographie) : c'était un professeur passionné et très investi, la réussite de ses élèves lui tenait à cœur.
        La grande partie de sa jeunesse s’est passée à Bône.
       
        Jean Claude était un collaborateur de la Seybouse et qui a eu l’idée du site « Livre d’or Bônois » des morts de 1914-1918. https://www.livredor-bonois.net
        Toute la base de ce travail est à l'actif de Jean Claude Stella. C'est lui qui a fait toutes les recherches et qui a préparé les fiches individuelles. Moi je n'ai fait que les mises en page Internet. Un grand merci à Jean Claude, qui lorsqu'il a appris la destruction dans l'indifférence générale de notre monument aux morts, il a voulu le restaurer virtuellement sur Internet.
        Ensuite, il a voulu qu’on étende ce livre d’or à une grande partie du Constantinois.
        UN GRAND MERCI A LUI et toute notre reconnaissance.
        Il avait entrepris un autre travail « Le dictionnaire des inscrits maritimes du quartier de Bône. » Dont voici l’avant propos ci-dessous.
        Il m’avait promis de me l’envoyer pour le publier, ce que j’aurai fait avec plaisir ou que je ferai si je le recevais. Un tel travail ne doit pas rester dans l’ombre…
        Jean Claude, tu es parti en paix, on essayera de terminer ce travail, si possible, pour toi, tes grands-parents et mon grand-père, inscrit maritime.
        J.P. BARTOLINI

Avant-propos (témoignage)

        C’est pour rendre hommage à mes grands-parents Mauro STELLA, Pantaléon DELERNIA et leurs collègues que j’ai entrepris ce dictionnaire des inscrits maritimes du quartier de Bône.
        Originaires d’Italie ou de Malte, ils ont demandé la nationalité française et se sont mis au service de leur nouvelle patrie. Les plus jeunes faisaient un essai avec les inscrits maritimes provisoires comme mousse, novice, matelot, puis ils devenaient professionnels. Ils étaient alors au service de la France. Ils devaient faire des stages dans les ports militaires français ou à bord des navires de guerre. Pendant la Grande Guerre, ils ont dû en plus accomplir une longue période au sein de l’armée de terre. Plusieurs sont morts pour la France. Même ceux qui étaient réformés (nombreux l’étaient à cause d’une insuffisance visuelle provoquée par le trachome), ils recevaient une affectation spéciale. Ils continuaient à servir l’état au sein d’une grande entreprise comme celle des chemins de fer. Ils ont ainsi participé à la construction de la ligne de chemin de fer Bône-Guelma où ils étaient employés comme soudeur, chaudronnier, homme d’équipe, wagonnier, poseur de rails… ou simplement nettoyeur. En fin de carrière, ils passaient dans la catégorie des hors service et ceux qui réussissaient à la terminer, recevaient la Médaille d’Honneur des Marins du Commerce.
        Certains n’ont pas hésité à partir en Égypte, avec leur femme et leur bateau pour participer à la construction du canal de Suez et plusieurs de leurs enfants sont nés à Port-Saïd.
        Ils n’étaient payés que lorsqu’ils sortaient en mer et comme la plupart avaient de nombreux enfants dès que ceux-ci savaient lire et écrire, ils devaient aller travailler pour contribuer à faire vivre la famille. À une époque où les femmes restaient au foyer, les filles des inscrits maritimes exerçaient un emploi en ville. Ma mère Thérèse, par exemple, était employée dans un salon de coiffure et, comme il n’y a pas de sots métiers, ma tante Marie-Jeanne dans une entreprise de pompes funèbres. Dans ces conditions, l’ascenseur social ne pouvait pas fonctionner, mais il permettra ensuite à leurs enfants d’accéder à des emplois de cadres. Mon oncle Joseph STELLA simple ouvrier, frère de mon père, et ma tante Odette DELERNIA vendeuse, sœur de ma mère, ont eu un fils chirurgien-dentiste et une fille biologiste.
        Je tiens à remercier chaleureusement tous les employés de la bibliothèque de la Marine à Toulon qui m’ont permis de consulter les registres des inscrits maritimes de Bône dans les meilleures conditions possibles.

