N° 114
Février

http://piednoir.net
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Février 2012
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
http://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Ecusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO

Albert CAMUS
commémoré à Mondovi 

Chers Amis,

         A l’approche d’élections importantes en Algérie et en France, les États veulent s’approprier le Nom d’Albert Camus, alors que jusqu’à présent cela représentait un baril de poudre de chaque coté de la Méditerranée.
         La France par la volonté de son président voulant le faire entrer au Panthéon et l’Algérie vient d’apposer une plaque commémorative à Mondovi avec l’accord de son président.
         Chaque camp, de cette put… de guerre civile d’Algérie, a dans ses rangs des partisans ou des adversaires d’Albert Camus. Oui la haine se perpétue, mais tôt ou tard la paix reviendra quand les consciences s’apaiseront et que l’œuvre de cet Homme sera comprise.

         N’ayant pas lu toute l’œuvre de Camus, certainement, se serais-je pas à la hauteur pour juger littérairement celle-ci. Au travers de ma collection de 300 « citations » que j’ai pu relever par-ci et par-là, je pense sincèrement que cet homme est avant tout un réaliste, un humaniste, un vrai, pas un de ces humanistes modernes de pacotille à la « mors-moi la cravate » qui ne sont humanistes que là où le vent les pousse au gré de leurs prébendes. Camus avait une vraie liberté de conscience, de pensée et d’expression.

         Pendant cette guerre fratricide, combien d’Algériens des deux camps avaient lu et compris les écrits de Camus ? Très peu, car la lecture n’était pas leur fort, leur force et leur préoccupation principale. Comme en politique, chaque camp a été manipulé sur les écrits de Camus. Chacun les interprétant à sa manière avec l’appui et la complicité des médias qui eux savaient.
         Ce qui est malheureux, encore en 2012, c’est quand je vois des personnes dont le cerveau semble endoctriné et en plus très mal.

         A la veille d’un important cinquantenaire, d’un coté la commémoration de l’exil par les Pieds-noirs et les Harkis et de l’autre coté la célébration de l’indépendance par la nouvelle Algérie, je comprends le souci des États de regarder vers la seule paix actuellement possible, celle des mémoires car celle des âmes reste la propriété de chaque individu qui seul peut en décider s’il le peut ou le veut. Mais là c’est un problème de personne comme pourrait être le pardon ou la compréhension.

         L’Algérie a ouvert le bal avec la pose d’une plaque commémorative à Mondovi. C’est un premier pas, mais il faut apporter des précisions sur l’article du Temps ci-dessous ou sur les autres articles des presses algérienne et française, sur des points précis, à savoir : Sur la maison natale ; la maison avec la plaque ; sur les paroles de Camus en 1957.

1) La maison natale de Camus.

En effet, la maison où cette plaque a été apposée n’est pas la maison natale d’Albert Camus. La vraie maison natale, Edmond Brua vous en parlera dans son reportage de juin 1960 que je publie (ci-dessous) avec l’amicale autorisation de son fils Jean Brua. La maison natale du domaine de Saint-Paul n’existe plus du tout.

2) La maison avec la plaque commémorative.

Quelle est cette maison où a été apposée cette plaque ? C’est la maison que la petite famille Camus a occupé après le décès à la guerre en 1914 du père d’Albert. Cette famille, Mme Camus et ses deux fils, ont vécu très peu de temps dans cette maison car dés 1919 on retrouve cette famille à Alger.
         Dire qu’Albert a été à l’école communale de Mondovi, je n’en ai pas retrouvé trace. Est-ce une légende de plus ?

Photo BartoliniCette maison de Mondovi a été retrouvée par notre groupe de voyage en 2005 et j’ai déjà publié cette photo en 2006 après une 2ème visite à Mondovi (Seybouse 68).

         Dans le groupe une idée a germé. Celle de la restauration de cette maison et d’en faire un petit musée. La pose d’une plaque sur cette maison n’était pas à l’ordre du jour puisque nous aurions voulu qu’une plaque soit apposée à l’entrée du domaine de Saint Paul où naquit véritablement Albert Camus. Nous ne connaissions pas le reportage de M. Edmond Brua, je l’ai découvert, il y quelques semaines grâce à M. Jean Brua.
         Comme vous pouvez le lire dans l’article de la Seybouse 68, effectivement quelques mois auparavant, un groupe de personnes avaient entrepris un certain nombre de démarches qui je puis vous l’affirmer ont été très formelles puisque j’y été. Les démarches ont été faites non pas auprès d’une seule Wilaya mais de trois et d’un Conseil Général qui étaient tous prêts à nous apporter leurs concours techniques et financiers.
         Tout cela a capoté car j'ai eu le malheur d'en parler à quelqu’un que je croyais être un ami P.N. et qui m'a énormément déçu. Il m'avait dit : "laisse moi faire, avec ma position professionnelle, je vais trouver les crédits nécessaires et nous allons faire ce Musée. Donne-moi tout ce que tu as, photos et dis-moi ce qu'il faudrait pour remettre en état cette maison."
         Avec mon voyage en 2007, je lui ai dit que j'irai rencontrer des personnalités pour ce projet. Comme par hasard, le Consul de France à Bône s'est rendu à Mondovi (le jour de mon arrivée à Bône) où il a laissé une mauvaise impression d’irrespect en allant voir cette maison. Action ou attitude volontaire ou involontaire, je ne le sais pas, mais des hostilités se sont fait jour à Mondovi autour de cette maison. Ensuite, le Consul a refusé de me recevoir. Cela aurait du me mettre la puce à l'oreille.
         En 2008, je revis le maire de Mondovi qui me dit que les rendez-vous, que j’avais aménagé à celui qui « mieux placé que moi reprenait le bébé », n'avaient pas été honorés et qu'il n'avait vu plus personne pour ce projet mais que la France par l'intermédiaire du Consul n'interviendrait pas financièrement ou d'aucune façon officielle dans ce projet. Pour lui cela s'annonçait mal.
         Entre 2009 et 2010, les hommes politiques ont changé dans les wilayas concernées, et le projet n'était plus envisageable tel que nous l’avions souhaité, mais Mektoub....
         La pose de cette plaque en 2012 avec une levée de boucliers et l’article de novembre 2007 confirment les doutes du Maire de Mondovi.
         Une plaque c’est déjà un premier pas mais un Musée serait mieux….
         Par contre, maintenant qu'une plaque a été posée, "dans des communiquées, on ressort du bois pour les honneurs et la paternité entière" en occultant ceux qui sont à la base du projet. C'est cela qui tue l'envie d'entreprendre quelque chose.

3) Les paroles de Camus qui font polémique.

"Je préfèrerai toujours ma mère à la justice"

Ces mots méritent d’être corrigés et remis à leur juste place et dans leur contexte de l’époque.
         C'était le 12 décembre 1957. Albert Camus donne une conférence à la «Maison des étudiants» de Stockholm après avoir reçu le Prix Nobel de littérature. Un journaliste du journal Le Monde est présent dans la salle. Deux jours plus tard, il publie un article avec cette fameuse phrase «Je préfèrerai toujours ma mère à la justice». La presse internationale répand celle-ci comme une traînée de poudre.

Le Contexte.

En 1957, nous sommes en pleine guerre civile, les attentats aveugles des terroristes touchent toutes les couches de la population sans distinction de race ou de religion.
         La conférence tourne au débat et dérape lorsqu’un Algérien l'agresse verbalement du haut d’une estrade. Il l’accuse directement : «Vous avez signé beaucoup de pétitions pour les pays de l’Est mais jamais, depuis trois ans, vous n’avez rien fait pour l’Algérie ! (le reste se perd dans le brouhaha). L’Algérie sera libre !»
         Camus, interrompu alors qu'il est sommé de lui répondre, est blessé de découvrir "un visage de haine chez un frère" ainsi qu'il le confiera plus tard. Mais il ne perd pas son calme.
         Vous êtes pour la démocratie ? l'interpelle-t-il à son tour
         Oui, je suis pour la démocratie !.
Répond l’algérien.
         Camus reprend :

         « Je me suis tu depuis un an et huit mois, ce qui ne signifie pas que j’aie cessé d’agir. J’ai été et je suis toujours partisan d’une Algérie juste, où les deux populations doivent vivre en paix et dans l’égalité.
         Il m’a semblé que mieux vaut attendre jusqu’au moment propice d’unir au lieu de diviser. Je puis vous assurer cependant que vous avez des camarades en vie aujourd’hui grâce à des actions que vous ne connaissez pas. C’est avec une certaine répugnance que je donne ainsi mes raisons en public.
         J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice.»

         Des applaudissements nourris saluèrent la réponse de Camus. Le traducteur de Camus, l'excellent Carl-Gustav Bjürström, qui était à ses côtés, en a rapporté l'atmosphère à quelqu’un qui préparait une biographie de Camus. Il lui a précisé :"Par la forme et par le fond, il a voulu dire : si c'est là ce que vous entendez par la justice, si c'est là votre justice, alors que ma mère peut se trouver dans un tramway d'Alger où on jette des bombes, alors je préfère ma mère à cette justice terroriste".

         Lisons José Lenzini qui est, selon les journalistes, l’un des spécialistes d’Albert Camus. Alors, écoutons-le : « Les Algériens attendaient, sans doute, de Camus qu’il soit aux côtés des révolutionnaires qui, à partir de novembre 1954, luttèrent pour l’indépendance. Deux raisons au moins faisaient qu’il ne pouvait se joindre à eux... D’abord, il ne croyait pas à la possibilité des différentes communautés de se retrouver dans l’harmonie d’une indépendance, qui lui paraissait vouée à de grosses contradictions du fait de son « usurpation » par le FLN. Camus croyait plus à une fédération, qui aurait une autonomie avec la France et qui pourrait s’en détacher progressivement. En cela, il se sentait beaucoup plus proche des thèses de Messali Hadj dont il fut proche, entre 1935 et 1937, alors qu’il militait au PCA.

         Il quitta le parti estimant que le PCF était beaucoup trop en retrait par rapport aux aspirations des Algériens, celles d’une réelle égalité des droits. Il trouvait indécent que le projet Violette - qui d’ailleurs n’arriva pas au Parlement - se contentait de proposer la nationalité française à 60 000 Arabes « méritants » alors que le pays en comptait 6 millions. D’autre part, la mère de Camus vivait à Belcourt et ne voulait pas quitter ce « quartier pauvre » auquel Albert Camus était également très attaché. Il savait qu’elle pouvait être victime d’un attentat aveugle et ne pouvait imaginer (qui l’aurait d’ailleurs fait ?) d’aider ceux dont les armes auraient pu tuer sa mère. Il a dit, juste après l’obtention du Nobel : «j’aime la justice mais je défendrai ma mère avant la justice ».
         Qui donc d’entre nous aurait pu faire un choix différent ?
         Interrogé à propos de cette fameuse phrase, le président algérien Bouteflika avait répondu : « n’importe lequel d’entre nous aurait fait la même réponse. Ce qui prouve que Camus est des nôtres»

************
      Quelques citations d’Albert Camus qui cernent l’homme.

         « Comprendre c'est avant tout unifier. »
         « Ce qui compte c'est d'être humain et simple. Non, ce qui compte, c'est d'être vrai et alors tout s'y inscrit, l'humanité et la simplicité. Et quand donc suis-je plus vrai que lorsque je suis le monde ? Je suis comblé avant d'avoir désiré. L'éternité est là et moi je l'espérais. Ce n'est plus d'être heureux que je souhaite maintenant, mais seulement d'être conscient. »
         « La défaite définitive est celle qui termine les guerres et fait de la paix elle-même une souffrance sans guérison. »
         « Les hommes ne sont convaincus de vos raisons, de votre sincérité, et de la gravité de vos peines, que par votre mort. Tant que vous êtes en vie, votre cas est douteux, vous n'avez droit qu'à leur scepticisme. »

************
         Cet édito a été un peu long mais il fallait rétablir certaines choses ou vérités en espérant que des esprits chagrins se calmeront pour le respect de Camus et pour la paix. Des passages de cet article ont été empruntés sur les sources suivantes.
    http://litteranaute.blogspot.com/2010/01/je-prefererai-toujours-ma-mere-la.html
    http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/albert-camus-une-histoire-de-67328
    http://passouline.blog.lemonde.fr/2010/01/12/camus-petite-piqure-de-rappel/

Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,
        A tchao.

Reproduction intégrale de l'article du Journal LE TEMPS :
23 janvier 2012 

Albert Camus commémoré
dans sa ville natale, El-Tarf

Malgré l’hostilité de la famille révolutionnaire

L'ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, s’est rendu hier à Dréan, ex-Mondovi, à 63 km d'E Tarf, où il a visité la maison qui a vu naître le grand écrivain Prix Nobel de littérature rue Messaoud-Fedaoui (centre-ville). Dréan est la plus grande daïra de la wilaya d'El Tarf. Appelée par ses habitants «le Petit Paris», c'est une daïra agricole.

         M. Driencourt a rappelé lors de son intervention l'engagement d'Albert Camus pris pendant la guerre d'indépendance : «Camus s'était engagé sans relâche pour la justice en Algérie» et son «premier acte» avait été «l'appel à la trêve civile».

         Ceci pour répondre lors de la conférence de presse qu'il a animée au siège de la wilaya aux hostilités que cette commémoration avait suscitée au sein de la population et de la famille révolutionnaire notamment ; d'ailleurs, c'est une véritable levée de boucliers qui a été observée lors de cette célébration.

         Le philosophe, selon toujours l'ambassadeur de France qui a pris sa défense, a expliqué qu'en recevant le prix Nobel en 1957, il avait répondu à un étudiant algérien qui critiquait son silence : «Je me suis tu depuis un an et huit mois, ce qui ne signifie pas que j'ai cessé d'agir», se prononçant pour une «Algérie juste où les deux populations doivent vivre en paix et dans l'égalité». Il dira également qu'il ne faut pas oublier «le travail de cet humaniste» et «la célébration du 50e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie est considérée comme une nouvelle page importante dans les relations entre les deux pays».
         Sur un autre plan, l'ambassadeur a évoqué les relations algéro-françaises et la volonté de son pays de promouvoir davantage ces relations en ce qui concerne le volet commercial prioritairement ; d'ailleurs, la prochaine visite de Jean-Pierre Raffarin va dans le sens de l'amélioration de ces relations, précisera-t-il.

         Cependant, à l'occasion de la visite du diplomate français, une plaque en marbre a été dévoilée, sur laquelle on peut lire : «Ici est né l'écrivain Albert Camus, Prix Nobel de littérature.» Ainsi, l'oubli est dorénavant réparé.

         La visite de l'ambassadeur l'a conduit également à l'école primaire Bachir-El Ibrahimi. Un établissement construit en 1887, appelé «Ecole de garçons» durant l'époque coloniale et situé face à la maison natale d'Albert Camus, puis au parc animalier de Brabtia, ouvert la mi-octobre 2011. Une opportunité pour le chef de l'exécutif de la wilaya d'El Tarf de solliciter l'ambassadeur sur de possibles contacts et contributions avec des parcs animaliers et zoos français.

         L'ambassadeur français s'est également rendu dans la zone humide du lac Mellah, relevant du Parc national d'El Kala, où il s'est dit «émerveillé» par la beauté des paysages. Il faut noter que la région d'El Tarf a bénéficié d'un programme de développement qui sera mis à exécution dans les prochains jours.

http://news80.com/2012/01/23/albert-camus-commemore-dans-sa-ville-natale-el-tarf/


Reproduction intégrale de l'article de M. Edmond BRUA avec une préface de M. Jean Brua. Juin 1960

"Albert CAMUS et MONDOVI"
Par M. Edmond Brua
Envoyé par M. Jean Brua

Photo M. Jean Brua Photo M. Jean Brua

Camus : retour vers le futur

Photo M. Jean Brua

            Six mois après la disparition de l’écrivain son vieil ami Edmond Brua fut le premier et le dernier à remonter à la source de la modeste maison natale de Mondovi.

    Mondovi, modeste commune de l’arrondissement de Bône, a eu moins de chance que Tipaza. D’abord, elle a changé de nom et s’appelle aujourd’hui Drean ; ensuite, on n’y trouve ni plaque de rue, ni inscription rappelant le souvenir de son plus célèbre enfant : Albert Camus, prix Nobel de littérature.

            La dernière municipalité en place avant l’indépendance était pourtant décidée à cet hommage posthume. Elle y avait été disposée en 1960 par Edmond Brua, alors rédacteur en chef du Journal d’Alger. L’auteur des Fables bônoises (que goûtait tant Camus), sentant venir l’effacement de « notre »Algérie, s’était fait, quand il en était encore temps, un devoir de pélerinage au village natal de son ami, alors que celui-ci ne reposait que depuis six mois au cimetière de Lourmarin.

            Il en avait ramené un reportage émouvant sur ce lieu qui vit l’arrivée au monde du grand écrivain : la ferme Saint-Paul, qui serait rasée et dont ne reste que la pâle photo faite par Edmond Brua au cours de cette visite.

            C’est cet unique témoignage sur la parcelle d’espace et de temps où s’esquissa le lumineux destin de Camus, que L’Algérianiste offre à ses lecteurs dans les pages qui suivent.

Jean BRUA

Photo M. Jean Brua

            Les vignes défilaient au soleil. Nous avions dépassé Duzerville et nous approchions. J’avais lu sur une borne : Mondovi, 9 km. À droite de la route surgit un bouquet d’ormeaux et d’eucalyptus ombrageant une vieille ferme somnolente aux murs ocres, au toit de tuiles poussiéreuses. À gauche, juste en face d’elle, un groupe imposant de bâtiments agricoles éclatants de blancheur moderne arborait une enseigne connue : « Domaine du Chapeau-de-Gendarme ». Un signe d’amitié à droite, un coup de chapeau à gauche. Trente mètres plus loin, la voiture stoppe brusquement dans un crissement de freins.

            Barrant le passage, un taxi commercial est échoué en travers de la route, le capot broyé, le pare-brise en miettes. De cette épave sort, ininterrompu, un cri affreux, absurde (j’essaie en vain de chasser ce mot), un cri ni d’homme ni de bête, mais de machine : le klaxon coincé. Hébété, le visage couvert de sang, le chauffeur se penche sur cette chose, sans comprendre.
            L’autre machine est une camionnette militaire. Elle a été beaucoup moins endommagée par la collision, mais sur le bas-côté de la route, un soldat est étendu, les yeux clos, sans connaissance.

            D’autres militaires, dont un officier, l’entourent anxieusement et un civil se penche sur lui : un médecin qui passait par hasard.
            - C’est grave, docteur ?
            - Il respire, mais je ne peux pas me prononcer. Il faut le transporter d’extrême urgence à l’hôpital.

Impression obsédante

Pour rien au monde je ne prendrais une photo de ce corps inanimé, couché dans l’herbe, au bord des vignes. Dès que je l’ai vu, j’ai cru voir une autre forme se superposer à la sienne et j’ai détourné mon regard de son visage(1).

            L’impression est tellement obsédante que, pour réagir, je braque mon appareil sur la plaie effroyable du taxi... Mais l’officier arrête mon geste. je proteste : « Je suis journaliste ». Il secoue négativement la tête et je traduis : « Raison de plus ».

            — « Vous pouvez faire quelque chose, me dit-il. Si vous allez à Mondovi, demandez qu’on presse l’envoi de l’ambulance. J’ai téléphoné de la ferme pour la réclamer.»
            Je remonte en voiture et nous démarrons vivement. L’épave hurle toujours à la mort.

            L’ambulance a été croisée à toute vitesse à 2 ou 3km de Mondovi. Voici donc le village où naquit Camus. Je m’efforce de chasser l’image apparue sur la route et son double en surimpression. Ici est né Camus, ici une des plus hautes destinées du siècle, dénouée tragiquement, revient à sa source de mystère, d’innocence et de paix. Petit village où voisinent l’ancien et le neuf, comme les deux fermes qui se regardaient sur la route, au moment de l’accident. La mairie est moderne, avec des colonnes (ou peut-être des demi-colonnes) sur sa façade. Le cinéma, installé dans une halle, évoque les salles des premiers temps du « muet ». Mais il y a des arbres dans les rues et des fleurs dans tous les jardins.

            Le maire, M. Péraldi, m’écoute avec bienveillance. Le souvenir d’Albert Camus ? Bien sûr qu’il tient une place considérable à Mondovi, il remplit tous les habitants de fierté, mais il revêt une forme assez difficile à déterminer et un peu écrasante. Ce n’est le souvenir ni d’un enfant, ni d’un homme, mais d’une gloire nouvelle née il y a trois ans, lors du prix Nobel, et qui a soudainement rejailli sur le village. Au-delà, c’est la notion, de plus en plus floue, d’une célébrité qui date pourtant de la Libération. Au-delà encore, c’est la nuit. Des parents de Camus, de l’orphelin de guerre qui quitta Mondovi tout enfant, il ne subsiste que des lueurs de souvenirs au fond de quelques mémoires obscures, entre autres un vieux Mondovien, un ancien boulanger, que je chercherai d’ailleurs vainement : ce jour-là, il était absent.

La visite manquée

Mais le maire a envoyé quérir le receveur des Contributions, M. Lucien Rossi, pour le mettre à... contribution, car il sait tout. J’ai l’agréable surprise de retrouver en lui un Philippevillois, camarade de collège à quelques classes près. Il exerce ses fonctions à Mondovi depuis 28 ans et il s’est profondément attaché à ce charmant village, sur lequel il prépare une monographie. Il a de l’érudition et des lettres. Il lisait Camus bien avant le “Discours de Stockholm”, depuis six mois il le lit davantage et le fait lire autour de lui. C’est un camusien.

            — L’ancien boulanger, m’apprend-il, s’appelle Zammith. Vers 1916, il livrait le pain chez Mme Camus. Le petit Albert avait deux ou trois ans. C’est à peu près tout ce que vous auriez pu apprendre.
            — Camus, à l’âge d’homme, est-il jamais revenu à Mondovi ?
            — Nous n’en savons rien, dit le maire. Au début de l’année dernière, nous comptions sur sa visite et nous lui réservions une réception triomphale.
            Mais au dernier moment est arrivé un télégramme d’excuses et de regrets : c’était partie remise.
            — Je me rappelle en effet que Camus était venu me voir au «Journal d’Alger ». Sa mère, un moment gravement malade, était hors de danger et il respirait. La troupe qui jouait « Les Possédés » à Paris souhaitait son plus prompt retour pour une émission « Gros Plan » à la Télé. Pourtant il me demanda si je connaissais les horaires d’avions pour Bône. «Qu’est-ce que tu vas faire à Bône ? » Il sourit : « Non, à Mondovi. » La vraie question resta suspendue, sans réponse. Il n’est donc pas venu...
            Pourrais-je voir le registre d’état civil de 1913 ?

Le premier jour

On apporta le vieux cahier à couverture noire entoilée. Les feuillets n’ont pas jauni, l’encre a à peine pâli. Le 8 novembre de l’an 1913, à 10 heures du matin, Camus Lucien Auguste, caviste, 25 ans, est venu déclarer la naissance, survenue la veille, 7 novembre, à 2 heures du matin, d’un garçon prénommé Albert, son fils et celui de Sintès Catherine, ménagère, 31 ans, son épouse. Les témoins de la déclaration étaient Frendo Salvator, employé, et Piro Jean, caviste.

            Deux autres enfants sont nés le même jour à Mondovi, deux filles, toutes deux prénommées Khedidja. La première est morte à un ans (n° 91).
            L’autre, tout au moins légalement, vit toujours (n° 93). Je relis l’inscription n°92 et je marque ma surprise:
            ...demeurant près de Mondovi, à la ferme Saint-Paul ! Albert Camus n’est donc pas né au village même ?

            - Non, répond le maire, c’est sur le territoire de la commune, à quelques kilomètres d’ici. Nous allons vous y conduire.

Au « Chapeau de gendarme»

Et la route qui m’a amené se déroule à l’envers. Voici l’endroit où j’ai croisé l’ambulance. Voici le lieu de l’accident. Il est vide. Seules subsistent des taches déjà sombres et une poussière brillante comme du mica. Voici le « Domaine du Chapeau-de-Gendarme » et en face...

            — Voici la ferme où est né Albert Camus, dit le maire à voix basse. (Le maire de Villeblevin était venu s‘incliner devant le corps, dans la salle d’école transformée en chapelle ardente. Il n’avait jamais vu Camus, il savait seulement qui il était et il ressentait une émotion étrange. Naître ici, mourir là, est-ce que cela s’appelle le hasard ?)

            Nous franchissons le portail délabré.
            Dans la cour, à gauche, on a traîné au pied d’un arbre le taxi au capot broyé, qui a cessé son cri. A droite, à quelques mètres, c’est l’humble appentis, récemment reblanchi, où notre grand Camus est venu au monde. Derrière laquelle de ces persiennes closes est la chambre de sa naissance ? Des enfants musulmans qui jouaient près d’un large puits nous entourent. Parmi les fillettes, laquelle s’appelle Khedidja ?

Photo M. Jean Brua
La ferme Saint-Paul, où est né Camus le 7 novembre 1913,
n’existe plus aujourd’hui.
(dessin de Jean Brua d’après une photo d’Edmond Brua)

Je suis maintenant délivré de mon oppression, que MM Péraldi et Rossi ont partagée. Signes ou coïncidences, les circonstances ont créé entre nous un lien de sympathie...

