N° 234
Janvier

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Janvier 2023
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO
VIVA 2023

        Le 1er janvier est bien sûr le Jour de l'An, le jour d'une nouvelle année que l'on espère toujours plus belle, plus pacifique et meilleure que la précédente tant il est vrai que notre monde a de quoi nous faire frémir.

         Nous venons ou nous allons nous souhaiter une bonne année, et échanger des vœux ! Quelle bonne perspective… Cela veut dire que l'avenir nous intéresse, que nous le voulons toujours plus beau et que, chacun comme nous le pouvons, nous allons nous y employer.

         Peu d'événements peuvent susciter un engouement mondial comme le 1er janvier. On connaît la coupe du monde de football, on a eu l'atterrissage sur la Lune, on a encore la Covid-19. Et si l'on ne peut tout à fait parler d'engouement pour cet événement pandémique bien peu désirable, le flot continu d'informations et de contre-informations sur le sujet a quand même montré une certaine force face à cette épreuve. A intervalles réguliers, le gouvernement en remet une couche… alors que cela a tout d'abord provoqué l'arrêt brutal de beaucoup des activités nationales ou personnelles. Le confinement a également bouleversé des vies personnelles ou familiales occasionnant souvent de la misère.
         Cette crise sanitaire ne doit pas être le tremplin d'un monde encore plus égoïste, inégalitaire et politisé par des idéologies qui nous conduisent à des catastrophes.

         Et qui dit nouvelle année, dit bien évidemment bonnes résolutions ! Profitez de ce 1er jour de l'année pour échanger avec vos communautés autour des bonnes résolutions ou des projets

         Je profite de ces vœux pour vous remercier sincèrement de votre fidélité tout au long de cette année, chaleureusement pour tout ce que nous avons accompli ensemble et un grand merci aux contributeurs de la Seybouse.

         Je vous présente tous mes meilleurs vœux de bonheur, de santé et de succès en 2023, pour vous et ceux qui vous sont chers. Que nous puissions continuer à oeuvrer ensemble pour notre mémoire, dans le respect des convictions de chacun, vers plus de solidarité et de fraternité.

Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
         A tchao.


Le Noël des oiseaux
Par M. Marc Donato

          Les pigeons ! Cela faisait belle lurette que la ville était à eux. Maîtres et seigneurs, ils laissaient peu de place aux autres oiseaux. Depuis longtemps, les petits, les obscurs mais pas sans couleurs, moineaux, mésanges, rouges-gorges n'osaient plus s'aventurer sur les boulevards. Gare à ceux qui osaient braver Monsieur Pigeon. Immédiatement un groupe vengeur fondait sur les intrus. Les coups de becs pleuvaient alors, combat inégal d'où les plus faibles, souvent, laissaient la vie sur le goudron des trottoirs. Ils l'avaient compris : ils se cantonneraient dans les jardins alentour avec les tourterelles abritant leurs amoureuses roucoulades dans les bosquets des villas, les pins ou les micocouliers.

          Moyennant quoi les couples de pigeons étaient les seuls à occuper les lieux, narguant la ville et ses habitants depuis les toits investis pour chauffer leurs pattes engourdies. Par bandes, ils s'abattaient sur les boulevards, insatiables mangeurs, toujours à la recherche de quelque pitance, bout de sandwich abandonné, reliefs de goûters échappés des mains des enfants, restes divers sur les terrasses des restaurants...

          Il fallait voir comment Monsieur jouait au paon, exhibant alors son reluisant jabot, signe d'aristocratie volatile, se rengorgeant à tout va pour rebuter les concurrents et épater ces dames à grands coups de roucoulements langoureux. À la saison des amours, les pigeonnes étaient pourchassées dans des courses sans fin jusqu'à ce qu'elles fussent honorées par leur fidèle partenaire. Elles choisissaient alors le lieu de la procréation où leurs pigeonneaux pourraient éclore en paix et prospérer à l'aise. Effrontées à souhait, elles narguaient les humains avec un culot et une audace indicibles, rendues encore plus agressives par la ponte à venir. Le ballet des branchages y allait alors bon train pour construire le nid. Pas de recoin inexploré, pas de volet entrebâillé qui fût laissé à l'abandon, il fallait établir la couche. Les trous dans les platanes avaient leur préférence, mais le dos des enseignes, l'espace derrière les appareils de clim avaient aussi leur préférence et depuis la vitre de son salon, le locataire pouvait suivre jour après jour l'éclosion puis la croissance des petits.

