N° 56
Novembre

http://piednoir.net

Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Novembre 2006
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Les dix derniers Numéros :
EDITO

J'ai rêvé, nous avons rêvé…  

    A la perspective de ce 1er novembre, de se retrouver devant nos tombes, toutes semblables à celles que nous avions connues, il y a tant d'années, j'ai rêvé, nous avons longtemps rêvé.

    Nous avons rêvé, que le temps, n'efface pas le souvenir, la douleur pour les êtres chers, pour les sépultures qui restent les derniers vestiges des vies envolées au fil du temps. Que les mémoires familiales ne peuvent s'assimiler à un des carrés en ruine. Que ce patrimoine doit être restauré, conservé respectueusement et honoré pour la mémoire collective.

    Nous avons rêvé, qu'entouré d'ouvriers qualifiés, nous procédions à la restauration du cimetière européen de Bône.
    Nous avons rêvé lors de nos voyages, que le gouvernement, que les associations censées nous représenter nous aideraient dans ce travail de restauration.
    Nous avons rêvé, face à des carences, mettre en place une structure privée, libre d'action pour agir sur nos sépultures dans l'espoir de voir refleurir ce cimetière et qu'il devienne un exemple de lieu de respect dans notre pays de naissance et de cœur.

    Oui, mais dans la nuit, ce rêve devient un cauchemar car se dresse l'appât macabre du gain. Le gain des subventions versées par l'Etat et des communes de France ; le gain que fait miroiter l'espérance des familles concessionnaires des sépultures. Cet appât de gain veut se transformer en hégémonie, monopole et élever une barrière en empêchant les initiatives privées par un feu rouge maléfique.

    Puis on se rendort et on recommence à rêver. Une voix sans visage qui porte le deuil sans pouvoir en parler, sourit mélancoliquement puis avec énergie, nous dit : " La chance et l'espérance ne sourient qu'à ceux qui croient en la vie, au bonheur, à la réalité, je vous donnerai plus encore, vous n'avez qu'à demander, à y croire. "
    Et cette voix, parce qu'elle voyait qu'on se triturait les méninges, nous envoya un artisan capable de réaliser nos désirs profonds.

    Cette voix sortie du tréfonds de notre cerveau nous aida dans notre projet, tout est en place. Nous attendons que le feu passe au vert car le feu rouge malsain ne veut pas encore s'éteindre.

    C'est la fin de la nuit, le rêve redevient plus doux car d'autres voix nous saluent par des encouragements et s'ajoutent à notre voix qui nous dit avec un sourire attendrissant : " Ce n'est pas vous que l'on salue, mais la réussite des pionniers, vos humbles ancêtres dans ce cimetière, et qui doit servir d'exemple à plus d'un. "

    Nous ne sommes pas physiquement là-bas, mais par la pensée et le rêve en ce 1er novembre, nous voyons ces sépultures restaurées et fleuries en se disant que la raison l'emportera sur la déraison.

    Le réveil est là, la réalité aussi, mais la détermination en sort renforcée pour mener un combat contre les forces maléfiques. Satan, nous voilà.
                                J'ai rêvé, nous avons rêvé ???         Sûrement pas.

    Une pensée pour nos défunts restés seuls là-bas dans cette nuit sans fin.

Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,
        A tchao.


Aprés votre visite,
(---n'oubliez pas de Cliquer )

SOUS LE SIGNE
DU SCORPION
N° 3 de Janvier 1950
de M. D. GIOVACCHINI
Envoyé par sa fille

   

         30 Décembre, 21 heures. - On me demande au téléphone.

         " Allô; allô Ici Noël. C'est toi Dodo ! Écoute-moi bien. J'ai ici près de moi, Dédé et Jourdin. Grâce à Georgeot T., notre Talleyrand familial, on a pu enfin les réconcilier. Tu serais ému si tu pouvais admirer de tes propres yeux le bonheur qu'ils éprouvent. Ils pleurent de joie et à chaudes larmes. Et Georgeot aussi.

         " Tu me comprendras, Dodo. Cette paix est indispensable. Depuis que l'hippodrome des Caroubiers est fermé, nous ne savions plus où finir des soirées moroses.

         " Chez Jourdain, nous sommes sauvés. On joue aux bibelots. On étudie les antiquités et la vie des punaises. Il a fallu encore lui promettre une place dans le futur Conseil Municipal et une à la Chambre de Commerce. Çà coûte si peu.

         " Reviens Dodo. Ce soir nous allons passer une chemise de nuit à Dédé. Et il dansera sur la table. Comme d'habitude. Sans compter d'autres plaisirs au programme.

         " Reviens Dodo. Et laisse donc au vestiaire la morale et les moralistes ".

         L'appel de Noël était touchant. Aussi je lui ai promis d'être de la fête le jour de la circoncision d'A. F., avec évidemment au menu, un couscous offert par B..
         Avec dans ce couscous, le bout... consacré, " ébouillanté " dans l'eau spécialement prélevée dans le Jourdain.



Ça qu'on vous a pas dit … !       N° 40
Christian AGIUS
le Maltais de la route de Bugeaud,
y ramasse dans les poubelles de luxe…
ma, tombe de ses morts, c'est la franche vérité !!!


Y voulait faire comme Jésus !
Un pasteur gabonnais il s'a noyé en……marchant dessur les eaux…. Même le photographe il a pas pu l'empêcher de faire les nefs fatales !


Au Cameroun le bac de français y proposait un texte de Finkielkraut, comme " auteur du XVIII ème… "
Ma ce tanoute il est toujours vivant !...


Bush il est allé en Autriche, ma, diocane, la confiance elle était pas…
Toute sa bouftance elle venait d'Amérique (le pôve !) et y caguait en dedans des chiottes portatives, ac la cague rapatriée à Washington….


La guerre de l'Israël au Liban elle a envoyé atchez Taddo 34 Libanais par jour.
Ma, pendant ce temps, 51 Sud-Africains y faisaient le même voyage par asassinats…


Tu sais déjà que Patrick Poivre d'Arvor il a été autorisé à s'appeler comme ça y a 2 ans.
Ac son frère, autorisé lui aussi à s'ajouter d'Arvor, y descendent d'un certain Poivre qu'il était connu sous Louis XV comme……………….principal importateur de…………noix de muscade !!!


Un des pays les pluss pôves du monde, la Guinée Equatoriale, elle se paye un président en or !
8ème fortune mondiale, qu'il est classé cette fatche de zlabia !
Ac un compte en Suisse de 768 millions de zorros !!!


Sarcloseille y va pas par les quat'chemins ! Pour son discours en devant les


mandjafranques de Bruxelles, il a fait venir un semi-remorque de Paris, bourré de sonos et de projecteurs !
Pluss ses talonnettes pour faire grand…. Pluss qui nous prend tous pour des gougoutses, et, pour finir, qu'il a raison de le faire quand tu vois toutes ces foules d'alatches qui se bousculent pour se l'applaudir….


Diocane, où il était le Ben Laden le 11 setembre 2001 ? Hein ?
Tout simplement à l'hôpital militaire de Rawalpindi au Pakistan, protégé par les services secrets……………….américains !!!


Karl Doublezéro y vient de s'acheter la propriété de Christine Ockrent, à côté Bonifacio.
Zotch ! Et pas pour un cornet de cacahouètes !


La terre elle se réchauffe, sauf que le dernier mois d'août il a été le pluss froid depuis 1986…


L'Etat y fait des économies pour les monuments historiques : deux tiers de flouss en moins, diocane !
Sauf que le Valéry Giscard, dit d'Estaing, il vient de toucher 50.000 zorros du ministère de la culture pour le château qu'il vient d'acheter à………………………Estaing !
Comme ça , ça fera pluss vrai !


Le Djack Lang il a refusé l'entrée du cirque d'hiver à plusieurs Noirs, pour un meeting : y croyait, ce damné de la terre, ce forçat de la faim, que c'étaient des sans-papiers !.....
Sans papier ? Qué misère quand tié dans une cagouinsse !!!

La suite au prochain numéro :
te fais pas de mauvais sang,
J'en ai encore des tas en dedans les tiroirs….

LE PLUSSE DES KAOULADES BÔNOISES (42)
La "Ribrique" de Rachid HABBACHI
UN RECTANGUE QUI FAIT CERQUE

          L'aut' soir, diocamadone et purée de mes z'osses à moi, le rouge de la honte y m'a venu d'un coup à la fugure comme j'te parle, j'te jure. Tu ois pas, pour me coire un peu à Bône dessur le port, y m'arrive de temps z'en temps d'aller rodailler du côté des quais du grand canard que c'est comme ça qu'ici, en Patosie, y z'appellent une Seybouse qu'elle est creusée par l'homme pour que dessur, y te vient des grandes chatines que j'ose pas dire le nom, un nom qu'y fait gros mot et vilain en plusse comme tout à cause, que c'est comme ça aussi que le z'guète, les patos y s'l'appellent.
          Ce soir-là, j'te dis, j'étais en train de lire ou de faire semblant pasqu'y faut toujours oir ousque tu mets tes pieds si que tu veux pas finir trempe et tchoutche en tombant en dedans une recluse qu'elle est pas toujours fermée. J'étais, j'te dis en train de lire, entention, pas n'importe quoi, comme y dit l'aut', un liv' de haute tenue file au z'aux figues de barbarie bien piquantes que, y a que les baouèles qu'y s'le connaissent pas, un vrai cyclope y dit qu'y t'esplique par a plusse z que " là où t'y as des mots, bessif t'y en as des gros " quan tu ois pas, je me tamponne un homme que, tout de suite y s'escuse, y jure une couleur que j'me rappelle plus laquelle et qu'y me dit que comme ça, y me connaît, qu'il habite dedans mon quartier, qu'y préside un cerque de lettre à Arthur et qu'il aimerait bien jeter un coup d'œil dessur le liv' que je moi, je suis z'en train de m'le lire et que si que j'ai un peu du temps et si que je veux bien sûr, j'l'accompagne à la réunion qu'y va t'y aouar t'à l'heure.

          On arrive au cerque, qu'entre toi et moi, il a rien de rond, c'est une grande pièce rectangue, plusse longue que large, normale, ousqu'y a plein des gens qu'y z'attendent déjà, des gens qu'y s'parlent sans même s'entende ou s'écouter pasque, y z'ont tous la bouche pleine de p'tits morceaux de pain avec un peu du pâté dessur, des morceaux de pain qu'y z'ont rien d'un canapé mais qu'y s'les z'appellent comme ça, à saouar pourquoi. Brèfle, en dedans ce cerque pas catholique par sa forme, t'y avais des z'aut' soges pas catholiques elles z'aussi (zotch, t'y as vu la liaison ?), t'y avais des souyiers de satin, des oiyages au bout d'la nuit en allant d'un château l'aut' et même, tu vas pas me coire, des z'à la recherche du temps perdu mais, sois pas tchoutche comme moi au début, tout ça c'est des tit' de liv' qu'y z'ont été écrits par des z'inconnus, non, pas les comiques, ceux-là là, c'est des inconnus que nous z'aut', on les connaît pas et j'vas t'les citer comme le tiercé, en dedans le désorde. T'y en as un qu'y s'appelle Proust, non pas prout.. que lui, y te sent le choléra, t'y en as un aut' qu'il a un nom de femme mais c'est un homme qu'y s'appelle Céline mais à saouar, avec ça qu'aujourd'hui on s'l'appellent le modernisme, y a rien de détonant…. et un aut', la même soge dedans son nom, que c'est Claudel.
          Tu ois pas un peu, après aouar raconté plein des soges, que la moitié si que c'est pas plusse, j'l'ai pas comprise, le Président du cerque rectangue que tous les z'aut', contents qu'y z'étaient, y s'tapaient en dedans leurs mains pour faire coire qu'y z'ont compris ça qu'il a dit, purée de sa race affoguée de là jusqu'à Tataouine, en aller et retour comme ça, ça lui fait dix pour cent de réduction, tu ois pas comme j'te dis, ce Président à la mord moi l'…… y m'appelle et y me présente avec mon liv' qu'il a dit qu'il était curieux alors que mon liv', le pauv', il a jamais cherché après personne comme personne il a cherché après lui sauf quèques bônois bien sûr, ceux-là là qu'y savent lire le tchapagate sans faire des necs. Il a commencé par dire que dedans les quèques lines qu'il en a lu il a remarqué des nérologismes alors que je jure dessur la tête du bon dieu, j'ai jamais écrit ça et y continue en disant que ces nérologismes y sont curieux eux z'aussi et que si que le temps y l'y était donné….ma parole, y rêve ou quoi ? y sait pas que le temps c'est d'l'argent et qu'y s'donne pas comme ça, y se prête et encore….Que si que le temps y l'y était donné, il approfondirait la question, il décortiquerait mon liv' mais que d'abord, y faudrait une circonférence et que cette circonférence c'est moi qui la fait ; tête ou gat's ouai ! j'ai compris à de bon que ce baouèle y voulait, grâce à ma circonférence, rende son cerque rectangue un peu plusse rond et tout ça, à bou blèche et comme vous me connaissez tous, j'ai trop d'élèvation pour lui dire d'aller s'la pile en coule, j'y ai dis seulement que j'allais demander l'autorisation au comité de mon rectangue à moi que lui, il est rond, qu'il est présidé par un prix norbert de lettre à Arthur, qu'y s'appelle Benguèche et que bessif personne y s'le connaît comme moi je m'connais pas leurs auteurs qu'y z'ont tous des noms à coucher déhors.

Rachid HABBACHI

LE PHILIPPEVILLE - CONSTANTINE
BÔNE son Histoire, ses Histoires
Par Louis ARNAUD

                     BÔNE est aujourd'hui, après Alger, sinon la plus grande, du moins la plus coquette Cité de l'Algérie.
          " Elle était appelée à un grand développement, et l'espoir tant caressé des Bônois de voir leur Ville devenir le chef-lieu d'un nouveau département serait peut-être devenu une réalité, sans l'entrée de nos troupes en Tunisie. Bône marchait vers l'avenir à pas de géant et serait devenue en quelques années, la rivale d'Oran, si une partie du courant commercial ne s'était dirigé vers la Tunisie.

          " Néanmoins, malgré cette sensible déperdition de force, la Cité bônoise n'a pas moins conservé la plus grande partie de sa vitalité ; elle s'agrandit plus lentement, c'est vrai, mais à coup sûr ; d'immenses travaux y sont en cours d'exécution ; les riches vignobles ont envahi ses plaines et les marchandises s'amoncellent encore sur ses quais. Bône sera toujours la coquette Cité, aux édifices somptueux, aux avenues larges et ombragées qui avec sa ceinture de feuillage que troue, çà et là, la blancheur des élégantes villas, laisseront au voyageur, même d'un jour, un ineffaçable souvenir ".
          C'est par ces lignes, d'où monte, comme un parfum d'encens, l'affection mêlée de fierté d'un fils de Bône pour sa Ville natale, que René Bouyac terminait, en 1891, soixante ans après l'occupation française, son " Histoire de Bône ".
          René Bouyac, était à cette époque, Contrôleur civil en Tunisie. C'est donc de loin, et peut-être déjà, sans espoir de revenir, un jour, dans sa Ville natale - car il n'est pas revenu - qu'il laissait percer, à travers ces lignes son admiration nostalgique pour " la coquette Cité aux édifices somptueux, aux avenues larges et ombragées qui, avec sa ceinture de feuillage, que troue ça et là, la blancheur des élégantes villas, laisseront aux voyageurs même d'un jour, un ineffaçable souvenir ".
          S'il pouvait revenir, il chercherait en vain, la ceinture de feuillage et les avenues ombragées qui semblent avoir laissé en lui, aussi, cet ineffaçable souvenir qu'il croyait réservé seulement aux voyageurs même d'un jour.
          Certes, la constitution du Protectorat français sur la Tunisie a porté une atteinte sensible à l'économie de la région bônoise, et plus particulièrement à l'essor de son port.

          Mais la chose était fatale et juste, la France se devait d'assurer à la Tunisie, qu'elle prenait sous sa tutelle, la pleine et entière utilisation de toutes les ressources de son sol, de son commerce et de son industrie.
          Les inexorables barrières douanières qui n'ont, comme on le sait, pas d'autre but que de maintenir l'équilibre budgétaire et social d'une Nation en écartant la concurrence étrangère sur ses marchés intérieurs, dans la plus large mesure possible, n'ont jamais éveillé chez les Bônois le moindre ressentiment.
          Les Bônois ont, sans doute, souffert de la création d'une frontière infranchissable dans le cadre de l'économie politique, mais ils ont compris qu'il ne pouvait en toute honnêteté et équité, en être autrement.
          Les Tunisiens n'ont pas eu, il faut le reconnaître, la même conception de cette règle de droit international, lorsqu'il s'est agi des minerais de fer de l'Ouenza et de Bou-Khadra, qu'ils ont tenté d'arracher au port de Bône pour les faire embarquer par Bizerte, bien que ces minerais fussent des produits strictement algériens.
          Malgré la défaillance de l'apport tunisien, et sans qu'il ait été nécessaire de créer un nouveau département dont elle aurait été le chef-lieu, Bône avait le droit de compter sur toute la région de l'Est constantinois pour alimenter le trafic de son port et contribuer à sa prospérité commerciale.
          Sa rade n'avait-elle pas été fréquentée depuis les temps les plus reculés, et pendant des siècles avant l'occupation française par les navigateurs qui venaient commercer avec les habitants de la région.

          Les chemins, d'autre part, qui suivaient successivement les vallées de l'Oued-Cherf et de la Seybouse, n'ont-ils pas toujours amené directement, et sans difficultés de terrains - alors qu'il n'y avait pas de chemin de fer - les produits du Sud-Est et du Département jusqu'à son port, leur seul débouché naturel sur la mer ?
          S'il avait continué à en être ainsi, si les lois naturelles avaient été respectées, même dans l'établissement des voies ferrées, Bône serait devenue l'égale d'Oran peut-être. En tout cas, elle serait une Cité bien plus importante qu'elle ne l'est aujourd'hui et son port actuel ne suffirait certainement pas à son trafic.
          Mais voilà, Oran était le seul grand port du Département de l'Ouest algérien, et Oran n'avait pas à craindre la jalousie du chef-lieu de son département puisqu'elle était elle-même ce chef-lieu.