            — Oui, me dit le maire, je vous le promets, nous apposerons une plaque de marbre sur cette ferme, au bord de la route, et nous donnerons le nom d’Albert Camus à la rue principale de Mondovi...

            1) Je n’ai pas voulu le dire dans ce reportage, pour ménager une douleur familiale encore toute vive : adossé au talus, le visage exsangue, le front haut, les cheveux en brosse, le blessé ressemblait réellement à Camus.

Extrait du « Journal d’Alger » du 16 septembre 1960

Au cours d’un récent reportage dans l’Est-Algérien, notre rédacteur en chef s’était entretenu avec M. Péraldi, maire de Mondovi, des initiatives à prendre pour honorer et perpétuer la mémoire d’Albert Camus dans son village natal. Il avait formulé à cet égard, au nom du « Journal d’Alger » et de tous les amis et admirateurs algérois du grand disparu, des voeux qui, allant à la rencontre des propres intentions du maire, reçurent de sa part une adhésion enthousiaste.

            Dans le courant du mois d’août, M. Péraldi informait notre rédacteur en chef que le Conseil municipal venait de décider, à l’unanimité, de donner le nom d’Albert Camus à une des deux principales rues du village et de faire apposer une plaque commémorative sur sa maison natale, au domaine de Saint-Paul. Nous attendions, pour publier ces informations, que l’autorité préfectorale et les propriétaires du domaine eussent approuvé les délibérations du Conseil municipal de Mondovi.

            Hier, notre rédacteur en chef a reçu de M. Péraldi la lettre suivante, datée du 14 septembre :

            « Je suis heureux de vous informer, d’une part, que M. le Préfet de Bône a approuvé la délibération du Conseil municipal de Mondovi, dénommant une rue “Albert-Camus” et, d’autre part, que M. A. Tucci, administrateur de la Société des Vignobles de la Méditerranée, a donné son accord pour l’apposition d’une plaque commémorative sur les bâtiments de la société.


            « Je me suis rendu moi-même au Domaine Chanbart de Saint-Paul où j’avais rendez-vous avec M. Tucci et nous n’avons pu que constater l’état de délabrement dans lequel se trouve la maison natale de notre grand disparu, comme vous avez pu vous en rendre compte vous-même lors de votre passage à Mondovi. D’ailleurs, la Société a l’intention de faire démolir cette construction à brève échéance. C’est pourquoi nous avons eu l’idée d’apposer la plaque sur un autre bâtiment de bonne présentation, qui, lui, n’est pas appelé à disparaître et qui a l’avantage de se trouver an bordure de la route nationale. La plaque serait ainsi remarquée et lue par les usagers de la route. Seul le texte serait à élaborer en conséquence. Par exemple:

« Dans ce hameau de la commune de Mondovi
est né Albert Camus... »

            « Nous ne tarderons pas (ajoutait le « Journal d’Alger ») à faire connaître la date fixée pour cette double cérémonie dont l’émouvante signification sera ressentie dans toute l’Algérie.»

            Mais il n’y eut pas de cérémonie. Informée de ce projet, Mme Albert Camus s’en montra très touchée, mais me fit demander par Charles Poncet de l’abandonner. À voir la marche fatale des événements d’Algérie, elle redoutait avec raison qu’un jour vînt où ces plaques seraient martelées, arrachées et le nom de Camus, dans la grand’ rue du village, remplacé par un nom de « moudjahid » ou de « fedayin ».

Photo M. Jean Brua

La lettre du maire de Mondovi à Edmond Brua, faisant état de la décision du conseil municipal de donner le nom d’Albert Camus à une rue du village.


LES NOELS DE LA-BAS.
Par M. Gérard Rodriguez

        Je me rappelle de mes noëls et jours de l'an en Algérie.

        Noel !!Noel !!! Jour de l'An; Jour de l'An !!!! Ya ba ba. J'ai les souvenirs qui se bousculent au portillon de nos belle années en Algérie, où Noël et jour de l'an avait un sens totalement différent, où amour et amitié voulaient encore dire quelque chose, où les cadeaux se limitaient à de petites choses banales qui coûtaient trois fois rien, alors qu'aujourd'hui, c'est une débauche d'argent et de m'as-tu vu. Où les enfants supers gâtés restent tristes dans l'âme. Je me rappelle de ma pauvre mère qui toute l'année économisait sur la nourriture pour pouvoir nous acheter un joujou afin que nous ayons quelque chose à montrer dans la rue. Pauvre maman combien tu as dû calculer et recalculer, et nous enfants on ne comprenaient pas… Combien de nuits tu as dû passer à te demander comment ramasser le prix de cette auto dinky toy que tu allais m'acheter afin que je puisse moi aussi aller jouer dans la rue, sur le trottoir avec les autres enfants, alors ce soir, trop de déception depuis ces années 62. Ce soir oui, oui je veux m'offrir mon noël de là-bas.
        Me voilà déjà allongé dans mon fauteuil. Je ferme les yeux, oui ça y est j'entends la mer. Je revois la plage de Saint-Cloud, elle est désertée. Il fait froid, 8 degrés et je sens l'odeur de nos rues. J'entends les cris des marchands juifs, arabes, italiens, maltais, siciliens, espagnols, avec leurs étalages qui regorgent de tout ces fruits de chez nous, etc. etc. etc. qui, mêlé aux senteurs de henné et de cumin, se bousculent dans ma tête.
        " Maman !!. Maman !! tia acheté les oranges Thomson et les clémentines, ainsi que les dattes ? "
        " Et oui mon fils, aregarde le panier, il est plein et alours, ké çé tu crois que ta mère elle pense pas ! "
        " Pauvre maman combien tia économisé et oui encore ce mot. Afin de remplir ton panier aujourd'hui, mais je sens bien que tu y prends du plaisir. Les privations d'une année aujourd'hui se lâchent et tu as gagné le gros lot, tu dépenses !!! . . et ce soir avec tata Odette et tonton Marcellin, avec tous ceux de note race qui viendront ce sera la fête. Tu chantes dans ta cuisine. Tu cours à droite, à gauche…
        Les enfants !!! Foutez-moi la paix ou jamais ça va être prêt heinnn !!. Oh purée, j'ai oublié les œufs chez le mozabite et en plus j'les ai payé !! Gégé! mon fils, cours vite va !! Et dis lui que j'ai déjà payé heinnn !!! Allez va, cours que sans les œufs je peux pas faire les gâteaux. "
        Et ces lumières qui soudain envahissent mon esprit ??. Ah oui le sapin, oh il était pas gros mais la crèche elle !! Ah ba ba! … On la faisait dans le garage, oui dans le garage de notre belle villa des trois mousquetaires. Te rappelles-tu ma belle villa, tout le quartier venait voir la crèche. Il y avait plein de sujets comme on disait avant, et on mettait de la farine pour faire la neige et aussi du coton, pauvre garage si triste maintenant.
        Et puis, un mois avant noël, ma maman prenait deux sous-tasses de son service à café vert, elle y mettait du coton avec de l'eau et elle semait des graines de blé, et ça poussait, ça faisait un tas de verdure que nous mettions de chaque côté de la crèche… Le soir nous ne voulions pas aller nous coucher car Papa Noël devait passer et ma mère disait.
        " Ma parole vous dormez pas !! heinnn ! Y viendra pas, heinnnn !!! * .
        Mais qui a envie de dormir ce soir, cournoute et bastonnade !! heinnn !! Et pourtant on finissait par s'endormir. Et au matin on se dépêchait d'aller voir nos souliers, et là, je trouvais ma voiture dinky toy, et on courait dans la chambre de mes parents. ils étaient là. Ma mère était heureuse de nous voir heureux, elle avait remplit son contrat, ses enfants avaient eu des jouets.

        Et puis quoi ?? Déjà le jour de l'An, aie aie, encore la fête. Aller tata Odette elle est revenue avec tous mes cousins et cousines . on est heureux il y a une grand effervescense, ma mère chante encore sa chanson de Tino Rossi en faisant la cuisine " Marinella reste encore dans mes bras. " Ah non! Moi je veux rester encore là, à rêver à ces jours heureux. Tiens toujours ces mots qui me reviennent, et puis ? C'était bien les jours heureux. Et le matin du 1er janvier. On se précipitait encore dans la chambre. Papa et maman étaient réveillés et on nous donnait des amandes, et chaque fois que nous en trouvions deux à l'intérieur de la coquille nous crions " phillipine ". Mon papa nous donnait une grosse pièce de 5 francs. Je me rappelle, elle était aussi grosse que légère et d'une couleur argent très claire, et on était heureux. Oui!! On avait rien d'autres mais on était super heureux.
        LES NOEL DE LA BAS. Et oui voilà il faut revenir à la réalité. Ouvrir les yeux. Oui c'est vrai j'ai une belle maison, de beaux meubles. Si j'avais pas connu l'Algérie, peut être que ??? mais voilà, j'ai été pauvre et heureux. Aujourd'hui je vis bien. J'ai tout, enfin c'est ce que les gens disent ! J'ai tout mais alors pourquoi je ne suis pas heureux, comme là bas. En somme, je n'ai rien, car l'Algérie me manque terriblement. Mon pays, mes noëls, mes jours de l'An de là bas ne sont plus, les cris, les odeurs de ce pays qui me colle à la peau ne sont plus là. Ce mélange de race hétéroclite ou ça sentait le mouton, les merguez, le couscous et la daube, ces senteurs arabo-chrétienne, on me les a volé.
        Non je n'ai pas embarqué dans ces années qui suivirent 1962, car jamais je n'ai retrouvé nos Noëls et nos jours de l'An de là bas. A chaque Noël et jour de l'An, oui je souris, oui je joue la comédie, mais au fond je m'évade vers mon pays. Retrouver mes Noëls et jour de l'An d'avant, car je ne veux pas oublier parfois je m'éloigne pour pleurer dans un coin où personne ne me voit, et je reviens personne n'à rien vu car pour voir cela, faudrait prendre le temps de s'arrêter mais personne ne veut s'arrêter de peur de se faire rattraper par là bas, et puis, qui en ce siècle de fous s'arrête ? Personne !! Comment oublier le bonheur quand on l'a connut. Si tu oublies ton passé tu es déjà mort, et moi je suis vivant . Oh je soupire !!! Dois- je ouvrir les yeux sur ce monde de 2011 dans lequel je suis un étranger. Tiens, hier je suis allé au centre d'achat comme on dit ici en Amérique, les gens courent de partout.
        En avant la carte de crédit, mais je ne les entends pas ! je ne vois que des ombres ! Et autour de moi, le silence est totale, mais ma parole ils sont mort ces gens là, oui ils sont mort. Ah non moi je veux être vivant . alors je retourne à chaque année au moment des fêtes, dans mon pays comme Alice au pays des merveilles dans ce très beau film " le magicien d'OZ ".
        Je n'ai plus vu depuis 62, mon papa et ma maman être vivant comme là-bas. Oh oui on fête !! Nos noëls et jours de l'An sont entachés de mascarade où nous essayons en faisant toujours plus de combler un vide. C'est ce que je vis chaque année depuis 62. C'est ce que nous vivons depuis, n'est ce pas papa, maman ?. Maintenant vous n'êtes plus là, la vie à suivit son cours et la vie vous a reprit. Il y à 4 ans déjà. Mais une chose est sure, je sais que vous êtes en Algérie chez nous, et que quand c'est noël et jour de l'An, tout recommence comme avant avec tata Odette et toute sa smala. Je sais aussi que Barka viendra le 1er janvier. On la verra arriver au coin de l'entrée du quartier de la cité Montplaisant, elle va apporter un plein panier de makrouts et autres patisseries au miel. Elle aura son grand sourire de nounou, cette brave Barka, elle aussi doit être avec vous quelque part en Algérie, et oui Barka, elle aussi fêtait noël et oui, papa, maman.
        Là ou vous êtes je vous souhaite un joyeux noël et une bonne année comme quand on était chez nous dans le temps des jours heureux.
        Je vous aime, Gérard.


Après il est trop tard
ECHO D'ORANIE Septembre/Octobre 2004 - N°294


C'est pendant qu'ils sont là qu'il faut dire "Je t'aime"
Qu'il faut les entourer, les gâter, les chérir.
Après il est trop tard quand le manque est suprême
Seule reste une plaie que l'on ne peut guérir.

On vit là avec eux, au gré de l'habitude
Sans montrer nos cœurs mais qui ne pensent qu'à eux
Sans dire que sans eux régner la Solitude
Et qu'il faut leur présence pour que l'on soit heureux.

Quand ils sont repartis dans les limbes funèbres
II ne nous reste plus que les amers remords
D'avoir ainsi laissé, plongé dans les ténèbres
Cet amour qui pour eux, pourtant, brûlait si fort.

C'est quand ils sont vivants qu'il faut dire "Je l'aime"
A ceux qui nous sont chers. Pleurer sur leur tombeau
Ne les réchauffe pas. et dans le matin blême
Nos larmes ne font pas leurs jours passés plus beaux.
Montrons-leur le besoin qu'on a de leur présence.
Que tendres soient nos yeux qu'on a de leur présence.
Que tendres soient nos yeux, que nos cœurs soient bavards.
Ne laissons pas l'amour périr sous le silence
Les aimer est si bon ! Après il est trop tard.

Odette TREMELAT-LEGAY              



CONTE EN SABIR
Par Kaddour

LI CHIANE Y LI CHACAIL
FABLE IMITEE DE LA FONTAINE!

             On chacail bian misquine, y encor blous qui migre,
             Y marchi la motagne, por sarchi por mangi ;
             Y son crivi la faim, lorsqui voir one chiane nigre,
             Qui son berdi la rote, barc' qu'il son itrangi.

             Ji poré bian ji crois, loui sarcher one dispoute
             Qui pensi cit chacail, por fir on bon cascroute,
             Ma ji ni pas la force, y ji crois qui cit chiane
             Y mi fotri one pile, si ji sarche on chicane.
             Millor qui ji barli, on p'tit po afic loui.
             Y marchi, y rigarde, y livi son chachia,
             Y di : - " Bonjor sidi, ji pense bor Allah
             Qui sit ou gran bonhor qui j'ti trove oujourd'hui.
             Vos ites en bon santi, tojor ti mangi bian
             Ta femme, vot zenfan, to li monde son conlan ? "


             " Pas mal mon zami. Y toi quisqui ti fir ?
             Ti corir la motagne ? Cit one mauvaise affire,
             Jami ti po trovi, quisqui faut por mangi
             Y tojor ti a por, di voir fousil sargi
             Qui ti fotra on balle - pit-itre dos dans to ventre.
             Vian afic moi, sidi, à la ville où ji rentre
             Tojor ti en aura bon couscous, bon mison,
             Batata y loubia, afic gigot d' moton. "


             Li chacail y pensi, la masère son fini.
             " Dis-moi quisqui fo fir, ji li fi akarbi "

             " Pas gran soge ji t'assore ; rian qui por fir blisir.
             Ti crira por li monde qui vian à la mison,
             Fir marchi ton la queue, fir bousbous au batron,
             Si ti voir one misquine, ti sor por fir partir.
             Quand y viendra madame, ti fir bon figour
             Ti l'ambrasse bocop, y rira ji t'assour.
             Alors ti en aura one beau morceau di pole
             Y tos qui ti voudra ji ti donne ma barole.

             Li chacail y li fou, tot de souite y vo partir.
             "Millor marchi docement, porquoi fir fatiguer. "

             Li chacail y blaré,y vodra l'embrasser,
             Lorsqui voir son cou, la barbe y son tombi,
             Y pense qui pit-itre quilqu'un il a Copi.
             " Quisqui ci mon zami, ti a mal por li cou"

             " Ça ! c'i rian di la chian, c'i blous qui rian di tout. "

             " Rion di tout ! ji crois pas, ma ji ni comprends pas
             Porquoi vos en avi, di poil qui y a na pas. "


             " Ji ti di qui ci rian, bogre di gran coillon. "

             " Ti m'apil coillon ? Quisqui faut qui ji fasse
             Bor savoir borquoi ti a li cou fartasse. "


             " Ti ni pas digourdi, qui loui répond la chiane,
             La barbe il a tombi, barc' qui j'a one merdjane,
             Afic one corde en fer quand ji souis attaché. "


             " Attaché, mon zami ? Quand même ti es faché
             Ti po pas si ti vo, corir, marcher la rote ? "

             " Quisqui ça fir pour moi, ji tojor bon cascroute.
             Y bian msiou la chiane, vatan à vot mison,
             Moi ji reste mesquine. Pas bisoan di batron
             Pas bisoan di pole. Millor di bian troti,
             Moi ji souis poublicain. - Vive la liberti !"

 


HISTOIRE DES VILLES DE LA
PROVINCE DE CONSTANTINE      N°11
PAR CHARLES FÉRAUD
Interprète principal de l'Armée auprès du Gouverneur général de l'Algérie.
LA CALLE

ET DOCUMENTS POUR SERVIR A L'HISTOIRE
DES ANCIENNES CONCESSIONS
FRANÇAISES D'AFRIQUE.
Au GÉNÉRAL FORGEMOL

Ancien Capitaine Commandant supérieur,
du Cercle de La Calle

Le P. Le Vacher, vicaire apostolique, Consul…

                     A peine d'Arvieux venait-il d'arriver en France qu'il reçut une lettre du Père Le Vacher, annonçant qu'il avait dû payer quatre cents piastres, le lendemain de son départ, pour un esclave qui s'était sauvé étant à Tunis sur un vaisseau algérien Mais ce qu'il y avait de plus sérieux dans ses nouvelles, c'est que la Milice d'Alger avait envoyé un de ses Officiers au Bastion pour se faire payer ce qui lui était dû par de La Font, et, en cas de refus, ils avaient l'intention de le ramener à Alger. C'est, en effet, ce qui arriva. De La Font, arrêté pour dettes, fut conduit à Alger où on lui donna la ville pour prison ; après avoir cherché inutilement les moyens de s'échapper, il écrivit des lettres à M. de Colbert et à de Lalo, son associé, dans lesquelles, après plusieurs invectives contre M. Le Vacher, contre Estelle et contre le Chevalier d'Arvieux lui-même, il indiquait les moyens de prendre les vaisseaux corsaires d'Alger et pour brûler la ville. Mais le bâtiment portant cette correspondance fut pris, et le Dey s'étant fait lire les lettres de de La Font et voyant ce que celui-ci tramait contre son État l'envoya aussitôt chercher, le maltraita très fort et voulut ensuite le mettre à la chaîne. Le Vacher fit tant par ses prières qu'il réussit à lui éviter cette peine et à le garder dans la maison du Consulat.

                     Ici se terminent les renseignements que le chevalier d'Arvieux nous fournit dans ses Mémoires. Nous ajouterons, seulement, qu'arrivé à Versailles, il obtint du Roi la mise en liberté des Turcs que nous avions à bord des galères, et qu'il les fit renvoyer à Alger en échange des passagers Français gardés en otage, au sort desquels il s'était tant intéressé(1). Sous l'administration de de La Font, les affaires du Bastion et de La Calle n'avaient pas prospéré. Les Arabes s'étaient éloignés peu à peu de leurs marchés ; " ils ne voulaient plus, disaient-ils, faire de négoce avec un homme qui n'avait pas de parole. " Au lieu d'essayer de les rappeler à lui par de bons procédés, de La Font, dont la présomption était extrême, avait achevé de tout perdre par une fierté déplacée.

                     En 1679, la Compagnie se vit obligée de céder son privilège à un sieur Denis Dussault, qui venais de constituer une nouvelle Société. Ce dernier, ayant obtenu l'autorisation du Divan d'Alger et conclu, avec lui, un nouveau Traité de commerce, vint s'installer à La Calle, où l'ancien Gouverneur de La Font s'était vu forcé de transporter le siège de l'Établissement, à cause de l'insalubrité du Bastion de France. La mortalité avait été si grande pendant un seul été, que de plus de quatre cents hommes, il n'en était resté que six.
                     La position de La Calle n'était pas beaucoup plus salubre ; la fièvre y enlevait des hommes, en moins de quatre jours, à cause des miasmes paludéens des lacs voisins.

                     Grâce à la prudence du Vicaire-Apostolique Le Vacher, chargé du Consulat après le départ de d'Arvieux, la Paix, si souvent compromise et sur le point d'être rompue, se maintint entre la France et Alger ; il obtint même que les Français, naviguant sous un pavillon étranger, fussent rendus à la liberté, à leur arrivée à Alger. Pendant que les vaisseaux de la France sillonnaient en sûreté les mers, l'Angleterre n'était plus en Paix avec Alger depuis le mois de mai 1674 ; la Hollande venait de se la voir refusée en février 1676, malgré les sacrifices considérables qu'elle était disposée à faire, et toutes les autres Nations de l'Europe se trouvaient également en hostilités ouvertes avec Alger.
                     Le Divan avait senti la nécessité de faire la guerre à l'une des Puissances qui comptait le plus de navires de commerce sur la Méditerranée, afin de satisfaire les Corsaires qui ne cessaient de se plaindre du chômage de la piraterie ; en conséquence, il avait mis de nouveau en question si l'on romprait avec la France, ou s'il ne convenait pas plutôt de la faire à l'Angleterre. Le Conseil balançait lorsqu'un soldat s'avisa de faire observer que les Français pouvaient faire cuire leur soupe dans leur pays et venir la manger à Alger. La majorité se prononça alors contre les Anglais.

                     A part quelques actes de piraterie, inévitables sous un Gouvernement comme celui des Algériens, et qui étaient ré-parés le mieux possible par les soins de Baba Hassan, bien intentionné envers la France, notre commerce était libre depuis bientôt trois ans et tout faisait espérer que la bonne entente des deux Gouvernements se maintiendrait, tant qu'il ne surviendrait pas de révolution dans celui d'Alger. Mal-heureusement, comme par compensation et par manière de représailles, de part et d'autre on se montra peu fidèle aux convenions, et, les réparations se faisant attendre, les bonnes relations firent place à l'animosité. La France se plaignait qu'on retenait en Esclavage les passagers nationaux qui se trouvaient sur les bâtiments étrangers. De son côté, le Divan reprochait au Gouvernement français d'employer sur les galères les Algériens échappés d'Espagne, qui se réfugiaient en France; d'acheter des Turcs à Gênes et à Livourne pour ses galères, et de retarder le paiement des redevances qui lui étaient dues par la Compagnie du Bastion ; plusieurs fois, les Chefs d'Alger avaient adressé des Lettres au Roi et leurs Lettres étaient restées sans réponse.
                     A l'effet d'obtenir le redressement des griefs dont il avait à se plaindre, le Gouvernement de la France envoya de Tourville avec quelques vaisseaux devant Alger, où il arriva le 12 mai 1679. Il salua par sept coups de canon et on lui répondit par neuf et à balles, honneur qui n'avait pas été accordé jusqu'alors, même à un Prince. Il envoya demander les Esclaves Français qui, au préjudice du Traité, se trouvaient retenus en captivité. Baba Hassan répondit que depuis la paix on n'avait pris que ceux qui étaient sur des bâtiments étrangers et prétendit que cela leur était permis par Lettre de Sa Majesté à d'Arvieux, Consul.

                     " Voyant, dit Le Vacher dans sa lettre du 30 mai 1679, au Ministre, que cette réponse était sans réplique et qu'elle n'était qu'un prétexte pour refuser honnêtement de satisfaire aux ordres du Roy, bien que le dit sieur de Tourville ne m'ait rendu aucune Lettre de Votre Grandeur, ni ordre porté du Roy, néanmoins, pour pouvoir obtenir des Puissances de ce Pays tout le bon effet des volontés de Sa Majesté, je représentai au Divan que le principal pour lequel il avait plu au Roy d'envoyer le Chevalier de Tourville, à Alger; était d'obtenir, conserver et ratifier la Paix, selon la forme et teneur des Traités, sans diminuer ni augmenter."

                     Le Divan ratifia le Traité sans difficulté, et de Tourville put reprendre la mer, le 13 du même mois. Malgré les promesses de se conformer au Traité, les Corsaires continuèrent à s'emparer des Français naviguant sous pavillon étranger, et, dès le 21 août 1679, le Consul porta a la connaissance de Colbert que non seulement toute satisfaction lui était refusée sur ce point, mais que, le Divan lui avait répondu plusieurs fois que tout Français pris sur un bâtiment qui ne serait pas de sa Nation serait fait Esclave.
                     Les relations devenaient trop tendues pour rester longtemps dans cet état, surtout avec la pensée arrêtée de la part du Gouvernement Français de ne pas traiter avec les Algériens et de ne pas rendre les Esclaves Turcs, croyant " qu'il était indigne de la grandeur du Roy de traiter avec la canaille et des Corsaires. " (Lettre de Dussault.)

