À l'époque où il n'y avait pas encore de bain de soleil, c'est tôt le matin et dans la soirée, que nous allions à la plage ; nos maillots étaient plus sobres et il y avait des cabines pour remiser nos affaires.
Pour le 15 août, les gens des fermes faisaient la Saint Couffin, disait-on quand on les voyait passer sur des camions surchargés, les paniers bien garnis; ils chantaient accompagnés d'un accordéoniste pour se rendre sous les pins de Chapuis ou de la Caroube.
Pour le 28 août, jour de fête de Saint Augustin, nous quittions les plages pour aller passer la journée sur la colline d'Hippone ; certains y montaient à pieds, les pieds nus jusqu'à la Basilique.
Nous assistions à la grande messe célébrée par l’Evêque de Constantine : le dernier fut Monseigneur Duval, resté en Algérie après 1962.
Il avait été applaudi en 1954 dans notre petite Eglise de Bugeaud, par des notables indigènes invités par le Maire : cela nous avait surpris et fait rire, c'était la première fois qu'on applaudissait dans une Eglise de village.
Après les vêpres et la procession vers la statue de l’Evêque d'Hippone amputé d'un bras et très vénéré aussi par les musulmans, nous allions dans la cour de l'hospice des vieillards pour chanter de jolis cantiques avec ses pensionnaires aux mines réjouies, à qui l'on offrait des cadeaux, puis nous repartions dans la Basilique pour acheter des souvenirs et brûler des cierges.
Que de cierges, d'ex-voto, de béquilles, de maquettes de barques, de berceaux et de couronnes de fleurs d'oranger en témoignage des grâces accordées par les Saints préférés de chacun de nous, surtout devant la statue de Sainte Monique, la mère de ce grand théologien né en Algérie à Thagaste près de Souk-Ahras.
Nous visitions aussi la crypte souterraine où se trouvait exposé dans un châssis de verre transparent, le bras de Saint Augustin.
En bas de la colline d'Hippone se trouvent des ruines romaines agrandies par l'archéologue Marec et plus loin, la grande plage de sable fin où était apparu un ange sous la forme d'un enfant vidant avec une petite boîte, de l'eau de mer dans un trou creusé par lui-même.
Saint Augustin se promenait tout en méditant sur le grand mystère de la Sainte Trinité lorsqu'il fut intrigué par cet enfant qui disparut aussitôt après avoir répondu à sa question.
Dans cette région, un bel aérodrome fut construit à la place d'un champ de course hippique : l'Allelick.
Bône était très riche par son agriculture, sa pêche, ses usines, ses fabriques, etc. Le trafic du port était intense : du minerai de fer, de cuivre et de plomb, des phosphates, du liège, du coton, du crin végétal, des agrumes, du bétail et des transits de grands paquebots.
Le grand barrage, la sidérurgie, le commerce très varié, le transport et plus tard la découverte du pétrole dans le Sahara offrirent avant l'indépendance, pas mal d'emplois aux autochtones.
Nous aimons venir nous promener sur les quais en attendant l'arrivée des chaluts pour acheter la part du pêcheur, très souvent de la matsame, une petite friture que l'on faisait frire sitôt rentrés à la maison, ou que nous allions déguster, ainsi que d'autres produits de la mer, à la terrasse d'un café installé en face du cours.
À partir du mois de mai nous allions manger sur les quais du sport nautique ou à la plage de la grenouillère.
Les lèves tôt étaient récompensés par les pêcheurs au lamparo qui distribuaient à leurs connaissances, surtout s'ils avaient fait une bonne pêche après la criée, du poisson: de la sardine, etc. La Caroube, ou plage Fabre, était une petite crique poissonneuse où s'étaient installés des pêcheurs venus de l'île de Ischia, dans de petites maisons de pierres dont ils ont toujours payé le loyer, jusqu'à l'indépendance.
