N° 225
Mars

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Mars 2022
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,

Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO

MARS, LE MOIS DES FOUS…

        Nous sommes déjà en Mars, les jours rallongent enfin et le soleil se fait plus chaud. Bien sur, les giboulées vont, elles aussi, faire leur apparition. L'hiver s'éloigne peu à peu, et les promeneurs seront plus nombreux à pointer le bout de leur nez.
        Le printemps frappant à nos portes, il convient d'identifier certaines dates :
        Le 1er mars, c'est le premier jour du printemps météorologique dans l'hémisphère nord. On commence le mois en beauté puisque le 1er mars c'est aussi Mardi Gras. Manger des crêpes avec un déguisement, cela égaye la vie.
        Le 1er mars 1815 : évadé de l'île d'Elbe, Napoléon débarque de l'Inconstant à Golfe-Juan, c'est le début des Cent-Jours. Louis XVIII prend le chemin de l'exil.

         Le 6 mars, c'est la fête des grands-mère, auxquelles il faut rendre hommage.
        Le 20 mars, c'est le printemps saisonnier.
        Mais, le 19 mars, c'est la date de la trahison d'un fou général criminel en 1962.
        Le 26 mars, c'est la fusillade de 1962 à Alger, une pensée pour les victimes.

         Mais, le 1er mars 2020, le pays est entré dans une séquence unique de son histoire. Nous avons été contraints d'adapter nos activités dans un premier temps, puis de les mettre en suspens. Pour la première fois depuis des lustres, le pays faisait face à la réalité d'une crise sanitaire majeure, en constante évolution jour après jour depuis deux ans. Comme le reste de l'Humanité, nous avons été tributaires de l'espoir d'un traitement fiable qui n'a pas été trouvé ou pas voulu être administré. Cela a engendré le déploiement d'un dispositif de mesures restrictives extrêmement impactant en matière de libertés individuelles.

         Au détour de cette crise, souhaitons que l'on se souviendra, à quel point l'hôpital public et, d'une manière générale, la santé n'ont pas de prix. Les personnels de santé, ont du déployer des efforts et des sacrifices inouïs, parce que le système sanitaire à bout de souffle, n'avait pas été préparé alors que depuis des années, il n'avait cessé de tirer le signal d'alarme sans être entendu.

         Quand la crise s'éteindra, devront-nous encore être sous la coupe des banquiers de la BCE et du FMI ? La récession est pratiquement incontournable pour les petits citoyens, devrons nous " faire des efforts " pour redresser des finances qui nous enrichissent les gros, en détricotant un peu plus notre modèle social ?
        Les plans d'austérité nous seront imposés pour servir " certains états ". Demain le monde, l'Europe et la France seront-ils gérée au profit des peuples ou des intérêts des puissances du CAC, de Big Pharma, ou autres puissances économiques, informatiques, scientifiques, et dictatoriales ? La vigilance sera de mise afin d'éviter des guerres que les fous ont préparé, car leur " pandémie " n'a pas encore éliminé assez d'humains !!!
        Le sang qui a coulé depuis plus de deux ans n'est pas prêt à s'effacer.


Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
         A tchao.


L'ANISETTE
Genèse - Histoire et Chroniques
de la Dame Blanche

        C'est en 1835 que les Maltais venus coloniser l'Algérie, ont apporté cette liqueur à base de fenouil sauvage, qu'ils distillaient déjà sur leur île d'origine. A cette époque et même bien longtemps auparavant, le redoutable paludisme qui infestait tous les marécages et dont les anophèles ( moustiques ) décimaient sans compter les populations d'Afrique du Nord, était combattu - si tant est qu'elle fut efficace ! - par cet élixir sur un mode d'administration particulier dit "à la Maltaise" et qui consistait à le faire ingurgiter pur aux malades.

        Mais, son action thérapeutique supposée ne devait pas s'arrêter en si bon chemin, puisque, diluée, cette liqueur soulageait disait-on ? Les gastrites et les nausées... appliquée en compresses, elle réduirait les entorses et apaiserait les morsures de serpents... en bains de bouche, elle calmerait les affections dentaires... etc. Déjà, dans des temps très anciens, notamment en Assyrie et Babylonie, on l'utilisait pour combattre la peste et on raconte que Pline l'Ancien ( naturaliste et écrivain : de 23 à 77 ans après J.Ch.- mort lors de l'éruption du Vésuve ) affirme que l'anis est un sédatif qui fait dormir et garde jeunesse au visage... Quant aux Chinois et aux Indous, ils l'utilisaient déjà contre les morsures de serpents.

        Cette liqueur anisée fut très longtemps la panacée de l'armée d'Afrique, laquelle, se voyait très régulièrement épuisée par les fièvres palustres, qui faisaient alors de notables ravages parmi les troupes coloniales.

        Pour mémoire, rappelons que vers le XVII° siècle du temps de Sanson Napolon, le Bastion de France proche du lac Melha - véritable nid de moustiques - fut abandonné définitivement, pour venir s'installer sur l'îlot de France ( la presqu'île ) après qu'une garnison de 500 hommes, fut dans sa quasi-totalité décimée par les fièvres au cours d'un seul été. C'est dire combien ce fléau sans pitié qui régnait en maître en Afrique du Nord, devait au cours des siècles suivants faire basculer l'histoire et conduire les malheureux colons à tenter tant bien que mal, de se prémunir contre les nuées d'anophèles tueurs...

        Les Maltais et leur élixir anisé ont-ils pu adoucir les tourments causés par cette calamité ? Les effets de cette liqueur étaient-ils réels ou bien s'agissait-il seulement d'un effet dit placebo ( "je plairais dans le monde des vivants" ) ? Aucune des publications médicales sérieuses connues, n'a validé les effets thérapeutiques de cette boisson, mais, l'histoire nous a montré que l'héritage des colons maltais venus en Algérie, devait être par la suite promus à un grand et brillant avenir, donnant aux habitants de cette belle et Sainte terre d'Afrique un de leurs beaux titres de noblesse : l'Anisette ! Qui caractérise et complète si bien un autre titre tout aussi prestigieux - celui de "Pieds-noirs" ! L'un n'allant pas me semble-t-il sans l'autre.

        Mais évoquons un instant l'histoire et la destinée de l'Anisette : dès 1872 les deux frères GRAS originaires d'Espagne ont eu la bonne idée, de s'emparer de la liqueur des maltais pour en faire un apéritif. Ils subtilisent alors le fenouil sauvage par de l'anis dite étoilée ( la badiane ), pour aboutir en définitive et avec le plus grand des bonheurs à la naissance de "l'Anis GRAS", qui fut conditionné en bouteilles carrées telles que nous les avons connues, lesquelles, il faut le souligner, ont fait de tout temps la joie, le plaisir et la satisfaction non seulement des autochtones que nous étions, mais, aussi, de ceux demeurant sur les autres rives de la méditerranée... Pour preuves, la marque reçoit alors sans compter, toutes les plus belles et les plus prestigieuses distinctions lors des différents concours : Médaille d'or à Paris - Alger - Marseille... Médaille d'honneur à Anvers... Grand Prix à Rouen... Grand Prix et hors concours, à Philippeville et à Sidi Bel Abbes... et j'en passe !

        La Dame Blanche figurait alors sur tous les comptoirs - sur toutes les tables de fêtes - dans toutes les réunions ... elle fut et reste sans conteste le symbole de l'hospitalité pieds-noirs, de leur générosité et de leur joie de vivre... tout en gardant encore bien vivante de nos jours, cette nostalgie de jadis que l'on retrouve dans son céleste parfum anisé et sa belle couleur d'une blancheur immaculée.

        Mais nos prédécesseurs bien que dynamiques et courageux à la tâche, étaient aussi tout particulièrement inventifs : n'a-t-on pas souvent avancé, que l'Algérie de la Colonisation représentait un véritable laboratoire vivant, dont nous sommes en droit de dire aujourd'hui, qu'il peut se targuer d'avoir tenu toutes ses plus belles promesses... et puisque nous évoquons notre boisson nationale, il faut dire que la notoriété de l'Anis GRAS, devait faire face quelques années plus tard à une concurrence, qui faisons-le remarquer n'a jamais été déloyale et n'a causée de tors à personne bien au contraire.

        C'est ainsi qu'en 1884, Pascal et Manuel LININANA venus d'Alicante, s'installent dans le quartier du Hamma et ce lancent dans la fabrication d'une Anisette qu'ils baptisent " Cristal Anis"... C'était alors une production bien modeste et artisanale, distillée dans un alambic des plus rudimentaire, au sein d'une structure spartiate située sur un terrain vague. Les deux frères ne baissent pas la tête pour autant ; ils remplissent et capsulent eux-même leurs précieuses bouteilles, qu'ils livrent dans les débits de boisson sur une petite charrette tirée par un mulet... Le succès du "Cristal Anis" ne se fit pas attendre longtemps, puisque, rapidement, il devait s'imposer dans toute l'Algérie et même à l'étranger.

        Du côté d'Oran, la famille TIMSITT ayant obtenu l'autorisation des autorités rabbiniques, entre dans la compétition en proposant une Anisette commercialisée sous la marque " Phénix", qui, dans les années 1950, sera la boisson chérie des Oranais et de la communauté Sépharade.

        Mais tout ne sera pas sans problème au cours de l'histoire de "la Dame Blanche", puisque quelques aléas sont venu au cours du temps, troubler son avenir de long fleuve tranquille : en 1915 elle fut interdite dans la foulée de l'Absinthe "la Dame aux yeux verts", laquelle, faisait alors de gros ravages dans toute la société métropolitaine... Mais, par la suite, bien que l'Absinthe demeura interdite, dès 1922, l'Anisette fut de nouveau autorisée avec un cahier des charges précis, en particulier : 45° d'alcool maximum et pas plus de 2 grammes par litre d'extrait d'anis... et puis, rebelote ! Puisqu'elle fut de nouveau interdite par le Maréchal Pétain, pour être ensuite autorisée après la guerre : les autorités de l'époque, devaient probablement juger plus simple de la libéraliser, plutôt que de traquer les contrefacteurs et Dieu sait s'il y en avait et pour cause !

        Je ne peux terminer cette belle histoire de là-bas, sans l'entourer de quelques-unes des nouvelles et chroniques - d'anecdotes tirées de mes souvenirs - de réflexions personnelles... et puis, avant de m'en aller clopin-clopant, mes belles moustaches au vent sur les chemins de ma nostalgie, pour vous faire plaisir, je parlerai un peu de cuisine et autre bonnes choses du passé.

        L'Anisette avait autrefois la réputation de calmer les algies dentaires et voilà ! C'est ce qui arriva à Pétronille, ma chère et regrettée grand-mère sicilienne : elle fut un jour affectée "par des maux de dents", et ce, à une époque où l'on ne courait pas chez les médecins ou dentistes comme de nos jours. Alors le petit peuple utilisait de très modestes moyens tirés des remèdes dits de "bonnes femmes", lesquels, il faut le dire, rendaient souvent de bons services et à très peu de frais. Ma pauvre grand-maman alla "consulter" sa vieille voisine, qui lui conseilla sur un ton doctoral, de se faire des bains de bouche avec de l'Anisette pure... Ce qui fut fait à la lettre sur le moment, avec un résultat qui devait dépasser ses espérances : pour l'heure, elle ne souffrait pratiquement plus ! Mais, hélas - car, il y a un mais ! -, l'effet salutaire de l'Anisette sur les douleurs, s'accompagnait d'effets secondaires que je vous laisse deviner... Ma mémé chérie, qui n'avait jamais bu une seule goutte d'alcool de sa vie, devait ce jour-là se sentir toute drôle et courir bien vite se coucher pour ne pas perdre l'équilibre. Ce fut la seule et unique fois dans sa longue existence où, mon aïeule devait "prendre la cuite" sans le vouloir.

        Après un peu de rigolade familiale, je ne peux passer sous silence un drame véridique, qui s'est déroulé à Bône autour des années 1930, où à cette époque l'Anisette était interdite. Dans la vaste maison où demeuraient mes grands-parents et leurs enfants, résidait à l'étage supérieur avec les siens, un très brave et honnête homme encore jeune, lequel, exerçait le métier d'aide-comptable chez un important liquoriste... Pour arrondir ses fins de mois qui n'étaient pas toujours très élevés, il lui arrivait parfois de se procurer de l'alcool et des extraits d'anis, avec lesquels il faisait quelques litres d'anisette, qu'il revendait modestement et en catimini... Par une chaude nuit d'été alors qu'il dormait fenêtres ouvertes, il fit un horrible cauchemar : des inspecteurs des fraudes venaient l'arrêter ! Frappé d'effroi dans son sommeil il se leva sursaut, pour s'enfuir en passant par la fenêtre ouverte d'où, il chuta lourdement du deuxième étage se blessant alors très grièvement... Peu avant de décéder, le pauvre homme devait raconter l'horrible cauchemar à ses proches.


        Parfois il m'arrive de me faire quelques réflexions, lorsque j'observe mes amis d'enfance où des compatriotes en train de prendre l'apéritif. Je suis toujours surpris de faire régulièrement le constat, que la quasi-majorité d'entre-eux dédaignent notre Dame Blanche nationale, pour une boisson marseillaise anisée riche en glycirrhizine ( réglisse ! ), qui par ailleurs ne manquait pas en Algérie, mais n'a jamais eu la préférence des consommateurs. Fort de ce constat il m'est arrivé parfois, de me poser sérieusement la question sur cette surprenante façon de faire ? Peut-être, se pourrait-il que le fait de changer de boisson, était aussi en quelque sorte une façon de changer psychologiquement de pays. Etait-ce également ? le moyen d'apaiser certains états d'âme souvent nostalgiques et faire oublier un moment ces temps de jadis passés sur notre terre natale ! ? Ce qui est grave en soi, c'est que cette réponse ne me satisfaisait pas du tout, mais, que ce postulat personnel, me permettait pour l'instant de ne plus philosopher douloureusement sur cette question qui m'obsède.

        Pour conclure je vous dirais que notre Dame Blanche, faisait là-bas très bon ménage avec certains sirops dits pur sucre : grenadine - menthe - orgeat... mais cohabitait aussi volontiers avec une bonne tasse de café noir, prise dans la fraîcheur d'un petit matin d'hiver ou après un bon et copieux repas... Autrefois il arrivait à des mamans, de mettre quelques gouttes d'anisette sur un morceau de sucre, introduit dans la sucette de caoutchouc de leur jeune enfant, afin de le calmer et le faire dormir profondément... Ouais !!!

        Et bien, moi, pour vous faire digérer toute ma prose et calmer vos éventuels états d'âme, je vous offre pour terminer un bon gâteau parfumé à l'Anisette :

        Ingrédients =
        3 oeufs +
        200 g de sucre en poudre +
        200 g de farine + 1/2 tasse d'Anisette à 45° +
        2 tasses d'huile de pépins de raisins +
        2 tasses de lait + 1 Sachet de levure alsacienne.

        Préparation =
        - séparez les jaunes des blancs d'œufs
        - travaillez les jaunes avec le sucre
        - ajoutez alternativement et en petite quantité farine et huile
        - incorporez le lait, puis, l'anisette
        - ajoutez la levure - travaillez la pâte au mixer
        - montez les blancs en neige et incorporez délicatement à la pâte... huilez un moule...
        Cuire à 200° de 35 à 45 minutes.

        L'histoire de l'Anisette c'est aussi notre histoire : son goût, son parfum, sa couleur laiteuse... nous ramènent toujours dans le passé, surtout, devant une bonne kémia et lorsque que nous sommes en bonne compagnie, en toute amitié et en parfaite fraternité avec notre accent superbe - le verre de blanche à la main - comme un "bâton de Maréchal" ramené de chez-nous au fond de nos valises en carton.

        Alors je regarde l'horizon vers le sud et je murmure en interpellant les nuages qui passent, pour leur crier sur l'air des lampions :

Le prix Nobel à l'Anisette ! Prix Nobel à l'Anisette...

        Pourquoi pas mes chers amis ! ? Ce ne serait que justice !
Jean-Claude PUGLISI.
de La Calle de France
83400 - HYERES.

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Philippe Neel à Bône
Par M. Marc Donato

enveloppe-Bône-Philippe-Néel.jpg          Une enveloppe sur l'écran lors d'une conférence… Deux détails attirent mon attention : Bône… 1918. Le document adressé à Monsieur Philippe Neel est récupéré. À elle seule, cette enveloppe est un livre d'histoires découvrant un univers qui ferait les délices des philatélistes. Des questions se posent : qui était ce M. Philippe Néel qui habitait à Bône ? A quoi ressemblait-il ? Pourquoi était-il à Bône ?...

enveloppe-Bône-P.N.-verso-timbres.jpg          Il faut d'abord se pencher sur le patronyme : Neel. Il évoque immédiatement Alexandra David-Neel (1868-1969), la grande exploratrice, franc-maçonne, cantatrice anarchiste, féministe, tibétologue, érudite chantre du bouddhisme, irrésistiblement attirée par l'Asie, la première femme européenne à se rendre dans la cité interdite de Lhassa, 25 ans de voyages, auteur de nombreux ouvrages sur le bouddhisme, de récits de voyage, en Chine, en Inde et surtout au Tibet, de romans littéraires et d'une volumineuse correspondance…

          Après quatre années d'union libre, en 1904, devant le consul de France à Tunis, Philippe Neel devenait le mari d'Alexandrine Marie David. Séparés rapidement après leur mariage et plus tard pendant toute leur vie, les époux ont échangé une correspondance aussi régulière que l'éloignement de l'épouse partie vers le Tibet et la Chine, les guerres le permettaient. L'enveloppe et la lettre qu'elle contenait font partie des envois d'Alexandra à Philippe.
          Recto, Shanghai, 5 apr 18 en anglais ; en bas à droite la mention ''Etranger'' en chinois ; verso, Peking, 4 avril, en chinois, avec la mention manuscrite de l'expéditrice ''via Peking''.

          Reçu le 9 juin : 2 mois de transport. Réponse le 13 juin - note de Philippe Neel.
          Deux mentions manuscrites, probablement par un service d'archives : Tungchow et Wenstichien. A cette époque, Alexandra se trouvait à Tungchow, dans la province du Shensi, où elle était arrivée à la mi-mars après être passée à Wen-li-Chen, et une pérégrination en Birmanie, au Japon en Corée et en Chine ; elle s'enfuit, rejoint ensuite l'ermitage tibétain de Kum-Bum afin de se consacrer entièrement à l'étude des textes tibétains et à son travail d'orientaliste.
Zone de Texte:       Le Lever de l’Aurore en 1920          Autre mention, le timbre (tampon) de la censure, cachet avec un encadrement à ovale double et portant le numéro d'ordre 801 (il y en avait 960) avec la mention " ouvert par l'autorité militaire ", servant à désigner et la commission et le chef d'équipe responsable. Ici, bureau de Constantine qui disposait des numéros 801 à 806. Il ne semble pas anormal que la lettre en provenance de Chine dans une période politique agitée ait été ouverte par la censure militaire qui referme après lecture à l'aide un ruban adhésif transparent de couleur rouge replié sur le verso.

Philippe21.jpg          Mais l'essentiel, pour nous, reste le destinataire résidant à Bône. Monsieur Philippe Neel, ingénieur en chef, directeur des travaux …… Port ( ?) Illisible de la Cie de l'Ouenza. Villa Louise. Quartier du Lever de l'Aurore - Bône - Algérie, avec la mention en haut de l'enveloppe : Afrique française du nord. Souvenirs !

          Philippe François Neel est né à Alès le 18 février 1861, père pasteur émigré de l'île de Jersey, mère originaire d'Arles. Ingénieur diplômé de l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures de Paris, il part en Algérie, et arrive à Bône en décembre 1884, à 22 ans, au service de la compagnie des Chemins de fer Bône-Guelma pour collaborer activement à l'extension et à l'entretien du réseau de la Cie. Philippe Neel habitera ensuite à Tunis où il fera la connaissance d'Alexandrine David.

          Il restera au service de la nouvelle compagnie fermière des chemins de fer tunisiens jusqu'au 1er janvier 1917, partant comme retraité, à 56 ans. Il entre ensuite à la société de l'Ouenza comme ingénieur, directeur des travaux de la mine, procédant à toutes les installations ferroviaires, ce qui permettra à la Société de l'Ouenza d'exploiter à partir de 1921 un gisement qui renfermait d'importantes quantités de minerai de fer. Philippe Neel a entrepris la construction des embranchements de Ouenza et de Bou Khadra raccordant la mine au chemin de fer de Souk-Ahras à Tébessa, entre les stations de Clairefontaine et de Montesquieu. Sur le port de Bône, au quai sud construit par M. Pancrazi, Philippe Neel va aménager les structures ferroviaires pour la réception du minerai destiné à l'embarquement. Il reste dans ses fonctions à la Compagnie de l'Ouenza jusqu'en 1931, date à laquelle il a cessé tout service. Il a alors 70 ans.

Ds jaardin Bône 1936 Maspolo.jpg          La lettre est parvenue à sa première adresse, Villa Louise, au quartier du Lever de l'Aurore. Il n'avait pas choisi le plus mauvais endroit. A l'époque, c'était encore une zone résidentielle en bord de mer. En arrière-plan, le cimetière musulman Zaghouane près duquel la romancière Isabelle Eberhardt venait méditer. Le lieu, face à mer, était si beau qu'elle aurait voulu y être enterrée. Ce qui est à l'origine de cette phrase célèbre " Le cimetière de Bône, envie de mourir, il te donne " Tant pis pour ceux qui croient qu'il s'agissait du cimetière chrétien, très beau au demeurant. En 1935, il a 74 ans, il réside toujours à Bône, mais il a déménagé villa des Pins, porte des Caroubiers.

          La fin de sa vie sera pitoyable et c'est un homme vieilli, malade, qui quitte définitivement le sol africain pour rejoindre Saint-Laurent d'Aigouse (34). Il aura assuré le rôle de conseiller financier pour Alexandra en gérant son argent et en le lui envoyant, supporté les exigences de sa lointaine épouse qu'il refusera de recevoir à Bône pour reprendre la vie commune, surtout pas avec son compagnon tibétain, Yongden, qui " ferait mauvais effet dans la société bourgeoise de Bône ", accepté qu'elle adopte légalement ce Yongden, celui qui l'a aidée et sauvé pendant son périple tibétain et ressenti l'isolement dans une ville où il avait eu pourtant bien des relations.

          Plusieurs détails communs me rapprochent de Philippe Neel. Avec la différence d'époque, bien sûr : la gare du Bône-Guelma où il a été ingénieur, proche de la maison de mes grands-parents ; la plage du Lever de l'Aurore où quiconque ''faisait'' la corniche passait inévitablement, située à 800 m. de chez moi ; la porte des Caroubiers, passage imposé par la proximité de résidence ; Ouenza, un cousin architecte à la mine ; Guelma où mon épouse a enseigné pendant trois ans et jusqu'à ce docteur Bonnet qui, au début de sa carrière a soigné Philippe Neel et qui m'a soigné à la fin de sa carrière, le même médecin qui a sauvé ma mère de la typhoïde, mes grands-parents, à 200 mètres de la gare du Bône-Guelma… Que de coïncidences !
Février 2022 - Marc DONATO


A TOUTES LES " MARIE "
LA NUIT DE SIDI-BAKHTI
ECHO D'ORANIE - N° 282

                En ce début d'après-midi de l'été 1960, la chaleur commençait à incommoder certains passagers de l'autocar qui assurait la liaison d'Oran au village de Bou-Tlélis, distant de 25 km au sud-ouest, sur la route de Tlemcen. Ca n'avançait pas vite. Des dames s'éventaient avec des journaux et des commentaires s'élevaient, rappelant certaines embuscades tendues dans le pays par les terroristes, où il était question de mitraillages, d'égorgements et autres mises à mort sanglantes. Malgré la température caniculaire, Marinette Alonso frissonna et passa une écharpe à son cou. Elle subissait, lors de chaque retour hebdomadaire vers Bou-Tlélis, une forte appréhension liée aux événements qui endeuillaient l'Algérie. Pendant la bonne demi-heure que durait le voyage, elle ne cessait de scruter, à travers la vitre du véhicule, la campagne qui défilait sous ses yeux. A gauche, une vue extraordinaire sur la plaine de la Grande Sebkha (Lac salé au sud-ouest d'Oran) et les monts du Tessala, au loin.

               La zone la plus suspecte se situait sur la droite, dans la portion de route comprise entre la pinède de Sainte-Anne et la descente vers le village de Misserghin (Gros village agricole et pays des agrumes), à mi-chemin entre Oran et Bou-Tlélis où naquirent les fameuses clémentines. Tous ces grands rochers crayeux en chapelets, et ces énormes buissons de lentisques, dans un parterre de palmiers nains et de touffes d'alfa, ne lui inspiraient aucune confiance. N'importe quel groupe rebelle pouvait se cacher là et réussir une embuscade mortelle sans aucun risque.
               L'autocar amorça enfin sa descente vers le village. On abordait la plaine et c'était la sécurité assurée jusqu'au terme du voyage.

               A la veille de ses 24 ans, Marinette Alonso était une jolie brunette très soignée de sa personne, coiffée d'une queue de cheval à la mode et vêtue d'une robe légère couleur parme, du type Dior, le couturier à succès du moment. Elle voulait profiter de ce long week-end estival pour se reposer en famille, dans son village natal. Elle souhaitait célébrer à la fois son anniversaire, ce proche lundi du 15 août 1960, et aussi sa fête - elle se prénommait réellement Marie -, son récent diplôme de sage femme et son admission comme stagiaire au pavillon d'obstétrique de l'hôpital d'Oran. Son chef de service lui avait accordé de s'absenter dès le samedi midi, jusqu'au mardi matin.

               Maintenant, elle avait hâte de se retrouver parmi les siens mais ce qui lui tenait à cœur, comme chaque semaine, c'était de revoir Bernard, son ami d'enfance et de jeunesse, devenu le promis avec qui elle allait s'unir à Noël. C'était un grand garçon blond affable et prévenant,'âgé de 28 ans, mince, sportif aux yeux bleus et au sourire permanent, ce genre de personne avec qui on a aussitôt envie de lier amitié. Ses parents, les Schmitt, étaient des agriculteurs descendant de ces patriotes Alsaciens-Lorrains qui refusèrent de devenir Allemands après la défaite de la France en 1870, et durent s'expatrier en terre algérienne. Ils firent souche dans le hameau de Bou-Tlélis où déjà quelques exilés parisiens, rescapés des fameux convois de 1848, les avaient précédés.

               Ce lieu portait le nom d'un saint homme arabe inhumé sous le marabout du même nom, en amont du village.

               C'était devenu, avec le temps, l'exemple type de ces agglomérations "à la française", édifiées en Algérie dès la seconde moitié du XIXème siècle : une rue principale bordée de ficus ombrageant des maisons de type français, la place du village avec sa mairie, l'église, la poste, l'école communale, les commerces, les artisans et surtout les cafés, domaine quasi exclusif des hommes de tous bords et de toutes origines, lieux de discussions interminables et arènes électorales devant un verre d'anisette.

               Les rues parallèles abritaient surtout des maisons d'habitation, de tailles variées ; celles des agriculteurs comprenaient des hangars, des enclos et quelquefois des jardinets.

               La population se répartissait essentiellement entre des Français de diverses souches dont ces exilés forcés ou volontaires, des européens d'origine espagnole - premiers immigrés -, et méditerranéenne, et des arabes vivant en majorité dans le douar (Regroupement territorial d'une ancienne tribu arabe, dont le nom a quelquefois été repris pour désigner le village français édifié tout près de là) de Sidi Bou-Tlélis, à la sortie du village vers la Forêt de M'Silah ; aussi quelques familles de juifs indigènes et des kabyles. Se connaissant et se fréquentant depuis des lustres, tous ces gens vivaient en bonne intelligence dans une spirale où se recentraient l'agriculture, la viticulture et les métiers de la terre.

               Le lourd véhicule arriva sans encombre à Bou-Tlélis vers 15 heures et s'arrêta, dans un grincement de freins, devant le Café du Centre. il se vida rapidement de ses voyageurs et de leurs bagages. Plusieurs musulmans en turbans et en burnous - pour se protéger de la chaleur, disent-ils -, interpellaient en arabe des amis ou des parents venus les attendre.

               Attablés devant un café noir, Bernard Schmitt et Antoine Alonso, le père de Marinette, se levèrent el allèrent au-devant de la jeune fille. Elle s'avança vers eux et les embrassa très affectueusement, visiblement très heureuse de les retrouver. Son fiancé s'empara de sa valise et tous trois se dirigèrent vers la maison des Alonso, située en retrait sur le chemin du lac salé, à la sortie ouest du village en direction de Lourmel.
               Deux femmes en noir, sur le pas de la porte, faisaient de la main des signes de bienvenue ; Marinette lâcha les bras des hommes et courut vers sa mère Clara et sa grand-mère maternelle, lsabel. La joie des trois femmes faisait plaisir à voir et quelques larmes de bonheur embuèrent leurs yeux.
               - Rentrons vite, dit la mère, il fait frais dans la maison. Je vais servir le café.

               Marinette enlaçait tendrement sa grand-mère et lui chuchotait quelque secret à l'oreille. Les hommes les rejoignirent et tout ce petit monde se retrouva attablé, à l'ombre de la tonnelle qui prolongeait la cuisine vers le jardin potager du père Alonso.

               La conversation roula sur les propos habituels, la santé, les récoltes, la vie tout court. Le mariage prochain de Bernard et Marinette fut évoqué. Puis on aborda la vie du village et des voisins et, fatalement, les "événements" qui endeuillaient chaque jour le pays.
               - Et Bachir ?... On a de ses nouvelles ? demanda Marinette.
               Antoine fit un geste vague de sa main droite et lâcha en dodelinant de la main :
               - Bachir, il est devenu fou ! Qu'est-ce qu'il est allé foutre chez les fellaghas (Rebelles maquisards, terroristes algériens) ? Je le connais depuis qu'il est né. Son père et moi, on a fait la guerre ensemble, jusqu'en Allemagne où il a été fait prisonnier ! Et maintenant, ce pauvre vieux, il est en train de mourir de honte à cause de ce bandit de fils qu'il a. Marinette intervint :
               - Et Halima, elle se débrouille bien ? Pauvre fille...
               - Elle ne devrait pas tarder à accoucher, répondit Clara.

               Heureusement que sa sœur aînée Haoutya l'a accueillie chez elle à Sidi-Bakhti (Hameau à quelques kilomètres au nord-ouest de Bou-Tlélis). A ce qu'on dit, son Bachir de mari vient la voir de temps à autre pour lui apporter un peu d'argent.
               - Si c'est pas malheureux.,. reprit le père Alonso, abandonner sa femme enceinte et ses deux gosses pour devenir un salopard ! Mieux ce serait qu'il meure...
               - Arrête, papa, ne dis pas ça ! coupa Marinette, visiblement émue. Bachir, tu l'as toujours traité comme un fils et moi je l'aime comme un frère. Il a fait une faute, une très grosse faute ; je suis certaine qu'il a dû être menacé, à cause des médailles de son père qui est invalide de guerre.
               - Quand même, reprit Antoine, il avait pas besoin de ça ! Tant que je pourrai, j'irai aider Halima et ses gosses. Elle a pas la faute, elle, et je le fais pour son beau-père, mon ami...
               Bernard, qui tenait la main de Marinette, ajouta :
               - Au village, personne ne veut en parler, comme si Bachir faisait déjà partie des morts.
               La discussion prenant un tour passionnel, Clara se leva et demanda :
               - Marinette, tu veux aller saluer les parents de Bernard ?
               - Je refais ma coiffure et on y va...
               - A peine elle arrive ma fille et déjà tu me l'enlèves, marmonna Antoine à I'adresse de sa femme qui commençait à débarrasser la table.

               Marinette était l'enfant unique et gâtée de son père. Lors de sa naissance, une opération malheureuse interdit à Clara d'avoir d'autres enfants. Lorsque sa fille entreprit des études d'infirmière, elle la poussa à devenir sage-femme, compensant ainsi ce besoin de maternité qu'elle n'avait pu assouvir.

               Quant à Antoine, il avait adopté l'attitude fataliste des Arabes. Il descendait d'immigrés espagnols qui, de main d'homme, avaient fertilisé ces terres arides d'Algérie. Il avait hérité d'une petite propriété de vergers qui les faisait vivre décemment, sans plus.
               Au crépuscule, toute la famille se retrouva sous la tonnelle, autour d'un bon dîner préparé par lsabel, la grand-mère.
               Marinette était le centre de la conversation, avec son 24ème anniversaire, sa fête mais aussi son nouvel emploi. Bernard rappela que leur mariage approchait et Clara ajouta que tout le village y serait invité. Les propos se poursuivirent tard dans la soirée, jusqu'au moment où, vers minuit, Antoine fit sauter le bouchon d'une bouteille de champagne. Balto, le corniaud de la maison qui dormait devant la porte, fit un bond et se précipita vers l'extérieur en aboyant de toutes ses tripes.
               - Il est pire qu'un chien kabyle, plaisanta Antoine. Peut-être son père c'en était un ...

               Balto aboyait toujours, furieusement, en s'énervant derrière le portail de la rue.
               - Je crois qu'il a senti quelqu'un, dit Isabel. A cette heure-ci, c'est bizarre.
               - Va voir, Antoine, demanda Clara.
               - Non !Attendez, j'y vais, lança Bernard en prenant sa torche électrique.

               Les deux hommes se levèrent et Antoine alla prendre son fusil de chasse qu'il tenait soigneusement caché (En 1960, seuls les agriculteurs anciens combattants pouvaient, sur dérogation, détenir une arme de chasse) et chargé, au fond d'un placard dans l'entrée.
               - Surtout, fais attention, Antoine, supplia Clara, mais son mari était déjà dans la cour.
               - Couché, Balto ! ordonna-il à l'animal en le tirant par le collier jusqu'à sa niche.
               - Schkounn ? (Qui est-ce ? en arabe) Qui est là ? demanda-t-il ensuite à voix forte en armant son Herstal à canons superposés et en se plaçant sur le côté du portail afin d'éviter toute atteinte par balle.
               Bernard, qui en fit de même, braqua le faisceau de la lampe torche vers la lourde porte en bois. Une voix d'homme essoufflé se fit entendre dans la rue.
               - C'est moi, Antoine, écoute-moi...
               - C'est toi, Bachir ? Tu es fou ? Qu'est-ce qui t'arrive ?...
               - Je suis venu en courant à travers les vignes. Halima, elle est en train d'accoucher et ça va mal, très mal. Elle va mourir si Marinette elle vient pas vite la sauver. Je sais qu'elle est ici, je t'en prie... Après, tu feras de moi ce que tu voudras, ya babah (Ô ! mon père)...

               Antoine était interloqué. Ne sachant que répondre il se tourna, interrogateur, vers Bernard. Celui-ci haussa les épaules et s'adressa à son tour à Bachir :
               - Tu es venu en courant depuis Sidi-Bakhti?... Et tu es seul?
               - J'te jure Bernard c'est vrai, et je suis venu seul, wollah (Par Dieu ou Dieu m'en est témoin) tu me connais, mon frère
               Antoine libéra le cadenas du portail et reprit :
               - Ecoute, Bachir Ghanem, si tu me joues un tour de ...
               - Vite Antoine, por favor (Expression espagnole courante signifiant "S'il vous plaît" ou "Par pitié"), ma femme elle meurt...

               Le portail s'entrouvrit découvrant, à la faible lueur du lampadaire de la rue, le visage émacié et barbu d'un homme aux abois.
               Antoine releva son arme, la tendit à Bernard et fit entrer Bachir.
               - Attendez-moi ici , tous les deux, ordonna-t-il. Je vais chercher Marinette.

               Il traversa la cour alors que sa fille arrivait aux nouvelles. Mise au courant de la situation, elle courut vers la maison et en ressortit presque aussitôt, un châle sur ses épaules et tenant à la main une trousse d'infirmière dont elle ne se séparait jamais.
               Antoine sortit la Peugeot 203 du garage et lança au passage à sa femme Clara :
               - Referme bien le portail et relâche le chien !
               Bachir fut prié de se recroqueviller dans la malle arrière.
               - Des fois qu'il y ait une patrouille sur la route, dit Antoine.

               La voiture démarra doucement, tous feux éteints puis accéléra et prit le chemin de Sidi-Bakhti. Marinette, sa trousse sur les genoux, était assise à côté de son père et Bernard se tenait à l'arrière, serrant le fusil que lui avait confié Antoine.
               Il ne leur fallut que quelques minutes pour atteindre la première maison du hameau, une petite bâtisse blanche en torchis dans laquelle demeurait Haoutya, une veuve plutôt âgée, belle-sœur de Bachir. Des chiens se déchaînèrent en aboiements autour du véhicule et la maîtresse du lieu sortit en les invectivant et en leur lançant quelques pierres, ce qui les fit fuir aussitôt. La 203 se vida de ses occupants mais seule Marinette entra dans la maison.
               Du fond d'une chambre faiblement éclairée, s'échappaient les plaintes d'une femme mal en point. La sage-femme se mit aussitôt en devoir de lui apporter de l'aide. Elle demanda à Haoutya des serviettes propres, de l'eau bouillie et des couches qui avaient dû servir à ses enfants dans leurs premiers mois. L hémorragie était importante et Marinette dut faire une première piqûre à la parturiente, puis une autre pour soulager sa douleur. Il était une heure du matin.

               Dehors, au clair de lune, les hommes s'étaient assis en tailleur et devisaient en fumant, l'oreille tendue. L'attente commençait à sembler longue. Les cris de Halima s'atténuaient mais l'inquiétude augmentait. Marinette apparut tout à coup sur le seuil et dit :
               - L'enfant est en train de s'étrangler avec le cordon et il ne réagit presque plus ! Il faudrait pratiquer une césarienne mais je ne suis pas outillée pour cela et la mère a déjà perdu beaucoup de sang...
               Les hommes étaient muets, médusés, ne sachant quoi dire ou quoi faire en une telle situation. La sacro-sainte pudeur méditerranéenne les empêchait de réagir. Près de deux heures s'étaient écoulées et l'issue fatale ne faisait plus de doute.
               Bachir, qui se tenait prostré un peu à l'écart, semblant prier, suggéra alors d'aller réveiller la vieille Aïcha qui avait mis au monde tant de bébés au village. Bernard allait s'y opposer quand Haoutya, surgissant sur le seuil, pressa Marinette d'un "Viens vite ! Viens vite!"
               La sage femme s'engouffra dans le logement et les hommes se dressèrent d'un bond mais n'osèrent pas la suivre. Les chiens arabes, au loin, s'étaient tus. Les plaintes de Halima s'étaient éteintes. Un calme inhabituel recouvrait tout le hameau, accentué par un silence de mort. Pour la première fois depuis des mois, Antoine s'approcha de Bachir et lui posa la main sur l'épaule. Le jeune homme, visiblement désemparé, laissait échapper une larme sur sa joue.
               Alonso l'embrassa en lui donnant quelques tapes dans le dos. Lui-même était très ému et murmura un "Ya ouldi" ... (O ! mon fils) affectueux.

               Les dernières lueurs de la lune rendaient la scène pathétique.
               Bernard aussi s'approcha et, avec émotion, tapota l'épaule de Bachir.
               Soudain, un hurlement de femme déchira le silence suivi presque aussitôt de vagissements aigus et puissants. Les chiens se remirent à aboyer autour des habitations, accompagnant les cris d'un nouveau-né. Les hommes se regardèrent, stupéfaits, sans réaction.
               Au bout d'un instant, Haoutya apparut, soulevant le rideau de l'entrée et dit :
               - C'est une fille ! Ma soeur elle va bien... Allez, entrez, les hommes, on va boire le café.
               Aussitôt, ce furent les embrassades de Bernard et d'Antoine à Bachir qui pleurait de joie en bénissant le ciel.
               Ils entrèrent dans le logement et prirent place autour d'un grand plateau de cuivre ciselé, où trônaient toutes sortes de délicieuses pâtisseries orientales.
               Marinette sortit de la chambre à coucher, les traits défaits mais les yeux brillants de bonheur. Bachir se leva et l'embrassa. Elle lui annonça :
               - Ta fille est belle et ta femme va bien. Laisse-les se reposer maintenant. Tu les verras plus tard. Moi, je reviendrai dans la journée. Maintenant, je prendrais bien un petit café...
               - On doit repartir tout de suite avant le lever du jour, dit Antoine, à cause des patrouilles.
               - Tu sais que je dois m'en aller, répliqua Bachir. Emmène-moi jusqu'aux Quatre chemins de Bou-Tlélis et là, je partirai vers la montagne.
               - Et comment ?... Tu vas pas rester, maintenant que ta femme elle a besoin de toi ?
               - Antoine, tu sais que d'un côté ou de l'autre, "ils" me feront la peau. Je reviendrai, va...
               L'aurore commençait à teinter le ciel de ses ors quand la Peugeot arriva au croisement. Bachir sauta à terre lestement et salua ses amis d'un grand geste de la main en s'éloignant au pas de course en direction du Djebel (Mot arable signifiant montagne) Houissy. Mais soudain, il s'arrêta et revint rapidement sur ses pas. Il s'approcha de la portière droite du véhicule et dit à Marinette, avec un trémolo dans la voix :
               - Merci kh'tiya (Ma sœur), merci beaucoup ; ma fille, elle va s'appeler M'ryam, comme toi et comme la vierge qui m'a entendu cette nuit...

               Stupéfaits et sans voix, les passagers de la 203, ne surent de quel côté Bachir disparut.
               La voiture démarra en direction de Bou-Tlélis et aucune parole ne fut prononcée jusqu'à I'arrivée au village.
               Le jour naissant prenait la place de cette longue nuit de Sidi-Bakhti...
Amédée MORENO



" Algérie Française "
Par Monsieur Alain ALGUDO

S.A.R.L. ALGUDO ANTOINE
ET SES FILS PAUL ET ALAIN

MOSTAGANEM


Illustration 1: Tracé géométrique général
mis en place par mon frère Paul et mon oncle Robert


Chantier routier de Point Zéro - Oued El Kheir.

Le jour se lève sur cette journée de printemps 1959, c'est une matinée comme nous en connaissions tellement dans notre pays à nul autre pareil !
Une douceur idéale, les senteurs du bled dans ces collines ou les herbes aromatiques foisonnent, donnent un sentiment de paradis terrestre !

Et pourtant le danger est là, latent, nous le sentons mais nous le supportons car ce chantier routier énorme que nous menons à bien est situé en zone à risques, heureusement militarisée.

Venant de Mostaganem, nos deux véhicules de chantier et notre personnel, que nous conduisons avec mon frère Paul stoppent par précaution à distance, mais à vue du bâtiment de chantier, à proximité immédiate des engins alignés sur le parking aménagé par nos soins.

Donc mesures de prudence et observation à distance de l'activité du personnel de garde et d'entretien qui réside sur les lieux.
Rien ne " cloche, "

Alors, avec son équipe d'aide Géomètre mon frère Paul part sur le terrainpour la mise en place des éléments nécessaires à l'exécution des travaux de terrassement, travail important et capital.

Je me permets ici de lui rendre hommage tant son professionnalisme en la matière fut exemplaire, capital et reconnu.

Pour moi c'est la mise en route de " l'armada " qui peut commencer avec le rituel " chek up " que j'ai instauré, et que nos conducteurs d'engins connaissent parfaitement. Comme sur tous nos chantiers, ils sont supervisés par notre compétent chef mécanicien Joseph ALCARAZ avec sous ses ordres nos deux responsables de l'entretien et de l'intendance, Diego GARCIA, un exemple de loyauté de toute une vie à notre service, et Pierrot PINOTIE militaire du contingent en Algérie ayant décidé de rester avec nous et qui nous donna entière satisfaction.

Les collines (transformées en " pitons " dans le langage militaire) jusque-là plongées dans le silence résonnent du vrombissement des moteurs des puissants engins Caterpillar " scrapers, bulldozers et motorgraders " ! Nos camions bennes " Berliet ", sont menés par nos chauffeurs dont certains noms me reviennent comme Aimé Navarro et Joseph Alarcon, Benarabi Miloud notre plus ancien collaborateur, mais pas tous hélas et ils m'en excuseront.

Illustration 2: Un "artiste" - DJANDIA Larbi dit "Tarzan !"

Cependant je ne peux oublier ceux-ci tant leur dévouement et leur courage à notre service fut grand, ces conducteurs d'engins : Albert Harraca, Damien Ortega, Ould miloud belkacem, (qui sauvera tout notre équipe de direction lors d'un enlèvement) Blidi Laradj, Georges Wallem, Canton, Benarabi Lahcen, Katrouci, le fidèle et important Djandia Larbi, toujours aux aguets, anxieux autour de mon frère et moi pour notre sécurité.

Pardon à ceux nombreux que je revois en mémoire mais dont les noms m'échappent, autant européens que musulmans, mais, au milieu d'un effectif parfois de 200 ouvriers, difficile de tout retenir !

Notre grutier, Djandia Larbi, déjà nommé, dit " Tarzan " à cause de son habitude à grimper régulièrement au sommet de la flèche de la pelle " Nordest " ne laissait à personne le soin de vérifier le câblage supérieur de son engin qu'il manœuvrait en expert.
Il restera, entre autres, jusqu'à la fin, un de nos meilleurs éléments parmi notre équipe de spécialistes conducteurs d'engins et autres collaborateurs, non moins méritants.
Tous ont été les acteurs de la réussite de notre entreprise !!

Alors aujourd'hui, à " Point zéro ", commune de " Oued El Kheir " c'est une de ces journées où un passage difficile doit être aménagé pour combler un important ravin pour le passage des scrapers.
L'opération à effectuer est à chaque fois périlleuse et à chaque fois que je suis présent sur le chantier je m'en charge vu ma formation en ce sens lors de stages chez Caterpillar Algérie à Alger !

C'est une opération renouvelée sur tout le tracé de l'ouvrage, un risque un peu " kamikaze " le bulldozer D8 permet des marches arrière, bien des fois salvatrices. Ce monstre de puissance doté d'une lame avant excavatrice efficace, peut se permettre de tels " plongeons " à la limite de l'inclinaison de sécurité. Les connaisseurs en la matière me comprendront !


Illustration 3: Le plongeon dans le ravin - Pt 0 !

Seule une machine super puissante de plus de 40 tonnes et 230 CV réels comme le D8 Caterpillar peut se permettre de tels " plongeons ! "
Une fois le passage effectué, " les bulldozers, les scrapers et les motors graders " entrent en mouvement, la tâche sur ce chantier est rude par le relief parfois rocheux. Là, les compresseurs et les explosifs nécessitent une équipe formée aux maniements de ces produits dangereux.

Détenteur d'une " carte d'identité professionnelle pour le transport et la manipulation et l'usage de tous explosifs civils et leurs accessoires "(carte n°15 du 6 juillet 1960), cela m'a permis de mettre en place et former une équipe à la tête de laquelle notre employé marocain Amar Benziane devait être à la hauteur durant toute la durée de l'ouvrage (rapatrié avec nous en France, il s'est tué dans un accident d'auto à Marseille).

Illustration 4: Amar BENZIANE après les explosifs !!

C'était une véritable usine de bouleversement d'un paysage sauvage où nos engins passaient à travers la montagne pour désenclaver cette région pour relier rapidement RELIZANE.

Illustration 5: Tracé géométrique à travers le bled
par mon frère PAUL et Robert BRON.

Au fur et à mesure de l'avancement des travaux, de ses surprises et découvertes dans " le bled ", suivait la finition.
Pour ce faire, l'expérience, le talent et le coup d'œil du chauffeur du motor grader (niveleuse) était primordial.
Et là je voudrais rendre hommage au meilleur de ces spécialistes finisseurs, à mon frère de cœur Laradj Blidi avec qui j'ai grandi pendant les années de création de notre exploitation viticole de Rivoli. Il avait 11 ans moi 10 (encore une belle histoire à raconter).
A l'époque où les labours des terres se faisaient encore avec des chevaux ou des mulets, Laradj était alors un de ces petits conducteurs qui tenait la bride des chevaux devant le laboureur.
Puis le temps et les années défilant, ce fut le premier tracteur et sa charrue à disques, et vu que nous étions inséparables quand j'étais à la ferme, je ne laissais ma place à personne pour en prendre les commandes. Alors, je lui permettais de temps en temps de le prendre en main et c'est rapidement qu'il en devint le chauffeur attitré pour le labour du vignoble avant de passer dans notre entreprise de TP naissante à l'époque !


Illustration 6: Laradj et son Motor grader !

La suite est une longue histoire, des souvenirs heureux, divins, enfuis, la destruction, la fuite, la ruine liée à une sordide mise en demeure mortelle (autre histoire fatale pour nous), la mort pour lui étant passée par là, depuis un an maintenant, à ma grande tristesse !!
Avec son départ, une page de souvenirs rares de ma vie s'est tournée, mais que je ne déchirerai jamais.


Illustration 7: Laradj BLIDI à Aubaret 1966

Autre événement que je raconterai peut-être un jour, ce frère, mon cher Laradj, que je vénère encore, me permet aujourd'hui de m'exprimer, d'être là. Lui et son père Kaddour, m'ont certainement sauvé d'une fin tragique, s'opposant à mon enlèvement lors d'une de mes visites inopinées dans leur " douar " pour signification d'un ordre de modification de son programme de travail prévu avec son engin le lendemain ! Ils hébergeaient (bécif ou pas ?) un groupe de rebelles de passage !
Il m'a révélé ce fait après l'indépendance.
Fin des années 60, il nous a suivi quelques années en France et a travaillé avec nous sur notre exploitation viticole, avant de repartir au pays !
Je pourrais encore m'étendre sur d'autres faits, liés à notre activité d'entrepreneurs de transports de Travaux publics, génératrice de richesses par la diversité de nos actions. Mais d'abord, pour prouver à ceux qui en douteraient encore autour de vous, que la France, à travers les " pions " que nous étions tous finalement pour elle, était à l'origine de la transformation d'un désert initial en un eldorado final indéniable.

Illustration 8: Coupe dans la montagne !
(En arrière-plan mon oncle Robert BRON derrière sa " mire ! ")

Seule l'Afrique du sud pouvait rivaliser avec nous…...n'en déplaise aux porteurs de valises de l'époque et actuels.
Oui, oui, rappelez vous cette France qui, à travers certains médias comme " Le Pèlerin " d'obédience catholique, nous trahissait déjà (nous en reparlerons car j'avais fait à l'époque, en avril 1960, un courrier à ce collabo et j'en ai conservé un double.)

Et puis un certain 8 avril 1962 à 92,8 % par référendum, La France a décidé de rayer de la carte 15 départements français d'Algérie. Cerise sur le gâteau, si je puis dire, elle nous déniait, par un décret scélérat et anticonstitutionnel avéré, le droit de participer à ce scrutin décidant de notre propre avenir !

Mais à tous mes compatriotes, je voudrais dire ici que notre histoire personnelle est aussi leur histoire. Une histoire commune dont chacun d'entre nous doit être fier d'avoir apporté sa pierre à l'édifice.
Tous, chacun à son échelle, étant partie intégrante de cette réalisation magnifique laissée, par trahison d'état de l'époque, à des irresponsables devant leur propre peuple. Ce peuple dont nous étions si proche, n'en déplaise à nos détracteurs.



Illustration 9: Une pose, ensemble,
sur le chantier avec mon fils Régis, 2 ans
















































Alain ALGUDO (18 février 2021)



Jean le Babasse
de La Calle de France.
(A propos des Schpakouns en général
et de la schpake en particulier )

Maintenant dans ma tête,
Je m'en vais rechercher les chevaux de mon imagination.
Je vais en attraper un,
Pour galoper comme un bienheureux
Sur le chemin de mes rêves.


( Réflexion d'un acteur déchu devenu alcoolique.)


        C'est une longue et bien belle histoire du Bastion de France, que celle que je vais évoquer aujourd'hui avec bonheur et infiniment de nostalgie, tout en mettant au premier plan comme il se doit, un personnage de légende très attachant mais aussi bien étrange, que je vais très modestement et en toute humilité tenter d'analyser - en digne fils du grand HIPPOCRATE ( médecin Grec : 500 ans AV. J.Ch.)

J'ai nommé : M. Jean Impérato - alias Jean Babasse.

        Il habitait depuis toujours la divine presqu'île de La Calle où il vivait en vieux garçon en compagnie de sa mère et cela semble-t-il jusqu'au décès de celle-ci. Par la suite, il s'en alla squatter une pièce unique et sans confort située du côté phare, dans un bâtiment depuis longtemps abandonné de l'ancienne caserne en ruine. Il n'exerçait aucun métier connu et vivait de la charité des uns et des autres qui le récompensaient à l'occasion, lorsqu'ils le chargeaient de diverses courses dans les petits commerces de La Calle.

Pourquoi portait-il le sobriquet de Babasse ?

        D'après ce que j'ai toujours su et entendu, on le disait fils naturel d'un curé ? Ce qu'il faut savoir, c'est que le terme de Babasse en langue arabe parlée ( Papas en orient ), désigne tout simplement un prêtre de religion catholique - autrement dit un curé ! Peut-être ? faut-il voir là et à n'en pas douter, l'origine de son curieux surnom : Jean le Babasse ! un sobriquet célèbre devenu au cours du temps - Jean Babasse tout simplement ! Pour l'histoire il faut dire que ce surnom, à l'instar de celui de la très célèbre madame Adèle del Innocenti, était passé dans le langage populaire Callois, pour désigner d'une manière presque péjorative de Jean Babasse, tous les individus de sexe masculin et de Madame Adèle, ceux de sexe féminin, qui de près ou de loin avaient un comportement et / ou une attitude, comparable à l'une ou l'autre de ces deux personnalités très particulières de La Calle. Il faut savoir que le qualificatif de Babasse était aussi employé couramment à La Calle, à l'endroit des simples d'esprit de tout ordre.

        Alors Jean qui étais-tu réellement ? Fils d'un Clergyman, ou un individu normalement constitué - peut-être ! mais constamment habité par les Jnouns.

        Comment était-il physiquement ? Personnellement je ne l'ai jamais vu ni connu puisque trop jeune à l'époque, mais en compulsant le petit Callois n°7 spécial fêtes de 1984, j'ai pu retrouver un article très intéressant de Monsieur Maurice COLLET, qui raconte le portrait de Jean Babasse avec beaucoup de précision et d'objectivité :

        " Chaque année, août me retrouvait à La Calle pour y jouir de la mer et taquiner le poisson ; mais le plus souvent je ne rapportais à mes beaux-parents que du menu fretin, quand je ne rentrais pas bredouille.

        J'étais d'autant plus vexé que papa Cardinale était un fin pêcheur et que depuis quelques jours un brave marin me prodiguait ses conseils.

        Pas très grand de taille, chandail bleu rayé plutôt douteux, pantalons retroussés jusqu'aux mollets, il avait drôle allure avec ses cheveux hérissés, sa barbe noire qui lui mangeait le visage jusqu'aux yeux ronds et peu expressifs et aux oreilles décollés en éventail.. Prolixe, il m'indiquait l'endroit où hier après un gros effort il avait ramené un pageot de 3 kg, et voilà 3 jours, en vingt minutes il avait tiré 3 loups magnifiques. Seulement, il faut bien engantcher votre amorce, posséder un bon salabre et du bromedje dont il me confia la recette dans le creux de l'oreille et repérer bien l'emplacement.

        De retour à la maison, en cachette je préparais le bromedje : sardines pilées, avec 2 ou 3 oursins, du fromage pourri et du sable. L'odeur forte du mélange me valut moqueries et sarcasmes. Qu'importe, le lendemain à 4 heures avec tout mon attirail tel Tartarin, j'étais à mon poste. Hélas à 8 heures, quand mon pescadou arriva, je n'avais attrapé que 3 poissons bons pour les chats.

        Pas de chance, me dit-il, cette nuit je n'ai pris qu'une murène, superbe il est vrai, et une douzaine de poissons, friture pour régaler mes clients. Vos clients, lui dis-je ? Comment, répondit-il, vous ne me connaissez pas ? Je possède 200 hectares de vignes et le grand hôtel de 80 chambres. Le dimanche j'ai plus de cent couverts à servir et mes deux chefs de cuisine ne chôment pas.

        De retour à la maison, quand je lui décrivis la scène, maman Cardinale pourtant très calme, partit d'un rire inextinguible pour me dire : " votre fameux pêcheur est l'innocent du village et se nomme Jean Babasse. "

        Les singulières histoires de Jean Babasse sont nombreuses et auraient mérité d'être consignées dans le grand livre d'or des souvenirs du Bastion de France. Mais hélas ! ceux qui auraient pu nous les enseigner et qui représentaient encore la mémoire vivante de La Calle, ne sont aujourd'hui plus de ce monde. Alors contentons-nous des quelques bribes de conversation entendues ça et là, ou rencontrées sur les bords du chemin de la vie… C'est bien comme cela qu'il m'a été donné un jour, de récupérer par un heureux des hasards et de sauver in extremis de l'oubli, une de ces divines perles signée en toutes lettres de noblesse - par l'illustre et légendaire Jean Babasse soi-même :

        " C'était à La Calle dans les temps anciens où des balancelles à voile en provenance d'Italie, relâchaient régulièrement dans notre port pour charger du charbon de bois. Celui-ci était depuis toujours, entreposé en vrac et bien au sec par leurs propriétaires, dans des locaux situés quelque part sur la presqu'île.

        Un beau jour un de ces navires entra dans le port, dans le but de remplir rapidement ses cales du combustible tant convoité, qui manifestement faisait gravement défaut en Italie. Mais pour se faire, la présence du négociant était bien entendu nécessaire, afin que la transaction puisse pleinement se réaliser. Cependant, il faut dire que c'est à ce moment-là, que l'équipage ne devait trouver pour tout comité d'accueil sur les quais, qu'un singulier personnage à la tenue négligée portant une barbe noire bien fournie et qui d'autorité se présenta comme étant le propriétaire du stock de charbon recherché. Puis, infiniment royal, il donna au capitaine sans aucune difficulté et sur-le-champ, l'autorisation de charger la balancelle.

        Ce faisant et sur ces entre-faits, alors que Jean Babasse - car c'était bien lui ! - s'était enfui vers de nouvelles aventures, le véritable propriétaire du charbon fit soudain irruption dans les lieux, pour constater avec une fureur bien compréhensible, que les marins italiens étaient en train de proprement le dévaliser. Le patron du bateau surpris comme on peut s'en douter, ne savait plus sur quel pied danser et désespérément tentait par tous les moyens d'expliquer au maître des lieux, qu'il avait eu l'autorisation officielle de charger par le propriétaire en personne ! Alors comment ne pas deviner, que c'était là une fois de plus l'œuvre de Jean Babasse ! ?"

Quelle était cette affection étrange qui hantait Jean Babasse ?

        A La Calle dans le beau langage napolitain populaire, on appelait ce type de personnage : un SCHPAKOUN ( spaccone en langue italienne : vantard - grand bluffeur ) ! Ce terme est devenu par la suite en se francisant : Schpakeur ( celui qui se vante et bluffe ) et Schpake ( la vantardise - le bluffe ) !

        Mais attention mes amis ! Il y avait à La Calle dans l'échelle de la schpake et comme un peut s'en douter, une sacrée différence entre le SCHPAKOUN vrai et le Schpakeur vulgaris, suivant les différents degrés qui affectent le comportement de ces individus. En quelque sorte imaginons un moment une pyramide virtuelle, remplie jusqu'à son sommet de personnes affectées par cette tendance habituelle. Au fur et à mesure que l'on s'élève, la densité de ce type de citoyens diminue alors que s'aggrave leur tendance à schpaker et lorsqu'on arrive enfin au sommet, il ne reste qu'un nombre restreint de Schpakouns qui eux relèvent véritablement de la pathologie psychiatrique.

        Ainsi sont représentés les gens qui ont tendance à schpaker :

        - Très nombreux à la base : ceux qui schpakent à minima - ce qui est le cas de bien d'entre-nous !

        - De moins en moins nombreux, dés que l'on monte vers le sommet : ceux qui schpakent toujours un peu plus en fréquence et intensité.

        - Exceptionnels et très limités, lorsque l'on atteint le haut de la pyramide : c'est le cas typique de Jean Babasse.

        En psychiatrie cette affection bien connue, porte le nom très évocateur - de délire d'imagination : voilà en deux mots de quoi était affecté le Sieur Jean Impérato - alias, le Babasse de la presqu'île de France.

        Cette psychopathologie qui est de caractère héréditaire, se manifeste très progressivement pendant l'enfance et l'adolescence, pour acquérir la totalité de sa symptomatologie à partir de l'âge 20 ans. Le patient se met alors à vivre pleinement dans un monde imaginaire qu'il se construit au coup par coup - au gré de sa fantaisie - des circonstances du moment et de ses désirs profonds le plus souvent refoulés… etc. Ce qu'il y a de très caractéristique et que l'on retrouve bien dans le cas Jean Babasse, c'est cette faculté de toujours raconter et faire partager ses rêves extraordinaires, en donnant un caractère singulièrement authentique à son discours imaginaire.

        Au cours de chaque épisode délirant, le patient n'a aucunement le désir de mentir ou de tromper ses interlocuteurs : il rêve et joue sincèrement son rôle sans tricher et avec beaucoup de réalité. Après tout dirons-nous, que font tous les comédiens et acteurs lorsqu'ils interprètent une œuvre ? Sinon d'endosser la peau d'un personnage qui n'est pas la leur et de le faire croire au public, mais aussi parfois à eux-même… Que font les écrivains dans leurs œuvres ? Sinon de raconter ou de bâtir comme vrais, des récits tirés de leur imaginaire qu'ils arrangent toujours à leur manière, en schpakant abondamment et sans se gêner comme tous les communs des mortels…

        Comme le décrit si bien M. COLLET, le tableau de Jean Babasse nous montre : une drôle d'allure et une tenue vestimentaire négligée, des cheveux hérissés et des oreilles décollées en éventail, une barbe noire qui lui mange le visage, avec des yeux ronds inexpressifs… Mais il est prolixe au plus haut point et son bavardage est parfaitement structuré, puisqu'il ne fait que discourir sur des thèmes toujours fantasmatiques, ceux-là mêmes que lui enseigne et reflète son imagination délirante.

        Peut-on dire qu'il est absolument indispensable, que le Schpakoun ait un ou plusieurs interlocuteurs pour qu'il puisse librement schpaker ? Je répondrais à cette question par la négative. Dans la mesure ou cette créature délirante se schpake d'abord à elle-même, puis, convaincue de la réalité de son rêve, elle tente ensuite avec beaucoup de sincérité de le faire partager à autrui.

        Mis à part son délire d'imagination qui amusait et surprenait presque toujours l'entourage, ce personnage n'était jamais agressif et encore moins violent. Quelque soit les situations auxquelles il était confronté, son comportement restait toujours égal : calme, doux, serein, sociable… Subissant même sans broncher, toutes les nombreuses et fréquentes espiègleries des garnements du quartier, mais aussi parfois les quolibets et l'ironie des gens du village… Pour exemple, citons les exploits de la bande de Marc Patalano (+) alias le Marquis de la pépinière, qui se postait régulièrement sur le chemin de retour de Jean Babasse, pour tenter de faire voler en éclats les bouteilles de vin, qui dépassaient de son couffin par quelques coups de Tawata ( tire boulette ) bien appliqués… Alors il ronchonnait mais sans plus, contre les galopins qui s'enfuyaient à toute jambe et il continuait paisiblement sa route sans se soucier des dégâts causés au sein du panier.

        Je me souviens de l'avoir un jour évoqué avec ma tante Marie Costanzo Dinapoli (+), qui l'a bien connu autrefois dans sa jeunesse calloise. J'ai été très surpris et profondément intrigué, de l'entendre me dire avec une réelle et parfaite assurance, que les propos de Jean Babasse refléteraient peut-être d'une certaine authenticité : les vignes et les hectares de terrain agricole - l'hôtel et ses nombreuses chambres - sa flottille de chalutiers… Comme ma tante semblait presque y croire ! ? C'est alors que je me suis demandé où était la réalité et où commençait le délire d'imagination ? ! Ce que je suis parfaitement incapable de dire aujourd'hui !… Cependant je me pose parfois la question de savoir ? Si le Babasse avait eu vent de l'existence de son hypothétique géniteur, peut-être bien parce que dans son enfance ou au cours de son adolescence, sa mère lui aurait probablement un jour naïvement confessé sa faute ? Nous avons dit sans en apporter la preuve que son père présumé était un curé, d'où le sobriquet de Jean Babasse qui pourrait confirmer si besoin était - qu'il n'y a pas de fumée sans feu ! Probablement que ce prêtre était comme de coutume à cette époque, vraisemblablement issu de quelque haute bourgeoisie, donc, un homme par conséquent riche ou supposé tel, par l'imaginaire galopant du Babasse et de quelques-uns de ses auditeurs du moment ! Ceci expliquant cela, allez donc le savoir ?