          Et roucoule que je te roucoule…
          Toute cette intraitable colonie régnait sur la ville sans concession aucune, au grand dam des habitants contraints de subir les dégâts occasionnés. Depuis des lustres, la gent pigeon ne craignait rien ni personne.
          Or, une pie curieuse se hasarda un jour en sautillant sur un toit en bordure de la ville. Inévitable, le combat s'engagea entre elle et les pigeons. Et là, les maîtres des lieux s'aperçurent qu'une pie ce n'est pas un moineau. Messires pigeons durent mettre un bémol à leurs prétentions. La pie s'en sortit, battit en retraite mais comprit qu'elle pouvait rivaliser, aussi revint-elle le lendemain avec une amie. En frac et chemise blanche, elles prétendaient partager les lieux, ce qu'elles imposèrent aux pigeons, et même au-delà de leurs espérances puisque quelques semaines plus tard, c'était tout un vol de Jacottes criardes qui vinrent passer la nuit sur des arbres abandonnés par les pigeons et elles n'en partirent plus jamais.

          Dans la journée, elles s'en allaient. Où ? Nul ne le sut jamais, mais le soir, au déclin du jour, elles revenaient, se rassemblant sur les toitures des immeubles voisins, jacassant à souhait pour se raconter les bonnes histoires de la journée. Vacarme abominable pendant une bonne heure avant que tout le groupe intègre le dortoir nocturne jusqu'au matin.
          Finalement, les choses allèrent ainsi pendant des années et des années après une entente tacite à défaut d'être cordiale.

          Seulement voilà ! Que passa-t-il pour que d'autres individus autrement plus nombreux, bien plus criards aussi, décident d'investir les arbres où pigeons et pies vivaient un concordat relatif ? Les corneilles, car c'est d'elles qu'il s'agit, arrivèrent un soir sur un territoire qui semblait leur convenir et où elles avaient bien l'intention de s'installer. Pigeons et pies avaient compris qu'ils ne pourraient rivaliser devant le nombre. En effet, chaque soir, après les pies, l'importante colonie des gros oiseaux noirs arrivait d'on ne sait où : des centaines de corneilles remplissaient le ciel de leurs croassements. Toute la cité résonnait des cris assourdissants de ces braillards qui effectuaient toujours un grand tour de ville avant d'intégrer leur dortoir avec une précision incroyable : tel platane et pas l'autre. L'instinct grégaire rassemblait toujours sur le même arbre les individus dont les grosses traces blanches maculant le trottoir après une nuit passée ne laissaient aucun doute sur leur présence. Et gare aux voitures garées à cet endroit-là !

          La peur régnait alors dans le monde des oiseaux. Les corneilles semaient la terreur en imposant leur loi. La vulgarité de leur cri rocailleux n'avait d'égale que leur tenue macabre : quel contraste avec le costume de cérémonie des colombidés ou le frack des agasses. Les pigeons se terraient dans leurs trous, les pigeonnes gonflaient leurs ailes pour protéger leurs petits. Les messieurs avaient bien tenté d'en imposer en enflant leur jabot nacré, mais il en fallait plus pour effrayer les intrus. Les pies, de leur côté, avaient bien essayé de lancer quelques jacassements hostiles, de s'attaquer à une corneille par-ci, par-là, mais le combat était par trop inégal. Panique sur la ville. Au secours, Hitchcock revient ! Des croassements infernaux, un vrombissement d'ailes, des feuilles d'arbres froissées, tous les soirs à la tombée du jour, les corneilles imposaient leur discipline à la ville pendant toute une nuit.

          Voilà des mois qu'elles étaient arrivées, un soir de printemps, et depuis, la peur, la panique régnaient sur la ville. Rien ne pouvait arrêter ces oiseaux de malheur. Les autorités avaient bien fait élaguer les platanes, des particuliers avaient fait éclater quelques pétards, on avait même appelé un fauconnier venu avec ses rapaces en pensant que les affreux oiseaux noirs partiraient au loin. En fait, ils avaient émigré sur d'autres platanes tout proches qui n'avaient pas enduré la tronçonneuse des élagueurs acrobates. Tous les jours, c'était la même inquiétude pour les pigeons et les pies de la ville.
          Rien ne semblait pouvoir réconcilier les ennemis ailés.

