N° 117
Mai

http://piednoir.net
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1erMai 2012
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
http://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO

DES CLOCHES....................
................ET DES CLOCHETTES

Chers Amis,
        En ce jour de 1er Mai, je ne peux m'empêcher de vous offrir ce bouquet de muguet et ce petit poème de Théophile Gautier.

Quand viendra la saison nouvelle,
Quand auront disparu les froids,
Tous les deux nous irons, ma belle,
Pour cueillir les muguets au bois;
Sous nos pieds égrenant les perles
Que l'on voit au matin briller,
Nous irons écouter les merles
Siffler.


        Les Merles, nous les entendons aussi chaque jour à la télé et autres médias. C'est vrai que ce ne sont pas les mêmes.
         Juste avant le 1er tour, j'ai reçu un questionnaire d'une institution concernant les candidats à l'élection présidentielle. Bien que les questions étaient d'actualité, un peu trop liées à la religion, je n'y aie pas répondu car ce questionnaire n'aurait été adressé qu'aux cinq candidats " de droite ". Pourquoi ignorer les autres ?
        Les questions abordaient les sujets sur :
        - Les principes fondamentaux
        - Les principes éthiques, la vie et la mort
        - La famille, l'enseignement
        - La mondialisation, l'Europe
        - L'immigration
        - L'état
        - La défense, la diplomatie
        - Le droit, la justice
        - L'économie, l'industrie, le travail
        - Le social, la santé
        - La nature, l'écologie
        - La culture


         Ce sont des thèmes concernant tout citoyen, de droite comme de gauche. En tout, 81 questions que l'on aurait aimé voir poser dans de vrais débats publics et non pas envoyés aux candidats qui donnaient leurs réponses par l'intermédiaire de secrétaires de campagne.
        En tant que citoyen qui n'a d'attache avec aucun parti politique ou religieux ; qui n'a pour doctrine que sa seule pensée et sa conscience pour faire ses choix dans la vie de tous les jours ; qui défend la vraie liberté d'expression, j'avais des réponses à suggérer aux candidats pour ces thèmes qui nous concernent tous et j'aurai aimé en rajouter un : LA MEMOIRE.

         Hé oui ! Avons-nous vu les candidats aborder le véritable thème de la Mémoire, la vraie Mémoire et non pas la Mémoire de période électorale.

         NON, aucun n'a mis dans son programme ce thème qui est à la base de toute véritable réflexion afin de ne pas commettre les mêmes erreurs que par le passé.

         Tous parlent d'avenir et font comme si le passé n'existait pas. On ne construit pas l'avenir en occultant le passé tout comme le passé ne doit pas être prioritaire sur le présent. Bien sur, le passé ne doit pas nous hanter, mais il doit être là en sentinelle afin de prévenir toutes les dérives et notamment celles qui nous conduisent tout droit à une guerre civile.

         Certes il y a un 2ème tour où vont s'affronter deux candidats, des "cloches diraient certains, diamétralement opposés sur le papier mais qui en réalité forment le grand parti de " l'UMPS " qui continuera sur la même voie mais à des vitesses différentes qui nous mènent à l'abattoir.

D’un coté avec la Peste, on y va doucement. Des obstacles ont été placés judicieusement qui nous permettent l’espérance que ces obstacles résisteront mieux que la forteresse d’Alésia grâce à une réaction nationale.

De l’autre, avec le Choléra, on y va plus vite car c’est la soumission, la repentance, le lèche bottes..... à la seule "faim" du pouvoir. Un pouvoir relatif et dépendant de l'extérieur.
Le dessin ci-contre dont je ne connais pas l’auteur montre bien le choix qui nous est proposé.

        Alors, il y aurait un autre choix, c'est l'abstention, le vote blanc, celui de la chaise vide. C'est le choix de bon nombre de compatriotes qui pensent que l'heure de la vengeance a sonné concernant les trahisons et les promesses non tenues depuis plus de 50 ans.
        Même si je comprends parfaitement ce choix, je crois sincèrement qu'il s'apparente à un suicide, une démobilisation, un renoncement à ne pas vouloir ou voir l'avenir de notre descendance.

         En ce cinquantenaire de notre terrible exil, est-ce seulement la vengeance personnelle qui doit guider notre choix pour cet avenir incertain ou une détermination à encourager au combat nos enfants et petits-enfants.
        Une vengeance peut se comprendre contre un ou des individus mais pas contre tout un peuple. Un peuple ne peut pas être responsable à 100% des actes de ses dirigeants qui eux-mêmes ne sont pas élus à 100%, sinon la vengeance pourrait s'adresser à soi-même.
        La vengeance est un plat qui se mange froid et il y a déjà d'autres échéances électorales qui se profilent.

         Il y a cinquante ans, cet État français nous enlevait le droit de vote, ce droit à choisir notre destin, nous en avons été très marqués, il a conduit à notre exil. Maintenant que nous avons ce droit retrouvé, même si ce n'est pas avec un choix parmi les huit autres candidats éliminés par le système, ne refusons pas le bulletin mis à notre disposition.
        Que chacun se détermine selon sa conscience et selon son analyse personnelle des thèmes et des programmes proposés par les deux candidats en pensant à la Mémoire et aux leçons du passé.
        Il ne faudra pas dire, après coup, on nous a empêchés de voter, car ce temps-là peut arriver très vite.
        Le bonheur du 1er mai, il ne faudrait pas le ternir par un 6 mai.

Le vrai bonheur ne dépend d'aucun être, d'aucun objet extérieur.
Il ne dépend que de nous..." - Dalaï Lama

- "Écoute ton cœur. Il connaît toute chose
parce qu'il vient de l'Âme du Monde
et qu'un jour, il y retournera." - Paulo Coelho

Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,
        A tchao.

MES SOUVENIRS
Par Mme ETIENNE Paulette

LES RAMEAUX DE MON ENFANCE

 
      C’était dimanche la fête des Rameaux, après avoir acheté au coin de mon église Saint Cléoplas la traditionnelle branche d’olivier, j’ai assisté à la messe où l’assistance était nombreuse. Au moment où nous brandissions nos branches pour la bénédiction, j’ai revu en un flash les Rameaux de mon enfance : 

             «  Depuis quelques semaines, les pâtissiers de la ville, Di Malta rue St-Augustin, Attard/Battaglia rue Gambetta, Sereno au bas du Cours Bertagna, Farina rue St-Augustin (et j’en passe) avaient garni leurs vitrines avec des similis arbustes en fil de fer et carton mâché. Il y en avait des bleus, des roses, des dorés et des argentés, des petits, des moyens et des grands (80cm environ). Pendus au bout de leurs branches par des feuilles dorées, des friandises de toutes sortes ; des œufs en sucre ou en chocolat, des poissons, des cloches, des poules, etc… Mais toutes avaient à leur sommet une magnifique orange confite dont les perles de sirop brillaient à leur surface. Quelques-uns uns étaient vides laissant à l’acheteur le soin de les garnir.

             Si mes petits bras supportaient le poids des petits, ce sont les papas qui se chargeaient des grands qui, bien garnis pesaient leur poids.
             Inutile de vous dire, qu’il nous tardait que la messe finisse pour qu’à l’arrivée à la maison, nous puissions nous régaler de toutes ces friandises. Nous en salivions à l’avance, sentant le jus de sirop de l’orange nous couler dans la gorge. ..»
             Mais le flash ne dure qu’un « flash ! Et je me suis retrouvée avec ma branche d’olivier, pleine de nostalgie revenue à ma messe du moment.
             Je ne saurais vous dire si cette coutume à perdurée de 1950 à nos jours. Je pense que la guerre avec ses privations du moment, ou la conjoncture actuelle l’ont interrompue ou modifiée. A t-elle repris depuis ?
             Pour ce qui me concerne, je ne me souviens pas d’avoir acheté des rameaux à mes enfants. Eux non plus d’ailleurs !!!

Montpellier le 3 avril 2012             
Paulette ETIENNE                 

Souvenir...
ECHO D'ORANIE Septembre 2000 - N°270


C'est à toi souvent que je pense,
Depuis que je suis parti,
Là-bas est restée mon enfance,
A Guiard petit village d'Algérie.

Le vent de l'histoire a soufflé,
Emporté comme un fétu de paille,
Je me suis retrouvé dépouillé,
Pour me jeter dans la bataille.

Le temps n'a pu rien effacer;
La blessure est toujours vivace,
J'ai du mal à me résigner
Et à voir la vérité en face.

C'est dans cette terre algérienne,
Que reposent mes chers disparus
Quand j'y pense mon cœur saigne,
Pourtant c'est là qu'ils ont vécu..

Que reste-t-il de tous ce temps ?
Des souvenirs qui me reviennent,
Comme un vieux film en noir et blanc,
Où défilent des joies et des peines.

C'est pour vous tous, ici présents,
Que je dédie ces quelques rimes,
Elles vous disent modestement,
Quelques sentiments qui m'animent.
S.Piquemal. 29 août 1999              



CONTE EN SABIR
Par Kaddour

LI RENARD, LI CHACAIL Y LI CHVAL
FABLE IMITEE DE LA FONTAINE!

             On rinard encore jone, y beaucoup carottier
             Jami ji son voir one chval ;
             On jor qui va bromener
             Y rigarde por la plaine, on zouaïl tri chic,
             Gran, bil, tot a fi manifique.
             Y corir por sarcher son camarade chacail
             Y loui dit : - Mon zami,
             Viann to d'souite por ji voir
             One bite manifique, qui matenant j'a trovi
             Por nos mangerons ci soir.
             To si pas, plos qui nous, si Ioui y ana la force
             Qui barle mosio chacail.
             Ça ji mi fot pas mal !
             (Qui loui dit li Rinard)
             Marchons la rote tot souite; pit-ètre nos son trop tard
             Ji crois c'il bon fricot,
             Qui nos mangerons bivnlôt.
             Marche to ti dos, por ji sarchi la chval.
             Ci Ioui là ji m'rigal
             Di l'hirbe qui son bonne
             Barc' qui y ana barsonn ;
             Quand y voir li Rinard afic li chacail,
             Y son por, y vodra to di souite fot moi l'cann
             Li Rinard il Ioui dit : - " Ya Sidi ! qui lontan
             Qui ji sarche por savoir comment qui vous t'apille !
             Si vous ites on mosio, ou biann on m,azinazille. "
             Cit chval qui ziti tot à fait digourdi
             Y Ioui dit : - " Mon zami,
             J'an a pas bon tite
             Jami ji souis barli lorsqui ji souis pitite
             Quand y dire on soge, jami ji m'rapelle
             Mon nom y .son scribi en bas sor mon smelle. "
             Li Rinard carottier y dire : -. " Ji si pas lire,
             Y soune misquine mon pire;
             Jami ji marche l'icole
             Bizouan ji travail ma barole
             Por ji gagni qui' qu'sou
             Por mangi, voilà tou.
             Cit chacail, mon zanii, Ioui cit un grand taleb
             Cit Ioui qui fir l'icole, por li ptit yaouled. "
             Li chacail tot' soulte qui l'entend cit barole,
             Y son tir son malin, y son fir son mariole,
             Por la chval y viendra ; y garde on ptit moment.
             Ma çoui-la d'on co d'pied, y Ioui cassera çanq dents !
             (Li chacail sont tombi, cassi, moitié crivi)
             Li Rinard y loui dit : - " Tot à l'hor j'a trovi,
             Quis qui pensi cit chval, qui fot di cou d'soulier
             Ji pense mon zami, qui mittra sor vot bouche
             Jami ji vo blaguer afic li carrottier,
             Ji casse son figoure, bor çoui là qui m'touche. "

             MORALE
             Quand ti trove on bérrani
             Mon zami, chouf l'aïni.
 


LE MUTILE N° 196, 6 juin 1921

UN SOLDAT - LE COLONEL GARD

        
        Il n'est pas un Algérois qui ne connaisse la physionomie du colonel Gard, l'ancien " colon du 1er Zouaves. C'est, une Figure bien algérienne, et nombreux sont ceux qui, l'apercevant aujourd'hui en se rappelant l'avoir salué à la porte de la vieille caserne d'Orléans.
        Mais, si sa figure est connue, son existence l'est moins et nous sommes heureux de pouvoir publier aujourd'hui, avec sa photographie, quelques détails sur sa Carrière militaire, simple et droite comme une lame d'épée. Le colonel Gard est de ceux qui, par un, heureux privilège, vécurent les deux guerres du dernier demi-siècle et qui, après avoir connu l'amertume de la défaite, ressentirent d'autant plus la satisfaction de la victoire.
        Ces terribles épreuves de la France furent les deux pôles entre lesquels gravita l'existence militaire du colonel Gard..
        Il attendait la revanche ; elle vint assez tôt pour qu'il pût la connaître.:
        M. Gard (François) est né le 7 juillet 1850, au château ; de Loubejac. (Gantai)

       Admis à l'Ecole spéciale militaire en 1868, il en sortait le, 15 juillet 1858 comme sous-lieutenant.. au 83ème régiment d'infanterie:
        Le 83° de ligne faisait partie, pendant la guerre de. 1870, du 7° Corps d'armée, commandée par le général Douay. Le sous-lieutenant. Gard combattit, avec son régiment, à Raucourt et à Sedan, et fut emmené en captivité en Allemagne, à la suite de la capitulation de cette ville. Il, ne revint d'Allemagne qu'en juillet 1871 et fut maintenu au 83°", avec le grade, de lieutenant. En 1875, il fut cité au " Journal Militaire " pour les soins donnés à l'enseignement, comme directeur des écoles régimentaires du 83°
        De mars 1875 à la fin de 1878, il remplit les fonctions d'officier d'ordonnance du général commandant la 64° brigade à Albi.
        Capitaine au 85° régiment d'infanterie, M. Gard suivit les cours de l'Ecole supérieure de guerre pendant les années 1879 et 1800, Breveté d'état major, il retourna au 83°en 1882.

       Devant les nombreuses plaintes que nous recevons journellement au sujet du Service des Pensions, nous; nous voyons dans l'obligation de'"mettre nos Lecteurs au courant de certains faits. Nous commencerons dans un de nos plus prochains numéros.

       De 1882 à 1884, il accomplit un stage à l'état-major du 17° Corps d'Armée, puis il fut désigné, en 1884, comme professeur adjoint de géographie à l'Ecole spéciale militaire, où il fut, félicité par trois lettres du Ministre de la Guerre pour ses travaux techniques.

       En 1889, il reprend le commandement d'une compagnie au 126°, puis deux ans plus tard, il est nommé chef de bataillon au 90° d'infanterie. En 1892, il est de nouveau désigné comme professeur à l'École de Saint-Cyr, où il obtient la croix de chevalier de la Légion d'honneur. En 1899, il passe au 106° d'infanterie, puis il est nommé lieutenant-colonel au 144°. En 1900 et1900, il accomplit un stage au 10° Hussard, puis revient au 144°.

       En 1904, il est nommé colonel et vint à Alger prendre le commandement du 1er Zouaves, où il restera jusqu'en 1910. Pendant ces six années il est appelé à assurer les services d'arrière des troupes d'opérations du Haut-Guir et le commandement de la subdivision d'Aïn-Sefra. Et. voici l'opinion qu'exprimait à son sujet le général Lyautey, à la suite de cette mission :
        " Je ne connaissais pas le colonel Gard, mais pendant les quinze jours que je viens de passer dans le Sud Oranais et pendant mon séjour à Aïn-Séfra, j'ai constaté avec quel bon sens, quelle fermeté, quel bon jugement, quel tact, il avait assuré le commandement du territoire d'Aïn.-Sefra, tandis que le général Vigy, à la tête de ses colonnes, était sans communications rapides avec l'arrière. Pour avoir rempli ses fonctions de l'arrière dans des conditions difficiles et ingrates, le colonel Gard n'en a rendu que de plus signalés services, dont il est équitable de lui tenir le plus grand " compte pour son avancement. "

       Admis à la retraite en 1910, le colonel Gard reprenait l'uniforme quatre ans plus tard, lors de la mobilisation. Au cours, de la guerre, il assurait successivement les fonctions de commandant des subdivisions d'Alger et de Sétif. A l'âge de soixante-huit ans, il était enfin admis à se reposer, après une carrière de quarante - huit années.
        Le colonel Gard conserve, comme souvenirs précieux de ce demi-siècle de services militaires, de nombreuses distinctions : officier de la Légion d'honneur, médaille de 1870-71, médaille du Maroc, officier de l'Instruction publique et du Mérite agricole, officier du Ouissam-Alaouite, commander du Nieham-tftikar, officier de St-Ferdinand de Bulgarie. Mais, plus précieux encore que ces témoignages tangibles de la reconnaissance du pays, il, garde en sa mémoire le souvenir des innombrables officiers et soldats qui, sous ses ordres et à son exemple, apprirent à connaître toute la grandeur de cette servitude militaire à laquelle il voua sa vie.
        Nous sommes heureux de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui de lui renouveler l'expression de notre respectueuse sympathie.

LE MUTILE.               
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HISTOIRE DES VILLES DE LA
PROVINCE DE CONSTANTINE      N°14
PAR CHARLES FÉRAUD
Interprète principal de l'Armée auprès du Gouverneur général de l'Algérie.
LA CALLE

ET DOCUMENTS POUR SERVIR A L'HISTOIRE
DES ANCIENNES CONCESSIONS
FRANÇAISES D'AFRIQUE.
Au GÉNÉRAL FORGEMOL

Ancien Capitaine Commandant supérieur,
du Cercle de La Calle

Reprise de l'Établissement de La Calle
Traité Hély

                   Pendant le siècle qui venait de s'écouler, le Bastion de France avait joué un certain rôle politique ; on s'était habitué à considérer ses Gouverneurs comme des Agents du Roi de France. Le dernier d'entre eux, Denis Dussault, était un diplomate très habile qui fut chargé, par le Gouvernement Français, de plusieurs négociations importantes, à Alger, à Tunis, à Tripoli ; mais, à dater de cette époque, les nouveaux Directeurs de la Calle ne furent plus que des Marchands étrangers à la politique et occupés seulement de leur commerce. Si cette seconde phase de l'existence des concessions ne fut pas la plus brillante, elle fut du moins la plus heureuse.
                   Différentes copies plus ou moins exactes du Traité de 1694, passé par Annet Caisel au nom de Pierre Hély, nouveau Directeur, ont été déjà publiées. J'ai pensé qu'il serait utile d'en donner la traduction fidèle faite par feu notre professeur Bresnier, sur l'original que possède la Bibliothèque d'Alger. Ce Traité, en langue Turque, dit Ahad-u?Aman-Nameh, ou promesse de protection, n'est autre que ce que nos Négociants d'Afrique appelaient l'Ottoman.
                   En le comparant au Texte, français primitif, on verra que, si le fond est le même, il y a certaines différences notables quant à la forme.

                     Ceci est le Titre d'Alliance et de Protection du Bastion et La Calle.
                   " Le motif de la rédaction du présent Écrit, de l'élégante Allocution ci-dessous, est ce qui suit :
                   " En l'Année mil quinze, une étroite amitié, une grande affection se trouvant établies dès une époque ancienne, par suite de bons procédés mutuels entre Feu le Sultan Ahmed Khan et Henry IV, possesseur des Contrées du Littoral de la France, ainsi qu'il résulte du Traité qui fut conclu de part et d'autre, et bases que l'on prit pour l'Exploitation des Mines de Corail situées dans les Échelles des Ports placés sous la dépendance de la ville d'Alger, la Protégée. Et eu égard aux richesses qui sortent de nos vastes contrées au profit des pays infidèles, un Ordre spécial fut donné pour que des droits et redevances, de quelque nature qu'ils soient, affectés aux Gardiens de la dite Alger d'Occident, la Protégée, et aux Défenseurs de la Foi musulmane, soient versés intégralement dans la dite ville d'Alger, siège de la défense de l'Islamisme.

                     " Par Décret du Dieu très haut, des dissensions s'étant élevées après un certain laps de temps entre Alger et le Roy de France, les relations de paix et de concorde furent tout à coup rompu Mais bientôt, cet état de discorde cessa de part et d'autre, et, à l'époque actuelle; avec la grâce, le secours et la faveur infinie de Dieu, (qu'il soit loué), notre Empereur remet les choses dans leur premier état.
                   " Enfin, et d'après les faits ci-dessus antérieurs, en l'Année mil cent, l'un des derniers jours du mois de Dou l'Hidja, dans le Divan Auguste de la ville d'Alger, composé du très Fortuné et Puissant Hadji Châban (que son existence soit longue), des Officiers supérieurs des armées Musulmanes, des Chefs des différents corps, en un mot, des principaux Défenseurs de la Foi, des Ambassadeurs munis de pleins pouvoirs pour conclure la Paix, se présentant de la part de l'Empereur possesseur du Littoral de la France, la Paix est conclue dans cette Assemblée et scellée par un Traité ; et, de nouveau, le Dey de la ville d'Alger, siège de la Défense de la Foi, et les grands Officiers de l'Armée, ont remis en vigueur les anciennes conditions relatives à l'exercice dans les dites localités des travaux des Négociants Français demeurant au Bastion.
                   " En conséquence, le premier jour du mois de Chaoual de la présente Année mil cent cinq, M. Annet Caisel, Négociant du Bastion, Chargé d'affaires, muni de Lettres de l'Empereur de France, envoyé par M. Praly (de Praslin), chef des Négociants Français (Ministre du Commerce),vint présenter ses observations devant le Conseil, en notre présence, et il fut pris connaissance des clauses établies anciennement.
                   " Enfin, l'accord s'étant établi, le Traité suivant est conclu et il est arrêté par le consentement des deux parties que les affaires des dits Négociants seront traitées entre eux Nous avons: donné notre assentiment, avec la permission du Divan, de l'Armée, à ce que les présentes fussent rédigées pour atteindre le but que l'on se propose. Tel est le motif de la rédaction du Traité qui suit :

                     " Art. 1er. - Maintenant, avec l'aide et l'assistance du Dieu Très-Haut, dans toutes contrées dépendant aujourd'hui de cette Ville d'Alger, protégée de Dieu, siège de la Guerre Sainte. Après l'autorisation obtenue de la part de notre Divan pour la liberté du Commerce et conformément aux bases antérieurement établies dans les Échelles du Bastion, la Calle, la Ville de Bône, Jijel, Bougie et le Port de Collo, nous trouvons bon que les dits Négociants Français faisant le Commerce de la part de notre affectionné ami le Roy de France, fondent suivant la manière établie, leurs Établissements relatifs aux besoins de leur Commerce.
                   " A cet effet, il faut que le dit Annet prenne connaissance de toutes leurs affaires en s'appuyant sur les anciennes conditions auxquelles étaient soumis les Négociants Français, quelles qu'elles soient.
                   Aucune opposition, aucun obstacle ne pourra, en aucune manière, être apporté à leur Commerce privilégié, par les Négociants d'aucune autre Nation quelconque, Nul empêchement ne sera mis à l'arrivée des effets et approvisionnements expédiés aux Négociants Français. Personne, d'autre part, ne pourra s'immiscer à leurs affaires. " A ces causes le présent Article a été écrit :

                     " Art. 2. - Lorsque nos vaisseaux de guerre, nos bâtiments de charge, nos gabares, sortant par la volonté de Dieu sur la surface de la mer, rencontreront, dans leur traversée, des navires Français expédiés aux Négociants résidant au Bastion et à la Calle et s'en retournant, ils s'aboucheront avec eux, quel que soit le lieu de la destination de ces navires ou sandals ; et toutes les fois que le passeport du Capitaine du Bastion et la Calle sera trouvé dans les dits navires Français, il sera remis entre les mains du Commandant Turc. Après en avoir pris con-naissance, aucune autre formalité ne pourra lui être imposée sans nécessité et personne ne s'immiscera à leurs affaires. Seulement, s'ils étaient trouvés sans passeport les sandals corailleurs ne seraient point traités rigoureusement.
                   " Conformément à la clause qui précède, si un navire ou sandal, que l'on trouverait muni de passeport, éprouvait, de la part de nos dits vaisseaux de guerre, quelque tort ou vexation et que son équipage fût fait prisonnier, sa cargaison capturée, d'après l'esprit de la dite clause, sur la réclamation de leur oukil (agent) résidant à Alger, le navire et la cargaison seraient restitués intégralement, et les hommes faits prisonniers seraient mis en liberté.
                   " Cette cause a été stipulée et écrite.

                     " Art. 3. - Les bâtiments des dits Bastion, La Calle et Cap Rose ayant été entièrement renversé, il sera livré un nombre égal de maisons Turques. Les Négociants Français, en raison du nombre d'individus qui seront au Bastion réunis par un nouveau Chef, achèteront en ces localités la quantité nécessaire d'objets et matériaux de construction qui leur sera nécessaire pour rétablir et rendre de nouveau habitables les dits Bastion, La Calle ainsi que Cap Rose détruits autrefois.
                   " Personne d'aucune autre Nation ne pourra apporter d'empêchement ni d'obstacle aux nouveaux préparatifs exigés, en ces localités, pour la reconstruction et le rétablissement de leurs comptoirs.
                   " Afin que les personnes du Bastion, habitant les lieux susdits, puissent se procurer la quantité de farine nécessaire et leur nourriture quotidienne, elles sont autorisées à établir dans un lieu propice et exposé au vent, un seul et unique moulin pour chaque localité, savoir : sur la montagne du Bastion et la colline de La Calle. Et, pour protéger ce moulin des voleurs, les clauses ci-dessus donnent aux Négociants Français réunis au Bastion, l'autorisation d'élever un mur d'enceinte peu épais. Personne d'aucune autre Nation ne pourra apporter le moindre empêchement à l'exécution du présent Article ainsi stipulé et écrit.

                     " Art. 4. - Si par le décret divin, par l'ordre du Très-Haut, la disette atteignait les habitants des Provinces protégées de Dieu, et que les grains et les comestibles nécessaires à la nourriture quotidienne des Négociants Français domiciliés au Bastion et La Calle, se trouvaient en quantité insuffisante, on ne devra point s'opposer à ce qu'ils se procurent le grain et les autres provisions de bouche, qui leur sont nécessaires, auprès des Arabes habitants de leur côte. Personne d'une autre Nation ne pourra s'opposer à la vente ou à l'achat des grains et provisions de la ville de Bône et autres lieux, en quantité suffisante et proportionnée, suivant l'ancienne base, aux besoins de la nourriture journalière des dits Négociants et des gens de leur suite, au Bastion et les autres endroits où ils seront établis pour leurs affaires, et ne leur causera, à cet égard, ni tort ni dommage. Et, particulièrement, conformément encore aux anciens usages, on ne s'opposera pas non plus à ce que, chaque année, les Négociants, se trouvant au Bastion, chargent deux chahdia (tartanes) de blé, à l'effet de les envoyer, comme provisions, pour la nourriture quotidienne de leur famille et des gens de leur suite, et les expédient à leurs maisons qui seraient en France. Personne d'autre Nation ne devra s'immiscer à ces choses et toute opposition sera notée.

                     " Art. 5. - Jadis, dans l'ancienne coutume, à la fi n de chaque deux mois, le versement de cinq cents réaux était fait entre les mains du Caïd le la dite ville de Bône. Maintenant, il n'est plus payé une obole encre les mains du Caïd de Bône. Mais tous les deux mois, il faut verser entre les mains de la personne investie, par nous, du titre d'Aga Noubadji (Aga de la garnison), la somme de cinq cents réaux.
                   Pareillement, au commencement de la susdite année, jusqu'au dernier jour, le total de trois mille réaux sera payé six fois, à partir de la prochaine fois. Le versement sera effectué en la ville d'Alger (la Protégée) comme lezma (droit obligatoire), en lieu et place des redevances d'autrefois.
                   " Dorénavant, toute prétention ou demande au-delà de cette redevance, ne pourra être admise. Cependant, les aouaïd (droits coutumiers) des Cheikhs (de la Mazoule), établis par un usage antérieur, conformément à l'ancien Traité du Capitaine Sanson, seront payés eu leur lieu ; mais toutes les redevances intermédiaires conservées jusqu'à aujourd'hui, ni de nouveaux droits de nouvelle création, ne pourront être exigés sous aucun prétexte. Il en est donné mainlevée et ils sont déclarés nuls.
                   " Dorénavant, toute personne, soit le Caïd de la ville de Bône, soit un individu quelconque d'autre part, se présentant sans un ordre du Divan de l'Armée, en un mot, qu'aucun qui n'étant point muni d'un Firman ni d'une Licence de l'Armée, ni d'une Permission du Divan de l'Armée, ni d'un Écrit authentique quelconque, se présentant aux Négociants du Bastion, sera éconduit.

                     " Art. 6. - Les droits de douane de Bône et autres redevances ou contributions étant levés, personne ne pourra les réclamer. Aucun navire marchand d'une Nation Étrangère, ne devant prendre en chargement la plus petite partie de suif, miel, cire, cuir ou autre chose analogue, le commerce en est interdit aux Étrangers, et les Négociants Français, conformément à ce qui est stipulé et écrit, en feront le trafic.
                   " De quelque manière qu'on ait traité avec l'Amin les tanneurs, conformément à un usage établi du temps du capitaine Sanson, le prix sera donné loyalement et personne ne pourra apporter d'excuse.
                   " Après que les ouvriers en cuir de la ville de Bône auront levé la quantité de cette denrée, nécessaire à leur industrie, les cuirs excédents soit en grand, soit en petit nombre, ne seront point vendus aux Marchands Étrangers, mais cédés aux dits Négociants Français. Et si par des moyens contraires à l'ancien usage ou Traité, il en était livré à des Négociants d'utile autre Nation, les contrevenants étant connus, leurs chargements seront saisis.
                   " Les Négociants du Bastion se trouvant dans ces contrées suivant la coutume,, ayant pris les choses nécessaires à la nourriture quotidienne de leurs gens et en outre les provisions et le couscoussou, en chargeront leurs sandals.
                   Aucun individu d'une autre Nation ne pourra s'immiscer à ces choses, ni s'opposer à leur exécution.
                   " Personne non plus ne mettra empêchement à ce qu'ils aient un Prêtre pour leurs préjugés à Bône (la protégée de Dieu) à La Calle et au Cap Rose.
                   " Les Agents et Employés, chargés des affaires des dits Négociants, autant qu'il sera nécessaire, seront maintenant renouvelés, institués et chargés suivant leurs besoins et leurs règlements. Nulle personne étrangère ne pourra s'immiscer à ces choses, ni s'y opposer, aucun obstacle ne sera porté à leur exécution.
                   " Si leurs autres affaires, de quelque nature qu'elles soient, sont de la nature de celles réglées du temps du capitaine Sanson, chacun devra agir suivant qu'il est prescrit (dans l'ancien Traité) ; il est ainsi stipulé, il est enjoint de s'y conformer.