                     Cependant, ce ne fut que le 31 janvier 1681, que parut, à Alger, Hayet, Commissaire de la Marine à Toulon, accompagné d'un Gentilhomme, député du Commerce de la ville de Marseille, " pour demander au Dey et Divan d'Alger, l'exécution des Traités que Sa Majesté leur a ci-devant accordés, et la réparation des contraventions qui y ont été faites, et de les faire convenir que les Français qui seront pris et menés à Alger, ne pourront être Esclaves de quelque manière qu'ils aient été arrêtés; de son côté, le Roy s'engage à ne pas souffrir qu'il soit acheté aucun Turc d'Alger pour la chiourme de ses Galères: "
                     Cette négociation eut tout le succès désirable et Colbert en témoigna sa satisfaction à Hayet. Celui-ci avait promis que les conventions seraient agréées et, sous peu, exécutées. Telle était également l'intention de Colbert ; mais la détermination du Roy était subordonnée au nombre de Français esclaves dont il désirait avoir le rôle, celui des Turcs ne s'élevant qu'à 83. " On ne doit pas attendre, disait Hayet, le rôle de M. Le Vacher, à cause de l'impossibilité de le faire exact ; les Algériens cachent les Esclaves qu'ils font. " Le Roy fi t alors écrire à tous les Officiers de l'Administration Maritime de dresser un rôle des matelots pris par les Corsaires et qui étaient retenus à Alger.

                     Le mois suivant, les Algériens assemblèrent extraordinairement le Divan et y appelèrent le Consul. On donna lecture des lettres des Turcs et des Maures qui se trouvaient en France, se plaignant que, depuis que la liberté leur avait été accordée, on les avait contraints de faire trois voyages sur les Galères.
                     " Sur ces griefs, écrit Le Vacher, le 18 octobre 1681, les Puissances et le Divan, d'un mutuel consentement, résolurent la rupture de la Paix avec la France ; ils l'ont tous dit et publié d'une même voix en ma présence, ce que je n'ai pu empêcher quelque instance que j'aie faite. Nonobstant cette rupture, tous les bâtiments marchands Français qui viendront négocier à, Alger, y seront les bien venus ; ils me permettront de repasser en France quand il plaira au Roy de m'en envoyer l'ordre. Les Algériens arment tous leurs vaisseaux qui sont dans le port, pour courir sur les Français. "
                     Le Consul s'empressa de donner communication de cette nouvelle au Bastion et à Marseille. Baba Hassan prévint aussi Dassault, qui se trouvait pour lors au Bastion, afin de le rassurer, lui reprochant, néanmoins, de ne s'être pas interposé pour faciliter l'échange ; le Divan, un mois auparavant, lui avait, écrit dans le même sens. Dassault exposa, au Ministre de France le préjudice énorme que cette guerre allait faire au commerce, que la plupart des bâtiments Corsaires étaient montés par des Renégats(2). Ces prévisions ne tardèrent pas à se réaliser, et, dès le 29 novembre, les Algériens avaient fait vingt-neuf prises françaises, estimées deux cent cinquante mille francs, et trois cents Esclaves. Les Anglais, depuis la rupture de leur Paix, avaient perdu trois cent cinquante navires et avaient, à Alger, cinq à six mille matelots esclaves.

                     On conçoit qu'après les pertes si considérables subies depuis le mois de mai 1674, les Anglais aient eu à cœur de renouer les relations d'amitié avec les Algériens ; toutes leurs tentatives avaient échoué jusqu'alors, ils n'auraient pas été plus heureux dans la suite sans la rupture faite avec la France, bien que l'Amiral Nolbert eût ordre de son Gouvernement, au rapport de Dassault, de faire la Paix à quelque condition que ce fût. Cédant à des instances aussi vives, pour ne pas être en hostilité avec toute l'Europe, les Algériens finirent par accorder la Paix aux Anglais, le 22 avril 1682.

                     " Ils se sont facilement démis des satisfactions considérables auxquelles ils pouvaient justement prétendre des Puissances et du Divan de ce pays, écrit M. Le Vacher ; ils leur ont lâchement accordé de donner toute la quantité de poudre, de boulets de canon, d'arbres, de gomme et de cordages et, généralement, tout ce qu'ils leur ont demandé pour l'armement de leurs vaisseaux corsaires, et cinquante Turcs, gratuitement, des plus considérables de en cette ville, que le Général Anglais avait à son bord, sans que ce Général ait pu obtenir un seul Esclave de sa Nation, ni grâce ou faveur aucune pour les Anglais esclaves qui sont en très grand nombre en cette ville ; les sus dites Puissances et le Divan ayant remis l'ajustement des prix et sommes de leur rachat aux prétentions de leurs patrons.
                     " Pour ce renouvellement de Paix avec les Anglais, il a été accordé que les bâtiments marchands de cette Nation, qui seront rencontrés à la mer par les Corsaires d'Alger, seront par eux visités. "
                     C'est là cette Paix que Le Vacher appelait la plus honteuse qu'on puisse imaginer.
                     Celle que les Hollandais avaient conclue trois ans auparavant (le 1er mai 1680) n'était guère plus honorable ; ils s'engagèrent à fournir huit canons de fonte, avec les affûts et tout le matériel nécessaire, quarante mâts de navires, cinq cents barils de poudre, cinq mille boulets de canon, un vaisseau chargé de câbles, à payer les Esclaves à leurs patrons, et à envoyer tous les ans des munitions de guerre et des mâts de navires. Moins d'un an après ces conventions, Baba Hassan tenait le Consul de Hollande en prison dans sa maison.

                     Louis XIV était à ce moment à l'apogée de sa gloire ; il venait, après des guerres brillantes, de conclure le fameux Traité de Nimègue ; il avait une armée nombreuse et aguerrie, et ses flottes, commandées par d'Estrées, Martel, Vivonne, Duquesne, Tourville, s'étaient couvertes de gloire dans plusieurs rencontres avec l'ennemi. Il ne pouvait donc ajourner sa lutte contre les Algériens pour la liberté du commerce.
                     L'expédition dont Duquesne fut chargé se composait de onze vaisseaux de guerre, quinze galères, cinq galiotes à bombes, deux brûlots et de quelques tartanes. C'était la première fois que, sur mer, on allait se servir de mortiers à bombes. La proposition en avait été faite par un jeune Navarrais, nommé Renaud d'Eliçagarray : on croyait que des mortiers ne pouvaient être posés que sur un terrain solide.
                     La proposition révolta. Renaud essuya les contradictions et les railleries que tout inventeur doit attendre ; mais sa fermeté et son éloquence déterminèrent le Roi à lui permettre l'essai de cette nouveauté contre Alger.

                     La flotte parut devant cette ville vers la fin d'août 1682, La grosse mer en empêcha l'attaque pendant quelques jours, il fallut attendre le calme pour que les galiotes pussent se poster convenablement. La mer étant devenue moins houleuse, les galiotes allèrent s'embosser et le feu s'ouvrit : mal dirigé d'abord, il fit peu de mal à l'ennemi.
                     Ce mauvais début ne découragea pas Renaud ; il désirait un second essai : il le proposa à Duquesne et l'obtint. Reprenant le commandement des galiotes, il les fit approcher plus près de terre, ayant remarqué que les premières bombes n'avaient pas produit grand effet à cause du trop grand éloignement. Ce second bombardement dura toute la nuit sans accident, dirigé sur un des points les plus fortifiés ; à la pointe du jour, il eut la satisfaction de le voir abandonné et toutes les batteries démontées. La nuit suivante, donnant une autre direction au tir, il lança les bombes avec tant de justesse et de précision, sur la ville, que pas une ne fut perdue. Les habitants, qui n'avaient pas encore vu des bombes, apprirent dès lors à les craindre. La consternation des Algériens fut extrême à la vue des désastres que faisaient les projectiles. Ils voulaient fuir une ville sous les ruines de laquelle ils étaient menacés d'être ensevelis ; mais la crainte de trouver, dans la fuite, la mort qu'ils voulaient éviter les retint encore. Le jour suivant, le mauvais temps força l'Amiral à rompre ses lignes ; mais, le 3 septembre, il y eut un nouveau bombardement, plus terrible que les précédents. Ce fut alors que les habitants, saisis d'épouvante, allèrent en foule au palais du Gouverneur pour forcer le Dey à demander la Paix. Cédant aux murmures et à l'exaspération de la multitude, le Dey fit arborer le drapeau blanc sur la terrasse de son palais et envoya, le 4, au soir, M. Le Vacher faire des propositions d'accommodement. Duquesne, apprenant que le Consul venait pour traiter de la Paix, refusa de l'entendre et fit dire aux Corsaires qui l'accompagnaient que, s'ils avaient quelques propositions à lui soumettre, ils devaient se présenter eux mêmes à son bord.

                     Alors Le Vacher le pria de suspendre du moins un bombardement qui plongeait la ville dans la consternation ; plus de cinquante maisons avaient été abattues, on comptait déjà cinq cents morts. Duquesne vit dans ce premier résultat une raison pour continuer une attaque si heureuse et, la nuit suivante, ses galiotes reprirent leurs postes. Cette fois, on lança les bombes sur le port, afin de détruire les navires qu'il renfermait.

                     Le lendemain, un changement subit dans l'état de l'atmosphère obligea les vaisseaux et les galères d'appareiller pour gagner le large. La saison avancée, le mauvais temps de plus en plus à craindre, le danger de la côte, tout rendait nécessaire une prompte retraite, et Duquesne reprit la route de Toulon.
                     M. Le Vacher fit part du danger qu'il avait couru, pendant ce bombardement, dans une lettre du 10 septembre :
                     " Le Seigneur m'a préservé, ainsi que le Frère François Francillon qui est avec moi, quoique la peste, qui est dans cette ville, y ait fait mourir neuf cents esclaves Chrétiens cette année, et que n'ayant pu trouver une maison à louer pour faire un hôpital afin de les y retirer, j'ai reçu la plupart de ces pauvres affligés en ma maison, où il y avait plusieurs chirurgiens qui visitaient les pestiférés et pansaient les pauvres malades qui y venaient et avec eux plusieurs Turcs frappés aussi de ce mal. J'ai donné tous les secours spirituels et corporels que j'ai pu aux pauvres esclaves Chrétiens, sans que ni moi, ni les personnes de la maison en ayons été atteints. Mais je n'ai pas été aussi préservé du feu que M. Duquesne a jeté dans la ville.

                     L'Amiral a jeté trois fois des bombes et des carcasses qui ont renversé quelques mosquées, maisons et boutiques. Il est tombé une bombe chez nous qui a enfoncé deux chambres avec un fracas extraordinaire.
                     Aucune personne de notre logis n'a été blessée, grâce au Seigneur. Les trois quarts des habitants sont sortis de la ville et sont allés aux jardins pour se soustraire aux projectiles ; il y en a eu plusieurs qui sont morts sous les décombres de leurs maisons que les bombes et les carcasses ont renversées. Les Puissances du pays ont trouvé bon de m'envoyer seul vers M. Duquesne pour voir ce qu'il désirait, que je fis, tout incommodé que je suis ; mais M. Duquesne me témoigna qu'il ne pouvait le déclarer qu'aux personnes du pays que les Puissances trouveraient bon de lui envoyer, ce que je leur rapportai ; et elles en demeurèrent là, sans lui envoyer personne. Les Turcs et autres habitants du pays sont extrêmement irrités contre nous et contre tous les Chrétiens, à cause des mauvais traitements qu'ils reçoivent de M. Duquesne(3).
                     Durant ces hostilités, cependant, il n'en résulta rien de fâcheux pour le Comptoir de La Calle, considéré par les deux Nations comme une espèce de terrain neutre. Le Divan d'Alger, autrefois si prompt à s'en prendre aux marchands du Bastion, ne chercha pas à se venger, sur l'Établissement français, de la guerre terrible que Duquesne lui faisait en ce moment.

                     On aurait tort, toutefois, de penser que cette modération inaccoutumée avait pour motif la crainte de la France ou le désir de ne pas compromettre les avantages d'un commerce favorable. Les causes qui avaient aidé si puissamment au rétablissement des Échelles françaises, en 1640, continuaient à protéger les marchands des Concessions. Les Turcs, en les épargnant, ne faisaient que respecter la volonté des Arabes de la Province de Constantine, qu'ils se sentaient forcés de ménager.

                     Pendant que le Roi de France faisait faire les préparatifs pour un second bombardement, Baba Hassan appela auprès de lui Dussault, Directeur du Bastion, et le chargea d'aller exposer, à Louis XIV, les circonstances qui l'avaient porté à déclarer la guerre, et à demander les conditions auxquelles la Paix pourrait être rétablie entre les deux États. Dussault lui répondit de Paris, sous la date du 2 février 1683 :
                     " J'ai fait connaître au Ministre les raisons que vous croyiez avoir de déclarer la guerre : que c'était parce qu'on n'avait pas répondu à vos Lettres, qu'on n'avait pas rendu vos Esclaves. On m'a répondu qu'on avait intention de renvoyer les Esclaves et que le message de Hayet confirmait assez que comme il y avait plus de Français esclaves, vous étiez plus nanti.
                     " On m'a dit que, d'après le Traité, vous ne pouviez retenir les Français sous quelque pavillon qu'ils naviguassent. J'ai répondu que vous n'étiez pas le maître de le faire exécuter par vos Corsaires.
                     J'ai représenté, au Ministre, qu'un mouvement populaire vous avait obligé de déclarer la guerre sans en apprécier les conséquences, qu'une partie de votre République n'avait pas été de cet avis, et que vous m'aviez chargé de l'assurer qu'on voulait lui donner satisfaction. Le Ministre m'a dit que c'était vous qui aviez commencé, qu'il n'avait jamais manqué de parole à ses Alliés dans tous les Traités, et qu'il était surpris que, dans un temps où toutes les Puissances de l'Europe lui sont soumises, votre République lui ait déclaré la guerre; que pour réparer cette insulte il fallait une satisfaction proportionnée ; que c'était à vous à examiner sur cela; que la force de ses armes lui en donnerait une dont il serait parlé à la postérité ; que les traités honteux faits par les Anglais et Hollandais ne faisaient que donner plus d'éclat à sa gloire, bien loin que vous deviez vous enorgueillir pour ce qui le regarde.

                     " Je lui ai dit qu'étant obligé de vous répondre, je ne manquerai pas de vous faire connaître la satisfaction qu'il demande s'il voulait me la dire.
                     " Il a répondu que c'était à vous à proposer la satisfaction suivant la différence que vous pouvez faire de vos forces avec les siennes, et que s'il la trouvait raisonnable, il l'accepterait.
                     " Alors, ne pouvant rien obtenir de précis, je me suis avancé de moi-même pour savoir si on a en vue le vaisseau commandé par M. de Beaujeu ou un autre qui le vaille, avec les mêmes armes qu'il avait lors de sa prise, suivant l'état qu'il en fournira, sur lequel on embarquera tous les Sujets du Roy, qui sont Esclaves, pour les passer en France sans qu'il en coûte rien.
                     " Que la République payera le montant de tout ce qui a été pris sur les Français lors de la rupture, suivant ce qui en sera réglé à l'amiable.
                     " Qu'elle enverra un Ambassadeur en France pour faire excuse, avec pouvoir de renouveler le Traité fait en 1664. " Dussault représente que le Roi n'a pas présentement d'autre ennemi à vaincre que la République d'Alger ; que les arsenaux sont pleins ; que Duquesne promet de mettre en poudre la ville et la marine d'Alger, et, qu'à la suite d'une deuxième Expédition, on fera payer les frais de la guerre.
                     Le Vacher fit part à Dussault, le 26 mai, du bon effet que sa Lettre avait produit sur les Puissances ; il fut même prié par Baba Hassan de lui en témoigner toute sa satisfaction. Cependant cette négociation n'eût pas d'autre résultat, parce qu'en France on était décidé à assurer la liberté des mers, Le Consul ajoutait :
                     " La plupart des habitants de cette ville l'ont abandonnée, ils se sont retirés aux jardins et aux maceries avec leurs familles, non tant à cause du mal contagieux qui continue en cette ville, que pour l'appréhension qu'ils ont du retour de l'armée de France. Le Seigneur Baba Hassan est le seul qui parait intrépide ; il fit armer une galère pour la course au commencement de ce mois; elle a rendu le bord sans aucune prise, ce qui ne l'a pas consolé.
                     " Quatre ou cinq vaisseaux stationnent à la vue de cette ville. On croit que c'est une escadre d'Occident qui attend l'arrivée de celle qui doit venir de Provence. Tous les vaisseaux corsaires sont présentement dans le port, à la réserve de deux caravelles et de deux barques qui sont sorties depuis quelques jours en course. "
                     " Si les Puissances de ce pays, écrivait encore Le Vacher, le 1er mai 1683, eussent envoyé en France pour obtenir du Roy la Paix, comme je leur en ai plusieurs fois fait instance, elles ne seraient pas dans l'appréhension où elles sont ainsi que tous les habitants de cette ville qui se retirent avec leurs familles aux métairies et aux jardins, à cause du puissant armement qu'on dit se faire à Toulon et devoir être envoyé ici sans tarder. "

(1) Le chevalier Laurent d'Arvieux, de Marseille, ancien Consul de France à Constantinople, Tunis, Alger, Alep, mourut le 30 octobre 1702, à l'âge de 67 ans, il fut enterré à l'église du Cannet, près de Marseille.
(2) Dussault, principal intéressé du Bastion, adressa des Mémoires à M. de Seignelay, qui dirigeait les Affaires étrangères, pour démontrer que le guerre avec Alger ruinerait notre commerce maritime.
(3) Mémoires de la Congrégation de la Mission. Nous apprenons que M. Octave Teissier vient d'adresser au Comité dos sociétés savantes de France la copie de quinze lettres inédites du P. Le Vacher, relatives à la rupture de la paix en 1682. Ces documents sont extraits des archives de la Chambre de Commerce de Marseille.

A SUIVRE

ALGER, TYP. DE L'ASSOCIATION OUVRIÈRE V. AILLAUD ET Cie
Rue des Trois-Couleurs, 1877
Livre numérisé en mode texte par M. Alain Spenatto.

Sourd et malin
Envoyé Par Sauveur


          Un monsieur âgé a un sérieux problème.
          Il est complètement sourd depuis plusieurs années.
          Il va voir son médecin qui lui prescrit un nouvel appareil auditif haut de gamme.
          Au bout d'un mois, il retourne voir son médecin qui lui dit : - " Votre famille doit être contente de voir que vous entendez très bien ?"

          L'homme répond : « Oh, je n'ai pas encore dit à ma famille que j'avais un appareil. Je ne fais que m'asseoir et écouter les conversations. J'ai déjà changé trois fois mon testament...»



 " C'était l'année 62 ".
Envoyé par Mme Joceline MAS

             Dessin de Mme Mas
Toute la jeunesse française danse et chante,
Sur cette chanson de Claude François.
Mais pour les Pieds-Noirs, c'est l'année de tous les malheurs.

Janvier 62 débuta comme avait fini Décembre 61,
Avec son concert de casseroles, le bruit des bombes
Et des fusillades.

Pour tout un peuple,
C'est l'année la plus terrible,
L'année où l'exil se profile à l'horizon.
Les parents, les grands-parents pleurent,
Tandis que les enfants, insouciants, jouent
A la guerre et se bombardent à coups de noyaux d'abricots.

Après les Accords d'Evian,
La trahison est encore plus flagrante.
Rien n'est respecté, ni les personnes, ni les biens.
Les Accords sont bafoués dans le sang.
La France laisse tuer ses fils sans réagir.

L'été arrive avec son angoisse du départ.
L'été 62, l'été du malheur.
Seul le bruit des vagues sur la grève,
Atténue notre douleur.

Quelle souffrance, pour ceux qui ont choisi la France !
La France avait conquis ce pays, mais elle n'en voulait plus.
Et ceux qui avaient travaillé si dur, qui avaient souffert dans leur chair,
Ceux-là avaient fait de cette terre aride et caillouteuse la Californie de la France.
Ceux-là aussi, la France n'en voulait plus.
Après tant d'années de travail, après avoir vaincu les pillards, les fièvres, la malaria, la typhoïde,
Ils étaient vaincus eux aussi, contraints de tout quitter, contraints à l'exil.

Notre Dame d'Afrique, Vierge Noire,
abandonnée, protège tes enfants éparpillés de par le monde.

1962 : quatre chiffres gravés au fer rouge dans le cœur de milliers de Pieds-Noirs.

Extrait du livre " De la Côte Turquoise à la Côte d'Azur "
Médaille de Bronze avec Mention d'Excellence décernée par le Centre Européen pour la Promotion des Arts et Lettres.

Jocelyne MAS
Poète-Ecrivain
Chevalier dans l'Ordre National du Mérite
Membre de la Société des Poètes Français.

Site Internet : http://www.jocelynemas.com


CUISINE
de nos lecteurs

Ischiade de mémé Iacono (d'Ischia)
Envoyé par Jean-Guy

Image Jean Guy B.

Ingrédients :

• 100 g de farine,
• 1 sachet de levure,
• 1 verre de vin blanc sec,
• 2 c. à s. d'huile d'olive,
• 4 oeufs,
• 120 g de broutche égoutté, (brousse)
• 50 g d'olives noires à la grecque

• 1 poivron rouge charnu
• 4 petites tomates,
• 10g de sucre
• 200 g de jambon sec (pas trop) coupé en tranche de 1 a 1,5 mm d'épaisseur,
• 1 c. à s. de basilic,
• 1 c. à s. de ciboulette,
• 1 c. à s. de persil,
• 1 c. à s. de coriandre,
• 1 noix de beurre pour le moule,
• sel, poivre.

             Préparation :
              - Préchauffer votre four à 210 °C (th. 7).
              - Tremper quelques minutes dans de l'eau bouillante les tomates, enlever la peau et les graines, les couper en petits morceaux et ajouter 10g de sucre.
              - Cuire le poivron au four, le mettre dans un sac plastique, enlever la peau et les graines, le couper en petits carrés.
              - Couper le jambon en petites lanières et écraser le broutche.
              - Casser les oeufs dans une terrine.
              - Ajouter l'huile et le vin blanc.
              - Fouettez jusqu'à obtention d'un mélange homogène.
              - Incorporer le broutche et la farine.
              - Ajouter la levure. Saler et poivrer.
              - Incorporer à la préparation les tomates, le poivron, le jambon, les olives coupées en 2 et toutes les herbes.
              - Bien mélanger. Beurrer et fariner un moule à cake.
              - Mettre au four 45 mn.
              - Servir froid ou tiède avec une mayonnaise aromatisée à l'ail et au citron.
             
                                                                                                    J.G.



Il était une fois trois arbres
Envoyé Par Chantal


          Il était une fois, sur une montagne,
trois arbres qui partageaient leurs rêves et leurs espoirs.

Le premier dit: « Je voudrais être un coffre au trésor, richement décoré,
rempli d’or et de pierres précieuses. Ainsi tout le monde verrait ma beauté ».

Le deuxième arbre s’écria: « Un jour, je serai un bateau solide et puissant,
et je transporterai les reines et les rois à l’autre bout du monde.
Tout le monde se sentira en sécurité à mon bord ».

Le troisième arbre dit: « Je veux devenir le plus grand
et le plus fort des arbres de la forêt.
Les gens me verront au sommet de la colline,
ils penseront au ciel et à Dieu, et à ma proximité avec eux;
je serai le plus grand arbre de tous les temps,
et les gens ne m’oublieront jamais ».

Les trois arbres prièrent pendant plusieurs années
pour que leurs rêves se réalisent.

Et un jour, survinrent trois bûcherons.
L’un d’eux s’approcha du premier arbre et dit: « Cet arbre m’a l’air solide,
je pourrais le vendre à un charpentier ».
Et il lui donna un premier coup de hache.
L’arbre était content, parce qu’il était sûr que le charpentier
le transformerait en coffre au trésor.

Le second bûcheron dit en voyant le second arbre:
« Cet arbre m’a l’air solide et fort,
je devrais pouvoir le vendre au constructeur de bateaux ».
Le second arbre se réjouissait de pouvoir bientôt commencer
sa carrière sur les océans.

Lorsque les bûcherons s’approchèrent du troisième arbre,
celui-ci fut effrayé, car il savait que si on le coupait,
ses rêves de grandeur seraient réduits à néant.

L’un des bûcherons s’écria alors: « Je n’ai pas besoin d’un arbre spécial,
alors, je vais prendre celui-là ». Et le troisième arbre tomba.

Lorsque le premier arbre arriva chez le charpentier,
il fut transformé en une simple mangeoire pour les animaux.
On l’installa dans une étable et on le remplit de foin.
Ce n’était pas du tout la réponse à sa prière.

Le second arbre qui rêvait de transporter des rois sur les océans,
fut transformé en barque de pêche. Ses rêves de puissance s’évanouirent.

Le troisième arbre fut débité en larges pièces de bois,
et abandonné dans un coin.

Les années passèrent et les arbres oublièrent leurs rêves passés.
Puis un jour, un homme et une femme arrivèrent à l’étable.
La jeune femme donna naissance à un bébé
et le couple l’installa dans la mangeoire
qui avait été fabriquée avec le premier arbre.
L’homme aurait voulu offrir un berceau pour le bébé,
mais cette mangeoire ferait l’affaire.
L’arbre comprit alors l’importance de l’événement
qu’il était en train de vivre,
et sut qu’il contenait le trésor le plus précieux de tous les temps.

Des années plus tard, un groupe d’hommes monta dans la barque fabriquée
avec le bois du second arbre; l’un d’eux était fatigué et s’endormit.
Une tempête terrible se leva, et l’arbre craignit de ne pas être assez fort
pour garder tout son équipage en sécurité.
Les hommes réveillèrent alors celui qui s’était endormi;
il se leva et dit : « Paix! » Et la tempête s’arrêta.
A ce moment , l’arbre sut qu’il avait transporté le Roi des rois.