Ces genres de petits cabanons furent agrandis par des vérandas de lattes entrecroisées sur lesquelles grimpaient des volubilis, des roses, de la vigne, et de petites tomates que l'on faisait sécher pour l'hiver.
Il y avait toujours de la place à table et pour coucher les vacanciers arrivés à l'improviste dans ces familles si généreuses. Il y avait des matelas alignés sur un grand plancher situé sous celui où étaient remisés des ronds de filets sentant l'algue et le poisson sec ; sur un mur six hamacs et dans la véranda un petit lit de fer.
Fatigués par nos ébats, en maillot d'une seule pièce ceinturés de ronds de liège et les pieds nus, nous n'attendions pas le marchand de sable ni Morphée pour nous bercer et nous endormir dans ses bras.
Le murmure des vagues nous berçait et heureusement que le cliquetis d'une petite cuillère à café sur une casserole, nous faisait sauter du lit pour courir vers la mer prendre le premier bain : c'était à qui en prendrait le plus dans la journée, durant la saison d'été.
Souvent nous aidions à tirer sur le sable, la tartenelle : cela nous amusait de voir sauter des poissons pris au piège dans la poche du filet; une, fois nous avions pris de gros brochets à la plage Toche.
L'eau n'arrivait pas toujours aux deux fontaines de la plage et nous faisions la corvée d'eau à la plage Chapuis : pendant que les plus grands faisaient la chaîne, les plus jeunes s'amusaient dans l'eau.
Quand nous ne pouvions pas disposer d'une châtine, nous empruntions un raccourci : un sentier de cailloux et de gros blocs surplombant la mer toujours très agitée à cet endroit surnommé le Crocodile parce qu'un gros rocher de cet îlot figurait une gueule ouverte de crocodile.
Les pêcheurs évitaient de s'approcher du Crocodile avec leur châtine, mais les plongeurs, par temps relativement calme, faisaient de belles arises.
Le soir, nous allions avec une lanterne dans les rochers de la pointe, sous le fortin, pour ramasser des oursins, des patelles (des arapèdes) et des escargots, et attraper des crabes, des poulpes et même des poissons.
Sur le fort désaffecté, nous allions quelquefois faire la sieste ou danser au son d'un harmonica.
Beaucoup de Bônois doivent avoir gardé de bons souvenirs de cette plage de pêcheurs encombrée de filets séchant au soleil où furent organisées tant de réunions familiales ou amicales à la bonne franquette.
Nos enfants avaient profité de leurs vacances à la mer, à la montagne ou dans une ferme de la plaine où un oncle était le gérant.
Le 29 septembre, jour de la fête de Saint Michel, un prêtre venait célébrer la messe dans la petite chapelle du Saint très vénéré par ces familles d'origine italienne.
Le Maire et l'harmonie Bônoise avaient accompagné le prêtre pour les festivités de cette traditionnelle réjouissance.
Après divers jeux et concours, un apéritif et un bal, il fallait songer à préparer ses valises la rentrée des classes avait lieu le ler octobre les mères avaient déjà préparé les cartables en toiles et les tabliers noirs brodés de fil rouge pour les garçons et avec de jolis cols blancs brodés pour les filles. Ce sont elles qui confectionnaient les costumes d'eau imperméabilisés pour leurs maris qui profiteront de notre départ pour teindre leurs filets dans de grands chaudrons, en brûlant de vieux pneus dont l'odeur âcre était très désagréable.
Souvent victimes de violentes tempêtes, des bougies brûlaient toujours devant des Saints protecteurs qui nichaient à la droite de chaque cabanon.
Il y eut pas mal de disparus en mer; aussi, les mères s'efforçaient de faire instruire leurs enfants pour qu'ils aient un autre métier que celui de pêcheur, alors qu'un père, à la naissance d'un garçon disait : " Celui là sera pêcheur comme moi ! ", et il était fier d'assurer sa succession.
