N° 241
Septembre

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Septembre 2023
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO

L’ETE EST-IL SUR SA FIN ?

        La période estivale touche à sa fin. Pour beaucoup d’entre vous les vacances se terminent ou sont déjà terminées.
        Il nous faut donc reprendre nos activités quotidiennes, à savoir la Seybouse pour nous, le travail pour les actifs et l’école pour les petits.

        Depuis maintenant trois mois, je me suis employé à alerter sur le cimetière de Bône afin de réveiller des consciences, et je dois constater que cela n’a concerné qu’une dizaine de personnes.
        Dans ces conditions, à quoi bon se faire de la bile puisque la très grande majorité de la communauté ne se soucie guère de ses ancêtres.

        Avec cette rentrée, les signes d’un été aride perdurent. La sécheresse a touché une très grande partie du pays et les pluies éparses tombées au cours de ces derniers jours n’ont pas encore permis de rétablir le débit des cours d’eau qui restent très faibles, ainsi que le niveau des nappes souterraines.
        Nous sommes toujours en situation critique, pour la faune, la flore et les cultures, mais cela n’est pas nouveau, depuis des siècles, la terre a déjà subit de tels phénomènes et en subira encore.
        Tout cela a fait que les prix ont terriblement augmenté avec l’assentiment intéressé de l’Etat. La TVA rentre pour payer entre autres le « quoi qu’il en coûte »
        Le prix de notre gazette la Seybouse « ne change pas, car la sécheresse ne l’a pas atteinte »…

        Que nous réserve cette rentrée, sur le plan de la sécurité, de la restriction des libertés, de la baisse du pouvoir d’achat, etc… ?
        Peut-être : Plus de morts innocents ? Plus d’émeutes partant de cités où soi-disant la police n’a plus de droits, pas plus que la république ? Plus de manifestations ?
        Ce qui est sur, c’est que nous aurons droit encore au ballet des incapables à la TV avec leurs promesses de papier à torcher.

        Je vous souhaite une bonne lecture, et une bonne rentrée.
Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
         A tchao.



LA ROBE
Envoyé par M. Georges Barbara
.
            - " Aller mais à debon c'est pas vrai, te le fais exprès ou quoi Jo ? Et bouge plus diomadone. J'me demande si te vas m'laisser finir de reprendre cet ourlet ? Que j'suis depuis après manger à faire la Marie la folle à quatre pattes là ? T'le 'ois pas non ?
            - " Ah ouais c'est ça, t'ya raison, c'est que depuis après manger com' te dis moi aussi j'te fais le mannequin et là t'yes tcheugade... te le 'ois pas ? Et quand te m'as dit de passer cette robe pour cinq minutes que t'yavais deux points à mettre, moi je t'avais aussi comme un tchoutche pris le journal pour rogarder aprés t'sur le divan un peu ça qu'elle a fait la JBAC à Philiville hier dimanche ? Et ben cournoude et bastonade ton Jo, ça fait deux heures qu'il est là et qu'y sait pas combien a l'a fait la JBAC ! Et pour le divan te repasseras Oila !
            - " Atso ! O l'homme, te veux qu'j'tedis moi aussi, et ben, si te me donnerai un peu plusque d'largent, je l'aurais porté à ma couturière cette robe et je s'rai pas ojourd'hui entrain de faire la calamar qu'y te jette le noir, te comprends ?
            - " Dis, te sais agas ça que j'suis entrain de rogarder endevant moi dans la glace, ya un genre de babalouke que tu dirais un marchand d'chiffons, 'ac tout ce linge t'sur le dos, et ce marchand d'chiffons si ça continue te pourras le mettre dans la revue qu'elle te fait madame Munck au Tiatre dimanche ! Diocane. J'aurais tout vu 'ac toi. Quand on me disait que j'me prenais une fille d'la haute à cause que ton père y te travaillait dans les contributions ? Et Ben pour la haute j'ai pas à me plaindre crois moi, j'suis servi madame ! Hein !
            - " Agas de t'la fermer Jo, parce que si j'te sorts ton catalogue moi, te vas a'oir demain la queue au Galeries de France hein ! Te 'ois pas non que moi a'c mon hernie d'escale j'te passe le martyr ! Çà te le 'ois pas bien sur !
            - " Te sais ça qu'je pense moi Chounette, et ben c'est que quand te m'a accompagné dimanche au bal des anciens combattants, et que t'ya vu tout' cette jeunesse a'c les robes courtes, et ben ça t'a resté à la gorge et main'nan te veux faire com'elles à debon, ah ah ah !
            - " Et ben non Jo te sais ça qu'je rogardais au bal, c'etait que seul'ment moi, oui seul'ment moi que je portais une robe qu'elle date de Mathieu Salemme, alors que toutes les personnes de mon age elles, a z'étaient bien à la mode Monsieur et c'est pas demain que j'pourrai moi aussi porter du linge com'ça ! Et encore areusement que ma sœur a m'a donné une robe à elle aussinon je te ressemblerai à ces gitans qu'y te rempaillent les chaises à la cité Auzas !
            - " O Chounette, agas de finir ton truc au lieu que tu te fais la Chère Soeur pour faire ta morale main'nan! Aussinon te ferai mieux de penser au bafougne que t'ya mis dans toute la maison depuis que tu t'es disputée a'c Lucie la voisine du deuxième !

            - " A Çà y'es le 'oila y'avait longtemps. Et je me disais aussi comment ça se fait que Jo y m'en parle pas de cet'dispute ! Pourquoi ça t' genes que je me fais un peu respecter dans cette maison, o strounze ?
            - " Non, mais j'croyais que Lucie Belviso c'était ta copine. Vous étiez toujours accolées comme deux sœurs Diocane..... et d'un coup c'est la fin du monde entre vous ! Qui cats y comprends plus rien !
            - "Te sais Jo a'c moi ya des limites à pas dépasser et comme cette belle en cuisse à sait pas où c'est qu'a peut aller trop loin, alors avec elle j'ai vite serré le frein à main !
            - " C'est quoi que vous avez toutes les deux pour que c'est grave com'ça?
            - " Et ben je va te dire moi, et si on t'a raconté autre chose ça me fais un aller retour t'sur l'haricot, j'm'en fou. Fugure toi que la semaine dernière que c'était mon tour d'la lessive, et que j'avais pas beaucoup le temps à cause que je me suis tapé la journée à la terrasse. Et ben ta Lucie a devait me prendre le pain à chez Cravario et quand je l'ai vu à midi a m'a dit qu'elle avait pas pensé et à que c'était pas grave. Il a fallut que j'envoie avant que te rentres le petit de Yasmina la mouquère pour me chercher le pain. Et ça qu'c'est pas grave pour la Miss, ça m'a coûté les cinq sous que j'ai donné au p'tit arabe!

            - " Et a debon pour un truc pareil te fais tout ce fourbi ?
            - " Attends c'est pas fini, pourquoi ça qu'il a fait déborder le vase, c'est qu'aprés quand j'avais descendu le linge d' la terrasse, j't'avais mis toute les serviettes à sécher à la fenêtre d'l'a chambre t'sur le fil de fer, et madame a l'a pas trouvé mieux que d'e t'étendre elle aussi ses chiffons pour laver le parterre juste au dessur, et laisse que ça te dégouline t'sur le service de table ?
            - " Ah bon c'est pas ça qu'on m'a raconté alors !
            - " Jo je viens de te dire que tout ceux qu'y t'on raconté à leur manière, et ben qu'y zaillent s'la piliangoule ! Moi ça qu'j'te dis c'est la franche vérité ! Et pour te finir, quand hier au soir j'ai mis ma chaise devant la porte pour prendre un peu le frais aprés manger comme on fait d'habitude, et ben ta madame a l'est aussi descendue, a l'est passée raide raide à devant moi, et cette gatarelle a l'a été s'asseoir devant la maison d'en face avec cette stokafiche de Ninette Burba ! Alors pour pas t'la porter à la longue moi j'ai pris ma chaise et j'suis rentrée ! J'allais pas te 'oir toute la soirée cette Marie la folle devant les yeux ! Et j'te jure t'sur la tombe de mes morts, oh Jo, que main'nan je peux plus t'la 'oir en peinture ! Terminé. Et toi le galant homme à debon si te cherche à me faire racoler les morceaux, j'prends mes clics et mes clacs et je m'en va à chez ma sœur !
            - " Ouille m'an, aller ça va Chounette, agas main'nan de te calmer un peu que te finis ta robe. Et pis dans ta colère te 'ois pas que te m'as cousu ton ourlet 'ac mon patalon ?
            - " Bon Jo bouges plus, encore un p'tit moment et aprés on se fait un bon café pour se calmer les nerfs ! NON ?

Georges Barbara, Septembre 2022


Toi qui cherches.
Toi qui doutes.
Envoyé par Jean-Claude PUGLISI.
"Dans votre destinée tout est incertain,
le bonheur comme le malheur,
seule la mort est certaine."
" Douter, c'est déjà croire."
" Chanter, c'est prier deux fois."

Saint AUGUSTIN d'HIPPONE.

            Arrivé au crépuscule de mon existence, même, si dans ma tête, il me semble avoir toujours 20 ans - ce qui, par conséquent, ne peut en soi être une mauvaise chose. Cependant, étant depuis quelques années en retraite et ayant maintenant, tout le temps devant moi, pour faire ce qu'il me plaît, mais, aussi et surtout, réfléchir longuement sur bien des choses de la vie, lorsqu'il m'arrive très souvent de m'isoler du monde extérieur.
            Faire ce qu'il me plaît ? c'est à dire me consacrer à la lecture, regarder la télévision et communiquer via le Net avec mes semblables, ne rien faire... etc.
            Réfléchir sur bien des choses de la vie ? En particulier, de la naissance à la mort des hommes, est une question bien délicate, qui m'obsède depuis longtemps déjà et n'a pas l'air de s'arranger l'âge venant. Car, ne dit-on pas ? " Que nous sommes tous condamnés à mort dès nôtre naissance."
            Si faire ce qu'il me plaît n'est pas un problème, puisque, c'est une chose que j'assume, avec un cœur pur et une âme légère, il n'en est pas de même pour toutes les curieuses réflexions, qui viennent régulièrement encombrer mon intellect, sans même souvent me laisser un instant de répit. Mais, diable ! Quelles sont donc ? ces étranges pensées qui habitent mon crâne.
            Elles se résument en 6 mots et 2 phrases =
            " Toi qui cherches - Toi qui doutes."

            Mais, qu'est-ce que je cherchais et en quoi ai-je un doute ? Chrétien depuis mes ancêtres latins et jusqu'à un certain âge, j'avais fait miennes les préceptes de l'église, sans trop chercher à comprendre, tout en me disant toujours, que, la vie et la mort étaient un grand mystère et qu'il fallait se ranger aux paroles du Christ, sans trop essayer de les comprendre, ni, de trop réfléchir sur la question. Puis, le temps passa bien vite et mes activités professionnelles, m'ont entraîné dans le tourbillon de la vie, bien loin de toutes ces pensées parasites où, parfois, il m'arrivait tout de même de brièvement y revenir.
            Si, la vie, ne me posait aucun problème, puisque, l'on sait comment, elle prend naissance dans l'utérus de la mère, comment naît un enfant, puis, sa croissance, son adolescence, sa vie d'adulte et enfin sa vieillesse... Mais, où la question se complique, c'est lorsque arrive la mort d'un être humain. Pour ceux qui y croient, l'église nous enseigne depuis toujours, qu'au moment de la mort, l'âme quitte la dépouille mortelle et monte vers le ciel, donc, vers Dieu, les anges et les Saints du paradis... C'est, ce que j'ai pu croire longtemps, sans trop m'attarder sur la question. Mais, cependant, je restais dans cet état d'esprit où, toute discussion sur le sujet devenait tabou et superflue, car, nous étions des chrétiens, ce qui clôturait définitivement, toutes les autres formes de croyances, qui, étaient en apparence, non conformes aux dires des écritures saintes.
            Puis, un beau jour, le temps de la retraite aidant, le doute est venu progressivement envahir mon esprit et bien que je ne cessais de me répéter, ces paroles pleines de sagesse, du grand Saint-AUGUSTIN de Hippone qui a écrit = " douter, c'est déjà croire.", je pensais aussitôt = AUGUSTIN ! croire en qui et en quoi ? Peut-on croire à une chose que l'on ne connaît pas ? Puis, je me suis tourné vers le grand PASCAL qui, à son tour, a tenté d'être un peu plus rassurant, en disant à peu près cela :" Si l'on croit qu'il y a quelque chose après la mort, on aura gagné son paradis, mais, s'il n'y a rien et bien on n'aura rien perdu !"
            Qui croire dans tout cela ? AUGUSTN - PASCAL ? Ou bien, se faire sa propre idée et tenter autant que possible, de ne plus se poser de questions.
            Mais aujourd'hui, hélas ! je ne cesse tout de même de me les poser ces questions, en me disant bien songeur = " qui a-t-il après la mort ?"
            Comme je l'ai déjà indiqué plus haut, pour tous ceux de la religion catholique, la mort n'est qu'un passage à la vie éternelle, là, où les âmes rencontre Dieu et où, selon leurs mérites, ils seront assis à sa droite. Cependant, pour certains, ceux qui ont pêché, ce sera le purgatoire, voire l'enfer. Pourtant, pour ces derniers, la punition ne peut se résumer ainsi, car, il est dit dans le Coran = " Si Dieu ne pardonnait pas, le paradis serait vide." La vie éternelle dans l'attente de la résurrection ? voilà, ce que nous a inculqué de bonne foi et depuis toujours, la religion chrétienne qui est la nôtre.
            Il est curieux que de tous temps, les hommes se sont inventés des divinités, autrement dit des Dieux, qu'ils se sont mis à adorer. Dans l'Egypte ancienne on retrouve même, cette notion de vie après la mort et il est même fait état d'une trinité sacrée. Si l'on remonte dans des temps très anciens, les différents peuples de la planète, avaient des croyances frustes ce qui est certain, mais des croyances tout de même. Ainsi, depuis toujours, les hommes se sont inventés des religions, plus ou moins différentes les unes des autres, quand, il y a 2000 ans, est arrivé sur terre un homme, qui devait tout chambouler sur son passage, en apportant aux hommes de son temps la bonne parole et qui en 3 ans a bouleversé toutes les religions existantes et créé le catholicisme - j'ai nommé = Jésus-Christ.
            Pour les catholiques, ce qui est divin c'est de penser, comment ? cette nouvelle religion répandue dans le monde, peut-elle encore exister 2000 ans après.
            Mystère s'il en est !
            " Toi qui cherches - Toi qui doutes."

            On peut penser tout ce que l'on veut, mais, à mon sens, Jésus-Christ était un homme bon et plein de sagesse, mais, cependant, pas différent de ses semblables. Ses miracles se racontent dans les écritures et libre à chacun d'y croire ou non. Il a aussi été évoqué " une résurrection " au 3° jour de sa crucifixion, là aussi je pense que ce sujet est bien discutable.
            Mais revenons au sujet qui nous intéresse, je veux parler de la mort !
            Qu'en pense le médecin que je suis ?
            Le corps humain est constitué de différents organes et son fonctionnement obéit à des processus complexes, qui maintiennent en vie les êtres humains. Lorsque tous ces mécanisme s'arrêtent, c'est ce qu'on appelle la mort. Mais où est l'âme dans tout cela ? De quelle nature est-elle ? Où, loge-t-elle dans le corps humain ?.. Si l'on en croit les Israélites, l'âme serait un diamant d'une pureté remarquable, qui aurait été plus ou moins souillée par les pêchés des hommes ?.. De plus, qu'on vienne m'expliquer pourquoi ? l'église a décrété un jour, que les animaux n'avaient pas d'âmes, alors que tout comme les hommes, ils possèdent presque à l'identique, tous les organes nécessaires à la vie. Si les animaux n'ont pas d'âme, il n'ont pas par conséquent, les moyens d'atteindre le paradis et leurs morts ne peut que signifier " le néant ! " Pourtant, il est dit dans la génèse, que Dieu a aussi créé les animaux, donc, il leur a donné une âme.

            Que dire également de tout ce qui vit sur terre, en particulier tous les végétaux, pourquoi ? ne leur attribuons-nous pas aussi une âme. Mais, que dire des choses inanimées ? Auraient-ils également une âme.
            Si à l'exemple des animaux, nous décréterions un jour que les hommes n'ont pas d'âmes. Ce qui veut dire = pas de paradis, ni purgatoire et encore moins l'enfer... Quant à Dieu, deviendrait-il alors inexistant ? A leurs morts, ce n'est rien moins que " le néant " qui attendrait les hommes... C'est bien pour cela que vous me voyez septique, sur l'existence d'une hypothétique âme, qui quitterait le corps humain à son décès, pour se rendre dans les cieux rencontrer l'être suprême.
            A mon sens après la mort, ce ne peut être que " le néant " qui attend chaque être humain et en définitive, que restera-t-il de l'homme ? qu'un tas d'os secs perdus au sein des cimetières. N'est-il pas écrit dans les Saintes écriture :"Tu es terre et tu retourneras à la terre." Voilà, ce que je peux penser de cette histoire, qui à mon sens aurait été " inventée " au cours des siècles, peut-être ? pour permettre aux humains, d'avoir un autre regard sur la mort.
            " Toi qui cherches - Toi qui doutes."

            Pourtant, un exemple très simple, pourrait nous faire mieux saisir ce que l'on appelle " l'âme. " = Considérons un seul instant, une bouteille de verre bouchée remplie d'eau. Imaginons ensuite, que cette bouteille tombe à terre et se brise. Que pourrions-nous alors constater ? Des bris de verre restes de la bouteille et de l'eau qui s'est répandue sur le sol. On peut tirer de cet examen la conclusion que, les débris de verre, seraient ce qui reste de la bouteille, comme les restes du corps d'un être humain après sa mort. Quant à l'eau qui est répandue sur le sol, elle va très rapidement s'évaporer, tout comme une âme qui quitte le corps d'un défunt. Voilà peut-être ? une explication grossière, qui pourrait expliquer la réalité de l'âme, sachant, que l'être humain est constitué de 70 % d'eau.
            Que penser des êtres humains, croyants ou non qui redoutent la mort ? Pourtant, si certains croient fermement à la vie éternelle, au paradis et tous les délices qu'on y trouve, pourquoi ? ont-ils si peur de la mort. Peut-être ? que dans leur sub-conscient, ils doutent et se demandent si la mort n'est pas tout simplement = le néant.
            En attendant, rien ne m'empêche de toujours " chercher ", mais aussi de " douter " !
            AUGUSTIN n'a-t-il pas dit = " douter, c'est déjà croire."
            Après tout, les agnostiques qui ne croient en rien, croient tout de même "au Diable !"
            Alors ???
            Curieusement, je suis toujours attiré par la messe du dimanche, que j'écoute religieusement devant ma télévision. Au cours de l'office, je ne peux m'empêcher d'être très ému, avec souvent des larmes plein les yeux. J'ai essayé de comprendre cette émotion et ses larmes et j'ai conclu ma réflexion en pensant comme AUGUSTIN = " douter, c'est déjà croire."

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Pour compléter cette publication, je suis parti à la recherche de DIEU, dans une excellent ouvrage scientifique, dont je vous offre quelques lignes.
Tiré de l'ouvrage de JR. Dos Santos =
La Formule de Dieu.

            Il existe 3 grands problèmes métaphysiques que la science ne pourra jamais résoudre = Dieu - la Liberté et l'Immortalité
            KANT pense, que les scientifiques ne seront jamais en mesure, de prouver l'existence de Dieu, si nous avons ou non notre libre arbitre et de savoir avec certitude ce qui se passe après la mort. Ces questions, selon lui, ne sont plus du ressort de la physique, mais de la métaphysique.

            Elles sont au-delà de toute preuve.
            Parce que selon certains, il est possible d'obtenir des preuves même pour des questions métaphysiques. Il est constant de penser, qu'on pouvait démontrer l'existence de Dieu et résoudre le problème du libre arbitre et de l'immortalité.
            Qu'est-ce que Dieu ?
            Un vieux patriarche barbu qui regarde la terre d'un air soucieux, attentif à ce que chacun de nous fait, pense et demande et qui parle avec une grosse voix. Il faudra attendre l'éternité pour prouver l'existence d'une telle personnalité.
            Ce Dieu n'existe tout simplement pas. Il n'est qu'une pure invention anthropomorphique nous permettant de visualiser quelque chose qui est au-dessus de nous. Dans ce sens nous avons inventé Dieu comme une figure paternelle. Nous avons besoin de quelqu'un qui nous protège et nous défende du mal, qui nous prenne sous son aile, qui nous console dans les moments difficiles, qui nous aide à accepter l'inacceptable, à comprendre l'incompréhension, à affronter ce qui est terrible.
            Ce quelqu'un - c'est Dieu.
            Imaginons qu'il existe et que quelqu'un là-haut s'inquiète énormément de notre sort. Quelqu'un vers qui nous nous tournons, aux heures de détresse en quête de réconfort. Quelqu'un qui nous observe et nous soutienne =
            C'est Dieu.
            Il n'existe pas de Dieu anthropomorphique, que nous imaginons habituellement et que nous a laissé la tradition Judéo-Chrétienne. Mais qui est le Dieu de la Bible ? Ce personnage qui ordonne à Abraham de tuer son fils, juste pour voir s'il lui est fidèle. Dieu, ce personnage qui voue l'humanité au malheur, juste parce que Adam a mangé une pomme ? Quelle personne dotée de bon sens, peut croire à un Dieu aussi mesquin et capricieux ? Il est évident qu'un tel Dieu n'existe pas.

            Mais qu'est-ce qui existe alors ?
            Dieu est dans tout ce qui nous entoure. Non pas comme une entité au dessus de nous, qui nous surveille et nous protège, Mais, comme une intelligence créatrice subtile et omniprésente, peut-être amorale, qu'on rencontre à chaque pas, à chaque regard, à chaque respiration, présente dans le cosmos et dans les atomes, qui intègre tout et donne sens à tout.
            Si quelqu'un attend qu'on lui fournisse des image en DVD de Dieu en train d'observer l'univers, tenant dans une main les tables de la loi et caressant de l'autre sa longue barbe blanche, il sera déçu. Cette image ne sera jamais captée parce que ce Dieu n'existe pas.
            Si le Big-Bang a eu lieu, cela implique que l'univers a été créé. Avant le Big-Bang il n'y avait rien, ni espace, ni temps et cela n'a pas été comme on pourrait le penser, une explosion, mais, une expansion de l'univers. La question de la création renvoie au problème du créateur. Mais, qui a crée la création ? Ne peut-il y avoir des causes naturelles ? Dieu ne peut être qu'un problème naturel ! L'idée du surnaturel, les miracles, la magie... tout cela semble absurde.
            Si Dieu existe, il fait partie de l'univers, donc, Dieu est l'univers.
            La création de l'univers n'a pas été un acte artificiel, mais, un acte naturel, obéissant à des lois spécifiques et à des constantes universelles déterminées. Mais, la question revient toujours au même point. Qui a conçu les lois de l'univers ? Qui a déterminé les constantes universelles ? Qui a insufflé la vie à l'univers ? Voilà les questions que soulève la logique = la création renvoie au créateur.

            Par la logique, pourrait-on prouver l'existence de Dieu ?
            La logique n'établit aucune preuve, mais, la logique nous donne des indices. Dieu, en existant, ne laisse voir qu'une parcelle de son existence et cache la preuve finale derrière un voile d'élégantes subtilités.
            Dans le champ de la logique, le plus intéressant est présenté par Platon et Aristote, puis, développé par saint Thomas d'Aquin et affiné par Lebniz. Il s'agit de l'argument causal et l'idée fondamentale est simple à formuler. Nous savons par la physique que tous les évènements ont une cause et que leurs conséquences deviennent des causes d'autres évènements. Imaginons que nous recherchions les causes de tous les évènements du passé. En remontant de cause en cause, nous arrivons au moment de la création de l'univers. ce que nous désignons aujourd'hui sous le nom de Big Bang. Quelle est la toute première cause ? Qu'est-ce qui a mis la machine en mouvement ? Qu'elle est la raison du Big Bang ? Puisque le temps n'existait pas, il ne peut y avoir de causes qui précèdent le Big Bang. En vérité tout indique que le Big Bang a existé. S'il a existé c'est que quelque chose l'a fait exister. La question est, quelle est la première cause ? Qu'est ce qui a causé la première cause ?
            Dieu ?
            Mais, si on pense à l'hypothèse que l'univers est éternel, tout cela exclu Dieu. L'univers a toujours existé, il n'a aucune raison d'être, il est tout simplement. Dans l'univers éternel, sans commencement ni fin, l'effet des causes est infini. Il n'y a ni première cause, ni dernière conséquence. Mais la création, elle, renvoie à une première cause et implique l'existence d'un créateur. D'ou la question : qui a mis la machine en marche ?
            Dieu ?

            William Paley au XIXème siècle = imaginons de tomber sur une fleur qui gît sur le sol. il se peut que nous nous posions la question de savoir, comment cette fleur est-elle arrivée là ? Nous pourrions alors considérer, qu'une fleur est une chose naturelle. Imaginons que nous trouvions une montre. Après avoir examiné le mécanisme compliqué de la montre, on peut alors penser, qu'il s'agit d'une chose fabriquée par un être intelligent, visant un objectif spécifique.
            Pour quelle raison, pourrions nous donner à l'existence de la fleur, la même réponse que l'on accorde à l'existence de la montre ? Comment peut-on comparer la complexité d'une montre et la complexité d'une fleur ? Une fleur est beaucoup plus complexe et en regardant le vert feuillage des tilleuls et les fleurs d'un jardin, on ne peut que remarquer, combien l'univers est complexe, en tout cas plus complexe que le mécanisme d'une montre. Si une montre a été conçue par un être intelligent dans une intention précise, alors que dire d'une fleur ? Que dire de tout l'univers ? Si quelqu'un n'ayant jamais vu une montre, peut comprendre, en découvrant une pour la première fois, qu'il s'agit d'une création intelligente, pour quelle raison ne pourrions-nous pas, en contemplant la grandeur et la complexité intelligente de l'univers, aboutir à la même conclusion ?
            Si tout ce que nous voyons autour de nous, témoigne d'une volonté et d'une intelligence, pourquoi, ne pas admettre, qu'il existe une intention dans la création ? Si les choses se révèlent intelligentes dans leur conception, pourquoi, ne pas admettre, qu'elles aient été conçues par quelque chose ou, quelqu'un d'intelligent ? Pourquoi ne pas admettre qu'il existe une intelligence derrière ces créations intelligentes ? Où, se trouve cette intelligence ? On peut se poser la question de savoir où, se trouve l'auteur de la montre ? Si nous trouvions une montre par terre, il se peut que nous connaissions jamais l'intelligence qui l'a fabriquée, Cependant, pas un instant, nous ne douterions qu'elle a été conçue par un être intelligent. Il en va de même pour l'univers. Si nous ne connaissons pas l'intelligence qui l'a crée, mais, en regardant autour de soi, on peut alors comprendre qu'il s'agit d'une création intelligente.
            Les scientifiques croient de plus en plus que la profusion de lois et de forces existant dans l'univers provient du fait, que nous nous trouvions dans un état de basse température ? Il y a de nombreux indices qui montrent que les forces se fondent les unes dans les autres, quand la température s'élève au dessus d'un certain niveau. Pendant longtemps dominait la certitude qu'il existait 4 forces fondamentales dans l'univers = la force de gravité - la force électrostatique - la force forte et la force faible. Mais on a déjà découvert qu'il y a en fait 3 forces, dés lors que la force électromagnétique et la force faible constituent en réalité la même force, qu'on désigne maintenant sous le terme d'électrofaible. Il y a aussi ceux qui pensent que la force forte constitue une autre facette de la force électrofaible. Si c'est le cas, il ne reste plus qu'à unir ces 3 forces à la force de gravité pour arriver à une force unique. Beaucoup de physiciens pensent, qu'au moment du Bing Bang sous les très hautes températures qui régnaient, toutes les forces étaient unies en une seule super-force, qui pourrait être réduite à une équation mathématique simple.
            Or, quand on commence à parler de super-force, quelle image vous vient à l'esprit = DIEU ?
            Les scientifiques ont découvert, qu'à mesure que montait la température, l'énergie s'unifiait et les structures complexes subatomiques se brisaient révélant des structures simples. Sous une chaleur très intense, les forces se simplifient et se fondent dégageant ainsi la super force. Dans ces circonstances il serait possible de concevoir une équation mathématique fondamentale. Il s'agirait d'une équation capable d'expliquer le comportement et la structure de toute la matière et capable aussi d'expliquer tout ce qui arrive.
            Une telle équation serait la formule maîtresse de l'univers.
            Certains l'appellent = la formule de Dieu.
Jean-Claude PUGLISI
de La Calle de France
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage.


SAINT VINCENT DE PAUL A TUNIS
de Geneviève Ternant
Echo de l'ORANIE N" 265, NOVEMBRE/DECEMBRE 1999
Notre ami Jean-Pierre FLANDRIN nous envoie cet article qui ne manquera pas d'intéresser nos historiens.

       Cet apôtre de l'humanité, raconte lui-même, dans une de ses plus intéressantes lettres à M. Commet, qu'en se rendant de Marseille à Narbonne (1605) pour quelque œuvre pie, le navire qui le portait fut chassé dans le golfe du Lion par trois brigantins barbaresques qui s'en emparèrent après une vive résistance.

       "Les premiers éclats de leur rage, dit-il, furent de hacher notre pilote en mille pièces pour avoir pendu un des principaux des leurs, outre quatre ou cinq forçats que les nôtres tuèrent ; cela fait, ils nous enchaînèrent, et après nous avoir grossièrement pansés, ils poursuivirent leur pointe, faisant mille voleries, donnant néanmoins liberté à ceux qui se rendaient sans combattre, après les avoir volés, et enfin chargés de marchandises au bout de sept ou huit jours, ils prirent la route de Barbarie, tanière et spelonque de voleurs sans aveu du Grand Turc, où étant arrivés, ils nous exposèrent en vente, avec un procès-verbal de notre capture, qu'ils disoient avoir été faite dans un navire Espagnol, parce que, sans ce mensonge, nous aurions été délivrés par le consul que le Roy tient en ce lieu-là, pour rendre libre le commerce aux François.
       Leur procédure à notre vente fut qu'après qu'ils nous eurent dépouillé, ils nous donnèrent à chacun une paire de caleçons, un hoqueton de lin avec un bonnet, et nous promenèrent par la ville de Tunis où ils étaient venus expressément pour nous vendre.

       Nous ayant fait faire cinq ou six tours par la ville, la chaîne au col, ils nous amenèrent au bateau afin que les marchands vinssent voir qui pouvait bien manger et qui non, et pour montrer que nos plaies n'étoient point mortelles ; cela fait, ils nous ramenèrent à la place, où les marchands nous vinrent visiter, tout de même que l'on fait à l'achat d'un cheval ou d'un bœuf, nous faisant ouvrir la bouche pour voir nos dents, palpant nos côtes et sondant nos plaies, et nous faisant cheminer le pas, trotter et courir, puis lever des fardeaux, puis lutter pour voir la force de chacun et mille autres sortes de brutalités.
       Je fus vendu à un pêcheur qui fut contraint de se défaire bientôt de moi, pour n'avoir rien de si contraire que la mer et depuis, par le pêcheur, à un vieillard médecin satirique, souverain tireur de quintessences, homme fort humain et traitable, lequel, à ce qu'il me disoit, avoit travaillé l'espace de cinquante ans à la recherche de la pierre philosophale.
       Il m'aimoit fort, et se plaisoit de me discourir de l'alchimie et de sa loy, à laquelle il faisoit tous ses efforts de m'attirer, me promettant forces richesses et tout son savoir. Dieu opéra toujours en moi une croyance de délivrance, par les assidues prières que je lui faisais, et à la vierge Marie, par la seule intercession de laquelle je crois fermement avoir été délivré. L'espérance donc, et la ferme croyance que j'avais de vous revoir, me fit être plus attentif à m'instruire du moyen de guérir de la gravelle, en quoy je lui voyois journellement faire des merveilles : ce qu'il m'enseigna et même me fit préparer et administrer les ingrédients .....
       Je fus donc avec ce vieillard depuis le mois de septembre 1605 jusqu'au mois d'Août 1606, qu'il fut pris et mené au grand Sultan, pour travailler pour lui, mais en vain, car il mourut de regret par les chemins, il me laissa à un sien neveu, vrai anthropomorphiste, qui me revendit bientôt, après la mort de son oncle, parce qu'il ouit dire comme M. de Brèves, ambassadeur pour le roi en Turquie, venait avec bonnes expresses patentes du Grand Turc, pour recouvrer tous les esclaves chrétiens.

       Un renégat de Nice en Savoie, ennemi de nature, m'acheta et m'emmena dans son téma (ainsi s'appelle le bien que l'on tient comme métayer du Grand Seigneur), car là, le peuple n'a rien, tout est au Sultan; le téma de celui-ci étoit dans la montagne, ou le pais est extrêmement chaud et désert. L'une des trois femmes qu'il avait étoit Grecque chrétienne, mais schismatique ; une autre étoit Turque, qui servit d'instrument à l'immense miséricorde de Dieu, pour retirer son mari de l'apostasie, et le remettre au giron de l'Eglise, et me délivrer de mon esclavage. Curieuse de savoir notre façon de vivre, elle me venoit voir tous les jours aux champs, où je fossoyais, et un jour elle me commanda de chanter les louanges de mon Dieu.

       Le ressouvenir du "Quomodo cantabimus in terra aliena" des enfants d'Israël captifs en Babylone, me fit commencer, la larme à l'œil, le psaume "Super flumina Babylonis", et puis le "Salve Régina" et plusieurs autres choses, en quoy elle prenait tant de plaisir que c'étoit merveille. Elle ne manqua pas de dire à son mari, le soir, qu'il avait eu tort de quitter sa religion, qu'elle estimoit extrêmement bonne pour un récit que je lui avois fait de notre Dieu, et quelques louanges que j'avais chanté en sa présence: en quoy elle disait avoir ressenti un tel plaisir, qu'elle ne croyoit pas que le paradis de ses pères, et celui qu'elle espéroit, fut si glorieux, ni accompagné de tant de joye, que le contentement qu'elle avait ressenti pendant que je louois mon Dieu; concluant qu'il y avoit en cela quelque merveille.

       Cette femme, comme un autre Caïphe, ou comme l'ânesse de Balaam, fit tant par ses discours, que son mari me dit dès le lendemain, qu'il ne tenait qu'à une commodité que nous nous sauvassions en France; mais qu'il y donnerait tel remède que dans peu de jours Dieu en serait loué. Ce peu de jours dura dix mois qu'il m'entretint en cette espérance, au bout desquels nous nous sauvâmes avec un petit esquif et nous rendîmes le 18 Juin à Aigues-Mortes, après en Avignon où le vice-légat reçu publiquement le renégat avec la larme à l'oeil et le sanglot au cœur, dans l'Eglise de Saint-Pierre à l'honneur de Dieu et édification des assistants."
D'après, " Histoire de la Régence d'Alger " de Clausolles
imprimerie J.B. Paya Editeur. Toulouse 1843.



LES FROMADJADES
Gisèle A.
ACEP-ENSEMBLE N° 298-décembre 2015

               Temps : 30'

               Pour la pâte brisée: Pour 4 à 5 personnes
               
               - 500 grammes de farine,
               - 200 grammes de saindoux,
               - un sachet de levure.
               Mélanger tous les ingrédients et préparez votre pâte brisée. Laissez reposer au frigo pendant une heure.

               Pour la Farce :
               - deux soubressades,
               - 300 grammes de gigot d'agneau,
               - 200 grammes de poitrine de porc,
               - le jus de deux citrons,
               - du cumin en poudre.
               Couper tous les ingrédients en petits cubes et les mettre dans un saladier.
               Ajouter le cumin et le jus de citron. Bien mélanger et laisser mariner deux heures.
               Étaler la pâte et la découper en cercles de 10 centimètres de diamètre.
               Déposer un peu de farce sur la moitié des cercles et rabattre la pâte dessus pour former une demi-lune. Écraser les bords afin de les souder.
               Badigeonner de jaune d’œuf, Faire cuire à four chaud à 220 degrés pendant 15 à 20 minutes. Servez chaud et... régalez-vous.

UNE GROSSE FROMADJADE
    


PHOTOS de TIPAZA
Envoyées par Groupe de voyage Bartolini


















JOUE CONTRE JOUE…….
Envoyé par M. Georges Barbara
LULU un paisible retraité Bônois entend Aznavour chanter " joue contre joue. " Une chanson qui réveille en lui moult souvenirs, et machinalement il prend sa femme dans les bras, l'entraîne à danser dans sa minuscule cuisine, tout en fredonnant en même temps cette inoubliable chanson !
"LES PLAISIRS DEMODES"

            -" Viens, découvrons toi et moi les plaisirs démodés
            Ton cœur contre mon cœur malgré les rythmes fous….
            Dansons joue contre joue ….


            - " Te veux un peu t'la fermer Ô Lulu, t'ya tout d'l'avion là, t'le sais? A'c les escortes vocales que t'ya on dirait plusque un corbeau.. ( elle rit) qu'un Tino Rossi à la manque ! … La madone de toi, laisse qu'y te chante Aznavour t'sur le poste Diocane, toi a'c le bordel que te fais on entend plus rien et à comment te veux danser ? Et tu voulais t'le faire ce slow et ben on s'le fait, aussinon moi, j'ai tout le poisson qu'y m'a porté mon frère Nano à nettoyer!
            - " Non c'est juste qu'les paroles de cet' chanson a me rappelle le temps des kermesses quand on s'est connus ! Tu t'arrapelles ? Le temps où j'te faisais les yeux de merlans frits et que j'me disais celle àa y faut que j'm'la tombe. Diocane com'ça passe vite, c'est con la vie t'sais Germaine. Adebon on étaient jeunes toi et moi ! Ousqu'y sont nos vingt ans. Et qu'y cats y nous bougeait à ce moment là ?... ( Et laisse le Lulu qu'y te roprends la chanson )...

            - "Je veux sentir mon corps par ton corps épousé
            Dansons joue contre joue "

            - " Et l'atchidente, y rocommence, ce Dandalon... à qu'y te parles toi, et pis ne te colle pas comme ça t'sur moi o Lu, que j'ai le tablier qu'y sent le poisson. Alors danse, aussinon que moi j'ai aut'chose à faire. Et y t'a passé quoi par la tête tout d'un coup, que te m'as pris dans les bras pour danser. Moi que j'étais à faire ma bouillabaisse ? T'yas du encore te voir un de ces madonnes de trucs à la télé toi, je 'ois d'ici non ? Que les choses a te montent à la tete com'ça, c'est pas possible!

            - " Entends ça qu'y chante entends !
            - " Viens, noyée dans la cohue, mais dissociés du bruit
            Comme si sur la Terre il n'y avait que nous…

            - " Te peux le dire ça alors... Que nous !... Que nous ? Diomadone t'oublies les 'oisins les Xicluna ( elle re-rit) qu'y z'habitent à coté y z'ont toujours la porte de leur terrasse qu'elle est ouverte. Et ben qu'y doivent entendre ce bordel à quatre heures d'l'apres midi, y vont penser quoi, te m'le dis ? Et pis je romarque que te danses aussi mal que quand on s'est connus à la kermesse du basket de l'ASB ! Et si je m'arappelle bien, te transpirais comme une gargoulette ... C'était a debon ton promier slow que te faisais, ou alors c'était la promière pastèque que te prenait dans les bras ? Assaouar 'ac toi ?
            - " Agas arrete un peu te 'ois pas que j'suis en transes... En transes Napolitaines O ma Fi...Diocane, J'te plane j'te plane !

            - " Glissons les yeux mi-clos jusqu'au bout de la nuit
            Dansons joue contre joue-…

            - " Au bout d'la nuit ? Ô Lulu c'est sérieux main'nan, te te joues des films a debon ! ? Aller va faire des cages va. Te crois pas qu'on va rester là comme deux stroundzes j'usqu'a demain matin non ? Déjà que Ciçou notre p'tit fils y va te rentrer de l'école, te sais qu'y va t'être bientôt quatre heures. Alors le bout d'la nuit agas d'aller le faire avec qu'y te veux ! Mais toi te continues à faire ton cilema... Mais moi agas ça qu'y m'arrive ojourd'hui…. Y m'a débarqué à chez moi ça qu'y z'appelle le Don Juan des cuisines ! ( ell poufe de rire ) Adebon y faut que j'me pince pour sa'oir si c'est vrai !
            - " Mais madone Germaine, et qui nous sommes ? On est des bons vivants ou on est pas ? Alors comme y disait Binguèche " laisse tomber l'appareil, la photo à se prend tout seul !

            - " Viens plus prê
            Serre toi plus fort encore
            Et t'occupes pas des autres, on est…

            - " Ouais ! Te sais ça qu'tu dis là au moins ? C'est çà, viens plus prêt. Mais t'ya vu ce madone de ventre que t'ya. ... Viens plus prêt ! Manque un peu qu'on va te prendre pour le gros qu'y te joue dans Laurel et Hardy... Et pis ça qu'tu dis adebon y me fait penser que t'ya juré t'sur tous les saints d'la récréation, que soit disant te devais faire le régime quand on serait rentrés des vacances qu'on s'a passées à chez ma soeur à Duzerville ! Tiens monte la t'sur, y peut mourir de faim ton régime à debon ! Et t'ya un madone de courage quand te dis viens plus prés de moi, te m'en fais un de Viens plus prêt, toi…
            - " Aller mets là au point mort o Fi, que la chanson a va finir là ! Te profites de rien toi. Fais com'moi là comme te me 'ois, et ben j 'suis de Bône moi, te comprendras jamais rien. La poésie et toi vous z'avez pas passés en même temps la porte des Carezaz, te peux être sur !
            - " Viens, noyée dans la cohue, mais dissociés du bruit
            Comme si sur la Terre il n'y avait que nous

            - " Aller laisse tomber Lulu et pour l'amour de Dieu si te veux passer la nuit dans la cuisine, agas d'aller te chercher un coussin et mets toi t'sur la chaise à côté du buffet, et moi laisse-moi que je fais ma bouillabaisse !

            - " Glissons les yeux mi-clos jusqu'au bout de la nuit
            Dansons joue contre joue
            Dansons joue contre joue


            - " Bon o Lu agas te descends en bas ouvrir le corridor que Ciçou le p'tit y va te sorir de l'école et la porte a l'est fermée !
            Lulu s'en va en fredonnant la fin de la chanson !
            MHUUUMMM ! MHUUUMMM !……
            JOUE CONTRE JOUE…….

Georges Barbara, Octobre 2022



MUTILE N° 177, 23 janvier 1921

Jean BATTAREL, héros ignoré

       Le 16 août 1920, Jean-Louis Battarel, de Birkadem, fils du docteur Battarel, alors médecin-Major " à Salonique, quittait l'Algérie. Bien simple ce départ ! Pensez donc, en cette période, de grande lutte, de floraison de géants, Battarel n'était, qu'un infirmier militaire !
       Le 19 septembre de la même année Battarel est nommé pharmacien auxiliaire. Le 18 octobre il est attaché à un bataillon de Sénégalais au camp de la Péguière.
       C'est alors que sur cette cote d'Azur à Fréjus, en ce pays de soleil et de joie que notre ami regretté commença ses essais néfastes.

       Vous tous amis, frères d'armes... anciens combattants, si grande qu'ait été votre bravoure, vous avez eu un moment d'effroi, le frisson de la petite mort vous a glacé pendant quelques secondes dans les jours de combats ou aux moments où le sol, bouleversé par le pilonnage de l'artillerie menaçait à chaque instant de vous engloutir, de vous étouffer, de vous broyer.
       Pourtant un avantage vous restait : vous ne voyez pas venir la mort ! Le fatalisme pouvait vous être d'un grand secours !
       Eh ! bien ! il en est parmi ceux de l'arrière, parmi ceux qui ne combattirent que la mort lâche et scientifique, il en est qui ont droit à notre entière admiration.
       Battarel fut au camp de la Péguière, expérimentateur de masques à gaz asphyxiants, il fut de même préparateur de ces horribles produits de la chimie moderne, qui pourtant, nous valurent la victoire !
       Il fut de ceux qui, entrés dans une salle close, dans une salle qui est, un demi-tombeau, de leur main appuyée sur un simple robinet donnent passage aux gaz funestes et à la... mort !
       Mais Battarel, seul, peut dire exactement ses impressions, il écrivait, le 10 mars 1917, à sa femme ;
       ...Depuis deux jours je suis chargé de fabriquer, sur de certaines données, les gaz asphyxiants employés actuellement par les boches.
       Cela n'a d'agréable et c'est surtout très dangereux. Nous avons eu ce matin une expérience pratique pour essayer les nouveaux masques. Ces nouveaux gaz asphyxiants sont terribles ; en trois bouffées, c'est-à-dire et en moins de 30 secondes, il est impossible de ramener un homme à la vie ; la mort est foudroyante. Tout ce qui est médecins ou pharmaciens depuis le plus haut grade jusqu'au plus petit était convoqué pour assister à cette expérience et personne n'a pu s'échapper ! (un appel nominatif ayant été fait par notre Directeur en chef).

