Misbert, Annibal, (1873-1925). Il est né le 17 août 1873 à Bernay, Charente inférieure. Pourquoi ce prénom qui nous vient du célèbre conquérant carthaginois, qui vit le jour en 247 avant Jésus-Christ ? Sans doute une lubie provoquée par les souvenirs exotiques de son voyageur de père. Ce sera lui qui sera le fondateur de la branche Misbert d'Algérie. Il avait été dit qu'il se serait expatrié à la suite du phylloxéra qui avait ravagé en quelques années la totalité du vignoble français. Ce petit insecte importé d'Outre Atlantique a fait en réalité son apparition chez nous, pour la première fois, en 1863, soit dix années avant la naissance d'Annibal Misbert. Ceci permet de penser que si les conséquences de cette épidémie ont été également lourdes en Charente inférieure, ce ne sont cependant pas elles qui ont provoqué, du moins directement, la décision d'expropriation de l'intéressé. La vie étant certainement difficile sur une petite propriété qui devait nourrir autant de monde, il est un peu normal que chacun cherche à améliorer sa situation en allant tenter sa chance ailleurs.

            C'est un ami de jeunesse, qui avait déjà franchi la Méditerranée pour aller s'installer en Algérie, qui l'a incité à suivre son exemple et à quitter sa terre natale. Misbert Annibal est de la classe 1893. Le système du tirage au sort ne fut maintenu que jusqu'en 1889 et le temps du service militaire passe de sept à trois années. C'est vraisemblablement entre 1896 et 1900 qu'il va s'embarquer pour aller cultiver la terre ingrate d'Algérie. Il entrait ainsi dans ce flux migratoire qui touchait plus facilement le monde paysan, déjà encouragé sous le règne de Louis-Philippe, à l'instar de leurs ancêtres qui avaient été poussés vers le Québec et la Nouvelle-France. Rien de bien étonnant en cela, les colonies demandant des spécialistes de la terre qui se trouvaient bien évidemment dans le monde rural, monde de surcroît bien plus important, à l'époque que celui des citadins.

            Lorsqu'il débarque à Alger, ce n'est pas le territoire hostile du lendemain de la conquête qu'il va découvrir, mais une colonie en marche vers une certaine prospérité. Certes, tout n'est pas merveilleux car bien des choses sont encore à faire et le travail est dur. Si nous comparons cette terre promise avec celle qu'il vient de quitter, il faut bien dire que le changement sera plutôt enclin à l'espérance de jours meilleurs. C'est au Domaine de la Trappe, propriété de la famille Borgeaud, dans la plaine de la Mitidja, qu'il sera employé en qualité de gérant de ferme. Nous pouvons déjà entrevoir là une sorte de promotion sociale pratiquement impossible à réaliser en Métropole, sauf bien évidemment à épouser, comme son frère Gonzalve, la fille de la patronne. Le Domaine est en réalité une création découlant des directives du second empire qui souhaitait donner de vastes terres à d'importants groupes financiers, en leur accordant des aides logistiques, à charge pour eux de créer des agglomérations européennes et d'assurer aux nouveaux arrivants la sécurité de l'emploi. En cela le Domaine de la Trappe répondait parfaitement à cette politique de colonisation. C'est sur ce domaine que la famille Misbert fera souche. C'est sur cette terre que vont maintenant naître et mourir des générations de Misbert d'Algérie. Qui ne seront jamais propriétaires de rien mais qui auront, s'ils le souhaitent, la possibilité d'y vivre jusqu'à la fin de leurs jours, en toute sécurité.

            La Trappe est un véritable état dans l'état sur lequel règne depuis trois générations la famille Borgeaud, de façon très paternaliste, il faut bien le dire.
            L'organisation permet de vivre en véritable autarcie et la population est regroupée autour du " patron-propriétaire ", sans distinction de communauté, dans une parfaite harmonie, en général. Contrairement à une idée reçue, il n'y avait, en Algérie, que très peu de gens fortunés. On en dénombre qu'une dizaine de souches européennes et à peu près autant de souche arabe.

            Le 8 février 1902, Misbert Annibal va épouser une demoiselle Tassy, Marguerite Julie Rose, (1884-1971), alors âgée seulement de 18 ans. Elle est la fille du secrétaire de Mairie de Ouled-Fayet où la cérémonie sera célébrée. De cette union, naîtront trois enfants :
- Misbert, Antonin Pierre, né en 1903
- Misbert, Anne Julie, née en 1906, future épouse Ponsada
- Misbert, Octave, né en 1909
            Misbert Annibal décède à l'âge de 51 ans, le 7 janvier 1925 à six heures, à la ferme Borgeaud de Oulet-Fayet. Nous savons qu'à la veille de la déclaration de la guerre, en 1914, il a effectué un voyage à Bernay, en compagnie de son fils aîné, pour y régler ce que l'on appelait " une affaire de famille ". Ce ne sera, cependant, qu'après la mort de sa mère, en 1920, qu'interviendra le règlement de la succession parentale, restée jusqu'alors dans l'indivision. Il héritera, moitié avec sa sœur, Marie Misbert, d'une maison avec un lot de 10 ares de terre, sis à Grelleau, commune de Bernay. Il conservera cet héritage jusqu'à sa mort, car ce seront ses enfants qui le revendront à leur tante Marie, pour une somme dérisoire…

            Nous présentons ce mois-ci un des pionnier de la Trappe M. Annibal Misbert.
            C'est un avant-goût de ce qui se fera plus tard.

            Madame Misbert Yvette épouse de M. Mourot Jean-Michel nous a adressé une longue documentation sur la trappe et M. Ferrer René prépare des souvenirs …
            Cela fera l'objet d'une compilation très documentée sur la création et l'exploitation de ce domaine.
            Merci aux auteurs.

Mars 2007



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