          Oran, aussi, est adossée à la frontière du Maroc et ne reçoit aucun produit de ce Pays.
          Mais Oran est le point vers lequel convergent toutes les voies ferrées et routières importantes du Département et son port n'a pas à craindre la concurrence d'Arzew ou de Mostaganem.
          Sans la rivalité de Philippeville, et l'esprit particulariste du chef-lieu, la situation de Bône aurait été sensiblement la même.
          Bougie, en effet, ne saurait prétendre à transiter par son port d'autres produits que ceux de l'Ouest du département de Constantine.
          Philippeville n'avait jamais été effectivement le débouché d'une région particulièrement importante.
          Son port de création récente, a voulu succéder à celui de Stora qui a, lui, une origine très ancienne comme son nom même l'indique, mais qui n'avait jamais été qu'un refuge, en cas de mauvais temps.
          Stora provient, en effet, de Astarté, ou plus exactement de Istar, autre nom d'Astarté, déesse du Ciel chez les peuples sémitiques, et les Phéniciens devaient certainement connaître cette rade qui pouvait sûrement les mettre à l'abri des tempêtes méditerranéennes.
          Stora qui était une excellente rade, connue depuis un temps immémorial, n'avait cependant pas attiré l'attention du Maréchal de Bourmont, lorsque, après la prise d'Alger, il voulut étendre aussi loin que possible les deux heureux effets de sa victoire.
          C'est vers Bône qu'il a immédiatement dépêché l'escadre de l'Amiral de Rosamel. Par Bône, il savait que l'accès de l'intérieur de la Province lui serait facile, et c'est de Bône que partira, en effet, en septembre 1837, la colonne du Duc de Nemours pour aller mettre le siège devant Constantine.

          Ce simple rappel d'événements historiques démontre mieux que toute autre explication, que Stora, et, par conséquent, Philippeville, n'avait qu'une importance relative, et que l'orographie des lieux avoisinants était, par là, un obstacle considérable à toute pénétration dans l'intérieur du Pays.
          Et cependant, les Philippevillois réclamèrent un port, un port plus grand que celui de Stora, et bien plus près de leur Ville.
          Des sommes considérables furent englouties dans la mer, et nos voisins furent, apparemment satisfaits.
          Comme tout le littoral, depuis le Cap de Fer jusqu'au Cap Bougaroni, n'est constitué que par de hautes falaises, les eaux du port de Philippeville atteignaient de très grandes profondeurs, permettant aux navires des plus forts tonnages, et des plus grands tirants d'eau de venir au plus près de la terre, et même d'accoster aux quais.
          C'était le seul côté avantageux de ce nouveau port de Philippeville qui n'a jamais pu remplacer Stora pour la tranquillité de ses eaux, et la sécurité parfaite des relâches.
          Ayant un port capable de recevoir à quai les plus gros bateaux, les Philippevillois voulurent avoir de quoi l'alimenter et le faire prospérer. La chose était normale, bien qu'elle fût contraire aux principes naturels connus qui veulent que ce soit la fonction qui créé l'organe.
          Ici, c'était l'organe qui allait créer la fonction.
          Alors Constantine prit nettement parti contre Bône en secondant les efforts des habitants de Philippeville.

***

          Pour alimenter le port de Philippeville, il fallait naturellement, tout d'abord, construire un chemin de fer reliant le chef-lieu à ce port.
          On avait prévu, lors de l'élaboration, en 1871, du réseau des voies ferrées à créer dans le Département, une seule ligne de Constantine à Guelma, et Gastu, qui, à partir de ce centre se serait divisée en deux tronçons, à la manière d'un Y renversé, pour aboutir, d'une part, à Bône, et de l'autre à Philippeville.

          Nos voisins refusèrent cette ligne bipartite et prétendirent avoir droit à une ligne qui les relierait directement au chef-lieu.
          Constantine se joignit à Philippeville pour réclamer cette ligne dont la construction devait se heurter à des difficultés énormes, tant au point de vue de sa réalisation matérielle que de la dépense à engager : ligne qu'au surplus, ni l'intérêt général, ni l'économie de la région ne justifiaient. Mais l'intérêt général ne préoccupait certainement pas les Constantinois dans cette affaire, et peut-être même pensaient-ils moins aux Philippevillois qu'à eux-mêmes.
          Ils avaient, sans doute, prévu, en effet, qu'à égalité de parcours, les marchandises à importer ou à exporter utiliseraient plus souvent le tronçon Bône-Gastu de cette ligne bipartite que le tronçon Philippeville-Gastu.
          Alors, il était à craindre que la totalité de la production, agricole ou autre, de la partie Est du département ne fut absorbée par le port de Bône, qui pouvait offrir de plus grandes facilités aux navires et qui était bien plus connu et fréquenté par les navigateurs que celui de Philippeville.
          Il était aisément concevable aussi que les touristes, les voyageurs et les hommes d'affaires, qui auraient pu être attirés par le mouvement commercial de ce port, ou par le souvenir de Saint Augustin et les ruines d'Hippone risquaient d'être séduits par la Ville, la beauté de ses sites et la richesse de ses alentours. Ainsi Bône préférée à Philippeville, pouvait prendre rapidement une trop grande importance, et porter atteinte au prestige et à la suprématie de Constantine, dans le Département.
          Or, cela, l'orgueilleuse Cité si jalouse de son rocher pittoresque, et de ses ponts vertigineux, qui fait accueillir ses visiteurs à la gare, par une monumentale statue d'un Constantin peu connu, alors que Bône se contente d'entourer Saint-Augustin, que le monde entier connaît, d'une pieuse vénération, cela, elle ne le voulait pas.

          Si Bône prenait une trop grande importance, peut-être aussi la question d'un transfert du chef-lieu, pourrait-elle se poser encore ?
          Dans les premiers temps de l'occupation française en 1848, lors de la division de l'Algérie en trois zones administratives, la " Province de Bône " avait bien failli l'emporter déjà sur la " Province de Constantine ", à cause, sans doute, de l'analogie que présentait la situation de Bône avec celles d'Alger et d'Oran. Même situation sur la Méditerranée rendant plus aisées les relations avec la Métropole et le repli, en cas d'insurrection ou d'attaque venant de l'intérieur, même facilité d'accès vers le sud de la Province par le bassin de la Seybouse et celui de l'Oued-Cherf qui lui fait suite.

          Au surplus, il y avait eu en faveur de Bône le principe de la situation acquise, car, jusqu'en 1848, la Province s'était appelée " Province de Bône " d'abord, puis " Province de Bône et de Constantine ".
          Le siège du Diocèse avait été, aussi, tout près d'être établi à Bône. La demeure de l'Evêque avait été déjà préparée à l'angle de la rue Perrégaux et de l'ancienne place de Strasbourg, côté Nord.
          L'immeuble dont l'architecture particulière dénotait la destination pour laquelle il avait été construit, a été complètement détruit par un incendie provoqué par les bombardements de 1942.
          Peut-être est-il utile de noter au passage que le propriétaire qui l'avait fait édifier, uniquement en vue de cette pieuse destination, appartenait à la religion israélite pour montrer combien les habitants de Bône, à l'époque, étaient unis et solidaires es lorsqu'il s'agissait de l'intérêt de la Cité.

          Il aurait été logique, en effet, que le Centre du Diocèse fut situé à Bône, et que le successeur du Grand Evêque qui a illustré Hippone, fut tout près des lieux où vécut et mourut le Saint apôtre Berbère.
          Mais Constantine eut encore raison contre l'Histoire et la Gloire du Christianisme dans ce Pays.
          Le siège épiscopal s'en fut donc s'installer à Constantine, et, c'est tout juste si, pour rappeler le souvenir du grand docteur de l'Eglise, on consentit que son titulaire fut Evêque, à la fois, de Constantine et d'Hippone.
          Cette appellation, symbolique pour Hippone, car l'Evêque est en réalité à Constantine, dans la rue de l'Evêché, indique, tout de même, l'importance du souvenir de l'Hippone de Saint-Augustin pour le monde chrétien.
          Et cependant, ce souvenir n'a pas su triompher des appétits constantinois.

          Ainsi donc, la ligne de chemin de fer commune proposée par les Pouvoirs Publics avait été écartée parce qu'elle avait paru devoir être plus utile au développement de la prospérité de Bône qu'à celui de la prospérité de Philippeville, et partant, dangereuse pour le prestige de Constantine.

          La Compagnie Bône-Guelma, sur ces entrefaites, entreprit de relier Bône à Guelma, comme son nom l'indique, et de prolonger ensuite sa ligne jusqu'au Kroubs où elle vint rejoindre la grande voie ferrée de Constantine à Alger et à Oran.
          La construction de cette ligne qui isolait complètement Philippeville allait servir les desseins de nos voisins ?
          1l ne leur restait plus, dès lors, que la ressource de demander la construction d'un tronçon venant se raccorder, à Guelma, au chemin de fer Bône-Guelma.
          C'eut été le retour, avec moins d'avantages, au premier projet qu'ils avaient si dédaigneusement repoussé.
          Ils réclamèrent, donc, soutenus par les gens du chef-lieu, la construction d'une ligne reliant directement Philippeville à Constantine.
          C'était une exigence difficile à satisfaire, car la construction d'une voie ferrée à travers la région montagneuse et accidentée qui sépare les deux Villes, allait être éminemment coûteuse et bien difficultueuse à réaliser.

          La raison d'être d'une telle liaison, au surplus, n'existait pour ainsi dire pas, puisque les deux lignes prévues au programme ferroviaire du Département, depuis 1871, vers Bône et vers Bougie devaient largement suffire à l'évacuation des produits de tout le Département vers leur débouché naturel, à l'Est et à l'Ouest.
          Jamais le Parlement n'accepterait, pensait-on, de voter l'autorisation de construire une telle ligne qui entraînerait pour le budget une dépense de l'ordre d'un million au kilomètre, alors que pour les autres entreprises du même genre, la dépense au kilomètre n'avait jamais dépassé cinquante mille francs.
          Mais on fit intervenir, comme on le fera plus tard, dans l'affaire des minerais d'Ouenza que l'on voulait faire embarquer par le port tunisien de Bizerte, l'argument de la défense nationale.
          Les quatre-vingt-deux kms de voie ferrée qui relient Philippeville à Constantine, et qui servent aux habitants du chef-lieu pour aller prendre des bains de mer ont donc été construits, parce qu'ils étaient indispensables pour la défense nationale.

          Personne ne s'est jamais rendu compte, certainement, de l'intérêt stratégique qui avait commandé la création de ce chemin de fer.

          Tandis qu'on dépensait ainsi sans compter, sous le prétexte fallacieux de défense nationale, pour donner un port à la Ville de Constantine, on oubliait de s'intéresser à celui de Bougie qui attend encore, depuis plus de 80 ans, la réalisation du projet de chemin de fer qui doit le relier à Sétif.
          Le projet de Sétif à Bougie est sensiblement le même pour la longueur, que celui de Philippeville à Constantine, mais la dépense à engager pour la construction de la voie ferrée aurait été nettement inférieure.
          Seulement, le Sétif-Bougie aurait drainé vers ce port tous les produits d'une région riche et fertile qui constitue son hinterland naturel et normal, et cela, il fallait l'éviter pour permettre au port de Philippeville d'accaparer ces produits.
          C'est ainsi que peut s'expliquer le quasi oubli dans lequel est tombé le Sétif-Bougie.
          Ce projet ne risque plus, d'ailleurs, d'être réalisé, car les transports routiers vont bientôt supplanter les chemins de fer.

          Le port de Philippeville n'est alimenté dans la presque totalité que par des apports lointains qui ne lui étaient pas dus et qui ne sont devenus ses tributaires que parce qu'ils ont été détournés, par un moyen ou un autre de leur voie normale d'évacuation.
          Si le Sétif-Bougie avait été réalisé, comme il aurait dû l'être depuis longtemps, puisqu'il était compris dans le plus ancien programme de construction de voie ferrée dans le Département, on peut être assuré qu'il aurait, été prolongé jusqu'à Batna, en suivant la route de Magra, et toute cette région aurait échappé normalement à l'emprise de Philippeville.
          Khenchela aussi aurait pu être reliée à Batna et diriger ses produits vers le port de Bougie.

          En somme, il y avait dans le Département de Constantine deux zones bien distinctes, l'une de l'autre, et chacune de ces deux zones avait un débouché naturel sur la mer qui lui était propre : Bône et Bougie.
          La nature avait bien fait les choses. Il n'y avait qu'à respecter l'ordre qu'elle avait établi et l'économie du Pays s'en serait bien trouvée.
          Au lieu de cela, on a bouleversé cet ordre naturel des choses parce qu'il avait paru convenable aux Constantinois d'avoir leur port à eux ; un port dépendant exclusivement du chef-lieu, et aussi parce qu'on avait voulu éviter que l'importance de Bône ne s'accrût trop rapidement et ne portât ombrage à la primauté que le chef-lieu entendait avoir dans le Département sous tous les rapports.

          Ce port, il avait fallu, ensuite, justifier la nécessité de sa création et la région philippevilloise, si fertile qu'elle pût être, ne pouvait suffire à l'alimenter.
          Il fallait donc aller chercher ailleurs le fret nécessaire à son activité, et profiter de cette occasion pour construire une voie ferrée reliant directement Constantine à Philippeville.
          La réalisation de ce plan ne se présentait, certes, pas sans difficultés, car ce chemin de fer ne pouvait aucunement se justifier du point de vue économique, puisque l'évacuation complète des produits du Département, et l'importation de tout ce qui pouvait être nécessaire aux habitants étaient assurées par les débouchés naturels et parfaitement suffisants qu'étaient les ports de Bône et de Bougie.

          Mais l'argument de la défense nationale intervint impérieusement pour permettre aux Constantinois et Philippevillois de réaliser leur plan d'accaparement et satisfaire leurs ambitions.


CIMETIERE DE VILLAGE
Envoyé par M. Marc Dalaut
Ecrit par M. Gaëtan Dalaut


Il est triste et poignant d'entrer en visiteur
Au cimetière, ici, d'un tout petit village,
Trop de vieilles tombes sont sans le nom ni l'âge
Effacés par le temps, éternel destructeur.

Parfois, visible encore, un chiffre évocateur
Rappelle les premiers, Colons pleins de courage,
Venus dans ce pays poursuivant un mirage
Rejoindre ceux frappés d'un édit proscripteur.

Ils vinrent de France, d'Italie ou d'Alsace
Sans grand argent en bourse et peu dans leur besace.
A la peine, ils sont morts, l'Oubli compatissant

Berce dans la terre qu'ils trouvèrent en friche
Ces humbles disparus qui la rendirent riche
Au prix de leur sueur et souvent de leur sang.


BÔNE MILITAIRE
du CAPITAINE MAITROT
                              Envoyé par M. Rachid Habbachi                      N° 19

Bône Militaire                                                   44 SIÈCLES DE LUTTES
du XXIVème avant  au XXème Siècle après notre ère
Médaille de Bronze à l'Exposition Coloniale de Marseille 1906
Médaille d'Argent de la société de Géographie d'Alger 1908

Deuxième Partie
         BÔNE FRANÇAISE

CHAPITRE XX
        
Bône de 1847 - 1870


        A partir de cette époque, les événements vont se précipiter. La région est prospère. Sauf les passages de troupe s'embarquant pour la France ou pour les colonies lointaines Bône ne fut plus le théâtre d'événements militaires importants ; j'en excepterai bien entendu, l'insurrection de 1871.
        Le colonel de Senilhes, que l'on a vu bien souvent à la tête des colonnes parties de Bône, était un aussi bon administrateur qu'un habile homme de guerre. Malheureusement, il ne fit que passer. Son commandement ne se signala que par la création par arrêté du 3 juin 1847, du village de Bugeaud, avec 24 feux et 162 hectares, par la création, par arrêté du 26 septembre 1847, du village de Penthièvre, avec 60 feux et 1.400 hectares et enfin par l'ordonnance du 28 décembre 1847, réglementant l'organisation des municipalités en Algérie.
        Cette ordonnance déclara que les centres de population en Algérie pouvaient être érigés en communes lorsqu'ils auraient acquis le degré de développement nécessaire.
        Bône fut érigée en commune le 31 janvier 1848 avec un maire et deux adjoints. M. Lacombe avait été proclamé maire le 28 du même mois, mais lorsque la révolution éclata, le conseil municipal n'était pas encore organisé.
        Les limites communales furent celles qui existent encore actuellement. Le budget était de 145.800 francs.

        Le 5 février 1848, le colonel fut relevé par le général Drolenvaux.
        Le 2 mars arriva à Bône la nouvelle de la révolution et du renversement de la royauté. Des troubles faillirent éclater et six personnes furent expulsées d'Algérie, c'étaient MM. Brotet, Ménotti, Pons, Gasquet, Bertrand, Despagne. Les nouveaux conseillers municipaux furent : MM. Lacombe, maire, Rossi, Bronde, Mondebrad...
        Le 31 mai, huit artilleurs étaient occupés aux Santons à décharger des obus. L'un d'eux éclata, tuant deux hommes ; les artilleurs s'enfuirent, excepté le canonnier Lecavelier, qui s'empressa d'éteindre le feu qui dévorait les vêtements des morts sans s'inquiéter de l'étoupe qui, brûlant derrière lui pouvait enflammer les obus restant.
        Ses camarades, honteux de leur premier mouvement, s'empressèrent de venir l'aider.

        Le 2 juillet, un complot des condamnés de l'atelier n° 4, campés aux baraquements de la Seybouse (propriété Sens à Hippone) et aux Caroubiers, faillit avoir des conséquences fâcheuses. Heureusement, le colonel Dumontet eut la révélation du complot, la veille même de son exécution. Les condamnés devaient s'emparer des armes des surveillants, des gendarmes et des tirailleurs de garde et marcher en deux groupes sur la Casbah et l'arsenal.
        Le colonel fit arrêter 21 conjurés.
        Le colonel Dumontet faisait alors l'intérim, le général Drolenvaux, rappelé après la révolution, ne fut remplacé par le général Le Flô que le 13 juillet. Le nouveau commandant resta à peine à Bône et le colonel reprit l'intérim jusqu'au 23 octobre, date à laquelle arriva le colonel Eynard.
        Le commandement de cet officier qui dura trois ans fut d'une tranquillité absolue.