       Donc à l'heure convenue, affublés de nos masques, nous avons pénétré dans une chambre close où un pharmacien avait préparé ces maudits gaz ! Nous étions une quarantaine, un seul, un médecin principal de 2° classe s'est trouvé indisposé, pas sérieusement d'ailleurs, à cause de sa barbe. Son masque ne collait pas suffisamment et les gaz avaient pu pénétrer par l'intervalle produit entre le bord du masque et la peau. Tu vois qu'il en faut peu!... Quant à moi je n'ai absolument rien senti....
       ....Tout cela pour t'expliquer ce que je vais avoir à faire.
       Demain dimanche, de 8 à 12 heures et de 2 à 5 heures, puis lundi et mardi aux mêmes heures, je suis chargé de fabriquer ces maudits gaz, il faut que pendant ces trois jours, je fasse passer dans cette chambre à mort SEIZE MILLE HOMMES.
       Que c'est beau la chimie ! mais que c'est criminel ! plus qu'un fusil certainement ou qu'un 76 ! C'est la guerre !!!...

       Ce 12 mars 1917.
       ....Enfin j'en suis à ma 102° expérience, à 100 hommes chaque fois, ce qui me fait DIX MILLE DEUX CENTS HOMMES qui sont passés dans cette fameuse chambre où l'on apprend à mourir ou plutôt.... à se défendre contre la mort.

       Ce 13 mars 1917.
       ....C'est fini... ouf.!... ce n'est pas trop tôt !.... la puissance de pénétration de ces récents gaz est telle que les pièces d'argent que j'avais dans mon porte-monnaie en cuir, ce dernier dans ma poche, ont été oxydées !
       Les noirs qui avaient des poux, des puces en ont été débarrassés ! Tu vois que tout en n'étant pas au, front on risque autant si ce n'est plus, car la moindre défectuosité du masque suffit à laisser passer la mort implacable.

       En 1918, Battarel assure sous le feu, ennemi, le transport des grands blessés par train sanitaires, ce qui lui permet de montrer ses hautes qualités de soldat français et d'homme de cœur !
       Mais les gaz, les maudits gaz l'ont touché. Brusquement il tombe malade ! Evacué le 2 juin 1918 de la zone des armées, il meurt pour la France le 4 août 1918 à l'hôpital de Cognac, laissant, à la fleur de l'âge une jeune femme chérie et deux fillettes !
       De tels sacrifices dignes d'être portés au fronton de la postérité restent malheureusement ensevelis dans la nuit !
       Mais un hommage matériel, une décoration posthume, une citation administrative ne sont rien, ou tout au moins fort peu, en comparaison de la grandiose impression de sympathie et de pieux souvenir que Battarel a laissé dans le coeur de ses frères d'armes !
       Car ceux-ci, n'oubliant jamais le son du gong, les sonneries lugubres qui annonçaient dans les tranchées, les vapeurs mortelles, n'oublieront jamais ceux qui moururent victimes de la science, pour les en préserver !
       Ami Battarel repose en paix, les reconnaissances humaine et française te sont acquises !

LE MUTILE.


       N. D. L. R. - A cette mère, à cette épouse de héros il est répondu aujourd'hui, " vous n'avez pas droit au pécule, votre mari n'est pas mort en combattant. !"
       Souhaitons que le législateur, en un louable retour sur lui-même, fasse accorder à ceux que le regretté Battarel a laissé après lui, le pécule modeste qu'ils réclament.
       LA DIRECTION.



Patronage Saint-Louis d'Oran
(Joyeuse Union)

Bibliothèque Gallica Algérie catholique N°7, 1936

       Parmi les nombreuses institutions catholiques dont s'enorgueillit à juste titre le diocèse d'Oran, il faut citer au premier plan le Patronage Saint-Louis qui fut le point de départ d'une vaste agglomération d'œuvres connues uniformément sous le nom de "Joyeuse Union" dirigée par les Fils de Saint Jean Bosco, les Salésiens.
       Faire l'historique de cette admirable société, c'est assurément écrire une des plus belles pages de l'Oranie catholique.
       Nous nous excusons d'avance de n'en pouvoir donner ici qu'une pâle relation renvoyant nos lecteurs pour plus de détails à la merveilleuse brochure sur "Les oeuvres Salésiennes en Oranie " éditée par un ancien élève du Patronage Saint-Louis.
       Les "Œuvres Salésiennes en Oranie" par Jules Pommiès, luxueuse plaquette illustrée, 83 pages, format 15 X 24 sur papier couché. Prix, franco, 7 fr. chez l'auteur, Curé de Montgolfier (Oran). Chèque postal 4108 Alger.

       C'est à Mgr Géraud-Soubrier, évêque d'Oran (1886-1898) que revient le mérite d'avoir attiré dans son diocèse les Salésiens.
       Ce charitable prélat qui avait pris pour devise " erigens pauperem " s'intéressait surtout aux classes laborieuses de son diocèse. Dès son arrivée dans sa ville épiscopale il s'était penché avec amour sur la portion la plus délaissée des bas quartiers de la ville d'Oran dont la "Marine" et la "Calère " offraient alors le spectacle d'une foule grouillante à l'immoralité de la rue que le zèle du clergé paroissial ne parvenait pas à dominer. C'est alors que Mgr Soubrier fit appel aux Salésiens.

       Ceux-ci débarquèrent à Saint-Louis d'Oran le 24 août 1891, au nombre de sept, sous la conduite du R. P. Bellamy, noble et belle figure sacerdotale dont l'inépuisable bonté s'alliait à une étrange fermeté au point d'être aussi redouté que follement aimé. C'est lui qui a donné à la "Joyeuse Union" cette admirable formation qui garde encore aujourd'hui la trace de sa forte empreinte.
       Sitôt arrivés, les Salésiens prirent la direction de la Maîtrise de la Cathédrale. Elle devait pendant douze ans donner un nouveau lustre aux cérémonies pontificales pour la beauté de ses chants.
       Parallèlement à la Maîtrise, les Salésiens fondèrent un patronage pour la classe populaire à la rue Ménerville, n" 1, sise sur la paroisse Saint-Louis. Ce fut le premier patronage catholique dans le diocèse. Ce que furent les débuts de cette œuvre, connue sous le nom d'œuvre du Jeudi, il convient de le demander à ceux qui en furent les premières pierres et dont l'âge dépasse aujourd'hui la cinquantaine.

       Avec le patronage Saint-Louis, les Fils de Don Bosco ouvrirent une modeste école primaire qui prenait la suite de celle des Frères des écoles chrétiennes dont le départ de la paroisse avait précédé l'arrivée des premiers Salésiens.
       Patronage et école étaient installés dans un immeuble que les vieux Oranais ont connu comme étant le siège du premier Palais de Justice. La salle d'audience où les arrêts de la justice humaine avaient tant de fois retenti sur un monde coupable devint la chapelle de Notre-Dame Auxiliatrice, la première que les Fils de Don Bosco ouvrirent en Afrique. Elle fut bénie le 11 décembre 1891 par Mgr Soubrier et rattachée aussitôt au Centre de l'Archiconfrérie de N.-D. Auxiliatrice à Turin.
       L'école Saint-Louis ne tarda pas à s'imposer par sa bonne tenue et ses succès scolaires.
       Plus de cent cinquante enfants s'y pressaient chaque année répartis en cours préparatoire, élémentaire et moyen. Plus tard on adjoignit le cours supérieur. La musique et le théâtre occupaient les loisirs des élèves. Les réunions mensuelles, puis les distributions trimestrielles de récompenses étaient pour le Père Bellamy l'occasion de donner de précieux avis, d'encourager les bonnes volontés et de secouer aussi les indolents. La fin de l'année était couronnée par une magnifique distribution de prix toujours présidée par une personnalité ecclésiastique. Mgr Soubrier se faisait un plaisir d'y offrir toujours le grand prix de catéchisme.

       Le Patronage Saint-Louis, sous l'influence moralisatrice de ses dirigeants donnait dès les premières années de consolants résultats. Peu à peu une élite se dégageait de cette troupe d'enfants, encore mal façonnée et se concentrait dans les Confréries de Saint Louis de Gonzague et plus tard du Saint-Sacrement dont les réunions étaient fréquentes. Les louveteaux se transformaient peu à peu en agneaux doux et paisibles ; plusieurs mêmes aspiraient à devenir bergers.
       De fait les vocations ne tardèrent pas à surgir ; vint un jour, en 1894, moins de trois ans après l'ouverture du patronage, où trois jeunes lévites revêtaient le saint habit aux pieds de N.-D. Auxiliatrice. L'élan était donné ; l'exemple devait être suivi par d'autres.

       Le patronage fut doté dès le début d'une modeste fanfare qui après bien du mal réussit à mettre sur pied... une marche funèbre... pour accueillir le Père Bellamy de retour d'un voyage en France.
       Comme réception triomphale c'était... avouez-le... un peu macabre.
       Avec le temps, la fanfare fut Baptisée "Joyeuse Harmonie" et connut des jours de gloire sans précédents allant jusqu'à grouper plus de quinze mille personnes sur la promenade de Létang au retour d'un de ses concours.
       Avec la fanfare, le patronage disposait en outre d'une petite scène avec des décors de fortune souvent en papier. Les représentations" étaient des plus rudimentaires avec un éclairage dû au pétrole et aux lanternes vénitiennes. C'est cependant cet humble début qui est à l'origine du grand théâtre chrétien de la Joyeuse Union où accourt aujourd'hui tout Oran pour assister aux drames grandioses de la Passion et de Jeanne d'Arc.

       Le Patronage Saint-Louis fut aussi le rendez-vous pendant plusieurs années des militaires en garnison à Oran. Une Œuvre de soldats y fonctionna sous la haute direction du Père Bellamy. Elle donnait déjà de consolants résultats lorsque des raisons majeures intervinrent pour la faire dissoudre. Cette œuvre sera reprise plus tard avec un succès accru.


       Le Père Bellamy s'était préoccupé dès les premières années d'assurer le prolongement des efforts réalisés par les Salésiens dans l'éducation des enfants du peuple. Dans ce but, il avait réuni en une association amicale les élèves qui, une fois leurs études terminées, quittaient l'école ou le patronage, à la recherche d'une situation en ville. Cette association vivement désirée par les intéressés eux-mêmes qui ne savaient pas se résigner à une séparation d'avec leurs maîtres bien-aimés, vit le jour en 1895, le 8 décembre, à l'école Saint-Louis, sous le nom de "Joyeuse Union".

       La marguerite fut choisie plus tard comme l'insigne de l'Union. Cinq au début, ils sont aujourd'hui légion. Le noyau de cette association était formé par les anciens élèves sur place ; bientôt elle s'agrégea les anciens élèves résidant au dehors. Et pour avoir l'occasion de se revoir au moins une fois par an, l'on institua sous le nom de "Fête des Anciens" une journée de prières et de saines diversions qui avait lieu chaque année en janvier en la fête de Saint François de Sales, patron de la Congrégation salésienne.
       Chaque dimanche, les anciens élèves se donnaient rendez-vous à l'Oratoire de Jésus-Adolescent situé au faubourg d'Eckmulh, prolongement du patronage Saint-Louis, nouvelle œuvre créée en 1893 par le Père Bellamy pour l'histoire de laquelle nous renvoyons nos lecteurs à la brochure déjà citée au début de cet article.

       Là, ils assistaient aux offices religieux et prenaient leurs ébats en vrais fils de Don Bosco. Les répétitions de musique, de théâtre, de chant occupaient toujours une partie de la journée qui se terminait par un modeste café pris dans la salle des fêtes et la prière du soir avec le chant du "Sub Tuum" et le traditionnel " petit mot du soir ".
       Le Père Bellamy, dès le début de la fondation de la "Joyeuse Union" réservée aux seuls anciens élèves s'était préoccupé de parachever la formation salésienne en développant chez ses adhérents les deux vertus de base sans lesquelles, les autres ne sauraient subsister : la piété et le zèle.
       De là naquit tout d'abord la "Pieuse Union du Sacré-Cœur" qui groupait tous les vendredis soir l'élite des membres de la " joyeuse Union ".
       On y récitait le petit office de la Sainte Vierge suivi d'une courte conférence de piété. La communion hebdomadaire à la Messe du dimanche était en honneur dans le groupe.

       En mai 1898 le Père Bellamy jugea bon de mettre à l'épreuve la piété de ses chers anciens en lui assignant comme but précis de son action : le dévouement.
       De là, la fondation de la Conférence de Saint-Vincent de Paul, dite de Jésus-Adolescent.
       Cette conférence de Jésus-Adolescent après avoir passé par bien des vicissitudes est actuellement une des plus florissantes de la ville d'Oran et elle visite aujourd'hui 37 familles avec un budget de plus de huit mille francs par an.
       Nous voici en 1903. Après douze ans d'activité salésienne le Patronage Saint-Louis subit à son tour en Algérie le contre-coup des lois scélérates sur les Congrégations en France. C'est la "joyeuse Union" qui entre maintenant en scène. Ce sont les Anciens qui vont relever le superbe édifice dressé par le Père Bellamy.


       Personnel dirigeant et locaux ont dû céder devant la persécution. C'est l'exil pour les premiers ; c'est la spoliation pour les seconds. Un homme apparaît alors au premier plan, c'est le Père Léon Beissière qui succède au Père Bellamy qui, deux ans auparavant, avait quitté la direction des Œuvres Salésiennes en Oranie.
       La Maîtrise, la "Joyeuse Union ", la Joyeuse Harmonie, la Conférence de Jésus Adolescent, reçoivent l'hospitalité au presbytère Saint-Louis, que le vénérable Archiprêtre, M. le Chanoine Mathieu, met à leur disposition.
       Lui-même se réfugie dans une maison voisine pour plus de commodité. La crypte de la Cathédrale Saint-Louis servira de chapelle pour les exercices de piété du dimanche. Le Patronage Saint-Louis s'y réunira en outre tous les jeudis n'ayant pour tout horizon que la rue, face au commissariat de police.

       Ce sont les anciens de la "Joyeuse Union " qui, tour à tour paient de leur personne pour suppléer le personnel dispersé. La marche des œuvres un moment ralentie reprend sa course en avant. L'école n'étant plus possible ; c'est le Patronage qui acquiert une plus grande extension, c'est la Joyeuse Harmonie qui prend pour la première fois possession de la rue, sans crier gare ; c'est une magnifique chorale qui remplit de ses puissants concerts les salles et les églises de la ville, c'est l'œuvre des soldats qui reprend, c'est la Conférence de Jésus Adolescent qui se développe et étend son rayon d'action, c'est l'œuvre de la Bonne Presse qui s'établit, c'est le Théâtre chrétien qui attire les foules, c'est, en un mot, un débordement d'activité salésienne qui envahit la ville et s'étend sur tout le diocèse par ses magnifiques randonnées à travers villes et villages pour représenter le grand drame de la Passion.
       Entre temps, le nid est reconstruit. La "Joyeuse Union" quitte le presbytère pour s'établir d'abord au n° 18 de la rue de l'Arsenal, en bas de l'église Saint-Louis, puis définitivement au n" 28 devenu actuellement le 24.

       En 1914, la Joyeuse Union est de nouveau fortement secouée. C'est la grande guerre. Pendant quatre ans, elle tiendra à l'arrière. Elle laissera sur-le-champ de bataille 29 de ses meilleurs jeunes gens. Mais elle sortira de la tourmente glorieusement mutilée, avec un palmarès de citations, de croix de guerre, de Légion d'honneur, de grades acquis dans les combats meurtriers, dont la lecture aussi émouvante que passionnante témoigne du douloureux tribut offert par la " Joyeuse Union " sur l'autel de la Patrie. Alors que tant d'œuvres ont disparus du fait de la guerre, le Patronage Saint-Louis s'est retrouvé fortement reconstitué et comme après les sombres événements de 1903 le voilà de nouveau reparti pour une nouvelle épopée qui dure jusqu'à ce jour.

       Depuis, d'autres dirigeants sont venus prendre successivement les leviers de commande de la " Joyeuse Union " Mais, c'est toujours le même esprit qui règne, l'esprit salésien. C'est toujours la forte direction du vénéré Père Bellamy, fondateur de la J. U., qui subsiste c'est toujours la piété salésienne qui est à la base de son développement merveilleux.

       Nous terminerons cet exposé forcément incomplet du Patronage Saint-Louis en jetant un rapide coup d'œil sur la situation actuelle.
       Sous le nom de " Joyeuse Union " l'on désigne tout un ensemble d'œuvres qui ont pour origine le Patronage Saint-Louis.
       Elle comprend aujourd'hui deux vastes locaux.
       Le premier à la rue de l'Arsenal : le second au faubourg d'Eckmülh. Dans chacune de ces maisons avec leur autonomie particulière, c'est la même oeuvre avec la même organisation.
       Le local de Saint-Louis continue à porter le nom de Patronage Saint-Louis, c'est la " Joyeuse Union " proprement dite, des Anciens.
       Le local d'Eckmühl, par suite de l'extension de l'oeuvre et pour se différencier de celui de Saint-Louis, prit le nom de " Cercle de Don Bosco " (Anciens) et abrite le Patronage de Jésus Adolescent dont il serait un jour intéressant de faire l'historique.
       Dans chacune de ces deux organisations, l'on distingue :
       1" Les Anciens à partir de 21 ans ;
       2" La " Joyeuse Union " ou Cercle de Don Bosco, à partir de 16 ans ;
       3" Les patronages de Jésus Adolescent ou de Saint-Louis, à partir de 7 ans.

       L'oeuvre totalise avec les deux locaux plus de 800 membres actifs sans compter les membres coopérateurs ou bienfaiteurs.
       Il nous plait de rappeler que l'Académie française en 1910 décerna à la " Joyeuse Union " le Prix Montyon.

       Aujourd'hui, on trouve un peu partout les Anciens de la "Joyeuse Union ".
       Elle a fourni une douzaine de prêtres soit au diocèse, soit aux familles religieuses, soit aux Missions étrangères. L'un d'eux, oranais de la première heure, occupe actuellement les hautes fonctions d'assistant du Supérieur général de la Congrégation Salésienne.

       Les grandes administrations, le haut commerce, la marine, l'armée, la magistrature, l'armement, les professions libérales, le patronat, l'artisanat comptent dans leur sein de nombreux anciens élèves élevés à l'école de Don Bosco à Oran. Ils représentent une force et un élément de pondération de premier ordre dans les assises de la société.
       Les fêtes de la Béatification et de la canonisation de Don Bosco à Oran donnèrent lieu à de grandioses manifestations qui mirent en évidence la puissance vitalité de l'œuvre des Salésiens.
       Telle est la splendide activité qu'il nous a été donné de constater à Oran où nous avons pu recueillir sur place ces éléments d'information dont nous sommes heureux de faire part à nos lecteurs.
       Heureux le diocèse d'Oran qui possède une telle œuvre. Il peut regarder l'avenir avec confiance.
       C'est avec de pareille formation que l'Eglise parviendra à regagner les masses et à les soustraire à l'empire des partis de désordre.
       NEMO        


L'œil du trépassé.

par Jean Claude PUGLISI,
        C'est une chronique bien curieuse, que celle dont il va être question et qui montre si besoin était, combien l'ignorance et la superstition de cette époque révolue, pouvaient parfois frapper l'imagination des gens de chez-nous, là-bas autrefois à La Calle de France en barbarie.
        Notre bonne ville de La Calle en barbarie, si elle était incontestablement aux 18 et 19° siècle l'un des premiers comptoirs commercial du royaume de France, elle pouvait aussi se targuer d'être la première des colonies françaises à s'installer sur les côtes d'Afrique de l'Est. L'histoire et la tradition orale nous apprennent qu'elle est née de la pêche au corail, ce joyaux flamboyant de la méditerranée Calloise, qui reste aujourd'hui encore et bien au-delà du temps, l'un des plus beaux et des plus précieux du monde, puisqu'il fit jadis la célébrité de notre cité et l'immense fortune de la magnifique compagnie d'Afrique, laquelle, exploitait alors les abondants champs de coraux, qui fleurissaient dans les abysses du vaste golfe de La Calle. Sa population européenne faite surtout de ressortissants italiens, corses, provençaux, maltais… N'a jamais dépassé les 5000 âmes même dans le cours des années les plus fastes. C'est au sein de ce creuset fabuleux, où se mêlaient harmonieusement et sans façon diverses races, faites de gens simples et laborieux avec leurs cultures et traditions particulières, leurs religions et croyances diverses, où se mêlaient régulièrement toutes les superstitions ancestrales mises en commun et adoptées dans la vie de tous les jours, que devait naître du brassage de toutes ces différentes ethnies, l'attachant et prestigieux petit peuple de la cité du corail.
        Si de son temps, l'académicien Marcel Pagnol a su merveilleusement chanter la Provence et ses collines, avec Marseille et son vieux port en toile de fond, dans les pages de sa célèbre trilogie, en y mettant sans compter beaucoup de couleurs locales et d'éclats de voix aux accents particuliers, il faut tout de même savoir que quelque part vers le sud et de l'autre côté de la méditerranée, il se trouvait aussi, blottie dans un petit coin de paradis au parfum de corail, éternellement coloré par le bleu profond de la mer et ruisselant de tout l'or du soleil, une cité antique et son petit port où, à l'instar de Marseille, on pouvait trouver au centuple tout un folklore local, qui caractérise si bien la vie de ces rivages Méditerranéens.
        Dans la cité phocéenne, si notre Dame de la garde la bonne mère des marseillais, garde depuis toujours la ville et ses habitants et que sur les quais du vieux port l'ombre de César et l'éclat de ses altercations ne se sont pas estompés, chez nous, à La Calle de France, même aujourd'hui sans ses clochers, Cyprien notre saint protecteur est toujours présent pour veiller sur la ville, et si l'on prête un moment son oreille aux rumeurs de la rue, l'écho des rois et personnalités de jadis résonne obstinément dans nos souvenirs, sûrement, pour entretenir la nostalgie d'une époque révolue - peut-être ! Mais, ô combien apaisante, dans le tourbillon d'une existence parfois bien difficile sur la terre de France.

        C'est pourquoi j'ai voulu me remémorer une anecdote bien ancienne, qui fait toucher du doigt toute la personnalité des gens de l'époque et surtout l'impact de toutes les superstitions ancestrales, qui frappaient parfois les esprits dans certaines situations particulières :
        - Cette histoire véridique s'est déroulée autour des années 1946 ou 1947, dans les murs même de l'hôpital civil de La Calle et plus particulièrement dans l'atmosphère confinée et le silence angoissant de l'amphithéâtre - autrement dit la morgue ! Ce jour-là, Angèle Coppolata + la jeune et très belle infirmière, fit mander à la morgue Louise ma mère + et Lucie Panasio + alias Panache sa vieille amie et néanmoins complice, pour venir céans habiller un défunt en vue de son dernier voyage… Il faut dire que Louise et Lucie étaient des habituées de la chose, puisque, superstition aidant, le rare personnel hospitalier de cette époque, avait peur de côtoyer de trop près et surtout de toucher les morts. Louise et Lucie bien au contraire, se faisaient un devoir sacré de s'occuper régulièrement des défunts, sans aucune appréhension et d'une manière toute à fait naturelle. Les deux amies étaient donc souvent réquisitionnées par Angèle, dés lors qu'un pensionnaire était hélas dirigé vers l'amphithéâtre. Ce jour-là un homme d'un âge certain venait de décéder : il s'agissait de M.... Un habitant bien connu des Callois, qui un temps avait tenu le café des palmiers sur le cours Barris. Louise et Lucie appelées par Angèle, devaient une fois de plus se retrouver dans le silence obscur de la morgue, pour entreprendre la laborieuse tâche de faire la toilette du mort et poursuivre ensuite leur œuvre charitable, en lui faisant revêtir ses derniers habits qui devaient l'accompagner vers l'au-delà.
        Au cours de l'opération d'habillement du défunt, les deux femmes s'étaient partagées la tâche : Louise se tenait vers les pieds du défunt, alors que Lucie se trouvait côté tête, afin de lui donner pour finir un ultime coup de peigne. Depuis un moment déjà, les deux amies probablement fatiguées avaient fini par se taire et un silence pesant devait alors envahir l'atmosphère confinée des lieux. Comme de coutume en la matière, il était absolument indispensable de fermer parfaitement les yeux du mort, afin qu'il puisse trouver le sommeil éternel au sein de sa dernière demeure. Cette mission particulière revenait régulièrement à Lucie, qui depuis toujours s'était acquittée de cette tâche avec beaucoup d'application et infiniment de respect. Cependant en ce jour funeste quelque chose d'étrange et de non moins inquiétant, devait se produire dans l'atmosphère claustrée et sinistre de l'amphithéâtre. Soudain ! dans le silence des lieux, la voix pleurnicharde et angoissée de Lucie interpella ma mère :

        "Louise ! Regarde le mort, il me fait peur."
        "Allons Lucie de quoi as-tu peur ? Tu sais ma fille ! Les morts n'ont jamais fait de mal à personne. "
        "Oui je le sais, mais dis-moi Louise ! Pourquoi aujourd'hui je n'arrive pas à lui fermer les yeux ?"
        "Qu'est-ce que tu me racontes encore là Lucie ? C'est pourtant ce n'est pas la première fois que tu le fais. "
        "Oui, mais ! Je te jure que depuis un moment déjà, je lui abaisse les paupières et au bout d'un petit moment il ouvre toujours le même oeil, pour me fixer avec d'un drôle de regard. "

        Sur ces paroles larmoyantes et emplies d'une réelle angoisse, Lucie entreprit sur-le-champ de prouver la véracité de ses dires à ma mère. Alors elle répéta consciencieusement l'opération, mais au bout d'un instant l'œil était de nouveau grand ouvert et fixait étrangement les deux femmes ébahies, avec semble-t-il un éclat particulièrement saisissant dans son regard. Jamais les deux acolytes n'avaient assisté à un pareil spectacle au cours de leurs nombreuses et pieuses interventions funèbres, à tel point que Lucie en était venue à demander à ma mère, laquelle, il faut le dire, n'en menait pas large du tout, si le pauvre gisant était vraiment mort ? Puisque l'œil qu'il s'évertuait à garder ouvert, n'avait semble-t-il - pas du tout le regard d'un trépassé. Lucie commençait sérieusement à paniquer et Louise qui conservait encore quelque courage à revendre, entreprit de fermer vigoureusement les paupières du défunt, tout en les maintenant momentanément fixées à l'aide d'un sparadrap, mais, disait-elle, qu'il sera indispensable d'ôter dans quelques instants… Ma mère avait assurée à Lucie qu'elle pouvait à présent être tranquille, car par cette technique particulièrement efficace, les yeux du défunt resteraient définitivement fermés.
        Enfin le calme et la sérénité étaient de nouveau revenues et au bout d'un moment les deux femmes qui s'apprêtaient à terminer leur mission, entreprirent de retirer très délicatement le sparadrap salvateur. En effet les paupières incriminées restèrent parfaitement closes, à la gloire de ma mère et à la grande satisfaction de Lucie. Les deux amies s'avouèrent mutuellement qu'elles avaient eu très peur, ce que l'on peut aujourd'hui comprendre, surtout, lorsque l'on évoque cette époque, ou l'ignorance et la superstition étaient toujours présentes dans tous les esprits.
        Leur œuvre funèbre enfin terminée, les deux amies entreprirent de deviser pieusement près du corps, dans l'attente d'Angèle qui à chaque fois venait superviser le travail, avant de rendre le corps du défunt à la famille.

        C'est alors que soudain ! Dans le silence pesant de la morgue, la voix angoissée de Lucie se fit de nouveau entendre : " Louise, regarde ! Le mort, il a encore ouvert l'œil."
        Lucie n'avait pas du tout la bévue, car l'œil du trépassé était encore une fois grand ouvert, fixant avec sévérité les deux femmes paralysées par la peur et toutes prêtes à quitter précipitamment les lieux… C'est à ce moment que Angèle fit son entrée dans la morgue pour constater avec surprise, que les deux préposées aux choses funèbres tremblaient de tous leurs membres, en affectant un visage aussi blême que celui du trépassé. Alors de sa voie autoritaire, elle les interpella vivement pour leur demander :
        " Qu'est-ce que vous avez toutes les deux à trembler comme une feuille ? "
        A l'unisson les deux femmes larmoyantes s'accrochèrent à Angèle, pour lui exposer cet étrange phénomène que jamais elles n'avaient constaté en pareil cas. Aussi elles ne cessaient de se demander, si cet œil fixe et brillant qui restait obstinément ouvert malgré tous leurs efforts, était une punition de Dieu ou peut-être bien une sinistre farce du diable ? Angèle qui depuis un moment déjà, écoutait patiemment les jérémiades des deux amies, avec un petit sourire aux coins des lèvres se fit tout à coup sérieuse et d'un ton plus que sévère ordonna aux deux femmes de s'approcher du défunt. Alors montrant du doigt l'œil le trépassé, elle cria d'une voix forte à faire trembler même les morts :

        " Bourriques que vous êtes ! Ouvrez-bien vos yeux et regardez avant de prendre peur comme vous l'avez fait. "
        " Oui mais regarde Angèle ! L'œil du mort, toujours ouvert il reste " pleurnicha Lucie sous les approbations de ma mère.
        " Bourriques que vous êtes ! Vous n'avez même pas vu que le mort - il a un œil "en carreau." "
        Comme on peut s'en douter, gênées et honteuses au plus haut point, les deux amies se regardèrent surprises, en se disant qu'elles auraient pu tout de même se souvenir puisqu'il était de notoriété publique, que le pauvre défunt portait depuis toujours une prothèse oculaire : mais comment n'y avait-elle pas pensé ? Peut-être que dans le mystère des profondeurs de leurs subconscients, sommeillaient à bas bruit les fantômes issus de toutes ces superstitions ancestrales, qui en ce jour particulier et dans les présentes circonstances se sont manifestés à leur façon, en profitant de l'atmosphère quelque peu sinistre de la morgue, pour venir malicieusement jouer un tour pendable aux deux femmes, via un banal œil de verre qui ne pouvait que refuser obstinément de se fermer. Mais tout cela dépassait peut-être l'entendement et cédant ainsi à la panique, nos deux amies ne l'avait pas même remarqué.

        Je ne sais si cette affaire s'est ébruitée au sein de notre cité Calloise ? Ce qui n'aurait peut-être pas manqué, de déclencher comme en s'en doute une hilarité générale. Encore qu'il semble que cette affirmation soit à modérer : par respect du défunt d'une part et pour rendre hommage à nos deux habilleuses mortuaires d'autre part, qui depuis toujours au sein de l'hôpital civil de La Calle se dévouaient corps et âme, pour rendre aux familles le corps de leurs regrettés défunts, toilettés et habillés comme il se doit, évitant ainsi d'ajouter à leur chagrin, le soin de cette pénible et douloureuse besogne.
        Ma mère me racontait parfois cette histoire, qui à chaque fois me faisait sourire derrière ma superbe moustache. Mais aujourd'hui que Louise ma chère maman n'est plus de ce monde et que par certains jours de grisaille le souvenir du timbre de sa voix vient retentir dans mon esprit, par la pensée je lui demande de me raconter encore une fois cette anecdote, laquelle, me fait toujours et encore sourire. Mais au-delà du temps je retrouve en plus dans cette narration, toute la nostalgie d'une époque bénie où, le respect des morts mais aussi des vivants, se manifestaient aussi par une solidarité dans le malheur et une sincère amitié parmi les petites gens de notre peuple. J'en veux pour preuve que Louise et Lucie ont continué leur oeuvre au sein de la morgue, même si parfois l'œil fixe et brillant du trépassé revenait régulièrement dans leurs conversations et dans leurs rires. J'ai voulu me raconter cette histoire vécue par ma mère, peut-être ? Pour que je puisse un jour, en parler à la ronde sur un mode léger et souriant ! Mais, avec infiniment de respect et d'humilité pour une époque qui nous est chère et rendre un parfait hommage à tous ceux qui ne sont plus.
Docteur Jean-Claude PUGLISI,
de La Calle de France - Juillet 2005 - ( 83400 - Giens / Hyères.)


Fantaisie Diocanesque
BONJOUR N° 8, septembre 1932
journal satyrique bônois.
DEPART POUR LA PÊCHE
              Un dimanche de novembre dont les promesses sont belles. Quatre heures du matin. Il y a un peu de brise et, dans le vieux port, un canot à moteur se balance, heurtant, par moments, le quai. Sur le bord, deux gaillards se hâtent ; le patron en retard, va arriver d'un moment à l'autre. L'un d'eux a sauté dans le canot, l'autre lui passe paniers et couffins. Ils discutent ou se disputent avec la verve des gars de chez nous. Grands gestes, grands éclats de voix qui portent loin. Le promeneur solitaire s'approche, il est jaloux, un peu, de la partie de pêche qui se prépare.
              Cramponné par ses pieds nus à la barque qui danse, le plus petit, qui a fureté partout, redresse brusquement la tête :
              - Ma, Dio bone ! S'écrie-t-il. Ousque t'y a mis la boîte des vers Oh ! Fanfan !
              L'autre, accroupi, ne s'interrompt point de démêler deux palangrottes dont les fils se sont embrouillés :
              - J'l'a mis dans le.. .. répondit-il avec calme.

              
              Puis, haussant les épaules :
              - Oufa ! Qu'est-ce t'y allais me faire jurer, de bon matin ? A de bon ! Te la vois pas la boîte des vers ? Y te crève les yeux, sûr ! C'est pas pour rien que tout le monde y t'appelle P'tits-Yeux !
              Puis, levant, brusquement la main comme s'il jouait à la mora :
              - Qué des doigts ? Oh ! P'tits-Yeux ? Demanda-t-il, narquois !
              L'autre, vexé, éclata :
              - A qui te dis : "Qué des doigts ?" Oh ! Fanfan ! Çà, va le dire à ta p'tite cousine ; la borgne d'la Place d'Armes, celle qui s'la fait ac Spagna, le marchand de glace, ce morceau de vilain !
              Et il poursuivit avec une véhémence accrue :
              - A elle, te lui demandes : "Qué des doigts ? " Por qu'a deux mètres pas même elle te connaît, cette grande caplate ! Çà, oui, une chouari !

              Fanfan se redressa, furieux :
              - La tombe de mes morts ! S'écria-t-il. Sûr ! Te t'as levé ac la lune en travers, aujourd'hui, oh ! P'tits Yeux.
              Puis, radouci :
              - Pas même un mot, on peut te dire, à toi ! Et qui t'y es ? Le Président de la République ?
              - Y en a assez, hein ! Fanfan, hurla le petit. Moi, j't'as pas insulté. J't'as rien dit et te fais un tas de neiks pasque te vas à la pêche ac ton patron.
              Mela ! Ajouta-t-il après avoir envoyé, en gerbe, un superbe crachat dans l'eau, te crois que j' suis jaloux ? Si je veux, je viens !
              D'un bond, il sauta sur le quai et cria dans le visage de son camarade :
              - Mais, moi, à la pêche ac des fangoulistes comme vous, j'vas pas ! Allez vous afoguer, tous, à la Mafraque et ch' Allah ! Qu'une madone de bafougnade y vous noie, toi, ton patron et tous ceux de ta race ! Et pis, laisse-moi tranquille et allez vous la prendre, tous, dans le milleur que vous avez ! Oualà !
              L'autre se rassit et reprit ses palangrottes :
              - Arga-le, çui-là-là ! Dit-il avec tranquillité. Oh ! P'tits-Yeux ! Te t'la fais à la chiqué, à d'bon ! Ce matin ? Ma gar une parole on peut te dire ?
              Il loucha vers le copain qui faisait mine de s'en aller :
              - C'est comme çà qu'te fais, toi ! La mouche y te pique et te t'en vas. Çà, oui, un falso !
              Puis, convaincu que l'autre écoutait, il continua en demi-teinte :
              -- Te sais pas qué madone de bon sang, que les yeux de la figure on te tombe, nous allons se faire aujourd'hui ! Et, toi, te t'en vas ajouta-t-il. Sachant bien que l'autre n'en faisait rien. Atso ! Çà, oui t'y es tchouche ! Oualà, çà que t'y es, toi !
              P'tits-Yeux, tramant les pieds, parti lentement. Fanfan lâchant tout, bondit sur ses pieds et en deux enjambées eut rattrapé le fuyard. 11 lui plaqua sur l'épaule, sa main rude et le fit pivoter :
              - Oh ! P'tits-Yeux, lui cria-t-il dans la figure, t'y as envie que j'te casse les os de tes bises ? Toi, rien que la bouche, t'y apportes por manger, pas même l'huile dans le moteur, t'y as mis et l'essence ?..
              Puis ramenant l'autre d'une bourrade :
              - Et le moteur, mis-le en route !
              P'tits - Yeux, redevenu docile, allait sauter dans la barque, Fanfan le retint par le maillot :
              Et la glace ? Hurla-t-il. T'y as pris la glace ? Et pis tout ? Mela ! Ajouta-t-il avec un haussement d'épaules de suprême dédain, tout y commande, Cui-là-là ! rien y fait et por les otes, c'est lui qu'à tout fait...

              Arga, le patron ! Et il lâcha son copain.
              Un grand gaillard arrivait, se hâtant, criant de loin des ordres. II s'était attardé au " Dauphinois " à prendre le bon café du matin. Il courait, une bouteille d'anisette sous le bras et épongeait son front dégarni.
              - Arga-le ! Dit Fanfan à mi-voix, il arrive avec sa flaquinette et sa pierre à l'huile que les cheveux y lui poussent en dedans. Entends-le, déjà, y crie. Et toi, te voulais t'en aller ? Te vas te faire un bon sang que te reviens mort !
              Puis regardant au loin :
              - Ah ! Oualà Mayol qui apporte la glace.
              Les mains en cornet, il cria :
              - Oh ! Mayol ! T'y l'apportes, la glace ou t'y l'apportes pas ?
              - Oualà ! Oualà ! Répondit le petit cireur.
              Ma, ti sais, ti commences pas ad'bon matin, ti m'casse la tête,
              Et tout ce monde, joyeux, s'embarqua.
              Le solitaire rentra chez lui et, toute la journée, pendant que les autres trempaient des lignes dans l'eau, en mit, lui, sur du papier.
 


MERDE A LA FIN
Par Hugues

             Non aux idéologies modernes destructrices de nos valeurs
             Il paraîtrait que les « anciens » ont détruit la planète !
             Quelques grossièretés, mais beaucoup de vérités


             On lavait les couches des bébés.
             On faisait sécher les vêtements dehors sur une corde
             On avait un réveil qu'on remontait le soir.
             Dans la cuisine, on s'activait pour préparer les repas ; on ne disposait pas de tous ces gadgets électriques spécialisés pour tout préparer sans efforts et qui bouffent des watts autant qu'EDF en produit.
             Quand on emballait des éléments fragiles à envoyer par la poste, on utilisait comme rembourrage du papier journal ou de la ouate, dans des boites ayant déjà servi, pas des bulles en mousse de polystyrène ou en plastique.
             On n'avait pas de tondeuses à essence autopropulsées ou auto-portées :
             On utilisait l'huile de coude pour tondre le gazon.
             On travaillait physiquement ; on n'avait pas besoin d'aller dans un club de gym pour courir sur des tapis roulants qui fonctionnent à l'électricité.

             Mais, c'est vrai, on ne connaissait pas le mouvement écologiste.
             On buvait de l'eau à la fontaine quand on avait soif. On n'utilisait pas de tasses ou de bouteilles en plastique à jeter.
             On remplissait les stylos dans une bouteille d'encre au lieu d'acheter un nouveau stylo.
             On remplaçait les lames de rasoir au lieu de jeter le rasoir entier après quelques utilisations.

             Mais, c'est vrai, on ne connaissait pas le mouvement écologiste.
             Les gens prenaient le bus, le métro, le train et les enfants se rendaient à l'école à vélo ou à pied au lieu d'utiliser la voiture familiale et maman comme un service de taxi 24 H sur 24.
             Les enfants gardaient le même cartable durant plusieurs années, les cahiers continuaient d'une année sur l'autre, les crayons de couleurs, gommes, taille-crayon et autres accessoires duraient tant qu'ils pouvaient, pas un cartable tous les ans et des cahiers jetés fin juin, de nouveaux crayons et gommes avec un nouveau slogan !.

             Mais, c'est vrai, on ne connaissait pas le mouvement écologique !
             On n'avait qu'une prise de courant par pièce, et pas de bande multiprises pour alimenter toute la panoplie des accessoires électriques indispensables aux jeunes d'aujourd'hui.
             ALORS VIENS PAS ME FAIRE CHIER AVEC TON MOUVEMENT ÉCOLOGISTE !
             Tout ce qu'on regrette, c'est de ne pas avoir eu assez tôt la pilule, pour éviter d'engendrer la génération des jeunes cons, qui s'imaginent avoir tout inventé, à commencer par le travail, qui ne savent pas écrire 10 lignes sans faire 20 fautes d'orthographe , qui n'ont jamais ouvert un bouquin autre que des bandes dessinées, qui ne savent pas qui a écrit le Boléro de Ravel (pensent même que c'est un grand couturier), qui ne savent pas mieux où passe le Danube quand on leur propose Vienne ou Athènes, etc. Mais qui croient tout de même pouvoir donner des leçons aux autres, du haut de leur ignorance crasse !
             M...E à la fin !


Le piège et la bataille
de Cuicullum - Djemila
Maurice VILLARD
ACEP-ENSEMBLE N° 297-septembre 2015
                  
               Les soldats de la première division, sous les ordres du Lieutenant Général Berthezène, prirent pied sur le rivage d'Afrique, dans la presqu'île de Sidi-Ferruch le 14 juin 1830 à quatre du matin.
                Après de violents combats, les troupes Françaises victorieuses entrent à Alger le 5 juillet, le dey ayant capitulé,
                Notre intention, dans cet ouvrage, n'a pas été de décrire les causes tout à fait justifiées au regard de l'Europe toute entière, qui déterminèrent la France à mettre à raison le dey d'Alger et parla suite la conquête de ce vaste pays qui deviendra I'Algérie.

                Mais pour retracer l'épopée française de l'immense territoire dénommé les Hauts Plateaux Sétifiens, que d'autres dénomment les Hautes Plaines.
                Cet ouvrage n'est pas une œuvre littéraire mais simplement une encyclopédie des combats et des réalisations françaises. L'histoire de nos familles et celle de la France sur cette terre d'Afrique.
                Ordinairement c'est chaque génération qui contribue à l'écrire en décrivant les réalisations, laissant des écrits, des documents, des archives qu'utilisent les historiens.
                Pour nous cela est complètement différent, sur le sol de la mère patrie, nous ne sommes que des étrangers, des réfugiés, des exilés.
                Dans un exode dramatique, angoissant, en plein désarroi, nos familles furent, sous la menace, sans protection, contraintes de tout abandonner. Pour la plupart d'entre-nous, deux valises furent les seuls bagages.
                Les documents, les archives, les photos même, de ce que fut notre vie, celle de nos aïeux, ont été perdus.

                Fallait-il que l'on ne retienne que l'abandon de notre terre natale et que notre histoire fut constamment falsifiée, défigurée. Alors que nos aïeux ne découvrirent qu'un pays moyenâgeux, complètement ruiné après des siècles d'obscurantisme et de misère. Cette terre qu'ils ont tant aimée pour l'avoir défrichée à la main, à la pioche, arrachant, genets, lentisques, dépierrant leurs parcelles, creusant des puits sans aucune aide de l'Etat, lui rendant sa fertilité qu'elle n'avait plus connu depuis l'ère Romaine, bâtissant les villes, les villages, les infrastructures, apportant la paix, la santé, l'instruction ; le bien être aux indigènes sans les priver de leur religion.

                La France n'a pas failli à sa mission civilisatrice et humanitaire. En s'installant sur ce territoire, elle n'a privé personne de ses biens. Les terres de colonisations ont été largement payées aux Indigènes qui n'en tiraient aucun profit puisqu'elles étaient incultes.


Vue générale avec de gauche à droite
la place des sévères, I'Arc de Caracalla.
la maison d'Hylos, la basilique civile du IVéme
siècle et I'arrière du Temple de la famille.