                     " Art. 7. - Par manière de spécification : Tous les Négociants Français qui se trouvent actuellement au Bastion et à La Calle, jouissant, par Traité, de la Pêche du corail dans les lieux où il se trouve, tels que Bastion, La Calle, Cap Rose, la ville de Bône, Collo, Jijel, Bougie, quelle qu'ait été ailleurs leur manière d'agir, pourront faire toutes dispositions relatives à cette industrie. Que personne d'une autre Nation n'apporte d'empêchement, ni d'obstacles à l'exécution de leurs travaux. Que les personnes de l'extérieur ne s'y immiscent en aucune façon et n'y causent de troubles. La quantité nécessaire à leur nourriture quotidienne, en vivres, comestibles et boissons et autres objets dont ils pourraient avoir besoin, leur sera fournie à la charge par eux d'en acquitter le prix suivant le cours de la localité où ils se trouvent. Dans l'intention de leur offrir toute espèce d'assistance, le présent Article a été stipulé.

                     " Art. 8. - Dorénavant, lorsqu'un bâtiment viendra à Collo (la Protégée de Dieu) ci-dessus dénommée, dépendant du Bey de l'Est (Constantine), pour prendre un chargement de cuirs et de cire, quelle que soit la quantité d'argent monnayé qu'il ait apportée, notre Caïd à la dite localité de Collo (la Protégée) prélèvera, suivant l'ancien usage, sur le dit argent monnayé, par cent réaux, seulement dix réaux, c'est-à-dire le dixième. Toute exigence en sus du dit dixième étant arbitraire, personne ne pourra rien demander au-delà, ni élever à ce sujet aucune contestation.
                   " Les Négociants sont avertis que la cire, ni les suifs ne devront, en aucun cas, renfermer ni dissimuler une substance étrangère quelconque. Que chacun y prenne garde et s'abstienne de fraude.
                   " Conformément à ce que nous avons dit ci-dessus, la cire et les cuirs devront être vendus aux Négociants Français et non à ceux d'une autre Nation, Musulmans ou autres.
                   " Que l'on se fonde sur la condition expresse que nous stipulons, et que le commerce de ces denrées n'ait point lieu avec des Négociants Étrangers. Car les Français, par chaque quintal de cire qu'ils prennent, donnent à l'Odjak (la garnison turque) un réal de droit. De cette manière, il existe, tant pour l'Odjak que pour les Négociants Français, un prétexte d'exclusion plus que suffisant, et si l'on vendait à des Négociants Étrangers ce serait contrevenir à notre engagement et à notre Traité.
                   " Si, malgré cela, quelqu'un, refusant l'obéissance et la soumission à notre recommandation formelle et à l'ordre et au bon plaisir du Divan de l'Armée, se rendait coupable de contravention en vendant à d'autres Nations, à partir d'à présent, les denrées prohibées, que ses biens et effets soient pris, confisqués et retenus au profit du Beylik.
                   " Les présentes dispositions, sont spécialement adressées au Caïd de Collo (la Protégée) pour qu'elles soient exécutées contre nos Sujets et cas de contravention, car si des plaintes d'injustices de cette nature, exercées au préjudice des Négociants du dit Bastion, parvenaient jusqu'à nous, le dit Caïd, les Agas Noubadjii en seraient responsables. Qu'ils tiennent la main à la stricte observation de ce qui précède.
                   " En totalité, tel est notre ordre et notre avertissement.

                     " Art. 9. - L'objet de la rédaction du présent Article est ceci :
                   " Si, à Dieu ne plaise, la Paix et la bonne intelligence qui existent entre la France et nous venaient à se troubler par des dissensions, le moindre préjudice ne sera causé pour ce motif à aucun des Négociants se trouvant ou demeurant au dit Bastion, car les affaires des Négociants sont différentes de celles du Gouvernement, et comme il n'y a aucun rapport entre les deux premières et les hostilités des États, il n'est point convenable de confondre les affaires particulières avec les affaires générales ; c'est pourquoi les dits Négociants, en toute circonstance, seront sous la sauvegarde de notre propre Maison, et il faut qu'en tout temps ils aient une position tranquille et le cœur en repos, par rapport à leurs personnes et à leurs affaires. Car ceux d'entre eux qui sont établis dans les dites localités sont, par leur commerce, très utiles au Divan des Troupes et aux autres individus. De plus, comme ils acquittent fidèlement aux époques convenues les droits obligatoires à la Maison souveraine, on doit les laisser tranquillement exercer leur négoce, et, d'ailleurs, il ne faut pas causer de tort, en usant de moyens perfides, aux Négociants d'aucune Nation. A ces fins, les présentes Lettres ont été écrites. Qu'elles soient exécutées suivant leur teneur.

                     " Art. 10. - Conformément au vœu exprimé par les Négociants du dit Bastion, chaque année, suivant l'ancienne coutume, deux chetia (tartanes), viendront à Alger (la protégée) et, après avoir vendu leur chargement et joui du privilège du libre trafic, les dites chetia avec les sommes d'argent monnayé qu'ils auront recueillies, sortiront d'Alger ; et pour qu'elles puissent se rendre au Bastion, La Calle et autres Échelles de notre dépendance, il leur sera délivré au moment de leur départ et pour qu'elles puissent l'effectuer, une Permission et une Licence de notre part afin qu'ils prennent des marchandises en quantité suffisantes pour leurs besoins. Les susdites Chetia ne pourront, sans leur exprès consentement, être contraintes de prendre en charge des cuirs, de la cire et d'autres marchandises des fondouks. Qu'aucune autre Nation étrangère ne contrevienne à la clause ci-dessus.

                     " Art. 11. - D'après les Articles qui précèdent, des privilèges ayant été conférés par nous aux Négociants du dit Bastion et dûment enregistrés, nous exigeons maintenant que, autant qu'il conviendra aux susdits Négociants, toute transaction ayant pour but un lucre quelconque dans ces localités, soit interdite rigoureusement aux Négociants des autres Nations.
                   " Les Négociants du Bastion, effectueront à l'expiration de chaque deux mois, pendant le cours de toute l'année, un paiement qui aura ainsi lieu six fois par an. A cette condition, nous nous engageons par notre parole sincère et notre promesse formelle à les protéger.
                   " Conformément à ce qui précède, tous les deux mois un sixième de la redevance étant acquitté, le total de nos revenus est au complément d'une année de trente-quatre mille saïma qu'ils s'engagent, par écrit, à verser comme redevance et intégralement à Dar-el-Krimah (le palais du Gouvernement à Alger).
                   " D'après cela, les Négociants et les personnes de leur suite établis au Bastion jouiront, en tout état de cause, d'une pleine liberté dans leurs affaires au Bastion, La Calle et autres lieux. Nous nous engageons de la manière la plus authentique, sur notre parole sincère, à les garder et les protéger. A ces fins nous avons exigé que les Présentes fussent rédigées et enregistrées.

                     " Art. 12. - Aucun droit de transit ou de douane ne pourra être exigé pour le corail et l'argent expédié à Alger par les Négociants qui se trouvent au Bastion. L'argent et autres objets envoyés au Directeur du Bastion, domicilié dans Alger, pour ses besoins personnels ne seront soumis à aucun droit.
                   " Aucune Nation étrangère ne pourra s'opposer d'aucune manière à ce que les dits Négociants Français, suivant leur bon plaisir et entière volonté, changent, destituent et remplacent leurs Agents.
                   " Spécialement, les Agents en aucune façon ne pourront emprunter la moindre somme de qui que ce soit ; que nos sujets s'abstiennent de leur faire aucun prêt, et qu'ils ne soient point trouvés créanciers de ces Agents des Négociants. C'est de notre part l'objet de la défense la plus expresse et de la recommandation la plus formelle.

                     " Art. 13. - Par suite de la Paix avec les pays du littoral de la France, d'après l'ordre de notre très aimé, très affectionné Empereur de France et de la part du Chef des Négociants du dit Bastion, Pierre Hely, la gloire de la Nation, M. Annet Caisel, l'un des Négociants du Bastion, investi du titre authentique d'Oukil (représentant) et porteur d'une Lettre du vénérable Empereur de France, se présente affectueusement devant nous, et des négociations tendant à obtenir la liberté du Commerce du Bastion et La Calle, s'engagent et se concluent devant le Divan de l'Armée. Pour répondre à ses efforts, il est arrêté, d'après la présente Convention, que protection est accordée aux Négociants, soit par Dar el-Krimah, soit par l'Aga de la ville de Bône, représentant du Bey de l'Est (Constantine), soit par le Caïd de Collo, à condition que les dits droits et redevances commenceraient à être payés à partir des premiers jours des mois de Choual prochain, car, comme il y a jusqu'au jour où les droits et redevances devront être payés cinq mois complets, il est donné décharge par notre respectable Divan au dit Négociant, M. Annet Caisel, qui est, en outre, déclaré pur de tout dommage au préjudice antérieur causé aux Négociants du Bastion. Jusqu'à l'expiration totale de ces cinq mois et aux premiers jours de Choual, il ne sera perçu la moindre somme Pendant ces cinq mois entiers, il ne sera rien exigé des dits Négociants, soit de droits obligatoires (Lezma), soit de Djaïzi (étrennes) à donner à l'Aga de Bône, remplaçant le Bey de l'Est (Constantine), soit d'argent, pour le Caïd de Collo et chacun subira ce retard.
                   " Le nombre de cinq mois étant accompli dans les jours initiaux du mois de Choual de la présente année mil cent cinq (1694), les Négociants du Bastion avec le dit Annet Caisel, acquitteront suivant l'ancienne coutume, soit les droits obligatoires à Dar el-Krimah, soit les droits périodiques (Aouïd) à l'Aga de Bône, représentant le Bey de l'Est et au Caïd de Collo ; en un mot, tous les droits obligatoires et droits périodiques, conformément à ce qui est stipulé dans notre présent Traité ou Convention.

                     " Art. 14. - Notre dit Traité fait en double expédition, lecture en a été faite par le respectable Divan de la ville d'Alger, dans la maison du Sultan, en présence de S. H. le très fortuné Dey, l'honorable Hadji Châban Effendi, de tous les Eulema, des Représentants des corps de troupes ; de M. Annet Caisel, Négociant au dit Bastion. Il a été rédigé suivant les conditions qui le composent et rendu public. Pacte d'alliance et de protection. Il a été scellé des noms, sceau et cachet de S. H. le vénérable Dey et du dit Négociant, M. Annet Caisel. Le présent Traité d'alliance et de protection est donc authentique, et si quelqu'un se permettait de faire des changements ou de faire quoi que ce soit de contraire à sa teneur, il serait passible des plus grands châtiments. Il est donc ordonné de s'y conformer et de s'y soumettre de part et d'autre.
                   " Écrit dans les trois premiers jours de Djoumadi premier, an mil cent cinq (1er janvier 1694).
                   " Cachets et paraphes : Signé : CHABAN-PACHA, Dey,
                   " Souverain d'Alger, (la protégée.)
                   " Le Souverain El-Hadj Ahmed, Dey. "
                   " Signature de Caisel, "

                     A la suite est écrit, en Français, en regard du texte Turc :
                   " Article 15. - Depuis l'Ottoman ci-contre fait, nous avons tenu un second Divan, à la forte instance et sollicitation que nous en a fait le sieur Caisel, Agent du dit sieur Hely, à cause des dettes qui pouvaient avoir été contractées par ceux qui ont, ci-devant, négocié aux Places d'Alger, du Bastion, Cap Rose, La Calle, Bône, Stora, Le Collo, Gigery, Bougie et autres lieux de ce Royaume, qui nous a fait connaître et dont nous sommes tous ensemble convenus, de l'injustice qu'il y aurait de rendre Pierre Hely et ses associés responsables des sommes qui pourraient être dues par ceux qui out, ci-devant, occupé les dites Places.
                   " Nous, après plusieurs paroles et diverses explications de part et d'autre, le Divan général assemblé, sommes convenus avec te dit Caisel, stipulant pour le susnommé, que toutes les dettes des sieurs Picquet, Arnaud, Latour, Lalo, de La Font, Bertela, Berbuty, Dussault et ses associés, également toutes celles qui auraient pu être faites depuis que le Bastion et autres Places ont été donnés aux Français, soit pour prêt d'argent, lismes, droits, achats de marchandises, loyers des maisons, salaires ou avances, tant aux Turcs, Maures, Juifs, que autres Nations qui puissent être, sont, dès aujourd'hui, éteintes et entièrement abouties, en vertu du présent, dans toute la dépendance de ce Royaume, même celles dues à notre Divan, s'il s'en trouvait, sans qu'on lui en puisse faire aucune demande, et, pour cet effet, nous ordonnons si nos Beys, Agas et Caïds, de donner toute la protection nécessaire aux Chrétiens du Bastion, pour y faire leurs négoces, sans aucun trouble, et de faire exécuter ce Traité, les Articles et tout son contenu, étant notre volonté, et que, sans cela, le dit Caisel n'aurait pas traité avec nous.

                     " Fait double, en la Maison du Roy, en présence, etc., etc., le 3 janvier 1694 (3 Djoumada-Premier 1105).
                   " Signé : CAISEL, "
                   (Cachets et paraphes en Arabe et Turc).

                     Le Traité qui précède fut notifié officiellement par le Gouvernement d'Alger, à l'Agha Gouverneur de la ville de Bône. Notre Bibliothèque possède également le texte original de cette pièce, avec une traduction de Bresnier. Je ne la reproduirai pas puisqu'elle est presque la copie du Traité qui précède, seulement il est quelques passages qui méritent d'être signalés :
                   " L'Agent de la Compagnie, résidant à Bône, se rendra, quand bon lui semblera, au Bastion. Notre Agha lui en délivrera la permission.
                   " Les Négociants du Bastion, libres dans cette localité, pourront se rendre en quelque lieu que leurs affaires les appellent, connue auparavant ; s'ils éprouvaient du tort ou des dommages, ils trouveraient protection.
                   " Lorsque les Négociants de La Calle destitueront leur Agent de Bougie et qu'ils substitueront l'un à l'autre, que personne d'entre vous n'y mette opposition, en manifestant une préférence pour l'ancien Agent. Qu'ils fassent eux-mêmes le choix et la permutation de leurs Agents. " Sans doute quelque affaire avait dû surgir précédemment, pour que cette clause ait été ainsi mentionnée.

                     D'après le Traité qui précède, la nouvelle Compagnie fondée par Pierre Hély, nommée et avouée par l'Empereur de France pour la Pêche du Corail et autres Négoces, fut déclarée propriétaire incommutable des anciennes Concessions. Habilement dirigée par Hély, homme honnête et capable, elle débuta avec succès. Indépendamment des affaires que faisait la Compagnie à Bône et à Collo, elle exportait moyennement, de La Calle même, 90,000 hectolitres de froment. Le prix de la charge locale (153 kil.) variait de 7 fr. 50 à 15 fr. ce qui revient à un prix réduit de 5 fr. 51 c. par hectolitre. Dans les disettes de 1701 à 1709, Hély expédia en France, par Marseille et le Havre, jusqu'à deux cent mille hectolitres de blé par an.

                     En 1707, l'Établissement du Cap Nègre, exploité par une Société particulière, demanda à se réunir à la Compagnie Hély. Le Gouvernement ayant donné son approbation à ce projet, les deux Sociétés se fondirent en une seule. Ce fut un heureux événement qui augmenta considérablement les ressources du Comptoir de La Calle.
                   Nous croyons utile de faire connaître ce que le Cap Nègre avait été jusqu'alors Son nom, dit Elie de la Primaudaie, se rencontre souvent dans les bulletins et tarifs commerciaux de l'époque.
                   En 1543, après la chute de la Compagnie du Havre, dont nous avons parlé, les Génois occupèrent le Cap Nègre lorsqu'ils s'établirent à Ta-barque, et ce Poste fut regardé, pendant longtemps, comme une dépendance de la Colonie Génoise. On ne sait à quel propos les Corsaires de Tripoli vinrent chasser de ce lieu les Marchands de Tabarque, qui firent de vaines tentatives pour l'obtenir plus tard du Bey de Tunis. Il parait que les Arabes se plaignaient de ce que les Génois les renvoyaient souvent sans acheter leurs marchandises, sous prétexte qu'ils n'en avaient pas besoin, et le Bey ne voulut pas traiter avec eux parce qu'ils se refusaient à établir un commerce régulier avec les Indigènes.
                   Lorsque Sanson Napollon releva le Bastion de France, il sollicita du Divan de Tunis la faveur de faire le négoce au Cap Nègre. Il y eût, à ce qu'il semble, un arrangement à ce sujet, car ce point du littoral est nommé parmi les lieux et places que le sieur Lepage visita en 1634, lorsqu'il vint prendre possession de son nouveau gouvernement. Mais, quelques années après, les Marchands du Bastion n'occupaient plus le Cap Nègre, soit qu'ils l'eussent abandonné volontairement, ou, ce qui est plus probable, soit qu'ils en eussent été dépossédés par les Tunisiens.
                   En 1641, le Gouvernement Français essaya de recouvrer ce Poste important. Le sieur de Montmeillan, envoyé à Tunis pour traiter de la Paix, demanda que le Cap Nègre " fut remis entre les mains du Roy, comme il l'avait été autrefois, afin d'avoir avec les Arabes le commerce libre de blé, cire, cuirs, chevaux, ainsi que la Pêche du Corail, en échange desquelles marchandises ceux du Pays pourraient acheter draps, toiles, étoffes et tous autres objets, à la réserve, de part et l'autre, des armes et munitions de guerre et de navigation. "
                   Les instructions de l'Ambassadeur Français portaient que si le Divan consentait à la restitution du Cap Nègre, il faudrait faire insérer dans le Traité que l'habitation, serait fermée par de bonnes murailles et de bons fossés, afin que les Maures ne pussent causer aucun trouble aux marchands. Le Bey parut y consentir d'abord, puis l'affaire traîna en longueur ; au bout de quelques mois, le sieur de Montmeillan fut obligé de remettre à la voile sans avoir rien conclu.
                   Le Divan de Tunis, qui avait refusé de traiter avec le Gouvernement Français, céda le Cap Nègre une Société particulière. Un certain Rénier y était établi en 1665, et le trafic qu'il faisait sur cette côte était si avantageux qu'il excita la jalousie d'un grand nombre de Marchands.
                   " Ceux-ci, souhaitant ardemment d'avoir part dans les profits de l'adroit Négociant, surent si bien représenter leurs raisons au Ministre, qu'on résolut de faire une nouvelle tentative auprès du Bey de Tunis pour obtenir le privilège du négoce au Cap Nègre. " Le Chevalier d'Arvieux fut chargé de cette négociation et sut la conduire avec tant d'habileté que le Divan consentit à conclure un Traité de Commerce avec une Compagnie Française qui s'était constituée sous le patronage du Gouvernement.

                     Les stipulations de ce Traité de 1666, sont curieuses. Il portait entre autres choses :
                   " Art. 1er. - Que les Marchands Français qui viendront résider au Cap Nègre, y seront sous la protection du Divan.
                   " Art. 4. - Que tout négoce qui se faisait auparavant avec les Marchands Francs établis à Tabarque sera transporté entièrement à la Compagnie des Français et, pour empêcher qu'on continue directement ou indirectement avec les susdits Marchands, il sera ordonné par le Bey tel nombre de cavaliers et fantassins qu'il sera nécessaire pour l'interdire absolument. Si, malgré ces précautions, on s'apercevait que le Commerce se fi t clandestinement, il sera permis aux Français de diminuer six mille piastres des trente-cinq mille piastres dont on parlera ci-après. Et, ne trouvant leur compte dans le Commerce et voulant l'abandonner et se retirer, ils le pourront faire en payant outre les trente-cinq mille piastres les six mille piastres que payaient les Génois établis à Tabarque. "
                   " Art. 7. - Le présent Traité a été fait pour vingt années, entières et consécutives, après lesquelles il sera renouvelé et ratifié de part et d'autre.
                   " Art. 8. - Tous les Principaux ou Chefs Arabes qui ont accoutumé de vendre aux Génois de Tabarque seront obligés de venir vendre aux Français du Cap Nègre au prix courant.

                     La Compagnie avait également la permission d'entretenir pour la Pêche du Corail autant de bateaux et de coralines qu'elle le jugerait convenable. Il était stipulé, en outre, que les Marchands pourraient rétablir le lieu destiné pour la Chapelle comme il était auparavant et y pratiquer leur religion ; le Divan consentait aussi à ce que les Maisons, les Magasins, les Moulins à vent et les deux Fours pour cuire le pain et le biscuit que l'ancienne Compagnie avait possédés fussent reconstruits et entourés d'une muraille de huit pieds arabes de hauteur et de trois palmes d'épaisseur, avec défense, toutefois, de faire dans la dite muraille aucuns créneaux ni embrasures, mais seulement quatre guérites aux quatre angles pouvant contenir chacune deux hommes pour y faire la garde et défendre l'Établissement contre les voleurs. Les dits Magasins, Chapelle, Maisons et autres Bâtiments pouvaient être blanchis et réparés tous les ans et, à cet effet, la Compagnie avait la faculté d'établir autant de Fours à chaux qu'il serait nécessaire.
                   Pour la sûreté du Commerce et la garantie du Bey de Tunis, il était convenu que la Tour située sur la hauteur du Cap, où une petite garnison de Soldats Turcs se tenait d'habitude, serait réparée aux frais des Marchands et que ceux-ci pourraient, au besoin, s'y réfugier avec leurs effets. Le Bey promettait d'ordonner très-expressément aux Janissaires de défendre, dès qu'ils en seraient requis, les personnes des Français et leurs marchandises.
                   Il était aussi permis à tous les habitants du Cap Nègre d'aller à la campagne pour chasser ou faire du bois, sans que personne put s'y opposer ; ils pouvaient même prendre avec eux, s'ils le voulaient, deux ou trois Soldats pour les accompagner et empêcher qu'ils ne fussent insultés.

                     Enfin, une dernière clause stipulait que si des navires Français, venant de France ou ailleurs, faisaient naufrage sur la côte, les hommes et les effets seraient rendus à la Compagnie, sans que le Divan ou tous autres y pussent rien prétendre, pour quelque raison que ce fut.
                   Les Français ne gardèrent pas longtemps le Cap Nègre. La guerre ayant éclaté entre la France et la Régence de Tunis, ils furent obligés de l'abandonner. Une Compagnie Anglaise l'exploita à son tour ; mais, en 1685, la Paix s'étant faite, le Bey retira aux Anglais le privilège qui leur avait été concédé. Voici ce qui se passa en cette circonstance :
                   Une Flotte Française, sous les ordres du Maréchal d'Estrées, qui venait de mettre à la raison les Tripolitains, arriva devant Tunis et exigea des réparations pour les dommages causés au Commerce Français par les Corsaires de la Régence, au mépris des Traités existant entre les deux États. Le Gouvernement Tunisien était alors trop occupé de ses guerres civiles pour pouvoir songer seulement à opposer la moindre résistance aux exigences de l'Amiral. Le Maréchal d'Estrées n'eût donc aucune difficulté à vaincre pour obtenir les réparations qu'il était chargé de réclamer.

                     Le 30 août 1685 (29 ramadan 1096), il signait un Traité par lequel la Régence s'obligeait à payer au Commerce Français, à titre d'indemnité, une somme de 60,000 écus. On rappelait dans ces actes les dispositions arrêtées dans les précédents Traités, relativement à la navigation, au commerce, aux droits et aux privilèges des Français dans la Régence. - Les finances de l'État ne permettant pas de payer la totalité de cette somme, il fut convenu que 52,000 écus seraient avancés par la Maison Gauthier, de Marseille ; et, en garantie de cet emprunt, la Régence accorda, à la dite Maison de commerce, l'autorisation de s'installer au Cap Nègre. Ce fut là l'origine du rétablissement de ce Comptoir Français, lequel reçut du Gouvernement un secours de 250,000 francs, et qui, en 1707, se réunit comme nous l'avons dit, à la Compagnie des Concessions d'Afrique. Mais le vieux Bastion et le Poste du Cap Rose furent abandonnés par celle-ci, comme peu utiles et d'un entretien coûteux. Tout avait été réuni à La Calle.
                   L'Établissement du Cap Nègre était un des Comptoirs où le commerce se faisait le plus avantageusement. Les marchandises et les denrées du pays s'y vendaient à un prix moindre que dans les autres Échelles Françaises, (La charge de blé pesant 320 livres, poids de Marseille, ne coûtait dans le pays que quatre livres tournois.) et les Arabes qui habitaient ce littoral, moins riches que ceux des environs de La Calle et du Bastion de France, accueillaient toujours les Marchands avec la même faveur. Une bonne partie du commerce se faisait aussi par échange. Le Chevalier d'Arvieux assure qu'en 1665, lorsque le sieur Rénier exploitait le Cap Nègre, on en tirait annuellement vingt mille muids de blé et quarante mille charges de légumes secs. Le même Comptoir fournissait également, au Commerce, du corail, des cuirs crus, des laines et quelques cires ; mais la navigation, aux approches du Cap, présentait de grands dangers. L'anse étroite qui lui sert de Port n'offre aucun abri aux navires ; les barques même des corailleurs ne peuvent y mouiller en sûreté. Lorsque les vaisseaux de la Compagnie d'Afrique visitaient le Cap Nègre, il leur était défendu de s'y arrêter plus de trois jours pour faire leurs chargements ; malgré cette précaution, les naufrages étaient fréquents sur cette côte.

                     Le Cap Nègre est mentionné par les cartographes du moyen-âge, qui l'appellent Tonacran ou Tamecrati. Ce dernier nom (Tamecart) est celui du village qui a été construit sur le sommet du promontoire. Notre voyageur Peyssonnel, qui visita cet Établissement en 1724, décrit ainsi sa situation :
                   Le Cap Nègre est situé sur une langue de terre qui s'avance dans la mer environ un demi-quart de lieue, courant à l'Ouest. Le commencement de cette langue ou de ce Cap est un pays plat qui va ensuite en s'élevant, formant une longue colline d'environ quatre cents pas de large, environnée de trois côtés par la mer. Le mouillage se trouve du côté de l'Ouest ; le fond en est mauvais et coupe les câbles des bâtiments qui s'y trouvent dans le mauvais temps : c'est ce qui fait que ce Port est toujours dangereux et qu'il y arrive de fréquents naufrages.
                   Ce Port est terminé par une plage ou rivage de sable. Il s'y présente, d'abord, une grande muraille à travers laquelle il y a des coulisses par où l'on fait passer le blé des magasins pour l'embarquer avec plus de diligence : car, comme le Port est dangereux, il n'y a point de pays où l'on charge plus promptement et ou les bâtiments restent moins de temps mouillés. L'on y embarque par jour deux ou trois mille charges de blé, et les vaisseaux sont toujours expédiés au bout de deux ou trois jours. Il y a dix grands magasins capables de contenir soixante mille charges de blé. Ils soutiennent un grand terre-plein qui est la place du marché qu'on appelle bazar. Ce marché est entouré de halles où l'on reçoit les marchandises et le blé qu'on jette dans les magasins. L'entrée de la place se trouve à côté du marché. De là, l'on monte sur une jolie terrasse où il y a sept pièces de canon. Vis-à-vis est la maison du Directeur et, par derrière, diverses loges pour les employés. Plus haut est l'église, et, sur le sommet du Cap, il y a une forteresse mal bâtie et mal fortifiée avec dix pièces de canon.

                     En 1713, la Compagnie Hély fut dissoute et remplacée par une autre qui prit le nom de Compagnie d'Afrique. L'année suivante, un nouveau Traité de Commerce fut conclu entre le Directeur de Marle et Hassan, Bey de Constantine, au nom du Divan d'Alger.

                     Cette convention reproduisait les dispositions principales du Traité de 1694 ; mais un article particulier stipulait qu'aucun bâtiment étranger, de quelque Nation qu'il fût, même musulman, " ne pourrait venir charger du blé, de l'orge et des fèves, à Bône, à Tarcul (Takouch), et dans les autres lieux de la côte, sous quelque prétexte que ce fut. " Cet article, très curieux, prouve la grande faveur dont jouissaient alors les Marchands de La Calle.
                   En 1719, Mohamed ben Hassen, dit Effendi, personnage ne sachant ni lire ni écrire, qui alors gouvernait Alger, se montra cruel envers les siens et peu traitable avec les Étrangers : il provoqua les plaintes de notre Consul d'Alger à l'occasion de contraventions qui restèrent impunies. Cette conduite qui donnait la mesure de sa tolérance en fait de Piraterie, enhardit bientôt les Raïs des bâtiments corsaires, au point que notre Commerce maritime eût encore beaucoup à souffrir de leur insolence. Les Français, résidant à Alger, furent insultés et M. Beaume, notre Consul, sans force auprès du Divan, sans crédit auprès du Pacha et, par conséquent, déconsidéré aux yeux de la ville entière, se vit forcé de demander son rappel.
                   Duquesne, à la tête d'une Escadre, revint demander quelques satisfactions. Dans cette circonstance, le Conseil de Régence crut devoir envoyer, à Alger, le vieux négociateur Dussault, avec l'ordre de travailler à rétablir les affaires sur l'ancien pied. Connu et aimé dans le pays depuis quarante ans, Dussault y fut reçu arec " de grands honneurs " et n'eût pas de peine à ressaisir une partie de l'influence dont il avait autrefois joui sur l'esprit des hommes les plus marquants du pays. Trente Turcs esclaves à Marseille, qu'il retira des galères et dont il fit présent au Dey, achevèrent de disposer le Divan en sa faveur, et, le 23 décembre 1719, il signa un Traité pour cent ans. " Jean-Baptiste Fénix, directeur commandant à la Calle d'ordre de la Compagnie d'Afrique, pour et au nom du sieur Jacques Auriol, principal intéressé à la dite Compagnie, vint à Alger pour faire renouveler les anciens traités ; 6 juillet 1731. " (Note inscrite sur un registre de chancellerie.) (Devoulx, - Archives). Le prédécesseur de Fénix comme gouverneur des concessions, avait été Esprit de Salve.
                   Par arrêté du Conseil d'État, du 5 juin 1719, les possessions d'Afrique étaient passées entre les mains de la Compagnie des Indes. Le privilège du Commerce de la côte de Barbarie lui était accordé pour vingt-quatre ans, En 1725, cette subrogation fut déclarée perpétuelle ; mais il paraît que la Compagnie des Indes ne sût pas mieux conduire ses affaires en Afrique qu'en Asie ; car, cinq ans après, elle fut obligée de supplier le Roi d'accepter la rétrocession, délaissement et transport du Commerce de Barbarie. A dater du 19 novembre 1730, le privilège était concédé pour dix ans à un sieur Jacques Auriol. Ces dix ans qui commençaient au 1er janvier 1731, ayant par conséquent expiré le 1er janvier 1741, un Édit du Roi, du mois de février, fi t passer le privilège à une Compagnie nouvelle qui prit le titre de Compagnie Royale d'Afrique.