          Or, un soir de décembre, curieusement, pigeons et pigeonnes, agasses de tout poil (!), délaissant leur perchoir, désertant les nids se promenèrent comme en plein jour, sans crainte aucune sur les trottoirs de la ville. Les corneilles arrivèrent toujours aussi nombreuses, mais sans un cri, étrangement muettes, et se posèrent sur rampes et rambardes, potelets et lampadaires. Un drôle de raout vespéral. Et que je roucoule par-ci, et que je jacasse par-là, croasse que je te croasse partout ailleurs… Les conversations allaient bon train, bon enfant comme jamais. On ce croisait courtoisement, un petit sourire par-ci, un petit coup d'œil par-là… Étrange ! Il se passait bien quelque chose que les habitants du quartier ne comprenaient pas, plus habitués au vacarme qu'à ce babil inhabituel. Et cela se prolongea fort tard dans la nuit.

          Vers minuit, une légère brise venue du Sud agita les feuillages. Ne resta que le bruit du silence, et Dieu sait si le silence est bruyant ! Les corneilles ne croassaient plus, les pies ne jacassaient plus et les pigeons ne roucoulaient plus. Tous se tournèrent contre le ventelet qui s'était levé, le bec pointé vers Marseille et la mer. C'est alors que dans un ciel étoilé comme jamais, on vit arriver de là-bas, un gros nuage poussé par le vent marin. Et dessus, confortablement assis, un ange aux joues démesurément gonflées. C'était lui, l'ange Boufaréou, qui soufflait de toutes ses forces pour annoncer la naissance d'un niston qui ferait parler de lui.

          Noël, c'était donc Noël ! Et toute la volaille l'avait instinctivement ressenti tout comme les humains. Ce soir-là, pigeons et pies, pies et corneilles, corneilles et pigeons avaient fait la paix, la paix de Noël. Tous en chœur, ils prirent leur envol pour suivre Boufaréou et se retrouver tous sur le toit de l'église où s'étaient déjà rassemblée la bande des petits oiseaux, rouges-gorges de saison en tête, pour piailler sans retenue, jacasser à tout va, croasser à perdre haleine, roucouler à pleins poumons. Alors, tous ensemble, sous la baguette d'un chef d'orchestre en queue de pie, ils entonnèrent en chœur et d'un seul bec l'éternel chant de Noël qui s'éleva dans la nuit : Il est né, le divin enfant…
Noël 2022 - Marc DONATO


A CHACUN SA VÉRITÉ
Ecrit par M. René Vento

         En cette fin d'après midi du 25 Décembre 1954, les promeneurs sont plus nombreux devant le nouveau théâtre que sur les allées du Cours Bertagna. Certes, c'est aujourd'hui Noël, mais aucun spectacle n'est pourtant prévu ! Qu'est-ce qui attire donc les Bônois en ce lieu culturel

         Faisons quelques pas à l'intérieur et suivons le cortège officiel parmi lequel on reconnais les personnalités de la ville avec, au premier plan, Paul PANTALONI, le Maire de BONE. A travers les propos des discours officiels, nous apprenons qu'aujourd'hui on inaugure le nouveau théâtre construit sur le même lieu que le vieux théâtre, inutilisable depuis les bombardements de 1913.

         Dans le hall, le cortège s'arrête quelques instants devant une gravure représentant les armoiries de BONE. Un homme d'un âge mûr prend alors la parole : c'est Alain DICO, de l'Académie d'Hippone, un érudit en quelque sorte... Sur un ton confidentiel, il trace un historique des armoiries de BONE et les commente en s'adressant au maire.

         Au fond du hall, quelques curieux ont réussi à s'introduire dans le théâtre en se faufilant derrière les personnes invitées à l'inauguration. Parmi des curieux, un pire et son jeune fils âgé de douze ans. Le père, c'est Jojo de la Colonne ; il est d'origine Maltaise et exerce la profession de garagiste. Le fils, c'est Charles, élève de sixième au Lycée Saint Augustin. Aujourd'hui, Jojo a quitté sa salopette de travail pour enfiler un costume de circonstance et de plus, il porte une cravate à pois comme Gilbert BECAUD, le chanteur dont la carrière débute à peine.

         Approchons-nous et écoutons les commentaires à leur source, c'est à dire de la bouche d'Alain et prêtons l'oreille à ce qu'entendent Jojo et son fils Charles...