                Tous les pays du monde mirent des siècles pour s'édifier. La France, elle, créa l'Algérie en moins d'un siècle. Son oeuvre est grandiose, par d'immenses sacrifices consentis, elle réussit à améliorer, à transformer l'existence matérielle de tous les Indigènes, en dépit d'une routine millénaire, de répugnances ataviques presque invincibles, sous la coupe des grandes familles seigneuriales qui en les exploitant les réduisaient à la misère et à l'esclavage. En apportant I'instruction, la médecine, la modernisation avec le travail, la paix, la liberté, la France permit à toutes ces populations de prospérer, de se décupler, passant de la misère à I'autosuffisance.

                Hélas, le temps ne lui fut pas donné pour terminer l'œuvre entreprise.
                Nous étions convaincus qu'il n'y avait qu'une seule façon de faire connaître l'oeuvre française, la vérité face à la désinformation, aux mensonges, puisque nous I'avions déjà constaté avec la parution de la " Vérité sur l'insurrection du 8 mai 1945 dans le Constantinois ", qui rétablissait la réalité historique de ces évènements.
                Etant les deniers à avoir vécu dans immense région française, nous avions l'obligation d'écrire l'histoire de notre pays afin qu'elle soit connue.
                Ecrire simplement, la vie de tous les jours sans fard, la vie que nous avions vécu, avec les réalisations, les avancées qui transformèrent radicalement le pays.
                Sans moyens, mais avec une volonté de mener à bien cette tâche, pendant plus de trois années nous avons consulté les documents disponibles dans les archives nationales, régionales, départementales, militaires, dans les bibliothèques, pris connaissance de tous les ouvrages d'époque, questionné les familles.

                Notre principal souci étant de vérifier l'authenticité de nos convictions personnelles, de notre vécu, afin que nos écrits ne puissent prêter à contestation et servir de références pour les générations actuelles et futures, respectant la mémoire de nos aïeux.
                Nous avons eu aussi la volonté de ne pas choisir la facilité en occultant les petits villages, d'autant qu'il avait encore plus de volonté, de courage, de pugnacité, d'abnégations aux habitants de ces lieux les plus reculés, loin de tout, exposés à tous les dangers, labourant le jour le fusil à l'épaule, montant la garde la nuit pour sauvegarder leurs familles et leurs faibles biens, les enseignants, les gardes forestiers isolés, les médecins de colonisation et tant d'autres qui, au milieu des masses indigènes et musulmanes sans aucune protection, furent les bastions puis devinrent les phares de l'expansion, de la prospérité de la civilisation apportée par la France.

La pénétration française.

                Partout où la conquête n'a été que le triomphe de la force, la conscience humaine a protesté contre le conquérant.

                La France conquérante de la Régence d'Alger n'attend pas qu'on la justifie.
                Quand elle a détruit en 1830, non pas une société réglée, mais une association de malfaiteurs, il y avait trois siècles que cette association se perpétuait avec la même audace et les mêmes crimes. Entre Baba Aroudj, mort en 1519, et Hussein-dey, proclamé en 1818, il n'y avait aucune différence morale. On peut supprimer trois siècles et tenir pour héritier le dernier bey héritier immédiat du premier pirate algérien. Les janissaires d'Alger, n'étaient qu'une troupe d'aventuriers, de misérables, de brigands, incessamment renouvelés par les recrues de même sorte dont les sultans de Constantinople débarrassaient volontiers, sans aucun souci de la terre, d'Afrique, leurs domaines d'Europe et d'Asie.

                Leur principale industrie, la course, la piraterie des vaisseaux, la capture des chrétiens réduits à I'esclavage. Plus de trente mille d'entre-eux étaient entassés dans six bagnes, les malheureux étaient vendus aux enchères sur les places d'Alger. Dans le Titteri, Médéa était le plus grand marché d'esclaves chrétiens de l'époque.
                La prise de Constantine, devenue une place militaire importante, avait permis d'établir la présence française dans toutes les plaines de I'Est jusqu'à la ville de Bône.
                A l'Ouest, l'objectif était d'occuper le Pays de Sétif et de la Medjana, qui faisait face à la Kabylie insoumise, d'ouvrir une voie de communication sur la mer par Bougie, et au Sud sur le Hodna, M'Sila, Bou Saada, Aumale vers la province d'Alger.

                Des colonnes, partaient de Constantine, parcourant et explorant le pays, à l'époque désertique et dépourvus de voies de communications et de ressources. Les difficultés étaient énormes, les subsistances aussi bien pour les hommes que pour les bêtes devaient être acheminées à dos de mulets et quelquefois dans des conditions difficiles à dos d'hommes.
                Les chefs militaires, après la première expédition, comprirent l'avantage d'occuper une position stratégique dans l'Ouest de la Province, leur choix se porta sur Sétif qui réunissait, toutes les conditions désirables.

Traité de la Tafna et conséquence en 1887.

                En 1837, le traité de la Tafna avait réservé à la France la province de Constantine. C'était l'époque encore de la nécessité de soumettre le peuple indigène, pensant que I'influence de notre civilisation et les avantages de nos relations parviendraient seuls à atténuer la haine et que les peuples arabes se rapprocheraient de nous. On pensait que de la cohabitation de deux peuples naîtrait des rapports qui permettraient de vivre en paix et de jouir du territoire très resserré que nous nous avions réservé.
                Les traités Desmichels et de la Tafna nous rappellent cette époque d'illusions.

                Pendant les deux années qui suivirent le traité de la Tafna, de notre côté nous appliquions de façon scrupuleuse et avec un respect total de chaque clause, des avances faites à nos voisins, une protection pour tous leurs intérêts, nous supportions de fréquentes humiliations, nous étions en un mot en état de continuelle défensive.
                De la part des Arabes, au contraire, ils avaient interdit à nos nationaux, l'entrée de leur territoire, ils appliquaient des amendes, des persécutions de toutes espèces à tous les indigènes fréquentant nos marchés, intimidation de tous les moments. C'était une exploitation permanente de notre bonne foi tout en maintenant une trêve pour mieux préparer les maux de la guerre, prendre le temps de s'organiser pour notre expulsion entière d'Algérie.

                Il a fallu en arriver à cette extrémité pour nous éclairer sur le caractère du peuple contre lequel nous nous étions engagés.
                Les partisans de I'occupation restreinte, durent devant l'évidence des faits d'une situation des faits si souvent compromise, les agressions continuelles, la mauvaise foi, le reniement, les obstacles qui devenaient une muraille, laisser I'initiative à ceux qui avaient appris à connaître la vraie nature de nos ennemis et l'armée s'ébranla alors pour conquérir le pays tout entier.
                La lumière se fit, ainsi que I'unanimité, pour décider que les armes ne pouvaient plus être déposées qu'après avoir abattus les Arabes, avoir acquis cette influence morale qui, seule devait être assez puissante pour contenir les passions haineuses exacerbées par les sentiments religieux fanatiques, chez ce peuple belliqueux ne voulant pas accepter la conquête.

                Bien que le traité de la Tafna ait réservé à la France la province de Constantine, Abd-el-Kader, en violation de ce traité, à la chute du dernier bey de cette province, s'était empressé de donner le commandement du territoire qui forme aujourd'hui la subdivision de Sétif à, Ben-Abd-es-Selam-el- Mokrani.
                La France pour cette infraction grave du traité avait formulé plusieurs mises en garde, mais I'Emir n'en avait tenu aucun compte, aussi le Gouverneur Général de l'Algérie avait légalement nommé Khalifat de la Medjana, Si-Ahmed, chef d'une Galaâ, la ville fortifiée des Beni-Abbés. Cette situation donc ne pouvait être que conflictuelle d'autant que les cavaliers de Beni-Abd-es-Sellam ne manquaient de pourchasser les fidèles de Si-Ahmed dès qu'ils les apercevaient dans la plaine.

                Le Gouverneur Général dut donc faire acte de souveraineté sur les contrées dont la possession nous était contestée.
                Afin de contrôler ce territoire deux colonnes se mirent en route début décembre 1838. La première partant d'Alger, la seconde de Constantine, le point de jonction devant être les Bibans à proximité des Portes de Fer.
                La colonne de Constantine retenue à Mila par quatre jours de pluie incessantes, arrive le 15 décembre à Sétif, la Sitifis Colonia des Romains.
                Nos soldats n'y découvrirent que des ruines, aucune habitation, ni aucun être vivant. Mais ces ruines considérables attestaient de la splendeur passée de cette capitale Mauritanienne.

Les ruines de Sitifis.

                Seule au milieu, était encore debout une citadelle rectangulaire flanquée de diverses tours, les matériaux de sa construction réunis sans ordre rappelaient une autre époque de I'histoire de la restauration Byzantine.
                A l'angle nord-ouest s'élevait un bâtiment soutenu par des colonnes prélevées dans les ruines, ce bâtiment avait servi à la réception et à l'emmagasinage des grains, fruits de l'impôt du temps des Turcs, dénommé achour, aucune toiture ne subsistait. Certainement la charpente et les tuiles avaient été enlevées par les indigènes dans les dernières années d'anarchie du règne d'Ahmed Bey.

Le tremble de Sétif.

                Au pied de la face sud du bâtiment une source limpide, les eaux abondantes allaient arroser une vallée aboutissant à I'oued Bou-Sellam qui coule trois kilomètres de Sétif.
                Au pied de la source un arbre, un seul, séculaire, un antique peuplier blanc qui fut dénommé tremble de Sétif se dresse dans l'azur du ciel ayant échappé par miracle à la destruction et pillage général, pour témoigner aux nouveaux conquérants que les plantations pouvaient prospérer sur cette terre où tout avait été détruit par les envahisseurs arabes.

                Voilà donc ce que découvrit la colonne venue de Constantine, celle d'Alger s'étant embourbée dans la Mitidja, les pluies étant incessantes, elle fut donc rappelée sur sa base de départ. La colonne de Constantine n'ayant pas de nouvelles fit demi-tour, elle fut attaquée dans le défilé de Mons par des tribus vivant dans cette zone, en regagnant son cantonnement.
                Ben Abd-es-Selam, voyant le retrait de nos troupes, en profita pour recommencer son harcèlement dans la plaine de Sétif afin de miner l'autorité de notre Khalifat dans tout le territoire dont le commandement avait été confié à Si Ahmed-el-Mokrani, ce dernier se voyant contraint de lui abandonner la suprématie sur le pays.

                Cette première reconnaissance, pourtant, fit connaître, en haut lieu, la nécessité absolue d'occuper la position de Sétif si l'on voulait faire respecter l'autorité de notre Khalifat Mais rien n'était disposé pour s'établir sur cette position, où la prudence conseillait de ne pas s'attarder au cœur de l'hiver. Cependant notre Khalifat avait reçu un appel moral qui avait suffit pour rassembler auprès du général Galbois, les principaux chefs indigènes des tribus voisines et bien que nos soldats aient repris le chemin de Constantine, on s'attendait à les voir revenir très bientôt.


Journal de marche de l'expédition sur Djemila et Sétif

                Le Lieutenant Général Galbois commandant la Province de Constantine, qui se trouvait dans la tribu des Harectas, donne l'ordre, le premier décembre 1B3B au camp de travailleurs de la route de Constantine à Mila ainsi qu'au 3éme Bataillon d'Afrique d'aller camper sur la route de Sétif à six lieues avant Mila avec un détachement de 50 sapeurs commandés par le Lieutenant CADART. Le 1er Bataillon du 1er Léger, devait lui se tenir à deux lieux en arrière. Ces troupes devaient attendre dans cette position I'arrivée de la colonne du Lieutenant Général le 3 décembre.

                Le 4 décembre, le général Galbois ordonne au 3é Bataillon du 1er Léger et du 2e escadron de Chasseurs à Cheval de se tenir prêt à partir le lendemain matin, l'occupation de Djemila devant être définitive. Tout le matériel, les outils de terrassiers sont transportés à dos de mulets, détachement commandé par le capitaine ANDREAU.
                Le 5 décembre, la colonne se met en route par un beau temps, à dix heures avec dix jours de vivres, elle campe au coucher du soleil sur la route de Mila à 4 lieues de Constantine.

                Le 6 décembre, pendant la nuit quelques arabes désertent avec leurs mulets. La colonne démarre à huit heures et rejoint les détachements précurseurs campés sur l'Oued Redjas.
                A quatre heures, le Général donne l'ordre de s'arrêter et fait établir le bivouac à environ 11 lieues de Constantine. La pluie n'a cessé de tomber, la colonne est très longue, les sentiers très glissants, plusieurs mulets s'abattent. Quand la nuit arrive, le bataillon qui ferme la marche se trouve dans l'obligation de bivouaquer à 3-4 lieues de l'avant-garde.
                Le 7 décembre, la pluie n'a cessé de tomber toute la nuit, dès le point du jour on s'active à améliorer les passages les plus mauvais, l'eau coulant des montagnes rend ce travail difficile et pénible. Les mulets sont l'obligation de faire des allers et retours de transporter les vivres, beaucoup se détériorent faute d'abri.

                Le 8 décembre, les soldats n'ayant pas de bois n'ont pu faire la soupe, leurs habits trempés ne peuvent être séchés, le terrain sur lequel ils campent est défoncé, les chevaux et les hommes se déplacent difficilement, les mulets sans nourriture sont sans force, plusieurs s'écroulent dans la boue et périssent, sur les huit qui transportaient les outils du Génie, 5 sont morts dans le camp ou dans les ravins. La pluie continue, les ravins débordent, il est impossible d'avancer. Devant cette situation, le Général fait lever le camp vers midi et ordonne de retourner vers Mila. Certains hommes sont incapables de marcher sont laissés dans un douar de Ben-Azouz, le Cheik en répondant sur sa tête.
                Les trois mulets restant sont employés à transporter les outils dans le douar, beaucoup sont perdu dans la boue, enfin grâce au dévouement des sapeurs, les mulets rattrapent I'arrière garde avec leur dernier chargement.
                La pluie cesse, mais le chemin est très difficile et la colonne très étirée. Le Général arrive à Mila avant la nuit mais l'infanterie qui a beaucoup de peine à suivre n'y arrive que deux heures plus tard. Soixante hommes sont restés dans le douar qui se trouvait sur le chemin à 1 lieue et demi de Mila,

                9 et 10 décembre séjour à Mila. Le temps s'est remis au beau, les soldats en profitent pour laver leurs effets remplis de boue. Le soleil leur rend des forces et de la gaieté, ceux qui étaient restés en arrière, rejoignent. Ils n'ont eu qu'à se louer de l'hospitalité des Arabes. On apprend que le 5e bataillon d'Afrique qui avait campé sur un terrain détrempé avait eu beaucoup à souffrir, ses vivres étant épuisés, il prit le parti de se replier sur le 1er Bataillon du 17e Léger laissant sur place ses tentes et ses bagages.
                Comme son chemin suivait le fond de la vallée, il a fallu qu'il traverse cinq à six fois l'oued Beni Guicha qui débordait, 4 hommes et plusieurs chevaux furent emportés par les eaux du torrent. Un douar voisin de la tribu des Beni Guicha a recueilli les tentes et a fait prévenir le Général qu'il les tenait à sa disposition ainsi que 150 francs abandonnés par une cantinière.
                Le 11 septembre, La colonne se remit en route pour Sétifis, le Général va camper à MA ALLAH, la piste devient presque carrossable.

                Le 12 décembre, la colonne s'ébranle à 8 heures laissant la moitié du Bataillon d'infanterie Légère d'Afrique qui rejoindra plus tard attendant un convoi de vivres amené par un bataillon des tirailleurs de Constantine. De la vallée de l'oued Mesma on passe après deux heures de marche dans celle de l'oued Boussola. Cette vallée est ouverte et très belle, le chemin remonte constamment I'oued Boussola puis la vallée se resserre peu à peu, les montagnes qui surplombent les deux rives sont très élevées. Après 4 heures de marche, on arrive dans un défilé très étroit sur la rive droite des montagnes, très escarpée, au-delà de ce passage difficile, la vallée s'élargit de nouveau, on suit le lit de la rivière sur deux lieues puis on escalade des contreforts de plus en plus élevés, le chemin emprunte de plus en plus les versants de montagnes enfin on arrive à DJEMILA. Le Général y campe avec la cavalerie au crépuscule, l'infanterie retardée par les bagages bivouaque à une lieue en arrière.
                La distance totale de Maallah à Djemila est de 7 lieues et demie, la piste pour être rendue carrossable exigerait des travaux considérables, toutefois, un bataillon pourrait les exécuter en 4 à 8 mois. On retrouve de temps à autre le tracé de la voie romaine, mais tout porte à croire qu'elle n'a jamais été pavée comme celle de Constantine à Mila.

                L'ancienne CUICULLUM, nommée Djemila par les arabes occupe un contrefort qui se détache d'une chaîne calcaire élevée, il est compris entre deux ravins très profonds dans lequel coule deux ruisseaux qui sont deux affluents de l'Oued Djemila qui va lui-même se jeter quelques lieues plus bas dans l'oued Deheb (oued de l'or). Un théâtre assez bien conservé, deux faces d'un temple, un portique et quelques colonnes encore debout attestent par leur belle architecture qu'aucune occupation barbare n'a succédé à celle des romains.
                La plus grande partie du reste a été détruite par le temps. Le point le plus élevé est occupé par une citadelle dont on retrouve la trace. Tout est donc à créer sur ce point et malheureusement le bois est fort éloigné.
                Un demi-bataillon d'Afrique, deux obusiers de montagne et 30 sapeurs commandés par le lieutenant Cadart restent à Djemila. L'ancien tracé de la citadelle romaine et les mouvements du terrain déterminent la forme du retranchement qui doit être élevé afin de protéger la petite garnison.

                Le 13 décembre, on profite du séjour à Djémila pour construire une route sur une lieue en avant du camp, les kabyles apportent quelques provisions, ils paraissent assez bien disposés, toutefois, 2 ou 3 coups de fusils tirés des montagnes dans la journée du 12 semblent annoncer qu'on en recevrait bien d'autres en retour.

                Le 14 décembre, de bonne heure, on se remet en route pour Sétif, pendant une lieue on chemine dans les montagnes calcaires très élevées, coupées par de profonds ravins, cette partie de la route ne pourrait être rendue carrossable qu'au prix de grands travaux, un pont de peu de longueur mais de grande hauteur serait indispensable pour traverser le premier ravin que l'on rencontre à la sortie de Djemila. Après une marche de deux lieues, on se retrouve sur un plateau élevé d'où on a une magnifique vue, on aperçoit au Sud une immense plaine par laquelle on peut rejoindre Constantine et Sétif sans obstacles nous disent les Arabes, à l'extrémité de la plaine, la chaîne du Grand Atlas, à l'Ouest, des montagnes qui s'échelonnent à l'arrière de Sétif, au Nord une grande chaîne d'Est en Ouest, dominée par le Babor entièrement couvert de neige. Le chemin descend vers la vallée de l'Oued Deheb jolie rivière que la route traverse deux fois, la première à trois lieues, la seconde à cinq de Djémila. Après ce dernier on trouve un moulin et un peu plus haut un douar établi dans les ruines romaines de Mons.
                La vallée de l'Oued Deb semble fertile, ce territoire appartient à la tribu des Beni-Merouan. En quittant l'Oued Deb on traverse un très long défilé très dangereux où se trouvent des tombeaux romains de diverses grandeurs très bien conservé mais sans aucune inscription. Il a été nécessaire, pour faire passer les mulets que les sapeurs tracent un chemin praticable, puis apparaît un deuxième défilé moins difficile à franchir et enfin on arrive sur un plateau élevé où le chemin est beau, le pays devient mamelonné.

LA COLONNE ARRIVE SUR LES
RUINES DE SETIFIS.

                En descendant sur Sétif, au coucher du soleil la colonne campe à 8 lieues de Djémila.
                Le 15 décembre à sept heures, le départ est donné, les troupes arrivent à Sitifis à 9 heures du matin.
                La colonne a effectué les distances suivantes au pas d'un sapeur très exercé, lieues de 4.000 mètres :
                Constantine à Mila : 10 lieues
                Mila à Aïn Ma Allah : 6
                Ma Allah à Djémila : 7,5
                Djémila à Sétif 9


                Sitifis est situé dans une immense plaine que traverse l'Oued Bou Sellam qui coule du nord au sud et passe à trois quart de lieue à l'ouest des ruines de l'ancienne Sitifis, dénommée par les arabes SETIF quelques terres sont ensemencées le long de la rivière.
                Les ruines de Sitifis se composent d'une grande enceinte de forme à peu près carrée ayant 450 mètres de long sur 300 de large.
                La première de ces enceintes est presque entièrement détruite, cependant on en suit assez bien le tracé et on distingue de larges fossés qui I'entourait, quelques tentes misérables sont dressées à l'intérieur de cette enceinte. La seconde est beaucoup mieux conservée, elle est formée d'un mur de pierres de taille de près de trois mètres d'épaisseur flanqué par des tours carrées. Le mur avait pourtant près de 10 mètres de hauteur, sur plusieurs longueurs il n'en fait plus que deux ou trois. Les tours étaient recouvertes par des voûtes en arcs en de cloître dont on retrouve encore quelques parties.

                La citadelle de Sétif peut très facilement contenir un Bataillon et les bâtiments accessoires une garnison de cinq à six cents hommes. Les quatre murs d'un bâtiment que le bey avait fait construire pour y loger des hommes et des chevaux, peut aussi être utilisé. Auprès de l'angle sud-est de la citadelle, coule en abondance une eau très bonne à boire. On peut estimer qu'un bataillon pourrait en peu de jours relever l'enceinte, déblayer son pied de manière à être défendue de tous côtés par un mur de 4 à 5 mètres de haut. La chaux, le plâtre se trouvent dans les environs, malheureusement il n'en est pas de même pour le bois. Le bey le faisait venir de la montagne de Riga située vers le Sud à une journée de marche nous disent les arabes. Ce renseignement serait important à vérifier.

                Les deux enceintes que l'on trouve aujourd'hui à Sétif ont été faites postérieurement à la grande occupation romaine, on y retrouve dans les murs, des pierres qui ont appartenu à d'autres constructions. Ce travail a été fait à la hâte et par des mains inhabiles, on est certain que la petite est postérieure à la grande car elle est beaucoup mieux conservée et dans les points où elles se raccordent, il n'y a aucune liaison dans les pierres.
                Entre Sétif et l'oued Bousselam on trouve un monument presque intact, les pierres de tailles sont assemblées avec une perfection admirable comme à Djémila, plus tard on lui donnera le nom de Scipion l'Africain, dans les environs beaucoup de vestiges semblent appartenir à une époque décadente et rappellent les ruines de Guelma, Amoussa, Constantine et Milah.
                Tout le territoire de Sétif appartient à la tribu des Hammers qui comme les Beni Marouan sont Chaouïas.


                Le 16 décembre, l'ordre de retour est donné en direction de Djémila. Les bagages sont mis en route à 4 heures, le restant de la colonne quitte Sétif à 5 heures. Au point du jour on s'aperçoit que les deux compagnies qui escortent les bagages ont fait fausse route, la colonne les rejoint mais à ce moment-là, des arabes d'un douar voisin insultent les soldats, ils sont armés et tirent sur l'arrière garde quelques coups de fusil, Notre cavalerie revient en arrière et par représailles enlève leurs troupeaux, aussitôt les arabes se confondent en excuses et on leur rend leur bétail.

                Le défilé par lequel on descend dans la vallée de I'oued Deb est très dangereux, les kabyles couronnent les crêtes, des cavaliers courent de tous côtés, afin d'exciter les populations contre nous. Par contre il est facile de voir que les habitants des douars qui se trouvent de chaque côté de notre route font beaucoup d'efforts pour empêcher les cavaliers de nous tirer dessus, des femmes, des enfants occupent les tentes.
                Ce n'est que quelques coups de feu qui sont tirés de très loin, mais au moment où les Spahis qui forment l'arrière-garde débouchent dans le lit de la rivière, des salves de coups de feu sont tirés de douars où se sont introduits des étrangers. Les cavaliers ripostent rapidement, la fusillade devient assez vive, le terrain est assez difficile pour la cavalerie, un officier et deux chasseurs sont blessés, I'infanterie intervient alors, les arabes perdent beaucoup de monde ce qui ne les empêchent pas de harceler de loin notre arrière garde.

                La colonne arrive à Djemila vers 17 heures, là on apprend que nos soldats ont été attaqués dans les nuits du 12 et 13, deux postes extérieurs éloignés seulement de 15 pas ont été enlevés par les kabyles, nos troupes ont réagi avec sortie à la baïonnette exterminant de nombreux assaillants, le sergent du génie Charles s'est particulièrement distingué pour son courage. Ces attaques n'ont pas empêché le travail des hommes qui ont construit une enceinte en pierres sèches qui couvre leur camp de toutes parts.
                Le Général décide que le Bataillon d'Afrique occupera définitivement Djémila, entre temps le commandant du Génie fait le rapport suivant : " Les Kabyles nous ont attaqué avec énergie pendant que la colonne principale était à Sétif, il est hors de doute qu'ils seront, à I'avenir, soutenus par les Hamous et les Beni Merouan qui sont devenus aujourd'hui hostiles. "

                L'approvisionnement de ce camp va poser pas mal de problèmes car il doit être approvisionné presque quotidiennement, or la distance à parcourir est de 14 lieues et les Beni Merouan se trouvent sur le parcours, d'autre part le Khalifat ben Hamlaoui déclare que pendant les mois de janvier et février la neige rend les chemins impraticables. La position de ce bataillon est donc très délicate d'autant que s'il était nécessaire plus tard de se retirer, on aurait l'air de subir un échec, d'autant qu'aujourd'hui cela paraîtrait naturel qu'aucune troupe ne reste à Djémila.
                Mais le Général estime qu'il est nécessaire de garder pendant I'hiver cette position, aussi un camp intermédiaire doit s'établir à Ma Allah ou mieux dans la vallée de l'oued Bou Sellam afin de servir d'étape aux convois.
                Les ordres définitifs d'occupation de Djémila, sont donnés par le Général, le lieutenant Cadart y reste avec trente sapeurs de la 6e compagnie et tous les outils au nombre de 360 afin de renforcer cette position.
                La colonne aux ordres du Lieutenant Général Galbois regagne Constantine sans aucun incident.

LE PIEGE DE DJEMILA.
La bataille de Djémila.

                Que s'est-il exactement passé à Djémila ?
                On sait que ce point lut l'un des gîtes d'étape de la colonne Galbois, se rendant à Sétif, afin de relier Alger en passant par le défilé des Portes de Fer qui n'avait jamais été franchi, ni par les romains ni par nos troupes.
                A défaut de renseignement officiels, il est curieux de constater que ce fut Alexandre Dumas, qui, de passage à Constantine, rendit compte le premier de l'affaire de Djémila, un des plus beaux faits d'armes ayant honoré notre armée d'Afrique, ont relaté plus tard tous les auteurs qui le firent.
                Alexandre Dumas a accompli, en 1845, un voyage en Afrique du Nord. Il est arrivé à Bône avec quelques amis, puis à Philippeville, puis à Constantine où il reçut l'hospitalité de I'Etat Major de la Division. C'est là même qu'il recueillit de la bouche même des valeureux combattants de ce drame, les détails jusqu'alors inédits, qu'il a rapporté dans son livre " Le Véloce " nom du navire de guerre sur lequel il aurait traversé la Méditerranée.
                Le récit imagé que nous a transmis le grand romancier n'a pas la valeur d'un compte-rendu officiel. Il peut cependant, être considéré comme un témoignage de l'importance donnée à cette bataille, par des chefs dont l'appréciation ne peut être récusée.
                Nous ne retiendrons de ce récit que les parties essentielles.

                Le 13 décembre 1838, à huit heures du matin, toute la colonne se trouvait réunie sur le plateau, au milieu des ruines de Djémila.
                Dans l'après-midi, le général Galbois passait une grande revue de toutes ses troupes, et groupés sur les montagnes voisines, comme des degrés d'un amphithéâtre, les Kabyles assistaient à cette revue.
                Le soir venu, les coups de fusils recommencèrent, mais cette lois bien plus nombreux, beaucoup plus proches que la nuit précédente.

                Le 14 avant le départ de la colonne, il lut décidé que trois cents hommes du Bataillon d'Afrique, un détachement d'infanterie et un détachement du Génie occuperaient la position de Djémila. On choisit le point du plateau le moins vulnérable, et la colonne se mit en marche, laissant la garnison peu confiante dans l'abri des ruines qui l'entouraient, et surtout dans l'amitié des peuplades voisines.
                Par malheur, le pittoresque de la localité ne pouvait racheter le précaire de la situation. Il en résulta qu'à peine abandonnés à eux-mêmes, soldats et officiers se mirent à élever à l'envie le pan de muraille en pierres sèches qui devait les protéger, couchés ou assis, contre les balles de l'ennemi. Avant la nuit on était à l'abri d'un coup de main, le soleil se coucha puis, l'obscurité descendit rapide et épaisse.
                Alors, excités par les cris de leurs femmes, les Kabyles se répandirent sur le plateau où, en nombre supérieur, ils abordèrent avec impétuosité nos avant-postes qui trop faibles pour leur résister, durent se replier sur le camp retranché.
                Dans ce mouvement de repli plus d'un soldat, poursuivi ou saisi par les bretelles de son sac, ne dut son salut qu'à la promptitude avec laquelle il laissa ce sac dans les mains de celui qui le poursuivait.

                Le 15, dans la journée, tous les abords du camp prirent l'aspect d'un marché arabe, sous prétexte de vendre à nos soldats des feuilles de tabac, des figues, des noix sèches, les Kabyles observaient nos travaux de fortifications.
                La nuit venue, le marché se transforma en blockhaus, les marchands en ennemis. Nos soldats tendirent une embuscade, mais un pauvre diable qui ne put s'empêcher de tousser, dévoila le traquenard. L'embuscade était formée de cinquante hommes commandée par le lieutenant Trichardou, un amphithéâtre à ciel ouvert, composé de gradins en magnifique pierres de taille, lui servait de lieu de refuge.
                Avertis par cette toux, les Kabyles prirent avec des cris sauvages la fuite à travers les ruines de Djémila n'essayant même pas de se défendre, nos soldats les poursuivirent avec acharnement. Deux Kabyles furent tués, aucun de nos hommes ne fut blessé.

Attaque des Kabyles.

                Pendant tout le reste de la nuit, les kabyles revinrent à la charge, se glissant à travers les pierres d'un pas aussi léger et silencieux que celui d'un chacal, et poussant des cris aussi aigus que ceux de ces animaux, aussitôt qu'ils étaient découverts.

                La fusillade du côté des kabyles était ininterrompue, très fournie, c'était tout le contraire de notre côté, il fallait ménager la poudre. La petite redoute, avec ses flots d'ennemis qui venaient se briser contre ses murailles, ressemblait sur tous les points à un vaisseau attaqué à l'abordage. L'acharnement fut tel que pendant une demi-heure, on se battit corps à corps, nous les frappions à coups de baïonnette, ils ripostaient à coups de pistolets et avec des pierres, qu'ils arrachaient aux retranchements pour les lancer sur nos soldats.
                L'approche du jour mit fin à ce combat, l'un des plus acharnés que l'on eût soutenu, les kabyles se retirèrent poussant des cris hostiles, nous adressant comme adieu des coups de fusil mal ajustés, nous avions eu à déplorer six blessés.

                Le 15, même marché que la veille, même innocence dans les relations. Les deux kabyles tués avaient été exposés sur la place la plus apparente. Mais le but qu'on s'était proposé ne fut pas atteint, les kabyles n'y prêtèrent aucune attention. La nuit fut un nouveau combat, mais à distance. La lutte précédente avait donné à réfléchir à nos assaillants.

                Le 16, au jour, le marché s'ouvrit comme les jours précédents, mais les deux cadavres avaient disparu.
                Pendant la soirée, la colonne de retour de Sétif arrivait avec une vingtaine de blessés. Une demi-heure plus tard, parurent trois cents hommes venant de Mohallah arrivant avec un convoi de vin qu'ils avaient été chargés d'attendre et d'escorter.

                La nuit ne fut pas calme, les kabyles continuant leur harcèlement jusqu'au matin.
                Il entrait dans les plans du Général, malgré l'éloignement de Constantine et malgré la mauvaise saison, de garder la position de Djémila. Le bataillon d'Infanterie Légère d'Afrique, un détachement d'artillerie et un détachement du Génie au total six cent soixante-dix hommes, fut désigné pour accomplir cette mission avec seulement trente cartouches par hommes, on en obtint quinze de plus, seulement le commandant Chadeysson, prévoyant, afin d'obtenir un emploi raisonné de ces faibles munitions, tint cette réserve supplémentaire secrète.
                La colonne s'éloigna en direction de Constantine, abandonnant les six cent soixante-dix hommes au milieu des ruines de cette ville romaine. Elle fut poursuivie par le tir des kabyles qui promettaient à ceux qui restaient une suite de combats aussi féroces que ceux qu'ils avaient déjà subis.
                L'ambulance de I'armée enlevait nos blessés des trois nuits précédentes, et nous laissaient deux des siens mortellement frappés,
                Le reste de la journée fut employé par les trois cents du bataillon d'Afrique arrivés de Mahallah à fortifier, par des travaux liés aux précédents. Toute la garnison pris part à ces travaux, il n'y avait pas de temps à perdre.

Bataille acharnée.

                Le 18, les kabyles qui, la veille, s'étaient contenter de venir nous observer du haut de leurs montagnes, descendirent en foule et commencèrent, vers dix heures du matin une fusillade qui, à partir de ce moment, ne devait plus être interrompu que le 22, au coucher du soleil. En moins d'une demi-heure, le plateau tout entier de Djémila fut envahi, et un siège Kabyle en règle comme ça.
                Les femmes qui n'étaient point occupées à préparer des aliments, se faisaient spectatrices et animaient les combattants à grands cris. Il était facile de voir, au mouvement et à l'agitation qu'elles se donnaient pour pousser en avant ceux que nos balles éloignaient de nos murailles, que dans le cas où notre camp serait forcé, nous ne trouverions en elles aucune pitié.

                Mais à ces attaques plus bruyantes que sérieuses, nos soldats parfaitement commandés, opposaient un silence et une discipline dans laquelle chaque individu comprenait que devait résider la force générale. Les officiers qui observaient les moindres mouvements de l'ennemi, lorsque ces derniers étaient à la portée de nos armes, donnaient I'ordre de tirer.
                La fusillade des assaillants se ralentit dans la journée mais sans s'interrompre.
                Nous avions parmi nous un chef arabe qui s'était chargé de maintenir les bonnes relations avec les populations qui s'étaient faites marchandes le jour, guerrière la nuit. Cet homme n'avait pas eu i'intention de nous trahir, il s'était trompé voilà tout, le seul point qu'il avait prévu c'était l'opiniâtreté que les Kabyles devaient mettre à poursuivre les hostilités, une fois engagées. Sur ces instances on expédie un courrier à Constantine.

                Le 19, les premiers rayons du jour montrèrent à nos soldats des forces doubles de la veille, à vingt lieues à la ronde tous les kabyles étaient prévenus et accouraient. Les montagnes environnantes n'étaient plus que des degrés d'un immense cirque chargé d'ennemis qui venaient nous attaquer, où de spectateurs venaient assister à notre extermination.
                A un moment donné, toute cette multitude, roulant des montagnes jusqu'au plateau, vint se ruer sur notre parapet, que leur choc eut certainement renversé, si à une distance de vingt pas, une fusillade bien ajustée n'en eut jeté une vingtaine à terre. La chute de ceux-ci l'éclat de nos baïonnettes qui brillaient à un rayon de soleil, décidèrent chez les kabyles une retraite au pas de course.

                Cependant cette fuite de nos ennemis qui, en réalité ne nous avaient abordés qu'une fois Corps à corps, nous donnait une grande confiance en nous-mêmes.
                Comme on le voit cette journée du 19 commençait bien et tout espoir n'était pas perdu si notre courrier arrivait à Constantine. Cependant une grande préoccupation pour notre petite garnison, le manque d'eau. A cinquante mètres de nos murailles passait un petit ruisseau assez large mais peu profond, dans lequel on ne pouvait pas puiser, il fallait remplir des bidons, avec de petites gamelles, qui contenaient chacun neuf litres. Cela rendait l'opération longue et difficile. A chaque corvée d'eau, il fallait se battre corps à corps, abandonner les blessés sur place, user beaucoup de cartouches, or, presque autant que l'eau, la poudre nous manquait.

Résistance héroïque

                Le chirurgien-major du régiment, le docteur Philippe, nous décrit cette situation, où il s'agissait de se passer d'eau ou bien de l'acquérir aux prix de sacrifices humains. La valeur d'un verre d'eau par jour pour chacun des hommes sur l'interrogation du commandant sur le nombre de jours pendant lesquels I'homme pourrait se passer d'eau, le chirurgien-major répondit que, s'il était possible de faire une distribution d'eau-de-vie par jour, on pouvait demeurer huit jours sans boire autre chose que quelques gouttes d'eau-de-vie.

                La confiance dans les chefs était telle, que ces paroles firent un effet magique, et sur la promesse de trois petits verres d'eau-de-vie par jour, chacun fit son deuil de l'eau et resta ferme à son poste L'ennemi grossissait à vue d'œil, une estimation pertinente portait leur nombre à environ trois mille assaillants, leur fusillade persistait jour et nuit.
                La situation devenait de plus en plus inquiétante, aussi pendant la nuit du 19 au 20, un second courrier fut envoyé à Constantine.
                Pendant la journée du 19, on avait commencé des travaux pour la sécurité des déplacements dans le camp, la tranchée fit découvrir une superbe mosaïque, mais comme l'eau manquait ce fut avec I'urine des travailleurs quelle fut lavée. Chacun put admirer la variété de ses couleurs et la régularité de ses dessins.

                Le 20, plusieurs chefs à cheval tentèrent de pousser une colonne d'assaillants sur nous, mais ils ne réussirent pas à les convaincre de nous attaquer en plein jour. Les coups de yatagan et de bâtons ne suffirent pas à les faire abandonner leurs postes à l'abri de nos balles.
                Cinq à six hommes, qui paraissaient être des chefs, s'avancèrent pour donner l'exemple jusqu'à soixante à quatre-vingt pas de nos retranchements, vociférant des paroles Inintelligibles, qui ne pouvaient être que de grosses injures ou de provocantes menaces.
                C'était une cible pour nos meilleurs tireurs qui les abattirent tous. Lorsqu'un des leurs tombait une vingtaine d'hommes se précipitaient pour enlever le cadavre, ce qui donnait l'occasion à nos hommes de tirer à coups sûrs, Plus d'une centaine de Kabyles furent ainsi Tués.
                De son côté, malgré notre couvert, I'ennemi grâce à son feu roulant, nous tuait et nous blessait quelques hommes.

                Malheur à l'imprudent que sa curiosité poussait à se lever debout devant sa tente ou derrière les fortifications, qui n'avaient qu'un mètre de hauteur. En pareille circonstance et lorsqu'il a pu gagner la confiance des soldats, le rôle de l'officier de santé a quelque chose de providentiel et même de surhumain.
                Ainsi, malgré leurs souffrances, les blessés suppliaient-ils le docteur Philippe de ne pas exposer ses jours.
                " - Major, lui criaient les hommes qui tombaient, ne vous inquiétez pas, et attendez la nuit pour venir, nous banderons nos blessures avec nos mouchoirs. Qu'arriverait-t-il de nous si ces gueux là allaient vous tuer ou vous blesser gravement ? Nous serions tous perdus. "
                Effectivement, et à moins de blessures graves qui ne pouvaient attendre, le docteur Philippe suivait ce conseil.

                Nous avons dit que deux soldats grièvement blessés avaient été abandonnés par la colonne à Djemila, l'un deux mourut bientôt, le second plein de constance, supportait avec beaucoup de courage la douleur mais par contre souffrait énormément de la soif.
                De neuf litres d'eau conservées par le chirurgien, il n'en restait que deux, la tisane et les pansements en avalent absorbé sept. L'ennemi tenait bon, le blocus était total, de sorte que le pauvre agonisant avait beau demandé à boire, tantôt avec le cri de rage, tantôt avec I'accent du désespoir, comme il était condamné avec aucun espoir de survie, c'eut été un crime que de distraire à son profit une partie de cette eau qui pouvait servir à d'autres moins gravement atteints.

                Le chirurgien fut donc dans l'obligation de l'abandonner à son triste sort ne pouvant lui offrir qu'un citron qui lui restait, le malheureux mourut les lèvres collées à l'écorce, suçant le jus jusqu'à la dernière goutte.
                Les deux derniers litres d'eau qui restaient devaient donner naissance à d'autres scènes du même genre, hélas, que celles-ci, et cependant trois jours seulement s'étaient écoulés depuis que I'on manquait d'eau.

                Pour bien apprécier cette situation, pour bien comprendre ce qui va suivre, il faut avoir vu combien le besoin de la soif est impérieux pour le soldat qui a les lèvres séchées par les cartouches, surtout si cet homme est blessé et a perdu du sang.

                C'est ainsi qu'un blessé se traînant sous la tente du chirurgien pour se faire penser, à la vue de l'eau rougie par le sang, dans laquelle le chirurgien trempait son éponge, ne songeait plus à sa blessure.
                " -Docteur lui-dit-il, à boire, je vous en supplie.
                " -Mais, répondit le docteur, si tu bois cette eau, il n'en restera plus pour penser les blessés.
                " - Laissez-moi boire, je vous en supplie, et ne me pensez pas répondit le blessé.
                " - Mais les autres ? Demanda le docteur.
                " -Et bien laissez-moi sucer l'éponge, les autres la suceront à leur tour.

                Cette demande fut accordée, et bientôt comme, les soldats savaient qu'en allant se faire panser le docteur les laisseraient sucer l'éponge, ils s'exposèrent à de nouvelles blessures, espérant que, par ce nouveau moyen, ils pourraient adoucir leur soif. "

                Au milieu de ces scènes de désolation, un épisode curieux fera ressortir l'intelligence suprême du soldat.
                Le capitaine Montauban avait un chien nommé Phanor, lequel souffrant de la soif avait fini par se décider à sauter les murailles et aller boire au petit ruisseau.

                Dans ses premières tentatives, les coups de fusil l'avaient effrayé, mais la soif était plus forte que la crainte. Il prit librement son parti, et à travers une grêle de balles, il bondit jusqu'au ruisseau, là il but à pleine gueule. L'impunité l'ayant enhardi les jours suivants, Phanor alla se désaltérer tout à son aise deux à trois fois par jour. Deux zéphyrs eurent I'idée de lui attacher une éponge au bout du museau, Phanor en buvant trempait son museau dans l'eau et l'éponge s'imbibait. Phanor en revenant rapportait dans son éponge la valeur d'un verre d'eau qui permettait aux deux Zéphyrs de supporter plus patiemment que leurs camarades la détresse dans laquelle ils se trouvaient.
                On remarqua que pendant la nuit la rosée abondante format des gouttelettes aux canons des fusils, les soldats au lieu de les abriter les exposaient à l'air ainsi que les lames de leurs sabres et en les léchant se procuraient quelques soulagements.

                Un des capitaines, le capitaine Max, avait dressé sa tente vis-à-vis de celle du docteur Philippe. Il faisait fonction de sous-intendant, comme sa tente était complètement exposée au feu, le Docteur voulut lui offrir la sienne, mieux abritée. Mais c'était un mauvais moyen pour convaincre le capitaine Max, aussi le chirurgien lui proposa-t-il une partie de piquet. Un soldat de la compagnie se porta volontaire pour aller creuser le terrain sous la tente afin de faire un escarpement dans lequel le Capitaine en s'allongeant serait à l'abri, mais au premier coup de pioche qu'il donna, une balle lui traversa le coeur.
                A partir de ce moment, il ne fut plus permis au Capitaine de regagner sa tente, il resta l'hôte du docteur Philippe jusqu'à la fin du blocus.

                Les Kabyles aussi travaillaient activement, ils avaient entouré le camp de postes retranchés, disposés sur deux lignes circulaires concentriques, le plus grand nombre étaient sur la ligne extérieure. chaque poste était fortement occupé et, de là, l'ennemi ouvrait un feu terrible et ininterrompu sur les postes découverts du camp. Les kabyles avaient renoncé aux attaques de vive force, qui leur avaient coûtés très chers et étaient demeurées sans résultats, convertissant le siège en blocus, se proposant de nous réduire en nous interdisant l'eau, ne nous le laissant pas ignorer, criant de toutes parts : " El-ma ma kache roumi ".
                Dans la nuit, un quatrième émissaire fut envoyé, il était à cheval. On avait enveloppé les pieds de sa monture avec des chiffons, à la pointe du jour on le vit revenir, comme le troisième, il lui avait été impossible de passer.