                     Il fut réglé, par ce même Édit, que la valeur des immeubles, fixée à 150,000 francs, serait payée à la Compagnie des Indes par la Compagnie Royale d'Afrique et qu'il en serait de même du prix des objets mobiliers ; mais il fut accordé du temps pour ces deux payements.
                   Le fonds social fut fixé à 1,200,000 francs, divisés en douze cents actions de 1,000 francs et portant intérêt de six pour cent de garantie par la Chambre de commerce de Marseille. En outre, l'État accorda une subvention annuelle de 40,000 francs, pendant cinq ans.

A SUIVRE

ALGER, TYP. DE L'ASSOCIATION OUVRIÈRE V. AILLAUD ET Cie
Rue des Trois-Couleurs, 1877
Livre numérisé en mode texte par M. Alain Spenatto.

ANECDOTE
Envoyé par M. Doblido
BEL EXEMPLE DE DEVOIR
SERA T-IL SUIVI en 2012 ???



IL Y A CINQUANTE ANS
par M. Serge Molines, mars 2012
Je dédie ce texte à ma sœur Muguette
qui nous a quittés récemment.

          « Puissent le vent et les courants marins ramener tes cendres vers les rivages de cette terre d’Algérie que tu aimais tant ... »Il y a cinquante ans … (1962-2012)
          L’Algérie coule dans mes veines... Cinquante années se sont écoulées et je me sens toujours lié à ce pays magnifique par un océan de passion et un amour sans limite
          Je suis comme le fils qui a quitté sa mère, qui attend avec impatience et détermination l’heure de revenir vers elle pour l’étreindre, lui dire je t’aime et lui demander pardon.
          Pardon de l’avoir laissée, de l’avoir abandonnée, d’avoir tenté de l’oublier. Comment t’oublier ma belle, ma délicieuse Algérie !... Ce désir et cet amour pour toi ont résisté au temps, et d’ innombrables souvenirs enchantent mes jours et mes nuits faisant de chacune d’elles un havre de bonheur.
          Me viennent alors à l’esprit, dans un fracas étourdissant, les cris d’enfants, les vols d’hirondelles dans un ciel d’azur, les maisons aux murs blancs inondés de soleil où s’appuient avec nonchalance jasmins et bougainvilliers aux fleurs resplendissantes, les routes bordées d’aloès, de figuiers de barbarie, les champs immenses d’ oliviers d’orangers et citronniers croulants sous le poids des fruits, les vignobles à perte de vue, les chemins tortueux souvent secrets qui mènent à des plages au sable brûlant et à une mer bleue, si bleue, si rafraîchissante.
          Je sens sur mon visage, la caresse du vent frais venant du large ou celui chaud et desséchant venant de l’arrière pays.
          Oh ! Mystérieuses et divines oasis posées comme des émeraudes au milieu du désert, vous avez su avec subtilité me charmer et m’offrir dans un décor des mille et une nuits, l’ombre, l’eau et le repos.
          Dans ce décor de dunes de sable caressées par le vent ou de rocailles grillées par le soleil j’ai vu, la nuit, un ciel constellé d’étoiles scintillantes pareilles à de petits diamants, qui me paraissaient à portée de mains.
          Spectacle époustouflant, féerique dans ce paysage désertique à la fois cruel et accueillant. Je voudrais encore parcourir les rues d’Alger et celles d’Hussein-dey où je suis né à la recherche de ce passé qui me tient en éveil, toujours prêt à surgir pour me précipiter dans le monde merveilleux et insouciant de ma jeunesse.
          Je pense aussi à ceux qui sont restés là-bas et qui dorment pour l’éternité sur cette terre d’Algérie qu’ils aimaient tant.
          Je n’oublie pas Notre Dame Afrique tant de fois implorée, cette vue superbe sur l’immensité de la mer bleue et calme bordée par cette magnifique côte Algéroise composée de plages et de petits ports aux noms évocateurs, si pittoresques et tendrement inoubliables.
          Mon âme vagabonde, je ferme les yeux. Une musique envoûtante résonne soudain à mes oreilles. Je pars alors dans une danse endiablée parmi les foulards et rubans aux couleurs chatoyantes qui s’agitent et claquent dans le vent, martelée par le son puissant du tambour et celui de la flûte plus doux et plus fragile.
          Déraciné je suis, déraciné je resterai. Je continuerai de chercher encore et encore comme je l’ai fait durant ce demi-siècle le terrain favorable et la terre fertile qui me permettront de reprendre des forces, de me redresser, de revenir à la vie.
          Je pourrai me reposer enfin, assis au pied de l’oranger aux fruits d’or et aux feuilles de vermeil et contempler dans un ciel d’azur un soleil éclatant.
          Éclaboussé de lumière, j’offrirai mon corps aux morsures de ses rayons, me laisserai envahir par une douce quiétude et le regarderai décliner doucement pour disparaître derrière les collines qui surplombent la vallée des mille merveilles où flottent des parfums de fleurs d’oranger, d’encens, de jasmin, de cumin et de cannelle ; où coule un miel léger et parfumé qui laisse sur les lèvres la caresse d’un pétale de rose et sur la langue le goût puissant du bonheur.
          Bonheur d’avoir vu le jour sur cette terre, d’y avoir été heureux et de ne jamais avoir pu l’oublier. Privé de soleil, le flanc de la colline se teintera de gris tandis que la crête s’ornera d’un ourlet d’or et d’argent fragile comme une dentelle qui s’évanouira un peu plus tard dans l’obscurité de la nuit.
          Algérie mon amour, Algérie ma passion, je suis parti les yeux remplis de larmes et la gorge serrée ne te quittant jamais des yeux, toi grande et majestueuse auréolée de lumière et de soleil, moi si petit, si malheureux, précipité sur ce bateau qui m’emporte inexorablement vers une autre vie, un autre destin.
          Bateau de l’exode, bateau de l’errance, aux flancs gonflés par les larmes et la détresse d’un peuple abandonné, perdu, banni de sa terre, précipité soudainement dans une aventure hasardeuse, à la recherche d’une terre d’asile.
          A partir de cet instant j’ai compris que rien ne serait comme avant et qu’entre toi et moi une séparation douloureuse était entrain de naître.
          Une plaie profonde allait s’ouvrir en moi et ne jamais se refermer. Je laissais sur ce sol Algérien meurtri par des années de guerre, mes souvenirs d’enfant, mes espoirs et mes projets inachevés.
          Comment surmonter un tel chagrin. Perdu dans mes pensées, je t’ai regardé disparaître, engloutie par la mer, et j’ai senti sur mon cœur se refermer la lourde porte d’un tombeau sur lequel je laisserai couler mes larmes.
          J’y dépose aussi une rose, celle qui ne se fanera jamais, celle de l’espérance et du renouveau, et que je reviendrai chercher un jour..
          Je pars pays bien-aimé mais la moitié de moi-même reste là. Je vais vivre ailleurs mais je sais que tu seras toujours derrière moi et qu’il me suffira de regarder par-dessus mon épaule pour t’apercevoir éternellement dans la lumière et le soleil.
          Algérie, Algérie, prononcer ton nom met un sourire sur mes lèvres et fait disparaître le voile de tristesse qui couvre mon visage. Mon cœur bat plus vite, je me sens revivre. Algérie, Algérie, parlez de toi ne m’apporte ni argent, ni gloire mais la force de continuer à vivre loin de toi et oublier les tourments qui s’incrustent en moi, me donnant par moment une impérieuse envie de hurler.
          Tu es mon trésor, celui que l’on garde secrètement dans un tiroir et que l’on admire avec envie et concupiscence à l’abri du regard des autres.
          Toutes ces années d’exil ont jeté de la neige dans mes cheveux et fripé mon visage mais, mes yeux reverront toujours avec émerveillement toutes les beautés que tu m’as offertes sur cette terre où Les jours et les nuits demeurent inoubliables.
          De la côte Méditerranéenne jusqu’aux confins du Sahara, des paysages fabuleux gorgés de soleil, de parfums poivrés et enivrants s’offrent à mon regard qui se délecte de ce tableau sublime, presque irréel.
          J’aurais aimé tourner la page et passer à autre chose mais je n’ai jamais pu. Ton souvenir reste ancré au plus profond de mon cœur, tout comme ces racines pareilles à des chaînes qui nous lient l’un à l’autre et qui ne pourront jamais se briser.
          Ma valise est restée dans l’entrée de ma maison. Elle est pleine de bonheur mais aussi de grands moments de solitude. Elle renferme mon livre de souvenirs que j’ai ouvert avec une profonde émotion tant de fois depuis mon départ.
          Je vais faire le voyage à l’envers car une rose m’attend depuis longtemps sur une pierre, il faut que j’aille absolument la chercher.
Serge MOLINES



LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et DUZERVILLOIS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


             Comme les morts de 1914-1918 enregistrés sur la circonscription de Bône, ceux de Duzerville méritaient un hommage qui m'a été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons fait et cela vient d'être mis en oeuvre.
             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages necessaires pour Duzerville.
             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.
             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour phographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.
             Ce travail fait pour Bône et Duzerville pourrait être fait pour toutes les communes de la région de Bône à condition que le même travail qu'à effectué J.C. Stella soit réalisé avec la même rigueur. Il en serait ainsi pour les morts de 39/45.
             Nous possédons presque toutes les fiches militaires, actes de naissance ou de décès, j'ai obtenue une licence de diffusion de ces documents et au fur et à mesure de mon temps disponible je les mettrai en ligne comme vous pouvez le voir déjà avec Duzerville pour les actes en notre possession.

POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux de DUZERVILLE

             Le site officiel de l'État a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :  
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 

FUNEBRE JOUR DE PAQUES
Emile LOPEZ
Envoyé Par Pierre


          Emile LOPEZ à son ami Alexandre Kulbach tué à 18 ans
par une grenade jetée dans une salle de cinéma de Marnia,
le dimanche de Pâques 1960.


Pâques, jour de bonheur chrétien,
Jour de la résurrection du Christ
Donnant l’espoir à tous les siens
En l’arrivée à Dieu de son fils

Pendant que résonnait le son des cloches,
Que l’Eglise appelait ses fidèles
A se recueillir sous ses immenses ailes,
Se préparait un attentat fantoche.

Horreur ! ce fut toi cher Alexandre
Ami pour moi si généreux et au grand cœur
Que ses lâches agisseurs dans leurs antres
Décidèrent de frapper, ô terrible douleur.

Tu ne pus goûter ici bas
Nos éphémères joies terrestres,
Trop vite tu partis déjà
Et ne pus ainsi les connaître.

Quel fût notre noble indignation
Devant le lâche crime de ces forcenés
Et dont la France, naïve nation
Toujours disait « Sur une terre française ils sont nés ».

O France, combien de tes enfants
Demain tomberont pour cette égalité
Fausse égalité qu’ils paieront de leur sang
A nos anciens frères sans cœur et sans pitié

Répond à l’appel de tes fils lointains
Car d’eux seuls peut dépendre ton prestige
Dans le monde ton millénaire maintien
Regarde : en Algérie est ton destin.

Emile LOPEZ, fils de Manuel le boulanger et petit fils de Sébastian el ciego est né au 47 rue du Soleil à Sidi Bel Abbès
Il écrivit ce poème à 18 ans.
L'Echo d'Oran le fit paraître en 1960 dans le coin des poètes.



PHOTOS
Diverses de BÔNE
Photos de M. J. Bena
Envoyé par M. Charles Ciantar
Beauséjour
Photo Charles Ciantar
Boulevard de Narbonne
Photo Charles Ciantar
Photo Charles Ciantar
Café de la Paix
Photo Charles Ciantar
Vues de la Casbah
Photo Charles Ciantar
Photo Charles Ciantar
Cigarettes
Photo Charles Ciantar
Les Cigogneaux
Photo Charles Ciantar
Cimetière Arabe
Photo Charles Ciantar
Cours National - Bertagna
Photo Charles Ciantar
Photo Charles Ciantar

MIMOSA DE MON ENFANCE
Jocelyne MAS

          Un brin de mimosa pour souvenir outre-Méditerranée...

       Cette année 2012 va être pour beaucoup de Français d'Algérie, triste et nostalgique.

       Beaucoup de manifestations se préparent. Certains fêteront l'Indépendance de l'Algérie, la fin de la guerre, d'autres pleureront la perte de leur pays car tout un peuple s'est arraché à sa terre natale et comme une mère, une terre natale ne se remplace pas.
       Dans un monde où tout est catastrophe, chômage, violence, crise, morosité, je vous invite à regarder le ciel bleu et cette nature qui nous donne tant de belles choses à voir, entendre, sentir.
       Mimosa de mon enfance.

       Janvier-février, c'est l'époque où le mimosa enchante nos âmes. Ils mettent une touche de soleil dans le gris du ciel. Visage enfoui au cœur des grappes de fleurs d'un jaune éclatant, au parfum si doux et subtil comme une caresse, je me souviens...

       Dans le jardin de mes grands-parents à Baraki, il y avait un énorme mimosa qui tous les ans, à l'époque de la taille, jouait un rôle particulier entre mon grand-père et moi. Je me revois au pied de l'arbre, étendue, bras en croix, sur la terre, mon grand-père sur une échelle taille et m'enfouit petit à petit sous les branchages odorants et duveteux. Que de fou rire et de complicité entre nous ! Mon grand-père redescend de l'échelle et fait semblant de me chercher : " Mais où est elle, cette petite ? " Je ris à m'étouffer.

Mimosa de mon enfance,
Senteurs dorées,
Caresses de velours.
Éclats de soleil de mes vacances,
Parfum suave et frais,
Jardin de mes amours.
Dans mon cœur à jamais,
Impossible à oublier.
                                                        Jocelyne MAS



CRIMES et droit de Vote
Envoyé Par M. Henri Lunardelli

La gauche serait donc légitime et la droite suspecte ?
Voyons cela...

       La campagne actuelle est l'occasion idéale pour mesurer l'étonnante distorsion qui caractérise toujours en France, à la différence des pays voisins et des Etats-Unis, la perception dominante de la gauche et de la droite dans le débat public.

       Tout se passe comme si une position de gauche était chez nous a priori légitime, une de droite, a priori suspecte. Sauf preuve du contraire, sans doute, car nous sommes en démocratie pluraliste, mais la charge de la preuve repose sur la droite. Posture naturelle de la gauche qui s'assimile au camp du " bien moral " et du " juste social ", mais qui infiltre nombre de discours politiques et médiatiques, y compris… à droite.
       Et, paradoxalement ce différentiel de légitimité se donne avec une telle évidence, qu'il échappe à notre vigilance critique.
       Les procédés rhétoriques à l'œuvre dans cette asymétrie sont pourtant bien connus :
       - la dénégation pure et simple,
       - la minimisation ( " ce que vous dites est de peu d'importance "),
       - la marginalisation (" ce n'est pas le vrai sujet "),
       - l'accusation (" vous cachez de noirs desseins "),
       - la disqualification (" vu qui vous êtes, votre parole n'est pas recevable ") et
       - la péjoration (reformulation en termes négatifs) de la position ou de l'argument adverse
       Voici quelques fleurons de ce petit manuel d'asymétrie, tous bien réels, où le lecteur reconnaîtra sans peine les uns et les autres :
       1. " Les amis riches "
              a. Un homme politique de droite a des amis riches : " preuve de sa collusion avec l'argent ! "
              b. Un homme politique de gauche a des amis riches : " c'est un homme fidèle en amitié " ; Variante : " il a droit au respect de sa vie privée ! "
       2. Les affaires
              a. Un homme politique de droite est soupçonné de financement illicite de campagne électorale : " aucun doute : la corruption est au cœur du régime ! "
              b. Un homme politique de gauche est mis en examen pour association de malfaiteurs : " il faut respecter la présomption d'innocence ! " Variante : " c'est un cas isolé, ne généralisons pas ! "
       3. Changements de camp
                a. Un homme politique de gauche passe à droite : " c'est un traître " ! Variante douce: " le carriérisme l'a emporté sur la conviction "
               b. Un homme politique de droite passe à gauche : " il a su surmonter son conditionnement familial et social "
       4. Changements de politique
              a. Un président de droite change de politique : " incohérence et contradiction ! "
              b. Un président de gauche change de politique : " sens des responsabilités et pragmatisme"
       5. Dictateurs encombrants
              a. Un responsable de droite reçoit un dictateur : " c'est une honte pour la patrie des droits de l'homme ! "
              b. Un responsable de gauche reçoit un dictateur : " hélas, on ne choisit pas ses partenaires en politique internationale "
       6. Chiffres du chômage
              a. Le chômage augmente de 17% sous une législature de droite : " explosion qui démontre un bilan désastreux "
              b. Le chômage augmente de 50% sous une législature de gauche : " augmentation qui montre combien la crise est terrible. Et pourtant tout aura été essayé ! "
       7. Ouverture
              a. Un président de droite ouvre son gouvernement : " politique de débauchage ! "
              b. Un président de gauche ouvre son gouvernement : " absence de sectarisme et volonté de rassemblement ! "
       8. Fondamentalisme
              a. Un gouvernement de droite prend des mesures énergiques contre des réseaux fondamentalistes : " instrumentalisation, amalgame et atteintes aux libertés"
              b. Un gouvernement de gauche prend des mesures énergiques contre des réseaux fondamentalistes : " on voit bien que la gauche n'est pas laxiste ! "
       9. Les extrêmes et l'économie
              a. Un candidat d'extrême droite présente un programme économique surréaliste ; celui-ci est passé au crible par les commentateurs (- le candidat passe d'ailleurs de bien mauvais quart d'heures d'interview ! -) Et l'on dénonce unanimement - et justement - " le danger qu'il fait courir au pays "
              b. Un candidat d'extrême gauche présente un programme économique tout aussi surréaliste ; les commentateurs et journalistes passent rapidement dessus : " ce n'est pas le sujet, le sens de ce programme est d'abord politique ! "
       10. Les extrêmes et le peuple
              a. L'extrême gauche propose la " révolte du peuple contre le système" : " il faut prendre ces mots au figuré : ils expriment la légitime colère devant l'injustice sociale "
              b. L'extrême droite propose " la révolte du peuple contre le système " : " il faut prendre ces mots au sérieux ; ils traduisent un populisme nauséabond et une menace contre la république! "

       Est-il vraiment impensable de demander, à l'égard de tous, non pas de la même complaisance, mais tout simplement un peu d'équité intellectuelle?
       Le libéralisme est bien placé pour l'exiger car il est la première victime de cette asymétrie bien particulière du discours politique en France, à commencer par son classement à droite, et l'épithète d' " ultra " systématiquement accolée, ( qui fleure bon son Charles X et le " milliard des émigrés " )… Et qui ne correspond ni à son positionnement idéologique ni à ses combats historiques, où, de 1789 à la lutte contre tous les totalitarismes et les autoritarismes, il aura été l'un des plus sûrs ressorts du progressisme politique, social et sociétal. Fait masqué par l'anti-libéralisme viscéral de notre culture politique où héritages monarchiste, "républicain" (de l'an II) et marxiste se mêlent dans un cocktail détonnant (mais toujours étatiste et liberticide) qui n'étonnera pas les connaisseurs de l'histoire des idées, ce monde peuplé des créatures les plus étranges et les plus composites…

Ce texte a été rédigé par Christophe de Voogd *
       * Ancien élève de l'École normale supérieure, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, agrégé d'histoire et titulaire d'un DEA en histoire.
       Il a travaillé dix ans pour le quai d'Orsay comme directeur d'Institut français et conseiller culturel et a été conseiller de Thierry de Beaucé (Relations culturelles internationales) et de Jack Lang (Éducation nationale et Culture).
       Il enseigne aujourd'hui à l'Institut d'études politiques de Paris (Sciences Po) l'histoire des idées politiques, l'historiographie et les techniques d'écriture.

VAINCRE LE TERRORISME  
Par M. José CASTANO, 16 Avril 2012


« On ne saurait accepter l’idée que le cours meurtrier de l’Histoire est irrémédiable, et que l’esprit confiant en lui-même ne peut influer sur la force la plus puissante du monde ! »
« L’expérience des dernières générations me convainc pleinement que, seule l’inflexibilité de l’esprit humain, fermement dressé sur le front mouvant des violences qui le menacent, et prêt au sacrifice et à la mort en proclamant : « Pas un pas de plus ! » Seule, cette inflexibilité de l’esprit assure la véritable défense de la paix de l’individu, la paix de tous et de toute l’humanité. »
(Alexandre Soljenitsyne)

          Qu’ils soient intégristes, fanatiques religieux ou anarchistes, les terroristes prêchent le viol de la société, et, par conséquent, ils ne sauraient être traités comme des adversaires réguliers. Car vouloir donner aux choses le sens de ses désirs est la pire forme de dérèglements de l’esprit. Ainsi s’est exprimé Bossuet dans une de ses prédictions au souffle lyrique de ses visions grandioses.

                      Notre juridiction actuelle est mal adaptée à l’action répressive que la société doit exercer contre les criminels qui mettent en cause sa légitimité. Devant pareil danger, la réaction doit non seulement s’adapter à l’adversaire en retournant contre les terroristes le conseil de Lénine : « Ne laissez jamais se constituer de Vendées », mais conduire aussi à une prise de conscience populaire. A la stratégie de déstabilisation des terroristes, la Nation doit répondre par une « stratégie de répulsion ». Cette stratégie implique en premier lieu le contrôle étroit des communautés étrangères dans le pays, afin de prévenir le prolongement sur notre territoire de luttes extérieures, partant : se protéger d’un terrorisme par « vases communiquant » ou par osmose.

                      A la guerre révolutionnaire –qui est la seule à sévir actuellement de par le monde- nous devons opposer la guerre populaire totale ou guerre de libération nationale. Face à une menace terroriste (d’où qu’elle vienne), il faut faire le choix majeur qui s’impose et en tirer toutes les conséquences ; agir sans oublier la foi formulée par Engels : « Ne jamais jouer avec l’insurrection armée et, quand on la commence, la mener jusqu’au bout ».

          Pour cette raison, toute riposte nationale doit être à la mesure des attaques portées par les terroristes et pouvoir porter la lutte sur tous les plans. Les nationaux devront donc s’organiser, sachant que dans une guerre révolutionnaire, il est illusoire d’attendre la victoire de l’intervention des forces de l’ordre, car l’offensive contre-révolutionnaire ne peut relever d’une simple opération de police, mais du souci de mener une guerre totale à l’image de celle que nous imposent les terroristes. L’horreur du mal est le principe même de la justice. Elle doit s’imposer comme une règle impérative, car elle est notre propre raison. La loi, en général, est la raison humaine –disait Montesquieu- en tant qu’elle gouverne tous les peuples de la terre…

                      Le caractère d’extrême gravité que revêt le terrorisme international a fait de la France l’une de ses plaques tournantes et nous met dans l’obligation de réagir avec fermeté contre tous ceux qui tentent de faire de notre pays un « champ de tir » du terrorisme, son refuge ou son « laboratoire d’expériences » révolutionnaires.

                      Il est probable que nous n’arriverons jamais à réduire totalement les actions criminelles mais il serait possible d’en limiter leur nombre par le rétablissement et la mise en application immédiate de la peine de mort envers les terroristes reconnus coupables d’avoir sacrifié des victimes innocentes. Dans la conjoncture actuelle, à quoi sert l’internement de ces assassins alors que l’on sait qu’ils seront libérés tôt ou tard après que d’autres terroristes, mettant en péril la vie de centaines d’otages innocents, réclameront à coup d’exécutions sommaires la libération de ces détenus ? « Celui qui s’incline devant des règles établies par l’ennemi ne vaincra jamais » soutenait Léon Trotski.

                      Les demi-mesures, comme c’est le cas actuellement, ne mènent à rien car les vices impunis s’accroissent à l’infini. Mais châtier les coupables, dans notre société émolliente, indifférente, conservatrice, ne ferait que révolter les consciences non contre les criminels… mais contre les victimes. Ces innocents que le terrorisme aveugle et fanatique verse chaque jour dans la mort servent à apitoyer le monde sur le sort des bourreaux. Le réflexe n’est pas l’indignation devant la sauvagerie du crime, mais la compassion envers les assassins à qui l’on trouve toujours une excuse à leur acte « désespéré ».

                      Dostoïevski écrivait déjà, dans la « légende du Grand Inquisiteur » : « Qui aime trop l’humanité en général est en grande partie incapable d’aimer l’homme en particulier. Qui plaint trop le malfaiteur est fort souvent incapable de plaindre la victime ». Et le drame actuel c’est que nos sociétés vieillottes s’interdisent tout moyen coercitif. Elles ont lentement accumulé pendant une longue procession de siècles, les règles, les précautions et les interdits destinés à protéger l’idée qu’elles se faisaient de la civilisation. Elles ont imaginé couler la sagesse dans des lois… codifier l’indulgence et la mesure, pour défendre l’homme contre lui-même. Préoccupées d’exorciser la violence qui bouillonne toujours confusément dans des instincts mal maîtrisés, elles ont naturellement été conduites à interdire la seule forme de violence sur laquelle elles pouvaient peser : la cruelle mais indispensable gamme des châtiments qui prétendent moins punir le crime, que décourager le criminel. Elles ont inventé un arsenal de répression humain, conçu à l’exacte mesure de coupables considérés comme des égarés et, jugés dignes de cette indulgence, parce qu’ils sont réputés garder –au-delà de la folle parenthèse du crime- le même respect de l’homme qui définit la communauté à laquelle ils appartiennent. Mais voilà la civilisation paralysée par les dogmes qui la fondent et les lois qui la défendent qu’elle ne peut plus transgresser sans se renier. Et voilà les barbares qui frappent aux frontières… les peuples loups qui grondent aux lisières des bois. Pressés de courir à leur tour la grande aventure de la civilisation et exaltés par la présomptueuse conviction qu’ils détiennent des recettes miraculeuses, ils négligent les trésors de l’héritage. Ils veulent tout détruire, tout raser pour tout recommencer sur les décombres d’un passé qu’ils haïssent parce qu’ils ne le comprennent pas. Et ils tentent d’imposer leur loi par l’assassinat et la terreur à des sociétés qui ont su dissiper ces cauchemars depuis si longtemps qu’elles n’en imaginent plus l’éventuel retour. Voilà qu’enchaînées par les règles qu’elles ont accumulées pour se prémunir contres les excès de leur propre colère, les sociétés stupéfaites s’abandonnent aux coups que leur portent des colères inconnues… Et voilà que s’écroule la civilisation parce que les barbares puisent dans son raffinement, ses complications et son indulgence, la seule force qui rend leurs débordements irrésistibles. Ils retrouvent naturellement le plaisir d’égorger sachant combien timide sera la répression. Jamais les passions déchaînées n’ont fait autant de ravages… semé autant de morts… Jamais on n’a assassiné autant d’hommes au nom du bonheur de l’humanité… Jamais le mot de Malaparte n’a été plus juste : Jamais on n’a couché autant de Christs dans les charniers du monde. Et nous, pauvres occidentaux, sommes en passe de perdre cette ultime guerre qui nous est imposée parce qu’irrémédiablement condamnés à capituler… au nom de la défense de la civilisation qui n’est autre qu’un suicide devant un assaut qui en nie l’essentiel.

                      Soljenitsyne a écrit : « Toute notre vie là-bas, nous a appris qu’il existe un seul moyen de résister à la violence : c’est la fermeté ! »

                      Dans la lutte contre la subversion et le terrorisme, rien n’est plus important que l’application d’une politique de défense préventive ferme et impitoyable à l’égard des adversaires de la Nation. Celui qui sème le vent doit récolter la tempête.

          José CASTANO


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LA MÈRE
Edmond Rostand (1917)
Le MUTILE N°195 - 20 mai 1921

         
          J'ai donné mon fils, dit la mère,
          Je n'ai pas donné son tombeau.
          Achille est brûlé dans Homère;
          Mais le bûcher grec c'était beau.

          Au lieu d'un vide où rien n'existe
          Et que la douleur n'étreint pas,
          Il laissait la belle urne triste
          Que l'on entoure de ses bras.

          Je voudrais garder sous le saule
          L'enfant tombé sous les drapeaux;
          J'ai donné cette jeune épaule
          Qui fut l'endroit de mon repos;

          J'ai donné ce front plein de grâce,
          Lieu, de mes baisers les plus doux;
          Mais je n'ai pas donné la place
          De mes pleurs et de mes genoux.

          Quoi! le socle de ma prière
          Viendrait à me faire défaut ?
          Je n'ai pas donné cette pierre.
          Je la donnerai s'il le faut.

          S il le faut, mon Dieu, ma pensée
          Tournera comme l'aquilon
          Sur une tombe dispersée
          Et priera sur tout un vallon !

          Mais je voudrais bien être sûre,
          S'il se peut, qu'on me le rendra.
          Je n'ai pas lavé la blessure
          Et je n'ai pas cousu le drap.

          Et ma lèvre, c'est notre usage,
          Veut, le long du cercueil fermé.
          Chercher la hauteur du visage
          Et dire: " Adieu, mon bien-aimé! "

          Lorsqu'on donne ce que je donne.
          Et sans une plainte, je crois
          Que l'on peut, comme la Madone,
          Avoir la Descente de Croix.

          Je n'ai pas donné la souffrance,
          Que j'espère après les combats
          De traverser toute la France
          Pour aller te chercher là-bas.

          De traverser toute la gloire
          Pour aller le chercher un jour !
          Mon courage et ma robe noire
          Sont déjà prêts pour ce retour.

          Je voudrais savoir en novembre,
          Quels arhes le couvriront d'or,
          Moi qui toujours connut sa chambre,
          J'ignorerais où mon fils dort ?

          Ah ! s'il se peut, que sa demeure
          Soit celle où j'irai demeurer,
          Et permettez que je le pleure
          Où j'ai coutume de pleurer !

          Je n'ai pas donné cette grille,
          Petite et basse, et devant quoi
          Je mènerai la jeune fille
          Qui voudra pleurer avec moi.

          Ni le bois qui retient mon voile
          Quand je parle aux morts de près ;
          Et je n'ai pas donné l'étoile
          Qui se lève entre deux cyprès!

          Je sais que je peux faire envie,
          Mais qui m'ôterait sans remords
          Tous les jours des Morts de ma vie
          Qui sera tout en Jour des Morts.