Enfin, quelqu’un alla chercher le troisième arbre oublié dans un coin;
il fut transporté à travers les rues,
et l’homme qui le portait se faisait insulter par la foule.
Cet homme fut cloué sur les pièces de bois élevées en croix ,
et mourut au sommet de la colline.
Lorsque le dimanche arriva, l’arbre réalisa qu’il avait été assez fort
pour se tenir au sommet de la colline et être aussi proche de Dieu
que possible, car Jésus avait été crucifié à son bois.

Chacun des trois arbres a eu ce dont il rêvait,
mais d’une manière différente, de ce qu’ils imaginaient.
Nous ne savons pas toujours quels sont les plans de Dieu pour nous.
Nous savons simplement que ses voies ne sont pas les nôtre,
mais qu’elles sont toujours meilleures si nous lui faisons confiance.

Angela Elwel Hunt.



PHOTO D'ECOLE
Envoyé par M. Edmond Vassalo

ECOLE
Année 1938

Photo Edmond Vassalo
1 ? - 2 ? - 3 ? - 4 ? - Kandel ? - 6 Paoli - 7 ? - 8 Edmond Vassalo -
9 ? - 10 ? - 11 Macaluso - 12 ? - 13 ? -14 ? - 15 Pace - 16 ? - 17 ? - 18 ? -
19 ? - 20 Benozen - 21 ? - 22 ? - 23 ? - 24 ? - 25 ? - 26 ? - 27 - 28 Debiage
29 Picone - 30 ? - 31 Saliba - 32 Pardini - 33 Kafrouni - 34 ? - 35 Revillain - 36 Attard - 37 ? - 38 ? -
De haut en bas et de gauche à droite
Classe de M. LASBATS à Gauche, et à droite M. MATERRA, directeur

___________________
Est-ce que d'autres amis se reconnaîtront-ils ?
Merci M. Vassalo

Réponses logiques !!!!
Envoyé Par Sauveur


          Cet étudiant a eu 0 dans son examen mais je lui en aurais donné 20 !

          Q1. Dans quelle bataille Napoleon est-il mort?
          R. Dans la dernière.

          Q2. Où a été signé la Déclaration de l'indépendance?
          R. Au bas de la page.

          Q3. La riviève Ravi coule dans quel état?
          R. Liquide.

          Q4. Quelle est la principale cause du divorce?
          R. Le mariage.

          Q5. Quelle est la principale raison d'un échec?
          R. Un examen.

          Q6. Qu'est-ce que vous ne pouvez pas manger pour déjeuner?
          R. Le diner ou le souper.

          Q7. Qu'est qui`ressemble à une moitié de pomme?
          R. L'autre moitié.

          Q8. Si tu immerge une pierre rouge dans la mer bleu, que va-t-elle devenir?
          R. Simplement mouillée.

          Q9. Comment peux-tu passer 8 jours sans dormir?
          R. Sans problème, tu dors la nuit.

          Q10. Comment peux-tu soulever un éléphant avec une seule main?
          R. Tu trouveras jamais un éléphant avec une seule main.

          Q11. Si tu as 3 pommes et 4 oranges dans une main puis 4 pommes et 3 oranges dans l'autre main, qu'est-ce que tu as?
          R. De très grandes mains.

          Q12. Si 8 hommes construisent un édifice en 10 heures, combien de temps prendront 4 hommes pour construire ce même édifice?
          R. Aucun temps, l'édifice est déjà construit.

          Q13. Comment peux-tu laisser tomber un oeuf cru sur un plancher de béton sans le casser?
          R. De toutes façons, un plancher de béton, ça casse rarement!



PHOTOS
Diverses de BÔNE
Envois de diverses personnes

LE PORT DE BÔNE, Envoyé par M. Charles Ciantar
Carte de M. Charles Ciantar
Cartes envoyées par M. Albert
La Grenouillère,
Carte Albert R.

La rue Gambetta
Carte Albert R.

Le Square de la Mairie
Carte Albert R.

La Cathédrale et le palais de justice
Carte Albert R.

ANECDOTE
Tract de cessez-le-feu de 1962
Envoyé par M. Jean Roda
 LA PERFIDIE GAULLISTE
Rappel pour un cinquantenaire
Tract de M Jean Roda

                  On comprend pourquoi ils ne nous attendaient pas aussi nombreux, avec une telle offre !!!!!
      Comment n'avons nous pas accepté ? Ingrats que nous sommes !!!
      Penser que nous ayons pu croire ces belles promesses démontre la considération qu'ils avaient pour nous !!!!!!!!
      La suite nous a donné raison.


Les Pieds-Noirs, 50 ans après
Jean-Marc Gonin - Le Figaro 28/01/2012


Le 28 janvier 2012, Le Figaro Magazine publiait un numéro consacré aux Pieds-Noirs, 50 ans après.
           Donnant le coup d'envoi à toute une série de parutions qui auront comme thème principal les cinquante ans de l'indépendance de l'Algérie. Nous aurons donc droit au pire comme au meilleur.
Et sans être un grand voyant le pire sera certainement majoritaire.
           Témoin cet article. Il est bon de préciser certains raccourcis, résidus d'une désinformation vieille d'un demi-siècle.
           L'honnêteté du journaliste n'est pas mise en cause. Il est dans la droite ligne de ce qu'on lui a enseigné, et au milieu de faits avérés, il glisse des affirmations qui sont erronées ou tout au moins, superficielles.
           Je livre l'intégralité du texte avec les remarques qui me semblent essentielles.

En 1962, comme si un barrage s'était rompu, 700.000 Français d'Algérie déferlent sur la métropole. Drame national à leur arrivée, cet exode, vu avec cinquante ans de recul, a connu un épilogue heureux : la réussite de leur intégration.
Quelques lignes sur le terme pied-noir. En général, les Français d'Algérie ne l'aiment pas. On leur a collé cette étiquette au moment de l'exode. Ses origines sont contestées. Les uns affirment que le mot remonte aux soldats français débarqués en 1830 qui portaient des guêtres noires. Les autres pensent que le sobriquet vient des colons viticulteurs qui écrasaient le raisin en le piétinant et sortaient du pressoir les pieds noircis par le jus. Quelle que soit son étymologie, l'expression va s'imposer en France et éclipser les autres. En 1962, au moment des accords d'Evian, la métropole les appelle déjà rapatriés (1). Un secrétariat d'Etat aux Rapatriés a été créé l'année précédente, confié à Robert Boulin.
           Dans la foulée, des décrets ont été publiés prévoyant l'accueil des Français d'Algérie ainsi que leur accès à des aides spécifiques. Mais ce dispositif, copié sur celui mis en place pour les Français du Maroc, de Tunisie et d'Indochine, va être totalement submergé. Depuis la Toussaint 1954, cela fait plus de sept ans que l'Algérie vit dans la guerre. D'abord dans les campagnes puis dans les villes avec, pour ne citer que quelques épisodes, la bataille d'Alger, le terrorisme, les assassinats, sans oublier les fameuses nuits bleues où les explosions succèdent aux explosions. Quand des négociations secrètes, à l'initiative du général de Gaulle, aboutissent aux accords du 18 mars 1962 conduisant à un cessez-le-feu, prélude à l'indépendance, fureur et désespoir se mêlent dans le c?ur des Européens d'Algérie (2). L'Organisation armée secrète (OAS), créée un an auparavant dans le but de maintenir l'Algérie française, redouble de violence. À Alger, l'armée impose un blocus au quartier (européen) de Bab el-Oued et en bombarde certains bâtiments. Des soldats français tirent sur d'autres Français rue d'Isly. Pour une immense majorité de Pieds-Noirs, ces combats fratricides, qui s'ajoutent aux exactions récurrentes du Front de libération nationale (FLN), donnent le signal du départ. L'armée n'est plus là pour les défendre (3) et ils refusent de rester dans un pays gouverné par leur ennemi FLN.(4) Les massacres d'Oran (plusieurs milliers de victimes) (5), perpétrés le 5 juillet, jour de la proclamation de l'indépendance, sans que la garnison française n'intervienne, emporteront les doutes de ceux qui hésitaient encore. C'est " la valise ou le cercueil ".

(1) rapatriés : terme impropre pour les européens d'Algérie.
           - Définition du Larousse : Personne ramenée dans son pays d'origine par les soins des autorités officielles.
           - Définition du petit Robert : Assurer le retour d'une personne sur le territoire du pays auquel elle appartient par sa nationalité.

           Les européens d'Algérie sont nés Français sur une terre qui était française (avant les Alpes Maritimes, la Savoie et la Haute Savoie) du 4 novembre 1848 jusqu'au 3 juillet 1962. Ils ont été chassés de leur terre d'origine. Ce vocable ne peut leur être appliqué, sauf à considérer que l'Algérie ne fut jamais française, ce qui est contradictoire avec ce que les membres des gouvernements français successifs ont proclamé plus d'un siècle durant.Voir ici
           (2) " fureur et désespoir se mêlent dans le coeur des Européens d'Algérie ",
           Mais surtout incompréhension. La logique aurait voulu qu'ils fussent conviés à la table des négociations. Il n'en fut rien. Les accords d'Evian ont effacé par leur mise en place, 1 million d'européens (soit 10 % de la population) et un nombre non négligeable de musulmans favorables au maintien de la France. Voir ici
           (3) " L'armée n'est plus là pour les défendre ".
           Cette affirmation est fausse quant à sa présence physique et à ses possibilités de réaction et de protection des personnes et des biens. Le 5 juillet 1962 à Oran il restait 18 000 soldats français cantonnés dans les casernes avec ordre de ne pas intervenir. En revanche il est vrai que la défense des Pieds-Noirs n'était pas sa priorité et c'est un euphémisme?
           (4)"ils refusent de rester dans un pays gouverné par leur ennemi FLN."
           Voici un autre aspect de la désinformation. Nous aurions refusé de perdre " nos privilèges " en étant gouvernés par des " arabes " (Ah ! Ce racisme congénital). Ceci ne tient pas car les accords d'Evian prévoyait une représentation européenne au gouvernement de la République algérienne. Simplement, les accords d'Evian n'étaient qu'une déclaration de principe qui ne fut jamais respectée. De plus, le slogan " La valise ou le cercueil " était toujours d'actualité. Voir ici.
           (5) Plusieurs centaines de victimes serait plus proche de la réalité. 807 d'après Jean Pierre Chevènement, préfet d'Oran par intérim ce jour-là.

Certains pensent encore revenir pour un vrai déménagement
           Entre mars et septembre 1962, villes et villages d'Algérie se vident de leur population européenne comme si un barrage s'était rompu. Des rotations incessantes de navires (6) vers Marseille et Port-Vendres ainsi qu'une noria d'avions déversent près de 700.000 rapatriés sur le sol de la métropole - 70 % de la population française d'Algérie. Rares sont ceux qui ont pu déménager. La plupart sont partis dès qu'ils ont décroché un passage maritime ou un billet d'avion. On a bourré les valises à la hâte et chaque membre de la famille en transporte une ou deux. Certains songent à revenir plus tard pour effectuer un déménagement en bonne et due forme. Mais beaucoup croient ce départ définitif. Dans son émouvant ouvrage La Traversée, l'écrivain Alain Vircondelet raconte: " On savait que sitôt partis, la porte serait fracturée et qu'une famille, peut-être déjà aux aguets, occuperait les lieux. " Ainsi, nombre de portes resteront ouvertes et des voitures abandonnées avec les clés sur le tableau de bord - d'autres, au contraire, incendieront leur véhicule plutôt que de le laisser aux " vainqueurs ".
           Quand ils embarquent et jettent un dernier regard vers cette terre d'Algérie qui les a vus naître, ces rapatriés éprouvent le goût amer de la trahison. Le gouvernement, remâchent-ils, a précipité leur perte, détruit leur existence et bradé " leur " pays.(7) Jetés sur les routes de l'exil, beaucoup espèrent trouver le réconfort en gagnant la " mère patrie ". C'est De Gaulle qui les a trahis, pas la France, veulent-ils croire pendant leur traversée sans retour. Du moins la France des livres d'histoire et des manuels de géographie. Car ce peuple d'artisans, d'employés, de commerçants, de fonctionnaires cher à Albert Camus n'a, dans sa majeure partie, jamais foulé le sol de l'Hexagone (8). Ceux qui l'ont visité n'y ont souvent passé que quelques semaines de vacances et n'en ont donc rapporté que des souvenirs heureux. Leur vision idyllique ne résistera pas aux premières heures passées sur les quais de Marseille ou dans les salles de débarquement d'Orly. Policiers suspicieux - l'Intérieur traque les hommes de l'OAS - et douaniers pinailleurs transforment les premiers instants en une attente interminable. Les rapatriés découvrent soudain une France marquée par la guerre d'Algérie, mais pas comme ils l'ont été eux-mêmes. Ces Français-là les accueillent souvent mal, parce que des dizaines de milliers d'appelés du contingent ont été envoyés dans les Aurès " à cause d'eux " (9) ; parce que l'OAS a commis des attentats en métropole et qu'on les tient pour responsables ; et parce que des généraux ont organisé un putsch un an plus tôt contre la République.(10) L'hostilité a été amplifiée par une certaine presse et par la propagande communiste, qui les présentent tous comme des " colons ": propriétaires latifundiaires exploitant de pauvres fellahs ou bourgeois nantis dont les Arabes ciraient les chaussures aux terrasses des cafés. En réalité, les trois quarts des Français d'Algérie avaient des revenus inférieurs de 20 % à ceux des métropolitains. Et les riches que le PC brocardait ne représentaient que... 3 % des Pieds-Noirs.(11)

(6) " des rotations incessantes de navires ".
           " Si l'on veut parler d'une mise en place de moyens de transports par le gouvernement : " on aura tôt fait de constater à quel point la participation de la Marine nationale à cette exode aura été numériquement marginale pour l'évacuation de la population européenne encore que fondamentale pour celle des harkis? pour le mois de juillet où elle atteint son maximum, elle ne dépasse pas 8% du total. "
           Documents/patrick_boureille_conf_marine_nationale.pdf.
           L'emploi de la marine nationale ne fut effectif qu'à partir d'août 1962. Le chef de l'état ayant même refusé des initiatives américaines et espagnoles.
           (7) " leur " pays.
           L'utilisation des guillemets laisse entendre que le pays en question n'était le leur que par le résultat d'une hallucination collective. Un élément allogène n'aurait donc pas le droit de se sentir chez lui sur une terre qui a vu naître 5 générations des siens. Une arrière pensée un peu étrange alors que le droit du sol est instauré sans contestation possible sur la terre de France. Et qu'il suffit qu'un nouveau né voit le jour sur le quai d'un port ou sur le tarmac d'un aéroport de " notre pays ", pour devenir instantanément, citoyen français et de ce fait être inexpulsable. Mais peut être aussi que cette terre française n'est pas non plus " notre " pays puisque nous sommes nés en terre étrangère... Voir ici
           (8) " Car ce peuple? n'a, dans sa majeure partie, jamais foulé le sol de l'Hexagone. "
           Effectivement, sauf pour secourir la mère patrie en danger. Le père de Camus entre autres, perdra la vie dans le premier conflit mondial. Tous n'ont pas rapporté de " souvenirs heureux ", mais souvent laissé " outre-mer " un être cher ou " rapatrié " cercueils, blessés, gueules cassées et handicapés. Voir ici.
           (9) " des dizaines de milliers d'appelés du contingent ont été envoyés dans les Aurès " à cause d'eux " ".
           Et à " cause d'eux ", à cause des enfants qu'ils étaient, des dizaines de milliers de Pieds Noirs (16,4 % de la population européenne pendant la seconde guerre mondiale) ont été envoyés, en Tunisie, en Corse, en Provence, en Italie, à Colmar, jusqu'à Stuttgart.
           (10) " parce que des généraux ont organisé un putsch un an plus tôt contre la République.
           " La révolte des généraux de janvier 1961, baptisée Putsch, n'était pas dirigée contre la République. C'était même tout le contraire. L'Algérie était partie intégrante, depuis 1848, de la République française une et indivisible. La politique gaullienne prévoyait d'amputer celle-ci de 15 départements en contradiction avec la constitution du 4 octobre 58
(Article 2 La France est une République indivisible.), (Article 5 Le Président de la République veille au respect de la Constitution?, Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire..)
           Le " Putsch " visait donc à conserver l'unité républicaine et s'opposait à des violations de la constitution. Il fut tenté par des officiers républicains qui tous avaient un passé glorieux au service de la France. On les qualifia de fascistes afin de les déconsidérer pour salir leur entreprise.
           (11) Sondage I.F.O.P en 1962 : 62% des français de métropole refusent toute idée de sacrifice à l'égard des "Pieds-Noirs ".

Un quart des biens débarqués ont été volés
           Gaston Defferre, alors maire de Marseille, se place au premier rang du " comité d'accueil ". Supporter de l'indépendance, il n'éprouve pas de sympathie pour ces intrus qui débarquent par milliers chaque jour dans la cité phocéenne. Le 2 juillet 1962, dans une interview à Paris-Presse, il déclare : " Au début, le Marseillais était ému par l'arrivée de ces pauvres gens, mais, bien vite, les Pieds-Noirs ont voulu faire comme ils le faisaient en Algérie quand ils donnaient des coups de pieds aux fesses des Arabes. Alors les Marseillais se sont rebiffés. Vous-même, regardez en ville : toutes les voitures immatriculées en Algérie sont en infraction ! "(12). " Halte au péril pied-noir " (13), peut-on lire sur des affiches placardées sur les murs du port. Dans ce climat tendu, des Pieds-Noirs verront même leurs caisses jetées dans les bassins par des dockers CGT... L'historien Jean-Jacques Jordi estime que le quart des biens des rapatriés déchargés à Marseille ont été purement et simplement volés. Le gouvernement n'est pas en reste. Le général de Gaulle observe cet exode avec inquiétude (14) : il discrédite les accords d'Evian qui stipulaient des garanties pour les Français d'Algérie et rejette vers la métropole ses plus farouches détracteurs. Louis Joxe, ministre des Affaires algériennes, qui a mené les négociations avec le FLN, voit ces arrivées massives comme une catastrophe. Robert Boulin, secrétaire d'Etat aux Rapatriés, tente de minimiser l'événement. En Conseil des ministres, il explique que cet afflux cache un grand nombre de vacanciers qui retourneront en Algérie à la rentrée et que seulement 160.000 Pieds-Noirs sont partis pour de bon... En fait, quelles qu'aient été les arrière-pensées politiques des uns ou des autres, l'afflux soudain de Pieds-Noirs prend le gouvernement et l'administration au dépourvu. Ni le secrétariat d'Etat, ni le ministère de l'Intérieur, ni les préfectures ne sont prêts à y faire face. Le problème est énorme. Il faut loger, nourrir, scolariser des milliers de Français arrivés en six mois. Les plus argentés, une minorité, possèdent une maison ou un appartement en métropole et peuvent s'y installer. Mais que faire des autres ?
           Quand ils ont encore des liens familiaux, les Pieds-Noirs campent chez des parents. Mais ces solutions de fortune, à cinq ou six dans une pièce, ne sont pas durables. Elles ne font que repousser le problème et grossir les rangs des mécontents. Quant à ceux qui n'ont pas de famille en France - c'est par exemple le cas des Pieds-Noirs d'origine espagnole ou des juifs séfarades -, ils n'ont rien. La question du logement est la plus urgente. Hélas, en ce début des années 60, la France se débat déjà avec ce problème. Les dossiers des rapatriés vont donc épaissir le fichier des mal-logés et s'ajouter aux cohortes de demandeurs de HLM. À l'été 1962, on les héberge dans des internats, vides durant les vacances scolaires, dans des entrepôts désaffectés ou d'anciennes casernes, voire dans de petits hôtels sans confort réquisitionnés par les préfectures. La Croix-Rouge, le Secours catholique, la Cimade (protestante), le Fonds social juif déploient leurs bénévoles pour assister les Pieds-Noirs. Ces " solutions " relèvent toutes de l'expédient ou de la charité plutôt que du plan réfléchi et concerté. Longtemps encore, ils furent des milliers à occuper des logements insalubres en payant des loyers prohibitifs au regard de l'état des locaux. Il faudra des années pour régler le relogement des Pieds-Noirs en France. Le chercheur Yann Scioldo-Zürcher, (15) auteur d'une étude détaillée sur l'intégration des rapatriés d'Algérie (Devenir métropolitain, éditions EHESS), souligne néanmoins que l'État a veillé à ce que les rapatriés n'échouent pas dans les bidonvilles, nombreux autour des grandes villes françaises de l'époque.

(12) " Ils fuient. Tant pis ! En tout cas je ne les recevrai pas ici. D'ailleurs nous n'avons pas de place. Rien n'est prêt. Qu'ils aillent se faire pendre où ils voudront ! En aucun cas et à aucun prix, je ne veux des Pieds-Noirs à Marseille ". "Il n'est pas question de les inscrire à l'école, car il n'y a déjà pas assez de place pour les petits Marseillais. " Gaston Deferre Voir ici.
           (13) D'autres aussi : " Pieds-Noirs dehors ! " " Retournez chez vous ! " " Les Pieds-Noirs à la mer ! "...
           (14)" Le général de Gaulle observe cet exode avec inquiétude ".
           Il ne fut inquiet que lorsque le flot pourtant prévisible (" Quelle hécatombe connaîtrait l'Algérie si nous étions assez stupides et lâches pour l'abandonner " Ch De Gaulle - conférence de presse 1958), devenait irréversible. Il fut indifférent et sourd aux conseils de certains de ses ministres. " Trois cent Français d'Algérie par semaine, ça fait douze cent par mois, à supposer qu'ils soient tous des rapatriés. Ce n'est pas la mer à boire. Ce n'est rien ! " Charles De Gaulle à Alain Peyrefitte
           (15) A lire les écrits du chercheur Yann Scioldo-Zürcher, le Pieds-Noirs serait environné des mythes qu'il à lui-même fabriqué pour se donner, inconsciemment (ou non), une posture de victime. Il en va ainsi de la description du monde dans lequel il vécut ; de l'image qu'il s'est construit de la société coloniale dans laquelle il s'octroie le " beau rôle " ; de la négation des efforts humains et financiers incommensurables que fit le gouvernement à son encontre.
           Si les aides pécuniaires furent effectivement allouées, le chercheur occulte qu'elles furent versées, souvent, comme des avances et prêts soumis à intérêts, ou des remboursements de frais engagés ; qu'elles furent réglées bien tardivement, non convenablement estimées par rapport à ce qu'elles auraient dû être ; que les versements étalés dans le temps ne tinrent pas compte de l'inflation ; que le pretium doloris ne fut jamais pris en compte. (Voir notre dossier " Indemnisation ").
           " que si l'État a veillé à ce que les rapatriés n'échouent pas dans les bidonvilles, nombreux autour des grandes villes françaises de l'époque ". Il n'a pas empêché l'inflation du prix des terrains et des loyers qui ont amplifié la précarité des réfugiés ; les taudis et meublés sordides avec paiement exigé en liquide par des bons français qui eux, ne faisaient pas " suer le burnous ".

Attirés par le climat du midi de la France
           L'objectif d'origine - veiller à éviter des concentrations trop importantes dans certaines régions de France - n'a pas été atteint (16). Le midi de la France, notamment le pourtour méditerranéen, concentre la majorité des Pieds-Noirs. Viennent ensuite la région parisienne, puis le Rhône et l'Isère. Une répartition géographique qui révèle deux tendances fortes. Premièrement, beaucoup de Pieds-Noirs ont privilégié le climat. N'oublions pas que cette population composite, mêlant Français, Espagnols, Maltais, Italiens, Grecs, Séfarades, représentait une sorte de concentré de Méditerranée qui n'avait que peu, ou pas du tout, de racines en France. D'où l'envie de s'établir près de la " grande bleue " ou, en tout cas, d'éviter les hivers trop rudes. Deuxièmement, les zones de forte expansion ont accueilli de nombreux Pieds-Noirs. Le constat est vrai pour l'Ile-de-France et la région Rhône-Alpes. Mais il l'est aussi pour les grandes villes du Midi : Marseille, Nice, Montpellier, Perpignan, Toulon. L'arrivée des Pieds-Noirs a correspondu avec le moment fort des Trente Glorieuses, marqué par une croissance annuelle supérieure à 6 % jusqu'en 1965. Ils y prirent leur part.