Le 5 juillet 1962, jour de la fête de l'indépendance de l'Algérie, les derniers gendarmes français assistèrent passivement à la liesse des Algériens de Bugeaud qui, sur des véhicules surchargés, se rendirent à Bône en chantant leur hymne national et en brandissant leur drapeau au croissant rouge tandis que des enfants et des femmes dévoilées sautaient, chantaient "Ya ya Ben Kader! Ya ya Ben Bella!", bousculaient des roumis sortant de leur travail et se dirigeaient vers la salle du café de la place pour danser et manifester leur joie : heureusement qu'un responsable sauta par-dessus le petit mur pour les refouler et les empêcher d'accomplir des gestes un peu trop exubérants ; mon mari était au jardin et j'étais assise derrière des portes vitrées avec ma belle-mère et une voisine.
Pour la première fois, je n'étais pas très rassurée ce jour là.
Le jour de Noël 1962, un prêtre était monté de Bône pour célébrer la messe de onze heures à une trentaine de personnes environ, surtout des coopérants et des aviateurs de Bouzizi.
En arrivant dans Eglise, nous avions constaté la disparition de chaises, de fauteuils, de tapis et d'objets sacrés ; dès le début de la messe, des vitraux volèrent en éclats : des gamins avaient lancé des cailloux et avaient couru se cacher à la Fontaine du Curé.
Les soldats de la station hertzienne de Bouzizi et leur Capitaine, sortirent aussitôt ; ne voyant personne, ils recommandèrent aux soldats algériens stationnés à l'école et au presbytère, de veiller sur nous.
La messe fut donc célébrée pour la dernière fois, dans notre petite Eglise qui fut aussitôt transformée en Mosquée.
De la fenêtre de ma chambre, j'apercevais le clocher et j'entendais la voix du Muezzin qui avait remplacé le son des cloches ; j'en avais le coeur gros, mais je me ressaisissais : après tout, ils prient le même Dieu, qu'ils nomment Allah.
Bugeaud, maison des Soeurs de ST-Vincent-de-Paul
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En 1963, j'allais seule à pied assister à la messe célébrée dans la petite chapelle des sueurs de Saint Vincent de Paul qui avaient pu conserver leur colonie : elles avaient des jeunes filles musulmanes de Bône comme pensionnaires.
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Jusqu'à la fin décembre 1964, nous assistions à la messe à la cathédrale de Bône, avec mon mari et mon fils, en passant par sa sacristie gardée.
Le prêtre était obligé de fermer les grandes portes : des enfants jouaient à la corde ou à la marelle sur le parvis et des hommes dormaient sur les marches de cette belle cathédrale qu'ils ne tardèrent pas à supprimer comme le fut le Monument aux Morts situé en face des quais.
En 1956, la petite chapelle de l’Edough avait été mitraillée à la sortie des fidèles, de Bugeaud et d'Edough, réunis pour assister à une messe qu'un prêtre célébrait tous les quinze jours.
En se repliant, les rebelles supprimèrent un témoin âgé de soixante ans qui promenait son chien de chasse: il aurait dû écouter un plus jeune qui lui criait d'aller se cacher dans une station de pompage dont il avait les clés.
Un matin, Lakdar vint pour boire son habituel petit verre de Marie Brizzard et invita mon mari à boire avec lui pour lui révéler sa satisfaction de nous voir : " Tu as bien fait de rester avec nous M. L. ! Pourquoi tes cousins, ils sont partis ? Tu sais, cette fois-ci on ne s'arrête pas à Poitiers, nous monterons jusqu'à Paris! Tu devrais mettre la chéchia et le drapeau Algérien devant ton café. " ; mon mari ne répondait pas, il but son café et s'apprêta à partir au jardin en me faisant signe de ne pas faire de réflexion ; nous étions habitués à ses taquineries, c'était un enfant d'un riche propriétaire qui était allé à l'école avec mon mari.
