Madame Gislaine Pons, née PAYNO, nous livre ses souvenirs. Une vie exaltante où se mêlent l'histoire, l'anecdote et le fantastique. Prenez un peu de temps pour lire ce récit qui vous conduira bien des années en arrière, avec le charme des contes d'autrefois. ***
On porte toujours en soi une partie de son enfance, c'est ainsi que je me souviens de temps à autre de la chaleureuse ambiance qui régnait dans mon Staoueli d'avant. Le téléphone était alors peu répandu ; nous n'en avions pas du tout. C'est pour vous parler que je partage ces souvenirs avec vous. J'habitais une ferme avant l'entrée du village, Sainte Scolastique, une ferme qui appartenait au domaine de la Trappe. J'y ai vécu jusqu'en avril 1945. J'étais toute petite quand nous sommes arrivés là, en 1930-31. Auparavant nous étions à Saint- Michel, une ferme qui se trouvait juste à droite du kiosque Shell ; ma sœur Colette est née à cet endroit.
Dans cette propriété, côté du moulin, versant de colline qui donnait près de la cité indigène de Staoueli, on trouvait de tout, palmiers nains dont les Arabes prenaient le cœur pour le manger et les palmes pour en faire des balais ; champignons de toutes sortes, que les riverains se chargeaient de ramasser pour eux ou pour les vendre à l'époque des cartes alimentaires. Il y a eu quelques fois des personnes qui ont eu des procès par le garde forestier du Domaine, Monsieur CORTES. Il y avait de grands mimosas de Nice, à la saison ; les petits gosses de Staoueli venaient en chaparder pour les vendre sur le bord de la route. Ce mimosa était magnifique et durait longtemps dans l'eau. Nous avions de grands arbousiers au milieu de cette forêt, des arbres immenses et très hauts. Nous allions faire des cueillettes pour confectionner des confitures que l'on sucrait avec du sucre de raisin acheté au Domaine, ou pour les mangers comme des fraises. Quelques fois, nous allions avec Madame ARNOULD, la Directrice d'école, le jeudi, pour en cueillir de pleins paniers ; nous étions une ribambelle d'élèves. En plus des arbouses et des petites fraises des bois nous ramassions des pignons, que nous appelions pinpins, et des pignes qui servaient à décorer l'arbre de Noël de l'école. Madame ARNOULD me faisait casser les pignons, après notre repas de midi que l'on prenait à l'école, et le lendemain elle nous servait un gâteau qu'elle avait fait avec ces graines. C'était notre goûter de quatre heures. Merveilleuse Madame ARNOULD. Toujours dans cette partie de forêt, on trouvait de superbes fleurs, de toutes le couleurs : pâquerettes, cyclamens roses ou blancs, violettes, pensées, anémones, jacinthes, œillets sauvages, lins bleus et jaunes, lavandes rubans, que l'on appelait vulgairement lavandes sauvages alsaciennes pour les rubans du haut, et surtout des orchidées que l'on ne connaissait pas encore et que l'on appelait " abeilles " parce qu'il y avait beaucoup d'insectes autour de ces fleurs. Mes institutrices n'ont jamais manqué de fleurs, c'est par brassées que je les leur portais, même quand je n'étais plus dans leur classe ; je n'oubliais personne. L'été, il y avait toujours pénurie d'eau au village de Staoueli, il avait été convenu entre le Domaine et le village, que mon père devait ravitailler en eau ceux qui venaient en demander ; c'est avec un grand tombereau tiré par un cheval blanc, que le village venait se ravitailler plusieurs fois par jour. Nous avions une très grande puissance d'eau, un très grand bassin en haut de la ferme près de la forêt. Quand nous étions enfants, on se couchait par terre pour entendre le roulement de l'eau, il y avait un torrent sous la ferme, ça bouillait, on aurait cru à un volcan souterrain. Des géologues et experts étaient venus plusieurs jours pour faire des recherches et étudier.
J'avais organisé un service d'ordre, à tour de rôle, de façon à empêcher d'entrer les soudards ou les fauteurs de zizanie. Non, nous n'avons jamais eu d'histoire, le " téléphone arabe " avait si bien fonctionné que nous avions des jeunes des alentours qui venaient danser, on accourait de Chéraga, Boufarik, St Ferdinand, Ouled Fayet, Zéralda, Fouka, Sidi-Ferruch. Jamais nous n'avons eu de bagarres, quelle entente ! Un dimanche, deux tout jeunes Américains se sont présentés, on m'a prévenue, fallait-il les faire entrer ? je suis allée voir, je leur ai dit : " oui, à condition qu'ils ne soient pas soûlards . Le plus petit m'a dit : " Quoi, soulard ? ". Je lui montre avec la main " buveur ", alors, il me répond en français " non, no pompette " et ils m'ont dit qu'ils étaient des Français d'Amérique.
G.PONS née PAYNO septembre 2006
La suite de ce passionnant récit
sera diffusée en Novembre 2006 (1)La légion étrangère fut créée en mars 1831 sous le règne de Louis-Philippe mais il est très possible que des étrangers se soient enrôlés dans cette expédition dés 1830. |