Suite et fin Buonanno est face à son destin Le spectacle est grandiose. Dans le jour naissant, à l'heure où le créateur cherche ses couleurs sur une palette où dominent les gris-rosé et les bleus tendres, la plage de Staoueli étale, avec la volupté d'une ouled-nail, mi-reine, mi-panthère, des dunes et des dunes de sable d'or, qui s'échappent et s'enfuient en longues courbes douces et sensuelles vers le Sud tout proche. Sur la droite, à quelques encablures vers l'ouest, Sidi-Ferruch flotte, irréel, dans les brumes matinales d'un Turner humide. La mer est plate, transparente, et s'évapore dans un ciel encore endormi. Une lueur brillante et rosée s'allume derrière les rochers tranchants de Ras-Acrata, annonçant l'aube d'une journée de sirocco. Ivre de tant de splendeur, on sursaute, quand Josué qui n'a pas demandé au temps de suspendre son vol, trompette dans ses mains en cornet : " Tout out… Tout out… Toutouuuu…ut " A nos âges c'est plutôt le cri de Tarzan qu'on attendait de lui… Mais il tenait tellement à cet air de clairon pour cavalerie…en déroute. A souffler sans cesse, comme un damné, il n'entend pas s'approcher une imposante masse noire à quelques pieds du tonneau. Nos bouches s'ouvrent un peu plus grande, devant l'ahurissement total de Buonanno. Que voit-il ? Une tête concave avec deux grands yeux maquillés ? Une peau sombre satinée ? Une gorge arquée, et la queue portée haut ? Un equus caballus arabicus ? Non. La vérité doit être dite jusqu'au bout, sans fard. Le cheval arabe noir de jais, les naseaux frémissant au vent, et la longue crinière ondulante… Ce sera pour une autre fois. Cette sombre et mystérieuse présence, à portée de main, se confirme être un taureau, dans toute sa plénitude. La tête dans le sable, à souffler sa fureur ? Les cornes, terriblement belles, prêtes à donner l'ultime " cornada " ? Que nenni ! Spectacle quasi-pastoral, presque bucolique, un cul de taureau sujet à des coliques et le désir manifeste de se frotter le postérieur, à la manière bovine, sur le tonneau providentiel. A la guerre comme à la guerre, ou ni une ni deux… Josué…sans ambages, saisit la queue virevoltante de l'animal, se la noue vigoureusement autour du bras. Une pensée à St Christophe et il tire sur l'inconnu. Instantanément il est projeté dans le fond de l'habitacle. La puissance qu'il aspire est inouïe et provoque chez lui une euphorisante montée d'adrénaline. Sitôt avalée cette montée " d'André et d'Aline " (Josué n'est plus à une ambivalence près et que dire de Lahkdar le berger, qui transposera cette formule en : côte de mourad et allel !) d'un bond prodigieux notre napolitain se place sèchement sur la piste chauffée à blanc.
***
Quand Lahkdar, le berger, s'empressa de conter ce qu'il avait de ses yeux vu… et qu'il en fit une complainte pour flûte kabyle, tous ses voisins, et même ses chèvres, pensèrent qu'il était devenu fou, un jour de Sirocco en plein soleil.
Ainsi est écrite la légende de Josué BUONANNO traduite et illustrée par Bernard YVARS)
Novembre 2007 -tiré de "Il était une fois Staouéli ". |