Le vacher de mon oncle demeurait dans la villa de M. Borgeaud située en face de notre jardin ; dès qu'il aperçut mon mari, il leva les bras en l'air en disant " Regarde M. L. ! Ils ont mis mes vaches et toutes mes affaires dehors ! "; c'est M. Borgeaud qui m'avait donné les clés avant de partir en France.
" Où il est le papa Charles ? ", se lamentait-il en pleurant.
Dès que les Moudjahédines rentrèrent au village, ils délogèrent vite ceux qui s'étaient installés dès le début dans de belles villas.
Le papa Charles était le père de mon mari : il leur avait fait tant de bien, il était très estimé, comme le furent tant de Bugeaudois.
À Bône, une marchande d’œufs désespérée de ne plus en vendre me confia: " Madame, où elle est Madame ! J'appelle Madame, le marchand de chiffon appelle Madame et Madame ne répond pas ! Où elle est partie Madame ? "
Avec le coeur gros, je lui répondis de ma fenêtre: " C'est toi, c'est vous qui l'avez renvoyée Madame, en France ! ".
Bien sûr, je regrettais de ne pas lui acheter d’œufs, car j'en avais descendus de Bugeaud où j'avais moi aussi un poulailler.
Après l'indépendance bien sûr, Ali se délia la langue et me dit: "Tu te souviens quand tu as servi des gâteaux et à boire aux arabes qui étaient dans ton café pour le Jour de l'An ? Tu sais ce qu'ils ont dit quand les gendarmes sont partis: " Votre patronne est une gentille personne, "ness mbra" ; elle ne nous connaît pas et elle vous a dit à ton frère Hocine à toi, de nous servir aussi comme les autres."
Nous avions l'habitude d'offrir des oreillettes, des chocolats, des fondants et à boire du café, des sirops ou d'autres boissons à tous ceux qui venaient au café ce jour là, et ce jour de l'An 1962, il y avait un contrôle chez nous et nous ne voulions pas manquer à notre tradition.
Ali me raconta aussi que c'est grâce à son cousin, le mari de sa soeur, que mon mari eut la vie sauve le soir où les fellaghas se mettaient en place pour attaquer la gendarmerie, en 1959.
Mon mari et mon gendre avaient eu la permission, après le couvre feu et par le Capitaine qui partageait notre repas ce soir-là, d'aller cueillir de la salade dans notre jardin situé non loin de la gendarmerie.
Avec une lampe électrique, il choisissait les plus jolis pieds de scarole ; lorsqu'un fellagha allait tirer, le beau-frère d'Ali cria: " Ne tire pas, c'est M. L., le patron d'Ali, mon beau-frère ! " La gendarmerie fut attaquée vers minuit et une petite fille fut blessée à la tête. Mon mari fut reconnu grâce à sa casquette grise.
Lors d'une partie de chasse organisée à la ferme MILLOT en avril 1962, c'est grâce, une autre fois, à sa petite casquette grise, que mon mari fut reconnu par le lieutenant qui patrouillait dans cette région avec de jeunes recrues vietnamiennes arrivées depuis peu de temps à l'Edough.
Mon mari plaçant des chasseurs, le jeune qui le prit pour un fellagha, allait tirer sur lui, mais le lieutenant courut vers lui en criant :"Ne tirez pas, c'est papa, c'est papa!
La chasse eut lieu malgré tout et le lieutenant de Bugeaud mis en place par mon mari put tirer un sanglier ; mais peu de temps après, des mines éclatèrent et heureusement qu'ils n'étaient pas descendus plus bas.
Arrivé au café, le lieutenant vietnamien, lui aussi arrivé à l'Edough dès le début, serra très fort mon mari dans ses bras, pleurant et répétant : " Ils ont failli tuer papa " ; c'est ainsi que tous appelaient mon mari, et moi, ils m'appelaient maman.