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UNE TRANCHE DE VIE DE JEAN CLAUDE

MA VIE A CHERCHELL
Janvier à fin juin 1962

        « Seuls quelques dizaines de kilomètres séparent Alger de Cherchell, mais pour les parcourir nous avons dû, à ma grande surprise, avoir recours à la protection d’un half-track. Le long du trajet, je remarquais que les poteaux supportant les lignes téléphoniques avaient été consciencieusement sciés et qu’aucune équipe d’ouvriers n’était présente pour réparer les dégâts. À notre arrivée à l’École, lors de la réunion d’information ma surprise augmenta en apprenant que plusieurs bandes rebelles occupaient le secteur. On connaissait parfaitement le nom des chefs. On savait aussi que ces fellaghas étaient très bien équipés : treillis, pataugas de toile kaki, armes automatiques. Ils possédaient même la plus récente d’entre elles, l’A.A. 52 alors que nos sections ne disposaient que de l’antique fusil-mitrailleur 24-29. Qu’attendait-on pour les mettre hors d’état de nuire? Personne n’a osé poser cette question et cette situation paraissait normale à notre informateur. Moi, je n’arrivais pas à y croire. La guerre n’était-elle donc pas gagnée sur le terrain? Au fond de moi, j’étais persuadé que le commandement exagérait pour nous mettre la pression et nous obliger à être vigilants lorsque nous aurions à monter la garde. Hélas, je me trompais lourdement et j’en eus la preuve quelques jours plus tard.

        Au cours de la deuxième semaine après notre arrivée à l’E.M.I., nous avons eu droit à un exercice de combat de nuit. Nous sommes sortis en peloton. Quand nos camions sont parvenus à destination, les deux sections, chacune de son côté, se sont dirigées à pied vers l’endroit propice que leur chef avait choisi, pour monter une embuscade. La première était commandée par son chef de section en titre, le Lieutenant ESTIENNE, mais le Lieutenant PONS ne dirigeait pas la nôtre, la deuxième, il en avait confié le commandement à son adjoint, le Sous-lieutenant BOULANGER. Arrivés à l’endroit choisi, nous avons mis en place notre piège. Cette semaine-là étant pourvoyeur, j’étais armé de mon fusil et je portais sur mon dos une sacoche contenant des chargeurs pour le FM. J’étais donc placé non loin des servants de cette arme automatique. Le Sous-lieutenant s’était posté lui aussi près de nous. Et la longue attente silencieuse commença. Soudain un bruit de pas me fit sortir de mes rêveries. Plusieurs personnes suivaient le chemin où nous avions tendu notre embuscade. Deux ou trois minutes plus tard, ils étaient là tout près. J’ai une très mauvaise vision nocturne et j’avoue n’avoir jamais distingué la cible à chaque fois que nous avons fait des tirs de nuit.

        Mais je me suis rendu compte qu’il se passait quelque chose entre le Sous-lieutenant et les servants. Mes camarades devaient sans doute lui reprocher d’avoir oublié de nous faire prendre des munitions à blanc car de toute évidence c’étaient les gars de la Première Section qui étaient en face de nous. Nous avions là une belle occasion de prendre notre revanche parce que quelques jours plus tôt, à notre insu, nous leur avions servi de plastron et ils s’en étaient donné à cœur joie en nous allumant avec des tirs à blanc et des jets de grenades de plâtre. Le bruit de pas s’atténua peu à peu, puis disparut complètement et la longue attente reprit. Enfin le Sous-lieutenant nous ordonna de regagner notre camion dans le plus grand silence. Il ajouta qu’il était inutile de lui poser des questions sur ce qui s’était passé ce soir, mais que demain matin notre Chef de section nous donnerait toutes les explications sur cette affaire. Dans le camion, j’appris avec stupeur que c’étaient une bande de fellaghas qui étaient tombés dans notre embuscade et que le Sous-lieutenant avait refusé de donner l’ordre d’ouvrir le feu. Le lendemain le Lieutenant PONS nous dit que son subordonné avait obéi à la consigne. Ici nous étions à l’instruction et celle-ci venait à peine de commencer. Nous n’étions pas encore prêts pour affronter les combats. Si nous étions passés à l’attaque, non seulement notre adversaire qui était aguerri, nous aurait infligé de lourdes pertes, mais dans le feu de l’action nous aurions pu nous tirer les uns sur les autres.