                La journée du 21 et la nuit du 21 au 22, avaient été terribles. Déjà, depuis deux à trois jours lorsqu'on saignait un bœuf ou un mouton les hommes attendaient avec impatience pour se disputer le sang qui sortait de l'artère. Pendant les dernières heures de cette dernière nuit, quelques -uns s'étaient ouvert les veines pour se désaltérer à leurs propres blessures, aussi une morne tristesse s'empara-t-elle des assiégés lorsqu'ils virent le matin, revenir le quatrième message, dont le retour leur ôtait une dernière chance de salut.
                Un instant on eût l'idée de lever le camp et de passer à la baïonnette à travers cette nuée de Kabyles, mais pour cela il fallait abandonner les blessés à la merci de l'ennemi, mais cette proposition faite par quelques-uns ne fut pas prise comme sérieuse.

La délivrance.

                On en était pourtant arrivé à envisager une solution extrême. Le chirurgien n'avait plus d'eau pour laver les blessures, plus de linge pour les pansements. Pourtant l'eau coulait à cinquante pas, au fond d'un ravin, où i'on entendait bruire sur les cailloux, mais au-dessus, dans la broussaille, on apercevait plusieurs rangées de très longs fusils, c'était le supplice de tantale.
                L'aspect du réduit était curieux, au-dessus du niveau déterminé par le parapet, toutes les tentes étaient criblées de balles, au-dessous, la toile était pratiquement intacte.
                Tout à coup, on vit apparaître au Nord Est, sur la montagne des Ouled Jacoub, une nombreuse troupe de cavaliers précédée par un homme enveloppé d'un burnous blanc, et qui paraissait être son chef.

                Nos soldats crurent qu'il arrivait un renfort aux ennemis et, enchantés d'en finir par une bataille décisive, ils préparèrent leurs armes, mais à leur grand étonnement, ils s'aperçurent qu'à la vue de ce chef, placé comme une statue équestre sur le piton le plus élevé de la montagne, la fusillade avait cessé comme par enchantement. Ce n'était pas suffisant, car le chef fit un signe en déployant largement son burnous, le laissant flotter comme une voile qui s'échappe du mat. Alors Kabyles, hommes, femmes, enfants, cavaliers commencèrent un mouvement de retraite, puis comme ce mouvement ne s'opérait pas assez vivement, on vit partir des pieds de ce cavalier, une trentaine d'hommes qui, à grands coups de plat de yatagan et de bâton, chassèrent les Kabyles devant eux comme le feraient des pasteurs, avec leur houlette, des plus petits et des obéissant des troupeaux.


                Puis quand la place fut déblayée, cet homme mit son cheval au galop, et seul, sans suite il s'approcha du camp, et montrant le chemin de Constantine : " - Allez dit-il à nos soldats, et si l'ont veux vous arrêter encore, répondez que vous êtes des amis de Bou-Askhaz. "

                C'était en effet le cheikh du Ferdj-Ouah, qui ayant appris que nos soldats couraient sur l'une des douze tribus qui lui appartenaient, le danger que nous venons de d'écrire, avait traversé les onze autres et était venu. d'un seul geste de son burnous, chasser cette nuée de Kabyles, comme d'un souffle, le seigneur disperse les nuages du ciel.

                Ce témoignage du Docteur Philippe, qui accompagnait l'expédition de Sétif, a été la première version du drame de Djémila.

                Il y a toutefois une erreur d'appréciation sur le rôle du Cheik Bou-Askhaz. Ce dernier habitait aux Sources Chaudes du Ferdjoua, à 6 kms à l'Ouest de Fedj-M'Zala, à 15 kms de Djémila en ligne droite. Il savait donc ce qui se déroulait à Cuicul et il aurait dû intervenir plus tôt. Mais ayant appris qu'une colonne de secours arrivait de Constantine, à marches forcées, afin de délivrer le camp, il prit cette initiative de peur des représailles et afin de se faire valoir auprès de notre commandement.

                Des clameurs, la joie fut très vive au camp, quand soudain ont vit descendre des hauteurs, en bon ordre, une colonne d'infanterie, le 26e régiment. Soudain tous les soldats parurent à l'entrée des tentes, portant bidons, marmites, gamelles, en un mot tous les vases susceptibles de contenir de l'eau, et une corvée fut organisée pour aller en chercher au ravin le plus proche. Entre temps le Commandant de la colonne, le colonel d'Arbouville, laissant le soin à ses officiers de faire camper ses hommes, accourut vers nous, nous allâmes à sa rencontre, dans notre piteux accoutrement d'assiégés. Il en fut ému. Les deux chefs s'entendirent, et l'on décida que la journée du 23 nous serait accordée, pour nous remettre un peu en ordre, et que l'on partait le lendemain, ce qui fut fait.

                " La Défense de Djémila " estime l'historien M Ernest Mercier, est un des plus glorieux fait d'armes des guerres d'Afrique, cependant il est resté méconnu. Le Gouverneur s'abstint de le faire valoir comme il le méritait, car son idée fixe était de prouver à la France que l'Algérie était soumise. Pourtant cette défense d'un poste ouvert est un des plus beau faits d'armes de la guerre d'Afrique, supérieur à la fameuse défense de Mazagran, mais Mazagran était près de la mer, en face de Marseille, sous l'œil d'une presse tenue au courant, tandis que derrière la masse énorme des montagnes kabyles, qui donc parmi les journalistes, connaissaient Cuicul la Romaine ? Plus tard, un grand conteur, Alexandre Dumas, y pris intérêt, mais c'était trop tard. La popularité de l'écrivain ne réussit pas à populariser à l'égard des Zéphyrs de 1840, ceux de décembre 1838, c'est dommage.

Deuxième expédition sur Sétif.

                Une colonne militaire revient à Sétif en 1839 et y fit un séjour de six semaines puis se retira. Mais une garnison composée de cinq compagnies d'infanterie s'installèrent dans la citadelle Sétifienne s'appuyant sur des postes intermédiaire implantés en autre à Djemila, Mahalla et Mila jalonnant ainsi le parcours Constantine Sétif.

                L'année suivante en 1839, le général Galbois, reprend la direction de Sétif. Il suivit pour s'y rendre la même route que la première expédition, voulant avant tout, prouver aux indigènes qui I'avaient inquiété, qu'il ne craignait pas de se mesurer une nouvelle fois avec eux, s'ils tentaient de s'opposer à son passage. Le 17e Léger, en gravissant le défilé de Mons, où ses compagnies avaient eu déjà un fait d'armes, l'année passée, fit battre la charge et sonner le clairon. C'était dignement annoncer sa présence et rendre hommage à un glorieux souvenir.

                Dès que les troupes furent sorties du défilé, elles virent devant elles un groupe de cinq cents cavaliers marchant à leur rencontre. C'étaient les contingents que le Cheik M'Saoud des Rirha, venait offrir et mettre à la disposition du Général. Ils se joignirent à la colonne jusqu'à Sétif, où elle arriva sans avoir brûlé une seule amorce.

                A notre approche, Ben Abd-es-Selam, était allé s'établir à Sidi Embarek, sur la route de la Medjana, d'où il se proposait de guetter nos mouvements et d'envahir la plaine à la première occasion.

                Le général Galbois dirigea immédiatement contre lui quatre escadrons de cavalerie et un millier de cavaliers auxiliaires des Rirha, Eulma et Amer. Le colonel Lanneau, à qui cette expédition avait été confiée, partit de Sétif le 25 au soir et arriva à Sidi Embarek au point du jour. Mais à l'annonce de cette arrivée, Abd-es-Selam, s'était sauvé en toute hâte, abandonnant une partie de ses troupeaux. son infanterie s'était réfugiée dans la montagne pendant que la cavalerie s'éloignait d'un autre côté. On ne put atteindre que son arrière garde après avoir galopé pendant plusieurs heures et dépassé Zamora. Ayant ainsi dispersé l'ennemi et lui avoir tué une trentaine d'hommes, la colonne rentra tranquillement à Sétif ayant parcouru environ 150 kms sans se reposer. Cette première sortie produisit un puissant effet moral sur le pays et amena de nombreuses soumissions Parmi les familles influentes des tribus voisines.

                Les postes que nous avions établis à Mila, à Mahalla (Beni-Guecha) et à Djémila protégeaient les communications entre Constantine et Sétif. Pendant que les troupes se livraient avec ardeur aux travaux d'installation dans les ruines de Sitifis, notre autorité commençait à s'établir. Le marché était abondamment approvisionné par les indigènes venant à notre rencontre sans aucune défiance.

                Cependant le parti qui nous était hostile continuait ses intrigues afin de nous susciter des problèmes et nous forcer à renoncer à nos projets d'établissement à Sétif. Plusieurs autres régions étalent également inquiétées par les agents d'Abd-el-Kader, qui violaient ainsi les clauses de nos précédents traités. Le maréchal Valée se décida à trancher hardiment cette situation, en faisant une démonstration. ayant pour but de relier la province d'Alger à celle de Constantine, et, de déterminer ainsi la limite de nos possessions que nous réservaient les traités. Trois divisions, dont deux dans la Province de Constantine et la troisième dans celle d'Alger furent constituées.

                La première sous les ordres du Duc d'Orléans, devait se rendre de Constantine à Alger en passant par Sétif, les Portes de Fer et Hamza.

                La deuxième, commandée par le général Galbois, devait appuyer ce mouvement jusqu'à la limite du département de Constantine.

                La troisième, commandée par le général Rullière, avait l'ordre de paraître sur les bords de l'oued Khedara lorsque la division du Duc d'Orléans s'approcherait d'Alger, afin de pouvoir la soutenir en venant à sa rencontre.
                Les deux premières divisions, réunis sous le commandement du Maréchal Vallée, partirent de Mila le 18 octobre et s'établirent le soir sous la protection du camp de Mahalla. Le lendemain elles arrivèrent sans difficultés à Djémila. Le Duc d'Orléans parcourut avec un vif intérêt, les ruines éparses sur le sol, de la puissante ville que les Romains avaient élevée sur ce point pour dominer les montagnards Kabyles belliqueux.

                En présence de l'arc élevé à la mémoire de Caracalla, le prince voulut le faire transporter à Paris, afin de l'élever sur la place publique à la mémoire de l'armée d'Afrique et de son dévouement de l'oeuvre qui lui était confiée. Cette idée fut accueilli avec enthousiasme par tous ceux qui entouraient le prince, mais on dû y renoncer devant les difficultés que présentait ces tonnes de granit.

                Le 20, la colonne quitta les ruines de Djemila et vint prendre position sur I'oued Deheb. Elle séjourna du 21 au 25, sous les murs du fort de Sétif', l'incertitude du temps ne permettait pas d'avancer et de compromettre le succès de I'expédition par une marche sous la pluie.

                Le poste de Sétif était gardé par le bataillon turc, excellent et d'un dévouement à toute épreuve. Le maréchal Valée était du même avis que le Duc d'Orléans qui déclarait : " Ils sont indignement traités n'ayant ni vêtements, ni logements, ni nourriture on leur donne seize sous par jour et un petit morceau de biscuit, avec cela il faut qu'ils se nourrissent et s'entretiennent, ce n'est pas possible ! On les envoie dans des postes où il n'y a ni viande ni farine, les laissant au bivouac en plein air, sans une couverture ni un manteau, ils souffrent meurent sans se plaindre.

                Les officiers qui les commandent ne sont pas mieux traites. II est nécessaire de remédier à cela. " Ce corps pouvait rendre d'énormes services, le Prince admira particulièrement la compagnie de canonniers et la compagnie de réserve des turco fino (Duc d'Orléans, récits de campagne 1833- 1841). Ce mot ne vient comme on le Prétend de l'envoi de tirailleurs en Crimée en 1855 comme alliés des turc. Le Maréchal Valée, estimant qu'il fallait une route terrestre plus directe entre Constantine et Alger ordonna de forcer le défilé des Portes de Fer.
                Les deux divisions quittent Sétif le 25 et vont s'installer sur les bords du Bou Sellam, à peu de distance d'Aïn Turc, position dominant les deux routes de Bougie à Zemora.

                Dans la nuit, le Khalifat de la Medjana arrive au camp. Il annonce que pendant que la colonne avait fait un séjour à Sétif, avait parcouru toutes les tribus soumises à son administration, que son autorité n'était contestée sur aucun point, mais qu'Amar, agent d'Abd-el-Kader, qui s'était présenté récemment sur cette partie de la province, s'était retiré en apprenant l'arrivée des troupes françaises. Ce rapport fit connaître l'inutilité de poursuivre la marche sur Zamora, où le maréchal avait eu le projet de se porter dans la journée du 26. Ce jour-là, le corps expéditionnaire fit tête de colonne à gauche et se rendit rapidement à Sidi Embarek sur la route directe de Sétif aux Bibans, dépassa cette route et alla prendre position sur l'oued Medjana. Des mesures furent prises immédiatement, pour réparer le fortin de la Medjana, où devait être placée une garnison de cinquante tirailleurs indigènes. Le 27, les deux divisions se rapprochèrent des montagnes du Drâ-el-Amar, qui touchent les Bibans.

                Des avis parvenus au Maréchal lui auraient fait connaître que l'agent d'Abd-el-Kader cherchait à manœuvrer pour gagner les Portes de Fer, La cavalerie de la deuxième division fut chargée de I'attaquer, Pendant que la colonne s'approchait des Bibans, Amar avait déjà pris la fuite lorsque que le Lieutenant-colonel Miltigen arriva sur l'emplacement où son camp avait été précédemment établi, les renseignements firent connaître qu'il s'était enfoncé vers le Sud et, que la bande qu'il commandait s'était dispersée.
                La colonne marcha toute la journée à travers un pays d'un aspect très difficile, prit position dans la soirée. auprès de la rivière salée qui coule dans les Portes de Fer sur le territoire de la tribu Kabyle des Benmi-bou-Ktou.

La Traversée du Défilé des Portes de Fer.

                Le 28, un ordre du jour fit connaître que la division d'Orléans passerait le défilé pour se porter sur Alger par les vallées de l'oued Beni-Mansour et de son affluent l'oued Hamza,
                Que la division Galbois, rentrerait dans la Medjana pour continuer les travaux entrepris, afin d'assurer la position de Sétif dont I'occupation définitive avait été décidée.

                A dix heures du matin, le duc d'Orléans après avoir reçu les hommages des chefs Kabyles, se dirigea sur les Bibans, précédé par les Chefs connus sous le nom de Cheiks des Portes de Fer. La colonne arriva à midi, le passage commença immédiatement et se termina à quatre heures, par suite des difficultés du terrain. Après avoir franchi le passage, la colonne s'étendit dans la vallée, mais retardée dans sa marche par un violent orage ne put arriver à Beni-Mansour le soir, elle bivouaqua à 6 kms des Bibans sur la rive gauche de la rivière salée, dans la partie du ruisseau qui porte le nom d'Oued Mahaiou.
                Le 29, le temps redevenu meilleur, permit de se mettre en marche de bonne heure, la colonne arriva à Beni-Mansour à dix heures, elle avait hâte d'atteindre ce point, depuis deux jours le manque d'eau potable s'était vivement fait sentir, les hommes et les chevaux avaient grand besoin de se désaltérer.

                On se porta ensuite rapidement sur Hamza et, où on débouchait dans la vallée de ce nom, le Khalifat d'Abd-el-Kader, Ahmed-ben-Salem, prit position sur la crête opposée à celle que suivait la colonne française. Le Prince, après avoir fait occuper fortement, par son infanterie, les hauteurs qui dominent l'Oued Hamza, lança sa cavalerie dans la vallée, les chasseurs et les spahis conduits par le colonel Miltgen, gravirent rapidement la berge de la crête où paraissaient les cavaliers de Ben-Salem. Ceux-ci ne tardèrent pas à se replier sans tirer un seul coup de fusil et, le Khalifat dont on apercevait les drapeaux, averti que le Prince se dirigeait vers Alger, donna l'ordre à sa cavalerie de se retirer, se repliant sur Médéa et renonçant au projet qu'il avait sans doute formé de défendre la position de Hamza.
                Dès que la cavalerie eut couronné les hauteurs que les arabes abandonnaient, le Prince, qui s'était porté en première ligne, fit remonter la vallée à son infanterie et occupa Hamza, dont le fort était complètement abandonné.

                Le fort de Hamza était un carré étoilé dont les revêtements étaient en partie détruits, les logements intérieurs, construits par les turcs, n'existaient plus, onze pièces de canon en partie enclouées, gisaient sur le sol, aucun n'avait d'affût et, l'armée ni trouva aucun approvisionnement de bouche ou de guerre. Il n'entre pas dans le cadre de cet ouvrage de narrer les opérations militaires de la colonne, très brièvement nous pouvons dire qu'après quelques brillants combats livrés aux arabes qui tentaient de s'opposer à sa marche, elle arriva au Fondouk le 1er novembre. Le lendemain, le Prince faisait son entrée à Alger sous les acclamations de la foule.
                Pour la petite histoire, on le sut que plus tard, on peut dire que si la colonne du Prince passa le défilé des Portes de fer, sans aucune opposition, ni attaque de la part des Kabyles, c'est parce que le Bachagha de la Medjana avait " négocié " avec de l'or, ce passage avec les principaux chefs kabyles. Cela afin de se faire valoir auprès de l'autorité française, disant qu'il maîtrisait parfaitement le secteur que I'on lui avait attribué

Premiers travaux du Fort d'Orléans à Sétif.

                Le général Galbois, après avoir quitté le corps du prince royal, rétrograda sur Sétif, y fit effectuer avec la plus grande célérité, les travaux de réparations des restes des fortifications romaines, qui prirent le nom de fort d'Orléans.
                L'expédition se termina par le retour de la colonne de Constantine en suivant la plaine des Eulmas et des ouled-Abd-Nour.

                Une folle tentative d'une fraction de la tribu des Eulmas fournit bientôt à la garnison de Sétif l'occasion de se distinguer. (FIN)
    


Cœur brisé
Envoyé par M. Christian Graille

             Sous le ciel infini dans le calme du soir
                  Je pleure doucement dans l'ombre, à ma fenêtre
                  Car je sens les rancœurs d'un morne désespoir
                  Soulever mes soupirs et meurtrir mon pauvre être.

                  Et tandis que mes yeux cherchent dans le ciel noir
                  Un rayon de bonheur, le vent des nuits pénètre
                  Dans ma chambre, apportant un parfum d'encensoir
                  Et mon souffle léger où passe un chant de prêtre.

                  Pourtant je n'entends pas la chanson de la Brise
                  Car mon âme est en deuil et trop las de souffrir
                  Je pleure en murmurant : Mon Dieu fais-moi mourir.

                  Et dans le soir joyeux mon pauvre cœur se brise
                  Des larmes plein les yeux et le front dans la main
                  Je songe avec tristesse au morne lendemain !

A. Truillot. Les clochettes algériennes et tunisiennes (05-04-1903)


  Chronique hebdomadaire
Envoyé par M. Christian Graille

                La Noël vient d'ouvrir la période des fêtes religieuses qui doivent marquer les diverses phases de l'année chrétienne. L'anniversaire de la naissance du Christ a été célébré dans les églises d'Oran avec toute la dignité que comporte cette touchante cérémonie.
              Le clergé s'est chargé d'accomplir seul cette tâche ; il n'a appelé aucun profane à son aide aucun virtuose émérite n'est venu distraire les esprits de la pensée qui devait les dominer, et les choses se sont passées recueillement pieux cette modestie cette humilité que commandait la circonstance.
              Quoi de plus touchant, de plus saisissant que cette messe de minuit qui rappelle la venue de l'homme-Dieu, la naissance de ce fils de proscrit dont les premiers vagissements se font entendre dans une étable, en attendant qu'il accomplisse la plus grande des révolutions dont le succès est assuré par le plus grand des sacrifices.

              Il semble en songeant à cela que tous les chrétiens devraient en ce moment entonner un immense hosanna ! Cependant il est bien petit, cette année, le nombre des fidèles qui sont venus se prosterner devant ce modeste berceau.
              Il est vrai que le temps n'était pas encourageant. Mais est-ce bien là le seul motif de ces nombreuses abstentions ?
              Non sans doute ; car on pourrait en trouver encore la raison dans la constitution de la famille en l'Algérie. Ici, en effet on ne vit pas encore de traditions.
              Chacun de nous se trouve isolé et doit, pour faire des affaires, ne compter que sur lui-même ; de là de graves préoccupations qui font négliger les choses saintes, sans pour autant les faire complètement oublier. Mais vont s'écrier ceux qui nous accusent d'indifférence en matière de religion, ces affaires, ces préoccupations ne vous empêchent pas de courir comme des fous dans les sociétés mondaines si compromettantes pour la vertu et le salut des âmes telles que : bals, concerts ; spectacles et autres lieux de perdition.
              Il n'est pas même jusqu'à des réunions formellement condamnées par l'église, comme les loges franc-maçonniques, qui ne soient pas assidûment suivies, et pour lesquelles on oublie toutes les préoccupations tous les embarras du moment !
              Cette réplique accusatrice vient avec assez d'à propos dans ce moment où Messieurs les frères-maçons célèbrent fraternellement la fête du solstice d'hiver qui est aussi leur Noël, et se préparent, en outre, à donner un bal auquel tout le monde voudra se rendre.
              Mais est-ce une raison suffisante pour accuser d'impiété ces hommes qui se vouent : à la recherche des vérités sociales à la pratique de la charité, au soulagement de l'humanité, et qui, quoi qu'on en dise, ne banquettent que deux fois par an ?
              Du reste, et bien qu'excommuniés en masse, il est des francs-maçons qui sont sincèrement religieux ; il y en a même quelques-uns peut-être qui, non contents de verser au tronc de bienfaisance l'obole de la veuve et de l'orphelin, paient aussi régulièrement le denier de Saint Pierre.
              Ceux-ci ne sont pas nombreux je crois ; mais à qui la faute si ce n'est à l'église qui les a jugés sans les entendre et les a repoussé d'un seul coup.
              Beaucoup de personnes se demandent les motifs de ces rigueurs excessives et que rien ne semble le justifier. Peut-être, beaucoup de ceux qui les maudissent seraient fort en peine pour leur donner ces raisons. J'avoue que pour mon compte je ne pouvais me les expliquer lorsqu'un de mes amis qui fait partie de la société voulut bien m'éclairer à ce sujet.
              " Notre crime, me dit-il, notre seul crime c'est notre tolérance en matière religieuse et politique. Nous admettons dans nos rangs tout homme honnête et vertueux croyant à l'existence de Dieu et à l'immortalité de l'âme, sans lui demander de quelle manière il adore le créateur ni la forme de gouvernement qu'il préfère.
              En un mot, tous les hommes sont nos frères, sans distinction de race ni de religion, nous voyons des amis partout, et bien qu'on nous accusent de manger des enfants vivants, nous n'avons fait brûler jusqu'ici : ni israélites, ni mahométans, ni protestants.
              Nous n'avons sacrifié : aucun républicain à la royauté, aucun royaliste à la république.

              Voilà mon cher, ajouta-t-il tout ce qu'on peut nous reprocher, et je le crois comme vous le croyez vous-même vous toutes, mes chères lectrices qui irez embellir de votre présence le bal qu'ils donneront au profit des pauvres, le 8 janvier prochain.
              Dame ! il faut bien que cela commence, et nous espérons que cela continuera. Car enfin, on ne peut pas se priver de tout, nous ne sommes pas des ermites et quand on a souffert toute la semaine, il est juste d'avoir un moment de plaisir pour oublier les peines passées et se fortifier contre celles qui sont à venir, lesquelles promettent d'être assez lourdes puisque la marée monte toujours. Quand je dis la marée je veux parler du prix des denrées alimentaires.

              J'ai déjà eu l'occasion d'entretenir mes lecteurs sur ce sujet, mais les faits sont venus me démontrer que j'étais au-dessous de la vérité.
              Et d'abord j'étais loin de penser que cette question put jamais me toucher directement. Aussi quel ne fut pas mon étonnement quand l'autre jour, après mon déjeuner, je vis ma maîtresse de pension m'appeler près d'elle par un geste gracieux.
              Je me rendis avec empressement à cette aimable et mystérieuse invitation et déjà je donnais libre carrière de ma folle imagination au sujet de l'entretien intime. " Comment ! Depuis trois mois vous réduisez journellement le nombre et le nombre des plats que vous me faites servir, et vous voulez encore augmenter le prix de la pension.
              Ah ! monsieur, les vivres sont si chers qu'il ne nous est plus possible de continuer sur ce pied-là, nous perdons sur tous nos pensionnaires et si ce n'était l'attachement que nous avons pour eux, nous les aurions déjà tous remerciés.
              C'est bien, madame, puisqu'il en est ainsi, je me soumets à toutes vos exigences. Et je la quittais en me disant : quelle atroce vie que celle de garçon ! comme on est exploité de toutes manières tandis que les hommes mariés ont toutes sortes de soins et de félicités. "
              Décidément je veux faire une fin, et je suis sûr qu'avec une gentille petite femme, qui m'aimerait bien et me dorlotera du matin jusqu'au soir je dépenserais moins d'argent qu'aujourd'hui.
              J'en étais là de mes réflexions lorsque je rencontrai un ami en puissance de femme. Il avait l'air soucieux, je l'aborde en lui demandant les motifs de son chagrin.
              " Ne m'en parlez pas, répondit-il, ces monstres de préteurs deviennent d'une exigence insupportable. Comment ?
              Figurez-vous que j'avais besoin de 300 francs pour couvrir des frais indispensables et que je n'ai pu les obtenir à moins de 20 % d'intérêt.
              Mais je vous croyais dans une situation ...
              Ah ! oui, elle est belle la situation ! Voulez-vous que je vous l'expose ? Tenez : j'ai 3.300 francs de traitement ce qui fait 275 fr. par mois ; enlevez 13,75 pour la caisse des retraites reste 261,25. Voilà pour les recettes.
              Or, voici mon budget des dépenses telles que les circonstances m'ont obligé de le régler pour ma femme mes deux enfants et moi : logement modeste 45 ; nourriture 150 ; blanchissage 20 ; chauffage et éclairage 10 ; femme de ménage 15 ; instruction des enfants 10 ; chaussures des enfants 10 ; tabac 1,25 ;
              Total 261,25

              Encore faut-il qu'il n'arrive aucun accident dans le courant du mois, comme : la casse d'une assiette, d'un verre, d'un plat, la visite d'un ami ou celle du médecin, ce qui serait comme une cheminée qui vous tomberait sur la tête et nous mettrait à la diète forcée pour plusieurs jours.
              Quant à l'entretien du luxe des femmes, aux folles dépenses il ne faut pas penser.
              Et notez qu'à ce compte nous vivons de 25 sous par jour et par personne, ce qui me dispense de vous donner le menu de nos repas, car vous savez à quel prix se vendent tous les comestibles.
              Ah ! si ces messieurs : les sénateurs, les maréchaux, les généraux etc., etc., voulaient se mettre à ce régime seulement pendant six mois, cela me ferait bien plaisir.
              Et voilà, mon cher, tout servant l'Etat fidèlement, consciencieusement, je suis dans la nécessité d'escompter mon petit patrimoine. Adieu. "

              Décidément, me dis-je, mieux vaut encore rester garçon, et je me dirigeai tout en rêvant vers l'école des garçons où une conférence devait avoir lieu ce soir Il s'agissait, vous le savez, de traiter une question palpitante d'intérêt qui se résume ainsi : du statut personnel des israélites indigènes.
              Le jeune conférencier qui s'était volontairement chargé de cette tâche s'en est acquitté avec bonheur : sa diction est facile et correcte, ses connaissances en droit public paraissent étendues et profondes. Il a fait de la situation des israélites indigènes un exposé clair et précis ; il a mis en parallèle les dispositions de notre loi civile et celle de la loi mosaïque, et il en a tiré des déductions fort justes. Cependant, il faut le dire, ses conclusions ne m'ont pas satisfait.
              En effet, si nous avons bien compris, il demanderait que le code Napoléon fut applicable aux israélites, qui pourraient, en outre, profiter des anciennes dispositions de cette loi qui autoriserait le divorce.
              En faisant cette proposition, l'honorable orateur m'a paru n'avoir en vue que de satisfaire au désir le plus cher des intéressés qui veulent prendre dans notre loi tout ce qui leur est agréable ou avantageux, et en rejeter tout ce qui pourrait contrarier leurs goûts et leurs idées.
              Or si cette prétention était admise, ce serait une anomalie de plus qui ne lèverait aucune des difficultés présentes ou prévues, mais aurait seulement pour conséquence de créer encore une société dans notre société algérienne. Le temps et l'espace me manquent pour donner aujourd'hui à ce sujet tous les développements qu'ils comportent ; mais j'espère pouvoir dire un jour ici toute ma façon de penser à Messieurs les Israélites qui voudraient jouir de tous les avantages de la loi française sans en éprouver les inconvénients (si inconvénients il y a).
              Qu'ils cessent une fois pour toutes de remplir le rôle de la chauve-souris de la fable ; qu'ils soient tout à fait Français ou tout à fait Israélites puisqu'ils ont la liberté de choisir ; mais qu'on sache à quoi s'en tenir vis-à-vis d'eux.
              Mais en voilà assez sur ce sujet, car je m'aperçois que le papier va me manquer ; et pourtant, je ne veux pas finir sans vous adresser, chères lectrices, mes souhaits de nouvel an.
              Sans que vous en doutiez, je connais les plus intimes de vos désirs ; je sais ce qui vous fait plaisir et ce qui peut vous déplaire ; aussi les vœux que je forme pour chacune de vous sont-ils catégoriques et précis autant que sincères et ardents et je ne doute pas que le ciel les exauce.
              J'espère que de votre côté, vous voudrez bien, comme l'année dernière, vous montrer indulgentes et bienveillantes pour votre chroniqueur qui, depuis un an, fait son possible pour vous être agréable.
Marius. L'Echo d'Oran (04-01-1870)

Remède à la disette
Envoyé par M. Christian Graille

                 Il y a des personnages d'une certaine importance en Europe qui croient de bonne foi, que les colons algériens ont accaparé toutes les terres cultivables des indigènes et que telle est la cause de la disette que subissent ces derniers.
                 Ils s'attendrissent volontiers sur les infortunés arabes dépouillés de leurs biens par une usurpation incessante, et réduits à cultiver des sables et des escarpements de ravins rocheux dépourvus de toute végétation.
                 Sans rien connaître de l'Algérie ils n'en discutent pas moins à la chambre ou au débat des questions se référant à l'administration coloniale ; Dans ses rapports avec les mœurs et coutumes des indigènes, comme dernièrement quand il fut mention de régulariser l'imposition sur les terrains et le bétail si mal réparti dans les tribus.

                 Un sénateur prenant le Pirée pour un homme constatait dans un discours à propos de l'évaluation de la richesse territoriale qu'un Arabe pouvait avoir beaucoup de charrues tout en labourant peu de terre tandis qu'un autre pouvait en labourer davantage n'ayant qu'un petit nombre de charrues.
                 Le parleur ne savait même pas que " la charrue " était une mesure agraire en Algérie comme en France : le journal, l'aune, l'arpent.
                 Cette singulière confusion montre combien ceux qui se chargent de nous tracer des lois sont ignorants sur les sujets qu'ils traitent.

                 Laissons ces gens à leurs promesses oratoires et revenons aux indigènes nos voisins, dont la situation est véritablement pitoyable.
                 Dans la plaine du Chélif, plusieurs familles manquent de grains pour manger et pour semer. C'est à peu près la même misère que l'année dernière ; les Arabes vont descendre à Orléansville et dans les villages du Chélif réclamer de l'orge et du blé.
                 Il est à craindre que ça devienne une habitude et que tous les hivers, il faille se mettre en garde contre ces sauterelles de la saison froide.

                 Les Arabes de la campagne à l'exception des grands propriétaires, ne travaillent que volontairement que quand ils sont aiguillonnés par la faim.
                 Donnez-leur l'orge et le blé nécessaire à leur nourriture, ils ne feront plus autre chose que garder quelques animaux s'alimentant seuls par le pacage.
                 S'ils viennent à vendre ceux-ci le prix en sera dépassé en jeu ou en frivolité pour les femmes. Aucun approvisionnement sérieux ne rentrera dans le douar.
                 Ils comptent beaucoup sur la manne qu'on leur distribue aussi facilement, et ils ne tarderont pas à considérer cette distribution comme une rétribution qui leur est due tous les hivers, car faute à leur nonchalance ; tous les hivers pour eux seront des périodes de disette.

                 Il est assez curieux que ce soit cette saison hivernale qui donne occasion au Sénat de discuter sur les moyens les plus importuns pour régulariser la contribution indigène et lui faire rendre davantage.
                 Il est évident que l'arabe : qui paye à l'impôt une répartition six fois moindre que le colon européen, et ne remplit aucun des devoirs sommaires du citoyen français échappe encore par toutes les ruses aux impôts achour et zeccat.
                 On voudrait réunir ces contributions en une seule et donner une plus grande facilité à la perception.
                 Il y a là matière à très beaux discours qui n'aboutissent nécessairement à rien ; mais ça ne remédie pas au mal qui reste une invasion périodique des mendiants indigènes dans nos centres coloniaux.
                 Ces gens ont : des bras, des bêtes de trait au moins, des ânes avec lesquels nous les voyons traîner entre les palmiers nains qu'ils n'arrachent point, un soc rudimentaire ; on leur donne des grains ; ils pourraient donc cultiver un terrain double en étendue que celui qu'ils mesurent à leur stricte nécessaire.
                 Alors la disette serait conjurée.

                 Nous ne pouvons pas avec notre législation forcer un indigène à travailler bien que sa paresse nous vienne à charge ; mais les Caïds les chefs de douars ont sur leurs coreligionnaires une influence suffisante pour vaincre leur nonchalance.
                 C'est par eux qu'on pourrait obtenir des tribus un ensemencement double, et par suite une récolte double dont la surabondance mise en réserve préservera de la disette hivernale. Il faut lutter pour la vie !
                 En leur fournissant du blé, les Arabes travailleront moins ; en arrondissant les impôts, ils ne payeront rien.
                 Si au contraire on peut persuader aux chefs indigènes de faire opérer de grands labours on aura trouvé un remède à la disette et même en grande partie à la criminalité.

J. D. Le Messager de l'Ouest Sidi-Bel-Abbès (02-02-1894)

ROUMANOFF a dit:
Envoyé par Mme. Eliane

         J'ai postulé pour travailler dans un pressing et ils m'ont dit de repasser deux mains.
         Je ne sais pas comment fer.

         Mieux vaut être une vraie croyante qu'une fausse septique.

         Le problème au Moyen-Orient, c'est qu'ils ont mis la charia avant l'hébreu

         Un milliardaire change de Ferrari tous les jours, et un SDF change de porche tous les soirs.

         Je me demande si à moyen terme, le changement climatique finira par avoir des conséquences irréversibles sur les pizzas 4 saisons.

         Comme dirait Dracula, j'irais bien boire un cou.

         Quand un crocodile voit une femelle, il Lacoste.

         Dieu a créé l'homme dix minutes avant la femme pour qu'il ait le temps d'en placer une.

         Que celui qui n'a jamais bu me jette la première bière

         Kadhafi est parti sans dire au revoir, ce n’est pas Tripoli de sa part. C'est écrit dans la presse si tu libyen.

         DSK sera désormais vigile au FMI : Il va monter Lagarde.

         C'est en se plantant qu'on devient cultivé ...

         Soyez gentils avec vos enfants : ayez toujours à l'esprit que ce sont eux qui choisiront votre maison de retraite.

         Le mec qui a convaincu les aveugles de porter des lunettes de soleil est quand même un excellent commercial.

         A l'école, on apprend aux enfants le passé simple, ils feraient mieux de leur faire apprendre le futur compliqué.




Deuil d'oiseaux
Envoyé par M. Christian Graille

                 Sur un rameau de marjolaine,
                  Deux pinsons, le printemps dernier,
                  Firent doux serments de s'aimer
                  Jusques à la saison prochaine.

                  Alors de ce commun bonheur,
                  Ils gazouillèrent la nouvelle
                  A la feuillée de pimprenelle,
                  Qui les grisa de sa senteur.

                  Pour leur hymen, à l'épousée
                  Le muguet prête son odeur ;
                  L'églantine de sa blancheur
                  Fit une robe de mariée.

                  La rosée donna ses écrins ;
                  Les ruisseaux qui chantent sans cesse,
                  Pour les charmer firent promesse
                  De leurs accords les plus mutins.

                  Mais l'homme roi de la nature,
                  D'un coup mit l'univers en deuil.
                  La mousse devint leur linceul
                  Et leur cercueil la pierre dure.
A .... Les clochettes algériennes et tunisiennes (10-08-1902)



La liberté des femmes
Envoyé par M. Christian Graille

                 Hier encore pupille, aujourd'hui déjà indépendante et libre, la femme marche chaque jour à grands pas vers l'émancipation complète de la tutelle de l'homme. En sera-t-elle plus heureuse ? La société en ressentira-t-elle un grand bien ?
                 En un mot, est-ce un progrès réel ?
                 Je ne me sens pas qualifié pour trancher la question.
                 Mais, qu'on le veuille ou non, la chose est ; et aucune force humaine ne pourrait aujourd'hui arrête, je crois, cette marche en avant vers une société basée sur des principes absolument différents de ceux de l'ancienne. Une remarque surprend un peu l'observation à ce sujet.

                 Loin de se trouver en tête, sur cette route de liberté, la femme de France, au contraire reste très en arrière : L'Anglaise, l'Américaine, la Scandinave, la Russe, la Finlandaise, et tant d'autres, même du Midi la devancent de beaucoup.
                 A la réflexion cependant, la raison de ce retard semble très simple, quoique jusqu'à ce jour le premier cri d'une liberté nouvelle soit toujours parti de notre pays.
                 La France est la terre de la galanterie, au sens : charmant, gracieux et tendre du mot.
                 Pendant des siècles elle a conservé sous ce rapport une renommée universelle. Les hommes plus policés qu'ailleurs, y faisaient assaut de douceur et de bonnes manières. La femme y était, par conséquent beaucoup plus traitée en reine qu'en esclave.
                 En tous les cas ses chaînes disparaissaient sous : des guirlandes de fleurs, sous des joyaux et les mille respectueux hommages dont l'entourait son prétendu tyran.
                 Comblée d'attentions, de prévenances, de compliments, sans cesse adulée, elle gouvernait et, finement, souriait avec des petits airs résignés à son soi-disant servage.
                 Si peu gracieuse que fut la loi à son égard, elle n'en souffrait pas, considérant comme un hommage la protection du reste comprise par l'époux comme une sauvegarde et un honneur pour sa propre dignité.
                 La Française dans ces conditions, n'éprouvait nul besoin d'une émancipation que d'aucunes rêvent aujourd'hui comme une délivrance.

                 Toute réforme oblige à penser. Et la première pensée qui se présente à l'esprit est celle de savoir que seront les hommes de l'avenir, habitués dès l'enfance à regarder en " camarades " les femmes dont ils feront les compagnes de leur vie ?
                 Autre chose que leurs aïeux, me répond quelques amoureux des lois nouvelles, et cette autre chose, pour différer des anciens, n'en sera peut-être pas moins bonne.
                 Je veux le croire mais je demeure quand même un peu pessimiste à l'égard du charme de cette société, dans laquelle l'égalité des sexes risque fort de tuer : la courtoisie, la galanterie, j'oserai presque dire l'amour.
                 Le mari et la femme, libres tous deux, liés seulement par un contrat réglant leurs intérêts matériels, en seront réduits, je le crains à l'état d'associés partageant le rapport annuel de leur mutuel travail, mais n'ayant ni l'un ni l'autre de compte à se rendre sur l'emploi que chacun d'eux fera de son salaire.
                 Dans cette condition laissera-t-on encore une part à la vie sentimentale ? Ne la traitera-t-on pas un peu de " vieux jeu " pour me servir du terme déjà dédaigneusement employé par la jeunesse moderne ! Hélas ! La chose est à redouter ; et, à ce régime d'égalité le cœur perdra, j'en tremble, en délicatesse ce que gagnera la liberté.

                 Les évènements, il faut bien en convenir pour être juste se font aussi un peu en cette affaire les complices des idées. Le travail des hommes est-il aujourd'hui moins rémunérateur qu'autrefois, ou bien les exigences de la vie sont-elles plus grandes et le salaire du mari devient-il de ce fait insuffisant ?
                 Que ce soit pour une cause ou pour une autre, le fait est là, mathématiquement vrai : non seulement chez les ouvriers mais plus seulement dans le ménage, mais de façon professionnelle, pour seconder : l'époux, le père et le frère, et contribuer pour sa part au bien-être de la famille.
                 " Ce ne sont pas les privilèges que nous demandons, disait une de mes bonnes amies, c'est l'égalité. " Peu à peu l'idée a fait son chemin, et la femme moderne a enfin conquis la liberté !
                 L'avenir dira si l'on doit s'en réjouir.
Ferdinand Hoffman.
Les clochettes algériennes et tunisiennes. (13-07-1902)


La peau de gazelle
Envoyé par M. Christian Graille

                  Parmi les boutiques où fréquentaient, lors de mon passage à Biskra, les touristes cosmopolites, friands d'objets indigènes plus ou moins authentiques, il en était une qui attirait tout spécialement l'attention.
                  Non pas qu'elle fût plus attrayante, ni plus décorative, les autres, car elle se confondait aisément dans la blancheur anonyme et ensoleillée des murs et terre sèche, avec les autres boutiques et cafés maures qui foisonnent dans le quartier mercantile de la Reine des Zibans.
                  Mais ce qui signalait plus particulièrement ce petit magasin exotique à la curiosité du public, c'était la physionomie originale de l'habile et retord industriel qui exploitait, au mieux de ses intérêts et parfois, il faut bien le dire, au préjudice de ses clients nomades, alléchés par sa persuasive éloquence, ou plutôt par son bagout panaché de cocasse sabir.

                  Au physique, rien ne le distinguait de ses banals confrères emmaillotés dans leurs burnous en laine et guettant les touristes au fond de leurs petites échoppes, comme l'astucieuse araignée tapie au centre de sa toile, guette les naïves bestioles qui se laissent bénévolement prendre au piège.
                  Mais au moral c'était une autre paire de manches ! Messaoud possédait sur ses coreligionnaires, grands et petits marchands de bibelots devant Allah, une supériorité incontestable.
                  Nul mieux que lui ne s'entendait à dorer la pilule, à faire miroiter aux yeux ébahis, émerveillés de l'amateur, sa clinquante pacotille.
                  Sa boutique primitive était encombrée d'une macédoine d'objets indigènes s'étalant et, vedette pour séduire plus sûrement les brillants oiseaux de passage qui, éblouis, fascinés par ce miroitement kaléidoscopique se laissaient aisément arracher, sans mal ni douleur, quelques plumes dorées, aux reflets métalliques.
                  Il était passé maître dans l'art de piper les gogos forains qui se fiaient à ses obséquieux salamaleks et parmi les oiseaux migrateurs qui venaient hiberner à Biskra chaque année, c'étaient surtout ceux d'Outre-Manche qu'il s'efforçait d'attirer à lui et dont il convoitait avec âpreté le riche plumage.

*
* *

                  -" Aoh ! Combien la peau de gazelle ? " demande à l'Arabe, d'une voix nasillarde une jeune miss au teint couperosé, plate comme un sandwich,
                  - " quarante francs ", répondit Messaoud, avec son plus mielleux sourire ; " et j't'y joure, madimoisille, ci pas chir ! Tiens rigarde ; ti vois comme ci jouli ; C'it oune gazelle di sable. Aillors ti troveras pas comme ça, akarbi : Prends, ti siras cotent.
                  - Aoh ; yes, mais ce était beaucô très cher, je volai pas payer quarante francs une peau de gazelle. Oh ! nô, vô plaisantez, jé crois !
                  - Akarbi, j'ty joure, ji gagne rien di tout ! Laisse, ça fit rien ; j'y vendrai tot à l'heures cinquante francs ! "

                  Et la jolie miss, au teint couperosé, et à la voix mirlitonesque, esquissant un sourire fendu jusqu'aux oreilles, qui découvre un clavier de larges quenottes, se décide enfin à exhumer de son portefeuille, une banknote qu'elle remet à l'impassible Messaoud en échange de la fameuse peau de gazelle à demi pelée, ratatinée dont elle se pare néanmoins comme d'un superbe trophée. Aoh ! yes it is very beautiful, all right ! " puis, la mine radieuse, nantie de son précieux fardeau, elle s'achemine à grandes enjambées vers le Royal Hôtel, cependant que l'Arabe : narquois, accroupi en tailleur sur une natte, au seuil de sa boutique, égrène son chapelet d'un geste hiératique, en invoquant le saint nom d'Allah et de son prophète Mohamed.