        Le 8 décembre 1848, arriva à Bône un convoi de 840 colons ; un autre de 744 débarqua le 15 décembre. C'était une très heureuse idée d'envoyer des gens, de sang pur et de santé robuste, coloniser un pays où ne se trouvaient alors que des hommes déjà fatigués et anémiés par les rudesses des campagnes et du climat. Mais cette idée excellente fut très malheureusement exploitée ; les nouveaux colons étaient trop nombreux pour un premier envoi et surtout trop novices dans les travaux des champs. Découragés, malades, ils rentrèrent en France et, ce qui est pis, se répandirent en récriminations qui pendant longtemps discréditèrent la colonie dans la mère patrie.

        Le 9 décembre, l'Algérie fut complètement remaniée au point de vue administratif. Le territoire fut divisé en territoire civil et territoire militaire ayant chacun à leur tête et par province un préfet et un général de division. Les territoires où l'élément européen ne dominait pas, tout en existant de façon notable, furent érigés en commissariats civils relevant du préfet et administrés non par des élus mais par des fonctionnaires, ce sont nos communes mixtes actuelles.
        Au mois de décembre, le gouvernement de la République fit remettre des drapeaux aux troupes. Le général de division les distribua à Constantine, L'étendard du 3ème spahis fut présenté par le colonel à chaque détachement : Constantine, Guelma, Bône. La raison de cette grandiose promenade militaire fut que cet étendard était le premier drapeau des troupes indigènes.
        Les tirailleurs n'existaient pas encore en temps que régiment et c'était reconnaître aux spahis, en récompense de leur valeur, de leur dévouement et de leur sang versé, le droit de combattre sous les couleurs nationales au même titre que les troupes françaises.

        Le 11 janvier 1849, la subdivision s'augmenta de la tribu des Hanenchas.

        Le 2 février, le Gouverneur Général fit faire un mouvement de troupes. Entre autres changements, un escadron de spahis de la subdivision de Bône fut envoyé à Batna. Le 6ème escadron quitta Guelma et arriva dans sa nouvelle garnison le 28 ; 34 spahis restèrent à Guelma, les sous-officiers et les brigadiers qui avaient leur famille dans la région rendirent leurs galons pour rester au détachement; nombre de cavaliers se firent libérer pour les mêmes raisons. C'était à 20 ans de distance, un signe avant coureur de ce qui allait se passer en 1871.
        En 1849, fut créé à Bône par application du décret du 9 décembre 1848, une sous-préfecture dont M. Desvernays occupa le premier siège.

        Au mois de juin, la Chambre de commerce fut constituée sous la présidence de M. Casimir Bronde, conseiller municipal.
        Les forêts de l'Edough furent données en concession à M. Lecoq, pour l'exploitation du chêne-liège.

        En 1850, une partie des spahis quitta la garnison de Bône pour aller se joindre aux spahis de Constantine et de Sétif qui, au nombre de 120, firent partie de la colonne de la petite Kabylie, sous les ordres du colonel Bouscarein, pour la cavalerie et du général Saint-Arnaud, pour la colonne.

        Le 14 juillet 1850, il fut créé à Bône, deux écoles musulmanes, une pour les garçons et l'autre pour les filles. On y enseignait le français et l'arabe.

        Le 13 juin 1851, la police fut organisée. Elle comprit.
        Un commissaire de police.
        Un secrétaire.
        Un interprète.
        Un inspecteur.
        Deux agents français de première classe.
        Quatre agents français de deuxième classe.
        Un agent indigène.

        Le 30 juillet, un centre de 34 familles avec 262 hectares fut créé à l'Allélick.
        Le colonel Eynard fut remplacé, le 12 novembre 1851, par le colonel Tourville qui a déjà été vu à Bône aux côtés du général Guingret, dont il était l'officier d'ordonnance, lors du sinistre maritime de 1840.
        M. Desvernays fut remplacé à la même époque par M. Zoepfel puis par M. Tremblaire.

        Le 31 janvier, eut lieu la promulgation de la constitution du Prince Président et la prestation de serment des fonctionnaires.
        Les déportés de juin furent transportés à Lambèse et de nouveaux prisonniers furent internés à la Casbah. C'est ce qui me fait donner au plan perspectif, que j'ai eu le bonheur de trouver, la date probable de 1852, car il y est fait la mention :
        " La Casbah où sont détenus les prisonniers de juin ".
        M. Calendini remplaça M. Tremblaire dans le courant du mois de mai.
        La belle tranquillité dont la région jouissait, depuis douze ans et qui avait donné, à Bône, 11.083 habitants, allait être troublée.
        Les tribus de Guelma et d'Ain-Béïda, lors du voyage du gouverneur général, avaient donné les preuves de la soumission la plus complète les caïds avaient fait des serments de fidélité et de reconnaissance.

        Dans la nuit du 1er au 2 juin, dix hommes du 2ème de ligne, surveillant les travaux d'un caravansérail à Ain Saïda, chez les Oulad Dhan, à quelques lieues de Guelma, furent attaqués par les indigènes et durent abandonner leur camp et leurs outils, en laissant deux des leurs mortellement blessés. Aussitôt les Arabes descendirent des montagnes, menaçant les centres de Millésimo et de Petit.

        Le 3 juin, le capitaine Leroux, des spahis, monta à cheval avec 50 cavaliers du 4ème escadron et alla faire sa jonction avec les détachements de Constantine, un demi-bataillon de zouaves et une centaine de cavaliers.
        Cette colonne de mille hommes était insuffisante et l'insurrection se propageait de tribu en tribu.

        Le 5 juin au soir, l'Orénoque, frégate de guerre qui se trouvait dans le port d'Alger, prévenue par télégramme, appareilla emmenant quatre compagnies du 12ème ligne. Le 6, elle prit, à Dellys, le 1er bataillon de chasseurs et débarqua à Bône, le 8, 1.200 hommes d'élite. Les renforts partirent pour Guelma le 9, se mettre sous les ordres du colonel de Tourville. Cet officier avait quitté Guelma le 7 et fait sa jonction avec les troupes de Constantine.

        Dans la nuit du 8 au 9, le camp fut attaqué ; les Arabes perdirent 50 hommes. Le 11, les renforts arrivés, le colonel s'installa à Bou-Aria. Il avait 2.400 hommes avec lui. Le 16, il partit à quatre heures du matin du camp, en apprenant que les Oulad Dhan étaient réfugiés chez les Mehalla, au sommet du Kef el Aks ; il emmenait la cavalerie et 1.200 fantassins. L'assaut fut donné et les dissidents dispersés. Le 18, il partit pour le Fedj Mekta et, le 2 juillet, fit sa jonction, à Souk-Ahras, avec la colonne d'Autemarre.
        A ce moment, on apprit la mort du capitaine Mesmer à Bône. Les Béni Salah venaient d'attaquer un poste de 20 hommes occupés à tracer une route dans la forêt et, après en avoir tué quelques-uns, s'étaient mis en devoir d'attaquer les villages.

        Le 12 juin au soir, le capitaine Mesmer, du 3ème spahis et chef du bureau arabe de Bône, partit avec 40 spahis du 5ème escadron, sous les ordres du capitaine Piat, pour marcher au secours du village de Barral.

        Le 13, les spahis rallièrent le goum du caïd Karesi.

        Dans la nuit du 14 au 15, le capitaine apprit que Penthièvre était attaqué, il partit avec les spahis ; la nouvelle était fausse ; mais, en revanche, à dix heures du matin, la nouvelle arriva que Barral était investi et le caïd Karesi bloqué dans la maison du cheick.
        Les spahis revinrent en hâte et, après avoir passé la Seybouse, culbutèrent l'ennemi en lui tuant quarante hommes ; malheureusement le Capitaine Mesmer et le cheich Talai, des Beni Urgine, ancien spahi de Bône, avaient été tués au passage de la rivière.

        Le 14 juillet, le général de Mac Mahon, qui avait, le 10 juillet, amené cinq bataillons et un escadron et demi de chasseurs et avait pris le commandement de la colonne, marcha contre les Beni Salah mais ils avaient fui chez les Ouchtetas, en Tunisie. Le général les poursuivit et les razzia complètement, les 23 et 24 juillet. Le 28, il rentra à Souk-Ahras.
        Cette insurrection eut ceci de bon qu'elle fit constater l'insuffisance de la milice française, en cas de départ des troupes. Par suite, le 13 septembre, on créa à Bône trois compagnies d'infanterie, une compagnie de pompiers, à 100 hommes chacune et une subdivision d'escadron de cavalerie.

        Le 30 août, un magasin, situé au n° 3 de la rue Bélisaire fut affecté, comme temple, au culte protestant.

        Les 21 et 22 novembre, on vota pour le rétablissement de l'empire. Il y eut, population civile, sur 663 votants, 623 oui ; armée, sur 1952 votants, 1852 oui ; l'empire fut proclamé, le 12 décembre 1852.

        En 1853, eut lieu l'inauguration des hauts fourneaux de l'Allélick, sous la présidence du colonel de Tourville, du sous-préfet et de M. Lacombe, maire.

        Le 14 janvier 1853, fut déclaré le séquestre des Beni Salah. Le 20 juillet il y eut 277 propriétaires frappés du séquestre.

        En 1854, le 3ème Chasseurs d'Afrique vint s'embarquer à Bône, pour la campagne de Crimée. Les départs eurent lieu en plusieurs fois.

        Le 3 juillet 1854, la municipalité fut constituée définitivement ; elle comprenait un maire et deux adjoints nommés par l'empereur, dix conseillers : six Français, deux Étrangers, un Indigène, un Israélite, nommés par le gouverneur général. M. Mazauric, ancien officier, fut nommé maire, le 23 décembre 1854 mais il ne prit ses fonctions que le 16 février 1855.

        En 1855 également, le colonel de Tourville fut remplacé par le général Perigot.

        Le 18 janvier, eut lieu la première séance de la Cour d'Assises, sous la présidence de M. Solvet.

        Le 26 avril, le théâtre, construit par M. Gonssolin, fut inauguré (1). A la même époque, on vota 75.000 francs pour l'assainissement de la plaine. Une caisse d'épargne fut ouverte en avril.

        Le 12 avril 1856, avec autorisation du général Chabaud-Latour, commandant la division, une nouvelle porte fut percée dans l'enceinte ; elle se trouvait au bout de la rue Casbah et reçut le nom de Saint-Augustin. Les Arabes la dénommèrent naturellement Bab el Djedid.
        Les habitants prirent part à l'exposition de 1856 et obtinrent plusieurs récompenses, MM. Arnaud pour la fabrication du savon blanc, Lacombe et Charmarty pour les tabacs, Lutzow pour le safran, Moreau pour la soie.

        En 1857, MM. Calendini, sous-préfet, et Mazauric, maire démissionnaire, furent remplacés respectivement par MM. de Gantés et Lacombe.
        Au mois d'octobre, le général Perigot organisa une colonne destinée à faire une manifestation militaire dans les tribus de l'Est qui inspiraient toujours un peu de crainte. Une brigade fut organisée à Bône. Le 3ème tirailleurs y entra avec les 1, 4, 5 et 6ème compagnies du 3ème bataillon de Bône et les 2ème et 3ème compagnies du même bataillon de Souk-Ahras et La Calle. Elle partit, le 5 octobre, traversa les Beni Salah et les Hanenchas et revint par la frontière tunisienne sans avoir tiré un coup de fusil. Rentrée à Bône, le 12 novembre, la brigade fut dissoute et les troupes regagnèrent leurs garnisons.

        En 1858, l'inscription maritime fut créée à Bône.

        Le 4 juillet 1858, un incendie éclata dans la forêt de l'Édough. Les 1, 1, 5 et 6ème compagnies du 3ème bataillon du 3ème Tirailleurs furent envoyées sur le lieu du sinistre où elles travaillèrent trente-six heures de suite. Le général Perigot les félicita par un ordre du jour élogieux.

        Le 5 octobre, comme l'année précédente, une colonne de même composition partit sous les ordres du général ; elle passa par le marabout de Sidi Abid, les Oulad Ali, les Oulad Nasser, les Chiobra, les Oulad Dhan, les Oulad Moumen et les Oulad Khiar et rentra le 27 octobre.

        Le 20 octobre 1859, la même colonne passa par La Calle, Roum El Souk, Bou Hadjar, Oued Zerga, Souk-Ahras (28 octobre), Bône (31 octobre).

        En 1860, un détachement du 3ème Chasseurs d'Afrique, appelé à faire partie de l'expédition de Syrie, arriva à Bône le 11 août.
        Il comprenait ; M
        M. de Tué, chef d'escadron ;
        Reuille, médecin aide-major ;
        Pietrement, vétérinaire en second ;
        Poissonnier, capitaine commandant ;
        Gardère, capitaine en second ;
        Duvallon, lieutenant ;
        Adam, lieutenant ;
        Lemarchand, sous-lieutenant
        Compagny, sous-lieutenant ;
        Muller, sous-lieutenant.
        180 hommes de troupe, 22 chevaux d'officiers, 150 chevaux de troupe, 5 mulets de bât.
        Le détachement séjourna un mois à Bône et plusieurs hommes entrèrent à l'hôpital.

        Le 15 septembre l'embarquement commença et se termina le 16, dans l'après-midi. Le transport l'Aude leva l'ancre, le 17 au matin.
        A cette époque, la place de Bône fut remaniée complètement au point de vue des fortifications.

        La vieille enceinte avait été, le 10 septembre 1841, par arrêté du gouverneur général, classée comme place de première classe. La Casbah avait été réparée et aménagée en 1843. En 1848, les vieilles constructions turques du fort Cigogne et les habitations attenantes qui servaient de casernement à l'artillerie, avaient été détruites et remplacées par des fortifications plus modernes. La batterie basse de Lion avait été armée à la même époque.
        La vieille ville, étouffant dans ses remparts, avait été entourée d'une nouvelle enceinte commencée en 1853, classée le 29 avril 1857 terminée en 1861. Cette ceinture de remparts était percée de six portes : d'Hippone, des Karézas, Randon, de l'Aqueduc, de la Casbah (près de la forteresse) et des Caroubiers.
        Mais la vieille enceinte subsistait et la nouvelle ville communiquait avec son aînée par les portes de Constantine, Damrémont, de la Casbah et de Saint-Augustin (cette dernière depuis 1856).
        Le golfe de Bône fut puissamment armé. Il comportait le fort Cigogne, la batterie basse du Lion et le fort Gênois, on y ajouta, en 1861, la batterie des Corailleurs et celle du Mouillage du fort Génois ; en 1862, la batterie Est des Caroubiers et, en 1864, la batterie de la pointe du fort Gênois, déjà classée le 29 avril 1859, furent le 20 janvier, placées en deuxième série.

        Le 15 avril 1862, le champ de tir fut créé sur la propriété de MM. d'Uzer et Murat.

        Le 13 novembre de la même année, le 2ème escadron du 3ème chasseurs d'Afrique, détaché à Bône, fut envoyé à Souk-Ahras pour faire partie d'une colonne chargée de surveiller les confins de la Tunisie. Cette colonne dura trois semaines. L'escadron rentra le 2 janvier 1863, à Constantine.

        Le 27 mars, le commandant Sériziat, du 3ème tirailleurs, emmena avec lui la 1ère et la 3ème compagnies du 3ème bataillon pour prendre part à une colonne sur la frontière.

        Le 31, il arriva à Souk-Ahras où il trouva un bataillon du 4ème de ligne, deux du 63ème, un du 83ème, deux escadrons de chasseurs d'Afrique, un de chasseurs de France, un de spahis et une section d'artillerie, soit 3.000 hommes.
        Partie de Souk-Ahras, le 17 juin, la colonne alla jusqu'à Tébessa, le 25, puis remonta pour aller châtier les Oulad Ali qui, le 16 juillet, avaient attaqué un officier du bureau arabe.

        Le Sous-lieutenant de Sainte-Foy, adjoint au bureau de La Calle, marchait à la tête d'un détachement du 6ème escadron de spahis (Bou Hadjar et le Tarf) quand il fut attaqué. Le brigadier Amara ben Moucer fut démonté et blessé ; il dit alors au lieutenant :" " abandonne-moi ; je suis perdu, je meurs content, si tu e s sain et sauf ". Ce brave fut sauvé et décoré.

        La colonne, après un combat à L'Oued-Rehan, livré à la suite de l'assassinat d'un soldat, le 5 août, fut dissoute à La Calle, le 10 août, ne laissant que ruines sur son passage. Les deux compagnies rentrèrent à Bône, le 14 août.

        La même année, en août les 1ère, 2ème et 3ème compagnies du 3ème bataillon de tirailleurs se rendirent à Sétif pour former sous les ordres du lieutenant-colonel Gaudil du régiment, la colonne du Hodna.

        En 1864, l'empereur Napoléon III et l'impératrice visitèrent la ville de Bône. Au cours de ce voyage, le souverain examina avec bienveillance la question des fortifications et promit, le 20 juin 1865
         " que l'ancienne enceinte condamnée par le génie serait abandonnée à un prix modéré par la guerre à la municipalité " (2).

        Les travaux de réfection de l'enceinte commencèrent en 1867. Le fort Cigogne fut percé d'un tunnel, de façon à permettre le passage de la route de la Corniche.

        En 1868, la porte de la Marine fut refaite sur un nouveau modèle ; elle devint carrée et fut flanquée de deux postes, l'un à droite, l'autre à gauche.
        Les fronts Nord et Ouest furent démolis ainsi que les portes Saint-Augustin, de la Casbah et de Constantine, (1868).
        En reconnaissance, la rue ouverte le long de l'ancienne enceinte et qui portait le nom de la rue Napoléon s'appela de l'Impératrice (rue du Quatre-Septembre) et une impasse sise derrière la mairie actuelle, conserva le nom de l'Empereur.

        On parla à ce moment de faire de Bône le chef lieu de la province et même de créer un nouveau département, celui de la Seybouse.

(1) Le premier directeur fut M. Eugène de Peichenstein, déclaré adjudicataire le 20 avril 1857.
(2) Lettre à M. le Maréchal de Mac Mahon, duc de Magenta, gouverneur général de l'Algérie, sur la politique de la France en Algérie.

A SUIVRE       

LES CHOSES DE LA VIE...
Envoyé par Marcel Trels

Ma femme et moi étions assis dans le lit la nuit dernière, discutant des choses de la vie.

Nous parlions de l'idée de vivre ou mourir.

Je lui dis :

- "Ne me laisse jamais vivre dans un état végétatif, dépendant d'une machine et de liquides. Si tu me vois dans cet état, débranche tous les éléments qui me maintiennent en vie".