        À partir de ce jour j’ai eu l’impression qu’il existait entre l’É.M.I. et le F.L.N. une sorte de pacte tacite de non-agression. Je comprenais maintenant pourquoi nous étions si peu armés. Nous n’avions pas de grenades et seulement un seul chargeur par PM ou par fusil. De plus, on nous avait obligé d’entourer d’une bande de scotch le chargeur de notre MAS 49-56 dont on avait pris soin de relever le numéro des cartouches. Si bien que s’il nous fallait utiliser cette arme, on devait retirer le chargeur, enlever le scotch, remettre le chargeur avant de pouvoir tirer. Nous devions garder précieusement ce chargeur scotché, même pendant les exercices de tir car on nous fournissait alors d’autres munitions. Après une première période à l’École, nous avons poursuivi notre instruction en milieu hostile dans la ferme de Brincourt.
        Là aussi la nuit toute la compagnie, à l’exception des sentinelles, était totalement désarmée. Dans la « Cathédrale », salle immense au plafond très haut qui servait de chambrée à toute la compagnie, toutes nos armes étaient enchaînées et cadenassées à quelques mètres de nos lits superposés. Un ennemi ayant réussi à s’infiltrer à travers la ligne des postes de garde aurait pu à lui tout seul provoquer un horrible carnage. Bientôt ce sentiment de relative sécurité s’effondra le jour où subitement ma section fut mise en alerte. Un camion avec trois EOR qui étaient partis en corvée chercher du sable ou des gravillons au fond d’un oued, étaient tombé dans une embuscade. Finalement nous n’avons pas eu besoin d’intervenir car nos trois camarades ainsi que le chauffeur ont pu être récupérés sains et saufs. On nous a raconté que l’ennemi avait incendié le camion et récupéré le PM qu’un des E.O.R. avait lâché en sautant hors du véhicule, la courroie s’étant malencontreusement coincée dans la ridelle.

        Puis le 14 février, on nous annonce la mort de l’E.O.R. Paul FINELLI. Il avait sauté sur une mine et on l’avait hospitalisé à Alger. Malgré l’amputation de sa jambe, il n’a pas survécu à ses blessures. C’est ma section qui est désignée pour lui rendre les honneurs militaires. C’est ainsi que je retrouve l’hôpital Maillot que je connais bien, ayant vécu de 1946 à 1953 à la Salpetrière, cette caserne d’infirmiers militaires, située elle aussi dans l’ancien palais d’été du Dey d’Alger. En dehors des gars de ma section, il n’y a personne dans la petite chapelle où l’on avait déposé la bière. Après une courte cérémonie religieuse, nous embarquons dans le camion où nous avons chargé le corps de notre camarade. Je pense qu’il doit probablement s’agir d’un métropolitain et qu’on on va certainement l’enterrer provisoirement dans le cimetière de Saint-Eugène tout proche. Mais je me trompe car le GMC prend la direction du centre d’Alger. Le cimetière dans lequel nous arrivons est, à mon grand étonnement, lui aussi désert. Il n’y là que trois ou quatre employés municipaux. L’un d’eux nous demande de déposer le cercueil sur la table de pierre qu’il nous montre. Nous exécutons l’ordre et la section présente les armes devant la dépouille de notre camarade. Nous remontons ensuite dans notre véhicule et regagnons Cherchell. Je suis scandalisé, ce soldat est mort pour la France et personne n’a assisté à son inhumation.

        Je pressens une catastrophe et celle-ci va bientôt se produire à l’occasion d’un nouvel exercice que nous avons baptisé « nomado». Il s’agit pour chaque section de la 5ème Cie de quitter après le repas de midi la ferme de Brincourt et de passer 24 heures consécutives en zone rebelle. Bien entendu c’est la première section qui commence. Quand elle rentre, la deuxième prend la suite. La journée est belle et nous enchaînons comme d’habitude les exercices de combat. Avant la tombée de la nuit, nous préparons notre bivouac à l’endroit désigné par le Lieutenant PONS. Celui-ci vérifie les postes de garde et surtout l’emplacement des deux F.M. C’est alors qu’il remarque certains signes inquiétants. Une section a déjà bivouaqué récemment au même endroit. Si c’était la première section, nous serions en grand danger. Soucieux il prend donc les mesures de précaution qui s’imposent. Il nous demande en particulier de peaufiner les postes des sentinelles et donne des instructions supplémentaires aux servants des deux armes automatiques du groupe. Il décide aussi le doublement de la garde. Il ne fermera pas l’œil de la nuit, nous aussi. Mais il ne se passera rien. Après une nuit blanche et une matinée sans problème, nous regagnons avec soulagement notre ferme. À notre arrivée, la troisième section prend le relais.