Jean de l'Escaut. Les clochettes algériennes et tunisiennes (10-01-1904)


La patience de Dieu.
De Mme Eliane


                 Dieu dit:
                 "Adam, je veux que tu fasses quelque chose pour Moi."

                 Adam répond:
                 "Avec plaisir, Seigneur. Que veux-Tu que je fasse?"

                 Dieu dit:
                 "Descends dans cette vallée."

                 Adam dit:
                 "Qu'est-ce qu'une vallée?"

                 Dieu le lui explique, puis Dieu dit :
                 "Traverse la rivière."

                 Adam répond:
                 "Qu'est-ce qu'une rivière?"

                 Dieu le lui explique aussi et Il ajoute:
                 "Ensuite, tu iras au-delà de la colline."

                 Adam demande:
                 "Qu'est-ce qu'une colline?"

                 Dieu explique donc à Adam ce qu'est une colline, puis ajoute:
                 "Au-delà de la colline, tu trouveras une caverne."

                 Adam demande alors:
                 "Qu'est-ce qu'une caverne?"

                 Après que Dieu le lui ait expliqué, Il dit:
                 "Dans la caverne tu trouveras une femme."

                 Adam dit:
                 "Qu'est-ce qu'une femme?"

                 Dieu lui explique aussi ce qu'était une femme. Puis Il ajoute:
                 "Je veux que tu te reproduises."

                 Adam Lui demande:
                 "Comment est-ce que je fais ça?"

                 Dieu Se dit "Ah! Ciel!" et comme pour le reste, Il explique aussi à Adam comment faire."

                 Alors, Adam descend dans la vallée, traverse la rivière, passe au-dessus de la colline, entre dans la caverne où il trouve la femme. Puis, environ cinq minutes plus tard, il est de retour devant Dieu.
                 La patience de Dieu commence à avoir des limites.
                 Il demande à Adam :
                 "Quoi, encore ?"

                 Et Adam répond :
                 "C'est quoi une migraine ?"




Feuilleton de l'Algérie
Envoyé par M. Christian Graille
Le képi
Son origine, ses transformations.

                 Dis-moi comment tu te coiffes et je te dirai qui tu es. (Un zéphyr inconnu)
                 Si nous l'osions, nous invoquerions toutes les Muses, y compris les sept ou huit bas-bleus qui, depuis Sapho, ont successivement reçu le nom quelque peu ridicule de dixième muse, car nous avons à traiter le sujet et le plus délicat le plus difficile qui ai jamais été traité ici-bas, c'est-à-dire dans le feuilleton.
                 Il ne s'agit de rien moins que du képi...

                 Mais avant tout, comme nous avons peut-être lu par des dames (et c'est la nôtre plus cher espoir), il est bon d'expliquer succinctement que le képi est la coiffure militaire en usage dans l'armée d'Afrique.
                 Les dames auront de la peine à nous croire : mais nous préférerions mille fois avoir à parler de leurs coiffures, du chapeau Paméla (chapeau de paille se fixant au menton avec un large ruban) par exemple, que du képi.
                 Il n'y a pas bien longtemps encore que nous osions critiquer la coupe et la nuance d'un chapeau rose, très coquet et très gracieux d'ailleurs, et nous ne savons pas encore si nous aurons le courage de dire toute notre pensée sur tel ou tel képi bien connu dans l'armée française.

                 Il est vrai que la jeune et jolie femme qui nous demandait très franchement notre avis sur son Paméla de satin rose est bonne autant que belle tandis que les têtes à képi les plus huppées ne sont le plus souvent ni belles ni bonnes.
                 Osons pourtant !
                 La révolution qui s'est opérée dans la coiffure militaire, et qui a passé déjà par tant de phases diverses, date de départ de l'expédition de 1830.

                 A cette époque, nos soldats portaient cet affreux shako (couvre-chef en forme de cône tronqué avec une visière) ballonné encore en usage dans l'infanterie allemande.
                 On partait pour la côte d'Afrique, en plein été, et les prévisions caniculaires inspirèrent à je ne sais quel philanthrope l'idée de recouvrir le sommet du shako d'une espèce de gaine en toile blanche ; quelques régiments eurent même le shako tout entier enveloppé d'une coiffe de pareille couleur.

                 On espérait ainsi amortir l'effet des rayons solaires, et, en réalité, on ne faisait qu'ajouter un embarras de plus à tous ceux dont le soldat était accablé.
                 Heureusement que, dans tous les pays du monde, le Français malin ne perd pas ses droits, et l'armée expéditionnaire était à peine disséminée dans la plaine de Staouéli, que plus d'une gaine à shako avait déjà été transformée en linge à barbe, si ce n'est pis.
                 Nous nous rappelons une cantinière qui, prise, peu de temps après l'entrée triomphale à Alger, des douleurs de l'enfantement, ne trouva rien de mieux, pour composer sa layette, que de recourir aux étuis à shako de son régiment.
                 Il ne fallait rien moins pour nous convaincre que la philanthropie peut être bonne à quelque chose.
                 Il est inutile d'ajouter que nous ne pouvons parler ici que de cette philanthropie étroite et mesquine qui s'occupe beaucoup des sous-pieds et des boutons de guêtres de l'armée, et qui voit, sans sourciller nos soldats manger un pain lourd, noir et boueux, tandis que le règlement leur assure, si nous ne nous trompons, une alimentation meilleure et plus saine.

                 Mais laissons en paix les philanthropes officiels, et ne les mettons pas davantage en contradictions avec leur titre en les forçant à nous haïr.
                 Immédiatement après la conquête, on essaya de substituer au shako une casquette à larges bords et à large visière, toujours avec la couverture blanche pour annexe.
                 Cette fois, l'incommodité et le mauvais goût étaient si flagrants, le soldat était si méconnaissable sous cet affreux et lourd parasol, qu'on ne tarda pas à renoncer à cette coiffure, qui pourtant s'est perpétuée jusqu'à ces derniers temps dans quelques compagnies de discipline.
                 Si, dans la suite des siècles, une casquette de ce genre, plus ou moins pétrifiée, venait à être découverte par quelque futur savant, les académies et les archéologues d'alors se livreraient assurément à des discussions approfondies pour savoir à quelle race de barbares avait pu appartenir un pareil meuble, beaucoup plus semblable à un ustensile de cuisine qu'à une coiffure humaine.

                 Avant la fin de 1832, l'ancien shako d'infanterie subit sa première modification importante et changea de nom.
                 On fit confectionner une espèce de pâte de carton ou de feutre léger recouvert de drap garance avec ventouse et visière et on appela cela un blockhaus, ce qui semble d'abord une antithèse car les petites forteresses en bois désignées sous le nom de blockhaus étaient carrées tandis que la coiffure nouvelle était ronde et fort disgracieuse en outre.

                 Mais en réalité parce que : les blockhaus en bois ne garantissaient pas plus le pays des coups de main des Arabes que les blockhaus en feutre ne garantissaient le soldat des maux de tête et des coups de soleil.
                 Les choses étaient en cet état, et les philanthropes du ministère de la guerre se creusaient l'esprit, c'est-à-dire qu'ils ne creusaient absolument rien, pour découvrir quelques améliorations à introduire dans la coiffure du soldat ce qui les empêchaient de s'apercevoir que nos blessés et nos malades couchaient, faute de lits, sur la paille, léger inconvénient qui subsisterait peut-être encore aujourd'hui si le duc d'Orléans ne l'eût remarqué un jour en passant à Constantine, les choses, disons-nous, en étaient là, lorsqu'un homme de génie vint opérer une révolution inattendue.

                 M. Bugeaud, qui n'était alors ni le duc d'Isly ni maréchal de France, arriva en Algérie avec toutes sortes de préventions et d'antipathies dont il n'avait pas fait mystère, car c'est une justice à rendre à M. le maréchal Bugeaud qu'il ne faisait mystère de rien, pas même de la sainte horreur que lui inspire un pauvre petit journal comme le nôtre.
                 Le général Bugeaud, se défiant outre mesure des ardeurs du soleil d'Afrique, avait fait confectionner dans le Périgord une visière dont lui-même avait dessiné le modèle.
                 Cette visière, dont le souvenir vivra éternellement dans les fastes de la chapellerie, comme le colosse de Rhodes et la statue du Jupiter Olympien survivent dans l'imagination des peuples, cette visière était à bord circulaire et continu, pareille aux bords d'un chapeau.

                 Le général se montra pour la première fois coiffé de cette visière merveilleuse, la veille du combat de la Sickak, le même que le Charivari, pour mieux rendre sans doute la prononciation arabe, désignait sous le nom de Six-Craques.
                 Un immense éclat de rire, que le respect et la peur du violon comprimèrent à peine, accueillit la Bugeautière, (c'est le nom que, depuis lors, on n'a pas cessé de donner aux visières de cette forme.)
                 Un zéphir, dont ma postérité regrettera de ne pas savoir le nom, le même auquel nous avons emprunté l'aphorisme que nous avons pris pour épigraphe, composa, après le combat, cette chanson devenue célèbre et dont nous nous bornerons à transmettre le refrain :
As-tu vu la casquette, la casquette,
                 As-tu vu la casquette la casquette au père Bugeaud ?

                 La bugeautière devint en peu de temps, très populaire en Algérie. Il est vrai que M. le général Bugeaud, son inventeur, n'avait rien épargné pour contribuer au succès de sa visière.
                 "Enfants ! " avait-il dit un jour à ses soldats, car on sait que de tout temps M. le gouverneur général de l'Algérie a affectionné le pronom possessif : mes soldats, mes cavaliers, mon armée, mon gouvernement etc.
                 " Enfants ! ne perdez pas de vue ma blanche visière, vous la trouverez toujours sur le chemin vicinal de l'honneur ! "

                 Ce fut en effet peu de temps après ces mémorables paroles que fut conclue la célèbre affaire des Boudjous (ancienne unité monétaire).
                 Malgré l'influence de son inventeur, la bugeautière ne fut cependant pas adoptée par tous les régiments ; quelques officiers quelques aides de camp prirent seuls la coiffure de l'illustre général, bien plus, nous aimons à le supposer, dans l'espoir de se faire ainsi remarquer du chef, que par sympathie pour la visière.
                 On raconte, en effet, que plus d'une épaulette plus d'une décoration n'ont été dues qu'à cette innocente flatterie.
                 La dernière bugeautière que nous ayons vu se rattacher à un souvenir douloureux lorsqu'après la première et funeste expédition de Constantine, M. le maréchal Clauzel, accompagné de M. le duc de Nemours, rentra à Alger, il était coiffé d'une casquette à Bugeautière.

                 Le général Bugeaud lui-même renonça à sa visière circulaire.
                 Lorsqu'en 1840, il vint prendre à Alger les rennes du gouvernement de la colonie, il portait un blockhaus à double visière, l'un devant l'autre destiné à couvrir et à garantir la nuque. Cette seconde innovation n'eut pas de succès.
                 Ce fut à peu près à cette époque que le képi, proprement dit, succéda au blockhaus.
                 La forme du képi diffère de celle du blockhaus, en ce que le premier ressemble à un pain de sucre tandis que le second n'était pas sans analogie avec un tronçon de tuyau de poêle.
                 Le képi est incommode peut-être, mais il est : plus léger, plus coquet, plus élégant que le blockhaus.

                 Toutefois cette coiffure qui semble être destinée devenir d'un usage général dans l'armée française a subi bien des variations avant d'être ce qu'elle est aujourd'hui.
                 Rien de plus multiple de plus insaisissable que la physionomie du képi ; nous aimerions mille fois mieux avoir à peindre Protée, de mythologique mémoire, que le képi actuel.
                 Nous, nous étonnons que le ministère de la guerre, qui, depuis quinze ans, s'est livré à de si profondes méditations pour modifier et réglementer le costume et l'armement des troupes françaises n'ait pas encore porté son attention sur la nécessité d'assigner au képi une forme invariable.

                 Il est aussi difficile de déterminer l'étymologie que l'origine du képi. Nous devons cependant en historiographe fidèle, dire à cet égard tout ce que nous savons.
                 On raconte qu'une jeune et brillante duchesse allemande, dont le mari occupait dans l'armée prussienne une position fort élevée, s'éprit d'amour pour un beau jeune homme qui, sortant à peine du lycée, remplissait auprès du maréchal X ... les fonctions d'aide de camp.
                 Ils étaient jeunes et charmants tous deux, ils vivaient sous le même toit, ils valsaient ensemble dans toutes les fêtes ... Bref, ils s'aimèrent de l'amour le plus tendre et le plus passionné.
                 Leur jette la pierre qui voudra, à coup sûr ce ne sera pas nous !
                 Un jour ils eurent à s'occuper tous deux d'une grave et importante affaire ; on donnait bal à la cour, et la duchesse voulut y paraître dans un costume étrange et gracieux à la fois.
                 Là-dessus : longs pourparlers, graves et solennelles méditations.
                 Le costume fut trouvé, il était ravissant, la coiffure seule laissait quelque chose à désirer.
                 Il n'y avait pas un instant à perdre pourtant ; la duchesse se désespérait et le maréchal inquiet, pria son jeune aide de camp, qui jusque-là s'était fait remarquer dans les bals bien plus que sur-le-champ de bataille, d'aller seconder sa femme dans le choix et la coupe de cette coiffure malencontreuse.
                 Vous devinez sans peine que l'heureux officier ne se fit pas prier deux fois.
                 Ils passèrent de longues heures ensemble ; de quoi s'occupèrent-ils ?
                 Nous osons le supposer à peine.

                 Le fait est qu'ils parurent tous deux au bal sous les plus coquets atours, coiffés tous deux d'une sorte de képi qui leur seyait à ravir.
                 Ils eurent les honneurs de la soirée ; la duchesse était éblouissante de grâce et de beauté.
                 Le vieux maréchal était triomphant. " Vous êtes bien heureuse " lui dit-il, pendant que dans l'intervalle des deux mazurkas, elle venait se reposer auprès de lui.
                 " Oh ! oui, bien heureuse ! " répondit-elle en rougissant et en baissant ses grands yeux bleus.
                 Le maréchal, après le gain d'une bataille décisive, enchanté qu'il ne l'était du triomphe de sa femme et de son aide de camp, car si tous les regards des hommes s'arrêtaient sur la duchesse, bien des yeux noirs, bien des yeux bleus regardaient à la dérobée le jeune officier si élégamment travesti.

                 Tant y a que le lendemain du bal le maréchal soumettait au Roi un rapport à l'effet de faire adopter, pour certains corps de cavalerie, le petit képi qui avait obtenu au bal un si brillant succès.
                 Si nous n'aimions pas le képi pour l'élégance et la légèreté de sa forme, nous l'aimerions à cause de cette origine toute imprégnée d'un parfum de femme et d'amour.
                 Quant à l'étymologie du mot, un gros et savant homme de nos amis nous assure que le mot képi vient du mot allemand Kopff (tête) ou du mot latin caput ou du mot grec kephalon et ainsi de suite. Nous n'y voyons rien d'impossible après tout.

                 Qu'on nous permette d'abord d'énoncer un axiome : il n'y a pas deux képis qui se ressemblent. Le képi se divise en quatre parties bien distinctes : la visière, le turban ou tour de tête, le corps, le calot.
                 De ces quatre parties, la plus essentielle, celle qui est au képi ce que l'œil est au visage, c'est la visière.
                 La couleur les insignes les dimensions ont varié sans doute à l'infini.
                 Ainsi le calot a d'abord été : en drap, puis en cuir noir verni, puis en cuir verni blanc.

                 Cette dernière modification fut trouvée par le duc d'Orléans : le képi surmonté d'une couche blanche fut surnommé le képi- fromage, probablement parce que le calot ressemblait alors à un fromage à la crème d'une entière blancheur.
                 Mais nous avons hâte d'arriver à la visière.
                 Il serait difficile d'imaginer la multitude de combinaisons que peut recevoir ce léger morceau de cuir verni, désigné sous le nom de visière, bien qu'au premier aspect on ne puisse guère lui assigner que trois positions.
                 La visière se porte : droite ou relevée ou baissée et cependant ces trois combinaisons se prête à la plus grande variété dans les physionomies du képi, comme les trois bras du télégraphe suffisent à l'expression de tous les mots de la langue.

                 Règle générale : si jamais vous rencontrez une visière relevée, ne vous avisez pas de regarder de travers celui qui la porte car, à coup sûr, celui-là est ce qu'on appelle dans l'armée un crâne, fort expert dans le maniement de toutes les armes, et qui pourrait vous faire payer cher votre imprudence.
                 La visière relevée abonde dans : les bataillons de zéphirs, dans certaines compagnies du génie et de l'artillerie, dans les escadrons de chasseurs d'Afrique.

                 La visière droite est l'indice d'un caractère ferme et résolu mais paisible et de bonne humeur. Toutes les visières droites de notre connaissance sont ainsi. Il va sans dire qu'ici, comme partout, l'exception confirme la règle.

                 La visière baissée est sans contredit le type le plus remarquable et aussi le plus complexe. Il ne faut pas croire que dans cette position la visière ait pour objet de garantir le front et les yeux des rayons du soleil ; la visière est au képi ce que la poignée est au sabre, c'est-à-dire un manche qui sert à la saisir.
                 La visière baissée est, naturellement de forme convexe ; elle a ce que, dans les ateliers de peinture, on nomme, le chic.

                 Elle est de bon ton ; généralement elle est portée par les officiers : graves, studieux, posés, réfléchis, ou qui tout au moins ont la prétention de la paraître.
                 Les dames ont tour à tour témoigné leurs sympathies pour ces trois formes distinctes. Nous avons connu des officiers à visière : Relevée, droite et basse, qui tous ont obtenu de brillants succès dans les salons ou autres lieux de nos ville algériennes.

                 Dans l'une des plus étroites et plus fraîches ruelles d'Alger, nous vîmes un jour un officier à visière relevée qui sortait furtivement et en retroussant triomphalement sa moustache d'une maison qu'habitait un fonctionnaire civil très connu ... par la beauté de sa femme.
                 La visière relevée rencontra sur le seuil de la porte un officier à visière basse au moment où celui-ci s'introduisait dans la même maison.
                 Bien différents des augures romains, qui ne pouvaient se rencontrer sans rire aux éclats, ces deux jeunes gens se firent de gros yeux échangèrent leur carte, et le lendemain on les ramenait blessés à l'hôpital du dey.
                 Quelques jours plus tard en passant par la même rue, nous vîmes une visière droite qui se glissait en cachette dans cette maison hospitalière.
                 Certes, la variété des goûts est dans la nature, et le non La Fontaine l'a bien prouvé dans son conte du Pâté d'anguilles ; mais à part de rares exceptions comme celles que nous venons de citer, nous offrons de deviner le caractère d'une dame d'après la visière qu'elle affectionne.

                 L'usage du képi amènera tôt ou tard une révolution complète dans le port des insignes militaires. Le képi tend à se substituer à l'épaulette, et voici comment :
                 La soutache, petite tresse d'or ou d'argent, fut d'abord appelé à n'être qu'un ornement du képi.
                 L'usage du caban sous lequel l'épaulette, signe distinctif du grade, disparaissait tout à fait, suggéra d'attribuer à la soutache l'indice du grade.
                 Ainsi le sous-lieutenant porte une soutache
                 le lieutenant en met deux
                 le capitaine trois
                 le chef de bataillon quatre
                 le lieutenant-colonel cinq
                 le colonel six.

                 En suivant la même progression on arriverait au nombre de neuf pour le grade de maréchal de France, c'est-à-dire que peu que les soutaches fussent distancées, c'est à peine si la hauteur du képi pourrait suffire à les échelonner.

                 D'ailleurs les officiers généraux témoignèrent peu de sympathie pour la soutache, et la plupart d'entre eux portaient un large galon d'or qui avait l'inconvénient de rappeler la livrée des gens de bonne maison.
                 Aujourd'hui, l'usage des galons a presque entièrement disparu et les officiers généraux sont revenus à la soutache.
                 Mais un grave dissentiment s'est élevé au sujet du port de la soutache.
                 Les soutaches seront-elles : placées à la base immédiatement au-dessus du tour de tête ou au sommet du képi ?

                 Cette importante question n'est point résolue encore, et l'arbitraire le plus complet règne dans cette partie du costume militaire.
                 Nous supplions les hommes graves qui, depuis trente ans, s'occupent au ministère de la guerre des problèmes les plus sérieux de l'ordre social à savoir : la forme des guêtres, la largeur des passes-poils et la coupe des ceinturons, de méditer longuement sur l'anarchie que nous leur signalons.

                 Autre sujet de méditations. On distingue deux sortes de képis : le képi dur et le képi flexible ou képi mou.
                 Le képi dur est le képi réglementaire, le képi mou est le produit de cette fée charmante qui a un nom : fantaisie.
                 Pour notre part, nous ne dissimulerons pas nos prédilections par ce dernier ; mais un abus déplorable tend à s'introduire.
                 Le képi mou remplace déjà, dans certains corps, le classique bonnet de police.
                 Nous espérons que dans une époque qui a (si nous osons nous exprimer ainsi,) pris pour emblème le bonnet de coton, on ne permettra pas que le bonnet de police disparaisse de l'armée.

                 N'est-ce pas assez déjà que le bonnet à poil n'existe plus qu'à l'état de mythe sur la tête des sapeurs ! Le bonnet, messieurs du ministère, le bonnet sous toutes ses formes ! Au nom du ciel ! Veillez à sa conservation ! Prêtez-vous au développement du képi mou, nous le désirons de tout notre cœur mais au nom de l'ordre public en général, et du commerce de l'épicerie en particulier, ne le laissez pas se substituer au bonnet de police qui a droit à toutes vos sympathies, et que nous avons déjà si cruellement maltraité en le rendant bicolore comme un pantalon du moyen âge.
                 Il faut avoir habité une ville de guerre, ou autre, pourvu que l'élément militaire y soit prédominant pour se faire une idée de l'importance que l'élément civil ou administratif attache aux distinctions honorifiques en usage dans l'armée.
                 Ici, à Paris, où l'officier obligé de sortir en tenue, est, pour ainsi dire, forcé de cacher l'étrangeté de son costume sous les plis d'un manteau ou derrière les stores d'une voiture de place, on aurait de la peine à comprendre cette militaromanie dont nous parlons.

                 Nous avons connu d'honnêtes gens, d'ailleurs, dont la plus noble ambition était de porter un képi et d'y attacher le plus grand nombre de soutaches possibles, et cela, le croirait-on, pour extorquer à un pauvre diable de factionnaire le port d'armes honorifiques.
                 Nous n'avons jamais pu comprendre pourquoi Dieu, dans sa bonté suprême pouvait se donner la peine de créer des êtres à forme humaines dévorés d'un si noble désir.
                 Oui, passer à l'aide de plus ou moins de passementerie, pour : lieutenant, capitaine ou chef de bataillon quand on est tout simplement autre chose : interprètes, officier d'administration, payeur, comptable etc. constitue pour quelques êtres privilégiés le bonheur ineffable. Nous espérons que si le royaume des cieux promis par l'Evangile aux pauvres d'esprit appartient à quelqu'un ce sera aux képiphiles dont nous venons de parler.
                 Qu'il nous soit permis de terminer cette monographie comme nous l'avons commencée, c'est-à-dire par un aphorisme.
                 On a souvent dit que l'habit ne faisait pas le moine ; il est temps de transformer cette vérité en disant que le képi ne fait pas l'officier.
L'Algérie. Courrier d'Afrique,
de l'Orient et de la Méditerranée (12-12-1845)


Le lazaret de Mers-el-Kébir
Envoyé par M. Christian Graille
Conte arabe

          Il est probable qu'aujourd'hui ou demain une bonne partie des passagers actuellement à bord des bâtiments en quarantaine, pourront être installés au lazaret. Le lazaret que nous avons visité ces jours-ci, alors que tous les préparatifs étaient sur le point d'être terminés, nous a paru répondre à toutes les conditions voulues, du moins relativement aux ressources de temps et d'argent dont on pouvait disposer.
          Il est établi dans la partie du fort de Mers-el-Kébir qui regarde Oran, l'autre partie du fort reste affectée aux ateliers des condamnés et aux bureaux.

          Les zouaves campent derrière le fort, à environ une centaine de mètres de la grande porte d'entrée. L'entrée du lazaret se trouve sur la mer.
          En descendant des embarcations, les passagers passeront près de la salle de désinfection et non loin d'un bâtiment commode, destiné à recevoir ceux chez lesquels il sera constaté une affection suspecte, pouvant donner lieu à des craintes.
          Un escalier assez élevé conduit dans le fort. Arrivés là, les passagers seront installés, ceux des premières et secondes, dans une vaste chambre où chaque personne aura son lit.

          Dans le réfectoire également commun, il y a un piano ; les quarantenaires auront exactement de la nourriture du bord, au même prix et avec la faculté de choisir plus facilement.
          Les passagers de troisième et de quatrième auront également leur réfectoire et leur salle à manger.
          Les militaires et ceux qu'on aurait pour mettre à part, seront placés dans une longue pièce destinée aux prisonniers ; ils auront une couche avec une paillasse.
          Si des paquebots amènent des prisonniers, ils seront mis dans une autre pièce et enfermés au besoin.

          Les dames auront leurs chambres séparées. En outre un local spécial est réservé pour celles qui voyageraient seules.
          Autour des bâtiments, il y a suffisamment d'espace pour quelques passagers puissent se promener et se réunir. Des jeux et des distractions de toutes sortes seront à leur disposition.
          Le lazaret est séparé des prisonniers par une haute palissade seulement, mais derrière cette palissade est une cour dans laquelle il ne sera pas permis aux prisonniers de se promener.
          On sait d'ailleurs que quand un prisonnier sort, il est accompagné d'uns sous-officier et ne peut que le suivre. De ce côté donc, point de contact à craindre.

          Pour le parloir, même précautions, une barrière à claire-voie ne pourra être dépassée par les quarantenaires.
          A dix mètres environ de cette barrière se trouve une cloison avec des guichets par lesquels les visiteurs pourront voir leurs amis et leur causer.
          Le lazaret sera relié à Oran par le téléphone.
          Il existe encore au milieu du lazaret, une dizaine de logements composés de trois ou quatre pièces qui seront mis à la disposition des familles qui en feraient la demande.
          Les familles ainsi logées, pourraient se faire servir chez elles, même par leurs domestiques. On le voit toutes les précautions semblent prises.

          Un bassin est installé pour l'approvisionnement ; le lessivage et le blanchissage seront faits sur place etc.
          Espérons que dans ces conditions, nous n'aurons pas le choléra en ville, ni même au lazaret. Si cependant un cas se produisait le malade serait immédiatement transporté à l'hôpital entre Saint-André et Roseville.
L'Indépendant de Mascara (24-07-1884)


Les sauterelles
Envoyé par M. Christian Graille

                 Les sauterelles sont venues nous visiter, accueillies par des malédictions et par des cris de joie. Ceux qui les ont vu arriver avec terreur, ce sont les cultivateurs qui tremblent de perdre en quelques jours le fruit du travail d'une année ; ce sont les commerçants qui savent que la misère pour nos colons, c'est la misère pour eux.
                 Ceux qui sont tentés de bénir les locustes, ce sont les fonctionnaires qui peuvent faire preuve de zèle et gagner de l'avancement en les combattant.
                 Ceux qui applaudissent franchement les aventurières ailées, ce sont les galopins de la ville surtout et même les plus jeunes gamins de la campagne.

                 Ils font servir les acridiens à toutes sortes de jeux. Les voir voler est déjà pour eux un plaisir, les voir sauter en est un autre, les poursuivre est délicieux et les capturer une ardente ivresse.
                 Les prisonnières n'ont à attendre aucune pitié de leurs geôliers : on leur applique dans toute sa cruauté la loi du vainqueur. Væ Victus !
                 Il en est à qui leurs bourreaux arrachent une aile ou deux brisent les pattes, ces pattes jaunes et sèches qui se déploient si vivement et donnent de si furieuses chiquenaudes ; d'autres sont décapitées : rien n'est plus agréable pour les gavroches observateurs que de voir le corps de la suppliciée agité encore de mouvements épileptiques : ils veulent résoudre sans doute, le problème de la survie chez les guillotinés.

                 Certaines sauterelles, moins maltraitées, sont seulement soumises à un esclavage douloureux, et accablées comme les vaincus dans l'antiquité de travaux forcés exténuants. On les attache par un fil et on les invite à voler tout en les retenant par le lien en ballons captifs.
                 On les attelle à plusieurs après des chariots en papier qu'elles se mettent à faire marcher avec des bonds désordonnés.
                 Les enfants tiennent beaucoup à la propriété des acariens dont ils se sont emparés ce n'est pas sans lutter sans coups de poings et sans coups de pieds qu'ils se laisseraient dérober leurs sauterelles.

                 Si, cependant ils ont affaire à un gaillard plus âgé qu'eux et contre lequel ils ne puissent défendre leur bien, eux qui abusent de la loi du plus fort pleureront toutes les larmes de leur corps d'avoir été dépouillés.
                 Un grand amusement des gamins est encore de lâcher un pèlerin dans la classe d'en glisser un dans le cou d'un condisciple facilement effarouché.
                 Les locustes servent aussi à faire de longs colliers jaunes à l'odeur nauséabonde. Les locustes sont donc saluées par les bravos des galopins des rues.
                 Mais si les acridiens leur offrent un tableau pittoresque, ils évoquent à leurs yeux un spectacle funèbre.
                 Les artistes aperçoivent dans le fond de la perspective les deuils de la nature et des hommes qui suivront le vol des insectes blonds...
                 Les sauterelles sont à terre. La route blanche, dont l'air diaphane s'élève en vibrant, paraît toute couverte de hachures noires ou rousses, et ces hachures se mettent étranges à marcher. Par instant le chemin semble recouvert d'un or mouvant.

                 Je m'avance, le sol jaune devant moi s'envole : il est littéralement enseveli sous une couche de pèlerins.
                 Les locustes s'enfuient lourdement, d'un roux très laid effarés battant désespérément l'atmosphère de leurs doubles paires d'ailes.
                 Sous cette espèce de vêtement de gaze qui les habillait, leurs corps annelés répugnants se montrent nus.
                 Mais les insectes montent de plus en plus dans l'azur, leurs corps se fondent ; je ne distingue plus là-haut que des papillons jaunâtres et diaphanes au travers desquels transparaît le soleil.
                 N'est-ce pas plutôt de fines folioles nouveaux-nées arrachées par un zéphir printanier ?
                 Légères impalpables elles ne peuvent retomber sur terre, elles voltigent dans le bleu.
                 On les a comparés aussi et avec raison à des flocons roux, mais à des flocons translucides qui resteraient suspendus dans la voûte céleste, neige d'or des jours d'été radieusement illuminés.
Et. D. Les Annales algériennes (05-06-1892)


A propos du dictionnaire
de la guerre d'Algérie

Par M. Gérard Crespo- http://gecrespo.blogspot.com/
Envoyé par M. A Hamelin
        Sorti en librairie il y a quelques semaines, l'ouvrage est présenté en page quatre de couverture comme une œuvre élaborée "avec le souci d'objectivité et d'exigence intellectuelle qui seul peut aider à faire progresser la connaissance".
        Notre intérêt est ainsi aiguisé et nous nous empressons de consulter le livre. Œuvre monumentale qui offre plusieurs centaines d'entrées, nous décidons d'en consulter quelques-unes afin de vérifier l'assertion qui nous est présentée au dos de l'ouvrage.

        C'est ainsi que nous consultons en premier une notice qui traite d'un sujet longtemps occulté par les historiens français et dont l'événement a été reconnu par le président de la république en 2022, il s'agit du massacre d'Européens à Oran le 5 juillet 1962. Première surprise, l'article a été confié à un archiviste, Fouad Soufi, et non à un historien. Certes l'archiviste est un Algérien en poste à Oran, il serait donc susceptible d'être le mieux à même de nous offrir enfin une version authentique des faits. Et c'est alors que nous sommes confrontés à une deuxième surprise de taille: le bilan ! 25 Européens tués et 76 Algériens ! Bilan donné par le docteur Naït directeur de l'hôpital civil. "A ces chiffres, il faut ajouter [ dit l'auteur] les personnes enlevées, assassinées et inhumées clandestinement" ; sans aucune précision complémentaire. Fouad Soufi ne peut pas ne pas connaître les travaux de Jean-Jacques Jordi qui, après des années d'enquête a conclu à un bilan de 700 Européens tués. Chiffre confirmé par un autre historien Jean Monneret.

        Au passage, signalons que si Jean Monneret est cité dans la bibliographie de la notice, J.-J. Jordi est oublié ; ils sont d'ailleurs les grands oubliés de cet ouvrage. Ni Jordi, ni Monneret n'ont rédigé une notice dans ce dictionnaire. Pourquoi ? Leurs travaux et leurs conclusions seraient-ils politiquement incorrects et très éloignés du discours idéologique de Tramor Quemeneur, Raphaëlle Branche et Sylvie Thénaut ? Mais revenons à Fouad Soufi ; il ne peut pas ne pas avoir eu connaissance des charniers du Petit Lac. Enfin comment Fouad Soufi peut-il imputer la mort des Européens et des Algériens aux seuls "Marsiens" ? Quid des responsabilités de membres de la Z.A.O. (Zone Autonome d'Oran) que Fouad Soufi exonère avec légèreté en se contentant de citer les paroles rassurantes prononcées par le capitaine Bakhti le 30 juin ! Et "cerise sur le gâteau" Fouad Soufi conclut : "l'absence de nombreuses archives... contribue à entretenir le silence sur cette période". Il n'existerait donc pas d'archives algériennes ? Comment croire cela ? Les Algériens si prompts à demander l'ouverture des archives françaises ne sont donc pas prêts à ouvrir les leurs ! Le lecteur objectif est donc consterné par cet article éhonté qui donne un bilan humain totalement faux de la journée du 5 juillet. Bilan bien évidemment repris par Sadek Benkada, chercheur en anthropologie sociale à Oran dans la notice qu'il consacre au général Katz; comme chez Fouad Soufi, une seule source donnée, celle du docteur Naït ! On notera au passage que Katz est exonéré de toute responsabilité dans sa non-intervention lors de la journée tragique, et que l'auteur est à la limite de l'éloge :"
        Le général réussit à mener tant bien que mal les opérations de maintien de l'ordre". Le "tant bien que mal" est bien évidemment à imputer à l'OAS. "Des tentatives de réconciliation [ entre qui et qui ? OAS et FLN ? On ne sait] ont lieu le 28 juin et marquent un répit" [?] Etonnant. Très étonnant. Après l'incendie du port d'Oran le 25 juin, les derniers membres de l'OAS quittent la ville.

        Mais revenons sur le bilan humain [de la guerre d'Algérie] ; nous avons eu l'idée de lire la notice qui lui est consacrée par Tramor Quemeneur. Une page entière consacrée aux morts et blessés algériens, dix lignes sur les harkis, cinq lignes consacrées aux civils européens. 2 788 morts ; je crois avoir lu qu'en réalité il s'élevait à plus de 3 000 morts. Accordons-lui toutefois ce chiffre, le temps m'a manqué pour consulter mes sources. Par contre, ce que l'on ne peut pas accepter, c'est le nombre de 875 disparus donné par monsieur Quemeneur qui semble totalement ignorer les travaux du GRFDA (Groupe de Recherche des Français Disparus en Algérie) et dont la présidente, madame Colette Ducos-Ader a pris la précaution de s'entourer d'historiens, J.-J. Jordi, Jean Monneret et Guy Pervillé ; lequel groupe travaille en étroite relation avec l'ONAC. Or ce groupe de recherches fait état de 1 752 européens enlevés et disparus à jamais.

        Quelle est la source de Tramor Quemeneur ? On ne sait. Pourquoi diminue-t-il son bilan de moitié ? On ne sait. D'autre part, on relève un manque de cohérence entre les auteurs. Quand Tramor Quemeneur donne le chiffre de 875 européens disparus, Yann Scioldo-Zürcher évalue à 3393 européens enlevés et disparus dont 3018 durant le printemps 1962 (Page 1036). Quand Tramor Quemeneur dit que l'OAS a tué 3500 personnes (il faut toujours se méfier des chiffres ronds), Yann Scioldo-Zürcher évalue à "environ" 2200 personnes victimes d'attentats ciblés de l'OAS. Qui croire ? Mais le sommet de la mauvaise foi revient à Raphaëlle Branche qui, dans son article portant sur les disparitions, (page 416 à 419) consacre 9 lignes aux enlèvements d'Européens ; je me sens obligé de la citer sans émettre un commentaire tant le lecteur relèvera l'énormité de la malveillance: " le printemps et l'été 1962 voi[en]t revenir cette pratique des disparitions... La plupart des personnes disparues ont été vues pour la dernière fois avec des acteurs mal identifiés mais algériens et souvent armés. Elles semblent avoir été visées pour leur qualité de français et pour des raisons essentiellement crapuleuses (le vol de leur voiture notamment) ou liées à des règlements de compte accompagnant la fin de l'Algérie française... Très rapidement on parle de plusieurs centaines de disparus et les rumeurs se chargent de diffuser des récits effrayants....". C'est moi qui souligne. Que de précautions oratoires : "semble", "on", "rumeurs". Madame Branche a-t-elle consulté des sources ? A-t-elle rencontré des témoins ? Connaît-elle les travaux du GRFDA ? Si Raphaëlle Branche dans sa bibliographie cite J.-J. Jordi, elle omet Jean Monneret !

        Loin de moi, la prétention d'écrire un contre dictionnaire, aussi je citerai ça et là quelques autres erreurs et / ou approximations.
        Ainsi, lorsqu'on lit la notice relative au CIPCG ( Centre d'instruction à la Pacification et à la Contre Guérilla), les deux pages sont consacrées au centre d'Arzew; rien sur celui de Philippeville, pourtant inauguré, si je ne m'abuse par Jacques Chaban Delmas alors ministre de la Défense Nationale et des Forces Armées dans le gouvernement de Félix Gaillard.

        Deux articles m'ont interpellé; celui sur la fusillade de la rue d'Isly, le 26 mars 1962, et la notice biographique de Christian Fouchet signée par Chantal Morelle, historienne chargée des études et recherches à la Fondation Charles de Gaulle. Dans ces deux articles aucune mention n'est faite pour rappeler la responsabilité de Christian Fouchet dans la fusillade de la rue d'Isly. Pourtant, il était alors Haut Commissaire à Alger. Seuls responsables les soldats du 4ème RTA; des officiers subalternes avaient alerté l'état major lui demandant de ne pas envoyer les soldats de ce régiment. Christian Fouchet ne pouvait ne pas être au courant de la situation. Il était responsable du maintien de l'ordre. Pourquoi tant d'indulgence envers ce ministre ? Pourquoi ce mensonge par omission? Mensonge par omission aggravé par le fait que dans ces deux articles, pas une ligne ne rappelle la morgue indifférence de de Gaulle qui, dans son allocution télévisée du 26 mars au soir n'a pas un mot de compassion envers les victimes de la tragédie. Surtout, évitons d'écorner le mythe du grand homme.

        J'ai relevé cette même indulgence dans la notice biographique consacrée à Louis Joxe rédigée également par Chantal Morelle qui minimise son rôle dans l'empêchement du rapatriement des harkis. Etait-il judicieux de confier ces deux biographies de ministres gaullistes à une historienne membre de la Fondation Charles De Gaulle? Je me contente de poser la question... C'est bien évidemment elle qui rédige l'article sur de Gaulle. Je relève page 546 qu'il propose aux nationalistes algériens la paix des braves. Mais rien sur le chef de la wilaya 4 Si Salah, qui, tout disposé à négocier la paix des braves s'était rendu secrètement à l'Elysée afin de rencontrer de Gaulle. Au passage, je note une erreur page 1148 dans la notice que lui consacre Ouanassa Siari Tengour où l'on peut lire que Si Salah se rend à l'Elysée le 9 juin 1962 ; l'homme était mort depuis une année ; vraisemblablement une faute de frappe.

        Bien d'autres articles m'ont interpellé. Pourquoi la notice concernant "Jeune Nation" a-t-elle été rédigée par Tramor Quemeneur et non par Olivier Dard ; dans cette même notice, on peut lire "Michel Leroy a été exécuté"... par qui ? Au passage rappelons que dans les sources, les archives du CDHA auraient pu être citées ; mais Tramor Quemeneur ne doit pas connaître ce lieu. De même pourquoi l'article consacré à Jean-Marie Le Pen a-t-il été octroyé à l'historien communiste Alain Ruscio ; là encore, Olivier Dard aurait été le mieux à même d'écrire une notice objective. Ce même Ruscio rédige l'article "Nostalgérie". J'avoue craindre le pire... et je ne suis pas déçu. Mon confrère reprend les poncifs les plus éculés: "entreprise de récupération et d'instrumentalisation [ des associations, des individus ?], à des fins politiques, le plus souvent par les courants d'extrême droite". Ou encore "une réécriture partisane de l'histoire".

        Plus loin, "on peut sans exagération parler d'un véritable lobby qui a... ses moments forts... la présence tous les 26 mars, à l'Arc de triomphe à la mémoire des morts de la rue d'Isly, ses lieux mémoriels, le centre de documentation d'Aix en Provence...". J'arrête là l'énumération tant elle me donne la nausée. Monsieur Ruscio, les morts du 26 mars ne méritent -ils pas un hommage ? Le président de la république a reconnu l'an dernier la responsabilité de l'état dans cette tuerie. Le centre de documentation d'Aix en Provence est le plus grand centre d'archives privées de France, témoin de la présence française en Afrique du Nord ; des chercheurs du monde entier viennent consulter ces archives. Je suis prêt à vous accueillir et vous servir de guide si vous voulez bien daigner le visiter. Confier la rédaction de cet article à Jean-Jacques Jordi ou à Guy Pervillé aurait servi une écriture plus objective de l'Histoire. D'autant que monsieur Ruscio à qui, bien évidemment a été confiée la rédaction de la notice "l'Humanité" oublie que son journal au lendemain des événements du 8 mai 1945 à Sétif a qualifié les manifestants indigènes d'émeutiers à la solde du nazisme. Qui parle d'une écriture partisane de l'Histoire ?

        Autre sujet sensible : le 17 octobre 1961, notice rédigée par Linda Amiri. C'est décevant qu'une docteure en Histoire se réfère à un journaliste maoïste qualifié d'historien. Les chiffres que ce dernier a fourni -393 morts- sont contestés par nombre d'historiens de sensibilité différentes, comme Jean-Paul Brunet ou même les britanniques Jim House et Neil Mac Master. Le philosophe Paul Thibaud dans la revue Esprit critique sévèrement les méthodes et les conclusions d'Einaudi qui agit par choix politique afin d'exonérer le FLN, lequel FLN a intimidé en usant parfois de violence les immigrés algériens afin de les obliger à manifester. Les historiens britanniques notent que plusieurs dizaines de décès sont survenus avant le 17 octobre. Madame Amiri cite par la voix de Marguerite Duras un témoin algérien qui dit :"nous avons une vie terrorisée". Terrorisée par qui ? Par la police française ? Rappelons que le FLN mène une guerre sans merci en métropole contre les militants du MNA et contre tous les immigrés qui refusent de contribuer aux levées de fonds qui permettraient au FLN de poursuivre la lutte qu'il mène en métropole depuis trois ans. Enfin, pourquoi Linda Amiri instruit un procès à charge contre le seul préfet Maurice Papon, alors que celui-ci était en communication constante avec le ministre de l'intérieur Roger Frey ? Heureusement Olivier Dard qui a rédigé la notice "Frey" rappelle les responsabilités de ce dernier. Lequel Frey informait de Gaulle...

        La notice, brève, sur le 19 mars rédigée par Sylvie Thénault, est un modèle d'écriture d'une histoire partisane. Ainsi, on apprend qu'au lendemain de la signature des accords d'Evian, l'OAS se déchaîne. Notre confrère Guy Pervillé signale que dès le lendemain de la signature des accords, l'ALN sort de ses casernements, au mépris de ces mêmes accords et massacre plusieurs dizaines de harkis en Oranie. Plus loin, on peut lire, et c'est ahurissant, le 19 mars a été choisi par les deux belligérants [ armée française et FLN] pour cesser de s'affronter ! Il faut dire cela à toutes les familles des soldats français qui ont été tués, enlevés et ont disparu à jamais entre le 19 mars et 31 décembre 1962. Je passerai très vite sur la notice que Sylvie Thénault a rédigée sur Amédée Froger; mon confrère Jean Monneret adresse une réponse détaillée au livre qu'elle a écrit sur Les ratonnades d'Alger et dans lequel elle consacre un passage aux obsèques d'Amédée Froger qui ont conduit à des massacres d'indigènes. Cette réponse détaillée paraît dans la revue Mémoire Vive du CDHA, laquelle association entretient selon elle "une mémoire rapatriée nostalgique de l'Algérie française". Je doute fort qu'elle connaisse le lieu et le Conservatoire créé en 2019, et il serait bon qu'elle le fréquentât eu égard à sa qualité d'historienne et à la richesse des archives auxquelles elle serait confrontée.