          Tous mes retours du cimetière,
          A pas lents, sous un ciel trop beau!
          J'ai donné mon fils, dit la mère,
          Je n'ai pas donné son tombeau.



Tags sur l'église d'Escaudain
Envoyé par M. Gilles Martinez le 17 février 2012 à 13:11

Curieux quand il s'agit d'une église on n'en parle pas ! Si ça avait été une mosquée on nous en aurait rebattu les oreilles dans tous les médias !

Nord : une église taguée,
« Nike la France, Maroc en force, à mort les porcs »

Racisme anti-Français et appel au meurtre, le Parisien et l’AFP font silence ! Le Parisien et l’AFP, nouveaux prétendants aux Bobards d’Or 2012. Voici un nouvel exemple de mensonge politique par omission volontaire. Publié le 13 février par le journal Le Parisien, l’article intitulé « Nord : des tags anti-Sarkozy et anti-FN découverts sur le mur d’une église » reprend une dépêche AFP. Ces deux organes majeurs de la presse française omettent étrangement de donner certains détails.
Lisons les faits relatés par Le Parisien : Des inscriptions insultantes à l’égard du couple présidentiel français et du Front national ont été découvertes vendredi taguées sur le mur d’une église dans la commune d’Escaudain (Nord), a-t-on appris lundi auprès de son maire, qui envisage de porter plainte. (…) « Ces tags mettent en cause le président de la République et le Front national (…) Qu’on soit ou non favorable au président de la République, il faut arrêter d’insulter comme ça les gens », a déclaré Jacky Laure (PCF), condamnant un acte « fort regrettable ».
Mais le Front national et Nicolas Sarkozy n’ont pas été les seuls à être insultés par ces tags. Ce sont les Français et la France entière qui ont été visés par ces voyous qui se revendiquent Marocains.
En effet, l’AFP et Le Parisien ont curieusement omis de citer d’autres insultes inscrites sur les murs de l’église d’Escaudain : « Nike la France, Maroc en force, à mort les porcs ». Pour asseoir ce grossier mensonge par omission, Le Parisien a également « oublié » de publier les photos de ces tags pourtant facilement accessibles sur Internet. L’AFP et Le Parisien n’ont donc pas jugé nécessaire de publier ces insultes et ces appels au meurtre visant les Français. En pleine période électorale, la presse nationale joue plus que jamais son rôle dans l’entretien d’un système politique binaire gauche-droite, quitte, comme bien souvent, à passer sous silence certaines informations… pour ne pas « stigmatiser ». Voici une photo de l’église dénichée sur Internet :
Damien le 17 février 2012 à 13:11

La Voix du Nord : une église vandalisée,
« Nike la France, Maroc en force, à mort les porcs »

Le journal régional La Voix du Nord se montre lui aussi très politiquement correct mais décide de publier sur son site Internet une photo dont les détails sont difficilement décelables :
Vendredi en début de soirée, l’église d’Escaudain (Denaisis) a été souillée de tags s’en prenant au président de la République, à la France, au FN… La mairie a déposé plainte et le maire appelle la population à la vigilance. Les dégradations ont été commises dans une rue qui n’est pas très passante, surtout avec le froid. Le nettoyage est en cours. L’église avait été rénovée « il y a un ou deux ans », dit le maire. Le foyer de l’amicale laïque a également été touché. Source : La Voix du Nord Merci à Camulogenos.

          l’église d’Escaudain


PHILIPPE BOUVARD
Et son bloc note
202 - LE FIGARO MAGAZINE - 24 MARS 2012
Envoyé par M. Lafranque
N'ayant pas démérité
je refuse d'être culpabilisé

           Je ne suis pas un héritier. Je n'ai jamais disposé d'un franc puis d'un euro que je n'aie gagné à la salive de ma langue ou à l'encre de mon stylo. Je profite d'une aisance qu'il ne m'est possible de sauvegarder qu'en continuant à travailler - à 82 ans - dix heures par jour et 365 jours par an. J'ai élevé de mon mieux mes enfants. J'aide mes petits-enfants à poursuivre les études qui n'ont pas été à ma portée. J'ai toujours payé mes impôts sans un seul jour de retard et sans un mot de remerciement. J'ai financé des porte-avions qu'on ne m'a pas admis à visiter, des bâtiments officiels à l'inauguration desquels on a omis de me convier. Et ne voilà-t-il pas qu'un énarque, entretenu depuis sa majorité par les contribuables, voudrait me faire honte de ce que je gagne avant de me déposséder de ce qui a échappé à la triple érosion du fisc, de l'inflation et des emplettes inutiles ! Je suis un créateur et un mainteneur d'emplois. Je fais vivre des proches dont certains m'accompagnent depuis plus de trente ans et que le candidat socialiste (puisque c'est de lui qu'il s'agit) projette implicitement de diriger vers les Assedic. Or, en quoi ai-je démérité ? Ai-je volé quelque chose à quelqu'un ? N'ai-je pas donné au fur et à mesure que je recevais, persuadé que la dépense constituait le plus efficace acte social ? J'ai perçu quelques heures supplémentaires mais aucune subvention. Je n'ai touché d'autre argent public que la maigre solde d'un sous-officier durant mes quinze mois de service militaire. Je n'ai jamais bamboché aux frais d'une République qui examine à la loupe les additions de restaurant de ses dignitaires niais qui continue à les régler. Je n'ai pas fréquenté de paradis fiscaux. On chercherait en vain la plus petite niche chez moi depuis que j'ai cessé d'avoir des chiens. Une seule fois, je me suis délocalisé dans le cadre de la loi Pons à la coûteuse faveur d'un investissement hôtelier dans les DOM-TOM qui m'a fait perdre 100 % de ma mise. A la distribution des bonus, des stock-options et des dividendes, j'ai toujours été oublié. Mon casier judiciaire est vierge. Mon courage est intact.
           Je ne suis pas un damné de la terre. Mais je ne suis pas non plus un profiteur ou un esclavagiste. Je ne suis le protégé de personne sauf celui du public auquel je dois la longueur de mon parcours. J'ai mes opinions mais je n'ai jamais adhéré qu'au parti des amoureux de la France. J'ai versé à la collectivité davantage que je n'en ai reçu : pas un jour de chômage et une seule nuit d'hospitalisation en six décennies. Je me situe sans honte mais sans fierté excessive dans cette classe moyenne qu'on souhaite faire disparaître en nivelant notre société par le bas. Je refuse autant d'être culpabilisé par un politicien (qui voudrait qu'on prenne son inexpérience pour de la normalité) que la France accorde sa confiance à un homme que l'Europe prive de la sienne et qui, bien qu'ambitionnant de devenir le gardien de la Constitution, ne paraît pas s'être préoccupé de la constitutionnalité de ses propositions. Quant à moi, j'aurai nourri des enfants, construit des maisons, planté des arbres. Mission accomplie.

PHILIPPE BOUVARD           

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LES ANNALES ALGERIENNES
De E. Pellissier de Reynaud (octobre 1854)
Envoyé par Robert
LIVRE XIII
Le général Desmichels à Oran. - Expédition contre les Garaba. - Combats sous les murs d'Oran. - Occupation du port d'Arzew. - Occupation de Mostaganem. - Expédition de Tafaraoui. - La commission d'Afrique à Oran. - Perfidie de Kadour à Arzew. - Expédition de Temezoorar. - Correspondance du général Desmichels avec Abd-el-Kader. - Combat du 6 janvier. - Négociations pour la paix. - Traité de paix avec Abd-el-Kader. - Guerre d'Abd-el-Kader contre le Douair et les Zmela. - Turcs de Tlemcen. - Prétentions d'Abd-el-Kader sur les provinces d'Alger et de Titteri. - Événements de Bougie.

         Le général Desmichels, successeur du général Boyer, arriva à Oran le 25 avril 1855, pendant que le général Avizard exerçait le commandement par intérim à Alger, c'est-à-dire dans des circonstances extrêmement favorables à la continuation du système d'indépendance qu'avait affecté son prédécesseur, et qu'il adopta. Au reste, ce fut seulement en cela qu'il imita le général Boyer car, peu de jours après son arrivée, il prouva que son intention n'était point d'attendre dans Oran les attaques des Arabes. Ayant résolu d'aller les chercher jusque chez eux, il partit dans la nuit du 7 au 8 mai, avec près de 2,000 hommes de troupe et quatre obusiers de montagne; il se dirigea sur la tribu des Garaba, au sud-est d'Oran. Il arriva à la pointe du jour au milieu de quelques douars de cette tribu. Les Arabes, pris à l'improviste, n'opposèrent presque pas de résistance. On leur enleva une quantité assez considérable de bétail, quelques prisonniers, et quelques femmes qui furent conduites à Oran, et pour lesquelles on eut tous les égards convenables. Au moment où la colonne se préparait à exécuter son mouvement de retraite, elle fut assaillie par les guerriers des douars voisins, qui venaient au secours de leurs compatriotes. Elle ne fut pas un instant ébranlée, mais les Arabes la poursuivirent jusqu'à deux lieues d'Oran, où elle rentra avec ses prisonniers et le butin qu'elle avait fait. Le bétail servit à l'approvisionnement de la place, qui, depuis deux mois, manquait presque entièrement de viande fraîche.
         Abd-el-Kader ayant appris l'excursion que venait de faire le général français, réunit le plus de monde qu'il put, et vint s'établir à trois lieues d'Oran, dans un lieu appelé le Figuier, où depuis nous avons construit un camp retranché. Il était accompagné de son père Sidi-Mahiddin. Le général Desmichels fut à peine instruit de ce mouvement, qu'il résolut d'aller dans la nuit surprendre le camp des Africains. Il sortit donc de la place le 26 mai, avant le jour, pour exécuter son hardi projet, qui, selon toute apparence, aurait réussi ; mais quelques personnes moins audacieuses, ou, si l'on veut, plus prudentes, l'en détournèrent. Comme il était tout nouveau dans le pays, il crut devoir se rendre aux conseils de ceux qui paraissaient connaître les Arabes mieux que lui, puisqu'ils les combattaient depuis plus longtemps. En conséquence, il abandonna une entreprise qui pouvait arrêter, dès l'origine, l'essor que commençait à prendre Abd-el-Kader, et se mit en position en avant de la place, sur la route du Figuier, comme pour présenter le combat au chef africain. Celui-ci se contenta d'envoyer, lorsque le jour fut venu, quelques éclaireurs avec lesquels les nôtres échangèrent quelques centaines de coups de fusil. La position qu'occupaient les troupes françaises est un rideau élevé, en avant du fort Saint-André, au sud-est de la ville. Elle domine la plaine, ce qui la rend fort importante et très-convenable pour tenir l'ennemi éloigné de la place. Le général Desmichels, après l'avoir bien étudiée, résolut d'y placer un blockhaus. On procéda sur-le-champ aux travaux préparatoires, et, lorsqu'ils furent terminés, il rentra à Oran avec ses troupes.
         Le 27 au matin, il fit sortir de la place dix compagnies d'infanterie, un escadron de chasseurs et deux obusiers de montagne, pour protéger l'établissement du blockhaus que le génie se mit à élever tout aussitôt. Les tirailleurs arabes ne tardèrent pas à se présenter et à engager une vive fusillade avec cette troupe. Aux premiers coups de feu, le général Desmichels se rendit sur le terrain du combat, d'où il aperçut toute l'armée ennemie qui se dirigeait en deux colonnes vers la position que les Français occupaient; une d'elles cherchait même à la tourner et à se rapprocher de la ville. A cette vue, il adressa au général Sauzet, qui était resté à Oran, l'ordre de lui envoyer toutes les troupes qui ne seraient pas nécessaires à la défense du rempart, ce qui fut promptement exécuté. A peine ce renfort était-il arrivé, que l'attaque commença. Elle fut assez vive dans le principe, mais les charges impuissantes des Arabes furent facilement repoussées. Un de leurs détachements, qui commençait à tourner la droite de la ligne française, fut sabré par un escadron de chasseurs. La fusillade dura plusieurs heures, et ne coûta que trois morts et quarante blessés à la division française. L'ennemi eut beaucoup à souffrir du feu de notre artillerie. Abd-el-Kader, dans cette occasion comme dans toutes les autres, paya de sa personne, mais il dut céder â la supériorité des armes.
         Pendant le combat, les travaux du blockhaus furent poussés avec activité. Il fut sur pied avant la nuit; la division, après y avoir laissé un détachement de quarante hommes, rentra dans Oran. Les Arabes se retirèrent dans leur camp du Figuier. Pendant la nuit, ils envoyèrent reconnaître cet édifice improvisé, qu'ils avaient vu s'élever comme par enchantement, et dont ils ne s'expliquaient que confusément l'usage. Ceux qui furent chargés de cette mission s'approchèrent d'abord avec précaution des palissades qui défendaient les approches du blockhaus, et les examinèrent dans tous les sens. Enfin l'un d'eux, plus hardi que les autres, les escalada et vint regarder ce que contenait cette maison de bois, où tout était silencieux : car les soldats avaient reçu ordre de ne pas faire le moindre bruit, et d'attendre pour tirer qu'il y eût un certain nombre d'Arabes engagés entre les palissades et le blockhaus. En attendant le moment favorable, ils étaient tous accroupis contre les planches de l'édifice, de sorte que l'Arabe ne vit rien. Il se prit alors à rire et appela ses compagnons ; mais dans ce moment un soldat, plus impatient que tes autres, lâcha son coup de fusil et le tua; les trente-neuf autres coups partirent aussitôt, et mirent en fuite les Arabes, qui connurent alors l'usage d'un blockhaus.
         Le 28 et le 29, une pluie très-forte suspendit toute opération militaire. Le 30, dans la nuit, les Arabes vinrent attaquer le blockhaus avec une petite pièce de canon qui ne put tirer qu'un seul coup. Cette attaque fut sans résultat. Le 31, Abd-el-Kader leva son camp du Figuier, et reprit la route de Mascara, convaincu de I'inutilité de ses entreprises sur Oran.
         Malgré l'établissement du blockhaus dont nous venons de parler, qui prit le nom de blockhaus d'Orléans, et malgré l'issue favorable du combat du 27 mai, des partis d'Arabes continuèrent à rôder autour d'Oran, pour en éloigner ceux de leurs compatriotes qui auraient voulu y apporter des denrées, et pour tomber sur les hommes isolés. Un soldat ayant été tué par ces rôdeurs sur la route de Mers El-kébir, qui est sur le territoire de la tribu des Douair, le général Desmichels somma Mustapha-ben-Ismaël, chef de cette tribu, de livrer les coupables. Celui-ci n'ayant point répondu. Le général sortit, le 11 juin, avec une partie de sa division, dans l'intention d'obtenir par la force ce qu'on paraissait disposé à lui refuser. Il alla bivouaquer à Bridia, qui est un lieu où se tient un marché à une journée à l'ouest d'Oran, dans la direction de Tlemcen. Il rentra le lendemain à Oran, n'ayant rencontré que quelques cavaliers avec lesquels on échangea de rares coups de fusils. Cette expédition fût sans résultat. Les assassins ne furent pas livrés, et les environs d'Oman ne devinrent pas plus sers que par le passé. Cependant le général Desmichels ne négligeait rien de ce qu'il croyait propre à le faire tout à la fois craindre et aimer des indigènes. Il en délivra plusieurs qui gémissaient, depuis le générai Boyer, dans Ies prisons de Mers-el-Kebir, et il renvoya aux Garaba les femmes qui leur avaient été prises dans l'expédition du 7 mai. Voulant ensuite donner aux Arabes une haute opinion de sa puissance et de son activité, il résolut d'étendre le cercle de l'occupation française dans la province d'Oran, en établissant des garnisons à Arzew et à Mostaganem.

          Arzew, l'ancienne Arsenaria, est une ville qui, déjà à cette époque, comptait plus d'édifices en ruines que de maisons habitables. Elle servait cependant de demeure à une tribu kbaïle du Maroc, qui était venue s'y établir sous la protection du Gouvernement turc, à une époque que je ne saurais préciser. Cette petite colonie était administrée, lorsque nous nous emparâmes d'Oran, par un cadi, nommé Bethouna, qui, comme nous l'avons vu dans un des livres précédents, ne tarda pas à se mettre en relations amicales avec le Français. Lorsque l'on forma, à Oran, le 2e régiment de chasseurs d'Afrique, il fournit plusieurs chevaux que l'on venait prendre au port d'Arzew, distant de la ville d'une lieue et demie environ. Cette conduite ne pouvait plaire à Abd-el-Kader, qui, après avoir inutilement sommé Bethouna de rompre tout commerce avec les Français, finit par le faire enlever d'Arzew et conduire à Mascara, où il fut étranglé après une captivité de plusieurs mois. Ce fut dans ces circonstances que le général Desmichels se détermina à occuper non Arzew, mais son port qui est assez bon. Le 3 juillet, il fit partir, dans la soirée, les troupes d'Oran, sous le commandement du général Sauzet. Elles arrivèrent à leur destination le lendemain, et prirent possession d'un petit fort qui défend le mouillage et qui était depuis longtemps abandonné, ainsi que d'anciens magasins dont on fit des casernes. Ce fort et ces magasins étaient alors les seules constructions qui existassent sur ce point, que les Arabes appellent la Mersa, mais que nous avons pris l'habitude de désigner sous le nom d'Arzew, comme la ville dont il dépend. Le général Desmichels s'y rendit par mer de sa personne, et y arriva à peu près en même temps que les troupes que conduisait le général Sauzet. Il était accompagné de l'oncle, qui s'était rendu près de lui, dans la crainte de tomber, comme son neveu, entre les mains d'Abd-el-Kader.
         Pendant que les troupes françaises s'établissaient à la Mersa, celles d'Abd-el-Kader s'emparaient de la ville d'Arzew, et obligeaient les habitants de l'évacuer. Cela fait, elles vinrent se présenter devant nos avant-postes. Le 6 juillet, le général Desmichels envoya contre elles un bataillon d'infanterie et deux escadrons de chasseurs qui les repoussèrent et les poursuivirent jusqu'au-delà d'Arzew, où nous ne fîmes rien pour ramener la population. Cette malheureuse ville resta déserte. Bethouna l'avait entourée d'un petit mur de défense qui ne put la soustraire au sort qui lui était réservé. Cependant elle aurait peut-être bravé les attaques des Arabes, si la dissension ne s'était pas mise parmi les habitants, dont plusieurs repoussaient toute alliance avec les Français. Ceux qui étaient plus particulièrement attachés à la famille et au parti de Bethouna vinrent chercher un asile auprès de nous; ils étaient en assez petit nombre. Ils s'établirent les uns à Oran et les autres à Mostaganem ; mais l'immense majorité des anciens habitants d'Arzew se mêla aux tribus arabes de la plaine de CeIrat.
         La division française resta à la Mersa, que nous appellerons désormais Arzew, jusqu'au 15 juillet. Ce point fut mis en état de défense: un détachement de 500 hommes y fut laissé, et le reste des troupes rentra à Oran.

         Cependant Abd-el-Kader, loin de se laisser décourager par le mauvais succès de sa dernière entreprise sur Oran, travaillait avec une nouvelle ardeur à centraliser les forces des Arabes. Son pouvoir n'était encore reconnu que dans de quinze lieues autour de Mascara; il résolut de l'étendre jusqu'aux extrémités de la province. A cet effet, après s'être assuré de la coopération des Beni-Amer, il marcha sur Tlemcen. Cette ville était divisée en deux partis; les Turcs et les Koulouglis occupaient la citadelle appelée le Mechouar, ainsi que les quartiers qui en dépendent ; les Maures ou Hadar étaient maîtres du reste de la cité. Les premiers avaient à leur tête un Turc nommé Boursali; les seconds reconnaissaient l'autorité d'un certain Ben-Nouna, homme riche, éclairé et très-recommandable. Ces deux partis étaient en état de guerre permanent; mais comme, de part et d'autre, on avait intérêt à se ménager, les actes d'hostilité étaient peu sérieux. Cet état de choses favorisant les prétentions d'Abd-el-Kader, il se présenta avec quelques troupes devant Tlemcen, dans le courant de juillet, et somma Ben-Nouna de le reconnaître pour souverain. Celui-ci voulut résister : il en résulta un petit combat dans lequel il fut vaincu. Les Turcs et les Koulouglis déterminèrent sa défaite en l'attaquant par derrière,, pendant qu'il était aux prises avec Abd-el-Kader; elle fut si complète, que, craignant d'être livré à son ennemi, il se retira dans un marabout situé à quelque distance de Tlemcen, lequel était un asile inviolable. Il, en sortit secrètement la nuit suivante,, et s'enfuit au Maroc, auprès de l'empereur Abderrahinan, avec qui il était depuis longtemps en. relations. Maître de Tlemcen, Abd-el-Kader traita les habitants avec douceur. II ne tarda pas à gagner leur amour et leur confiance. Il leur donna pour kaid un des leurs, nommé Sidi-Hamadi , qui, sans avoir l'influence ni le mérite de Ben-Nouna, était cependant un homme assez distingué. La conduite qu'avaient tenue les gens du Méchouar pendant le combat qui avait eu lieu sous les murs de Tlemcen avait dit lui faire espérer qu'eux aussi reconnaîtraient son autorité ; mais il n'en fut rien : tout en promettant de vivre en paix avec lui, ils refusèrent de lui ouvrir les portes de la citadelle. Comme il n'avait point d'artillerie pour les y contraindre, il dut se contenter de leurs assurances de paix, et, évitant d'engager une lutte inutile, il reprit le chemin de Mascara.

         Il apprit en route la mort de son père, Sidi-Mahiddin ; il en fut profondément affecté : car, outre la tendresse qu'il avait pour lui, il ne se dissimulait pas que c'était au respect que les Arabes portaient à ce vieillard qu'il devait en partie sa puissance. En Afrique comme en Europe, il est rare que le vulgaire n'attribue pas à' un crime la mort d'un personnage politiqué un peu marquant. Aussi le bruit courut que Mahiddin avait été empoisonné par un émissaire de Ben-Nouna. On disait que l'ancien kaid de Tlemcen avait espéré anéantir la puissance d'Abd-el-Kader, en frappant celui sans les conseils duquel on ne le croyait pas encore capable de gouverner. Si le fait est vrai, ce que rien ne prouve, Ben-Nouna fit un faux calcul, car Abd-el-Kader, quoique privé de celui qui avait guidé ses premiers pas, se montra en tout digne du poste où la fortune l'avait appelé.
         Pendant que l'Émir était à Tlemcen, le général Desmichels marchait sur Mostaganem. Cette aille était occupée depuis 1830 par quelques centaines de Turcs à notre solde. Ils avaient à leur tête le kaid Ibrahim dont nous avons déjà parlé. Ce personnage avait soutenu plusieurs combats contre les tribus des environs de Mostaganem, qui étaient venues l'attaquer à plusieurs reprises ; mais, depuis quelque temps, il vivait en paix avec elles. Ses ennemis en prirent prétexte pour l'accuser de vendre aux Arabes la poudre qu'il recevait d'Oran, ce qui n'a jamais été prouvé, mais ce qui fit beaucoup d'impression sur le général Desmichels. Dès lors, Ibrahim fut considéré par lui comme un homme suspect et dangereux, dans lequel il était impossible d'avoir confiance, et qui ne serait point éloigné de livrer à Abd-el-Kader la place dont il avait le commandement. Il avait prêté le flanc à ces soupçons, en refusant de recevoir à Mostaganem des officiers français qu'on avait voulu lui envoyer, à diverses époques, pour examiner l'état de la place. Il avait donné pour raison de son refus qu'il ne pouvait répondre de leur sûreté; mais le général Desmichels put nécessairement en conclure qu'il était, ou de mauvaise foi, ou sans autorité réelle à Mostaganem. Dans l'une et l'autre hypothèse, la ville pouvait tomber entre les mains d'Abd-el-Kader d'un moment à l'autre. En conséquence, il prit la résolution de la faire occuper par une garnison française.
         Le 25 juillet, la frégate la Victoire et six bâtiments du commerce nolisés pour cette expédition partirent de Mers-el-Kebir, portant 1,400 hommes d'infanterie et deux obusiers de montagne. Le mauvais état de la mer força cette flottille de relâcher à Arzew ; elle y resta trois jours pleins, et reprit, le 27, le chemin de Mostaganem. Mais les vents s'étant déclarés contraires, le général Desmichels se détermina à débarquer au Port-aux-Poules, à l'embouchure de l'Habra. Le débarquement s'opéra sans difficulté. À cinq heures du soir, le petit corps d'expédition se dirigea sur Mostaganem. Il arriva dans la nuit à la fontaine de Sdidia, où il attendit le jour ; au matin, il se remit en route. Quelques Arabes se présentèrent sur le flanc droit de la colonne, mais leurs attaques furent peu vives, et ne ralentirent pas la marche un seul instant. A la nouvelle de l'arrivée des Français, la petite ville de Misigran ou Mazagran, située à une lieue en avant de Mostaganem, avait été abandonnée par ses habitants.
         Cependant le kaid Ibrahim n'était pas sans inquiétude; il savait qu'il avait été desservi auprès du général Desmichels, et, comme son arrivée ne lui avait pas été officiellement annoncée, il devait craindre qu'on ne lui réservât un mauvais parti. Néanmoins, fidèle aux engagements qu'il avait pris envers la France, il ne songea pas un instant à résister ; après avoir envoyé un de ses officiers au général français, pour l'assurer de sa soumission, il se rendit lui-même auprès de sa personne, et entra à sa suite à Mostaganem, où les Français arrivèrent le 28 juillet. Le commandant du fort de l'Est, moins bien disposé que lui, paraissait vouloir se mettre en état de défense, mais il lui envoya l'ordre formel d'ouvrir ses portes. Ainsi tombèrent les soupçons qui avaient plané un instant sur le kaid Ibrahim. On sut qu'Abd-el-Kader lui avait fait des offres très avantageuses, et qu'il les avait repoussées avec indignation. Au reste, la meilleure preuve qu'il ait pu donner de sa fidélité est la manière dont il se conduisit dans la circonstance qui nous occupe. Maître d'une ville fermée, armée de plusieurs pièces de canon de gros calibre, et n'ayant affaire qu'à 1,400 hommes sans artillerie de siége, il ne tenait qu'à lui de mettre le général Desmichels dans une position extrêmement critique. II n'avait qu'à fermer ses portes pour obliger les Français de se replier en toute hâte sur le Port-aux-Poules ou sur Arzew, où ils ne seraient pas arrivés sans avoir eu sur les bras tous les cavaliers de la plaine de Ceïrat, qui commençaient déjà à se réunir.
         Le général Desmichels, après avoir pris possession des forts, établit ses troupes au bivouac en dehors de la ville. Les habitants furent prévenus qu'ils seraient protégés par l'autorité française, mais que, du reste, ils étaient libres, s'ils le désiraient, de quitter la ville avec leurs richesses mobilières. Presque tous préférèrent ce dernier parti, et, dans peu de jours, Mostaganem fut presque entièrement dépeuplée. Le peu d'indigènes qui y restèrent durent se concentrer dans la ville proprement dite: Le quartier de Matamore, qui est dans une position dominante, fut exclusivement réservé à la garnison.
         Dès le lendemain de l'arrivée des Français à Mostaganem, les Arabes vinrent les y inquiéter. Leurs attaques furent assez languissantes le 29 et le 30 ; mais, le 31, elles devinrent sérieuses sur la droite du camp. Il y eut ce jour-là un engagement assez vif dans lequel l'ennemi perdit une cinquantaine d'hommes. Le 2 août, Abd-el-Kader, qui était de retour de son expédition de Tlemcen, se présenta en personne sous les murs de Mostaganem avec des renforts considérables. Le général Desmichels crut alors qu'il était prudent de lever le camp et de renfermer ses troupes dans Matamore et dans les forts. La garde de Mostaganem fut confiée aux Turcs. Quant au général, il s'embarqua sur la frégate la Victoire, qui était mouillée auprès de Mostaganem, et retourna à Oran avec l'intention de profiter de l'éloignement d'Abd-el-Kader pour opérer une diversion dans le centre de la province. Il laissa le commandement-de Mostaganem au lieutenant-colonel Dubarail, qui avait été mis depuis peu à sa disposition ; mais bientôt après il envoya sur ce peint, en qualité de commandant supérieur, le colonel Fitz James. Il emmena à Oran le kaïd Ibrahim et une partie de ses Turcs : cet officier rentra dans la vie privée, d'où il ne sortit que sous I'administration du comte d'Erlon. Ainsi s'effectua l'occupation de Mostaganem par les troupes françaises. Le général Desmichels l'opéra, non-seulement sans en avoir prévenu le général Voirol, à qui il daignait à peine faire connaître les faits accomplis, mais même sans y avoir été autorisé par le ministre de la guerre. Ce général savait beaucoup prendre sur lui. C'est une faculté précieuse dans un commandement éloigné, et dont il fit un bon usage dans cette circonstance, car les événements ont prouvé I'immense utilité de l'occupation de Mostaganem.