(16) "Il faut les obliger à se disperser sur l'ensemble du territoire. Leur répartition et leur emploi exige des mesures d'autorité ". (C De Gaulle au Conseil des Ministres du 18 juillet 1962)
           " Pourquoi ne pas demander aux affaires étrangères de proposer des immigrants aux pays d'Amérique du Sud ? Ils représenteraient la France et la culture française. " (Georges Pompidou 1er Ministre, au Conseil des Ministres du 18 juillet 1962)
            " Mais non ! Plutôt en Nouvelle Calédonie ou en Guyane qui est sous-peuplée et où on demande des défricheurs et des pionniers ! " ch de GaulleVoir ici

Dans l'agriculture, une réussite moins harmonieuse
           Il est bien entendu très difficile de mesurer la réussite spécifique de la population rapatriée une fois installée sur le territoire de la métropole. A leur arrivée, l'économie française en général et le marché de l'emploi en particulier n'avaient pas forcément besoin d'eux (17). Artisans, petits commerçants, modestes employés, agriculteurs, ils faisaient irruption dans une France en pleine mutation : exode rural, industrialisation, avènement des grandes surfaces commerciales. Au départ, les autorités ont attribué des aides aux indépendants pour qu'ils se réinstallent tout en octroyant des surprimes, substantielles, à ceux qui optaient pour un emploi salarié. La rabbia,(18) ce mot italien utilisé à Bab el-Oued qui signifie rage, animait-elle les rapatriés à leur arrivée? En tout cas, ces Français qui avaient tout perdu ont tracé leur chemin en créant des PME, notamment dans le bâtiment, dans la confection et dans les services. Dans les professions libérales, médecins, vétérinaires, dentistes, avocats, notaires, les réussites sont patentes. Dans le monde agricole, le tableau est moins harmonieux. À côté de grands succès, notamment en Corse avec la viticulture et les agrumes ou sur la Côte d'Azur avec les pépiniéristes, on déplore de nombreux échecs. Les Pieds-Noirs, parfois incités par les pouvoirs publics ou les chambres d'agriculture, ont repris des exploitations abandonnées par des paysans qui avaient gagné la ville. Payées au prix fort, les terres n'ont pas produit les revenus attendus et ont plongé leurs acquéreurs dans les difficultés, voire la faillite. Les fonctionnaires sont un cas particulier. Les administrations les ont intégrés, parfois avec quelques retards dans la carrière, et les agents des organismes locaux ont fini par être réaffectés au sein de services publics en France. Exemple célèbre dont beaucoup de lycéens des années 60 se souviendront: les infirmières des hôpitaux d'Algérie que l'on réorienta vers la médecine scolaire. N'oublions pas la musique, le cinéma et le show-business où les réussites sont légion. C'est vrai pour les Séfarades qui dominent la comédie, au grand dam de certains qui se sentent caricaturés par leur genre d'humour.
           Mal partis et finalement bien arrivés, les rapatriés auront quand même obtenu de réelles compensations de la République - ce que certains ont semblé oublier. (19) En 1970, le Sénat chiffrait à 26 milliards de francs le total des aides et allocations. Quant aux indemnisations au titre des lois de 1970, 1974 et 1978, elles se montent à près de 29 milliards de francs.(20) Des sommes obtenues de haute lutte, bien après que le Général eut quitté le pouvoir, notamment sous Giscard. Au bout du compte, les Pieds-Noirs n'ont pas " tout " perdu.(21) La France, quant à elle, a gagné des citoyens qui ne demandaient qu'à l'intégrer. C'est une réussite.

(17) Nous venions " manger le pain des Français !! "
           (18) Ou Rabia mot espagnol de même signification.
           (19) Voir note (15)
           (20) Estimation des biens laissés en Algérie 25 à 50 milliards de 1956.
           55 milliards d'aides, allocations et indemnisation.
           26 milliards réinjectés illico dans l'économie (aides et allocations ont servi à acquérir des biens de consommation de première nécessité) ;
           29 milliards d'indemnisation (sans défalquer les intérêts de prêts remboursés).
           Cette indemnisation fut si juste et si équitable qu'il fallut rajouter 3 lois (1982, 1987, 2005).
           Pour une indemnisation totale en quatre ans, il suffisait d'augmenter le litre d'essence, alors aux environs de 1 Franc, de 1 centime (proposé par M Viard), mais cette augmentation " aurait été mal perçue par le peuple Français ".
           Pour mémoire :
           La France a fourni à l'Algérie (de 1962 à 1965) une aide équivalente au montant du coût des grands travaux prévus au Plan de Constantine, c'est-à-dire approximativement DIX MILLIONS DE FRANCS PAR JOUR, soit pour ces trois années, PLUS DE DIX MILLIARDS DE FRANCS versés à fonds perdus.
           (21) " les Pieds-Noirs n'ont pas " tout " perdu ".
           Tout non ! Seulement un pays, leurs maisons, leurs amis, leurs cimetières. Pour certains, leur métier, la vie ou la santé, une fin d'existence dans la misère. Et pour ceux qui ont pu bénéficier d'une indemnisation, environ 70 % de leurs biens. Ils y ont gagné par contre, mépris, racisme et xénophobie, accusations diverses et variées, insultes et autres manquements aux droits de l'homme. De quoi se plaignent-ils à la fin ? Merci donc à la France " grande et généreuse ".


LES ANNALES ALGERIENNES
De E. Pellissier de Reynaud (octobre 1854)
Envoyé par Robert
LIVRE X
Politique du duc de Rovigo avec les Arabes. - Sa conduite envers l'agha. - Négociations avec Farbat-ben-Saki. -- Massacre d'El-Ouffa. - Massacre d'une reconnaissance française. - Démonstration du général Buchet sur Pisser. - Agitation dans la province d'Alger. - Publication de la guerre sainte et insurrection générale. - Affaire de Boufarik. - Conduite équivoque et fuite de l'agha. - Arrestation des marabouts de Coléa. - Expédition sur Blida. - Arrestation et exécution de Meçaoud et d'El?Arbi. - Négociation avec Constantine. - Coup de main sur Bône. - Evénements d'Oran et rappel du général Boyer. - Départ du duc de Rovigo. - Digression sur la province de Constantine.

          Séparation de l'autorité civile de l'autorité militaire à Alger.
Rappel du général Berthezène.


          Le duc de Rovigo avait commencé son administration d'une manière très convenable et très méthodique: il s'était d'abord assuré, comme il a été dit, d'un terrain qui fût bien réellement à nous, par l'établissement de plusieurs petits camps permanents. Ce terrain fut limité par une ligne de blockhaus qui, partant du fort de la pointe Pescade que nous occupions, passait par le sommet de Bouzaréa, Dely-Ibrahim, Kaddous, Tixerain, Oued-el-Kerma, la Ferme-Modèle, le gué de l'Arach, dit de Constantine, la Maison-Carrée et l'embouchure de l'Arach. Ils comprenaient environ six lieues carrées, qui dès lors furent à l'abri de toute invasion, et où la culture aurait pu renaître, si d'autres causes ne s'y étaient opposées.

          L'occupation régulière du massif d'Alger était mesure d'ordre et un point de départ qui satisfait l'esprit. Il aurait été à désirer, qu'assis sur cette base solide, le duc de Rovigo eut agi sur les Arabes par d'autres moyens que ceux qu'il employa. Il ne tarda pas d'être choqué du système qu'avait adopté le général Berthezène, depuis la création d'un agha indigène, système qui réduisait l'autorité française à un rôle tout passif; mais comme il n'avait pas peut-être de plan bien arrêté, et que sa politique ne consistait guère que dans l'application peu réfléchie de quelques brutalités du système turc, dont il ne connaissait que le mauvais côté, il se contenta de le contrarier sans le renverser entièrement. L'agha, traité souvent par lui avec peu de bienveillance, continua cependant ses fonctions. Il en résulta un froissement dont la fin, qui devait être une insurrection générale, fut amenée par un acte horrible de cruauté, ordonné de sang-froid ; voici à quelle occasion :

          Farhat-ben-Said, que nous avons déjà fait connaître, désespérant de renverser le bey de Constantine par le seul moyen des Arabes, résolut de s'adresser aux Français. A cet effet, il envoya des émissaires au duc de Rovigo pour l'engager à marcher sur Constantine, et lui offrir l'alliance et la coopération de toutes les tribus qui reconnaissaient son autorité. Cette députation, dont le duc fit grand bruit, ne reçut qu'une réponse évasive. Cependant les personnes qui la composaient furent très bien traitées à Alger, et en partirent, chargées de présents. Le jour même de leur départ, elles furent dépouillées par des brigands sur le territoire des Ouffia, petite peuplade nomade qui campait à peu de distance de la Maison-Carrée, et elles revinrent porter leurs plaintes à Alger. Aussitôt le duc de Rovigo prit une de ces déterminations violentes que rien ne saurait justifier : il fit partir pendant la nuit quelques troupes qui tombèrent au point du jour sur les Ouffia et les égorgèrent, sans que ces malheureux cherchassent même à se défendre. Tout ce qui vivait fut voué à la mort ; tout ce qui pouvait être pris fut enlevé ; on ne fit aucune distinction d'âge ni de sexe. Cependant l'humanité d'un petit nombre d'officiers sauva quelques femmes et quelques enfants. Le chef de cette malheureuse peuplade, El-Rabbia, avait été soustrait au carnage; on le réservait aux honneurs d'un jugement. En effet, malgré les généreux efforts de M. Pichon, il fut traduit devant un conseil de guerre, jugé, condamné et exécuté, et cependant on avait déjà acquis la certitude que ce n'étaient pas les Ouffia qui avaient dépouillé les envoyés de Farhat: mais acquitter le chef, c'était déclarer la peuplade innocente et condamner moralement celui qui en avait ordonné le massacre ; pour éviter cette conclusion logique, on condamna donc Rabbia. Sa tête fut un cadeau offert aux convenances personnelles du duc de Rovigo. L'aveu en a été fait par l'un des juges... En ma présence et celle d'une foule d'autres officiers, qui en furent indignés comme moi.

          La sanglante exécution des Ouffia parut à quelques personnes une mesure gouvernementale très convenable. C'était ainsi qu'on faisait du temps des Turcs, disaient-elles, argument sans réplique pour ces esprits prévenus. Il existe dans le monde une foule de gens qui n'aiment rien tant que des idées toutes faites. Celle que les Arabes ne peuvent être conduits que par la hache, et que les Turcs n'employaient pas d'autres moyens, est une de ces idées que l'on adopte sans examen. Elle est tellement enracinée dans quelques esprits, qu'encore à présent on trouve à Alger des gens qui vous disent que l'expédition contre les Ouffia, injuste dans sa cause, produisit cependant le meilleur effet, et qu'elle nous assura plusieurs mois d'une tranquillité absolue ; ce qui est formellement démenti par les faits : car ce fut précisément à partir de cette époque que commencèrent les hostilités partielles des Arabes, qui devaient amener plus tard la grande réunion de Souk-Ali. Le massacre d'El-Ouffia eut lieu dans le mois d'avril, et, au mois de mai suivant, une reconnaissance de trente hommes de la légion étrangère fut massacrée à une lieue de la Maison-Carrée. Toutes les nuits, des Arabes qui venaient tirer quelques coups de fusils dans les environs de nos camps et de nos blockhaus faisaient prendre les armes à nos troupes, et les mettaient sur un qui-vive continuel. Le duc de Rovigo, lui-même, paraissait si peu sûr de la bonté du spécifique politique qu'il venait d'employer, qu'il était dans des appréhensions incessantes. Il avait conservé de ses souvenirs de police l'usage d'accueillir tous les rapports, mais il avait oublié que tous ne méritent pas une foi aveugle. Ses interprètes, qui connaissaient son faible et qui voulaient se rendre importants, venaient sans cesse l'entretenir, soit de l'arrivée immédiate d'Ahmed-Bey, soit de quelque prise d'armes générale dans la Métidja. Les attaques partielles des Arabes donnant quelque consistance à ces bruits exagérés, on prescrivit de telles mesures de surveillance que les troupes étaient écrasées de fatigues, même sans sortir de leurs camps ; et comme ces camps n'avaient pas d'abord été établis dans des endroits très sains, cette circonstance, jointe à l'activité sans résultat et, par conséquent, sans distraction morale, que l'on exigeait du soldat, augmenta tellement le nombre des malades, que l'armée eut un instant plus de 4,000 hommes aux hôpitaux.

          Nous venons de dire que, dans le mois de mai, une reconnaissance de trente hommes avait été massacrée à une lieue de la Maison-Carrée. Ces malheureux appartenaient à la légion étrangère ; ils tombèrent dans une embuscade qui leur fut dressée par un parti d'Amaraoua et d'Isser. Ils voulurent se retrancher dans l'enclos d'un marabout qui se trouvait sur leur chemin, mais, les cartouches leur ayant manqué, il périrent tous. Le duc de Rovigo, voulant les venger, résolut d'envoyer par mer une expédition à Isser. Elle se composa de douze à quinze cents hommes, et fut commandée par le général Buchet. Une frégate, un brick et un bateau à vapeur la transportèrent sur le point de débarquement. Elle devait débarquer dans la nuit, et surprendre l'ennemi au point du jour; mais celui-ci se tenait sur ses gardes. On crut s'en apercevoir aux feux qui étaient allumés sur la côte de distance en distance, et l'on ne débarqua point. Lorsque le jour fut venu, on aperçut sur le rivage quelques cavaliers qui observaient les mouvements de l'escadre. On reprit alors la route d'Alger, au grand étonnement des Arabes, et non sans qu'un juste mécontentement se manifestât parmi les militaires de l'expédition. On doit croire que le général Buchet avait pour instruction de ne faire qu'une surprise, et de revenir, s'il voyait qu'il était découvert. Mais que durent penser les Arabes, chez qui le souvenir de l'événement d'El-Ouftla était encore palpitant ? Nécessairement, que nous ne savions plus que tuer des hommes endormis, des femmes et des enfants, et que nous n'osions attaquer des hommes armés et sur leurs gardes.

          L'agha Mahiddin avait été indigné, comme tous les Arabes, du massacre d'El-Ouffa, mais, comme il tenait à sa position et surtout à ses appointements, il était loin de vouloir se joindre à nos ennemis. Cependant cette position n'était plus la même que sous le général Berthezène, le duc de Rovigo ayant détruit le système dont elle était le produit, et ayant mis l'agha en état permanent de suspicion. II lui avait imposé pour intermédiaire à Alger Hamdam-bea-Othman-Khodja, et il persécutait ou faisait surveiller par la police tous ses amis. Sous le général Berthezène, tout se faisait par l'agha; les Arabes avaient cessé leurs attaques et nous étions chez nous et eux chez eux. Sous le duc de Rovigo, au contraire, on voulut se remettre en relations directes avec les Arabes, et les hostilités avaient recommencé. Or, en adoptant un autre système que celui du général Berthezène, on aurait dû le rendre complet comme l'avait été le sien, c'est-à-dire, supprimer l'agha, si l'on voulait agir directement sur les tribus, ou ne rien faire que par lui, si l'on voulait le conserver. En toute chose, surtout dans l'art de gouverner les hommes, il faut être conséquent : on ne le fut point dans cette circonstance, de sorte que l'on eut les inconvénients des deux systèmes, sans avoir les avantages d'aucun. Nos relations directes avec les Arabes diminuèrent la considération et ; l'influence de l'agha, qui cessa d'être le centre de toutes les tribus ; et ce qui resta d'autorité à ce même agha nuisit à nos relations directes, qui ne furent qu'incomplètes et tronquées. Le pouvoir ne se trouvant donc en réalité nulle part, les hommes de circonstance purent exploiter tout à leur aise le mécontentement qu'avaient fait naître les actes du duc de Rovigo, et amener enfin les choses à un soulèvement général, qui eut lieu vers la fin de septembre.

          L'homme qui y contribua le plus fut le marabout Sidi-Saadi, qui avait déjà figuré dans l'insurrection de 1851. Ce fut lui qui parcourut toutes les tribus pour y prêcher la djihad ou guerre sainte, mais, comme il était plus intrigant qu'homme de guerre, Ben-Zamoun fut le chef de la coalition. Les menées de Sidi-Saadi furent dénoncées par l'agha au général en chef, dès le 26 août. Le 18 septembre, il écrivit que Ben-Zamoun était sur le Hamise avec quelques troupes. On s'en inquiéta peu, et l'on eut raison, car, puisque les Arabes étaient en disposition de faire une levée de boucliers générale, le mieux était d'attendre, pour les attaquer, qu'ils eussent réuni toutes leurs forces, afin d'en finir d'un seul coup, l'avantage ne pouvant être un instant douteux dans un combat en règle. Cette politique perdit l'agha. Jusqu'à la fin de septembre, il lutta avec loyauté contre le torrent, mais notre inaction apparente l'ayant laissé arriver jusqu'à Coléa, résidence de Mahiddin, il fut entraîné. Les chefs de la coalition s'étant rendus dans cette ville pour y prêcher la guerre sainte, il n'eut pas la force de résister plus longtemps, et partit pour Souk-Ali, où se réunissaient les masses soulevées. Cependant il écrivit au général en chef pour le prévenir de la démarche que sa position et celle de sa famille l'obligeaient, selon lui, de faire, protestant qu'il allait travailler à dénouer le nœud ; ce furent ses propres expressions. Cette lettre fut portée par son lieutenant Hamida, qui fut obligé de venir à Alger par mer, la route de terre étant interceptée par les insurgés. Cette lettre avait-elle pour but de ménager à l'agha une porte de derrière dans le cas d'une défaite, qu'il était trop éclairé pour ne pas prévoir, ou avait-il réellement l'intention de chercher à rompre la coalition ? C'est ce qu'il est impossible de savoir, car avant qu'il n'eût le temps de l'essayer, le duc de Rovigo fit marcher ses troupes contre les Arabes.

          Tous les kaïds s'étaient joints aux insurgés, et les hostilités commencèrent à prendre un caractère sérieux vers la fin de septembre. Les reconnaissances étaient journellement attaquées en avant de la Ferme-Modèle et de la Maison-Carrée. Dans un de ces petits combats, le kaid de Beni-Mouça, Ben-Ouchefoun, fut tué par M. de Signy, lieutenant de chasseurs d'Afrique. Vers le 28 septembre, le général en chef établit son quartier général à Birkadem. De là, il dirigea sur Souk-Ali, le 2 octobre, une colonne commandée par le général Fodoas, et une autre commandée par le général Brossard, sur Coléa. Ces deux colonnes partirent dans la nuit.

          Souk-Mi est une ferme située à l'est de Boufarik. Les insurgés étaient sur leurs gardes et avaient envoyé une reconnaissance qui rencontra la colonne à la sortie du bois de Bir-Touta. Elle courut avertir les Arabes, qui vinrent se poster à Sidi-Haïd, en avant de Boufarik relativement à eux. La colonne française avait en tête un escadron de chasseurs d'Afrique, précédant les zouaves. Arrivée à Sidi-Haïd par une nuit fort noire, elle donna en plein au milieu des Arabes, qui la reçurent par une décharge presque à bout portant. Cette brusque fusillade, à laquelle personne ne s'attendait, mit le désordre dans la cavalerie, qui se replia précipitamment sur les zouaves, lesquels furent ébranlés à leur tour. Si l'ennemi eût profité de ce moment de confusion, on ne peut dire ce qui serait arrivé, mais il n'osa se porter en avant. Cette faute, ou plutôt cette faiblesse, donna à la colonne le temps de se reconnaître. Le brave commandant Duvivier eut bientôt rallié les zouaves. Quant à la cavalerie, les officiers virent tous qu'il était impossible de la reformer régulièrement dans un moment aussi critique, et qu'il n'y avait d'autre ressource que de la porter en avant telle qu'elle était. En conséquence, ils se précipitèrent eux-mêmes sur l'ennemi, en appelant à eux leurs cavaliers, qui ne furent pas sourds à leur voix. Cet élan fut fort beau, et fut suivi d'un plein succès. L'ennemi recula. Dans ce moment, le jour commença à poindre : pouvant alors distinguer les objets, on mit plus d'ordre dans le combat. La cavalerie arabe, chargée par la nôtre, abandonna lâchement les fantassins, dont une centaine furent sabrés ou tués à coups de lance. Les fuyards se réfugièrent de l'autre côté du défilé. Le général Fodoas, ne voulant pas les poursuivre, s'arrêta à l'entrée du défilé. Il y rallia sa colonne, qui déjeuna sur-le-champ de bataille. Il reprit ensuite la route d'Alger, mais à peine ce mouvement de retraite se fut-il dessiné, que les Arabes repassèrent le défilé pour recommencer le combat. La colonne fit volte-face, la cavalerie chargea de nouveau, et la fortune se déclara encore contre les Arabes, qui abandonnèrent enfin la partie.

          Pendant ce temps-là, le général Brossard était arrivé à Coléa sans rencontrer d'ennemis. Il avait mission d'enlever l'agha, qu'on y croyait encore, mais, ne l'ayant pas trouvé, il s'empara de ses deux cousins, Sidi-Allal et Sidi-Mohammed, marabouts très vénérés dans le pays, surtout le dernier, homme de paix et de bien, dont je parlerai plus d'une fois dans le cours de ce volume. Ils restèrent détenus à Alger jusqu'à l'administration du général Voirol.
          Après le combat de Boufarik, ou plutôt de Sidi Haïd, les Arabes rentrèrent chez eux tout honteux du mauvais succès de leur folle entreprise. Ben-Zamoun, peu satisfait de leur conduite dans cette circonstance, se retira dans son haouch à Flissa. Il ne voulut plus se mêler de rien, et resta longtemps étranger à toute intrigue politique.
          L'agha, craignant d'être arrêté, s'il retournait à Coléa, se réfugia chez les Beni-Menad, d'où il écrivit au duc de Rovigo pour expliquer de nouveau sa conduite; mais le duc exigea qu'il se soumit aux chances d'une instruction judiciaire, à quoi, innocent ou coupable, il n'osa s'exposer. Son lieutenant Hamida avait été mis en prison à son arrivée à Alger; on voulait le faire passer devant un conseil de guerre. Il fut tellement frappé de l'idée du jugement dont on le menaçait, qu'il mourut de terreur. L'agha continua longtemps à protester de son innocence : il écrivit même au roi pour l'assurer de sa fidélité; mais sa conduite avait été trop équivoque dans les derniers moments pour qu'on pût ajouter foi à ses déclarations; ensuite, le duc de Rovigo était depuis longtemps prévenu contre lui. Il voulut un instant le faire périr, et chargea un interprète de trouver quelqu'un qui fût disposé à vendre son bras pour l'exécution de cette mesure de police, comme il l'appelait. Je tiens ce fait de l'interprète lui-même, qui se débarrassa par des faux-fuyants de cette fâcheuse commission.

          L'issue de l'insurrection des Arabes devait rendre plus facile la tâche du duc de Rovigo : cette fois, du moins, le sang avait coulé dans un combat. L'inutilité de la lutte étant démontrée aux Arabes, une ère nouvelle allait commencer pour l'administration du général en chef qui, en faisant succéder la douceur à la force, aurait pu faire disparaître, je crois, tout levain de discorde. Malheureusement, le duc avait d'autres idées à cet égard. il commença cette ère, qui aurait dû être une époque de réconciliation, par frapper d'une contribution de 1,100,000 francs les villes de Blida et de Coléa, pour les punir de la part qu'elles avaient pu prendre à la révolte, quoiqu'il fût reconnu que cette part avait été fort indirecte, surtout du côté des gens de Coléa, qui n'avaient peut-être pas fourni quatre hommes à la coalition. Cette petite ville ne comptait pas, au reste, plus de 1,500 habitants. II ne rentra de cette contribution que 10,000 francs, payés par la famille Moubarek, dont les deux principaux membres étaient en prison, ainsi que nous l'avons vu, et 1,400 fr. versés seulement sous le général Voirol par le hakem de Blida. Ce dernier versement fut plutôt un gage que ce hakem voulut donner de ses bonnes dispositions, qu'une suite de la contribution, dont il ne fut plus question aussitôt que le duc de Rovigo eut quitté Alger.

          Parmi les Arabes qui étaient en relation avec le duc de Rovigo, se trouvait ce même Ahmed-ben-Chanaan de Beni-Djead, qui, en 1850, s'était mis en communication avec les Français, la veille de la bataille de Staouéli. Le général en chef, qui avait bonne opinion de lui; avait eu quelque envie de le nommer agha en remplacement de Mahiddin. Il était établi, à l'époque dont nous parlons, à Blida, dont il cherchait à se faire reconnaître hakem par les habitants. Mais ayant rencontré une assez forte opposition et même couru quelques dangers, il se réfugia à Alger vers la fin d'octobre. Le duc de Rovigo se détermina alors à faire marcher quelques troupes sur Blida, ce qui rentrait, du reste, dans l'exécution d'un projet qu'il nourrissait depuis longtemps. Celte nouvelle expédition, commandée par le général Fodoas, et où se trouva le général Trézel, chef d'état-major du corps d'occupation, se réunit à Oued-el-Kerma, le 20 novembre, et se présenta le lendemain au soir à Blida, dont presque tous les habitants s'étaient enfuis. Les troupes pillèrent la ville et y firent un dégât affreux. Le lendemain, une partie du corps d'expédition, commandée par le général Trézel, se porta sur Sidi-el-Kbir, fort beau village, situé dans une des gorges de l'Atlas, à une demi-lieue de Blida, et on l'abandonna également au pillage. Comme les gens de Blida y avaient transporté ce qu'ils possédaient de plus précieux, le butin qu'on y fit fut très considérable. On y tua aussi quelques êtres inoffensifs, accompagnement obligé de ces sortes d'expéditions. Au retour, le détachement du général Trézel essuya quelques coups de fusil des Kbaïles embusqués dans les montagnes, mais il rentra à Blida sans avoir éprouvé de pertes considérables. Le jour d'après, les troupes reprirent la route d'Alger, plus chargées de butin que de gloire, et après avoir ouvert de larges brèches au mur d'enceinte de Blida.