        Jean Babasse est mort un jour comme il avait vécu : dans un complet état de dénuement et tout seul dans son taudis de la presqu'île. Mais malgré sa disparition depuis plus de 50 ans, sa mémoire est toujours aussi vivante dans les esprits, puisque, aujourd'hui encore, il nous arrive de l'évoquer avec il faut bien l'avouer, beaucoup de tendresse et de nostalgie. C'est pourquoi je m'en vais de ce pas, vous rapporter une belle et étonnante histoire, qui un jour, m'a été contée par notre ami Jean AQUILINA (+). Histoire, où, au cours de nombreuses et amusantes péripéties, Jean le Babasse apparaît dans toute sa splendeur, pour trôner au beau milieu du monde magique de ses rêves fabuleux :

        " C'était à La Calle de France vers les années 1925 / 1930 ( ? ) et le Babasse devait avoir atteint l'âge de 35 / 40 ans. Il vivait paisiblement à la presqu'île avec sa vieille maman, en prêtant régulièrement ses services à ceux qui le lui demandaient, contre quelques modestes rétributions faites rarement en argent et le plus souvent en nature. Depuis longtemps déjà, son délire d'imagination avait pris possession de sa personnalité, mais, Jean Babasse, ne semblait pas en souffrir bien au contraire. Son monde à lui était toujours merveilleux, fantastique, plein de promesses et rempli d'espoir… L'univers qu'il tirait des profondeurs de sa conscience, faisait de lui l'homme qui possédait les plus précieuses richesses de la terre - les plus beaux et grands honneurs concédés par ses semblables - les plus merveilleux et rares exploits inscrits en lettres d'or à son prodigieux palmarès… En somme toute la fantaisie des folles utopies enfouies dans le mystère des méandres de son cerveau délirant.

        Comme je l'ai déjà indiqué précédemment, son délire d'imagination ne lui appartenait pas totalement en propre et pour que celui-ci puisse pleinement se réaliser, la condition nécessaire et suffisante était qu'il le raconte et le fasse partager aux autres. En cela, Jean le Babasse ne se gênait guère, puisque, cette communication particulière, était tout naturellement pour lui un souci de tous ses instants. Comme on peut s'en douter, si les histoires de notre héros ont durant longtemps amusé le peuple de La Calle, il s'est tout de même trouvé un jour, qu'un bon nombre de personnes agacées par ce Schpakoun de Jean Babasse, décident de se liguer gentiment mais fermement contre le personnage, avec l'intention louable de lui administrer une bonne leçon de conduite et de le ramener - pensaient-ils ! ? - à la réalité existentielle présente de ce bas monde. "

Voilà en quelques mots comment l'histoire a commencé !

        " Un beau jour toute une bande de joyeux Callois, s'était réunie pour prendre entre amis un solide apéritif dans un café du village. C'est alors que tout à fait par hasard, Jean le Babasse vint à passer à proximité. Il faut dire que notre homme qui était bien connu de tous, même s'il attirait souvent des quolibets sur sa personne, n'en demeurait pas moins estimé par la population Calloise, où, jamais au sein de la cité, il n'a été humilié ou insulté voire violenté par qui que ce soit. Voilà pourquoi, sa présence fut saluée par de grands cris et une abondance de gestes amicaux, pour se voir tout naturellement invité à se joindre aux joyeux drilles du moment…

        Accoudé au comptoir et bien entouré par une assemblée très attentive, dont manifestement il assurait de droit et d'autorité la présidence, le Babasse parfaitement à son aise et comme de coutume, commença à débiter avec beaucoup de sérieux et d'application, quelques-uns de ses récits extraordinaires dont lui seul avait le secret - à la grande joie et satisfaction de toute l'assistance.

        Quel acteur bourré de talents il aurait pu faire ce Jean Babasse et quel fabuleux auteur de romans fantastiques ne serait-il devenu, s'il avait eu la chance d'apprendre à lire et écrire dans sa prime jeunesse !

        Pour toute la compagnie présente ce moment privilégié était bien agréable et les fantastiques récits du Babasse infiniment captivants, mais, après quelques apéritifs accompagnés de kémia, soudain ! autour du Babasse les visages se firent graves et empreints d'inquiétude… Un moment, un silence pesant tomba tout à coup sur l'assemblée, ce que notre héros devait faire naïvement remarquer au beau milieu d'une de ses envolées imaginaires. Profitant de l'occasion c'est à cet instant précis que les plus vieux de la bande, interpellèrent le Babasse d'une voix qui se voulait pathétique voire suppliante, pour lui faire-part de leurs craintes et préoccupations du moment : "Il n'y a que toi Jean, lui disaient-ils, qui peux nous aider à combattre un très grave danger qui menace toute la région !" Nullement impressionné par ces propos et à la manière d'un Don Quichotte de la Mancha ou d'un Tartarin de Tarascon, le Babasse redressa fièrement sa tête hirsute en forme d'interrogation, pour faire jaillir de son regard toute la vaillance et la hardiesse de sa royale personne.

        Faisant cercle autour de lui chacun des membres de l'assemblée du moment, entamèrent tour à tour un récit effrayant où il était question d'un énorme et féroce serpent à 7 têtes, qui depuis quelques jours semait la terreur dans la population du village de Blandan et alentours… Des femmes, des enfants et des bêtes, étaient tous les jours enlevés pour être ensuite retrouvés affreusement mutilés par le monstre… Des battues avaient bien été organisées par des chasseurs, mais à chaque apparition du sinistre reptile, une panique générale s'emparait de tous les hommes et faisait détaler à toute jambe même des plus audacieux… Il faut dire que la bête immonde crachait paraît-il, des flammes sur plusieurs mètres à la ronde, tantôt, par quelques-unes seulement de ses têtes hideuses, tantôt, par les 7 têtes en même temps… Et patati et patata…etc. etc. La désolation et le désespoir régnait autour de Jean Babasse, les uns se lamentaient, les autres priaient sainte Barbe et tous ne savaient plus à quel saint se vouer… Sinon à Jean le Babasse !…

        Bien installé sur son siège et sirotant béatement son verre de blanche Anisette, le Babasse réfléchissait calmement les yeux perdus dans le lointain, visionnant manifestement les images fantastiques de son fidèle cinéma intérieur. A un moment, il leva avec autorité son bras protecteur au-dessus de l'assistance, pour apaiser le peuple et réclamer le silence. C'est alors que sans aucune transition, il devait posément se lancer dans une déconcertante et singulière narration dont lui seul avait le secret, pour indiquer avec une belle assurance à qui voulait l'entendre, qu'il connaissait très bien le monstre à 7 têtes, pour l'avoir autrefois combattu de l'autre côté de la mer sur les terres de Provence, lorsqu'en 1914 il avait été appelé pour la guerre contre les Germains ! ? Que lui seul et lui seulement, connaissait le moyen infaillible de terrasser la bête, ou de la faire fuir du pays sans espoir de retour ! ?…

        Je laisse imaginer l'ambiance qui régnait au sein du café : des toux simulées, pour étouffer les éclats de rire naissants qui ne demandaient qu'à exploser, des visages hilares, qui peu à peu se congestionnaient à force de retenir à grand peine leur hilarité…

        Mais loin de remarquer ce spectacle d'un comique inénarrable, le Babasse continuait allègrement sa chevauchée fantastique, toujours sans se lasser et avec force détails… Jamais il ne devait se contredire ou s'embrouiller sur sa glorieuse lancée à la grande joie de l'assemblée, à vraie dire quelque peu décontenancée par l'imagination débordante de Jean Babasse dont les propos empreints d'une parfaite authenticité, n'étaient pas très loin de faire croire à la réalité de cette supercherie, montée de toute pièce par les gens bien intentionnés du village… C'est dans une ambiance survoltée au milieu des huées et couvert par les applaudissements de la foule, que le Babasse accepta officiellement la dangereuse mission, qu'il était vraiment le seul à pouvoir accomplir avec succès.

        Ainsi à la quasi-unanimité, l'opération fut alors décidée pour le Dimanche suivant et un pacte immédiatement scellé devant une ultime Anisette de l'amitié, où un comité d'organisation de cinq membres + 1 président - devait sur-le-champ se constituer.

        Cette petite assemblée étaient chargées de veiller à l'organisation et à la bonne marche de l'opération serpents à 7 têtes avec pour mission :

        - de fournir les armes de combat - et ce fut 2 grands sabres de cavalerie fournis par le Caïd du Lac Oubeïra.

        - de mettre à disposition les moyens adéquats de protection corporelles du mercenaire - et ce fut une armure incomplète constituée d'un plastron protecteur et d'un grand casque métallique doté d'une visière rabattable sur le visage, prêtée pour la circonstance par le Capitaine Brunet alias Mouche à miel.

        - de prévoir la nourriture nécessaire au combattant - et ce fut un couffin avec du pain, du vin, quelques tomates, des oignons frais, des anchois, des olives noires piquantes et une grosse pastèque bien mûre, gracieusement offerts par tous les commerçants du village.

        - d'assurer le transport aller-retour La Calle / Blandan - et ce fut par le chemin de fer à vapeur, qui assurait régulièrement la ligne Bône-La Calle et retour, aux frais de la municipalité.

        - d'organiser et d'informer la population, les membres du cortège officiel et de la fanfare municipale, qui devaient conduire en grande pompe le Babasse de son domicile de la presqu'île à la gare - et ce fut, le tambour du village qui aboya la nouvelle aux 4 coins de la cité - une convocation des membres de la municipalité en place et des musiciens de l'harmonie Calloise en grand complet.


        C'est bien tard dans la soirée que chacun rentra chez lui, l'esprit en ébullition et le cœur en fête en rêvant à cette journée dominicale, qui devrait d'une part amuser follement la population Calloise, mais aussi et surtout donner à Jean Babasse une bonne leçon de sagesse, qui semble-t-il lui ôterait incontestablement cette fâcheuse tendance de CHPAKOUN.

        Dimanche fut vite là et dés le lever du jour, le village rentra en effervescence et les rues de La Calle bien animées. Heureusement que s'était un jour de repos et que par conséquent personne ne travaillait, sinon cette affaire aurait pu paralyser gravement toute l'activité du village… Là-bas à la presqu'île, ils étaient nombreux à caparaçonner le Babasse de son semblant d'armure et d'installer les deux grands sabres à sa ceinture, qui en l'occurrence était un solide cordeau de pêche lié sur l'abdomen. Dans le lointain hurlait la sirène du moulin et sonnaient en carillon les cloches de saint Cyprien. Dans l'église on se préparait semble-t-il à célébrer une messe et réciter des prières de circonstance à l'intention du héros. Sur la place de la presqu'île, déjà le cortège s'organisait au milieu de l'hilarité générale et dans une ambiance de liesse très inhabituelle… C'est alors que soudain dans un grincement triomphant, une grande porte s'ouvrit brusquement sur la rue pour laisser apparaître fier et altier, Jean Babasse, les pieds nus et tout bardé de son semblant d'armure, armé des deux grands sabres de cavalerie tellement longs qu'ils traînaient jusqu'à terre.

        Un tonnerre d'applaudissements, de huées diverses et de coups de sifflet stridents retentirent un moment dans les lieux et enfin le cortège s'ébranla lentement vers la gare, salué au passage par les sirènes des chalutiers : le Babasse une main sur la hanche et l'autre sur le pommeau d'un sabre, ouvrait la marche la tête haute, le torse bombé, les épaules rejetées en arrière en arborant de sa personne une majesté non dissimulée… Suivait de près les officiels et de la fanfare municipale qui dans un ordre parfait, lançait dans les airs de bruyantes et mélodieuses marches aux accents guerriers… Sur le parcours de ce défilé fantastique, ce n'était que cris de victoire, applaudissements à tout casser, coups de sifflet retentissants et rigolades de toute sorte, que la foule en liesse dispensait sans compter, au courageux sauveur de la nation Calloise.

        Sur les quais de la petite gare où l'on avait tendu des banderoles à la gloire du Babasse et installé plein de petits drapeaux multicolores, le maire en écharpe tricolore débita avec bien des difficultés, tant il était assailli par une irrésistible envie de pouffer de rire, un petit discours de remerciement, d'encouragement et de félicitations à l'endroit - de Jean le Babasse le héros de la cité du Corail. Lorsque le petit vapeur reçut enfin son hôte de marque, le convoi s'ébranla lentement en soufflant et sifflant tant qu'il pouvait sous les vivats de la foule, pour disparaître enfin après avoir franchi le petit viaduc métallique qui menait au cimetière chrétien…

        Pour l'heure et pour tous, ce canular général se terminait par le départ de notre héros national, vers une destinée dont d'aucuns pariaient d'avance qu'elle ne pouvait que ramener sur terre Jean le Babasse et le corrigerait enfin définitivement de ses Schpakounades chroniques… Puis la vie repris son cours normal et comme c'était le jour du Seigneur, le petit peuple du Bastion devait tout naturellement s'adonner aux joies des parties de boules et de belote... en un mot profiter pleinement du complet farniente, pour oublier Jean le Babasse et le serpent à 7 têtes de Blandan.

        Quelques jours passèrent où l'on ne revit pas notre homme… Était-il rentré à bon port de Blandan ? Avait-il trouvé la plaisanterie un peu amère à son goût, puisque certains avançaient qu'il boudait méchamment dans un coin de la presqu'île ?… Le soir dans les cafés chacun disait la sienne et supputait à qui mieux-mieux sur cette soudaine et inexplicable disparition. Après tout, peut-être que le monstre à 7 têtes existait bien et qu'il aurait probablement fait passer le pauvre Babasse de la vie à trépas au cours de l'expédition ? D'ailleurs Jean Babasse ne leurs avait-t-il pas indiqué, qu'il avait déjà combattu cet énorme serpent sur les terres lointaines de la Provence métropolitaine ? Alors que mi-figues mi-raisins la population calloise qui se perdait en conjectures, commençait à se faire sérieusement du mauvais sang, soudain et sans crier gare notre héros réapparu de nouveau dans les rues de La Calle… Comme on peut parfaitement le comprendre, une certaine gêne devait alors s'installer dans l'assistance, compte-tenu de l'énorme supercherie concoctée par certains et mise en scène par tous…

        Jean Babasse cependant et à la surprise quasi générale, devait affecter un comportement qui ne pouvait souffrir d'aucune remarque : calme et serein, courtois et souriant, toujours aussi serviable et empressé… Tout cela, comme si rien ne s'était passé dans les jours précédents ! Curieusement, ceux qui le rencontraient au hasard des rues du village étaient surpris de l'attitude du Babasse, qui apparemment était sorti de son délire chronique d'imagination, puisqu'il ne racontait plus à personne toutes ses belles histoires à dormir debout, qu'on avait l'habitude de lui entendre dire et qui mettaient joliment en exergue toute sa personnalité. En quelque sorte, ce n'était presque plus le Jean Babasse connu dans toute sa splendeur : un peu comme si l'on avait privé la méditerranée calloise, de toutes ses plus belles fleurs de corail… Quelle horrible déception et quelle perte immense pour le village !

        Alors qu'un soir à l'heure de l'apéritif notre homme croisait devant un bistrot, il fut alors amicalement interpellé par les consommateurs qui en réalité voulaient très sincèrement faire acte de contrition, pour se rattraper de l'énorme farce fomentée à l'encontre ce brave individu. Peut-être bien aussi désiraient-ils juger en personne, de la réelle efficacité de cette thérapeutique particulière pour combattre les tendances répétées du Babasse aux schpakounades ? Mais juste au retour des choses, ô, combien ! ils allaient être abondamment surpris, tous ces petits plaisantins du dimanche précédent !

        Jean Babasse entra calmement dans les lieux, en saluant tout le monde avec beaucoup de simplicité et de gentillesse. Dans le même temps il devint le centre d'intérêt et la curiosité de tous les présents, qui devaient faire rapidement cercle autour de lui alors qu'on lui offrait généreusement à boire. De fil en aiguille l'assemblée qui ne tenait plus en place, commença avec beaucoup de prudence et de délicatesse, à orienter habilement la conversation sur la bête à 7 têtes. Puis s'adressant au Babasse, ils tentèrent un instant d'en savoir un peu plus… Loin de faire des reproches acerbes ou de lancer des invectives à la face de tous les présents, Jean Babasse devait alors s'asseoir confortablement au milieu de la foule, pour revêtir sa tenue habituelle et jouer une fois de plus, une scène imaginaire aux accents doués d'une parfaite authenticité. Avec son verre d'Anisette à la main et son verbiage d'un autre monde, à la satisfaction quasi générale le Babasse réapparu alors dans toute sa splendeur d'antan.

        Dans un silence religieux, il devait évoquer toutes les péripéties et les surprises qu'il rencontra au cours de l'expédition :

        Je suis bien arrivé à bon port au village de Blandan où un accueil de héros national m'avait été réservé. Il y avait à ma descente du train, toutes les autorités civiles, religieuses, militaires, les enfants des écoles et même le Préfet venu spécialement de Bône, ainsi qu'une foule en liesse qui m'attendaient depuis le matin. Après les discours d'usage et diverses congratulations, un peloton de gendarmes à cheval en tenu d'apparat m'a conduit sur les lieux où le monstre sévissait depuis un bon moment déjà… Sans perdre de temps je baissais la visière de mon casque, pour me mettre courageusement à la recherche du serpents à 7 têtes, en me saisissant fermement d'un sabre dans chacune de mes puissantes mains… A ce moment là, le Babasse arrêta son discours les yeux perdus dans le vague… Dans l'assistance impatiente, on entendit des voix qui s'élevaient : " alors ? Alors ?…Disaient-elles. "

        Alors ? ! Jean le Babasse partit dans une envolée fantastique, qui devait laisser tous ses auditeurs suspendus à ses lèvres et muets de surprise :

        Le monstre ? Je n'ai pas eu à le chercher très longtemps ! Il était là, tapi en silence à m'attendre dans les bois de chênes liège, bien embusqué dans les épais fourrés. Son corps était aussi gros et long que le tronc des palmiers du cours Barris et il balançait en sifflant chacune de ses 7 têtes hideuses et féroces au-dessus des buissons épineux qui encombraient le sol. Ses yeux de braise étaient terribles à voir et de ses gueules béantes hérissées de crocs étincelants, sortaient parfois en de sinistres sifflements, des jets nauséabonds d'une fumée noire et blanche… Dans la forêt tous les animaux avaient fuit et un silence de mort s'était installé. Moi qui l'avais déjà affronté en Provence, comme toujours je restais calme et serein. J'étais surtout bien décidé d'en découdre avec ce carnaval à 7 têtes, qui s'était permis de venir semer la panique dans toute la contrée.

        Soudain le monstre se dressa en hérissant ses têtes dont la gueule commençait à cracher des flammes aveuglantes. Moi avec un sabre dans chaque main pointé vers le reptile, je me suis immédiatement mis en position de combat… Traîtreusement, la bête tenta d'approcher l'une de ses têtes immondes pour tester ma défense, mais avec ma vivacité habituelle j'envoyais l'un de mes sabres qui fendit l'air, pour venir décapiter net la tête qui me menaçait dangereusement. Un moment surpris, le serpent se recroquevilla sur lui-même pour se camoufler un moment dans les buissons. J'ai pensé alors mais sans trop y croire, qu'il abandonnait la partie et que le combat était terminé… Pour lui peut-être ! Mais pas pour moi, Jean Babasse de la presqu'île, qui était venu spécialement de La Calle pour le terrasser.

        Une nouvelle fois Jean Babasse suspendit son discours et de nouveau dans l'assemblée on entendit : " alors ? Alors ?… "

        Alors ? ! Après un moment de répit, brusquement le serpent se redressa en écumant de fureur. C'est alors que je devais constater avec surprise, que le reptile avait toujours 7 têtes, toujours aussi fumantes et menaçantes … Mais je connaissais sa tactique, car, je me suis alors souvenu du monstre à 7 têtes, que j'avais combattu autrefois sur les terres de Provence. Je savais de longue date que cet animal avait un pouvoir étrange : celui de faire repousser spontanément chacune des têtes qu'on pouvait lui sectionner… Mais que cette faculté souffrait de quelques inconvénients : plus le nombre de têtes coupées était important, moins la régénération était rapide… Cependant, lorsque 6 têtes roulaient d'un coup au sol et qu'il n'en restait plus qu'une seule de valide, le serpent était alors définitivement vaincu et contraint de s'enfuir pour s'en aller crever dans sa tanière…

        Puisque sur ce point j'étais parfaitement informé sur l'adversaire, il ne me restait plus qu'à me lancer dans la bagarre, pour lui couper en deux coups de mes deux sabres et autant de fois qu'il fallait le plus possible de ses têtes monstrueuses, avant qu'elles ne repoussent rapidement à l'identique… Malgré la combativité, les ruses ignobles et la traîtrise du monstre, je devais le mettre facilement hors d'état de nuire, en trois coups de mes longs sabres… Le reptile devait alors s'enfuir péniblement en me criant qu'il retournait sur ses terres de Provence, pour ne plus jamais risquer de me rencontrer sur son chemin… C'est alors que les animaux de la forêt accoururent joyeux de tous côtés, pour venir chaleureusement me remercier de les avoir enfin débarrassés des tourments que leur faisait subir l'affreux et cruel serpents à 7 têtes… J'avais rempli ma dangereuse mission et c'est à ce moment que je quittais les lieux avec modestie et en toute humilité, pour rentrer le jour même dans ma bonne ville de La Calle, en chevauchant un magnifique et fier cheval blanc qui m'attendait en hennissant à l'orée du bois. C'est à la nuit tombée que je suis arrivé incognito dans notre cité et dans la plus grande des discrétions - comme vous avez pu tous le constater.

        Son récit fabuleux terminé Jean Babasse tira alors le rideau sur ses rêves fous, pour se lever calmement et quitter les lieux sans se presser avec une importance non dissimulée, et mettre ainsi un point final à sa singulière narration… Dans le café toute l'assemblée présente restait abasourdie et pensive, ressassant le récit invraisemblable de ce personnage bien étrange…

        Un constat général devait tout naturellement amener à la conclusion, que toute cette laborieuse mise en scène qui devait aboutir à une supercherie, qui se voulait d'abord amusante pour le peuple, mais d'abord et surtout salutaire pour la santé mentale du Babasse, avait été mise proprement en pièce par l'imagination galopante de ce dernier… Alors d'un commun accord et à l'unanimité, il fut décrété que puisque Jean Babasse était un Schpakeur invétéré - peut-être ! - mais assurément doué d'un très grand talent de conteur, il fallait dorénavant lui foutre la paix et le laisser en toute liberté sur le chemin de ses rêves imaginaires.

        C'était autrefois, là-bas, à La Calle Bastion de France sur les côtes de Barbarie : un paradis terrestre béni des Dieux, où naissaient parfois des rêves les plus fous, mais où ne cesse de refleurir le corail depuis la nuit des temps.

        Lorsque je pense parfois à Jean Babasse de la presqu'île, je dois avouer humblement qu'au terme de mon analyse psychologique du personnage, j'ai toujours très envie de crier très fort par-dessus les vents de l'histoire, que :

        Nous sommes tous des Schpakouns !

        Plus ou moins je m'entends ! Mais schpakouns quand même… Car enfin, que le premier d'entre-nous qui n'a jamais schpaké au moins une seule petite fois, me jette la plus grosse des pierres du chemin… Bien-sûr dira-t-on ! le cas de Jean Impérato ne courre pas toujours les rues, mais cependant c'est une réalité qui existe et bien plus souvent qu'on peut se l'imaginer.

        A La Calle il y en avait quelques-uns de bien connus, mais qui n'arrivaient pas à la cheville de la réputation du grand et de l'immense Jean Babasse. J'en veux pour preuves quelques bribes d'anecdotes croustillantes à souhait, qu'il m'a été donné d'entendre ça et là aux quatre coins de mon existence :

        Un grand et beau garçon du Bastion de France, se flattait sans vergogne qu'il avait un jour vidé le lac Oubeïra de la totalité de son eau, à l'aide d'un grand seau de métal ! ? Je me suis demandé si le seau était enchanté ou si par un heureux des hasards, l'exploit ne s'était pas réalisé au détours d'une longue période de sécheresse alors que le lac était à sec ? Et schpake !

        - Un homme déjà mûre au beau prénom d'Auguste, racontait toujours avec un parfait détachement, que pendant la dure campagne d'Italie de 1943 /44, il avait fait un séjour dans la belle ville de Milan où, un beau soir d'été avec tous ses camarades de chambrée, ils décidèrent de se rendre à la Scala pour écouter un opéra du grand Giuseppe Verdi… La salle était comble à tous ses niveaux et les musiciens depuis longtemps installés en bonne place dans leur loge. Mais cependant, le spectacle se faisait attendre à la grande surprise de tous. Alors au bout d'un long moment, Auguste décida de se lever pour s'en aller trouver les organisateurs et s'enquérir des raisons de ce retard inadmissible. Il lui fut répondu que l'on venait d'apprendre avec stupeur, que le chef de musique était bien malade et qu'il ne pourrait pas assurer la direction du grand orchestre philharmoniques. Auguste qui était doué d'une grande serviabilité, indiqua alors qu'il était un excellent musicien bien connu et ses qualités de chef très appréciées sur les terres d'Afrique et que l'opéra de Verdi qui devait se jouer ce soir-là, n'avait pas pour lui le moindre secret. Comme de bien entendu, la direction de l'opéra supplia Auguste d'assurer le remplacement du chef déficient. Voilà comment un beau soir, la direction du grand et célèbre orchestre philharmonique de la Scala de Milan, fut autrefois conduite d'une main de maestro par un Callois nommé Auguste Gristi… Et schpake !

        - Plus récemment lors d'un rassemblement sous chapiteau un Callois Parisien devait arriver en avion à Hyères. Je m'étais fait un devoir et un immense plaisir d'aller le chercher, pour le conduire dans un grand hôtel de la presqu'île de Giens où notre ami s'était tout bonnement fait passer pour un ambassadeur. Je laisse imaginer la suite du séjour dans cet établissement huppé, de ce Callois qui était surtout comme nous le savions déjà, le digne ambassadeur de Jean Babasse… Et schpake !

        - Combien de jeunes gens rêvant d'être des Roméo, racontaient autrefois qu'ils avaient par une nuit douce et étoilée, bravé tous les dangers pour venir enjamber un balcon et séduire une charmante et mignonne dulcinée… Et schpake !

        - Combien de capitaines valeureux, fantasmant à l'infinie sur des courses lointaines, nous ont quelques fois entraîné dans le sillage de leur fertile imagination … Et schpake !

        - Je n'oublie pas ce directeur d'école calloise qui était suivant ses dires et à la grande admiration de ses jeunes élèves, champion de tout et en tout genre : boxe, chasse, pêche… Et schpake.

        Mais en définitive ce qu'il y a de curieux et d'amusant à la fois, c'est cette étonnante partie de pile ou face qu'il faut entreprendre, lorsque l'on est confronté à la schpake ? Car il faut bien savoir que les propos tenus par ces personnages, peuvent parfois se révéler véridiques ou bien comme c'est souvent le cas tout simplement fallacieux. Le discours du schpakoun paraît tellement sincère, qu'on peut même en arriver à le croire vraiment. A contrario connaissant la réputation de l'individu, d'emblée son histoire sera balayée d'un revers de main accompagné d'un sourire narquois… Mais attention, mes amis mes frères ! Sachez discerner le vrai du faux, ce qui n'est certes pas très facile je le conçois parfaitement. Car dans son discours le schpakoun a le beau rôle et ceux qui daignent l'écouter ne savent souvent plus s'il faut le croire ou non !

        Pour résumer la chose, voilà en pratique ce qu'il faut retenir des propos d'un schpakoun :

        - il peut parfois dire la vérité et personne ne le croit.

        - il peut souvent dire des mensonges et tout le monde le croit.

        - il peut aussi dire des mensonges et personne ne le croit.


        Et moi ! ? Moi, celui qui schpake abondamment, depuis le début de cette histoire faite à l'origine de quelques mots et de Jean Babasse ? Après tout pourquoi pas ! Les rois se succédant aux rois depuis que l'humanité existe, il doit bien en être de même pour les schpakouns de la terre entière ? ! Puisqu'en ce qui me concerne, je ne cesse de rêver et de m'imaginer à peu de frais, plein de grandes et belles choses à partir d'un rire, d'un accent, d'un mot, d'une odeur, d'une saveur, d'une clameur, d'une chansonnette, d'un visage souriant, d'un souvenir ancien … qui viennent spontanément embaumer la réminiscence des bons temps d'autrefois…

        Alors comme tous ceux qui écrivent je schpaque toujours un peu plus, surtout pour arrondir les angles aigus qui piquent et font souvent mal au cœur des hommes : je souffle sur les nuages qui masquent le soleil - je transforme les lamentations du bafoungne* en éclats de rire apaisants - je mélange judicieusement l'aigre et le doux, pour concocter une sauce subtile couleur corail - je peins toujours en rouge éclatant les divines macaronades du dimanche et en bleu tendre et léger les matins d'autrefois… Si pour réaliser tous leurs enchantements les jolies fées des contes fabuleux d'antan, faisaient appel à leurs baguettes magiques en récitant de secrètes incantations, moi, le schpakeur de la plume, je n'ai besoin pour m'inspirer que d'une sorcière fidèle et bien-aimée :

La Calle de France !

        Mais laissons maintenant Jean Babasse reposer en paix, quelque part dans le beau cimetière marin de notre cité où, je pense, que depuis bien longtemps déjà il ne fait plus de rêves insensés… Puisqu'il paraît que les morts ne rêvent pas et mourir n'est que la fin d'un rêve avant de partir vers le ciel, là, où tout près du Seigneur notre Dieu, le rêve apaisant des humains de ce bas monde, n'a plus aucune raison d'être. Alors comme Jean Babasse de la presqu'île et ses très dignes successeurs, schpakons avec nous même et avec les autres, schpakons abondamment avec joie et bonheur… C'est encore le seul moyen de bien rêver et de vivre heureux le temps qui passe.

Jean-Claude PUGLISI.
de La Calle Bastion de France
Giens le 02 juin 2004.

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Bône en Seine-Saint-Denis
Envoyé par M. A. Hamelin

"Texte de Nathalie Degen-Lahousse lauréate du concours de nouvelles "

        Nathalie Degen-Lahousse est née à Besançon en 1965, d'une mère Pieds-Noirs et d'un père appelé du contingent pendant la guerre d'Algérie.
        " Je dois la vie à la guerre./ " s'amuse-t-elle à affirmer.
        Ses parents se sont connus alors que sa mère était assistante sociale à Bône.
        Quittant Metz, son ancêtre, Edouard Degen, est arrivé en Algérie en 1871 et s'est installé à Guelma pour rester Français. Son père, Hubert Dumonchau, exploitait une ferme à Sedrata. Mariée et maman, elle travaille à Paris pour une entreprise d'édition juridique mais n'oublie pas ses racines remises à nus depuis la disparition de sa mère en 2019.
Marc Andreo

        " Le chagrin auquel il ne faut pas céder. Après plusieurs nuits sans sommeil, Cyprien et ses yeux cernés passent en revue la tonne des décisions à prendre, les appels téléphoniques à des personnes pour lesquelles il n'est rien mais qu'il va assurément faire pleurer, la masse des papiers à remplir. Il y a deux jours encore, elle était vivante, affichant un sourire de façade, quasiment un rictus, auquel elle ne l'avait pas habitué. Sa mère, morte en plein hiver dans une petite ville du Nord de la France.
        " Je suis orphelin maintenant ", constate-t-il machinalement, assis dans le hall d'une mai-rie dont la secrétaire vient de mettre la main sur son épaule. " M. Chautard, c'est bien ça ? " Cyprien se lève, salue, écoute d'une oreille les condoléances maladroites de la dame. " Vous avez la carte d'identité de votre mère ? " Cyprien fouille mécaniquement son porte-feuille.
        " Ah, je vois que votre mère était originaire de banlieue parisienne, comme moi ". Quelque chose s'éveille dans l'esprit embrumé de l'endeuillé. Un semblant de colère venue des profondeurs qui le fait répondre d'un ton sec.
        " Non, elle était née en Algérie. Elle était ce qu'on appelle une Pieds-Noirs ".
        " Dans ce cas, pourquoi avoir indiqué le 93 comme département de naissance ? ".

        À la perplexité de son interlocutrice succède un silence gêné que Cyprien connaît par cœur : il marque la plupart du temps l'incompréhension, parfois le désintérêt ou le mépris. Combien de temps encore devra-t-il trouver les mots pour évoquer, devant de parfaits inconnus, l'Algérie qui était française, la valise ou le cercueil, ce pays que l'on quitte en se retournant et qui hante les jours et les nuits d'une vie, la codification administrative qui rajoute du malheur à l'exil ? Sa mère est morte et ça continue.
        La fatigue se fait plus intense, qui l'oblige à s'affaler quelques instants après dans sa voiture. Les yeux clos, le voici projeté quarante ans en arrière, le jour de sa rentrée en sixième, au collège Boris Vian de Fives.
        " Cyprien, je peux vous demander pourquoi vous n'avez pas pris allemand comme première langue ? "
        " Je... "
        " Vous devez être bilingue, avec une mère allemande ! "
        " Hein ? Je... Mais non, ma mère est française ! "
        " Ah ! Excusez-moi, j'ai cru, vu qu'elle est née à Bonn ".

        Derrière ses lunettes, M. Durieux avait plissé les yeux en relisant la fiche de renseignements récupérée quelques minutes plus tôt. Cyprien, quant à lui, n'avait rien compris. Il n'était pas préparé, ce jour-là, à prendre un uppercut en plein coeur. Sa mère, qui était jeune encore, ses cheveux noirs frisés, son accent impossible, la couscoussière dans la cuisine, comment penser une seconde qu'ils aient pu venir d'outre-Rhin ?


        Il avait alors pris son courage d'enfant à deux mains pour répondre d'une voix ferme : " Oui, elle est bien née à Bône, mais c'est en Algérie, Bône ". Et avait immédiatement prié pour que ce dialogue de sourds s'arrête. Pourvu que lui, Cyprien, avec son pantalon en flanelle un peu court et ses chaussettes reprisées, n'ait pas à se lever devant les autres pour expliquer que Bône n'existait plus, que la ville s'appelait maintenant Annaba, que sa mère se considérait comme apatride mais qu'elle était née dans un département français métamorphosé en un pays étranger. Pourvu qu'il n'ait à parler ni de cette incongruité, ni de la guerre.
        " Désolé mais pour moi, Bonn est en Allemagne ".
        La réponse du professeur d'anglais avait fusé avec la violence d'une gifle. Elle avait ratatiné Cyprien sur sa chaise. Son voisin lui avait alors coulé un regard qui en disait long sur l'intérêt qu'il y avait à être assis près d'un garçon incapable de connaître le nom du pays où était née sa maman. Il avait vu M. Durieux l'examiner avec insistance par-dessus ses lunettes. C'est qu'il n'avait rien à voir avec les gosses du quartier. Avec sa peau mate, ses yeux marrons et sa petite taille, il déparait dans la classe. Soumis à ce regard inquisiteur, Cyprien avait rougi. Un doute s'était insinué dans son esprit quant à la certitude de ses origines : il allait devoir rapidement éclaircir cette histoire d'Allemagne.

        L'affaire avait été réglée le soir-même, grâce à l'atlas tendu par son père. Le lendemain matin, du haut de ses dix ans, Cyprien avait intégré le fait que les " Français de France ", comme disait sa mère, ne comprendraient pas l'histoire en miettes qui était celle de sa famille. Cela ne les intéresserait jamais. Lui, la trouvait pourtant belle, cette épopée orale, transmise par bribes au gré des confidences. Cette tragédie funeste, il se devait de l'apprendre par coeur pour l'apprivoiser, pour y comprendre quelque chose et la faire sienne. C'est ainsi qu'il avait délibérément choisi le camp de ces vaincus, de ces sans-terres que le reste de la population nommait désormais " Pieds Noirs " ; il lui faudrait toute sa vie défendre sa mère, afficher une fidélité sans faille à un passé qui appartenait à ces ombres sur la tombe desquelles il ne pourrait jamais se recueillir. Le mépris affiché par son professeur d'anglais avait porté du fruit.

        Quelques jours plus tard, dans la cour du col-lège, un gamin l'avait interpellé :
        " Hé toi, l'Algérien ! Si ta mère est née en Algérie, ça veut dire que t'es Algérien ! " A tout prendre, il avait de suite préféré l'attitude de M. Durieux à cette ignorance crasse qui soulevait maintenant une vague de rires chez les autres collégiens. Il aurait aimé rester imperturbable mais c'était sans compter avec ce caractère sanguin hérité de " là-bas ". Il avait donc lancé son cartable à la tête du malotru, l'avait gratifié de quelques coups de pied et avait pris deux heures de colle. A ses parents, inquiets de voir leur fils tourner voyou à peine entré au collège, il n'avait rien dit des raisons de la bagarre. C'était donc dans le plus grand secret qu'il avait défendu l'honneur des siens, celui de son ancêtre arrivé à Guelma en 1871 comme celui de son grand-père, parti de Bône en 1963. Une arrivée en Algérie et un retour vers Marseille, à quasiment un siècle d'intervalle, qui signaient l'une et l'autre l'évidence de rester Français.

        Il n'allait pas laisser quelques morveux salir cette transmission arrachée à l'histoire. Le voici qui se gare sur le parking du funérarium. Le ciel est bas, tout est moche. Sale endroit pour mourir quand on est né au soleil africain, se dit-il en entrant dans la pièce impersonnelle où sa mère repose. Elle est là, occupée à rester immobile, couchée sur ce lit dur, toute belle dans son chemisier en soie rose. Cyprien lui parle à l'oreille.
        " Maman, tu ne sais pas qu'à la mairie, ils m'ont fait le coup du 93 ?
        Heureusement que tu n'étais pas avec moi, tu te serais énervée comme avec ta carte d'électeur ".

        Pour qu'elle se sente moins seule, pour que le soleil entre enfin dans la pièce, son fils sort d'un grand sac le cadre habituellement accroché à l'un des murs de la chambre de la défunte. C'est une belle vue aérienne du petit port d'Algérie où sa famille passait les étés jus-qu'au grand départ. La Calle.


La Calle vue générale

        La photo montre la presqu'île et ses maisons serrées, le cours Barris et ses palmiers, " l'île maudite " et la mer, on y pressent la chaleur des journées occupées à nager et la brise qui joue autour du phare. A coup sûr certains y attendent, en grignotant des sardines sur les petits quais, le retour des bateaux de pêche partis à l'aurore.

        " Maman, tu vas être enterrée dans ce pays que tu n'as pas aimé et qui ne t'a jamais adoptée. Comme j'aurais aimé mettre dans ton cercueil un peu du sable de là-bas. Mais comment faire ! A chaque fois que j'ai émis l'idée d'aller en Algérie, tu t'es mise en colère. Tu disais c'est fini ". Pourquoi avait-elle besoin d'affirmer cela, d'ailleurs ? Personne n'y croyait, surtout pas elle. Un jour de vacances à La Ciotat, lors d'un ultime bain de mer, il avait croisé son regard qui fouillait l'horizon à la recherche de la terre natale. Cela n'avait duré qu'une seconde mais ce moment avait, pour lui résumé la vie de sa mère : le deuil de son Algérie n'avait jamais été possible car elle ne voulait pas s'y résoudre. L'interdiction formelle qui lui était faite, à lui, de visiter l'autre rive de la Méditerranée, s'expliquait par l'incapacité de sa mère à tirer un trait sur sa vie d'avant l'exil.


        C'est pour elle bientôt l'heure d'un autre grand départ. Cyprien se sent comme un fils indigne, incapable de donner à sa mère la sépulture qu'elle mérite. Ce sable, comme une barrière protectrice entre le corps tant aimé et la terre de France, aurait été comme une réconciliation, la paix enfin trouvée. Mais où aurait-il ramassé les grains de ce linceul ? . A la grande plage ? Sur la plage de l'usine ? A la Missida ? La plage Chapuis ? La Caroube ? Quelle était la plage préférée de sa mère ? A quoi ont donc servi les siècles d'oraison qui lui ont transmis l'Algérie perdue ? Il fouille sa mémoire à la recherche d'un indice.
        " Le nom de la ferme de ton père La ferme lorraine. Le bétail éventré par les fellaghas. Les glaces que tu mangeais à Bône les créponnés. La barque familiale Le Saint-Yves . La fête principale de La Calle la procession de Notre-Dame du Mont-Carmel. La balle destinée à ton père, à laquelle il échappe grâce à l'un de ses ouvriers.
        Ton adresse pendant la guerre place Alexis Lambert.
        Le surnom donné aux voisins Les Mabo, conduits de nuit en voiture à l'aéroport. La fille du docteur, morte de péritonite, enterrée dans la douleur par tout un village dévasté par le chagrin Lucette. Le regard voilé de ce jeune soldat blessé par une grenade lancée sur la terrasse d'un bar et amené à l'hôpital dans ta 2 CV.

        Le plan de la maison de vacances achetée sur ce " Bastion ", comme disait ta tante. Les oursins que vous mangiez sur les rochers. Le piano de ta mère, débité en petit bois par des hommes qui n'avaient jamais entendu jouer Chopin ".
        Rien. Pas de nom de plage, pas de sable. Il reprend, la voix enrouée.
        " Maman, de toute façon, pourquoi je cherche encore, je ne peux rien réparer ".
        Ce sera donc un ultime malheur dans cette histoire compliquée. Si elle pouvait répondre, sa mère hausserait les épaules en marmonnant : " Ce n'est pas grave. De toute façon, c'est fini ".
        Le téléphone de Cyprien vibre. Il sort sur le parking pour prendre la communication.
        C'est un employé des pompes funèbres " M. Chautard, j'appelle pour la pierre tombale de votre mère. Sur votre papier, je vois Bône écrit avec un o accent circonflexe mais je crois que ça s'écrit plutôt e-a-u, non ? C'est que je ne veux pas donner de mauvaises indications au graveur ". Cyprien raccroche sans répondre. Il retourne vers la morte, dont les yeux clos ne peuvent pas voir son égarement. Alors il crie ".
C.D.H.A.


LE MUTILE N° 128, 15 février 1920

Les Spéculateurs
               
O soldats, héros dont la gloire
                Fait à jamais briller le front,
                Entendez-vous ce bruit de foire
                Qui retentit comme un affront ?
                Aux jours de vos luttes sacrées,
                Vous tâchiez de hausser les cœurs ;
                Eux haussant le prix des denrées :
                C'est leur façon d'être vainqueurs.

                Quand le blessé montre sa plaie,
                Ils espèrent, en la pressant,
                En extraire de la monnaie.
                Ils tirent l'or de votre sang.

                Des rives rouges de la Marne,
                Aux rives rouges de l'Yser,
                Où le squelette se décharne,
                Où le champ n'est plus qu'un désert.

                Pourquoi donc, ô guerriers sublimes,
                Hélas ! Avez-vous combattu,
                Et sans plaintes, gravi les cimes
                Les plus belles de la vertu ?
                Avez-vous eu tant de souffrance,
                Avons-nous eu tant de douleurs,
                Pour que l'on fasse de la France
                Une caverne de voleurs ?
Maurice OLIVAINT.
               


PHOTOS de GUELMA
Envoyé par Diverses personnes

EGLISE DE GUELMA




EGLISE SAINT-AUGUSTIN





PALAIS DE JUSTICE




kIOSQUE A MUSIQUE





KIOSQUE A MUSIQUE




PALAIS DE JUSTICE







Où es tu, mon pays ?
Par Jean Pierre Ferrer

             Comment te dire que tu n'es plus là
            Je tends la main, je veux te sentir
            Je me couche, avide, sur toi
            Je te prends dans mes bras

            Ton parfum est en moi,
            Odeur d'épices.
            Je ne t'ai pas quitté
            Je ne t'ai pas oublié

            Comment le pourrai-je ?
            Aucun ciel au monde
            Aucune mer au monde
            Ne pourront te ressembler

            Ta pluie ne me mouille pas
            Mais mes larmes coulent sur toi
            Ton soleil ne me brûle pas
            Ta chaleur, même au Sahara

            N'est qu'une douce caresse
            Que dire du froid du Djurdjura
            Pourquoi m'as-tu laissé partir
            Pourquoi m'as-tu laissé m'enfuir

            Toi, Kader, toi Youssef, toi Farouk
            Vous mes amis, mes frères
            De toujours
            Toi Djemila, toi Ranhya, toi Keltouma

            Vous mes amies, mes sœurs.
            De toujours
            Sans un mot, vous m'avez vu avec ma valise,
            Monter dans l'auto de votre boulanger
            Et disparaitre au premier virage,
            Les larmes coulant sur mon visage

Jean Pierre Ferrer 26 mai 1962



" Algérie Française "
Par Monsieur Alain ALGUDO

S.A.R.L. ALGUDO ANTOINE
ET SES FILS PAUL ET ALAIN

MOSTAGANEM



Chantier de MARNIA
Extraction à ciel ouvert d'Argiles smectiques Bentonites.



Illustration 1: Notre chantier à ciel ouvert vu d'avion..

La commune de MARNIA située dans le département de TLEMCEN en ORANIE à proximité de la frontière marocaine fut d'abord un établissement phénicien puis un poste romain nommé " Syrorum " ou " Syr " appelé ainsi car créé par une unité recrutée en Syrie.

Puis ce fut l'invasion arabe et l'islamisation des autochtones berbères, le lieu fut alors nommé " Lala Maghnia " en l'honneur d'une sainte musulmane qui y vécut, y mourut et fût enterrée !

Le nom fût transformé en " MARNIA " lors de la colonisation française après 1830.

Ce n'est qu'un condensé d'une histoire très riche de ce qui fut un haut lieu de passage des différentes occupations coloniales vers le Maroc voisin.

Notre entreprise s'y trouvait avec une partie son matériel pour des séjours épisodiques, arrivant en convoi routier depuis Mostaganem (245 kms).

Ce fût un de nos plus beaux chantiers ! J'ai eu la chance et le plaisir de le diriger. Planté dans un décor de " western ", il fût aussi un des plus importants par la superficie du site exploité.

Un matériel lourd était nécessaire à une telle entreprise de découvert de veines d'argile enfouies sous plusieurs dizaines de mètres de terres mélangées à des galets roulés.


Illustration 2: Une partie du matériel lourd !

Dès 1954, après le début de l'insurrection, cette zone frontalière fût l'objet d'une surveillance particulière et pendant toute la durée de nos présences, la sécurité se détériora crescendo.

La construction d'un mirador s'imposa par prudence par la société (CECA Cie d'Exploitation et de Chimie Appliquée) propriétaire du site. Des gardes civils se relayaient nuit et jour car nous logions avec notre personnel, sur place, dans un bâtiment avec portes et fenêtres blindées.

Illustration 3: La tour de garde du chantier !!

En effet, nous avions renoncé à notre résidence dans la ville de MARNIA pour éviter le danger des allers et retours sur le chantier matin et soir.

Et pour cause, les autorités locales nous avaient avertis de la découverte de musulmans égorgés en bordure de la route que nous empruntions.

Règlements de comptes ? Nous n'avons jamais connu le résultat de l'enquête !

Ainsi, dans les ultimes années 50 une présence militaire étant nécessaire un " half track " équipé d'une mitrailleuse 12/7 stationnait régulièrement sur les lieux.




Illustration 4: Half track de l'Armée et garde armé en haut.

Certains soirs, tentatives de passages de la frontière évidents, une canonnade nous parvenait depuis la frontière marocaine proche, nous invitant à redoubler de prudence.

A proximité du " djebel Filhaoucen " haut lieu de repaires des rebelles, nous assistions parfois à la ronde des chasseurs T6 menant des opérations de pilonnage.

Cette région bénéficiant d'un climat très sec, nous étions rarement empêchés par les intempéries pour mener à bien les découverts de ces argiles extraites et transportées par nos camions à l'usine de la ville de MARNIA située à 15 kms des lieux.

Les journées commençaient par la mise en route des moteurs essence de lancement des moteurs diesel des engins Caterpillard Scrapers DW21, Bulldozers D8, et Allis Chalmer HD20 (pour les connaisseurs). Le plan de travail mis au point la veille avec le personnel pouvait alors débuter.


Illustration 5: Une coupe dans la montagne !

Les scrapers DW21 poussés par les bulldozers D8 et Allis Chalmers HD21 qui se remplissaient rapidement et filaient vers le lieu de vidange de leur chargement. Là, un autre bulldozer officiait en permanence agrandissant la plate-forme des dépôts des terrassements extraits plus loin.


Illustration 6: Engins en action de découvert !
Tôt, dans l'air frais du matin, avait commencé une ronde continue et, dans le fracas des moteurs, le découpage " en tranches " de la montagne se poursuivait ainsi toute la journée.

Illustration 7: Un scraper DW21 en cours de remplissage !
Finalement, dans les semaines qui suivaient, les couches d'argiles blanches recherchées, d'une pureté extraordinaire, étaient atteintes.

Illustration 8: Argiles blanches après découvert par les engins !!
Mais ce n'était que la partie haute du chantier, une route de suivi, aménagée par nos soins, aboutissait en fond de gisement où toute une noria de camions, chargée par une pelle en butte Nordest (maniée par Larbi DJANDIA notre " *Tarzan " ) se relayaient arrivant et partant sur l'usine de traitement. *(voir document Point Zéro!)
La journée se terminait par le moment le plus important, à savoir le ravitaillement en carburant et l'entretien, cérémonial journalier majeur pour le lendemain.
Comme sur nos autres chantiers une équipe spécialisée se mettait alors à l'œuvre avec l'aide des chauffeurs attitrés à chaque engin.
J'avais mis en place ce rituel car les conditions de travail présentes extrêmement difficiles, à fortes contraintes, ne laissaient aucune place à la négligence.
Tout était mené rondement sous la direction de notre responsable Diego GARCIA attaché au suivi et à la qualité de ces opérations vitales pour le matériel.

Illustration 10: Le temps de l'entretien journalier
des engins en fin de journée.

Et pour ce faire, toute une logistique suivait, pièces détachées, pneumatiques, carburant, mécaniciens, sans oublier l'intendance pour le confort du personnel et son ravitaillement, un cuisinier officiant sur place. En l'occurrence, c'était notre responsable de l'entretien qui en avait la charge. Comme on le constate, ce cher Diego était un élément de l'équipe de la plus haute importance !

Certains jours de repos, le silence revenu dans la montagne, j'ai vécu avec tout notre personnel de beaux moments de convivialité bien des fois ponctués par des méchouis préparés par nos spécialistes locaux.


Illustration 11: Un méchoui de fin de chantier pour tous le personnel !

Employeur et employés nous formions une équipe aussi unie qu'efficace pour la réalisation de ce gros œuvre au milieu d'une nature sauvage, aride et magnifique que troublait, hélas, cette omniprésente sensation d'insécurité.


Illustration 12: La Photo d'une partie de notre équipe
sous l'œil du PDG Antoine ALGUDO

Mais nos gardes, la-haut dans le mirador, veillaient sur nous et nous n'avons jamais eu à déplorer de perte ni d'ennuis, contrairement à notre chantier de l'Hachasta/M'Zila près de MOSTAGANEM où nous avons perdu un de nos gardes tué lors d'une attaque surprise des rebelles.

Je voudrais cependant ne pas terminer sans rendre hommage à tout ce personnel sans exception qui m'était très attaché et je le leur rendais bien puisque j'ai conservé des contacts avec certains d'entre eux longtemps après l'indépendance, des deux côtés de la grande bleue.

Le plus proche de notre famille étant notre cher Diego GARCIA qui résidait dans notre immeuble. J'ai eu l'immense tristesse d'apprendre récemment son décès par son fils Didier.

Alors Diego MERCI, merci aussi Laradj BLIDI mon copain de jeunesse, Jean AZEMAR, Belkacem OULD MILOUD l'ancien combattant qu'une blessure de guerre faisait boiter, Manuel CANTON, Juan MARIN, Lahcen BENARABI, Damian ORTEGA, Larbi DJANDIA, Albert HARRACA, expert en langue arabe (ce qui lui sauva la vie lors d'un enlèvement) Georges WALLEM et sa maman notre cuisinière attitrée résidant dans notre immeuble à MOSTAGANEM pendant les moments très difficiles de l'indépendance.

Et ceci pour ne citer que quelques-uns d'entre eux, mais sans oublier notre compétent et important chef mécanicien Joseph ALCARAZ à qui rien n'échappait, et son aide Pierre PINOTIE. Ceux qu'il serait trop long de citer ici ou que j'oublie m'en excuseront, mais ils n'en étaient pas moins importants dans la bonne marche de cette entreprise hors du commun au milieu d'un " bled " aussi beau qu'hostile !


Illustration 13: de g à drt PINOTIE-ALCARAZ-MOHAND-HARRACA

Voilà, c'était un passage de notre vie là-bas, une histoire vécue, évidemment condensée et qui n'est plus que souvenirs inoubliables d'un Patron qui partageait la vie quotidienne de ses employés, travail, réfectoire et dortoir avec Albert, Laradj, Jean, Belkacem, Manuel, Juan, Lahcen et Georges…. le plus naturellement et simplement du monde.

Les travaux de découverts au programme terminés, le matériel en convoi balisé, encadré d'un balisage de sécurité important, a repris la longue route de retour vers le siège social de MOSTAGANEM.

Illustration 14: Départ imminent d'un porte-char avec un D8 CATERPILLAR.
Il faut préciser que pendant toute la durée des travaux de découvert, nos déplacements urgents entre MOSTAGANEM et MARNIA se faisaient par air avec notre avion (BOISAVIA) pour qui une courte piste d'atterrissage avait été aménagée à la " ferme TORO " à proximité du chantier.
Avec mon frère Paul notre formation de pilote de planeur nous était très utile pour ces atterrissages de précision !
Pour l'anecdote, nous étions devenus une attraction pour la population du bled environnant, et j'ai eu alors l'occasion de faire prendre un baptême de l'air à un jeune musulman du coin, particulièrement sympathique et intéressé, qui s'approchait toujours de nous avec un large sourire lors de nos arrivées.
Inutile de vous décrire sa fierté à sa descente d'avion devant ses copains, et son importance ainsi certainement acquise auprès des siens après le survol de sa mechta !

Voilà, ainsi allait notre vie dans cet environnement où tout se mêlait, travail, convivialité, cordialité de proximité, entre-aide, malgré l'insécurité omniprésente mais, par dessus tout, moments inoubliables sans regrets puisque tout s'est bien déroulé avec cette joie d'avoir vécu là, ensemble, une aventure hors du commun !

Illustration 15: Avion Boisavia Société ALGUDO -
Alain ALGUDO Pilote. 1960

Travaux prévus terminés nous rentrons donc à MOSTAGANEM, " avec armes et bagages " partis tôt le matin, je prenais la tête du convoi, une grosse journée de route nous attendais, 245 kilomètres avec une dizaine de poids lourds n'est pas une opération anodine vu la traversée de villes (TLEMCEN, Aïn TEMOUCHENT et la périphérie d'ORAN) et de nombreux villages.

Arrivés, une autre tâche, non moins importante nous attend, nous venons de remporter l'adjudication de la réalisation de l'évitement ouest de notre ville d'attache, artère qui doit relier la partie sud de celle-ci au port, au nord de la ville, évitant ainsi la traversée centrale de celle-ci.

Mais c'est une autre histoire de nos travaux que je me propose de relater aussi, vécue dans des conditions difficiles pendant les deux ultimes années de l'Algérie Française.

Texte imagé et réalisé en rassemblant ce qui reste de mes souvenirs.

Les photos jointes, et celles qui suivront ce document, que j'ai pu sauver et réunir m'ont aidé grandement dans cette tâche.



Illustration 16: bulldozer HD 21 Allis Chalmers
et sous-soleuse PONS.


Illustration 17: Une vue du Chantier.



Illustration 18: sous-soleuse PONS d'ALGER
et HD21 Allis Chalmers.

Illustration 19: Alain ALGUDO et DW 21 Caterpillar.

Illustration 20: Alain à droite. Pause méchoui avec son personnel.

Alain ALGUDO (12 février 2021)


60ème anniversaire de notre exode
Envoyé par M. R. Sanchez


           Quelle belle lettre que j'ai retrouvé ci-dessous et qui vaut la peine de faire encore circuler pour montrer notre attachement à cette France, que nous avons tant aimé dés notre plus jeune âge et respectée, tout comme nos ancêtres avant nous.
           C'était au temps de sa grandeur…………

           Quelle terrible coïncidence que cette lettre reçue dans ce contexte actuel qui fait revivre aux Pieds Noirs leur drame qui a débuté par l'assassinat de plusieurs personnes, le 1er novembre 1954, dans nos campagnes, en Algérie...

VIVRE et MOURIR PIED-NOIR ..

           Afin que nos descendants connaissent leur HISTOIRE sans qu'elle n'ait été dénaturée, falsifiée, trahie, insultée et qu'enfin la vérité soit dite au grand jour et à la face du Monde, de nombreux Pieds-Noirs ont écrit et écrivent tous les jours la VÉRITÉ HISTORIQUE telle que nous l'avons réellement vécue, car nous sommes la MÉMOIRE vivante jusqu'à la mort du dernier d'entre nous.
           A l'approche de la fin de sa vie, un vieux Pied-Noir anonyme a écrit cette magnifique et émouvante lettre adressée à nos concitoyens de Métropole.

           " A quelques encablures de ma fin de vie, à un âge où les souvenirs se déclinent plus aisément que les projets et après avoir épuisé mes capacités de silence, je ressens le besoin d'éclairer un malentendu.

           Après plusieurs années de vie professionnelle, j'ai travaillé avec vous, Français de Métropole, milité avec vous, partagé quelques succès et quelques épreuves, communié aux même valeurs, au même humanisme.
           J'ai bu à la coupe de ce bonheur de vivre en France Métropolitaine, de s'étonner de ses richesses, de se pénétrer des mêmes émotions, au point que j'ai cru avoir oublié que j'étais né dans une des provinces françaises, sur une autre rive de la Méditerranée, de parents et de grands-parents à l'accent impossible souvent venus d'ailleurs, d'une ville de la Méditerranée ou d'ailleurs.
           Je m'étais cru Français comme vous et j'avais cru achever ce travail de deuil commun à tous les exilés du monde.

           Et puis, depuis quelques mois, des maisons d'édition ont fait pleuvoir témoignages et réflexions sur la guerre d'Algérie.
           Les chaînes de télévision et les radios ont commenté les ouvrages et refait l'Histoire de 132 ans de présence française en Algérie.
           Avec une étonnante convergence de vues, la plupart ont révélé, sur cette période, une vision singulièrement sinistre.
           J'ai revu l'histoire de ma patrie, l'Algérie Française, travestie ou défigurée en quelques propositions caricaturales telles que : "La présence de la France en Algérie fut de tout temps illégitime"
           "Que les Français d' Algérie ont exploité les Arabes et ont volé leurs terres"
           "Que les soldats Français ont torturé des patriotes qui libéraient leur pays"
           "Que certains Français ont eu raison d'aider les fellagas (révolutionnaires assassins du FLN) à combattre l'armée française et peuvent s'enorgueillir aujourd'hui d'avoir contribué à la libération de l'Algérie en assassinant d'autres Français"

           Alors, j'ai compris que personne ne pouvait comprendre un pays et un peuple s'il n'avait appris à l'aimer... et vous n'avez jamais aimé "cette belle Province", notre Algérie ! Alors, j'ai compris pourquoi vous changiez de conversation quand je révélais et affirmais mon origine "pieds noirs".
           J'ai compris que les exodes espagnols, arméniens ou juifs vous avaient touché mais que le nôtre vous avait laissés indifférents, et même dérangés, au point de vouloir nous rejeter à la mer.
           J'ai compris pourquoi les maquisards qui se battaient pour libérer la France envahie étaient des héros, mais pourquoi des officiers qui refusaient d'abandonner ce morceau de France, ces citoyens Français et ces Harkis, entraînés à nos côtés, étaient traités de putschistes.

           J'ai compris pourquoi des mots comme "colon" avaient été vidés de leur noblesse et pourquoi, dans votre esprit et dans votre langage, la colonisation avait laissé place au colonialisme.
           Même des Français de France Métropolitaine, comme vous, tués au combat n'ont pas eu droit, dans la mémoire collective, à la même évocation, aux même commémorations que les Poilus ou les Résistants, parce qu'ils furent engagés dans une "sale guerre ! Ayez HONTE ! "
           Alors que leur sacrifice fut aussi noble et digne de mémoire, vous est-il plus facile de célébrer le 19 mars, d'autres "héros algériens", ceux-là plutôt que nos soldats morts pour rien!

           Dans un manichéisme grotesque, tout ce qui avait contribué à défendre la France métropolitaine était héroïque ; tout ce qui avait contribué à conserver et à défendre notre province algérienne pour continuer à y vivre était criminel...
           "Vérité et légitimité en deçà de la Méditerranée... Erreur et crime contre l'humanité au-delà !"
           Vous, si prolixes pour dénoncer les tortures et les exactions de l'armée française au cours des huit dernières années (1954/1962), vous êtes devenus curieusement amnésiques sur les massacres et les tortures infligées par les fellagas à vos compatriotes européens et musulmans.
           Vous ne trouvez rien à dire sur l'œuvre magnifique et pacifique française en Algérie pendant 130 ans. Pas un livre, pas une émission de télévision ou de radio, rien !
           Les fictions même s'affligent des même clichés édités par de pseudo historiens Français, à peine âgés de quatre ans en 62 ... arrogants et fils de porteurs de valises, et de certains maghrébins volontairement non intégrés, et soi-disant "opprimés".

           Ce qui est singulier dans les débats sur l'Algérie, sur cette guerre de huit ans, et sur la fin de la période française, c'est que celles et ceux qui en parlent, s'expriment comme s'ils parlaient d'une terre étrangère et dont ils ignorent tout, absolument tout même au plus haut niveau d'Etat.
           Disséquer le cadavre de l'Algérie Française leur est un exercice clinique, que Politiciens de basses œuvres, néo-journalistes, commentateurs en verve et professeurs d'université gauchisants, réalisent pour leur "Superbe" avec la froide indifférence d'étrangers à notre Nation.
           Personne ne pense que plus d'un million de femmes et d'hommes n'ont connu et aimé que cette terre où ils sont nés.
           Personne n'ose rappeler que plus d'un million de nos compatriotes, en 6 mois, ont été arrachés à leur véritable patrie, sous la menace " la valise ou le cercueil" et certainement pas "Rapatriés" sur une terre souvent inconnue et fermement hostile...

           Quand certains intellectuels Français se prévalent d'avoir aidé le FLN, personne ne les accuse d'avoir armé le bras des égorgeurs de Français... Ce n'était pas la même musique en 1945 à l'égard des "collabos nazis"..
           Cette terre vous brûle le cœur et votre triste mémoire vous gave de mauvaise conscience.
           Je n'ai pas choisi de naître Français sur une terre que mes instituteurs Français m'ont appris à aimer comme étant une Province Française à part entière.
           Mais, même si "mon Algérie" n'est plus, il est trop tard, aujourd'hui, pour que cette terre me devienne étrangère et ne soit plus la terre de mes Arrière-grands-parents, de mes Grands-parents et de mes Parents, ma terre natale, fille de ma patrie.

           J'attends de vous, amis Français métropolitains, que vous respectiez mon Histoire même si vous refusez qu'elle soit aussi votre Histoire...
           Je n'attends de vous aucune complaisance mais le respect d'une Histoire dans la lumière de son époque et de ses valeurs, dans la vérité de ses réalisations matérielles, intellectuelles et humaines, dans la subtilité de ses relations sociales, dans la richesse et la diversité de son œuvre et de ses cultures.
           J'attends que vous respectiez la mémoire de tous ceux que j'ai laissés là-bas et dont la vie fut faite de travail, d'abnégation et - parfois même - d'héroïsme en 14-18 et 39-45.
           J'attends que vous traitiez avec une égale dignité et une égale exigence d'objectivité et de rigueur, un égal souci de vérité et de justice, l'Histoire de France d'en deçà et d'au-delà de la Méditerranée.

           Alors, il me sera peut-être permis de mourir dans ce coin de Métropole Française, en m'y sentant aussi, comme vous, Chez moi... Enfin. "
Auteur Anonyme

           C'est Hocine Aït Hamed, l'un des chefs historiques de la révolution algérienne :
           " Chasser les Pieds-Noirs a été plus qu'un crime, une faute, car notre chère Patrie a perdu son identité sociale. Avec les Pieds-Noirs et leur dynamisme, je dis bien les Pieds-Noirs et non les Français, l'Algérie serait aujourd'hui une grande puissance méditerranéenne. Hélas ! Nous devons reconnaître que nous avons commis des erreurs politiques et stratégiques. "
           Lui avait compris !!!


