SUITE du PROLOGUE
Tiré de « QUAND l’ORAGE PASSA » par R. ANTOINE Alors
il a fallu faire jouer les relations, les connaissances du monde des
transports, pour pouvoir embarquer au plus vite. Le
bateau, l’avion, le chalutier, Marseille, Sète, Port-- Vendres, Alicante,
qu’importe. Il
faut sécuriser sa famille. Ceux
qui n’ont pas de relations attendent des heures, des jours, des nuits, couchés
sur les quais du port, ou vivant dans leur voiture, pour obtenir un billet
d’avion, délivré à l’aéroport de Maison-Blanche. Les files de voitures représentent plusieurs kilomètres, et
elles seront abandonnées là, après l’embarquement du propriétaire. Les
autorités, qui voulaient ralentir le rythme des départs, avaient réduit de
SEIZE à TROIS les rotations hebdomadaires des paquebots entre Alger et Cependant
deux questions essentielles se posent : Pourquoi
ce départ précipité ressemblant à une fuite ? Que fait l’armée si présente et qui se terre
dans ses casernes ? Il
me faudra répondre, avec justesse, sans gloire et plein de tristesse. Je
ne sais si les générations futures comprendront le désarroi total de ces
familles, l’effort qu’il a fallu faire pour rebondir. Peu en parlent, une sorte
de réserve, de pudeur les retient... Le but de ce dernier volet de
souvenirs est d’être une MEMOIRE, écrite par un pied noir qui voudrait
qu’au-delà de tout, ses enfants, et les générations qui suivront sachent
dans quelles conditions leurs aînés sont revenus... Il n’y a pas de
rancune, de revanche à prendre, mais il nous est fait obligation de se
souvenir. Permettez,
avant de quitter ma vraie patrie, de faire un inventaire, hélas réduit à mon
village. C’est plus sentimental qu’un audit et j’espère seulement qu’en le
consultant certains pourront dire ‘ Tu vois, c’est là que j’avais mon
toit ». Le petit-fils pensera que le grand
père radote, qu’il a des problèmes plus immédiats à régler, que la vie actuelle
fait fi des souvenirs et qu’il n’a pas de temps à perdre…Mais la graine aura
été semée, plus tard il en sera fier. |