Nous l'avions revu en 1965, à la poste de Perpignan ; cet officier nous embrassa avec des larmes aux yeux en répétant: " Ils ont failli tuer papa ! " Oui, c'est ainsi que tous appelaient mon mari et moi, j'étais leur maman ; contrairement à ce que l'on raconte dans certains film, ils ont été très gâtés et il y en a même qui ont épousé des filles d'Algérie.
La page doit être tournée, bien sûr, et le mot pied noir ne nous choque plus ; au contraire, nous en sommes fiers car nous avons conservé certaines valeurs et nous avons apporté une certaine culture.
Comme Enrico MACIAS, je veux chanter Le Grand Pardon et La France de Mon Enfance.
Hélas, nous n'étions pas des français à part entière de Dunkerque à Tamanrasset! En 1984, le Président CHADLI de la République Algérienne, a prononcé ces paroles pleines d'espoir: "Tous ceux qui sont nés en Algérie et qui viendraient en amis, seront bien accueillis. "
Espérons surtout la libre circulation des harkis et de leurs enfants qui désirent retrouver leurs racines.
Pas mal de rapatriés sont retournés au pays et ont été bien reçus par ceux de leur quartier ou de leur village, surtout par les plus âgés alors que les jeunes les ont regardés avec un peu de méfiance.
Que savent-ils de notre histoire commune ? Que leur a-t-on raconté ?
Qu'ils sachent que leurs grands-pères et que leurs pères ont joué ensemble et qu'ils ont trottiné sur les mêmes petits bourricots.
C'est dommage que l'histoire de l'Algérie ait plusieurs versions je suis sûre que certains doivent nous regretter et n'osent pas le dire.
Ils devraient tout faire pour développer le tourisme et exploiter ces gisements de soleil, car l'Algérie est un beau pays et nous n'avons pas à rougir de l’œuvre de la France de l'autre côté de la Méditerranée.
J'ai vécu 55 ans en Algérie et je suis française de coeur, si ce n'est de sang: mon père arriva en Algérie à l'âge de deux ans lorsque son père eut une petite concession à la Calle, en 1871.
je le revois, ce père travailleur honnête et très sévère (un descendant des vikings) il avait des yeux bleus, des bacchantes blondes, un crâne toujours bien rasé et il aimait nous raconter son histoire familiale : quand le gouvernement italien avait décidé d'envoyer les joyeux et leurs familles pour peupler la Sicile, mon grand-père qui habitait Lampeduza sur l'île de Puntalaria, avait préféré partir et accepter l'offre de la France aux étrangers ; il s'était même fâché avec son père et son oncle diplomate.
Mon grand-père était ébéniste et faisait fonction de petit notaire ; il avait déjà six enfants et il en eut onze en tout ; comme la concession n'était pas assez rentable, il dut l'abandonner à cause des impôts élevés.
Le frère de mon grand-père qui était médecin, s'exila en Amérique et plus tard, s'installa en Tunisie à Bizerte où il mourut sans laisser d'enfant.
Lorsque sa veuve mourut, vers 1925, le notaire fit rechercher des héritiers; mon père s'était rendu à Tunis et reçut des bijoux qu'il partagea avec sa famille; nous avions gardé un joli sautoir en or où se trouvait un beau camée serti de rubis, enfermant une photographie d'une belle dame aux yeux bleus avec de belles boucles blondes dites, des anglaises.
Avec fierté, mon père disait que sont père avait une belle bibliothèque avec de beaux livres dont la bible ; il était très charitable.
Mon père était gérant de ferme à La Calle; après la démobilisation de mon frère aîné, il eut une place à Bône de maître saleur tonnelier.
Lors d'un séjour à Bône comme jardinier chez un parent de son patron de La Calle, il fit la connaissance de ma mère à la Caroube.
Ma mère, de type méditerranéen, est née à la Caroube (à Bône) en 1872.
C'est son oncle, le frère de sa mère, pêcheur sur l'île de Ischia (une île napolitaine), qui fit venir toute sa famille d'Italie. Ils s'installèrent dans cette petite crique poissonneuse, la plage Fabre sur La Caroube.