          Le lendemain de sa rentrée à Oran, le 5 août, le général Desmichels fit partir de cette ville, dans la soirée, douze à treize cents hommes d'infanterie et de cavalerie pour aller attaquer les Zemela, leur faire le plus de mal possible, et obliger les tribus, dont les guerriers avaient suivi Abd-el-Kader à Mostaganem, de les rappeler par la crainte d'un sort semblable. Le commandement de ce petit corps fut confié au colonel de L'Etang, du 2° régiment de chasseurs d'Afrique. Cet officier supérieur arriva, le 6 au point du jour, auprès de plusieurs douars des Zemela, non loin d'une montagne appelée Tarfaoui, qui est un des pics les plis élevés du pays. Il mit en position son infanterie et deux pièces de montagne qu'il avait avec lui, et se porta ensuite sur les douars avec la cavalerie, divisée en trois corps, et les Turcs à notre solde. Les Arabes, surpris comme dans l'affaire du 7 mai, se laissèrent enlever une grande quantité de bétail et plusieurs femmes et enfants que les chasseurs poussèrent devant eux, après que les habitations eurent été pillées. A peine le mouvement de retraite eut-il commencé, que les Arabes, qui avaient abandonné leurs douars, se rallièrent et se mirent à tirer sur nos cavaliers ; ceux-ci se replièrent sur l'infanterie, au petit pas, en ripostant à leurs adversaires. Toute la colonne reprit ensuite la route d'Oran, harcelée par les Arabes dont le nombre augmentait de minute en minute. Le soleil était depuis longtemps sur l'horizon, et la chaleur de la saison, augmentée par le terrible vent du sud qui se mit à souffler, devint bientôt insupportable. L'infanterie déjà écrasée de fatigue, que l'on avait eu l'imprévoyance de faire partir sans vivres et qui ne trouvait pas une goutte d'eau à boire, avançait lentement. Sa marche était en outre retardée par les blessés qu'il fallait transporter à bras, tout autre moyen manquant. Les Arabes, de leur côté, faisaient leur possible pour empêcher la colonne d'avancer, afin de donner le temps aux guerriers des douars éloignés de se réunir. Plusieurs d'entre eux se jetèrent en avant de la direction qu'elle suivait, et mirent le feu aux herbes et aux broussailles qui couvraient le sol jusqu'à une grande distance ; il en résulta un immense incendie qui vint encore augmenter la chaleur accablante de l'atmosphère. Les flammes, après avoir dévoré rapidement la léger- pâture qui leur était offerte, s'éteignirent bientôt d'elles-mêmes; mais nos soldats furent obligés de marcher longtemps sur une cendre chaude d'où s'exhalaient des vapeurs suffocantes. Alors le découragement s'empara de l'infanterie. On vit des hommes jeter leurs armes et refuser de marcher malgré les prières de leurs chefs; ils se couchaient et achetaient un instant de repos au prix de leur vie, que le yatagan des Arabes ne tardait pas à leur ôter. Ceux à qui il restait assez de force pour marcher n'en avaient point assez pour combattre. La cavalerie eut donc à soutenir, à peu près seule, les attaques des Arabes ; elle le fit avec une bravoure et un dévouement dignes des plus grands éloges. Enfin la colonne, après bien des fatigues, arriva à la fontaine du Figuier ; mais un nouveau danger l'y attendait ; car les fantassins, après s'être disputé une eau malsaine et croupissante, s'entassèrent sous les quelques arbres qui se trouvent en cet endroit, et il fut impossible de les faire marcher. Dans ce moment critique, le colonel de L'Etang, dont le courage grandissait avec le danger, déclara à ses officiers qu'il fallait se préparer à périr avec l'infanterie ou à la sauver. Tous applaudirent à cette noble détermination. Aussitôt les chasseurs entourent cet amas d'hommes à demi morts qui gisaient sous les figuiers, et se disposent à soutenir de pied ferme les charges de l'ennemi. Les Arabes, intimidés par leur contenance, n'osèrent heureusement en pousser aucune à fond. Beaucoup d'entre eux venaient de très-loin à une allure très-vive, de sorte que leurs chevaux pouvaient à peine se traîner ; ensuite, ils se laissèrent imposer par les deux obusiers de montagne, qui leur firent assez de mal. Cependant M. Desforges, officier d'ordonnance du général Desmichels, qui avait suivi le colonel de L'Etang, s'était dévoué au salut commun pour aller instruire son général du triste état des choses. La fortune secondant son courage, il parvint à Oran sans accident. Aussitôt le général Desmichels partit avec des renforts considérables, des rafraîchissements et des moyens de transports. Les Arabes se dispersèrent à son approche, et la colonne de M. de L'Etang, après avoir bu et mangé, put regagner Oran où, malgré ce qu'elle avait souffert, elle eut encore le bonheur de ramener son butin et ses prisonniers.
         Après le départ du général Desmichels, Abd-el-Kader poussa avec vigueur ce qu'on peut appeler le siége de Mostaganem. Il établit le gros de ses troupes dans le faubourg ruiné de Tistid, et dirigea le 3 ses attaques sur les postes extérieurs. Un marabout situé au bord de la mer, et défendu par une compagnie du 66e de ligne, fut le but principal de ses efforts. Son dessein était sans doute de couper les communications entre la place et la mer, mais il ne put en venir à bout. Les troupes qu'il envoya sur ce point, repoussées par la compagnie du 66e, furent chargées par trois autres compagnies qui sortirent de la place, et leur firent éprouver des pertes considérables. Le 5, ce marabout fut de nouveau attaqué. Un brick français, qui était ce jour-là au mouillage, écrasa les Arabes de son feu, et les força à la retraite. Ils rentrèrent dans leur position de Tistid, d'où ils ressortirent bientôt pour attaquer le corps même de la place. Ils le firent avec une intrépidité peu commune. Comme ils étaient sans artillerie pour battre les murs, ils cherchèrent à les saper, dans un endroit où la courtine n'était point flanquée, et où, par conséquent, ils étaient à l'abri du feu de la place, une fois parvenus au pied du rempart. Leur audacieuse entreprise aurait peut-être réussi, si le lieutenant Géraudon et quelques grenadiers ne s'étaient pas mis à califourchon sur le mur pour faire feu sur les assaillants, qui ne se retirèrent qu'après avoir perdu beaucoup de monde. Le 7, les attaques furent plus molles. Le 8, l'état de la mer ayant forcé le brick qui était au mouillage de prendre le large, le marabout fut de nouveau attaqué, mais sans succès. Le 9, les Arabes s'éloignèrent de la place et en levèrent le siége, Abd-el-Kader retourna à Mascara, et les guerriers de chaque tribu rentrèrent dans leurs douars respectifs, craignant une attaque inopinée, comme celle qui avait eu lieu contre les Zmela.
         Ces derniers, désirant revoir leurs femmes et leurs troupeaux, qui leur avaient été enlevés dans la journée du 6 août, ne tardèrent pas à demander la paix. Ils envoyèrent quelques-uns des leurs au général Desmichels, qui consentit à les écouter. Après quelques pourparlers, il fut convenu que les Zmela renonceraient à l'obéissance envers Abd-el-Kader, et qu'ils viendraient s'établir sous la protection de la France, dans la belle vallée de Miserghin, à trois lieues d'Oran. Ils livrèrent des Mages pour garantie de leur bonne foi. A ces conditions, les prisonniers furent rendus, ainsi que les troupeaux.
         Vers la fin de septembre, la commission d'Afrique arriva à Oran. Le 1er octobre, elle alla visiter la vallée de Miserghin, escortée par une partie de la division. Un parti assez considérable d'Arabes vint attaquer la colonne française, mais il fut repoussé après un engagement assez vif, où nous eûmes quelques morts et une trentaine de blessés. Le vieux général Bonnet ne chercha pas, comme à Boufarik, à s'emparer du commandement; il se contenta de donner personnellement des preuves de cette brillante valeur qui l'avait rendu si célèbre dans sa jeunesse. Le l octobre, la commission alla visiter la position du Figuier. Les Arabes se présentèrent en petit nombre, et il n'y eut que quelques coups de fusil tirés.
         Cependant les tribus, qui depuis longtemps n'avaient plus de débouchés pour leurs denrées, commençaient à souffrir de cet état de choses et à être lasses de la guerre. Les Medjar se mirent à fréquenter le marché de Mostaganem, les Bordjia approvisionnaient Arzew, les Zmela et mime les Douait. venaient assez publiquement à Oran. Abd-el-Kader lui-même n'était pas éloigné de la paix ; mais, comme il voulait en avoir l'initiative, il prit des mesures sévères pour faire cesser ces relations partielles contraires à l'unité gouvernementale qu'il voulait établir chez les Arabes. Les tribus cédèrent à son ascendant; les Zmela eux-mêmes ne purent remplir les engagements qu'ils avaient pris avec nous. Parmi les Arabes que le désir du lucre avait attirés sur nos marchés, était un certain Kadour, un des cheikhs des Bordjia. Cet homme, sachant qu'Abd-el-Kader le considérait comme un des principaux instigateurs de la réaction commerciale qui tendait à s'opérer, résolut de désarmer sa colère en lui offrant quelques têtes de chrétiens. A cet effet, il se présenta à Arzew, où il était connu, avec quelques denrées; après les avoir vendues, il affecta de craindre de tomber entre les mains de quelques cavaliers d'Abd-el-Kader, qu'il disait rôder dans le voisinage, et il demanda qu'on voulût bien lui donner une escorte pour l'accompagner jusqu'à un endroit peu éloigné qu'il désigna. Le commandant d'Arzew, obtempérant à sa demande, lui donna quatre chasseurs commandés par un maréchal des logis; mais à moins d'un quart de lieu d'Arzew, ces malheureux tombèrent dans une embuscade dressée, dit-on, par Kadour lui-même. Un d'eux périt, et les quatre autres furent conduits prisonniers à Mascara. Le général Desmichels écrivit à Abd-el-Kader- pour les réclamer, disant qu'ils avaient été pris contre le droit des gens.
         L'Émir répondit que ses cavaliers les avaient pris en bonne guerre, escortant des Arabes qui, contre sa défense, s'étaient rendus sur nos marchés; que s'ils s'étaient laissé tromper par quelques misérables qu'il désavouait, cela ne le regardait nullement, et ne changeait rien à la question; que, du reste, il les rendrait moyennant 1000 fusils par prisonnier. Cette proposition ne pouvant être acceptée, il ne fut pas donné suite, pour le moment, à cette affaire.
         L'Émir, dans sa lettre au général Desmichels, lui reprochait de n'avoir fait encore que des surprises, et lui jetait le défi de venir le combattre loin d'Oran. Un mois après la réception de cette lettre, le général apprit qu'Abd-el-Kader, qu: revenait d'une course du côté de Tlemcen, était campé dans la plaine de Meléta, sur le territoire des Zmela, en un lieu appelé Temezourar. A cette nouvelle, il partit avec presque toutes ses troupes à six heures du soir, le 2 décembre, et se dirigea sur ce point, où il arriva avant le jour ; mais au lieu d'attaquer le camp d'Abd-el-Kader, on tomba sur quelques douars, où beaucoup d'Arabes furent égorgés, et où l'on prit une cinquantaine de femmes et d'enfants. La division commença ensuite son mouvement de retraite, et alla faire halte à une certaine distance, sans être trop inquiétée par les Arabes, qui n'étaient encore qu'en petit nombre ; mais bientôt tout le camp d'Abd-el-Kader fut sur pied, et lorsque la colonne se remit en marche, elle se trouva entourée d'une nuée de cavaliers. Le général Desmichels, avant de reprendre son mouvement rétrograde, renvoya à l'ennemi les femmes et les enfants qui étaient tombés entre les mains de nos soldats. Je ne sais si les Arabes virent en cela un aveu de notre faiblesse, mais leurs attaques en devinrent plus acharnées. La division d'Oran sortait pour la première fois avec de l'artillerie de campagne; jusque-là elle n'avait eu que des pièces de montagne. Cette artillerie, bien dirigée, fit un mal affreux à l'ennemi, qui, malgré les pertes énormes qu'il faisait à chaque instant, poursuivit cependant la colonne française jusqu'à la nuit. Les deux partis s'attribuèrent le succès de cette journée : les Français parce qu'ils avaient résisté avec avantage aux attaques des Arabes, les Arabes parce qu'ils avaient vu les Français continuellement en retraite devant eux, Ce qu'il y eut de singulier dans cette affaire, c'est que les étages des Zmela., qui étaient avec nous, se battirent dans nos rangs coutre leurs compatriotes. Le kaid Ibrahim. suivit l'expédition eu volontaire et se conduisit bravement.
         Il ne se passa plus rien de remarquable à Oran jusqu'au. 6 janvier f854.. Ce jour-là, un parti assez considérable d'Arabes s'étant présenté en vue de la place, deux escadrons de chasseurs; commandés par le commandant de Thorigny, montèrent à cheval et allèrent le reconnaître. Cet officier supérieur, emporté par son courage, s'avança trop loin, et eut bientôt sur les bras une nuée d'ennemis avec lesquels il lutta quelque temps avec avantage; mais le colonel Oudinot, qui avait remplacé depuis peu le colonel de L'Étang rappelé en France, arriva. sur ces entrefaites, suivi des trois autres escadrons de sen régiment, crut devoir ordonner la retraite. Elle se fit avec si peu d'ordre et tant de précipitation, que les escadrons de M. de Thorigny perdirent- dix-sept hommes, dont- un officier. L'ennemi ne s'arrêta qu'à la vue d'un fort détachement d'infanterie qui marchait à sa rencontre. II eut le temps d'emporter les tètes coupées aux hommes tués, conformément à un usage barbare que nous avons le tort d'imiter trop souvent. Cette affaire malheureuse fut la dernière. Le général Desmichels, voyant les résultats équivoques des expéditions, même les plus heureuses sous le point de vue militaire, désirait la paix. La disette commençait à se faire sentir à Oran, où rien n'arrivait plus par terre, et, comme les mesures habiles prises par Abd-el-Kader rendaient impossible tout arrangement partiel. Le général Desmichels avait essayé de traiter avec Mustapha-ben-Ismaël, chef des Doucir, et avec son neveu El-Mzari, mais ces négociations ne purent avoir de suite.

          l résolut de faire des ouvertures à l'Émir lui-même, afin d'arriver à. une pacification générale. M. Busnac, fils du négociant israélite dont il est fait mention au 1er livre de cet ouvrage, qui était fort avant dans sa confiance et qui connaissait parfaitement les affaires du pays, le confirma dans cette détermination; mais il. était assez difficile d'entamer celle-ci, sans augmenter chez Abd-el-Kader le sentiment de sa puissance, et faire naître en lui des prétentions exagérées. Pour parer autant que possible à cet inconvénient, le général. Desmichels écrivit de nouveau à Abd-el-Kader au sujet des prisonniers faits à Arzew. Après lui avoir parlé de l'affaire qui, par la forme, paraissait être la principale, il lui disait à la fin de la lettre que, s'ils pouvaient se voir tous deux quelques instants, ils. parviendraient peut-être à s'entendre et à arrêter l'effusion du sang. En. même temps, un juif d'Oran; nommé Amar Mardochée,. écrivait à Ben-Harach, un des principaux officiers d'Abd-el-Kader, que les Français étaient dans les meilleures dispositions à l'égard de l'Émir, et que celui-ci ne pouvait rien faire de plus avantageux à sa puissance que de traiter avec eux. Abd-el-Kader, malgré tous ces détours, vit bien qu'on lui demandait la paix, et qu'il allait être maître du terrain des négociations; il répondit au général français que sa religion, qui lui défendait de demander la paix aux chrétiens, ne lui interdisait pas de l'accorder, et qu'en conséquence il consentait à recevoir ses propositions. Il éluda l'offre d'une entrevue qui lui avait été faite par le général Desmichels, mais il envoya sous les murs d'Oran Milord ben-Harach et un autre de ses officiers, pour que le général leur fit connaître, par l'intermédiaire d'Amar, sur quelles bases il voulait traiter. Cette démarche charma le général Desmichels, car elle paraissait rétablir l'égalité entre lui et l'Émir. En effet, si d'un côté il avait fait les premières ouvertures, de l'autre on pouvait dire qu'Abd-el-kader était allé au devant de ses propositions. Comme c'était ici une affaire de la plus haute importance, il réunit auprès de lui les principaux fonctionnaires d'Oran, pour leur soumettre la question. Il fut convenu, dans cette assemblée, que l'on ne pouvait traiter que sur les trois bases suivantes :
         1° soumission des Arabes à la France sans restriction;
         2° liberté de commerce pleine et entière;
         3° remise immédiate des prisonniers. Ces bases furent communiquées aux envoyés de l'Émir, qui les transmirent à leur maître. Celui-ci demanda que les propositions du général français fussent plus explicitement formulées, et renvoya Ben-Harach avec mission de lui rapporter le projet de traité. Le général le rédigea donc, et le remit à Ben-Harach, avec qui il fit partir M. Busnac et le commandant Abdalla d'Asbonne, Chrétien de Syrie, au service de la France depuis l'expédition d'Egypte. Abd-el-Kader était alors sur l'Habra. Il reçut fort bien les envoyés du général français, lut avec attention les conditions qui lui étaient offertes, donna ses instructions à Ben-Harach, et le fit repartir pour Oran avec des pleins pouvoirs pour conclure. Voulant donner au général Desmichels un gage anticipé d'amitié, et peut-être l'éblouir par un acte apparent de générosité, il lui renvoya en même temps les prisonniers d'Arzew. Ben-Harach, après plusieurs jours de discussion, tantôt avec le général Desmichels seul, tantôt eu présence du conseil, convint, le 26 février, des dispositions suivantes, qui furent approuvées des deux partis, et qui constituèrent le traité de paix dont voici le texte :

          TRAITÉ DE PAIX.
         Conditions des Arabes pour la paix.

         1° Les Arabes auront la liberté de vendre et acheter de la poudre, des armes, du soufre, enfin tout ce qui concerne la guerre ;
         2° Le commerce de la Mersa (Arzew) sera sous le Gouvernement du prince des Croyants, comme par le passé, et pour toutes les affaires. Les cargaisons ne se feront pas autre part que dans ce port. Quant à Mostaganem et Oran, ils ne recevront que les marchandises nécessaires aux besoins de leurs habitants, et personne ne pourra s'y opposer. Ceux qui désirent charger des marchandises devront se rendre à la Mersa;
         3° Le général nous rendra tous les déserteurs et les fera enchaîner. Il ne recevra pas non plus les criminels. Le général commandant à Alger n'aura pas de pouvoir sur les Musulmans qui viendront auprès de lui avec le consentement de leurs chefs ;
         4° On ne pourra empêcher un Musulman de retourner chez lui quand il le voudra.
         Ce sont là nos conditions qui sont revêtues du cachet du général commandant à Oran.

          Conditions des Français.
         1° A compter d'aujourd'hui, les hostilités cesseront entre les Français et les Arabes ;
         2° La religion et les usages des Musulmans seront respectés;
         5° Les prisonniers français seront rendus;
         4° Les marchés seront libres ;
         5° Tout déserteur français sera rendu par les Arabes;
         6° Tout chrétien qui voudra voyager par terre devra être muni d'une permission revêtue du cachet du consul d'Abd-el-Kader et de celui du général.
         Sur ces conditions se trouve le cachet du prince des Croyants. Ce traité, tel qu'il est mis ici sous les yeux du lecteur, a été traduit sur l'original arabe.

          Ce traité s'éloignait, comme on le voit, des bases qui avaient été arrêtées en conseil. II était tout à l'avantage d'Abd-el-Kader. Par des circonstances que je ne cherche pas à expliquer, la deuxième partie fut seule communiquée au Gouvernement.
         Le général Voirol, qui était resté étranger à toutes ces négociations, fut instruit de ce qui venait de se passer par les dépêches du général Desmichels, que des officiers d'Abd-el-Kader lui apportèrent par terre. Elles étaient accompagnées d'une lettre de l'Émir, qui paraît s'être rappelé, avant le commandant d'Oran, qu'il existait un général en chef à Alger.
         Immédiatement après la conclusion de la paix, le général Desmichels envoya à Mascara, pour représenter les intérêts de la France, le commandant Abdalla d'Asbonne, qu'il fit accompagner de deux officiers d'état-major. L'Émir, de son côté, établit des oukils ou représentants à Oran, Mostaganem et Arzew. Celui qu'il envoya à Arzew fut Kalilïa-ben-Mahmoud. C'était un des hommes les plus influents de la tribu des Garaba. Le poste que lui confiait Abd-el-Kader était de la plus haute importance, puisque, aux termes du traité, le commerce d'Arzew allait appartenir exclusivement à l'Émir.
         Cependant la nouvelle de la pacification de la province d'Oran se répandit rapidement dans toutes les parties de la Régence. La deuxième partie du traité, la seule dont le public européen connut alors l'existence, fit croire que [e commerce serait libre; dans cette persuasion, quelques négociants d'Alger établirent un comptoir à Arzew: mais quelle ne fut pas leur surprise lorsqu'ils se virent soumis au monopole qu'Abd-el-Kader prétendait exercer dans cette place ! L'Émir s'était constitué le seul négociant de ses Etats, à l'exemple du pacha d'Egypte. Il était interdit aux Arabes de traiter directement avec les Européens. Ils devaient vendre à l'oukil d'Abd-el-Kader à des prix fixés par lui-même, et celui-ci revendait ensuite aux marchands européens, qui perdaient ainsi tout l'avantage des marchés de première main. La marche générale du commerce était en outre entravée par ce manque de libre concurrence. Le représentant de la maison française établie à Arzew porta ses plaintes au général Desmichels, qui répondit que le commerce était libre en droit, que le traité l'avait stipulé, et que la réclamation qui lui était adressée provenait sans doute de quelque malentendu. Fort de cette déclaration, le négociant français traita avec un Arabe de la tribu d'Ham Ian pour plusieurs charges d'orge qui furent transportées à la porte de son magasin. Kalifa, instruit du fait, se rendit sur les lieux, maltraita l'Arabe, et s'empara de l'orge qu'il paya d'après le tarif arrêté par Abd-el-Kader. Le Français réclama la protection de l'autorité locale, qui déclara que, d'après les ordres du général Desmichels, elle ne pouvait s'opposer en rien aux mesures commerciales que l'oukil de l'Émir jugeait convenable de prendre. Ce fait était très-grave; il fut signalé au général en chef. Vers le même temps, un rapport de M. Sol, sous-intendant civil d'Oran, parvenait à M. Gentil de Bussy. Le monopole exercé par les agents d'Ad-el-Kader à Arzew y était formellement dénoncé, et on l'attribuait à des concessions imprudentes faites secrètement à l'Émir par le général Desmichels. Il y était dit également, qu'au mépris de la législation existante dans la Régence sur les' céréales, législation qui en prohibait l'exportation, Abd-el-Kader avait été autorisé à charger pour l'Espagne deux navires de grains dans le port d'Arzew. Le général Voirol ne pouvait évidemment tolérer de pareils actes. II en écrivit., avec toute la réserve convenable, au général Desmichels, qui nia l'existence du monopole, et qui se retrancha derrière son ignorance de l'arrêté, du 15 juillet 1832, prohibitif de l'exportation des céréales, pour ce qui concernait les deux navires. Il faut qu'il y ait eu dans cette affaire quelque chose d'inexplicable, car pendant toute la durée de son administration, M. le général Desmichels a nié l'existence du monopole, quoique ses dénégations vinssent continuellement se briser contre l'évidence des faits.
         Pendant que ce général subissait les conséquences du peu de réflexion qu'il avait apporté à la rédaction de son traité avec Abd-el-Kader, le jeune émir était sur le point de voir s'écrouler l'édifice encore fragile de sa puissance.
         Quoique adoré du peuple, dont il était en quelque sorte une émanation, il avait beaucoup d'envieux, comme en ont toujours le mérite et la vertu lorsque par hasard la fortune leur sourit. Dans la vallée du Chélif, Sidi-el-Aribi, chef de la tribu de ce nom, lui reprochait d'avoir traité avec les chrétiens, quoiqu'il n'eût pris lui-même qu'une part fort indirecte à une guerre dont tout le poids était tombé sur Abd-el-Kader. Mustapha-ben-Ismaél, chef des Douair, qui avait été agha sous la domination des Turcs, ne lui donnait pas sans dépit le titre de sultan que lui avait décerné la reconnaissance des peuples ; Kadour-ben-el-Morfi, chef des Bordjia, accoutumé à une vie licencieuse et vagabonde, voyait avec peine l'ordre et la paix se consolider. Ces hommes à mauvaises passions n'attendaient qu'une occasion pour éclater. Elle ne tarda pas à se présenter. Après la paix, les Beni-Amer, la tribu la plus populeuse de la province, se refusèrent à payer l'achour, prétextant que la cessation de l'état de guerre rendait cet impôt inutile. L'Émir ordonna aussitôt aux Douair et aux Zemela de se tenir prêts à marcher contre eux au premier signal. Mais, en homme qui veut n'employer la force que là où la raison est impuissante, avant de combattre, il voulut chercher à persuader. Plusieurs cheikhs des Beni-Amer étaient alors à Mascara. lin jour qu'ils étaient réunis à la mosquée, il s'y rendit de son côté, et du haut de la chaire sacrée, qui était pour lui une tribune nationale, il prononça un discours sur l'obligation imposée à tous les citoyens de contribuer aux charges de l'État dans I'intérêt général. Son éloquence ne fut pas perdue ; les Beni-Amer promirent de payer l'achour, ce qu'ils firent en effet; mais déjà les Douair et les Zemela, gens de rapine, habitués sous les Turcs à servir d'instruments au pouvoir par l'appât du pillage, avaient commencé les hostilités. Abd-el-Kader leur envoya l'ordre de les cesser, mais ils n'en tinrent-aucun compte ; leur chef Mustapha, les voyant dans ces dispositions, leva le masque et les détermina à se mettre en pleine révolte contre l'Émir. Abd-el-Kader marcha contre eux; mais, trop confiant dans ses forces, il se laissa surprendre par Mustapha dans la nuit du 12 avril, et fut mis en pleine déroute. Il fit personnellement des prodiges de valeur, et eut deux chevaux tués sous lui. Démonté et presque sans armes, il allait périr ou être pris, lorsque son cousin et beau-frère, Miloûd-ben-Sidi-Boutaleb, homme d'une force prodigieuse, l'arracha de la mêlée et le mit sur son cheval. Il rentra presque seul à Mascara, où son ennemi n'osa le poursuivre. Mustapha, étonné de sa victoire, chercha à négocier avec les Français et à obtenir leur alliance aux mêmes conditions qu'Abd-el-Kader. Ses offres furent repoussées. Le général Desmichels écrivit à l'Émir pour l'assurer de la continuation de son amitié et l'engager à ne pas se laisser abattre par ce premier revers. Il lui fit délivrer quatre cents fusils et une quantité assez considérable de poudre, dont Abd-el-Kader versa le prix à Oran. Déjà, à l'époque de la signature du traité de paix, il lui avait fait gratuitement un cadeau de cette nature.
         Cependant, à la nouvelle de la défaite de l'Émir, Sidi-el-Aribi avait arboré l'étendard de la révolte ; Kadourben-el-Morfi en avait fait autant, et El-Gomari, chef de la tribu d'Angad, s'était uni à Mustapha , de sotie qu'Abd-el-Kader se trouva entouré d'ennemis. Le kaïd de Tlemcen, Sidi-Hamadi, négociait de son cité avec Mustapha, et cette ville importante était aussi sur le point de lui échapper. Tant de désastres ébranlèrent un instant son âme ; mais bientôt son énergie naturelle reprit le dessus. Les circonstances, excessivement graves, demandaient une prompte et vigoureuse détermination. Mustapha-ben-Ismaël, repoussé parle général Desmichels, songeait à s'adresser au général Voirol. Il était à craindre pour l'Émir que les offres de son rival, arrivant dans un moment où on était mécontent à Alger des concessions faites à Abd-el-Kader, ne fussent accueillies par le général en chef, et que celui-ci ne tournât les yeux sur Mustapha pour créer dans la province un pouvoir parallèle à celui du fils de Mahiddin. Le général Desmichels, par amour pour un état de choses qu'il avait créé, avait les mêmes appréhensions. En conséquence, il engagea fortement l'émir à se mettre en campagne, et alla établir lui-même son camp à Miserghin, pour imposer à Mustapha par cette démonstration.
         Abd-el-Kader, après avoir réuni Ies tribus qui lui étaient restées fidèles, sortit donc de Mascara et vint camper sur les bords du Sig. On s'attendait à le voir fondre sur Mustapha ; mais tournant brusquement vers l'est, il alla attaquer les Bordjia qu'il défit complètement. Il s'empara du fort village d'El-Bordj, et força en peu de jours toute cette contrée à rentrer dans le devoir. Cela fait, il marcha contre Mustapha. Les deux rivaux se rencontrèrent le 12 juillet. Il suffit de l'avant-garde de l'Émir, commandée par l'agha Abib-Eoualem, pour mettre en pleine déroute les troupes de Mustapha, qui fut lui-même assez grièvement blessé. Vaincu, malade, et bientôt abandonné de presque tout son parti, Ben-Ismaël implora la clémence de son vainqueur, qui lui pardonna généreusement. Les effets de l'indulgence de l'Émir s'étendirent, sans distinction, à tous les rebelles, dont une partie s'étaient réfugiés sous les murs d'Oran, en invoquant la médiation de la France ; ils n'eurent à regretter que le sang qu'ils avaient perdu dans le combat; pas u-i seul acte de vengeance ne souilla le triomphe de l'Émir.
         Immédiatement après sa victoire, Abd-el-Kader marcha sur Tlemcen. II avait depuis quelques jours auprès de lui Ben-Nouna, avec qui l'empereur de Maroc l'avait réconcilié. Mécontent, à juste titre, de Sidi-Hamadi, il le destitua, et rendit à Ben-Nouna ses anciennes fonctions. Les habitants de Tlemcen reçurent l'Émir avec transports : mais les Turcs du Méchouar refusèrent, comme à l'époque de son premier voyage, de le laisser pénétrer dans la citadelle, et il eut encore la douleur et l'humiliation de ne pouvoir même chercher à les y contraindre. Cependant, comme il tenait beaucoup à soumettre des gens qui bravaient si insolemment son autorité, il demanda au général Desmichels deux obusiers pour foudroyer le Méchouar. Le commandant d'Oran ne crut pas devoir prendre sur lui de faire un tel présent. Il soumit néanmoins sa demande au ministre de la guerre, qui l'autorisa à fournir Ies deux obusiers, s'ils étaient demandés de nouveau ; mais avant que cette réponse fût parvenue à Oran, Abd-el-Kader s'était éloigné de Tlemcen Les Douair et les Zemela, rentrés dans le devoir, furent traités avec autant de douceur que les autres tribus. Un de leurs chefs, El-Mezari, neveu de Mustapha, fut nommé agha. Quant à Mustapha lui-même, ne pouvant se résoudre à vivre sous la domination d'Abd-el-Kader, il se retira auprès des Turcs du Méchouar.
         Le général Desmichels désirait vivement avoir une entrevue avec l'Émir, à son retour de Tlemcen Il le lui exprima par une lettre, en termes très-flatteurs pour le jeune chef ; mais celui-ci ne crut pas devoir accéder à sa demande, prenant pour prétexte que des affaires très-pressantes exigeaient qu'il rentrât sans délai à Mascara. Le général revint dans la suite plusieurs fois à la charge, sans être plus heureux. Abd-el-Kader était loin de se méfier de son allié ; sa répugnance à se trouver avec lui tenait uniquement à des raisons d'étiquette. Se croyant souverain et en ayant le titre, il aurait voulu que le général français se maintînt à son égard dans une position d'infériorité. Or, il voyait bien qu'il ne pouvait élever cette prétention sans choquer celui-ci, ce qu'il voulait éviter. Il était donc de son intérêt de fuir une entrevue qui, d'après ses idées, l'aurait mis dans la nécessité de produire au grand jour des exigences qui auraient trop tôt décelé ses arrière-pensées. Cette explication des refus fait par Abd-el-Kader de s'aboucher avec le général Desmichels a été donnée par l'Émir lui-même à une personne de qui l'auteur tient ce détail.