        Les articles consacrés aux harkis ont été attribués sans surprise à Fatima Besnaci-Lancou reconnue depuis plusieurs années comme l'historienne patentée de cette communauté dont elle est elle-même issue.
        Je ne voudrais pas lasser le lecteur, mais bien évidemment nombre d'autres articles seraient sujet à débat comme celui consacré à l'association des ulémas qui occulte le fait que certains d'entre eux ont rejoint le FIS bien des années après la fin de la guerre d'Algérie, ou encore celui consacré à Boumediene qui se révèle bien indulgent...
        Au final, donc, ce dictionnaire est à manipuler avec infiniment d'esprit critique car le souci d'objectivité que met en avant Jean-Luc Barré dans la quatrième de couverture est souvent mis à mal dans le contenu des notices; il est également mis à mal dans le fait que n'ont pas été contactés à des fins de contribution des historiens reconnus comme Jean-Jacques Jordi, Jean Monneret, Pierre Vermeren... Il a été attribué à Guy Pervillé une portion congrue. Nombre de notices sont succinctes, je pense à celle consacré à Camus, la littérature francophone est d'ailleurs le maillon faible de cet ouvrage -bien que Zineb Ali ben Ali lui ait attribué trois pages: aucune notice pour Pélegri, Roblès, Sénac qui en sont les grands absents et qui ont joué un rôle durant la guerre d'Algérie.
        Alors ? Ouvrage parcellaire ? Ouvrage Partisan ? Ouvrage indispensable ? Ouvrage néanmoins à consulter précautionneusement.
Gérard Crespo
mercredi 28 juin 2023


ALGER ETUDIANT N°192

N°192, 1931
Source Gallica
PREMIERE BATTUE

      Quand Meskine, ce jour-là partit pour la " Grande Expédition ", ce fut avec joie, avec courage et, entre nous, avec orgueil. Il y avait de quoi : de toute la jeune portée qui, onze mois auparavant, avait ouvert sur le monde des yeux de myope, lui seul avait été choisi pour compléter, que dis-je !... pour renforcer la meute...

      Très réellement il ne manquait pas d'une certaine robustesse ni de souplesse. Une chute du haut de la terrasse lui avait bien laissé une légère claudication du train arrière, mais c'était une erreur de jeunesse et Meskine, qui commençait à courtiser ses voisines de chenil, n'aimait guère que Boby le vétéran ou Frida la grande bringue bleue d'Auvergne le lui rappellent avec des gloussements ironiques dans la voix. Il était fox et chacun sait que les fox ne manquent pas d'élégance.

      Bref, Chaffin, ce matin-là, s'en vint quérir le chiot sous le ventre maternel auquel, malgré l'orgueil de ses onze mois, et son dédain pour des habitudes désormais peu dignes d'un grand chien, il trouvait encore, par les nuits fraîches, l'agrément d'une confortable tiédeur. Le chenil en éveil hurlait d'impatience joyeuse. Les bassets : Cirta, Timimoun, Clairon, Sapho, qui affichaient d'ordinaire une nonchalance rêveuse, frétillaient d'aise, ce matin-là, en retrouvant des odeurs et des sons familiers, et s'imprimaient avec entrain les losanges du grillage sur la truffe.
      Pour avoir vu de semblables départs dans le froid acide des matins, le bruit des klaxons, la fumée acre des autos, pour avoir vu des retours au grand soleil de midi, quand les odeurs sont affolantes, pour avoir léché les mains de Mezian le rabatteur et tourné autour de la table où Maurice soignait au crésyl les chiens blessés, Meskine s'était fait une opinion assez exacte sur la chasse.

      Il n'avait pas encore vu de sanglier, mais les guêtres qui dorment dans la soupente aux rats et le tapis de la camionnette lui avaient raconté plus d'histoires vraies qu'on n'en entend le soir au chenil, quand Djin radote des faits connus avec des airs condescendants. Il savait encore, pour l'avoir entendu dire, qu'une laie de quatre vingt-dix kilos est un animal gris et redoutable, mais qu'il existe dans son voisinage des petits, plus faciles à approcher, dont les yeux obliques n'ont pas encore de lueurs aiguës et meurtrières.

      Après un long trajet durant lequel Meskine, fatigué de tirer une langue démesurée, s'endormait en dépit des cahots pour se réveiller hors d'haleine, on arriva au Melbou au jour clair. Traînés au bout de la longe, les chiens partirent en grappe sur les talons de Mezian. Et l'affaire commença.
      On enjamba les premières broussailles. Il est indiscutable qu'une fois le sommeil secoué, une course de côte est ce qu'on fait de mieux en matière de sport matinal. L'équipe, nez au sol, queue frétillante, tirait maintenant son meneur.
      Du haut de la montagne, Mezian défit les laisses. Ce fut la grande liberté. Les hommes en vérité n'entendent rien au plaisir de la chasse et leur affût immobile sue la paresse ou l'incapacité.

      Le ciel se dorait quand la meute, encouragée de la voix par Chaffin, enlevée par Boby, chef de meute, partit en peloton élargi à la poursuite d'odeurs provocantes et insaisissables.
      Il importe, quand on est neuf dans la science des battues, de n'avoir pas l'air d'un sot, de montrer assez d'aisance sans trop d'indépendance. Il serait enfantin de talonner constamment le chien de tête pour en essuyer plus tard des regards protecteurs ou des conseils superflus. Meskine, plus que tout autre, avait son amour-propre et c'est pourquoi il s'appliqua à suivre le train bon dernier : il n'offrirait pas de prise à la critique.

      Le soleil se hissant par-dessus les buissons facilitait la tâche en renforçant l'effluve. Peu à peu cependant Meskine ralentit l'allure, et, prétextant une affaire personnelle et urgente, se laisse distancer : il ne lui déplaisait pas de montrer à ces routiniers qu'on peut avoir un peu d'esprit d'initiative. Une réserve de rosée sur une luzerne l'arrêta en un rapide apéritif. En contre-bas, un chien donna de la voix, puis un autre. Puis ce fut le silence. Il s'apprêtait à descendre quand une bouffée de chaleur rabattit vers lui une odeur connue et pourtant nouvelle...

      D'où vient que la brise, plus bas, n'a rien appris aux autres ? Peut-être est-ce déjà la gloire : mieux que la chance.
      Meskine se crispe un moment dans l'angoisse de la découverte...
      Décidément cette odeur est tenace. La voici qui traîne sur cette pierre. Puis, accrochée à cette touffe de diss, elle coule le long de la ravine. Trou : où est-elle ? La truffe agile se dilate, se tortille et la rattrape par un filet sur cette racine de bruyère... et soudain, là, à 5 mètres, tapie dans un creux : la Bête.

      Ivre de joie, Meskine clame son triomphe et bondit. Trop tard, elle a fui sans l'attendre. Dans un crissement de feuilles écrasées la poursuite commence.
      La bête dévale la pente bon train ; museau levé, le chien la suit et gagne un peu plus chaque minute, malgré les crochets savants autour des genêts et les brusques plongées dans les lentisques.
      Le fuyard sent décroître sa chance. Tout en bas, la meute déçue en ses recherches reprend espoir et grimpe la colline à leur rencontre. Meskine la presse d'une voix impatiente. A chaque appel sa langue qu'un soleil écrasant évapore retombe humide et douloureuse ; mais quand on va atteindre son ennemi il n'est pas décent de montrer quelque faiblesse.

      Soudain la masse grise s'arrête et vire-volte, échine hérissée. Le chasseur n'a que le temps de freiner des quatre pattes pour ne pas tomber sur un museau retroussé et menaçant. A un mètres les deux bêtes immobiles s'affrontent. Duel d'attitudes, où l'ironie du fox brave la masse impénétrable de l'ennemi. Meskine s'apprête à lutter.
      Mais l'ennemi, tout à coup, double de volume, se trémousse une seconde et reprend sa course éperdue dans une pluie de traits noirs et blancs. Un genêt peut-il perdre d'aussi longues épines ? En talonnant à nouveau Meskine s'étonne.
      Il sera temps plus tard d'y réfléchir. Pour l'instant il guide de la voix ses compagnons qui vraiment n'ont aucune idée de ce qu'est une poursuite : il saura le leur dire et marquer son mécontentement, à ces vieux qui ne savent plus chercher ni courir...

      Nouvel arrêt. Coincé par une roche abrupte, l'autre s'est arrêté, et, devant le danger plus pressant, revient vers le sentier facile qu'on lui barre. Il s'enfle démesurément. Meskine sent un pincement glacé au cœur : comment l'autre a-t-il le courage et l'audace de marcher, sur lui, chien de race, seul poursuivant de droit ? Et les autres qui n'arrivent pas ! Que faire ?
      Pour ne pas reculer, il fait un saut de côté. Son élan mal calculé l'amène à moins d'un demi-mètre de la bête. Cette fois l'angoisse étrangle son cri. N'est-ce pas là le plus énorme des solitaires ? Ne va-t-il pas se faire découdre comme Boby ? H voit deux dents longues et jaunes. Mon Dieu ! Comment les éviter ? Risquer si jeune de monter sur la table qui sent le crésyl ! N'importe, il faut savoir vendre sa peau.
      Tête baissée, Meskine plonge vers les membres de l'adversaire, mais oh douleur, avant d'avoir achevé son geste il sent une brûlure atroce lui flamber les reins : un coup de boutoir. Des choses dures et pointues déchirent et pénètrent sa chair encore tendre. Dieu des chiens, est-ce la mort ? Tandis que les autres achèveront la victoire, se défaire de ces dards brûlants, fuir, retrouver Maurice, lui montrer ces blessures s'il en est temps encore...
      Finir de sentir le chenil accueillant et sa mère aux mamelles tièdes, finies les parties dans le vieux pressoir, plus de bonnes soupes appétissantes ! Meskine sent qu'il va mourir tout seul.

      Un hurlement désespéré gonfle sa poitrine haletante. C'est lui qui dévale maintenant en appelant au secours. L'angoisse puis l'affolement l'enrouent... Les plaies contiennent toujours les choses dures. Est-ce qu'il va tramer la bête derrière lui ?
      Aouaouou... Meskine pousse ce cri des petits chiens mourants...
      Aououaou..., le feu coule dans son corps.... Aououaou... Le reste se perd dans la plaine...

      Et le soir, sur la paille fraîche du chenil, quand les premières grenouilles entonnent l'angélus, Meskine Essaye de dormir d'un air convaincu, le nez dans ses pattes, tandis que de l'autre côté du grillage, Djin le bavard raconte paisiblement, oh, avec un rien d'ironie, l'histoire du jeune chien qui avait attrapé des épines de porc-épic dans les fesses et les prenait pour des défenses de solitaire.
Roberte BONHOMME.


PHOTOS de TIPAZA
Envoyées par Groupe de voyage Bartolini

















VOTATION
De Jacques Grieu

     
Du mot latin votum, le vote est à l'affiche.
Et malheureusement, beaucoup de gens "s'en fichent".
Les urnes sont rouillées d'avoir si peu servi ?
Vont-elles se remplir assez pour la patrie ?

On voit les " on devrait ", " on doit " " on aurait dû "
Fleurir au doux printemps en grêle continue.
Les " sauveurs de la France ", les messies, sont légions.
Nous voilà rassurés. Vive donc l'élection !

Question vocabulaire un vote est compliqué :
Le vote "à main levée" n'est pas au pied levé.
Voter contre son camp s'appelle "un vote utile".
Quant au "dépouillement": aucun pou sur le gril!

On vote et l'on revote et si l'on s'est planté,
Pas question d'effacer ou bien de "dévoter".
On vote avec sa tête et non avec ses tripes;
Ou bien on vote blanc : au moins, on participe !

Même au cœur de l'Afrique, on a le vote blanc :
Mieux que le vote nul, c'est le vote important.
Pourquoi un vote blanc ? Et pas de vote noir ?
Est-ce un vote raciste ? Alertons les pouvoirs !

Voter ni pour ni contre ? Ou alors le contraire ?
Le contraire du pour, en ces très hautes sphères,
N'est pas toujours le contre : on peut argumenter.
Voter est tout un art, il y faut du doigté.

Si votum est un vœu, il parait pléthorique;
Si bien que l'électeur en devient allergique,
Se couvre de boutons dès que l'urne surgit,
Et dans l'abstention ferme exhale son ennui.

C'est bien pour " le meilleur " que chacun va voter :
Tout le monde est d'accord, c'est l'unanimité !
Alors, pourquoi deux tours et ces scores étriqués ?
Pourquoi ces ballottages et luttes acharnées ?

Peut-être ce " meilleur " n'est-il pas candidat ?
Ou que, découragé, il se désistera ?
Ou bien tout bonnement, il n'en existe pas ?
Les pires, hélas, hélas, sont bien là, en tout cas !

Jacques Grieu                  




Tirailleur Algérien, N°14, 19 novembre 1899
N° 16, 3 décembre 1899

Source Gallica
La Roche "Sans NOM"

            Les vieux Algériens se rappellent l'échouement du Magenta, dans le port militaire d'Alger.
            Ce gros cuirassé faisait partie d'une puissante escadre, que la France avait jadis l'habitude d'envoyer tous les ans sur les côtes d'Algérie, excellente base d'études pour nos vaillants officiers et marins.
            Ce malheureux échouement qui lui déchira une tôle se produisit par le frôlement de la quille sur les aspérités d'une roche appelée Sans Nom.
            Pour les nouveaux débarqués, cette roche qui constitue un haut fond de 7 à 8 mètres sur laquelle on péchait jadis des fameux rougets et de plantureuses dorades, se trouve située dans la ligne droite de l'angle sud de l'îlot Aldjefna et du premier canon du môle cassé.
            Les contesteurs, ou les contestateurs, pourront consulter le plan.
            Depuis cette lointaine époque, sauf le Chanzy, qui portait Laferriére et sa fortune, et qui s'amarra prudemment au feu rouge, les pauvres Algériens qui s'intéressent beaucoup aux nouveaux modèles de notre flotte, n'ont plus eu le plaisir de voir les bandes de nos joyeux marins traverser les rues de la ville en chantant.
            Par contre, nos gros vaisseaux vont se promener tous les ans sur les côtes d'Espagne ou d'ailleurs, et ne laissent plus chez nous l'or français qui se fait de plus en plus rare.

            Heureusement que, pour notre bonheur, toutes les hautes compétences, administratives se mirent en mouvement pour faire sauter à la dynamite cette maudite roche, cause de tant de mal, qui n'était pas à la profondeur réglementaire.
            Malheureusement les compétences étaient partagées, et il fallait faire contribuer trois services au paiement de la dépense que les mineurs scaphandriers estiment à 60000 francs.
            Après de laborieuses conférences, de nombreuses correspondances et de non moins nombreux rapports, la Chambre de Commerce d'Alger à laquelle nous rendions ici un grand hommage pour son initiative, le Ministre de la Marine et le Ministre des Travaux Publics, finirent, dit-on, par se mettre d'accord.

            Il ne s'agissait plus que d'agir à l'américaine, mais nous sommes en France et nous attendrons longtemps, peut-être, la destruction de cette roche Sans Nom qui entrave sérieusement la manœuvre des gros navires, dans notre port, et à cause de laquelle le port militaire d'Alger est depuis longtemps consigné à nos escadres. Ce jour-là, nous illuminerons nos barques pour aller chercher les poissons, le ventre en l'air, et nous monterons à Notre-Dame-d'Afrique brûler un paquet de chandelles à la Sainte routine française.
            L'intervention céleste parait, en effet, devoir être notre seule espérance de succès, puisque l'étrange député Drumont qui représente, hélas ! la 1ère circonscription, semble ignorer parfaitement cette importante question.
PILOTIN.



Par Antoine MARTINEZ

          Deux faits tout d’abord ; la date du débarquement Over lord le 6 juin à 6 heures par la 6ème Airborne Division. Soit 666 ; le chiffre de la Bête, comme on sait. D’après l’Apocalypse, c’est le moment de l’émergence de la bête aquatique. Bizarre de vouloir libérer un pays d’un ennemi que l’on considère comme démoniaque, sous de tels auspices.

          La date du 15 août ensuite qui est celle de l’Assomption. Et dans l’Apocalypse c’est la femme qui écrase le serpent sous ses pieds.
          Comme l’observe Pierre Miquel dans sa Préface, l’incroyable oubli de ce débarquement ne manque pas d’étonner. Sur le plan stratégique, ce débarquement est la deuxième mâchoire dont l’autre est le débarquement du 6 juin. La distance entre Omaha Beach et Berlin est la même qu’entre la Napoule et la porte de Brandebourg…

          Le groupe d’armées B finira par prendre le nom de son chef le général De Lattre de Tassigny.
          Les effectifs navals du débarquement sont supérieurs à ceux de Normandie. « Le 6 juin la marine alliée aligne 7 cuirassés, 18 croiseurs, 43 destroyers alors que celle du 15 août se compose de 5 cuirassiers, 10 porte-avions, 25 croiseurs, 109 torpilleurs et escorteurs, 1900 appareils de bombardements et de chasse, un très grand nombre de chalands venant du débarquement du 6 juin. » (p 181) Les effectifs terrestres quant à eux pour le 6 juin s’élèvent à « 4 divisions britanniques et 5 divisions américaines, soit 902 000 combattants et 189 000 véhicules repartis sur 300 chalands. Il n’y a que 177 Français ». En Provence, il y a « un corps d’armée à trois divisions d‘infanterie américaine et une division aéroportée anglo américaine ; l’armée française a un potentiel de 500 000 combattants dont elle détache 260 000 dans l’armée B composée de deux divisions blindées et 5 d’infanterie plus de nombreux corps francs et commandos ».

          L’organigramme de l’armée B est le suivant ; 2 eme DIM (division d’infanterie marocaine) 3éme DIA( division infanterie algérienne) 4éme DIM (division d’infanterie marocaine), 1ère DIM (division d’infanterie motorisée), 9éme DIC (division infanterie coloniale), 1ère DB (division blindée), 5éme DB ( division blindée) sans oublier les unités de réserve générales équivalent à une division et les 4 groupes de Tabors marocains.
          « A partir du 15 août, elle projette par vagues amphibies successives 260 000 combattants dont 215 000 sont originaires d’Afrique du Nord , 20 000 de métropole après avoir franchi les Pyrénées et 25 000 d’A-OF, d’A-EF et de Polynésie ».
          On est un tout petit peu sidéré de voir à quel point les métropolitains ont peu œuvré à la libération du pays. Ils se sont rattrapés avec la résistance qui leur a permis de contrôler le pays durant des dizaines d’années à un coût somme toute assez faible.

          La guérilla urbaine que l’on appelle « Résistance » entravait les forces d’occupation mais n’aurait jamais permis une libération totale du pays. On croit trop souvent que parce que Paris a été libéré le 27 août la guerre s’est arrêtée là. Hélas non !
          Le combat très serré du CEF (Corps Expéditionnaire Français ) lui aussi constitué presque exclusivement d’hommes d’Afrique du Nord aussi bien européens que musulmans, du maréchal Juin pour libérer l’Italie en particulier autour de Monte Cassino, de l’armée de Lattre dans sa remontée le long de la vallée du Rhône et les très durs combats des Vosges pour aboutir à la prise de Strasbourg par la 2ème DB sont là pour en témoigner.
          Au fur et à mesure de la remontée des armées françaises, il convenait de procéder à « l’amalgame » cher au maréchal de Lattre un peu comme pendant la révolution française entre les anciens professionnels et les nouveaux venus plus exaltés et plus « politiques », gaullistes, marxistes et ainsi de suite.

          Il faut rendre hommage aussi au général Weygand qui avait obtenu dans les accords d’armistice la sauvegarde de l’Empire sur le territoire duquel une armée sera reconstituée.
          La question du lieu du débarquement se règle par la géographie ; le port de Sète est trop petit et ses abords non praticables, Toulon et Marseille trop dangereux, il ne reste donc que la rade d’Hyères et la baie de Calvaire sur mer.
          Le général de Lattre de Tassigny arrache au général Patch des missions autres que statiques ou de soutien. Son comportement fait de confiance dans ses subordonnés frise parfois l’indiscipline mais porte ses fruits ; il galvanise ses hommes et arrache Toulon. Deux hommes donnent toute la mesure de leur génie militaire le général de Montsabert et le colonel Salan qui refera parler de lui. Il faut reconnaître à l’armée française dans le combat urbain une science établie par les Français depuis Bugeaud.
Arrivé devant Marseille, l’insurrection des partisans fortement encouragée par le pastis les amène à prendre des décisions irresponsables. Si De Lattre s’était comporté comme le maréchal Staline à Varsovie attendant tranquillement que les Allemands se fatiguent à nettoyer la région, il y aurait eu moins de monde pour raconter sa résistance ; « Les troupes de tradition de l’armée d’Afrique répugnent à frayer avec des amateurs qui se complaisent dans les règlements de comptes ». De Lattre prend tous les risques pour venir au secours de Marseille qui se rend le 27 août.

          Le 17 août, Hitler donne l’ordre d’évacuer la France. C’est pour lui « le jour le plus sombre de ma vie ». Pour notre auteur, cette décision est pour beaucoup dans la délivrance de la France.
          Ce débarquement en Provence est largement sorti de le mémoire collective française. Il est le fait de l’armée d’Afrique dont la mémoire a été immergée dans le port d’Alger en 1962.
          Paradoxe : « avec la décolonisation, les anciens combattants des départements d’Algérie (musulmans et pieds noirs), les anciens tirailleurs marocains tunisiens et sénégalais ne risquent plus d’être présents aux commémorations. Pire, ils dérangent ». p 21
          « Overlord (débarquement du 6 juin) et la Résistance parlent à l’imaginaire collectif tandis que Dragoon appartient aux images d’Epinal révolues du temps des canonnières coloniales et des soldats de plomb bien alignés. Depuis un demi-siècle, l’opinion allemande se sent moins humiliée d’avoir dû plier devant le colossal complexe militaro industriel déployé en Normandie que devant notre armée à l’échelle humaine, au caractère multiculturel, multiracial et authentiquement français ».

          Le maréchal Juin aura des mots très durs par la suite devant le comportement incroyable des Français métropolitains au vu de cette épopée :
          « Que les Français en grande majorité aient, par référendum, confirmé, approuvé l’abandon de l’Algérie, ce morceau de France trahi et livré à l’ennemi, qu’ils aient ainsi été complices du pillage, de la ruine et du massacre des Français d’Algérie, de leurs familles, de nos frères musulmans, de nos anciens soldats, qui avaient une confiance totale en nous et qui ont été torturés, égorgés dans des conditions abominables sans que rien n’ait été fait pour les protéger cela je ne le pardonnerai jamais à mes compatriotes. La France est en état de péché mortel. Elle connaîtra un jour le châtiment. »
          Et si, ce jour c’était maintenant ?
http://www.enquete-debat.fr/archives/le-debarquement-en-provence
-15-aout-1944-de-philippe-lamarque-aux-editions-du-cherche-midi-66609




PHOTOS de TIPAZA
Envoyées par Groupe de voyage Bartolini

















LE SANG DES RACES
Par LOUIS BERTRAND
Source Gallica
FIANÇAILLES
XII

Pages de 114 à 123

         Depuis son départ pour Valence, il n'était question que de Rafael dans le ménage du tio Martino. Il y avait déjà deux ans qu'Assompcion et lui s'ôtaient rencontrés pour la première fois, le jour où il avait repris la route de Laghouat, après avoir fait la paix avec sa mère. Rafael n'avait pas prêté grande attention à cette belle fille, vêtue comme une dame, qui l'avait regardé en passant sous les portes. Mais elle, à partir de cette rencontre, elle n'avait plus cessé de penser à lui.
         D'abord ç'avait été un simple souvenir où elle s'arrêtait avec complaisance ; car elle avait rarement l'occasion de le voir, puisqu'il était toujours sur les chemins. Elle avait souvent parlé de lui, plutôt par caprice que par un sentiment sérieux. Mais maintenant qu'ils avaient fait connaissance et qu'ils avaient échangé des paroles, elle comprenait enfin qu'elle l'aimait. C'était elle qui avait voulu accompagner son père, quand il avait conduit Rafael au bateau. Cette entrevue si courte l'avait bouleversée comme un adieu déchirant et sans retour. Elle revoyait toujours Rafael sautant dans la barque aux appels de la cloche ; elle entendait les sifflets du navire évoluant vers la passe, tandis qu'elle cherchait sur le pont la blouse éclatante de Rafael perdu dans la foule et les mots insignifiants de leur brève conversation prenaient, pour sa propre vie une importance si grande qu'elle se les redisait sans cesse en leur prêtant un sens mystérieux.

         Ce soir-là, une fois rentrée à la maison, elle se refusa obstinément à sortir, bien que ce fût dimanche, et elle éconduisit des amies qui venaient la chercher pour la promenade. Pendant qu'elle se déshabillait de sa belle robe, le tio Martino et sa femme se concertèrent. Celle-ci était une grosse personne très lente à se mouvoir. Ses cheveux déjà gris et partagé en bandeaux épais sur son front lui donnaient un air respectable. Les gestes mesurés, économe de ses mouvements, elle ne quittait pas volontiers sa chaise, et elle avait coutume d'être toujours de l'avis de sa fille et de son mari. Quand Assompcion rentra dans la cuisine, un ouvrage à la main, le tio Martino lui dit :
         - Tu vois bien qu'il se moque de toi, Rafaelète !... Si tu crois qu'il a seulement remarqué ton costume !...
         - Pourquoi est-ce que tu me dis cela répartit la jeune fille puisque tu sais que je n'en veux pas d'autre
         Elle regarda son père bien en face, et elle ajouta tranquillement, comme s'il se fût agi de la chose la plus ordinaire.
         - Oui, je le veux, et je l'aurai !... Je suis une Espagnole, moi !,..
         - Ses yeux étincelèrent, une minute. Sa mère, qui l'observait de sa chaise, se borna à joindre les mains en gémissant :
         - Ay, Senor ! ay, Senor ! mais tu es folle, chiqueta !
         Assompcion, silencieuse, s'était mise à travailler. Le tio Martino développa longuement ses objections. Faite comme elle était, avec un métier comme le sien, elle pouvait prétendre à un autre parti que Rafael !... Plutôt qu'un charretier, est-ce qu'elle ne devrait pas épouser un contre-maître ? et qui sait ? peut-être un employé du Gouvernement ?... On en avait vu plus d'un exemple au Faubourg... "
         - Un employé !... -- dit Assomption avec dédain, - d'abord il aura honte que je travaille, il voudra que je quitte mon métier pour faire la dame et, avec le peu d'argent qu'il gagnera, ce sera la misère pour nous deux !... Rafael, lui, est mieux payé, et, en route, il ramasse tout ce qu'il veut ! Nous serons riches si nous vivons en ouvriers.. Et puis, qu'est-ce que tu veux que je fasse d'un employé ?... Rafael est plus beau qu'eux tous !
         - Allons donc ! un homme colère, brutal, un vrai charretier enfin...
         Mais qu'est-ce que cela peut te faire ? - reprit Assomption avec impatience, - puisque je l'aime comme ça !...

         Le tio Martino était fort perplexe. Dans les premiers temps, il avait encouragé le caprice de sa fille et il caressait avec plaisir ce projet de mariage, aucun employé ne gagnait autant d'argent que Rafael, cela était certain. En le dirigeant bien, en lui faisant faire des économies, on l'amènerait à monter des équipages. Rafael deviendrait patron, puis peu à peu, grâce à ses relations avec les entrepreneurs, le tio Martino lancerait son gendre dans les travaux du port; ce serait peut-être la fortune... Mais, depuis qu'il le connaissait mieux, le caractère emporté de Rafael lui avait donné à réfléchir. Le scandale qu'il avait causé dans la rue lors de l'aventure de Pépa, ses frasques qu'on lui avait racontées, tout cela dérangeait fort les anciens projets du tio.

         D'ailleurs, un pareil mariage était-il bien en rapport avec sa situation à lui ? Car le tio Martino était devenu de plus en plus un personnage d'importance dans le Faubourg. On le consultait pour toutes les écritures, et il ne se signait pas un acte sans qu'il n'y eût mis la main. Personne ne savait disserter plus pertinemment sur les choses de la politique. Depuis la guerre de Cuba, il donnait lecture du journal dans les estaminets, il commentait les dépêches, et on faisait cercle autour de lui. Le vicaire espagnol de la paroisse ménageait son influence. Il soutenait avec lui de fréquentes discussions, car le tio Martino se piquait d'être libéral et légèrement esprit fort. On le voyait même se promener souvent en compagnie d'un réfugié de Barcelone, un pasteur protestant, don Eusebio, qui essayait en vain de faire des prosélytes dans le Faubourg. Le vicaire et le pasteur se rencontraient de temps en temps chez lui et c'était, pendant toute la soirée, de chaudes controverses auxquelles le tio Martino conviait les fortes têtes du quartier. Déjà les méchantes langues l'accusaient d'incliner au protestantisme. Mais il se moquait de ces calomnies. C'était dans le seul intérêt de sa réputation qu'il fréquentait don Eusebio: ces relations avec une personne de savoir, tout en flattant sa vanité, contribuaient encore à son prestige.

         En cette occurrence, le tio Martino songea tout de suite à utiliser les bonnes grâces du vicaire, chacun sait que les gens d'Eglise aiment à s'occuper de mariages.
         Peut-être que le vicaire se chargerait volontiers de découvrir pour Assompcion un mari digne d'elle et de son père.
         Il en parlait tous les jours à la jeune fille. Mais son entêtement était invincible, elle répétait : A quoi bon dépenser des paroles ?... puisque je n'en veux pas d'autre !
         Finalement le tio Martino se résigna.
         - Mais comment conduire cette affaire ?
         Comment attirer Rafael à la maison, lui qui était si sauvage !...
         - Assompcion eut réponse à tout : " D'abord sa mère se chargeait de la commission. Presque chaque matin elle rencontrait au marché la tia Rosa. Tout en causant, elle risquerait une allusion, et peut-être que les deux vieilles arriveraient à se comprendre et à se mettre d'accord, n'était-ce pas ainsi que se faisaient tous les mariages honnêtes ?...
         Assompcion avait mieux calculé qu'elle ne croyait, la tia Rosa avait déjà pensé à elle pour son fils, mais sans trop s'arrêter à ce beau rêve, vu la grande considération dont jouissait le tio Martino. Dès le premier mot de la mère d'Assompcion, elle avait tout deviné. La tia Rosa prit avec effusion les mains de la vieille femme.
         Pour elle, elle serait bien heureuse de ce mariage ! Mais il fallait attendre le retour de Rafael. Elle ne pouvait s'engager à rien avec une tête comme la sienne, est-ce qu'on pouvait savoir ?...

         Le lendemain, et tous les jours suivants, les deux vieilles se retrouvèrent à la même place. Elles stationnaient longuement au milieu de la rue, elles ne pouvaient plus se quitter, se traitaient cérémonieusement de senora à tout propos, et déjà les femmes du quartier commençaient à causer.
         Un soir, le tio Martino se décida à rendre visite à la mère de Rafaël, c'était la veille de son retour. Il survint mystérieusement après le souper, Juanète étant déjà couché et les voisins occupés à prendre le frais sur la porte des estaminets. Délicatement il fit allusion aux pourparlers de sa femme avec la tia Rosa. Mais celle-ci l'interrompit aussitôt
         - Ecoutez, tio Martino, vous en savez plus que moi ! Arrangez la chose pour le mieux. Moi, je ne veux pas m'en mêler la première. Si je lui parle, je suis sûre qu'il dira non !... Vous ne connaissez pas son caractère: c'est le même que son père que Dieu le repose !
         - Vous comprenez, tio Martino ? Il faut que cela ait l'air de venir de lui... de lui tout seul. Tâchez qu'il se voie avec Assompcion, attirez-le chez vous ! Après, seulement, moi, je parlerai...


         Quand Rafael, le lendemain, fit sa rentrée dans le Faubourg, ce fut un vrai triomphe. Des femmes l'interpellaient de leurs croisées, demandant des nouvelles de leurs parents d'Alicante ou de Valence. Des cabaretiers lui offrirent de l'anisette, en l'honneur de son retour ; et même son frère Juanète, du plus loin qu'il l'aperçut, courut à sa rencontre, et, pendu à sa main, il le ramena au logis, suivi d'une fouie de jeunes garçons. Le soir, les hommes qui travaillaient et qui n'avaient pas pu le voir dans la journée, envahirent la cuisine de la tia Rosa, où Rafael achevait de souper. On apporta toutes les chaises de la maison. Juanète courut chez le kaouadji, commander des tasses de café maure. Ceux de Castellon, pour qui Rafaël avait des lettres, l'étourdissaient de leurs questions, de sorte qu'il se trompait sur les noms des destinataires.
         Des discussions s'élevaient, tout le monde parlait à la fois.
         Au milieu du bruit, on remarqua à peine l'arrivée du tio Martino qui, très discrètement, se borna à toucher la main de Rafael et fut s'asseoir à côté de la vieille, en homme bien élevé qui ne se mêle pas aux cohues et qui attend le départ des gêneurs, pour faire ses civilités. Cependant les plus proches écartèrent leurs chaises de la sienne, par déférence, et s'enquirent de sa santé, tandis que Rafael, en veine d'éloquence, recommençait le récit de son voyage.
         Le tio Martino profita d'une pause ; et, d'un ton bonhomme, comme quelqu'un qui veut simplement rire :
         - Eh bien ! Rafaelète, tu n'as pas ramené une novia de Valence ?... Elles sont jolies, sais-tu !...
         - Oh ! moi, dit Rafael, avec une fatuité superbe, une femme ne me suffit pas, il me les faut toutes !

         Cette fanfaronnade fit rire l'auditoire et le tio Martino lui-même :
         - Ah ! Rafaelète !... tu me rappelles une histoire que j'ai lue autrefois dans les livres. C'était un meunier qui n'avait qu'un fils, mais si bien poussé et si fort qu'avec une de ses mains il arrêtait les ailes du moulin. Quand le garçon fut en âge de se marier, le père lui proposa une fille du pays. Mais le gaillard ne voulait rien entendre. Une fille ! est-ce qu'on se moquait de lui ! Il était bon pour quatre. Il lui fallait quatre femmes...:
         " Prends-en d'abord une, Chico, dit le père. Nous verrons après..."
         Enfin ! Après bien des paroles et des raisons, le garçon se décide à prendre la fille. Au bout de huit jours, le voilà qui revient chez son père :
         - " Voyons, dit le meunier, ce que tu sais faire à présent.
         Essaie un peu d'arrêter le moulin..."
         Le garçon s'approche en riant ; il attrape la grande aile au vol ; mais celle-ci l'emporte si bien qu'il manque de se casser une jambe en retombant. Ce n'était plus son tour de rire !
         - "Tu vois, dit le père, il a suffi d'une femme pour t'enlever la moitié de ta force : en veux-tu toujours quatre maintenant ?... "
         Cette histoire, le tio Martino la débitait pour la centième fois ; mais elle amusa tout le monde, et il fut très flatté du petit succès qu'elle lui valut. Cependant la réponse de Rafael ne laissait pas de l'inquiéter de semblables dispositions n'annonçaient guère un épouseur.
         Quand la foule des visiteurs se fut un peu éclaircie, il se rapprocha du jeune homme et l'interrogea sur son neveu et son beau-frère. Il multipliait ses questions, parlait de choses indifférentes, puis, tout à coup, se rejetait sur l'éloge de Valence et les courses de taureaux. Après de longs circuits, il finit par demander à Rafael quand il comptait prendre sa route.
         - Dans deux ou trois jours, je pense.
         J'attends une dépêche de Bacanète. Alors le tio Martino, se frappant le front tout à coup :
         - Ah ! j'allais oublier ! Passe donc demain soir à la maison : Assompcion veut te donner un paquet pour sa cousine de Boghari...
         Rafael promit.
         Ce soir-là, il y avait "assemblée " chez le tio Martino, et la cuisine était déjà toute pleine de monde, lorsque vers neuf heures, Rafaël vint -chercher le paquet d'Assompcion.
         L'ancien joueur de pelote habitait une grande caserne d'ouvriers où vivaient une centaine de ménages. Un grouillement d'enfants emplissait sans cesse les escaliers et les larges corridors. Quand Rafael monta, il entendit les pleurs des plus petits que les mères étaient occupées à coucher, et il se heurta à des bandes de bambins robustes qui dévalaient des étages en poussant des cris. Devant la porte du tio Martino, des fillettes accroupies sur les dalles jouaient aux osselets.

         Rafael, en entrant, fut un peu décontenancé à la vue du monde. Il y avait un groupe de jeunes filles et de jeunes gens, les uns assis sur des tabourets de bois, les autres debout contre la muraille et grattant des guitares. A l'autre bout de la pièce, sur une espèce de sofa, le vicaire espagnol
         - le "curé ", comme on disait et don Eusebio, le pasteur protestant, étaient assis devant une table ronde couverte d'une toile cirée. Le tio Martino, dans une attitude pleine de déférence, leur faisait vis-à-vis, flanqué d'un mandoliniste aveugle et d'un maçon poète, qui donnait des leçons d'écriture aux enfants du quartier et qui composait à prix fixe des chansons satiriques et des épithalames.
         Sitôt qu'il aperçut Rafael. Martino le prit par le bras et le présenta au "curé " et au pasteur. Le "curé", jovial, lui secoua vigoureusement la main.
         - Ah ! c'est un brave celui-là.... dit le prêtre au tio Martino ; je le connais de vue, et on m'a parlé de lui...
         Puis se tournant vers le jeune homme :
         - Et ça va toujours comme tu veux, Rafaelète ?...
         Le pasteur, avec une gauche politesse, lui prit la main aussi.
         En ce moment, Assompcion apparut, rapportant de la fontaine une cruche d'eau franche. Elle avait une robe d'alpaga noir aux manches bouffantes, qui faisait valoir l'inflexion gracieuse de ses épaules.
         Ses cheveux blonds, relevés aux sommets de la tête par un peigne d'écaillé, découvraient la blancheur de sa nuque, une blancheur éblouissante comme celle de son teint.
         Avec un petit tremblement de joie, elle dit bonsoir à Rafaël, et, ayant posé sa cruche sur la table, elle alla lui chercher une chaise dans la pièce voisine:
         - Asseyez-vous, monsieur Rafaël... mon paquet n'est pas encore prêt ; mais vous ne refuserez pas de causer une minute avec nous ?

         Rafael s'assit, en annonçant qu'il était pressé. Les autres jeunes filles le regardaient, une surtout, une grosse fille rose, aux cheveux blonds frisés, comme la laine d'un mouton, et qui étalait un collier de perles fausses autour de son cou trop court ; celle-là n'avait pas de fiancé. Ses compagnes bavardaient avec leurs novis des garçons meuniers et des boulangers en costumes de travail. Presque tous étaient très jeunes. L'un d'eux, entièrement imberbe, les cheveux poudrés de farine, la bouche naïvement ouverte, avait une tête candide de saint Jean. Il ne disait rien, ses beaux yeux noirs constamment fixés sur une jolie fille espiègle qui riait des plaisanteries d'un grand garçon joueur de guitare. De sa chaise, dans l'embrasure de la fenêtre, la mère d'Assompcion, les mains croisées sur son ventre, regardait le groupe en dodelinant de la tête, tandis que sa fille remplissait les verres d'anisette et offrait des gâteaux.
         Rafael, au milieu de tous ces inconnus, se pelotonnait sous sa blouse, l'œil torve et presque hostile. Malgré l'accueil engageant du " curé ", sa présence et celle du pasteur le gênaient. Du coin de l'œil, il suivait avec défiance les gestes emportés du premier, qui de temps en temps frappait le carrelage du bout de sa canne ; et Rafael examinait cette canne, dont la pomme d'ivoire représentait une tête de moine, la bouche fendue par un rire diabolique, une grosse mouche posée sur son crâne tondu.
         Le pasteur écoutait, l'air craintif, et comme abrité derrière ses grosses lunettes bleues. Très grand et très osseux, avec des joues caves de phtisique, ses longs cheveux plaqués, son maigre collier de barbe noire, il semblait se rapetisser devant le curé, dont la faconde et l'assurance l'écrasaient.

         Celui-ci était un type de paysan aragonais, aux épaules trapues et au dur visage obstiné, le poil si rude et si dru que le rasoir n'en venait pas à bout, et même, à cause de sa barbe toujours à moitié faite et de sa figure noiraude, ses paroissiens l'avaient surnommé le carbonero. Il s'appelait don Carlos, étant carliste comme son père et toute sa famille. A l'intransigeance de ses idées, à la véhémence habituelle de ses paroles, on devinait en lui un de ces prêtres espagnols de la vieille race qui sont capables de manier l'escopette et de faire le coup de feu contre les libéraux.
         Il discutait volontiers avec le pasteur, comme si la présence de l'ennemi l'attirait et l'excitait. La douceur et les manières polies de don Eusebio lui faisaient croire à d'importants triomphes, et, à de certains jours, il ne désespérait pas de ramener au bercail cette brebis égarée. D'ailleurs il lui accordait une certaine science théologique : ce qui ne l'empêchait pas, le dimanche suivant, de déclamer en chaire contre Luther et Calvin, dont il énumérait les femmes et racontait des débauches à faire frémir.
         Comme il s'échauffait beaucoup, Assompcion lui remplit de nouveau son verre, où elle avait ajouté de l'anisette.
         Il n'y fit même pas attention, tellement il était absorbé par la dispute.
         Ses devoirs de maîtresse de maison étant accomplis, la jeune fille vint s'asseoir à côté de Rafael. Ils se mirent à causer. Les rires des fiancés éclataient autour d'eux, sans égard pour l'éloquence du curé et les graves développements du pasteur.

         Elle lui fit mille recommandations inutiles à propos du paquet ; puis elle-lui demanda des nouvelles de sa cousine de Boghari. Instinctivement elle fit le geste de se rapprocher ; sa voix devint plus basse et plus caressante. Maintenant elle lui parlait de son métier, de cette fameuse route de Laghouat... Rafael, à l'entendre ainsi tout près de lui, sentait sa timidité et sa mauvaise humeur s'en aller. Il était flatté de voir qu'elle s'intéressait à lui et aux choses de son état.. Alors, rejetant toute contrainte, il s'enhardit à lui parler à son tour, de cette voix enjôleuse qu'il savait si bien prendre. De temps en temps, il risquait une gaillardise pour éprouver Assompcion ; et celle-ci riait de tout son cœur, en le regardant bravement dans les yeux. Rafael la regardait aussi.
         "Elle est jolie, la chica !
         - pensait-il,
         - elle n'est pas fière du tout !..."
         Et voici qu'en sa présence l'image de Thérèse ressuscitait dans la mémoire de Rafael. Cette femme du colon de Médéa, elle lui avait appris à souffrir cette grâce à côté de sa rudesse sans en être humilié. Puisque Thérèse l'avait aimé, pourquoi celle-ci ne l'aimerait-elle pas aussi ?
         Ils se dévisagèrent encore avec des yeux rieurs, essayant de se cacher l'élan qui les emportait l'un vers l'autre. Mais la voix du " curé " tonnait comme dans un prône.
         On distinguait à peine les objections du pasteur, aussitôt anéanties par l'adversaire.
         - Cependant Darwin affirme, disait doucement don Eusebio.
         - Darwin ! c'est comme Voltaire,
         - repartait le "curé " avec mépris,
         - une imagination brillante, la source de toutes les erreurs ! D'abord, est-ce qu'on lit ces gens-là ? Lisez saint Thomas ! Tout est dans saint Thomas !... Oui, tout ! Les savants modernes n'ont rien inventé. Moi, je ne connais pas d'autre livre. Malheureusement l'intellect me manque, j'en reste à l'écorce de la doctrine. A côté de ce prince de toute science, je ne suis qu'un pauvre Frère de la cuisine...
         Puis, prenant un ton de voix mystique :
         - Quand j'étais au séminaire, j'ai connu un chanoine de Saragosse qui avait mis treize ans à comprendre le De natura Angelorum. Ah ! c'était un savant, prenant des manuels dans leurs séminaires !... Nous buvons à la source nous autres ! Nous lisons saint Thomas !...
         Le tio Martino était si attentif à l'éloquence du " curé " qu'il ne vit même pas sortir Rafael. Assompcion l'accompagna jusque dans le corridor, et, pour le garder encore un instant, elle renouvela ses recommandations. Par la porte ouverte, on entendit la voix blanche du pasteur:
         - Ne dites pas de mal de la France, don Carlos !...
         - Vous ne me comprenez pas ! Je soutiens que notre pays, c'est celui du monde où il y a le plus de foi. Mais la France, clamait le " curé ", c'est le porte-étendard du catholicisme !...
         La canne à pomme d'ivoire se démenait frénétiquement sur les dalles. Rafaël brusqua les adieux, et il fut tout surpris de voir qu'Assompcion lui tendait la main à la mode des Français.
         "Quand on me reprendra dans cette ménagerie-là !... " se dit-il, en redescendant les escaliers de la grande caserne d'ouvriers maintenant endormie.
         Cependant, tout le long du chemin, jusqu'à l'auberge du roulage, il ne fit que penser à Assompcion. Le lendemain, il y songeait encore, quand il vint chez sa mère chercher son sac à linge. Mais il ne lui dit rien et ne parla même pas de sa visite.