" PIEDS-NOIRS. ACCORDS D'EVIAN.
LE GRAND FIASCO "

Envoyé par M. Alain Vincenot (éditions de l'Archipel)
PREMIERES LIGNES

            Et la terre d'Algérie s'est dérobée sous leurs pieds qu'on disait noirs. Sur ce bout de France caillouteux, rongé par le soleil, leur France du Sud, à 700 kilomètres de Marseille, ils n'avaient plus leur place. Ils y avaient peiné, défriché des landes, asséché des marais, creusé des puits, irrigué des vallées, fertilisé des champs, planté des arbres, bâti des villes, des hôpitaux et des dispensaires, des écoles, des lycées et des universités, des usines et des aérodromes, tracé des routes et des lignes de chemin de fer, tendu des ponts, érigé des barrages, dragué des ports, développé une administration, ouvert des commerces ; ils y avaient souffert de l'insécurité, de la famine, des épidémies et des nuages de sauterelles ; ils y avaient enterré leurs anciens…

            Censés mettre un terme à huit ans de guerre, à réconcilier les communautés qui s'étaient fracturées et à jeter les bases d'une Algérie nouvelle, moderne, démocratique et tournée sereinement vers l'avenir, les accords d'Evian, signés le 18 mars 1962, allaient tirer un trait sur tout ce que les pieds-noirs étaient, sur tout ce qu'ils avaient fait et ce qu'avaient fait leurs aïeux. Le cessez-le-feu, prévu le lendemain ? Les assurances qu'ils pourraient vivre en sécurité, ne risqueraient pas d'être pourchassés, maltraités, agressés, menacés, que personne ne les exproprierait, ne confisquerait leurs biens, qu'ils seraient libres de garder leurs particularismes culturels, religieux, linguistiques… ? Tout cela figurait bien dans les négociations qui, paraît-il, avaient abouti, se matérialisant en de multiples chapitres, paragraphes et titres, guidés par la sagesse, et un puissant désir de paix et de prospérité. Pas le moindre nuage dans l'avenir promis. Pas la moindre aspérité sur le chemin tracé par des hommes de bonne volonté. En fait ce fut un grand fiasco. Les accords d'Evian ne furent jamais respectés. Que du papier, chiffonné à peine imprimé.

            En 1962, porté au pouvoir par un général de Gaulle pressé d'en finir avec la " boîte à chagrins " algérienne, le FLN, nouveau maître du pays à l'idéologie mâtinée de marxisme, d'islamisme et de nationalisme arabe, laissait pour alternative aux pieds-noirs " la valise ou le cercueil ". Dans la patrie de Vercingétorix, du chevalier Bayard, de Jeanne d'Arc, du bon roi Henri IV, d'Émile Zola, de Victor Hugo et de Jules Ferry, ces icônes qu'ils vénéraient, personne ne les attendait. Plus d'un million d'hommes, de femmes, d'enfants, chassés de leur terroir doux et rêche qu'ils aimaient passionnément, se métamorphosaient en fardeau. " Des vacanciers qui ne tarderaient pas à rentrer chez eux ", ronronnait la thèse officielle. Le gouvernement en minimisait l'exode, qui ravivait les mauvais souvenirs de 1940 et portait atteinte au prestige de la France.

            Pour le général de Gaulle, il n'était pas question que l'exil de ces " rapatriés " désemparés et démunis entache, aux yeux des grands de la planète entre lesquels il s'évertuait à déplier un strapontin, le " succès " de ses accords d'Évian, ni que son image d'" homme providentiel ayant ramené la paix " soit écornée auprès de ses concitoyens de métropole. Il fallait s'amputer de l'Algérie. Avec grandeur.

            Et vite. Qu'importent les larmes des rastaquouères récalcitrants à la tchatche excentrique qui, après le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord en novembre 1942, lui avaient préféré son rival, le général Giraud, et n'entendaient rien à la marche des nations. Ils agaçaient l'homme du 18 Juin qui avait su jadis relever l'honneur de la France et se hisser à la table des Churchill, Roosevelt et Staline. Leur remue-ménage contrariait ses plans. Leurs terrasses où, dans le cliquetis des glaçons des verres d'anisette, se dégustait la kémia, leurs tables où défilaient loubia, boulettes, chorba, tchoutchouka, calentita et polenta étaient étrangères au hobereau de La Boisserie. Colombey-les-Deux-Églises ne serait jamais Colomb-Béchar-les-Deux-Mosquées. En 1954, dans le premier tome de ses Mémoires de guerre, il s'était épanché sur " une certaine idée de la France "

            Le sentiment me l'inspire aussi bien que la raison. Ce qu'il y a en moi d'affectif imagine naturellement la France, telle une princesse des contes ou la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle.
            Charles de Gaulle ne concevait vraisemblablement pas que la princesse ou la madone qu'il sublimait roule la semoule d'un couscous, fasse griller des merguez, se délecte de zlabias, de cornes de gazelle et de makrouts, qu'elle se promène le long d'une allée moderne bordée d'eucalyptus et de lauriers roses. Au loin : des vignes, des vergers et des champs de céréales dont les parcelles dessinaient un paysage géométrique, avec, en arrière-plan, les escarpements d'une montagne balayée par le vent qui enveloppait de poussière les maquis de lentisques et de ronces, les buissons d'asphodèles et de jujubiers. La " destinée éminente et exceptionnelle " de la princesse ou de la madone gaullienne ne croisait pas celle des pieds-noirs.

            Expansifs, machos, rugueux, soupe au lait, ces " braillards " faisaient trop de bruit. Néanmoins, en 1957, ils avaient donné au monde un prix Nobel de littérature, Albert Camus, et un autre de leurs fils, Claude Cohen-Tannoudji, recevrait en 1997 le prix Nobel de physique : deux anciens élèves du lycée Bugeaud d'Alger. Ils avaient même façonné une langue, parlée à grand renfort de gestes, le pataouète, patchwork de français, d'arabe, d'italien, de maltais, de catalan et de castillan.

            Un chapitre de l'histoire de ce pan du Maghreb où était né, en l'an 354, saint Augustin, l'un des pères du christianisme, et qui, depuis près d'un siècle et demi, avait agrégé cinq départements à la France, s'achevait dans les faux-semblants, le sang, les larmes et l'incompréhension. Celui-ci s'était ouvert le 14 juin 1830, trente ans avant le rattachement de la Savoie à la France, avec le débarquement, au lever du jour, de militaires français sur la presqu'île de Sidi-Ferruch. Dans la soirée, la 1re division d'infanterie, sous les ordres du général baron Pierre Berthezène, épaulée par la division Loverdo, contrôlait la place. Le roi Charles X avait confié à son armée une mission : laver un affront vieux de trois ans.

            Le 29 avril 1827, veille de l'Aïd el-Seghir, fin du ramadan, le dey d'Alger, représentant du sultan ottoman qui régnait sur le Maghreb, avait, au cours d'une audience rendue houleuse par des créances impayées, donné un coup de chasse-mouches au consul de France, Pierre Duval.
            À Sidi-Ferruch, il n'était pas seulement question d'honneur. Les pays européens voulaient mettre un terme à la piraterie barbaresque qui depuis des siècles infestait la Méditerranée, aux captures de chrétiens vendus comme esclaves sur les marchés d'Alger et aux cruels supplices dont Arabes et Ottomans appréciaient le spectacle. Donc, en mai 1830, six cent soixante-quinze navires, transportant plus de trente-six mille soldats, avaient levé l'ancre à Marseille et Toulon. Avant l'embarquement, le général Louis Auguste Victor de Ghaisne, comte de Bourmont, ministre de la Guerre, commandant en chef de l'expédition, avait transmis à ses troupes son premier ordre du jour : " La cause de la France est celle de l'humanité. Montrez-vous dignes de votre belle mission. Qu'aucun excès ne ternisse l'éclat de vos exploits ; terribles dans le combat, soyez justes et humains après la victoire. "

            Le 5 juillet, le dey d'Alger acceptait l'acte de capitulation, qui prévoyait : L'exercice de la religion mahométane restera libre ; la liberté des habitants de toutes les classes, leur religion, leur commerce, leur industrie ne recevront aucune atteinte ; leurs femmes seront respectées. Le général en chef en prend l'engagement sur l'honneur.
            La pacification de cette régence de la Sublime Porte allait durer des décennies, ponctuée de combats impitoyables et de monstruosités. En 1830, Paul Raynal, intendant militaire de l'armée d'Afrique, témoignait : Ces bédouins sont d'effroyables gens, ils coupent une tête avec un plaisir féroce dont il est difficile de se faire une idée. Jugez-en. Dans la chaleur du combat, ils se contentent de saisir le prisonnier, de détacher la tête du tronc et de l'emporter ; mais quand ils peuvent prendre leur temps, ils commencent par abattre les deux poignets, puis ils coupent les oreilles, puis tailladent la nuque de manière à faire un tatouage sanglant, puis enfin, ils abattent le nez. Ce n'est qu'alors que leur victime cesse de souffrir en ayant le col coupé. Un de nos gens a été délivré de leurs mains après avoir supporté une bonne part de ce traitement. Ses poignets lui étaient restés, son nez et sa nuque se recollent à l'hôpital, mais ses oreilles sont demeurées sur le champ de bataille.

            En 1834, le rapport d'une commission chargée par le roi Louis-Philippe d'enquêter sur des rumeurs flétrissait le comportement des Français :
            Nous avons massacré des gens porteurs de sauf-conduits ; égorgé, sur un soupçon, des populations entières qui se sont ensuite trouvées innocentes ; nous avons mis en jugement des hommes réputés saints du pays, vénérés, parce qu'ils avaient assez de courage pour venir s'exposer à nos fureurs, afin d'intercéder en faveur de leurs malheureux compatriotes ; il s'est trouvé des juges pour les condamner et des hommes civilisés pour les faire exécuter. Nous avons plongé dans les cachots des chefs de tribus, parce que ces tribus avaient donné asile à nos déserteurs ; nous avons décoré la trahison du nom de négociation, qualifié d'actes diplomatiques de honteux guet-apens ; en un mot, nous avons débordé en barbarie les barbares que nous venions civiliser, et nous nous plaignons de ne pas avoir réussi auprès d'eux !

            L'Administration française, elle, se mettait en place. Le 14 octobre 1839, lettre du général Virgile Schneider, ministre de la Guerre, au maréchal Valée, gouverneur général :
            Jusqu'à ce jour, le territoire que nous occupons dans le nord de l'Afrique a été désigné dans les communications officielles soit sous le nom de possession française dans le nord de l'Afrique, soit sous celui d'ancienne régence d'Alger, soit enfin sous celui d'Algérie. Cette dernière dénomination, plus courte, plus simple et en même temps plus précise que toutes les autres, m'a semblé devoir dorénavant prévaloir. Elle se trouve d'ailleurs déjà consacrée par une application constante dans les documents distribués aux chambres législatives et dans plusieurs discours du trône. Je vous invite en conséquence à prescrire les mesures nécessaires pour que les diverses autorités et généralement tous les agents qui, à un titre quelconque, se rattachent aux services civils ou militaires de notre colonie [mot illisible] dans leur correspondance officielle et dans les actes ou certificats quelconques qu'ils peuvent être appelés à délivrer, à substituer le mot Algérie aux dénominations précédemment en usage.
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PIEDS-NOIRS.
ACCORDS D'EVIAN.
LE GRAND FIASCO.

            Signés le 18 mars 1962, après huit ans de guerre, les accords d'Evian annonçaient un avenir plein de promesses. Ils prévoyaient le cessez-le-feu dès le lendemain à midi, la libération de tous les prisonniers dans les vingt jours, et la fin de toute forme de violences.
            Ils prévoyaient qu'indépendante, l'Algérie serait respectueuse de la démocratie et de la laïcité, que les pieds-noirs y auraient leur place, qu'ils seraient les égaux des Algériens, que leurs particularismes, culturels, linguistiques et religieux seraient respectés et que leurs biens ne seraient pas confisqués.

            En fait, malgré ses cent onze articles répartis en seize chapitres, les accords d'Evian n'ont pas dépassé le stade du papier. Si la France a libéré tous ses fellaghas prisonniers, le FLN n'a, lui, rendu qu'une petite dizaine d'hommes qui croupissaient dans ses geôles. En outre, entre le 19 mars 1962 et le 5 juillet 1964, date de départ du dernier contingent, près de 600 militaires français ont été tués ou ont disparu. Quant aux harkis, qui servaient dans l'armée française, plus de 80 000 ont été massacrés dans des conditions effroyables.

            Pour les pieds-noirs, les accords d'Evian furent suivis d'une épouvantable vague d'assassinats, de viols et d'enlèvements. Objectif du pouvoir issu de la " solution de bon sens " voulue par le général de Gaulle : les chasser d'Algérie, ne leur laissant d'autre choix que " la valise ou le cercueil ". Un ignoble nettoyage ethnique. En quelques semaines, plus d'un million d'entre eux ont fui ce pays qu'eux et leurs aïeux avaient façonné, mais qui ne voulait plus d'eux. Appartenant à tous les milieux, ils ont dû abandonner ce qui faisait leurs vies, ensoleillées et rugueuses, leurs cimetières où reposaient leurs anciens, leurs maisons, leurs biens, leurs souvenirs… Et ils ont débarqué dans une métropole qui, après les avoir abandonnés, leur a tourné le dos.
            Ce livre donne la parole à ces hommes et femmes, victimes du cynisme du gouvernement français et des engagements non tenus par les autorités algériennes, bernés par ce qui était présenté comme la marche de l'Histoire vers un monde plus juste. Leurs témoignages, sobres, précis, illustrent étendue du fiasco que furent les accords d'Evian.

            Ce livre sera en librairie à partir du 3 mars 2022 ou sur les sites ci-dessous :


Salon de l'Agriculture
Envoyé Par M. Jean
Pourquoi le Salon de l'Agriculture
est-il un passage obligé des politiques ?

       Parce que les politiques prennent les électeurs pour des veaux qui votent comme des moutons,
       qu'on peut plumer comme des coqs en leur disant de travailler comme des bœufs pour des salaires de rats,
       et qui se retrouvent dindons de la farce à force de se faire traire comme des vaches à lait,
       en gobant comme des ânes des promesses électorales qui seront tenues quand les poules auront des dents !

      
Auteur inconnu


Maurens-Scopont.
Richard Bornia Publié le 16/12/2019
Envoyé par M. A. Hamelin
https://www.ladepeche.fr/2019/12/16/ un-chateau-tarnais-rachete-a-lalgerie,8607567.php
Un château tarnais racheté à l'Algérie

        Le château de Scopont a appartenu à l'Algérie, sans que la France, ni l'État algérien ne s'en doutent. Les accords d'Evian, du 18 mars 1962, ont tout simplement omis de régler la question des titres de propriétés de 300 châteaux de la métropole appartenant à des sociétés publiques algériennes. Toute une histoire.
        "Vous voulez acheter ce château, je vous le donne". Ce mardi 22 juillet 1986, Bernard d'Ingrando, est à Alger, avec le président de la République algérienne. Chadli Bendjedid écoute attentivement le jeune homme, le questionne et tranche. Une entrevue improbable. Pour le fils de pied noir, dont le père est mort en Algérie, c'est un cadeau empoisonné : "J'ai refusé poliment. J'ai répondu que je tenais à le payer", se souvient-il. Après 4 ans de négociations, l'Algérie signe le compromis de vente. Bernard est désormais l'heureux propriétaire d'un domaine… en ruines.
        Bernard d'Ingrando a consacré sa vie pour sauver le château de Scopont.

        Coup de foudre
        Remontons le temps. En 1976, un jeune étudiant en droit de Toulouse, lors d'une balade à Maurens-Scopont, tombe par hasard sur une bâtisse en fort mauvais état. Bernard d'Ingrando découvre également, à quelques encablures, un pavillon, lui aussi à l'abandon. "Un coup de foudre", dit-il.
        Il découvre le lieu tant fantasmé : "Nous avions tout perdu à l'indépendance. Ma mère était en quête d'un domaine avec une vraie âme pour abriter les siens". Le début du roman d'une vie, avec ses emmerdes, ses bonheurs et ses galères. Pendant 12 ans, il viendra deux fois par semaine, pour essayer de sauver la bâtisse livrée au pillage et au vandalisme. "Plus je mettais de chaînes, de cadenas, plus l'état s'aggravait. Tout a été arraché : le mobilier, les bâtis de porte, les planchers, les sanitaires", confiait-il, en 1986, à Pierre Capdeville, journaliste indépendant. Ce dernier confesse aujourd'hui : "La première fois que j'ai vu Bernard, j'ai pensé que j'avais affaire à un dingue tellement son projet me paraissait impossible". Loin d'être un illuminé comme l'avaient baptisé hâtivement quelques villageois des alentours, Bernard poursuit ses actions salvatrices.

        Oublié des négociations
        Finalement, il décide de louer le bien et stupéfait, il apprend, après moult recherches, qu'il appartient à l'Algérie, le pays de sa prime enfance. En effet, en 1961, la demeure est cédée à la mutuelle des Industries électriques et gazières d'Algérie pour en faire une colonie de vacances. Un an plus tard, ce château comme 300 autres sont oubliés dans les accords d'Evian. Jusqu'en 1975, il sert de villégiature pour les enfants d'employés d'EDF ou de la SNCF. Un arrêté préfectoral, pour cause d'absence d'entretien, met un terme à cette destination bucolique.

        Abandonné de tous


        Délaissé par la France, inconnu par l'Algérie, propriétaire sans le savoir, pendant deux décennies, le château de Scopont reste planté là, dans cette plaine du Pays de Cocagne, à la limite du Tarn et de la Haute-Garonne, sans que quiconque ne se soucie de son devenir. La volonté farouche de Bernard de faire revivre ces vieilles pierres, son obstination face à une administration dubitative, feront que l'ensemble architectural est toujours fièrement debout, protégé des pilleurs, des vandales et de la cruauté destructrice du temps qui passe.
Monument historique
        Propriétaire, Bernard ne mène pas une vie de château pour autant. "Je parle de la vie du château", rectifie-t-il. "Je suis un humble passeur. Ce patrimoine, désormais classé aux monuments historiques, me survivra. Il s'inquiète déjà de cette succession. Un jour, une fondation, une collectivité, une association ou un passionné poursuivront l'œuvre entreprise.
        Construit en 1540, ce château est un témoin de l'histoire de France. Guerre de religions, Révolution française, passé de mains en mains, du faste à l'abandon, l'aventure du château de Scopont se poursuit grâce à un bienfaiteur entêté et à une dizaine de passionnés prêts à écrire les nouvelles pages de sa singulière histoire.
        Un appel aux dons est lancé

         Niché dans une clairière, à 400 mètres du château, s'offre au regard du visiteur un pavillon néogothique. Il doit être restauré pour retrouver son lustre d'antan.
        Construit sous le premier Empire par le marquis de Castellane, premier président et fondateur de la Société archéologique du Midi de la France, le pavillon a été conçu pour recevoir une collection de sculptures médiévales. "Ses décors romans et gothiques furent démantelés en 1960 et cédés à la ville de Toulouse. Les sculptures ont été confiées au musée des Augustins tandis que les bases, colonnettes et chapiteaux gothiques ont servi à l'édification d'une galerie du cloître des Jacobins", explique Bernard d'Ingrando.

        Jumeler le pavillon au cloître des Jacobins
        "Sa dimension artistique ne peut se révéler qu'à condition que ses décors lui soient restitués. Cette condition pourrait être remplie grâce à la réalisation de moulages des éléments ayant rejoint les collections publiques", précise Daniel Colmagro, président de l'association Renaissance du château de Maurens-Scopont. "Sa reconstitution permettra d'ouvrir ce petit joyau de l'histoire de l'art à une clientèle nationale et internationale de passage à Toulouse. Nous souhaitons en effet jumeler ce pavillon avec le cloître des Jacobins", ajoute-t-il.
Richard Bornia



Naissance de Bab-el-Oued
Envoi de M. Christian Graille
               Pour comprendre sa naissance, il suffit de regarder le plan de l'Alger 1830.
               Sur une arrête rocheuse, face à la vieille tour de l'Amirauté, il y a une ville.
               Elle est enfermée dans des remparts qui passent d'un côté-là où s'élèvent aujourd'hui le lycée Bugeaud et la caserne Pellissier … de l'autre à la place de l'Opéra et du square Bresson-Briand.
               C'est ce que nous appelons la Casbah. Elle forme un trapèze appuyé à la mer que l'on retrouve comme une tache blanche sur toutes les gravures du passé et dont le petit côté, celui du haut, est fermé par les fortifications qui protègent le palais du Dey, entre l'actuelle prison civile et la vieille Porte Neuve.

               Dans la ville, les classes sociales sont étagées assez curieusement, le long de la pente la hiérarchie épouse le relief.
               - En haut il y a le Dey, comme dans son palais parce qu'il redoute les moments d'humeur du peuple et les intrigues des ambitieux,
               - au centre, il y a les bourgeois et les commerçants
               - en bas, le même peuple, des marins et les esclaves parqués dans les bagnes.


               A gauche de ce trapèze blanc au-delà des remparts s'ouvre l'amphithéâtre aristocratique de Mustapha… et sur ces pentes boisées s'élèvent les luxueuses villas aux jardins de rêve tout bruissant de la chanson conjuguée des sources et des palmes …
               Les corsaires célèbres soustraient à l'autorité parfois trop ombrageuse du Dey et cachent dans le secret de ces retraites fleuries le sourire des belles favorites.
               A droite au contraire, ou si vous préférez au Nord-Est, l'arête d'El Kettar est le domaine des morts et les basses terres abandonnées en terrains vagues qui servent de dépôt d'ordures.

               Le fort qui occupait l'emplacement de la caserne Pélissier s'appelait Bordj Ezzoubia ou Fort des ordures.
               Mais au fond du cloaque, dans la grande faille qui s'ouvre entre les pentes d'El Kettar et les contreforts de la Bouzaréah, coulait l'oued …
               Le fameux oued qui allait donner son nom à la nouvelle Babel latine.
               Il se jetait entre la Consolation et Nelson, à hauteur de la gare désaffectée… et la porte qui donnait sur ce désert nauséabond, s'appelait tout simplement… la porte de l'oued.

               Quand les premières unités du corps expéditionnaire descendues du Fort l'Empereur furent rentrées à Alger par la Porte Neuve, dans la matinée du 5 juillet 1830, on logea les soldats dans les bagnes, rendus disponibles par la libération des esclaves et les états-majors réquisitionnèrent les palais officiels.
               Mais la ville étouffait déjà dans le corset de ses remparts et le futur destin des faubourgs d'Alger fut amorcé tout naturellement suivant un plan ébauché depuis longtemps par les habitudes.

               Les généraux s'installèrent dans les luxueuses villas de Mustapha.
               Les cabaretiers et les truands allèrent rejoindre, au-delà des cimetières et des dépôts d'ordures, la foule des coupe-jarrets qui y vivaient déjà un peu en marge des règlements édictés par la police du Dey d'Alger.
               Puis surgirent les émigrants faméliques, venus de Valence. Ils suivirent la crue.
               Ils trouvaient au-delà des portes de Bab-el-Oued à la fois le gîte et un moyen de vivre : la Carrière.

               Alors apparurent, venus de tous les rivages et de toutes les îles de la Méditerranée :
               - les pêcheurs napolitains, les Mahonnais et les Maltais
               Qui se firent :
               - pêcheurs, maraîchers ou laitiers.

               Ils retrouvèrent à la Cantera, avec les échos de toutes les chansons de la mer latine, des hommes qui, parlaient à peu près la même langue. Bab-el-Oued devint un village et dans ce village, la vie s'organisa selon les rythmes simples qui commandent à l'épanouissement de toutes les communautés humaines.
               - Il y eut le bassin où l'on faisait boire les chevaux et où les filles lavaient le linge.
               - Il y eut les écuries où l'on abritait les bêtes qui, tirent les chariots chargés de pierre.
               - Il y eu le " trou " où les gosses allaient déchirer leurs culottes.
               - Quand il y eut les Messageries et le Moulin, Bab-el-Oued sut qu'il était devenu un gros bourg, et pour le lui confirmer, on le dota d'une gare.


               Enfin quand s'élevèrent les manufactures, les descendantes des carriers valenciens se firent cigarières. Les nouvelles carrières d'où Bab-el-Oued tirait l'essentiel de sa vie s'appelèrent :
               - Berthomeu, Job ou Bastos et le faubourg eut la fierté d'apprendre qu'il avait dépassé, en cent-vingt ans, plus de cinquante villes françaises qui étaient déjà célèbres quand Bab-el-Oued n'existait pas encore.
               Cependant les étapes de cette prodigieuse histoire ne sont pas gravées dans le marbre des monuments. Elles survivent simplement dans la mémoire des hommes à travers les noms des quartiers de Bab-el-Oued.

               Le bassin où les chevaux allaient boire, c'est la Bassetta et l'on dit encore :
               - le quartier de la Pompe,
               - celui des Messageries,
               - de la Gare ou
               - du Moulin.


               La naissance et l'évolution de Bab-el-Oued c'était, si l'on peut accoler ces deux mots, une petite épopée faubourienne et elle doit une part du prestige qui nous ravit encore au talent d'un homme qui a su en enfermer la diversité en un seul nom : Cagayous.
               Nous reviendrons naturellement sur ce héros désormais légendaire et sur le cadre où s'est écoulée sa vie savoureuse.
               Mais avant d'en finir avec ce chapitre, il faut noter l'étonnant symbole que propose Bab-el-Oued au désarroi de notre temps.
               Car tous les hommes si différents et si semblables, venus de tous les horizons de la mer latine, le génie français a su les rassembler pour leur donner le goût et le sens d'un avenir commun.
               Ils n'ont pas oublié les races auxquelles ils appartiennent encore, mais ils ont accepté de s'étaler à une grandeur d'une tâche collective.
               Il est ainsi prouvé que l'union, la fraternité et la paix sont des miracles possibles, quand ils ne sont pas empoisonnés par de stupides arrières pensées racistes, ou par la régression de l'intransigeance religieuse.
C'est la plus belle leçon de Bab-el-Oued.
Alger-Bab-el-Oued. Jean Brune. Essai 1956.



Alger-Bab-el-Oued
Envoi de M. Christian Graille

               Sentir ses liens avec une terre, son amour pour quelques hommes, savoir qu'il est toujours un lieu où le cœur trouvera son accord, voilà déjà beaucoup de certitudes pour une seule vie d'homme.
               Albert Camus. (L'été à Alger).
Bab-el-Oued

               Un homme et un argot résument depuis un demi-siècle ce faubourg plus peuplé que :
               - Tours, Dax, Arles ou Vesoul.
               L'un et l'autre portent le même nom : Cagayous.
               Mais la silhouette de l'homme s'est estompée, et l'argot disparaît dans un français simplement plus coloré que celui que l'on parle à l'Académie.
               Il n'est plus nécessaire d'emporter le glossaire de Musette pour se faire comprendre à Bab-el-Oued…et il faut découvrir un successeur à Cagayous.

               La difficulté commence, quand on tente de trouver une formule capable d'enfermer en quelques mots ce qui fait le charme et l'originalité de Bab-el-Oued et de résumer la diversité des personnages qui y vivent dans le raccourci d'une silhouette.
Alors qu'est-ce que Bab-el-Oued ?

               Ce n'est pas seulement un quartier espagnol, car :
               - aux premiers carriers de Valence sont venus se joindre :
               - les pêcheurs napolitains,
               - les charretiers des Baléares,
               - les laitiers maltais,
               - les maçons de Lombardie et
               - les maraîchers mahonnais.

               On ne peut pas dire non plus que ce soit un quartier populaire parce que ce mot que tous les imbéciles ont voulu annexer à leur sottise a perdu l'essentiel de son sens.
Est-ce un quartier pauvre ?

               La fortune ne suffit heureusement pas à définir les hommes.
               Comment dessiner le personnage type de Bab-el-Oued ?
               - Est-ce l'une de ces filles brunes à la jupe trop serrée, parée d'une rose ou d'un œillet rouge, comme en en voyait autrefois sur les calendriers publicitaires des cigarettes Berthomeu ?
               - Est-ce un garçon chaussé d'espadrilles ou perché sur des talons un peu trop hauts et qui a noué un foulard sur une blouse en " bleu de chine ? "

               Bab-el-Oued a, sans doute, été tout cela à la fois.
               Mais il ne se reconnaît plus dans ces images, et s'il en évoque parfois la couleur et le pittoresque, ce n'est jamais que pour en sourire, comme on s'amuse à feuilleter les photographies délicieusement surannées des albums de famille.
Non Bab-el-Oued c'est désormais autre chose.

               Ce n'est pas :
               - une ville espagnole,
               - ni italienne,
               - ni française…

               C'est une ville nouvelle … une ville comme il n'en existe nulle part ailleurs.
               C'est une ville-synthèse.
               Elle est née du brassage de tout ce que la Méditerranée compte de pèlerins de l'aventure, dont les yeux sont accoutumés à chercher au-delà de l'horizon de la mer d'insaisissables eldorados.
               C'étaient :
               - des Napolitains orgueilleux,
               - Maltais subtils,
               - des Corses fiers comme des condottieres (chefs de compagnies d'hommes armés)
               - des Andalous nonchalants,
               - des Calabrais têtus,
               - des Catalans tragiques …
               - et des Français plus sceptiques que toutes les races du monde puisqu'ils sont capables de rire même des miracles qu'ils accomplissent.


               Par un curieux paradoxe, ces hommes qui couraient derrière des trésors, les apportaient avec eux.
               Ils venaient en Afrique chercher, je ne sais quel bonheur de vivre cueilli à la pointe des palmes nonchalantes.
               Ils ne l'ont pas trouvé.

               - Mais ils ont importé un prodigieux acharnement au travail et toutes les traditions latines qui comptent parmi les plus somptueuses du monde.
               - Ils ont surtout apporté la gaieté et la jeunesse des races régénérées par les échanges …
               - une vivacité que les bourgeois glacés et pincés jugent vulgaire mais qui n'est qu'une manifestation de la spontanéité des gens sincères et simples.
               - la bonhomie familière des peuples qui ont trop souffert pour ne pas avoir appris les vertus de l'indulgence… et qui savent dissimuler les soucis quotidiens derrière des plaisanteries et des rires qui ont la pudeur des gens pauvres.
Voilà Bab-el-Oued.

               On ne peut plus le définir à travers le nom d'une race ou la silhouette d'un homme.
               C'est un garçon moins débraillé qu'on l'imagine, c'est une fille moins compliquée que celles qui planent sur le pavé réputé chic de la rue Michelet …
               Ce sont peut-être plus simplement des garçons et des filles qui s'abandonnent à la gaieté de vivre à leur guise.
               C'est le quartier où l'on assiste tous les jours au fascinant triomphe de la jeunesse et de la vie.
Alger Bab-el-Oued. Jean Brune. Essai 1956


L'utilisation du Génie dans la lutte antisubversive
Par le Commandant Romain Choron
Envoyé par M. D. Bonicori
REVUE HISTORIQUE DES ARMÉES
3ème trimestre 2016
SPÉCIAL GÉNIE


Les sections de neutralisation
de grottes en Algérie
(1959-1962) :

        Le Génie sort de la guerre d'Indochine après avoir été confronté à des adversaires utilisant principalement des techniques de guérilla. Ces techniques relèvent du modèle de guerre dite " subversive ". Une guerre subversive est un ensemble d'actions concertées dirigées contre les autorités d'un pays et menées par une organisation clandestine ; pour la guerre d'Algérie, les actions du Front de libération nationale illustrent cette technique. L'armée française développe alors une doctrine de guerre antisubversive, inspirée de la pensée du colonel Roger Trinquier. Cette doctrine antisubversive, qualifiée parfois de " contre-insurrection ", prévoit la destruction de l'ennemi en trois temps : d'abord dans les zones urbaines, puis dans les campagnes, et enfin dans les sanctuaires.

        En Algérie, à partir de 1954, les rebelles, souvent désignés à l'époque sous le terme de " H.L.L " (hors-la-loi), s'appuient sur le facteur géographique du pays, en tirant profit des nombreuses grottes présentes dans les massifs montagneux de l'arrière-pays, comme en Kabylie par exemple. Ces grottes sont parfois de simples anfractuosités ou cavités dans la roche, dissimulées de la vue par une épaisse végétation ou un emplacement invisible à hauteur d'homme. Parfois, elles sont constituées d'un réseau de galeries, plus ou moins accessibles à l'homme, mais dont l'étendue permet d'accueillir un nombre dans la lutte important de rebelles. À partir de 1959, pour limiter le succès du plan Challe, les rebelles s'appuient sur le maillage du territoire par cet important réseau de grottes et de cavités. En effet, ces grottes constituent un des derniers moyens de mobilité des groupes rebelles.
        Préparatifs avant la fouille de galeries de mines dans la région de Montenotte
        La problématique pour l'armée française devient alors : comment s'emparer ponctuellement des grottes occupées et les rendre inutilisables de manière pérenne ?
        C'est l'arme du Génie qui va répondre à ce défi. Fort de sa tradition de sape et de contre-mobilité, le Génie s'adapte à cette problématique par l'acquisition de savoir-faire spécifiques au combat souterrain, ainsi que par la création de 18 sections " armes spéciales ", plus couramment désignées sous l'appellation de section de grottes.

        Si le maillage du territoire algérien par un réseau de grottes constitue dans un premier temps un avantage pour les rebelles dans la guerre subversive, la création, à partir de 1959, des sections " armes spéciales " porte un coup sérieux à ce réseau souterrain. Le Génie réussit à développer une doctrine d'emploi pragmatique et à mettre en place des moyens spécifiques à la lutte souterraine.

Le 28ème bataillon de chasseurs alpins en opération
dans les grottes de la vallée de la Soummam en 1957

Les grottes : un enjeu majeur
pour la guerre subversive en Algérie
Un réseau dense et ancien de grottes
assure un maillage du territoire

        D'abord, ce réseau est dense : en Algérie, les massifs et les plateaux calcaires offrent de nombreuses grottes et cavités. Celles situées à proximité de zone d'habitat urbain et rural étaient souvent bien connues des habitants et parfois utilisées, notamment comme refuge. Ainsi, lors d'une opération de reconnaissance de grottes dans le secteur d'El Amarich, en février 1958, 17 habitants du village sont arrêtés dans une des grottes par les militaires du 2ème R.S.A. Effrayés par l'arrivée des soldats et le bruit des avions, les villageois s'étaient en effet réfugiés dans cette grotte, dans une salle accessible après le passage d'un étroit boyau. (Service historique de la Défense SHD/GR, 1H 3980, Bulletin de renseignement du Corps d'armée d'Oran, du 11 février 1958, relatif à l'exploration de grottes situées dans les environs d'El Amarich dans le carré H 95)

        Par ailleurs, les entrées des grottes utilisées par le FLN sont souvent cachées de la vue : leur existence et leur importance sont donc très souvent ignorées des Français. Cette densité de grottes assure un maillage du territoire et constitue un atout pour les rebelles pour tenir le terrain.

        Ensuite, ce réseau est ancien : depuis la conquête romaine, les habitants ont pris l'habitude de se réfugier dans ces grottes à chaque période troublée. La mémoire algérienne évoque des passages souterrains utilisés par les Numides. (Jean-Marie Selosse, L'arbre de proie, Paris, Italiques, 2002, 215 p.)
        Certains sites souterrains remarquables sont ainsi parfois transformés en forteresse.

        Certes, l'utilisation de la grotte ou du souterrain n'est pas spécifique au FLN ni à la guerre d'Algérie. L'ouvrage des frères Triollet, La guerre souterraine, sous terre, on se bat aussi, met en évidence que depuis l'Antiquité, aussi bien en Orient, qu'en Occident ou en Asie, le recours au monde souterrain est souvent le seul moyen de résister dans un rapport de faible au fort, tant au niveau numérique que technologique. D'ailleurs, en Algérie, l'épisode des grottes du Dahra (1er juillet 1845) illustre ce recours aux grottes comme refuge, lors de rapports de force dissymétriques :

        En 1844, des tribus se rebellent et massacrent des colons français. Pour échapper aux troupes du général Bugeaud et du colonel Pelissier envoyées pour rétablir l'ordre, les rebelles se réfugient dans de vastes grottes pouvant accueillir plusieurs centaines de personnes et leur bétail. Les soldats français rechignent à lancer un assaut de ces grottes, notamment en raison de l'absence de visibilité dans les souterrains. Ces troupes ont alors recours à la technique de l'enfumage. Cette technique consiste à asphyxier les personnes réfugiées dans une grotte, en allumant, devant l'entrée, des feux qui consomment l'oxygène disponible et remplissent les cavités de fumée. (Olivier Le Cour Grandmaison, Coloniser. Exterminer : sur la guerre et l'État colonial, Paris, Fayard, 2005, pp. 138-145.)

        Le premier à avoir recours à cette technique est le général Cavaignac, le 11 juin 1844, dans une grotte où la tribu des Sbéhas a trouvé refuge après avoir massacré des colons français. La grotte étant difficile d'accès, les Français ne peuvent y entrer par la force, et Cavaignac essaie de négocier avec les occupants, en promettant la vie sauve en cas de reddition. Mais les négociations tournent court assez rapidement. En effet, un groupe de rebelles attend à l'entrée de la grotte le capitaine Jouvencourt envoyé pour parlementer. Dès que le capitaine est suffisamment proche de l'entrée, une décharge de plusieurs tirs l'atteint et le tue. L'asphyxie des rebelles par enfumage permet alors de mettre un terme à leur résistance.

        Inspection des grottes des monts du Hodna lors de l'opération Étincelles en 1959

        La technique de l'enfumage ayant fait ses preuves, le colonel Pélissier l'utilise à son tour, le 18 juin 1845. En incendiant, des fagots de bois et des broussailles accumulés devant l'entrée des grottes de Ghar-el-Frechih, dans la région du Dahra, (Jean-Jacques Tur, Ombres et lumières de l'Algérie française, Paris, l'Harmattan, 2012, chapitre " les enfumades de 1844-1845 ", pp. 22-23.) où s'est réfugiée la tribu des Ouled Riah, il asphyxie plusieurs centaines de rebelles. Dès le lendemain matin, des rebelles cherchent à négocier. Seuls quelques survivants échappent à la mort et se rendent avant que l'armée française ne rentre à Orléansville. (Pierre Darmon, Un siècle de passions algériennes : histoire de l'Algérie coloniale (1830-1940), Paris, Fayard, 2009, 936 p., chapitre " les enfumades du Dahra ", pp. 100-102.)

        Un siècle plus tard, les rebelles algériens ont recours eux aussi, à ce réseau de grottes.
        À ceci près qu'il ne s'agit plus seulement d'un moyen défensif, permettant d'échapper aux troupes françaises, mais aussi d'un moyen offensif dans le cadre d'une guerre subversive. L'armée française, confrontée à la même difficulté qu'en 1845, améliore la technique de l'enfumage en adaptant la technologie du gaz lacrymogène.

Un réseau logistique à l'abri
de la technologie française.

        L'intégration de la grotte dans un massif rocheux assure solidité et robustesse, même face aux explosifs et aux bombes. Lors de la guerre d'Algérie, les avantages technologiques de l'armée française sont ainsi réduits : par exemple, l'aviation ne peut guère détecter les grottes lors des missions de reconnaissance, et en cas de découverte, le bombardement (notamment par les avions T6) a une action limitée, voire nulle. À l'abri des frappes françaises, ces grottes offrent aux rebelles des utilisations très variées.

        À la sortie d'une grotte, 1957

        Une typologie des utilisations de grottes en fonction de leurs caractéristiques naturelles est proposée par J. Triollet pour le nord de l'Algérie : (Jérôme Triolet, La guerre souterraine : sous terre, on se bat aussi, Paris, édition Perrin, 2011, p. 214)
        - Les petites grottes : infirmerie de fortune, centres logistiques (stockage de nourriture, armes, munitions, documents, vêtements, chaussures ; ateliers de confection d'uniformes et de, réparation d'armes ; abri temporaire),
        - Les grottes munies de point d'eau : repos en sécurité sur des périodes plus longues pour les rebelles, réunions de chefs des mouvements clandestins, hôpital, prison pour les soldats français capturés, refuges tempérés face au froid, notamment dans les montagnes de la rude Kabylie.
        Le FLN peut ainsi se protéger, se déplacer, et dissimuler ses réserves.

        D'abord, se protéger des missions de reconnaissance de l'aviation, ainsi que de certaines opérations de ratissage, lorsque l'entrée de la grotte n'est pas découverte.

        Ensuite, se déplacer : le mouvement est fondamental dans la guerre de partisan, comme le rappelle Christian Malis dans son ouvrage sur la guerre irrégulière. (Christian Malis, La guerre irrégulière, Paris, Économica, 2011, 280 p.)
        Le réseau de grottes constitue autant de gîte étape permettant d'éviter de se réfugier dans les fermes ou les zones d'habitation. Le déplacement peut aussi s'effectuer sans arme ni munitions pour ne pas attirer l'attention, si celles-ci ont été pré-positionnées en prévision d'une action.

        Enfin, abriter des réserves : nourriture, médicaments, munitions. Autant de magasins de guerre naturels qui permettent d'organiser le soutien logistique des unités rebelles.

        Ces grottes présentent donc pour les rebelles algériens un atout cardinal dans la préparation d'opérations de subversion, comme le souligne le chef de corps du 20ème B.C.P, en juin 1958, (SHD/GR, 1H 3980, lettre n° 289/20 BCP/3, du 6 juin 1958, du lieutenant-colonel Gasc, commandant le 20ème B.C.P. au colonel commandant la 8ème demi-brigade mixte, relative à la découverte de caches.) en estimant que " la découverte de ces caches et grottes permettraient de détruire une grosse part du support permettant aux rebelles de subsister ".

Un réseau caché :
talon d'Achille du plan Challe

        À partir de 1959, les opérations (étincelle, jumelles…) menées dans le cadre du plan Challe permettent de démanteler les bastions du FLN, dont les formations affaiblies, doivent éclater en unités moins puissantes. Ces opérations consistent à mener des attaques surprises de grande envergure, en bouclant une zone par des unités héliportées et enfin en ratissant par des unités d'élite (légionnaires, parachutistes, commandos de chasse…). Coupée de ses bases arrières au Maroc et en Tunisie, la rébellion risque rapidement l'asphyxie. Pour l'exécution de ce plan Challe, l'armée est alors divisée entre d'une part, une réserve générale composée d'unités de métier et d'unités du contingent, dont la mission est d'intervenir contre le FLN, et d'autre part, le reste de l'armée, dont la mission est de contrôler la population en quadrillant le territoire et de lutter contre les infiltrations quotidiennes du FLN. Les unités chargées de traquer les rebelles doivent porter une attention particulière aux caches et aux grottes. En effet, elles constituent une menace lors des opérations de ratissage. Les rebelles peuvent se laisser dépasser sans se manifester ou résister plus efficacement qu'en terrain libre.

        Un exemple est donné par Roger Clair, en juillet 1959, alors que la présence de rebelles a été signalée par l'aviation de reconnaissance sur un des massifs, cinq sections du 27ème bataillon de chasseurs alpins sont héliportés, bouclent la zone, mais ne trouvent aucun rebelle lors du ratissage. Le chef d'élément subodore la présence d'une grotte dans laquelle les rebelles se seraient dissimulés et fait appel à la section grotte pour découvrir la cache. (Roger Clair, Commando spécial. Algérie 1959-1960, Paris, Pygmalion, 1998, p. 96)

        Une représentation du monde souterrain divergente entre occidentaux et orientaux
        Autant, l'utilisation des grottes paraît ancrée dans les mœurs des Algériens, du moins des rebelles, autant leurs dimensions parfois étroites peuvent provoquer chez des soldats français, souvent peu habitués au monde souterrain, des appréhensions et de la claustrophobie.

        La représentation du monde souterrain par les occidentaux ne leur permet le plus souvent de n'y voir qu'un monde plein d'inconnu et de surprise. La grotte est souvent connotée négativement. Dans la mythologie antique, la caverne de Platon est un lieu des vérités erronées d'où l'homme a intérêt de sortir. Chez Virgile, le passage aux enfers s'effectue par une grotte. (Virgile, L'Enéide, Paris les Belles Lettres, 2012, chapitre VI.)

Inspection d'une grotte, 1959

        La représentation du monde souterrain par les orientaux diverge de celle des occidentaux, comme le montre l'approche anthropologique d'Henri Basset dans ses travaux sur le culte des grottes au Maroc. (Henri Basset, Le culte des grottes au Maroc, Paris, édition du Jasmin, 2004, 131 p. : l'auteur présente notamment l'utilisation des grottes en Afrique du Nord par les habitants et leur place dans l'imaginaire collectif religieux musulman.)

        Il démontre l'importance de la place de la grotte dans l'imaginaire collectif religieux en Afrique du Nord. Ainsi, pour les orientaux, la grotte peut être un lieu sinon de magie du moins de puissance surnaturelle avec lesquelles les populations nouent des contacts depuis l'Antiquité. Ainsi il y a des grottes bien identifiées avec certaines tribus. Les villageois peuvent se rendre régulièrement dans leur grotte, s'y sentir en sécurité et développer une relation intime avec la grotte.
        Cette divergence des représentations est particulièrement sensible entre deux romans relatifs à une même grotte : La grotte de Georges Buis (George Buis, La grotte, Paris, Seuil, 1961, 317 p.) et La grotte éclatée de Yamina Mechakra. (Yamina Mechakra, La grotte éclatée, Alger, édition SNED, 1979, 171 p.)

        Cette grotte s'inscrit dans le contexte général de la guerre d'Algérie et le contexte particulier de la guerre souterraine. Des rebelles utilisent cette grotte, dont le volume et l'aération permettent d'y installer un important dispositif de commandement et de logistique. La localisation et la destruction de cette grotte est l'objet du livre du général Buis, une recherche qui occupe durant presqu'une année les troupes françaises. Y. Mechakra se présente comme une militante de l'indépendance de l'Algérie, ayant servi les rebelles dans cette grotte.

Spéléologues opérationnels lors de l'opération Cigale

        Elle y évoque sa vie, en qualité d'aide-soignante puis de cuisinière. Elle décrit, avec de nombreux détails, les conditions de vie, la cohabitation des combattants valides, des mourants et des morts. Parmi les épisodes notables, celui du jugement de deux prisonniers français, l'un harki, qui est exécuté, l'autre, un soldat d'origine alsacienne, proche des idées du parti communiste, obtient d'être libéré. L'auteur n'est plus présent lorsque les militaires français finissent par découvrir l'important complexe souterrain et l'investissent. Mais la perte de ses proches tués dans la défense de la grotte finit par lui faire perdre la raison. S'il s'agit dans les deux ouvrages de versions romancées fondées sur des faits réels, ce qui est intéressant est moins la véracité historique des faits, que la représentation de la grotte décrite à travers ces deux récits.

        Une lecture croisée a été ainsi effectuée sous la direction du professeur Catherine Brun. (Catherine Brun (dir), Guerre d'Algérie, les mots pour le dire, Paris, CNRS éditions, 2014, pp. 177-190 " une guerre, deux grottes : lecture croisée de La grotte et de La grotte éclatée ")

        Le premier roman porte un regard extérieur, décrivant la grotte par ses caractéristiques géologiques, ses dimensions, sa localisation, sa topographie. À cette approche rationnelle, s'oppose l'approche irrationnelle, parce que passionnelle, de l'autre récit. Sont décrits l'ambiance sentimentale et inquiète qui y règne, ainsi que la relation fusionnelle entre les occupants et le monde minéral. Ce jeu de miroir entre ces deux récits est emblématique de cette divergence de perception du monde souterrain entre Occident et Orient.

Les sections grottes : une solution commune
pour un problème commun
Comment détruire les rebelles réfugiés dans une grotte, effectuer une reconnaissance et la neutraliser de façon pérenne ?

        Dès 1954, les armes de mêlée sont souvent confrontées à la présence de grottes lors de leurs opérations de ratissage. Lorsqu'elles sont vides, se pose le problème de la reconnaissance, notamment lorsque les boyaux sont étroits et nécessitent de ramper, ainsi que celui de la neutralisation du souterrain.
        Lorsque la grotte est occupée, se pose le problème de neutraliser l'ennemi. Alors que le temps de ratissage d'une zone est souvent soumis à un délaiprécis, ces unités ont parfois besoin de sacrifier leurs échéances en sollicitant l'intervention des sapeurs pour traiter une grotte.

        Comment détruire l'ennemi ? : Le 23 mai 1957, dans le cadre d'une opération dans le djebel de Mesloula ( SHD/GR, 1H 3836, compte-rendu de l'opération du djebel Mesloula du Génie divisionnaire du 23 mai 1957), le 8ème régiment d'artillerie fait appel à une équipe de sapeurs du 7ème régiment de Génie, dotés d'un équipement " grotte " (lot comprenant des cordes de rappel, casques de spéléologie, lampes…). Face à la résistance déterminée des rebelles retranchés dans la grotte, le lieutenant du Génie a recours à l'usage d'explosifs (TNT), notamment sous la forme de Bangalore. La grotte est détruite avec 3 tonnes d'explosifs. L'opération dure toute une journée. S'il n'y a pas de perte humaine chez les Français, l'acheminement des explosifs fut chronophage, les hélicoptères ne pouvant transporter une telle quantité.

        Comment reconnaître la grotte ? : il est dangereux pour une unité non spécialisée de pénétrer dans une grotte. Michel Schultz, ancien chef de section grotte évoque l'exemple d'une unité de la légion qui s'était attaquée à réduire une grotte (Michel Schoultz, " la section grotte de la 75ème compagnie du génie aéroporté ", amicale des anciens du 17ème RGP, 75ème compagnie du génie aéroporté. AFN 1956-1961. Montauban, 2010, p. 22) et dont l'équipe de tête, engagée dans un boyau étroit en rampant à la queue leu-leu, avait à franchir une ouverture très étroite donnant dans une salle. Les rebelles installés dans la salle tranchaient la gorge discrètement et efficacement à toute tête qui se présentait, avant de tirer proprement le corps vers eux. Huit légionnaires périrent ainsi avant qu'un soldat comprit la situation.

        Comment interdire aux rebelles de revenir dans la durée ? : dès novembre 1957, il est en effet constaté que des grottes de la région d'Oran, dont l'entrée avait été détruite lors de leur découverte, sont de nouveau utilisées par des rebelles. ( SHD/GR, 1H 4184, compte-rendu du 3ème bureau du 8 novembre 1957) Afin de surveiller les grottes reconnues par les unités françaises, un compte-rendu de traitement doit être établi lors d'une neutralisation afin que l'unité militaire en charge de la surveillance du secteur puisse régulièrement l'inspecter18. ( SHD/GR, 1H 4184, note de service du 3ème bureau du 24 octobre 1957)

Une solution commune :
des unités spécialisées pour assurer ces trois missions.


        Le Génie adapte son organisation au nouvel enjeu de cette guerre souterraine. À partir de 1959, afin de répondre aux exigences du plan Challe, trois corps d'armée couvrent le territoire algérien (Oran, Alger, Constantine), dont le nombre de départements passe de quatre en 1955 à quinze en 1958. Un département correspond au territoire d'une division. Une compagnie du génie de zone est alors mise pour emploi auprès de chaque division.

        Au sein de chaque compagnie, une section " armes spéciales " (section grottes) est armée et mise à disposition des unités combattantes. Soit un total de 18 sections de grottes, créées à compter de l'été 1959. Fruit des expériences tirées du terrain depuis 1957 par les différentes unités ayant traité des grottes, une instruction est rédigée en 1959 afin de décrire les techniques les plus efficaces pour pénétrer, combattre et infecter une grotte. Elle précise l'organisation et la mission de ce type de section. ( Instruction sur l'emploi des sections grottes en Algérie, n° 4490/E.M.I/3.OPE., approuvée le 31 décembre 1959, pour le général d'armée aérienne M. Challe, commandant en chef les forces en Algérie, par ordre, le colonel de Boissieu. Rédigé par la section opération (OPE) du 3ème bureau de l'état-major interarmées (EMI). Alger, 1959, 35 p)

        
        Une équipe de la section des grottes de la demi-brigade de fusiliers marins (DBFM) pose devant leurs camions avant de partir en opération

        D'abord, l'organisation de la section " armes spéciales " : cette section est composée de sapeurs ayant suivi une instruction pour les armes spéciales. ( Instruction sur l'emploi des sections grottes en Algérie, op. cit., p. 12)

        Articulée autour de deux équipes, et composée d'un officier, d'un sous-officier adjoint, de deux sous-officiers chefs d'équipes, et de 21 hommes de troupe, la section compte 25 hommes.

        Dans les faits, les effectifs et la composition des sections peuvent varier. La section " grottes " de la 75ème compagnie du Génie aéroporté fonctionne avec un effectif entre 50 et 44 hommes, tous sapeurs (Michel Schoultz, op. cit., p. 26).

        Descente dans un puits dans la région de Duperré

        En revanche, la section " grotte " de la 62ème compagnie du Génie de zone, localisée à Tlemcen, a un effectif de vingt-cinq hommes (1/3/21), correspondant à l'instruction de 1959, mais dont la moitié des hommes ne sont pas sapeurs et viennent d'unités de mêlée (SHD/GR, 1H 4184, rapport d'inspection pour la section " grotte " de la 62ème CGZ, du 18 novembre 1961)

        La section de grottes bénéficie d'une priorité accordée pour le déplacement en hélicoptère (Instruction sur l'emploi des sections grottes en Algérie, op. cit., p. 17) lorsqu'elle intervient à la demande des unités engagées dans des opérations de bouclage de zone.

        Le volontariat garantit une forte cohésion au sein de la section, cohésion nécessaire pour la confiance entre les hommes. Et cette confiance mutuelle est indispensable aux hommes lors de l'engagement dans les profondeurs souterraines. Roger Clair, soldat dans une section grotte insiste sur l'importance de cette cohésion. (Roger Clair, op. cit., p. 19)
        Ensuite, l'instruction précise la mission de ces sections : créées pour " traiter des objectifs souterrains que ne permettraient pas de neutraliser ou de détruire des moyens classiques terrestres ou aériens ". Afin de renforcer l'efficacité de la section, le chef du détachement de grotte envoyé en mission est désigné comme le seul pilote des opérations, quelles que soient les priorités de l'unité ayant sollicité l'intervention.
        Ainsi, ce type de section permet de mieux relever les défis posés par la destruction de l'ennemi, la reconnaissance des galeries souterraines, de la durée d'interdiction d'accès de la grotte aux rebelles.

        D'abord, la destruction de l'ennemi : en cas d'occupation de la grotte par les rebelles, deux options sont possibles pour les neutraliser : les tuer ou les blesser en combattant, ou obtenir leur reddition. Dans ce dernier cas, négocier avec les rebelles nécessite un contact rapproché qui peut se révéler périlleux, comme en témoigne en 1960 une note du commandement faisant état de pertes importantes sur le territoire du corps d'armée d'Alger lors des tentatives de certains chefs de section de grottes pour engager une négociation. (SHD/GR, 1H 3980, note de service n° 500/CAO/3/OPE, du 21 mars 1960, relative à la réduction des grottes occupées par des rebelles)
        Aussi, il est demandé de privilégier le recours à l'utilisation d'armes collectives, comme le bazooka ou les fusils lance-grenade, afin d'obliger les rebelles à sortir se présenter au contact de la section grotte et non plus l'inverse. (SHD/GR, 1H 2786, note de service n° 3793/CAA/3/OPE du 20 août 1961, relative à l'utilisation d'armes collectives dans la réduction de caches.)

        Ensuite, la reconnaissance des lieux : reconnaître une grotte constituée de nombreuses galeries peut être délicat. En effet, la méthode pour ne pas s'égarer lors de la progression dans les boyaux praticables, est chronophage. D'ailleurs, l'instruction précise bien que seul le chef de l'élément grotte engagé sur une opération est habilité à décider du temps nécessaire pour mener à bien sa mission. (Instruction sur l'emploi des sections grottes en Algérie, op. cit., p. 18)

        Un soldat équipé d'une combinaison en butyle et d'un masque à gaz se prépare à la reconnaissance de la grotte après l'emploi du gaz

        Enfin, l'interdiction de l'accès à la grotte : face à la faible efficacité de la destruction par explosifs de la grotte ou de ses accès, l'utilisation de gaz persistant permet d'interdire aux rebelles les grottes déjà fouillées. Ce gaz persistant, injecté par la section grottes, se dépose sur les parois de la cavité, en milieu clos, et se réactive sous forme d'aérosol dès qu'un homme pénètre dans la cavité. En fonction des conditions géologiques, de dimension, du taux d'humidité, de la ventilation naturelle, le gaz peut durer de quelques mois à deux années. Ce gaz est un lacrymogène, même si l'utilisation d'autres types de gaz ne peut être exclue, lors d'essais, notamment par la batterie d'armes spéciales. Antoine Prost, lieutenant en poste en 1960, à Bordj Oultern, prétend avoir été témoin de l'utilisation d'un gaz à base d'Ypérite, le 17 juin 1960, lors du traitement de la grotte que son unité a découvert lors d'une opération de bouclage de zone, dans le massif de Kafsa. (Antoine Prost, Carnets d'Algérie, Paris, Tallandier, 2005, 196 p., p. 12)

Sections de grottes : des moyens spécifiques
et une méthode pragmatique pour une meilleure efficacité
Des moyens spécifiques

        L'utilisation d'explosifs montre rapidement des limites. La destruction d'une grotte dépendant de son volume et de la nature de la roche, les sapeurs ont régulièrement besoin de plusieurs centaines de kilos d'explosifs, dépassant parfois la tonne et se heurtent aux quantités parfois limitées disponibles dans les dépôts de munitions et surtout à la difficulté d'acheminer de telles quantités. Aussi, la mise au point d'armes spécifiques pour le combat souterrain, commencée dès 1957, permet de généraliser, à partir de 1959, l'emploi de munitions contenant du gaz lacrymogène. Le dispositif le plus imposant est la soufflerie, avec son groupe électrogène, ses tuyaux, sa bonbonne de gaz à envoyer dans les boyaux de la grotte. Cette soufflerie permet aussi d'éviter de se battre sous terre, obligeant les rebelles à sortir sous peine de mourir asphyxier.
        Les soldats de la section des grottes de la DBFM avec leur matériel dont la soufflerie qui permet de diffuser le gaz lacrymogène dans les boyaux souterrains

        Toutefois, le sapeur Roger Clair nous donne un exemple d'opération où son utilisation dans une grotte de la région d'Ifficha (Roger Clair, op. cit., p. 113.) échoua : un groupe de rebelles retranchés dans cette grotte résistaient en dépit du lancement de plusieurs pains de TNT dans l'entrée du souterrain ; aussi, une équipe de la batterie armes spéciales du 411ème RAA arriva en renfort.

        Annexe de l'instruction sur l'emploi des sections grottes en Algérie, 31 décembre 1959

        Cette dernière apporta une soufflerie, une bonbonne de gaz, des combinaisons en butyle. Lors de l'introduction du tuyau dans le boyau de la grotte, les rebelles firent un nœud à ce tuyau, provoquant un brutal reflux du gaz vers l'entrée de la soufflerie, aspergeant les militaires français, et nécessitant d'engager par la suite un combat au corps à corps dans les boyaux pour s'emparer de la grotte.

        D'autres armes, moins volumineuses, et donc plus maniables, sont utilisées par les unités de réduction de grotte. La roquette " Z " spéciale pour le LRAC, permet de tirer avec une certaine précision et surtout à distance (plus d'une centaine de mètres) d'une entrée de grotte protégée par des tirs de rebelles. L'efficacité de la munition vient moins de l'explosion que de la diffusion du gaz irritant, très handicapant pour les tireurs en cas d'inhalation.


Maîtres-chiens

        Les grenades L 424, (SHD/GR, 1H 4184, notice technique du 30 octobre 1957 relative aux caractéristiques techniques établies par le constructeur de grenade L 424.) contenant un gaz lacrymogène dont le pourcentage d'arsine est augmenté par rapport à une version précédente (L 422), sont employées pour un combat rapproché ou pour infecter la grotte. Les pains de TNT sont à jeter dans la grotte avant de l'investir, l'effet de souffle, amplifié par le confinement des lieux, pouvant être dévastateur pour les rebelles, physiquement ou même moralement. Enfin, le lance-flammes, rarement utilisé, en raison du risque de retour de flamme.

        La mise en place d'armes nouvelles utilisant des gaz lacrymogènes modifiés et adaptés au milieu souterrain est l'œuvre de la batterie armes spéciales (B.A.S) du 411ème régiment d'artillerie anti-aérienne de Sidi-Ferruch. À compter de l'été 1959, les instructeurs de cette batterie forment le personnel des sections de grottes à l'utilisation de ces armes et des techniques correspondantes.

        Par ailleurs, d'autres moyens ont été étudiés par cette BAS, comme la formation de chiens pour dépister une présence humaine dans une grotte. (Thierry Noulens, " L'utilisation des chiens militaires pendant la guerre d'Algérie ", Revue historique des armées, n° 4, 2002, pp. 37-49).

        Si des documents d'archives confirment la présence de chiens spécialisés dans les sections de grottes, certains témoignages, notamment ceux de Roger Clair ou d'Yves le Gall, contestent la capacité du chien à travailler sous terre. La présence d'un chien dans leur section est mentionnée, mais l'animal n'a pas d'emploi opérationnel autre que celui d'une mascotte.

Une méthode pragmatique

        L'instruction se fonde sur le retour d'expérience d'unités intervenant dans les grottes dès 1956, comme la 75ème compagnie du génie aéroporté, ou celle de la demi-brigade des fusiliers marins. Depuis 1957, les comptes rendus sont centralisés au niveau de l'inspection de l'Artillerie via les troisièmes bureaux des divisions. (SHD/GR, 1H 4184, note du 24 octobre 1957 relative au plan type de compte-rendu à adresser au 3ème bureau lors du traitement des grottes. Cette note fait l'objet d'une rediffusion le 28 juin 1958.)

        Les différentes phases de la méthode d'exécution de la mission sont au nombre de trois : d'abord, l'approche de la grotte : les abords de l'objectif étant en général tenus par les troupes amies, l'approche se réduit à une progression en sûreté. Toutefois, pendant cette phase, il est recommandé d'éviter toute fatigue excessive, afin de préserver le potentiel physique pour la reconnaissance et le traitement de la grotte. Si l'entrée du souterrain est tenue par les rebelles, l'utilisation du LRAC avec munitions spéciales est conseillée pour faciliter la neutralisation de l'ennemi.

        Ensuite, la reconnaissance des boyaux souterrains : cette phase délicate et importante nécessite une répartition des tâches. L'élément de commandement, d'appui et de recueil est composé par le chef de section, le chef de la première équipe, le reste de l'équipe de tête doit progresser de points abrités en points abrités, tout en étant équipés d'un phare et de pistolets mitrailleurs. Les équipes suivantes constituent une chaîne humaine à portée de voix et de lampe. Les autres militaires constituent la réserve, sous le commandement d'un gradé compétent. Cette reconnaissance doit s'effectuer lentement, dans une seule direction à la fois, tout en surveillant les galeries secondaires.



        Croquis réalisé à la suite de la reconnaissance d'une grotte par la section " armes spéciales " de la 62ème compagnie du génie de zone, mars 1961

        Le chef de section relève un plan sommaire pour assurer une exploration systématique par la suite et une détection de toutes les issues. Si la grotte est vide, le traitement par gaz ou explosif peut être entrepris. En revanche, si les rebelles se manifestent ou si des indices d'occupation sont détectés, la reconnaissance est interrompue. En cas de refus de reddition, la neutralisation de l'adversaire par le gaz est alors entreprise.

        Enfin, le traitement de la grotte par enfumage : pour utiliser le gaz, il est nécessaire de prendre en compte les dimensions de la grotte, ainsi que les conditions atmosphériques intérieures (humidité et ventilation). L'obturation des entrées est considérée comme difficile et l'utilisation d'explosif est présentée comme peu concluante, sauf quand il s'agit seulement de provoquer un éboulis dans un relief qui s'y prête. Cette phase est un moment clef, en effet, si des rebelles sont encore présents, ils peuvent soit se rendre soit tenter un passage en force.

Conclusion

        Face à la stratégie de destruction du FLN, le Génie oppose une tactique antisubversive efficace.
        Alors que le réseau de grottes constitue un atout majeur dans le combat de la rébellion, l'armée française, notamment le Génie, neutralise progressivement ce réseau souterrain, à partir de 1959, en mettant hors de combat les éventuels occupants (mission de réduction) et en empêchant toute nouvelle occupation et utilisation des lieux (missions de destruction et d'interdiction). Cette réussite se fonde sur la capacité d'adaptation et d'innovation du Génie.
        Cette adaptation s'effectue à deux niveaux : d'abord, une adaptation en savoir-faire, avec le développement de moyens et de techniques de guerre souterraine : gaz, matériel de spéléologie et de combat souterrain, doctrine d'emploi.
        Ensuite, une adaptation en organisation : les sections armes spéciales, dites sections " de grottes ", hébergées au sein de la compagnie de Génie de soutien de zone (au niveau de la division).