          Cette expédition eut cependant pour résultat avantageux de prolonger l'impression produite sur les Arabes par le combat de Boufarik. Mais, enfin, c'était assez frapper, c'était assez détruire : on aurait dû songer à organiser et à gouverner. Le duc de Rovigo, débarrassé de l'agha. et agissant directement sur les tribus dans des circonstances extrêmement favorables, serait arrivé sans doute à d'heureux résultats, s'il avait pu se débarrasser aussi de ses préjugés sur la manière de conduire les Arabes. Il nomma kaid de Beni-Mouça, Ben-Rebrah, et kaid de Beni-Khelil, Hamoud de Guerouaou. El Mokfy, qui n'avait pris aucune part à l'insurrection, resta kaïd de Khachna. Mais, au moment où les affaire commençaient à prendre une assez bonne direction, le duc les compromit brutalement par un de ces actes de perfidie dont on ne trouve d'exemples que dans l'histoire dégradée du Bas-Empire. El Arbi-ben-Mouça, ancien kaïd de Beni-Khelil et Meçaoud-ben-Ahdeloued, kaïd d'El-Sebt, lui étaient signalés depuis longtemps comme des ennemis acharnés des Français, toujours prêts à soulever les Arabes contre eux. Il voulut les faire venir à Alger, où ils avaient cessé de paraître depuis plusieurs mois, et, dans une lettre du 6 octobre, écrite aux gens de Blida, il prescrivit à ceux-ci de les adjoindre à une députation qui devait lui être envoyée. Ces deux Arabes, pressentant le sort qui leur était réservé, hésitèrent longtemps, et ne se déterminèrent à venir que sur un sauf-conduit qui fut adressé pour eux au kaïd de Khachna, leur ami. Ce dernier les conduisit lui-même à Alger, où ils furent arrêtés, sur le rapport d'un interprète ne portant que sur des faits antérieurs, et sur la dénonciation d'un autre interprète qui déclara qu'ils avaient conseillé à la députation de Blida de consentir à toutes les conditions imposées par le duc de Rovigo pour l'oubli des torts de cette ville, sauf à n'en tenir aucun compte plus tard. Lorsque les gendarmes s'emparèrent d'eux, le kaïd de Khachna, indigné, demanda à être aussi mis en cause, et tendit les mains aux chaînes qu'on leur préparait. Plusieurs tribus écrivirent en leur faveur, mais le duc de Rovigo fut inexorable. Il trouva des juges pour condamner ces misérables, qui furent exécutés dans le mois de février 1833. Les juges ne trouvant pas peut-être, dans la conduite politique de ces hommes, matière à condamnation, les jugèrent principalement pour des délits privés. Il était clair cependant que le sauf-conduit était général.
          L'existence de ce sauf-conduit, ou lettre d'aman, a été niée par eux qui avaient conseillé le duc de Rovigo dans cette malheureuse affaire. Mais M. Zaccar, interprète, qui l'écrivit, sait bien à quoi s'en tenir à cet égard. Il proteste qu'il fut conçu dans les termes les plus explicites, et de manière à ne laisser aucune excuse à la mauvaise foi.
          Cette exécution fut le dernier acte de l'administration du duc de Rovigo, déjà attaqué de la cruelle maladie qui le conduisit au tombeau, et dans laquelle les Arabes virent un châtiment de Dieu. Ce général partit bientôt pour la France et resta sous le poids d'une perfidie. Cette action criminelle détruisit toute confiance chez les Arabes, et longtemps les noms de Meçaoud et d'El-Arbi ne purent être prononcés chez eux sans réveiller des souvenirs de trahison et de mauvaise foi bien funestes à notre domination.

          Le duc de Rovigo n'avait pas pour les Maures plus de bienveillance que pour les Arabes. Il en chassa plusieurs d'Alger, entre autres, l'ancien agha Hamdan, qui y était revenu, et Ahmed Bouderbhah. On applaudit, en général, à l'expulsion de ces deux hommes, du dernier surtout, qui était un intrigant sinon dangereux, du moins incommode. Le duc était persuadé que les Maures d'Alger se flattaient de l'espoir que les Français seraient bientôt tellement dégoûtés de leur conquête, qu'ils l'abandonneraient après y avoir placé un gouvernement musulman pris dans leur sein. Il parait que cette idée avait en effet germé dans quelques têtes françaises assez importantes, que les Maures en avaient eu vent, et que, voyant dans les agitations des Arabes un moyen de rapprocher le dénouement, ils cherchaient à les entretenir.
          Quelques Algériens non déportés par le duc, mais craignant d'éprouver plus tard quelques vexations, se rendirent à Paris avec les expulsés. On y vit à la fois Ben-Omar, Ben-Mustapha-Pacha, Bamdan, Ahmed Bouderbhah, et quelques autres. Tous ces gens-là furent très bien accueillis par les ministres d'un Gouvernement dont le représentant les persécutait à Alger. On crut voir dans ces natures dégradées qui n'ont rien de commun avec les Arabes, des échantillons de ces vigoureuses individualités africaines dont on ne se fait nulle idée à Paris; ils devinrent objets de mode. Les deux premiers reçurent la décoration de la Légion d'honneur. On appelait Ben-Omar, N. le Bey, et Hamdan, M. l'Agha. On les invitait dans le grand monde, où l'on croyait posséder dans la personne de ces deux pacifiques marchands de poivre les plus grands des fils d'Ismaël. Ce fut une mystification véritable.

          Parmi les Maures, il y en eut un qui trouva grâce devant le duc de Rovigo : c'était Hamdan-ben-Khodja, le plus fin et le plus dangereux de tous peut-être. Celui-ci travaillait pour le bey de Constantine. Dans les premiers mois du commandement du duc de Rovigo, un coup de main très hardi nous avait rendus de nouveau maîtres de Bône ; nous en parlerons bientôt. Le bey, à qui cette occupation faisait craindre une expédition sur Constantine, et qui d'ailleurs n'ignorait pas les menées de Farhat-ben-Saïd, résolut d'entrer en négociations avec le général en chef, dans le seul but, à ce qu'il paraît, de sonder ses intentions. Toute cette affaire est du reste couverte d'un voile que je n'ai pu entièrement percer. Dans le mois d'août 1832, Hamdan fit connaître au duc de Rovigo qu'il avait appris du marabout Ben-Aissa, homme très vénéré dans le pays, que le bey de Constantine désirait traiter avec lui. Il lui parla même de lettres qu'Ahmed lui aurait écrites, et qui auraient été interceptées. Le duc saisissant avec empressement cette occasion de rapprochement avec un homme qui l'inquiétait, lui envoya ce même Hamdan pour entendre ses propositions. On a dit depuis que ce Maure astucieux avait ourdi une fable pour avoir un prétexte de se rendre, avec l'agrément des Français, auprès du bey de Constantine, lui faire connaître l'état des choses et régler avec lui quelques affaires d'intérêt. Il a avoué depuis à la commission d'Afrique qu'il était son homme de confiance. Cela peut faire suspecter sa bonne foi, mais sans asseoir d'opinion à cet égard, nous allons tracer rapidement la marche de la négociation, telle qu'elle se trouve détaillée dans la correspondance du duc de Rovigo. Hamdan prit la route de terre pour se rendre à Constantine. Le comité maure, c'est-à-dire le parti qui rêvait une restauration musulmane, dirigé par un agent consulaire étranger, voulut le faire assassiner en chemin. Hamdan en fut prévenu à temps, et prit des mesures de précaution qui le sauvèrent. Arrivé à Constantine, il trouva le bey dans les plus heureuses dispositions. Il lui parut peu éloigné de reconnaître la souveraineté de la France, et même de lui payer tribut; mais il voulait que dans ce cas on lui cédât les douanes de Bône. Hamdan, lui n'avait pas mission de conclure, revint à Alger pour prendre de nouvelles instructions. Il en partit dans les premiers jours de novembre, et se rendit à Bône par mer. Il reçut dans cette ville une lettre d'Ahmed qui lui annonçait que ses dispositions étaient bien changées. Cependant il continua sa route dans l'espoir de le faire revenir; mais le bey fut inflexible. Les propositions que lui fit Hamdan furent celles-ci :
          Reconnaissance de la souveraineté de la France,
          Tribut annuel,
          Cession de Bône, La France promettait en échange de pourvoir à l'entretien de ses troupes, et de l'aider à soutenir son autorité dans les parties de la province où elle viendrait à être méconnue.
          
          Interdiction du commerce avec Tunis au profit de Bône.

          Il répondit qu'il pouvait bien consentir à faire la paix, mais non une soumission, attendu qu'il était sujet de la Porte et non de la France; que jamais il ne céderait ses droits sur Bône, et qu'enfin jamais les Arabes ne paieraient tribut aux Chrétiens. Il ne cacha pas à Hamdan que des lettres d'Alger l'avaient prévenu que les Français ne cherchaient à négocier avec lui que pour le tromper, ce qui lui avait été confirmé par d'autres lettres venues de Bône. Hamdan sut, pendant qu'il était encore à Constantine, que les premières avaient été écrites par Mustapha-ben-Marabout, négociant, Maure d'Alger, et les secondes, par Joseph Mameluk, chef d'escadron au 3° régiment de chasseurs d'Afrique.
          Que le lecteur ne perde pas de vue que je ne fais ici que répéter les assertions de Hamdan. Ce Maure a supposé que Joseph, nourrissant la pensée de se faire nommer lui-même bey de Constantine, avait intérêt à ce que la France ne traitât pas avec Ahmed, et qu'il cherchait à entraver la négociation.
          Il ne douta pas que cette correspondance n'eût été la cause du changement survenu dans les dispositions du bey, et depuis cette époque n'eut plus de relations avec nous.

          Pendant que l'on négociait sans résultat dans l'est, la France envoyait M. de Mornay à l'empereur du Maroc, pour le sommer de renoncer à ses prétentions sur la province d'Oran et surtout sur le district de Tlemcen qu'il convoitait plus particulièrement. Comme ce monarque se sentait vulnérable sur plusieurs points de la côte, et que le langage que lui-parla M. de Mornay était de nature à le lui rappeler, quand bien même il l'aurait oublié, il consentit à tout ce qu'on exigeait de lui, et ses troupes évacuèrent le beylik d'Oran où elles faisaient des courses depuis plus d'un an. Cette négociation mit fin à un état de choses fort singulier qui existait depuis plusieurs mois à Médéa et à Miliana : deux envoyés de l'empereur du Maroc s'étaient présentés dans ces villes presque seuls, et s'y étaient installés en qualité de gouverneurs, sans rencontrer d'opposition. Celui qui était à Médéa s'appelait Chérif-el-Moati, et l'autre Mohammed-ben-Cherguy. Le duc de Rovigo fut principalement choqué des prétentions du premier, parce qu'il s'était établi, sans autre moyen que la persuasion, dans une ville où, malgré les bonnes dispositions des habitants et la surabondance de nos ressources, nous n'avions pu parvenir à asseoir notre autorité. Il chercha à se débarrasser de lui par la ressource des faibles, c'est-à-dire par la trahison. Plusieurs lettres furent écrites dans ce but. Il s'adressa même à Oulid-bou-Mzerag, qui promit de faire empoisonner le shérif. Toutes ces menées, peu dignes d'un représentant de la noble nation française, furent connues de Moati, qui en écrivit au duc de Rovigo dans les termes les plus Méprisants. Les gens de Médéa lui écrivirent de leur côté que I'envoyé de Maroc était un homme de bien qui cherchait à faire régner l'ordre et la paix dans la province de Titteri, tandis que les Français, à qui ils avaient tendu les bras, n'avaient su protéger personne, ni établir la tranquillité nulle part. Qu'on remarque bien, à ce sujet, ainsi que nous l'avons déjà dit tant de fois, et que nous le répéterons encore bien souvent, que le titre le plus éclatant à la reconnaissance des indigènes est de terrasser l'anarchie.

          Mohammed-ben-Cherguy, dont le duc de Rovigo s'occupa moins, lui écrivit aussi pour l'engager à traiter les Arabes avec plus de douceur qu'il ne le faisait, et lui reprocher sa conduite à l'égard de la petite peuplade d'El Ouffia. Le général en chef voyant que ces deux hommes bravaient son autorité, qu'ils prenaient sur lui l'avantage que l'on donne toujours à ses adversaires lorsque l'on n'a pas la conscience nette, et qu'enfin ils ne donnaient pas prise sur eux, avait déjà cherché à les éloigner par des moyens diplomatiques avant la mission de M. de Mornay; il avait écrit au consul de France â Tanger pour l'engager à faire à ce sujet des remontrances à l'empereur de Maroc ; mais cette négociation secondaire vint bientôt se fondre dans celle que dirigea M. de Mornay, et dont un des résultats fut l'abandon de Médéa et Miliana par les deux agents de ce prince.

          Forcé de renoncer à agir directement sur la Régence d'Alger, l'empereur de Maroc voulut du moins exercer une influence occulte dans les affaires de la province d'Oran, qu'il espérait réunir tôt ou tard à son empire. A cet effet; il se mit en relations intimes avec le jeune Abd-el-kader, qui commençait déjà à Briller d'un certain éclat dans cette contrée, et qui, à raison de son âge, lui parut devoir se soumettre à son ascendant avec plus de docilité que les autres chefs. Outre cela, il existait entre eux une espèce de lien de parenté, l'un et l'autre se disant ou se croyant chérifs, c'est-à-dire descendants du Prophète. Abd-el-Kader, en homme habile, accepta le patronage qui lui était offert, se réservant de l'employer à son propre agrandissement.
          Le père d'Abd-el-Kader, le marabout Mahiddin de la tribu des Hacheur, était très vénéré des Arabes. Les tribus qui avoisinent Mascara voulurent le reconnaître pour chef suprême, en 1832; mais prétextant son grand âge, il refusa cet honneur, et offrit à sa place son jeune fils Abd-el-Kader, qui fut agréé. Le vieux Mahiddin raconta à cette occasion qu'étant en pèlerinage à la Mecque, quelques années auparavant avec son fils aîné et Abd-el-Kader, il rencontra, un jour qu'il se promenait avec le premier, un vieux fakir qui lui donna trois pommes, en lui disant : " Celle-ci est pour toi; celle-là est pour ton fils que voilà; quant à la troisième, elle est pour le Sultan. ! - Et quel est ce sultan? demanda Mahiddin. - C'est celui, reprit le fakir, que tu as laissé à la maison, lorsque tu es venu te promener ici. " Cette petite anecdote, que les partisans d'Abd-el-Kader croyaient comme un article de foi, ne contribua pas peu à consolider son pouvoir.

          Peu de temps après qu'il eut monté le premier degré de l'échelle de sa fortune, la ville de Mascara, qui depuis l'expulsion des Turcs était gouvernée en république, le reconnut pour émir ; il eut dès lors un avantage marqué sur tous ses rivaux. On raconte que les habitants de cette ville prirent cette détermination sur la déclaration d'un vieux marabout qui leur jura que l'ange Gabriel lui avait apparu, et lui avait ordonné de leur annoncer que la volonté de Dieu était qu'Abd-el-Kader régnât sur les Arabes.
          Abd-el-Kader avait alors vingt-quatre ans. Il était né en 1808, à la Guetna de Sidi-Mahiddin, auprès de Mascara. Cette Guetna était une espèce de séminaire, où les marabouts, ses ancêtres, réunissaient les jeunes gens pour les instruire dans les lettres et la théologie. Il y fut aussi bien élevé qu'un Arabe peut l'être, par son père qui trouva à exploiter en lui une nature intelligente et vigoureuse. Doué d'une grande éloquence et d'une puissance d'attraction à laquelle il était difficile de résister, il n'eut qu'à paraître sur la scène pour dominer ses volontés et subjuguer les cœurs. Abd-el-Kader, quelle que doive être sa fin, a acquis une gloire impérissable.

          Dans le mois d'avril 1832, la garnison d'Oran, qui venait de recevoir de la cavalerie par la formation du 2e régiment de chasseurs d'Afrique, commença à faire quelques petites sorties, soit pour reconnaître les environs, soit pour protéger les arrivages; la guerre prit dès lors un caractère plus sérieux. Le 3 et le 4 mai, la place fut attaquée par quelques milliers d'Arabes, conduits par le vieux Mabiddin et par Abd-el-Kader. Plusieurs d'entre eux parvinrent à se loger dans les fossés du fort Saint-Philippe, et ne s'en retirèrent qu'à la nuit, après s'être convaincus qu'il leur était impossible d'escalader l'escarpe.
          L'ennemi renouvela ses attaques le 7, et se retira après plusieurs heures d'efforts inutiles. Il tournoya autour de la ville le 8, et disparut entièrement le 9. Quoique ces attaques eussent été sans succès, Abd-el-Kader s'y fit remarquer des siens par son sang-froid et sa bravoure.

          Les Arabes se laissaient encore, à cette évoque, facilement intimider par le feu de l'artillerie. Pour les y habituer et leur apprendre à le mépriser, Abd-el-Kader lança plusieurs fois son cheval contre les boulets et les obus qu'il voyait ricocher, et il saluait de ses plaisanteries ceux qu'il entendait siffler à ses oreilles.
          Il ne se passa rien d'important à Oran jusqu'au 31 août. Ce jour-là, 500 cavaliers de la tribu des Gharabas cherchèrent à enlever le troupeau de l'administration qui paissait sous le canon de la place ; mais ils furent repoussés par notre cavalerie, qui leur tua quelques hommes.
          Le 25 octobre, 5 à 600 Arabes se présentèrent devant la place ; ils furent encore repoussés par notre cavalerie soutenue par un fort détachement d'infanterie. Ce petit combat fut glorieux pour le 2e régiment de chasseurs d'Afrique, dont plusieurs militaires, officiers, sous-officiers et soldats, se distinguèrent par des traits remarquables de bravoure individuelle. Ce corps était commandé par le colonel Deletang qui, dans toutes circonstances, donnait des preuves d'intrépidité. Le maréchal de camp Trobriant, issu d'une de ces vieilles souches bretonnes si fécondes en braves guerriers, commandant la première brigade.
          La seconde brigade était commandée par le maréchal de camp Sauzet de la division d'Oran, brillait aussi aux premiers rangs dans tous ces petits engagements.

          Depuis l'affaire du 25 octobre, Abd-el-Kader intercepta les communications entre Oran et l'intérieur du pays.
          Le 10 novembre, il se présenta de nouveau devant la place ; il eut à lutter contre le général Boyer en personne, qui en sortit pour la première fois dans cette circonstance. Les Arabes furent repoussés, après avoir vaillamment combattu. Nos troupes se conduisirent aussi fort bien. Le 2e régiment de chasseurs fit des pertes assez sensibles.

          Cette affaire fut le dernier acte du commandement du général Boyer, qui fut rappelé par suite de la mésintelligence existante entre lui et le duc de Rovigo. M. Boyer hésitait presque à reconnaître pour chef celui qui l'était cependant de tout le corps d'occupation. Ses prétentions d'indépendance étaient en quelque sorte justifiées par la correspondance directe que le ministre entretenait avec lui ; cependant, quoique M. le duc de Dalmatie fût la cause première de la conduite insubordonnée du général Boyer, il se vit forcé de l'abandonner, lorsque les choses en vinrent au point où il fallut prononcer entre lui et son chef. ..Le duc de Rovigo avait tellement à se plaindre de ce général que, pour se venger de lui, il signala, dans un ordre du jour, les exécutions clandestines qu'il se permettait à Oran. Certes, avec le moindre semblant de déférence de la part du commandant d'Oran, il eût été bien facile à ces deux hommes de s'entendre sur un pareil sujet, qui blessait bien moins l'humanité du duc de Rovigo que sa susceptibilité de chef.

          Le général Boyer fut remplacé à Oran par le général Desmichels, simple maréchal de camp.
          Le cours de la narration nous a entraîné bien loin de la province de Constantine, où il faut que nous revenions pour faire connaître au lecteur les détails de la troisième occupation de Bône.

          Après la catastrophe du commandant Huder, Ibrahim-Bey, maître de cette ville, se conduisit de manière à faire repentir les habitants de l'avoir accueilli. Il les accabla de contributions et de réquisitions de toute espèce ; cependant, la crainte de tomber entre les mains du bey de Constantine, qui avait fait marcher contre eux son lieutenant Ben-Aïssa, les empêchait de séparer leur cause de la sienne. Après un siége ou plutôt un blocus de six mois, les Bônois et leur chef Ibrahim, réduits à la dernière extrémité, se décidèrent à recourir une seconde fois à la France. Leurs envoyés furent bien accueillis par le duc de Rovigo, qui avait reçu du Gouvernement l'ordre de profiter de la première circonstance favorable pour s'emparer de Bône. Il fit partir avec eux, à leur retour, le capitaine Joseph, avec mission de s'assurer du véritable état des choses. Sur le rapport qu'il reçut de cet officier, il dirigea sur Bône la felouque la Fortune, chargée de vivres, et désigna le capitaine d'artillerie d'Armandy pour aller aider aux Bônois à prolonger la défense de la ville, jusqu'au moment où l'on serait en mesure d'envoyer des secours plus directs. C'était, d'après les chances les plus probables, préparer à cet officier le sort du malheureux commandant Huder ; mais M. d'Armandy était heureusement un de ces hommes de ressources et de résolution que le péril et les difficultés grandissent, et qui savent se tirer d'un mauvais pas avec autant le bonheur que de gloire.
          Joseph, ou Yousouf, dont l'origine est assez incertaine et dont l'histoire est diversement racontée, parait être Italien de naissance. On pourrait faire un fort joli roman. avec tout ce qui a été débité sur son compte. Ce qu'il y a de positif dans son fait, c'est qu'il était au 1830 au service du bey de Tunis ;qu'une intrigue amoureuse, dont les suites pouvaient être fâcheuses pour lui, le força de fuir son pays d'adoption, et qu'il se jeta entre les bras des Français occupés alors au siége d'Alger. Il nous a servis avec fidélité, mais il en a été amplement récompensé.

          Cet officier s'embarqua, le 12 février, sur la goélette la Béarnaise, qui prit la felouque à la remorque. Elle la déposa à Bône le 29, et repartit le même jour pour Tunis, où elle conduisait le capitaine Joseph, chargé d'une mission relative à un achat de chevaux pour notre cavalerie. M. d'Armandy, en arrivant à Bône, distribua des secours en vivres aux habitants ; il les encouragea à prolonger la lutte contre Ben-Aïssa ; mais ils étaient tellement démoralisés que ses exhortations furent sans résultat. Dans la nuit du 5 au 6 mars, le chef constantinois pénétra dans la ville dont les portes lui furent ouvertes par ses partisans. Le capitaine d'Armandy eut le temps de se réfugier sur la felouque. Les personnes qui étaient avec lui le pressaient de prendre le large ; mais, ne voulant pas abandonner les soldats turcs de la citadelle, il se contenta d'aller mouiller un peu plus loin, hors de portée du feu des Constantinois. Bientôt il vit arriver des envoyés de Ben-lissa, qui l'engagèrent, au nom de ce chef, à se rendre auprès de lui pour conférer sur l'affaire qui les occupait l'un et l'autre ; il n'hésita pas à se rendre à cette invitation. Ben-Aïssa le reçut convenablement; dans la conversation qu'ils eurent ensemble, il fut convenu que toute hostilité entre la citadelle et les Constantinois serait suspendue, afin d'avoir le temps de recevoir des ordres du général en chef, avec qui le bey du Constantine paraissait déjà disposé à traiter. Ce statu quo dura jusqu'à l'arrivée de la Béarnaise, qui revînt de Tunis, le 26 mars, avec le capitaine Joseph. M. d'Armandy voyait bien qu'on ne pouvait le prolonger plus longtemps : car les assiégés, complètement démoralisés, ne songeaient qu'à en profiter pour s'enfuir, ce qui aurait remis sans coup férir la citadelle aux mains des Constantinois. Or, c'était ce qu'il fallait éviter à tout prix, car, une fois au pouvoir d'un ennemi puissant, elle n'aurait pu être reprise qu'avec de grands efforts. En conséquence, il se rendit à bord de la Béarnaise, et demanda au capitaine Fréart, qui la commandait, de lui confier 30 hommes de son équipage, se faisant fort, avec ce faible secours, de s'introduire dans la citadelle, et de la défendre contre Ben-Aïssa jusqu'à l'arrivée des nouvelles d'Alger. M. Fréart n'était pas un de ces officiers timides qui craignent sans cesse de compromettre leur responsabilité ; il adopta le projet du capitaine d'Armandy; mais, avant de l'exécuter, il le pria de voir encore Ben-Aissa et les assiégés pour tâcher d'obtenir le maintien de la trêve, s'engageant à partir sur-le-champ pour Alger, afin de faire connaître au duc de Rovigo l'état des affaires.

