Par Gislaine PAYNO         ( Suite 3)          

            Madame Gislaine Pons, née PAYNO, nous livre ses souvenirs. Une vie exaltante où se mêlent l'histoire, l'anecdote et le fantastique.
            Prenez un peu de temps pour lire ce récit qui vous conduira bien des années en arrière, avec le charme des contes d'autrefois.

            Dans cet Etat Major, j'ai connu des gens célèbres qui venaient s'engager. Le Comte de Paris venu du Maroc, Rainier de Monaco qui était le secrétaire du Commandant LEOTARD, Michel PONIATOWSKI qui a été mon planton. Le plus célèbre était Antoine de ST EXUPERY que nous appelions Tony ou St Ex. Les premiers temps, je pensais à un Monsieur SINTES, quelle rigolade ! Lui m'appelai " mon petit bout de chou ", et, pour tout le monde, j'étais : " la petite ", ce qui m'a suivi pendant toute ma carrière chez les militaires. Ce fut mon nom de guerre, aussi. Le Général de MONTSABERT, avant de partir en Tunisie, m'avait sacrée " Mascotte GENERAL " du Corps Franc d'Afrique et m'avait offert un calot bleu marine à liseré rouge, avec autant d'étoiles qu'il en avait sur la manche, plus l'insigne du Corps qui était la Marianne, un pied à Alger, l'autre sur Paris, l'épée dans la main gauche. C'est en sortant de la messe, un dimanche, que j'ai retrouvé tous mes anciens chefs, à Staouéli, tous heureux de retrouver leur " petite ". Là encore, on m'avait demandé de les aider, au bureau, le samedi ou le dimanche matin, car ils n'avaient personne pour faire ce travail. Je suis allée les dépanner quelques fois, et j'ai demandé qu'ils embauchent du personnel pour le temps qu'ils passeraient au village, ce qu'ils ont fait.

            Je fais toujours parti des Commandos et j'ai eu l'occasion de les rencontrer aux Assemblées Générales ou lors d'un voyage souvenir, en Corse. Ils me parlaient tous de Staouéli, de cette jeunesse qui a su vivre dans le respect et l'amour d'une grande amitié fraternelle, de nos petits bals. Tous me disaient " Staouéli ", ce sont les plus belles heures de notre vie. Longtemps, j'ai correspondu avec ceux de l'étranger, qui ne sont plus là aujourd'hui. Ils m'écrivaient : " Staouéli, on ne peut pas l'oublier, c'est notre belle jeunesse, la plus belle époque de notre vie, on y pensera jusqu'à la mort. "

            Tout le monde a été marqué par cette ambiance du tonnerre.
            Un jour, Monsieur SECOND est venu vers moi, m'a attrapée par les épaules et, les larmes aux yeux, m'a dit " Merci, pour ce que vous faites, les enfants, j'ai eu des félicitations des Commandements Alliés et Français, et il m'a embrassé. Nous étions tous près de lui, nous lui avons dit merci, à vous aussi car sans son accord, nous n'aurions rien réalisé


L'acteur Georges Marchal

            Dans l'Armée de Staouéli, nous avions des gens célèbres, aux Commandos de France : l'acteur Georges Marchal, le jeune premier de l'époque, au bataillon de choc, le sous-lieutenant Bigeard, notre grand Général Bibi, l'Adjudant Chef Valentin, l'homme volant qui avait inventé les ailes pour voler dans les airs, promoteur du deltaplane, Edouard Duleu et son accordéon, notre Doudou. Beaucoup étaient passés par l'Espagne, le Maroc et étaient venus s'engager dans les parachutistes, nouveau Régiment de l'Armée nouvelle. Lorsque j'allais à Mont-Louis (P.O.), à la St Michel avec mes commandos, j'ai eu l'occasion de rencontrer des anciens du Bataillon de Choc (leur drapeau est à Mont-Louis). Heureux de me voir, ils m'ont parlé de quoi ?? de Staouéli !! J'ai vu ces hommes pleurer en évoquant notre village, leur Algérie, leur jeunesse ; leur vie.

            Avant d'être parachutés sur la France pour former les réseaux de résistance, les soldats du Bataillon de Choc ou d'autres commandos étaient placés en quarantaine dans notre ferme (étable). Nous entendions, la nuit, des G .M .C . venir les chercher pour les embarquer sur Boufarik ou Joinville, Blida puis les larguer sur la France où ils devenaient des résistants, en attendant le grand Débarquement. Beaucoup, hélas, sont morts avant de toucher du pied le sol de leur pays.

            J'ai participé à la rédaction de certains livres écrits par des militaires ou enfants de militaires de cette Armée d'Afrique libératrice de la France.

            Quelqu'un se rappelle-t-il encore de ce dimanche : la messe était dite pour les soldats qui devaient partir. L'église était bondée, il y avait le Préfet d'Alger, des Généraux venus d'Alger. Les Anciens combattants ont voulu que je chante ce cantique en l'honneur des soldats morts au Champ d'Honneur, comme pour le 11 novembre. Seule, devant la tribune, je tremblai comme une feuille. Au milieu de ce cantique, je me mets à pleurer, comme toujours, c'était tellement triste. Toute l'assemblée se retourne, lève la tête vers la tribune. Voilà que le curé se retourne et dit :
- Dominus Vobiscum et rajoute :
- Mes frères, la messe se passe devant et pas derrière.
            Et tout le monde de tourner la tête et de la baisser.
            Ce fut la rigolade pendant des mois, au village).
            A la sortie de la messe, un Général s'adresse à Madame Laborde, notre Maître de Chapelle et organiste :
- Madame, quel est l'ange qui a chanté en solo ? Qu'est-ce que c'était beau. Monsieur, voyez la jeune fille en robe bleue. Il s'adresse à moi, le mouchoir à la main :
- Mademoiselle, vous avez une voix superbe, vous savez que je suis dur, mais vous pouvez vous flatter de m'avoir fait pleurer. C'est la première fois qu'un petit bout de femme me fait pleurer, je me souviendrai, vous savez, de cette Messe.
            Gislaine Payno-Pons

            (Mis en ligne, Janvier 2007)



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