Sur ce, elle s'est levée, a débranché le câble de la TV et m'a enlevé ma bière.



BONE Ma Bien Aimée
Pierre TURREL

       La cité Bônoise est l'héritière d'un long passé. Pour connaître ce passé il suffit de gravir la colline sacrée depuis que l'esprit divin y a soufflé, sous la foi ardente, constructive d'un enfant de ce pays, le berbère Augustin de Thagaste, devenu le plus grand des Docteurs de l'Église. Quand du parvis de la Basilique érigée à sa gloire terrestre et céleste, on constate ce paysage admirable de noblesse et de beauté qui se perd dans l'infini de l'horizon, on a sous les yeux les trois civilisations qui se sont succédées sur ce coin de terre privilégié, réunissant harmonieusement la mer, la montagne, la plaine et qui ont formé la ville triple : Hippône-Annaba-(antiquité) Bône.
       La cité antique est là, au pied même de la colline, mutilée par les ans et les hommes, mais elle resurgit chaque jour de la poussière des siècles avec ses églises, ses thermes, son forum, son théâtre et ses somptueuses demeures privées dont les riches mosaïques attestent la prospérité Hippône la Royale avant sa destruction par les vandales en 429...

        Refaisons un peu d'histoire : Bône se situe sur la côte ouest du golfe de ce nom. Elle a été construite à peu de distance des débris de l'ancienne Hippône qui fut une des résidences des rois de Numidie, et joua un rôle important dans la guerre de César en Afrique, dans celle des vandales contre Genséric, et plus tard dans l'expédition de Bélissaire. Elle fut fondée au VIIème siècle sur les ruines d'Hippo-Régius des latins, la Beled-el-anab ou la ville des dattes des arabes. Bône est le centre de la pêche du corail sur les côtes de l'Algérie. Sous Louis XIV, la compagnie française d'Afrique y établit un comptoir qui fonctionna jusqu'en 1789. Sous joug Turc, elle fut détruite par les arabes et soumise en 1832 à la souveraineté Française, grâce à l'acte de bravoure du capitaine Yousouf et du capitaine d'Armandy, sous le haut commandement du Duc de Rovigo, mais aussi en raison de la présence dans sa rade des bricks " le cygne, le voltigeur et la Béarnaise ". Le général Damrémont contribua à l'organisation intérieure de Bône, le Général RANDON accentua l'implantation des colons d'origines diverses et modestes (Maltais Italiens Alsaciens) ainsi prit forme la nouvelle ville, qui évoluera sans cesse jusqu'en 1962 sous le drapeau tricolore...

        Bâtie entre la montagne de l'Edough et la mer, adossée à des hauteurs boisées de pins, dans une situation ravissante. Le climat, humide et assez pénible à la saison chaude, est en hiver aussi agréable que celui d'Alger. L'ancienne agglomération indigène occupait les pentes Sud du mamelon que domine la kasbah. De grands quartiers modernes sillonnés de voies rectilignes, ont été créés à l'Ouest. Entre ces deux parties de la ville est tracé le beau cours Jérôme Bertagna. En dehors de l'enceinte, au Nord Ouest s'est constitué l'important faubourg de Sainte Anne, dont les maisons s'allongent jusqu'aux premiers contreforts de l'Edough. La ville même est fort vite vue. Le grand charme de Bône est dans son site admirable, les verdoyantes végétations qui l'encadrent, et les belles promenades qu'offrent ses environs, tant dans le voisinage immédiat que dans un rayon plus éloigné, promenades que rendent faciles les voies ferrées et de bonnes routes vous pourrez en juger vous même par le détour que nous ferons plus loin dans cette revue et par l'ensemble des vues s'y rapportant.

        Commerce et industrie : La région à laquelle sert le port de Bône est des plus riches et des plus productives. Là viennent s'embarquer : Les phosphates de Tébessa et les minerais de fer de l'Ouenza, les produits forestiers de l'Edough et des Béni Salah ; les chevaux et les bêtes à cornes des pays d'élevage qui s'étendent de Souk Ahras à Guelma ; les vins et les céréales de la vallée de la Seybouse, les agrumes, le coton et le tabac. Le mouvement commercial est en continuelle augmentation, dépassant les 4/5ème de son activité de sortie.
       La construction de ce port ultra moderne pour l'époque, a été effectuée en deux étapes : la première avait nécessité une dépense de 7 millions (or) et ne comprenait qu'une darse de 11 hectares, à laquelle donnait accès un chenal dragué dans un avant-port insuffisamment profond, encombré par les troubles déposés des eaux de la Seybouse. La seconde tranche de travaux, dont le coût total a dépassé 18 millions (or), a transformé cet avant port en un vaste bassin d'opération, creusé à 8m50, et créé un nouvel avant-port de 49 hectares de superficie. De larges quais, longs d'un kilomètre, en arrière desquels des terrains conquis sur la mer permettent la construction de nouveaux quartiers. Un vaste terre-plein de 30 hectares au sud du port, et diverses autres améliorations, qui ont coûté 2 millions (or), ont complété ces aménagements. C'est dire l'importance de l'investissement tant en hommes qu'en finances que la France a consenti lors de sa présence en cette partie du globe.. et maintenant découvrons la cité intra-muros

        Entrée : par la route de La Calle ou route des 2 gares nous atteignons sur notre gauche, la gare principale, sur notre droite la gare de la petite vitesse (Mokta), puis le port avec l'accès aux quais minerais et centrale électrique, le quai ouest puis le quai Warnier ( siège des compagnies maritimes transatlantiques et Schiaffino.) dominé par le Palais Consulaire, les bureaux de la douane, du port, du service de santé, ensuite la cale de halage, le sport nautique. Il se prolonge jusqu'à l'avant port en direction des plages (la grenouillère et le lever de l'aurore).

        A l'angle des quais Ouest et Warnier nous trouvons une petite placette où nous achetions les appâts (amorces) pour la pêche, légèrement à droite la statue de THIERS (rapatriée à Saint SAVIN dans la Vienne) et le fameux cours Jérôme BERTAGNA (dont la statue se trouve au cimetière de Fleurie-Rhône) où bon nombre d'idylles se sont nouées dans l'inlassable "monte et descend" (va et vient) jusqu'au kiosque à musique (c'était la drague...) l'esplanade était bordée sur le côté droit par les arcades avec toutes sortes de commerces et sur le cours même les fameuses " baraques " où l'on dégustait les " créponnets " de chez Fanfan, Ziane ou l'Ours Polaire, sur le côté gauche en remontant, l'enseigne des galeries de France, le Théâtre qui plastronnait au milieu des commerces et de l'hôtel d'Orient, j'en oublie volontairement afin de laisser à chacun des lecteurs de compléter leurs souvenirs. Tout en "haut " dans le petit jardin face à la Mairie (hôtel de ville) avec ses colonnes en marbre du Filfilla, édifice dont les Bônois étaient fiers, la muse aux seins nus attirait les regards discrets des adolescents, puis se dressait majestueusement la Cathédrale ayant sur sa gauche le Palais de Justice, derrière l'église le lycée de jeunes filles (Mercier) puis les Santons avec l'aqueduc menant l'eau de l'oued Forcha au château d'eau et l'avenue de Narbonne conduisant vers le cinéma Majestic, Beauséjour, la Ménadia, les Mille Logements et les plages.
       L'accès de la ville par la route de Constantine et l'avenue Prosper-Dubourg amène aux mêmes lieux, gares, cours Bertagna et port, on dit souvent que Bône était le petit Marseille, la similitude entre la Cannebière donnant sur le vieux port et le cours Bertagna s'ouvrant sur le port est incontestable, même le langage y est comparable..
       " On est de son pays, comme on est de son enfance disait Saint EXUPERY ". Bône a été dépeint par Gustave Flaubert et Alexandre Dumas entre autres célébrités, mais également par le Maréchal JUIN et Edmond BRUA et bien d'autres.

        A l'Ouest du cours nous trouvons dans la rue Bugeaud, le marché couvert, le cinéma Variétés, mais aussi le marchand de beignets, elle se terminait, après avoir coupé les rues Thiers, Lemercier, Gambetta, Bouscarein et desservi le Marché Arabe, le temple protestant, porte Randon-jardins place Marchis. Là vivaient les boulistes, le Red Star et l'Union Bouliste Bônoise (UBB) où plusieurs grenades furent lancées par le FLN faisant plusieurs victimes dont des enfants. De la place Marchis où avait été érigée la colonne Randon (qui se trouve à Aubagne) nous nous enfonçons par la rue Sadi-Carnot vers le faubourg Sainte-Anne et plus loin vers l'Hôpital militaire et la station de Bugeaud. En côtoyant les abords du Lycée Saint Augustin, le stade Vélodrome Pantaloni, le premier stade " gazonné " de l'Algérie où Darrigade remporta une étape, et le fameux cimetière dont les mausolées étaient de véritables oeuvres architecturales dignes des plus grands sculpteurs des siècles passés. La légende laissait croire qu'il nous donnait envie de mourir, hélas ne plus pouvoir s'y recueillir en a fait une réalité. Saint Augustin priez pour nous !

        A l'Est nous trouvons la Poste, la place d'Armes, accès, parla rue Saint Augustin, la rue Louis Philippe, le quartier indigène avec sa mosquée, la synagogue, l'hôpital civil, le quartier de la cavalerie, la caserne des Santons, la kasbah, la porte des caroubiers, la fontaine romaine, les plages. La rue du 4 septembre, la rue d'Armandy, la rue de Constantine, la rue Damrémont, le boulevard Victor Hugo qui menait au pont de la Tranchée (ou pont des adeptes au suicide) et son école, où j'ai apprécié l'enseignement des LANASPRE, CORNEC etc. ils ont su m'imprégner de leur patriotisme et du sens du devoir, qu'ils trouvent ici toute ma reconnaissance et ma gratitude.

        Au Nord se trouvent les plages. En partant de la grenouillère, nous découvrons, le Rocher du LION, bloc de rochers dont les contours formaient avec l'imagination Bônoise la tête du roi de la jungle, puis la plage Gassiot et ses deux restaurants, le petit mousse (poissons sortis du vivier) et le Majestic, gérés par des familles Buttigieg non apparentées ; le collège d'ALZON, la pierre carrée, la plage St-Cloud ( ou champ de pastèques pour une jeunesse émerveillée devant les belles filles en maillots une pièce puis en bikini..) et son Lido discothèque, les Cigogneaux ou ferme des anglais, Chapuis avec ses restaurants Bagatelle, Miramar desservant le domaine Benyacoub, la plage Fabre ( ou Caroube) le Fort Génois la plage Toche , la grande Bleue, le cap de Garde et son vivier au pied du sémaphore. Ainsi sur I 1 kms nous découvrions une Baie (des corailleurs) magnifique liant Mer et Montagne (Edough).

        Au sud est en direction de la Tunisie nous laissons derrière nous la gare du Mokta, le pont Sidi-Brahim (portant le nom du Tombeau du Marabout), nous enjambons la rivière SEYBOUSE laissant sur la gauche le quartier dit de la choumarelle, pour relier la plage de Joinonville et l'abattoir municipal, la route menant aux ruines romaines d'Hippône et à la Basilique SAINT AUGUSTIN, mais aussi pour atteindre l'Aéroport de l'ALLELIK, et les lieux des coopératives agricoles de la Tabacoop, Tomacoop, et Cotocoop.

        Bref, ces lieux connus, par les Phéniciens, les Espagnols, les Génois, les Pirates car la rade était très sûre, sont chers à mon coeur bien que je ne sois pas natif de cette coquette ville, mais où j'y ai vécu, m'y suis marié, et où n'acquit un de mes quatre enfants, ma fille Christine qui hélas n'a pas pu connaître son pays (disparue trop tôt sur le sol de France). "Tu as les atouts essentiels : la beauté pour attirer les touristes, la richesse de ta terre pour nourrir tes habitants. Prônait Saint Augustin à ses ouailles". Qu'en reste-t-il ?..
       " Le passé n'est que la mémoire du présent, l'avenir en est le rêve... " (Khalil Gibran, écrivain Libanais)


A l'Aube de l'Algérie Française
Le Calvaire des Colons de 48
                                       Par MAXIME RASTEIL (1930)                                        N° 1

EUGÈNE FRANÇOIS
Mon ancêtre

Quoi de plus louable que de partir à la recherche de ses ancêtres !
Découvrir où et comment ils ont vécu !
La Bruyère disait : " C'est un métier que de faire un livre. "
Photo Marie-Claire Missud
J'ai voulu tenter l'expérience de mettre sur le papier après la lecture d'un livre sur "les Colons de 1848" et le fouillis de souvenirs glanés dans la famille, de raconter la vie de ce grand homme, tant par sa taille que par sa valeur morale, de ce Parisien que fut Eugène FRANÇOIS né à Meudon en 1839, mort à Bône en 1916.
Tout a commencé lors de l'établissement d'un arbre généalogique concernant le côté maternel de notre famille : arrivé à notre ancêtre : qu'avait-il fait pour qu'une "Rue" de ma jolie ville de "Bône la Coquette", porte son nom dans le quartier de la Colonne Randon ?
Tout ce que j'ai appris, j'ai voulu le faire découvrir tout simplement comme d'autres ont écrit sur nos personnalités et grandes figures Bônoises !
Pour qu'aujourd'hui, on n'oublie pas ce qui a été fait hier !...
Marie Claire Missud-Maïsto

PREMIÈRE PARTIE

LE ROULEAU DE PAPIER


          Au cours de l'année 1908, je vis entrer dans mon bureau le jeune prêtre (1) qui desservait alors la paroisse de Blandan, centre de colonisation situé entre Bône et La Calle, et qui porte le nom d'un sergent héroïque tombé au champ d'honneur de notre conquête algérienne.
          - Je suis de passage dans vos murs, me confia mon visiteur avec simplicité, et j'en profite pour remplir auprès de vous une mission qui s'écarte quelque peu de mon ministère.
          - Vraiment? Répliquai-je. Voilà qui pique à souhait ma curiosité de journaliste. De quoi s'agit-il?
          - D'un cas assez bizarre.. Figurez-vous que dans mes ouailles j'emploie ce mot, mais à la vérité ce sont des ouailles qui fréquentent très irrégulièrement ma pauvre petite église - se trouve un paroissien qu'on appelle le grand Eugène François, ou plutôt le " grand Eugène " tout court.
          - Le grand Eugène?
          - Oui... à cause de sa carrure et de sa taille qui sont celles d'un géant ! Expliqua le prêtre.
          - C'est curieux, observai-je, intéressé, ce géant-là m'est déjà sympathique.
          - Je vous assure qu'à tout prendre il est pour le moins fort original. Un ancien, un vieux de la vieille, comme il a l'habitude de dire, et qui en raconte long à qui veut l'entendre réciter le chapelet de ses souvenirs !
          - Dame ! Il se peut qu'en agissant de la sorte, votre brave paroissien fasse lui aussi, à sa façon, oeuvre méritoire.
          - Oh ! s'écria mon interlocuteur, il en est sûrement convaincu.
          - Et je ne l'en blâmerai certes pas, approuvai-je, car ces souvenances-là noua instruisent souvent davantage que beaucoup de rapports officiels... Elles sont précieuses et infiniment respectables... Le malheur est que les colons de la première heure, s'il en reste, parlent peu et se mêlent encore moins d'écrire...

          L'abbé eut un geste de dénégation.
          - Permettez, fît-il, il y a des exceptions à toute règle... Que diriez-vous si je vous en apportais la preuve?
          - Moi? Mais j'en serais enchanté, parbleu !
          - Eh bien ! C'est le grand Eugène qui m'a précisément chargé de vous la fournir.
          - De grâce, expliquez-vous ! Je vous écoute avec toute la ferveur dont je suis capable.

          Sur cette invitation, le jeune ecclésiastique se recueillit quelques secondes, puis il continua en ces termes :
          - Il faut donc que je vous dise qu'un de ces derniers soirs, alors que la nuit tombait sur le bled, mon grand diable de colon est venu frapper à la porte de la masure qui me sert de presbytère. Et comme je me montrais surpris de sa présence à une heure aussi avancée : " N'ayez aucune crainte, me déclara-t-il, avec sa jovialité habituelle, ce n'est pas la confession écrite et générale de mes péchés que je vous apporte, mais peut-être quelque chose de mieux dont je voudrais soulager ma conscience ! "
          Je ne pus m'empêcher d'intervenir dans ce récit en questionnant :
          - Et qu'avez-vous pensé, monsieur l'abbé, de cette entrée en scène mystérieuse?
          - Oh ! vous savez" nous autres prêtres, sommes habitués à tout, et je vous étonnerai en vous disant que ce n'est pas toujours au tribunal secret de la pénitence que nous recevons les confidences les plus intimes ou les aveu les plus inattendus... Je fixai donc attentivement mon grand Eugène, qui m'apparut encore plus sec, osseux, interminable sous l'usure de ses vêtements de travail, avec son front obstiné, ses sourcils en révolte, sa forte moustache et ses favoris grisonnants à la Victor-Emmanuel… J'attendis quelques secondes qu'il se décidât à me faire ses révélations, quand je le vis soudain qui fourrageait dans la poche intérieure de sa veste grise... Il en retira, pour me l'offrir assez gauchement, un mince rouleau de papier entouré d'une ficelle rouge.
          - Que me remettez-là mon brave ?demandai-je.
          - Ça? fit mon paroissien en branlant de la tête, c'est l'histoire de ma chienne de vie, ajoutée à celle de mon brave homme de père et de presque tous les miens !

          Et en prononçant ces mots, il eut le regard chaviré d'une indicible tristesse. Je poursuivis :
          - Que dois-je faire d'un pareil dépôt?
          - C'est bien simple, implora-t-il, Faites-moi l'amitié, quand vous aurez l'occasion de descendre à Bône, de le soumettre à quelqu'un de ces messieurs qui bataillent dans les journaux, et surtout qui n'ont pas peur d'affirmer que deux et deux font quatre !