        Le drame va se jouer le 8 mars à la tombée de la nuit. Les rebelles passent à l’attaque et tuent le servant d’un des deux F.M., l’E.O.R. André ESPRIT. Mais le servant de l’autre FM, l’E.O.R. Claude MASSONNEAU réagit aussitôt vidant chargeurs sur chargeurs. L’effet de surprise ne jouant pas et devant la détermination de la riposte, l’ennemi n’insiste pas. Nous attendrons la fin de la nuit pour aller récupérer nos camarades. On peut supposer sans trop se tromper que le Lieutenant PONS a averti son collègue de la troisième section. Celui-ci, le Lieutenant LAFFITTE, a pris des initiatives qui ont évité de lourdes pertes parmi ses hommes car il a aussitôt été promu Capitaine. Le Sous-Lieutenant LOPPÉ et l’E.O.R. Claude Massonneau, cités à l’ordre de la Brigade, seront décorés de la Croix de la Valeur Militaire. Un piquet d’honneur veillera notre malheureux camarade mort pour la France jusqu’au départ de son corps pour Grenoble.

        Le cessez-le feu interviendra le 19 mars. Il n’y aura aucune affectation en Algérie pour tous les européens de la promotion 203 baptisée « Elève-Officier André ESPRIT ». Par contre tous les algériens seront versés dans la « Force Locale ». En regagnant, après une courte permission à Bône, le C.I. du 159ème B.I.A., je ne savais pas que je quittais définitivement ma terre natale. »

        L'intérêt de ce témoignage est de montrer qu'après l'échec du putsch des généraux et les purges dans l'armée, l'adversaire n'est plus le F.L.N., mais l'O.A.S. avec tous les partisans de l'Algérie Française. Tous les moyens sont bons pour cette lutte, même les plus illégaux (les barbouzes). Les fellaghas profitent de l'occasion pour occuper de nouveau le pays.

        La première leçon de combat à Cherchell avait pour thème :"Comment ne pas se faire subtiliser son fusil pendant les opérations de maintien de l'ordre” et on nous avait distribué des chaînes à cet effet. À chaque fois qu'une section devait franchir l'entrée de l'école, elle devait le faire au pas cadencé et en chantant le chant de la compagnie. Voici le refrain du nôtre :
        "Loin de chez nous, en Afrique,
        Combattait le bataillon
        Pour faire à la Patrie,
        Sa grandeur et son renom".

        Malgré cela et bien que le cessez-le-feu ait été proclamé unilatéralement par notre pays, je conservais au fond de mon cœur un tout petit espoir car la France continuait ses travaux en Algérie. Le grand amphithéâtre au sein de l'école sera inauguré en fin juin 1962 et toute la promotion pourra recevoir ses affectations en grande pompe.
        E.O.R. STELLA Jean-Claude
        Promotion 203 5ème Compagnie 2ème Section.

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        Les photos ont été transmises par Gérard le frère de Jean Claude.
        Vincent Stella, leur père a été Membre du CNB (cercle des nageurs bônois) et champion de Water-polo.




CNB Vincent Stella sous l’étoile



CNB 1928 champion Afrique du nord water-polo




CNB à Philippeville 1929 entraîneur V. Stella






Supporters du CNB au square Bresson Alger1928




Entraînement à la Grenouillère en 1929 avec V. Stella



Médailles champions Afrique du Nord water-polo 1932 et 1933


CNB 1931 partie de pêche




Autres membres du CNB : les frères PAPAGNO Joseph et Augustin, R. PONSEILLE, DESTE dit Melon (coup de tête redoutable)


Amusement pendant la partie de pêche
 


        J.P.B.




LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.

             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.

             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.

POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :
    
CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P. Bartolini.

 
NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers


DEMOLITION

Envoyé par Adrien
https://www.tsa-algerie.com/limage-impressionnante- dun-engin-devorant-une-villa-sur-une-plage-video/

lestrepublicain.com - Par: Rafik Tadjer —18 Févr. 2024

L’image impressionnante d’un engin « dévorant » une villa sur une plage (Vidéo)

           La wilaya de Béjaia a lancé ces derniers jours une vaste opération de démolition des villas et immeubles construits illégalement sur la côte ouest.

           Les bulldozers et les engins de terrassement de travaux publics ont été déployés sur la plage de Tighremt où de nombreuses constructions ont été érigées dans l’illégalité, c’est-à-dire sans permis de construire.