        Ainsi, la guerre souterraine en Algérie se divise en deux périodes principales :
        - 1955-1959 : des actions ponctuelles menées par les unités de mêlée, dont les résultats aléatoires nécessitaient parfois un renfort de sapeurs. Et surtout, ces efforts demeurent souvent sans lendemain, car les rebelles utilisent souvent de nouveau les grottes fouillées.
        - 1959-1962 : des actions coordonnées entre unités de mêlée et menées par des sections de grottes spécialement entraînées au combat souterrain. L'utilisation dans les grottes d'un gaz lacrymogène persistant permet d'empêcher le plus souvent le retour des rebelles. Le compte-rendu dressé après chaque opération et centralisé par le 3ème bureau de la division permet d'assurer une surveillance suivie des grottes traitées.

        L'articulation entre une organisation d'hommes et une panoplie d'armes (la section grotte a des effectifs propres et une doctrine d'emploi des armes) assure une efficacité dans la neutralisation des grottes (réduction, reconnaissance, interdiction). En brisant l'épine dorsale des opérations de lutte subversive des rebelles, le Génie contribue avec succès à la lutte antisubversive sur le terrain. La suite des événements, à partir de 1962, ne dépend plus des opérations de terrain mais des stratégies politiques, sur lesquelles le Génie n'a guère de prise.

SACRÉ TOTO...
Envoyé Par Annie

Le français est une langue toute en nuance.
          M. Macron visite une école primaire
          Le professeur demande au politicien s'il veut bien mener la discussion autour du mot « tragédie ».
          Alors, là, Macron demande à la classe un exemple de « tragédie ».
          Un petit garçon se lève et propose :
          - Si mon meilleur ami, qui vit dans une ferme, était en train de jouer dans le champ et qu'un tracteur lui roule dessus et le tue, ce serait une tragédie.
          - Non, dit Macron, ce serait un accident.
          Une petite fille lève la main :
          - Si un bus scolaire transportant 50 enfants tombait d'une falaise, et que tout le monde était tué à l'intérieur, ça serait une tragédie.
          - Je crains que non, explique Macron, C'est ce qu'on appellerait une grande perte.
          Le silence se fait dans la salle. Aucun autre enfant ne se porte volontaire. Le professeur cherche dans la salle.
          - N'y a-t-il personne ici qui puisse me donner un exemple de tragédie ?
          Finalement, au fond de la salle, Toto lève la main. D'une voix calme il dit :
          - Si l'avion du gouvernement vous transportant était frappé par un tir de missile et était complètement désintégré, ça serait une tragédie.
          - Formidable s'exclame Macron. C'est exact. Et peux-tu nous dire pourquoi ce serait une tragédie

          - Eh bien, dit le garçon, il faut bien que ce soit une tragédie, car ce ne serait certainement pas une grande perte et probablement pas un accident non plus !



Le rendez-vous des pêcheurs
Envoi de M. Christian Graille
               Depuis qu'il n'y plus de quartier de la Marine Bab-el-Oued est devenu le rendez-vous des pêcheurs.
               Il y a trois grandes catégories de pêcheurs :
               - les professionnels qui jugent la pêche comme une corvée,
               - les amateurs pour qui elle est une passion dévorante dont l'obsession occupe toutes les conversations … et
               - les pêcheurs en retraite qui, ayant oubliés les rudes exigences du métier pour ne se souvenir que de la poésie qu'il dispense, servent volontiers de trait d'union entre les amateurs et les professionnels.


               De ces trois familles de pêcheurs deux sont à peu près invisibles.
               Les techniciens sont à la pêche, les autres rêvent à ses fastes dans le vacarme de l'atelier ou du chantier.
               Ce sont les marins en retraite que l'on rencontre le plus souvent à Bab-el-Oued.
               Ils sont restés fidèles à l'uniforme traditionnel des marins et la casquette posée sur la tête comme seuls savent le faire les gens sans galons …
               Le pull-over à col roulé, le veston de toile ou de drap bleu qui sont nés sur les rivages farouches de la Méditerranée.
               Ils forment un clan à part, et fraternellement mêlés depuis les anciens matelots jusqu'aux anciens patrons de pêche, ils jouent aux cartes derrière les verrières des cafés.

               Ceux-ci mis à part, il est difficile de distinguer les professionnels des amateurs.
               C'est que la pêche comme la peinture est un art qui se rit de ces classifications arbitraires.
               En fait les professionnels sont simplement des hommes qui vivent de la pêche, alors que les autres se ruineraient volontiers pour elle.

               Mais ceci n'a aucun rapport avec le talent du pêcheur.
               Si vous voulez rencontrer le professionnel il faut vous lever avant l'aube. Vous distinguerez leurs silhouettes confuses trottant au ras des murs les jours d'orage et de pluie, ou vous entendrez leurs appels étouffés avant les matins d'été.
               Autrefois il leur suffisait de descendre les escaliers des boulevards pour embarquer à bord des chalutiers avant que les muezzins des mosquées n'appellent les croyants à la prière.
               Aujourd'hui certains pêcheurs doivent couvrir plusieurs kilomètres pour rejoindre les quais de pêche.
               C'est l'un des innombrables drames d'un progrès mal compris et d'un urbanisme aveugle qui prétend substituer une ville à l'autre au lieu de juxtaposer des quartiers nouveaux à côté des vieilles communautés serrées par les habitudes sur les lieux de leur travail.
               Le soir à l'heure où les amateurs enfin libérés par l'horaire du travail préparent leurs pièges, les professionnels rentrent pour vendre leur part aux initiés.

               Le dimanche et les jours de fête, c'est la ruée des passionnés.
               Les latins cachent quelque part dans un recoin de l'hérédité quelque chose de l'âme des pirates.
               Ils adorent la mer, mais ce n'est pas tellement pour s'y plonger dans un vertige d'amour partagé.
               Ils l'aiment avec une pointe d'égoïsme, pour les joies qu'ils peuvent tirer d'elle.
               C'est un peu aussi la définition du souteneur.

               Ce qu'il y a d'extraordinaire c'est qu'il est partout de la même manière.
               La pêche est une religion latine dont les arcanes les plus secrets sont scrupuleusement respectés jusque dans les moindres criques :
               - d'Espagne, de France, d'Afrique du Nord, ou d'Italie.

               Le pêcheur se lève le matin, bien avant le lever du jour.
               Pendant qu'il savoure un café toujours noir, à petites gorgées d'oriental blasé, il entasse dans les " couffins " (paniers) de palmier tressé :
               - la ligne,
               - les hameçons et
               - l'amorce aux relents de pêcherie abandonnée.
               - Il ajoute la bouteille de vin, puis il recouvre le tout d'une serviette éponge ou d'un mouchoir colorié.


               Le " roseau " est accroché derrière la porte. Il le jette sur l'épaule avec le geste martial d'un héros décidé au combat.
               Ce qu'il fait le long du jour, nul ne saura jamais exactement.
               Peut-être pêche-t-il tout simplement. Mais les gestes qu'il ébauche ne suffisent pas à convaincre. Ils évoquent assez vaguement un peu, une distraction manuelle, une occupation machinale et inoffensive, qui laisse toute liberté au vagabondage de la pensée.
               L'âme du petit peuple de la Méditerranée est saturée par une sagesse millénaire.
               La pêche pour ces héritiers d'Ulysse, dont le costume bleu accule le hâle ….
               Ce n'est peut-être qu'un prétexte, c'est une supercherie.
               Elle permet de s'abandonner aux nonchalances de la rêverie clandestine.
               Encastré entre l'eau et la lumière le " pêcheur " ne pêche pas.
               Il rentre en communion avec la mer.
               S'il est assis sur un rocher, les petites vagues baignent ses chevilles libérées par le pantalon retroussé.
               S'il rêve sur une " pastéra " les mouvements alternés de l'eau le bercent comme un Calife de Byzance.

               Dans l'un et l'autre cas, le soleil s'efforce de déchiffrer la nature de sa coiffure invraisemblable.
               Au bout de quelques heures " le pêcheur " las de rêver bénéficie de l'infinie générosité du soleil. L'ivresse de la chaleur et de la lumière le gagne.
               Il entre comme les derviches (personnages pratiquant une danse rituelle où ils tournent sur eux-mêmes) dans un paradis inconnu peuplé de reflets irisés, il s'assimile à ces vieillards qui dorment pendant toute la journée contre un mur brûlé par la réverbération du soleil, et que les Musulmans appellent " des buveurs de soleil ".
               L'enchantement cesse avec les ombres du crépuscule…. Et le retour est soumis aux mêmes règles que le départ.
               Le pêcheur entre dans un café du port.

               En une journée de station sur un rocher il a acquis la démarche chaloupée des gens de mer. Il dépose son panier, les prises dérisoires et les restes d'amorces s'y mêlent sans qu'il soit possible de les identifier. La bouteille est vide, un petit poulpe s'y tient encore agrippé longtemps après la mort… comme un ivrogne serrerait un bec de gaz.
               C'est l'heure de l'anisette dont le parfum est quintuplé quand les lèvres sont desséchées par le sel.
               C'est aussi l'heure des histoires. Personne n'y croit jamais parce qu'elles sont arrivées à tout le monde :
               - à Raïsville,
               - aux Deux Chameaux,
               - à Matarèse,
               - sur les jetées du port, ou
               - le long de la plage du Jardin d'Essai où jadis s'est marié Cagayous.

               Qu'importe.

               Le poisson n'a rien à voir à ces histoires de pêche.
               Si l'on en veut vraiment il suffit d'aller attendre le retour des chalutiers, ces fabuleux bateaux des pêches miraculeuses. Non … ce qui compte ce n'est pas la pêche …. C'est l'ivresse de rester une journée au soleil comme une divinité païenne … et c'est l'étrange bonheur de se sentir envahi par un trouble indéfinissable quand on regarde la côte qui ressemble curieusement dès qu'on s'en éloigne, aux vieilles lithographies désuètes de l'Algérie barbaresque.
Alger-Bab-el-Oued. Jean Brune. Essai 1956


Voyage à travers les feuilles fanées
des journaux du faubourg
Envoi de M. Christian Graille
               Pour ceux qui ne seraient pas convaincus de l'originalité du faubourg et qui lui refuserait le titre de quartier exceptionnel il reste à dire que Bab-el-Oued n'a pas seulement donné naissance à une littérature.
                Il a créé une presse et je ne pense que nul autre quartier d'Alger ne peut en dire autant.
                Il est temps d'évoquer le souvenir des confrères lointains qui ont lancé sur le pavé de la Bassetta et des Trois Horloges ces journaux qui s'appelaient :
                - " l'écho de Bab-el-Oued ",
                - " le Cochon " ou
                - " Papa Louette ".


               Ce sera l'occasion de découvrir une forme inattendue du journalisme, une langue savoureuse et une combativité agressive dont la presse algérienne semble avoir perdu le secret.
                J'ai sous les yeux un numéro de " Papa Louette " qui se proclame :
                - " journal satirique,
                - humoristique, et
                - anti politique, paraissant tous les dimanches ", la date porte le chiffre du 3 mai 1908….


                Et à l'autre bout de la première page on lit " troisième année n° 64 " ce qui laisse penser que le " Papa Louette " dut interrompre fort souvent sa parution, sans quoi il eut dû au bout de trois ans atteindre au moins le total de 105 à 150 numéros. Passons sur l'affreux calembour du titre et remarquons que la direction de ce journal introuvable ne prend pas de gants avec sa clientèle.
                Elle fait insérer en effet en exergue la formule lapidaire " les manuscrits non insérés sont fichus au panier. "
                Nous sommes prévenus.
                Un encadré en caractères gras confirme les intentions de la feuille, on y lit : " par la plume ou un coup de tête ".
                C'est digne du Cid. Et le contenu tient les promesses de la vitrine.

                On y va " à coup de tête " beaucoup plus que " par la plume ".
                Il est vrai que ce numéro du " Papa Louette " aborde hardiment la campagne pour les élections municipales et titre son éditorial " pas d'absentions ! " Déjà !
                " Allez, allez tas de fours à chaux … dit le texte…. vous en jetez des chalefs (mensonges), vous n'avez pas de vergogne en dessous votre satche fatcha de calamar en chaleur… "
                C'est du réalisme où je ne m'y connais pas.

                A côté de ces polémiques trempées dans le piment rouge, nos contre-verses modernes paraissent bien pâles, bien anodines, et si nous n'avions pas de temps en temps le style de :
                M. le professeur Mandouze,
                - de M. Zanettacci Nicolas ou de
                - M. Chevallet


                Pour nous ragaillardir, la lecture des journaux ne serait qu'un insupportable somnifère.

                Encore me suis-je imposé de ne donner ici que des extraits accessibles même aux démocrates chrétiens, car certains passages feraient rougir un corps de garde de chasseurs d'Afrique.
                N'allez cependant pas penser que le " Papa Louette " n'est qu'un brûlot électoral. C'est un vrai journal, avec :
                - les rubriques classiques,
                - des spectacles,
                - des sports ou
                - des faits divers.


                Rayon spectacle on y apprend que le comique Albens triomphait au casino Music-Hall et que le programme du Kursal était un vrai régal.
                La rubrique sportive se recommandait d'un titre évocateur " l'Esport ".
                En voici un extrait : " Juss l'aut' jour quand on foutait le Papa Louette sous la presse, j'ai reçu la lettre qu'elle vient qu'elle est arrivée trop tard pour le dernier numéro. "
                Tanger le jour de la mouna.
                Mon cher confrair.
                Aujourd'hui l'Arlequin's club de Bab-el-Oued, il a fait le jeu avec le stade maroquin…. L'Arlequin il a foutu aux Marocains une patate terrible : Trois buts z'à un… Ceuss de Tanger, aucun il a lancé des " tobzis ", tous sages y z'ont été et tout et tout ! … etc …et …

                Dans les colonnes réservées aux faits divers on apprend qu'il, y avait une possédée à Bab-el-Oued. Mais ceci me paraît être une farce d'un confrère facétieux.
                Le docteur Gérente, dit l'article pour conclure et le docteur Rouby n'ont qu'à bien docteur Gérante, dit l'article pour conclure, se tenir.
                Et pour que la Barbarodja perde son deuxième pari nous dévoilons carrément qu'il a la prétention de faire promener " en chemise " les deux docteurs, un jeudi sur la place du Gouvernement à l'heure de la musique des zouaves. Nous préviendrons nos lecteurs en temps opportun …
                Il faut revenir à la politique parce qu'elle occupe toute la première page, et parce qu'elle a permis à un poète qui s'est modestement caché derrière un pseudonyme, de tourner un petit compliment auquel les années n'ont rien enlevé de son sel.

                Ce petit chef-d'œuvre est dédié " aux 182 candidats ".
                En voici quelques vers :

                Je suis forcé de constater
                Que les hommes sont sans franchise
                Ce n'est que lorsqu'il faut voter
                Qu'avec les gens on fraternise
                Avant, à mes salutations
                Personne ne daignait répondre
                A l'époque des élections

                Je suis l'ami de tout le monde.
                Nobles, riches, bourgeois, patrons
                Ce jour-là rôdent sur la route
                Ils me font des salutations
                Et me payent souvent la goutte
                Ils me disent pleins d'affection
                Nous comptons que tu nous secondes
                A l'époque des élections

                Je suis l'ami de tout le monde.
                Et puis quand on les a nommés
                Il est rare qu'on se salue
                Les battus ont l'air condamnés
                Et ne parlent plus dans la rue
                L'orgueil rend l'un bête et crétin
                Et l'autre en sa colère gronde
                Et le lendemain du scrutin
                Je me brouille avec tout le monde.


                Quel hommage que ce poète inconnu ait cru devoir nous cacher son nom
                Certaines séquences sont magnifiques :
                - Nobles, riches, bourgeois, patrons,
                Ce jour-là rôdent sur la route …
                On pense à François Villon , on pense aussi à des scrutins plus récents.
                Il serait cruel d'insister.

                La rubrique publicitaire occupe toute la dernière page. On y apprend que :
                - M Grima, usine du plateau Salière vendait déjà " des pâtes alimentaires et du couscous ".
                - " Le restaurant de Lyon, rue des trois couleurs (en face de la Perle " " annonce le changement de propriétaire et
                - " M. Pascal Pastor ex restaurateur à Alicante " propose un service soigné pour un franc le repas.

                C'est plus fort que mon ami Laurent.

                Mais ce n'est pas tout.
                - " M. Hafiz, 1 rue du Hamma " offre des cigarettes trois étoiles pour 0 franc 15 et
                - " la maison Nahon 17 rue Bab-Azzoun " promet un complet sur mesure pour 45 francs.

                Mais la plus savoureuse des petites annonces est intitulée : Guarda ! : On y lit
                " C'est dimanche qu'on se tire la tombola à chez Marcel Ouette…. Il y a quatre bouteilles : premier, quinquina Saint Marcel, Moscatel et Madère et autre chose encore : çuila qui veut pas de bouteilles y prend autre chose … "
                Et c'est signé " Pépette de las Palmeras ".
                L'agence Havas ne reçoit plus de petites annonces aussi joyeusement rédigées.
                C'était en 1908.
                Le faubourg achevait sa turbulente jeunesse.
Alger-Bab-el-Oued. Jean Brune. Essai 1956



Vie et mort des civilisations
Envoyé par Mme A. Bouhier

         Le fondateur d'un mini Etat, le cheikh Ras..., a été interrogé sur l'avenir de son pays et a répondu : "Mon grand-père a fait du chameau, mon père a fait du chameau, je roule en Mercedes, mon fils roule en Land Rover, et mon petit-fils va rouler en Land Rover... mais mon arrière-petit-fils va encore devoir faire du chameau."

         Pourquoi cela, lui a-t-on demandé ? Et sa réponse fut :
         "Les temps difficiles créent des hommes forts, les hommes forts créent des temps faciles. Les temps faciles créent des hommes faibles, les hommes faibles créent des temps difficiles. Beaucoup ne le comprendront pas, mais vous devez élever des guerriers, pas des parasites."

         Et ajoutez à cela la réalité historique que tous les grands empires... les Perses, les Troyens, les Égyptiens, les Grecs, les Romains et, plus tard, les Britanniques... se sont tous levés et ont péri en 240 ans. Ils n'ont pas été conquis par des ennemis extérieurs ; ils ont pourri de l'intérieur.

         L'Amérique a maintenant passé ce cap des 240 ans, et la pourriture commence à être visible et s'accélère.

         Nous avons dépassé les années Mercedes et Land Rover.... les chameaux sont à l'horizon».




Le Culte musulman et l'État français
Envoi de M. Christian Graille

               Le redoutable problème de la séparation du culte musulman et de l'État français se résume à une idée simple : la prédication religieuse sera-t-elle utilisée pour ou contre la France.
               Voici, peut-être le sujet qui a fait couler le plus d'encre et, sans doute, celui à propos duquel on a dit le plus de sottises.
               Prenons garde de ne pas payer notre écot de ce tribut redoutable.
               Ce problème de la séparation du culte musulman et de l'État français est d'autant plus irritant que la France a déjà prononcé cette séparation à l'intérieur de ses frontières.
               Les Français aiment que d'autres peuples adoptent les principes qui les régissent. Cela leur parait un hommage rendu à leur intelligence …. Ce qu'ils jugent bon pour eux, ils ont, naturellement tendance à en étendre le bénéfice à l'Afrique.
               Ce n'est, comme en bien d'autres matières, une idée juste qu'en apparence.
               En fait, à l'origine de cette controverse, il y a une confusion de vocabulaire.
               Et l'on a de chances d'avancer entre les jalons solides des idées justes et des idées claires que s'y l'on consent d'abord à dissiper cette confusion.
Le culte et l'État :

               Deux choses différentes pour un Français,
               Deux choses inséparables pour un Musulman.
               Voici peut être le centre la question :
               Pour un Français le culte et l'État sont deux choses différentes.
               Pour les Musulmans ces deux mots définissent des idées si parfaitement imbriquées l'une dans l'autre qu'il est impossible de les séparer.
               Il est inutile d'observer que les Français n'ont prononcé la séparation du Culte et de l'État, il y a quelques années à peine.
               Ils n'ont fait que sanctionner, par un décret, un état de fait.
               La fameuse séparation du culte et de l'État n'est qu'une formule moderne.
               Elle fait écho à un souci millénaire de séparation du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel.

               Les Rois de France pouvaient se recommander du droit divin, ce n'était qu'une sorte de tradition psychologique.
               Ils demandaient à Dieu une consécration de leur autorité mais ils en étaient trop jaloux pour ne pas veiller à ce que l'Église ne leur disputât pas.
               Ils n'étaient pas les seuls.
               Toute l'histoire de l'Europe résonne de ce souci des souverains de préserver le pouvoir temporel du pouvoir spirituel … et peut-être a-t-on le droit de penser que le prodigieux élan scientifique qui a modelé le visage du monde moderne a puisé dans ce phénomène ses véritables et ses plus authentiques racines.
L'Orient n'a pas pu échapper à la confusion.

               Pour lui le culte n'est que l'un des attributs de l'État.
               Il est plus qu'un attribut. Il est l'organe essentiel du gouvernement. La clef du pouvoir.
               Le chef de l'État est un chef spirituel avant d'être un chef temporel… et il tire l'essentiel de son pouvoir temporel de son pouvoir spirituel. Il est un pape avant d'être un roi… et le patriotisme arabe n'est qu'une des formes de la loi musulmane.
               En d'autres termes les laïcs admettent que l'homme est le résultat de l'intime mélange d'un esprit et d'un corps.
               Les croyants ont un autre mot pour désigner l'esprit, ils l'appellent l'âme.
               Eh bien ! Si l'on veut bien me pardonner une image audacieuse, on peut dire que rêver de séparer le culte musulman de l'État est une entreprise aussi chimérique que celle qui consiste à séparer l'âme du corps.
Le drame c'est qu'en Algérie,
l'État laïc est appelé à régir le culte

               Le 5 juillet 1830, après la reddition d'Alger, M. Le maréchal de Bourmont avait affirmé solennellement que la liberté du culte serait garantie par la France aux Musulmans de la Régence.
               Mais l'État politique français se substituant au pouvoir politique assez mal défini représenté par les Deys, était amené du même coup à contrôler non pas l'exercice du culte mais le haut personnel qui en assurait le fonctionnement.
               La France s'acheminait ainsi doucement vers une contradiction dont elle n'a pas encore su sortir et que la séparation du Culte et de l'État prononcée depuis Paris, a compliqué à plaisir.

               En somme, l'État laïc français se voit investir en Afrique d'une apparence de pouvoir religieux.
               C'est un paradoxe.
               Mais il est capital d'observer que ce paradoxe est le résultat d'une confusion qui n'est pas notre fait.
               La France dans son légitime souci de contrôler le pouvoir politique n'est amené à contrôler aussi le religieux parce que les Musulmans ne savent pas séparer l'un de l'autre.

               Il est d'ailleurs curieux de noter que les Oulémas qui prétendent vouloir ramener l'Islam à sa pureté primitive, sont de farouches partisans de la séparation du Culte et de l'État.
               Ceci revient à dire qu'ils inaugurent leur action de réforme par cette entorse capitale à la loi N°1 de l'Islam, à savoir l'intime confusion entre l'État et le Culte.
               Il est non moins curieux de noter que le parti politique qui pousse le plus fort à la séparation, les communistes … sont justement ceux qui parlent au nom d'un régime dans lequel l'État exerce sur le Culte une véritable tyrannie.

               Mais le 20ème siècle est habitué à ces contradictions.
               Les Oulémas sont pour la séparation les Marabouts sont contre
               Ces idées, hélas trop générales posées, il s'agit de savoir ce que pense la communauté musulmane algérienne.
               Elle est religieusement partagée entre deux tendances représentées par les Oulémas et les Confréries.
               Les Confréries ont superposé à l'Islam des superstitions africaines dont certaines datent d'avant Rome … et les vieux rites phéniciens du Culte de Baal (Dieu du soleil, de l'orage et de la fertilité) connaissent parfois en Afrique, à travers ces superstitions de bien étranges survivances.
               Les Oulémas veulent débarrasser l'Islam de ces pratiques.
               Les confréries admettent que les Marabouts peuvent, comme les saints de la religion chrétienne, servir d'intercesseurs entre l'homme et Dieu.
               Les oulémas se refusent à ces concessions : ils ne conçoivent qu'un islam abstrait, enfermé dans le dogme rigoureux du monothéisme.
               Leur foi n'est accessible qu'à des puritains épris d'absolu.
               Mais les foules humaines ont besoin de plus d'indulgence.

               Le drame qui sépare les marabouts des oulémas n'est pas une exclusivité de l'Islam. Les oulémas représentent une minorité d'intellectuels musulmans grisés de théologie et qui, absorbés par la contemplation de la grandeur passée de l'Islam, sont tentés d'écouter les slogans antifrançais qui viennent du Caire.
               Les marabouts au contraire, représentent l'immense masse des Algériens. Ils ne sont pas hostiles à la France, mais ils ne sont pas organisés. Ils n'ont pas le sens de la propagande.
               Les premiers sont pour la séparation du Culte et de l'État, les autres sont contre.
               En somme pour trouver une solution au problème, la France se trouve contrainte à concilier deux tendances religieuses inconciliables, parce qu'elles se font une idée différente, à la fois du Culte et de l'Islam.

               Quand elle est tentée de regarder cette séparation comme une solution possible, la France risque de recommencer l'éternelle erreur qu'elle comment en Afrique, à savoir : céder à une minorité qui lui est hostile, parce que c'est celle qui fait le plus de bruit.
               Si la France prononce en Afrique la séparation du Culte et de l'État, elle s'exposera à trois dangers redoutables.

               Raisonnons par l'absurde. Imaginons que la décision de séparer le Culte musulman et l'État français étant acquise, nous en observons les résultats. On peut les définir à travers trois dangers redoutables.
               1° La nomination des prédicateurs appelés à diriger la prière dans les mosquées étant laissée au choix des gens qui écoutent plus volontiers le Caire que Paris, l'Égypte que la France et qui rêvent de bâtir une nouvelle communauté arabe, aux dépendes de l'Occident.
               Il n'est pas difficile d'imaginer qu'au lieu d'interpréter les textes sacrés dans les sens d'une politique de tolérance religieuse et de cohabitation raciale, on orientera au contraire l'interprétation vers l'intransigeance et la xénophobie.
               Les Écritures saintes ne serviront plus qu'à une violente propagande anti-française. Ce qui sera vrai, pour la prédication à la mosquée le sera aussi pour l'enseignement. L'association des oulémas a déjà réussi à forger, dans les medersas libres, de profondes rancunes antifrançaises.
               Son action sera décuplée quand elle sera habilitée officiellement à parler au nom de l'Islam.

               2° La propagande antifrançaise qui reste du ressort de la presse politique, pourra s'exercer librement à travers la presse religieuse qui se défendra de faire de la politique mais n'en sera pas moins un perpétuel appel à la révolte contre les chrétiens … ce qui, en Afrique du Nord revient à dire les Français.

               3° L'énorme levier de commande que représente la gestion matérielle dit " habous ", c'est-à-dire la propriété des communautés religieuses, passant aux mains de l'anti France, servira à financer l'action antifrançaise.
               Il faut se souvenir, ici, d'un principe impératif : ce sont les biens " habous " qui ont toujours servi en pays d'Islam, à financer la guerre sainte.
               Alors abandonner la gestion de ces biens sous le prétexte d'une séparation du Culte et de l'État d'inspiration laïque, c'est, en fait, alimenter la guerre sainte au nom du laïcisme.
               Le résultat est paradoxal.
               Tout se résume encore une fois à une idée simple : la formidable tribune de la prédication religieuse sera-t-elle utilisée pour ou contre la France ?

               Au bout de cette nouvelle étude, voici que tout, pour l'homme qui a beaucoup réfléchi, et celui qui a consenti de le suivre jusqu'au bout, se résume encore dans quelques idées :
               - simples, claires, saisissantes.

               En pays d'Islam, l'État personnifié par un prince qui est le représentant de Dieu sur la terre, contrôle et peut interdire les prédicateurs religieux qui ne lui apparaissent pas orthodoxes.
               Pour exercer ce devoir, dont dépendait la sécurité de la communauté chrétienne d'Algérie, sans empiéter outre mesure sur l'exercice du Culte musulman, la France avait eu recours à une sorte de côte mal taillée, mais raisonnable du double point de vue de la politique et de la tolérance religieuse.
               Elle demandait à une commission de personnalités musulmane de suggérer à l'autorité politique les noms des agents du Culte, auxquels la communauté musulmane souhaitait confier la prédication.

               Si ceci était changé demain, ce serait courir le risque capital de voir l'anti France se recommander de l'orthodoxie religieuse.
               Dans l'Islam le fanatisme religieux et le patriotisme politique vont de pair.
               Le prophète a dit " que l'amour de la Nation fait partie de la foi ".
               En vertu de cette règle un musulman d'Arabie est un patriote algérien … et les oulémas qui reçoivent leurs consignes du Caire ne rêvent de la séparation du Culte musulman et de l'État français que parce qu'ils méditent de s'empare du Culte pour en faire un moyen de lutte contre l'État français afin de refondre un État musulman dans le creuset du fanatisme.

               Tout peut encore être dit plus simplement.
               Le journal et la radio restent en pays arabe des moyens de propagandes insuffisants. C'est à la mosquée que se trouve la source la plus puissante. C'est là qu'est la tribune la plus haute.
               Qui disposera de l'arme de la prédication religieuse, aura des chances de disposer du Maghreb, parce qu'en pays d'Islam, le fanatisme religieux reste la seule source du patriotisme populaire.
               Voilà l'enjeu.
               Tout se résume à savoir si la formidable tribune de la prédication religieuse sera utilisée pour ou contre la France … en faveur d'une harmonieuse communauté franco-musulmane d'Algérie ou au bénéfice exclusif de la haine raciale et de l'aventure orientale
Jean Brune (2 août 1955)
Algérie 1955 la bataille de la peur



L'humour de Jean Brune,
le sérieux d'Albert Camus.
Envoi de M. Christian Graille

               Dans l'œuvre de Camus on ne trouve qui très rarement des passages qui invitent le lecteur à sourire. Cet homme qui selon ses amis et ses proches était plein d'un humour fin et chaleureux, tout en respectant la pudeur si chère aux Méditerranéens, reste presque toujours extrêmement sérieux dans ses écrits.
               Dans toute son œuvre concernant l'Algérie, Camus emploie un ton très grave et mesuré.
               Dans les nouvelles :
               - l'Hôte,
               - la femme adultère,
               - les muets
               - ou dans ses romans :
               - l'étranger ou
               - le premier homme,


               On ne trouve aucune trace d'un sourire, aucun éclat de rire.
               C'est seulement dans le roman la mort heureuse que Mersault, son héros, se moque abondamment de deux riches colons espagnols, Moralès et Binguès " qu'une série de spéculations avait transformé en millionnaires " et qui avaient alors été pris par " la fièvre des grandeurs.
               Quand l'un achetait une auto, il choisissait la plus chère. Mais l'autre qui achetait la même y mettait des poignées d'argent. (La mort heureuse, Gallimard).
               Effectivement la rivalité grotesque entre Moralès et Binguès donne envie de rire à tous les habitants du village et bien entendu au lecteur :
               En 1925 Binguès était arrivé d'Alger dans une magnifique Bugatti course.
               Quinze jours après Moralès s'était fait construire un hangar et acheté un avion Codron.
               Cet avion dormait encore dans son hangar. Le dimanche seulement on le montrait aux visiteurs.
               Lorsque Binguès parlait de Moralès il disait " ce va-nu-pieds " et Moralès de Binguès " ce four à chaux ".

               Mais en général, peut-être à l'exception de la nouvelle Jonas ou l'artiste au travail, le rire reste plutôt rare dans l'œuvre d'Albert Camus, surtout dans le premier homme. écrit à l'apogée du drame de l'Algérie française, Camus n'y abandonne jamais un ton douloureux et résigné.
               Par contre Jean Brune, même dans les moments les plus douloureux pour l'Algérie, n'oublie jamais le rire et le sourire.
               Dans la Révolte, par exemple, au centre de la lutte d'une rare cruauté, Brune nous fait tout à coup de petit clin d'œil plein d'humour et de tendresse pour ses compatriotes lorsque Vilmer explique à la barmaid Nita pourquoi le capitaine Louveciennes a eu tellement de succès auprès de celle-ci :
               " Louveciennes a compris le jeu. Il sait que pour faire la cour à une fille avec quelque chance de succès, il faut qu'elle trouve à celui qui la désire, quelque chose que les autres n'ont pas. C'est banal. Stendhal l'a dit bien avant moi. Qui ?
               - Stendhal.
               Il battit l'air de sa main, d'un air négligent.
               - Laisse. Il ne vient pas ici. (La Révolte. Éditions Atlantis)

               Et quant au petit peuple pied-noir Jean Brune a montré tout au long de sa carrière :
               - de journaliste,
               - d'écrivain et
               - de dessinateur à quel point il se moquait tendrement d'eux.


               Il suffit de lire cette savoureuse série d'articles,
               - Bab-el-Oued raconté à Toinet parue dans la Dépêche quotidienne début 1955,
               - la description des Suisses dans le journal d'exil ou encore
               - tous les dialogues moqueurs de la guerre de Troie commence demain, réponse fulgurante à la pièce de Jean Giraudoux.

               Sans oublier, bien entendu ses innombrables croquis.

               Extrait de Bab-el-Oued raconté à Toinet.
               Un jeune militaire métropolitain, virtuose de la guitare, prêtait un jour son concours musical à une fête populaire, donnée dans un bistrot aux temps héroïques de la naissance de Bab-el-Oued.
               Ayant joué quelques morceaux de son répertoire, il annonce imprudemment.
               " Je vais vous jouer comment les Français sont entrés en Espagne ! … "
               A Bab-el-Oued on n'interrompt pas un beau morceau de guitare.
               Les caballeros firent cercle autour de l'artiste amateur et ils attendirent la fin.
               " Et il était long ce morceau " disait plus tard l'un des héros de cette histoire.
               Les Français de cet idiot-là ne finissaient pas d'entrer en Espagne ! "
               Enfin le guitariste gratta les derniers accords.
               Alors un auditeur irascible saisit l'instrument par le manche, il cria à l'imprudent musicien : " Eh bien maintenant, moi, je vais te faire voir comment les Français sont sortis d'Espagne ! …
               Et il lui brisa la guitare sur la tête.
               Pour ceux qui se contentent des formules faciles, cette histoire suffirait à définir Bab-el-Oued, car il est convenu depuis longtemps que Bab-el-Oued " c'est le quartier espagnol d'Alger. "

Extrait de Jean Brune, Bab-el-Oued raconté à Toinet.
Éditions Atlantis 1999)
Extrait de la guerre de Troie commence demain

               Agamemnon Nous souhaitons savoir si Pâris t'a enlevé Hélène ?
               Hélène Il m'était difficile de partir seule, à la nage, jusqu'à la côte d'Asie.
               Agamemnon Certes ! … Mais Paris t'a-t-il emmenée de vive force, après une courte lutte et malgré tes protestations, tes cris ? N'as-tu pas appelé Ménélas au secours ?
               Hélène non j'ai préféré ne pas le déranger
               Agamemnon une femme qu'on enlève ne dérange pas son mari si elle appelle.
               Hélène Les amoureux n'ont pas besoin qu'on les alerte pour deviner qu'une fille les quitte, Agamemnon. Il n'en est pas toujours de même des maris.
               Ils sont volontiers distraits
               Ils ne s'aperçoivent jamais du départ de leur épouse et ne l'apprennent, en général, que de la rumeur populaire quand elle devient assourdissante.
               Agamemnon Ainsi Ménélas n'a rien vu ?
               Hélène Non ! Il guettait le rayon vert.
               Agamemnon Et tu affirmes que Pâris ne t'a pas fait violence. Il n'a pas déchiré tes vêtements par exemple ?
               Hélène Non j'étais nue.
               Agamemnon Tu as osé suivre Pâris nue ?
               Hélène Il n'a pas paru s'en offusquer. Je l'ai suivi.

(Extraits de Jean Brune,
la guerre de Trois commence demain, divertissement.
Éditions Atlantis 1997)


PHOTOS de GUELMA
Envoyé par diverses personnes

PLACE SAINT AUGUSTIN




PORTE DE GUELMA





ROUTE DE LA GARE




RUE SAINT LOUIS




RUE SAINT LOUIS





RUINES AU JARDIN







Les Irlandais en Algérie
Envoi de M. Christian Graille

                On admettait communément, au lendemain de la conquête d'Alger, que les territoires de l'ex Régence offraient un champ favorable à l'activité des populations européennes.
                On croyait même possible et avantageux de dériver vers le littoral africain le courant qui entraînait les émigrants en nombre croissant d'année en année vers l'Amérique.
                L'Irlande, aux environs de 1840, ne pouvait plus nourrir une population doit le chiffre était passé de cinq à huit millions d'individus depuis le début du XIX siècle.
                La situation économique déjà mauvaise s'aggrava lorsque la maladie de la pomme de terre sévit en 1845 eut privé les habitants de leur principale ressource.
                La famine de 1846 obligea les Irlandais à s'expatrier en masses vers les États-Unis. Dès lors, puisque le gouvernement français ouvrait libéralement aux étrangers ses possessions d'Afrique septentrionale il pouvait sembler tout naturel d'y offrir un asile aux malheureux Irlandais.
                Le premier projet envisagé date de 1847.
                Berthelot dans une courte lettre adressée à M. Laurence, un conseiller d'État propose de recruter 3 à 400 cultivateurs qui recevraient des concessions de terre ; le général Bugeaud et le comte Guyot avaient semblé approuver ce dessein. Sa missive fut cependant classée sans suite.

                En 1847, Jagoë, membre du barreau irlandais, assez mal informé des ressources de la colonie, croyait le sol favorable à la culture du coton. La seule indication qu'il donna au gouvernement français fut d'établir trois classes d'émigrés :
                - les acquéreurs de terre,
                - les petits capitalistes et
                - les cultivateurs.

                Sa requête ne renfermant aucun renseignement concernant les détails d'exécution du projet sollicité par le Ministre de la Guerre, ce fut l'échec.

                La requête de Martin H. Lynch était plus développée que les précédentes.
                Promesse pour chaque chef de famille d'obtenir 4 hectares et terres et les outils indispensables.
                L'État français accorderait des concessions de terre à plusieurs sociétés composées de Français qui permettraient de mettre à la disposition de chacun de 15 à 30 hectares.
                On envisageait également d'organiser les colons en milice civile.
                Chaque centre serait muni d'une tour occupée par une garnison de 30 à 35 hommes mais on demandait que les colons ne soient pas soumis, comme le voulait jadis Bugeaud, au régime militaire.
                Mais le projet de projet de financement n'étant pas très défini, la compagnie fut hors d'état de satisfaire aux exigences de l'Administration.

                Le projet Mac Kee en 1868 suggérait de détourner les émigrants des destinations :
                - d'Amérique,
                - d'Australie et
                - Nouvelle-Zélande.

                On demandait des concessions de terres labourables défrichées et non défrichées situées près d'un port, avec voies de communication (eau ou chemins de fer) 40.000 hectares seraient partagés par lot de 40 hectares. Et l'on demandait la garantie politique et religieuse.
                Les renseignements sollicités et pris par Mac-Mahon ne furent pas suivis d'effets.
                L'essai de 1869. Les conditions de la colonisation étrangère de 1865 à 1869.

                Des contacts furent établis entre Mac-Mahon et John Patrick Léonard (chargé d'affaires du gouvernement irlandais en France).
                Le maréchal, semble-t-il, apporta au promoteur l'appui de sa haute autorité.

                Le 18 mai 1865 une convention fut passée par :
                - le Ministre de la Guerre, le Gouverneur du crédit foncier et
                - le directeur général de PLM pour la constitution de la Société Générale Algérienne au capital de 100 millions de francs qui se proposait de procurer des capitaux et d'ouvrir des crédits pour toutes opérations.
                - agricoles,
                - industrielles et
                - commerciales.


                On mettrait à la disposition du gouvernement en 6 ans de 100 millions pour la construction des routes, des barrages, des chemins de fer mais l'étude du projet fut suspendue.
                Durant la période de 1865 à 1869 des fléaux de toutes sortes s'abattirent sur la colonie :
                - Invasion de sauterelles,
                - tremblement de terre,
                - choléra,
                - sécheresse,
                - pluies,
                - inondations,
                - chutes de neige complètent le désastre.


                Début 1869, l'Administration décida la création de 11 villages ou hameaux :
                - 3 dans la province d'Oran,
                - 3 dans celle d'Alger et
                - 5 dans celle de Constantine.

                Un délégué irlandais, le colonel Scott vint examiner les conditions dans lesquelles pourrait s'effectuer l'installation de ses compatriotes.
                Dans la province d'Oran, un seul territoire lui parut présenter de conditions favorables, celui de Mendez situé sur la route de Relizane à Tiaret.
                Dans la province de Constantine les emplacements plus convenables étaient plus nombreux.

                Plusieurs grands propriétaires de la plaine de Bône se déclaraient prêts à les accueillir notamment MM. Joannon et F. Nicolas. Ce dernier possédait le domaine de Guebar-bou-Aoun, situé près du village de Mondovi.
                Ce domaine, d'une superficie de 6.000 hectares d'un seul tenant, était composé pour moitié de terres non défrichées. On y cultivait :
                - les céréales,
                - le lin,
                - la vigne,
                - l'oranger.

                Le fils du propriétaire fit connaître au colonel Scott qu'il était en mesure d'installer à Guebar 25 ou 30 familles irlandaises soit au total 150 personnes environ.

                En 1869 un projet d'accueil de quelques dizaines de familles se concrétisa. Un convoi de 131 personnes fut formé et s'embarqua à Queenstown, le 26 octobre à destination de Bône où le débarquement eut lieu le 6 novembre. Il comprenait :
                - un prêtre,
                - un médecin, 131 individus parmi lesquels
                - 19 chefs de famille,
                - 28 célibataires et
                - 10 orphelins de 16 à 17 ans.


                De ces émigrants :
                - 6 exerçaient la profession de teilleurs (ouvriers pratiquant l'opération mécanique de séparation des fibres de lin)
                - 3 étaient des ouvriers de métier,
                - les autres des fermiers ou des garçons de ferme.

Déception et échec final

                Les Irlandais débarqués à Bône étaient, pour la plupart, dépourvus de toutes aptitudes aux travaux agricoles.
                A quelques exceptions près ces pauvres gens nous sont arrivés manquant de tout :
                - d'argent,
                - de vêtements,
                - de mobilier,
                - d'outils propres à leurs métiers et n'ayant même pas les objets nécessaires à leur coucher.


                Le choix des ouvriers n'a pas été plus heureux .
                On a accepté tous les individus qui se présentaient sans se soucier de leur moralité ou de leur profession.
                Certains d'entre eux célibataires ou orphelins s'étaient expatriés plutôt par esprit d'aventure que par de s'assurer des moyens d'existence réguliers.
                A peine débarqués, ils semèrent le désordre dans la petite colonie et l'on fût contraint, avant de rétablir la tranquillité d'expulser une dizaine de ces perturbateurs.
                Déduction faite des dix expulsés, des femmes (au nombre de 19), des enfants, l'effectif des travailleurs ne dépassait pas cinquante individus.
                C'étaient de braves gens ; laborieux, tranquilles mais dont beaucoup n'ayant jamais une pioche ou une pelle, étaient incapables au début du moins, de rendre d'utiles services.

                La colonie de Guebar comptait parmi ses membres :
                - 2 policeman,
                - 2 cordonniers,
                - 2 charpentiers,
                - 1 ferblantier,
                - 1 cocher,
                - 1 aubergiste,
                - 1 boucher.


                La misère des Irlandais, leurs déboires, leurs récriminations fournissaient à la presse d'opposition des prétextes excellents pour incriminer l'incurie de l'Administration.
                Les journaux s'empressèrent de les saisir " considérant que les Irlandais avaient été attirés dans un piège ; ils n'étaient venus en Algérie que sur la foi d'une brochure où on leur promettait monts et merveilles. "

Conclusion

                - On fit un mauvais recrutement des colons,
                - on accepta indistinctement des familles honnêtes et
                - des aventuriers,
                - des cultivateurs et
                - des journaliers sans profession,
                - on engagea des gens mariés qui pouvaient fournir à la colonie un élément stable et laborieux mais on s'embarrassa aussi de familles encombrées d'enfants en bas âge. On ne tint pas compte, enfin, de l'insalubrité de la région où furent installés les émigrants.

                Une tentative entreprise dans des conditions aussi défavorables était fatalement vouée à l'insuccès le plus complet.
Georges Yver. Historien.
Revue africaine 1919.



DOMINATION CARTHAGINOISE
Envoi de M. Christian Graille

               Avant la conquête comme depuis l'occupation, aucune étude sérieuse n'a été faite sur les dominations qui ont précédé la nôtre dans l'Afrique occidentale, et c'est parce que l'on a ignoré le passé que l'on se laisse si facilement aller à accuser le présent.
               - Comment les Carthaginois étendirent-ils leur domination dans l'Afrique occidentale ?
               - Par quel ingénieux système de colonisation firent-ils concourir les tribus libyennes à leur commerce, à leurs conquêtes ?
               - Comment, à leur tour, les Romains s'emparèrent-ils de ces éléments organisés pour détruire Carthage ?
               - Comment ces peuples, qui depuis sept cents ans paraissaient façonnés à la civilisation phénicienne, acceptèrent-ils ensuite celle de Rome ?
               - Comment, après quatre siècles de soumission apparente, les vit-on passer presque sans résistance sous le joug des Vandales, puis sous celui des Gréco-Bysantins, et enfin se laisser confondre dans le flot arabe qui leur imposa son langage et ses croyances ?


               Ce sont toutes ces révolutions que nous avons entrepris d'étudier et que nous essaierons d'expliquer : travail difficile, mais fécond en enseignements de plus d'un genre, surtout en rapprochements du plus haut intérêt.
               Car cette même terre où la France voit chaque jour se former et grandir :
               - de braves soldats,
               - d'intrépides capitaines,
               - des généraux illustres,
               - fut aussi le théâtre des mémorables batailles que se livrèrent Scipion et Annibal.
               - C'est là que César vint cueillir le dernier fleuron qui manquait à sa couronne de triomphateur du genre humain.
               - factions de Rome, qui se disputaient l'empire du monde vinrent vider leurs grandes querelles.
               - C'est là que mourut Caton.
               - C'est là que Pompée, Marius et Scylla consolidèrent leur gloire.


               Massinissa, le roi de Constantine, le fidèle allié des Romains ainsi que ses descendants les Micipsa, les Juba, sont les types de ces chefs arabes qui épris de la supériorité de notre civilisation se sont sincèrement ralliées à nous.
               C'est Abd-El-Kader, c'est Jugurtha, c'est Tacfarinas, c'est Firmus car en Afrique les hommes sont toujours les mêmes, les noms seuls ne font que changer.
               Abd-El-Kader est le successeur de tous ces esprits inquiets et ambitieux qui, à différentes époques, rêvèrent une suprématie nationale et indigène, utopie à la réalisation de laquelle s'opposent toujours le morcellement des tribus africaines, leurs mœurs égoïstes et leur caractère envieux.

               La période arabe nous fera assister à ce magnifique déploiement de la civilisation d'Orient, qui de l'Afrique envahit l'Espagne et ne s'arrêta qu'aux plaines de Poitiers, grâce aux efforts de la France et aux victoires de Charles Martel.
               Nous suivrons tour à tour les Arabes et les Maures dans leurs conquêtes intérieures et dans leurs expéditions au dehors :
               - en Sicile, en Italie, sur les côtes de notre belle Provence où existent encore tant de traces de leur passage.

               Puis viendra la période turque, qui répandit de nouveau les ténèbres sur les institutions sociales de cette partie de l'Afrique ; époque où l'ignorance du plus grand nombre était la condition de puissance pour une minorité ambitieuse, et où la loi du plus fort, devenant la loi suprême, constituait en principe la plus hideuse tyrannie.
               Dans un livre où domine l'histoire d'évènements contemporains, nous avons dû nous mettre en garde contre l'esprit de parti et ne rien sacrifier à des prétentions de personnes ou d'opinions.
               L'impartialité a été notre principal guide ; et si parfois nous avons déversé dans le blâme sur les actes du gouvernement ou sur ceux de ses agents, nous avons toujours obéi à des convictions puisées dans l'étude approfondie :
               - des hommes, des circonstances et des faits.

               Nous avons foi dans la bonté de notre travail, non seulement parce que nous lui avons voué une étude suivie et consciencieuse, mais encore parce que nous nous sommes aidés et il ne pouvait en être autrement, de tout ce qui a été dit et écrit de mieux sur le sujet que nous traitons.
               Pour les temps anciens :
               - Pline,
               - Sallustre,
               - Tacite
               - Procope, nous ont fourni d'abondants renseignements, auxquels sont venus se joindre les travaux que les écrivains modernes ont consacrés à ces mêmes époques. MM. :
               - Villemain,
               - Dureau de la Malle,
               - Saint-Marc Girardin,
               - d'Avezac.


               M. DE Perrodil qui recommande ses études épiques ainsi qu'une élégante traduction des poésies de Saint Grégoire de Naziance, a bien voulu mettre à notre disposition un travail historique préparé de longue date mais sur l'Algérie ancienne. Les historiens espagnols :
               - Marmol, Sandoval, Haëdo,
               - Code nous ont fourni de précieux matériaux sur la période arabe que nous avons complétés au moyen de chroniques nationales.

               Pour la période turque, les documents ont été plus certains : MM. Sander-Rang et Fzerdinand Denis, avec leur monographie des Barberousse, si précise, si exacte, nous ont permis d'aborder.

Domination carthaginoise (860-146 avant J. C)

               Les écrivains de l'antiquité ne nous ont laissé que des notions confuses sur les premiers habitants de la région de l'Atlas.
               Hérodote (Historien et géographe grec (484-426 avant J C) cite bien les noms d'une foule de peuplades qui habitaient l'Afrique septentrionale, mais il ne remonte pas à leurs origines et se borne à rapporter les récits fabuleux dont elles étaient l'objet.
               La nomenclature de Strabon (Géographe grec 64-25 avant J C) est moins vaste et ne renferme pas de meilleurs renseignements ; il ne nomme que la célèbre oasis d'Ammonium et la nation des Nasamons (tribu berbère vivant au Sud de la grande Syrte en Libye).

               Plus à l'occident, derrière la région des Carthaginois et des Numides, il connaît les Gétuliens, (nomades et cavaliers se concentrant dans les oasis du Sahara occidental) et après eux les Garamantes (peuple berbère situé entre la Cyrénaïque et l'Atlas plus particulièrement autour de l'oasis de Germa du nom de leur capitale) dans une contrée qui n'a que mille stades de long et qui parait être le Fezzan.
               Suivant Salluste (Historien romain 86-35 avant J C) qui s'appuie du témoignage de l'historien carthaginois Hiempsal, le nord de l'Afrique fut d'abord occupé par les Libyens et par les Gétules : populations barbares, sans aucune forme de gouvernement et de religion, se nourrissant d'herbe ou dévorant la chair crue des animaux qu'ils tuaient à la chasse, agrégation hétérogène d'individus de races différentes ; car parmi eux on trouvait à la fois des noirs probablement venus de l'Afrique intérieure.
               Il y avait aussi des blancs, issus de la souche sémitique et qui formaient comme partout la population dominante.

               Puis à une époque absolument inconnue, un nouveau ban d'Asiatiques, composé, dit Salluste,
               - de Mèdes (ancien peuple iranien),
               - de Perses,
               - d'Arméniens envahit les contrées de l'Atlas et poussa jusqu'en Espagne à la suite d'Hercule (Pline l'ancien confirme la tradition mentionnée par Salluste).

               Marcus Varron rapporte que dans toute l'Espagne se sont répandus :
               - les Ibères,
               - les Perses,
               - les Phéniciens,
               - les Celtes,
               - les Carthaginois.


               Les Perses se mêlant avec les premiers habitants du littoral, formèrent le peuple numide (province de Constantine et royaume de Tunis) ; de leur côté les Mèdes et les Arméniens, s'alliant aux Libyens, plus rapprochés de l'Espagne, donnèrent naissance à la race des Maures.
               Quant aux Gétules, confinés dans les vallées du haut Atlas, ils repoussèrent toute alliance et formèrent le noyau principal de ces tribus restées rebelles à la civilisation étrangère, qu'à l'imitation des Romains et des Arabes nous appelons les Berbères ou Barbares (Barbari, Bereber), d'où est venu le nom d'États barbaresques. (La race des Berbères, entièrement distincte des Arabes et des Maures, paraît indigène de l'Afrique septentrionale. Elle comprend les restes des anciens Gétuliens à l'Occident et des Libyens à l'Orient de l'Atlas. Aujourd'hui elle forme quatre nations distinctes :
               1° les Amazygh, nommés par les Maures Chillah ou Choullah dans les montagnes marocaines,
               2° les Kabyles ou Käbaïles dans les montagnes d'Alger et de Tunis,
               3° les Tibbons dans le désert entre le Fezzan et l'Égypte,
               4° les Touarihs dans le grand désert


               Au-dessous de tous ces groupes compris eux-mêmes sous la dénomination plus générale de Libyens, se présentaient des associations de tribus moins importantes ; telles étaient, en allant particulièrement de l'est à l'ouest,
               - les Maxyes, (Tribu berbère d'Afrique du Nord et plus spécialement de Maurétanie)
               - les Massiliens et
               - les Massœsiliens,
               - les Macœens et
               - les Maurusiens qui se groupaient sur les rivages de la mer, dans le pays aride et triste qui borde les deux Syrtes, ces nations de mœurs bizarres et presque complètement sauvages,
               - les Lotophages (dans la mythologie grecque, peuple imaginaire mentionné dans l'Odyssée d'Homère) à qui le fruit du lotus servait de nourriture et de boisson)
               - puis les Psylles, (peuple occupant les rivages de la grande Syrte)
               - les Nasamons.


               Les révolutions de l'Asie occidentale jetèrent, après les Mèdes et les Perses un nouveau flot d'émigrants sur les plages atlantiques : c'étaient suivant, Procope les malheureux débris des fils de Chanaan, (territoire qui couvrait Israël, la Palestine, une partie de la Jordanie, le Liban et l'ouest de la Syrie) chassés de leur patrie par les armes victorieuses des Hébreux.
               Procope, (historien byzantin du VIème siècle) qui avait perdu les traditions antérieures conservées par Sallustre et Varron (écrivain, savant, magistrat romain) veut même faire des Chananéens les premiers habitants de l'Afrique septentrionale.
               Il affirme que, de son temps, on voyait encore à Tigisis (Tedgis dans l'Algérie) une colonne portant cette inscription, en langue phénicienne : " Nous sommes ceux qui ont fui devant le brigand Josué, fils de Navé. "

               Quelque hasardée que puisse paraître cette assertion, l'émigration chananéenne (habitant de la région de Canaan, aujourd'hui Israël) n'a rien d'invraisemblable ; elle est confirmée par les traditions des Arabes et des Berbères et diverses tribus passent pour descendre soit des Chananéens soit des Amalcites (tribu de nomades occupant un territoire au Sud de la Judée) et des Arabes kouschites ou Arabes primitifs de la race de Cham. (L'historien berbère, Ahn-Khal-Doun, qui écrivait au XIVe siècle, fait descendre tous les Berbères d'un prétendu Ber, fils de Mazigh, fils de Chanaan.)

               Quoi qu'il en soit de toutes ces origines fort incertaines et de ces hypothèses plus ou moins contestables, l'Afrique septentrionale présente dans sa constitution géognostique les deux zones qui ont déterminé, de l'Orient à l'Occident, l'émigration des peuples agriculteurs et du Sud-Est au Nord-Ouest, celle des peuples nomades. Aussi de tous temps, deux races bien distinctes s'y touchent sans se confondre ; ce sont les nomades et les sédentaires.
               L'Antiquité groupait leurs innombrables tribus sous la dénomination générale de Numides et de Berbères ; nous les désignons aujourd'hui sous les noms d'Arabes et de Kabaïles.

               Les invasions successives des peuples étrangers ont pu modifier quelques-unes de leurs habitudes, mais elles n'ont rien changé au caractère spécial des deux races, et les Advènes ont disparu ou se sont presque toujours assimilés à l'une ou à l'autre.
               Voilà pourquoi, à deux mille ans de distance nous retrouvons dans les deux groupes principaux d'habitants qui occupent aujourd'hui l'Afrique septentrionale, les mêmes mœurs, les mêmes habitudes, les mêmes usages qui les distinguèrent autrefois.
               Les Kabaïles de nos jours comme les Berbères de l'ancien temps :
               - sont agricoles et industrieux,
               - ils vivent dans l'isolement mais ils ont des résidences fixes.
               - L'amour du sol natal est extrême chez eux,
               - le goût du travail est une vertu innée,
               - l'économie un besoin.


               Malgré leurs dissensions entre tribus, la propriété a toujours été plus respectée chez eux que chez les peuples nomades ; ils ont conservé la culture chananéenne, et au moyen de murs de soutènement ils cultivent de gradins en gradins, toutes les pentes de leurs montagnes.
               On retrouve chez les Numides toujours semblables à eux-mêmes.
               Ce sont des tribus de cavaliers intrépides, maigres et basanées, montés à poli sur des cheveux de peu d'apparence, mais rapides et infatigables, qu'ils guident avec une corde tressée de jonc, en guise de bride.
               Tels ils apparurent aux Romains il y a deux mille ans. Tels ils se montrèrent à l'armée française en 1830 quand les contingents de l'intérieur se rendirent à l'appel du Dey d'Alger sur les rivages de Sidi-Feroudj.
               " C'est une race dure et exercée aux fatigues dit Salluste : ils couchent sur la terre et s'entassent dans des mapalia, espèces de tentes allongées faites d'un tissu grossier et dont lev toit cintré ressemblent à la carène renversée d'un vaisseau.

               Leur manière de combattre confondait la tactique romaine : ils se précipitaient sur l'ennemi d'une manière tumultueuse ; c'était une attaque de brigands plutôt qu'un combat régulier.
               Dès qu'ils apprenaient que les Romains devaient se porter sur un point :
               - ils détruisaient les fourrages,
               - empoisonnaient les vivres et
               - emmenaient au moins les bestiaux, les femmes, les enfants, les vieillards.


               Puis les hommes valides se portant sur le gros de l'armée, la harcelaient sans cesse, tantôt en attaquant l'avant-garde, tantôt en se précipitant sur les derniers rangs. Ils ne livraient jamais de bataille rangée ; mais ils ne laissaient jamais de repos aux Romains : la nuit dérobant leur marche par des routes détournées :
               - ils attaquaient à l'improviste les soldats qui erraient dans la campagne,
               - ils les dépouillaient de leurs armes,
               - les massacraient
               - ou les faisaient prisonniers
               - et avant qu'aucun secours arrivât au camp romain, ils se retiraient sur les hauteurs

               

               En cas de défaite personne chez les Numides, personne excepté les cavaliers de la garde, ne suit le Roi.
               Chacun se retire où il le juge à propos, et cette désertion n'est point regardée comme un délit militaire.
               En lisant ce récit, ne croirait-on pas avoir sous les yeux un bulletin de notre armée d'Afrique ? Substituez au nom de Jugurtha celui d'Abd-El-Kader ou d'un de ses lieutenants et vous verrez que les Arabes d'aujourd'hui sont les Numides d'autrefois ; rien n'est changé que le nom.

               Cette immobilité de mœurs et de caractère nous a paru plus importante à constater, et plus concluante que les dissertations sans fin sur des origines et des agrégations dont il est impossible de suivre la trace et de préciser les résultats.
               - Ces Maures, ces Gétules, ces Numides,
               - ces peuples errants et sans nom qui ont précédé en Afrique toutes les dominations étrangères et leur ont survécu, n'ont jamais franchement la civilisation
               - des Carthaginois,
               - ni celle des Romains,
               - ni celle des Grecs du Bas-Epire,
               - ni celles même des Arabes, dont :
               - les mœurs,
               - les habitudes,
               - l'organisation politique et guerrière,
               - ont avec les leurs une si grande analogie.


               Non, il faut bien le reconnaître, jamais la civilisation n'a germé d'elle-même parmi ces races ; elle ne s'y est conservée qu'autant qu'elle a été alimentée et renouvelée du dehors.
               Aussitôt qu'une action étrangère a cessé de s'y faire sentir, ces peuples reprennent leurs habitudes premières.
               Ailleurs, les révolutions des empires ont souvent amené d'heureuses transformations : les vainqueurs et les vaincus se sont mêlés, et il en est sorti de grands peuples, participant aux qualités diverses des races dont ils sont issus.
               Ici, rien de semblable n'apparaît : à partir de la décadence de l'empire romain, les révolutions n'ont fait qu'entasser ruines sur ruines. L'élément du progrès a manqué totalement : quelle en est la cause ?
               Ce n'est ni le climat, ni la configuration du sol, ni même l'inconstance de caractère, tant reprochée aux Africains ; c'est bien plus la persistance de la division par tribus, premier degré de la civilisation sur lequel cette race s'est immobilisée depuis les siècles les plus reculés.

               Division qui fait naître et entretient :
               - les préjugés,
               - les discordes,
               - l'habitude du pillage et qui rend ces peuples incapables de se réunir en véritable corps de nation pour repousser le joug étranger et de se façonner à toute civilisation venue du dehors. (Dans le cours de cette histoire, nous aurons soin de faire ressortir toutes les influences étrangères qui ont dominé en Afrique ou qui ont pu modifier le caractère des races aborigènes.


               Lorsque nous serons arrivés à la domination française, nous examinerons en détail l'organisation sociale et politique des tribus et des différentes races qui peuplent aujourd'hui l'Algérie.)
               Appien (historien grec) définit l'état politique des tribus libyennes en les qualifiant de tribus ayant leur gouvernement propre ; leurs chefs investis d'un pouvoir en apparence absolu, étaient sans cesse, comme le furent plus tard les Deys d'Alger, à la merci du plus fort et du plus ambitieux.

               Sous le rapport religieux, il paraît qu'une certaine conformité de croyances régnait chez :
               - les Libyens,
               - les Gétules,
               - les Numides,
               - les Maurusiens.

               Ils adoraient :
               - les étoiles,
               - le soleil et
               - la lune.


               Ils faisaient des sacrifices humains, et entretenaient dans des espèces de temples un feu perpétuel : rudiments grossiers de civilisation dus aux premières colonies asiatiques qui s'établirent sur le littoral de l'Afrique septentrionale.
               Telle était la condition physique et morale des populations près desquelles vinrent s'asseoir, d'une part la civilisation phénicienne, de l'autre la civilisation grecque : Carthage et Cyrène.

Fondation de Carthage.

               La chronologie la plus probable place vers l'an 860 avant J C la fondation de Carthage ; c'est alors que Didon (princesse carthaginoise), fille de Bélus, (roi légendaire d'Assyrie) fuyant la tyrannie de Pygmalion, son frère, roi de Tyr, qui venait de faire mourir son mari pour s'emparer de ses richesses, aborda en Afrique.
               La tradition a consacré le singulier stratagème qu'employa la princesse pour obtenir l'hospitalité sur ces arides plages : elle ne demandait qu'une petite portion de terre, ce qui pourrait enceindre la peau d'un bœuf et pour le prix d'un si faible service elle offrait des sommes considérables.
               Cette peau découpée en lanières très minces, finit par circonscrire un grand espace sur lequel s'éleva bientôt une imposante forteresse, Byrsa, (colline de Carthage) qui commandait les environs ainsi qu'une rade immense. (Quelques historiens prétendent que Didon ne fit qu'agrandir Carthage qui avait été fondée longtemps auparavant, à la suite de l'expédition d'Hercule.)
               Larbas, chef des Maxyes (tribu berbère de Maurétanie) et des Gétules qui avait fait cette concession, frappé par la beauté de Didon, séduit aussi par ses richesses, voulut l'épouser ; mais cette fière princesse dédaigna la main du barbare et se donna la mort pour se soustraire à ses obsessions.