          M. d'Armandy se présenta donc une seconde fois chez Ben-Aissa, mais il ne put rien en obtenir. Ce chef, fatigué de ne pas voir arriver de nouvelles d'Alger, lui déclara que si la citadelle ne se rendait pas à lui le lendemain, il l'enlèverait de force le jour d'après. D'Armandy retourna à bord de la Béarnaise, et il fut décidé qu'il serait mis à sa disposition une trentaine de marins avec lesquels il s'introduirait dans la citadelle. Mais ce plan ne pouvait être exécuté sans le consentement des Turcs qui y étaient enfermés ; en conséquence, les capitaines d'Armandy et Joseph se rendirent auprès d'eux dans la nuit pour leur faire connaître ce qui avait été résolu.
          Cette nouvelle ne fut pas très bien accueillie. Ibrahim, qui avait à se reprocher la mort d'Huder, craignait de se mettre à la discrétion des Français, de sorte qu'il excita un tumulte dans lequel les deux capitaines coururent le risque de perdre la vie. Ils parvinrent cependant à s'échapper. La lutte entre leurs partisans et ceux d'Ibrahim se prolongea après leur départ ; enfin, ces derniers, forcés de céder la place, s'enfuirent avec leur chef et se réfugièrent à Bizerte, où ils eurent le bonheur d'arriver sans être découverts par Ben-Aissa. Des Turcs restés dans la citadelle envoyèrent un des leurs prévenir les deux capitaines de ce qui venait de s'y passer. Aussitôt ils s'y rendirent avec les marins mis à leur disposition. Comme les assiégeants observaient la porte, ils y pénétrèrent par le côté opposé au moyen d'une corde qu'on leur jeta. Le pavillon français fut aussitôt arboré sur la casbah. A cette vue, Ben-Aîssa fit mine de vouloir l'attaquer, mais quelques coups de canon bien dirigés l'obligèrent à se tenir à distance. On profita de son éloignement pour tirer de la Béarnaise les vivres dont on avait besoin.
          Ben-Aissa, n'ayant pas l'espoir d'enlever la citadelle aux Français, prit le parti d'abandonner la ville; mais il força tous les habitants à en sortir pour le suivre, après quoi il la livra au pillage, et finit par y mettre le feu, ne voulant laisser que des ruines aux Français, à quoi il ne réussit que trop. Le capitaine d'Armandy assistait du haut de la citadelle à cette scène de désolation, et se désespérait de ne pouvoir la faire cesser. A peine Ben-Aissa se fut-il éloigné, traînant à sa suite les infortunés bonis, que les Kbailes et les Arabes des environs tombèrent sur ce cadavre de ville pour en enlever tout ce que les Constantinois et l'incendie avaient pu y laisser. Sur ces entrefaites, quelques Zouaves qui regrettaient Ibrahim voulurent exciter la garnison à la révolte. Le capitaine d'Armandy, averti à temps par le chef des Turcs, en fit arrêter trois qui furent conduits à bord de la Béarnaise; trois autres furent mis à mort et tout rentra dans l'ordre. Le capitaine Joseph crut devoir faire lui-même deux de ces exécutions, qui doivent être dépouillées des circonstances fabuleuses dont il a plu à certaines personnes de les entourer. Au reste, cette conspiration fut peu sérieuse. Les Turcs n'y prirent aucune part. Ils entrèrent dès ce moment à notre service, et nous furent toujours fidèles. Yousouf en eut le commandement. C'est ainsi que l'énergie et l'esprit d'à propos de deux hommes assurèrent à la France la possession de Bône.

          Le lendemain de l'événement que nous venons de rapporter, le sac de Bône continuant encore, vingt Turcs sortirent de la citadelle, et allèrent s'embusquer à une des portes de la ville, d'après les ordres du capitaine d'Armandy. A un signal convenu, quelques bombes furent lancées dans la ville, d'où les Arabes, qui la saccageaient, sortirent aussitôt; mais ils tombèrent dans l'embuscade que leur avaient tendue les Turcs, et perdirent beaucoup de monde. Ceux-ci, enhardis par ce succès, s'établirent dans la ville, le 8 avril. On reçut, peu de temps après, des nouvelles d'Alger. Le capitaine d'Armandy fut nommé provisoirement commandant supérieur de Bône. On lui annonça des renforts, qui arrivèrent successivement du 8 au 12 avril. Ils consistaient en un bataillon du 4° de ligne et quelques artilleurs et soldats du génie. Ce bataillon était commandé par le chef de bataillon Davois, dont le nom doit être cité avec éloge, à cause d'un exemple, malheureusement assez rare, de bon sens et d'absence de susceptibilité hiérarchique. Au moment de son départ, le général en chef lui fit connaître que les circonstances exigeaient que le capitaine d'Armandy conservât le commandement de Bône; que si cet arrangement le contrariait, il était libre de rester à Alger de sa personne. Davois répondit qu'il ne voyait dans tout cela que le bien du service; qu'il était loin de vouloir disputer le commandement à celui qui possédait la confiance du général en chef et qui la méritait si bien, et qu'il obtempérait sans discussion à tout ce que d'Armandy lui prescrirait pour la défense de notre nouvelle conquête.

          Cependant les Sanhadja, tribu à laquelle appartenaient les Arabes qui avaient été défaits par les Turcs à la porte de Bône, avaient fait demander la paix et l'avaient obtenue. Eux et les Beni-Othman, autre tribu voisine de la place, y apportaient des vivres et y conduisaient du bétail.
          L'abondance commençait à régner à Bône ; l'administration put même y avoir un parc pour les besoins de la petite garnison ; mais une partie de ce parc fut bientôt enlevée par les Kharésas. Ceux-ci ne tardèrent pas à recevoir le châtiment de cet acte d'hostilité; car, dans la nuit qui le suivit, le capitaine Yousouf se dirigea avec ses Turcs sur cette tribu, la surprit, lui tua quelques hommes, et lui prit quatre fois plus de bétail qu'elle n'en avait enlevé. Cet acte de vigueur fit cesser entièrement les hostilités des Arabes, et Bône était parfaitement tranquille, lorsque le maréchal de camp Monck d'Uzer vint en prendre le commandement le 15 mai. Le général Monck d'Uzer était déjà connu de l'armée d'Afrique, où il avait commandé une brigade en 1850. Il arriva à Bône avec un bataillon du 55° de ligne. Le 2° bataillon arriva dix jours après sur le vaisseau le Suffren ; le 3° bataillon n'arriva que sur la fin de l'année, pour remplacer le bataillon da 4° de ligne. Un bataillon de la légion étrangère, une batterie de siége, une batterie de campagne, et une batterie de montagne, furent mis également sous les ordres du général d'Uzer. Dans le mois de février 4835, on organisa à Bône le 3° régiment de chasseurs d'Afrique, qui eut pour noyau le 7° et le 8° escadron du premier régiment réduit à six escadrons.

          Lorsque le général d'Uzer vint prendre possession de son commandement, quelques-uns des malheureux habitants que Ben-Aissa avait obligés d'abandonner leurs demeures, commençaient à y rentrer. Il les traita avec bienveillance ; mais il donna sa confiance à un certain Mustapha-ben-Kerim qui, au dire de bien des gens, en était peu digne. Le service civil fut organisé à Bône comme à Oran, avant même qu'il y eut des administrés. D'après les ordres du duc de Rovigo, envers qui le général d'Uzer se montra toujours tel qu'il devait être, c'est-à-dire soumis et obéissant, quelques Maures suspects furent arrêtés, conduits à Alger, et de là à Marseille, où ils restèrent huit mois renfermés au fort Saint-Jean. Le Gouvernement les fit relâcher au bout de ce temps, et ils furent libres de retourner chez eux. Au nombre de ces Maures se trouvait Sid-Ahmed dont nous avons déjà parlé.
          Le général d'Uzer adopta, dès le principe, à l'égard des Arabes, un système de douceur et de justice, et il groupa de cette manière autour de lui quelques fractions de tribus qui vinrent chercher sous son égide une protection contre la tyrannie d'Abmed-Bey; mais nous devons lire qu'il se rendit en quelque sorte leur tributaire, en en admettant presque tous les membres parmi les spahis irréguliers soldés à 60 centimes par jour, aux termes de l'ordonnance du 17 novembre 1851. Les dépenses pour cet objet s'élevèrent, à Bône, à 15,000 francs par mois, quoique la plupart de ces prétendus spahis ne fussent ni montés ni équipés convenablement, et qu'ils formassent plutôt un ramassis de pâtres qu'une troupe de guerriers.

          Il ne se passa rien de fort important à Bône jusqu'au 8 septembre. Ce jour-là, Ibrahim-Bey, cet intrigant infatigable, se présenta devant la place avec une troupe de douze à quinze cents hommes; mais pris entre deux colonnes qui sortirent en même temps de deux portes de Bône, il perdit beaucoup de monde et fut complètement battu. Le capitaine Joseph se conduisit fort bien dans cette affaire. La demande d'avancement qui avait été faite pour lui fut renouvelée dans cette circonstance, et fut accueillie. Joseph fut nommé chef d'escadron au 3c régiment de chasseurs d'Afrique. M. d'Armandy avait déjà reçu le même grade dans son arme.
          Ibrahim-Bey, qui ne resta que peu de temps à Bizerte, d'où son esprit inquiet le chassa bientôt, s'était servi, pour ramener à lui quelques tribus, de l'influence d'un marabout nommé Ben-Bacri. Dès les premiers jours d'août, il était parvenu à réunir des forces considérables ; mais, au moment où elles allaient se mettre en marche, Ben-Bacri tomba de cheval ;et se cassa le bras. Les Arabes, voyant dans cet accident un présage funeste, se dispersèrent; ce ne fut qu'un mois après que Ibrahim-Bey put renouer la partie, pour aller se faire battre, comme nous venons de le voir, sous les murs de Bône. Après sa défaite, ayant perdu tout crédit sur les tribus vaincues, il chercha à agir sur celles qui n'avaient pas pris part à l'action; mais n'y ayant pas réussi, il prit la route de Médée, où il arriva après mille traverses: et où Ahmed-Bey le fit assassiner en 1834. Il laissa deux fils qui entrèrent à notre service.

          Dans le courant de septembre, quelques Beni-Ourdjin voulant se mettre tout à fait à l'abri des attaques d'Ahmed-Bey, vinrent s'établir à l'embouchure de la Seybouse, presque aux portes de Bône. Une partie des Karresas se rapprochèrent également de nous; ces deux tribus, et quelques autres situées auprès de Bône, fournirent des otages qui furent mis à la suite de l'escadron turc.
          Dans les premiers jours de novembre, une épidémie cruelle, ayant quelques symptômes de la fièvre jaune, se manifesta dans la garnison de Bône. Elle régna longtemps et enleva un quart des troupes et de la population. Les secours ne s'étant pas trouvés en rapport avec l'intensité du mal, beaucoup de malades périrent faute de soins. De graves reproches ont été adressés à ce sujet à l'administration; mais il lui était difficile d'établir ses prévisions sur une base qui dépassait toutes les suppositions admissibles. Heureusement que le bey de Constantine ne chercha pas à attaquer Bône dans ces cruelles circonstances. Le général d'Uzer, qui craignait qu'il n'en eût l'idée, fit une sortie avec quelques troupes et tout ce qui put monter à cheval, dans le but de prouver aux arabes qu'il lui restait encore des forces disponibles; il s'avança assez loin et ne rencontra personne à combattre.

          Quoique les cruautés d'Ahmed-Bey augmentassent chaque jour le nombre de nos partisans, il parvint à ruer sur Bône, le 13 mars 1833, sept à huit cents cavaliers des tribus des Chourfa, Sanhadja, Beni-Mehenna et Radjeta. Ils avaient à leur tête Bel-el-Kahal, chef des Zerdéza, qui, en 1830, s'était montré un des plus acharnés contre le général Damrémont. Ils furent repoussés sans beaucoup de peine par nos troupes qui ne perdirent pas un seul homme dans ce petit engagement. Depuis cette affaire, qui n'eut rien de bien sérieux, Bône ne fut plus attaquée par les Arabes. Cet état de choses fut dû principalement au système politique du général d'Uzer, qui sut s'attirer l'amitié des Arabes. Il ne faut pas croire, au reste, que ce général hésitât à employer la force lorsqu'elle lui paraissait nécessaire. Dans le mois d'avril 1833, ayant acquis la preuve que plusieurs actes de brigandage commis sur nos alliés et sur les Européens, étaient le fait de la tribu des Oulad-Attia qui habitent les rives d'un lac situé à quatre lieues de Bône dans la direction de Stora, il alla les attaquer, leur tua du monde, et leur enleva leurs troupeaux qui servirent à indemniser de leurs pertes nos alliés et l'administration, dont une partie du parc avait été enlevée par ces pillards. Dans cette petite affaire, le commandant Yousouf fut blessé, et le lieutenant-colonel de Chabannes, digne héritier d'un beau nom, commandant le 3e régiment de chasseurs d'Afrique, tua deux Arabes de sa main.

          C'est ici le lieu de donner une description un peu détaillée de la province de Constantine, la plus remarquable, sous bien des rapports, des quatre qui composent l'ancienne régence d'Alger.
          Cette province se partage, comme toute l'Algérie, en trois zones : celle des montagnes du littoral ou de la chaîne atlantique septentrionale, celle des plateaux, et la zone saharienne.
          La chaîne atlantique septentrionale présente, au nord et à peu de distraite de Constantine, une sorte de noeud formé par le Djebel-el-Ouahch. Ce noeud pousse trois contreforts principaux : le premier court vers le nord perpendiculairement à la mer et se termine au cap Boujarone ; le second court vers l'est, sous le méridien du cap de Fer, il se bifurque; une de ses bifurcations suit le littoral et se termine à Bône; l'autre s'en éloigne et se termine au lit de la Seybouse à dix lieues de l'embouchure de cette rivière. Le troisième contrefort, plus étendu que les deux autres, enveloppe le second par le sud, et, se prolongeant vers l'est, va se rattacher aux montagnes du nord de la régence de Tunis.
          Le massif montagneux que nous venons de décrire est séparé de celui des montagnes de Djidjelli et de Bougie par l'Oued-el-Kebir, qui se jette dans la mer à peu de distance et à l'est de la première de ces deux villes.
          Entre le cap Boujarone, qui est lui-même à l'est de l'embouchure de l'Oued-Kebir, et le cap de Fer se trouve le golfe de Stora, le sinus numidicus des anciens. Au-delà du cap de Fer, en allant vers l'est, on rencontre le cap de Garde et plus loin le cap Rosa . Entre ces deux caps est le golfe de Bône. Après avoir doublé le cap Rosa, ou à peu de distance le petit port de la Calte, puis les frontières de Tunis.
          Cette partie de la province de Constantine est arrosée par plusieurs cours d'eau. Les principaux sont, de l'ouest à l'est, l'Oued-el-Kebir, la Zhoure, l'Oued-Safsaf, la Boudjema, la Seybouse et la Mafrag.
          La rivière, appelée à son embouchure la grande rivière, ce qui est la traduction d'Oued-el-Kebir, change souvent de nom, comme tous les cours d'eau en Algérie. Elle se forme de la réunion de plusieurs affluents, dont un coule sous les murs de Constantine, où il porte le nom d'Oued-Rummel (rivière du sable).
          La Zhoure, dont le cours est peu considérable, coule parallèlement à l'Oued-el-Kebir, et se jette dans la mer entre l'embouchure de cette dernière rivière et le cap Boujarone.
          L'Oued-Safsaf, qui se jette dans le golfe de Stora, coule dans un bassin qui est une des plus belles et des plus fertiles contrées de l'Algérie.
          La Seybouse prend sa source à peu de distance et sous le parallèle de Constantine, coule longtemps, sous le nom d'Oued-Zenati, entre le deuxième et le troisième contrefort du Djebel-el-Ouahch, se redresse vers le nord sous le méridien de Bône, traverse la vaste et belle plaine qui est au sud de cette ville, et se jette dans la mer auprès de Bône.
          La Mafrag a un cours moins étendu que celui de la Seybouse, et se jette dans la mer à quatre lieues à l'est de cette rivière.
          La Boudjema est une petite rivière qui se jette dans la mer sous les murs mêmes de Bône, entre cette ville et la Seybouse.

          Les populations qui habitent la contrée que nous venons de décrire se divisent naturellement en tribus de la plaine et tribus de la montagne. Les premières sont Arabes; les autres sont généralement d'origine Kbaile. En commençant par l'est, on trouve les Nehed, les Oulad-Dieb, la plus puissante tribu de ce canton, les Beni-Amar, les Oulad-Youb, les Oulad-Amar-Bou-Ali. A l'embouchure de la Mafrag sont, à droite, les Sebah, et, à gauche, les Beni-Ourdjine; au-dessus de ces deux tribus sont les Merdès; et au-dessus des Merdès dans les montagnes, entre la Seybouse et la Mafrag, sont les Beni-Salah.
          En suivant les montagnes et en contournant vers l'ouest la plaine de la Seybouse, on rencontre, après les Beni-Salah et sur la gauche de la rivière, les Thala; les Oulad-Bou-Aziz, au sud de ceux-ci, les Oulad-Kaïd, et, à l'ouest des Oulad-Kaïd, les Beni-Foukral. C'est entre ces deux tribus que la Boudjema prend sa source. Viennent ensuite, en allant vers le nord, les Elma, les Radjette, les Oulad Attia, les Dride qui habitent les bords du lac Fetzara. Entre ce lac et la mer s'élève le Djebel-Edough dont les sommets et les pentes sont habités par les Beni-Mhamed, les Soada, les Arbaouen, les Tréate, les Karesas, les Sanhadja, les Ichaoua, les Djendel et quelques autres petites tribus.
          Les tribus que nous avons nommées jusqu'ici formaient deux kaïdats ; celui de Bône et celui de l'Edough ; mais il est à remarquer que le kaïd de l'Edough était sous la dépendance de celui de Bône.
          A l'ouest du Djebel-Edough, on trouve le Sahel de Stora ou Sahel de Skikda, dont le kaïd avait sous ses ordres les Beni-Mehenah, forte tribu formant le noyau de l'outhan, les Beni-Toufout, les Beni-Salah, les Beni-Ishae et quelques autres tribus de moindre importance. A l'ouest du Sahel de Stora est celui de Collo, et à l'ouest de celui-ci le Sahel de Djidjelli.

          Les deux petites villes de Collo et de Djidjelli étaient administrées par de petits gouverneurs dont l'autorité n'en dépassait guère l'enceinte. Les tribus de l'extérieur faisaient partie de l'outhan de Ferdjiouah, mais plus de nom que de fait, car elles étaient à peu près indépendantes. Ces tribus étaient, de Collo à Djidjelli, les Achebe, les Oulad-Aîça, les Beni-Amran, les Beni-Àhmed et les Beni-Kaid. Je ne nomme que les principales.
          Le pays de Ferdjiouah, au nord de Djidjelli, forme le noyau de l'outhan de ce nom. Le chef de cet outhan n'avait que le titre de cheihk, héréditaire dans la famille des Beni-Achour, maison très ancienne de ces montagnes. Je ferai remarquer à ce sujet. que le titre de kaîd implique l'idée d'un magistrat imposé par l'autorité centrale, tandis que celui de cheikh convient plus particulièrement au chef dont l'autorité, au moins dans l'origine, avait quelque chose de populaire et de national dans la tribu. De là vient que les outhans le plus récemment soumis avaient des chefs qui, quoique aussi puissants et même plus puissants que des kaïds, ne portaient encore que le titre de cheikh qu'ils avaient à l'époque de leur indépendance. Le cheikh de Ferdjiouah était dans ce cas.
          On peut consulter à ce sujet une notice sur l'administration de la province de Constantine que j'ai fait paraître dans le Tableau des établissements français en Algérie, en 1838.

          A l'est de Ferdjiouah est le Zouagah, autre district à cheikh héréditaire et presque toujours insoumis à l'autorité centrale. Au commencement de ce siècle, un bey de Constantine fut massacré avec ses troupes dans les montagnes de Zouagah.
          A l'est de Zouagah et au sud du Sahel de Stora était le kaidat des Oulad-Braham, comprenant, outre cette tribu, les Beni-Ouelban, les Beni-Telilan, les Beni-Sebikh et les Oulad-el-Hadj.
          A l'est des Oulad-Braham est le kaïdat des Zerdeza, tribu puissante divisée en un grand nombre de fractions ou kharouba, et à l'est des Zerdeza sont les Guerfa, dont le kaïd administrait également un grand nombre de petites tribus arabes et kbaïles, au centre du territoire desquelles est Ghelma. C'est dans cet outhan que se trouvent les eaux chaudes d'Hammam-Meskoutin, célèbres dans toute l'Algérie.
          Ces eaux, dont la température est très élevée, sortent du sol en plusieurs sources jaillissantes. Comme elles sont très chargées de carbonate de chaux et d'autres sels, elles laissent, sur les lèvres de l'orifice de chaque source, des dépôts, qui, s'élevant peu à peu, forment des cônes du sommet desquels les eaux s'épandent en nappes fumantes. Lorsqu'un cône est parvenu à une hauteur qui dépasse celle où la force d'impulsion de l'eau lui permet de monter, il se bouche, et l'eau s'ouvre une issue sur un autre point où par la suite des temps se forme un nouveau cône. Il existe un très grand nombre de ces cônes qui ont l'apparence de fantômes gigantesques enveloppés de linceuls. Les superstitieux indigènes racontent à ce sujet, que dans les temps anciens, un prince du pays ayant voulu épouser sa sœur, Dieu, irrité, changea en statues, le jour même du mariage, les époux incestueux et tous ceux qui étaient venus assister à ces noces impies, et que ce sont encore eux que l'on voit à Hammam-Meskoutine, dont le nom signifie Baies maudits.

          La contrée que nous venons de décrire est limitée au sud par la grande zone des plateaux du centre de l'Algérie. La partie de ces plateaux comprise dans la province de Constantine se divise naturellement en deux régions séparées, sous le méridien de Constantine, par un bourrelet montueux, dont les points les plus saillants sont le Nifen-Nesser (Bec de l'aigle) et le Guerioun. Les plateaux situés à l'ouest de ce bourrelet sont séparés de ceux de la province de Tittery par un chaînon transversal, qui joint le Djebel-Djurdjura, la plus élevée de toutes les montagnes de la chaîne atlantique algérienne, au Djebel-Oueanougah, qui est plus au sud. C'est à travers ce chaînon qu'est le célèbre défilé des Bibans, gorge étroite et profonde entre des rochers perpendiculaires, de même aspect, mais plus sauvage encore, que celles de Pancorvo en Espagne et d'Ollioules dans le département du Var. Si ce n'est aux approches des Bibans, les plateaux dont nous parlons sont nus et dépourvus d'arbres. Les pentes des montagnes qui les bornent au sud et au nord se prolongent considérablement en allant à la rencontre les uns des autres. La ligne d'intersection de leurs plans, qui forment la superficie des plateaux, est indiquée à l'est par le lit de l'Oued-Rummel qui, dans cette partie supérieure de son cours, change souvent de nom, et à l'ouest par le cours sinueux de l'Oued-Bousselam. Toute cette zone médiane est d'une grande fertilité ; mais les parties plus rapprochées des montagnes sont assez généralement pierreuses et stériles, si ce n'est dans les bassins des petits affluents des deux rivières dont il vient d'être question, où des soulèvements de roches, disposés comme des murs perpendiculaires à ces affluents, se sont prêtés admirablement à la formation de terrains modernes, couvrant les terrains secondaires et tertiaires mis à découvert sur les points plus élevés.

          A l'ouest des Bibans est la contrée de Medjanah, dont le centre est une espèce de fort ou bordj qu'on appelle indistinctement Bordj-Medjanah ou Bordj-bou-Ariridj. Cette contrée est habitée par les Hacheur, les Souahma, les Sodrata, et quelques autres tribus. Le kaïd de la Medjanah était toujours choisi dans la famille des Oulad-Mokran, d'une noblesse ancienne et bien établie. Ce kaid administrait encore, en dehors de la Medjanah, les Msita, les Dreat et les Oulad-el-Kberouf ; son autorité, ou plutôt son influence héréditaire, s'étendait même sur les montagnes d'Ouennougah, dont la population est divisée en une quinzaine de tribus.
          Au nord de la Medjanah est la petite ville de Zamora, dont le kaïd avait sous son commandement quelques villages voisins de la ville, et l'outhan des Oulad-Yahia-Halel-Chefa, district d'une médiocre étendue.
          A l'est de la Medjanah est l'outhan des Amer-Gharaba, où se trouve Sétif, l'antique capitale de la Mauritanie Sétifienne, et, à l'est des Amer-Gharaba, l'outhan des Elma, que l'on appelle Elma de Bazer pour Ies distinguer des autres tribus du même nom. Bazer est celui d'une sebkah située sur le territoire de cet outhan.
          Au sud des Amer-Gharaba sont les Righa, dont le kaid commandait de plus les Oulad-Sidi-Ahmed, les Mouassa et autres petites tribus. Au nord de ces mêmes Amer est l'outhan de Babour, ainsi désigné de la montagne de ce nom qui y est située. On l'appelait aussi le sahel deBabour, et l'autorité de son kaïd, ou plutôt de ses kakis, car il y en avait deux, était censée s'étendre jusqu'à la mer sur les tribus kbaïles de Bougie ; mais en réalité elle n'était guère reconnue que par les Beni-Mendil, les Amoucha et les Oulad-Adjeb.

