J’ai demandé à Lucien, comment il était devenu Staouélien. Il a eu l’amabilité de me conter une partie de sa vie.

Lucien OLTRA est aujourd’hui un des rares qui possède une grande partie de notre mémoire collective tant par son âge que par les événements qu’il a vécu et son implication dans notre société.

Voici quelques traits de son histoire qui étonneront les plus jeunes et même les plus âgés.

Vous ne serez pas surpris de savoir que sa mère est la sixième fille d’une famille de 12 enfants, la famille Salvatore BUONANNO.  Elle est née à Guyotville en 1897.

Son père, Salvatore BUONANNO, est né à Procida ( Italie) – il navigue de 1897 à 1881, après avoir été reconnu bon pour un transfert en Algérie.
Il débarque à Alger à 21 ans, après une traversée moins mouvementée que celle de Josué BUONANNO, son neveu.

Salvatore BUONANNO, son épouse et ses 12 enfants

Il rencontra à Alger une jolie corse au nom chantant de RUBINOCCI Henriette, Algéroise de naissance, née en I866. Ils s’unirent par les liens du mariage en 1884.Les jeunes époux louèrent une grosse ferme du côté de Chéragas (au lieu dit “les grands Chéragas “ ).

Salvatore avait le sens des affaires et, en 1912, il acheta la concession de  la famille PINARD sur la route qui mène aux “communaux “ ainsi que la maison et ses dépendances sur la place de l’église, entre les maisons GOMES et COFFINET.

Fernand OLTRA, le père de Lucien, est né à OULED-FAYET en  1888, puis la famille s’est installée à BOUFARIK.

Revenant de la fameuse guerre de 14-18,  Fernand venait rendre visite à son frère aîné, Gaétan Oltra, qui habitait Staouéli.

Et c’est là que Fernand et Marie se connurent. Le mariage ne tarda pas et il fut célébré en 1919, à Staouéli.

Marie et Fernand OLTRA tinrent le “ café du commerce“ à Boufarik et ils eurent deux enfants, Gabrielle et Lucien,  tous deux nés à Boufarik.

Staouéli avait peut- être plus d’attraits que Boufarik car la famille Oltra s’y installa en 1923. Fernand et Marie prirent en gérance le “Café du Louvre“,  situé sur une des 4 places qui formaient le centre de notre village.

Lucien avait six mois et, pendant toute sa vie, il s’est senti plus Staouélien que Boufarikois.

                                          Terrasse du “Café du Louvre “


Kiosque Shell et M. OLTRA Fernand

Fernand Oltra était entreprenant, il a vite compris que les véhicules à essence allaient très vite remplacer le cheval et les bœufs et il fit construire la station SHELL  à quelques pas du “ Café du Louvre“.

Lucien raconte une anecdote qui lui est arrivée à l’âge de 5 ans.

Mon père tenait le café du Louvre et le Kiosque Shell. Cette société avait envoyé un spécialiste pour nettoyer les cuves à essence. Un après-midi, vers 16 heures, je sortais de l’école et, en m’approchant de l’ouverture d’une cuve,  je vis l’ouvrier allongé sans bouger. Eh, Monsieur … pas de réponse. Je vais vite au café avertir mes parents. “ Papa , le monsieur dans la cuve ne bouge plus “. Mon père qui était en train de téléphoner ne me répondit pas. J’insistais, “ Papa vient voir le monsieur … il ne bouge pas. Je reçois une gifle mais quand tout à coup il a le déclic et va à la cuve en courant. Il appelle le spécialiste, aucune réponse, il est inerte.

M.Fernand Oltra devant  l’autobus reliant Staouéli à Sidi-Ferruch

Mon père demande du secours et, avec l’aide d’un instituteur sortant de l’école,  ils sortent le spécialiste que les émanations d’essence avaient rendu inconscient.

L’homme était encore vivant et le docteur Treille le rétablit avec un ballon d’oxygène. Quelques temps plus tard, mon père apprit qu’il était mort dans une cuve à essence… Ce jour-là, il n’avait pas eu la chance de rencontrer un gamin 5 ans, curieux et obstiné, qui lui avait sauvé la vie.

Lulu, comme l’appelait ses copains de classe, n’avait pas pour but essentiel de sauver la vie des hommes en danger.

La classe de Staouéli en 1925


 Il rentre à l’école maternelle avec Madame TURIANI. Plus tard, nos instituteurs et institutrices étaient : Mme LAIZET - Mme VICTORI – Mme CAZOBON et bien sûr M. VICTORI. Le matin, Robert SCHNEIDER, Roland GOMES et moi  allions ensemble à l’école, la peur au ventre, en se demandant bien ce qu’il allait nous arriver chez M. VICTORI . Il était très sévère mais savait nous faire étudier. C’est M. VICTORI, qui en 1933 m’a fait travailler tout l’été pour que je rentre en sixième au Lycée de Benaknoun.

 Il faut se rappeler qu’à cette époque le village ne comptait qu’un millier d’habitants. En 1942, Lucien comme beaucoup de pieds-noirs fut mobilisé et incorporé au 4ème R.T.M,  régiment marocain. Il visita l’Italie, la France et l’Allemagne aux frais du gouvernement Français. Si mon ton devient ironique c’est que cette partie de l’Histoire est souvent escamotée au profit d’autres gloires.

 Aux combats, il eut le temps de regarder ailleurs puisque c’est à Colmar qu’il rencontra les doux yeux de Marie Jeanne HARTMANN. Ils se marièrent le 21 septembre 1946 en Alsace et ils eurent 2 enfants : Jean en 1949 et Paule en 1954.

Il fallait que Staouéli soit représenté au mariage : M. François BUONANNO, mon oncle, était mon témoin, Lucien MARTINEZ et Roland GOMÈS étaient aussi de la noce.




Lucien Oltra

Ma femme a tout de suite aimé Staouéli et a été adoptée par tous. Elle se sentait

plus Pieds-noirs qu’Alsacienne.


                                      Madame Marie Jeanne Oltra née Hartmann

Et Lucien Oltra termine son mot  avec cette conclusion : Quel mélange de sang, Italo-Espano-Alsacien ! C’est ça la France, comme disait le “grand Momo “et tout ça, fait d’excellents Français et Staoueli est une grande famille.

La guerre terminée, il fallait trouver du travail.

« Viens à “Groupexport“  » lui souffle Robert Antoine .

C’est ainsi que Lucien Oltra prit la suite de la gestion de Robert.

Puis, il quitta “ Groupexport  “ pour se lancer lui-même dans l’expédition des primeurs et de leur conditionnement.


Lulu, car on parle basket, c’était son nom, est un passionné de ce sport nouveau à Staouéli. Il assistera à tous les matchs et deviendra chronométreur officiel de la ligue de basket d’Alger. Mais outre sa passion et ses titres, il est l’amabilité même, rendant mille et un petits services très utiles quand une équipe débute.

Lulu est parti du village en juin 1962 et le voilà niçois depuis 1963.

Lucien Oltra

N.B : Lulu  insiste pour que j’insère  cette note.

Je ne suis pas un des rares à me souvenir, d’être la mémoire collective de notre village.. Il y en a bien d’autres de la classe 41/42. Il pense à Lucien Martinez, Roland Gomès, Robert Schneider, Gaby Merlo, Marthe Brandan, Germaine Segond et j’en oublie sûrement Je leur fais à tous un petit  “coucou “ et il faudrait que chacun, d’entre eux, écrivent un petit mot.


La nouvelle construction, remplaçant le   “café du  Louvre “ (avril 2008 )


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