           C’est l’argument présenté par les autorités de la wilaya de Béjaia pour justifier ces démolitions. La wilaya a indiqué le 13 février que 51 constructions ont été construites sur le domaine public maritime, sans permis de construire, dans une zone d’expansion touristique, située à 100 mètres de la plage. La cheffe de la daïra de Béjaïa a déclaré que cette opération a été lancée il y a une année pour récupérer du foncier public.

           « À Sidi Boudrahem, nous avons récupéré beaucoup de terrains qui étaient occupés par des constructions illégales. Ces terrains sont destinés à la réalisation d’équipements publics. Nous avons démoli des constructions au niveau du littoral ouest notamment à Tazboucht et l’opération va toucher Boulimat, Ach el Baz et Saket. Toute construction illégale sera démolie », a-t-elle annoncé.
           Démolitions de villas illégales à Béjaia : un quartier entier rasé à Taghramt.
           Des particuliers ont bâti des immeubles de plusieurs étages et des villas en bord de mer sans l’autorisation des services concernés pour sans doute mettre les autorités devant le fait accompli et régulariser ensuite leurs constructions. Mais il n’en est rien, particulièrement pour les occupants illégaux du bord de mer de Tighramt.

           Sur les réseaux sociaux, les photos et les vidéos des bulldozers et autres engins de terrassement de travaux publics à l’œuvre sur cette belle plage du littoral ouest de Bejaia, sont impressionnantes. Une vidéo a particulièrement attiré l’attention des réseaux sociaux algériens. On y voit une pelle sur chenilles dévorer un petit immeuble de quatre étages.
           L’engin s’est attaqué à cette maison par le bas, démolissant une partie du rez-de-chaussée et du premier et du deuxième étage, laissant tout le dernier étage intact. Pour faire tomber la bâtisse, le conducteur de l’engin a multiplié les coups de pelle jusqu’à ce que le bâtiment finisse par céder. Dans sa chute, une partie de l’immeuble est tombée sur la pelle à chenilles et le conducteur a failli y laisser sa vie.
            


LE BLE DUR

Envoyé par Charles
https://www.tsa-algerie.com/pourquoi-les-italiens- veulent-cultiver-du-ble-dur-en-algerie/

  - tsa-algerie.com - Par: Djamel Belaid —12 Févr. 2024

Pourquoi les Italiens veulent cultiver du blé dur en Algérie

           Soucieux d’augmenter la production de blé dur, l’Algérie multiplie la recherche de partenaires étrangers. C’est un compte-rendu ambitieux qui a suivi la rencontre, lundi 5 février, à Alger, entre l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI) et l’Italien Bonifiche Ferraresi (BF).

           Comme l’Algérie, l’Italie a peur de manquer de blé dur. Si le groupe italien BF s’intéresse à l’agriculture au Sud de l’Algérie, c’est surtout dans la perspective de produire du blé dur.
           La vente de ces excédents pourrait permettre à l’Algérie de financer une partie de ses importations de blé tendre.
           Avec 25 kg de pâtes alimentaires consommées chaque année, contre 13 en Algérie, les Italiens sont les premiers au monde à consommer du blé dur. Sans ce type de blé, impossible de confectionner des spaghetti, fusilli et autres rigatoni dont raffolent les Italiens.
           Chaque année, les industries italiennes de transformation ont besoin d’environ 6 millions de tonnes de blé alors que la production locale atteint à peine 4 millions.
           Aussi, dès 2017, des efforts ont été faits pour la relocalisation de la culture du blé dur. Si des pays tels que la France tente de relocaliser son industrie, en Italie, c’est la culture du blé dur qu’on tente de relocaliser.
           La presse italienne va jusqu’à parler de « la bataille du blé » faisant référence au mot d’ordre de Mussolini durant les années 1920 pour assurer l’autosuffisance en blé dur.

           Fin janvier, BF et un groupe kazakh ont signé un protocole d’accord visant à la production de blé et de pâtes alimentaires et signe un nouvel accord avec l’Algérie via l’AAPI.
           À l’image de la laiterie Soummam et des établissements Bellat qui développent une stratégie d’intégration en produisant en Algérie une partie des matières premières qu’ils utilisent pour leur yaourt ou cachir, Federico Vecchioni, l’administrateur de Bonifiche Ferraresi fait de même en Italie.
           En quelques années, il a bâti un véritable empire. En 1967, après l’obtention d’un diplôme d’ingénieur agronome à Florence, il participe à la gestion d’une des plus grandes oliveraies de Toscane. Il s’impose également comme dirigeant d’associations professionnelles agricoles.