          Maître de toute la partie de la province d'Oran qui s'étend depuis le Chélif jusqu'à l'empire du Maroc, Abd-el-Kader ne mit plus de bornes à son ambition ; il conçut la pensée de soumettre à sa domination celle d'Alger et celle de Titteri. Voulant sonder les dispositions du général Voirol, il lui écrivit pour lui annoncer qu'ayant, avec l'aide de Dieu, vaincu tous ses ennemis et pacifié la partie occidentale de l'Algérie, il se porterait bientôt vers l'est pour rétablir l'ordre dans les tribus de cette contrée. Cette lettre fut transmise au général en chef par l'intermédiaire de Sidi-Ali-el-Kalati de Miliana. Cet homme, qui appartenait à une famille de marabouts fort ancienne, s'était emparé de toute l'autorité dans cette ville, où il en faisait usage dans l'intérêt d'Abd-el-Kader, à qui il était très-dévoué. Par un zèle mal entendu pour l'Émir, il écrivit de son côté au général Voirol, lui vantant outre mesure la puissance et les bonnes qualités d'Abd-el-Kader, et se faisant un mérite d'avoir, disait-il, désarmé sa colère, allumée par l'expédition qui avait été dirigée contre les Hadjoutes, expédition dont nous avons parlé dans le livre précédent. Il disait, à cette occasion, que, si les Hadjoutes s'étaient mal conduits à l'égard des Français d'Alger, lui, général Voirol, aurait dû, au lieu de se rendre justice lui-même, se plaindre à Abd-el-Kader, dont les Hadjoutes étaient sujets. Le général. Voirol répondit comme il le devait à cette lettre, aussi insolente que maladroite. Pour ce qui concerne Abd-el-Kader, il lui écrivit qu'il le félicitait d'avoir rétabli l'ordre dans les tribus font le gouvernement lui était confié ; que, sans doute, en formant le projet de se rendre dans ce qu'il appelait les tribus de l'Est, il n'avait pas conçu celui de franchir le Chélif qui était la limite que lui, général en chef, jugeait convenable de lui assigner; que, néanmoins, quelques personnes disaient ouvertement qu'il était dans l'intention d'aller plus loin, mais que, quant à lui, il le croyait trop sage pour entreprendre un voyage qui changerait nécessairement la nature de ses relations avec la France ; que, du reste, la province d'Alger était en paix depuis le dernier châtiment infligé aux Hadjoutes. Cette lettre, aussi ferme que modérée, arrêta pour un instant les prétentions d'Abd-el-Kader ; mais malheureusement son ambition, qui aurait eu besoin d'être sans cesse maintenue, fut excitée par ceux mêmes dont le devoir était de la tenir en bride.
         Sidi-Ali-el-Kalati, extrêmement piqué de la manière dont il avait été traité par le général Voirol, voulait à toute force jouer un rôle dans les intrigues politiques du moment. Il se rendit à Mascara, où il fit comprendre à l'Émir de quel avantage il serait pour lui de brouiller les Jeux généraux, en excitant l'amour-propre de l'un à la propagation d'un système dont la raison de l'autre repoussait une application trop étendue. En conséquence, Sidi-Ali, qui, malgré la maladresse de sa lettre au général Voirol, était un homme insinuant et de beaucoup l'esprit, se mit à rechercher la société des officiers, de la légation française à Mascara, et à leur faire une foule de prétendues confidence, tendant à leur persuader que le général Voirol était extrêmement jaloux de la paix que, le général Desmichels avait faite avec Abd-el-Kader; que, poussé par un sentiment haineux qu'il ne pouvait maîtriser, il cherchait par tous les moyens possibles à détruire l'œuvre diplomatique du commandant d'Oran. Lorsqu'il fut parvenu à tromper ainsi ces officiers, il écrivit au général Desmichels une longue lettre dans laquelle toutes ces calomnies étaient reproduites avec une telle surabondance de mensonges, de détails et de faits supposés, qu'on a de la peine à concevoir comment le générai Desmichels put en être la dupe. Il la fut cependant à un tel point que, ne doutant plus de l'excellence d'un système qu'on lui disait exciter à un si haut degré la jalousie d'un rival, il ne songea plus qu'à le pousser jusqu'à ses plus étranges conséquences. Voici cette lettre : a Sidi-Ali-ben-el-Kalati, au général Desmichels.
         " Louange à Dieu seul qui n'a point d'égal.
         A sa grandeur le général commandant les troupes françaises à Oran.
         " Votre lettre est arrivée à votre envoyé Abdalla, consul da Mascara. D'après les anciens usages admis entre souverains, il nous a donné connaissance de son contenu. Dieu seul vous récompensera du bien que vous nous dites. Nous avons vu par-là votre sagesse et votre prudence. Vous êtes un homme de bons conseils et vous avez de saines et grandes idées. Votre conduite nous l'a prouvé. Vous êtes un homme d'honneur et vous avez agi avec désintéressement.
         " Quand nous avons vu dans notre pays qu'il y avait des gens malintentionnés parmi diverses tribus , et que ces tribus se battaient entre elles, interceptant les communications avec Alger, pillant et dévastant les biens des personnes attachées ans Français; quand nous avons vu les combats avec le général d'Alger, combats qui ont été très-fréquents, depuis l'occupation (mais Dieu n'a pas favorisé la cause de ce général ; ses paroles et celles des Arabes ses partisans sont restées sans effet) ; quand nous avons vu tout cela , nous avons pris le parti de venir trouver Sidi-el-Hadji-Abd-el-Kader, et le prier de venir dans le pays, et par votre intermédiaire faire la paix entre nous et le général d'Alger, comme il .a été fait pour cette province. Nous avons écrit plusieurs fois à l'Emir avant notre arrivée, en le priant de venir dans notre pays. 11 a envoyé des lettres à tous les Kbaïles qui habitent les montagnes, et aux habitants des villes de notre province , leur annonçant qu'il avait fait la paix avec tons les Français qui étaient en Afrique , en se conformant toutefois aux lois de la religion. Faites attention, disait-il , de ne pas intercepter les communications; ne pillez ni ne tuez aucun Français; rappelez-vous bien ces paroles que je vous répète dans toutes mes lettres. D'après ses ordres nous avons cessé de faire la guerre aux Français; nous n'avons plus pillé, les communications ont été libres. Nonobstant cela, le général d'Alger est sorti et a attaqué la tribu des Hadjoutes; alors tous les Kbaïles ont couru aux armes, ont marché contre lui et l'ont forcé de rentrer dans la ville d'Alger.
         "Alors, nous chefs, nous nous sommes réunis, et après avoir délibéré entre nous, nous avons écrit à El Hadji Abd-el-Kader, pour lui faire connaître la conduite de ce général. L'Émir a écrit au général sans cependant lui faire de reproches sur sa sortie contre les Hadjoutes; mais en lui annonçant que son intention était d'aller visiter les tribus de ce côté , et qu'il observerait le traité religieusement , ajoutant de ne pas écouter les gens malintentionnés qui cherchaient à mettre la mésintelligence entre eux. La lettre de l'Émir contenait encore plusieurs autres paroles conciliantes. Le général d'Alger répondit; voici un résumé de sa lettre (Suit un résumé à peu près fidèle de la lettre du général Foiral à Abd-el-Kader, mais auquel Sidi-Ali a ajouté celte phrase). Le gouvernement de l'Afrique ne regarde que moi, le général Desmichels n'est rien, et n'est pas écouté du grand roi qui est à Paris). Tel est à peu près la lettre du général d'Alger. Moi, Sidi-Ali, serviteur de Dieu , j'ai écrit an général, et lui ai fait parvenir la lettre de l'Émir, voulant être intermédiaire entre eux deux. Voici sa réponse (Suit la copie de ta lettre du général Voirol à Sidi-Ali, dans laquelle celui-ci a intercalé beaucoup de phrases de dédain pour le général Desmichels). Tel est la réponse à ma lettre à moi Sidi-Ali. A présent, Sidi-Ali à adressé les choses suivantes au général Desmichels ; et vous qui êtes sage et éloquent, comprenez ce que je vous écris et commentez mes paroles mot à mot.
         " Je puis vous dire que le général d'Alger est jaloux de vous, parce que c'est vous qui avez conclu la paix, et ce qui le preuve, c'est qu'il veut écrire au roi des Français , pour lui demander l'autorisation de traiter avec l'Émir. Il veut faire comme vous, ou plutôt défaire ce que vous avez fait ; mais il est impossible qu'il réussisse, car votre conduite est connue de l'orient à l'occident ; si El-Hadji-Abd-el-Kader n'avait pas envoyé trois ou quatre lettres aux Arabes par mon intermédiaire, ceux-ci seraient encore en guerre avec les Français dans la contrée d'Alger, et chaque jour, chaque instant verrait de nouveaux combats.
         " Dans toutes ses lettres, Abd-el-Kader dit qu'il va se rendre dans notre pays , et toutes les tribus impatientes attendent avec joie son arrivée. Nous vous dirons de plus qu'Ahmed, bey de Constantine, envoie des lettres tons les mois dans les tribus des environs d'Alger, pour les engager à combattre les Français. Lui-même se prépare, dit-il, à les inquiéter de toutes les manières. II assure que Méhémet Ali, vice-roi d'Égypte, lui prétera une escadre : mais personne dans notre pays ne croit à ces paroles. Cependant j'ai dû en instruire un homme comme vous; vous méritez de connaître ce qui se passe, afin de n'être pas surpris par les malveillants. On vous connaît chez nous pour un homme sage et loyal. Personne n'a pu faire depuis l'occupation ce que vous avez fait. C'est là ce qui prouve votre sagesse. Ce qui la prouve aussi, c'est d'avoir envoyé Abdalla et deux officiers à Mascara. Ab.!alla est un homme qui connaît bien le morde et traite chacun comme il le mérite. La mission dont vous avez chargé cet officier prouve votre prudence.
         " Soyez persuadé que votre conduite avec Abd-el-Kader a donné de la jalousie au général Voirol, et que vous avez beaucoup d'ennemis à cause de l'amitié qui règne entre l'émir et vous.
         " Ceci est le dire de moi, Ali-ben-el-Kalati, marabout de Miliana. "

          Voilà la lettre que le général Desmichels dit, dans une brochure sur son administration, être si remarquable et qu'il regrettait que des convenances militaires ne lui permissent pas de mettre sous les yeux du lecteur. II n'y eut dans tout cela de remarquable que l'impudence de Sidi-Ali et la crédulité du général Desmichels. Avant d'envoyer cette lettre au général Desmichels, Sidi-Ali lui avait fait dire par un des officiers de la légation de Mascara que le général Voirol , dans l'intention de diminuer le mérite de ce qui avait été fait à Oran, avait voulu de son côté avoir son Abd-el-Kader; qu'il avait jeté les yeux, pour jouer ce rôle, sur El Hadji Mahiddin-el-Sgbir, nommé par lui agha des Arabes, mais que celui-ci n'ayant pu se faire reconnaître dans cette qualité, s'était enfui d'Alger avec l'argent que le général Voirol lui avait donné. Ce mensonge était si grossier que Sidi-Ali n'osa pas le répéter dans sa lettre. Il fut néanmoins accueilli par le général Desmichels, et c'est, sans aucun doute, à l'argent donné à El-Hadji-Mahiddin d'après Sidi-Ali, qu'il fait allusion, lorsqu'il parle dans son livre d'arrangements passagers achetés à prix d'argent. On sait maintenant à quel prix ont été achetés les arrangements de M. le général Desmichels.
         Au surplus, je ne désapprouve pas d'une manière absolue le système qu'avait adopté le général Desmichels à l'égard d'Abd-el-Kader. Je n'en blâme que l'exagération qui rendait l'Émir trop complètement indépendant.


          Il déclara donc à Abd-el-Kader qu'il le rendrait plus grand qu'il n'aurait osé même le désirer, et qu'il fallait qu'il régnât partout, depuis Maroc jusqu'à Tunis. En entendant de pareilles assurances sortir de la bouche de l'officier qui les lui transmettait au nom du général, Abd-el-Kader souriait en silence, et avait sans doute de la peine à croire à un tel excès d'aveuglement.

          En attendant la réalisation de si flatteuses promesses que le général Desmichels remettait à l'arrivée du gouverneur depuis longtemps annoncée, Abd-el-Kader fit succéder les soins de l'administration au fracas des armes. Il nomma des kaïds et des cadis à toutes les tribus qui en manquaient, et les rangea toutes dans cinq grandes divisions à la tête de chacune desquelles il mit un agha. Toutes ses actions prouvaient qu'il tendait à améliorer la société arabe, sans rien emprunter à la société européenne. Il paraissait n'envier à celle-ci que quelques perfectionnements matériels. Peut-être, en voyant de trop près les petites passions des hommes avec qui les circonstances politiques l'avaient mis en relation, conçut-il de notre civilisation une idée peu avantageuse. Peut-être aussi un fond d'orgueil de race l'en éloignait-il. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'il n'a jamais trop cherché à se modeler sur nous.
         Jusqu'à ce que le cours de notre narration nous conduise à l'administration du comte d'Erlon, détournons les yeux d'Oran et de Mascara, pour les porter un instant sur Bougie. Nous avons dit, dans le livre XI, que le général Trézel, en quittant cette ville, en remit le commandement à M. Duvivier, que le ministre en avait nommé commandant supérieur. M. Duvivier, à la dissolution du deuxième bataillon de zouaves, était rentré en France, où il fut placé dans le 15o de ligne. Le ministre comprit bientôt que ce n'était pas un homme à laisser trop en sous-ordre, et il le mit dans une position où il pût utiliser ses talents et son expérience. Cette position était loin d'être facile. Il fallait faire la guerre, mais la faire pour avoir la paix. Le nouveau commandant fit bien la guerre, mais la guerre n'amena point la paix.

          Il avait été décidé qu'on établirait un blockhaus à l'entrée de la plaine. Le 5 janvier, pendant qu'on s'en occupait, l'ennemi vint inquiéter les travailleurs. Ses attaques furent plus animées le 6 ; mais après plusieurs heures de combat, voyant qu'elles étaient inutiles, il se retira.
         Dans la nuit du 17 au 18 janvier, les Kbaïles, au nombre de 4,000 hommes environ, garnirent les contre-forts en avant de nos postes qu'ils attaquèrent au point du jour. La fusillade dura jusqu'à deus heures de l'après-midi. L'ennemi se retira alors en emportant ses blessés. En traversant la plaine, plusieurs de ses groupes se trouvèrent sous le feu du brig le Loiret qui était en rade, et qui leur fit éprouver des pertes sensibles.
         Le 5 mars, le commandant supérieur, qui était averti que depuis plusieurs jours les Kbaïles préparaient une attaque générale, résolut de prendre l'initiative; il sortit donc de la place avec toutes les troupes dont il put disposer, et se dirigea sur Klaîlna, village des Mzaïa, situé à peu de distance de Bougie. Il le trouva abandonné de ses habitants qui avaient fui à son approche; il crut devoir y mettre le feu. Bientôt après, les Kbaïles parurent de tous côtés en poussant de grands cris selon leur habitude, et se disposèrent à assaillir la colonne française dans son mouvement rétrograde. Le commandant Duvivier ordonna alors une retraite en échelon qui fut exécutée avec un ordre admirable. Une charge de l'escadron du 5e régiment de chasseurs d'Afrique récemment arrivé à Bougie fit beaucoup de mal à l'ennemi. La colonne rentra dans la place sans avoir éprouvé de pertes sensibles.
         M. Duvivier avait, à plusieurs reprises, tenté d'entrer en arrangement avec les indigènes, par le moyen du frère de Boucetta, du sieur Joly, qui était en relation avec Oulid-Ourebah, et d'un nommé Ben-Grabdan, imam de la mosquée de Bougie. Ces agents qui, du reste, travaillaient plus pour eux que pour la cause publique, n'ayant pas obtenu les résultats qu'il attendait, il les expulsa de Bougie. Il se priva par-là, avec un peu trop de précipitation peut-être, d'intermédiaires qui, bien dirigés, auraient pu lui être utiles.
         Les 18, 19 et 20 avril, les Kbailes vinrent attaquer nos postes avec assez de résolution. Pour les en punir, le commandant supérieur fit une sortie le 25, et incendia les deux villages de Dar-Nassar et de Goumran. Les Kbaïles perdirent plus de 60 hommes dans cette journée qui ne nous coûta qu'un mort et douze blessés.
         Le 29 avril, l'ennemi se montra en force au moulin de Demous, pendant que le commandant supérieur faisait travailler à désobstruer la barre d'un petit cours d'eau qui se jette dans la mer en avant du blockhaus de la plaine. Bientôt les Kbaïles descendirent dans la plaine et vinrent inquiéter les travailleurs. Le commandant supérieur les fit charger par l'escadron de chasseurs. Cette charge, conduite par le capitaine Herbin, coucha cinquante Kbailes sur le carneau.
         Le 5 juin, l'ennemi vint se mettre en bataille devant Bougie, dans un ordre assez régulier, sa droite appuyée à la mer et sa gauche au moulin de Demous. Il paraissait offrir le combat; mais comme il avait des forces supérieures, il aurait été imprudent de l'accepter. Le commandant Duvivier se contenta donc de repousser à coups de canon les provocations des Kbailes. A neuf heures du soir, quelques-uns d'entre eux escaladèrent les parapets de la redoute du blockhaus de la plaine, et blessèrent ou tuèrent des canonniers sur leurs pièces. Ils furent repoussés dans le fossé, où on roula sur eux des obus allumés à la main, qui leur tuèrent du monde.
         Le 23 juillet , le troupeau de l'administration qui paissait sous les murs de Bougie, s'étant avancé au-delà des limites assignées pour le pacage, fut enlevé en partie par un fort détachement de cavalerie embusqué derrière le contrefort du moulin de Demous. Le commandant supérieur fit courir après l'escadron de chasseurs, mais ce fut inutilement.

          La garnison de Bougie eut à supporter, dans le courant de 1834, des privations et des fatigues de toute espèce. Elle fit preuve de la constance la plus admirable. Les jours de combat étaient ses seuls jours de fête et de distraction.
         M. Duvivier fut parfaitement secondé par l'immense majorité des officiers placés sous ses ordres. Le capitaine de Latour-du-Pin, qui remplissait auprès de lui les fonctions de chef d'état-major, se fit remarquer de son chef par son zèle éclairé, et de tout le monde par sa bravoure.
         Deux camps retranchés furent établis par le commandant de Bougie : l'un en avant de la porte des Amandiers (Bab-el-Lous); c'est celui qu'on appelle le camp retranché supérieur; l'autre dans le bas, à l'entrée de la plaine; c'est le camp retranché inférieur. La belle conduite militaire de M. Duvivier, à Bougie, lui valut le grade de lieutenant-colonel.
                   
A SUIVRE


Une casserole toute cabossée.
Jocelyne MAS

         
          Il y a cinquante ans, notre soucis était de trouver des valises. Comme nous ne partions jamais en vacances, nous n'avions pas besoin de valises ! mais dans l'affolement du départ, c'était la ruée, chacun se préoccupait de trouver des valises car notre départ était imminent. Je me souviens d'avoir fait toutes les boutiques de la ville pour trouver deux malheureuses valises. Savez-vous combien il est dur de choisir ce que vont contenir ces valises, car tout nous paraît précieux et on voudrait tout emporter, comme l'escargot emporte sa maison sur son dos. Que privilégier ? les livres au détriment des manteaux !
          Et elles pèseront lourd ces valises, bien plus lourd que leur maigre contenu ! Il faudra les porter ces valises ! les traîner lorsque éreintés, fatigués, hagards nous descendîmes du bateau à Port-Vendres poussés par la foule, ne sachant où aller.
          Bien cordialement
          Jocelyne MAS
          Poète - Ecrivain
          Chevalier de l'Ordre National du Mérite
          Membre de la Société des Poètes Français

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Extrait de " Poèmes Nostalgiques "
suivi de " Au gré des flots "

Une casserole toute cabossée.

Chez ma grand-mère tout au fond du grenier
Un jour j'ai trouvé
une vieille valise un peu déchirée
dedans il y avait
un objet étrange entortillé
d'un drapeau tricolore français
aux couleurs fanées.

Intriguée j'ai déroulé
ce tissu pâle et déchiré
il recouvrait
une casserole toute cabossée.
aussitôt
je me suis revue, le soir
d'une cuillère en bois armée
sur cette casserole scandant
les cinq syllabes
- - - - -
Al gé rie Fran çaise

qui montrait
ma colère, mon désespoir, mon amour pour mon pays bien aimé

Que de souvenirs ont ressurgi
sautant allégrement le présent
pour se replonger dans le passé
et ces cinq syllabes résonnent dans mon cœur.
Elles ont emporté
ma colère, mon désespoir, mon amour pour mon pays bien-aimé.



HISTOIRE DES ÉTABLISSEMENTS
ET DU COMMERCE FRANÇAIS
DANS L'AFRIQUE BARBARESQUE
                 (1560-1793)                    (N°17)

(Algérie, Tunisie, Tripolitaine, Maroc)
PAR Paul MASSON (1903)
Professeur d'Histoire et de Géographie économique
à l'université D'Aix-Marseille.

QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE XIX

LE COMMERCE DE LA COMPAGNIE ROYALE D'AFRIQUE

III. - Les articles d'échange et les procédés commerciaux.

           Il n'est pas étonnant que les pays, dont les habitants vivent longtemps figés dans un même état de civilisation, continuent de fournir au commerce les mêmes produits, déterminés par la nature de leur sol et de leur climat. Or les pays du Levant et de la Barbarie étaient voués, depuis la fin du moyen âge, à l'immobilité : l'influence de la religion, la même situation politique, la décadence de l'activité et de l'initiative, y perpétuaient le même genre de vie et les mêmes modes d'exploitation du sol. Tout concourait donc pour que, dans ces pays, à travers la succession des temps, malgré les vicissitudes politiques et économiques, les marchands européens dussent retrouver à acheter les mêmes articles.

          Dans le Levant, cependant, où venaient confluer les produits de l'Asie occidentale, de l'Inde, de l'Afrique orientale, des changements économiques de toutes sortes avaient produit de grandes différences entre le trafic du XVIe et celui du XVIIe ou du XVIIIe siècle. En Barbarie, au contraire, les articles d'exportation étaient restés absolument les mêmes pendant trois siècles, si que bien les premiers Marseillais du Bastion de France, Sanson Napollon, les compagnies du temps de Louis XIV et la Compagnie d'Afrique, à la veille de la Révolution, pratiquaient exactement le même commerce.

          Le petit nombre d'articles qui alimentait le mouvement du trafic lui donnait un caractère tout particulier. Autant les échanges du Levant offraient de variété avec la multiplicité des drogueries, des denrées alimentaires, des matières premières, des produits manufacturés, autant les achats des compagnies, en Barbarie, étaient restreints à quelques objets. Quatre produits seulement, le blé et le corail, les les cuirs et les laines, constituaient le fonds essentiel de ce commerce. Le reste ne comptait pas, et c'est en ajoutant quatre ou cinq noms seulement que pourrait être close la liste des articles qui entraient dans la composition des chargements, aux Concessions d'Afrique.

          Celles-ci avaient été fondées pour la pêche du corail, mais on peut dire que le corail n'avait été qu'un prétexte. Dès le début, le commerce du blé avait eu une importance capitale. Fait d'abord en contrebande, malgré les préjugés des Barbaresques très hostiles à l'exportation des grains, il n'était devenu légal qu'après les traités de 1694, de 1714 et de 1731. Mais, du temps de Louis XIV, comme à la fin du XVIIIe siècle, le traité des blés était la préoccupation capitale des compagnies.

          Le traité de 1694 permettait à la Compagnie du Bastion d'enlever de Bône par an 500 caffis de blé, c'est-à-dire environ 2000 charges. Cette quantité avait été le plus souvent considérablement dépassée. Aussi on peut remarquer que, si les compagnies d'Afrique pouvaient se plaindre de la violation des traités par les Barbaresques, elles devaient aussi se louer de ce que les Puissances allaient souvent, en leur faveur, bien au-delà des stipulations de ces mêmes traités. On lit dans les instruction que recevait l'agent du comptoir de Bône, en 1779 :

          " Outre les 500 caffis qui sont attribués à la Compagnie par ses ottomans, elle est dans l'usage de faire traiter à Alger la permission d'extraire une plus grande quantité de grains, suivant qu'il plait au gouvernement de la régler... Le dey d'Alger ne fait que fixer la quantité de caffis et, pour ce qui est du prix, c'est le bey de Constantine qui en est le maître. L'agent de Bonne traite avec ce prince au nom de la Compagnie. "

          D'importance extrêmement variable, suivant l'abondance des récoltes en France et en Barbarie, tantôt la traite des blés cessait parfois pendant plusieurs années consécutives, tantôt elle prenait une activité extraordinaire pour l'époque. Aussi, essayer de donner une moyenne serait tout à fait illusoire. On peut remarquer qui avant 1770 les achats n'atteignirent qu'une fois 70.000 charges (1743) et ne dépassèrent que trois fois 40.000, tandis que, dans la période suivante, ce chiffre fut fréquemment atteint. Comme, en même temps, le prix du blé avait considérablement augmenté à Marseille, à la fin du XVIIIe siècle, la valeur des achats était devenue beaucoup plus considérable. Tandis que, dans les 25 premières années de l'existence de la Compagnie, elle avait atteint 8.550.000 livres, en 14 ans, sous Louis XVI, elle dépassa le chiffre de 20.000.000.

          C'est à l'époque du Pacte de famine que la traite atteignit son maximum d'intensité. Le chiffre de 101.000 charges, c'est-à-dire de 121.200 quintaux, paraîtrait bien mince à nos importateurs de blé d'aujourd'hui ; pour les contemporains de Louis XVI, il semblait très considérable. " Marseille, en 1764, lit-on dans l'Encyclopédie méthodique, avait eu l'avantage d'enlever aux villes de Gênes et de Livourne le commerce des grains ; elle était devenue l'entrepôt de la Méditerranée ; tous les négociants faisaient venir à l'envi des blés de toutes parts; c'était un flux et un reflux annuel d'environ 600.000 charges de blé et une circulation de 18 à 20.000 millions pendant sept à huit ans. " Ainsi, Marseille, au moment où le commerce des blés y avait pris un développement tout à fait inusité, n'avait jamais importé plus de 720.000 quintaux de blé. Il ne faut pas oublier que ce chiffre était tout à fait exceptionnel, et que le trafic de la Compagnie d'Afrique représentait une fraction très importante du commerce total des blés à Marseille. On a vu plus haut qu'en 1773 on accusait la Compagnie de s'être emparée d'un véritable monopole.
           Les blés des Concessions venaient de Bône ou de la Calle. De 1741 à 1765, le premier de ces comptoirs avait fourni 332.152 charges, le second 152.176 seulement. Mais, à la fin du XVIIIe siècle, le comptoir de Bône était regardé comme le principal centre d'achat de blés. " Il s'est fait, cette année, environ 1000 caffis de grains à la Calle, écrivait le gouverneur en 1785, voilà tout le commerce que cette place a fait cette année. L'avidité du bey attire tout à Bône. " Le bey de Constantine était là, en effet, tout à fait le maître, tandis que la Calle, la Compagnie était cliente du cheikh de la Mazoule.
           ( 30 septembre 1785, à Ferrier, agent à Alger. Arch. de la Compagnie. - Auparavant, le bey s occupait plutôt du trafic des laines, et Bône était surtout le comptoir des laines. - La Compagnie se préoccupait beaucoup d'accroître l'étendue des terres cultivées dans les environs de la Calle; pour encourager es indigènes, elle faisait distribuer des semences de blé, d'orge, de fèves, aux tribus du voisinage. V. Délib. du 19 décembre 1777 ; lettre au gouverneur, du 17 juin 1777. Arch. de la Compagnie. - La Compagnie songea à diverses reprises, mais sans y donner suite, à faire la traite des blés à Stora ou à Collo.)

          Les blés des Concessions, comme tous ceux qui étaient importés à Marseille, servaient à l'alimentation des provinces méridionales du royaume, et, particulièrement, de la Provence, privée fréquemment par les édits royaux de la ressource des blés de l'intérieur. On a vit quelle importance Pontchartrain attachait, vers 1690, à la réussite des opérations du cap Nègre et du Bastion. Au XVIIIe siècle, les importations de la Compagnie d'Afrique étaient souvent attendues avec la même impatience, ainsi qu'en témoigne la correspondance des ministres. Au début de la Révolution, les blés de la Compagnie allaient rendre à la Provence des services incontestés.

          L'Algérie du XVIIe et dit XVIIIe siècle était déjà, comme les Français la retrouvèrent en 1830, un pays d'élevage en même temps qu'un pays de céréales. Aussi vendait-elle aux chrétiens de grandes quantités de laines et de cuirs.

          La traite des cuirs, surtout, fut un des principaux trafics de la Compagnie d'Afrique. Souvent, ce fut elle qui donna lieu au plus gros chiffre d'affaires ; malgré les fluctuations inhérentes à toutes les opérations faites en Barbarie, les achats de cuirs furent beaucoup plus réguliers et soutenus que ceux des blés(1). Aussi, pendant les vingt-cinq premières années de la Compagnie, le total des achats de cuirs fut-il près de trois fois supérieur à celui des achats de blés et dépassa-t-il de plus du double la valeur de la pêche dit corail. On pourrait s'étonner que cette importance du commerce des cuirs ne nous soit révélée que par les statistiques, car, si l'on s'en tenait à l'impression produite par la lecture des délibérations ou de la correspondance de la Compagnie, on serait persuadé qu'il ne tenait qu'une place très secondaire dans les opérations de la Compagnie.

          S'il était moins souvent question d'elle, c'est, sans doute, que la traite des cuirs donnait beaucoup moins d'inquiétude à la Compagnie, par la facilité avec laquelle elle pouvait être faite chaque année.
           En dehors des statistiques, elle nous est précisément connue surtout par les difficultés qu'elle rencontrait parfois au comptoir de Collo qui en était le principal marché. On chargeait, en effet, des cuirs dans les trois établissements de la Compagnie, mais Collo était de beaucoup le premier port d'achat et d'embarquement. Tandis que, de 1741 à 1765, il n'était venu de la Calle et de Bône que 130.000 à 135.000 cuirs, Collo en avait envoyé 663.000.