          A cette boutade innocente, j'esquissai un sourire, mais le desservant ajouta à mon adresse
          - Vous supposez bien que je n'ai accepté cette mission qu'à tout hasard et sous toutes réserves, d'autant plus que le grand Eugène ne m'a pas caché certaine mésaventure...
          - Peut-on la connaître?
          - Au fond, elle est assez banale, mais combien significative !... Imaginez-vous qu'il y a quelque temps déjà, notre terrien de Blandan avait confié son manuscrit à un journaliste local dont il ignorait très probablement les attaches officielles, et qui n'a rien trouvé de mieux que de l'égarer.
          - Ah ! Ah ! M'écriai-je en riant, ce cher confrère devait avoir ses oubliettes diplomatiques !...
          - Toujours est-il, conclut l'abbé, que le grand Eugène, qui a foi dans la vigueur et l'indépendance de votre plume, a obtenu de moi que je vous apporte ses Mémoires tant bien que mal reconstitués... A vous d'en tirer profit, si vous leur trouvez quelque valeur documentaire !

          Infiniment touché par cette marque de confiance, je répondis :
          - Vous pouvez être certain que, s'il plait à Dieu, je les ferai connaître quelque jour !
          - j'y compte bien ! Acquiesça mon visiteur, en me remettant le petit rouleau de papier ficelé de rouge.
          Et fouillant dans son bréviaire :
          - Voici, au surplus, fît-il, les quelques lignes que j'ai reçues du grand Eugène après notre entretien... Elles pourront peut-être servir d'introduction à ces feuillets jaunis.

           Blandan, ce 19 juin 1908. Monsieur le Curé,
          M. Maxime Rasteil, directeur du Réveil Bônois, peut faire de mon manuscrit tout ce qu'il lui plaira. Il peut l'embellir mais sans rien diminuer de la vérité. je ne lui demande qu'une chose, c'est de ne pas le perdre, comme l'a fait un de ses confrères à qui j'en avais remis le double, car la mémoire commence à ne plus habiter chez moi.
          Qu'il n'oublie pas surtout de parler du lion qui venait la nuit nous enlever le bétail en plein village.
          Mille remerciements de votre très humble serviteur.

EUGÈNE FRANÇOIS.

          P. S. - Excusez mon orthographe... Je suis un colon et non pas un notaire.

          Plus de vingt ans ont passé depuis le jour où ce manuscrit informe - un vrai manuscrit de colon fruste et simpliste, peu soucieux du style et de l'orthographe - a été placé entre mes mains, et il est même advenu qu'en 1916, au soir d'une journée d'avril assombrie par le dernier communiqué du front, le grand Eugène, agonisant sous les yeux noyés de larmes de ses enfants et petits-enfants auprès de qui il était venu habiter dans un faubourg de Bône, est parti pour le suprême voyage de la mort.
          Allais-je oublier ma promesse de me pencher sur ces pages si émouvantes en leur naïve sincérité? J'avoue que j'ai beaucoup tardé à m'acquitter de ce devoir, mais de tels événements ont traversé la vie des peuples et des individus au cours de ce quart de siècle écoulé, que j'en puis tirer mon excuse.
          Le silence a toutefois des limites que lui assigne le temps, et la célébration du Centenaire de l'aube de l'Algérie française est venue me rappeler fort à propos qu'une voix d'outre-tombe avait quelque chose de grave à dire qui méritait d'être entendu.
          Voici donc, mise au point, développée, embellie suivant la volonté de celui qui l'a vécue - et autant que se puisse embellir le récit de la souffrance, du sacrifice et de la douleur - l'histoire d'une de ces familles parisiennes de 1848 grisées par un beau rêve d'espace et de fortune, à qui le Destin réservait de gravir si tragiquement le calvaire insoupçonné des débuts de la Colonisation algérienne.
(1) 1l s'agit de M. Bigot, actuellement curé à La Calle


A SUIVRE       
Merci à Thérèse Sultana, et Marie-Claire Missud/Maïsto, de nous avoir transmis ce livre de Maxime Rasteil qui a mis en forme les mémoires de son arrière grand-père Eugène François.
Elle a aussi écrit un livre sur lui.
J.P. B.

 LES FRERES PIEDS-NOIRS
Par Christian Roehrig
N° 7             

PREFACE

     A travers un survol virtuel de mes souvenirs, moi, petit et humble piednoir de Bab-El-Oued (Place Lelièvre) je retrace certains faits historiques qui m'ont profondément marqué.
     Mi goguenard, mi-cynique, quelquefois acerbe, je décris en pataouète, mes états d'âme et mes ressentiments à l'égard de certains hommes politiques qui ont failli à leur parole d'honneur.
     Depuis ces désillusions, j'observe les charognards se disputer le pouvoir.
     Devenu grand-père, je doute, si rien ne bouge, de la nationalité future de mes arrière- petits enfants que je ne connaîtrai pas et à qui je veux, par le présent, laisser le témoignage d'une vérité.
C. ROEHRIG     

<====OOO====>
L'COUP D'L'EVENTAIL

        Joseph : On avait aussi les deux Chameaux, c'est Normal qu'on appelle les deux chameaux, on allait pas appeler, les deux cerfs vu qu'nous, on savait c'que c'était que par les photos, mais les chameaux ouais on savait.
        Et puis après y avait l'Casino d'l'a Corniche (Je vous salue à vous tous qu'y êtes morts pour avoir voulu danser un certain dimanche) y avait Lucky Starway, çui qui avait l'magasin d'vêt'ments à l'angle de l'Avenue d'la Bouzaréah.

        Christian : S'cuse moi de t'arrêter, mais Lucky Starway avant d's'appeler comme ça, quand il était jeune, avec mon père y z'avaient formé un orchestre, mon père y l'était le batteur.
        Le massacre du Casino d'la Corniche me rappelle Gérard qui mesurait plus de 2 mètres et qu'il a été ramassé, après le passage de la bombe, presque à la p'tite cuillère, remarque qu'avec lui, y'en au eu au moins une dizaine qui sont morts et une centaines de blessés, j'm'en souviens plus du nombre de victimes, c'est qu'y en a eu tell'ment. C'était l'oeuvre du grand courageux patriote ALI LA POINTE. La figua d'sa ouela (j'peux pas traduire c'est injurieux) ouais ! Assassin tu veux dire. Nahdin... Quand j'pense que l'aute tunisien, le journaliste, il est venu l'aute fois à l'Assemblée Nationale, invité par les Verts, et qu'après il a dit qu'il arrêterait sa grève de la faim quand il se serait agenouillé devant la tombe de ce terroriste, moi j'ai envie de dégueuler sur sa tombe ouais. Mais si c'est moi et qui vient m'le dire en face, j'lui dis que j'le laisse mourir de faim et tiens, j'lui enlève même l'eau comme ça, y meurt plus vite. Moi j't'le dis mon frère, il a l'courage de dire ça à la radio, il insulte tous nos morts suite aux attentats qu'le Ali La Pointe dit aussi Ali aux yeux bleus il a fait et personne qui lui ferme sa gueule ! Où qu'on n'est ici, en France ou au Magreb ? Enfin si on n'est pas au Magreb c'est tout comme. Nos politiques y n'ont pas le courage de parler y z'ont p't'ête des intérêts c'est pour ça que...
        Enfin mon pôvre, même main'nant on s'demande qui on est. Non mais tu t'rends compte !!!!

        Un jour ceux qui resteront y verront qu'on avait pas tort mais y z'ont pas voulu nous croire car pour eux on était Ces cocons qui faisaient suer l'burnous aux arabes ! Qu'elle honte !!

        Joseph : Ouais, mais t'énerve pas Christian, c'est pas bon pour la santé, qu'est-ce tu veux qu'on fasse, on est trop vieux et des fois j'me dis qu'on est même pas chez nous, on est des invités qui n'ont pas voulu venir, mais qui sont venus, et j'te dirai plus, y en a encore des patos qui disent qu'on leur a enlevé le pain de la bouche. Alors y peuvent tout nous dire, on a pas le droit ... `Viens, on continue naute voyage à travers nos souvenirs.

        Christian : Comment tu veux pas qu'j'm'énerve quand tu vois tout le tintamarre qui font les patos avec les anciens fellouzes qu'ils traitent de héros et nous y nous tapent dessus qu'on n'en peut plus. Tu veux rester calme, toi ?....Allez va, on continue pace que j'ai envie drevoir ma jeunesse. Ca t'dis quèqu' chose les plages de Franco et la Madrague ?

        Tu t'souviens, P'tit Pierre et Embarek quand y sautaient d'la haut en faisant le saut d'ange, moi y m'donnaient la frousse rien qu'de les voir monter. Après, y faisaient comme Tarzan. J'sais pas la hauteur mais ça faisait au moins quinze à vingt mètres, non ?

        Joseph : P't'ète bien, mais y fallait du courage pour sauter d'la haut. Moi, même pas l'envie d'y penser j'avais. Bon, laisse courir, viens, on poursuit. Ça c'est Guyotville..
        Tu t'rends compte que c'est à Guyotville qu'y a été prisonnier des arabes çui qu'y a écrit Don Quichotte ? J'crois qui s'appelait Cervantès. Tu vois, c'est chez nous qu'il a écrit toutes ces belles choses, et tu sais pourquoi ? Non ? Eh bien c'est pace qu'y trouvait le Pays très beau et comme y pouvait pas sortir, ni faire la bataille pace qu'y avait plus qu'un bras alors y s'est mis à écrire c'qu'il aurait voulu faire et il a combattu les moulins à vent. Il est resté 5 ans prisonnier, en attendant que sa famille trouve le pognon pour le racheter, comme si qu'elle l'avait vendu. Déjà à c't'époque ils demandaient du pognon pour que les gens y rachètent c'qu'y leur appartenait. J'te vole une chose et si tu la veux y faut que tu la rachètes. Tu comprends què'que chose toi. ? Enfin va....
        Après Guyotville on va vers Staoueli et Sidi-Ferruch. Alors là, rien qu'd'y penser j'me laisse bercer de ces souvenirs qui te remplissent de bonheur, même si tu peux plus goûter à ces choses-là, mais nous au moins on les a vécues ces choses.
        La plage qu'elle était tell'ment grande que tu voyais pas la fin pace que y avait pas d'fin plus ti avançais et plus la plage elle reculait c'est comme la ligne d'horizon, on dirait qu'elle joue avec toi, tu recules, elle avance, tu avances, elle recule et comme ça sans pouvoir l'attraper, ti'es tell'ment fatigué, que tu t'laisses tomber dans cette eau si calme et si transparente que ti'arrives à te d'mander si y a de l'eau.
        Et puis y a la forêt qui colle à la plage, avec les guinguettes, Robinson, Normandie, on dansait, on chantait, on riait, et à côté y avait les jeux, même nos parents y jouaient, à collin-maillard, et les gargoulettes qu'y z'étaient pendues, on te bouchait les yeux avec un chiffon et tu devais les casser avec un bâton, les courses de sac. Enfin j'reviens à la plage, le sable gris blanc il était tell'ment fin qu'y t'rentrait partout.
        Quand j'pense au beau Pays que c'était !!! R'gardes comme ils sont en train de le rendre.

        Christian : Ouais, Sidi-Ferruch.... C'est là qu'les américains y z'ont débarqué pendant la guerre, ne crois pas qu'y z'ont choisi l'endroit par hasard non, y z'ont copié nos anciens quand y sont venus la première fois.
        Tu t'rends compte qu'à l'époque, pace qu'un coup d'éventail qu'le Dey HUSSEIN (Hussein-dey) y a donné au Consul de France Deval, qui était venu lui demander d'arrêter les pirates et qu'l 'aute y voulait du blé pour le blé qu'il avait livrer (tu comprends què'que chose toi ?) le Roi Charles X en 1830, déjà c'était un Charles) comme l'aute y l'avait frappé son Consul (j'crois qu'c'est la première fois qu'les Français y z'ont eu d'la mémoire pace qu'le coup d'éventail, il a été donné en 1827, il a décidé qu'y aurait la guerre. Mais moi j'vois la scéne autrement, pac'que j'connais comment qu'nous on parle, c'est pourquoi marnant quand j'parle, j'mets les mains dans les poches. Tu vas voir que j'ai pas tort.

        Voilà, y a le Consul qui vient chez ce Dey et comme ce Dey (pas ce dé à coudre non) il a l'hospitalité qu'à nous y nous a transmise, il lui dit de prendre le kaoua ou le thé comme y veut, pendant qu'y boivent tous les deux, voilà les mouches qui s'mettent à tourner autour du sucre et d'la tête du Dey, l'aute comme y parle avec ses mains, sans vouloir, mais moi j'crois c'est sans vouloir, y lui donne un coup d'éventait qu'il avait dans les mains pour chasser les mouches, il allait s'excuser, mais l'aute, le Consul il a été piqué comme une mouche et il est parti pleurer dans le gilet de son patron le Grand; mais non qu'est-ce je dis, il était pas encore né, non il a été pleurer dans l'gilet du Roi Chartes X. Alors, le Comte de Bourmont avec 30.000 hommes, le 14 Juin 1830 (3 ans après), il a fait le debarquement. Mais moi j'crois qu'la vraie mais vraie raison c'est pace qu'y avait les pirates qu'y z'empêchaient de faire le commerce sur l'eau qu'la France elle a fait l'débarquement pour mette un peu d'ordre.

        Comme les arabes y z'étaient dominés pace qu' y z'étaient les esclaves des Turcs, y faut quand même pas oublier ça, ouais dans c'temps là, l'Afrique elle faisait la traite des esclaves et c'est nous les Français qu'on a mis fin à ce trafic alors hein, en reconnaissance on nous traite de colons. On peut dire que eux y n'ont pas de mémoire oui ! Alors j'continue, les .Arabes y z'ont pas demandé mieux que la France elle fasse la razzia sur les terres et qu'elle donne un peu d 'air pur aux Arabes qui, là oui, y suaient l'burnous pour d'autes arabes, mais y pouvaient pas dire grand chose, c'était de l'Islam et puis en c'temps là y avait pas le Grand pour les soutenir comme il a fait avec nous.
        Mais au fait, en réflechissant un peu, (ouais des fois y m'arrive d 'reflechir), Monsieur Mitterand, çui qu'est devenu le Président, il avait dit lui aussi, si j'm'en souviens bien, losqu'il était .Ministre de l'Intérieur, ouais pace qu'en France y a l'Ministre de l'Intérieur et çui d'l'extrèrieur, j'ai pas encore entendu çui du milieu mais ça viendra, en France on n'a pas d'pétrole mais y en a des idées. Moi, quand j'ai entendu ça, ça m'a fait rigoler, pace qu'on avait l'pétrole et on l'a laissé aux autes, y nous reste les idées mais j'suis sûr si les Arabes y z'avaient demandé au Grand d'leur donner les idées il l'aurait fait aussi, enfin c'est une aute question. Bon j'reviens à m'sieur Mitterrand. lui aussi il avait dit : l'Algérie c'est la France et nous n'admettrons jamais que la France soit amputée (ou une chose comme ça) mais j'y pense, tu vois encore une fois j'pense, si on avait pas mis le Grand à la tête d'la France et qu'on avait mis çui là, p'tête qu'on s'rait ... mais non, y sont tous les mêmes, y disent une chose pour t'avoir à la bonne et après, maccache oualo tu tombes à zéro, comme on disait nous autes avec naute angage très coloré comme y disent main'nant les frangaouis.
        Bon joseph, on a passé un bon moment ensemble, il faudra qu'on s'revoye pour faire sortir de nous toutes ces belles choses de naute beau Pays qui devient une poubelle que ça me tue Ce coeur.
        Tu viens à la maison avec ta femme, on r'gardera les photos, si toi ti'en as, tu les portes pace que moi j'en ai pas, ma jeunesse elle est dans ma tête, et j'vois qu'la photo qu j'en fais elle est nette, y a pas d flou. Tu t'rends compte que pour un coup d'éventail... Moi ]'te l'dis y faut plus parler avec les mains. Tiens y faut faire comme les Anglais, eux quand y parlent ou qui te rencontrent y z'ont les mains comme des marionnettes, dans les poches ou le long d'la jambe. L'aute fois j'ai été en Angleterre, tu sais depuis qu'j'ai pris l'bateau pour venir ici j'ai plus peur, alors j'ai pris le train pour aller chez nos amis, enfin y faut l'dire vite, les Anglais et le premier qu'je vois, comme j'voyais qu'y parlait à tout l'monde, j'm'approche et j'lui tend- la main pour lui dire bonjour, et t'aute qui m'dit : DO YOU WANT A PENNy (dou you ouante e penny) (voulez-vous un franc) comme j'ai rien compris à c'qui m'disait, j'ai dit oui avec un grand sourire et l'aute y ma refilé une pièce qui vaut rien en France, y croyait p'tète que j faisais la quête pour les bonnes soeurs de Saint-Vincent-de-Paul. Tout ça pour te dire qu'à part à Marseille, où tu peux parler avec les mains, pour les autes tu partes seul'ment avec la bouche. Au fait ti'as vu l'accent qui z'ont à Marseille ? Y'a des fois que j'comprends pas. heureus'ment qu'nous on n'a pas d'accent hein !

        Et ton frère Roro et tes soeurs Marie et Paule ? y'a longtemps que j'les ai pas vus.
        Tu m'raconteras une aute fois pac'qu'on va ête encore des heures. On va rêver à naute beau Pays en attendant de s'revoir. Bon j'te laisse.
        Allez Tchao mon frère à demain. N'oublie pas les photos.

La Suite au prochain Numéro

LA MARE
Envoyé par M. Marc Dalaut
Ecrit par M. Gaëtan Dalaut


Sous l'ombre des frênes, la mare verte dort
Au milieu des buissons au fond d'une ravine
Qu'a peine à pénétrer le soleil qu'on devine
Rutiler cependant au ciel de thermidor.

L'eau tranquille est glauque, mais calonnant son bord,
La mousse vert-de-gris brode sa mousseline
Verduretta entourant la sombre aigue-marine.
Tandis que soue les joncs un serpent d'eau se tord,

Dans les rais de soleil fugitive émeraude
Une libellule passe, repasse et rôde
Effrayant dans son vol lumineux un têtard.

Il plonge vers la sable où dort une Naïade
Que veille une rainette au haut d'un jénuphar,
Petit Dragon d'Annam sur son socle de jade.


COLONISATION de L'ALGERIE
  1843                           Par ENFANTIN                      N° 16 
IIème PARTIE
COLONISATION EUROPÉENNE

CHAPITRE PREMIER.