           En 2014, rassemblant un groupe d’investisseurs, il prend le contrôle d’une vieille entreprise, Bonifiche Ferraresi. Avec ses 5.500 hectares, il s’agit de la plus grande entreprise agricole italienne.
           Fervent partisan de l’intégration, le dirigeant de BF estime que pour développer l’industrie agro-alimentaire, la disponibilité d’un patrimoine foncier est nécessaire. Celui-ci compte aujourd’hui 11.000 hectares.

           Actuellement, l’activité de BF s’étend de la ferme à l’assiette. Elle détient des entreprises maîtrisant toute la chaîne de production de blé. Cela passe par les semences, les sociétés de services agricoles réunies au sein de Consortia Agrari d’Italia, les moulins et les usines de pâtes sous la marque « Le Stagioni d’Italia ». En 2022, BF a rajouté la production de couscous en rachetant pour 20 millions d’euros la société Bia.
           Au niveau des semences, BF détient près de 42 % de la Société italienne de semences (SIS). Depuis 2017, le groupe de Fréderico Vecchianno contrôle près de 600 variétés, dont 116 à travers des « droits exclusifs ».

           Des droits qui s’appliquent notamment à la variété « Cappelli » qui a la particularité d’être originaire du Maghreb. Comme le relate le journaliste Dario Dongo « L’histoire du blé Senatore Cappelli remonte à 1915, lorsque le généticien Nazareno Strampelli a obtenu une variété de blé dur d’automne, grâce à une sélection généalogique de la population nord-africaine de Jennah Rhetifah. »
           Du fait de ses qualités uniques, cette variété est très recherchée par les producteurs de pâtes. Sur le site de la société Pepe Bacio, ce blé est décrit comme « un blé très dur, les pâtes ont tendance à toujours rester al dente ». Du fait de la structure particulière de leur gluten, « les pâtes Senatore Cappelli sont plus digestes ».
           Mais SIS interdit à quiconque qui n’achète pas ses semences certifiées d’utiliser le nom « Cappelli » sur l’étiquette des paquets de pâtes alimentaires. En 2019, l’Autorité italienne de la concurrence (AGCM) a ouvert une enquête à propos de ces pratiques.
           BF investi dans la formation à travers le campus universitaire Jolanda di Savoia qui s’intéresse aux technologies de l’agriculture de précision, les bio-carburants à partir d’oléagineux ou à la régénération des terres semi-désertiques.

           Cette frénésie d’investissement est favorisée par la confiance qu’accordent de grands actionnaires italiens aux multiples projets de BF.
           En quelques années, on a pu assister au passage d’une agricole traditionnelle à un groupe se basant sur la gestion des terres et des services à haute valeur ajoutée.
           Dans un portrait enthousiaste consacré au dirigeant de BF, la revue Forbes Italia note que Federico Vecchioni a réussi à « créer le champion national de l’agro-industrie ».
           Cependant, en janvier 2021, sur le site Great italian food trade, le journaliste Dario Dongo s’interrogeait sur les allusions d’un dossier circulant sur Internet et mentionnant « trop de conflits d’intérêts avec la participation des mêmes sujets entre filiales et sociétés mères » au niveau du groupe BF. Un groupe dont les comptes 2019 auraient clôturé sur une perte de 10 millions d’euros, selon la même source.

           Blé dur : pourquoi les Italiens veulent produire du blé en Algérie ?
           Un dossier qui indique également que Federico Vecchioni « recevrait 1,5 % sur chaque « acquisition » de nouveaux consortiums, ainsi que sur d’autres opérations financières extraordinaires de Consorzi Agrari d’Italia. Y compris celles impliquant des organismes publics ».
           Avec le Conseil pour la recherche agricole ou l’Agence nationale des nouvelles technologies, la recherche agronomique italienne multiplie les essais sur le blé dur : variété adaptée à la sécheresse, fertilisation azotée, qualité des grains, et même depuis peu irrigation.
           Les essais d’irrigation du Centre de recherche pour la culture céréalière de Foggia (Pouilles) qui ont été menés par goutte à goutte, en absence de rampes-pivots, ont permis d’obtenir des rendements de 89 quintaux.