          Peyssonnel donne de curieux détails sur les usages de la traite à Collo :
           " Les commis de la Compagnie ne peuvent acheter les cuirs de première main des Kabyles. Par un usage, les habitants achètent les cuirs et ne les vendent à la Compagnie que lorsqu'il arrive un bâtiment pour les enlever ; alors, tous les habitants vendent chacun à leur tour et l'on ne peut en privilégier un aux dépens d'un autre, quoique la Compagnie dût y trouver ses intérêts. A l'arrivée du bâtiment, l'on va à la maison de celui qui doit vendre le premier ; l'on tierce les cuirs par des prix différents et l'on est obligé de les acheter tous, gros et petits.
           La Compagnie trouve dans cette coutume l'avantage de n'avoir point là ses fonds morts en caisse, car elle n'envoie de fonds qu'avec les bâtiments qui vont chercher les marchandises, et le même bâtiment rapporte le retrait. Elle paie au bey de Constantine 10 % de toutes les marchandises qu'elle y achète. "

          Les cuirs de la Compagnie, comme tous ceux qui venaient de Barbarie et du Levant, étaient consommés en Provence où de nombreuses tanneries les travaillaient. Tandis qu'elle monopolisait la pêche du corail et qu'elle cherchait à accaparer aussi la traite des grains, les marchands particuliers lui faisaient pour l'achat des cuirs une large concurrence.

          Les laines de Barbarie n'avaient pas à Marseille la renommée des cuirs de ce pays ; cependant, la Compagnie n'y achetait guère que des qualités fines, d'un prix plutôt élevé. Les quantités, jamais très considérables, étaient bien loin d'approcher de ce que Marseille faisait venir de Constantinople et d'autres échelles du Levant. De plus, c'était un trafic très irrégulier, passant par des périodes d'activité et d'arrêt presque complet. Ainsi, de 1754 à 1759, la Compagnie avait fait venir 78.286 quintaux de laine et 4.584 seulement pendant les six années qui suivirent. Toutes ces laines reliaient à peu près exclusivement de Bône, à la suite d'achats négociés chaque année avec le bey de Constantine, comme pour les blés. Arrivées à Marseille, elles purent être employées à diverses époques par l'industrie lainière locale, ou bien elles prenaient plutôt, comme la plus grande partie des laines du Levant, le chemin des manufactures du Languedoc.

          Vers 1750, l'agent de la Compagnie à Paris, le sieur Vallat, qui était en même temps l'un de ses principaux actionnaires, trouva un nouveau débouché à ses laines dans les manufactures de Paris et de Picardie, à Beauvais et Boufflers particulièrement, et lui procura ainsi un bénéfice de 25 % ; mais un procès malencontreux compromit au bout de huit ans cette nouvelle branche de trafic.
           ( Vallat soutenait que sciemment la Compagnie lui avait vendu des laines pourries, mises au milieu des balles. En réalité, la Compagnie avait été trompée par le fournisseur qui avait préparé les graines pour les envoyer à Paris. Elle dut rendre 15 % à Vallat. Voir les pièces relatives à ce procès, aux Arch. colon. Compagnie d'Afrique 1753-65. - Cf. Mémoire des Directeurs de la Compagnie du 5 mars 1753. Arch. de la Compagnie.)

          Chaque année, la Compagnie achetait dans ses Concessions quelques centaines de quintaux de cire, chargées en quantités à peu prés égales à la Calle, à Bône et à Collo ; ce n'était qu'un faible appoint pour la consommation des blanchisseries de cire de Marseille, alimentées surtout par les arrivages du Levant. L'orge, déjà cultivée par les indigènes avec le blé, figurait presque toujours dans les chargements pris aux Concessions, souvent pour des quantités très faibles ; on le prenait à la Calle ou à Bône. Enfin, quelques centaines, et, parfois, quelques milliers de charges de fèves et de pois chiches, venaient de la Calle à peu près régulièrement chaque année, avec plusieurs milliers de livres de suif.

          La Compagnie d'Afrique ne semble pas s'être beaucoup préoccupée d'accroître ses opérations, en les étendant à d'autres articles qu'à ceux qui faisaient, par tradition, l'objet de ses échanges dans les Concessions. Elle songea cependant un moment à chercher dans les forêts des environs de la Calle des bois de construction pour la marine royale, ainsi que nous l'apprend une lettre des directeurs au gouverneur de la Calle :
           " Vous aurez la bonté de nous envoyer un mémoire détaillé sur tous les objets mentionnés dans la lettre que M. Lemoyne, commissaire à Toulon, a écrite à la Compagnie et dont elle vous remet copie ; vous verrez le désir des officiers de la marine à Toulon que cette exploitation puisse avoir lieu ; l'examen qu'ils ont fait de divers échantillons de ces bois, venu l'hiver dernier, leur a donné lieu à une fort bonne opinion de la qualité. Ils en ont fait le rapport à M. de Sartine et il n'est pas douteux que ce ministre verrait avec satisfaction une entreprise de cette nature qui assurerait à la marine du roi, pour quelques années au moins, une fourniture de bois de construction qui deviennent toujours plus rares et plus chers.... "

          Mais, l'exportation de bois de construction d'Algérie était encore moins possible alors qu'aujourd'hui. Une lettre, écrite au même montent par un ancien agent de Collo, montrait clairement cette impossibilité.
           " Pour ce qui est des forets, soit en pins ou chaînes, il n'y en manquait assurément pas ", mais les Puissances ne permettraient pas l'extraction, puis celle-ci coûterait trop cher. " Il n'était pas un arbre qui ne coûtât, rendu à la marine, plus qu'il ne vaudrait. " Collo n'était pas loin d'Alger, cependant les Algériens tiraient tous leurs bois de Hollande ou de tout autre pays. En effet, la Compagnie ne poursuivit pas ses recherches.
           (Lettre de Raynaud (sans date, mais de 1777). Il parlait dans cette lettre du goudron fait par les montagnards et vendu à Collo, mais cela était de très peu d'importance. - Des lettres de 1777 demandaient des renseignements sur l'importance de l'orseille, vendue par les Corses à Livourne, qu'on disait être abondante a la Galite (Copie de lettres, Arch. de la Compagnies. En 1768, la Compagnie essayait Bône un achat de racine de gantoux (pyrèthre). )
           Au moment où la pêche du corail était désavantageuse pour la Compagnie, M. de Verrayon, l'un des directeurs, faisait, au retour d'un voyage à la Calle, la curieuse proposition de chercher une compensation dans l'élevage en grand des porcs :

          " Si le corail ne donne pas de bénéfices, disait-il, on pourrait établir une nouvelle branche de commerce beaucoup moins tracassante et infiniment avantageuse, ce serait une salaison de cochons. Ces animaux se multiplient extrêmement à la Calle oit il ne faut ni soins, ni dépenses pour les élever; ils vont paître d'eux mêmes et sans gardiens dans les terres voisines où ils ne se nourrissent que de quelque peu de glands et d'une racine particulière qui est très abondante dans le pays; rien n'empêcherait, je pense, d'en augmenter l'espèce jusqu'au point de pouvoir en saler deux ou trois mille par an. "
           Mais les avantages que faisait miroiter M. de Verrayon ne tentèrent pas la Compagnie.

          Les exportations pour les Concessions, en marchandises françaises, offraient beaucoup plus de variété, mais n'avaient guère d'importance parce que c'était surtout des piastres que voulaient les Barbaresques en échange de ce qu'ils vendaient aux Européens.
           (" Les juifs d'Alger envoient par des caravanes à Constantine et dans toute l'étendue de sa dépendance des soieries, des toiles, des quincailleries d'Europe. Il était facile à la Compagnie de s'approprier ces ventes et on peut la blâmer de ne l'avoir pas fait. A peine y débite-t-elle actuellement aux naturels du pays pour 23 ou 30.000 livres de marchandises de France.... tout ce qui s'achète est payé en piastres ou en sequins. " Raynal. Hist. philos.... T. II, p. 92.)

          Chose curieuse, le commerce du Levant avait été longtemps mal vu des économistes du temps et des ministres qui s'inspiraient de leurs idées, parce qu'il faisait sortir beaucoup d'argent du royaume.
           Or, les compagnies du Bastion et du cap Nègre avaient toujours exporté beaucoup plus de piastres, proportionnellement à l'importance de leur trafic, et, pourtant, leur négoce avait toujours été vu avec faveur ; même les ministres les avaient de plus en plus comblées de privilèges. C'est que le gouvernement royal avait toujours attaché beaucoup de prix aux établissements que nous avions chez les Barbaresques et à leur développement.

          La Compagnie royale put donc, comme les précédentes, exporter, sans aucune entrave et sans même subir d'admonestations de la part du gouvernement, les piastres nécessaires à son trafic. Nous n'avons pas de statistiques indiquant la valeur totale de ces exportations chaque année, car les ministres ne les demandaient même pas à la Compagnie, mais il est hors de doute que la presque totalité des échanges se faisait au moyen de piastres d'Espagne. La Chambre de Commerce de Marseille, envoyant au ministre Praslin une série de statistiques concernant le commerce de ce port, lui écrivait : " Le commerce d'entrée en Afrique à cette Compagnie ne se faisant qu'en piastres du Mexique, nous n'avons eu aucun état à pouvoir vous envoyer pour vous en donner connaissance. "

          On peut, d'ailleurs, se faire une idée précise de l'importance du trafic des piastres en compulsant les Livres des polices de la Compagnie, presque tous conservés, où sont mentionnés exclusivement tous les chargements d'espèces diverses expédiés aux Concessions, généralement sur des tartanes. (Ces livres des polices sont conservés dans les Archives de la Compagnie. On y voit que 21 bâtiments portèrent des espèces aux Concessions en 1741, 46 en 1742, 62 en 1743, etc.)
           Mais, ce qui montre mieux que tout le reste combien il était nécessaire à la Compagnie d'avoir toujours des espèces en abondance pour se livrer à ses achats en Barbarie, c'est la vigilance inquiète qu'elle ne cessa de manifester à ce sujet et la peine qu'elle n'épargna jamais pour s'en procurer à tout prix. Ce fut, en effet, pour elle, la source de difficultés qui renaissaient sans cesse.

          Tout au rebours des Turcs du Levant, habitués à voir circuler dans les Échelles toutes sortes d'espèces, et portés à s'engouer facilement de monnaies nouvelles, les Barbaresques des Concessions, ignorants comme eux, mais plus méfiants, restaient obstinément attachés aux anciens usages et, de crainte d'être trompés, ne voulaient guère recevoir que des anciennes piastres mexicaines, dites piastres à colonnes, que les Français leur avaient toujours portées. Or, il devenait à peu près impossible de s'en procurer, parce que les rois d'Espagne faisaient frapper des piastres neuves d'un nouveau type et d'un autre titre et que, d'ailleurs, au XVIIIe siècle, ils mettaient toutes sortes d'obstacles au trafic des piastres. Dès la formation de la Compagnie royale, on s'était préoccupé de cette situation, comme en témoigne le passage suivant d'un mémoire rédigé en 1741, par un de ses directeurs, le sieur Boulle, où l'on trouve d'intéressants détails sur les monnaies employées chez les Barbaresques.

          " Les Maures, avec lesquels on traite, sont des paysans grossiers qui ne connaissent l'espèce que par l'habitude qu'ils ont de voir toujours la même ; de là, la grande difficulté qu'il y a à leur faire recevoir aucune autre espèce que des piastres mexiques vieilles... Les entrepreneurs de l'ancienne compagnie assurent que le plus grand obstacle qu'ils ont trouvé au commerce des colonies, ç'a été la difficulté d'avoir des piastres mexiques vieilles et l'impossibilité de faire prendre aux Mores aucune autre sorte d'espèce... Mais quelle espèce, et toujours la même, peut-on substituer aux piastres, qui donne à la Compagnie le profit que lui donnait la rognure ? On propose de payer en monnaie du pays : les gens qui ont été sur les lieux, et ceux qui ont exploité cette affaire autrefois, soutiennent tous que la chose est impraticable ; ils conviennent qu'aux lieux dépendants du royaume de Tunis on pourra faire quelques achats avec les monnaies de Tunis... Ils disent que, pour les colonies du royaume d'Alger, il est impossible de se servir de la monnaie d'Alger, qui est si petite et si difficile à compter et à transporter et si embarrassante que jamais les Mores ne se résoudront à la prendre, de sorte qu'il ne faut pas compter sur elle pour un commerce considérable.
           En outre, il y a le paiement des lismes aux Nadis, aux Merdas, à ceux de la Mezoura et autres... Il ne faut pas se flatter de faire recevoir, ni à ceux-là, ni aux autres, des espèces courantes de Tunis, ni d'Alger, vu leur mauvais aloi, parce que la plupart enterrent leur argent et veulent enterrer du bon... On ne doit pas se flatter non plus de leur faire recevoir de l'or, par la raison qu'ils ne l'estiment pas et encore parce qu'une pièce d'or est de trop grande valeur pour leurs besoins journaliers et ils craindraient que les princes les crussent trop riches, s'ils leur voyaient de l'or...

          Dès qu'on ne peut pas se flatter de se servir des monnaies de Tunis et d'Alger, quelle matière emploiera-t-on ? Les piastres neuves ne sont plus au même titre des vieilles, il faudra donc changer tous les traités... ; Mais qui a assuré que le roi d'Espagne ne fera pas encore changer le titre de ses piastres et ne jettera pas la Compagnie dans le même inconvénient ? La guerre peut d'ailleurs s'allumer en Europe et interrompre le commerce des Indes espagnoles, et, par conséquent, rendre les piastres rares. Les sequins ne sont pas estimés dans les colonies, mais quand même on parviendrait à les y faire recevoir, aurait-on la facilité d'avoir toujours de la même espèce de sequins, une quantité suffisante aux besoins dans les années de récoltes... J'ai eu, cette année, pour 600.000 à 700.000 livres d'espèces à envoyer en Levant, pour acheter du blé; j'ai pris tout ce qui s'est présenté, piastres mexiques vieilles et neuves, patines, sequins vénitiens, sequins genzerlis, fondoklis, zermapoulx, pistoles d'Espagne, piastres yzolotes, parals ; malgré cela je n'ai pu ramasser, jusqu'à présent, que 400.000 livres de ces espèces... Actuellement, on ne trouverait pas 10.000 livres d'espèces étrangères sur la place de Marseille et ce serait de vingt sortes d'espèces...
           Il faut donc que le roi permette à la Compagnie de faire battre à l'hôtel des monnaies d'Aix des jetons d'argent, au titre des piastres Mexiques vieilles... Il semble que, ces jetons ne devant avoir cours que dans les pays étrangers, S. M. n'en doit pas refuser la fabrication, puisque, dès qu'il sort de l'argent du royaume, qu'il sorte en piastres ou autres matières, cela est indifférent à l'État. "
           Le Ministre ne se laissa pas convaincre par ces raisonnements.
           On trouve en réponse, en marge du mémoire :

          " Il est de l'intérêt de la nouvelle Compagnie de sortir de la servitude, où étaient les précédentes, de ne payer qu'en piastres mexiques ; depuis que ces espèces manquent en Espagne, la garnison et les habitants d'Oran ne paient les denrées et les viandes, que leur fournissent les Maures, qu'avec des pistoles d'Espagne... Il faut qu'on soit bien peu instruit des règles du gouvernement et du véritable intérêt de l'État, pour proposer de faire battre une espèce de monnaie dans le royaume, dont la sortie sera libre, comme si la défense de sortir des écus n'avait été faite que pour ne pas profaner l'effigie qui est dessus, en la sortant du royaume. "

          La Compagnie n'ayant pas obtenu ce qu'elle demandait, la question monétaire fut pour elle une cause perpétuelle de soucis, comme l'avaient prévu ses fondateurs. A diverses reprises, elle essaya sans succès, pour le paieraient des lismes et pour ses opérations, d'introduire d'autres monnaies étrangères, en or ou en argent. Les Puissances acceptaient seulement, et demandaient même quelquefois, des sequins vénitiens, monnaie d'or qui servait pour les voyages à la Mecque.

          En 1768, les défenses du roi d'Espagne pour la sortie des piastres devinrent plus rigoureuses ; on lui prêtait le projet de refondre toutes les piastres vieilles, dites à colonne, pour les transformer en piastres neuves, à l'effigie. La Compagnie obtint alors, enfin, du duc de Praslin l'autorisation qu'elle sollicitait, en 1741, de faire fabriquer, à la Monnaie d'Aix, des pièces d'argent spéciales, du même titre et du même poids que les piastres ; mais elle en fut pour ses frais. Malgré des négociations à Constantine et à Alger, il fut impossible de faire accepter la nouvelle monnaie aux Barbaresques.

          Cependant, ceux-ci finirent par être obligés de céder devant la nécessité: Il devenait décidément impossible de trouver des piastres colonnes ; en 1779, le dey d'Alger reçut pour le paiement des lismes des piastres à l'effigie et obligea le bey de Constantine à se contenter aussi de cette monnaie. Dès lors, la Compagnie n'eut plus de préoccupation à ce sujet et fit toutes ses opérations en piastres neuves d'Espagne.

          Les piastres ne furent, d'ailleurs, jamais acceptées, telles quelles, par les Barbaresques ; elles devaient être réduites à un poids déterminé par les usages et qui variait suivant les lieux. C'est ce que les directeurs expliquaient au ministre dans leur lettre du 15 juillet 1768 :

          " Les piastres colonnes sont irrégulières et sans cordon; c'est la seule monnaie que la Compagnie emploie… la piastre, pour chaque comptoir, a un poids différent convenu avec le dey d'Alger. Celle de la Calle doit peser 18 deniers 16 grains; celle de Bonne, 16 deniers 19 grains; celle du Collo, 16 deniers4grains ; celle du grand poids d'Alger, 16 deniers 7 grains; celle du petit poids, 12 deniers 18 grains; la demi-piastre de Bonne, 7 deniers 20 grains; la demi-piastre du Collo, 7 deniers 7 grains. La Compagnie achète les piastres telles qu'elles viennent de Cadix et d'un poids plus fort ; l'irrégularité de cette monnaie permet de les rogner, pour les réduire au poids convenu pour chaque comptoir sans qu'il y paraisse. "
           (Arch. des Aff. étrangères. Compagnie d'Afrique 1768-72. - Cf. Ibid. diverses pièces de 1768. - D'après le Tableau de la situation des établissements français... 1845-46, p. 115, le musée d'Alger possédait alors une Collection " à peu près complète " des monnaies dont se servaient les compagnies d'Afrique. D'un autre côté, la Revue africaine de 1857 (p. 327-28) annonçait la découverte d'un assez grand nombre de piastres à colonnes rognées, dont cinq exemplaires furent donnés au même musée. Il y a quelques années, l'ancien musée d'Alger a été séparé de la Bibliothèque et constitué en Musée des antiquités algériennes, mais ses Collections mal surveillées avaient été honteusement pillées actuellement, le médaillier ne contient plus aucune des anciennes piastres rognées des compagnies d'Afrique.)

          La coupe des piastres fut faite longtemps à la main par des procédés rudimentaires. Les pièces restaient irrégulières de forme, ce qui permettait aux fraudeurs de les rogner de nouveau sans qu'on s'en aperçut au premier coup d'oeil ; aussi, l'usage des balances était-il nécessaire dans les paiements. M. Ramel, gouverneur de la Calle, faisait nettement ressortir, en 1780, la nécessité d'employer des moyens plus perfectionnés.

          " Ne serait-il pas possible, écrivait-il, dans la coupe des piastres à l'effigie, de faire cette coupe plutôt sur toute la circonférence de la pièce que comme elle se fait aujourd'hui ? Par ce moyen, la piastre serait toujours ronde et moins sujette à être rognée. Le bey, lors de notre dernière visite, me parlant de ces piastres, m'assura qu'à peine cette monnaie sortait-elle de nos mains qu'elle était dénaturée par sa facilité à être taillée et qu'il en était journellement intrigué et inquiété, ce qui n'arriverait point étant rondes, ou que difficilement, à moins qu'on limât peu à peu toute la circonférence; cet inconvénient serait bien facile à vérifier sans balance au coup d'oeil sur les lettres et par comparaison de l'une à l'autre… vous pourriez, si vous vouliez, faire une petite épreuve que je présenterais au bey, ayant l'honneur de vous assurer que vous ne sauriez l'obliger davantage que de lui laisser entrevoir l'espoir des piastres rondes. "

          La Compagnie entra dans ces vues, puisque, dans la délibération du 4 octobre 1780, les directeurs acceptaient le plan d'une machine propre à la coupe des piastres ; l'inventeur s'engageait à la fabriquer, moyennant 600 livres une fois payées.

          D'ailleurs, si les piastres suscitaient beaucoup d'ennuis, elles n'étaient pas sans procurer de sérieux bénéfices. Bien que rognées, elles avaient cours en Barbarie pour une valeur bien supérieure à celle des piastres entières à Marseille. " Il n'y a point de piastres de 3 livres aux Concessions, lit-on dans la délibération du 24 juin 1759. Celles de la Calle sont, suivant l'usage, évaluées à 4 livres 10 sols ; celles de Bône et du Collo, pour les achats, à 4 livres seulement et, pour les fonds d'entrée, à 4 livres 10 sols. " L'abbé Poiret écrivait en 1785: "La Compagnie enlève sur chaque piastre la valeur d'environ 15 sols et les fait passer en Barbarie pour le prix de 5 livres, piastres entières, et de 2 livres 5 sols la demi-piastre. Cette spéculation ne laisse pas de donner un profit assez considérable qui monte à environ 10 %. " En réalité, le profit devait être plus élevé. C'est à la veille de la disparition de la Compagnie seulement que les anciens usages furent abandonnés.
           En 1792, elle put faire un accord avec le bey de Constantine et le dey d'Alger ; il était entendu que désormais " les paiements ne se feraient dans la province de Constantine et ses dépendances qu'en monnaie d'Espagne non coupée, savoir piastres fortes entières, demi, quart de piastres, et pièces de quatre réaux. " La coupe des piastres fut alors suspendue.

          Bien que les indigènes voisins des Concessions, trop primitifs et trop pauvres, ne fussent pas grands acheteurs des marchandises européennes, la Compagnie ne laissait pas de leur en vendre une certaine quantité. Il est souvent question dans les documents des opérations de la boutique, à la Calle et à Bône. C'était le magasin de vente de la Compagnie. Qu'y vendait-on et quelle était l'importance des ventes ? nous n'avons que peu de renseignements précis à ce sujet. Un inventaire des marchandises de la boutique de la Calle, au 31 décembre 1756, énumère surtout une série d'articles servant au costume des indigènes : turbans, bonnets de maures, gandoures, bernus (burnous), coiffes et chemises à la mauresque, vestes, camisoles, culottes, bas, souliers, boucles de souliers ; puis divers articles de mercerie, fil, soie, galons; le total montait seulement à 5358 livres.

          A Bône, où la population était assez considérable et beaucoup moins misérable qu'à la Calle, il semble que les ventes eussent dû être plus importantes. M. de Verrayon le constatait dans son inspection de 1750 ; " Il se fait à Bône quelque petit commerce d'entrée en café, alun et eau-de-vie... On pourrait l'étendre à bien d'autres choses comme la coutellerie, la quincaillerie, bonnets de Turcs et plusieurs autres petites étoffes. On pourrait même y introduire quelque peu de drap. Il ne manque pas de gens dans la ville qui s'en habillent. Il vient d'Alger, ainsi que pour Constantine. " Mais la boutique n'y fit jamais que bien peu d'affaires, si l'on en juge par un contrat fait en 1768 par la Compagnie avec son agent de Bône. Elle lui accordait, par-dessus ses appointements de 800 livres, 1/2 % sur les achats faits par lui et 10 % sur les bénéfices de la, boutique et on prévoyait que le tout n'atteindrait pas tous les ans 2400 livres(2). Il est vrai que, outre les ventes de la boutique, la Compagnie expédiait directement des marchandises aux Puissances et aux personnages de qualité, qui faisaient des commandes à ses agents. Voici, par exemple, la liste des commissions données par divers particuliers à l'agent de Bône, le 10 décembre 1780 :

          Pour le bey : 1 pistolet monté en or, 1 en argent, 400 canons de fusil, 800 rottes poivre, 25 de cannelle, 15 giroffles, 5.000 rottes fer plat, 54 rames de papier, 400 picks damas ordinaire, rouge, vert, bleu, violet, 50 pièces londrin écarlate, 50 pièces londrin second, bleu, violet, marron, vert, violet.
           Pour Aggi Bram bacha, fils de l'ancien bey ; 2.000 briques vernissées, peintes à fleurs, 200 carreaux de marbre.
           Pour Sidi Krelitneguet, à Constantine : 100 carreaux de marbre.
           Pour Assembacha : 1 paire pistolets montés en or (le canon comme ceux reçus en dernier lieu, valeur 450 liv.), 5.000 briques peintes et vernissées, 200 carreaux marbre, 2 alambics de verre pour faire de l'essence de rose, 4 globes ou verrines des plus belles en verre blanc.
           Pour Sidi Achmet Barradia, mufti à Bonne : 2 douzaines mouchoirs de soie, couleurs vives, 100 planches bois du Nord, 10 picks drap bleu de roi, 1 miroir, 12 quinteaux fer, 1 petit trébuchet et ses poids pour peser les monnaies étrangères, 1 petite balance, 2 caisses sirop de capillaire, 1 rame papier, 7 picks drap rouge.
           Pour Sidi Aggi Messaoud de Raggi, mercanti du bey : 2 douzaines mouchoirs de soie, couleurs vives, 4 caisses sirop de capillaire, 1 zinzellière de gaze pour un lit à 2 places, 3 paires lunettes des meilleures, 4 boites thé vert du meilleur, 200 briques vernissées et peintes.
           Pour Mohamet ben Couscali, grand écrivain du bey : 450 carreaux de marbre, 15 grandes pierres d'ardoise.
           Pour Mustapha ben Osman, de Constantine : 12 creusets de grès, propres à fondre les matières d'orfèvrerie.
           Pour Sidi Aggi Comar Chincheri, caïd de Bonne : 2 fauteuils de velours cramoisi, 6 chaises de paille, 1 lit à 2 places peint et doré à la mode de Gennes, mais sans figure, 1 zinzelière de maugarbine pour ledit lit, 1 montre à sonnerie à répétition en argent, 3 miroirs à cadre doré, 4 caisses sirop de capillaire, 2 douzaines mouchoirs de soie, 37 packs de drap, 2 pièces toile de Hollande fine.
           Pour l'aga des Deyres : 1 douzaine mouchoirs de soie.
           Pour Osman, tabarquin, votre drogman : 3 miroirs à couronnement.

          Ce document est curieux ; il montre quels étaient les goûts de l'aristocratie de Bône et de Constantine : les armes, les draps et étoffes de luxe, les miroirs étaient particulièrement prisés ; les commandes considérables de briques vernissées et de carreaux de marbre montrent quelle était la décadence de l'industrie des indigènes, obligés de recourir aux étrangers pour des matériaux de construction, spéciaux à leur architecture, et dans la fabrication desquels ils avaient si longtemps excellé. Les Barbaresques étaient loin d'être absolument rebelles aux influences étrangères, puisque le caïd de Bône se meublait à l'européenne, et l'on est assez étonné de voir que le thé, dont la consommation commençait à peine à se répandre en Europe, faisait délit concurrence en Barbarie au café, la boisson nationale des musulmans.

          Il serait possible de faire une étude sur les prix des denrées et des marchandises aux Concessions et sur les bénéfices réalisés par la Compagnie ; les livres des délibérations, où sont relatés les résultats de nombreuses ventes faites par elle à Marseille, en fourniraient les éléments.
           Mais, les uns et les autres variaient dans de telles proportions, d'une année à l'autre, qu'il est difficile d'indiquer des chiffres normaux. Ainsi, dans les premiers temps de la Compagnie, on parlait couramment de blé acheté à 10 piastres le caffi, poids qui équivalait environ à 4 charges; en 1782, l'agent d'Alger traitait avec le bey de Constantine au prix de 32 piastres; la charge revenait alors environ à 10 et à 32 livres, tandis que les prix-courants à Marseille à ces deux époques, d'après les statistiques de la Chambre de Commerce, étaient de 20 et de 28 livres. Tantôt les ventes donnaient des bénéfices énormes, tantôt il arrivait, rarement il est vrai, à la Compagnie, de revendre à perte. Ainsi, pendant les années de plus grande prospérité de la Compagnie, de 1771 à 1773, on vit les ventes de blés produire des bénéfices variant de 30 à 249 et même à 281 %. Dans ces deux derniers cas, l'origine du profit était différente ; pour la première vente il était dû au prix d'achat extrêmement avantageux de 7 piastres le caffi ; pour la seconde, il provenait de 200 charges de versure et bonne mesure, c'est-à-dire de la complaisance des commis chargés de mesurer et de livrer les blés achetés par la Compagnie dans les Concessions. C'était souvent la même bonne mesure qui expliquait les bénéfices exceptionnels réalisés à Marseille sur d'autres ventes, pendant les mêmes années: 66 à 182 % sur les orges, 149 à 265 % sur les fèves. Cependant, les agents de la Compagnie se plaignaient parfois des pertes faites sur la mesure. D'après l'un d'eux, le blé de la Calle était si sale que, après " qu'il avait chargé, la mesure s'en trouvait diminuée de près d'un huitième, quoiqu'on fut en usage de la faire verser en l'achetant. "

          " Les mesures sont entièrement usées, écrivait l'agent de Bône en 1785, amoindries par l'entrée qui est sans fin et les bords rongés, le blé rasé avec des bâtons qui presque tous sont courbés et forment un creux dans la mesure. Le blé, cette année, est plus que jamais chargé de terre qui donne une poussière insupportable et rend malades tous ceux qui assistent à la mesure... Toutes les années, le mercanti (agent commercial du bey) nous emprunte des mesures et ne nous les rend pas toutes. Je prendrais patience s'il s'en servait lorsqu'il nous livre du blé : ils ne font usage alors que des vieilles sous prétexte qu'elles sont plus légères. Cependant, comme telles, ils ne s'en servent pas lorsqu'ils reçoivent le blé des Maures (Bourguignon à Ferrier, agent à Alger, 12 janvier 1785. Arch. d'Alger. Publié par Féraud, p 409-410.")

          " La laine, l'orge et le blé, écrivait l'abbé Poiret en 1785, sont les denrées sur lesquelles la Compagnie gagne le plus. " Mais c'était en somme sur les grains qu'il lui arrivait de réaliser les plus beaux bénéfices. Aussi, est-ce la traite des grains qu'elle préférait faire ; quand celle-ci était importante, elle avait une tendance à négliger les autres articles de son commerce ordinaire, tandis qu'elle cherchait une compensation dans les achats de cuirs ou de laines, quand les blés lui manquaient. Cependant, les cuirs donnaient aussi de beaux bénéfices, 76 % en 1771 et en 1772 ; les profits de la revente des cires, malheureusement peu abondantes, dépassaient, la plupart du temps, 100 %. Quant aux pertes, elles atteignaient parfois des taux assez élevés: en 1781 et en 1782, la Compagnie revendit à perte presque tout ce qu'elle avait acheté; pour le blé, le déficit varia de 10 à 33 % ; pour l'orge, il fut de 70 %. (Voir, pour tous ces chiffres, les Registres des Délibérations, passim. La Compagnie comptait comme bénéfice la différence entre le prix de vente et le prix d'achat, augmenté du fret et des assurances.)