LIEUX ET ORDRE FAVORABLES
A LA FONDATION DES COLONIE CIVILES ET MILITAIRES

  
        XII. - Après avoir tracé le cadre de notre établissement militaire en Algérie, qu'on me permette de dire quelques mots sur la composition de l'armée. Elle renferme aujourd'hui trois classes d'hommes très distinctes : des indigènes à notre solde ; des corps français qui portent le nom de corps d'Afrique ; enfin des corps qui, après un certain temps de service, rentrent en France et sont remplacés.
        Il n'y a pas de doute que ces trois classes doivent exister ; mais l'on peut se demander si leur proportion relative est bonne, et, dans le cas contraire, comment la modifier ; et aussi comment il faudrait répartir ces trois classes d'hommes dans les trois provinces.
        C'est une opinion générale, que le nombre des troupes françaises d'Afrique est trop faible, et que cette faiblesse exige d'augmenter le nombre de celles qui viennent successivement de France et y retournent, après avoir perdu une bonne partie de leurs hommes, par suite des funestes écoles faites pour s'acclimater et se faire à la guerre et au service de l'Algérie.

         Cette opinion est juste; toute la cavalerie d'Algérie est pourtant déjà cavalerie d'Afrique ; mais l'infanterie, n'a que les Zouaves, corps mixte de Français et d'indigènes ; et les bataillons d'Afrique, qui, malgré leur origine, se sont si souvent distingués d'une manière brillante; et la légion étrangère, création temporaire qui se rapproche d'ailleurs de la classe indigène, en ce sens que les hommes ne sont pas Français.
        Quant aux tirailleurs de Vincennes, leur organisation a bien été faite en vue de la guerre d'Algérie, mais ils ne sont pas reconnus comme corps spéciaux d'Afrique.
        Je crois que le principe d'après lequel on devrait fixer la proportion des troupes françaises d'Afrique, et de celles qui viendraient faire un service temporaire en Algérie, devrait être celui-ci :
        Toutes les troupes françaises de la zone intérieure seraient corps d'Afrique,
        Toutes les troupes françaises du littoral seraient des corps français, renouvelés tous les quatre ans, sauf la gendarmerie, qui serait gendarmerie d'Afrique.
        Et pour les troupes indigènes, cavaliers et fantassins, qui se divisent en réguliers et irréguliers, leur nombre ne me paraît devoir être limité que par cette considération : qu'il faut employer peu de spahis réguliers dans la province d'Oran, qu'on peut en employer davantage dans celle d'Alger, et qu'on doit en employer beaucoup dans celle de Constantine.

         Toutefois j'ajoute, quant à la place qu'on doit leur donner dans notre établissement militaire, que les indigènes réguliers doivent être près du littoral dans la province d'Oran, tandis qu'ils seraient, au contraire, dans la zone intérieure du côté de Constantine ; et l'inverse pour les irréguliers. Cette observation serait indifférente pour la province d'Alger.
        J'ajoute en outre que ces indigènes seraient surtout fantassins dans la province d'Oran, et surtout cavaliers dans celle de Constantine. Ces idées seront justifiées plus loin.

         Il m'appartient peu, je le sais, d'émettre une opinion sur la proportion des différentes armes. J'ai bien peu vu la guerre d'Afrique, mais j'ai beaucoup interrogé et écouté les militaires sur ce sujet; j'oserai donc parler.
        L'opinion générale était, il est vrai avant la venue de M. le général Bugeaud, que nous avions trop peu de cavalerie.
        Je crois que cette opinion serait juste, si nous avions des colonies militaires et civiles faisant des foins et récoltant de l'orge, là où serait notre cavalerie; mais tant que nous serons obligés de faire venir des foins d'Europe, et de les porter à vingt - cinq et trente lieues, quelquefois plus, de la côte(1), nous aurons assez, si même nous n'avons pas trop de cavalerie, surtout si nous ne nous occupons pas de faire produire à l'Algérie ce qu'elle a toujours produit en assez grande abondance , et en assez bonne qualité, ce qu'elle ne produit presque plus pour nous, des chevaux.
        Si donc la proportion entre la cavalerie et l'infanterie doit changer, ce ne peut être que pour deux motifs : ou parce que nos colons produiront du foin, de l'orge et des chevaux, et alors on pourrait augmenter la cavalerie ; ou bien parce que les besoins de la guerre exigeront moins de troupes, et l'on diminuera l'infanterie. Ces deux motifs se réduisent à un seul qui peut s'exprimer ainsi : la proportion entre la cavalerie et l'infanterie sera changée, à l'avantage de la cavalerie, à mesure que nous coloniserons l'Algérie; car la colonisation produira les choses nécessaires à la cavalerie, et la colonisation est l'instrument le plus puissant de pacification : avec les armes on fait une conquête, ce n'est pas avec elles qu'on pacifie.

         Un mot sur une arme spéciale bien peu nombreuse, et qui rend et peut rendre tant de services, surtout dans la zone du littoral, qu'elle me paraît devoir y figurer dans une proportion tout-à-fait inusitée; je veux parler de la gendarmerie: c'est, pour ainsi dire, la seule cavalerie française qui soit nécessaire sur le littoral, et particulièrement dans l'Est, surtout quand la colonisation civile se développera.

         Je terminerai par quelques observations sur les transports militaires du train des équipages, de l'artillerie et du génie. - Ce service occupe un .personnel considérable en Algérie, il a un matériel immense; ce qu'il coûte est prodigieux. Nous avons voulu, non pas transporter, mais charrier, dans un pays montueux et raviné, où il n'y avait pas de routes; et nous charrions encore aujourd'hui sur des routes à moitié faites. Les chevaux, avec leurs lourdes voitures, ne portent guère plus, par les beaux, et les mauvais temps, que ne porterait un même nombre de mulets de bât ; c'est donc à peu près toute la dépense du matériel des équipages qui est inutile, sauf pour quelques rares objets qui seraient difficilement transportés à dos de mulets (2).

         M. le général Bugeaud a beaucoup amélioré ce service, en augmentant le nombre des mulets de bât, en faisant porter sur les chevaux de la cavalerie et sur les bœufs des parcs une partie des bagages, en se serrant fort peu d'artillerie, et substituant partout les cacolets aux prolonges de l'ambulance ; mais le matériel du train, des équipages et celui des transports de l'artillerie et du génie sont toujours effrayants. Sur ce point, nous avons encore importé nos habitudes de France, dans un pays qui exige qu'on les modifie grandement.
        Ici encore, la colonisation rendra un double service ; d'abord, parce qu'elle diminuera progressivement la nécessité des transports, en produisant elle-même, sur les lieux, une partie des objets qu'on est obligé d'y transporter aujourd'hui, et qui sont le plus lourds et le plus encombrants ; ensuite, parce qu'elle se chargera des transports à un prix bien plus avantageux que celui qu'ils coûtent à l'administration ; enfin, parce qu'elle améliorera les routes et produira des chevaux et des mulets.

         Je parlerai de l'artillerie et du génie quand je m'occuperai spécialement des villages coloniaux, civils et militaires.

        XIII. - Je passe maintenant à la colonisation civile.
        Bône, comme centre, avec un triple rayonnement, à l'Est vers La Galle, au Sud vers Guelma, à l'Ouest vers El-Harrouch, par le lac Fetzara, et retour sur Philippeville ; tel est le tracé général de la triple route que suivra la colonisation civile dans la province de Constantine.
        Ces trois routes présentent un développement de soixante à soixante-dix lieues ; le territoire qu'elles commandent a une surface de près de cinq cents lieues carrées ; et les tribus qui s'y trouvent sont peu nombreuses, peu puissantes, presque toutes soumises depuis que nous occupons Constantine.

         La colonisation la plus rapide ne saurait donc couvrir une aussi vaste étendue de terres, généralement fertiles, qu'après longues années ; aussi n'ai-je indiqué ces trois routes que comme des directions qu'il fallait suivre progressivement, sur lesquelles on devait marcher pas à pas, mais au moins avec un but à atteindre, un système : celui de relier Bône aux trois points qui sont évidemment les lieux de passage, par lesquels on se rendra un jour de Bône à Tunis, aux grandes plaines du Midi et aux montagnes de l'Ouest. La Galle, Guelma et El-Harrouch sont les lieux vers lesquels il faut marcher, et chaque année devrait être consacrée à pousser avec habileté et prudence la colonie civile vers ces trois points, à réédifier une borne miliaire sur ces trois anciennes routes romaines, d'Hippone à Carthage, à Cirta, à Stora.

         Afin de ne pas compliquer cette idée, je viens de négliger un point qui appelle néanmoins immédiatement et impérieusement la colonisation civile ; je veux dire la route de Philippeville à Constantine, principalement dans la partie qui sépare Philippeville d'El-Harrouch, cette partie devant se relier à la communication d'El-Harrouch à Bône.
        Dans les huit lieues qui séparent Philippeville d'El-Harrouch, il n'y à qu'un très petit nombre de Kabyles ; ce territoire est une vallée assez étroite, bordée de mamelons qui sont tous propres à la culture ; le Safsaf, qui la forme, est une petite rivière qui, en tout temps, a un peu d'eau, depuis El-Harrouch du moins.

         J'ai supposé à Philippeville trois mille soldats, parce que j'avais en vue la protection à donner, pour leur installation, aux colonies civiles qu'on devrait se hâter de placer sur la route d'El-Harrouch, et parce que je songeais aux travaux qu'il faudrait faire aussi, de ce point, dans la direction du lac Fetzara, pour rejoindre la colonie qui, partie de Bône, s'avancerait de ce côté, avec le secours d'une partie des trois mille hommes que j'ai supposés à Bône.
        Remarquons que la milice de Bône et celle de Philippeville suffiront presque pour la garde de ces deux villes aujourd'hui déjà fermées, surtout lorsque les tentatives coloniales augmenteront la population, et que les villages coloniaux leur serviront, pour ainsi dire, d'avant-postes et d'éclaireurs. Les six mille soldats que j'ai supposés sur ces deux points, seront donc presque toujours en campagne, pour la protection des villages et des travailleurs; et, d'un autre côté, les garnisons de Guelma et de Constantine, toujours assez fortes, domineraient les tribus des Zerdeza, qui, au Sud delà route d'El-Harrouch à Bône, pourraient seules inquiéter les colonies qui se formeraient sur cette ligne.

         Disons en passant que ces campagnes, faites en vue de la production, seraient par conséquent très différentes, sous plusieurs rapports, des campagnes faites en vue de la destruction.
        Représentons encore par des chiffres ce que je viens de dire.
        Supposons qu'on appelle, sur ce littoral de Bône et de Philippeville, un nombre de colons égala ces six mille soldats. - Deux mille devraient être placés entre El-Harrouch et Philippeville, dans la vallée du Safsaf ; mille près d'El-Harrouch, dans la direction de la route de Bône; et les trois mille autres seraient placés autour de Bône, dans les directions de La Galle, de Guelma et d'El-Harrouch ; et chacun de ces milliers de colons aurait mille soldats pour auxiliaires et pour appui.

         C'est dans ces proportions qu'il faudrait commencer et continuer. Lorsque je parlerai plus tard des villages, j'indiquerai d'une manière plus précise comment cette marche de la colonisation civile doit être effectuée.
        Il y a deux autres points occupés sur la côte, Jîgelli et Bougie, qui, jusqu'ici, n'offrent aucune chance de succès pour la colonisation civile, et qui ne sont pas même propres à la colonisation militaire, si ce n'est quand on pourra réaliser la communication de Bougie à Sétif, dont je vais dire quelques mots.

         Jusqu'à présent on n'a pas essayé, et cette réserve est aussi prudente qu'elle est rare, on n'a pas essayé d'opérer par la force cette jonction qui serait pourtant d'un bien puissant intérêt politique. On a pensé sans doute que cet avantage, obtenu ainsi, serait probablement payé bien cher ; qu'il serait d'ailleurs précaire, ou du moins qu'il exigerait, pour sa conservation, l'emploi du moyen par lequel on l'aurait obtenu, la force. En effet, les populations kabyles que cette route traverse, ont la réputation d'avoir été, de tout temps, indomptables; leurs tribus sont fortes, et leur territoire est presque partout inabordable. C'est là le centre de toutes les tribus kabyles qui peuplent la côte, depuis l'Édough, près de Bône, jusqu'à Matifou, près d'Alger. Aussi la ligne qui joint les Portes-de-Fer à Bougie, est-elle, géographiquement et politiquement, une limite naturelle des deux provinces, dont le Jurjura semble être le gardien. Cette limite est celle que la civilisation romaine n'a, pour ainsi dire, pu dépasser qu'avec ses armes, mais qu'elle n'a presque pas pu faire franchir par la charrue coloniale ; c'est la limite de la Mauritanie Sétifienne et de la Mauritanie Césarienne, c'est-à-dire le point où tout ce qui était à l'Est était plus romain qu'africain, tandis que tout ce qui était à l'Ouest, au contraire, était plus africain que romain.

         Et pourtant, la route de Sétif à Saldœ (Bougie) a existé aux temps des Romains : nous-mêmes, depuis que nous connaissons un peu mieux ces féroces Kabyles, nous savons que c'est une race laborieuse, industrieuse, commerçante, attachée au sol qu'elle cultive, sur lequel elle plante et bâtit; nous savons que cette nation est belliqueuse lorsqu'on l'attaque chez elle, mais que, rarement, si ce n'est pour exercer des représailles, elle porte la guerre hors de chez elle ; nous savons, en un mot, que ce peuple féroce se défend lorsqu'on l'attaque , et lorsqu'il croit qu'on veut le dépouiller, mais qu'il est vraiment d'assez bonne composition lorsqu'il croit avoir intérêt à l'être.

         C'est donc une œuvre diplomatique et non militaire, une affaire à'intérêt et non de gloire; c'est presque une convention commerciale qui pourra seule nous faire obtenir, d'une manière sûre et durable, cette importante communication de Sétif à la mer. Je suis convaincu que du moment où Sétif aura, au lieu de militaires seulement, une colonie militaire, le chef de cette colonie obtiendra promptement ce qu'aucun Gouverneur, fort heureusement, n'a voulu se décider à prendre de force. Jusque-là, toute idée de colonisation à Bougie serait impraticable.
        Les mêmes considérations s'appliquent à Jigelli, qui ne sera qu'une caserne et un hôpital, tant qu'on ne communiquera pas, de ce point, avec Constantine par Mila, en traversant le pays des Kabyles.

         XVI. - Dans la province d'Alger, la question est déjà résolue par le fossé d'enceinte, limite en dehors de laquelle aucune tentative de colonisation civile ne devra être faite. Ici, les difficultés consisteront, en grande partie, dans l'état de la propriété ; nous en avons déjà parlé, et nous y reviendrons quand nous nous occuperons de la forme des villages et du mode de concession. Je pourrais donc me dispenser de parler de la province d'Alger pour la question qui nous occupe, c'est-à-dire pour déterminer la place où doit se faire la colonisation civile, si cette grande mesure, le fossé d'enceinte, n'était pas, à elle seule, tout un système de colonisation algérienne.

         En effet, quoique le fossé d'enceinte ne soit qu'une réduction sur petite échelle des systèmes présentés par M. de Prébois et le général Rogniat, cette mesure n'étant appliquée qu'à Alger, le système colonial auquel elle se rapporte décide donc que c'est seulement à Alger qu'il faut faire de la colonisation civile. Examinons sur quel principe général repose ce système, auquel se rattachent des questions de la plus haute importance.
        Ce principe est fort simple, et peut se formuler ainsi :
        En cas de guerre européenne maritime, Alger doit être un port militaire français de premier ordre, capable de se suffire à lui-même pendant un blocus, au moyen d'une colonisation qui serait à l'abri de l'attaque des Arabes.
        Trois conséquences capitales découlent immédiatement de ce principe.
        1° Etablissement d'un port militaire de premier ordre;
        2° Agrandissement considérable de l'enceinte de la ville, et fortifications de premier ordre;
        3° Fossé d'enceinte renfermant le territoire colonial, et défense de ce fossé par une suite de forts, de redoutes, de blockhaus.

         Et en outre, ces trois mesures seraient tellement coûteuses, qu'une autre conséquence en résulte : elles absorberaient toutes les ressources du budget de l'Algérie, ou du moins une part si considérable, qu'il faudrait complètement négliger les autres parties de la colonie, jusqu'à ce que ce triple résultat fût obtenu.

(1) J'ai vu rapporter, de Sidi-Tamtam à Constantine, des foins qu'on y avait portés précédemment de Constantine, et qui étaient venus d'Italie par Philippeville. Ces foins avaient donc fait, en Algérie seulement, soixante lieues de voyage sur des routes très mauvaises, où les fourgons portent peu de poids ; sans compter le retour, presque toujours à vide, des voitures qui les portaient.
(2) On a cité souvent les vins comme nécessitant ces transports; cela n'est pas fondé : dans les pays qui n'ont pas de routes, on transporte les vins dans des outres ; d'ailleurs, un mulet porte un hectolitre dans deux quartauts ; et six chevaux, attelés à un fourgon du train, ne portent, en moyenne, que six hectolitres.

A SUIVRE

L'INTERVENTION...
Envoyé par René Michaut

A l'hôpital, une superbe jeune femme attend dans le couloir sur sa civière avant d'être conduite au bloc opératoire pour subir une petite intervention.
Elle s'inquiète un peu quand même, d'autant plus que l'heure tourne.

Un type en blouse blanche s'approche, relève le drap qui la recouvre et examine son corps nu.
Il rabat le drap, s'éloigne vers d'autres blouses Blanches et discute.
Un deuxième en blouse blanche s'approche, relève le drap et l'examine.

Puis il repart. Quand le troisième blouse blanche approche, lève le drap et la scrute.
La jeune femme s'impatiente:
C'est bien beau toutes ces auscultations, mais quand allez-vous m'opérer?

L'homme en blouse blanche hausse les épaules:
J'en ai aucune idée, nous on repeint le couloir.



ASPECTS ET REALITES
DE L'ALGERIE AGRICOLE
Envoyé par M. Philippe Maréchal                    N° 24


Par cette Brochure qui sera diffusée par épisode au cours des Numéros suivants, nous allons faire découvrir des aspects et des réalités qui ont été déformées par les fossoyeurs de l'Algérie Française et dont les conséquences se poursuivent et dureront encore plusieurs décénies.
             