               Après cette catastrophe, l'histoire reste muette pendant trois siècles. La littérature de Carthage, on le sait, a péri toute entière, et nous ne connaissons les Carthaginois que par les récits de leurs ennemis. Lors de la destruction de la ville (146 ans avant Jésus-Christ) on y trouva des livres qui contenaient ses annales ; mais dans leur orgueil national, les Romains, peu soucieux des origines étrangères, abandonnèrent ces chroniques à Mcipsa, roi des Numides.
               Par succession elles parvinrent à Hiempsal II qui régnait sur la Numidie 105 ans avant J.C.
               Huit ans après Salluste, (homme politique et historien romain) envoyé comme gouverneur en Afrique, se les fit expliquer et en tira quelques documents pour la description de cette contrée qui précède sa guerre de Jugurtha.

               Mais ce travail est resté fort incomplet et l'indifférence de l'auteur nous a privés d'une foule de renseignements historiques qui seraient pour nous d'un grand prix.
               Tout ce que nous savons des premières époques de la colonie phénicienne c'est que, située sur un emplacement favorable et protégée par la forteresse de Byrsa, Carthage grandit avec rapidité et que son gouvernement, monarchique d'abord, se transforma en république sans qu'on puisse déterminer d'une manière précise l'époque et les causes de ce changement.
               Mais grâce à la sagesse des fondateurs cette modification apportée dans leur organisation politique n'arrêta pas un seul instant le cours de leurs succès.
               En effet Aristote remarque que jusqu'à son temps, c'est-à-dire pendant un espace de cinq cents ans, il n'y avait eu, dans cette république ni révolution, ni tyrans.
               Le gouvernement de Carthage était divisé entre les suffètes, (magistrats suprêmes) que le peuple élisait chaque année et le sénat choisi dans le sein d'une nombreuse et puissante aristocratie.

               On y ajouta par la suite, probablement pour maîtriser les tentatives de tyrannie, le redoutable tribunal des cent, spécialement chargé de surveiller les opérations militaires. L'autorité du sénat de Carthage était aussi étendue que celle du sénat romain.
               C'est dans son sein que se traitaient toutes les affaires d'État ; c'est lui qui donnait audience aux ambassadeurs, qui envoyait des ordres aux généraux, qui décidaient de la paix et de la guerre.
               Lorsque les voix étaient unanimes sur une question, elle était irrévocablement résolue ; une seule voix dissidente la faisait déférer à l'assemblée du peuple.
               Pendant longtemps l'autorité du sénat eut toute la prépondérance ; mais le peuple, comme à Rome, éleva successivement ses prétentions et finit par s'emparer de la plus grande partie du pouvoir.
               Les Magon, les Hannon, ces représentants du génie commercial et de la politique extérieure de Carthage étaient les hommes de l'aristocratie ; les Amilcar, les Annibal, ces guerriers illustres qui balancèrent longtemps la fortune de Rome étaient l'expression du parti populaire.

               On sait que le commerce faisait la principale base de la puissance de Carthage. Les officiers publics, les généraux, les magistrats s'occupaient du négoce :
               " Ils allaient partout, dit Rollin (historien), acheter le moins cher possible le superflu de chaque nation pour le convertir, envers les autres, en un nécessaire qu'ils leur vendaient très chèrement. Ils tiraient de l'Égypte :
               - le lin,
               - le papier,
               - le blé, les voiles et
               - les câbles pour les vaisseaux.


               Des côtes de la mer Rouge :
               - les épices,
               - l'encens, les parfums,
               - l'or, les perles et les pierres précieuses.


               De Tyr et de Phénicie :
               - le pourpre et l'écarlate,
               - les riches étoffes,
               - les meuble somptueux,
               - les tapisseries et tous les ouvrages d'un travail recherché.

               Ils donnaient en échanges :
               - le fer, l'étain, le plomb et le cuivre
               Qu'ils tiraient :
               - de la Numidie,
               - de la Maurétanie et
               - l'Espagne.

               Ils allaient aussi chercher l'ambre dans la Baltique, et la poudre d'or sur les côtes de Guinée.

               Pour assurer cet immense commerce et abriter ses flottes, Carthage fut obligée de devenir puissance militaire et conquérante ; on sait tout ce qu'elle déploya de persévérance, de courage et d'habileté pour réaliser ses projets.
               Sa domination s'étendit rapidement sur tout le littoral de l'Afrique occidentale, depuis la petite Syrte (golfe de Gabès) jusqu'au-delà des colonnes d'Hercule.
               Elle prit ensuite l'Europe à revers et toutes les côtes méridionales de l'Espagne jusqu'aux Pyrénées furent soumises par :
               - ses armes, son commerce ou sa politique.
               - La Sardaigne,
               - la Corse,
               - les îles Baléares subirent le même sort.


               Tant qu'elle n'eut à dompter que des peuplades belliqueuses, mais isolées, ou tout au plus groupées en fédérations faciles à dissoudre, ou en petits royaumes hostiles les uns aux autres, tout céda au génie de Carthage.
               Ses succès devinrent moins faciles lorsqu'aux deux extrémités de son empire, se heurtant contre une civilisation matériellement égale, moralement supérieure à la sienne, elle rencontra de colonies grecques sur les plages de la grand Syrte et sur celles de la Gaule.

               Depuis plusieurs siècles des colonies grecques avaient été jetées sur les rivages d'Afrique ; mais vers 675 avant J.C une expédition de Doriens (ethnie majeure de la Grèce antique) expulsés de leur patrie aborda en Lybie.
               Après avoir erré quelque temps, ils finirent par s'établir sur cette partie du littoral comprise aujourd'hui, sous le nom de Barka, dans la régence de Tripoli et y fondèrent la ville de Cyrène. (ville de Cyrénaïque en Libye)
               En 631 les Cyrénéens reçurent de la mère patrie de nouveaux renforts ; ils firent alors la guerre aux indigènes ; ils conquirent des villes et étendirent au loin leurs relations commerciales.

               De succès en succès, Cyrène poussa l'audace jusqu'à entrer en lutte avec les Satrapes (gouverneur de province) d'Égypte.
               Ce développement de forces et de prospérité ne tarda pas à exciter la jalousie de Carthage ; les vieilles antipathies nationales se réveillèrent ; en effet par son origine et par ses souvenirs Carthage se rattachait à ces races sémitiques dont l'inimitié permanente contre la race hellénique de la Grèce et de l'Asie.
               Mais Cyrène au midi et Marseille au nord étaient alors trop florissantes pour se laisser intimider par des démonstrations hostiles Carthage ne s'opiniâtra pas contre ces deux cités ; elle porta toutes ses forces contre la Sicile, base d'opération admirablement choisie car la Sicile était à la fois le point central de la Méditerranée et des colonies grecques d'occident.

               Pour cette expédition Carthage s'épuisa en immenses préparatifs qui ne durèrent pas moins de trois ans.
               On sait qu'elle fut l'issue de cette bataille à jamais célèbre : assaillies à la fois et ne pouvant se porter secours, la Grèce et la Sicile suffirent chacune leur défense ; et le jour même où l'innombrable armée de Xérès (Jerez actuelle) se brisait aux Thermopyles (ancien passage de Grèce) contre l'héroïsme de Léonidas, (roi de Sparte) l'armée carthaginoise perdait en Sicile une grande bataille, à la suite de laquelle ses débris regagnèrent péniblement l'Afrique.
               Carthage vaincue demanda la paix, et l'obtint à des conditions qui montrent toute la supériorité du vainqueur : le héros de Syracuse, Gélon, stipule dans le traité l'abolition des sacrifices humains qui constituaient l'une des cérémonies principales du culte des Phéniciens.

               En souscrivant à cette paix, ces Carthaginois ne voulaient que reprendre haleine et réparer leurs pertes car ils n'avaient pas renoncé à l'espoir de conquérir la Sicile. En effet saisissant une occasion favorable pour recommencer la guerre, on les voit pénétrer dans cette île et la ravager ; puis profitant de l'épouvante que cette expédition a jetée, ils forment après plusieurs victoires successives des établissements permanents à :
               - Agrigente, (ville de Sicile)
               - à Himère, (cité grecque)
               - à Géra, ( ville allemande de Thuringe),
               - à Camarine (ville de Sicile).


               Enfin toutes les contrées habitées par les Sicarniens leur furent cédées par un traité quoi partageait presque en parties égales la Sicile entre Syracuse et Carthage. Cette cession, au lieu de satisfaire les Carthaginois, excita encore leur cupidité ; et la guerre se renouvela bientôt mais sans succès décisif de part et d'autre jusqu'au moment où les Romains, qui avaient grandi durant cette lutte de deux siècles, vinrent y prendre part et la terminer à leur profit.

               Ici commence un drame magnifique : les deux Républiques les plus puissantes dont l'histoire ait conservé le souvenir vont lutter ensemble, non plus pour la possession de la Sicile, mais pour celle de la Méditerranée qui doit donner au vainqueur l'empire du monde !
               - Carthage, la République commerçante a de grandes flottes et des matelots sans nombre,
               - Rome, la République agricole n'a pas un seul vaisseau et cependant elle remportera par l'énergie de sa volonté et l'infatigable opiniâtreté de ses efforts.

               On sait sous quel prétexte ces deux États en vinrent aux mains.

               Les habitants d'une ville de la Sicile s'étaient divisés en deux partis : les uns appelèrent les Romains à leur secours, les autres les Carthaginois.
               Déjà, à cette époque, l'Italie presque entière obéissait à la République :
               - Sabins, (peuple de l'Italie),
               - Volsques (habitants de l'Italie centrale),
               - Samnites (habitants de l'Italie centrale) étaient ses tributaires ; et Pyrrhus venait de fuir honteusement devant ses aigles triomphants. Cependant Rome hésitait encore.

               Le sénat refusa d'abord le secours demandé mais le peuple consulté l'accorda et la guerre fut décidée. Quelques misérables vaisseaux empruntés à leurs alliés transportèrent les légions romaines en Sicile.

               Tel fut le commencement de la première guerre punique. Moins célèbre que la seconde, parce que les noms d'Annibal et de Scipion n'y figurent pas, cette guerre fut plus longue et tout aussi cruelle.
               Les Romains s'y formèrent à cette patience héroïque qui les rendit invincibles.
               Luttant contre un peuple de navigateurs et de marchands qui couvrait la mer de ses flottes, ils sentirent la nécessité de créer une marine pour repousser les ravages que leurs ennemis exerçaient sur les côtes d'Italie.
               Sans ingénieurs et sans ouvriers pour la construction des vaisseaux, leur génie et leur persévérance suppléèrent à tout.

               Une galère prise sur l'ennemi, dans un port de Sicile, leur servit de modèle. On travailla la nuit, on travailla le jour pour hâter les constructions.
               Les citoyens de toutes les classes et de toutes les conditions s'imposèrent les plus durs sacrifices pour atteindre ce résultat, et en peu de mois, une flotte de cent-vingt galères fut mise à la mer.
               Cependant les premiers combats de ces marins improvisés ne furent pas heureux. Souvent leurs habiles adversaires, plus souvent les tempêtes contre lesquelles ils n'avaient pas encore appris à lutter, détruisirent ces vaisseaux construits à la hâte et avec tant de peine.
               Mais l'énergie romaine s'accrut de ces défaites mêmes, et les Carthaginois, battus sur terre en Sicile et en Sardaigne le furent aussi sur mer, leur empire et leur élément. Les Romains poursuivirent bientôt leurs ennemis jusqu'en Afrique.

               De toutes les expéditions de la première guerre punique, celle de Regulus (consul) fut la plus célèbre.
               - Les vertus morales et guerrières de cet illustre romain,
               - ses premiers succès facilités par l'aversion des populations africaines contre leur superbe dominatrice,
               - ses fautes,
                sa défaite,
               - sa captivité,
               - sa mort héroïque surtout ont immortalisé cette période de l'histoire de sa patrie : le lecteur n'ignore pas que deux prisonniers carthaginois, livrés à la veuve de Regulus périrent à Rome dans d'affreux supplices.


               Ces vengeances barbares, ces représailles non moins cruelles, donnèrent à la guerre un caractère d'atrocité qu'elle n'avait pas encore revêtu.
               Ce ne fut plus une lutte ordinaire entre deux peuples mais un véritable duel entre deux adversaires décidés à vaincre ou à mourir.
               Enfin le courage des Romains l'emporta et Carthage fut réduite à demander la paix. Céder une première fois, c'était se mettre dans la nécessité une seconde, une troisième, jusqu'à sa ruine totale ; c'est en effet ce qui arriva.
               D'après les termes du traité qui mit fin à la première guerre punique, Carthage évacua la Sicile rendit sans rançon tous les prisonniers et paya les frais de la guerre. Elle accordait tout et ne recevait rien. Son humiliation était complète, l'orgueil des Romains satisfait et leur supériorité reconnue.

               Ce honteux traité venait à peine d'être signé, lorsqu'une guerre intestine s'alluma autour des murs de Carthage et menaça de la dévorer.
               Comme cet évènement met en saillie une partie des institutions de la République phénicienne, nous allons lui consacrer quelques développements.
               Les armées de Carthage se composaient partie d'auxiliaires, partie de mercenaires. Au lieu de dépeupler ses villes pour avoir des soldats, elle en achetait au dehors ; les hommes n'étaient pour cette opulente République qu'une marchandise. Elle prenait, dans chaque pays, les troupes les plus renommées.
               La Numidie lui fournissait une cavalerie :
               - brave,
               - impétueuse,
               - infatigable,


               Les îles Baléares lui donnaient les plus adroits frondeurs du monde, l'Espagne une infanterie invincible, la Gaule des guerriers à toute épreuve, la Grèce des ingénieurs et des stratégistes consommés.
               Sans affaiblir sa population par des levées d'hommes, ni interrompre son commerce, Carthage mettait donc en campagne de nombreuses armées, composées des meilleurs soldats de l'Europe et de l'Afrique.
               Cette organisation, avantageuse en apparence fut pour elle une cause incessante de troubles, et hâta même sa ruine.

               Aucun lien moral n'unissait entre eux ces Mercenaires : victorieux et bien payés, ils servaient avec zèle ; mais au moindre revers,
               - ils se révoltaient,
               - abandonnaient leurs drapeaux, souvent même
               - passaient à l'ennemi.


               Un des plus beau titre de gloire du grand Annibal est d'être resté pendant seize ans en Italie avec une armée composée de vingt peuples divers, sans qu'une révolte ait eu lieu, sans qu'aucune rivalité sérieuse ait dissous cet assemblage d'éléments hétérogènes.
               Après la malheureuse expédition de Sicile, les mercenaires, aigris par leurs défaites et surtout par le retard qu'éprouvait le paiement de leur solde,
               - s'étaient révoltés,
               - avaient massacré leurs chefs,
               - et les avaient remplacés par des officiers subalternes.


               D'un autre côté, les villes maritimes, les populations agricoles de l'intérieur, accablées d'impôts, voulurent profiter de cette insurrection pour secouer un joug qu'elles portaient avec impatience, et les tribus même les plus lointaines, celles qui faisaient paître leurs troupeaux sur les deux versants de l'Atlas, excitées par l'espoir du pillage, accoururent en foule dans les rangs des insurgés.
               Les meurtres et l'incendie précédaient cette multitude féroce, et Carthage se vit bientôt entourée d'un cercle de fer et de feu.
               Réduite à l'enceinte de ses murailles, sans troupes, sans vaisseaux, la métropole africaine semblait près de sa ruine. Jamais sa position n'avait été plus critique.

               Mais l'excès du danger ranima le courage des Carthaginois. Deux généraux célèbres leur restaient encore : Hannon et Amilcar.
               Formés tous deux à l'école de l'adversité dans cette longue lutte qui avait embrasé l'Europe et l'Afrique, ils employèrent, pour sauver leur patrie, tour à tour :
               - la franchise et la ruse,
               - les armes et la politique.

               Chefs de deux partis opposés, ils se réconcilièrent, sacrifiant généreusement à l'intérêt de tous leurs intérêts particuliers.
               Leur bonne intelligence assura le succès et mis fin à la guerre.

               Désorganisés puis vaincus dans deux grandes batailles, les mercenaires furent dispersés et détruits, les villes révoltées se soumirent ou furent emportées d'assaut, l'Afrique entière rentra sous le joug et Carthage respira !
               Mais d'effroyables cruautés avaient été commises de part et d'autre, des milliers d'hommes avaient péri dans les supplices. Éteinte en Afrique après une lutte qui dura trois ans (240-237 avant J. C), la guerre des mercenaires se ralluma en Sardaigne où elle fut encore plus funeste aux Carthaginois ; car elle les mit aux prises avec les Romains.
               Partout Rome s'élevait devant Carthage pour l'empêcher de réparer ses pertes : en Afrique elle avait fourni des armes et des vivres aux révoltés ; en Sardaigne intervint entre les habitants et les Mercenaires et s'empara de l'île.
               Poussé à bout Carthage fit des préparatifs pour la reprendre, mais Rome menaça de rompre le traité.

               N'osant renouveler la guerre contre une puissance qui l'avait vaincue et forcée à accepter les dures conditions aux jours de sa plus haute prospérité, Carthage acheta la continuation de la paix en renonçant à ses prétentions sur la Sardaigne et en payant aux Romains deux cents talents d'argent.
               Cette paix désastreuse ne pouvait durer.
               Le commerce c'est-à-dire l'existence même des Carthaginois était attaquée dans sa base par la perte de leurs colonies :
               - l'empire de la Méditerranée ne leur appartenait plus,
               - les flottes ennemies s'en étaient complètement emparées,
               - les places fortes de la Sicile et de la Sardaigne avaient reçu garnison romaine et
               - les côtes de l'Italie étaient dans un état de défense formidable.

               Toute voie par mer leur était donc fermée.
               Sur terre, seule l'Espagne leur était ouverte : ils y envoyèrent une armée dont ils donnèrent le commandement à Amilcar.

               C'était changer toute la politique qui avait fait la grandeur de Carthage que de chercher dans les conquêtes continentales un dédommagement aux désastres maritimes.

               Cette révolution du reste fut accomplie avec une rare habileté. Déjà célèbre par les guerres soutenues en Sicile contre les Romains, par celle d'Afrique contre les Mercenaires et les peuplades de la Numidie, Amilcar était à la fois un habile capitaine et un grand politique.
               Son armée fit des progrès rapides. Les peuples vaincus par la force des armes furent gagnés par la clémence et la justice du vainqueur et la domination carthaginoise s'établit dans la meilleure partie de la péninsule, sur des bases fermes et solides.
               Une discipline sévère, une bonne et sage Administration attirèrent au général carthaginois l'estime et la confiance des Ibériens.

               Amilcar ayant été tué dans une bataille, son gendre Asdrubal lui succéda et imita son exemple aussi bien dans la guerre que dans la politique.
               Ce général fonda la colonie de Carthagène sur la côte méridionale de l'Espagne, étendit au loin ses conquêtes et porta ses armes jusqu'aux rives de l'Èbre, qu'un traité avec les Romains les empêchait de franchir.
               Assassiné par un Gaulois qu'il avait insulté il remit, comme un héritage, le commandement de l'armée au fils d'Amilcar à peine âgé de vingt-deux ans.
               A l'aspect de ce jeune homme, l'armée toute entière fit éclater des transports de joie et d'enthousiasme : elle croyait revoir Amilcar lui-même.
               Cependant c'était mieux encore, c'était Annibal !

               Amilcar et Asdrubal laissaient à leurs successeurs une armée :
               - sobre, patiente, disciplinée,
               - que l'habitude de la victoire, avait rendu presque invincible,
               - une base d'opération appuyée par des conquêtes solides,
               - une politique sage, qui leur avait rallié tous les peuples.

               Ils lui laissaient enfin un grand projet à réaliser, le plus grand qui pût enflammer l'âme d'un jeune héros : la conquête de Rome !

               Maître de l'Espagne depuis Cadix jusqu'à l'Èbre, vainqueur, au-delà de ce fleuve, de la célèbre Sagonte, alliée de Rome, qui en tombant ralluma la guerre entre l'Europe et l'Afrique, après vingt-quatre ans d'une paix chancelante, Annibal part de Carthage et se dirige vers l'Italie à la tête de :
               - cent mille fantassins,
               - douze mille cavaliers et
               - quarante éléphants.

               On sait les résultats de cette gigantesque entreprise. Les obstacles prévus d'avance par son génie se multiplièrent devant lui, sans pouvoir l'arrêter.

               Les peuples qui habitaient entre l'Ebre et les Pyrénées tentèrent de s'opposer à son passage ; ils furent vaincus et subjugués.
               Après avoir consolidé la puissance de Carthage dans ces contrées, Annibal épure son armée et descend dans les Gaules avec :
               - quarante éléphants,
               - neuf mille chevaux et
               - cinquante mille hommes de pied, tous compagnons d'armes d'Annibal et d'Astrubal.


               Les populations gauloises, que cette marche conquérante à travers leur territoire a soulevées, sont intimidées par sa puissance ou trompées par ses ruses ; les généraux ennemis accourus par mer et par terre pour lui disputer le passage, mais il ne veut combattre qu'en Italie, sont adroitement évités.
               Enfin, malgré la rapidité du Rhône et la hauteur des Alpes, le territoire romain est envahi. Le séjour d'Annibal en Italie n'est pas moins étonnant que la marche audacieuse qui l'y conduisit.
               Décimée par le passage des Alpes, son armée est réduite à quarante mille combattants ; cependant il ne craint pas d'attaquer Rome au centre de sa puissance, et s'avance de victoire en victoire jusqu'à ses 31 portes.

               Entré en Italie à l'âge de vingt-six ans, il y reste quarante :
               - Ni les efforts redoublés des Romains,
               - ni les fautes de ses lieutenants battus en Espagne et dans les Gaules,
               - ni l'opiniâtreté de sa patrie à lui refuser presque tout envoi de secours, ne peuvent lui faire lâcher sa proie.

               Pour y parvenir il fallait cesser de l'attaquer en face, il fallait transporter le champ de bataille là où il n'était pas.
               Rappelé en Afrique par les malheurs de son pays, Annibal s'embarqua, le désespoir dans le cœur.

               On dit qu'à ce moment suprême, tournant les yeux vers l'Italie qu'il laissait arrosée de sang et pleine encore de la terreur de son nom, il exprima le regret de n'avoir pas mis le siège devant Rome après la bataille de Cannes et de n'avoir point avoir trouvé la mort dans ces murailles embrassées.
               Sans doute aussi il se rappelait avec amertume le serment qu'il avait fait dès l'âge de neuf ans, au pied des autels et entre les mains de son père, de haïr les Romains et de les combattre à outrance et sans relâche toute sa vie !
               Débarqué en Afrique avec ce qui lui restait de ses vieilles bandes, Annibal trouve sa patrie sur le penchant de sa ruine, investie de tous côtés par les Romains et les Numides.
               Il accorde à peine quelques jours de repos à ses troupes et s'avance vers Zama, ville située dans l'intérieur des terres, à cinq jours de marche au Sud de Carthage.

               Le sénat et le peuple, revoyant en lui leur dernière espérance, mettent fin à leurs longues divisions et le reçoivent comme un libérateur, le laissant maître de demander la paix et de la conclure.
               Ainsi, par une justice tardive, le sort de son pays est remis dans ses mains ; mais les fautes de ses concitoyens avaient rendu presque impossible tout espoir de salut. Telle était la situation de Carthage au moment où Annibal remettait le pied sur le sol africain :
               - un peuple inconstant,
               - un sénat faible,
               - un trésor épuisé,
               - une armée habituée à la fuite et à la défaite, et
               - quelques vétérans qui ne pouvaient plus que mourir avec gloire.


               En vain la haine et l'orgueil brûlaient dans les cœurs ; ces sentiments allaient s'éteindre au premier revers et faire place à un découragement absolu.
               Annibal le sentait bien, et, seul capable de faire la guerre, il était le seul qui désirât la paix.
               Pour l'obtenir, il demanda une entrevue au général romain ; mais les conditions qu'imposaient Scipion lui ayant paru trop dures, il préféra s'en remettre au hasard d'une bataille, et les deux généraux se quittèrent pour s'y préparer.

               Dans cette célèbre bataille de Zama, ni le héros carthaginois ni ses vétérans ne restèrent au-dessous de leur renommée.
               Dès le premier choc, sa cavalerie peu aguerrie et beaucoup moins nombreuse que celle des Romains fut rompue et prit la fuite, laissant le centre découvert et affaibli par le désordre qu'elle y portait.
               La vieille infanterie d'Annibal présenta la pique aux fuyards et les força de s'écouler par les flancs ; elle rétablit ainsi le combat et tint seule la victoire en suspens jusqu'au moment où, chargée en flanc et en queue par la cavalerie romaine, il ne lui resta plus qu'à mourir.
               Les éléphants, de leur côté, firent bonne contenance ; on voyait ces intrépides animaux, excités par les traits et les javelots qui leur étaient lancés se toutes parts, se précipiter au plus fort de la mêlée et enlever des soldats avec leurs trompes ; mais leur courage fut inutile.

               Les Romains ne se laissèrent pas effrayer par leurs masses ; ils les évitaient avec adresse et ne s'arrêtèrent que lorsque le succès de la journée fut assuré.
               - Vingt mille Carthaginois restèrent sur-le-champ de bataille,
               - vingt mille furent faits prisonniers.
               - Les Romains ne perdirent que deux mille hommes. (203 avant J.C)

               Après ce désastre, Annibal s'était retiré à Adrumète suivi de quelques cavaliers seulement ; mais l'anxiété de ses concitoyens ne le laissa pas longtemps dans cette retraite.
               Mandé par le sénat et par le peuple, il obéit à ces ordres, et rentra dans Carthage après vingt-cinq ans d'absence.
               De toutes parts on se pressait autour de lui pour l'interroger, pour savoir ce qu'il y avait à craindre, ce qu'il y avait à espérer.
               En présence de cette affaiblissement si profond de sa patrie Annibal n'hésita pas à déclarer que tout était perdu, et proposa comme une triste mais indispensable nécessité, de se soumettre aux conditions du vainqueur.

               Après de violents débats, le Sénat tout entier se rendit à son avis. (Annibal devint suffète de Carthage mais bientôt poursuivi par la haine de ses concitoyens, il se retira auprès d'Antiochus, roi de Syrie, ensuite chez Prusias, roi de Bithyaie (région du Nord-Ouest de l'Asie Mineure) qu'il arma contre les Romains.
               Mais enfin craignant d'être livré par ce prince à ses ennemis, il s'empoisonna en 183 avant J.C).

               Les conditions du traité furent telles qu'on devait les attendre du génie de Rome : ce fut la mise en pratique de ce mot célèbre, malheur aux vaincus !
               Les Carthaginois furent :
               - obligés de rendre les prisonniers de guerre et les transfuges,
               - d'abandonner aux Romains tous leurs vaisseaux longs, à l'exception de dix galères,
               - et leurs nombreux éléphants.
               - Il leur fut interdit d'entreprendre aucune guerre sans la permission du peuple romain.
               - Ils rendirent à son allié Massinissa (roi numide berbère 238-148 avant J.C) toutes les terres et les villes qui avaient appartenu à lui ou à ses ancêtres.
               - Ils fournirent des vivres à l'armée pendant trois mois et
               - payèrent sa solde jusqu'à ce qu'on eut reçu de Rome la réponse la réponse aux articles du traité qui y fut envoyé pour recevoir la sanction du Sénat.
               - Enfin, ils s'engagèrent à payer dix mille talents (unité équivalent à 3o kilos d'or ou d'argent) dans l'espace de cinquante années, et pour garantie de leur fidélité ils livrèrent cent otages choisis parmi les jeunes gens des premières familles.
               - Tout fut accepté par les vaincus ; et bientôt l'armée romaine se disposa à retourner à Rome.


               Mais avant de partir, elle brûla les vaisseaux qui lui avaient été livrés au nombre d'environ cinq cents. Les flammes de ce lugubre incendie, qu'on apercevait de Carthage furent le prélude de celles qui, cinquante ans plus tard devaient la dévorer elle-même.
               Ainsi se termina la seconde guerre punique, l'an 551 de Rome, 201 ans avant J.C. Elle avait duré dix-sept ans. (L'Afrique occidentale était divisée, à cette époque, en trois États :
               - la Maurétanie,
               - la Numidie et la Libye.

               Le fleuve Mulucha (Moulaïa) séparait les deux premiers ; le fleuve Tusca, les deux autres. La Libye formait le territoire de Carthage.

               La Numidie était en outre fractionnée en deux parties gouvernées par des chefs différents : les Massyles du côté de la Libye, et les Masseyliens du côté de la Maurétanie. Le fleuve Ampsaga (oued kébir) les séparait.)
               Entre cette seconde guerre et la troisième, un demi-siècle s'écoule pendant lequel la reine déchue de l'Afrique se débat dans les douleurs d'une longue agonie.
               En effet, la cruelle prévoyance de Rome a déposé dans le dernier traité de paix les germes d'une guerre qu'elle peut faire naître à son gré.
               Elle a placé aux portes de Carthage une famille de rois numides ambitieux et puissants et, en les excitant contre sa victime, défendu à celle-ci de faire la guerre sans sa permission.

               C'est ici le lieu de présenter la situation des colonies fondées par Carthage sur le littoral africain, et d'exposer les relations que la république phénicienne avait établies avec les indigènes de l'intérieur.
               A mesure qu'elle accrut sa puissance, Carthage :
               - fonda des villes,
               - établit des ports et
               - des forteresses qui formèrent sur tous les points avantageux de la côte, comme une chaîne non interrompue de stations commerciales, depuis les Syrtes jusqu'au détroit de Gibraltar :
               - Ubbo (Bône),
               - Igilgiles (Gigel),
               - Saldae (Bougie)
               - Jolo plus tard Julia Caesarea (Cherchell), ont été de ce nombre.


               D'autres y ajoutent même Iomnium, l'Alger de nos jours (certains géographes donnent à Alger le nom d'Icosium et font remonter sa fondation aux voyages d'Hercule. Le nom grec donné à cette ville consacre, disent-ils, le nombre des héros qui accompagnaient Hercule dans cette expédition) et Scylax (géographe, navigateur grec), dans son périple de la Méditerranée, dit que tous les comptoirs et établissements coloniaux, au nombre de trois cents, semés sur la côte d'Afrique depuis la Syrte voisine des Hespérides jusqu'aux colonnes d'Hercule, appartenaient aux Carthaginois.
               Ces colonies furent formées en quelque sorte pacifiquement par occupation, si on peut le dire, et non par invasion.
               Fidèle à son origine, Carthage se présentait d'abord aux indigènes moins pour conquérir que pour trafiquer.

               Employant ses premiers efforts à former :
               - des comptoirs,
               - des stations,
               - des échelles,

               Elle semblait plutôt désireuse de placer ses produits et d'en recueillir de nouveaux, que d'établir à fond sa domination sur le pays.
               Aussi la voit-on s'étendre rapidement le long des côtes sans que son territoire augmente beaucoup en largeur ; elle ne pénètre pas avant dans les terres, et n'entame pas profondément le sol déjà occupé.
               Jamais elle ne déposséda les indigènes que dans un faible rayon autour de ses remparts et de ceux de ses colonies, autant qu'il en fallait pour assurer la subsistance de la population coloniale ; au-delà, elle n'imposait à ses sujets que des tributs pour lesquels elle leur donnait même des équivalents.

               D'un autre côté, elle s'appliquait à maîtriser les tribus libyennes, moins par la force que par sa politique astucieuse fomentant leurs querelles intestines, les maintenant les unes par les autres et acheva son œuvre en attirant à son service l'élite de ces populations par l'appât de la solde et du butin.
               A certaines époques de l'année, les sénateurs de Carthage se rendaient auprès des chefs des tribus de l'intérieur dans le but de les engager par toutes sortes de séduction et de promesses, quelquefois mêmes par des alliances avec les premières familles de la République, à fournir des recrues à leur armée.
               Les Carthaginois faisaient aussi entrer les tribus libyennes, comme un des éléments principaux, dans les colonies d'émigrants que leur politique ne cessait de déverser sur tous les points où pouvaient pénétrer leurs flottes.

               La relation que l'Antiquité nous a conservé du périple d'Hannon (explorateur carthaginois) et que Carthage avait fait placer dans le temple de Kronos, fournit un exemple curieux de la manière dont procédait la République dans ses établissements coloniaux.
               Le chef carthaginois chargé de la mission expresse de semer des colonies sur le littoral atlantique, part avec soixante vaisseaux contenant trente mille hommes qui sont répartis par lui dans six villes de cinq mille habitants chacune.
               Ces colons étaient, pour la majeure partie des Libye-Phéniciens, c'est-à-dire des Africains déjà façonnés à la civilisation phénicienne.

               Quoique le commerce et l'industrie tinssent le premier rang dans les préoccupations politiques de Carthage, elle ne négligea pas cependant l'agriculture. Elle essaya plus d'une fois d'arracher ses sujets indigènes à leur barbarie native en leur donnant des notions de culture.
               Et tout autour de son enceinte, dans un espace de soixante-quinze lieues de long sur soixante de large (dans les districts de la Zeugitane (nom donné à l'ancienne Afrique proconsulaire) et du Byzacium (actuelle Tunisie), elle organisa des colonies agricoles, mi-parties d'indigènes et de Phéniciens destinées à former des cultivateurs et des agronomes pour ses établissements lointains.
               Sous le rapport du commerce, Carthage tirait un parti non moins avantageux des indigènes.

               Outre les éléments de colonisation qu'ils fournissaient aux postes maritimes, comme population coloniale, ils furent, à n'en pas douter, pour le commerce avec l'intérieur de l'Afrique, ses meilleurs intermédiaires.
               De quelque mystère que les Carthaginois aient toujours cherché à couvrir leurs opérations commerciales (ils employaient sans distinction tous les moyens pour empêcher les autres nations de suivre leurs traces.
               Les Carthaginois faisaient jeter à la mer tout navigateur étranger qui s'approchait des côtes de la Sardaigne.
               Quelque soin qu'ils aient pris, dans tous les temps, de dérober aux Romains et aux autre peuples contemporains leurs connaissances géographiques.

               Il est aujourd'hui prouvé qu'ils entretenaient avec l'Afrique centrale un commerce considérable dont les principaux articles étaient :
               - l'or en poudre ou en grains,
               - les dattes, et surtout
               - les esclaves noirs.

               C'est parmi ces derniers que se recrutaient les rameurs de leur redoutable marine. Pour leur trafic avec l'intérieur, les Carthaginois s'étaient déjà ouvert les mêmes routes commerciales qui aujourd'hui encore sont parcourues par les caravanes. Magon entreprit trois voyages à travers le désert.

               Les Nasamons, peuple de la région syrtique, poussèrent leurs excursions jusqu'au bord du Niger, et les Garamantes (habitants du Fezzan) allaient jusqu'en Éthiopie faire la chasse aux esclaves.
               - La Sicile, l'Espagne, la Gaule,
               - les côtes de la Bretagne leur étaient familières, et Hannon porta ses reconnaissances sur la côte d'Afrique jusqu'au cap Formose.


               Les établissements coloniaux que fonda Carthage sur le littoral africain, les villes même qui se trouvaient sur son propre territoire, jouissaient d'une grande liberté et se gouvernaient en général par des Conseils dont l'organisation rappelait ceux de la mère patrie.
               Par une sorte de reconnaissance, conforme d'ailleurs à leurs intérêts, les colonies carthaginoises conservèrent ainsi les lois fondamentales de la métropole.
               Mais leur dépendance fut toujours volontaire et elles ne se soumettaient qu'aux lois qui avaient obtenu la sanction de leurs magistrats.
               D'après cet exposé, on voit combien était faible les liens qui unissaient les tribus - libyennes et Carthage, combien il était facile à un ennemi adroit de tourner ces alliés douteux contre leur suzeraine.
               C'est ce que firent les Romains.

               Nous avons dit que parmi les tribus libyennes, celles des Massiliens et des Maæsyliens étaient les plus nombreuses et les plus redoutables.
               Les premières avaient pour centre de leurs forces, ou pour capitale Zama, située à cinq journées de Carthage.
               A l'époque de la seconde guerre punique, Galla, père de Massinissa, les commandait. Les Massiliens qui occupaient la partie occidentale avaient pour capitale Siga, ville aujourd'hui ruinée, située non loin d'Oran ; Syphax était à leur tête.
               Après la prise de Sagonte (ville de la province de Valencia) par les Carthaginois, Scipion qui commandait les troupes romaines en Espagne noua des relations secrètes avec Syphax afin d'opposer à Carthage un ennemi placé sur ses frontières.
               Il lui envoya même un de ses lieutenants, Q. Statorius pour lui former un corps de jeunes Numides, destiné à combattre à la manière des Romains.
               Syphax, se voyant soutenu par un puissant allié, attaqua Galla et le chassa de ses États ; déjà même il se disposait à mettre le siège devant Carthage lorsque le sénat lui offrit la main de la belle Sophonisbe, fille d'Asdrubal (général carthaginois) fiancée au jeune Massinissa.
               Syphax accepta cette offre avec empressement et pour prix d'une si haute faveur il abandonna la cause des Romains.
               A la nouvelle de ce sanglant outrage, Massinissa, qui se trouvait alors en Espagne, se jette dans le parti des Romains, et passe en Afrique pour venger son injure.
               Mais pendant l'absence du jeune Numide, la plus grande partie des États de son père avait été envahie par l'ennemi et comme Galla était mort au milieu de la lutte, ses oncles s'étaient emparés du reste.
               Sans ressources, sans armée Massinissa entreprend néanmoins de reconquérir l'héritage de ses pères. Il obtient quelques troupes de Bocchus, roi de Maurétanie, et à l'aide de ses auxiliaires il chasse les usurpateurs ; mais son courage impétueux vint inutilement se heurter contre les phalanges aguerries de Syphax ; battu en plusieurs rencontres, ses alliés l'abandonnèrent et il n'eut d'autres ressources que d'attendre l'arrivée de Scipion.

               Dès ce moment il fit cause commune avec les Romains, combattit sous leurs drapeaux, et parvint, avec leur concours, à se rendre maître de Cirtha où il retrouva Sophonisbe, sa fiancée, devenue l'épouse de Syphax.
               Incapable de résister aux charmes de la belle carthaginoise, le roi numide l'épousa pour la soustraire à l'esclavage des Romains à qui elle appartenait par droit de conquête.
               Mais Scipion désapprouva cette union et Massanissa fut obligé de sacrifier son amour à ses alliés. Peu de temps après Sophonisbe mourut empoisonnée.
               Scipion pour consoler son ami, le combla de distinction et lui donna, en présence de l'armée, le titre de roi avec une couronne d'or.
               Ces honneurs joints à l'espérance de se voir bientôt maître de la Numidie, firent oublier à ce prince ambitieux la perte de son épouse.

               Il devint l'allié fidèle des Romains et s'attacha invariablement à la fortune de Scipion. A la journée de Zama, ce fut lui qui renversa l'aile gauche de l'armée carthaginoise ; quoique blessé, il poursuivit lui-même Annibal dans l'espoir de couronner ses exploits par la prise de ce grand capitaine.

               Enfin avant de quitter l'Afrique, Scipion rétablit Massinissa dans ses États héréditaires, y ajoutant, avec l'autorisation du sénat, tout ce qui avait appartenu à Syphax dans la Numidie.
               Maître de tout le pays depuis la Maurétanie jusqu'à Cyrène et devenu le plus puissant prince de l'Afrique, Massinissa profita des loisirs d'une longue paix pour introduire la civilisation dans son vaste royaume et pour apprendre aux Numides errants à mettre à profit la fertilité de leur territoire.

               Soixante ans d'une administration énergique et éclairée changèrent complètement la face du pays :
               - des campagnes jusque-là incultes se couvrirent de riches moissons,
               - les villes reçurent des constructions nouvelles,
               - partout la population augmenta.
               - Mais ce n'est pas assez pour ce prince ambitieux ; il désirait plus encore.
               - Ses troupes faisaient de fréquentes incursions sur le territoire de Carthage ; lui-même quoique âgé de quatre-vingt-dix ans, se mit à la tête d'une puissante armée pour s'emparer de cette ville. (159 ans avant J. C).

               Plusieurs victoires signalèrent sa marche, et sans doute il eut réalisé ses projets de conquête s'il n'eût craint de déplaire à ses alliés ; car il savait depuis longtemps que les Romains s'étaient réservés cette proie.
               Les Carthaginois voulurent se plaindre à Rome des hostilités de Massinissa ; leur plaintes furent accueillies avec dédain ; il ne restait plus aux vaincus que la ressource des armes. Mais Rome trouva mauvais que Carthage repoussât la force par la force ; elle l'accusa de violer les traités et lui déclara la guerre.

               Ce fut la dernière.
               Evidemment les faciles triomphes de Massinissa avaient décidé les Romains à en finir avec Carthage. Cette inique agression, cet odieux abus de la force, faillit trouver sa punition dans son excès même.
               L'indignation, le désespoir se communiquent de proche et proche et se répandent dans toutes les villes puniques avec la rapidité de la foudre.
               Les citoyens de Carthage :
               - hommes,
               - femmes,
               - vieillards,
               - enfants,

               Jurent de s'ensevelir sous les ruines de leur patrie plutôt que de l'abandonner.

               Tous les matériaux qui se trouvaient :
               - dans les arsenaux,
               - dans les habitations privées,
               - sont transformés :
               - en armes,
               - en vaisseaux,
               - en machines de guerre.
               - Les places publiques,
               - les temples des Dieux deviennent des ateliers.


               Le chanvre manquait pour faire des cordages, les femmes coupèrent leurs cheveux et les offrirent pour ce pieux usage
               Une ardeur inouïe animait tous les cœurs, exaltait tous les esprits ; Carthage voulait au moins mourir digne d'elle.
               Cependant les Consuls, qui croyaient n'avoir rien à craindre d'une population désarmée, s'avançaient lentement pour prendre possession de leur conquête ; leurs prévisions furent déçues : là où ils ne comptaient ne trouver que des esclaves soumis et abattus, ils rencontrèrent avec surprise des citoyens exaspérés et en armes.
               Forcés de faire le siège d'une ville où ils avaient cru entrer sans résistance,
               - ils s'étonnent,
               - ils se troublent,
               - ils commettent faute sur faute.

               Leurs attaques multipliées échouèrent.

               Ranimés par le succès les assiégés faisaient de fréquentes sorties, souvent heureuses, toujours terribles et meurtrières :
               - ils repoussaient les cohortes romaines,
               - comblaient les fossés,
               - exterminaient les fourrageurs (cavaliers allant en territoire ennemi faire provision de fourrage),
               - brûlaient les machines de guerre.


               Une année entière s'écoula ainsi en efforts inutiles, et les consuls durent sortir de charge au milieu de la honte et de la confusion.
               L'année suivante, les armées romaines ne furent pas plus heureuses.
               Le siège, continué avec la même opiniâtreté, fut soutenu avec la même vigueur.
               Les nouveaux Consuls, battus en plusieurs rencontres, ne firent aucun progrès et le courage désespéré des Carthaginois l'emporta encore sur le nombre et la puissance de leurs ennemis.
               Mais c'était là le dernier répit que la fortune accordait à ces malheureux, la destruction de leur ville était imminente.
               On connaît les exploits et les efforts de Scipion-Emilien, mais on sait aussi quelle opiniâtre résistance lui fut opposée jusqu'au dernier moment.
               La ville fut prise, mais seulement après deux grandes batailles, l'une sur terre et l'autre sur mer, et après un dernier combat qui dura six jours et six nuits, de rue en rue, de maison en maison.

               En un mot Carthage ne succomba qu'après un siège de trois ans et sous le génie d'un grand homme ! Sur l'ordre du sénat, Scipion-Emilien réduisit Carthage en cendres ; pendant plusieurs jours, les flammes dévorèrent :
               - ses temples, ses magasins, ses arsenaux
               - et d'horribles imprécations furent prononcées contre quiconque tenterait de la faire sortir de ses ruines.

               Les sept cent mille habitants qui formaient la population de la métropole africaine furent dispersés ; Rome s'enrichit de ses dépouilles et son territoire fut divisé entre les vainqueurs et leurs alliés.
               Ainsi finit cette fière République dont la puissance s'étendit pendant près de six siècles sur l'Afrique septentrionale et sut toutes les mers connues !
Histoire de l'Algérie ancienne et moderne depuis les premiers établissements carthaginois
par Léon Galibert, Directeur de la Revue Britannique. Édition 1843.



Utiliser les bons mots.
Envoyer par M. Henri


       Un avocat, père de 8 enfants se voyait toujours refuser la location d'un logement, justement parce qu'il avait 8 enfants !
       Un jour, il dit à sa femme de faire une promenade au cimetière avec 7 enfants et lui de son côté, partit avec le huitième pour tenter de louer un logement.
       Lorsque le propriétaire lui a demandé s'il avait d'autres enfants, l'avocat (qui ne doit jamais mentir) a répondu :
       - Sept autres. Ils sont au cimetière avec leur mère.

       L'avocat a obtenu son logement. II dit alors à son fils :
       - Tu vois, il ne sert à rien de mentir, il s'agit simplement d'utiliser les bons mots.
       Le fiston est devenu .. politicien...
                  



Des habillements des hommes
et des femmes d'Alger
Envoi de M. Christian Graille

               Les modes ne changent point chez ces peuples ; mais les différents peuples qui composent la République ont chacun leurs modes particulières.
               Les Maures de la campagne qui sont les habitants naturels du pays n'ont pour tout habillement qu'une longue pièce de drap blanc dont ils s'enveloppent, quelques-uns ont des chemises et des caleçons, la plupart n'en ont point et surtout en été : la chaleur du climat les exempte de cette dépense.
               Les Marabouts de la campagne qui sont leurs docteurs de la loi ont toujours des chemises et des caleçons par bienséance, et au lieu de la couverture de laine que les autres portent, ils ont un grand voile de drap de lin qui les enveloppe de la tête jusqu'aux pieds.
               Ils prétendent marquer par-là la pureté de la religion qu'ils professent et leur caractère.

               Il n'y a rien de remarquable dans les habillements des femmes de la campagne, qui ne sont que de toile bleue ou blanche et composée d'une manière assez difficile à écrire, elles ressemblent assez à celles que nous appelons en France bohémiennes ou Égyptiennes.
               Les Turcs ont soin que ces peuples ne soient jamais riches et c'est pour ne pas exciter leur envie et leur cupidité que ces gens affectent de paraître plus pauvres qu'ils ne le sont en effet.
               - Les Maures,
               - les Maurisques
               - et autres qui demeurent dans les villes et que les Turcs regardent comme les vassaux de la République, ne se distinguent de ceux de la campagne que parce qu'ils ont du linge un peu plus propre, un petit turban avec un burnous blanc sur les épaules qui leur tient lieu de manteau.

               Ils vont nu, pieds et nues jambes et n'ont pour toutes chaussures que des babouches qui sont des souliers plats ferrés sous le talon, sans quartiers comme nos pantoufles.

               Les Turcs que l'on doit regarder comme les principaux membres et les chefs de la République sont fort proprement vêtus et for commodément.
               - Outre la chemise et la camisole de toile qu'ils mettent sur le caleçon, qui est fort large et pour l'ordinaire de toile rouge,
               - ils ont des chaussettes de gros drap de la même couleur, au bas desquelles est cousue.
               - une paire de mules ou chaussons de maroquin jaune ou rouge qu'ils mettent dans leurs babouches.
               - Cette chaussure est commode pour ne pas gâter les tapis sur lesquels on marche dans les mosquées ou dans les maisons où l'on va en visite.
               - Ils ont sur les épaules un burnous, avec un capuchon au bout duquel est un gros gland de soie.
               - Ils sont coiffés d'un petit turban de mousseline blanche, roulée fort proprement sur un bonnet de laine rouge.


               Mais les jeunes gens qui sont encore dans le service, qui vont en course sur mer ou à l'armée, n'ont qu'une petite calotte de laine rouge qui ne descend pas jusqu'aux oreilles. Leurs jambes et leurs pieds sont nus dans leurs babouches. Ils affectent cette négligence dans leurs habits pour marquer leur bravoure et combien ils sont endurcis aux ardeurs du soleil et aux incommodités de l'hiver.
               Le reste des habillements des Turcs d'Alger consiste en une camisole sans manche. Elle n'a aucune ouverture par-devant ni par derrière mais seulement trois trous, un pour passer la tête et deux pour les bras.
               Ils passent d'abord les mains dans les deux trous et élevant doucement les bras, la camisole descend insensiblement, et la tête se trouve passée par le trou du milieu et la camisole couvre le corps fort juste.
               Ils mettent dessus une veste de drap qu'ils appellent caftan.
               Elle est de la même longueur et faite à peu près comme un juste-au-corps.
               Elle est ouverte par le devant pour laisser paraître la camisole qui est toujours de couleur différente. Ils ne la font joindre que vers le milieu du corps où ils la ceignent d'une écharpe si grande et si large qu'elle leur vient jusque sur les reins.

               Leur manteau de cérémonie quand ils vont dans la ville en visite ou au Divan est :
               - un burnous de drap noir pour l'hiver,
               - ou de crépon de soie,
               - ou de laine de la même couleur pour l'été.
               - Ces burnous tels que je les ai décrits ci-devant, sont bordés d'une frange de soie tout autour.
               - Ils sont étroits par le haut et fort larges par le bas avec de grands capuchons comme ceux des Capucins, dont la pointe est chargée d'une grosse houppe de soie.

               Ils se couvrent la tête avec le capuchon quand il pleut.
               Tous les burnous sont d'ordinaire noirs par modestie et par la bienséance que les hommes affectent. Cette couleur n'est que pour les Juifs dans le royaume du Maroc et de Fez où ils les portent blancs ou rouges.

               On en donne de rouges aux enfants d'Alger et les personnes de considération s'en servent aussi à la campagne. Les gens de Lettres et les Muftis les portent blancs.
               On fait de ces burnous à Temessen qui sont tissés d'une manière qu'un côté est ondé comme du camelot (étoffe de laine) et l'autre ressemble à ces fourrures d'agneaux frisées qui viennent de la mer Noire.
               Ils le mettent pendant l'hiver et en dehors de l'été ou quand il pleut parce que la pluie coule dessus sans pénétrer et quand il a plu longtemps dessus ils ne font que le secouer et il se trouve aussi sec que s'il n'avait pas plu dessus.
               J'ai vu que tout ce petit peuple s'habille autant en été qu'en hiver. Ils ont raison. Le climat d'Alger est très chaud mais l'air y est humide et fort pénétrant de sorte que s'ils ne prenaient pas ces précautions, ils seraient enrhumés et auraient des fluxions de poitrine qui sont très dangereuses dans le pays.

               Il n'est pas facile de décrire les habillements des femmes. On n'a aucune communication avec elles.
               Je n'en puis parler que m'être trouvé une fois à la noce d'une juive, où quantité de femmes et de filles assistèrent.
               Elles étaient toutes vêtues à la Maurisque et on m'assura que leurs habits étaient les mêmes que ceux des autres femmes d'Alger.
               Lorsqu'elles sortent en ville, elles sont couvertes depuis la tête jusqu'aux pieds de telle sorte qu'on ne peut voir qu'un de leurs yeux sans pouvoir distinguer leur taille.

               Pour l'ordinaire elles sont assez petites et fort grosses, ce qu'on peut attribuer au peu d'exercice qu'elles font : car elles ne sortent presque jamais de leurs maisons que pour aller aux bains et aux cimetières où elles font porter par leurs esclaves de grandes jattes de bois ou de cuivre remplies :
               - de couscous,
               - de riz et
               - de viande pour les pauvres.


               Les femmes de quelque considération ont des caleçons et des chemises fort longues par-dessus, elles sont d'un toile de lin fort fine, brodées de soie de diverses couleurs sur :
               - les coutures,
               - le col,
               - les manches et les bras.

               Elles mettent dessus une longue camisole d'étoffe de soie ou de brocard ouverte par-devant pour laisser passer paraître leur gorge pendante, qui n'a assurément rien de beau. L'ouverture de la camisole ne se ferme que sur le ventre avec des boutons et des boutonnières de soie ou d'or.
               C'est là leur habillement d'été.

               En hiver elles mettent par-dessus une longue et large veste de drap dont les manches font assez larges pour laisser paraître celles de leurs chemises.
               Elles ceignent cette veste d'une écharpe de soie nouée négligemment qui leur donne fort mauvaise grâce, soient qu'elles marchent ou qu'elles soient assises.
               Leurs cheveux sont nattés et pendent sur le dos. Elles attachent au bout de petites pièces d'argent percées, qui flottant sur les épaules font à peu près le même effet que les grelots.
               Leur ornement de tête est un bonnet de velours de la figure d'une écuelle, qui leur tombe jusqu'aux oreilles.
               Ce bonnet est garni de pièces de monnaie d'or et d'argent, qui sont cousues avec des compartiments de perles et de pierreries de couleur, qui pour l'ordinaire sont fausses.
               Elles ont les oreilles percées d'autant de trous que l'on peut en faire, pour y mettre des boucles d'or, d'argent et autre métal.

               Avec tous ces ajustements elles n'ont rien d'agréables.
               - Elles sont bêtes au souverain degré,
               - elles n'ont point de conversation.

               Elles sont :
               - capricieuses,
               - têtues comme des mules,
               - gourmandes,
               - fainéantes.

               Aussi les Turcs ne s'en chargent que pour le besoin qu'ils en ont et le plaisir d'avoir des enfants. On ne doit pas s'étonner après cela, que Mahomet les aient exclus du Paradis, quoiqu'il y ait mis son chameau, son chat et bien d'autres bêtes.

               On a soin de peindre les sourcils des nouvelles mariées avec une espèce d'encre de Chine ou de noir de fumée et on leur met sur le visage des points :
               - noirs, rouges, bleus ou tannés en façon de mouches.
               On se sert de colle ou d'eau gommée pour faire tenir ces couleurs et on sème dessus de la poudre de faux or comme nous en mettons sur l'écriture.
               Leurs mains sont barbouillées d'un noir jaunâtre qui leur tient lieu de gants et ce qu'on peut voir de leurs bras est peint de plusieurs cercles de diverses couleurs.
               Leurs ongles, tant des pieds que des mains sont teints en feuille morte.

               Elles sont chargées au cou et aux poignées de quantité :
               - de bagues,
               - de colliers et
               - d'autres colifichets (petits objets de fantaisie sans grande valeur) qui n'augmentent point du tout la bonne grâce qu'elles souhaitent avoir.


               Les Juifs ont partout une marque qui les distingue : ceux d'Alger portent sur leurs habits ordinaires à tous les autres habitants, une espèce de soutane de camelot noir plissée sur leurs reins comme la robe de nos enfants rouges ou bleus.
               Sur cette robe ils ont leurs burnous qu'ils ne quittent jamais pour ne pas manquer au respect qu'ils doivent aux lieux où ils peuvent avoir affaire.
               Ils ont la tête couverte d'un bonnet de laine noire tricotée.
               La différence de ceux d'Alger d'avec ceux qui viennent des pays étrangers est que le bonnet de ces derniers est de droit noir terminé par une pointe d'un pied de long et large de deux pouces qui leur pend sur les épaules.
               Ils vont tous les pieds nus dans leurs babouches.
               Mais ceux de Livourne et d'Alexandrie d'Égypte portent le chapeau et la plupart sont habillés à l'italienne ou à l'espagnole dont ils conservent les habits et les manières même dans leurs maisons.
               Voilà à peu près ce que je pouvais dire de ce mauvais pays qui n'est peuplé que de la lie des provinces de l'Empire ottoman.

Mémoires du Chevalier d'Arvieux,
envoyé extraordinaire du Roy à la Porte,
Consul d'Alep, d'Alger, de Tripoli et autres Échelles du Levant.



Des questions sans réponse !
Envoyé par Hugues.

        Les moulins, c’était mieux à vent ?

               Quand on voit beaucoup de glands à la télé, faut-il changer de chêne ?

               Si le ski alpin, qui a le beurre et la confiture ?

               Je m’acier ou je métal ? Que fer ?

               Un prêtre qui déménage a-t-il le droit d’utiliser un diable ?

               Est-ce que personne ne trouve étrange qu’aujourd’hui des ordinateurs demandent à des humains de prouver qu’ils ne sont pas des robots ?

               Est-ce qu’à force de rater son bus on peut devenir ceinture noire de car raté ?

               Est-ce qu’un psychopathe peut être embauché comme psychologue chez Lustucru ?

               Si Gibraltar est un détroit, qui sont les deux autres ?

               Lorsqu’un homme vient d’être embauché aux pompes funèbres, doit-il d’abord faire une période décès ?


De l'hospitalité chez les Arabes
Envoi de M. Christian Graille
               Un correspondant nous demande notre opinion sur l'hospitalité arabe, vertu qui lui semble un peu en baisse chez les Indigènes.
               Le sujet a de l'importance en lui-même. Et de plus il emprunte un intérêt particulier aux circonstances actuelles. Nous répondrons très volontiers à l'appel de notre honorable confrère. Disons d'abord qu'après le triple fléau :
               - des sauterelles,
               - de l'épidémie et
               - de la sécheresse,

               Il n'est pas étonnant que les Arabes soient moins hospitaliers que d'habitude.
               Mais loin de leur en faire un reproche, nous voudrions qu'ils le fussent moins encore : tout le monde y gagnerait, nous aussi bien qu'eux.
               Comme notre assertion a l'inconvénient de ressembler à un paradoxe assez téméraire, nous prions le lecteur de suspendre son jugement jusqu'à ce que la cause soit plaidée à fond.
               Il verra alors que nous avons de puissantes raisons pour nous exprimer comme nous venons de le faire.

               Nous admettons pourtant, en principe, que l'hospitalité soit une vertu en général est une vertu nationale chez les Arabes, puis nous ajouterons que c'est peut-être la seule qu'on ne leur ait pas contestée, eux à qui il est de mode en ce moment de contester toute espèce de bonne qualité.
               Quant à nous nous n'avons jamais vu sans être touché, un pauvre ou un voyageur recevoir chez les Indigènes le gîte et la nourriture sur ce simple appel :
               Dif Allah ! Hôte de Dieu !

               Ce tribut payé au sentiment, raisonnons un peu. Certes étant donné l'organisation arabe telle que nous l'avons trouvé en arrivant ici, l'hospitalité était une nécessité sociale non moins qu'une vertu.
               Sans elle les voyages de quelque durée devenaient impossibles dans le pays arabe dont les différentes parties demeuraient presque sans communications possibles entre-elles, au moins à grande distances.
               Dès-lors, comment auraient circulé les colporteurs qui apportent dans les tribus tant d'objets indispensables et les trafiquants de toute espèce ?

               Comment la plupart des dévots auraient-ils pu accomplir le pèlerinage, ayant à traverser des contrées :
               - sans auberges,
               - sans boulangers
               - ni bouchers etc. ?

               D'ailleurs chacun semble avoir eu intérêt parmi les Indigènes à créer et à maintenir les habitudes hospitalières, car celui qui les exerçait aujourd'hui, pouvait être appelé à en profiter demain.

               Cependant, à côté d'avantages incontestables, il y avait de graves inconvénients : en fait l'hospitalité faisait naître et entretenait une masse de vagabonds où se recrutait amplement la redoutable armée des malfaiteurs de toute espèce.
               Ce danger sur lequel nous reviendrons bientôt avec plus de détails n'avait pas échappé à l'administration française qui n'a jamais cessé de se préoccuper des intérêts du pays et notamment du progrès social des Indigènes.
               Mais croyant devoir commencer la réforme par une mesure qui dût moins répugner aux mœurs et aux habitudes séculaires des Arabes, elle engagea d'abord les chefs, par une circulaire, à ne pas recevoir les Européens, dont bon nombre, il est vrai, abusaient un peu de l'hospitalité indigène et imposaient à son budget un surcroît assez lourd de dépenses tout à fait imprévues.

               Mais les meilleures choses ont leurs inconvénients. En voici un échantillon de ceux de cette mesure : nous les empruntons aux aventures d'un voyageur, qu'une mission officielle avait amené, il y a une douzaine d'années, chez les Sidi Ahmed ben Youssef, entre Berouaghia et Aumale, et qui ignorait la circulaire dont il s'agit, dont il n'eut connaissance que le refus formel d'hospitalité de la part du chef du campement où il avait dû s'arrêter, d'après son itinéraire.
               Ce refus est d'autant plus embarrassant pour lui qu'il était fort probable que les chefs voisins l'imiteraient, et que notre voyageur, qui ne l'avait pas prévu, se trouvait sans aucune provision de bouche.

               Le dialogue suivant s'établit alors entre lui et le Cheikh du douar.
               - Le voyageur : Je trouve très juste qu'on ait exonéré les Arabes de la coûteuse obligation de nourrir les Européens de passage. Je me bornerai donc à te prier de m'indiquer une auberge où je puisse aller loger et prendre mes repas.
               - Le Cheikh : Il n'y a pas de ces établissements chez nous.
               - Le voyageur : Alors voudras bien me faire donner, moyennant mon argent, bien entendu, de la nourriture et un abri.
               - Le Cheikh rouge d'indignation : est-ce que tu me prends pour un gargotier ?
               - Le voyageur : Non, et je suppose que les autres chefs échelonnés sur ma route ne le sont pas plus que toi ; d'où il résulte, votre pays n'ayant pas d'auberges, que je dois mourir d'inanition sur le grand chemin.


               Cependant quoique la chose soit très conforme à la logique, elle ne me plaît pas du tout ; et je tiens, faute de mieux, à en faire supporter la responsabilité morale, sinon matérielle, au premier Arabe qui m'aura refusé l'hospitalité, c'est-à-dire à toi. Je reste donc sous ta tente jusqu'à ce que mort s'en suive. "
               Et en conformité avec cette déclaration catégorique, le voyageur s'étendit tranquillement sur le tapis, prenant la position d'un homme qui va s'abandonner au sommeil, afin d'essayer sans doute, si le proverbe qui dort, dîne n'est pas une mauvaise plaisanterie.

               Mais le Cheikh avait compris la leçon et il le prouva bien en faisant servir au voyageur affamé un excellent couscoussou en dépit de la circulaire.
               Et cependant la circulaire était juste et bonne au fond ; seulement il lui manquait un complément essentiel, l'auberge.
               Et il lui manquait encore cet autre complément bien autrement essentiel que nous formulons dans l'article suivant : " Ne seront pas admis au bénéfice de l'hospitalité les mendiants valides et les vagabonds musulmans reconnus. "
               En effet, les gens qui n'aiment pas le travail, et ils sont nombreux partout, peuvent en pays arabe se livrer tout à leur aise au culte de la paresse, moyennant le système d'hospitalité exagéré et peu intelligent qui règne parmi les Indigènes.

               Depuis l'océan atlantique jusqu'en Syrie et même au-delà, un fainéant est sûr de rencontrer partout sur sa route, et chaque jour, l'abri et la nourriture gratuitement.
               Comment résister à une pareille séduction quand on appartient à une race dont les besoins sont si peu nombreux ?
               Nos ancêtres en ont su quelque chose, eux qui ont eu au moyen âge des bandes de vagabonds analogues à ceux des Arabes de nos jours et qu'on appelait coquillards à cause des coquilles qui ornaient leurs habits.
               Ces soi-disant pèlerins de Saint Jacques de Compostelle, qu'ils n'avaient jamais visité, avaient aussi résolu le problème de vivre sans travailler.
               Et il fallut que l'autorité s'en mêlât pour faire cesser la honteuse et onéreuse exploitation qui se pratiquait sous le masque de la religion, ne se contentant pas toujours de mendier et prenant assez souvent le bien d'autrui au lieu de le demander.
               Il est si doux, partout et toujours, de pouvoir chanter, comme aux ateliers nationaux Nourri par la patrie etc.

               Les chefs indigènes avec qui nous avons eu l'occasion de parler des dangereux abus de l'hospitalité arabe, en convenaient eux-mêmes.
               Mais ils objectaient que leurs pères l'avaient ainsi exercée et qu'ils ne pouvaient faire autrement qu'eux.
               Or, on est aujourd'hui en mesure d'opposer des arguments bien graves à cette objection, peu sérieuse d'ailleurs.
               En effet, à la suite des divers fléaux qui ont sévi sur l'Algérie depuis quelques années, la famine surtout, les Indigènes ont bien été forcés de se départir de leur système beaucoup trop large d'hospitalité et c'est naturellement aux dépens des vagabonds reconnus que les restrictions ont commencé.
               Ceux-ci repoussés partout de la tente, se sont rués sur nos villes et nos villages ; et quand on leur a offert du travail, à eux qui n'ont jamais fait œuvre de leurs mains, ils ont naturellement refusé

               Il n'en pouvait être autrement de la part de gens pour qui le travail est chose tout à fait inconnue et qui sont tout disposés à répondre, comme ce mendiant espagnol, jeune et vigoureux, à qui l'on faisait observer qu'étant valide il devrait travailler : " Je vous demande de l'argent et non des conseils. "
               D'où les gens toujours pressés de conclure du particulier au général et la plus part du temps sans connaissance de cause, ont conclu que tous les Arabes sont des paresseux invétérés qui aiment mieux mourir de faim que de travailler.
               Il suffisait pourtant d'aller sur les grandes routes et sur les marchés et d'y voir la multitude de ces Arabes venant vendre les produits de leur travail, pour comprendre la fausseté et l'injustice de cette accusation.
               Mais on a jugé de toute une race par la caste honteuse qui la ronge elle-même !
               On pourrait dire à quelque chose malheur est bon si l'acharnement hostile contre les Arabes suscité par de fâcheuses apparences et qui a été bien loin dans une occupation toute récente leur fait enfin comprendre les vérités que voici : D'abord que l'hospitalité accordée au premier venu sans discernement ni mesure a créé parmi eux une classe considérable de mendiants vagabonds qui n'éprouvant pas le besoin de gagner leur vie par eux-mêmes, sont un fardeau très lourd pour leurs coreligionnaires et autant d'individus perdus pour le travail national.
               Que ces vagabonds assez dénudés de sens moral pour rechercher cette manière de vivre aux dépens du prochain, ce qui est un véritable vol au fond, deviennent promptement capables de toute espèce de méfaits.
               Que les Européens avec lesquels ils sont désormais appelés à vivre et dont ils ont tant d'intérêt à gagner les sympathies, les jugent précisément d'après ces vagabonds qui refusent le travail, d'où l'opinion erronée, dans sa forme trop générale, que nous citions tout à l'heure.

