Par Gislaine PAYNO         ( Suite 2)          

    Madame Gislaine Pons, née PAYNO, nous livre ses souvenirs. Une vie exaltante où se mêlent l'histoire, l'anecdote et le fantastique.
    Prenez un peu de temps pour lire ce récit qui vous conduira bien des années en arrière, avec le charme des contes d'autrefois.

***

            Un après-midi, nous étions en plein amusements, un Officier américain et trois soldats se sont présentés à la porte en demandant le responsable du bal. J'y suis allée, l'officier m'a dit " venez avec nous ". Henri Costa, qui était en faction devant la porte, a crié : " Ils emmènent Gislaine ". Tout s'est arrêté, tout le monde était dehors. Finalement c'était le commandement américain qui m'envoyait une grosse corbeille à linge de petits pains au chocolat et des bidons de jus de fruits, salade de fruits, pour nous récompenser d'accueillir leurs soldats. Cet officier et ses hommes avaient tout porté dans la salle et étaient restés un moment avec nous. En partant, cet officier m'a dit, en excellent français : " c'est un bon souvenir pour eux, cela marquera leur vie, merci pour tout ce que vous faites pour eux car il y en a qui n'ont pas vu leurs parents depuis longtemps, ils viennent du Pacifique. " Nous avons tout distribué, un petit pain à chacun, un verre de jus de fruit ou eau glacée. J'ai donné ce qui restait à ceux qui avaient des petits frères et sœurs. Quant aux bidons de jus de fruits ou salade de fruits, nous les avons confiés à Madame Caserte, qui avait le café sur la place Elle nous en donnait au fur et à mesure de nos besoins.
            Quinze jours après, ce fut le commandant Anglais du Club des Pins qui nous fit parvenir une grande corbeille de brioches au lait et de grandes tablettes de chocolat à partager. C'était pour nous remercier de recevoir leurs soldats, qui ne tarissaient pas de faire l'éloge des jeunes de Staouéli qui savaient si bien accueillir les soldats étrangers.
            Ce fut aussi l'époque où Staouéli reçut les Commandos d'Afrique, commandés par le célèbre Colonel BOUVET, héros du débarquement de Provence. Mes Commandos, car, au début, c'était le Corps Franc d'Afrique, la nouvelle Armée Française, créée dès le débarquement Allié à Alger.

            Les Américains ont débarqué le 8 Novembre 1942. J'ai débuté le 12 Novembre ma carrière dans l'armée. C'était au Corps Franc d'Afrique et je n'avais que 17 ans et demi. J'avais passé mon examen d'entrée dans l'administration militaire en juin. Je ne pus être prise car n'avais pas 18 ans. C'est un de nos amis d'Alger, venu en réunion, au commandement Anglais du Club des Pins, qui m'a conseillé de me présenter, le plus vite possible, au Général de MONSABERT, créateur du Corps Franc d'Afrique, avec le Général GIRAUD. C'est ce dernier qui m'a accordé la dispense d'âge pour être embauchée au C.F.A.
            L'Etat Major était situé au 1 rue Joinville à Alger. On occupait tout un étage, j'avais comme bureau l'ancien placard à balais, une machine à écrire, un vieux tank, placée sur une table de camping, le tout appartenant à un Capitaine. L'armée française était pauvre, nous n'avions aucune fourniture de bureau, j'ai du porter un crayon et une gomme de chez moi. Je tapais sur des feuilles d'agenda qu'il fallait coller. Nous n'avions rien. L'armée française se construisait. J'ai tapé les demandes d'armes, d'habillement, de matériels, en anglais, pour les besoins de notre armée.
            Je travaillais sous les ordres du Général de MONSABERT, du Colonel JAMILLOUX et de J .B. d'ASTIER de la VIGERIE (2ème bureau). Les hommes étaient habillés de tenues mitées, calots de toutes les couleurs, godillots trop grands ou trop petits. Les officiers étaient habillés en mixte, pantalon civil beige ou grise, veste militaire étriquée ou veste de civil avec grade sur la poche de poitrine. De vrais perroquets. L'armée est devenue une armée lorsque les Américains et les Anglais l'ont habillée et armée. Tout s'est organisé par la suite.
     (Novembre 2006 )

G.PONS née PAYNO septembre 2006         


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