Les Techniciens
De l'Agriculture Algérienne
Vous présentent
ASPECTS ET REALITES
DE
L'ALGERIE AGRICOLE

" Quand je débarquai à Alger pour la première fois, il y a une vingtaine d'années, j'éprouvai une impression à laquelle, j'imagine, un Français n'échappait guère. J'arrivais dans un des rares coins du monde où nous pouvions nous présenter avec orgueil. "

Jérôme et Jean Tharaud.       

III - TEMOIGNAGES
D. - CONSTANTINOIS
Impressions sur la région
de Philippeville

PAR
Par André CAVERNES
Ingénieur Agronome (1949)
Ingénieur des Services Agricoles
de Philippeville (Constantine)


Un coin de la corniche Bougie-Djidjelli.

      Un jeune Agro métropolitain, ingénieur des Services Agricoles à Philippeville depuis deux ans, nous envoie ses impressions sur la région de l'Oued Saf-Saf :
      " ... Étant militaire depuis dix mois, j'ai eu l'occasion " d'être affecté à différents postes situés dans mon arrondissement ; je vous ferai part de mes impressions sur la " vie du bled. "
      La mer et le soleil semblent s'être concertés pour rendre séduisante la petite cité de Philippeville. Comme l'aurait fait un touriste il y a deux ans, nous allons quitter le ville pour aller faire connaissance avec l'arrière-pays, avec les vergers d'agrumes, les champs de blé, de coton, avec ce paysage, tantôt paisible, tantôt sauvage, qui fait le charme de cette région


1) la céréaliculture. (2) Un village de France (Gastonville). 3) une grande culture riche du Philippevillois. 4) la petite culture des environs de Bône.

La céréaliculture

      En juin 1955, j'arrivai avec ma section à la Ferme des Frênes, dont les terres sont situées sur les communes de Sidi-Mesrich et du Col des Oliviers.
      Les Frères Tournier y cultivent 600 hectares, consacrés aux céréales ; depuis deux ans, ils font également des essais de coton. L'agriculteur de ce pays, en effet, est attentif à toute amélioration culturale ou spéculation nouvelle susceptibles d'accroître la rentabilité de son exploitation. Cette ferme, comme la plupart de celles qui se spécialisent en céréaliculture, est suffisamment mécanisée pour effectuer elle-même tous ses travaux de labour, semailles, moissons (2 tracteurs à chenilles, 1 moissonneuse-batteuse, etc.). La moyenne des rendements en blé dur est de 15 q/ha.
      Les propriétaires, qui habitent à la ferme, ont eu le souci d'y établir leurs ouvriers, ce qui permet d'ailleurs une meilleure compréhension entre la main-d'oeuvre musulmane et les cadres toujours présents sur les chantiers.
      Le secteur paraissait très calme à notre arrivée. Pourtant, les exactions devaient y être nombreuses et, de plus en plus, l'agriculteur travaillait dans un climat d'insécurité. Actuellement, cette ferme se trouve coupée de la vie normale : pour s'y rendre, il faut se former en convoi sous la protection des militaires. Et pourtant, il faut bien travailler comme chaque année !...
      Nous avons laissé MM. Tournier dans leur ferme privée d'eau potable et sans électricité ; je ne crois pas qu'un céréaliculteur de la Beauce connaisse ces conditions.

Un village de France : Gastonville

      Ce petit village s'étire sur environ 500 mètres, le long de la Route Nationale Philippeville-Constantine. La proximité de l'Oued Saf-Saf explique l'apparition des premiers vergers d'orangers, source de richesse économique et sociale du Philippevillois avec la vigne, dont les premiers rangs se remarquent également à Gastonville.
      Ce petit centre agricole, aux fermes de polyculture (céréales, fourrage, vigne, arboriculture), était encore très actif en 1954 ; depuis, le genre de vie des agriculteurs a bien changé : la majorité d'entre eux passent la journée sur leur terre, mais, le soir, ils rentrent tôt à Philippeville, la vie dans le bled n'offrant plus assez de sécurité pour la famille.
      Ainsi, ce village semble vide. Les Français qui y vivent encore se sont groupés prés des militaires. Tout le matériel des fermes trop éloignées a été rassemblé à proximité du cantonnement de l'armée. Chaque ferme est pratiquement abandonnée à ses ouvriers, à des hommes de confiance ; mais il manque, bien souvent, la présence du maître, et l'agriculture en subit le contrecoup.

      L'insécurité règne aujourd'hui comme au début du siècle, mais elle provenait alors de la malaria, car les eaux du Saf-Saf formaient d'immenses marécages. Ce fléau a été écarté. En sera-t-il de même de celui qui paralyse aujourd'hui l'économie de cette région qui ne demande qu'à être prospère ?



Vignobles dans la région d'El-Hammam (Constantine) au contact d'un éperon rocheux.

La grande culture riche du Philippevillois

      Notre périple se poursuit vers Saint-Charles, petit village plusieurs fois éprouvé. Au début du siècle, il dut être peuplé à deux reprises, à cause de l'insalubrité : toutes les terres riches d'aujourd'hui étaient alors des marais. De nos jours, il y eut le 20 août 1955...

      Dans l'arrondissement, Saint-Charles est la seule commune possédant de grosses exploitations. On y cultive essentiellement la vigne et les agrumes (orangers, clémentiniers, mandariniers). Les terres sont riches et permettent des rendements importants : 100 à 200 hectolitres de vin à l'hectare. Le Saf-Saf apporte l'eau nécessaire à l'irrigation des vergers. L'agriculture y est rationnelle, et toutes les nouvelles méthodes de culture intéressantes sont mises en oeuvre.
      La culture riche et intensive permet l'emploi d'une main-d'oeuvre importante, et tous les domaines sont entourés de mechtas où vivent les ouvriers. Le domaine de Saoudi où je me suis trouvé, avec ses 250 hectares de vigne, emploie, en moyenne, 120 hommes par jour. Les grands domaines sont des centres vitaux et, je crois, des facteurs importants d'évolution pour les Musulmans par les tâches spécialisées qu'ils leur offrent : conducteurs de tracteurs, tailleurs, chefs de chantiers, chefs d'ateliers, comptables. Certains propriétaires ont fait depuis longtemps construire des maisons en dur pour remplacer les traditionnels gourbis peu confortables.
      Actuellement, toutes ces grandes exploitations sont gardées par les militaires à cause de leur importance (bâtiments nombreux et installations industrielles telles que caves, ateliers de conditionnement des fruits, etc.), et surtout en raison de leur rôle économique et social. Dans ces domaines où vivent le propriétaire, le gérant et les cadres, la culture ne se ressent pas trop des événements.

La petite culture des environs de Philippeville

      Nous voici revenus à Philippeville, où nous rencontrons de petites fermes de 5 à 10 hectares en moyenne : fermes de maraîchage - en raison de la proximité de la ville - avec viticulture et arboriculture.
      Les fermes, installées sur des pentes parfois importantes, émaillent la campagne de leurs couleurs vives. Quel mérite ont eu ces familles, d'origine maltaise, à mettre ces pentes en valeur ! Ces petits agriculteurs vivent très modestement et travaillent de leurs mains ; ils portent eux-mêmes, en charrette, leurs légumes au marché. Voilà qui change de l'idée que l'on se fait trop souvent du " colon " d'Algérie!

      Pour tous, céréaliculteurs, viticulteurs, agrumiculteurs et maraîchers, l'avenir n'est guère rassurant ; l'insécurité et le manque d'argent agissent parallèlement : les dégâts sont importants, et les indemnisations longues à venir.
      L'agriculteur de cette région travaille presque toujours dans des conditions difficiles ; les augmentations des salaires - peut-être nécessaires - ne lui faciliteront pas la tâche ! Pourtant, malgré les obstacles et surmontant son découragement, il continue, il veut avoir confiance. Je crois que c'est une raison d'espérer si toutefois des mesures sont prises pour favoriser ce sentiment qui attache l'homme à la terre pour laquelle il vit et il meurt.


A SUIVRE       

"LE CADETS-JAZZ" de BÔNE
Envoyé par Roland Siniscalchi

Photo : Roland Siniscalchi

        Qui se souvient de cet orchestre, le CADETS-JAZZ de Bône ?
        Restent-il des bonois et bonoises ayant dansé avec cet orchestre ?
        Il y avait mon oncle Pierre Siniscalchi, décédé en 2005, Il est le deuxième en bas en partant de la gauche, jouant du Saxo

Photo : Roland Siniscalchi

        La police a bone avait un orchestre, comment s'appelait-il ?.
        Là, mon oncle joue du violon c'est le dernier à droite.

          

Qui pourrait nous en dire plus sur ces orchestres et sur les autres qui existaient dans notre ville
et qui faisaient le bonheur des Bônois et Bônoises.
        A vos souvenirs et bonnes recherches.



MON PANTHÉON DE L'ALGÉRIE FRANÇAISE
DE M. Roger BRASIER
Créateur du Musée de l'Algérie Française
Envoyé par Mme Caroline Clergeau

PRÉSENTATION

         Le 18 avril 1998, s'ouvrait à Perpignan une exposition, destinée à évoquer la vie intellectuelle et artistique, extrêmement brillante qui fut celle des départements français d'Algérie. Pour moi, ce fut le "chant du cygne".
         Bien que ne pouvant consulter les archives du Centre de Documentation et de Culture Algérianiste de Perpignan, j'ai tenu à reconstituer l'essentiel des tableaux qui illustraient cette exposition intitulée:

"Un Panthéon pour l'Algérie Française
ou 132 ans de vie artistique, culturelle, économique, médicale et sportive"


         Dans mon discours inaugural, je définissais la philosophie qui a inspiré cette exposition.

         Du 14 juin 1830 au 3 juillet 1962, un chapitre de l'Histoire de France a été écrit Outre-Méditerranée. Au cours de ces 132 ans, l'histoire de l'Algérie et celle de la France se sont tellement enchevetrées qu'il est difficile de Ies séparer. Une vie intellectuelle extrémement féconde est née et a prospéré.
         Cette vie fut le résultat du choc et de l'amalgame de diverses cultures: Berbère, Arabe, Juive, Française, Méditerranéenne, qui se sont heurtées, avant de s'apprécier et de s'estimer. Une société multiethnique, multi-confessionnelle, et pourquoi hésiter à l'écrire, multi-raciale était en train de naitre lorsqu'elle fut tragiquement interrompue en 1962, avec des conséquences sanglantes qui, hélas, se poursuivent encore de nos jours. J'en suis profondément attristé et chagriné.
         Pendant ces 132 ans la vie artistique, culturelle, économique, médicale et sportive a été extrêmement brillante. Elle a donné quatre Académiciens français, un très grand nombre de Membres de l'Institut, plusieurs Grands Prix de Rome, trois Prix Nobel, des Médailles d'Or aux Jeux Olympiques et même une Sainte à l'Eglise Catholique : Emilie de Vialar.
         L'organisation de cette exposition a nécessité un choix et, comme tout choix il est critiquable. Puisqu'il s'agissait d'une exposition, l'image a été l'élément qui a été privilégié, de même que les actions et oeuvres concernant l'Algérie, faisant remarquer, au passage, que le terme "ALGERIEN" (habitant de l'Algérie) avait changé de sens depuis le 3 juillet 1962.
         Pour remplir notre devoir de mémoire, la philosophie, qui a présidé à la formation de cette exposition, voulait mettre en évidence quelques "Grands Hommes" nés en Algérie, ou dont la partie la plus importante de leur carrière s'est déroulée dans les Départements Français d'Algérie. Ils ont mis en valeur le pays et ont fait rayonner sa culture.
         Pour moi, quatre ans après, j'ai voulu reconstituer, pour mes archives, le contenu de cette exposition. A une ou deux exceptions près, j'y suis parvenu et le "soir à la chandelle", feuilletant ces quelques pages, je peux croire que j'ai malgré tout, rempli le devoir de mémoire que je me suis imposé dans l'exil permanent où je vis depuis 1962.

Fait à Canet en Roussillon, le 13 mai 2001,   
En ce 33 " anniversaire du 13 mai 1958,       
Cette "Journée des "Grands Couillonnés", le "Grand Couillonneur" étant...   

         Il eut pu être Charles Vll, restaurant l'unité des Français,
         II s'est préféré Charles IX, présidant de nouvelles Saint-Barthélemy,
         Il eut pu être Charles Martel stoppant les Arabes à Poitiers.
         Il a préféré être Ganelon, livrant l'Algérie aux Sarrasins.



Sur ordre du roi Charles X
LA NAISSANCE
14 JUIN 1830

Transportée par la marine placée
sous le commandement de l'Amiral Dupéré


Placée sous le commandement du général De Bourmont

L'Armée française débarque à Sidi-Ferruch
donnant à la France la Régence d'Alger.


"Par une mer calme et belle, les étoiles scintillantes éclairaient les cieux, à trois heures du matin, le 14 juin 18.30, . . . le débarquement de l'armée française commença.
"Les soldats, impatients de gagner le rivage, se jettent à l'eau, aussitôt qu'ils peuvent aborder sans mouiller leur giberne. Grâce à cette aimable émulation, toute la plage est, en un instant, hérissée de baïonnettes. .. Deux braves marins, SCION, chef de la grande hune de la frégate "Thémis", et BRUNON, Matelot de la "Surveillante", s'élancent vers la tour de Sidi-Fredj, l'escaladent et y arborent le drapeau français. Cette action solennelle est saluée par les acclamations de l'armée et par le canon de la flotte..." (Léon Galibert - l'Algérie ancienne et moderne - 1844 ).

La mosquée de Sidi Ferruch: (Torre.Chika)

A SUIVRE

C'ÉTAIT HIER...
La leçon de coeur de M. Deferre
Envoyé par M. Hervé Cuesta

Extraits de Paris-presse l'intransigeant " Dernière heure " jeudi 26 juillet 1962.

          Le maire de Marseille a 150.000 habitants de trop. GASTON DEFFERRE : " Que les " pieds-noirs " aillent se réadapter ailleurs "

          Il y a cent cinquante mille habitants de trop actuellement à Marseille. C'est le nombre des rapatriés d'Algérie qui pensent que le Grand Nord commence à Avignon et qui ne veulent pas quitter la ville du soleil malgré les sollicitations des autorités officielles.

          Cette présence massive de ces Français d'Afrique du Nord pose de graves problèmes au sénateur-maire, M. Gaston Defferre.
....

          " Et les enfants ?
Ici, pas question de les inscrire à l'école, car il n'y a déjà pas assez de place pour les petits Marseillais.

          -Est-il vrai qu'il règne dans la ville de Marseille une certaine tension entre Marseillais et " pieds-noirs " ?
- " Oui, c'est vrai. Au début, le Marseillais était ému par l'arrivée de ces pauvres gens, mais bien vite les " pieds-noirs " ont voulu agir comme ils le faisaient en Algérie quand ils donnaient des coups de pieds aux fesses aux Arabes. Alors les Marseillais se sont rebiffés. "
          " Mais, vous-même, regardez en ville : toutes les voitures immatriculées en Algérie sont en infraction… "

          - Dans certains milieux politiques de Marseille on laisse entendre qu'aux prochaines élections, grâce aux 150.000 personnes qui sont arrivées récemment, votre siège de maire risque d'être en danger?
- " De toute façon, les élections n'auront lieu que dans trois ans et d'ici là, de l'eau peut couler sous le pont. "
- " De plus, personnellement je les attends pour la bagarre. Voilà dix ans que mes ennemis politiques essaient de me faire basculer, mais il n'y a jamais eu à Marseille un maire qui ait fait autant que moi pour l'activité économique de la ville. Et ça, mes compatriotes le savent "

          - Dans certains milieux de Marseille on prétend que vous avez à votre disposition une police spéciale, genre " barbouzes " est-ce exact ?
- " Non, je n'ai pas de " barbouzes " à ma disposition mais simplement des militants. Ils sont groupés en section, en sous-sections. Il y en a à Marseille un peu plus de 15.000. "
" C'est la deuxième fédération de France. Et croyez-moi, ces gens savent se battre. Aux prochaines élections réunions électorales, si les " pieds-noirs " veulent nous chatouiller le bout du nez, ils verront comment mes hommes savent se châtaigner. "… Ce ne sont pas eux qui viendront, mais nous qui iront casser leurs réunions. " N'oubliez pas que j'ai avec moi une majorité de dockers et de chauffeurs de taxis ! "

          -Pensez-vous que les " pieds-noirs " donnent l'impression d'être politiquement organisés ?
- " Non, pas du tout. Sinon ils auraient agi depuis longtemps. Il existe des membres des commandos Delta à Marseille, mais pour l'instant ils sont sans chefs et sans têtes de file. Ils sont donc inutilisables, du moins pour le moment. "

          - Avez-vous embauché dans vos services municipaux des fonctionnaires " pieds-noirs " ?
- " Pas question que j'embauche des fonctionnaires car, depuis mon arrivée à la municipalité de Marseille, je me suis séparé déjà de 1.500 employés. "

          - Voyez-vous une solution aux problèmes des rapatriés à Marseille ?
- " Oui, qu'ils quittent Marseille en vitesse ; qu'ils essaient de se réadapter ailleurs et tout ira pour le mieux. "

Interview réalisé par Camille GILLES.     

ALLAH I NOUB
Envoyé par M. Marc Dalaut
Ecrit par M. Gaëtan Dalaut


L'Arabe, en plein jour dort, ayant le sol pour couche
Contre un mur de terre frais blanchis à la chaux,
Un sac sous sa nuque couvre les cailloux chauds,
A son pied nu s'accrocha une vieille babouche.

Sur son virage brun s'est posée une mouche,
Ainsi qu'un alcyon sur le calme des flots,
Nul geste ne la chasse, elle va de l'œil clos
Aux perles de salive aux deux coins de la bouche.

Tant qu'il reste au gourbi quelques kilos de blé,
Qu'importe un lendemain ? Que sert d'être troublé
Puisqu'Allah est Allah et qu'il faut qu'il pourvoie

Aux besoins du Croyant, jusque dans son sommeil.
C'est pourquoi, près du mur dont la blancheur flamboie,
Dieu verse des rayons au buveur de soleil.


UNE BOUTEILLE À LA MER...

LES BATEAUX

Voici deux bâteaux, le SIDI-OKBA et le DJEBEL-DIRA qui ont navigué sur notre Mer Méditérannée, qui ont accosté sur tous nos ports d'Algérie, mais dont nous ne savons pas grand chose sur leur vie.
Est-ce que dans les nombreux lecteurs de la Seybouse, y aurait-il de bonnes mémoires pour nous raconter ces histoires ?
Nous sommes prêt à les lire. Il en est de même pour d'autres bâteaux.
D'avance Merci.
J.P. B.