         Il repartit pour Laghouat. Les tracas du métier et les amusements de la route emportèrent sa pensée bien loin de cette aventure. Cependant, quand il cheminait avec Philippe, il y revenait complaisamment, et l'image d'Assompcion restait aussi nette dans son souvenir que le soir de cette rencontre.
         Un jour que son camarade l'entretenait pour la centième fois de ses projets de mariage, il ne put se tenir de lui avouer :
         - Moi aussi j'en connais une !...
         Il lui conta son entrevue avec Assompcion, en embellissant le récit, et, comme Philippe l'engageait à profiter de l'occasion pour se marier, il ajouta, autant par vanité que par esprit de contradiction :
         - Je m'en moque : j'en trouverai bien d'autres !... ce ne sont pas les femmes qui manquent !
         Malgré cela, cette idée de mariage avec Assompcion le travailla pendant toute la durée du voyage. Il se disait que maintenant il restait seul de sa famille son frère Juanète était si jeune ! Et savait-on ce qui pouvait-arriver ? D'ailleurs on devait se marier tôt ou tard. Ne valait-il pas mieux
         S'y décider tout de suite ? Allait-il attendre d'avoir les cheveux gris comme Philippe pour donner des petits enfants à la tia Rosa ?...
         Quand il reprit le chemin d'Alger, il était convaincu qu'il ne pouvait épouser qu'Assompcion. C'était celle-là qu'il lui fallait ! Celle-là ou personne!...

         Sitôt arrivé, il s'empressa de faire sa toilette et, à l'heure où il supposait qu'Assompcion était revenue de son atelier, il se présenta chez le tio Martino pour rendre compte de sa commission. Contrairement à son attente, il ne se passa rien d'extraordinaire pendant cette nouvelle visite. Assompcion ne se montra ni plus ni moins engageante que l'autre soir. Il en voulut seulement au tio Martino dont les témoignages d'affection exagérée l'agaçaient. Cependant, lorsqu'il sortit, Assompcion l'invita à revenir ; après le souper, il retrouverait, réunis à la maison, les mêmes guitaristes et les mêmes jeunes filles qu'à son dernier voyage, et le curé ne viendrait pas !... Mais Rafael ne répondit rien.
         Quand il fut dans la rue, il se jura de ne remettre jamais les pieds chez le tio Martino : "Si elle veut venir me chercher, qu'elle vienne !" se dit-il... Au fond, il était un peu. dépité. Il s'était imaginé qu'Assompcion allait lui sauter au cou tout de suite ; et comme, malgré ses grands airs d'assurance, il était toujours très timide avec les gens qu'il ne connaissait pas, il lui faisait porter la peine de sa timidité.

         Par suite de réparations importantes à faire aux chariots, Bacanète prolongea d'une semaine son séjour à Alger.
         Rafael se promena beaucoup. Mais où qu'il fût, au Faubourg, ou à l'auberge du Roulage, il était toujours sûr de rencontrer Assompcion. Il remarqua même que, chaque fois, elle était en cheveux, elle qui portait d'habitude la mantille. Etait-ce une façon de l'apprivoiser, en se montrant à lui comme une simple ouvrière ? Mais il ne l'abordait pas pour cela. On se saluait de loin, en riant, et ce manège recommençait tous les jours.
         Philippe, qui avait remarqué ces poursuites, plaisantait Rafaël
         - On dirait que tu n'oses pas !... Allez ! propose-lui la chose...
         - Laisse-la, laisse-la ! Elle se décidera bien à parler toute seule. Il faut l'allumer un peu. Et puis est-ce que c'est à moi à lui courir après ?...

         Le matin de leur départ, vers huit heures, comme ils rapportaient de chez le bourrelier des colliers raccommodés, Assompcion passa. Philippe, en l'apercevant, éclata de rire :
         - Vas-y, Rafaelète ! C'est l'occasion ou jamais !
         Assompcion fit semblant de ne pas les apercevoir. Cette indifférence, feinte piqua Rafael. Il l'interpella comme elle s'engageait sur l'autre trottoir. Elle se retourna tout de suite, leurs yeux se saluèrent de loin et, bravement, elle s'avança vers lui ; car Rafael, ayant un collier enfilé à chaque bras, était fort empêché de sa personne.
         Il lui prit doucement les doigts, qu'il garda quelque temps. Et, la regardant d'un air gouailleur :
         - Vous travaillez pour le roulage maintenant, mademoiselle Assompcion ?.. On ne voit plus que vous autour de l'auberge...
         L'allusion la fit rougir. Mais elle prétexta qu'elle avait une commission de sa patronne pour une cliente de Mustapha.
         Puis elle lui reprocha de n'être pas venu une seule fois à la maison pendant les huit jours qu'il venait de passer chez sa mère.
         Elle lui parlait, un peu effarouchée, sur le bord du trottoir, au milieu des passants qui la heurtaient. Rafael, debout devant elle, achevait de l'intimider avec sa charge de harnais, dont les sonnailles, à chaque mouvement, faisaient un vacarme farouche.
         Parfois, lorsqu'un collier glissait, il donnait un coup d'épaule pour le remonter, et, comme il se redressait de toute sa taille, Assompcion s'étonnait de le trouver si grand...
         - Nous vous avons attendu hier soir, dit-elle : nous pensions qu'avant de partir...
         - Oh ! hier... D'abord je n'ai pas eu le temps.
         - Et il ajouta avec un rire forcé :
         - J'ai été voir ma bonne amie...
         Assompcion tourna vers lui un regard douloureux, comme si elle cherchait à lui voir clair jusqu'au fond de l'âme. Rafael, à ce moment même, la sentit à lui. Ils n'osaient plus se parler, luttant l'un et l'autre, par une mauvaise honte contre les mots qui leur venaient aux lèvres. Rafaël, le premier, lui dit avec un tremblement mal déguisé
         - Si vous voulez vous marier avec moi, dites oui tout de suite. Autrement ce n'est pas la peine de faire des manières : ce sera non pour toujours !
         Assompcion baissa la tête, honteuse, s'imaginant être épiée par les passants :
         - Oui, dit-elle, d'une voix très basse.
         Rafaël aussitôt lui tendit la main :
         - Alors, tu veux comme moi ?
         - Je veux ce que tu veux, dit-elle.
         Leurs deux mains se joignirent pour une promesse solennelle. Ils restèrent une minute ainsi, mettant dans cette étreinte tout ce qu'une pudeur les empêchait de se dire.
         Assompcion allait pleurer. Elle sentait qu'elle ne l'aimerait jamais plus qu'à cette minute de leur serment de fiançailles.
         Rafael se reprit immédiatement :
         - Alors, si c'est comme ça, moi je ne pars pas. Je vais prévenir Bacanète que je reste à Alger, ce voyage-ci : il faut bien que nous fassions connaissance.
         - Ecoute, Rafaelète, nous nous reverrons ce soir ! On m'attend à l'atelier...
         Elle avait refoulé ses larmes, toujours un peu rouge seulement, à cause de Philippe qui observait la scène du seuil de l'auberge. Elle toucha urne dernière fois la main de Rafael, et elle partit radieuse vers Alger, oubliant sa prétendue course à Mustapha. Rafael, la regardant s'éloigner, lui cria par plaisanterie :
         - Et ta commission ?...
         Elle se retourna, agita ses bras avec le geste de s'en moquer, et elle le salua de la tête en s'en allant.


         Rafael, après s'être entendu avec Bacanète, passa sa blouse et courut chez sa mère
         - Maman, dit-il, je suis fiancé avec Assompcion. Habille-toi vite et va parler pour moi aux deux vieux.
         La tia Rosa ne savait que penser de cette brusque détermination. Cependant elle dissimula sa joie dans la crainte d'un revirement chez Rafael, et, pour la forme, elle fit des objections : " Avait-il bien réfléchi avant de s'engager ? Sans doute la chica avait bonne mine, elle était travailleuse et gagnait de l'argent ; mais elle aimait à faire la dame. Et puis savait-on ce que dirait le tio Martino, lui qui était si fier de sa fille ! "
         - Eh ! bien qu'il la garde, sa fille ! Dit Rafaël, qui ne s'attendait pas à toutes ces raisons et qui trouvait le doute de sa mère injurieux pour lui.

         Rosa s'aperçut qu'elle avait fait fausse route :
         - Alors tu l'aimes, Rafaelète, la Chica ?..
         - En voilà une raison, dit Rafael en haussant les épaules, sans cela, est-ce que je me marierais avec elle ?
         - Mais elle, Rafaelète, elle t'aime aussi ?
         - Et toi, quand tu t'es mariée avec mon père, est-ce que tu l'aimais? -
         Oh ! moi, c'est différent ! Ça est venu sans que j'y pense. Un beau soir, nous nous sommes promis tous les deux, c'était un soir du mois de juin, je m'en souviens toujours... Mais je ne peux pas te raconter ça, Rafaelète !... Ah! il était bien méchant ton père, que Dieu le repose !
         Dans ce reproche à la mémoire de Ramon, elle cachait toutes ses rancunes contre son fils et toutes ses appréhensions pour l'avenir. Mais Rafael était impatient. Il fallut qu'avant midi la tia Rosa allât chercher la réponse de Martino et de sa femme.
         On la reçut avec de grandes démonstrations d'amitié : Rafael était admis à fréquenter. Il pouvait venir dès le soir même, s'il voulait. Par excès de prudence, Martino fit la leçon à la mère :
         - Vous lui direz, tia Rosa, que ma femme et moi nous n'en savions rien. Mais nous sommes contents qu'Assompcion l'ait choisi. Nous ne pouvions pas trouver un plus beau garçon ni un meilleur gendre...
         Dès lors Rafael se sentit devenu un autre homme il allait se fixer maintenant.
         Ce n'était plus seulement sa mère qui l'attachait à Alger ; et aujourd'hui que son mariage était si proche, il sentait dans cet acte une gravité qui le remplissait d'orgueil.
         L'après-midi, il courut sur les quais annoncer la nouvelle a son ami Pépico ; puis, vers six heures, il revint au Faubourg, pour prendre Assompcion à la sortie de l'atelier .et la ramener chez elle, selon la coutume des fiancés.

         Le tio Martino, qui le guettait sur le seuil d'un cabaret, le héla au passage et lui donna l'accolade devant tout le monde, comme à son futur gendre. Rafael se laissa offrir un verre d'anisette par le vieux, bien qu'il n'aimât guère ses façons. A mesure qu'il le connaissait, les manières de demi-bourgeois qu'affectait le tio Martino lui déplaisaient davantage. Cependant il fallait bien faire quelque chose pour Assompcion.
         - Je vais chercher la chica, dit Rafael. Mais je ne connais pas la maison...
         - Tiens ! voilà justement le mari de sa patronne qui passe, dit le tio Martino : il va te conduire...
         Le joueur de pelote appela le personnage qui passait. Il marchait en se dandinant prétentieusement sous une ombrelle à doublure verte qu'il portait comme un ostensoir ; et continuellement, avec un geste magnifique, il se caressait des favoris blonds encadrant une figure imbécile :
         - C'est quelqu'un de comme il faut, souffla rapidement le tio Martino, il a été perruquier à Madrid !
         Il fit asseoir l'individu, demanda un verre pour lui et le pria d'accompagner Rafaël.
         - "le noz'io d'Assompcion".
         L'ancien perruquier toisa de haut la blouse du jeune homme :
         - Oui ! certainement, dit-il avec lenteur, je vous présenterai à dona Isabelle...
         Dona Isabelle, c'était sa femme. Il se mit aussitôt à parler d'elle d'un ton pénétré.
         - Ah ! c'est une personne d'une grande éducation, dona Isabelle ! Elle a étudié pour être maîtresse en Espagne. Mais on ne paie plus les maîtresses là-bas. Alors elle a été forcée de prendre le métier de couturière, et, comme les affaires ne vont pas chez nous, nous sommes venus ici... Elle a un goût pour les costumes ! Enfin, vous la verrez, je vous présenterai à dona Isabelle !...

         Rafael ricanait de ces hâbleries. Mais le tio Martino le regarda avec des yeux suppliants.
         - Conduisez-le tout de suite, dit-il au perruquier, en montrant son futur gendre, vous ne voyez pas qu'il est impatient de retrouver sa promise ?
         La couturière habitait une vieille maison tout en haut de la cité Bugeaud Les corridors étaient fort obscurs. Aussi Rafael fut-il ébloui quand la porte s'ouvrit sur la vaste pièce qui servait d'atelier. Par la fenêtre, on voyait un grand pan de paysage et, tout au fond, la coupole de Notre-Dame-d'Afrique, qui s'effaçait déjà dans les vapeurs du couchant. Deux autres apprenties étaient assises auprès d'Assompcion, tandis que dona Isabelle trônait sur une estrade, dans l'embrasure de la croisée. Des lueurs vives, sans cesse en mouvement, couraient d'un bout à l'autre de la chambre.
         Dans un coin sombre, quelque chose de bleuâtre et de diaphane, comme un voile de gaze, était suspendu, et des étoiles d'or frissonnaient dans les plis légers du tissu.
         On travaillait à un ouvrage extraordinaire, un véritable chef-d'œuvre. Une actrice du Grand-Théâtre, qui devait jouer le rôle de Salammbô, avait commandé ses costumes à dona Isabelle, dont les talents de couturière n'étaient guère connus des clientèles mondaines, et que sa femme de chambre,
         - une Espagnole du Faubourg,
         - lui avait fait découvrir.

         Dona Isabelle, debout devant une table qui dominait l'estrade, faisait crier ses ciseaux dans un grand morceau de toile d'argent, dont le dessin imitait des écailles de poisson. Les deux apprenties s'étaient levées, et elles disposaient autour d un mannequin une écharpe bleue. Assompcion appliquait des fleurs rouges sur le fond noir d'une tunique. Encombrant un guéridon, des galons d'or, des paillons de toute espèce, des pendeloques et des aigrettes resplendissaient dans des corbeilles ; et, tout autour d'elle, traînaient des rognures d étoffe,s couleur de feu, avec de petits grains de verroterie qui s'écrasaient sous les pieds.
         Le mari imbécile présenta Rafael à dona Isabelle, qui, majestueusement, lui souhaita la bienvenue et, d'un ton doctoral, dans un castillan très correct, complimenta Assompcion sur son fiancé. Mais le travail pressait fort. Elle pria le jeune homme de prendre une chaise, en attendant que les ouvrières eussent terminé leur tâche.
         Assompcion le fit asseoir, heureuse qu'il la vît au milieu de toutes ces belles choses
         - Regarde, Rafaelète, comme c'est joli ce que nous faisons !
         Tout en disant cela, elle étalait sous ses yeux les fleurs rouges de la tunique.
         - Qu'est-ce que tu me montres là ?
         - dit Rafael en riant :
         - est-ce que je m'y connais, moi, aux affaires des femmes ?
         Parle-moi d'un harnais pour mes mules, montre-moi des pompons de soie, comme à Valence...
         Dona Isabelle le reprit aigrement :
         - Ses mules ? En voilà une façon de parler aux dames !
         Mais Assompcion, pour étonner davantage Rafael, avait quitté sa chaise, et, désignant du doigt le saïmph qui brillait au mur :
         - Veux-tu voir quelque chose de plus beau ?
         Elle décrocha le voile de la Déesse et, passant vivement la tête par l'ouverture, elle se tint devant lui, drapée dans les plis de la gaze resplendissante. Les reflets des étoiles d'or illuminaient ses cheveux et son visage.
         - Mais c'est une blouse que tu as là, dit Rafael,
         - une blouse toute pareille à la mienne veux-tu parier que ça me va mieux qu'à toi ?...
         Il tendit le bras vers le saïmph, comme pour s'en revêtir.
         Le mari inquiet regardait sa femme. Les deux apprenties riaient déjà aux éclats à l'idée de voir Rafael endosser le mince tissu constellé. Mais dona Isabelle, choquée d'une telle irrévérence, enjoignit à Assompcion de cesser cette comédie et de remettre le voile à sa place.
         Rafaël sortit fort mécontent de l'accueil de la couturière. Quand ils furent dehors, Assompcion et lui, ils décidèrent de s'en revenir par la Consolation, estimant que le chemin était trop court jusqu'à la maison du tio Martino et qu'ils n'auraient pas le temps de causer.
         Le bruit de leurs fiançailles s'était répandu dans tout le Faubourg. Aussi, pendant qu'ils descendaient la rue, des femmes se mirent aux fenêtres et sur les seuils des portes pour les voir passer.
         Mais Rafael n'avait d'yeux que pour Assompcion, qui marchait à côté de lui, et, comme elle se savait regardée, elle se tenait très droite dans sa robe de foulard, qui moulait sa taille robuste et souple, comme une gaine de soie.
         Chemin faisant, Rafael lui débitait de grosses galanteries joyeuses, comme font les garçons de son métier. Elle répondait avec beaucoup d'à propos, riant elle-même de ce qu'il disait et nullement scandalisée, puisque telle, était l'habitude des hommes.

         Cependant une angoisse la tourmentait, qu'elle n'osait pas lui découvrir. Plus ils se rapprochaient de la mer, plus cette angoisse devenait forte, et elle suivait distraitement la conversation. Devant eux, tout au bout de la rue, elle voyait la colonne d'un réverbère qui se détachait toute seule sur la profondeur des eaux. Cette colonne semblait vivre comme une personne :
         - " Quand je serai près d'elle, je parlerai, se dit Assompcion... Oui, je ne passerai pas sans avoir parlé..."
         Elle se fixa fermement ce délai pour prendre courage et quand ils tournèrent en face du réverbère, comme ils s'engageaient dans l'avenue qui longe la plage, Assompcion dit tout à coup : Rafaelète, quand est-ce que nous nous Marierons ?
         - Tu es bien pressée, toi ! Depuis quand se marie-t-on comme cela, de but en blanc...
         D'abord il me faut le temps de ramasser l'argent nécessaire pour payer notre mobilier : j'ai dépensé toutes mes économies dans mon voyage d'Espagne...
         - Moi, j'en ai des économies, dit fièrement Assompcion.
         - Et tu crois que j'aurais le cœur d'accepter ton argent ? Je me ferais payer par ma femme le lit où je coucherai ?... Tu ne me connais pas encore, toi !
         - Mais si je te prête cet argent là !...
         Celui que tu gagneras, tu le placeras en mon nom, après, si tu veux.
         - Non, non, ce n'est pas la peine d'en parler, je t'ai donné ma parole. Tu n'as, rien à craindre. Le mois prochain, quand je reviendrai, je verrai comment les affaires auront marché, alors je te ferai réponse... -

         C'était la première fois qu'Assompcion se heurtait à la volonté de Rafaël ! Elle en éprouva une grande peine, et des pressentiments tristes la troublèrent. Mais elle était trop sage pour ne pas se résigner.
         Ils rentrèrent dans le Faubourg, et Rafael accompagna la jeune fille jusqu'à la maison. Du bas de la rue, ils avaient aperçu un groupe de femmes assises sur le trottoir et qui occupaient tout le devant de la porte. Pour n'être pas dérangés, ils se tinrent à quelque distance, et ils s'arrêtèrent, causant encore, avant de se séparer.
         On les examinait de loin. Une des femmes qui tenait un enfant leur cria :
         - Approchez au moins, qu'on vous voie !...
         Assompcion entraîna Rafael, qui cependant n'aimait pas ces familiarités. Ils s'avancèrent tous les deux sous les yeux émerveillés des femmes et portant si fièrement leur bonheur que celle qui les avait appelés leur dit:
         - Comme tes yeux ont changé depuis ce soir, Assompcion ! Te voilà dans toute ta beauté, maintenant ! Et toi, Rafaelète, comme tu ressembles à ton père ! Mais tu es bien plus grand et bien plus fort que lui.

         La femme disait cela, en berçant sur ses genoux son enfant. Assompcion le lui prit, et, comme pour la remercier de ses paroles, elle lui embrassa son petit. Mais, avec un élan de tendresse, la mère l'ôta des mains de la jeune fille. Elle le fit sauter, le renversa entre ses bras, les petits pieds battant l'air, et elle se mit à le baiser partout. Les autres femmes le demandèrent aussitôt. Elles se le passèrent de main en main, en le baisant toutes avec des mots câlins.
         A cette vue, un peu de tristesse avait paru dans les yeux d'Assompcion, et la femme qui croyait la comprendre lui dit :
         - N'aie pas peur, Assompcion, ma fille, tu ne seras pas toujours demoiselle !
         Ces mots la frappèrent comme un joyeux présage. Elle échangea un sourire avec Rafaël, heureuse maintenant, confiante, malgré tout, dans sa promesse ; et, : devant les mères qui les regardaient, gravement, sans se toucher la main, ils se dirent au revoir.
         Ce tête-à-tête de tous les soirs devint bientôt une habitude pour Rafael. Son mariage avec Assompcion était une chose réglée. Maintenant qu'il était sûr de l'épouser,
         - il avait hâte de reprendre son travail
         Rien ne troublait son contentement que, quelquefois, les plaintes de la jeune fille, qui s'irritait des longueurs de l'attente. Il la consolait en plaisantant ; mais, au fond, l il voyait sans déplaisir qu'elle souffrît un peu pour lui.

         Le séjour d'Alger surtout lui était insupportable. La ville molle, alanguie dans ses vapeurs, lui faisait regretter l'aridité saine et fortifiante du Sud. Désœuvré comme il l'était, il ne savait que faire de ses journées. Le soir, il retrouvait bien Pépico dans un cabaret. Mais celui-ci complètement ensorcelé par la Malaguena, le quittait, après une partie de manille, pour aller rejoindre sa maîtresse. Rafael n'osait aller le relancer a la maison : la Malaguena, jalouse et ardente comme une louve, le gardait à vue.
         D'ailleurs, le Faubourg, depuis son adolescence, avait tellement changé qu'il ne s'y retrouvait plus. Même dans certains cafés, où s'étaient introduits quelques Français, on faisait de la politique, ce qui déplaisait à Rafael. Il faillit avoir une dispute avec Brémont, le maréchal-ferrant, qui voulait absolument l'enrôler dans un comité de propagande et le tourmentait pour qu'il réclamât sa carte d'électeur.
         Aussi, le jour où les équipages de Bacanète arrivèrent, il ne cacha pas sa joie à Assompcion, qui en pleura.
         Le matin du départ, elle le reconduisit, à son tour, jusqu'à l'auberge du roulage. Il avait repris son costume de travail dès la veille, et ne s'était plus occupé que de son chariot et de ses bêtes.

         Ils causèrent longuement devant l'auberge:
         - Quand reviendras-tu ? dit-elle.
         - Dans un mois !
         - Pas avant ?
         - Pas avant! peut-être même plus tard: les routes commencent à devenir mauvaises. Il y aura à batailler, cette fois-ci...
         Les bêtes attelées secouaient leurs colliers avec impatience. L'homme de peine apporta son fouet à Rafael. Il fallait partir. Il prit vivement la main de sa fiancée :
         - Adieu, Assompcion !
         - Adieu, Rafaelète, dit-elle avec ferveur, en laissant glisser sa main dans la sienne.
         Son cœur défaillait, des larmes lui venaient aux yeux, il lui semblait qu'elle avait encore tant de choses à lui dire ! Mais il avait disparu dans la cour.
         Elle l'entendit crier des commandements. Des coups de fouet retentirent, et, par la porte cochère ouverte à deux battants, l'attelage déboucha sur la chaussée. Rafaël, pendu au cordeau, la gorge gonflée par les cris, tirait violemment sur les rênes.
         Il frôla presque Assompcion en passant.
         Mais, tout à son équipage, il ne se retourna même pas. Le chariot décrivit une courbe, s'engagea dans la rue. Rafaël, toujours pendu aux guides, la tête renversée et comme ivre de plaisir, était emporté par la marche...

Louis Bertrand




Voilages

De Jacques Grieu

VOILURES

Ceux qui vont à vapeur, des voiles ignorent tout.
Ils croient que la voilette est voile pour youyou,
Et veulent porter plainte contre le vol … à voile !
Le " perroquet " est-il voile à plume ou à poil ?

" A voile et à vapeur " n'est pas voile intégral ;
La nudité sans voile est gréement tropical,
Et la " voile d'étai " devient voile d'été !
Combien de voiles au tiers dans la voile carrée ?

Au fameux " port du voile ", aucun bateau n'y vint,
De port n'a que le nom et des voiles se plaint !
La burqa, le nikab, le hijab, le tchador
Sont-ils voiles de deuil ou des confiteor ?

Est-ce signe d'islam que se voiler la face ?
Et de féminité est-ce toujours la trace ?
Il faut lever le voile, avec moult précautions,
Sur ces sortes de voiles avec leurs acceptions.

Passions gonflent les voiles et font souvent la " une ".
La voile spinnaker n'est pas voile de hune.
" Selon le vent, les voiles ", a dit le philosophe ;
Sur-voilé, sous-voilé sont mêmes catastrophes.

" Toutes voiles dehors " est d'honnête conduite,
Pourtant " mettre les voiles " annonce vile fuite ;
D'ailleurs " prendre le voile " est aussi dérobade …
Toutes ces voiles-là ignorent le djihad !

Le sourire est le voile inventé pour mentir,
Mais de ma roue le voile il ne peut abolir.
Le voile du palais ou le voile au poumon,
Sont-ils voiles à misaine ou voiles d'artimon ?

L'expression " faire voile " exclut tout savoir-faire,
Comme les chars à voile évitent toute mer.
S'il faut porter le voile au Golfe, le Persique,
Celui du Morbihan a des voiles … laïques !

Jacques Grieu                  



LE MARABOUT
Gallica : Revue de l'Orient 1852-2, pages 12 à 14

DE LA ZAOUIA DE CHELLATTA.

                 Il y a cinq ans, à pareille époque (17 mai 1847), un des plus grands capitaines des temps modernes, M. le maréchal Bugeaud, conduisait, pour la première fois, les belles cohortes de l'armée d'Afrique, dans la vallée de l'Oued-Sahel, entre Aumale et Bougie.
                 A mi-chemin, sur la rive droite de la rivière, le vainqueur d'Azrou trouvait le petit Etat théocratique de Chellatta, et, à la tête de ce petit Etat, un jeune homme de vingt-cinq ans, aux traits beaux et calmes, aux manières nobles et distinguées, à la parole pleine de charme et de douceur. Ce jeune gentilhomme était Si-Mohammed-Said, héritier et successeur de Sidi-ben-Ali-Chérif, saint marabout, objet de la vénération kabyle et fondateur de la zaouia de Chellatta, où ses reliques sont pieusement conservées et placées sous la garde de quelques centaines de tolba.
                 Si-Mohammed-Said, par son alliance avec le cheikh héréditaire du Ferdjioua, Bou-Akkas-ben-Achour, et par sa parenté avec le kaid de Batna, était tout préparé à ouvrir des relations avec l'autorité française à la première occasion.
                 Cette occasion lui était naturellement offerte par la présence, sur les lieux, du chef tout-puissant de la colonie. Cependant, il ne fallait rien moins que cette circonstance déterminante, car, ainsi que le rapporte M. le général Daumas dans son remarquable ouvrage sur la Grande Kabylie. Une prescription singulière est imposée par le fondateur de la zaouia à tous les chefs qui lui succèdent. Elle leur interdit de quitter le territoire du petit Etat : la crête des montagnes au nord, la rivière au sud, sont pour eux deux limites infranchissables, sous les peines les plus terribles, car il n'y va pas de moins que la ruine de la zaouia.

                 Fidèle, en 1847, à cette prescription, Si-Mohammed-Said fit, suivant l'usage arabe, les honneurs du territoire de sa zaouia à l'hôte illustre qui le visitait, mais s'arrêta religieusement devant les fatales limites imposées à son domaine temporel et spirituel.
                 Moins scrupuleux, en 1852, Si-Mohammed-Said accepte, sans aucune contrainte, de faire partie de la députation des chefs indigènes envoyés à Paris pour assister à la grande fête militaire de la distribution des drapeaux à l'aigle.

                 En 1852, bien loin de l'enceinte où reposent, sous des noyers séculaires, les restes vénérés de ses ancêtres, l'ermite solitaire de la zaouia de Chellatta assistait, le 10 mai, dans l'enceinte du Champ-de-Mars, sur la terre des infidèles, à l'une des plus grandioses solennités militaires que le ciel ait jamais éclairées.
                 Et il a trouvé grâce devant le courroux de l'illustre saint dont il est le successeur, et l'incendie n'a pas dévoré la zaouia, et la terre ne s'est pas entr'ouverte pour l'engloutir!!!
                 Maintenant, au lieu d'ajouter une foi superstitieuse à des contes ridicules, Si-Mohammed-Said rentre chez lui vivement impressionné de ce que ses yeux ont vu, de ce que ses oreilles ont entendu, de ce que ses mains ont touché, et ne croit plus qu'en Dieu, dans le ciel, et à la grandeur de la puissance de la France, sur la terre.
                 Ce miracle, c'est le temps, le temps seul, qui l'a opéré.

                 Cependant le voyage de Si-Saki loin des lieux qui l'ont vu naître, a occasionné dans le pays une inquiétude populaire assez vive pour que M. le gouverneur général ait cru devoir, dans son trajet de Bougie à Sétif, interroger à cet égard les principaux personnages des tribus.. On attend le retour de Si-ben-Ali-Chérif avec impatience, dit le Moniteur algérien ; mais ce n'est pas dans une crainte injurieuse pour nous que ce sentiment prend sa source, c'est uniquement dans le désir qu'éprouvent les Kabyles de connaître par la bouche d'un de leurs chefs les merveilles de notre pays.
                 Sous ce prétendu désir de connaître les merveilles de notre pays, les Kabyles déguisent mal leurs craintes superstitieuses. Si-Said a violé une grave prescription, qu'en adviendra-t-il?
                 Il en adviendra qu'avant peu les Kabyles eux-mêmes croiront à une fable de moins et à une vérité de plus

GUEYMARD.


MAHELMA
Pieds-Noirs d'Hier & d'Aujourd'hui N°205 - Mai 2012

     
          Historiquement Mahelma est un village Guyot de la troisième ceinture de protection d'Alger.
                 Dans son plan du 12 mars 1842, Le Directeur de l'Intérieur et de la Colonisation décrit en ces termes le site du futur village : Maelma (sic) est sur un magnifique plateau qui domine la plaine de Staouéli et est à cheval sur la grande route de Douéra à Koléa.
                 Cette situation a fait choisir ce point pour l'établissement d'un camp construit en 1835 pour les zouaves. Tout près sont plusieurs fontaines remarquablement belles et parfaitement conservées. Les terres seraient placées en amphithéâtre vers la plaine de Staouéli ; et le long d'un assez riche vallon.
                 Quelques remarques s'imposent à propos de ce texte.
                 D'abord sur l'orthographe Maelma (qui est aussi celle de la carte au 1/50000). C'est une erreur manifeste.

                 Sur l'origine de ce toponyme, les arabisants compétents se divisent : sachant que el ma signifie l'eau, que mahel signifie endroit, et que helm signifie plantain, les uns traduisent" point d'eau" et les autres" zone de pâture". C'est sûr qu'il y avait des moutons en 1835, et qu'il y avait une belle source d'un débit de l'ordre de 2500 litres par heure qui fut captée entre 1835 et 1842 pour alimenter un abreuvoir et un bassin. Par contre la commune s'est révélée par la suite plutôt pauvre en eau : en 1950 encore beaucoup de fermes étaient alimentées par des citernes ou par des puits profonds de 12m. Et les années sèches, comme en été 7947, certains colons durent aller chercher de l'eau au village au moyen de haquets chargés de tonneaux.
                 Pour aller de Douéra à Koléa il n'y a jamais eu de route directe : il faut faire un détour par la côte, ou par la Mitidja. Mahelma n'est donc pas à cheval sur la grande route de Douéra à Koléa. Peut-être y avait-il en 1842 un projet de ce type par El Hadjer; mais ce dernier village n'ayant pas été créé, une telle route directe ne fut jamais tracée. Mahelma est sur la route de Douéra à Zéralda qui n'est pas des plus directes ! Le " riche vallon" est celui de l'oued Safsaf (rivière des peupliers) qui traverse ensuite la forêt des Planteurs dans la commune voisine de Zéralda.


                 À vrai dire, c'est un village plus" Bugeaud" que "Guyot", tant le rôle des militaires fut déterminant, de la volonté même de Bugeaud. Mais ce n'est tout de même pas un " village militaire" comme il est dit parfois : d'une part parce que les rôles des militaires et des civils sont étroitement imbriqués dès le début ou presque, d'autre part parce que les militaires ont vite cédé la place aux civils.

                 Les Zouaves arrivés les premiers
                 Ce sont les zouaves qui sont les premiers arrivés et installés, dès mars 1835 dans un ancien poste de surveillance turc. De ce camp dépendait un poste qui permettait de surveiller les deux versants, nord vers la mer, et sud vers la Mitidja, se trouvant sur un point culminant au-dessus du futur village.
                 Dès la fin 1842, Bugeaud songea à créer un centre de peuplement français grâce à des militaires auxquels il ne restait que trois ans de service. Il fit appel à des volontaires qu'il appâta en leur promettant la propriété d'un lot au bout de trois ans et en leur accordant une longue permission pour aller en France dire adieu à leur famille et, si possible, trouver et ramener une épouse. Je n'ai pas trouvé l'origine des terres. Guyot n'évoque aucune tribu émigrée en 1839 et donc aucune confiscation.
                 On peut songer aux terrains de parcours hérités du poste turc ; mais est-ce suffisant pour les 60 lots prévus en 1842 ?


                 Les 60 soldats devaient en priorité défricher et construire les maisons. Ils étaient conduits par un officier, pas plus agriculteur que ses soldats, le capitaine Pontenoy, que Bugeaud avait nommé chef de Compagnie, Maire et Officier d'Etat Civil. Pour bâtir les maisons les soldats reçurent l'appui des condamnés militaires, on disait les pénitenciers, du Colonel Marengo.
                 Tous ces soldats ont réalisé les travaux de protection habituels : un remblai en terre de trois mètres de haut de forme trapézoïdale avec trois petits bastions deux aux bouts de la grande base, et le troisième au milieu de la petite base.
                 Très vite, comme partout, quelques civils étaient venus s'établir près du camp des zouaves. En 1843, avant la création officielle du village et de la commune par l'arrêté du 22 mars 1844, il y avait au moins un aubergiste et un marchand de vin. Dans le camp une chapelle avait été aménagée dès l'origine.

                 En 1843 Pontenoy enregistre deux décès de civils: une servante de l'auberge de 23 ans et un bébé de 2 ans. L'année suivante se produisent les deux premières naissances, l'une à l'auberge, l'autre dans le camp des zouaves; et 3 décès (40,33 et 3 ans).
                 Il est probable qu'en 1845 les maisons étaient terminées puisque, désormais, c'est là que les naissances eurent lieu. En 1845 il y eut aussi 10 décès de personnes de moins de 40 ans. On ne faisait pas encore de vieux os dans le Sahel.
                 Au bout de trois ans les deux tiers des soldats, enfin libérés de leurs obligations militaires, ont quitté l'Algérie, peut-être parce qu'ils ne supportaient pas la discipline militaire, ou le travail en commun; ou parce que les femmes ramenées du " pays" ne s'étaient pas acclimatées. Les militaires retournés au pays furent remplacés avantageusement par des civils mieux motivés.

                 Les premiers colons, comme partout ailleurs dans le Sahel, récoltèrent des fourrages naturels qui poussaient ça et là et qu'ils vendaient à l'Intendance, séchés et bottelés. Ils y ajoutaient un peu d'élevage extensif et la fabrication de crin végétal à partir des tiges du palmier nain, selon le procédé mis au point à Chéragas. Comme il y avait déjà une chapelle dans le camp des zouaves,- il n'y eut pas d'urgence à construire une église.

                 Elle fut finalement consacrée en 1875, 5 ans après la promotion de Mahelma au statut de CPE. On aurait pu appeler le village Mahelma-les-deux-églises, voire Mahelma-les-deux-mosquées, car deux des quatre tribus de la commune, les Sidi Abdallah et les Zaatrias en possédaient une.
                 En 1948 fut créé le Foyer rural pour remédier à l'inconvénient, de moins en moins bien supporté, du manque de distraction.
                 En 1949 un cantonnier découvrit des ruines romaines à 5 km du village, du côté de la Ferme Consulaire de Saint Ferdinand, censée être située à l'emplacement d'une ancienne villa (domaine) romaine. Les premières fouilles ont identifié cette ruine comme les restes d'un ancien poste fortifié byzantin, donc postérieur à 533. La vocation stratégique du site a été utilisée par tous les envahisseurs. Des fouilles plus systématiques furent entreprises en 2000, qui ont mis au jour de belles mosaïques d'époque byzantine ou romaine.

                 Quelques dates
                 1835, en mars. Etablissement d'un camp militaire de surveillance
                 1843, premiers défrichements par des militaires
                 1844, 22 mars. Arrêté de fondation du village et de la commune, comme annexe de Douéra 1870, Mahelma est promu commune de plein exercice
                 1875, Consécration de l'église
                 1912, Construction de la Première cave coopérative de l'Algérois
                 1948, Création du Foyer Rural, il gérait un cinéma, une bibliothèque, un stade et un court de tennis. C'est lui qui organisait la fête du village l'été et l'arbre de Noël des écoles en décembre. Il recevait les conférenciers d'El Riath venus de Birmandreis. Il avait même créé un rucher expérimental.
                 1949, Découverte des ruines byzantines
                 1951, Grave inondation du Mazafran

                 Le territoire communal
                 Il est vaste: officiellement 3450 ha. Il est composite avec trois éléments de plaines, un étroit plateau dominant la plaine de Zéralda où se trouve le village et un très large versant tourné vers la Mitidja.
                 Le plateau de Mahelma est en limite de la crête sommitale séparant les deux versants du Sahel. Son altitude maximale est 210m.
                 Il est découpé par des oueds peu ou très peu encaissés qui descendent vers la plaine de Zéralda. Ce plateau est en majeure partie est cultivé. On y trouve vignes et céréales sur des terres hamri de qualité très convenable.


                 Territoire communal de Mahelma
                 Les trois Plaines sont éloignées les unes des autres. La plaine du nord n'est que le prolongement de celle de Zéralda avec le même réseau en damier de chemins de ferme. La limite de la commune est superposée à celle de la forêt des Planteurs. La plaine est à environ 10m d'altitude, avec des points bas restés marécageux encore en 1930.
                 - La plaine du sud appartient à la Mitidja, dans sa partie la plus basse qui fut longtemps marécageuse. On voit sur la commune de Boufarik voisine, les canaux de drainage et l'existence de sources artésiennes. Les terres sont entièrement couvertes de vignobles, avec quelques grandes fermes. La limite de la commune suit au plus près la route départementale D7 qui va jusqu'à Marengo, en longeant la bordure du Sahel. Elle est à 24m d'altitude, au point le plus bas..
                 - La plaine du Mazafran dont la commune de Mahelma ne possède qu'une petite part est couverte de riches alluvions. On y trouve un grand domaine viticole, celui dit de Saint Hubert. Les sols sont riches, mais pas à l'abri des crues du fleuve. Après la crue de décembre 1951 qui fit de gros dégâts, des travaux furent entrepris de débroussaillages et de rectification des berges, ainsi que d'approfondissement.

                 Le versant sud occupe une bonne moitié de la superficie de la commune. C'est un versant incommode et peu fertile. Les oueds y sont plus encaissés qu'un nord, et surtout, les sols y sont argileux La colonisation avait peu pénétré cette région laissée aux indigènes.
                 Au total c'est la vigne qui domine nettement. Les statistiques indiquent pour 1954 les surfaces cultivées suivantes : vignes 1014 ha céréales 575 ha (dont blé 400 ; 50% blé dur, 50% blé tendre) pommes de terre 32 ha. Il faut noter que la vigne avait beaucoup perdu depuis 1938. Elle couvrait alors 300ha de plus, et les céréales 300ha de moins. Je reviendrai sur cette tendance avec l'étude de Koléa.

                 La commune n'est traversée que par deux routes méridiennes. Par contre dans le sens est-Ouest, il fallait faire le détour par la plaine.


                 Démographie
                 Mahelma est le village du Sahel où le pourcentage des Européens était, en 1954, le plus faible. Les nombres précis sont les suivants :
                 1872 - Européens 417 et Musulmans 386
                 1911 - Européens 716 et Musulmans 860
                 1954 - Européens 419 et Musulmans 4709
                 Il est bon d'avoir présent à l'esprit que le Sahel est la région la plus européanisée d'Algérie avec des villages très proches les uns des autres. Mahelma est ainsi : à 3,5km de Sainte Amélie, à 8km de Zéralda, à 10,5 km de Saint Ferdinand, à 9,5km de Douéra

                 La première explication de ces évolutions est simple : au XXè siècle les Européens commencent à déserter les campagnes, même celles qui ne sont pas isolées, pour aller chercher en ville des emplois non agricoles. Pour les villages du bled les raisons de l'exode rural sont multiples: les enfants de colons stricto sensu sont devenus ouvriers, employés, commerçants ou fonctionnaires en ville. Ces changements de domicile et de métier furent décidés dans l'espoir d'avoir une vie moins isolée et moins précaire, à l'abri des mauvaises récoltes des années de sécheresse et des vols de sauterelles, ainsi que d'une résidence plus proche du lycée et du médecin.

                 Sans s'en douter les pères rapprochaient leurs valises du port d'embarquement de leurs fils ou petits-fils!
                 Le Sahel est une des régions les moins touchées par cette migration vers la côte. Ailleurs ce fut bien pire.

                 C'est en 1902 que les Européens ont vendu aux Musulmans plus de terres qu'ils ne leur en ont acheté, pour la première fois. C'est en 1906 que la population européenne rurale fut la plus élevée en nombre : 210 000. Le pourcentage des Européens ruraux et citadins s'effondra de 50% en 1906 à 37% en 1926 et à 30% en 1931. Ce mouvement vers les villes est banal ; il existait aussi en métropole. Mais, en Algérie, il vidait le bled de sa population européenne. En 1932 ce sont 51 centres de colonisation (sur 523, hameaux non compris) qui sont officiellement" en voie de dépérissement" .

                 Il y avait alors deux ans que le président Gaston Doumergue était venu, en mai, inaugurer deux monuments destinés à sceller l'indéfectible attachement de l'Algérie à la France, celui de Boufarik à la gloire du Génie colonisateur français et celui de Sidi Ferruch pour le centenaire du débarquement.
                 La seconde explication est l'installation de Musulmans dans les villages de colonisation.

                 Ce n'est pas leur natalité, plus élevée que la nôtre, qui est alors l'essentiel, car leur mortalité infantile est aussi très forte. Ce sont les migrations internes qui gonflent le pourcentage des Musulmans dans les villes et les villages de colonisation. Cela a commencé par des travailleurs saisonniers qui restent, puis qui font venir leur famille. A Mahelma ce serait après les mauvaises récoltes de 1921 dans l'intérieur que le processus s'est accéléré. Les migrants vers Mahelma venaient du Titteri (Aïn Boucif et Sidi Aïssa) et très secondairement de la Soummam (Sidi Aïch). Cet " exode rural" remplissait les villages européens sans vider les mechtas du bled.


                 Chaque village du Sahel avait son douar fournisseur traditionnel de gueblis (ou guiblis), travailleurs venus du sud.