Une histoire identique fut racontée à la télévision par un pêcheur de Sète qui raccommodait son filet, la tartanelle : ses arrières parents s'installèrent à la même époque à Sète alors qu'ils avaient quitté l'île de Ischia parce que les pêcheurs y devenaient de plus en plus nombreux ; beaucoup s'installèrent en Tunisie.
Ma mère reçut la médaille des familles nombreuses à Bône ; elle eut onze enfants: 7 filles, dont 2 jumelles., et 4 garçons. Le père de mon mari est né en Algérie, à Bugeaud en 1875.
C'est le grand-père qui avait obtenu une concession de quatre hectares éparpillés dans le massif de l'Edough, le 11.09.1856.
Son père était né à Wingen (en Alsace), en 1844 ; sa maison natale existe toujours.
La mère de mon beau-père est née à l'Edough en 1854.
Elle était très vaillante cette aïeule et dut s'occuper seule de la propriété de toute la famille pendant la mobilisation de ses quatre fils mariés.
Elle descendait à dos d'âne sur un chemin périlleux, les produits de la ferme et des barres de glace qu'elle vendait elle-même sur le marché de Bône.
Les galeries souterraines où ils entassèrent la neige tombée en abondance sur le plateau de Bouzizi, étaient encore visibles lorsque fut construite une station hertzienne, après la deuxième guerre.
La mère de mon mari, d'origine bavaroise par son père qui dut venir travailler à la société des lièges de l'Edough au temps de Bismark, est née à l'Edough en 1883 et fut enterrée à Somains en 1969 alors qu'elle avait sa place dans le cimetière de Bugeaud.
C'est ce grand-père robuste et assez taciturne qui ne savait pas du tout parler en français, qui fut attaqué par une panthère blessée à la patte : elle s'était jetée sur lui et le malheureux n'arrivait pas, avec sa main gauche libre, à défaire la serpe attachée à sa ceinture, derrière le dos.
Lorsque d'autres bûcherons coururent à son secours, la panthère se laissa glisser en lui arrachant le visage.
Souvent les Bugeaudois parlaient de ce grand-père qui eut une famille nombreuse; lorsque ses petits enfants insistaient pour qu'il leur racontât une histoire ou pour qu'il jouât avec eux alors qu'il était fatigué, il leur disait "Raouss Franciscouss" mais il les aimait bien et les enfants aimaient aussi l'entendre répéter cette phrase : cela les amusait.
Coïncidence, son petit-fils, c'est avec un cerf enfermé dans le parc du garde forestier de l'Edough, qu'il eut sa mésaventure.
Surpris par la flamme et le bruit d'une lampe à souder, le cerf fonça sur le fontainier qui réparait une conduite d'eau.
Mon mari se trouvant seul dans le parc, il crut bon de lui saisir ses petites cornes frontales situées de chaque côté de ses deux belles branches ; une caval-cade s'en suivit et constamment l'animal projetait sa victime contre une grande barrière métallique : heureusement que l'épouse du garde forestier put donner l'alerte.
Bien sûr, j'aurais tant d'autres anecdotes à raconter au sujet de cet employé communal, un homme à tout faire qui sut gagner l'estime de tous et qui avait reçu des mains du Ministre de l'intérieur monsieur Bourgès Maunoury, le diplôme de la médaille du travail, lors de l'inauguration du préventorium de Bugeaud, le 22.04.1955.
Une nationaliste algérienne a dit : " En Afrique du Nord, il y a une synthèse de l'Occident et de l'Orient: à l'Occident nous lui empruntons ses belles idées de liberté et d'égalité, mais sans nous renier, en les colorant de notre couleur à nous."; n'est ce pas raisonnable ?
Un Capitaine arabe avait répondu: "Le Maghreb insulte ses parents parce que le Maghreb est gagné à l’Occident."
Une grand-mère pied noir: Madame Françoise SAMTMANN.
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