           Mais les ingénieurs italiens n’ont pas fait qu’ajouter de l’eau à la culture. Ils ont choisi des variétés à paille courte, réduit les doses de semis et espacé les rangs de façon à ce que la tige plus robuste ait un meilleur ancrage au sol et pour éviter la verse du fait d’épis devenus plus lourds.
           En mélangeant les engrais azotés à l’eau, les résultats obtenus sont appréciables : 15,6 % de protéines et un poids spécifique de 83 kilogrammes/hectolitre. De quoi rassurer les transformateurs.
           La course est donc lancée pour trouver des variétés toujours plus productives. Alors qu’une variété traditionnelle ne fournit qu’un rendement de 18 quintaux en sec, la nouvelle variété Barnacla provenant du célèbre Centre international pour l’amélioration du maïs et du blé (CIMMYT) au Mexique en produit 31.
           En plus du critère rendement, les sélectionneurs italiens tiennent compte également de la vitrosité du grain et de son taux de gluten, des caractéristiques exigées par les industriels de la transformation.
           Contrairement à ce qui se fait en Algérie, à la réception des récoltes, les silos italiens sont équipés de matériel d’analyse qui permet de contrôler en continu le niveau de protéines des camions. Avantage, le respect de l’itinéraire technique pour les céréaliers qui désirent bénéficier de la prime « protéines ».
           En Algérie, à plusieurs reprises, des projets de partenariat avec des investisseurs étrangers ont échoué. C’est le cas au début des années 2000 du Complexe agroalimentaire du Sud (CAAS) de 30.000 hectares à Adrar ou en 2017 du projet de production de lait avec l’American international agriculture Group (AIAG) à la situation financière douteuse.
           Actuellement, deux investisseurs turcs montrent leur savoir-faire. Il s’agit de Filaha-Atlas à Hassi Messaoud sur 11.000 hectares qui a introduit pour la première fois en Algérie la culture mécanisée de la betterave à sucre. C’est également le cas de la société Dunaysir qui exploite 4.000 hectares à Adrar.

           Qu’en sera-t-il avec Bonifiche Ferraresi ?
           Manifestement, les entreprises italiennes n’ont pas de grande expérience de culture du blé dur sous pivots. Cependant, le niveau de la recherche agronomique leur permet d’affronter des défis que pose une production de qualité, notamment en milieu semi-aride.
           Une production que les équipes de Federico Vecchioni tenteront d’appliquer dans le cadre de « l’agriculture saharienne ». Un savoir-faire qui pourrait également intéresser les 7 millions d’hectares situés au Nord de l’Algérie.
Djamel Belaid               


De M. Pierre Jarrige
Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
    PDF 174                                                  PDF 174A
    PDF 175                                                  PDF 175A
    PDF 179                                              PDF 180
    PDF 181                                                  PDF 182

Pierre Jarrige

Site Web:http://www.aviation-algerie.com/

Mon adresse : jarrige31@orange.fr



Un fermier au cinéma
Envoyé par Annie
Un fermier décide d'aller au cinéma.

     Le vendeur de billets lui demande ce qu'il a sur son épaule ??

     Le vieux fermier répond :
     - C'est mon poulet Marcel, c`est mon ami... Partout où je vais, Marcel vient aussi !
     - Je suis désolé mais votre poulet ne peut pas entrer, les animaux sont interdits dans le cinéma...

     Le vieux fermier se rend derrière, dans une ruelle, et cache son poulet dans son pantalon et retourne acheter un billet.

     Il entre dans le cinéma et s`assoit, à côté de deux veuves âgées.
     Le film commence, et comme le poulet risque d'étouffer, le vieil homme déboutonne son pantalon afin que l'animal puisse sortir la tête.

     La vieille dame assise à côté, dit à son amie :
     - Gisèle...
     - Quoi ! Dit Gisèle..
     - Le type assis à côté de moi, c'est un gros pervers...

     - Pourquoi tu dis ça ? Demande Gisèle.
     - Il a défait son pantalon et a sorti sa bestiole... Chuchote-t-elle..

     - Ne t'en fais pas. Dit Gisèle...
     A ton âge, tu en as vu bien d`autres.. !

     - C'est ce que je pensais aussi, répond-t-elle !

     Mais celle-là, elle est ...spéciale... :
     Elle mange... mon popcorn !





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Notre liberté de penser, de diffuser et d’informer est grandement menacée, et c’est pourquoi je suis obligé de suivre l’exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d’information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d’expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
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