                 Il n'est pas nécessaire d'être expert en démographie pour comprendre que ces chiffres annoncent le vieillissement des uns et l'extrême jeunesse des autres, ainsi qu'une submersion probable des centres européens. Un journaliste du Figaro l'avait compris dès 1930, écrivant au début des festivités du centenaire" le centenaire, les lampions, le charme des décors! Et derrière eux une élite qui guette et qui nous épie, une élite d'une race qui à chaque heure croît en nombre. Le nombre, mot terrible, obsédant dont tôt ou tard nous subirons la loi". Le Pourcentage d'Européens qui avait atteint le maximum de 13% vers 1914, a ensuite constamment diminué jusqu'aux environs de 10%. Cette évolution ne pouvait pas s'inverser. Ces moyennes masquaient d'énormes disparités régionales : des Musulmans il y en avait partout, pas des Européens. Les Européens de Mahelma et du Sahel, tout comme ceux n'ayant vécu que dans les grandes villes, avaient peu ou pas conscience de ce que de vastes régions n'avaient comme résidents européens provisoires que des gardes forestiers et des instituteurs débutants du cadre B : citons par exemple l'Aurès, les Nemenchas. L'Atlas saharien (sauf Djelfa). la Kabylie des Beni Yenni et, tout près de mer, les monts du Dahra.


                 Si certain de mes lecteurs pensent que je suis en train d'introduire l'idée que l'Algérie française était condamnée à l'échec dès le début, ils ont raison. L'Algérie française fut une illusion, une illusion séculaire et unanimement partagée. ou presque mais une illusion : n'en doutons pas. Les gouvernements français se sont engagés dans une colonisation officielle sans avenir faute d'avoir :
                 - Ou bien exterminé les indigènes (comme les Guanches des Canaries par exemple) N'en déplaise à Bouteflika, il n'Y eut pas de génocide en Algérie.
                 - Ou bien refoulé les indigènes comme en Nouvelle Angleterre par exemple. Seuls les Turcs sont partis; même les Koulouglis sont restés.
                 - Ou bien submergé les indigènes, comme les aborigènes par les Anglais en Australie
                 - Ou bien assimilé les indigènes, comme les indiens du Mexique christianisés et devenus hispanophones. Même s'il y a, sur les temples aztèques, des explications en nahuatl, tous les amérindiens lisent le texte espagnol.
                 Pour que l'Algérie restât française il eût fallu que la majorité des Musulmans le voulussent et que les gouvernements de Paris rendissent la chose possible. Il n'en fut rien, même s'il a toujours existé un" parti français" en Algérie et dès 1830. Mais la France n'a pas su ou pas voulu s'attacher les élites musulmanes.
                 Bien sûr il a existé une Algérie française, mais en îles et îlots éparpillés ou enkystés dans un océan arabo-berbère unifié par l'Islam ; et en voie de submersion par les vagues montantes des populations indigènes.

                 Sur les cartes, les deux Algérie se mêlaient, sur les routes et dans les rues elles se croisaient, mais dans la vie quotidienne elles se côtoyaient sans se mélanger. Les Musulmans pouvaient être nos voisins ou nos compagnons de travail. Mais ces relations ne menaient que très exceptionnellement au franchissement des seuils des foyers. Il y avait certes, comme l'écrit joliment un des rédacteurs des cahiers du centenaire sans doute géologue" des effets de métamorphisme de contact" (cuisine, vêtement ou pâtisserie) mais ils ne modifiaient que l'accessoire et laissaient intact l'essentiel. Sur la famille, l'éducation des filles, la place des femmes, le rôle de la religion, l'opposition était irréductible. Il y avait des sujets tabous et des mariages impossibles : on ne vivait pas ensemble, on vivait à côté. L'histoire de l'accession des Franco-musulmans aux fonctions publiques est édifiante quant au peu d'empressement des responsables français à l'égard des élites indigènes.

                 1830-1866 : Aucun accès ; sauf comme soldats. Jusqu'au sénatus consulte du 14 juillet 1865 les musulmans sont sujets français

                 1866 : Un décret fixe la liste des emplois accessibles, tous d'exécution

                 1919 : La loi du 4 février fixe la courte liste des emplois d'autorité inaccessibles

                 1944 : L'ordonnance du 7 mars rend accessibles tous les emplois.
                 Il n'avait fallu que 117 ans pour que les Français musulmans aient accès à tous les emplois, en théorie de moins car il n'y eut pas de Gouverneur Général musulman, et guère de Préfets, de Proviseurs ou de Commandants d'armes. De toute façon il demeura jusqu'à la fin une distinction entre Franco-Musulman et Français tout court.
                 Le terme officiel de Franco-Musulman souligne, sans le vouloir, l'impossible unité de fond.
                 On ne distinguait pas des Franco-Juifs, des Franco-Catholiques, des Franco-Protestants et des Franco-Rien du tout ; mais des Franco-Musulmans, oui, et beaucoup, et de plus en plus, et partout, sauf dans la haute administration tant en Algérie qu'en métropole.

                 Ce n'est pas l'indépendance que l'on peut reprocher à De Gaulle : elle était inscrite dans l'évolution démographique. C'est le chemin choisi pour y parvenir et c'est le déshonneur d'une solution non conforme aux engagements pris à l'égard des Européens et des loyalistes.
                 L'échec est aussi dans la complaisance à livrer le pouvoir à une dictature à parti unique, sans y être forcé, comme au Tonkin, par un désastre militaire. Il est difficile d'imaginer pour le Mahelma de l'été 1962, comme pour l'Algérie Française en général, une fin plus misérable.
Georges Bouchet
    


 
Comprendre a-t-il dit !

par M. Robert Charles PUIG.

         Faut-il que le président de cette V e république soit aveugle, psychologiquement incomplet pour affirmer un tel verbe, une telle position ! Il oublie de dire que grâce à lui et ses pairs, nous sommes dans une France socialo- progressiste, vendue au wokisme USA, au communautarisme et à l'ultra gauche mélenchoniste qui ne se souvient plus d'avoir été républicaine.

         Comprendre ? Prend-t-il le peuple français pour des idiots ? Cela fait plus de soixante ans que nous nous enfonçons dans l'effacement de la France à cause de dirigeants qui semblent vivre sur une autre planète et ne veulent pas voir combien le pays s'enfonce dans un sable mouvant venu d'Orient où il se perd. Comprendre ! Nous avons compris depuis longtemps que nos institutions et nos élus, si mal élus, ne souhaitent pas prendre leur responsabilité en laissant faire une fange d'individus sous la coupe de l'étranger et qui n'espèrent qu'à une fin de France. Des banlieues sans loi autre que celle du salafisme. Des banlieues interdites à la police, aux pompiers, aux médecins qui ne peuvent plus s'y aventurer sans être sous la coupe d'organisations mafieuses qui imposent leur loi.

         Notre histoire est déformée depuis la création de la V e république après que De Gaulle eut bradé une province française vivante, ayant engrossé cette terre de son savoir, de son modernisme, de sa médecine pendant 132 ans. Elle était le fer de lance d'une république vivace, responsable, républicaine puis ce fut le début du néant après la braderie de l'indépendance en 1962 et les massacres de mars et juillet 62 dont nous nous devons de ranimer la flamme lors d'une cérémonie du 5 juillet.

         Depuis, les présidents qui ce sont succédés firent passer le pays de Charybde en Sylla, fermant les yeux sur une population émigrée qui impose ses lois, ses rites jusqu'à ces terroristes urbains qui ne cherchent que la fin de la république.

         Comprendre, a dit le chef de l'Etat ! Macron veut se laver les mains de ses responsabilités et de celles de Hollande dont il a hérité la succession mais à eux deux ils ont été les pires, accusant la police, protégeant les sauvageons et fermant les yeux sur les zones de non droit de nos banlieues. Bien entendu, ils ne sont pas les seuls.

         De Pompidou, participant aux minables accords d'Evian puis en ouvrant nos frontières et en offrant des avantages aux algériens en 1968 à Giscard d'Estaing ouvrant la voie au regroupement familial... Chirac refusant de reconnaître les aspects positifs de la colonisation et Sarkozy si copain à Bouteflika et distributeur de visas et enfin nos deux derniers locataires de l'Elysée, s'inclinant aux exigences algériennes et soumis par leurs propos et leurs gestes à une Algérie toujours agressive nous désignant "coupables", ces deux derniers élus demeurent aussi de grands "distributeurs" de visas aux algériens en sus des trafics "acceptés" pour la "paix publique" à la CAF et à la sécurité sociale.

         Le résultat ? Nous avons aujourd'hui ce que le monde découvre, alors que nous le proclamons depuis plus de soixante ans : "Attention à l'envahissement ! Attention à cette submersion d'Orient qui efface la Nation pour créer une terre islamiste".

         Est-il trop tard ?
       

Robert Charles Puig / juillet 2023
        



LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.

             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.

             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.

POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :
    
CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P. Bartolini.
 


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers


Brics, économie algérienne

Envoyé par Constant
https://www.tsa-algerie.com/brics-economie-algerienne -entretien-avec-soufiane-djilali/


tsa-algerie.com - Par : Rédaction 26 Août 2023

Entretien avec Soufiane Djilali

         Dans cet entretien, Soufiane Djilali revient sur l’échec de la candidature de l’Algérie aux Brics, les leçons à tirer, la situation politique et l’état des libertés dans le pays.

         La candidature de l’Algérie aux BRICS n’a pas été retenue. Pourquoi ?
         Soufiane Djilali : À part de simples supputations, jusqu’à présent je ne pense pas que les critères de choix à l’adhésion aient été clairement énoncés et encore moins les raisons exactes pour lesquelles l’Algérie n’a pas été retenue.
         Comme chacun s’en doute, les enjeux géostratégiques sont énormes. Les cinq membres initiateurs ont évalué les candidatures selon leur propre angle de vue et leurs intérêts.
         Il faut comprendre qu’à ce niveau, ce ne sont pas des critères objectifs comme pourrait l’être la correction d’un QCM avec une note précise. Il faut saisir le contexte géopolitique général et les objectifs de ce regroupement pour ensuite décider de l’opportunité de notre démarche.
         Les BRICS se sont assignés un défi à relever, celui de faire basculer le système mondial d’un régime unipolaire à un système multipolaire.
         L’élargissement opéré à Johannesburg devait répondre à des préoccupations précises et particulières à chacun des membres du groupe. Il y avait, à l’évidence, également un objectif collectif. Les sentiments n’interviennent en aucun cas dans ce genre de décisions.

         Aujourd’hui, il y a un face à face entre l’Occident global et les BRICS. Le premier veut maintenir son hégémonie sur le monde, les autres tablent sur la multipolarité.
         Entre les deux groupes, il y a donc rivalité mais aussi des liens très puissants bien que différenciés. Si la Russie s’est retrouvée en situation de rupture presque totale avec le pôle occidental, cela n’est pas le cas pour les 4 autres dont l’interdépendance, avec les États-Unis et l’Union Européenne, est encore vitale pour chacun d’eux.
         L’émergence du monde multipolaire fera face à d’énormes résistances. Les États-Unis ne veulent pas perdre leur leadership et agiront sur tous les fronts pour annihiler ou au moins retarder l’avènement d’un nouveau système international dans lequel ils perdraient leur position dominante.
         Les cinq devaient donc prendre en considération les avantages et les inconvénients de l’élargissement.

         Ils devaient conforter la dynamique qui se développe en leur faveur en renforçant leurs rangs mais sans trop se diluer, ce qui aurait amené trop de contradictions dans un groupe en formation, qui n’a aucune existence formelle sur le plan du droit international, encore fragile et par définition hétéroclite, puisque l’objectif à terme est justement la multipolarité.
         Voyons maintenant le profil des candidats admis et inscrivons les choix opérés dans la matrice de ce bras de force feutré qui se développe entre les deux pôles.
         Pour les BRICS, il fallait s’emparer d’abord du Moyen-Orient, réservoir énergétique et jusqu’alors pro-américain, occupant un carrefour ultrasensible.

         La Chine avait commencé par déminer le conflit Iran-Arabie Saoudite. Puis, avec en plus les Émirats arabes unis, c’est pratiquement l’ensemble des pays riverains du Golfe arabo-persique qui se réorienterait vers l’Est.
         À ce sujet, il est intéressant de noter la réaction de l’Arabie Saoudite qui a été invitée à rejoindre le groupe sans qu’elle n’ait avancé par elle-même sa candidature.
         C’est en tous les cas ce qu’a laissé entendre son ministre des Affaires étrangères. Si les choses se confirment, c’est un double coup pour les BRICS.
         En plus de l’importance géoéconomique de cette région, c’est le monde arabo-islamique qui est réaligné à travers l’Iran, l’Arabie Saoudite, les EAU et l’Egypte sur le trio Russie-Inde-Chine (RIC).

         « Les atouts potentiels de l’Algérie pour une intégration dans un groupe aussi lourd sont tous désactivés »
         Imaginons qu’au prochain coup, l’Indonésie, le Pakistan et la Turquie s’impliqueront, c’est l’ensemble du monde musulman qui entrera en coopération avec les mondes Orthodoxe, Confucéen et Hindouiste. C’est la théorie de Samuel Huntington qui sera remise au goût du jour !
         Autre point sensible traité, le conflit potentiellement déstabilisateur du projet multipolaire qui peut être généré par les tensions entre l’Ethiopie et l’Egypte au sujet des eaux du Nil.
         Il faut rappeler que la Chine a d’énormes investissements en Ethiopie qui est également sa porte d’entrée pour tout le continent Est-Africain. La relation Egypte-Ethiopie devra être managée dans ce cadre. Reste l’Argentine : il fallait équilibrer les entrées entre les continents visés et rassurer l’Amérique latine.
         Dans ce décor, qu’aurait pu apporter l’Algérie dans cette phase précise ? Malgré tout le capital symbolique, politique et potentiellement économique, que nous possédons, pour l’instant, le groupe ne pouvait pas nous assimiler.

         Nous sommes actuellement coupés, pour des raisons sécuritaires et d’instabilité politique chez tous nos voisins, de notre espace géostratégique.
         Le portail vers l’Afrique de l’Ouest est pour le moment fermé. Notre économie ne ressemble à rien. Notre influence dans notre sphère naturelle commence à peine à renaître de ses cendres.
         À part notre gaz pour lequel l’Europe est en position de demande, rien, même pas le pétrole, ne représente un quelconque avantage stratégique significatif.
         Dans la configuration actuelle, les atouts potentiels de l’Algérie pour une intégration dans un groupe aussi lourd sont tous désactivés. Par contre, dans une perspective à moyen terme, l’équation pourra changer. À nous de faire le travail et de nous préparer sérieusement pour la prochaine échéance.

         L’Inde et le Brésil ont voté contre la candidature algérienne. Est-ce que les considérations géopolitiques ont prévalu dans le choix des candidatures ? Par exemple l’Ethiopie n’a pas une économie puissante et sa candidature a été retenue
         Soufiane Djilali : D’abord, je ne suis pas du tout convaincu qu’il y ait eu un quelconque vote. Il ne s’agissait pas ici d’une élection. Il y avait, à ma connaissance, 17 pays qui avaient formulé leur candidature.
         Il ne s’agissait pas de laisser le hasard du vote désigner les futurs membres. Si les critères relevaient de normes objectives économiques comme par exemple le PIB total ou par habitant, l’IDH (indice du développement humain), ou les réserves de pétrole, la liste des admis aurait été totalement différente.
         Pour le moment, l’Algérie ne pouvait pas apporter une plus-value dans l’agenda des BRICS, alors elle n’a pas été retenue.
         Maintenant, le contexte géopolitique ne restera pas figé, la prochaine vague d’admission, peut-être à Kazan (Russie) en 2024, se fera en fonction d’autres critères que ceux qui ont présidé le choix cette fois-ci. Il faut que notre diplomatie se renseigne sur les prochains enjeux et prépare le pays à cette échéance.

         Quelles sont les leçons que l’Algérie doit-elle tirer de cet échec ?
         D’abord, il faut relativiser l’échec sans le nier. Ce ratage doit nous pousser à réfléchir sur nous-mêmes et surtout à ne pas réagir intempestivement.
         Au contraire, il faut raison garder. Il faut s’adresser aux Algériens avec beaucoup de franchise et d’humilité pour leur dire que si cette étape n’a pas été franchie avec succès, ce n’est que partie remise.
         Certes, il y a eu des erreurs d’évaluation et de communication mais ce n’est pas dramatique en soi.
         Maintenant, il faut rassembler toutes les énergies nationales. Il y a sûrement des révisions déchirantes à faire. C’est inéluctable. Nous ne pouvons pas laisser la démoralisation s’installer sans réagir.
         Des changements structuraux doivent intervenir selon un plan réfléchi avec des objectifs bien cernés. Commençons par l’ouverture d’un débat libre et serein. Les médias doivent recouvrer toutes leurs marges de manœuvre. La peur qui s’est installée dans toutes les rédactions est contre-productive.
         Mettons l’intérêt du pays au-dessus des nôtres, regardons où sont nos points forts et où sont nos points faibles, retroussons les manches, organisons-nous rationnellement, confions les responsabilités aux compétents et aux méritants et surtout sortons de nos illusions.

         L’économie algérienne trop dépendante des hydrocarbures n’est pas de taille pour rivaliser avec des économies modernes et puissantes. Après le rejet de la candidature algérienne aux Brics, vous avez réagi en affirmant que le rejet de la candidature algérienne est peut-être un mal pour un bien ?
         Alors faisons en sorte d’avoir cette économie indépendante des hydrocarbures, moderne et puissante ! Nous atteignons péniblement un PIB entre 160 et 200 milliards de dollars selon les fluctuations des cours du pétrole et de la pluviométrie.
         Pourtant, notre potentiel est d’au moins 500 milliards de dollars. Je suis persuadé que nous pouvons faire une croissance entre 5 et 7%, voire plus.
         Je reste convaincu que l’Algérie peut drainer d’énormes investissements à partir de l’Europe et de certains pays asiatiques. L’Europe a besoin d’assurance pour son approvisionnement énergétique et elle a les moyens de coopérer avec nous dans un challenge gagnant-gagnant.

         « L’argent tourne au ralenti, s’il n’est pas exporté ou au moins thésaurisé. »
         Pour cela, il faut transformer notre bureaucratie qui est un bourreau de l’économie et un nid de prédateurs. Dans le domaine des IDE, notre image a tellement été abîmée qu’il est très difficile de convaincre de nouveaux opérateurs si nous ne donnons pas de sérieuses garanties légales.
         Tant que nous n’avons pas compris que l’économie n’est pas l’affaire de la bureaucratie de l’Etat, nous n’avancerons pas ! Ces dernières années, il y a une forme de psychose soft dans tous les milieux d’affaires. L’argent tourne au ralenti, s’il n’est pas exporté ou au moins thésaurisé.
         Je reconnais qu’il y a eu des efforts de la part de certains secteurs ces derniers mois mais c’est totalement insuffisant.
         Si par ailleurs la question des ressources humaines n’est pas prise au sérieux, l’Algérie étouffera et finira par s’effondrer sous l’effet de l’incompétence et de la médiocrité qui se sont enracinés depuis des décennies. Dire cela me fait mal, mais malheureusement c’est notre triste réalité.
         Avoir une vision de notre avenir en conformité avec le monde d’aujourd’hui et même, par anticipation, de demain, préparer une stratégie de développement intelligente, sélectionner les profils idoines des responsables à tous les niveaux et entamer la bonne action : voilà ce qu’il y a lieu de faire.
         Pour paraphraser un célèbre réalisateur de cinéma : pour faire une bonne économie, il faut trois choses : le travail, le travail et puis le travail !

         L’Algérie paie-t-elle les retards de son économie ?
         Soufiane Djilali : Pas que. Disons pour faire bref, qu’elle paye pour sa non-économie et pour sa fausse gouvernance. Ces deux tares ne datent pas d’aujourd’hui.
         Elles sont apparues très tôt à cause d’une incapacité à faire notre autocritique, à nous évaluer rationnellement et à nous adapter à l’évolution du monde.
         C’est la mentalité de notre société qui a été faussée par le populisme incessant et envahissant et par notre impréparation à affronter un monde moderne qui est extérieur à notre champ de conscience.
         Nous sommes en état d’anomie, notre perception du monde se fait à travers de fausses croyances, ce qui nous met en décalage avec le réel. Trop d’idéologie et pas assez de pragmatisme, voilà la source de nos maux.

         La gestion de l’économie locale par les walis est-elle une bonne chose ?
         Soufiane Djilali : Dans les faits, l’administration est devenue le centre des décisions économiques. Probablement l’inertie du système et sa volonté de s’accaparer le pouvoir décisionnaire sur les richesses du pays n’a pas permis la mise en place d’une économie de marché.
         Les Walis n’ont absolument pas vocation pour diriger l’économie. Ni leur formation, ni leurs prérogatives ne les destinaient à ce rôle.
         C’est à l’entreprise de gérer l’économie. D’aucuns verront dans ces propos une volonté néolibérale. Il ne s’agit en aucune façon de livrer le pays à de nouveaux prédateurs au nom de l’économie de marché. L’Etat doit garder le pouvoir de régulation et de contrôle.
         Plus que cela, il doit garder un pouvoir direct sur les secteurs névralgiques. Nous sommes dans une phase où le capital, s’il devait agir librement, ferait encore plus de mal au pays.

         Par contre, que l’Etat s’arroge de nouveau, des monopoles pour l’importation de produits de consommation, harcèle les commerçants pour des stocks de bananes ou d’huile, et empoisonne la vie des agents économiques, cela devient caricatural.
         Aujourd’hui, les caisses de sécurité sociales, les impôts, l’administration centrale, sans compter les différents intermédiaires deviennent des outils antiéconomiques.
         À mon sens, il faut diminuer les charges des entreprises tout en devenant impitoyable pour les fraudeurs. Au lieu de cela, la mentalité régnante a été de taper fort sur le marché formel et fermer les yeux sur l’informel.
         L’Homo economicus fuira naturellement l’espace officiel réprimé pour se réfugier dans celui qui est hors de contrôle de l’Etat. Vous savez, au fond, nous avons un problème philosophique et psychologique dans la gestion de notre économie. Au final, il faudra décider si nous voulons développer le pays ou si nous voulons le mettre à l’arrêt !

         Quelle est la situation politique à la veille de la rentrée sociale ?
         Soufiane Djilali : Cela dépend de ce que l’on entend par politique et sous quel angle on formule le jugement. En ce qui concerne le climat général, les Algériens ne s’intéressent plus vraiment à ce qu’il se passe.
         Quelques membres du gouvernement font ce qu’ils peuvent mais je ne vois aucune perspective claire. Le Premier ministre est transparent et personne n’explique sérieusement pour quel projet devrait-on se mobiliser.
         Concernant l’activité de la classe politique, c’est malheureusement le néant. La désaffection populaire est générale. Je reconnais que les partis politiques n’ont plus de crédit et cela pose un vrai problème de société.
         Là aussi, il faut reconnaître que la classe politique a une bonne part de responsabilité. Nous n’avons pas pu construire un champ politique sain et apte à relever les défis. Je suis dépité devant l’indigence de certains discours.
         L’Algérie est fatiguée de revoir sans arrêt les mêmes figures recyclées, d’écouter les mêmes discours creux et de regarder les mêmes applaudisseurs intéressés. Vraiment, elle mériterait bien mieux.

         Quelle est la situation des libertés dans le pays quatre ans après le Hirak ?
         Pas au mieux de leurs formes. Il faut dire qu’il y a eu, durant le Hirak, une grande confusion entre ce qui est liberté et ce qui est désordre.
         Beaucoup ne savaient plus faire la différence entre la liberté d’expression pour critiquer les choses avec raison et les attaques odieuses sur les personnes, leurs familles, leur notoriété.
         Nous avons vécu une phase quasi hystérique et les plus zélés ne s’apercevaient même pas qu’ils réengageaient le pays vers la confrontation interne.
         Il fallait une remise en ordre pour calmer les ardeurs et laisser percer au jour une lucidité qui avait été bannie de l’action politique.
         Depuis, les choses se sont apaisées de ce côté et le zèle de certains s’est calmé. Par contre, de l’autre côté, les verrous sont toujours là. Je le déplore. Il n’est pas possible de construire un Etat de droit et une démocratie sans des libertés bien comprises.
         L’omerta, à tous les niveaux, fait l’affaire de la corruption, de la prédation et de l’incompétence. Depuis 1962, l’Algérie n’a cessé d’être éprouvée sans qu’elle n’en tire les véritables leçons. Jusqu’à quand ?
          


Accoutrement islamisation

Envoyé par Alphonse
https://www.algeriepatriotique.com/2023/08/12/ la-femme-algerienne-emmaillotee-par-une-societe-patriarcale-salafisee/


Algérie-patriotique - Par : Rédaction août 12, 2023

La femme algérienne emmaillotée par une société patriarcale salafisée

         Les commerces de l'accoutrement importé d'Egypte poussent comme des champignons. D. R.
         Une contribution de Khider Mesloub – Sous notre démentiel ciel enténébré d’obscurantisme, en Algérie, où l’acquisition de statut de musulman, c’est-à-dire l’introduction dans la communauté islamique, ne nécessite aucun baptême ni aucun sacrement, à l’instar du christianisme, l’islamisation institutionnelle à marche forcée des Algériens, opérée u lendemain de l’indépendance par un régime plus soucieux de les nourrir de religiosité importée clé en main de l’Orient moyenâgeux que de les alimenter de savoirs scientifiques par la valorisation de leurs potentiels intellectuels, poursuit son entreprise de démolissage culturel, de défiguration cultuelle, d’abêtissement éducationnel.

         Tout le système éducatif algérien, parasité par un enseignement religieux salafiste, dispensé par un corps professoral au cerveau pétri d’ignorances, pour qui l’apprentissage littéral du Coran prime sur l’acquisition studieuse des connaissances fondées sur le rationalisme, s’applique à fabriquer en chaîne des écoliers salafisés. J’allais écrire «syphilisés» (de syphilis). Car le salafisme, cette infection religieusement transmissible, vérole islamiste contagieuse, cause d’invalidité intellectuelle et de mortalité culturelle, ulcère toute la société algérienne.

         Comme le souligne avec amertume Kahina Bencheikh El-Hocine dans son article «L’islamisation gagne à nouveau du terrain en Algérie : les femmes premières victimes», publié dans Algeriepatriotique le 9 août 2023 : «La pensée islamiste rigoriste a prospéré et s’est fortifiée au fil des années face à un laxisme déconcertant, à la limite consentant, des pouvoirs publics».

         Depuis l’indépendance, le régime, en jouant les apprentis sorciers avec son entreprise de fabrication étatique d’un musulman nourri au salafisme, cette doctrine mortifère, a créé des «Frankenstein» de l’islam, de véritables monstres islamistes, des démons fanatisés, capables de se transformer en assassins, de terroriser la société. De voiler le ciel bleu azur algérien de leurs ténébreux projets de société salafisée.

         Et, surtout, d’avilir la condition de la femme algérienne. En effet, la femme algérienne est la principale victime de la prolifération de l’islamisme. L’espace de liberté de la femme s’est réduit comme peau de chagrin. Son être social est complètement décharné.

         Sa beauté personnelle, autrefois avec noblesse vestimentairement fleurie, est désormais avec obsession religieusement flétrie, avec une lugubre étoffe orientalement travestie.

         Tel un enfant, la femme algérienne est maintenue sous tutelle. Pour lui rappeler son infériorité et son avilissement, la femme est mise vestimentairement en cage. Elle est emmaillotée par une société patriarcale qui refuse de se mettre à la page. «Sur la mer, personne ne vous prend en tutelle. C’est le dernier espace au monde où vous êtes responsable», notait l’écrivain Paul Guimard. En Algérie, sur terre comme sur mer (ou entre les deux : à la plage), la femme demeure sous tutelle, privée de son droit de naviguer librement, de diriger son gouvernail à sa guise.

         En Algérie où l’islamisme est en vogue, la femme a intérêt à ne pas faire de vagues. La femme algérienne, plongée dans la prostration, est contrainte à la prosternation. Sans aucune possibilité de protestation.

         L’Algérie salafisée nage à contre-courant. En Algérie, la plage est devenue l’endroit où la femme sans voile est excommuniée. Les maillots de bain féminins sont bannis par les islamistes.

         Si nos aïeux revenaient dans notre Algérie salafisée, ils s’empresseraient de nous renier tant ils ne reconnaîtraient pas leur islam, leurs observances, leurs rites, leur religion, en un mot : leurs descendants. Et surtout nos femmes, vestimentairement défigurées et socialement infantilisées.

         Sans nul doute, pour purifier le pays, s’attelleront-ils à la mission salvatrice de salubrité intellectuelle publique par la «désalafisation» de l’ensemble des Algériens afin de redorer le blason culturel et cultuel de l’Algérie.

         Entreprise de déradicalisation, de «désendoctrinement», de «désembrigadement», qui passe par le congédiement de la majorité des professeurs salafistes, ces têtes de pont des pontes des pays du Golfe, ces janissaires du wahhabisme œuvrant à la déstructuration et la déculturation de l’Algérie par l’asservissement intellectuel de ses enfants soumis à la pédagogie du prosternement, ce programme de manipulation mentale et de décervelage. Œuvrant à l’asservissement et à l’avilissement de la femme algérienne, emmaillotée depuis plus de trois décennies par un corset doctrinal salafiste asphyxiant, garrottée par des mœurs orientales antinationales, dévoyée par une contre-culture salafisée nationalement dissolvante.
K. M.           


Santé

Envoyé par Ines
https://elwatan-dz.com/sante-les-etrangers- payeront-desormais-les-prestations-de-soins

El Watan - Par : M. F. Gaïdi 03/07/2023

Les étrangers payeront désormais les prestations de soins

           Désormais, les prestations de soins au niveau des structures et établissements publics de santé au profit des personnes étrangères seront payantes. En effet, le ministère de la Santé vient d’adresser à l’ensemble des structures de santé publique et CHU de toutes les wilayas du pays, une copie de l’arrêté 04 du 13 juillet 2023, fixant les montants des paiements des prestations de soins par les personnes étrangères.
           «Pour s’acquitter des montants des prestations de soins, les personnes étrangères disposent d’un mémoire comprenant les tarifs qui leur sont appliqués», prévoit cet arrêté dont El Watan détient une copie. A titre d’exemple, les honoraires d’une consultation de médecine générale, y compris la chirurgie dentaire, sont fixés à 800 DA.
           A ce montant, il faut ajouter 1000 autres dinars, soit 1800 DA pour une consultation spécialisée. «Les examens complémentaires seront pris en charge en supplément», note, par ailleurs, le même document. Interrogé sur l’ancien mode de paiement des prestations de soins, appliqué pour les étrangers résidents en Algérie, M. Rachid Derradji, le directeur général du CHU Annaba explique qu’«avant la mise en application de cette décision, les honoraires médicaux appliqués pour les citoyens algériens étaient les mêmes que ceux destinés aux personnes étrangères quelles que soient leurs nationalités».
           Rappelons qu’en Algérie résident plusieurs dizaines de milliers d’étrangers notamment asiatiques. A la question si l’arrêté 04 du 13 juillet 2023 fixant les montants des paiements des prestations de soins par les personnes étrangères est appliqué désormais au CHU Annaba, le même responsable est affirmatif : «Les instructions de M. le ministre de la Santé, Abdelhak Saihi, sont appliquées à la lettre au niveau du CHU de Annaba et le paiement des prestations de soins par les personnes étrangères est déjà entré en vigueur».
           Par ailleurs, les hospitalisations et les actes de chirurgie sont également prévus dans cet arrêté où les honoraires sont plus ou moins importants.
           En effet, le coût d’une nuitée pour des patients étrangers dans un service des urgences médicales, un établissement public hospitalier (EPH) ou un hôpital hospitalier spécialisé (EHS) ou encore un centre hospitalier universitaire (CHU) représente, respectivement, 5000 DA, 6000 DA et 7000 DA. Ces chiffres sont multipliés par sept, sinon plus, lorsqu’il s’agit de la même prestation dans les urgences du service de cardiologie ou d’hématologie. Le malade doit alors s’acquitter de 50 000 DA/nuitée.
           Dans le chapitre des «activités hautement onéreuses», cité dans un tableau à part, il est indiqué que «pour une transplantation rénale, le malade paye trois millions de dinars par acte et sept millions de dinars pour une transplantation hépatique». Dans l’arrêté en question, on n’a pas omis de mentionner les frais induits par les autres actes telles l’imagerie ou la radiothérapie pour les cancéreux où il y est mentionné que «le tableau indicatif préliminaire sera développé ultérieurement».

           Les migrants non concernés
           Contactés à ce propos, plusieurs chirurgiens estiment que «ces honoraires qui dépendent de plusieurs facteurs sont alignés approximativement sur les coûts appliqués pour les mêmes actes dans les établissements de santé des autres pays voisins ou en Europe». Terre d'accueil, l'Algérie est devenue ces dernières années un pays de destination pour de nombreux Africains de l'Ouest et d’Asie (Syriens) où cette population représente, selon la revue OpenEditions Journals, «près de 1% de la totalité des Algériens.
           Malgré la baisse régulière des migrants au Maghreb, l’Algérie continue d’accueillir des étrangers. Soumise à la pression du transit des migrants irréguliers qui cherchent à gagner l’Europe, l’Algérie a révisé récemment les conditions d’entrée sur son territoire. Mais elle demeure un pays d’immigration prometteur, dont l’ouverture économique, jointe à l’instabilité politique dans la région, continue de drainer les populations étrangères».

           En effet, sur décision des autorités du pays, les membres de ces catégories fragiles (migrants) ne sont pas concernés par cette nouvelle mesure, sommant les étrangers établis en Algérie de payer leurs prestation de soins.
M. F. Gaïdi             


Anglais en Algérie

Envoyé par Bertrand
https://www.tsa-algerie.com/anglais-en-algerie- les-mises-en-garde-des-specialistes/

tsa-algerie.com - Par: Karim Kebir 02 Août 2023

Les mises en garde des spécialistes

           Mené à pas forcés depuis quelques mois, l’anglais sera introduit comme langue d’enseignement à l’université en Algérie dès la prochaine rentrée universitaire en septembre.

           Initiée par l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, cette orientation s’est matérialisée par l’introduction de l’anglais au primaire dès la rentrée scolaire 2022-2023, puis par la formation à la hâte de milliers d’enseignants.
           Récemment encore, le ministre de l’Enseignement supérieur, Kamel Baddari a annoncé des formations accélérées en langue anglaise au profit des nouveaux bacheliers.
           Et dans cette perspective, des groupes pédagogiques ont été mis en place et des « préparatifs » pour l’adoption de l’anglais comme langue d’enseignement en Algérie ont été engagés.

           Si, dans l’absolu, cette décision ne rencontre pas beaucoup d’opposition, la précipitation et la cadence avec lesquelles la démarche est conduite suscitent, en revanche, l’ « incompréhension et l’étonnement » des spécialistes.
           « Étonnement, car une décision aussi importante et qui engage l’avenir de l’université ne peut pas se prendre aussi hâtivement, sans consultation des spécialistes des sciences du langage et sans la moindre concertation avec la communauté universitaire, la première concernée », relève Rabeh Sebaa, ancien directeur des sciences sociales de l’Université d’Oran, directeur de l’Unité de recherche en anthropologie maghrébine.
           « Incompréhension surtout, car le pays n’est pas prêt. Ni humainement, ni pédagogiquement, ni logistiquement », ajoute-t-il.
           Selon lui, les jeunes diplômés en anglais, recrutés pour matérialiser cette décision, n’ont aucune expérience d’enseignement universitaire et encore moins des disciplines expérimentales comme la médecine, la pharmacie, l’architecture ou la biologie qu’on n’a pas réussi à arabiser en soixante ans et qu’on veut, à présent, angliciser en trois mois.

           « En confondant démesurément compétence pédagogique et imprégnation terminologique. En mélangeant sottement contenus de savoir et acquisition de vocabulaire. En réduisant maladroitement, et plus gravement, les exigences de la cognition aux commodités lexicales de l’expression. Sans compter, par ailleurs, l’inexistence de toutes les infrastructures nécessaires que ce bouleversement empressé présuppose », soutient-il.
           L’entreprise est d’autant colossale qu’elle appelle énormément de moyens et de ressources humaines ainsi qu’un large débat de l’association des spécialistes.

           Des impératifs à même d’éviter la réédition du syndrome de l’arabisation en Algérie dont on mesure aujourd’hui l’étendue des dégâts.
           « On a 66.000 enseignants universitaires. Combien sont-ils à maitriser l’anglais ? Combien sont-ils à maitriser les spécialités ? Il y a à peine une cinquantaine formée aux États-Unis dans le domaine scientifique. Déjà qu’on a du mal à enseigner en arabe et en français », pointe Salah Derradji, chercheur en didactique des langues étrangères et ancien recteur des universités.

           « C’est une décision trop hâtive. On ne peut sacrifier des générations. Ce sera un massacre à la tronçonneuse », prévient-il. Parfait anglophone, cet ancien recteur de l’université d’El Taref, estime à une vingtaine d’années la durée pour pouvoir former des formateurs qualifiés et dispenser des cours en anglais.

           « Nous devons impérativement faire appel aux spécialistes, associer des enseignants retraités, renforcer les ENS, prendre les meilleurs pour enseigner au primaire, revoir les conditions d’accès aux langues et orienter les jeunes là où ils peuvent réussir », plaide-t-il.

           Anglais en Algérie : le syndrome de l’arabisation
           Parce que conduite à la hussarde, cette nouvelle aventure linguistique, au nom d’une hypothétique prouesse technologique et d’ouverture sur l’universalité, n’est pas sans rappeler la politique d’arabisation des années 60 et 70.

           Un demi-siècle après son introduction dans le système éducatif algérien qui n’était pas préparé, l’arabisation, d’inspiration moyen-orientale, s’est révélée désastreuse.
           Non seulement, elle n’a pas pu être intégrée dans la société, attachée à ses langues, mais elle n’a pas réussi à s’imposer aux spécialités expérimentales comme la médecine et l’architecture, à titre d’exemple.
           Dès lors, la question est de savoir si cette volonté apparente de substitution d’une langue par une autre, dans le cas présent, remplacer le français par l’anglais ou l’arabe par l’anglais, n’obéit-elle pas à des considérations idéologiques, comme ce fut le cas pour l’arabisation.

           « On peut le penser. Dans la mesure où cette décision s’apparente plus à une réaction qu’à une projection. Une projection mesurée et réfléchie. Une projection linguistique, avec toutes ses dimensions politiques, pédagogiques et scientifiques, s’inscrit dans l’épaisseur de la durée. Et prend tout le temps nécessaire à son aboutissement. Car une métamorphose linguistique, aussi radicale, de l’université, n’est pas une mince affaire. Elle doit mettre en branle et durant une très longue période sa préparation, sa planification, sa maturation et sa concrétisation. Des étapes minutieusement étudiées », développe Rabeh Sebaa.
           « Aussi tous ceux qui pensent qu’il s’agit d’une décision politico-idéologique consistant à recourir à la langue anglaise comme une « contre langue » ou principalement pour contrecarrer la langue française, ne sont pas loin de la réalité. Dans ce cas, en l’occurrence, il s’agit en effet de considérations d’ordre psycho-idéologique, qui relèvent plus de la fantasmagorie et de l’épidermisme émotionnel que d’une politique linguistique raisonnée », estime encore l’auteur de « L’arabisation dans les sciences sociales » et « L’Algérie et la langue française ou l’altérité en partage ».

           Selon lui, cette dernière se mesure toujours et avant tout à l’aune de la disponibilité de ses moyens et par la rationalité de sa mise œuvre de façon appropriée.
           « En toute vraisemblance, c’est loin d’être le cas. Car le cas de figure présent, consistant à angliciser à tout prix et sans les assises nécessaires, équivaut à ouvrir les portes de l’université à un saut périlleux vers l’inconnu. D’autant plus que l’université algérienne ne tient pas solidement sur ses jambes. Depuis bien longtemps. Et ceux qui ont décidé de la livrer pieds et poings liés à une anglicisation aussi hypothétique que hasardeuse, le savent très bien. Ils savent parfaitement qu’elle est en train de vaciller dangereusement. Est-ce une manière inavouée de l’achever ? », s’interroge-t-il.
           « C’est une décision politique qui ne s’appuie pas sur une approche rationnelle. Ce serait stupide d’éliminer la langue française », complète Salah Derradji.

           Algérie : quelle politique linguistique ?
           Face à ces appréhensions et afin d’éviter la reproduction des erreurs passées, une nouvelle politique linguistique s’impose. Et d’aucuns aujourd’hui estiment nécessaire d’établir un bilan sans complaisance de la politique d’arabisation et de reconsidérer sereinement la place des langues algériennes, y compris le français.

           « Nous ne pouvons pas prescrire une ordonnance sans un diagnostic sérieux, sinon ce serait mentir aux générations futures », tranche Salah Derradji.
           « L’expérience inaboutie de l’arabisation de l’enseignement supérieur doit incliner à tirer toutes les leçons de cet échec. Commencer par s’orienter sereinement vers la réhabilitation, la valorisation et la promotion des langues natives ou maternelles. Et bien évidemment leur intégration progressive et étudiée dans le système éducatif algérien. Tous les spécialistes du langage, algériens ou étrangers, le recommandent. La constitutionnalisation du Tamazight est, dans ce sens, une importante avancée », reprend Rabe Sebaa.

           « Les questions de la graphie, de la standardisation ou la normativisation, encore pendantes, trouveront leur solution avec le temps. Mais donner, d’ores et déjà, de la considération et une visibilité politique, académique et scientifique à nos langues nationales est devenu une nécessité. Pour fausser compagnie, une fois pour toutes, à ces errements linguistiques à répétition, aussi fantasques qu’insensés », dit-il.

           Citant l’exemple de Malte ou Madagascar qui ont hissé leurs langues respectives au niveau académique, ou encore l’Afrique du Sud, qui a douze langues officielles, sans que son développement économique, social ou culturel n’en pâtisse, Rabeh Sebaa soutient que le système éducatif algérien peut inclure des langues étrangères comme l’anglais et le français ou encore le chinois et le turc, chacune a sa place et son rôle, en toute convivialité.

           « Sans la moindre conflictualité. Et surtout sans déclaration intempestive. Sans effet de démonstration. Sans affirmation d’exclure l’une ou l’autre en fonction des humeurs et des émotions ». « Face à tout cela, la société algérienne, comme toutes les sociétés du monde, réagit aux décisions afférentes à son devenir linguistique, en le rendant encore plus résistant et plus résilient », conclut-il
Karim Kebir             



Algérie

Envoyé par Ingrid
https://www.tsa-algerie.com/algerie-des-cas-de-diphterie -enregistres-dans-le-sud-du-pays/

  - tsa-algerie.com - Par: Rédaction 03 Août 2023

Des cas de diphtérie enregistrés dans le sud du pays

           L’Algérie a pris des mesures d’urgence pour éviter la propagation de la diphtérie après l’apparition de cas de cette maladie dans les wilayas de l’extrême sud du pays.

           Ces mesures ont été dévoilées dans la soirée de mercredi 2 août par le ministère de la Santé qui a fait état de l’apparition de cas de cette maladie dans les régions situées aux frontières avec les pays du Sahel.

           Le ministère de la Santé, assure, dans un communiqué, que « toutes les mesures ont été prises d’urgence par les autorités sanitaires locales pour éviter la propagation de la diphtérie »...//...

           L’Algérie a enregistré 16 cas confirmés de diphtérie, selon le ministère de la Santé, en précisant que « la plupart des cas enregistrés sont des ressortissants étrangers de pays voisins non vaccinés qui vivent dans la banlieue de Tamanrasset« . ( fin de citation)


               




De M. Pierre Jarrige
Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.                                                  PDF 170
    PDF 170A                                                  PDF 171
    PDF 171A                                                  PDF 172
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Pierre Jarrige

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Vantardise
Envoyé par Eliane
Quatre hommes et une femme, tous catholiques, prennent le café sur la place Saint-Pierre à Rome.

     Le 1° homme dit à ses amis :
     - Mon fils est prêtre. Quand il entre dans une pièce, tout le monde lui dit
     "Mon Père"

     Le 2° susurre :
     - Mon frère est évêque. Quand il entre dans une pièce, les gens lui disent
     "Monseigneur"

     Le 3° réplique :
     - Mon cousin est cardinal. Quand il entre dans une pièce, chacun s'incline et dit
     "Votre Éminence".

     Le 4° assène, sur un ton définitif :
     - Mon oncle est le pape. Quand il entre dans une pièce, les gens l'appellent
     "Votre Sainteté" !

     La femme catholique sirotait son café en silence...
     Les 4 hommes lui demandèrent alors avec ironie :
     "Et vous ?".

     Elle répondit avec un fin sourire :
     - J'ai une fille, Mince ; Grande et belle ; 95 cm de tour de poitrine ; 60 cm de tour de taille ; 90 cm de hanches
     Et quand elle entre quelque part, les hommes disent
     "Mon Dieu" !





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