               En somme les Arabes sont triplement lésés dans cette circonstance :
               1° car ils corrompent sans le vouloir une partie considérable de leur propre population en lui fournissant par une pratique trop large de l'hospitalité, les moyens de vivre indéfiniment sans rien faire,
               2° ils s'imposent le fardeau d'une très lourde taxe des pauvres,
               3° ils s'exposent enfin à devenir solidaires devant la population européenne des méfaits de ces bandes de vagabonds qu'ils ont laissé naître et qu'ils entretiennent. En somme, l'homme est un être naturellement ennemi du travail, partout et toujours.

               Demandez à l'Angleterre, aujourd'hui si riche et si puissante par l'industrie et par le négoce, quels efforts son gouvernement a dû déployer dans le seizième siècle pour y implanter l'amour du travail et l'activité commerciale.
               Sans remonter le cours des siècles et sans sortir de chez nous, demandez au département de la Corse, par exemple, d'où viennent les bras qui, chaque année y : - labourent, sèment et moissonnent, et l'on vous répondra : ils viennent de Lucques c'est l'Italie qui les fournit.

               Soyons donc indulgents pour les races moins avancées que nous en civilisation ; et ne nous scandalisons pas outre mesure parce qu'elles ne se convertissent pas aussi vite et aussi complètement que nous le voudrions au culte du travail, encore si nouveau chez nous-mêmes.
               Ce qui n'empêche pas que nous devons déployer les plus grands efforts pour leur faire modifier les coutumes qui, comme l'hospitalité arabe actuelle, ont l'inconvénient d'organiser et de perpétuer le vagabondage, sur une grande échelle, avec tous les maux qu'il entraîne à sa suite.
               On comprend sans doute maintenant pourquoi nous avons dit tout d'abord que bien loin de reprocher aux Arabes de n'être pas aussi hospitaliers que dans le passé, nous voudrions qu'ils le fussent moins encore.

A. Berbrugger. Revue africaine N° 13. Année 1869.


Les écrivains français d'Algérie
Envoi de M. Christian Graille
               En dépit de leurs œuvres prestigieuses, la plupart des écrivains français d'Algérie sont restés tout au long de leur carrière, plus ou moins dans l'ombre du maître de l'Algérie Albert Camus auteur :
               - de l'Étranger, de la Peste, des Justes, de Noces et l'été, de l'exil et le Royaume et du Premier homme.
               - Jean Brune,
               - Jean Pélégri,
               - Emmanuel Roblès,
               - Jules Roy,
               - André Rosfelder,
               - Janine Montupet,
               - Jacques Robichon,
               - Marie Cardinal,
               - René-Jean Clot,
               - Marcel Moussy
               - et tant d'autres n'ont jamais été couronnés d'un prix Nobel comme leur grand confrère Albert Camus en 1957.

Le drame de l'Algérie française.

               Il a beaucoup marqué les écrivains pieds noirs. Perdre son pays natal c'est perdre son enfance. Ce déracinement les a tous :
               - déchirés, blessés, meurtris.
               Au fond de leur cœur et de celui de bien d'autres témoins ou acteurs, civils ou militaires, il leur reste le souvenir d'un gâchis monstrueux, toujours refoulé mais aussitôt avivé par l'actualité.
               Ce souvenir cruel les minera jusqu'à la mort.
               Pour le rendre plus supportable il n'y a qu'un seul remède :
               - écrire, raconter, témoigner,
               - corriger la vue manichéiste, simpliste et donc " politiquement correcte " de certains média.

Albert Camus face à la question algérienne

               On a souvent reproché à Camus de ne pas s'être expliqué suffisamment sur la question algérienne.
               Les uns le traitaient d'anticolonialiste et de communiste, les autres de colonialiste et d'anticommuniste.
               En 1956, Camus, hué par les deux camps et dans l'impossibilité d'apaiser les esprits a fini, par se résigner et choisir le silence.
               Lors de la parution posthume du premier homme en 1994, bien des lecteurs furent surpris par le ton et le message de ce roman autobiographique d'Albert Camus.
               C'est une dernière déclaration d'amour, non seulement à la beauté de son pays, dont en 1959 déjà, il pressentait la perte définitive mais aussi et surtout à ses compatriotes pieds noirs.
               Il les rejoignait dans leur exode douloureuse ayant découvert qu'il faisait partie aussi de la tribu, marchant aveuglément dans la nuit (le premier homme p 180).

               Albert Camus est né en Algérie, il ne faut jamais l'oublier. Bien entendu, dans toute son œuvre, il se réfère à des écrivains et des philosophes prestigieux de toutes nationalités.
               Et comme l'a montré son biographe américain Herbert Lottman, il a essayé très tôt d'échapper à sa condition modeste de Belcourt pour chercher la gloire loin de l'Algérie, en métropole.
               Cependant face à la crise existentielle de son pays natal, il renoue enfin avec les siens et prend conscience de ses racines, de sa vraie richesse, comme il le dit dans le premier homme et donc renoue également avec la littérature algérienne.

Albert Camus et la littérature algérienne

               Qu'on compare par exemple l'épopée coloniale décrite dans la fontaine rouge (1953 à 1955) de Janine Montupet ou dans cette haine qui ressemble à l'amour de Jean Brune à l'histoire des ancêtres d'Albert Camus que celui-ci essaie d'esquisser dans son dernier roman à l'aide du colon Veillard et du vieux médecin.
               Qu'on lise les souvenirs d'enfance de Camus par rapport à " l'ours brun ", ce wattman musulman sympathique à Alger, décrit dans le premier homme et qu'on le compare à son confrère Ahmed dans les Oliviers de la justice de Jean Pélégri, roman paru en 1959 et qui pourrait avoir servi de modèle à Camus.
               D'un côté, c'est donc la littérature pied noire à laquelle se réfère Camus dans le premier homme.
               De l'autre, il y a aussi celle des écrivains musulmans évoquant leurs souvenirs d'enfance et de jeunesse dans un dénouement semblable à celui de Belcourt : c'est Fouroulou Menrad dans le fils du pauvre de Mouloud Ferraoun ou bien Omar dans la grande maison, l'incendie et le métier à tisser de Mohamed Dib parus dans les années cinquante.

               Si nous comparons aujourd'hui l'œuvre de Jean Brune à celle d'Albert Camus, c'est un triple dessein.
               Afin de mieux saisir l'attitude de Jean Brune devant Albert Camus nous commencerons cette étude avec une série d'articles de Jean Brune sur lui parus en 1965.
               Nous chercherons ensuite les traces que l'œuvre littéraire d'Albert Camus a laissé chez Jean Brune et nous mettrons en évidence les liens multiples entre ces deux écrivains, les ressemblances aussi bien que les différences qui existaient entre eux. En 1965 Jean Brune écrit : " J'ai été le condisciple de Camus au lycée d'Alger et au cours de la vie, parfois son ami. Enfin je détiens de lui sur la guerre d'Algérie des lettres qui ne concordent pas tout à fait avec le personnage que l'on semble se complaire à dessiner. "

               Enfin, nous ferons découvrir l'immense talent de Jean Brune, ce grand écrivain français d'Algérie méconnu à cause de ses options politiques.
               Malgré le caractère bien souvent " engagé " et très combatif de son œuvre il n'a pas à se cacher derrière son confrère prestigieux.
               Tout au contraire :
               - sa sensibilité,
               - sa fraternité chaleureuse,
               - la beauté de son style,
               - la poésie de ses descriptions de l'Algérie le place au premier rang des écrivains pieds noirs.


               Comme les chefs-d'œuvre de Jean Brune ont paru dans les années 1960, on en trouve dans ceux d'Albert Camus, mort dans un accident de voiture le 4 janvier 1960. Cependant en y regardant de plus près, on découvre bien des ressemblances entre les deux romans de Brune, cette haine qui ressemble à l'amour (1961) et la Révolte (1965) et le premier homme de Camus.


TORTUEUSEMENT
De Jacques Grieu

A TORT OU A TRAVERS ?
      
       On tord souvent les mots sans qu'on l'ait trop voulu
       Et quand on voit son tort, c'est trop tard, ils sont lus.
       A tord, c'est de travers, et l'on a tous les torts ;
       Serons-nous pour autant traités de mirliflores ?
       Les redresseurs de tort ne sont pas si retors !
       Et ne vont pas soudain vous régler votre sort.

       Si le tore est connu des mathématiciens,
       La taure, à l'étable, à certains, ne dit rien…
       Unité de pression, le "torr", tel le pascal
       Pour tout anticyclone est d'usage spécial.
       Ceux qui ont les " pieds tors " en savent l'acception
       Et pour leur grand malheur, sont de mauvais piétons...

       Avoir souvent raison est un très grand plaisir :
       Convaincre son prochain et ses torts lui brandir,
       Est un plus grand bonheur, une vraie volupté,
       Et devient vite un jeu qu'on use à satiété.
       Méfions-nous pourtant du raisonneur trop sage ;
       On cautionne aisément un tort que l'on partage…

       Vaut-il mieux avoir tort d'être trop optimiste
       Plutôt qu 'avoir raison avec les pessimistes ?
       L'expert n'a jamais tort, c'est sa définition.
       Mais " deux experts d'accord ", ce serait l'exception.
       N'est-ce pas avoir tort que d'avoir trop raison ?
       Un tort demeure un tort, quel que soit le pardon.

       Aucune punition ne répare un grand tort
       Mais en prévient une autre arrivant en renfort.
       Trop médire de l'autre est un tort à soi-même :
       A tort ou à raison, c'est toujours un problème.
       L' " absent a toujours tort ", énonce le dicton ;
       Alors pourquoi les morts ont-il toujours raison ?
Jacques Grieu                  


Jean Brune et la beauté de l'Algérie
Envoi de M. Christian Graille
Un des plus beaux paysages d'Afrique

               Quand autrefois, à l'automne, les hasards et les bonheurs des randonnées de nomade me ramenaient, soit du grand Sud, soit d'Oran vers Alger, je ne rentrais jamais au plus court par la route de l'oued-Djer.
               Je faisais le petit crochet qui d'Affreville mène au sommet du col Kandek par Miliana et le village de Marguerite.
               C'est que passé Marguerite et avant de redescendre vers la grande route d'Oran à Alger, le chemin court au flan du Zaccar et de cet incomparable balcon l'on découvre l'un des plus beaux paysages d'Afrique.
               Le premier plan est occupé par les lourdes coulées des vignes de bronze ; mais il est court.

               Au bout de quelques falaises avancées comme des promontoires se dressent des fermes gardées par les bouquets des oliviers et des pins.
               Et tout de suite c'est le vide par-dessus lequel le regard découvre au loin l'immense déferlement des montagnes d'acier brun découpées sur les ciels de laque turquoise.
               A travers ces chaînes se faufile la route qui mène à Teniet-el-Haad et au Sersou, ce Texas d'Afrique.

               A droite accrochée au Zaccar, c'est Miliana et l'avalanche des jardins créés là par les Maures chassés d'Espagne et en face de Miliana découpée sur l'horizon on aperçoit l'Ouarsenis que les géographes arabes appelaient l'œil du monde et les soldats du contingent la brosse à dents, ce qui peut prêter à beaucoup d'avis comparés sur le génie des peuples auxquels appartenaient ces géographes et ces soldats. Entre l'Ouarsenis et Miliana on devine plus que l'on aperçoit la grande coulée de la plaine du Cheliff qui était un désert brûlant en 1830. Et dont la sueur et le sang des colons ont fait un jardin des Hespérides.

               Au bout il y a Orléansville, qui déjà aux temps romains fut rasé par un tremblement de terre et ou les services archéologiques ont exhumé les mosaïques dédiées au saint évêque Réparatus, de la basilique authentiquement datée la plus ancienne du monde chrétien : le tremblement de terre de septembre 1954 les a épargnées.
               Plus près, comme un grain de chapelet de villages qui jalonnent la route d'Affreville à Orléansville, il y a le petit hameau de Kherba, caché sous les eucalyptus qu'habitent des cigales perpétuellement ivres de soleil.
               Là, aux premiers siècles, un centurion s'avança hors des rangs au moment du salut aux enseignes et, brisant son glaive sur son genou, il dit : " Je suis chrétien, je ne peux plus combattre. "
               Le mot porte loin sur cette terre.
(Extrait de Jean Brune, journal d'exil
1961-février 1963. Éditions Atlantis 1998.)


Jean Brune face au terrorisme et à la torture
Envoi de M. Christian Graille

               Dans interdit aux chiens et aux Français ainsi que dans cette haine qui ressemble à l'amour, Jean Brune aborde à plusieurs reprises le problème du terrorisme FLN et la torture.
               Nous nous borderons à citer deux exemples : Celui du récit de Georges Untel, un colon pied noir resté en Algérie après l'indépendance (les assassins et les victimes) et celui de la torture dans cette haine qui ressemble à l'amour (viens mon colonel …. A toi je te dirai …).
               Dans la Révolte, il revient sur le problème de la violence dans le cadre de la lutte du petit peuple de Bab-el-Oued, qui, bien entendu est celle de l'OAS contre la perte de son pays natal.
               Comme Albert Camus est mort bien avant ce déchirement inouï, il est normal qu'on n'en trouve nulle trace dans ses écrits.

Les assassins et les victimes
Extrait de Jean Brune, aventures prodigieuses de Georges Untel
en Algérie algérienne

               Georges avait profité de sa présence à Alger pour régler quelques affaires.
               De jeunes Algériens l'avaient reçu au siège d'une maison de commercer. Ceux-là montraient beaucoup d'assurance, parfois une nuance d'insolence dans le regard, compensée par un évident souci de prouver une bonne éducation … des manières d'Europe.
               Les affaires traitées ils avaient invité à dîner Georges Untel qui n'avait pas oser refuser. Les jeunes Algériens possédaient de luxueuses voitures.
               Ils avaient conduit Georges Untel dans un restaurant autrefois réputé dont la petite terrasse s'encrait entre les rochers dominant la mer.
               C'était le même babillage des vagues brassant des reflets et sur les tables, les mêmes petites lampes rouges qui creusaient des oasis de lumière dans la grande nuit saturée de senteurs d'algues.

               Les Algériens riaient. L'un d'eux raconta une histoire de bombe qu'il avait déposé autrefois, pendant la guerre, sous la banquette d'un tramway.
               Il s'attarda à dire longuement comment il avait échappé aux soldats et aux policiers français. Puis il décrivit avec beaucoup de complaisance les ravages provoquées par l'explosion de la bombe …les blessés …
               - Dix-huit.
               - Il lança un chiffre comme un coup de trompette.
               - Dix-huit blessés !

               Georges Untel écoutait, un peu lointain.

               Un autre convive prit le relais. Il avait mitraillé la terrasse d'un café.
               Des consommateurs avaient été tués.
               Le jeune homme tira son portefeuille, en sortit une coupure de presse soigneusement liée. Elle relatait l'attentat en gros caractère.
               Le journal publiait les photographies des victimes.
               Le jeune Algérien passa la coupure à Georges Untel.

               Les morts lui sourirent avec cette candeur un peu niaise qui flotte comme un voile sur ces sortes de clichés mais que maintenant la mort gravait dans le tragique.
               Un des tués était un sportif assez connu que Georges Untel avait jadis rencontré sur les stades.
               Il le regardait sourire au-delà de la mort sous les lumières tamisées des abat-jour.
               La mer brassait les galets aux pieds des rochers.
               Les Algériens échangeaient des claques. Chacun d'eux avait tiré de son portefeuille des pages de journaux pliées avec beaucoup de soin.
               Ils les étalaient entre les verres au bord desquels naissaient et mouraient de petites étoiles. Un dizaine de morts avaient rendez-vous à ce banquet et le maître d'hôtel qui s'inclinait cérémonieusement avait l'air de les saluer. Il saluait les assassins et Georges Untel qui dînait avec eux.

               On lui passait les pages de cet étrange livre d'or :
               - de la souffrance,
               - du sang et
               - de la mort, sur lequel souriaient des hommes et des femmes que les joyeux convives de ce soir avaient tués.

               Georges Untel feignait de regarder les coupures et les rendait à ses voisins qui les rangeaient dans leur portefeuille, comme un palmarès.
               L'un d'eux s'avisa de l'équivoque que de tels souvenirs faisaient peser sur la compagnie. Il s'excusa.

(Extraits de Jean Brune, aventures prodigieuses de Georges Untel en Algérie algériennes. Éditions Atlantis 1998.
Jean Brune interdit aux chiens et aux Français.
Le drame de l'Algérie française. Éditions Atlantis 1998)
*
* *
Viens ! Mon colonel … A toi je te dirai …

               Contrairement à Albert Camus qui n'a jamais parlé de la torture dans son œuvre littéraire, Jean Brune affronte ce sujet dans " cette haine qui ressemble à l'amour. "
               Dans son roman, il nous confronte à une situation dont les données ressemblent à s'y méprendre à la fameuse bataille d'Alger en 1957.
               Après l'arrestation d'un poseur de bombes, le Colonel en dépit de ses hésitations et de ses remords de militaire, donne l'ordre que celui-ci soit torturé afin de retrouver les autres bombes.
               En dépit des reproches réitérés du " père " représentant intransigeant de la morale chrétienne, le colonel insiste : il doit sauver les vies des innocents.
               Cependant, hostile à toute violence primitive et arbitraire, le colonel interdit à un subordonné de gifler le torturé.
               Et c'est à ce moment-là que se produit le miracle : le poseur de bombes s'adresse au Colonel et procède à une véritable confession que le père, lui n'aurait pas su obtenir.

               Quatre heures sonnent. Le Père est toujours là, le dos appuyé à une fenêtre.
               Mais le Colonel a oublié le Père. Il regarde les gosses envahir la cour de l'école.
               Une rumeur joyeuse monte vers lui, le cri du triomphe de la vie … et tous ces enfants semblent brusquement ne plus courir. Ils se déplacent comme par miracle Ils n'ont plus de jambes … et le Colonel passe sa main sur son front pour chasser l'hallucination.
               Le Colonel consulte sa montre. Cinq heures trente ! … De l'autre côté des murs le prisonnier hurle et les gémissements étouffés qui coupent ses cris comme des trêves, mais les enchaînent les unes aux autres, sont la trace laissée dans la chair, par la souffrance … un douloureux sillage.
               Debout devant le plan, le Colonel forge son courage.

               Le 1. 4. Deux bombes … un mort, le 9. 4. Cinq bombes quatorze morts … vingt-neuf blessés.
               - Combien de morts les bombes coucheront-elles tout à l'heure ? …
               - Combien d'hommes, de femmes et d'enfants, atrocement blessés, les ambulances emmèneront-elles vers les hôpitaux derrière l'attelage sonore des sirènes qui ouvrent dans la foule un chemin d'épouvante ? …
               - Quand sera-t-il enfin possible d'échapper au cauchemar,
               - de cesser de compter les blessés et les morts,
               - de trembler pour les vivants ?


               C'est-à-dire quand parviendra-t-on à dérouler l'écheveau et, grâce à un fil tiré jusqu'au bout, à remonter :
               - jusqu'à ceux qui distribuent les bombes,
               - jusqu'à ceux qui les fabriquent,
               - jusqu'aux entrepôts où on les conserve
               - et aux laboratoires où on les bourre de ferraille et de poudre ?

               La réponse est là … derrière le mur. L'homme qui hurle en détient le secret.
               Il est la clé … il faut qu'il consente à faire le geste qui sauvera des centaines d'innocents, qu'il soit contraint à la confidence qui résoudra l'irritante énigme.
               Et la souffrance qui lui est infligée est légitime, parce que, au paroxysme de cette souffrance, il y a la révélation du secret dont dépend la vie, la mort des innocents … l'homme hurle.
               " Vous n'avez pas le droit dit le Père.
               - Si dit le Colonel, cet homme est sacrifié au nom d'un ordre, pour que d'autres vies soient sauvées … comme lui-même avait accepté de sacrifier des vies pour faire naître un autre ordre !
               - Vous n'avez pas le droit de décider de ces sacrifices !
               - Si dit le Colonel. Lui voulait sacrifier des innocents à l'ordre dont il rêve. Moi je pèse sur un coupable, pour sauver des innocents. La différence entre l'ordre qu'il sert et celui que je défends éclate dans cette comparaison !
               - Non, dit le Père, l'homme n'a pas le droit de sacrifier les hommes au nom des ordres qu'il imagine. Il est lui-même un ordre miraculeux, sur lequel nul n'a le droit de porter la main, parce que cet ordre-là est d'essence divine et participe de l'éternel. Qu'est-ce que le respect de l'homme sinon le respect de cet ordre supérieur ?

               Et à quoi sert-il de sacrifier un homme pour en sauver d'autres, si on les assassine tous dans celui que l'on sacrifie ?

               Le prisonnier se plaint. Ce n'est plus le hurlement presque féroce que la première blessure arrache à la chair encore vivante, une sorte de protestation de surprise et de colère mêlée, c'est le gémissement continu d'une souffrance qui se noie elle-même dans ses propres excès, et que perce parfois, comme un coup de lance ou une révolte, un cri plus strident.

               Le Colonel écoute couler la plainte qui :
               - enfle, monte, atteint l'aigu,
               - dépasse l'instant où elle va casser avec le souffle,
               - impose à l'esprit une insupportable tension.

               Il frappe du poing contre la porte et crie : Assez !

               Il entre … l'homme le regarde depuis des frontières inconnues et, dans ses yeux ouverts sur le vide, se reflète l'atroce chaos qui bouleverse la chair.
               Ses prunelles n'ont plus la force de s'agiter. Elles restent immobiles, amarrées à une terreur qui chavire déjà vers la folie… et ce regard fixe, grave sur le visage une hallucinante expression de reproche.
               Les gardes s'effacent.
               - Il est six heures ! murmure Hoffman.
               Le Colonel pensent aux foules qui commencent à envahir les rues … à s'ébrouer dans la détente de la promenade …
               C'est l'heure grisante où tout pétille et où flambent les vitrines sur les mirages qui parent la vie.

               Dans la pièce toute entière remplie par le halètement saccadé du prisonnier, parvient le bourdonnement de ruche que cette gaieté roule soudain dans la ville et que l'explosion des bombes menace de muer bientôt en panique.
               Le Colonel écoute l'écho vivant et le râle du prisonnier.
               De nouveau tout lui paraît cruellement simple. Il lui faut à la fois respecter l'ordre inclus dans chaque homme et protéger la vie des foules qui bourdonnent dans la ruche …
               Le geste que l'homme qui le regarde fixement depuis les frontières de la souffrance humaine méditait d'accomplir, le contraint à choisir entre ces deux devoirs.
               Le voici à la fois acculé au choix et déchiré par lui …
               Et parce que ce choix le torture, il tente une dernière fois de l'éluder …

               Empoignant brusquement l'homme par son vêtement il essaye de le convaincre.
               Sa main qui tient la veste du prisonnier touche le menton de l'homme et le soulève. Et le Colonel cherche les mots qui pourraient s'enfoncer dans la chair plus profondément que la douleur.
               Il n'en trouve pas. Il use des formules banales … éternelle ressource des hommes confrontés à l'inhumain.
               Il dit : " Écoute … Tu es pris. Tu voulais tuer … je comprends ton geste … n'en parlons plus … Mais tu es pris … je puis te faire mourir … Parle ! Je te ferai grâce … Parle … Sauve les autres … Sauve-les … Parle … Parle…"
               L'homme le regarde par-dessus d'invisibles barrières qu'il n'est plus en son pouvoir de franchir … Et le Colonel desserre l'étreinte de son poing.

               Il ne tente plus de convaincre, et ce faisant il choisit entre les deux devoirs qui s'imposent à lui … Il fait un geste … les gardes s'approchent.
               " Il faut tout savoir ! dit le Colonel ".
               L'homme hurle. Le Colonel revient dans la chambre des cartes … et parce que les idées tourbillonnent dans son esprit sans ordre ni logique, l'une d'elles s'impose soudain et accapare son attention.

               " Quelle différence dit-il presque à haute voix, y a-t-il entre Hiroshima et un camp de concentration nazi ? "
               Et il écoute la réponse que va lui souffler l'instinct … la bonne réponse, la première … celle qui ouvre le champ aux méditations fructueuses.
               Il ne découvre que des morts couchés dans le même charnier, les mêmes victimes torturées par des techniques différentes.
               Et l'explosion des bombes née de la désintégration de l'atome, fait écho aux cris des victimes assassinées dans les chambres à gaz …
               Ce sont bien les mêmes innocents frappés au nom d'un ordre.
               L'homme supplicié, non plus en tant qu'homme, mais comme un élément mécanique appartenant à un engrenage et dont la destruction entraînera l'arrêt de la machinerie ennemie …

               L'homme déchu de sa qualité d'homme et ramené à l'échelle de pièce de rechange qu'il faut détruire comme on détruit :
               - les locomotives, les gares,
               - les stocks d'armes et de matières premières,
               - les aérodromes et
               - les centrales énergétiques.
               - Hécatombes silencieuses des chambres de mort,
               - foules anéanties dans un vacarme de fin de monde, sous le monstrueux champignon de la bombe nucléaire,
               - innocents foudroyés sous le poids des torpilles aériennes, dans la parade apocalyptique des nuits embrasées comme le cratère d'un volcan … ou poussé comme un bétail dans la gueule des fours crématoires.

               Il n'y a pas de différence entre Hiroshima et les camps d'exterminations nazis…

               Dans la pièce voisine, le prisonnier gémit doucement, longue plainte monotone, gravée dans l'atroce, et que ne coupe aucun silence, aucune trêve.
               Le Colonel médite sur l'évolution de la guerre. La peur des hécatombes n'a pas apaisé dans l'homme la soif de sang qui le torture depuis les premiers âges du monde.
               Elle a paralysé les vieux peuples encombrés par la multitude des règles élaborées et accumulées pendant une longue suite de siècles, pour tenter d'empêcher l'assassinat des innocents.
               Mais le spectacle de cette paralysie a inspiré d'autres peuples, de diaboliques techniques qui ont réappris à l'homme l'usage du couteau et transformé les combattants en un peuple de loups.
               Et voici que sous le poids de cette ruée, les remparts de pierre apparaissent comme des obstacles dérisoires … et le soldat épouvanté regarde les machines de guerre inutiles rangées sur-le-champ de bataille.

               Il assiste, impuissant, à l'investissement de la terreur qui se moque des remparts et défie les machines de guerre.
               Et la terreur cerne les villes, y entre, gronde autour de chaque foyer, partout présente et partout invisible.
               Elle frappe les innocents désarmés … et le soldat devine qu'il n'a de chance de mettre un terme au massacre des innocents, c'est-à-dire d'accomplir ce qui prête un sens à sa vocation et à sa vie, que s'il parvient à s'emparer de l'une de ces ombres qui dansent autour de lui le ballet de la terreur et du défi, pour tenter de découvrir l'ennemi qu'elle dissimule et pour arracher à ce prisonnier le secret des repaires où se noue la machination contre les innocents.

               Mais dans cette chasse, il est :
               - paralysé par les principes dans lesquels se fortifie la foi qui l'inspire,
               - paralysé par un code de justice devenu aussi dérisoire que les remparts de pierre.

               La société à laquelle il appartient, et pour laquelle il se bat, refusant d'abandonner une part de son credo pour en sauver l'essentiel, le conduit à transgresser les règles ou à consentir la défaite qui sera aussi la négation du credo, ce dépôt sacré qu'il ne peut défendre qu'au prix d'un reniement provisoire …
               Et là, dans ce combat secret qui se livre dans sa conscience réside l'essentiel du drame qui le déchire.

               Et le temps qui passe, jalonné par le crime des écorcheurs, accumule en lui de furieuses indignations et de terribles impatiences.
               Il s'accoutume lentement à l'idée que seuls les atroces habiletés du bourreau parviendraient à arrêter l'hécatombe … Il attend l'occasion d'arracher à la chair d'un prisonnier l'aveu qui sauvera la vie des innocents que plus rien, ni le code de justice ni les remparts, ne protège plus.
               Le Colonel écoute hurler l'homme derrière les murs et il consulte sa montre…

               Mais il oublie l'heure sur le cadran. Il songe que, dans cette bataille de fantômes, dans ce combats de monstres affrontés dans la nuit, sombrent toutes les notions qui définissent l'honneur du chef militaire …
               Il sait que ce naufrage ne date pas d'aujourd'hui des formes nouvelles que revêtent la guerre dans les paysages du soleil … L'honneur du chef militaire … ceux qui commandaient au vol aveugle des escadres aériennes, lancées sur les villes hérissées de perches de lumières pour se protéger de l'effondrement du ciel l'ont :
               - écrasé depuis longtemps sous les torpilles,
               - brûlé avec les bombes incendiaires,
               - broyé dans l'écroulement des cités géantes.


               Le Colonel écoute les cris du prisonnier … et les aiguilles de la montre approchent de 7 heures. Il sait qu'il n'a pas réussi à arracher à la souffrance de ce coupable, le secret qui eût, peut-être permis de sauver les innocents qui ont rendez-vous avec la souffrance et la mort …
               Et cette douleur inutile le bouleverse. Il hait cette guerre qui le conduit à choisir entre la défaite et la victoire reçue des mains du bourreau … entre son devoir envers les hommes et un crime contre l'homme.

               Le Père est toujours là, adossé au contre-jour … lourde statue d'ombre qui assiste à la silencieuse empoignade avec la conscience.
               Le Colonel écoute la plainte du prisonnier tracer dans le silence un long silence de douleur.
               - Elle grandit,
               - s'apaise,
               - traîne indécise jusqu'aux limites du souffle,
               - casse comme un fil trop tendu,
               - monte de nouveau,
               - brusque révolte qui semble mobiliser toutes les forces de l'homme et, s'effiloche en d'atroces gémissements incohérents. L'oreille en guette le retour.
               - La porte s'ouvre, Hoffman surgit.
               - Rien, dit-il, nous n'en tirerons rien !


               Il éponge la sueur sur son visage étrangement crispé comme par un reflet de la souffrance qui sculpte le visage du prisonnier.
               Le Colonel écarte Hoffman et entre dans la pièce dans laquelle ne résonne plus aucune plainte. Il retrouve les prunelles fixes de l'homme qui semblent contempler à travers les murs des spectacles hallucinants, et il n'ose pas interrompre cette effrayante extase.

               Un souffle passe entre les lèvres décolorées du prisonnier. Il chuchote :
               - Boire !
               - Le colonel fait signe aux gardes.
               - Appelez le serveur, dit-il, demandez-lui d'apporter à boire …

               Une carafe d'eau et un verre ! Il ajoute :
               - Veillez à ce que l'eau soit fraîche ! …
               Le temps passe …rythmé par la respiration haletante du prisonnier.
               Le serveur entre. Il n'a pas vu le Colonel debout, derrière le battant de la porte.
               Il dépose la carafe et le verre sur une chaise. Il dit :
- De l'eau fraîche ! Je t'en foutrais moi, de l'eau fraîche … C'est la carafe que je te foutrais à travers la gueule … fumier !
               - Et se ruant vers l'homme entravé sur la chaise, il lui porte deux coups de poing au visage.
               - Fumier !
               Le Colonel bondit sur le serveur, l'empoigne par les revers de sa veste, le gifle à toute volée …
               - Salaud !
               - Il le gifle encore : Salaud ! Qui t'a permis ?
               - Il appelle les gardes. Fichez-moi ce type en prison … et administrez-lui une raclée dont il se souvienne.
               - Il gronde : Salaud ! …

               Et les images dansent dans sa mémoire …la guerre ! … des lisières noyées sous les voiles bleus du brouillard qui tentent de déchirer les javelots lumineux des balles traçantes … des silhouettes qui se dressent dans les fossés mouillés … lèvent les bras … prisonniers !

               Cette estime inexprimée qui lie les combattants les uns aux autres,
               - ce respect dans le geste,
               - un silence, un regard …
               - peut-être une densité de la peur, et
               - la commune conscience de l'effort qu'il faut imposer à la chair pour en vaincre le dégradant appel, les vertiges. …

               Et les files de captifs qui s'en vont vers l'arrière, quittent le champ de bataille, où tout est communion, pour subir :
               - les injures des chauffeurs,
               - les coups portés par les gens des services,
               - la meute de ceux qui se vengent de la peur sur des ennemis désarmés.

               Le Colonel passe le revers de ses doigts sur son front et regarde le prisonnier lié au dossier de la chaise. Et voici que le miracle s'accomplit … L'homme murmure :
               - Viens ! Mon Colonel… fais sortir les autres … à toi je te dirai … viens !
               - Les gardes dénouent les courroies.
               - Viens ! … approche ! …

               Et l'homme parle … explique d'une voix qui passe entre les lèvres comme un souffle, s'arrête, épuisé, recommence.
               Le Colonel pose des questions à voix basse … le prisonnier :
               - répond,
               - précise des détails,
               - répète des noms.
               - Je t'ai dit ce que je sais !
               - Merci ! …
Extraits de Jean Brune,
" cette haine qui ressemble à l'amour, "
Algérie 1961, Éditions Atlantis 1998.



Succession
Envoyé par Mme Annie
Quelqu'un a mis cette annonce..

         « Vends Mercedes-Benz, excellent état. Prix demandé : 1€ »
         Les jours ont passé. Tout le monde pensait qu'il s'agissait d'une annonce farfelue ou bien qu'il y avait un piège, alors personne n'a répondu.
         Néanmoins, un vieil homme, poussé par la curiosité, est allé voir la voiture.

         La vendeuse, qui se trouvait être une Dame aisée d'un certain âge, lui a présenté une Mercedes-Benz de 2020, avec 12.000 km au compteur et en excellent état. Elle a précisé que le prix de vente était toujours le même, soit 1€ !!!.
         Affaire conclue. Elle lui a remis les papiers, le certificat de vente et les clés du véhicule. Il lui a donné une pièce de 1€ qu'elle a empoché avec beaucoup de satisfaction.
         Alors que le vieil homme s'apprêtait à partir au volant de sa magnifique Mercedes, il se tourna vers la dame et lui demanda :« Je mourrai de curiosité si vous ne me dites pas pourquoi vous avez vendu cette voiture à ce prix ?"

         La Dame lui répondit :"Je ne fais qu'accomplir la volonté de mon défunt mari, où il est écrit dans son testament que l'argent reçu de la vente de sa Mercedes irait à sa secrétaire !!!!!!!!!!!!"


Jean Brune face à Sartre,
Mauriac et bien d'autres …
Envoi de M. Christian Graille

              A plusieurs reprises, Jean Brune a critiqué le cynisme de certains intellectuels métropolitains dont Jean-Paul Sartre et François Mauriac en leur reprochant d'avoir fermé les yeux devant le massacre des Harkis et le calvaire des Français d'Algérie.
              Partout :
              - on fusilla,
              - on mura dans des bâtisses de pierre,
              - on brûla sur des bûchers de branches,
              - on ébouillanta,
              - on roua de coups des victimes enfermées dans des sacs, membres liés.


              
              Dans le Nord Constantinois, des femmes tuèrent des captifs à coups de dents.
              Ni Sartre, ni Mauriac ne s'émurent, ni l'archevêque d'Alger…
              Aucune des hautes consciences qui font résonner le monde de leurs sermons et tiennent toujours prêtes des pétitions couvertes de signatures, ne vit dans ces massacres la moindre atteinte à la dignité des hommes.
*
* *

              Dans cette incroyable logique de l'absurde, les Français d'Algérie fournissaient les morts. Ils étaient les hommes-charbon indispensable au fonctionnement de la grande machine " anticolonialiste " affectée à la subversion de l'Occident.
              - Pour que les journaux progressistes de France pussent s'indigner du sort des Algériens,
              - pour que M. Sartre pût donner une conférence à Rome en compagnie de l'un des chefs des égorgeurs,
              - pour que l'archevêque d'Alger put rédiger l'un de ses communiqués abscons qui sont égale injure à la justice, à la charité et à la syntaxe.
              - Enfin pour que l'Organisation des Nations Unies pût se poser à New-York en gardienne intransigeante des droits de l'homme,
              - il fallait qu'une femme fût violée dans une ferme d'Oranie après avoir été contrainte d'assister à l'égorgement de sa fillette et de son mari,
              - il fallait qu'un petit garçon fut assommé à coups de pioche dans un village de l'Algérois,
              - il fallait que des jeunes filles fauchées par le souffle des bombes fussent mutilées à Alger et
              - qu'une explosion hachât des enfants dans un autobus au retour de l'école.


              Pour que M. Mauriac pût jouer des grandes orgues de son talent dans sa chapelle,
              - il fallait que fussent abattus des fidèles anonymes à la porte d'une église de la vallée du Cheliff ou
              - que deux prêtres fussent égorgés aux confins oranais des steppes sahariennes et
              - qu'une vieille femme fût assassinée le jour de Pâques dans un hameau de Kabylie bruissant de ce murmure d'averse qui tombe du feuillage des eucalyptus.

              Car c'était cela le mécanisme de la guerre dite " révolutionnaire ".

              C'était l'assassinat des innocents, conçu comme une technique d'alerte destinée à attirer l'attention sur les revendications politiques des assassins.
              Et plus le crime était monstrueux, plus l'émotion qu'il soulevait servait la monstrueuse cause.
              A Boufarik, près d'Alger officiait le docteur Rucker.
              Il avait été mon condisciple au lycée d'Alger, donc celui d'Albert Camus.
              C'était un gentil bohème aux gestes un peu gauches mais dont la charité était inépuisable ; l'un de ces médecins algériens toujours penchés sur les humbles, pour qui la médecine était un sacerdoce.

              Un jour de consultation, l'un des " malades " brandit un revolver et tua le docteur Rucker de quatre balles tirées à bout portant. Le meurtre fit sensation. Fleurissant les articles condamnant " le colonialisme ".
              Dans ces pages on accusait la France d'entretenir en Algérie plus de gendarmes que de médecins ou d'instituteurs ; mais les techniciens de la terreur tuaient plus de médecins que de gendarmes et le premier mort de la guerre d'Algérie était justement un instituteur.
              Peu importait l'état des victimes ! Ce qui comptait, c'était que chaque jour reçût sa fournée de morts pour que ne s'éteignît point la controverse politique.
              Le sang du docteur Rucker servait d'encre à Mauriac ou à Sartre et aux procureurs de l'O N U.
*
* *

              L'autre volet de la légende de mai 1958 est gravé par les mains des Algériens et des Français d'Algérie, noués dans un crépuscule qui ressemblait à une aurore.
              Il est curieux de noter que presque tous ceux qui, en France, prétendent faire profession d'amour (les croyants qui pensent avoir reçu du Christ la révélation de la fraternité et les athées qui croient l'avoir héritée de la Révolution) n'ont eu que dédain et brocards pour les fraternisations de mai, qui, à travers toute l'Algérie ont jeté des millions d'hommes les uns vers les autres.

              L'archevêque d'Alger a rejoint dans cette condamnation
              - M. Jean-Paul Sartre et
              - Mme de Beauvoir, ou
              - M. Sékou Touré qu'il n'était point habitué à rencontrer.

              Et l'église de Rome s'est en cette circonstance trouvée d'accord avec celle de Moscou.
              Fallait-ils que les Algériens fussent maudits pour que pussent être scellées contre eux de telles alliances !
              - A Moscou,
              - à Rome,
              - à l'archevêché d'Alger et
              - dans les clubs de Paris,

              On a dit que les grandes houles qui avaient brassé les Français et les Algériens sur les places des villages d'Afrique avaient été " provoquées " ; mais ce mot qui voulait condamner exprimait l'absolution la plus magnifique.
              Car l'essentiel était justement que germât dans l'esprit des Français l'idée d'aller chercher leurs frères algériens.

              L'essentiel était comme toujours l'intention, la démarche.
              L'essentiel était que des hommes s'en allassent vers d'autres pour leur dire : " Venez !... votre place est avec nous, à égalité sur les forums du soleil où l'on oublie les malentendus pour fonder une Algérie fraternelle. "
              Quand déferlent les foules dans les rues de toutes les cités du monde, ces cortèges sont toujours provoqués par un appel.
              Le véritable sens des fraternisations de main c'est que, au cours de ces fêtes données sous le soleil, les Français d'Algérie se sont lavés d'un seul coup de la calomnie qui leur avait été jetée.

              Allant chercher les Algériens pour les inviter à entrer à égalité de droits et de charges dans une communauté fraternelle, ils démontraient :
              - qu'ils n'étaient pas des exploiteurs,
              - qu'ils ne campaient pas sur la terre d'Afrique comme des pillards puisqu'ils
              - proposaient de partager les dignités et les richesses.

              Le geste que les politiciens n'avaient pas osé ou pas su faire, ils l'imposaient dans l'improvisation des chansons chantées en chœur sur les places publiques.

              On a parlé de " nuit du 4 août ". La comparaison n'est pas aussi insolite qu'elle le paraît. Il faut effectivement remonter à 1790 pour retrouver les mêmes offrandes collectives.
              Mais à Paris elles avaient été le fait d'une élite. Ici c'était tout un peuple qui offrait, dans une grande procession née au cœur des réflexes :
              - de colère, ou de joie et de générosité.

              Ce qu'ont refusé de voir les censeurs :
              - Mauriac ou Sartre et l'archevêque d'Alger, à qui son sacerdoce eût pourtant dû inspirer plus de prescience, c'est que pendant ces journées l'ivresse de donner avait fait surgir un autre être dans chacun des hommes et des femmes qui se bousculaient sur le forum. Une chrysalide muait brusquement en eux et s'éblouissait de la splendeur de ses ailes.

              Et s'épuisent en vain, ceux qui prétendent dresser des bilans trop pointilleux des torts des Français d'Algérie depuis cent ans, et rien n'est plus méprisable que ces calculs de boutiquiers, parce que justement les coupables n' existaient plus.
              J'ai vu des visages de broussards :
              - modelés dans la glaise,
              - burinés par le soleil et
              - pétris par le vent des steppes, fondre soudain en larme et s'éclairer d'une surprenante beauté.

              Ces hommes qui depuis quatre ans, s'inquiétaient pour leurs biens et tremblaient à l'idée de les perdre, découvraient tout à coup le désir d'offrir.
Extraits de Jean Brune, interdit aux chiens et aux Français.
              Le drame de l'Algérie française. Éditions Atlantis 1998

Jean Paul Sartre : aider le colonialisme à mourir.

              Pour comprendre ces reproches de Jean Brune, il faut se rappeler l'analyse de la situation en Algérie que Jean-Paul Sartre présente début 1956 lors de son intervention dans le meeting pour la paix en Algérie.
              Sartre qui n'a jamais mis les pieds en Algérie conclut que le rôle des intellectuels de gauche est d'aider le colonialisme à mourir, ou faudrait-il plutôt dire " d'aider les colons à mourir " ?
              " Les colons sont des envahisseurs que le pacte colonial a complètement coupé des envahis ; depuis plus d'un siècle que nous occupons l'Algérie, on ne signale presque pas de mariages mixtes ni d'amitiés franco-musulmanes. Colons, leur intérêt c'est de ruiner l'Algérie au profit de la France.
* * *

              Le colonialisme oblige la métropole à envoyer des Français démocrates à la mort pour protéger la tyrannie que les colons antidémocrates exercent sur les Algériens.
              Notre rôle, c'est d'aider le colonialisme à mourir. Non seulement en Algérie, mais partout où il existe. Les gens qui parlent d'abandon sont des imbéciles : il n'y a pas à abandonner ce que nous n'avons jamais possédé,. La seule chose que nous puissions et devrions tenter, mais c'est aujourd'hui l'essentiel, c'est de lutter à ses côtés pour délivrer à la fois les Algériens et les Français de la tyrannie coloniale.
Jean-Paul Sartre.
(Ces propos se trouvent également dans les Temps modernes
N° 128, mars-avril 1956,
Jean-Paul Sartre. Le colonialisme est un système.)


Décès de Jean Brune
Envoi de M. Christian Graille

               L'Algérie, l'Espagne, la Nouvelle Calédonie : trois terres qui ont marqué Jean Brune journaliste, écrivain il était de ceux qui vivent la plume à la main.
              Le point final de l'ultime alinéa, ce sont ses amis et ses confrères qui l'ont posé hier soir, au 4e km au cours d'une cérémonie dont la simplicité était bien dans le ton pudique du personnage.
              Il y a une semaine il était encore à la tâche, souriant, affable, maniant la boutade avec finesse. Un brusque malaise nécessita cependant son hospitalisation ; en quelques jours, un processus irréversible l'a terrassé.

              Dimanche matin, Jean Brune est mort.
              Se remémorant maintenant quelques-unes de ses dernière confidences, ses proches réalisent qu'il eut sans doute le pressentiment de cette fin.
              Sa volonté était de partir discrètement.
              Arrivé sur le Territoire il y a cinq ans pour prendre la rédaction en chef du Journal Calédonien, Jean Brune s'en alla quelque temps après.
              Mais il revint en septembre 1971 comme rédacteur en chef de la France australe.
              Depuis juillet 1973, il était rédacteur en chef et directeur-délégué de Nouméa Soir.

              Né le 12 mars 1912 en Algérie, à Aïn Bessem, ce journaliste cultivé (il était diplômé de langue arabe et licencié en philosophie) était un ancien de la 1ère D.B avec laquelle il fit les campagnes :
              - de Tunisie,
              - d'Italie,
              - de France et
              - d'Allemagne.


              D'autres combats intérieurs l'attendaient sur sa terre natale. Il a vécu le drame algérien avec son cœur et sa plume ; c'est au rédacteur en chef de la Dépêche d'Alger qu'il fut de longues années que l'on doit :
              - cette haine qui ressemble à l'amour,
              - la Révolte,
              - Journal d'exil,
              - Interdit aux chiens et aux Français

              Il est moins connu qu'il s'exerça également au genre théâtral avec les templiers et un divertissement intitulé la guerre de Troie commence demain.
              Ses mémoires en étaient au stade de la correction.
              A ses proches et à ses collaborateurs, notre équipe présente ses sentiments confraternels de sympathie attristée.
Les Nouvelles Calédoniennes 25 septembre 1973
*
* *

L'adieu à Jean Brune

              En guise d'adieu à Jean Brune, dans notre quotidien, nous avons pensé tout simplement publier ci-dessous le texte de l'oraison funèbre prononcée hier soir, au cimetière du Quatrième kilomètre, sur la tombe de celui qui fut un collaborateur précieux en même temps qu'un ami.

              C'est une pénible mission qui m'échoit aujourd'hui : celle de dire adieu à Jean Brune au nom de tous mes amis journalistes, de tous ses amis journalistes.
              Nous qui avons vécu, travaillé avec lui, mesurons le vide qu'il va laisser.
              Car, à ses qualités professionnelles, Jean Brune ajoutait :
              - le poids de sa gentillesse,
              - de son amitié chaleureuse et
              - de sa loyauté.


              Arrivé en 1968 pour prendre la rédaction en chef du Journal Calédonien, nous avions déjà, à cette époque, apprécié sa toujours souriante confraternité.
              Mais il avait fallu qu'il vienne animer la rédaction de la France australe puis celle de Nouméa Soir pour que nous découvrissions les qualités de cœur et la générosité qu'il cachait avec beaucoup de pudeur, sous des dehors quelques fois rugueux.

              Car Jean Brune était un homme entier, une personnalité hors du commun, puissante, dont il tempérait, pour certains, ce qu'elle pouvait avoir d'intimidant, par une aménité et une politesse de cœur jamais en défaut.
              Passionné, Jean Brune l'était mais sans jamais oblitérer ses convictions (qu'il savait défendre avec âpreté) par le sectarisme et le fatalisme.
              Dans la discussion il savait écouter, dans la controverse il savait comprendre les convictions d'autrui.
              Passionné, il le fut de sa terre natale dont la nostalgie semble avoir été la toile de fond de son existence toutes ces dernières années.

              Nourri aux sources de la culture gréco-latine, il était le causeur passionnant et l'écrivain de talent dont nous admirions le style à travers ses éditoriaux et les livres qu'il publia.
              Jean Brune appartient à cette cohorte dont les rangs s'éclaircissent et dont la race semble vouloir disparaître. Celle des humanistes. Car humaniste il l'était dans les deux sens : celui de la culture et celui de sa préoccupation pour l'Homme et sa destinée.
              Stoïcien il l'était aussi par son culte de l'effort et de la raison et par le détachement que nous lui avons connu à l'égard des biens matériels et des ambitions sociales.

Adieu Jean Brune.
A vous qui fûtes homme d'action, l'aventure de la mort n'était pas pour vous faire peur. A vous qui Fûtes soucieux : de style, d'art et de beauté, nous vous souhaitons de trouver la terre promise de ceux qui placent l'idéal de la perfection au-dessus de tout.
Michel Gérard (la France australe. 25 septembre 1973)


PHOTOS de GUELMA
Envoyé par diverses personnes

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THEÂTRE





THEÂTRE ROMAIN





FONTAINE









LES LOISIRS
Par M. Bernard Donville
                Chers amis,

            Nous continuons avec les loisirs 4 de plein air et pour cet envoi avec les canassons. Nous irons de site en site sur les hippodromes d'Algérie. Oui il n'y avait pas que le Caroubier à Alger mais je crois que c'était le mieux placé avec l'horizon de la méditerrannée. Mais soyons honnêtes c'est plutôt en Oranie que les premières courses se sont installées.

           
            Bonne lecture en bonne santé si possible
            Amitiés, Bernard
Cliquer CI-DESSOUS pour voir les fichiers

LOISIRS 4


A SUIVRE



CENT DOUTES

De Jacques Grieu


       En bon français, " sans doute " est une affirmation
       Qu 'aucune ambiguïté, aucune hésitation,
       Ne peut venir troubler. Une vraie conviction.
       Mais l'usage courant, inversant l'acception,

       Suppose qu'au contraire, on est dubitatif,
       Que ce n'est que probable ou peut-être fictif !
       " Dans le doute, abstiens-toi " est-il adage sage ?
       Là, le doute est permis, les avis se partagent.

       Le doute, pour certains serait une faiblesse,
       Il gênerait l'action, tout comme une paresse.
       Ce serait un poison pour toute conviction,
       Paralysant les hommes en vaines discussions.

       " Le doute est une faute ", a dit un grand ministre ;
       " Il fait perdre les guerres, il est bon pour les cuistres "
       Le fait de croire en soi, des autres fait douter ?
       Se poser la question, c'est encore hésiter.

       La certitude apaise et douter assombri ;
       Qui doute d'un ami, alors n'a plus d'amis.
       Pourtant, comme on s'en doute, on voit des partisans,
       Qui trouvent que le doute est fort dynamisant.

       " Quand l'imbécile est sûr, c'est le savant qui doute. "
       L'absolue vérité, c'est elle qu'on redoute…
       Celui qui ne sait rien, il ne doute de rien,
       Mais penser fait douter, tout sage le sait bien.

       Le doute est un hommage à toute vérité,
       Et du raisonnement fait la vraie qualité.
       " Jeunesse croit mensonge "... Et du vrai, le vieux doute !
       Dès que surgit le doute il faudrait qu'on l'écoute.

       Celui qui sait le plus, alors doute le plus,
       Et c'est sans s'en douter qu'il trouve le salut.
       La foi, c'est quand on prie pour le doute ignorer :
       " Bénéfice du doute ", à Dieu il faut laisser

       Sans espoir renforcé de voir la faute absoute.
       Pour conclure, on s'en doute, il faut " lever les doutes " :
       Il faut douter du doute et ne rien ingérer,
       Qui n'ait été mâché, retourné, digéré.


Jacques Grieu                  




SOLDIS INFO N° 12, JANVIER 2022
Envoyé par M. J.L. Ventura
Association nationale pour la mémoire
des militaires portés disparus en Algérie
" La vie est perdue contre la mort,
mais la mémoire gagne dans son combat contre le néant "
Tzvetan TODOROV (1939-2017)
Le mot du président de SOLDIS
  Au seuil de cette année qui sera marquée par le 60ème anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie, je suis heureux de pouvoir annoncer que le travail de SOLDIS est enfin parvenu à son terme, après plus de huit années d'efforts et de recherches.
  La liste des militaires français portés disparus en Algérie sera prochainement publiée et c'est à PORT-VENDRES, que sera érigé le monument dédié à leur mémoire.
  Merci à tous ceux qui nous ont aidés tout au long de ce parcours qui sera achevé lorsque nous aurons inauguré le monument, ce que nous espérons faire en 2022 !

PORTES DISPARUS

  C'est donc à PORT-VENDRES que s'élèvera le Monument aux Militaires Portés Disparus durant la guerre d'Algérie.
  Parmi les diverses possibilités ou propositions reçues, le choix de PORT-VENDRES a été retenu pour les raisons suivantes :
  La ville est située sur la côte méditerranéenne, d'où sont partis ou arrivés les militaires ayant participé à cette guerre. Nombre d'entre eux ont en outre transité par ce port, qui était l'un des points de passage vers l'Algérie et qui en conserve le souvenir.
  La région présente un fort caractère méditerranéen, rappelant l'Afrique du Nord, où ont disparu ces militaires
  Bien que située " au bout " de la France, la ville est facilement accessible par voie ferrée (train direct depuis Paris) et voie routière ou autoroutière
  La ville possède de bonnes capacités hôtelières pour la venue de visiteurs lors des cérémonies qui seront organisées
  Le monument pourra s'inscrire dans un parcours de mémoire en raison de la proximité de sites déjà dédiés à la guerre d'Algérie : mur des disparus civils à Perpignan, camp de Rivesaltes pour les harkis,
  A proximité du site retenu, se trouve en outre une esplanade dédiée au souvenir de l'Armée d'Afrique comportant notamment, sur la Redoute Bear, une stèle rapportée de Sidi - Ferruch évoquant le débarquement de 1830 et rappelant la mémoire du général de Bourmont.
  Le projet a reçu un accueil très favorable du maire de la ville.
  La population de la région comprend une forte densité de personnes (anciens combattants d'AFN, rapatriés, harkis) concernées par la mémoire de cette guerre.


  C'est donc là, face à la Méditerranée, que le souvenir de ces militaires français sera désormais conservé, grâce à la collaboration de la Mairie et au soutien du Souvenir Français.
  Ce monument offrira ainsi aux familles et aux compagnons d'armes des militaires portés disparus un lieu de recueillement spécifiquement dédié, remplaçant le tombeau qu'ils n'ont jamais eu.
  Il constituera en outre, au niveau national, un lieu de mémoire permettant de prendre la mesure d'un dossier douloureux et méconnu et exprimant la reconnaissance de la Nation à l'égard de ses soldats qui ne sont pas revenus de leur mission, " ni vivants, ni morts ".

  A la date de publication de ce Bulletin, plus de 2 000 donateurs individuels et 100 associations ont apporté leur contribution à ce projet qui devrait pouvoir prendre forme en 2022, à l'occasion du 60ème anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie.
  Il reste encore un peu de chemin à parcourir avant de parvenir au but final. SOLDIS compte sur la patience et le soutien de tous ceux qui l'accompagnent depuis le début de cette action.
  Depuis le début de la souscription, basée sur une évaluation des coûts de 300 000 euros (calculés en 2019) la pandémie et ses conséquences économiques ont entraîné une augmentation des coûts de 10 à 15% (par exemple métaux nécessaires à la sculpture). Il est donc nécessaire de continuer à faire appel à la générosité de tous pour mener ce projet à bien.
SOLDIS ALGERIE - 15 rue Thiers 24000 PERIGUEUX
soldis.algerie@orange.fr
Souscription Soldis : Bulletin de souscription pour le monument dédié aux disparus

Les corps retrouvés

  Au soir d'un combat ou d'une attaque, les militaires sont confrontés à la triste nécessité de dresser le bilan des pertes.
  Outre les blessés et les morts, souvent récupérés le jour-même, il arrive parfois que l'on ne sache pas ce qu'est devenu tel ou tel combattant. Il figure donc au bilan des pertes dans la rubrique des " disparus ".
  Systématiquement, des recherches sont entreprises dès que les circonstances le permettent et il arrive que l'on retrouve alors le corps de ce disparu. Il peut s'agir d'un militaire tué au combat et dont le corps, dissimulé par le terrain, a échappé aux premières recherches. Il peut aussi s'agir d'un militaire capturé pendant le combat par l'adversaire qui l'emmène avec lui dans son repli. Si l'individu est blessé ou est trop faible pour suivre la cadence de marche imposée dans un terrain généralement difficile, il est rapidement éliminé, le plus souvent par égorgement, et abandonné sur place. Ce qui permet sa découverte dans les jours qui suivent, si la population locale n'a pas procédé, d'elle-même ou sur contrainte, à l'inhumation, quelque part dans la montagne.
  On parle alors de " corps retrouvé " et l'intéressé est rayé de la liste des disparus.
  Mais il peut se faire également que les corps ne soient retrouvés que plusieurs jours, voire plusieurs mois, après la disparition. Soit à la suite d'informations obtenues auprès de rebelles capturés ou d'habitants interrogés, soit à la suite de découvertes fortuites, par les forces de l'ordre ou la population elle-même.
  Ces corps font alors l'objet d'un travail d'identification de type médecine légale, à l'issue duquel un certificat de décès est établi. L'individu est alors rayé de la liste des disparus. Mais il reste parfois dans cette catégorie pour ceux qui ont vécu sa disparition mais n'ont pas été informés ensuite de la découverte du corps. Il est donc nécessaire de les mentionner dans le triste inventaire des disparus, avec la mention " CR " (corps retrouvé).
  Ces corps sont ensuite rendus aux familles et inhumés dans les cimetières familiaux.

  Quelques corps, cependant, se révèlent tellement altérés (soit par l'effet du temps, soit par les mutilations subies, soit par les circonstances telles qu'un incendie par exemple) que toute identification s'avère impossible. Ils deviennent alors des soldats inconnus et sont enterrés dans les carrés militaires des cimetières locaux. Mais, n'ayant pas été identifiés, ils demeurent sur les listes de " disparus ".
  On notera que ce travail d'identification a souvent donné lieu, de la part des gendarmes qui avaient la mission de l'effectuer, à des recherches minutieuses qu'il convient de saluer, à une époque où les moyens techniques étaient relativement limités.
  La confusion des corps : LEONARD et RISSE
  Il est cependant advenu quelques erreurs.
  La restitution des dépouilles mortelles aux familles a en effet malheureusement parfois donné lieu à des situations difficiles à supporter, à la suite de confusion de corps.
  Ainsi, en août 1956, à la suite d'un accrochage ayant entraîné la mort de plusieurs soldats dans les rangs d'une compagnie du 1er .T.A., l'un d'eux ne peut être identifié est inhumé au cimetière local avec la mention " inconnu ", tandis que trois autres sont portés disparus. Au total 4 hommes : le caporal FARGERE, les tirailleurs LEONARD, RISSE et VILLETTE qui sont donc tous des " disparus ", même si l'on détient le corps de l'un d'eux. Mais lequel ?
  Les premières constatations effectuées laissent penser qu'il s'agit du soldat RISSE. Sa famille est aussitôt prévenue, mais, en septembre 1956, elle reçoit une lettre de l'intéressé l'informant qu'il est prisonnier des rebelles, avec VILLETTE.
  L'inconnu ne peut donc être que LEONARD ou FARGERE.
  Pour connaître la vérité, il faudra attendre le mois de décembre de la même année.
  Dans le triste inventaire des disparitions de militaires en Algérie, figure une liste particulière : celle des disparus dont le corps a été retrouvé. Que recouvre-t-elle ? RISSE et VILLETTE sont en effet libérés par le F.L.N. et, interrogés, déclarent que, après leur capture, le caporal FARGERE a été tué au cours de la fuite de leurs ravisseurs. Ils n'ont jamais vu LEONARD à ce moment-là.
  La conclusion est claire : c'est le corps de LEONARD qui a été enterré sous la rubrique inconnu.

  MONDINO et LEFEVRE
  L'exemple suivant est plus tragique. Le 31 août 1958, au cours d'une opération, un soldat du 408ème R.A.A. est mortellement blessé par un tir de chevrotines à bout portant qui lui arrache le visage, le rendant méconnaissable.

  Il est identifié comme étant le soldat Louis MONDINO et sa dépouille est restituée à sa famille. Mais celle-ci la refuse, car elle ne reconnaît pas le corps. Ils ont en outre reçu une lettre de leur fis, datée du 6 septembre, contre-signée par le chef rebelle AMIROUCHE, dans laquelle Louis MONDINO se déclare prisonnier. Qui est le mort rapatrié en métropole ?
  Après enquête, il s'avère qu'il s'agit du soldat Christian LEFEVRE, qui avait été porté disparu au cours du même combat, car on avait découvert sur le terrain une veste de treillis lui appartenant et, en l'absence de taches de sang, on en avait conclu qu'il avait été fait prisonnier et emmené par les rebelles. Son corps fut alors rendu à sa famille, dont on imagine la douleur, eux qui le croyaient prisonnier et vivant…

Les soldats inconnus

  Qu'est-il advenu des " soldats inconnus " inhumés ici ou là, dans les cimetières communaux des villages où stationnait leur unité en Algérie ? Certains ont sans doute bénéficié de l'opération de regroupement des sépultures qui a été réalisée sous l'égide de l'ONAC et qui a permis de transférer les restes au cimetière militaire d'Oran. Leur exhumation éventuelle, confrontée aux données d'une banque ADN que SOLDIS appelle de ses vœux, permettrait peut-être de lever le doute sur ces quelques cas et d'identifier ainsi certains disparus.

LES CORPS RETROUVES
DE TROIS DRAGONS

  Durant la guerre d'Algérie, peu de démarches spécifiques ont été effectuées pour tenter de retrouver des prisonniers et a fortiori, des corps.
  La raison tient le plus souvent à la rapide rotation des cadres dans les régiments, aux changements de secteur de certains autres, à l'oubli des événements du fait du retour à la vie civile des contingents ayant vécu les drames et surtout, à l'absence de renseignements fiables, sur un terrain parfois mal connu et au sein d'une population redoutant les représailles de la part des rebelles.

  L'expédition menée par le commandant du 2ème escadron du 20ème Dragons pour retrouver les corps de trois soldats du 29ème dragons, portés disparus à l'issue d'un combat survenu le 16 février 1956, n'en est que plus exemplaire.
  Fort de renseignements obtenus par le 2ème Bureau de son secteur, le capitaine C…. se rendit en effet, au mois de juin 1956, dans le village où les trois soldats étaient supposés avoir été enterrés. Village soumis à la loi des rebelles de la région et dont plusieurs d'entre eux étaient originaires, ce qui expliquait le silence observé jusqu'alors. D'autant plus que les témoignages recueillis démontraient que les trois soldats avaient été faits prisonniers vivants et qu'ils avaient ensuite été assassinés, vraisemblablement dans le village même.
  Etant parvenu à savoir dans quelle partie du village les corps se trouvaient, le capitaine contraignit la population à creuser une grande tranchée large de 3 mètres sur une longueur d'une trentaine de mètres.

