Par Mady ROCHETTE

        Mady raconte nous …
   - Que veux-tu que je te dise …
   - Parle nous de là-bas, pourquoi tes ancêtres sont- ils partis de France pour venir sur le sol Africain ? Parle Mady…
   - C'est une longue histoire, des vieux contes qui n'intéressent plus personne et, quand je me laisse aller à les raconter, les jeunes oreilles sont distraites et j'ai l'impression de radoter …
   - Moi et d'autres serons attentifs à ton récit, cela nous intéresse, nous passionne, alors fais nous plaisir, Mady, raconte…
   - Eh bien, puisque tu insistes, tout commence par une médaille …
   - ??? Une médaille ?
   - Oui, une médaille ! Créée par Napoléon III, elle récompensait les 390000 grognards encore vivants en 1857. Ils avaient combattu aux côtés de Napoléon 1er pendant les guerres de l'Empire, de 1792 à 1815.
        Vous dire que Philippe SCHNEIDER est bonapartiste est un euphémisme. Lui, qui a parcouru l'Europe de l'Espagne à la Russie, lui, le combattant du 27éme de ligne, vivait chichement depuis 1815, chute du 1er Empire, près de Colmar à Fortschwihr. (4,5 kms à l'est de la grande ville)
        1848, année troublée où les révolutions succèdent aux émeutes.
        Notre héros de la Grande Armée se fait pincer par la gendarmerie au cours d'une gentille manifestation en faveur de l'Empereur. Le bonapartisme n'est plus au goût du jour et voici Philippe encadré par deux gendarmes à cheval.


La Médaille de Sainte Hélène

        Notre Alsacien est un colosse d'1,93 mètre, aux yeux bleus, aux muscles puissants. Sa tête arrive presque à la hauteur du ceinturon des deux gardes à cheval dont la corpulence lui semble un peu légère…
        En direction de la prison, près d'un terrain vague, à la sortie du village, notre prisonnier ne retient plus sa colère. Il empoigne fortement les deux pandores par la manche de leur uniforme et, d'un geste brusque, les désarçonne.
        Malheureusement, leurs têtes se cognent et s'entrechoquent…
        On dit que l'un des gardes serait mort de ce tête-à-tête, mais allez savoir …
        Ce qui est beaucoup plus sûr, c'est que notre Philippe Schneider se vit déporté en Algérie avec ses deux frères et toute leur famille, femmes et enfants compris. Son fils Mathias, mon grand-père, épousa Eugénie Cottes.
        Et c'est ainsi que, du côté d'Ouled Fayet, puis de la Bridja (près des Chaudière) enfin de la Trappe on entendait des jurons alsaciens. Des " nom de Tieu " retentissaient dans le Sahel, contrastant avec le parler guttural des autochtones. Il avait un très fort accent dont il ne se départira jamais et il fallait tendre l'oreille pour le comprendre. Chorche (Georges) ou Chény (Eugénie) ont dû s'y faire.
        Il fut, je pense, le précurseur de la choucroute dans ce pays qu'est l'Algérie. Une choucroute maison, avec les choux du jardin, coupés finement, macérés dans le vinaigre, placés dans un grand fût en bois, compressés sous un gros poids… Quelques " kartofen ", (pommes de terre), un morceau de lard et des saucisses, est son plat préféré, celui de sa lointaine patrie, revivait, sous un soleil parfois trop chaud.

        Prenant de l'âge, Mathias attrapa une mauvaise maladie et dut s'aliter.
        Quelques jours auparavant, l'électricité apparut à la ferme : une ampoule à la tête de son lit et une poire qui lui permettait d'allumer ou d'éteindre.
        Mais cet éclairage trop violent l'incommodait. Aussi il appuyait doucement sur le bouton de la poire pour essayer d'atténuer les effets de l'éclairage, pensant qu'il devait y avoir une similitude avec le mécanisme de la mèche de la lampe à pétrole. Clic ! la lumière s'éteignait. Clac ! La lumière revenait, puis lentement sur le bouton pour baisser l'éclairage …et clic ! plus de lumière.
        Les " nom de Tieu, de nom de Tieu " rugissaient du fond de la chambre sans pour autant le lasser. Tant et si bien qu'on plaça un chiffon au-dessus de l'abat-jour de la lampe pour atténuer cet éclairage éblouissant.
        Et le calme revint.

                                                Mady SCHNEIDER épouse ROCHETTE

        Fin de l'épisode ½

        (Extrait de " il était une fois …STAOUELI " repris en Janvier 2007)



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