LE SIDI-OKBA

LE DJEBEL-DIRA
   

LES LIVRES DE GEORGES BAILLY

       


          Les livres de Georges, Bônois de la quatrième génération, sont le reflet de son amour pour sa ville et sa plaine dans laquelle elle s'intégrait si parfaitement.
          Les nombreuses photos anciennes et récentes en noir et blanc et en couleur, inscrites dans un texte simple et précis, vous feront revivre cette inoubliable partie de notre vie.

Bulletin de souscription Valable jusqu'au 15/12/2006
A imprimer, à découper et à envoyer

Je soussigné :
Nom et Prénom : .............................
Adresse : ...................................
Code postal : ............... Ville : ........................
Tel : ..............................
E.Mail : ................................

Commande …………exemplaire (s) du livre : Bône-Annaba, Ville de ma naissance
-200 pages, dont 90 en couleur, cédé au prix de revient de 30 euros (+ port et emballage de 8 Euros).

Commande …………exemplaire (s) du livre : A la mémoire des agriculteurs de la plaine de Bône
-110 pages, dont 35 en couleur, cédé au prix de revient de 20 euros (+ port et emballage de 8 Euros).

Commande des deux livres ensemble cédés au prix de 50 euros port et emballage offerts
Sortie vers le 15/12/2006 au format A4 photocopié laser.
Ci-joint chèque libellé à l'ordre de :
Georges Bailly : 67 Avenue Cyrille Besset 06100 Nice - Tel : 06.10.77.47.78


LES ECHOS DIVERS
Par les VIGIES DU NET
1) Un voleur algérien repenti... décide d'indemniser ses victimes
Par Hadda H'Zem

samedi 28 octobre 2006, 11h00 - AFP
      Un voleur repenti d'Annaba (est de l'Algérie), qui s'est enrichi au Canada, a appelé ses victimes pour les indemniser, a rapporté samedi le quotidien algérien el-Fadjr.
      L'ancien voleur, dont l'identité n'a pas été révélée, sévissait il y a dix ans dans les quartiers résidentiels d'Annaba à la tête d'une bande de malfaiteurs, avant d'émigrer au Canada, où il a fait fortune en toute légalité, ajoute le quotidien.
      Il y a quelques jours, il a appelé l'une de ses victimes pour lui proposer de lui rembourser 20.000 dinars (200 euros), produit d'un vol de bijoux perpétré chez elle il y a dix ans. Il a également contacté d'autres victimes pour leur proposer une indemnisation.
      Hadda H'Zem, soeur de la victime du vol de bijoux et auteur de l'article, coinclut en invitant "les auteurs de tous les détournements bancaires" de ces dernières années en Algérie à prendre exemple sur ce repenti pour restituer les montants colossaux qu'ils ont détournés.


2) Le marché informel envahit la coquette :
Souk le matin, dépotoir le soir
Par A. ALLIA

L’Algérie profonde. (Dimanche 22 Octobre 2006) Liberté Algérie
      Le centre-ville d’Annaba a été pris en otage depuis maintenant trois semaines par les camelots et les vendeurs à la sauvette qui ont transformé les principales artères de la ville en un immense souk. Cet envahissement que rien ne semble pouvoir endiguer a causé un grand malaise au sein de la population locale et particulièrement chez les riverains du cours de la Révolution et des rues Émir-Abdelkader et Gambetta.
      Des citoyens outrés par la passivité des pouvoirs publics devant cette situation jamais vécue à Annaba se sont engagés à constituer une association pour la sauvegarde du cadre de vie de leur cité. Leurs délégués ont pris l'initiative d'alerter l'opinion publique sur le danger latent que représente le commerce anarchique pour toute la communauté, en s'adressant en premier lieu aux médias. Ils se disent également prêts à organisé un sit-in de protestation devant le siège de l'APC.
      Une pétition signée par un millier de personnes sera transmise au wali d’Annaba pour lui demander d'intervenir personnellement. “Basta ! Y en a marre de ces gestionnaires qui sont en train de transformer la Coquette en douar !” s’indigne ce quinquagénaire qui affirme avoir été agressé physiquement par une bande de camelots qui ont squatté le couloir de l'immeuble où il habite. Les rues du centre-ville que le commerce informel a transformées en décharge publique à ciel ouvert causent par ailleurs bien des tracas aux agents communaux chargés de la voirie. “Les équipes chargées du ramassage des ordures sont obligées de doubler, voire de tripler leurs navettes sans pour autant faire face efficacement à cette situation”, nous déclare un agent communal.


3) Le Ramadhan des privations
Par Leïla Azzouz

El Watan : Edition du 17 octobre 2006, Hippone Info
      Les réjouissances de l’Aïd El Fitr approchent, enveloppés de leur cortège de traditions avec la confection des gâteaux traditionnels et le nécessaire en effets vestimentaires pour les enfants.
      Alors que dans les foyers, les mères de famille réveillent déjà dans les âmes des adultes nombre d’odeurs et de senteurs, les enfants attendent impatiemment le moment d’étrenner leurs habits neufs. Ils ont été acquis au prix forts chez des vendeurs à la sauvette ou dans le commerce de friperie. Ces habits ont nécessité d’énormes sacrifices dans les familles déjà mises à mal par le repas du ramadhan.
      S’il a profité aux pieux pour s’enrichir spirituellement, le ramadhan 2006 a également stimulé l’appétit insatiable des spéculateurs.
      Les riches ont oublié l’exigence de la solidarité. Le croissant-rouge, la direction des affaires sociales et les aides bénévoles ont eu toutes les difficultés à satisfaire plus de 20% de la population dans le besoin d’une assistance alimentaire.
      La solidarité traditionnelle n’a pas joué pleinement envers les démunis et tous ceux qui sont aujourd’hui victimes d’exclusion. Elle est engendrée bien souvent par la privation d’emploi.
      Le Ramadhan 2006, de toutes les privations, a été caractérisé par la hausse des atteintes aux biens et aux personnes (agressions, vols à la tire, à la roulotte et par effraction). La commune chef-lieu de wilaya a été particulièrement ciblée par les délinquants. Les rues ont été squattées par des vendeurs encore en âge d’aller à l’école. Devant chaque magasin du centre-ville, des étalages, installés à même le sol, offrent, à des prix défiant toute concurrence, des parfums, cosmétiques de marque, des vêtements pour enfants et adultes.
      Le marché informel local en est inondé, alors que les gérants inscrits au registre du commerce et aux impôts font bien grise mine. « Le marché informel paie son homme en toute impunité. Je ne vois pas pourquoi je persisterai à faire dans le commerce légal.
      La grève générale illimitée que l’Union des commerçants envisage de provoquer ne servira à rien », avoue Mohamed Larbi un commerçant en cosmétique de la rue Ibn Khaldoun.
Leïla Azzouz


4) Les Faits du jour
Par R. A. I.

El Watan :Edition du 31 octobre 2006 : Hippone Info
      Aux parfums de la contrebande
      D’où viennent tous ces parfums de marque de renom dont le marché local a été inondé ? On peut les acquérir à un prix dérisoire à la place du théâtre. Les effets vestimentaires, dont des chemises, pantalons, costumes, chemises et cravates portant la griffe de grands couturiers d’Europe, y sont proposés à des prix défiant toute concurrence. Les transactions s’effectuent devant des magasins spécialisés dans le commerce du prêt-à-porter qui, eux, paient leurs impôts. Le marché des parfums comme celui des effets vestimentaires est principalement animé par des jeunes et moins jeunes barbus. D’où cette question que d’aucuns se posent, quant à l’efficacité des institutions chargées de veiller aux frontières à la sauvegarde l’économie nationale.

      Cour des miracles
      Qui ne connaît pas le marché des voitures d’occasion du vendredi 19 Mai 1956 de Annaba ? Hebdomadairement, s’y rendent plusieurs milliers de citoyens et d’automobilistes. Dans ce souk qui ressemble à la cour des miracles, on trouve de tout en matière d’accessoires automobiles, d’habillements made in, équipements électroménagers et électroniques, restauration et même des jeux de hasard. Il y a même des voitures neuves volées et proposées à l’achat avec de faux papiers à des prix défiant toute concurrence. Il y a aussi les repris de justice et des énergumènes dont la mine patibulaire ne prête à aucune équivoque quant à leurs intentions de nuire. L’un d’entre eux l’a fait vendredi dernier, en agressant un homme âgé pour le dépouiller. Il a eu à le regretter. Poursuivi et attrapé, il a failli être lynché par plusieurs dizaines de personnes. Ce sont les policiers qui l’ont sauvé d’une mort certaine.

      Opération coup-de-poing
      A la veille de l’Aïd, une opération d’investigation et de recherche a été lancée par les éléments du groupement de la Gendarmerie nationale dans la wilaya. Pas un seul coin de Annaba, de sa banlieue et des autres communes et localités de la wilaya, fréquenté par les malfaiteurs et les délinquants, n’a été épargné par les gendarmes aidés de la brigade canine. Trafiquants de drogue, port d’arme prohibée, individus recherchés feront les frais de cette opération qui a duré jusqu’à l’heure du s’hour. A El Bouni où la délinquance et la criminalité sont en hausse, plusieurs individus ont été appréhendés en possession de sabres et d’épées, d’autres en possession de drogue et de psychotropes.

      Les écuries d’Augias
      Ces derniers jours, les services de sécurité tentent de rattraper un terrain qu’ils avaient perdu devant des délinquants et repris de justice organisés dans les délits et crimes divers. Ils les narguent même à partir des cafés, marchés informels et surtout au quartier Mercis, place forte de la vente et de l’achat des téléphones portables volés. Nargués également à partir des garages et écuries d’Augias, où, le soir venu, garent les charrettes à bras des fruits et légumes et sont déposés les produits issus des vols par effraction et des cambriolages. C’est dans ces lieux incontrôlés et incontrôlables que s’organisent tous les crimes et délits.

      Toujours les marchés informels
      La sûreté de la wilaya a lancé ce samedi une opération d’éradication des marchés informels au centre ville. Plus de 130 éléments des différents services de police, des BMPJ, PUP de Annaba, Sidi Amar, Berrahal et El Hadjar ont été mis à contribution. Il était temps. La commune, chef-lieu de wilaya, s’était transformée en un bazar à ciel ouvert. Il permettait à des délinquants organisés dans le vol à la tire, à la roulotte et à l’arraché d’imposer, sous la menace d’armes blanches, leur loi aux citoyens.

      Le centre-ville libéré
      Depuis samedi, les quartier Mercis, El Hattab, la Colonne, le marché couvert, les rues Ibn Khaldoun, Emir Abdelkader, Cours de la Révolution et la place du Théâtre ont été libérés. La présence quotidienne de policiers sur les lieux a dissuadé camelots, vendeurs à la sauvette et des fruits et légumes de réoccuper ces places fortes dans un centre-ville enfin libéré. Il reste néanmoins que la situation n’a pas changé à Souk Ellil, souk Edjedj et oued Eddheb. Le commerce informel y occupe encore la voie publique et les habitants continuent à être quotidiennement victimes d’agressions.

      Milice contre délinquance
      Annaba, refuge de la pègre de la banlieue (Boukhadra, El Bouni, Oued Nil, Hadjar Dis, Sidi Salem) ou de Beni M’haffeur, la Caroube Kouba, est devenue le théâtre quasi quotidien d’un sinistre festival : « Les malfaiteurs viennent de l’extérieur. Ils commettent leurs forfaits et se sauvent par des rues, ruelles, et autoroutes dont ils connaissent les moindres recoins », explique un officier de police. C’est dire qu’en 2006, Annaba est une plaque tournante du crime. Malgré les efforts consentis par les services de sécurité, l’on n’est toujours pas arrivé à créer les conditions de la chute de la criminalité. « Ouvrir un poste de police dans chaque quartier n’est pas suffisant. Il est également nécessaire que la mansuétude des magistrats cesse vis-à-vis des malfaiteurs. Sollicités, les policiers qui n’interviennent pas doivent être poursuivis », ont affirmé des gérants de magasins de la rue Ibn Khaldoun. Pour défendre leurs biens et leurs clientèles, ils ont décidé de mettre sur pied une milice.


La tombe d'un Bonois...

       Le cimetière militaire français de Gatouri dans l'île de Corfou en Grèce.
       Il est quasi à l'abandon. La plupart de ces Morts Pour la France viennent de l'Hôpital militaire français installé dans le Palais Achilleon de l'Impératrice Sissi, transformé pour soigner les malheureux Serbes qui venaient mourir à Corfou après une retraite en plein hiver ( 1915-16) à travers l'Albanie ( 230.000 morts).
       Les militaires français mouraient de maladies contagieuses attrapées en les soignant.(Voir la plaque)
       Une des tombes (photo prise le 20 Septembre 2006) au nom visible (D'Ambra Louis) est un Bônois. 90 ans qu'il repose là, comme 100.000 autres Français en Orient (40.000 aux Dardanelles et 60.000 en Macédoine-Serbie) pour permettre à une bande de c***s de foutre la France par terre et d'insulter les FSE au nom de l'anticolonialisme.
Pierre Barisain      




SOUVENIRS
Pour nos chers Amis Disparus
Nos Sincères condoléances à leur Familles et Amis



Décès de M. André Croneiss


"Chers(es) amis (es),

       Le 20 octobre 2006, ont eu lieu vendredi les obséques de mon père André, et les message reçus des amis m'ont fait chaud au coeur.
       Inutile de vous dire le chagrin qui m'accable car c'est un pan de notre vie qui disparait, le témoin de tant d'instants heureux avec tous ces liens affectifs qui nous sont propres et qui disparaissent au fil des générations. Un exemple aussi car une vie de travail dans un metier dur, le bâtiment, qu'il a exercé à Bône dans des entreprises comme Couhault et Jorelle et cet attachement à notre pays qui l'ont conduit comme beaucoup de nos parents à le liberer en 45 au sein de la 5ème DB et à en revenir gravement bléssé.
       Puis 62, et les années qui suivirent jusqu'à sa fin dans cette autre vie faite de regrets et de nostalgie et ce cimetiere de Nice où il repose désormais..
       Je joins une photo de lui devant un bâtiment de Bône qu'il aimait de tout son coeur et que beaucoup reconnaitront.
       Amities sinceres.  Gilles Croneiss


M. André Croneiss en 1947 à Bône

       Gilles, tous les amis des deux voyages que nous avons effectués à Bône se joignent ensemble dans un même coeur pour te soutenir dans cette épreuve.     J.P. B.





MESSAGES
S.V.P., lorsqu'une réponse aux messages ci dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une nouvelle rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la seybouse.
Après avoir pris connaissance des messages ci-dessous,
cliquez ICI pour d'autres messages.
sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura

--------------------


De Mme. Agnès GRIMA

Mon grand-père maternel Michel FEDERIGI était le propriétaire du grand Café de la Bourse sur la Place d'Armes à Bône et je recherche une photo de cette place où apparaît clairement cette brasserie. Or je n'arrive à avoir que des photos pas très nettes de la place avec vue principalement sur la mosquée.
Alors, si quelqu'un pourrait m'aider dans ma recherche, je serai la plus heureuse.
Je vous remercie d'avance du temps que vous aurez consacré à lire mon message.
A très bientôt j'espère.    Agnès GRIMA
Mon adresse : agnesgrima@aol.com

DIVERS LIENS VERS LES SITES
MISE A JOUR (partielle) DU SITE DE BÔNE
Photos de classes envoyées par :
Mmes Angèle Bussola/Castells ; Marie Claire Rizzi: photos du N° 58 à 68 tableau 2
Mrs Guy Attal ; Oki Djelloul ; Yves Jan ; Aimée Lang et Ali Boutefenneche ; Gérard Noto : photos du N° 134 à 139 tableau 1

Documents insolites Le Petit Vatel

Une citation militaire de M. Manchin



L'Algérie vue du ciel
Site: http://www.yannarthusbertrand.com/yann2/affichage.php?pais=Algerievueduciel

Un site intéressant :(documents, photos)
15ème RTS et 75ème RIMa
Site: http://www.15emerts.com/Historique.htm

cliquez ICI pour d'autres messages.

LES DOIGTS....
Envoyé par Marcel Trells

        Un riche banquier va marier son fils.
        La veille des noces, il prend le jeune homme à part pour une conversation en tête à tête.

- Simon, mon fils, je réalise que je ne t'ai jamais vraiment parlé. Dès demain, tu seras avec ta femme, il faut quand même que tu saches certaines choses.. Tiens, tu connais les doigts de la main ?
- Mais bien sur, papa ! Il y a le pouce , l'index , le majeur .

- NON ! NON ! L'interrompt le banquier. Ce n'est pas ça !
Il y a le doigt : du voyage
de la direction
de la jouissance
du mariage et...
celui de la distinction.

- Ah bon ?
- Je t'explique, Simon, mon fils. Le doigt du voyage c'est : le POUCE , parce qu'il te permet de faire du stop.

- D'accord papa.
- Le doigt de la direction c'est : l'INDEX parce que : c'est celui que tu tends quand tu veux montrer quelque chose.

- Ok.
- Le doigt du mariage c'est : l'ANNULAIRE parce que : c'est là que tu vas passer ton alliance, Simon, mon fils.

- Oui papa.
- Et le doigt de la distinction c'est : l'AURICULAIRE parce qu'il faut le lever quand on boit une tasse de thé.

- Compris, papa ! Mais papa, tu as OUBLIÉ le doigt de la JOUISSANCE !
- Je gardais le MEILLEUR pour la fin , Simon , mon fils. Le doigt de la jouissance c'est : le MAJEUR. C'est : le plus BEAU ! le plus LONG ! Pour la JOUISSANCE : tu MOUILLES ce DOIGT dans ta BOUCHE ET tu COMPTES tes BILLETS, mon Fils !



Vous venez de parcourir cette petite gazette, qu'en pensez-vous ?
Avez-vous des suggestions ? si oui, lesquelles ?
En cliquant sur le nom des auteurs en tête de rubrique, vous pouvez leur écrire directement,
c'est une façon de les remercier de leur travail.

D'avance, merci pour vos réponses. ===> ICI


Numéro Précédent RETOUR Numéro Suivant