Extrait du rapport du capitaine C… :

  " Après 4 heures de travaux, vers midi, un premier corps fut mis à jour, celui du brigadier ALEXANDRE. Il avait les mains liées avec du fil de fer, sur la poitrine. Il était couché sur le dos, déchaussé du pied droit et semblait avoir été égorgé. Il était enterré à 3 mètres de profondeur environ.
  Le 2ème corps fut découvert à 15 h 30, celui du brigadier DELMARTY, qui avait les mains liées derrière le dos et qui était allongé sur le ventre. Il fut impossible de déterminer s'il avait été égorgé. Il était enfoui à environ 4,50 m de profondeur.
  Le 3ème corps fut retrouvé vers 22 h. celui du dragon GUITTARD. Il avait également les mains liées derrière le dos. Il ne semblait pas avoir été égorgé. Sur sa poitrine et sur son ventre furent trouvées deux grosses pierres de plus de 50 kilos qui paraissaient avoir défoncé le thorax et écrasé la partie abdominale. Un trou à la tête laissait supposer que l'intéressé avait reçu un coup de pioche kabyle. Le corps a été retrouvé à 5 ou 6 mètres de profondeur.
  J'appris qu'à l'endroit de la tombe, se trouvait précédemment un thalweg qui avait été complètement bouché et ouvert artificiellement à côté par prélèvement de terre. Il était impossible, avant de commencer la fouille, de constater qu'une modification quelconque avait été apportée au terrain. "
  L'ampleur de ces travaux de camouflage, réalisés en plein village, constituait la preuve de la complicité de la population. Le capitaine fit donc apposer dans le village une plaque où étaient gravés les noms des trois dragons et en confia la garde aux habitants, afin qu'ils n'oublient pas cette tragédie qui avait eu lieu chez eux.

Le cas du Lieutenant DUBOS

  Le 4 février 1958, à la suite de la trahison d'un sous-officier FSNA, un commando de l'A.L.N. s'infiltre, en fin de journée, dans le poste de EL HOURANE, tenu par un peloton du 8ème Régiment de Spahis Algériens. Surpris au cours de leur dîner, les spahis subissent des pertes (2 tués et 7 blessés) et sont rapidement neutralisés.
  Quatorze autres militaires, dont le Lt DUBOS, chef de peloton, sont capturés au cours du coup de main et emmenés en captivité. Dans les semaines qui suivent, ils pourront écrire à leur famille qu'ils sont prisonniers du chef rebelle AMIROUCHE.
  Quelques mois plus tard, le 11 juillet 1958, le corps du Lt DUBOS, signalé par un chauffeur de taxi, est retrouvé, à un carrefour dans la vallée de la Soummam.
  L'officier a été abattu d'une rafale de mitraillette. Sur le col de la capote dont il est revêtu, est épinglée une enveloppe contenant un tract intitulé " La loi du talion " disant que cet officier a été exécuté en représailles de la mort d'un chef rebelle, Lhocine SALHI, le 7 mai 1958.
  Le commandement ayant décidé un " black-out " complet sur ce dossier, afin de ne pas inquiéter les familles des autres prisonniers, le Lt DUBOS est inhumé dans l'intimité, à Bougie, en présence de sa famille.
  Mais, fin juillet 1958, constatant l'absence de répercussion de son action, AMIROUCHE envoie une lettre à la famille du lieutenant, leur donnant les raisons de son exécution. Cette lettre est alors transmise au ministère des Affaires Etrangères, qui saisit la Croix Rouge Internationale.
  Fin août 1958, la presse s'empare de l'affaire.
  Ce cas illustre de façon explicite l'utilisation que le FLN faisait de ses prisonniers, qui devenaient, même dans la mort, les instruments de sa propagande.

  Né en 1923, le Lt Olivier DUBOS, qui s'était évadé de France par l'Espagne pendant la seconde guerre mondiale, s'était ensuite engagé, en 1943, pour la durée de la guerre et avait été démobilisé le 26 septembre 1945.
  Devenu officier de réserve, il avait été rappelé en février 1957 pour servir au 8ème R.S.A.
  Il était marié et père de trois enfants.
  Déclaré Mort pour la France, il a été nommé chevalier de la Légion d'honneur.

BILAN DES RECHERCHES

  La liste nominative des "corps retrouvés" établie par SOLDIS comporte 75 noms. Certains ont été toutefois retrouvés dans les jours (moins de 15 jours) qui ont immédiatement suivi leur disparition. Celle - ci n'a donc été que temporaire et n'a pas donné lieu à la procédure de disparition. 40 dossiers relèvent de cette situation.
  Au-delà de 15 jours, la procédure de disparition ayant été déclenchée, les intéressés sont devenus des " portés disparus ". La découverte de leur corps, parfois plusieurs mois après, a entraîné leur radiation de la liste des disparus. SOLDIS a identifié 35 dossiers relevant de ce cas. Mais SOLDIS conserve leur mémoire en les citant, car , pour ceux qui n'ont pas eu connaissance de la découverte de leur corps, ils demeurent des disparus.



AFRIQUE SEPTENTRIONALE.
Gallica : Revue de l'Orient 1845(2) pages 166 à 170
SAHARA ALGÉRIEN.
LA MER SOUTERRAINE.
HAUTEUR DE L'ATLAS.

TEMPÉRATURE DES PLATEAUX ET DU DÉSERT.

         Les explorations et les travaux récents de M. Henri Fournel, ingénieur en chef des mines, envoyé en mission en Algérie, démontrent l'existence de cette mer souterraine s'étendant sous tous les points du Sahara, et dont les tribus arabes des oasis parlent avec tant d'admiration.

         En effet, il suffit de jeter les yeux sur la carte de l'Algérie pour y reconnaître les traits particuliers qui offrent à l'art de l'ingénieur hydraulique la plus utile occasion de s'exercer. Par une exception singulière, cette vaste plage, qui s'étend depuis les contre-forts septentrionaux de l'Atlas jusqu'à la mer Méditerranée, ne présente que des cours d'eau d'une médiocre puissance. Il faut donc admettre que les eaux de l'Atlas prennent leur écoulement par des voies souterraines. De cette observation résulte la certitude presque complète de pouvoir faire surgir des sources à tel point que l'on voudra de ces plaines, où l'eau est si précieuse. On arrive au même résultat si l'on considère le versant méridional de l'Atlas et, de ce côté, les espérances qu'il est permis de fonder sur l'emploi de la sonde sont encore plus séduisantes, puisqu'il ne s'agit de rien moins que de transformer le désert en une immense oasis.

         Depuis longtemps, toujours prêt à étendre les applications de l'art qu'il pratique avec succès, M. Degouzée avait envoyé en Afrique un jeune ingénieur plein de zèle, d'expérience et d'habileté; l'exploration faite par ce jeune homme à la suite de nos colonnes fournit des renseignements très-précieux. Avec cette vive intelligence qui le distingue, M. le général Lamoricière comprit tout le parti qu'on pourrait tirer de l'emploi de la sonde pour le progrès de la conquête et de la civilisation. C'était en effet un moyen puissant de s'assurer de la fidélité d'une tribu que de lui donner une fontaine qu'on pouvait, à la moindre faute, lui enlever en quelques coups de pioche. Aussi le général écrivait-it à Paris: "Envoyez-moi des outils de "forage; je ferai plus ici avec la sonde qu'avec t'épée. "

         Cette demande ne fut pas d'abord accueillie comme elle le méritait. La guerre attirait toute l'attention. Il parait pourtant qu'on ne tarda pas à y faire droit.

         Lorsque, au milieu de l'année 1844, M. Fournel fut envoyé en Afrique, cet habile ingénieur ayant commencé ses explorations dans l'ouest de l'Algérie, se hâta de demander à M. Degouzée un équipage complet ; un journal annonça cet événement si important pour l'Algérie en termes qui le décidèrent à écrire la lettre : nous croyons devoir donner l'extrait suivant "Vous annoncez que des équipages de sonde viennent de m'être envoyés, et qu'un sondage va, sur la proposition que j'en ai faite, être immédiatement commencé au camp du Figuier province d'Oran.

         "La plus grande partie de ces faits est exacte ; seulement, l'équipage, de gros calibre qui vient de m'être expédié est destiné à pousser plus loin un sondage commencé au mois de mai dernier, sondage qui, vers la fin de juillet, avait atteint la profondeur de 62 mètres.

         "Sur quelque point que l'on perce la vaste plaine qui s'étend au sud d'Oran, on trouve, à 3 ou 4 mètres au-dessous du sol, une espèce de nappe d'eau saumâtre qui, dans les parties surbaissées, forme les lacs plus ou moins étendus que les cartes indiquent entre la mer et celui des chaînons de l'Atlas qui domine et limite au sud la plaine du Tlésat. Le plus considérable de ces lacs est connu sous le nom de Sebgha ; il n'a pas moins de 10 lieues de long sur 2 à 3 lieues de large. Mon sondage est installé entre le Camp du Figuier et un blockhaus qui domine la pointe orientale de ce lac.

         Le problème à résoudre consiste à traverser les eaux saumâtres pour aller chercher à une profondeur indéterminée une nappe d'eau douce qui viendrait, au moyen de dispositions convenables, jaillir à travers la nappe d'eau salée. Si je me sers de cette expression, profondeur indéterminée, c'est que, dans l'ensemble des couches que j'ai dû étudier sur un grand rayon, il y a eu une certaine couche d'argile que je dois percer et dont je n'ai pu connaître la puissance, parce que là où il m'a été possible de l'observer, entre Oran et la montagne des Lions, elle disparaît dans la mer.

         "J'espère d'heureux fruits de ce travail, et en général je crois que la sonde est destinée à jouer un rôle très important en Afrique. Ainsi, dans l'étude que j'ai eu occasion de faire, en février et mars dernier, entre la Méditerranée et le désert, j'ai reconnu, à partir de Constantine, deux grands bassins artésiens, et il me paraît presque certain que le désert lui-même forme un troisième et vaste bassin dans lequel on pourrait multiplier à volonté les oasis. J'aurai certitude à cet égard quand il me sera possible de pousser jusqu'à Touggourt.

         "Les conséquences d'un pareil fait sont d'une haute importance, il devient clair, par exemple, qu'une grande route travers le désert se réduit à une série de coups de sonde convenablement espacés dans la direction qu'on veut suivre. Ainsi le jour, et ce jour n'est peut-être pas éloigné, où il conviendra à la France de rattacher Ic commerce de Touggourt à celui de notre colonie, et de lier par ce grand caravansérail une rotation avec l'intérieur de l'Afrique, il sera facile, si mes prévisions sont exactes, de rendre la route de Biskra à Touggourt aussi facile, et même beaucoup plus facile que celle de Constantine à Biskra. Six ou sept trous de sonde feraient sortir de terre une ligne d'oasis qui formerait la grande route, et si l'on élevait un phare au centre de chacune de ces oasis, on comprend comment on pourrait ne voyager que la nuit, et traverser aisément, dans la saison la plus brûlante, cette mer de sable qui semblait infranchissable pour les Européens. Il ne resterait que le danger du simoun, comme sur l'Océan il nous reste le danger des tempêtes ; mais les chances de surprise seraient bien faibles, puisqu'il faudrait que le simoun se déclarât subitement entre deux étapes peu distantes."

         Nous possédons maintenant des détails sur l'exploration que M. H. Fournel a faite dans l'est de l'Algérie, et dont il a consigné les résultats dans un Mémoire adressé tout récemment à l'Académie des sciences. A ce mémoire est annexée une coupe faite du nord au midi sur les deux versants de l'Atlas.

         M. Fournel a franchi la ligne de partage des eaux d'une hauteur de 1090 mètres au-dessus du niveau de la mer. A partir de cette station, il est descendu vers le désert par une pente assez rapide. Arrivé à Biskra, un horizon indéfini comme celui de la mer se déroulait devant lui et il s'occupa de mesurer la hauteur du désert au moyen d'une série d'observations barométriques, qu'il a comparées depuis à celles qui s'exécutaient simultanément à Constantine. Le résultat curieux de cette mesure, c'est que cette partie du désert est élevée de 75 mètres seulement au-dessus du niveau de la mer.

         De là découlent des conséquences importantes. La première est, comme il l'avait annoncé, la possibilité de percer des puits artésiens dans le désert. L'inclinaison des couches de terrain vers le sud, la compacité du calcaire qui forme les bancs supérieurs, la porosité des marnes intercalées dans ces bancs, tout porte à croire qu'une série de coups de sonde donnés dans le désert ferait jaillir des eaux à tel point qu'on choisirait.

         Ainsi s'explique ce que Shaw rapportait, il y a un siècle, et ce que M. Ausone de Chancel a cité dans le mémoire sur Touggourt et son oasis (t. VI de la Revue de l'Orient, p. 155). "Les environs du Wad-Reag, dit Shaw, sont fournis d'eau d'une manière singulière : ils n'ont proprement ni fontaines ni sources, mais les habitants creusent des puits à 100, quelquefois 200 brasses de profondeur, et ne manquent jamais d'y trouver l'eau en grande abondance.
         Ils lèvent, pour cet effet, premièrement diverses couches de sable et de gravier, jusqu'à ce qu'ils trouvent une espèce de pierre qui ressemble à l'ardoise, que l'on sait être précisément au-dessus de ce qu'ils appellent Bahar That el erd, ou la Mer au-dessus de la terre. Cette pierre se fend aisément, après quoi l'eau sort si soudainement et en si grande abondance, que ceux que l'on fait descendre pour cette opération en sont quelquefois surpris et suffoqués, quoiqu'on les retire aussi promptement qu'il est possible."

         Une série de coups de sonde convenablement espacés entre Biskra et Touggourt formerait ce qu'on peut appeler la grande route entre ces deux points.

         Pour que tous les coups de sonde réussissent, il faut et il suffit que le premier amène l'eau à la surface. La question est donc bien simple à résoudre ; le gouvernement possède aujourd'hui le matériel ; la seule chance à courir en cas d'insuccès se réduirait à perdre la façon d'un seul sondage. Il est rare, comme le dit très-bien M. Fournel, qu'une idée dont les conséquences seraient si grandes puisse être vérifiée avec une dépense aussi minime.

         Une autre observation de M. Fournel est relative à la configuration du pays. Depuis longtemps on savait que l'intérieur de l'Afrique présente des plaines élevées, et Lambèse, dont les restes magnifiques sont encore debout., prouve que les Romains avaient du choisir ces plateaux pour y bâtir des villes ou la température devait être assez douce. La coupe envoyée par M. Fournel donne la hauteur approximative de ceux de ces plateaux qu'il a traversés. Le niveau si peu élevé du désert, là où M. Fournel l'a mesuré, se relève dans la région placée au sud d'Oran et de Tlemcen. Il faudrait admettre alors que le Sahara a une pente générale de l'ouest à l'est, ce que semble indiquer un grand cours d'eau marqué sur toutes tes cartes, et qui le sillonnerait dans cette direction.

         La distinction de grand et de petit Atlas semble destinée à disparaître. Sur presque aucun point les chaînes ne sont nettement distinctes ; déjà M. le général Duvivier avait remarqué que cette distinction n'avait pas été faite par les Romains, et qu'elle appartient à Ptolémée.

         Jusqu'à présent on avait considéré le massif du Djurjura, élevé de 2100 mètres, comme le point culminant de l'Atlas ; les monts Aurès paraissent beaucoup plus élevés. M. Fournel a mesuré la hauteur d'un piton qu'il évalue à 2663 mètres, et qui est loin d'être le plus élevé de ceux qu'on apercevait du camp de Batna.

         Les observations barométriques faites à Constantine assignent à cette ville une hauteur de 653 mètres.

         M. Fournel a exécuté aussi des observations météorologiques intéressantes. Il a trouvé sur les plateaux une température plus froide qu'on ne l'aurait supposé. Le 26 mars, à Batna, à 101 mètres d'élévation le thermomètre marquait, au lever du soleil, 5°,7. La température la plus élevée qu'il ait éprouvé dans le désert est celle du 6 mars, près de l'oasis des Sidi-Okba ; à une heure de l'après midi, le thermomètre marquait + 32°,6 .
         M. le général Marey, dans son expédition vers les Ksars du Sahara, a éprouvé (le 31 mai il est vrai) une chaleur de 40° à l'ombre.

         Cette température, très-élevée pour la saison, fut comme le prélude du simoun qui surprit la colonne le lendemain, et que M. Fournel a pu observer avec soin. Le 7 mars, à cinq heures du matin, le vent commença à souffler de l'ouest avec force ; l'horizon s'obscurcit, et bientôt la colonne fut enveloppée dans un nuage de sable fin qui ne permettait pas de distinguer les objets, même à une assez faible distance. Une grande baisse du baromètre précéda et accompagna le phénomène qui fut aussi marqué par un grand abaissement du thermomètre.


Le Chauffeur et la vieille vache
Envoyés par Mme. Suzanne
         Une vieille politicienne acariatre et pas aimé dans son département est en voiture avec son chauffeur.

         Comme d'habitude et sur ordre, bien sur, le chauffeur roule pied au plancher………et arrive ce qui devait arriver,
         Une vieille vache traverse la route à ce moment…
         A peine déstabilisée, la politicienne dit à son chauffeur
         Va donc à la ferme là-bas et excuse toi d’avoir tué leur vache…
         Une heure après, et 50 coups de téléphone plus tard, bien calfeutrée à l’arrière de sa voiture, elle voit revenir le chauffeur, complètement déshabillé, une bouteille de champagne à la main, titubant comme pas deux, plus un cheveu à sa place.
         Elle lui demande :
         Que t’est-il arrivé ?

         Ben, je me suis excusé et le fermier m’a offert deux bonnes bouteilles de sa cave, sa femme m’a préparé un petit gueuleton, et les deux filles m’ont fait mon affaire. C’était super !
         C’est pas possible dit la politicienne, choquée, mais qu’est ce que tu leur as raconté ?
         Que j’étais le chauffeur de Mme la politicienne du coin et que j’avais tué la vieille vache !!!


FRANÇAIS ! ALGERIENS !
60 ans déjà !

Par M. Alain Algudo

Voici un rappel succinct non exhaustif des étapes d'une trahison sciemment organisée contre les Français d'Algérie, que les différents gouvernements, les hommes politiques et les médias, complices des deux côtés de la Méditerranée, cachent à nos deux peuples depuis plus d'un demi-siècle

Michel DEBRE en Novembre 1956
" QUE LES ALGERIENS SE RAPPELLENT QUE L'ABANDON DE LA SOUVERAINETE FRANÇAISE EN ALGERIE
EST UN ACTE ILLEGITIME QUI MET TOUS CEUX QUI S'EN RENDENT COMPLICES HORS LA LOI
ET TOUS CEUX QUI S'Y OPPOSENT, QUEL QUE SOIT LE MOYEN EMPLOYE, EN ETAT DE LEGITIME DEFENSE ! "

CHARLES DE GAULLE
( APRES LE " JE VOUS AI COMPRIS )
LE 4 JUIN 1958

" Dans toute l'Algérie, il n'y a que des Français à part entière ! "
Le 5 juin 1958
" L'Algérie est une terre Française, organiquement et pour toujours !"
Le 6 juin 1958 à Mostaganem
" Vive l'Algérie Française ! "
(Personnellement témoin sur place)
Le 7 juin 1958 à Oran
" OUI,OUI,OUI, La France est ici pour toujours, Elle est ici avec sa vocation millénaire qui s'exprime aujourd'hui en trois mots : Liberté, Egalité, Fraternité….vive Oran, ville que j'aime et que je salue, bonne, chère grande ville d'Oran, grande ville Française !"

Le 30 octobre 1959
" A quelle hécatombe condamnerions-nous ce pays si nous étions assez stupides et assez lâches pour l'abandonner ! "
Août 1959
" Le drapeau du FLN ne flottera jamais sur Alger, moi vivant ! "

3 mars 1960
" L'indépendance réclamée par Ferhat Abbas et sa bande est une fumisterie ! "
22 octobre 1960
" Les insurgés voudraient que nous leur passions la main. Cela nous ne le ferons jamais ! "


-O-
Puis soudain revirement total, car nous le savons maintenant, son plan, mûri en secret depuis 1954, s'installe, une défaite politique est consommée, l'Armée qu'il n'a cessé d'encourager à détruire l'ennemi, attisant ainsi la haine, est mise sur la touche, il n'est plus question de l'Algérie Française, mais de l'Algérie Algérienne, provoquant un épiphénomène clandestin qui durera11 mois : l'OAS, réaction légitime contre l'insoutenable trahison
et légitimée par la déclaration de Michel DEBRE de novembre 1956.

-O-
Puis, les prétendus" accords d'Evian " qui garantissent la protection des personnes et des biens sont signés !
Là, Charles DE GAULLE se déshonore encore davantage en déclarant :
" Il n'est pas question que l'Armée Française protège les Français d'Algérie
qui n'auront qu'à se débrouiller avec le FLN "

( propos rapportés par l'académicien Eric ROUSSEL)

-O-
Puis il répond à Michel DEBRE lui annonçant que les Français se faisaient massacrer à ORAN le 5 juillet 1962 :
" Eh bien, ils n'avaient qu'à rentrer avant ! "


-O-
Français, Algériens, il faut que vous sachiez qu'il venait de donner, le jour même, des ordres formels à l'Armée de ne pas intervenir, même en cas de danger de mort pour les victimes d'exactions,
en contradiction totale avec les accords qu'il venait de signer…..
nous connaissons la suite !

Puis en 1962 félicitant Ben Bella premier Président de " la République Algérienne Démocratique et Populaire : "
" Monsieur le Président, cette indépendance nous l'avons voulue, nous l'avons aidée !! "

Dans une interview le journaliste Alain DUHAMEL à déclaré que pour les Français d'Algérie De Gaulle était le " plus grand traître de la Vème République !! " Dont acte !!

Et ainsi sa duplicité a provoqué la mort et les souffrances de centaines de milliers d'êtres humains dans les deux camps !

Alain ALGUDO
Président d'honneur de CDFA/VERITAS

Sans haine, mais avec détermination pour démasquer et dénoncer une imposture historique dramatique !


Le mur !
Par M. Robert Charles PUIG

       Jamais le "ni-ni" et le "en même temps" n'ont montré toute leur saveur amère ces derniers jours. comme si nous nous précipitions dans un mur.

       En effet les sondages donnent toujours Macron en tête d'une façon quasi irrévocable et pourtant...mérite-t-il cet engouement qui perd le pays et le peuple ? Voyons Roubaix. Une ville a majorité islamiste. Une ville orientale . Il est interdit d'en dire du mal et la justice française cloue au pilori ceux qui osent montrer du doigt cette mascarade où les femmes sont voilées et la viande hallal.

       C'est la justice au profit du coran contre le liberté française. est-ce la France ?

       Pourtant quelques jours avant le président a fait un geste pour les Pieds-noirs : la reconnaissance du massacre d'Alger... Un geste vite fait et presque rien pour Oran. Pourquoi ? Je l'ai déjà écrit. Le LREM ne considère pas coupable le FLN, mais juste l'armée française, celle qu'il envoie toujours au Mali où des militaires sont tués.

       On pouvait croire qu'un petit geste était fait. Que nenni ! Entre temps à Ambroise un fief socialo-LREM, voilà que sous la plume de Stora va naître cet autre affront, qui suit celui d'Alger - du crime contre l'humanité et de la barbarie française - une statue en l'honneur d'Abd el Kader, cet ennemi de la France qui avec sa smala a massacré de nombreux français lors de la conquête de cette terre sans nom, sans drapeau.

       Faut-il honorer ceux qui nous ont combattu ? Faut-il un jour une statue à Hitler ?

       On constate combien l'Elysée et son locataire veulent jouer sur tous les tableaux. Du grand "ni-ni" et du grand "en même temps".

       Voilà donc la ville d'Ambroise, avec son maire ancien socialiste converti au macronisme qui inaugure avec des représentants de l'Etat et les subventions de l'Elysée cette statue... avec la bénédiction de Stora et de son rapport, je présume.

       Cette folie risque de se reproduire. Certains voulaient déjà édifier une statue en l'honneur de Ben Bella.

       Bientôt les élections. Laisserons-nous la France devenir à ce point une terre sans une histoire française ?
Robert Charles PUIG / Février 2022       
      


LA GAZETTE DU 2 BIS
Envoyé par M. R. Sanchez
Bulletin de liaison des
" Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale "
Région Grand-Est, Bourgogne, Franche-Comté

Document pour l'Histoire :
quelques réflexions qui n'engagent que moi.

           Le mercredi 26 janvier 2022, le Président de la République française qui, avait confié à un certain, Benjamin STORA, auteur et historien engagé, mais du côté de la rébellion et de l'indépendance…de départements français, la rédaction d'un rapport, s'est exprimé à l'Elysée, sur le massacre de la rue d'Isly, le 26 mars 1962 et celui du 5 juillet à Oran.

           Au travers de cette intervention qui semble incriminer l'Armée française, en tant que responsable de ces massacres, il faut que les survivants et témoins, de ceux-ci, puissent s'exprimer et, dans le cadre de notre " devoir de mémoire ", remettent les pendules à l'heure, d'une façon NEUTRE et HONNÊTE, permettant, si nécessaire, de répondre aux affirmations, résultant d'un manque d'informations.

           Pour en revenir au massacre du 26 mars, effectué par des soldats musulmans du 4ème RTA, mal préparés pour ce rôle de police et de maintien de l'ordre, mal commandés, ayant reçus des ordres et consignes ambigus, qui tirèrent sur une manifestation pacifique, composée principalement d'Anciens Combattants arborant drapeaux français et décorations.

           Il faut, d'ailleurs, relever que dans son allocution, le Président MACRON a occulté le A de RTA qui, veut dire algérien, pourquoi ?

           Provocation gouvernementale ou FLN : Un tir de fusil-mitrailleur, expliqué plus bas, a déclenché cette fusillade.

           Aucune explication n'a, jusqu'à présent, été donnée sur le fait que les troupes, traditionnelles, de maintien de l'ordre urbain, composées d'escadrons de gendarmerie mobile et de CRS ne furent pas engagées, au profit du 4ème RTA, composé d'appelés musulmans autochtones qui, trois jours auparavant étaient, encore, en opération dans le djebel.

           En outre, ils étaient, toujours, équipés pour le combat en montagne, contre les katibas du FLN et étaient arrivés exténués à Alger, en n'ayant pas dormi depuis plus de 24 heures…

           Pourquoi ce choix ?

           Voici ce qu'a écrit à ce sujet, l'historien Jean MONNERET qui qualifie la présence d'un régiment de tirailleurs algériens, ce jour-là rue d'Isly, d'" énigme historique :

           " (….) Que faisait à Alger, rue d'Isly, des tirailleurs du 4ème RTA, dont le PC se trouvait à Berrouaghia, à 120 Km de la capitale ?
           Cette troupe n'avait aucune expérience du maintien de l'ordre en ville.

           Encore moins en zone européenne.

           Les officiers le soulignent dans leurs rapports : ces hommes étaient accoutumés aux opérations dans le bled : ils étaient frustres, certains parlaient peu ou pas du tout le français.
           Leur théâtre d'opérations était la Zone Sud de l'Algérois.
           Que faisaient-ils là ?


           Question que la presse de l'époque n'a pas posée.

           A quoi s'en ajoute une autre : celle que le général GOUBARD (ce jour-là, colonel commandant le 4°RTA) pose lui-même, dans un commentaire personnel qu'il a ajouté aux pièces du dossier sur le 26 mars 1962 :
           " Pourquoi avoir pris un dispositif de combat (armes individuelles approvisionnées et chargées) et non de maintien de l'ordre (munitions séparées de l'arme).

           Ceux qui les ont placés là, dans une ville où les tensions raciales sont vives, ont pris une décision fatale ".

           Volonté délibérée ou faute ? Peut-être que l'Histoire le dira un jour et que l'intervention du Président MACRON, sur le sujet, permettra de connaître, enfin, les responsables et que cela ne restera pas, comme l'ont écrit Francine DESSAIGNE et Marie-Jeanne REY, " Un crime sans assassins " (Editions Confrérie-Castille).

           Au début, la manifestation se passe bien, malgré les barrages destinés à bloquer le centre-ville.

           La maîtrise de la situation restant entre les mains des autorités gouvernementales, civiles et militaires, le résultat de cette manifestation, pacifique, de solidarité, à l'égard des habitants de Bab-el-Oued, n'était pas acquis d'avance et, surtout, ne pouvait présager d'un tel aboutissement.

           Face à cette foule désarmée ces autorités disposaient d'importants moyens, totalement disproportionnés pour de genre de manifestation :
           Troupes de maintien de l'ordre urbain, équipées de véhicules blindés et de moyens anti-émeute, composés d'escadrons de gendarmerie mobile, de CRS et des régiments français stationnés à Alger.

           Mais, volonté délibérée du pouvoir ( ?) d'une répression violente et inhumaine ou erreur d'organisation, fait encore inexpliqué à ce jour, ces troupes seront tenues à l'écart et la mission de maintien de l'ordre, comme dit plus bas, et fut confiée à une unité opérationnelle, le 4°RTA.

           Les manifestants, pacifiques et sans arme, drapeaux en tête, sourient aux tirailleurs et s'engagent dans la rue d'Isly qui mène à Bab-el-Oued assiégé.

           La foule est calme mais, l'encadrement des tirailleurs s'inquiète car, ils ont reçu l'ordre (de qui ?) " D'arrêter les manifestants au besoin par le feu " et de " riposter au fusil mitrailleur, en cas de tir provenant des balcons ".

           Quelle prémonition par rapport à ce qui va, réellement, se passer….

           Puis, tout bascule car, volontairement ou non, un sous-officier, autochtone, lâche une rafale de pistolet-mitrailleur en l'air.

           Cette rafale est-elle le signal du déclenchement de ce drame ?

           Les tirailleurs algériens, se sentant menacés et ignorant les intentions pacifiques de la foule, et sans ordres de leurs chefs, tirent à bout portant sur les manifestants, s'acharnant, parfois, sur des corps à terre.

           Leurs cadres, à l'instar, d'un jeune sous-lieutenant, frais émoulu de l'école, se saisissent des canons brûlants des armes et, en criant " halte au feu ", les dirigent vers le ciel.

           Comment ne pas se rappeler que, déjà, lors des barricades du 24 janvier 1960, un mystérieux fusil-mitrailleur avait, ouvert le feu et deux, non moins mystérieux, avaient déclenché leur tir en….semant la confusion et la mort.

           C'est ce même scénario qui s'est déroulé rue d'Isly.

           Un premier F-M a tiré d'un balcon, le second a ouvert le feu, sur les manifestants, à partir d'un bosquet.

           Les témoins ont rapporté que ce dernier, était servi par trois hommes, en tenue militaire de combat qui, après avoir tirés quelques rafales, disparaissent avec leur arme.

           De ce fait, tirailleurs et manifestants ont cru être pris entre deux feux : celui réel du fusil-mitrailleur de provocation et celui, imaginaire, de tireurs dissimulés dans la foule.

           Dans son livre, " Histoire secrète de l'OAS ", page 654, Georges FLEURY écrit que lors du procès du Petit-Clamart, Maître Jean-Louis TIXIER-VIGNANCOURT, au cours de sa plaidoirie, fera sensation en précisant à l'audience du 23 février 1963, que le mystérieux tireur au F-M s'appelait TRAN TRONG DOY, né le 25 juin 1932 à Hanoï.

           En citant cet homme M° TIXIER-VIGNANCOURT, fait état de la présence des barbouzes, dont les effectifs comportaient un fort pourcentage de vietnamiens recrutés par l'avocat Pierre LEMARCHAND.

           Il faut, en outre, savoir que ce tireur au F-M, placé sur un balcon a été abattu par un tir de riposte de MAYEDINE, caporal-chef au 4ème RTA et, bien entendu, son corps, dissimulé, sous un drap a été très vite emmené.

           Le nombre de victimes, chez les manifestants, toujours selon Georges FLEURY, est encore une fois différent selon les sources.

           " (….) les autorités n'en annonçant que quarante-six, il est certain qu'au moins soixante-sept civils dont les plus jeunes, (….) avaient dix et quinze ans (une fillette et un garçon), sont morts au centre d'Alger. "

           Parmi eux, cent deux blessés par balles.

           Par contre, en ce qu'il concerne le nombre de victimes, d'après le rapport officiel, il s'élève à trois blessés chez les tirailleurs et d'un tué et trois blessés dans les rangs d'une CRS….qui, pourtant, n'était pas présente sur les lieux.

           Comment comprendre le fait que cette Armée, avec laquelle pieds noirs et musulmans français avaient libéré la France, un quart de siècle plus tôt, ait pu ouvrir le feu sur des hommes et des femmes désarmés, arborant drapeaux et décorations, à moins, peut-on penser, avec raison, que des djounouds de l'ALN, ont été, volontairement, infiltrés dans les rangs des tirailleurs.

           Infiltrés par qui, si l'hypothèse est vraie ?

           La bataille d'Oran, les massacres du 5 juillet 1962.

           Contrairement au massacre de la rue d'Isly, à Alger, sujet de la première partie de ce document, ceux d'Oran ont eu lieu, après l'indépendance officielle du 1er juillet 1962.

           Selon Jean MONNERET, dans son livre : La phase finale de la guerre d'Algérie, page 240 à 246, il explique que les causes de ce drame sont, pour une large page, à imputer aux mesures contradictoires prises par le Gouvernement français, avant et après la tragédie.

           En effet, en Algérie, au cours de la période suivant le cessez-le-feu, les autorités civiles et militaires ont lancé une campagne destinée à rassurer la population française sur le sort qui l'attendrait, après la sécession, dans le cadre des, éventuels, accords SUSINI-MOSTEFAI.

           Georges FLEURY, plusieurs fois cité, révèle que les juifs protégeaient leur quartier par une milice d'auto défense, probablement encadrée par des agents du Mossad, tandis que l'OAS et le FLN se livraient une guerre sans merci dont les attentats et les agressions faisaient de très nombreuses victimes.

           L'OAS, seule force, encore armée, pour défendre les pieds-noirs et les musulmans francophiles, et qui tient, le cœur d'Oran, riposte par le feu aux attaques des forces de l'ordre, française, soutenues par des combattants du FLN.

           La ville que le commandement français, aux ordres du Gouvernement, s'efforce d'étrangler, vit sous le régime d'un couvre-feu…dés 20 heures et ses accès sont bloqués par des barbelés et sont étroitement contrôlés, avec d'interminables fouilles.

           L'écrivain Jean MONNERET, déjà cité, a écrit qu'à partir du 19 avril 1962, le général Joseph KATZ, commandant le secteur autonome d'Oran et, depuis le 15 juin, le corps d'armée d'Oran, à la suite de la mort du général GINESTET, sur l'ordre de Louis JOXE, ministre d'état chargé des affaires algériennes, " devra réduire les quartiers européens " et interdira toutes relations entre les militaires et les populations européenne et juive et mènera une lutte implacable contre l'OAS et ces populations, ce qui lui vaudra le surnom de boucher d'Oran, ce dont il se défendra dans son livre : l'honneur d'un général.

           Pour être objectif, il faut savoir que seule l'OAS, sans vouloir en faire le panégyrique, pouvait défendre les habitants d'origine européenne ou juive, l'armée française n'étant plus une force opérationnelle et en sauver de nombreux.

           En outre, il faut savoir…bien entendu, que le gouvernement français a, toujours, nié avoir donnés de tels ordres au général KATZ.
           Ainsi :

           " A Oran, le 5 juillet 1962, sous les yeux des militaires français a qui leur chef, le général KATZ, avait interdit d'intervenir, la chasse aux français se déchaîne.
           Les djounouds de BEN BELLA raflent, dans la rue, dans les cafés, dans les restaurants, dans les hôtels, quiconque parait chrétien ou juif.
           Les hommes sont emmenés, sous les coups, au commissariat de police ou vers des chambres de torture, les femmes vers des maisons closes.
           On ignorera, toujours, le nombre exact des personnes enlevées, torturées, violées, assassinées pendant cette seule journée : le chiffre officiel (91 morts et 500 disparus) est certainement TRES inférieur à la réalité ".


           Dans les quartiers européens et juifs, il est interdit, depuis le 23 avril 1962, par le général KATZ, de se montrer sur les terrasses et les balcons des immeubles, de s'engager à pied sur les chaussées et de stationner sur les trottoirs, faute de quoi le feu sera ouvert…sans sommation contre les contrevenants.

           Le capitaine de corvette Gilbert WELLELE, ainsi que d'autres officiers de marine qui, habitent en famille, une tour dans un quartier bourgeois, se plaignent de ne plus pouvoir apparaître à leurs fenêtres, sans être la cible de tirs de mitrailleuses lourdes…provenant d'une caserne de gendarmerie mobile, française, située à proximité.

           D'autres officiers, tel le capitaine de corvette PAOLI, commandant le 3ème bataillon de fusiliers marins et son adjoint le lieutenant de vaisseau DEMOULIN, qui refusent de faire intervenir leur troupes, à base d'appelés, contre la population, malgré les ordres du général KATZ, désertent et rejoignent l'OAS qui la protège.

           Cette bataille, dure et longue, sera gagnée par le pouvoir, grâce à l'usure de la population, malgré que l'OAS bénéficiait, en la personne du capitaine Etienne GREGOIRE, de complicité au sein même des instances les plus secrètes de l'appareil militaire et de l'Etat-major.

           Cet officier, pseudo Tienno, pilote de l'Armée de l'Air à Saïda avait occupé les fonctions d'officier air, après le départ du colonel Marcel BIGEARD.

           Il s'était fait une réputation de gaulliste inconditionnel, grâce à son passé militaire, ce qui l'avait fait devenir, en mars 1962, l'un des trois collaborateurs du général KATZ.
           Mais, compte tenu des exactions générées, par ce dernier, il atteindra ses limites de fidélité à l'ancien chef de la France libre.

           En effet, il avait épousé une pied-noire….c'est à dire une française d'Algérie et étant, avant tout fidèle au général de l'Armée de l'air, Edmond JOUHAUD, pilote comme lui et depuis le putsch, chef de l'OAS de l'oranais, il ne pouvait rester impassible devant ces massacres.

           Je ne m'étendrai pas sur son rôle d'informateur mais il faut se souvenir de l'ambiance qui régnait en Algérie, à cette époque, où les habitants étaient tiraillés entre les promesses gouvernementales et celles du GPRA…

           Ainsi, dans toute l'Algérie, l'administration envoie des messages d'apaisement :
           Christian FOUCHET, haut-commissaire du Gouvernement (Que les journalistes avaient appelé Hi-Han FOUCHET lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale…), assure les européens qu'ils ne courent aucun danger, …que le FLN ne commettra aucun massacre et que leurs droits seront préservés.

           Il leur demande, en outre, de faire confiance aux accords d'Evian et aux garanties mentionnées dans cet acte.
           Pour se faire entendre, cette administration multiplie les messages : émissions radio, déclarations officielles, tracts, affichage et même des appels vocaux, au moyen de camions de l'Armée équipés de haut-parleurs etc….

           D'ailleurs, l'une de ces affiches, dont certains doivent, encore se rappeler, certifiait que les français d'Algérie bénéficierait d'un statut particulier si, après trois ans de réflexion, ils n'avaient pas choisi la….nationalité algérienne.

           Même le général KATZ, commandant le corps d'armée d'Oran, qui exécutait à la lettre les ordres et directives qu'il recevait du gouvernement français, lance ce même 5 juillet, des appels au calme comme par exemple :

           " Il n'y a aucun fondement dans les rumeurs selon lesquelles l'Armée française abandonnerait Oran aux nationalistes musulmans au lendemain du scrutin d'autodétermination ".

           Quelle responsabilité dans les massacres !

           Il faut, d'ailleurs, se rappeler que lors du conseil des ministres du 24 mai 1962, Charles DE GAULLE a donné personnellement les instructions suivantes à son gouvernement :

           " La France ne doit plus avoir aucune responsabilité dans le maintien de l'ordre après l'autodétermination…Si les gens se massacrent ce sera l'affaire des nouvelles autorités ".
           (Jean MONNERET, La phase finale de la guerre d'Algérie, page 250).

           Pour appliquer cette directive, toujours selon Jean MONNERET (page 256), le commandement militaire, dès le début de la sécession….consigne les troupes dans les cantonnements.

           Ces troupes reçurent l'ordre de n'intervenir qu'en cas de légitime défense et d'assistance à personne en danger, ce qui ne leur permettait, en fait, que de n'intervenir…qu'aux abords immédiats de ces cantonnements.

           En Algérie, le référendum sur l'autodétermination des algériens a eu lieu le 1er juillet 1962 et le gouvernement français, entérinant les résultats en faveur de l'indépendance, reconnaît le lendemain, 2 juillet, cette indépendance de départements… français.

           Puis, le 3 juillet, le gouvernement, algérien, issu du GPRA arrive à Alger et choisit…symboliquement, le 5 juillet, date anniversaire de la prise d'Alger, en 1830, par les français pour célébrer celle-ci.

           Il faut, pour comprendre, les faits qui vont suivre, suivre la chronologie des faits :

           Ce 5 juillet, 100.000 français vivent, encore, à Oran où vers 11 heures du matin, une manifestation de musulmans, civils, autochtones déferle sur la ville européenne, encadrée par des soldats de l'ALN et des ATO (auxiliaire temporaire opérationnel).

           Aucun service d'ordre français ou algérien n'est présent.

           Une demi-heure plus tard, la foule s'est auto échauffée et…une fusillade éclate.

           C'est le signal qui va déclencher les massacres qui vont durer jusqu'à la fin du jour avec des gens lynchés, égorgés ou décapités.

           Ces dits massacres ne touchent pas que les européens mais, aussi les musulmans autochtones…francophiles qui avaient choisi la France ainsi que ceux qui, durant cette journée avaient protégé ou caché des européens.

           Heureusement que quelques interventions de gendarmes de l'ALN permirent de sauver quelques européens ou militaires français.

           Jusqu'à aujourd'hui, personne ne connaît le nombre de victimes et, peut-être que l'ouverture des archives permettra d'avancer, enfin, dans la recherche de la vérité, à condition que les archives algériennes puissent être, aussi, consultées.

           Selon différentes sources, ce chiffre varie d'une centaine à trois mille.

           Plusieurs historiens cherchent, toujours, à en établir le nombre et établir la vérité sur ces massacres mais, jusqu'à présent ce sont heurtés aux rétentions d'information, tant françaises qu'algériennes.

           L'Armée française, interdite de sortir de ses casernements, ne pouvait intervenir, compte tenu des consignes reçues et imposées par le gouvernement français et le Président de la République.

           Quoi qu'il en soit, grâce aux nombreux moyens, encore, à sa disposition (détachements stationnés en ville, avions légers de reconnaissance, Pipers, hélicoptères ou témoins…), l'état-major du Corps d'Armée, aux ordres du général KATZ, et...le GOUVERNEMENT sont directement informés de cette situation mais ce dernier et l'Elysée ferment les yeux, maintiennent leurs instructions et ordonnent de laisser le maintien de l'ordre et la sécurité des européens et musulmans fidèles, aux mains des nouvelles autorités…issues, pourtant, du terrorisme.

           Qui est, donc, responsable des massacres ?

           Les autorités françaises ont, quand même, autorisées quelques interventions, consistant, en fin de journée, à une présence statique et…tardive de la gendarmerie mobile autour d'un bâtiment et de quelques courtes sorties, autour de leurs cantonnements, dans le cadre d'assistance à personne en danger, mais cela ne permettra que de sauver quelques vies humaines.

           Fort heureusement, quelques actions spectaculaires, ont permis de sauver des centaines de vies humaines, dans le centre d'Oran, aux risques et périls de ceux qui les ont entreprises et ce, malgré les ordres et consignes édictées et imposées par le gouvernement français.

           Ces actions courageuses sont à être montrées :

           L'une à la gare centrale d'Oran avec ouverture offensive du feu et une à la Préfecture sous les ordres d'un officier, musulman, le capitaine Rabah KHELLIF, dont l'intervention est citée par Mohand HAMOUMOU dans son livre :
           " Le livre blanc de l'Armée française en Algérie " (Pais, Contretemps 2001, page 171) :

           " Lorsque le 5 juillet des renseignements alarmants me parviennent d'Oran, je demande, aussitôt à mon colonel d'intervenir "
           Sa réponse : " Ecoutez mon garçon, nous avons les mêmes renseignements que vous.
           C'est affreux.
           Faites selon votre conscience, quant à moi je ne vous ai rien dit "
           " En clair, je n'étais pas couvert. J'embarque l'équivalent de quelques sections dans les camions dont je pouvais disposer et je fonce, sans ordre, sur Oran.
           J'arrive à la Préfecture.
           Il y avait là une section de l'ALN, des camions de l'ALN et des colonnes de femmes, d'enfants et de vieillards dont je ne voyais pas le bout.
           Plusieurs centaines, en colonne par trois ou quatre, qui attendaient là avant d'être emmenés pour se faire zigouiller ".


           Le capitaine KHELLIF, qui sera sauvé par ses hommes d'une mort par lynchage alors qu'il s'était, momentanément, éloigné d'eux pour parlementer avec des responsables du FLN, explique comment manu militari, il libère tous ces gens.

           Il poursuit : " (…) Puis, j'ai installé des patrouilles sur les axes routiers qui menaient au port ou à l'aéroport, car j'avais appris qu'on arrêtait les gens qui fuyaient, qu'ils soient musulmans ou européens d'ailleurs.
           C'était la population ou des gens armés ne faisant pas partie de l'ALN qui les arrêtaient, les volaient, les tuaient.
           J'ai, donc, mis des contrôles pour éviter cela et je les arrachais, littéralement, aux mains de la population. Au risque de ma vie souvent. "


           " J'ai fait cela en ayant le sentiment de ne faire que mon devoir ".

           Cette journée de massacres semble n'avoir qu'un seul but : faire disparaitre, non seulement la présence, mais aussi l'influence française.

           Les victimes autochtones, dont le nombre est, toujours, inconnu étaient des personnes francophiles.

           Il faut, par contre, faire remarquer que sans l'aide spontanée d'une partie de la population autochtone, le nombre des victimes européennes aurait été plus important.

           En outre, la veille et le matin de ces manifestations et débordements meurtriers, un grand nombre de membres de cette population autochtone avait conseillé la prudence aux européens, ce qui montre bien que ces désordres n'étaient pas spontanés mais bien organisés et…téléguidés. Par qui ?

           Qui étaient ces autochtones, musulmans, qui tentaient d'aider ces européens pris au piège ?

           Des camarades d'école, des voisins, de simples connaissances, des amis d'enfance, des subordonnés, des ouvriers ou même de simples passants : Ils avertissent, cachent, transportent en lieux surs…certains paieront de leur vie ces gestes fraternels et humanitaires.

           Il faut, quand même, malgré les préjugés, reconnaître que de nombreux djounouds et des ATO, se sont interposés pour libérer des personnes arrêtées…contrairement à leurs camarades.

           Aveuglée par son ignorance des réalités et, surtout par l'information, volontairement, mensongère du Gouvernement, la majorité de l'opinion publique métropolitaine a imputé la responsabilité des massacres à l'OAS qu'elle accusait d'avoir, par provocation et vengeance, ouvert le feu sur une manifestation indigène pacifique (sic), ce qui aurait déclenché des tirs de représailles.

           Cette version, fallacieuse, des faits était, malheureusement, partagée en haut lieu, comme, par exemple, par le ministre Jean-Pierre CHEVENEMENT qui, lors d'un débat télévisé sur l'Algérie, en présence d'une délégation algérienne fort agressive, sur le sujet de ces massacres du 5 juillet 1962, répondra, peut-être, de bonne foi à l'animateur qui l'interrogeait sur ces évènements : " Il y avait l'OAS… ".

           Cette version des faits n'est pas crédible pour trois raisons :

           1) Le 5 juillet à Oran, l'indépendance est un fait acquis et nul ne serait assez insensé pour commettre un tel acte.
           En outre, l'OAS a cessé d'exister, à la suite de l'accord OAS-autorités françaises et FLN du 17 juin 1962 et ses commandos ont quitté l'Algérie.

           2) Après avoir joué les apprentis sorciers, le FLN se rend compte que l'ampleur de ces désordres et massacres discréditent le nouvel état algérien.
           Le chef FLN d'Oran, SI BAKHTI, voulant remédier à cet état de fait, mène une enquête personnelle et fait arrêter trois cents coreligionnaires " responsables des exactions du 5 juillet 1962 " .
           Il donnera l'ordre d'en passer six par les armes, ce qui est probable mais non confirmé.
           (Jean MONNERET, opus cité).

           3) Fait non moins important, le FLN, lui-même, ne citera jamais une quelconque implication de l'OAS dans ces événements, ce qui implique un démenti, formel, aux accusations de culpabilité de cette organisation.

           J'ai voulu écrire ce document pour montrer qu'il ne faut pas impliquer l'Armée française dans ces exactions voulues par le gouvernement, de l'époque, pour abandonner l'Algérie et organisées par l'adversaire, en accord avec le dit gouvernement…. L'ouverture des archives permettra d'affirmer ou d'infirmer cela.

           Dès lors, c'est " La valise ou le cercueil " et, pour rester vivants, il faut quitter l'Algérie avant que le GPRA ne s'empare du pouvoir, grâce aux pseudos accords d'Evian qui ne furent jamais respectés par l'adversaire.

           Quoi qu'il en soit, j'ai voulu, écrire ce document historique, en défense à la généralisation, habituelle, d'exactions de l'Armée française qui, n'a rien à voir dans le massacre du 26 mars 1962, rue d'Isly.

           Je pense, donc, certains d'entre nous ayant participé à cette " guerre d'Algérie " ou ayant fait partie ses " Services Spéciaux " durant ce conflit que vous pouvez faire parvenir à notre " Gazette du 2 bis ", vos souvenirs, documents et livres que vous pourriez détenir, afin de réunir une documentation, sur les différents belligérants, permettant, si nécessaire, de répondre aux éventuelles affirmations fallacieuses, car mal informées.

           Il me semble, d'ailleurs, qu'il faille faire de même pour l'Indochine.

           Avec mes fidèles amitiés.
Jean-Alain LABAT
Délégué ASSDN de Lorraine.
88800 HAREVILLE
jal.aassdn.lorraine
           


RUE D ISLY
- Alger - 26 mars 1962
Envoyé par M. J.P. Ferrer
La fusillade de la rue d'Isly : un crime sans coupable !
           Le général Pierre Goubard , Chef de Corps du 4ème Régiment de Tirailleurs Algériens a retrouvé dans ses archives l'origine de l'enrôlement dans l'armée française des 14 tirailleurs présents rue d'Isly le 26 mars 1962 ; tous étaient des rebelles repentis, ralliés avec armes, en provenance du FLN, du MNA et du mouvement bellouniste. On apprend qu'ils n'étaient pas formés au maintien de l'ordre en ville...mais de bons combattants, obéissants avec le respect de l'officier, vaillants et courageux face aux katibas de l'ALN.

           La manifestation pacifique avait pour objet de dénoncer le blocus inhumain imposé par les autorités à la population féminine et aux enfants confinés dans leur domicile depuis le 23 mars.

           Des milliers d'appartements avaient été mis à sac par les CRS et les GM et les hommes de 16 à 90 ans, parfois en pyjama, sans leurs médicaments du quotidien, avec parmi eux d'Anciens Combattants, des handicapés, certains avec des respirateurs à oxygène, avaient été arrêtés sans raison, simplement parce qu'ils habitaient Bab el Oued. Ils seront enlevés à leur famille sans ménagement et transportés dans des camps d'internement à 200 km d'Alger...tous seront libérés dix jours plus tard sans excuses ni explications dans un état déplorable physiquement et moralement.

           Le Maire de Bab el Oued, Monsieur Loffredo, témoigna : « Nous sommes intervenus auprès des autorités en faisant remarquer que des bébés étaient en train de mourir ». Un officier de gendarmerie lui répondit : « Tant mieux ! Il y en aura moins pour nous tirer dessus. » Et comme il lui demandait qu'on enlevât au moins les morts en décomposition, il entra dans une colère noire : « Vos cadavres, mangez-les ! »

           Ce 26 mars 1962, le haut-commissaire en Algérie Christian FOUCHET donna aux militaires chargés de faire barrage au passage de la manifestation dans la rue d'Isly des ordres clairs : « Personne ne doit passer...ouvrez le feu si nécessaire ! » La veille déjà il avait menacé la population d'Alger qui préparait la manifestation du lendemain en ces termes : « Si vous vouliez tenter de revenir sur ce qui a été décidé et conclu...cette erreur serait terrible...vous en seriez les premières et principales victimes. »

           Ce qui avait été décidé et conclu le 19 mars 1962, c'était les accords d'Évian signés entre les émissaires du GPRA et de la France (Robert Buron et Jean de Broglie). Robert Buron reconnaitra plus tard que ces accords n'avaient jamais été respectés par le GPRA.

           Le 26 mars 1962, nos bons soldats repentis au service de la France savent depuis 7 jours que leur avenir en Algérie devient risqué pour leur vie ; la France va les abandonner ! À 14 h 30 ce jour-là se présentera pour eux une véritable aubaine : d'une part, les ordres de Fouchet les autorisent à tirer sur les manifestants français, et d'autre part, ils ont là la possibilité de se dédouaner de la tutelle française et de devenir en douze minutes de tuerie barbare, d'authentiques '' moudjahidine '' au regard du FLN.

           L'importance du massacre ne laisse aucun doute sur l'acharnement des Tirailleurs à mitrailler à bout portant une foule sans armes qui chante les Africains, la Marseillaise, et brandit avec fierté des drapeaux bleu-blanc-rouge. L'instinct de survie leur fait comprendre que désormais ces couleurs sont mortelles pour eux. Alors ils tirent et réarment leur engin de mort jusqu'à achever les blessés agonisant sur le bitume. Le docteur Massonnat descendu de son cabinet avec sa trousse médicale fut abattu dans son dos par un soldat ivre de vengeance alors qu'il pratiquait un massage cardiaque.

           Bilan 82 morts et plus de 200 blessés. Les familles ne seront pas autorisées à récupérer les corps. Ils seront enterrés clandestinement au cimetière de Saint-Eugène.

           Un fait déshonorant survenu ce 26 mars 1962 et totalement oublié dénote la haine du gouvernement français de cette époque à l'égard des français d'Algérie. À 20 h ce jour là, le Président de la république prit la parole à la TV pour demander aux français de voter ''oui'' au référendum portant sur l'autodétermination de l'Algérie, sans faire la moindre allusion à la tuerie innommable qui s'était déroulée 5 heures auparavant à Alger où 82 français avaient été assassinés.

           Le mépris à l'égard des français d'Algérie s'était déjà confirmé le 19 mars 1962 où le Président par décret avait interdit aux français d'Algérie de participer à ce référendum, les excluant du droit démocratique à s'exprimer sur leur avenir. Le droit du sol des citoyens d'Algérie était totalement bafoué. Nul doute pour ce gouvernement de 1962, les Pieds Noirs passés par les armes rue d'Isly ou déchu du droit de vote par décret...il s'agissait d'une même élimination sans importance. C'est une faute historique totalement impardonnable dont la pratique est l'apanage des républiques bananières.

           Pauvre France, le pays de mes illusions perdues !



Algérie : Oran, 5 juillet 1962, autopsie d’un massacre
Par Farid Alilat JEUNE AFRIQUE 1 février 2022
Envoyé par M. Michel David


              Face à des représentants de pieds-noirs reçus à l’Élysée, Emmanuel Macron a demandé que l’on « regarde en face » le massacre de centaines d’Européens le 5 juillet 1962 à Oran. Mais la question reste ouverte sur les auteurs du carnage.
              Depuis que le général de Gaulle a visité Oran en mai 1958, on surnomme la deuxième plus grande ville d’Algérie « La Radieuse » pour sa douceur de vie. Quatre ans après cette visite historique, et alors que la date de la proclamation de l’indépendance (juillet 1962) s’approche inéluctablement, Oran devient terre de feu et de sang.

              Attentats à la bombe, massacres, assassinats, exécutions sommaires d’Algériens ou de militaires français, attaques d’infrastructures : l’OAS (Organisation armée secrète) sème la terreur dans une ultime tentative de s’opposer à l’abandon de l’Algérie française.
              Mais au fur et à mesure qu’approche le 5 juillet, jour de la proclamation de l’indépendance, les commandos de la sinistre organisation fuient la ville. Les tueurs de l’OAS ne sont pas les seuls à faire leurs valises. Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu du 19 mars 1962, deux tiers des quelque 220 000 Européens qui vivent à Oran ont déjà gagné la France.

SOUDAIN UN PREMIER COUP DE FEU RETENTIT. PUIS UN
DEUXIÈME, UN TROISIÈME, UN QUATRIÈME

              En ce début juillet, des milliers d’autres pieds-noirs se précipitent à l’aéroport ou s’amassent sur le port pour embarquer vers la Métropole. La guerre est finie et l’Algérie française avec.
              Algérie-France : Emmanuel Macron réclame d’Alger la reconnaissance du massacre des Européens en juillet 1962

              Comme partout en Algérie, c’est un jour de liesse et de réjouissances populaires à Oran. Dès le matin, des processions venues des quartiers arabes convergent vers le centre-ville pour célébrer la fin d’une guerre qui aura duré presque huit ans.
              L’heure est à la fête, même si la veille, d’inquiétantes et vagues rumeurs de grabuge et de troubles ont couru en ville. Il est 11 heures quand la marée humaine atteint la Place d’Armes, le cœur d’Oran, où le drapeau algérien s’apprête à être hissé sur la façade de la mairie, une cérémonie organisée par l’Armée de libération nationale (ALN).

              L’ambiance est festive et joyeuse. Soudain un premier coup de feu retentit. Puis un deuxième, un troisième, un quatrième. Qui a tiré ? Nul ne le sait. « C’est l’OAS ! C’est l’OAS », crie un manifestant. Le cri est repris en écho. La foule se disperse en un mouvement de panique, dans la précipitation et le chaos.
              Dizaines de cadavres

              C’est le début d’un carnage qui va durer plus de six heures. Des hommes armés, surgis de nulle part, tirent sur des Européens et des musulmans à l’aveuglette. Les quartiers où vivent les pieds-noirs sont investis par des individus armés de couteaux, de machettes, de poignards et de haches. Des barrages sont dressés pour y intercepter femmes, enfants, jeunes et vieux. Une telle organisation indique que le massacre n’a rien de spontané.
              On tue, on égorge, on lynche, on brûle sans distinction. Une heure après le début des tueries, des dizaines de cadavres s’étalent déjà dans les rues. Oran bascule dans l’horreur. À midi, le général Joseph Katz, qui assure le commandement du corps de l’armée française d’Oran depuis février 1962 avec ses 18 000 hommes, est informé des exactions en cours contre les Européens.

DES DIZAINES DE PIEDS-NOIRS SONT EMBARQUÉS VERS DES
DESTINATIONS INCONNUES. D’AUTRES SONT SUPPLICIÉS
DANS LEURS MAISONS

              Sur son journal de bord des opérations, il donne ses consignes à 12 h 15 :
              « Troupes restent consignées. S’il est attenté à la vie des Européens, dans ce cas prendre contact avec le secteur avant d’agir. » Les consignes de ce général obtus et carré sont claires : les 18 000 militaires français doivent rester dans leurs casernes et ne pas intervenir.

              Un peu moins d’une heure après son premier ordre, Katz survole Oran à bord d’un hélicoptère avant d’aller déjeuner tranquillement à l’aéroport. Ce général qui a mené une lutte implacable contre les commandos de l’OAS depuis sa désignation constate que tout est calme dans la ville.
              Dans les quartiers européens, le massacre ne fait que commencer. Des dizaines de pieds-noirs sont embarqués vers des destinations inconnues. D’autres sont suppliciés dans leurs maisons, dans des garages et des entrepôts.

              Algérie-France : quand la mémoire joue des tours Des camions arrivent d’on ne sait où pour embarquer des Européens de tous âges vers Le Petit Lac, une décharge sauvage située à la périphérie de la ville.
              Sur place, ils sont tués à coups de couteau, à la hache, brûlés vifs avant d’être enterrés dans des fosses communes. Dans les abattoirs, des victimes sont pendues aux crochets de boucher. Les militaires ne bougent pas.

              De jeunes auxiliaires temporaires occasionnels, des unités de l’ALN, participent à la chasse à l’homme en conduisant notamment des pieds-noirs dans des commissariats où ils seront là aussi battus et tués. Dans la moiteur de cet après-midi du 5 juillet, l’odeur du sang se répand partout. Les morgues des hôpitaux débordent de cadavres.
              Ceux qui parviennent à s’échapper tentent de se réfugier dans les casernes. Les portes sont closes. Les instructions sont toujours aussi strictes qu’au début du massacre : les militaires ne doivent pas bouger de leurs cantonnements.

              Des appelés et des sous-officiers qui demandent à leurs supérieurs de sortir pour porter secours aux victimes sont rappelés à l’ordre. Bravant l’interdit, le capitaine Rabah Kheliff, qui dirige la 4e compagnie du 30e BCP (Bataillon de chasseurs à pied), quitte sa caserne avec ses hommes pour porter secours à des dizaines de pieds-noirs sur le point d’être conduits au Petit Lac.
              Ramdane Bechouche, lieutenant de l’armée française, en fait de même pour libérer des dizaines d’Européens entassés dans des véhicules qui s’apprêtent là aussi à se diriger vers les fosses communes du Petit Lac.

              Ils ne seront pas les seuls à porter secours aux victimes. Des Algériens interviennent pour arracher des Européens des mains des tueurs. Dans un quartier de la ville, un jeune officier de l’ALN sort son pistolet pour sauver un homme que des individus avaient extrait de son véhicule pour tenter de le supplicier en présence de son petit garçon. Dans les locaux du secteur que dirige le général Katz, des télégrammes alarmants arrivent en rafales. Comme celui-ci qui tombe vers 16h15 : « Barrage FLN Carrefour. 70 FSE [Français de souche européenne] arrêtés et conduits dans un local proche où ils subissent des supplices. »
              Algérie-France : Paris reconnaît que Ali Boumendjel a été « assassiné et torturé »

              Des appels au secours sont lancés par radio et sont captés par des bateaux qui croisent au large de la Méditerranée. Ils arrivent à Marseille, puis à Paris. Les informations sur les tueries en cours à Oran parviennent au ministère de l’Intérieur et au ministère des Armées. Mais à Paris comme à Alger, les autorités politiques et militaires ne bougent pas.
              Affaire étouffée ?

              Il est un peu plus de 18 heures quand le calme revient peu à peu. Ce n’est qu’à ce moment-là que des véhicules sont autorisés à quitter les casernes pour ramasser les cadavres qui jonchent les rues. Ce soir de 5 juillet, Oran est enveloppée dans un silence de mort. La ville compte ses morts et ses blessés.
              Historiens et spécialistes s’accordent aujourd’hui sur le nombre de 700 personnes tuées et disparues.

              Qui est derrière ce carnage et qui en porte la responsabilité ? Au petit matin du lundi 9 juillet, un bataillon de l’ALN saisit deux tonnes de matériel de guerre et procède à l’arrestation de 58 personnes présentées comme les auteurs de ces tueries. À la tête de ce qui est présenté comme une bande criminelle, un certain Moueden, dit « Attou ».

              Un personnage d’une violence sans limites, ivre de sang, cruel même avec ses sicaires. Selon le capitaine Bekhti, officier de l’ALN, Attou est tué au cours de cette opération alors qu’il tentait de fuir. Mais selon divers témoignages, Attou a été tué plus tôt, en avril 1962, par un commando de l’OAS.

LA FRANCE NE DOIT AVOIR AUCUNE RESPONSABILITÉ DANS
LE MAINTIEN DE L’ORDRE APRÈS L’AUTODÉTERMINATION »
DÉCLARE LE GÉNÉRAL DE GAULLE

              Qu’est-il advenu des hommes arrêtés ? Ils auraient été jugés et condamnés dans les semaines qui ont suivi le carnage, sans que les autorités communiquent davantage sur la question. Le régime de Ben Bella a-t-il cherché à étouffer l’affaire ? Quid du général Katz surnommé le « boucher d’Oran » ?
              Benjamin Stora : « Il n’y a plus de raison de préserver les tabous sur la guerre d’Algérie et la période coloniale »
              Jusqu’à sa mort en 2001, il n’a eu de cesse de clamer son innocence en expliquant avoir agi selon les instructions de sa hiérarchie. Une plainte pour complicité de crime de guerre et obéissance à des ordres criminels est déposée contre lui en 1999 au nom des familles de victimes. Il décède avant la procédure en appel.

              Qu’en est-il de la responsabilité du général de Gaulle ? Ses instructions ont été d’une limpidité cristalline. Le 24 mai 1962, en conseil des ministres, il déclare que « la France ne doit avoir aucune responsabilité dans le maintien de l’ordre après l’autodétermination. Elle aura le devoir d’assister les autorités algériennes, mais ce sera de l’assistance technique. Si les gens s’entre-massacrent, ce sera l’affaire des autorités algériennes ».
              L’ouverture des archives annoncé par Emmanuel Macron pourrait permettre de faire toute la lumière sur ce crime et ceux qui l’ont commis.
Farid Alilat        


“Remettre les pendules à l’heure”
Du philosophe Michel ONFRAY
Envoyé par Mme A. Bouhier

           Je suis sincèrement désolé pour les partisans de Macron auxquels je ne conteste en rien le droit de repentance à leurs yeux, mais un peu d'histoire n'est pas inutile pour ne pas se tromper de combat et ne pas abandonner sa dignité.