          Ainsi, tous les articles d'achats des Concessions pouvaient donner, quand les conditions étaient favorables, des bénéfices considérables. C'est ce qui explique l'opiniâtreté avec laquelle les Marseillais étaient attachés au commerce des Concessions, malgré les échecs répétés des Compagnies qui s'y étaient succédé. On oubliait leurs déboires, qu'on attribuait à leurs fautes ou à leur malchance, et on se répétait les gains énormes réalisés dans les bonnes occasions ; chaque nouvelle Compagnie espérait les renouveler à son profit.

          Les méthodes commerciales d'autrefois différaient assez de celles d'aujourd'hui pour qu'il soit toujours intéressant de les étudier, mais les Compagnies d'Afrique, par suite de la nature de leurs Concessions, avaient dû adopter des procédés particuliers qui différaient sensiblement, non seulement de la pratique ordinaire des particuliers dans le commerce du Levant et de Barbarie, mais des méthodes employées par les Compagnies du Levant du temps de Louis XIV.

          On a déjà vu comment, pour l'achat des blés et des laines particulièrement, elle avait à négocier surtout avec les chefs locaux, tels que le bey de Constantine ou le cheikh de la Mazoule. Ses opérations commerciales revêtaient ainsi un caractère tout particulier et ses officiers devaient les négocier annuellement, plutôt à la manière d'agents diplomatiques, que suivant la pratique des marchands ordinaires. De même qu'ils se trouvaient, le plus souvent, en présence d'un unique vendeur, dont ils étaient obligés de subir les conditions, de même, ce-lui-ci aurait dit ne pouvoir recourir qu'à un seul acheteur, en vertu du monopole reconnu à la Compagnie, ce qui aurait mis dans une situation égale les deux négociateurs. Mais, par suite de la violation des traités et du rôle actif des interlopes, l'inégalité de situation de la Compagnie était choquante ; la tâche de ses officiers, rendue très difficile, requérait de leur part beaucoup plus de diplomatie, de souplesse, de patience, que de flair d'homme d'affaires.

          Avant l'emploi du télégraphe, l'impossibilité d'avoir des renseignements utiles rendait bien difficile aux négociants, comme aux armateurs, l'emploi de leurs capitaux ou de leurs navires dans des pays un peu éloignés. Aussi, pour leurs opérations en terres lointaines, les compagnies de l'ancien régime laissaient-elles beaucoup d'initiative aux agents de leurs comptoirs ; les particuliers confiaient leurs intérêts aux capitaines de navires qui remplissaient, alors, un rôle commercial des plus importants. Dans le Levant même, malgré la fréquence des relations et la durée, relativement très courte, des voyages, les Marseillais laissaient à leurs facteurs beaucoup de latitude pour les achats et pour les ventes.

          Entre Marseille et la Barbarie, au contraire, la distance était courte ; les tartanes se rendaient régulièrement aux Concessions en quelques jours, aussi la Compagnie d'Afrique suivit-elle une autre méthode. Tout était décidé à Marseille par les directeurs, suivant les avis reçus de la Calle, de Bône et de Collo ; les agents de ces comptoirs ne faisaient qu'exécuter les ordres reçus.

          Cette méthode permettait peut-être à la Compagnie d'éviter des déboires, d'empêcher des agents maladroits de commettre des fautes ; elle donnait aux affaires de la Compagnie l'allure d'opérations bien réglées et bien conduites, sous la surveillance de l'inspecteur du commerce, représentant du roi ; elle était ainsi conforme à l'esprit du temps et laissait les actionnaires libres de toute inquiétude. Mais elle entraînait beaucoup de lenteur dans la conclusion des affaires cet faisait, par suite, manquer souvent des occasions favorables.

          Dans un pays où le succès d'une affaire dépendait souvent du caprice d'un moment, où, par suite des compétitions ardentes des différentes nations chrétiennes, il fallait craindre de se voir enlever, le lendemain, par un concurrent habile, une concession obtenue la veille, le besoin d'en référer à Marseille était plus gênant que partout ailleurs.
           De plus, un tel système était fait pour décourager l'initiative des agents intelligents qui voyaient perdre par des retards le fruit de leur habileté et de leur activité. La Compagnie ressentit ces inconvénients, mais la centralisation était partout trop bien entrée dans les moeurs pour qu'elle songeât jamais à renoncer aux avantages que celle-ci paraissait procurer.

          Du moins, tout en tenant étroitement ses agents en tutelle, la Compagnie sut-elle les intéresser au développement de ses affaires, en adoptant peu à peu le système de les y intéresser eux-mêmes. On a vu, en effet, qu'après avoir hésité au début sur la façon d'en user avec eux, elle finit par accorder aux principaux, en dehors de leurs appointements, une gratification proportionnelle aux opérations de vente ou d'achat ou aux bénéfices réalisés. En revanche, elle leur interdit de faire aucun commerce pour leur propre compte, tandis qu'elle le leur permettait auparavant(1). Ce fut là un des points essentiels de la reforme de 1767, et il n'est pas imprudent d'avancer que le fait d'avoir su stimuler ainsi le zèle des agents des Concessions et d'en avoir fait des collaborateurs intéressés de la Compagnie, fut une des causes qui contribuèrent au changement de tournure de ses affaires dans la seconde période de son existence.

          Contrairement à l'usage des Compagnies de l'ancien régime, et particulièrement des Compagnies du Levant formées à Marseille sous Louis XIV, la Compagnie d'Afrique ne posséda jamais de navires, et elle suivit ainsi l'exemple de celles qui l'avaient précédée. Cependant, le fret était particulièrement cher entre la Barbarie et Marseille, ainsi que l'explique le mémoire rédigé par le directeur Boulle, lors de la formation de la Compagnie :

          " Les voyages des côtes de Barbarie étant très brefs, les barques qui les font passent la plus grande partie de leur temps à faire des quarantaines, des désarmements et des nouveaux armements, ce qui les consume en frais et les empêche de pouvoir donner le fret des voyages dans les Concessions à un prix proportionné à leur proximité.... Il faudrait permettre aux bâtiments, chargés pour le compte de la Compagnie, de pouvoir partir de quarantaine après avoir déchargé leurs marchandises aux infirmeries, ou versé leur blé sur des bateaux à l'entrée du port selon l'usage, et cela dès leur arrivée et en tant qu'ils auraient patente nette. "

          Cette permission fut en effet accordée, mais ce n'était-là qu'un palliatif à la cherté des transports.

          Si la Compagnie n'eut pas ses navires à elle, c'est qu'il n'y avait pas entre les Concessions et Marseille un mouvement continuel permettant d'occuper régulièrement une flotte. Au montent de la traite des grains, on devait les enlever rapidement des Concessions et il eût fallu alors un nombre considérable de navires qui, le reste de l'année, seraient restés inoccupés. Comme les bâtiments ne manquaient pas à Marseille et dans les ports de Provence, et qu'on y trouvait surtout en grand nombre ceux de petit tonnage, employés pour la Barbarie, la Compagnie avait avantage à s'adresser aux armateurs particuliers.

          Elle fut cependant embarrassée au début pour organiser avantageusement ses transports ; il y eut même de vives discussions parmi les directeurs, en 1748, à propos du projet de faire, à ce sujet, un contrat avec un entrepreneur.

          Aucune décision ne fut prise et la question ne fut plus agitée de quelque temps ; mais, en 1754, on ressentit vivement la difficulté d'enlever assez rapidement les denrées des Concessions ; par suite de l'insuffisance et de l'humidité des magasins de la Calle, le blé s'y perdait. La Direction ne pouvait envoyer des bâtiments que sur les avis reçus du gouverneur, qui arrivaient trop tard ; malgré toute son activité, on éprouvait " le même inconvénient qui avait causé la ruine des précédentes compagnies, dirigées par leurs propres intéressés. "
           On proposa donc de nouveau de donner " l'enlèvement " à l'entreprise mais il y eut scission parmi les directeurs. Parmi les objections faites, on rappela " qu'il est de maxime dans le commerce qu'il faut y employer le moins qu'il est possible de personnes intermédiaires, parce qu'elles ne peuvent manquer d'être à la charge par le profit que ces personnes ont en vue de faire. " La majorité prit cependant une décision favorable au principe de l'entreprise, mais rien ne fut changé et rien ne montre que la Compagnie ait eu à se repentir d'avoir conservé la direction de ses transports. (V. Délib. des 19 mars, 21 mai, 10, 17, 25 septembre 1754. Sans doute que la Compagnie faisait des contrats avec certains capitaines ou armateurs pour un certain temps ou un certain nombre de voyages. Ainsi, le 3 septembre 1754, elle délibère d'envoyer au Collo un pinque " du nombre de ceux affectés au service de la Compagnie. ")

          Les voyages effectués, chaque année, pour ramener des Concessions les denrées et marchandises achetées par la Compagnie, étaient beaucoup plus nombreux qu'on ne serait porté à le croire en se rappelant le chiffre, en somme peu élevé, de ses importations.
           C'est qu'en effet la Compagnie n'affrétait, comme c'était d'ailleurs l'usage général pour le commerce de la Barbarie, que de petits bâtiments, barques, pinques ou autres. On a heureusement des chiffres assez complets pour les dernières années de la Compagnie, celles où le trafic et les transports furent le plus actifs.

          Pendant chacune des trois années de traite exceptionnelle des grains (1771-73), la Compagnie reçut plus de 100 navires. Mais la moyenne des tonnage de ces bâtiments, pour les sept dernières années de la Compagnie, n'atteignit pas 150 tonneaux de jauge. (Navires venus à Marseille, chargés pour le compte de la Compagnie : de 1771 à 1777, 568 navires, nolis payé 1.484.401 liv. (moyenne par an, 81 nav., 212.057 liv.) ; de 1786 à 1792, 446 nav. jaugeant 64.440 tonneaux (moyenne par an, 61 nav.) Dépouillements de bilans. Arch. de la Compagnie. - Cf. Arch. des Bouches-du-Rhône. C, 2457. Série de bordereaux de frais de régie de la Compagnie : En 1762, 41 bâtiments nolisés pour 144.259 livres ; en 1763. 6 bâtiments pour 17.745 livres ; en 1761, 7 bâtiments pour 21.645 livres. La Compagnie avait payé, en outre, comme frais d'assurances, 68.621, 8.490 et 16.382 livres.)

          Les marchandises que la Compagnie faisait venir des Concessions n'étaient pas vendues à l'avance. A leur arrivée à Marseille, elles étaient mises dans des magasins, en attendant quelquefois assez longtemps le moment de leur vente. Comme les blés et les autres denrées, ou les laines, étaient des marchandises encombrantes, la location de magasins suffisants était un des soucis, en même temps qu'une des charges, de la Compagnie. Aussi, dès sa formation, la Compagnie, éclairée par l'expérience des précédentes, avait sollicité la faveur d'occuper une partie des magasins de l'ancien arsenal des galères, qui n'était plus guère utilisé par l'administration de la marine. On lit, dans le mémoire du directeur Boulle, de 1741 : " La Compagnie étant exposée à avoir beaucoup de blés en magasin, ce qui l'obligera d'avoir une très grande quantité de magasins épars dans la ville, on supplie ".

          M. de lui accorder l'usage des dix-sept magasins, et autant de salles au-dessus, qui sont le long du canal du pont tournant et que l'on livre actuellement à des particuliers. " L'article 18 de l'édit de création accorda, en effet, cette faveur à la Compagnie, mais on différa longtemps de la mettre en possession des magasins, sous différents prétextes ; le duc de Praslin répondait en 1768 à une nouvelle réclamation, appuyée par la Chambre de Commerce, qu'il était difficile d'accorder satisfaction, parce qu'une grande partie de l'arsenal était alors occupée par l'artillerie de terre. Ce n'est qu'en 1771 que les directeurs obtinrent enfin la permission de placer des blés dans l'ancienne salle d'armes de l'arsenal, mais en petite quantité, attendu que les bâtisses et les planchers étaient en très mauvais état. En 1774, le Trésor royal ayant besoin de 1.200.000 livres pour les travaux de l'arsenal de Toulon, le ministre, de Boynes, les demanda à la Compagnie en lui hypothéquant la partie de l'arsenal de Marseille destinée à être louée à des particuliers.

          Les directeurs en profitèrent pour rappeler au ministre leur droit d'user des magasins et des salles dont ils restaient toujours privés. (Délib. du 30 juillet 1771, 15 janvier 1774. - Il fut alors question de loger le directeur et les bureaux de la Compagnie à l'ancien arsenal, mais le ministre, de Sartine, n'autorisa pas cette combinaison, les bénéfices de la Compagnie étant assez élevés pour qu'elle pût subvenir à cette double dépense. Lettres du 8 février et 17 avril 1775. Arch. des Bouches-du-Rhône. C, 2.461.)
           Mais on était à la veille de voir disparaître le vieil arsenal de Colbert. Quelques années après, il était vendu à la ville de Marseille et démoli pour faire place aux nouveaux quartiers qui avoisinent le port.

          Les ventes de la Compagnie avaient lieu généralement aux enchères (Necker accorda à la Compagnie, en 1777, l'exemption des 4 deniers pour livre établis sur les ventes aux enchères par lettres patentes du 7 juillet 1771, en faveur des jurés priseurs créés par l'édit de février 1771. De Sartine à de La Tour, 21 août 1777. Arch. des Bouches-du-Rhône. C, 2.463.); le directeur principal en fixait la date et l'annonçait par des affiches. C'était à lui de savoir saisir les occasions favorables, de préparer le succès des enchères. Comme c'était lui qui expédiait aussi au gouverneur de la Calle les ordres d'achats, après avoir, il est vrai, consulté les autres directeurs, la réussite des opérations de la Compagnie dépendait en grande partie de son intelligence. Il arrivait cependant que la Compagnie fit des "ventes tractatives ", c'est-à-dire de gré à gré, mais le ministre trouvait la méthode des enchères plus régulière. En ce cas, les courtiers qui servaient d'intermédiaires recevaient 1/2 % seulement de courtage, tandis que dans les ventes aux enchères ils touchaient 1 %.

          Telle était la succession des opérations de la Compagnie. Elles ne s'étendaient pas en dehors de Marseille ; c'étaient ses acheteurs marseillais, des intermédiaires, qui se chargeaient de revendre et de réexpédier dans l'intérieur du royaume les denrées ou marchandises destinées à y être consommées. Dans son grand procès de 1753, à propos de laines avariées, expédiées à des manufacturiers de Paris et de Picardie, elle invoqua pour sa défense qu'elle vendait ses laines à Marseille, à des Marseillais, et qu'elle n'était plus responsable ensuite de ce qu'elles devenaient.

          Cependant, en dehors même du royaume, la Compagnie avait un agent à Livourne où il lui arrivait d'expédier des navires des Concessions, et de vendre des denrées ou de faire acheter les espèces qui lui manquaient. Le rôle de cet agent et les opérations de la Compagnie à Livourne prenaient une importance spéciale en temps de guerre, quand la Compagnie profitait de la neutralité de ce port pour y faire passer ses navires, au retour des Concessions, au lieu de les laisser revenir à droiture.
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A SUIVRE

Un peu d'humour...
Envoyé Par Sauveur

         
URGENCES:


          Un électricien entre dans la salle des Soins Intensifs d’un hôpital, il regarde les patients branchés à divers types d’appareils et leur dit:
          - « Respirez à fond, je vais changer un fusible! »


          Le prêtre et le politique:
          Un âne meurt devant l’église et après une semaine le corps est toujours là. Le prêtre décide d’appeler le maire:
          -Monsieur le maire, j’ai un âne mort depuis une semaine devant la porte de mon église !
          Le maire, grand adversaire du prêtre lui répond:
          - Mais mon père, n’est-ce pas au Seigneur qu’il appartient de s’occuper des morts?
          - En effet, dit le curé, mais il est aussi de mon devoir de prévenir leur famille!
SUPERMAN

          - Mais qui t’a mis dans cet état?
          - Ma femme –répond Pedro.
          - T’as traversé pendant qu’elle faisant une marche arrière ou quoi?
          - Non, mon pote…elle m’a frappé parce que je suis rentré à la maison comme Superman.
          - Comment ça ? T’es rentré en volant ?
          - Mais non, abruti ! Je suis rentré avec le slip sur le pantalon !!!


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envoyées d'Algérie
Neuf terroristes abattus par les forces de l’ANP au sud de Khenchela

 http://www.algerie1.com/wp-content/uploads/2012/04/neuf-terroristes-abattus-khenchela.jpg
           Par Azzedine Maachi | 08/04/2012 | 18:07

           Info Algérie1 : Neuf terroristes ont été abattus par les forces de l’ANP lors d’opérations menées au sud de Khenchela, plus précisément, au lieu dit Boudekhane où une bombe artisanale, enfouie sous terre, a explosé jeudi au passage de cinq éléments de l’ANP qui ont été blessés dont deux dans un état grave a appris Algérie1 de sources sécuritaires.

           Après ce forfait, les troupes de l’armée nationale se sont lancées à la poursuite de ces criminels, qui ont été vite pris dans la nasse et abattus les uns après les autres.

           Il est à signaler, par ailleurs, que les terroristes islamistes sèment des bombes artisanales un peu partout sur les lieux de passage afin de retarder toute progression des militaires, lors de ratissages; les terrains étant très accidentés, tout mouvement devient en principe difficile. Tous les lieux sont pratiquement piégés sauf les cours d’eau asséchés des oueds qui sont leur chemin de prédilection.

           Pour contrer cette stratégie, l’ANP a installé une base avec un terrain d’atterrissage pour hélicoptères pour contrôler toute cette zone très boisée qui s’étend de Ouled Rechach (Khenchela), Ogla jusqu’au djebel Labiodh (tébessa).

           Algérie1 a pu constater, dans cette région, une présence militaire très visible, chargée de surveiller et de contrôler les passagers à bord de véhicules, priés de justifier leur présence et leur mouvement dans cette zone sensible.
           

Lancement de la pénétrante N-S de 1013 km
Amar Ghoul et Chérif Rahmani hier à Blida  
Lundi, 09 Avril 2012 10:00 Liberté Algérie
           Par : K. Fawzi
           Les ministres Amar Ghoul et Chérif Rahmani, respectivement des Travaux publics et de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, ont présidé, hier à Blida, une journée d’information consacrée au lancement du projet de la pénétrante Nord-Sud qui reliera Alger à la future nouvelle ville d’El-Menaâ sur une distance de 1 013 km.
           Selon Amar Ghoul, même si certains tronçons de Djelfa, Laghouat et GhardaÏa ont déjà connu un début d’exécution, il est question aujourd’hui de présenter l’axe le plus complexe du projet qui est le tronçon qui relie Chiffa à Berrouaghia, situé sur la RN1. Un tronçon, connu par ses reliefs très accidentés, sera un défi pour certaines entreprises publiques et privées qui ont été retenues pour participer à ce projet, qualifié du siècle après celui de l’autoroute Est-Ouest. Le tronçon en question, long d’une distance de plus de 80 km, compte 6 tunnels dont la longueur varie entre 200 et 1 859 mètres ainsi que 76 ouvrages d’art dont des viaducs géants. Selon le ministre, le choix a été difficile pour prendre une décision pareille. Il a, en outre, précisé que la RN1 continuerait d’être utilisée durant les travaux de la nouvelle autoroute. Après avoir cité les noms des entreprises retenues pour la réalisation du projet, Sapta, l’Engoa et l’Escec, une entreprise chinoise ainsi que des bureaux d’études nationaux et étrangers, Amar Ghoul lancera encore que “c’est un autre défi à lancer en Algérie, mais nous sommes prêts à le relever grâce à la participation de tous. Nous avons acquis une expérience à la faveur du mégaprojet de l’autoroute Est-Ouest. Aujourd’hui, l’Algérie, qui contient plus de 5 000 cadres spécialisés dans le domaine des travaux publics, est capable de réaliser ce genre de projet”. Si le ministre n’a pas donné le montant exact de la totalité du projet, il a cependant annoncé que pour le tronçon Chiffa-Berrouaghia, une enveloppe estimée à 85 milliards DA avait été dégagée alors que les délais de réalisation étaient de 36 mois pour chaque tronçon. Pour Amar Ghoul, ce projet est l’un des trois qui vont être lancés bientôt, comme la pénétrante qui prendra son départ d’Oran pour relier Bordj Badji-Mokhtar et le Mali en passant par Saïda-El Bayadh-Adrar alors que l’autre ira de Skikda jusqu’à Djanet et les frontières algéro-libyennes en passant par Constantine, Biskra.
           Pour sa part, Chérif Rahma ni a estimé ce projet, qui a une dimension économique et sociale, va désenclaver ces régions. Il évoquera alors les gorges de la Chiffa qui abritent le plus grand parc national en Algérie.
           Toujours concernant le tracé de la pénétrante Nord-Sud, nous apprenons que toutes les contraintes (expropriations, enquêtes, recensements, transfert des réseaux) ont été levées par les wilayas concernées par le projet.

           
NDLR: Voila le vieux mythe du Merniger ( Méditerrannée Niger) remis en action, un siècle après, auquel s'attachent les noms des Berthelot (André et Jean... 1911-1923-1940). Darlan et Weygand optent , dès 1941, pour la voie ferrée plutôt que la route, et les travaux démarrent d'abord avec les réfugiés républicains espagnols à Colomb Béchar, puis après novembre 1942, des prisonniers italiens et allemands. Finalement , le projet sera abandonné en 1949 avec moins de 100 km de voies.
           Il semble que la route soit maintenant préférée au train et qu'on prévoit 3 pénétrantes Nord Sud au lieu d'une, au moment où les Touaregs et le Sahel s'enflamment.
           Abondance de biens ne nuit pas ...
           Bonne chance aux Chinois qui vont encadrer les 5000 cadres algériens spécialisés !
           ( cf les 5 vidéos: http://www.youtube.com/verify_age?next_url=/watch%3Fv%3DI-DeCVkEZgU)


Oran : Il les asperge d’essence avant de craquer une allumette
 

           Par : Mohamed Ibn Khaldoun | 09/04/2012 | 22:22
           A Gdyel, près d’Oran, ce lundi, un homme d’une quarantaine d’année accompagné de sa mère une vieille dame septuagénaire, étaient à l’arrêt bord de leur véhicule quant soudain un individu surgit en surprise et aspergea les deux personnes d’essence avant de craquer une allumette. Les malheureux se sont enflammés subitement malgré l’intervention des citoyens.
           Évacués aux urgences médicales, les victimes sont gardés en observation, dans un état sérieux souffrant de graves brûlures sur le corps, tandis que le criminel a pu être maitrisé et remis aux forces de l’ordre.
           Gdyel , c'est Saint-Cloud...entre Oran et Mostaganem.


Ils volent 160 m de câble du téléphérique de Blida qui se retrouve à l’arrêt
http://www.algerie1.com/actualite/ils-volent-160-m-de-cable-du-telepherique-de-blida-qui-se-retrouve-a-l%E2%80%99arret/  

           Par : Kaci Haider | 09/04/2012 | 21:41
           Décidément l’imagination des voleurs n’a plus de limite. Après avoir fait main basse sur les câbles de Sonelgaz, de la SNTF et d’autres organismes d’Etat et privés, les voilà qui passent à un stade supérieur en s’en prenant cette fois-ci au câble du téléphérique de Blida.
           Cette incroyable annonce a été faite par le ministre des Transports, Amar Tou, qui a révélé lundi à Blida en marge d’une visite d’inspection dans la wilaya, le vol de 160 mètres de câble du téléphérique reliant la ville de Blida aux hauteurs de Chréa. Le ministre, qui a déploré ce vol, a précisé que cet acte délictuel a causé l’immobilisation de cet équipement, privant ainsi de nombreux usagers de ce moyen de transport, particulièrement les habitants de Chréa.

           NDLR: Ils manquent décidément de distractions , en attendant les visas !
            http://www.youtube.com/watch?v=g2B7L3asqi4


La Tunisie se tourne vers le tourisme islamique
  27 février 2012 | Filed under: Géopolitique,Tunisie
           Par : Ftouh Souhail
           La poussée islamiste aux législatives en Tunisie a provoqué l’inquiétude notamment après les déclarations des salafistes appelant à imposer le foulard aux touristes étrangères, leur interdire d’aller à la plage en maillot de bain, ou encore l’interdiction de l’alcool dans les stations touristiques. Après plus de quatre mois de l’arrivée du gouvernement islamiste du Premier Ministre tunisien Hamadi Jebali, l’industrie touristique est en pleine transformation. La Tunisie se tourne désormais vers le tourisme islamique. Le gouvernement a convié récemment une cinquantaine de responsables d’associations musulmanes françaises afin de leur présenter la nouvelle stratégie touristique du pays : hôtels plus respectueux de la morale islamique, piscines non mixtes, forfaits sans alcool. Le gouvernement d’Ennahdha planifie une reconversion forcée des hôtels, une manière de les mettre devant le fait accompli en prenant à témoin une opinion publique musulmane à priori favorable à ce type de transformations. En effet, la mode « Tourisme Halal », née à Dubaï et dans les pays du Golfe, a commencé à avoir le vent en poupe immédiatement après la révolution tunisienne. Une reconversion qui n'est pas du tout du goût de la Fédération Tunisienne de l'Hôtellerie, une institution importante, chargée notamment du contrôle de la qualité de service, dans un pays où le tourisme compte pour près de 10% du PNB, assure près d'un tiers des rentrées en devises, et emploie plus de 12% de la population active. Les partisans du « tourisme islamique » ont multiplié les initiatives et plans marketing, les conférences régionales et les inaugurations d’ « hôtels conformes à la Sharia », selon leurs propres termes. Un homme d'affaires saoudien du nom de Abdel Aziz Ibrahim est attendu en Tunisie, dans quelques jours, pour planifier un mode de financement de ce nouveau concept de tourisme, respectant les préceptes islamiques. Les « transformations islamiques » consistent à aménager des plages pour femmes, des chambres d'hôtels avec tapis de prière et Coran à disposition. Ces hôtels bannissent alcool et boîtes de nuit, prévoient des piscines uniquement pour femmes mais aussi des « Women Floor » – étages uniquement pour femmes.
           L’Hotel Russelior, situé à Hammamet est un hôtel 5 étoiles de luxe. Il est en passe de devenir le premier hôtel pour touristes islamiques. Il a été inauguré dans le cadre de ces hôtels alternatifs qui vont se multiplier et seront au nombre d'une trentaine en septembre prochain. Et c'est justement le succès d'un tel phénomène que craignent les présidents des fédérations professionnelles, qui estiment que la propagation de ce genre de tourisme à caractère islamique va atténuer le flux de touristes occidentaux. La Tunisie a toujours été une des destinations privilégiées des Européens. Parallèlement, le ministère du Tourisme poursuit ses campagnes de promotion et de publicité, par médias français interposés. La chaîne francophone TV 5 passe des publicités et des publi-reportages pour le nouveau tourisme tunisien. Un plan d’action a été lancé en vue d’intensifier ces campagnes publicitaires sur les chaînes européennes, moyennant des enveloppes supplémentaires conséquentes. Ces opérations serviront à renforcer les campagnes de communication institutionnelles et les opérations de publicité conjointe avec les principaux tour-opérateurs européens, qui sont effrayés par l'islamisation du tourisme.


SOUVENIRS
Pour nos chers Amis Disparus
Nos Sincères condoléances à leur Familles et Amis


Par M. Nicolas Duchene

Décès de Mme Fernande MAYER

              Le 2 avril 201 Madame Fernande MAYER née EHRLACHER à GUELAAT BOUSBA s'en est allée rejoindre son mari René MAYER (qui fut maire de PENTHIEVRE) et ses fils DIDIER et GERARD, parti lui le 12 septembre 2011. Elle était agée de 98 ans, une longue vie.
       Son intégrité intellectuelle, lui aura permit d'être consciente et lucide jusqu'au bout. Une mémoire digne de l'institutrice qu'elle fut, aura permis, pendant toutes ces années de se souvenir des années vécues dans notre pays natal. Elle fut notre mémoire et après celle de Gérard, tout vient de s'effacer.
       Elle est partie sans bruit après avoir vu ses filles, ses petits-enfants et arrières-petits-enfants, ainsi que son frère qui vit à GRASSE.
       Nous l'avons ramenée chez elle à HAIMS, petit village de la Vienne, où elle repose en paix auprès des siens.
Mon Adresse pour me joindre : Nicolas Duchene

       P.S. : Le Webmaster de la Seybouse et le groupe des copains des voyages adressent à Nicolas et Pierrette Duchene, à Andrée Augros épousee de Patrick Augros récemment décédé, à Yvette Mayer épouse de Gérard Mayer décédé aussi récemment, toutes nos sincères condoléances et les assurons de toute notre amitié.


Photo de Mme Fernande Mayer et de Patrick Augros juste après le décès de notre "grand frère Gérard Mayer".
J.P. Bartolini
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MESSAGES
S.V.P., Lorsqu'une réponse aux messages ci-dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la Seybouse.
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De Mme
       Bonjour,
      
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De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
 
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Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : jarrige31@orange.fr

DIVERS LIENS VERS LES SITES

M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er Mai 2012.
Son adresse: http://www.piednoir.net/guelma
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Guelmois

M. Robert Antoine et son site de staoueli vous annoncent une mise à jour du site au 1er Mai 2012, avec présentation du nouveau Blason.
Son adresse: http://www.piednoir.net/staoueli
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Le Guelmois

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Dur de vieillir, vré de vré?
Envoyé par Marc

*Tout se perd...même au lit....
       -"T'avais l’habitude de me tenir la main quand nous étions jeunes."
       Le mari lui prend la main, puis tourne le dos et s'endort.
       À peine assoupi, il entend sa femme : -"T'avais aussi l’habitude de m'embrasser."
       Un peu irrité, il lui donne un petit bisou sur la joue et se retourne pour dormir.
       Quelques minutes plus tard, il entend :
       - "Même que, des fois, tu me mordillais le cou."
       Exaspéré, le mari repousse les couvertures et se lève brusquement, énervé...
       Surprise, la femme lui demande :
       - "Mais où est-ce que tu vas ?"
       Le mari répond :

       - "Chercher mes dents !!!"

      


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