          A l'est de la partie septentrionale de l'outhan des Amer était le petit district de l'Oued-Deheb, dont le kaki commandait quelques fractions de diverses tribus qui cultivaient, à titre de khamas ou colons au cinquième, des terres domaniales situées dans le bassin de la petite rivière de ce nom. Viennent ensuite, en tirant toujours vers l'est, les Beni-Merouan, sur le territoire desquelles on trouve les belles ruines de Djemilah, les Beni-Gerba, Beni-Saber, Ies Beni-Kebab, les Kromerian, les Oulad-Bou-Hallouf, et la très agréable petite ville de Milah, dont le kaïd commandait également à quelques petites tribus qui en sont voisines, entre lesquelles est celle des Mouiah.
          Milah est à neuf lieues de Constantine ; le territoire situé entre ces deux villes, et tout celui qui entoure la seconde sous un rayon à peu près de neuf lieues aussi, sont habités par des petites peuplades qui y avaient été appelées par le Gouvernement pour cultiver, à divers titres, les terres domaniales en très grand nombre dans cette partie de la province.
          Ces terres sont appelées azela. La propriété rurale se divise en Algérie, comme partout, en immeubles de l'Etat, immeubles des tribus, qui sont l'analogue de nos biens communaux, et immeubles melk ou de propriété privée. Les biens des corporations et des établissements publics, soit religieux, soit civils, rentrent naturellement dans la seconde de ces trois grandes catégories. Tout cela est clair, simple et parfaitement conforme à ce qui se voit partout. Cependant il a été fait de grands efforts dans ces derniers temps pour prouver qu'en pays musulman le sol n'appartient, en droit, qu'au souverain. On a beaucoup écrit sur cette question, que nous traiterons avec quelque étendue dans un des derniers livres de cet ouvrage. En attendant, nous engageons le lecteur à s'en tenir à la courte explication que nous venons de donner.

          Au sud-ouest de ce district domanial sont les Telagmah, et, entre ceux-ci et les Elma de Bazer, le vaste territoire des Oulad-Abd-el-Nour, tribu nombreuse et puissante qui compte plus de trente fractions.
          Les plateaux situés à l'est du Nif-en-Nesser sont moins élevés que ceux de l'ouest, et vont continuellement en s'affaissant de plus en plus jusqu'aux frontières de Tunis. Ils sont habités, de l'ouest à l'est, par les Baraniah, les Zemoul, les Segnia, les Sellaoua, les Amer-Cheraa , les Harakta, les Hanencha et les Oulad-Yahia-ben-Taleb. Ces trois dernières tribus forment des outhans considérables.
          Le kaïd des Harakta avait le titre de kaid-el-Aouassi. C'était un des plus importants personnages de la province, jouissant de très-grands priviléges. Les Harakta se divisent en quatre grandes fractions, qui sont les Oulad-Hamara, les Oulad-Kranfor, les Oulad-si-Houan et les Oulad-Said. Plusieurs petites tribus se rattachent aux Harakta sans en faire partie.
          Les Hanencha, limitrophes à la régence de Tunis, forment une tribu très nombreuse, dont le kaïd n'était pas un personnage de moindre importance que celui des Harakta. Cette tribu doit son existence à une famille guerrière, établie originairement au Djebel-Bel-Hanech, dans la régence de Tunis. Cette famille ayant pris sous sa protection un grand nombre d'aventuriers et de bandits, finit par se trouver assez puissante pour dominer toute la contrée; Elle s'établit vers les ruines de Tiffech, où elle jouit longtemps d'une complète indépendance.
          Les Oulad-Sidi-Ziahia-ben-Taleb, au sud des Hanencha et également sur les frontières de Tunis, forment un outhan qu'on appelle ordinairement El-Dir, nom pris d'une montagne qui y est située. Au sud de cet outhan est la ville de Tébessa, la Teveste des anciens.
          Maintenant, si nous quittons Ies plateaux pour entrer dans les montagnes qui les bordent au sud, nous trouverons successivement, en partant des Oulad-Khelouf, les Ayad, une fraction des Righa, l'outhan de Bellezma et l'Aourés.
          L'outhan de Bellezma contient plusieurs tribus, dont les principales sont les Oulad-Bou-Haoun et les Oulad-Sultaa. Il y a aussi deux petites villes, Ngaousse et Kela.
          Les montagnes de Bellezma appartiennent au même système que celles d'Ouennougah, c'est-à-dire au chaînon transversal des Bibans, chaînon qui, par l'Ouennougah et le Bellezma, se rattache à l'Aourès, en coupant obliquement la zone des plateaux.
          Au sud de Bellezma est la plaine de Hodna, dont le centre est occupé par une grande sebkah, dont les bords sont habités par les Oulad-Deradj, au-dessus desquels sont les Oulad-Haddad, et par les Oulad-Sanhoun, les Souama et les Oulad-Mahdi. Au nord de cette sebkah est la ville de Msilah, et au sud celle de Bou-Sada.

          L'Aourès est un épais massif montagneux qui descend vers le sud, beaucoup au-dessous du parallèle de l'Hodna; c'est une contrée fort peuplée et fort curieuse, dont nous parlerons ailleurs avec plus de détail. Elle fait partie de la chaîne atlantique méridionale, et se rattache au Djebel-Sahari, de la province de Titteri, par le Djebel-Meharka, au sud de l'Hodna.
          Au sud de l'Aourès et du Djebel-Meharka se déroule la partie du Sahara appelée le Zab, ou plutôt les Zibans qui est le pluriel de cette appellation. La ville de Biskra peut en être considérée comme la capitale ; elle est la première d'une quarantaine de petites villes ou villages disséminés dans un archipel d'oasis, et dont les principaux sont Lichana, Tolga, Bouchagroun, Melily, Sidi-Okba, Sidi-Khelil, Oulad-Djelal. Entre ces oasis errent diverses tribus nomades, dont les principales sont les Oulad-Harkal, les Oulad-Saci, les Sahari, les Selmiah et les Mehaguen ; plus à l'est, entre l'Aourès et les frontières de Tunis, sont les Nemencha, et, beaucoup plus an sud , les oasis de Tugurth et de Souf. Mais il est inutile, pour le moment, de nous occuper de ces localités éloignées.

          L'autorité du bey de Constantine était représentée, dans le Sahara, par le grand fonctionnaire qui portait le titre de cheikh-el-arab. Mais le pouvoir qu'il exerçait tenait plus à l'influence héréditaire des grandes familles où on avait toujours soin de le choisir, qu'à la force qu'il pouvait emprunter au Gouvernement. Dans le fait, le Sahara était à peu près indépendant ; Tugurth et Souf l'étaient complètement.
          On trouve dans la population de la province de Constantine, qui s'élève au moins à 1,500,000 âmes, un élément qui n'existe pas dans les autres provinces de l'Algérie. Cet élément est fourni par les Chaouïa, descendants des anciens Berbères ; mais je crois qu'ils ne différent pas essentiellement des Kbailes, dont ils parlent la langue sans beaucoup de variations. Les habitants de l'Aourès, les Oulad-lbd-el-Nour, les Harakta, les Segnia et les TeIaghma sont Cbaouïas.
          Le gouvernement des beys de Constantine était, sauf quelques différences de dénominations, constitué sur les mêmes bases que celui des autres beyliks, et ses moyens d'action sur les tribus étaient les mêmes. Il y avait des garnisons turques à Constantine, Zamorah, Msilah, Biskra et Tébessa. La cavalerie du Makhzen était fournie par la colonie militaire des Zemoul et par des douas disséminés par groupes sur plusieurs points.
          Plusieurs petites tribus, enclavées dans les grandes, formaient, comme dans les autres beyliks, des apanages attachés aux diverses charges de la Cour du bey.  
                   
A SUIVRE


L'AMOUR DE L'AMOUR
De Germain NOUVEAU
Envoyé par Gérard


I
Aimez bien vos amours ; aimez l'amour qui rêve
Une rose à la lèvre et des fleurs dans les yeux ;
C'est lui que vous cherchez quand votre avril se lève,
Lui dont reste un parfum quand vos ans se font vieux.
Aimez l'amour qui joue au soleil des peintures,
Sous l'azur de la Grèce, autour de ses autels,
Et qui déroule au ciel la tresse et les ceintures,
Ou qui vide un carquois sur des cœurs immortels.

Aimez l'amour qui parle avec la lenteur basse
Des Ave Maria chuchotés sous l'arceau ;
C'est lui que vous priez quand votre tête est lasse,
Lui dont la voix vous rend le rythme du berceau.

Aimez l'amour que Dieu souffla sur notre fange, 

Aimez l'amour aveugle, allumant son flambeau, 
Aimez l'amour rêvé qui ressemble à notre ange,
Aimez l'amour promis aux cendres du tombeau !
Aimez l'antique amour du règne de Saturne,
Aimez le dieu charmant, aimez le dieu caché,
Qui suspendait, ainsi qu'un papillon nocturne,
Un baiser invisible aux lèvres de Psyché !
Car c'est lui dont la terre appelle encore la flamme,
Lui dont la caravane humaine allait rêvant,
Et qui, triste d'errer, cherchant toujours une âme,
Gémissait dans la lyre et pleurait dans le vent.
Il revient ; le voici : son aurore éternelle
A frémi comme un monde au ventre de la nuit,
C'est le commencement des rumeurs de son aile ;
Il veille sur le sage, et la vierge le suit.
Le songe que le jour dissipe au cœur des femmes,

C'est ce Dieu. Le soupir qui traverse les bois,
C'est ce Dieu. C'est ce Dieu qui tord les oriflammes
Sur les mâts des vaisseaux et les faîtes des toits.
Il palpite toujours sous les tentes de toile,
Au fond de tous les cris et de tous les secrets ;
C'est lui que les lions contemplent dans l'étoile ;
L'oiseau le chante au loup qui le hurle aux forêts.
La source le pleurait, car il sera la mousse,
Et l'arbre le nommait, car il sera le fruit,
Et l'aube l'attendait, lui, l'épouvante douce
Qui fera reculer toute ombre et toute nuit.
Le voici qui retourne à nous, son règne est proche,
Aimez l'amour, riez ! Aimez l'amour, chantez !
Et que l'écho des bois s'éveille dans la roche,
Amour dans les déserts, amour dans les cités !
Amour sur l'Océan, amour sur les collines !
Amour dans les grands lys qui montent des vallons !
Amour dans la parole et les brises câlines !
Amour dans la prière et sur les violons !
Amour dans tous les cœurs et sur toutes les lèvres !
Amour dans tous les bras, amour dans tous les doigts !
Amour dans tous les seins et dans toutes les fièvres !
Amour dans tous les yeux et dans toutes les voix !
Amour dans chaque ville : ouvrez-vous, citadelles
Amour dans les chantiers : travailleurs, à genoux !
Amour dans les couvents : anges, battez des ailes !
Amour dans les prisons : murs noirs, écroulez-vous !

II

Mais adorez l'Amour terrible qui demeure
Dans l'éblouissement des futures Sions,
Et dont la plaie, ouverte encor, saigne à toute heure
Sur la croix, dont les bras s'ouvrent aux nations.

Germain NOUVEAU       
(Recueil : Poésies d'Humilis)       
  



La Franc-maconnerie en Algérie
Par M. Jacky Bena
Envoyé par M. Daniel Dardenne

Tournefeuille : L'histoire méconnue
des francs maçons en Algérie

Publié le 27/12/2011 09:05 | Propos recueillis par P.M.

      Jacky Bena. /Photo DDM.

Jacky Bena ./Photo DDM.      Jacky Béna, historien et conférencier, bien connu des Tournefeuillais, vient de publier son 5e ouvrage historique « Orients disparus », l'histoire des Francs Maçons en Algérie, aux éditions Privat.

      Quand vous est venue cette passion de l'histoire ?
      Tout jeune j'ai eu une préférence pour les livres historiques, j'en lisais 2 à 3 par semaine, cela s'est amplifié grâce à un professeur d'histoire en 4° qui était passionné et qui m'a donné l'envie de la recherche. J'ai été instituteur, puis professeur d'histoire et enfin j'ai passé un doctorat à l'université du Mirail avec une thèse sur le comportement électoral des Toulousains, qui fut aussi ma première publication.
      Ensuite j'ai commencé à écrire dans les années soixante-dix pour des revues d'histoire et des ouvrages.


      Pourquoi les Francs Maçons, et en Algérie ?
      Je suis né à Bône en Algérie, et mon grand père et mon père étaient Francs Maçons, et membre de la loge " Hippone " du Grand Orient de France. J'ai voulu comprendre quelles avaient été les préoccupations de ces gens qui ont cru en l'avenir de l'Algérie, mais qui n'ont pas compris les bouleversements qui devaient transformer le pays. C'est une histoire passionnante qui n'avait jamais été abordée, et qui débute dès la conquête, la première loge est créée par des militaires à Alger en 1832, la loge " Bélisaire ". La dernière animée par quelques Français restés et des coopérants fermera en 1974, c'est la loge " Hippone ".

      Comment vous êtes vous documenté ?
      Il y a eu trois axes, d'abord les archives du Grand Orient de France, le fond maçonnique de la bibliothèque nationale de France et les particuliers. Cela a été un travail de détective, ainsi, à Annecy chez une personne, j'ai retrouvé les documents constitutifs de la première loge " Bélisaire ".

      Quels sont vos projets ?
      Je continue à faire des conférences et notamment sur l'affaire Callas, car nous avons monté une association pour sauver l'atelier de la maison Callas qui devrait disparaître pour en faire un lieu de mémoire des valeurs de liberté de conscience et de tolérance. J'ai aussi un lourd projet, écrire une histoire de l'Algérie des origines, à 1830.

      Renseignements :
http://jackybena.blogspot.com/




  "ANNONCE"
par M. Monsieur Jean-François BERENGUER

  CHAPELLE   D'ACCOUS  


        Monsieur Jean-François BERENGUER
        58, rue Gambetta -64200 -Biarritz
        Email : jeanfrancoisberenguer@wanadoo.fr

        Chers (es) amis (es),

        Je vous informe que la chapelle d'ACCOUS qui se trouve dans le cimetière où repose Monseigneur Bertrand LACASTE est terminée et le retable est en place.

        Pour toute la communauté pied-noir et sous l'égide de « l'Amicale des Pieds-Noirs de la Côte Basque » Monseigneur Marc AILLET procédera à son inauguration.

        La date fixée par Mgr Marc AILLET, est le lundi 30 avril 2012, la messe sera célébrée à 11 heures et sera suivie de l'inauguration.

        Notre souhait serait que vous puissiez participer nombreux à cette manifestation.
        D'autres informations pratiques vous seront communiquées.

        En vous souhaitant bonne réception de cette annonce, je vous prie d'agréer, chers compatriotes l'expression de ma considération distinguée.

        Mr J.F. BERENGUER

MESSAGE A TRANSMETTRE A TOUS VOS CONTACTS

        On nous communique.

        En vue d'un procès en béatification, concernant Monseigneur Bertrand LACASTE évêque d’ORAN, l'évêché de Bayonne cherche des témoignages de personnes qui l'ont connu.

        Ces témoignages sont à envoyer à :

        M. le Secrétaire de Monseigneur AILLET.
        Courrier à faire parvenir à l'adresse suivante :
        EVECHE DE BAYONNE
        16, place Mgr VANSTEEBERGHE
        64 100 – BAYONNE
   

NOUVELLES de LÁ-BAS
Envoyées d'Algérie
Cimetière chrétien de Oued El Alleug :
Des tombes profanées et un entretien aléatoire
pressealgerie/algerieelwatan
Régions Centre Blida le 05.01.12
           Des actes pas trop catholiques.
Photo El Watan

           Des pieds-noirs se seraient aventurés dans le cimetière, nous murmure-t-on, et certains souhaiteraient rapatrier les ossements, ou ce qui reste, de leurs chers disparus.
           Le cimetière chrétien de Oued El Alleug (Blida) ne donne pas envie d' y être enterré. Des caveaux et des tombes ont été saccagés, laissant entrevoir des ossements abandonnés. Les croix des quelques sépultures restées intactes ont été cassées. Des individus ont profané, à la fin des années 1980, des caveaux et auraient emporté les faïences et tous les objets de "valeur". "Des habitants ont, comble de l'ignominie, aménagé l'entrée de leur villa et des patios de leur jolie maisonnette avec la faïence arrachée des tombes.
           Les cimetières doivent être respectés, même ceux de nos pires ennemis", lâche, avec colère, un quadragénaire, qui assure que l'attaque en règle du cimetière, situé à quelque 2 km du centre-ville, avait été menée par des dizaines d'individus de cette localité où était installée une forte communauté de pieds-noirs. Il a fallu l'intervention des notables pour faire cesser ces attaques menées de nuit. Des dizaines d'années plus tard, l'endroit a été clôturé.
           Les mêmes actes se répètent toutefois, car la murette de ce cimetière, laissée ouverte au quatre vents, est détruite par endroits. "Le cimetière a été fermé et les agents communaux y interviennent parfois. Ils l'aménagent comme ils peuvent. Nous avons même placé un gardien", signale le président de l'APC de Oued El Alleug, qui nous a assuré, lors d'un précédent entretien au siège communal, que la gestion du cimetière ne relève pas de ses prérogatives. Un autre employé, dont on taira la fonction, ne manquera pas, pour sa part, de charger les services de l'ambassade de France chargés de l'opération de réhabilitation.
           "Les services de l'ambassade de France donnent le marché d'entretien des cimetières chrétiens à une seule et même entreprise, d'El Biar à Damous. L'ambassade fait un effort colossal et méritoire pour les entretenir. Mais l'entreprise sous-traite ces travaux avec des ouvriers qui ne font qu'une seule chose : enlever quelques ronces pour s'en aller quelques jours après le début des travaux, laissant les cimetières dans le même état", constate l'employé qui assure avoir lui-même pris attache avec les services de l'ambassade sans réussir à les faire réagir. Des pieds-noirs se sont aventurés dans le cimetière, nous murmure-t-on, et certains souhaiteraient rapatrier les ossements, ou ce qui reste de leurs chers disparus.
           Le cimetière de Oued El Alleug est concerné par l'arrêté de regroupement des cimetières d'Algérie, signé par le ministère des Affaires étrangères français le 21 octobre 2011, modifiant l'arrêté du 23 juin 2011 relatif au regroupement des sépultures civiles françaises en Algérie.
           Nadir Iddir

Vers un dépôt de bilan d'ArcelorMittal :
Menace sur 7000 travailleurs à Annaba
pressealgerie/algerieelwatan
El Watan, A la une Actualité le 05.01.12

         ArcelorMittal Annaba est dans la zone rouge. Les dirigeants de l'entreprise ont pris rendez-vous dimanche 8 janvier 2012 au tribunal d'El Hadjar pour étudier les procédures de dépôt de bilan.

         Selon des sources informées, ArcelorMittal fait face à une situation similaire à une cessation de paiement. Les dirigeants de l'entreprise négocient depuis plusieurs semaines l'obtention d'un prêt auprès de la Banque extérieure d'Algérie (BEA) pour appuyer son plan d'investissement estimé à 270 millions de dollars.

         Les discussions, d'après les mêmes sources, ont bien avancé. Cependant, un point de la réglementation relative à la garantie de crédit a tout bloqué. Il a été demandé à ArcelorMittal l'hypothèque du terrain sur lequel est bâti le complexe d'El Hadjar. Or, ArcelorMittal ne possède pas ce terrain qui est propriété de l'Etat. La loi algérienne interdit aux entreprises étrangères d'accéder à la possession des terrains. Donc, il est impossible au groupe sidérurgique de régler ce problème malgré des assurances du ministère de l'Industrie. Sans le document sur l'hypothèque du terrain, ArcelorMittal ne pourra pas avoir de crédit.
         Les responsables de l'entreprise ont présenté toutes les garanties nécessaires pour assurer la banque du remboursement du crédit. Cela n'a pas levé l'obstacle réglementaire.

         La situation ne pourrait être débloquée, d'après les mêmes sources, que par le Premier ministre qui a la prérogative d'alléger la procédure.
         S'il est maintenu à son poste, Ahmed Ouyahia usera-t-il de son autorité pour éviter la faillite du complexe d'El Hadjar ? L'Algérie a-t-elle intérêt à faire fuir un autre gros investisseur étranger ? Le wali de Annaba aurait été informé de la situation délicate du complexe. ArcelorMittal emploie 7000 salariés au complexe d'El Hadjar et aux mines de Boukhadra et d'El Ouenza.

         Des travailleurs qui risquent de se retrouver au chômage en cas de dépôt de bilan. Dernièrement, une curieuse décision a exclu la tuberie sans soudure Ampta (ex-TSS), une unité de fabrication de pipelines affiliée à ArcelorMittal, de la liste des fournisseurs de Sonatrach (voir El Watan du 29 décembre 2011).

         Cela a amené le secrétaire général de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, à saisir le ministère de l'Energie. "Nous vous sollicitons à l'effet d'user de votre autorité afin d'amener les entreprises utilisatrices des produits Ampta à faire application des mesures arrêtées par le gouvernement à travers la circulaire n°062/inst/SP/PM du 22 décembre 2008 ayant pour objet la réduction des importations et la promotion de la production d'origine algérienne", a écrit le premier responsable de la centrale syndicale à Youcef Yousfi. Le syndicat du complexe d'El Hadjar a, pour sa part, protesté contre cette nouvelle mesure contraire à tout ce qui est proclamé officiellement sur "l'encouragement" de la production nationale. "L'unique compagnie nationale pétrolière préfère s'approvisionner auprès des traders étrangers occultant les produits de l'unique fabriquant de pipelines au Maghreb Ampta (ex-TTS)", a déclaré Smaïl Kouadria, secrétaire général du syndicat d'El Hadjar.

         Les traders (intermédiaires) concernés sont, d'après les syndicalistes, China Petroleum, Intermak Inc (Pays-Bas), Hight Sealed & Couplet (Liban) et Gleen Steel (USA). Ils ont engrangé 731 millions de dollars ces deux dernières années. Cela se passe de commentaire…
         Fayçal Métaoui


MESSAGES
S.V.P., Lorsqu'une réponse aux messages ci dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,
cliquez ICI pour d'autres messages.
sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura

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Mme Nathalie Seurot
       Bonjour,
       je m'appelle Nathalie Seurot je recherche des personnes ayant connue mon père Antoine Seurot qui est né à Sousse le 13 juillet 1925.
       Fils de Toussainte Ceccaldi et de Lucien Seurot qui était maitre bottier dans l'armée.
       Il avait une sœur Marie-Jeanne et trois frères Constant, Mathieu, Benoit.
       Il y a aussi fait l'armée classe 1945 à Tunis en compagnie de Monsieur Lequien Robert.
       Il travaillait à la mairie de Sousse et habitait je pense rue "El Aaoui " je l'ai surement mal orthographié"
       Je sais qu'il était au révellion 1951 dans un restaurant appeler ATLANTITA. Il avait pour médecin le Docteur " Gachun" ; qu' en 1928 il a été soigné à l'occasion d'une maladie grave par une Madame DIPIAZZA.
       Il est décédé en 1964 à 38 ans moi j'avait 5 ans, je sais trés peu de choses sur lui bien que mon amour lui soit éternel , chaque jour il me manque d'avantage et j'aimerai que l'on me le racconte alors encore un grand merci.
       Merci beaucoup pour tous les renseignements que vous pourrez éventuellement me fournir
       Cordialement
       Nathalie Seurot
Mon adresse : phinath33@hotmail.fr

De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.

    Diaporama 44
    Diaporama 45                                          Diaporama 46  
    Diaporama 47                                          Diaporama 49
    Diaporama 50                                          Diaporama 51
    Diaporama 52                                          Diaporama 53
Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : jarrige31@orange.fr

DIVERS LIENS VERS LES SITES

M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er Janvier 2012.
Son adresse: http://www.piednoir.net/guelma
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Guelmois

     Bonjour
     Je suis Stéphane PORTELLI l'artiste musicien qui figure sur les liens du site de Bône. Avant tout je vous souhaite une belle et heureuse Année 2012, remplie de bonheur et de joie !!!
     Un petit message pour vous informer et pour une mise à jour :
     - Voici le nouveau lien du myspace (site) de PORTELLI où on peut trouver extraits musicaux du Nouvel Album, dates de concert, vidéo etc...
     Cliquez ici : http://www.myspace.com/stephaneportelli
     - voici le lien de la nouvelle Vidéo Teaser PORTELLI en Live !!!
     cliquez ici : http://www.youtube.com/watch?v=7KAYGCEIGIw
     Merci et à très bientôt
     Cordialement, Stéphane PORTELLI

CLIQUEZ ICI pour d'autres messages.

Enterrement d'un cardiologue
Envoyé par Marc

Ça se passe au cimetière.

       Au moment de l'inhumation d'un célèbre cardiologue, de nombreux confrères sont présents.
       Pour la circonstance (vu qu'il est cardiologue), l'entrée du caveau a été ornée d'un énorme coeur de deux mètres de haut, fait avec des fleurs, et le cercueil est placé devant.
       Après le sermon et les adieux, le gigantesque cœur s'entrouvre, le cercueil est placé à l'intérieur puis le cœur se referme.
       Tout le monde est silencieux, triste mais éblouis par cette démonstration très significative !
       Soudain, un homme éclate de rire.
       Son voisin le réprimande d'un air sévère :- Chut ! Mais qu'est-ce qui vous prend de rire comme ça ?
       Et l'homme de répondre, Je pense à mes obsèques : je suis gynécologue.

      



En cliquant sur le nom des auteurs en tête de rubrique,
vous pouvez leur écrire directement,
c'est une façon de les remercier de leur travail.

Si vous avez des suggestions, vous pouvez les exprimer,
EN CLIQUANT. ===> ICI

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