            «Emmanuel Macron a la fâcheuse habitude de se mettre en position de soumission dans des pays étrangers qui furent jadis colonisés par la France. En Algérie, où c’est mettre de l’huile sur le feu, mais également en Côte d’Ivoire où il a récemment fait savoir que la colonisation était "une erreur profonde, une faute de la République ". Or, si l’on veut vraiment examiner le passé de la France , il ne suffira pas de dire que le colonialisme fut "une erreur profonde", ou que Vichy fut "une erreur profonde" !

            On va devoir, en effet, reprendre tout de zéro et affirmer aussi que l’assassinat de Louis XVI, Marie-Antoinette et leur enfant de dix ans, organisé par les Jacobins, a constitué "une erreur profonde, une faute de la République ".

            Il faudra également dire que la Terreur, avec ses quarante mille morts, a été "une erreur profonde", que le génocide vendéen, avec ses cent cinquante mille morts, a été "une erreur profonde", que les guerres de 14-18 avec leurs dix-huit millions de morts ont été "une erreur profonde".

            Ou bien que les Croisades, avec leur trois millions de morts, ont été "une erreur profonde, une faute de la République -monarchique…". Que les guerres napoléoniennes avec leurs trois millions de morts également, ont été "une erreur profonde, une faute de la République-impériale …".

            On n’en sortira plus car l’Histoire, cher Manu, y compris l’Histoire de France, est faite de bruit et de fureur, de sang et de larmes, de cadavres et de charniers, c’est comme ça depuis le début du monde et ce sera ainsi jusqu’à la disparition des hommes.

            Ne pas oublier que certes, les Blancs furent de fieffés méchants avec la traite négrière, mais que celle-ci fut inventée par des musulmans. Or, cette traite orientale a duré du VII° siècle, sous Mahomet (voir le Coran) jusqu'à 1920, soit pendant treize siècles, elle a concerné dix-sept millions de Noirs et un grand nombre de Blancs.
            La traite négrière occidentale a commencé au XV° siècle pour se terminer au XIX° - soit pendant quatre siècles, quatre fois moins longtemps.

            Il faudrait éviter de croire que les Arméniens et les Juifs sont les seuls génocidés de l'Histoire. Ce serait oublier que l’empereur mongol Gengis Khan a exterminé un cinquième de la population mondiale au XII° siècle. On lui doit, en effet,... quarante millions de morts ! Et Tamerlan, le chef de guerre musulman, dit aussi Timour le Boîteux, qui a tué vingt millions de personnes ? Ses troupes faisaient des pyramides de crânes pour terroriser ses ennemis : 70 000 à Ispahan, 90 000 à Bagdad, 100 000 à Delhi. Sur ses ordres, 400 Arméniens ont été enterrés vivants en Anatolie.
            Et que dire de la conquête des Indes par les musulmans, qui a provoqué le massacre de l’Hindou Kush, soit quatre-vingts millions de morts sur plusieurs siècles ?

            Si l’on veut dire que le colonialisme français a été sanglant, on le peut. Mais, pour faire l’histoire de la guerre d’Algérie et non de l’idéologie, il faut dire aussi que :

            - sur les 150 000 combattants musulmans morts, 12 000 ont été tués par les musulmans eux-mêmes, à cause de leurs luttes internes.
            - 25 000 soldats français sont morts.
            - 70 000 harkis ont disparu, massacrés par leurs coreligionnaires.
            - 6 000 civils européens ont été rayés de la carte.
            - que les crimes de l’OAS ont engendré 100 morts.


            Or, un demi-siècle plus tard, l’heure n’est pas aux comptages, mais à la paix, surtout pas à l’huile sur le feu versée par un président de la République française qui n'a AUCUNE NOTION DE L' HISTOIRE

            La repentance est la maladie de l’ignorant qui méconnaît l’Histoire et ne pense qu’en termes de moraline – qui triomphe en fausse morale d’une époque sans morale. Le rôle d’un président de la République n’est pas d’exciter les citoyens, mais de les calmer, non pas de monter les peuples, les pays et les nations les uns contre les autres. Ce n'est pas d'opposer les Gilets jaunes ou les grévistes à une partie des Français, mais de pacifier les mécontents, de les tenir, de les retenir, de les empêcher de se lâcher. Il y a, pour cela, le langage diplomatique qui est l'instrument par excellence. Or, cet homme se tait quand il faudrait parler, et parle quand il devrait se taire. Il est à l’inverse de Jupiter !

            Ce jeune homme au sang vif met le feu partout où il passe. À croire qu’il ne cherche que ça, comme le pompier pyromane qui aspire à l’incendie afin de se présenter en soldat du feu dévoué ! (Aucune allusion à Notre-Dame de Paris. NDLR).

            Pourquoi, sinon, demander au rappeur Vegedream qui avait écrit dans l’une de ses chansons "J’vais niquer des mères. J’vais tout casser… Sale pute, va niquer ta race !" … de l'accompagner en Côte d'Ivoire ? Un président de la République constitue la délégation qui l’accompagne afin qu’elle soit représentative du pays qu’il incarne : est-ce là le message culturel à faire passer à la Côte d’Ivoire ?»
Michel Onfray


Pour l'Histoire de L'ESCLAVAGISME
EXTRAIT : LE FIGARO du 23 janvier 1892 : Capitaine Binger.
NOS POSSESSIONS
DU GOLFE DE GUINÉE
Et leurs Dépendances


Le Golfe de Guinée

              Bien que la prise de possession du littoral du golfe de Guinée remonte aux années 1845 et 1846, cette colonie est restée bien ignorée. Ce n'est guère que depuis les récents voyages du capitaine Binger qu'elle vient d'entrer réellement dans notre domaine colonial.
              Ce n'est pourtant pas à cause de son peu d'étendue, car la France y possède toute la côte située entre la république de Libéria à l'ouest, et la colonie anglaise de Cap-Coast, à l'est.
              Elle comprend un développement de côtes de près de 600 kilomètres et, à l'intérieur, notre domaine s'étend, grâce aux traités signés par Binger, jusqu'au Macina et Tombouctou où il se relie aux pays qui constituent la région Sahara-Soudanienne.
              Sa surface est une fois et demie celle de la France continentale.
              Une aussi vaste étendue de terrain, s'étalant sur près de quinze cents kilomètres en profondeur, offre naturellement des ressources bien diverses changeant avec les latitudes. Les populations, la flore et la faune varient à l'infini.
              Le capitaine Binger nous rapporte que dans son dernier voyage il a traversé plus de soixante-dix peuplades différentes, parlant des dialectes qui, tout en ayant des affinités entre eux, varient cependant assez pour les indigènes ne se comprennent pas.

Esclaves et Richesses du Sol.

              Pour augmenter la prospérité et exploiter les immenses ressources de notre colonie,, nous nous trouvons sur cette côte dans la nécessité de pénétrer plus avant dans l'intérieur du reste, la pénétration s'impose au triple point de vue politique, économique et humanitaire.
              Le protectorat fictif que nous exerçons sur les peuples de l'intérieur ne peut donner des résultats, ce serait vouloir conquérir et exploiter l'Afrique avec des formules et gagner ces peuples à notre cause par un travail de cabinet.

              
              Pour rendre notre protectorat effectif à l'intérieur, et faire œuvre utile, il faut que la France puisse exercer son action sur la politique des souverains nègres de l'intérieur. Elle doit pouvoir entraver l'arrivée au pouvoir des chefs qui lui sont hostiles et favoriser l'avènement de ceux qui adoptent ses idées et lui sont dévoués. Mais pour cela il lui faut pénétrer.
              Le défaut de budget des Etats de l'intérieur entraîne les souverains indigènes dans des guerres interminables.
              N'ayant, pas l'écoulement des produits de leur pays, ils ne peuvent se créer des ressources.
              Il faut pourtant qu'ils s'entourent d'un, certain faste, qu'ils rétribuent les services, qu'ils entretiennent une force armée pour se mettre à l'abri de leurs turbulents voisins.

Par quels moyens ?

              En rétribuant et en payant à l'aide de captifs, de prisonniers de guerre. Les richesses naturelles du pays n'ayant aucune valeur puisqu'on ne peut les écouler, c'est l'esclave qui fixe la richesse accumulée du Soudanais. C'est par leur nombre qu'est déterminée la position sociale.
              Leur entretien ne coûte rien au propriétaire, ils cultivent pour eux et pour lui, et ils constituent pour leur maître une force qui le fait respecter.
              Les voies de pénétration s'imposent donc ; il faut que des routes sûres permettent aux noirs de l'intérieur d'arriver à nos comptoirs et d'échanger leurs produits contre nos marchandises manufacturées.
              A quoi servirait aux noirs de cultiver du tabac, des textiles, le coton, l'indigo, etc., d'exploiter leurs arbres à graisse végétale, de faire des plantations d'arbres à essence tinctoriales ou autres puisqu'ils ne peuvent en écouler les produits ?

Ce qu'il faut faire

              Ouvrons-leur donc des débouchés et nous verrons immédiatement leur état social s'en ressentir les chefs se feront payer des impôts en nature, puisqu'ils acquerront une valeur, ils auront un budget et ils renonceront à la guerre.

              La pénétration aura pour effet
              1° De nous permettre d'exercer une action directrice sur la politique des Etats sous notre influence et, par ce fait, d'empêcher les guerres d'extermination ;
              2° De nous créer des relations avec les indigènes sur le terrain économique ;
              3° De supprimer et d'éteindre la plaie de l'esclavage.


              L'Etat, en étendant sur ces peuples son protectorat, ne doit pas oublier qu'il s'est créé des devoirs vis-à-vis d'eux. Il doit les aider à se développer, y faire pénétrer la civilisation et, enfin, éteindre par tous les moyens ces guerres d'extermination qui désolent l'intérieur du continent noir.
              Si on n'y prend garde, dans un avenir peu éloigné, la dépopulation de l'Afrique surprendra l'Europe et ceux qui ont fondé des espérances sur ces riches pays éprouveront de grandes déceptions. Il ne faut pas oublier que la seule main-d'œuvre qui puisse s'exercer est la main-d'œuvre indigène du jour où les bras feront défaut, l'Afrique sera à tout jamais perdue.

              Ensuite, il importe que l'Etat ne laisse pas se refermer le continent derrière ses explorateurs, c'est à lui qu'il appartient de tirer profit des vastes régions découvertes par ses enfants.
              Mais l'Etat seul peut-il mener à bien un semblable programme ? Nous ne le pensons pas. L'Etat ne peut coloniser, exploiter directement, à l'aide de ses propres agents, il lui faut des auxiliaires et, sans l'initiative privée, nos colonies ne seront rien. Il n'est pas nécessaire que l'Etat s'immisce, jusque dans les moindres détails, dans l'administration des colonies naissantes.

              Point n'est besoin de revenir absolument au système des grandes Compagnies, on pourrait y apporter le tempérament nécessaire à nos nouvelles institutions.
              En conférant des droits, l'Etat peut exiger en échange des compensations, par exemple
              L'établissement de dépôts de charbons et de vivres
              La construction de warfs (Appontement formant jetée) facilitant le débarquement de son personnel et de son matériel
              La création d'écoles
              L'organisation du service postal local Des facilités d'établissement pour nos braves missionnaires.


              L'Etat doit surtout ne pas se montrer trop exigeant, l'établissement dans ces régions est souvent pénible ; à la période de début succèdent souvent des années de tâtonnements laborieux, des essais infructueux.
              Il faut donc de grands encouragements et avant tout, l'exonération des droits d'entrée pour les machines industrielles ou agricoles destinées à un premier établissement.
              La Côte d'Or française se prête admirablement au système des concessions, nous y possédons neuf cours d'eau dont chaque vallée pourrait avec la portion de côte correspondante faire l'objet d'une concession.
              Nous verrions ainsi nos nationaux créer leurs établissements principaux au Cavally, au Bériby, à la rivière San-Pédro, au Rio-Sassondra, au Fresco, au Lahori, aux Jack-Jack, avec le bassin de l'Isi, à Grand-Bassam avec le grand bassin du Comoé, à Assinie avec le bassin du Tendo et la rivière Bia.
              Chaque Compagnie gagnerait du terrain vers l'intérieur, créerait de nouvelles factoreries avec des écoles, et la civilisation pénétrerait ainsi comme un coin jusqu'au centre de la boucle du Niger.

              Parallèlement à l'action des Compagnies, marcheraient les missionnaires.
              Une fois sur le terrain des intérêts communs, on arriverait facilement à s'entendre pacifiquement avec les peuples de l'intérieur.
              Avec le commerce s'échangent les idées, notre civilisation pénétrerait lentement, mais sûrement.
              La violence et la force ne peuvent mener qu'à un désastre seul, le lent mouvement du progrès peut imposer nos idées aux indigènes.

              Travaillons avec méthode et patience et nous verrons nos efforts couronnés de succès, ne rêvons pas la transformation trop brusque de l'Afrique, employons une méthode lente mais sûre.
              Tâchons de faire profiter les noirs des connaissances que nous avons acquises, mais n'espérons pas leur faire faire en quelques années une étape que nous avons mis près de vingt siècles à franchir.
Capitaine Binger.



« La France ne peut pas trouver mieux
que les médecins algériens »

Par: Lilia Benameur 07 Févr. 2022 TSA
Envoyé par M. Ventura
Objet : bientôt 1200 nouveaux médecins algériens ! Merci Chirac !

         Une nouvelle vague de médecins s’apprêtent à quitter l’Algérie pour la France. L’information, qui a été révélée samedi 5 février, par le Dr Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), a remis au devant de la scène le débat sur l’exode des médecins algériens vers l’étranger.

        Le Professeur Mostefa Khiati, président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche, (FOREM) estime qu’aujourd’hui la France « ne peut pas trouver mieux que des médecins algériens pour composer ses besoins » et que « faute d’activité économique importante », l’Algérie ne peut pas absorber toutes ces compétences ». Entretien

        L’exode des médecins algériens vers l’étranger se poursuit. 1200 médecins s’apprêtent à quitter le pays pour s’installer en France. Comment expliquez-vous cet exode ?
        Ce n’est pas un phénomène spécifique à l’Algérie. Ce phénomène touche aussi un peu la Tunisie, le Maroc et surtout l’Egypte. Ce sont des pays exportateurs de main-d’œuvre qualifiée.

        Aujourd’hui, nous avons un système de formation assez important et qui produit beaucoup. Ce que l’on produit aujourd’hui est difficile à intégrer faute d’activité économique importante. Nous l’avons constaté et ce n’est pas valable uniquement pour la médecine. A l’ESI (Ecole nationale supérieure d’informatique), pratiquement 80% des promotions partent à l’étranger depuis dix ou quinze ans.

        Cela veut dire que nous produisons et que nous formons pour l’étranger. Il en est de même pour l’Ecole polytechnique d’Alger et même des autres écoles polytechniques du pays. Nous avons de grandes écoles qui forment pour l’étranger. Aujourd’hui, on le voit pour le côté médecine, mais cela existe dans d’autres domaines.

        Pourquoi autant de médecins algériens font le choix de l’étranger ?
        Il y a un aspect négatif, le système national de santé n’arrive pas à absorber toutes les promotions et n’a pas d’attractions pour les jeunes médecins pour de nombreuses raisons.

        Tout d’abord, le salaire qui est insuffisant pour des médecins et qui est, à titre d’exemple, inférieur à celui des médecins spécialistes tunisiens. Il n’y a pas de cadre de vie à proprement parler. Les médecins qui sont envoyés dans le cadre du service civil bénéficiaient avant d’un appartement, aujourd’hui, ils sont logés à quatre, six dans le même appartement.

        Il n’y a pas d’incitation. Il n’y a pas de cadre de vie qui favorise l’installation de ces médecins spécialistes lorsqu’ils partent s’installer à l’intérieur du pays. Ces aspects-là font que les médecins cherchent à partir ailleurs.

        1200 nouveaux médecins algériens ont réussi les tests d’équivalence en France (les épreuves EVC). Qu’est-ce que cela dit de notre système de formation ?
        L’école algérienne, quoique l’on dise, reste une bonne école puisque elle forme des gens qui trouvent une place et une possibilité d’activité à l’étrange, que ce soit au Canada, dans les pays du Golfe ou dans certains pays européens et particulièrement la France.

        Cela veut dire que c’est une école de bonne facture aujourd’hui. L’école algérienne produit beaucoup. Les 15 facultés de médecine en Algérie produisent plus de 5000 médecins généralistes par an.

        A cela s’ajoutent pratiquement 2000 médecins spécialistes qui sortent chaque année. Ce sont des chiffres importants. La question qui se pose est : avons-nous les capacités d’absorber tous ces gens-là ? Je ne pense pas.

        Le secteur privé se développe d’une manière anarchique et très lentement. Alors que le secteur public est en voie de saturation. Il y a donc un excédent. Il y a beaucoup de médecins au chômage et surtout des pharmaciens, de plus en plus au chômage et aussi, des chirurgiens médecins dentistes au chômage. Le fait qu’il y ait possibilité pour ces médecins-là de travailler à l’étranger est une bonne chose.

        Que pourraient apporter au pays les médecins algériens installés à l’étranger ?
        L’école de médecine d’Algérie forme des gens qui sont exportables et de qualité. Ces gens-là vont, certes, partir travailler à l’étranger mais vont rester en contact avec leurs familles et proches restés en Algérie.

        Ils pourront dans les prochaines années apporter certainement un plus. Ils pourront, aussi, investir chez eux dans leurs villes et leurs villages. Il ne faut pas négliger tout celSTLS a.

        Le fait que des médecins partent s’installer à l’étranger n’est pas nécessairement une perte pour le pays. Si on sait utiliser les compétences, ce n’est pas forcément une perte. Le monde est aujourd’hui un village. On peut être en contact à distance immédiatement, quotidiennement de manière permanente.

        On peut donc importer ce savoir-faire d’une manière ou d’une autre. Il suffit pour nous de nous préparer à ce nouveau monde qui sera un monde pratiquement à distance et je pense que le Covid a accéléré les choses.

        Sur les 2000 lauréats aux épreuves EVC cette année, toutes nationalités confondues, plus de la moitié sont Algériens. La France aurait-elle une préférence pour les médecins algériens ?

        La France a tout fait pour faire appel à des compétences européennes. On le sait avec l’apport des médecins polonais, roumains, bulgares etc. Mais les Français se sont aperçus que les médecins de ces nationalités étaient, peut-être, éloignés de leur culture et que cela posait problème, notamment au niveau des villages et des structures de santé françaises.

        Aujourd’hui, ils ont affaire à des Maghrébins et en particulier à des Algériens parce que ces derniers connaissent la culture française et sont beaucoup plus proches de la culture française que ne le sont certains européens. C’est une évidence. Même si les Français ne veulent pas le dire.

        Le chiffre aurait pu être plus important. Probablement beaucoup de médecins spécialistes algériens n’étaient pas au courant. Beaucoup n’ont peut-être pas rempli correctement leurs dossiers.

        S’il y a un renouvellement du concours, il y aura probablement autant d’admis. Le problème ne se pose pas à ce niveau-là. La France a des besoins importants en couverture médicale, elle ne peut pas trouver mieux que des médecins algériens, ou Maghrébins, pour composer ses besoins. Pratiquement dans tous les hôpitaux français, on retrouve aujourd’hui des médecins maghrébins. ( fin de citation)

        Chirac et son collégue Barrot ont mis la médecine française par terre et elle ne s'en relève pas pour le moment ! Il a d'ailleurs fait de même pour l'Agriculture mais les paysans français l'admirent. Quant à l'enseignement, son ministre de l'Education Nationale de mai 2002 à mars 2004, Luc Ferry s'est plaint de la "longue sieste chiraquienne".

Lilia Benameur



Leçons à l'Emmerdeur
Par M. Michel Onfray
Envoyé par Mme
EDITO.

        La déclaration s'est répandue comme une traînée de poudre dans un pays qui n'attend qu'une étincelle. Le chef de l'État emmerde donc les non vaccinés et s'en félicite. Pour Michel Onfray, le mandat macronien se termine comme il a commencé : dans la merde.
        C'est lui qui le dit et, pour une fois, je lui donne raison, je souscris, j'applaudis, je crie bravo : Emmanuel Macron est un emmerdeur. Cinq ans nous ont permis de le savoir. Pour les plus habiles, c'était visible depuis le début, mais, cette fois-ci, il prend soin de le préciser lui-même. On ne saurait trop l'en remercier ! Macron emmerdeur n'est donc pas insulte mais un constat validé par lui-même, donc une indubitable vérité.

         Pour mémoire, en octobre 2018 j'avais consacré un texte ironique, diogénien si l'on préfère, qui a beaucoup fait jaser, sur le doigt d'honneur antillais que le président de la République avait avalisé. Le Rassemblement national avait fait savoir qu'il était difficile de se rendre dans le quartier d'Orléans de l'île de Saint-Martin où le chef de l'État était tout de même allé. Une photo le montrait radieux enlaçant un jeune black luisant et musclé qui faisait en même temps un doigt d'honneur. L'Élysée aurait pu se désolidariser de ce cliché et indiquer un moment d'inattention ayant rendu possible une photo volée, mais pas du tout. Ses communicants firent savoir que ce doigt disait bien ce qu'il voulait dire et qu'il était destiné au fondement du RN qui avait stigmatisé ce quartier.

         Le chef d'État ayant donc choisi le doigt d'honneur, j'ai filé sa métaphore pour faire un texte voltairien et politique. Je ne reviens pas là-dessus.
        En revanche la fachosphère de gauche, tout à sa tâche de désinformation, a inondé le net en disant que j'étais scatologique, homophobe, grossier, vulgaire, etc. Éternelle variation sur le thème du sage qui montre la lune, si je puis encore me permettre cette image, et de l'imbécile qui regarde le doigt. Si Emmanuel Macron n'avait pas validé ce doigt d'honneur, via ses services, il n'y aurait bien sûr jamais eu ce texte avec lequel je me proposais de lui mettre le nez dans sa métaphore.

         J'entends encore parler de ce texte des années après, y compris, la chose m'a été récemment rapportée, de la part d'un qui fut mon éditeur et d'un autre mon agent, qui se scandalisent encore que j'aie pu écrire ce texte - mais ne se trouvent nullement choqués par le fait que leur président de la République ait accepté ce geste bien sûr. C'était donc moi le coupable de ce geste juste parce que je l'éclairais à la lumière ironique d'un texte !
        Ce mandat d'Emmanuel Macron se termine comme il a commencé : dans la merde… Qu'on ne recommence pas à me rendre responsable et coupable de mon examen des selles présidentielles, je suis freudien, chacun le sait, je suis donc légitime à parler de ce sujet-là avec tout le sérieux convenu. La fixation sur le stade anal n'est pas mon invention, je n'aurais jamais eu cette audace conceptuelle ni cette hauteur de vue intellectuelle…

         Dans un entretien avec Le Parisien, le successeur du général de Gaulle à la tête de la Cinquième République a en effet dit : " Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l'administration quand elle les bloque. Eh bien là, les non-vaccinés, j'ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu'au bout. " Puis il a ajouté, dans une syntaxe approximative, concernant les non vaccinés : " Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je (sic) deviens un irresponsable. Un irresponsable n'est plus un citoyen ".

         Première leçon : c'est la première fois dans l'Histoire de France qu'un homme qui préside aux destinées des Français désigne clairement à la vindicte une catégorie de citoyens en estimant qu'il va les emmerder ! C'est grossier, vulgaire, malpoli, insultant. Étymologiquement, emmerder, c'est couvrir de merde, rouler dans les excréments, barbouiller de matière fécale, couvrir de bouse : c'est ça que veut l'homme qui dispose du bouton nucléaire pour ceux qui, lassés de ses volte-face arrogantes, de ses errances en matière de gestion du covid, de son impéritie en tout, ne lui font pas confiance - peut-être même pour certains : après lui avoir fait confiance ?

         Deuxième leçon : cet homme décide de qui est citoyen, qui l'est moyennement, qui ne l'est pas, qui ne l'est plus ! Quand Hollande a émis l'idée qu'une déchéance de nationalité pourrait être envisagée pour des terroristes binationaux, que n'a-t-il entendu ? Il a dû reculer sous la pression, y compris d'une partie de ses troupes, et ce moment n'est pas pour rien dans son effondrement suivi de son incapacité à se représenter.
        Macron prononce donc un genre de déchéance de citoyenneté de ceux qui refusent de se faire vacciner ! Va-t-on entendre crier aussi fort ceux qui ne voulaient pas que des binationaux cessent d'être français après qu'ils eussent perpétré des massacres ?

         Alors ministre de l'économie de François Hollande, un certain Emmanuel Macron disait de ce projet de déchéance de nationalité : " J'ai, à titre personnel, un inconfort philosophique avec la place [que ce débat] a pris, parce que je pense qu'on ne traite pas le mal en l'expulsant de la communauté nationale ". Devenu président de la République, il estime donc que refuser le vaccin c'est beaucoup plus grave que tuer à l'arme lourde les 131 victimes du Bataclan ?

         Qui est cet homme pour insulter certains de ses compatriotes et leur dénier le droit d'être des citoyens ? Pour quel chef de l'État français se prend-t-il à sortir de la citoyenneté des individus qui, eu égard à ses errances concernant cette épidémie - pas grave, grave ; pas masque, masque ; pas confinement, confinement ; pas fermeture des frontières, fermeture des frontières ; pas de passe, passe ; pas de contamination chez les enfants, contaminations chez les enfants ; protection par la vaccination, pas de protection par la vaccination ; pas de vaccination des enfants , vaccination des enfants, etc.-, revendiquent le droit de ne pas se faire vacciner.

         Se croit-il Louis XIV ? Robespierre ? Pétain ? Emmanuel Macron tient-il à associer son nom à des lois infamantes : celles de la révocation de l'édit de Nantes du 18 octobre 1685, celles sur les suspects du 17 septembre 1793, celles de Vichy du 3 octobre 1940 ? Est-il nostalgique des Dragonnades ? Des charrettes de condamnés à la guillotine ? Des wagons pour l'Allemagne nazie ? Quels autres hommes dans l'Histoire de France ont aussi clairement séparé parmi les citoyens les bons, ceux qui pouvaient continuer à l'être, et les mauvais, ceux qui ne l'étaient plus et, de ce fait, ne pouvaient plus bénéficier de la protection de la loi, de sorte qu'ils se trouvaient en bute aux vexations, parfois mortelles, du chef qui avait décidé de leur relégation ? Les protestants avec le Roi Soleil, les chrétiens avec l'Incorruptible, les juifs avec le Maréchal - bientôt les non-vaccinés avec Macron ? Non-citoyens, puis sous-citoyens, puis non-hommes et sous-hommes, on arrive vite aux comparaisons avec les rats, la vermine, les poux… La suite est connue.

         Je suis pour la vaccination, je serais pour qu'on incite intellectuellement et raisonnablement, philosophiquement même, à la vaccination, mais je refuse qu'on fasse des non-vaccinés les boucs émissaires d'une politique maastrichtienne de la santé qui, droite et gauche confondues, et ce pendant plus de trente ans, a paupérisé l'hôpital quand ça n'est pas tiers-mondialisé l'entièreté du monde hospitalier… Rappelons que, pendant la crise du Covid, Macron a encore supprimé des lits !

         Lors d'un entretien sur LCI digne des grands moments de la télévision soviétique ou cubaine, il a répondu à une question concernant ces fameuses petites phrases méprisantes qui émaillent son quinquennat. Il convient d'avoir blessé des gens et prend l'engagement de ne pas recommencer : " je ne le referai plus ", dit-il. Une poignée de jours plus tard, c'est plus fort que lui, il ajoute à la liste.

         Il ne pourra arguer d'une caméra qui traînait, d'un propos saisi au vol par un iPhone baladeur, d'une réponse énervée à un interlocuteur agressif, d'un mot mal pesé qui a dépassé sa pensée, d'un propos tenu hors micro à un quidam, non : la chose se trouve dans Le Parisien à la faveur d'un entretien, c'est-à-dire d'un exercice très calibré où les propos tenus et retranscrits sont proposés par celui qui les a tenus afin qu'il les valide avant publication. C'est donc sciemment que les mots ont été choisis, le registre merdique et merdeux également.

         La chose est d'autant plus volontaire que son porte-parole Gabriel Attal se répand sur les ondes le lendemain avec cet élément de langage : " Qui emmerde la vie de qui ? " - sous-entendu : ce sont les non-vaccinés qui emmerdent les vaccinés. Du napalm répandu sur le feu ne saurait éteindre l'incendie. C'est donc qu'il veut l'embrasement.

         Il en va donc là d'une stratégie délibérée, comme avec le retrait du drapeau français sous l'Arc du Triomphe pour lui substituer le drapeau européiste. Cet emmerdeur, on peut désormais le dire, est une brute épaisse, un butor cynique. Il n'y a plus aucun doute : avec ce drapeau tricolore mis au rancart et ce projet d'emmerder ceux qui lui résistent, Macron est bel et bien en campagne. On connaît son programme ; voici ses méthodes.
Michel Onfray


Merci, Monsieur Poutine !
Par M. Pierre Lefevre
GUERRE OTAN CONTRE RUSSIE

       Le Président Donald J. Trump l'avait affirmé. Avec lui, le Nouvel Ordre Mondial, c'était terminé !
       Avec lui, ce serait le retour des nations libres et indépendantes et la fin des organisations supranationales corrompues jusqu'à l'os.
       Avec lui, les États-Unis ont quitté le Conseil de l'ONU des droits de l'Homme, organisme dirigé par les plus sanguinaires des politiciens qui bafouent en permanence chez eux les droits des êtres humains.
       Avec lui, les États-Unis ont quitté l'OMS, la succursale commerciale de Bill Gates, de Pfizer et du Parti communiste chinois et à la tête de laquelle ils ont placé le terroriste génocidaire éthiopien, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
       Pour se débarrasser du Président Donald J. Trump, les milliardaires mondialistes ont avancé leur diabolique plan de la création d'une fausse pandémie afin d'injecter le maximum d'individus sur Terre avec leurs " va x ins " tueurs à l'ARNm.
       Vont-ils avoir la peau du Président Vladimir Poutine ?

       Les milliardaires mondialistes et leurs laquais psychopathes de Davos qui gouvernent les pays occidentaux ont réussi à chasser le Président Donald J. Trump de la Maison-Blanche, comment vont-ils s'y prendre pour avoir celle du Président Vladimir Poutine ? Vont-ils réussir à avoir sa peau ?
       On en doute fortement à Libre Consentement Éclairé, et en ce qui nous concerne, nous n'avons qu'une chose à dire : Merci, Monsieur le Président Vladimir Poutine.
       Merci de montrer aux milliardaires mondialistes et à leurs laquais qui dirigent les gouvernements qui veulent réduire à l'esclavage de leurs phantasmes les peuples occidentaux ; qu'il y a des limites à l'Est, des frontières que leur idéologie hitlérienne et communiste ne passera pas.
       Les milliardaires mondialistes ont réussi à chasser le Président Donald J. Trump de la Maison-Blanche, vont-ils avoir la peau du Président Vladimir Poutine ? On en doute fortement à Libre Consentement Éclairé.

       Il faut dénazifier l'Ukraine !
       En déclarant qu'il allait dénazifier l'Ukraine, le Président Vladimir Poutine a placé le débat au cœur du problème, et c'est pour cela que nous le remercions.
       Que des dirigeants ukrainiens et que la majorité des fonctionnaires ukrainiens aient pris fait et cause pour le nazisme, cela paraît incontestable et cela a commencé en 1930.
       Pour ceux que cela intéresse, il suffit de se reporter aux relations entre Richard Yari et Ernst Röhm qui fondèrent ensemble le " Détachement d'assaut nazi " ou encore aux massacres commis par le bataillon " Nachtigal " à Lviv entre le 1er et le 6 juillet 1941 ou encore au pogrom contre les juifs et le massacre des professeurs de Lwow.
       Pour la petite histoire, il a été retrouvé des lettres de soldats allemands (Gestapo) stationnés en Ukraine et qui se plaignaient de l'extrême cruauté des membres de la division SS ukrainienne " Galicie " (il s'agissait de la 14e division de grenadiers SS Galicie.)

       Il faut dénazifier l'Ukraine ! Oui, tout à fait d'accord, mais pourquoi s'arrêter à l'Ukraine ?
       À la libération de la France, le général de Gaulle transforma les collaborateurs avec Hitler en " résistants " qui auraient libéré la France, et il s'allia avec les communistes qui étaient les alliés d'Hitler jusqu'en 1941 et la rupture du pacte germano-soviétique.
       Le message de De Gaulle aux collabos était simple : ce que vous avez fait pour Pétain et Hitler, vous allez le faire pour moi, et tout ira bien pour vous, nous dirons que vous étiez des résistants et que vous avez libéré la France.
       De Gaulle ira jusqu'à s'entourer de bon nombre de partisans d'Hitler ayant occupé des fonctions importantes sous Vichy, comme le haut fonctionnaire Maurice Couve de Murville (qui avait la responsabilité de valider les mouvements financiers entre Vichy et Berlin et celle de " diminuer l'influence juive dans l'économie française ") qui tourna sa veste dès qu'il comprit que les nazis allaient perdre (comme Mitterrand qui fut décoré de la Francisque par Pétain lui-même).

       Le juriste d'Hitler, premier président de la Commission européenne
       Hitler avait confié à Walter Hallstein (1901-1982) la rédaction de la " Constitution de l'Europe " hitlérienne.
       Walter Hallstein était un brillant juriste qui a été nommé professeur de droit en 1931 par le parti nazi (il avait 29 ans) et Doyen de l'Université de Rostock en 1936, il avait 31 ans.
       Fait prisonnier par les Américains à Cherbourg le 26 juin 1944, il est récupéré et formé par l'" Office of Strategic Services " (l'ancêtre de la CIA).
       Il sera leur principal agent en Europe dont les pays ravagés par la guerre doivent tout reconstruire et former un barrage au communisme afin de garantir la suprématie des États-Unis sur le vieux continent.
       C'est ainsi que le juriste d'Hitler, fort de son expertise acquise au service des nazis, sera chargé de rédiger les statuts fondateurs de ce qui deviendra l'Union européenne.
       Et c'est pourquoi nous sommes soumis à une organisation criminelle, l'Union européenne, qui a été juridiquement pensée par le juriste préféré d'Hitler.

       Hitlériens, parfaitement !
       Oui, la loi qui instaure le Nazipass " va xi nal " est de la même nature que les lois antijuives votées par les politiciens professionnels français à partir de 1940 et appliquées avec zèle et détermination par les fonctionnaires de l'époque.
       Oui, il s'agit d'une loi hitlérienne votée par des néo-nazis.
       Il nous faut donc dénazifier l'État français et quitter l'Union européenne, car il est totalement illusoire d'imaginer récupérer nos droits d'êtres humains et nos libertés fondamentales en conservant les structures politiques et administratives qui ont permis de nous les supprimer.
       Le contrôle total de nos comptes bancaires personnels et de nos revenus, comme l'a fait le nazi Justin Trudeau avec les camionneurs qui défendent leurs droits de vivre en hommes libres, libres de travailler, libres de refuser les injections des " va x ins " tueurs de Pfizer & co, est la prochaine étape des hitlériens qui nous dirigent.

       L'idéologie hitlérienne coule dans le sang des politiciens professionnels français qui ont cautionné les mesures liberticides prises pour lutter contre la fausse pandémie au " C19 ".
       L'idéologie hitlérienne imbibe les neurones des politiciens professionnels français qui ont voté ou cautionné le Nazipass " va xi nal ", comme elle imbibe ceux qui sont favorables aux " va xi nations " obligatoires.
       L'idéologie hitlérienne motive les fonctionnaires éborgneurs qui protègent les cliques corrompues de politiciens et de fonctionnaires en tout genre qui veulent nous transformer en esclaves des milliardaires mondialistes et des psychopathes de Davos, dont ils sont les laquais.

       Si nous n'arrivons pas :
       - à dénazifier notre pays en changeant totalement de Constitution et de classe politique (en nous débarrassant des politiciens et fonctionnaires qui contrôlent les structures administratives et politiques, y compris dans l'opposition parlementaire) ;
       - à quitter l'OMS et son programme de " va xi nations " perpétuelles ;
       - à quitter l'organisation mafieuse et hitlérienne qu'est l'Union européenne ;
       - à reprendre le contrôle de notre monnaie ;
       alors ils passeront tranquillement aux étapes suivantes :
       - injections obligatoires et perpétuelles de " va x ins " tueurs à l'ARNm ;
       - euro numérique ;
       c'est-à-dire :
       § qu'ils prendront le contrôle total de nos corps, dont ils considéreront qu'ils sont leurs " choses ", les jouets de leurs phantasmes ;
       § qu'ils prendront le contrôle absolu de nos existences sociales ;
       § qu'ils décideront de notre droit à travailler et à être rémunéré pour cela ;
       § qu'ils décideront de ce que pourrons acheter ou non.

       L'euro numérique : l'ultime mesure
       L'euro numérique sera l'ultime mesure qui signera la victoire totale de l'idéologie nazie et le début du contrôle absolu des existences individuelles, par la clique des milliardaires mondialistes hitlériens et de leurs loufiats psychopathes de Davos qui sont aux commandes des gouvernements occidentaux.
       Hitler disait que l'individu n'était rien, que seul le " peuple " comptait.
       Pour le Parti communiste chinois, l'individu n'est rien, seul le Parti communiste chinois compte.
       Pour les milliardaires mondialistes et leurs laquais, l'individu n'est rien, et rien ne compte à part eux-mêmes.

       Staline disait, paraît-il, " ce ne sont pas les bulletins de vote qui sont importants, ce sont ceux qui les comptent ".
       La pourriture étatique française aux ordres des milliardaires mondialistes fait mieux, avec elle, qu'importent les bulletins de vote, seuls comptent les candidats qui peuvent se présenter à une élection.
       L'important est qu'ils ne remettent pas en cause les projets des milliardaires mondialistes qui tiennent les rênes, et leurs laquais, qu'ils soient à la Commission européenne à Bruxelles, à Ottawa au Canada, à Washington aux États-Unis, à Davos et à Berne en Suisse, à Rome en Italie, à Vienne en Autriche ou à Paris en France.
       Le Président Vladimir Poutine va dénazifier l'Ukraine, merci à lui.
       À nous de dénazifier la France, il y a urgence.
Pierre Lefèvre       
26 février 2022       


Lettre d'information - Février 2022
www.asafrance.fr
Envoi de l'ASAF 14 février 2022
NUCLEAIRE : L’énergie nucléaire, une industrie hautement stratégique pour la France


       "Dans quelle autre démocratie un tel aveu d’erreurs successives pourrait-il avoir lieu sans que l’on interroge les responsabilités ?"

       Olivier Marleix (député d’Eure-et-Loir et vice-Président des Républicains) a présidé la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la vente d'Alstom à General Electric en 2015. Il explique dans une tribune qu'Emmanuel Macron « réalise en urgence une opération de communication » en se rendant à Belfort pour acter le rachat des turbines Arabelle, dont il avait avalisé la vente à General Electric en tant que ministre de l'Économie.

       En 2016, un ministre répondant au nom d'Emmanuel Macron autorisait par sa signature la vente de la branche énergie d’Alstom à l’américain General Electric (GE). « On n’est pas au Venezuela » moquait-il auprès de ceux qui contestaient le laisser-faire ; la souveraineté industrielle était un concept encore inconnu en Macronie, et, de toute façon, le nucléaire était une énergie du passé. Emmanuel Macron souscrivait à son extinction. Le Tout-Paris de la finance applaudissait cette opération à 12,3 milliards dont on découvrira plus tard qu’elle avait généré environ 500 millions d’euros d’honoraires ; de quoi susciter bien des enthousiasmes.

       Pourtant, cette vente avait une dimension tragique. Elle signait le démantèlement d’un des derniers conglomérats industriels français, dans des secteurs aussi essentiels pour la croissance verte que le nucléaire, les barrages hydroélectriques, et le ferroviaire. Désormais la France n’était plus capable d’entretenir elle-même ses réacteurs nucléaires, désormais la France ne pouvait plus vendre de centrales 100 % françaises, désormais il nous faudrait l’autorisation des Américains pour équiper un second porte-avions d’une turbine Alstom…

       « Emmanuel Macron reconnaît que cette vente était une faute. »
       Là où certains milieux d’affaires avaient été euphoriques, la totalité des groupes politiques de l’Assemblée nationale (à l’exception de LREM) étaient suffisamment ébranlés pour consacrer à cette vente la première Commission d’enquête du quinquennat. J’ai eu l’honneur de la présider et n’avais pu, en conclusion de ses travaux, que dénoncer l’incroyable légèreté de l’État dans ce dossier, faisant si peu de cas de nos intérêts nationaux, stratégiques, industriels et humains.

       Cinq ans après, en demandant à EDF de racheter une partie de ces activités, le Président Emmanuel Macron reconnaît que cette vente était une faute. Sa faute. Et tente de la réparer avant la Présidentielle. Une fois n’est pas coutume, une commission d’enquête de l’Assemblée nationale aura servi à quelque chose.

       Il n’en reste pas moins que cette affaire aura été un naufrage : naufrage industriel avec le choix d’un acquéreur surendetté (115 milliards d’euros de dette !), incapable de tenir ses promesses et aujourd’hui acculé à céder ses actifs dans de nombreux secteurs pour rester à la surface. Entre-temps de nombreuses activités ont été délocalisées. Les syndicats ont même dû mettre le ministre de l’Économie en demeure de faire respecter par GE ses engagements. Entre-temps, plus de 4 000 salariés ex-Alstom auront été licenciés dont 1 200 à Belfort.

       Le périmètre du rachat annoncé n’est évidemment plus le même : les activités hydroélectriques, première énergie renouvelable en France (turbines pour nos barrages) resteront américaines comme tout le « renouvelable ». Au sein même des activités nucléaires regroupées dans l’entité GEAST, le périmètre aura donné lieu à d’âpres discussions : les turbines Arabelle reviendront bien dans le giron Français, ainsi que les activités de maintenance en France et pour les nouveaux projets, mais l’ingénierie (activités d’intégration, commandes systèmes…) sera l’objet d’un savant partage. Et quid des brevets et des licences d’exploitation ? Le prix du rachat pose aussi question. L’Élysée fait répéter que l’on ferait le coup du siècle en rachetant pour une bouchée de pain ce que l’on avait réussi à fourguer très cher à General Electric il y a 5 ans. La vérité est toute autre : valorisée 588 millions d’euros en 2016, GEAST serait rachetée en apparence 270 millions mais en laissant GE repartir avec 900 millions de trésorerie constituée d’avances client qu’EDF devra bien reconstituer.

       « Monsieur Macron réalise en urgence une opération de communication. »
       Comment ne pas s’étonner que dans sa précipitation électoraliste le Président de la République n’hésite pas à annoncer un rachat qui n’est pas encore totalement finalisé au risque évident de faire monter les enchères ?

       Le choix d’EDF lui-même pour conduire ce rachat est un pis-aller. En intégrant les activités nucléaires d’Alstom/GE à leur client EDF, on risque de lui fermer d’autres marchés. La question de la relation avec le Russe Rosatom – aujourd’hui présent dans une joint-venture – qui assure à lui seul la moitié des commandes nouvelles de turbines Arabelle est cruciale pour l’avenir. Pas certain qu’il apprécie de devoir se fournir désormais chez un concurrent ! Une solution indépendante – associant EDF, Framatome et Orano – et véritablement industrielle aurait été nettement préférable. Plusieurs projets étaient sur la table, l’un à l’initiative de Frédéric Pierucci, ancien cadre d’Alstom, mais l’Élysée avait imaginé lier cette opération au projet « Hercule » en espérant que cet écran de vapeur masquerait le démantèlement d’EDF. Monsieur Macron réalise en urgence une opération de communication, il faudra après 2022, reconstruire un vrai projet industriel.

       Au-delà de cette vente Alstom-GE, c’est le revirement d’Emmanuel Macron sur le nucléaire qui laisse pantois. Non, Monsieur Macron, le choix de tourner le dos au nucléaire n’a pas été un choix international ! Ni la Chine, ni la Russie, ni les États-Unis n’ont fait ce choix ! C’était un choix Français, singulièrement le vôtre depuis 5 ans !

       Après avoir décidé la fermeture de Fessenheim, après avoir annoncé en novembre 2018 la fermeture de 14 réacteurs nucléaires, après avoir renoncé au projet Astrid, bref, après avoir condamné la France à 10 ans de retard dans le secteur nucléaire, le Président Macron, à moins de 60 jours de l’élection présidentielle, s’improvise un rôle de défenseur du nucléaire.

       « Les annonces de ce jour sont avant tout une gigantesque opération de communication dont les lendemains sont loin d’être assurés. »
       À ces dix ans de retard, répondraient 15 années de cavalcade ! La France qui n’a pas été capable de mettre en service l’EPR de Flamanville et qui a connu les déboires que l’on sait à Hinkley Point, à Taïshan ou en Finlande, serait soudain capable de construire 6 EPR nouvelle génération d’ici 2035, c’est-à-dire dans 13 ans ? Qui peut y croire ? Les seuls sites d’implantation possibles étant les sites de nos centrales actuelles, ne faudra-t-il pas d’abord démolir pour reconstruire ? Tout cela est malheureusement invraisemblable dans un tel calendrier.

       Et quelles sont les capacités financières des acteurs pour porter ces projets ? EDF supporte déjà un endettement colossal (plus de 40 milliards d'euros) et doit faire face au grand carénage évalué à 100 milliards pour prolonger la durée de vie de nos centrales. Ce n’est pas en commençant par lui ponctionner 8 milliards pour subventionner ses concurrents que l’on va y parvenir ! Bref, les annonces de ce jour sont avant tout une gigantesque opération de communication dont les lendemains sont loin d’être assurés.

       Dans quelle autre démocratie un tel aveu d’erreurs successives pourrait-il avoir lieu sans que l’on interroge les responsabilités ? Comment des activités aussi stratégiques ont-elles pu subir à ce point les errements du politique ? Comment croire celui qui s’est à ce point tromper ?

       Macron à Belfort aujourd’hui, c’est un peu Judas célébrant la messe de Pâques.
Olivier MARLEIX
Source : Marianne.net
Date : 10/02/2022

       Eléments apportés par l’ASAF

       Le rachat annoncé des turbines Arabelle, par EDF permet à la France de retrouver un élément important de son autonomie stratégique qui avait été abandonné il y a quelques années.
       Il était indispensable et urgent que le président de la République répare la grave faute commise par la vente de cette pépite industrielle qui fabrique un élément essentiel de notre filière nucléaire civile mais aussi de notre dissuasion nucléaire (SNLE) et conventionnelle (SNA et Porte-avions)



LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

    
CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 

NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers


Annaba

Envoyé par Benjamin
http://www.lestrepublicain.com/index.php/annaba/ item/9033776-des-marins-pecheurs-tirent-la-sonnette-d-alarme


Est Républicain / 22 Fév 2022

Des marins pêcheurs tirent la sonnette d’alarme

         Des marins pêcheurs en activité, ont tenu à dénoncer le comportement de certains intervenants, qui continuent de braver l’interdit, en opérant durant cette période de fécondation, dans des zones protégées à l’image du golf d’Annaba et de la zone de Vivier.

         Les plaignants qui se sont rapprochés de la rédaction du journal précisent les agressions liées aux activités humaines, dont les conséquences sur les milieux naturels se sont soldées par la disparition d’espèces ou la diminution alarmante de leurs effectifs, tout en criant du fond des tripes, à qui veulent les entendre, que ces excès doivent cesser par la force de la loi.
         Le littoral Annabi, long de 80 kms allant de la zone de Boukhemira de Sidi-Salem à Sidi-Akacha, à l’Ouest de Chetaibi, en passant par Ain-Barbar et Vivier, suscite, aujourd’hui plus que jamais, les inquiétudes, estiment nos interlocuteurs. Comble de l’ironie, en cette période (février-mars- avril) où la pêche est formellement interdite dans certaines zones dites de « reproduction », des marins pêcheurs participent pleinement et sans cesse au massacre des richesses halieutiques.

         De l’avis de tout le monde, cette situation est due aux agissements criminels de certains patrons pêcheurs, qui opèrent tout près des côtes avec des méthodes interdites même dans les pays les plus reculés de la planète. Les petits métiers et les chalutiers ont une grande responsabilité dans cette situation.
         Appelés à larguer leurs filets à plus de 500 mètres du rivage, les propriétaires de ces embarcations activent souvent au vu et au su des autorités concernées, à moins de 10 mètres seulement du rivage. Faut-il rappeler que ce littoral fait déjà l’objet, et ce, depuis des années déjà, d’une surexploitation sauvage et anarchique où les multiples récifs de corail dont il dispose sont la cible de filières internationales de pirates.

         Pourtant, les investissements injectés par l’État pour le développement de la pêche, depuis le plan de relance économique sont de nature à permettre de réunir toutes les conditions pour un développement durable des ressources halieutiques, entre autres, le développement des pêches maritimes et de l’aquaculture, l’augmentation de la production, le renouvellement et modernisation de la flottille de pêche, la création d’emplois permanents, l’apport en investissements privés national et étranger.
          


Terres agricoles

Envoyé par Léa
http://www.lestrepublicain.com/index.php/annaba/item/ 9033042-des-autorisations-d-exploitation-accordees-a-berrahal

elwatan.com - Par B.Salah-Eddine 16 Jan 2022

Des autorisations d’exploitation accordées à Berrahal

          Apparemment, la directive du Premier ministère instruisant les responsables locaux de l’impérative nécessité de préserver les terres agricoles et les domaines forestiers ne semble pas concerner les terres agricoles de la wilaya d’Annaba. En effet, selon des sources dignes de foi, des facilités ont été accordées au profit des personnalités ayant roue libre sur rue, dans la commune de Berrahal, pour le lancement de leurs activités sur des terres agricoles. Bénéficiant de fortes capacités d’irrigation, ces terres sont classées, puisqu’elles présentent des potentialités agricoles élevées.

          Pire, les installations qui devaient être mis en service sur ces terres ne possèdent, ni les permis, encore moins les conformités, requises par l’administration. «Il s’agit de l’octroi d’autorisations d’exploitation pour des projets, qualifiés de polluants et dont les activités n’ont aucun lien avec l’agriculture. Même le périmètre du Lac Fetzara, pourtant protégé, car classé zone « RAMSAR », a été violé, à l’occasion » dénoncent nos sources.

          La classification, en 2006, de ce site naturel est intervenue, à l’issue des visites sur ce site, effectuées il y a quelques années par des experts en la matière et qui ont jugé cette étendue d’eau naturelle « d'excellent site d'accueil, en période hivernale, d'une avifaune nicheuse composée souvent d'espèces rares et protégés ». Ce plan d’eau, est une zone de transhumance et de refuge d’oiseaux migrateurs. Selon une récente étude, plus de 100.000 oiseaux voyageurs, dont 65.000 de différentes espèces, avaient été recensés sur les lieux durant la période de niche.

          Le comble, il s’agit des terrains qui devaient donc être exclues de tout déclassement au profit des investisseurs, et ce, pour quelque projet que ce soit. Faut-il rappeler que la commission de l’agriculture de l’APC d’oued-El-Aneb avait, il y a quelques mois seulement, rejeté dans le fond et dans la forme des demandes de déclassement de ces terrains, au profit de plusieurs particuliers, estimant que « ce genre de projets ne devraient pas être implantés dans ces zones à hauts rendements agricoles et ne faire même pas l’objet d’une enquête ».

          Complicité aidant, les dépassements à la réglementation régissant les terres agricoles sont constatés non seulement à Berrahal, mais aussi à travers pratiquement toutes les communes de la wilaya d’Annaba. Mieux encore, des opérateurs économiques ont tenu à dénoncer la politique de deux poids deux mesures en matière d’octroi de permis de construire. Alors comment peut-on accorder des autorisations d’exploitation à certains sans permis de construire, ni conformité, d’une part et de l’autre procéder à la démolition de bâtisses dotées déjà de permis et dont des permis modificatifs sont déposés ?Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour dénoncer et attirer l’attention des plus hautes autorités du pays, pour qu’ils mettent un terme à une situation aux conséquences désastreuses, qui menace des terres des plus fertiles de la wilaya d’Annaba.
B.Salah-Eddine                  

          

          


Annaba

Envoyé par Patrice
http://www.lestrepublicain.com/index.php/annaba/item/ 9033822-decouverte-de-7-quintaux-de-dechets-hospitaliers-a-sidi-amar


 Est Républicain - Par :

Découverte de 7 quintaux de déchets hospitaliers à Sidi-Amar

           Suite à une investigation en profondeur, la brigade de la gendarmerie nationale de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, a pu mettre fin aux agissements criminels d’une unité spécialisée dans l’Incinération des déchets hospitaliers, implantée à la cité Derradji Rejem, et une clinique privée, en activité à Annaba.
           Dans un communiqué émanant de la cellule de communication du groupement de la gendarmerie de la wilaya, cinq (5) individus, qualifié de « bio-délinquants », poursuivis pour plusieurs délits ayant une relation avec la pollution visuelle, olfactive et surtout dangereuse pour la santé publique, ont été interpellés.
           Cette affaire des déchets nuisibles qui n’ont pas été traités de manière adéquate, constituant un risque imminent sur la santé publique, remonte à la fin de la semaine.
           Agissant sur la base de renseignements fiables, les enquêteurs de ladite brigade ont découverts une importante quantité de déchets hospitaliers ainsi que de différents médicaments périmés, destinés pour adultes et pour enfants, estimée à sept quintaux, abandonnée à la cité Derradji Rejem, relevant de la commune de Sidi-Amar, dans la daïra d’El-Hadjar.
           Les éléments de l’enquête révèlent que les déchets médicaux qui avaient été abandonnés sur les lieux, appartenaient à une clinique privée.
           Celle-ci, avait conclu un contrat avec une installation d’incinération des déchets hospitaliers, en activité dans cette même localité. Le comble, précise la même source, que cette unité de combustion est implantée sur des terres agricoles et exerce dans l’opacité la plus totale, depuis 2019.
                     


Abdelaziz Rahabi : « Le Hirak, une révolution confisquée ? »

Envoyé par Vivien
https://www.tsa-algerie.com/abdelaziz-rahabi-le-hirak-une-revolution-confisquee/

Par TSA - Par: Ali Idir 23 Févr. 2022

L’Algérie a commémoré mardi 22 février le troisième anniversaire du Hirak qui a mis fin au règne du président Abdelaziz Bouteflika.

           L’occasion pour de nombreux acteurs politiques de revenir sur cette révolte des Algériens qui a émerveillé le monde entier par son pacifisme.

           Figure de l’opposition politique, Abdelaziz Rahabi est revenu ce mercredi 23 février sur cet évènement qui a marqué l’histoire de l’Algérie indépendante.
           « Le Hirak est la plus grande promesse démocratique depuis l’indépendance de l’Algérie car elle n’est ni le produit du hasard ni de celui d’un quelconque laboratoire mais l’aboutissement d’un processus historique d’un pays qui a avancé par des ruptures violentes depuis le coup de force contre le gouvernement provisoire de la république algérienne ( GPRA) en 1962 », a déclaré l’ancien ministre et diplomate dans une déclaration à TSA.

           Poursuivant, Abdelaziz Rahabi rappelle que les différentes crises politiques et sécuritaires qui ont suivi ont « paradoxalement conduit à une sorte de diabolisation, par les dirigeants, de la démocratie admise partout ailleurs comme un mode de bonne gouvernance » et au « rejet du changement reconnu pourtant comme un des moteurs de l’histoire et une dynamique naturelle dans? la vie? des nations. »

           Pour lui, le règne « des Bouteflika » marqué par un « sultanisme populaire, archaïque et corrompu » n’est qu’une étape dans ce « complexe processus » et a servi de « facteur d’accélération » dans l’avènement du Hirak du 22 février 2019 .
           Abdelaziz Rahabi ajoute qu’à l’évidence, les principales promesses du Hirak « n’ont pas été tenues » et cela pose la question de la responsabilité de chacun dans la « confiscation » de cette révolution culturelle et « l’immense frustration » ressentie par les Algériennes et les Algériens.
           « Si la responsabilité de cette situation est partagée par quelques acteurs, ses conséquences sont collectives et affecteront toute une génération qui refuse de subir l’autoritarisme qui a affecté ses ainés », regrette le diplomate et ex-ministre qui a participé avec l’opposition au processus de Mazafran.

           « L’Algérie a raté un rendez-vous avec l’histoire »
           Abdelaziz Rahabi pointe la responsabilité de l’ex-chef d’état-major de l’ANP, le défunt Ahmed Gaïd Salah. « Ainsi, au sein de l’Etat, cette responsabilité réside essentiellement dans l’intransigeante rigidité du chef d’état-major de l’armée et sponsor exclusif des 4e et 5e mandat, Ahmed Gaïd Salah, et son incapacité à comprendre que le Hirak était d’essence patriotique, dont les revendications ne visaient pas à affaiblir les institutions de la république mais au contraire à les mettre sous l’autorité de la loi, seule de nature à les protéger et assurer leur pérennité », développe-t-il.
           Abdelaziz Rahabi critique la « déplorable justice médiatique » contre la corruption qui a touché à « la dignité » et au « respect » qui « définissent notre pays ». Pour lui, cette « justice médiatique » était destinée à servir de « sédatif » au Hirak et « absorber » la colère du peuple qui « n’a jamais eu le contrôle des richesses publiques. »

           « Cette opération n’a rien changé au fond du problème car le pouvoir absolu produit la corruption absolue sous tous les cieux. Les libertés fondamentales subissent toujours les mêmes restrictions et seule la pandémie aura servi de période de grâce à une réalité politique faussement apaisée », assène Abdelaziz Rahabi.

           Tout en accablant le pouvoir, Rahabi ne ménage pas une partie des acteurs du Hirak dans la responsabilité de cette révolution inaboutie.
           « Au sein du Hirak, qui, en se prolongeant, a installé les motifs de sa vulnérabilité et ouvert ses rangs aux manipulations de la nébuleuse mondialisée des réseaux sociaux, la responsabilité est portée par des groupes et organisations d’une radicalité d’un autre âge et dont l’objectif était?entièrement orienté vers l’ébranlement de l’Etat et l’affaiblissement du lien entre le peuple et son armée », analyse-t-il . « Cela continue d’ailleurs aujourd’hui sous d’autres formes mais avec les mêmes desseins », met-il en garde.

           Pour Abdelaziz Rahabi, les Algériens qui avaient fait preuve de « patience », de « maturité » et de « sens de la responsabilité » dans l’organisation de manifestations massives et pacifiques sur une « aussi longue durée » ont « rompu » avec l’image que le monde se faisait d’eux et de leur pays.
           « Leurs marches qui sont uniques dans l’histoire moderne de l’humanité ne s’identifient pas à une polarisation forcée qui avait fini par pervertir les véritables enjeux du Hirak et réduire la portée des initiatives politiques et sociales destinées à favoriser le dialogue et le consensus national pour sortir le pays de la crise », ajoute-t-il.

           Avant de s’interroger : « Faut-il se féliciter aujourd’hui que le Hirak à défaut de faire entrer le pays dans la modernité politique a réussi à préserver son unité et sa stabilité » A cette question, Abdelaziz Rahabi tente une réponse : « Peut-être, mais l’Algérie a raté, une fois de plus, un rendez-vous avec l’histoire à cause de la vanité de certains de ses enfants qui ont cru que leur destin était plus important que celui de l’Algérie ».
Ali Idir                    


Quand les étrangers font la promotion du tourisme en Algérie

Envoyé par Aubin
https://www.tsa-algerie.com/quand-les-etrangers -font-la-promotion-du-tourisme-en-algerie/

  - Par TSA - Par Y. D. 24 Févr. 2022

La promotion du tourisme en Algérie ne peut être réduite à de simples slogans.

           Cette économie, qui fait le bonheur et la richesse de nombreux pays, est malheureusement sous exploitée en Algérie.

           On en vient presque à s’étonner que des étrangers fassent mieux que les Algériens dans la promotion de la destination Algérie.

           Pourtant, l’Algérie ne laisse pas indifférente toute personne qui a eu l’occasion de la visiter.
           « Impossible d’être en Algérie sans visiter les lieux magnifiques dont regorge ce pays. Mon épouse et moi avons adoré partir récemment à la découverte de Cherchell et de son port mythique. Quels autres endroits à découvrir me recommanderiez-vous ? ». C’est le message posté par Thomas Eckert, ambassadeur de l’Union européenne en Algérie le 21 février dernier sur son compte Twitter officiel.

           La réponse pourrait lui venir des employés de l’ambassade de Grande Bretagne en Algérie qui ont récemment séjourné à Djanet, à l’extrême sud du pays. Sur le compte officiel de l’ambassade on peut lire ce message posté le 23 février dernier : « Des vues incroyables du désert algérien. Une occasion extraordinaire pour explorer la riche et belle biodiversité de l’Algérie ».

           Ou encore du globe-trotter qatari au plus de 12 000 abonnés sur Twitter, Khalid Al jaber, qui a sillonné l’Algérie du nord au sud, faisant à chacune de ses escales la promotion des différentes régions.

           « Luxembourg de l’Afrique »
           De passage ce mois de février à Médéa, il l’a surnommée le « Luxembourg de l’Afrique », regrettant presque que sa visite soit furtive. Il a partagé une vidéo sur un fond musical chaâbi.

           En janvier dernier, Khalid Al jaber était dans la wilaya d’El Bayadh où il a pu découvrir une gravure rupestre vieille de 6 000 ans et qui représente un scorpion dont la sculpture à même la roche mesure 9 mètres de long et 2 mètres de largeur.

           Cet amateur de motos a sillonné toutes les villes côtières algériennes. Un périple qu’il a clôturé avec une visite courte mais riche en émotion de la ville de Mostaganem où il a notamment visité le mausolée du poète Sidi Lakhdar Benkhlouf.
           En tout, l’aventurier qatari aura visité 43 wilayas parmi lesquelles figure aussi la ville de Béjaia. Il a été tellement subjugué par la beauté de cette ville à l’histoire millénaire qu’il a eu ces mots en tamazight écrit en caractères arabes : ??? ???? ??? ?????? ???? ?? ?????, ce qui traduit veut dire : « Si j’avais su, je serais resté encore plus longtemps. »

           Le périple l’a mené jusqu’aux fins fond du Sahara algérien. A Taghit l’enchanteresse, Khalid Al jaber a participé à une campagne de nettoyage de ce site touristique où durant les festivités du Nouvel an, des touristes inconscients ont laissé des déchets.

           Les médias étrangers font un travail remarquable pour promouvoir la destination algérienne à travers des reportages écrits accompagnés de photos d’illustration.
           « Ravie de participer à la Une du nouveau GEO consacrée à un superbe pays, l’Algérie, avec un reportage sur les Touaregs du Tassili n’Ajjer, la perle du Sahara algérien ! », a écrit la journaliste Nora Schweitzer à l’occasion de la sortie en 2019 d’un numéro spécial dans le Magazine GEO, consacré au tourisme en Algérie : « la splendeur du Sahara se dévoile à nouveau », peut-on lire en une.

           Ces étrangers se révèlent d’excellents ambassadeurs de la destination Algérie, ne manquant pas de vanter ses multiples charmes, la diversité de ses paysages.

           Mais la beauté des paysages et les louanges des diplomates occidentaux et autres étrangers qui visitent l’Algérie ne suffisent pas pour faire décoller un secteur créateur d’emplois et de richesses. Le gouvernement doit prendre de véritables mesures pour faciliter l’octroi des visas aux touristes, augmenter le nombre de vols, et faciliter l’investissement dans les infrastructures touristiques.
           Dans un contexte de crise économique marqué par le recul des recettes en devises du pays, l’Algérie continue de cacher ses richesses touristiques, faute d’une vision économique claire et d’une politique touristique ambitieuse.
Y. D. 24 Févr. 2022                    

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De M. Pierre Jarrige

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Mémé est réaliste
Envoyé par Eliane

    Lucile fête ses 98 ans. Sa famille a réservé tout un restaurant et la fête bat son plein lorsque l'un de ses petits-enfants, Hervé (50 ans) lui demande :
   - Grand-mère, excuse-moi d'aborder le sujet, mais au vu de ton grand âge, il serait peut-être temps de formuler des souhaits quant à tes obsèques.

   Les discussions s'arrêtent et tout le monde est suspendu aux lèvres de Lucile :
   - Je veux être incinérée...

   Ouf ! Lucile a bien pris la question et y a répondu avec intelligence, puis ajoute :
   - Je souhaite aussi que mes cendres soient dispersées sur le parking du Leclerc.

   Émoi général !

   - Mais mamie, pourquoi le parking de l'hypermarché. Tu ne souhaites pas qu'on conserve tes cendres au funérarium ?

   - Non ! Je préfère le parking du Leclerc car au moins je suis sûre que vous viendrez me voir deux fois par semaine.


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