         Alain : Permettez-moi, Monsieur le Maire, d'attirer votre attention sur cette magnifique gravure représentant les armoiries de BONE.
         Jojo : Qu'est-ce qu'y dit ? J'entends rien DIOKIX !
         Charles : Y dit que le dessin c'est une armoirie de BONE. C'est quoi une armoirie papa ?
         Jojo : C'est un machin qu'on a du trouver dans une armoire.
         Alain : La couronne. tout en haut, nous rappelle que l'Antique Hippone se nommait HIPPO REGIUS qui signifie HIPPONE LA ROYALE.
         Jojo : Qu'est-ce qu'y dit ? J'entends toujours rien DIOBONE !
         Charles : Y dit qu'il y a une couronne de Roi en dessus le dessin. Dis papa, pourquoi y zont mis une couronne ?
         Jojo : Atso, tu sais pas qu'à BONE on est les Rois ! La preuve, y 'a que des Palais : le Palais Calvin - le palais Lecoq - le Palais Consulaire - et même le Palais Loucheur qui a un œil qui regarde le Boulevard Narbonne et l'autre œil qui zieute sur le Lever de l'Aurore.
         Charles : Moi, je connais le Palais de Justix à côté de la Cathédrale... Qui c'est çui-la-la qui s'appelait Justix ?
         Jojo : je le connais même pas de vue, j'ai jamais eu affaire à lui !
         Alain : Sous la couronne. vous apercevez une branche de jujubier. Le fruit de cet arbre était très apprécié par les Romains et il symbolise aujourd'hui la fertilité du sol de la plaine de BONE.
         Jojo : Qu'est-ce qu'y dit DIOSAXOPHONE ?
         Charles : Y dit que sous la Couronne, il y a une branche d'arbre. C'est quoi cet arbre papa ?
         Jojo (le garagiste): Je connais pas bien les noms des arbres, mais peut-être que c'est un arbre à came !
         Alain : Au milieu et à gauche, vous apercevez l'effigie d'un lion. C'est l'architecte communal, M. GONSSOLIN qui l'a introduite dans les armoiries pour symboliser le lion de granit qui depuis des millénaires gardait la rade de BONE. Ce rocher a été détruit sous prétexte qu'il gênait la défense de la baie contre d'éventuelles incursions de sous-marins.
         Jojo : Qu'est-ce qu'y dit DIOCANE ?
         Charles : Y dit qu'il y a un lion dans la mer pour nous garder.
         Jojo : Zotch alors ! Je croyais que les lions y zaimaient pas l'eau. ça doit être un lion de mer.
         Charles : C'est pas un vrai lion, c'est un lion en rocher ! ! ! !
         Jojo : Ah bon ! Peut-être y zont mis une statue de lion pour avertir les pêcheurs. C'est comme devant l'école Sadi Carnot, il y a un panneau qui t'avertit "ENTENTION A L'ECOLE"... Le lion en rocher y veut dire "ENTENTION A LES LIONS"...
         Alain : A droite du lion, un voilier qui rappelle la vocation maritime de la ville. C'est toujours par la mer que sont arrivés les envahisseurs (Phéniciens, Romains, Vandales...) qui ont occupé la région depuis la plus haute antiquité.
         Jojo : Qu'est-ce qu'y dit DIOCANE ET GUIDAMOURTE ? Y peut pas crier plus fort !
         Charles : Y dit qu'il y a un bateau à côté du lion. Dis papa, pourquoi y a personne dans le bateau ?
         Jojo : Y a personne pour faire croire que le lion il a bouffé tous les passagers. C'est pour donner la schcague à tous ceux qui veulent venir s'installer ici et que nous on les veut pas.
         Alain : tout en bas, une inscription en latin "FERIT ET ALIT" qui signifie : il pique et il nourrit. C'est la devise d'HIPPONE qui glorifie le jujubier.
         Jojo : La RASCASSE DE SES BISES. j'entends toujours rien ! Qu'est-ce qu'y dit ?
         Charles : II a crié deux noms : FERIT ET ALI. Qui c'est des deux là papa ?
         Jojo : FERIT, c'est un Français et ALI, c'est un Arabe. Un jour, ils sont arrivés les premiers à BONE et ils se sont installés.
         Charles : Ah oui, mon prof de latin, il m'a dit que les premiers habitants de Rome, ils s'appelaient Romulus et Remus. Donc, FERIT ET ALI, ce sont les premiers Bônois préhistoriques.
         Jojo : C'est ça. je te l'avais dit, fils, que les Arabes et les Français y sont ici depuis toujours. Ton père et ta mère y t'ont même juré des morts que même pas si vient Azrine on s'en va d'ici un jour ! Tu nous as compris j'espère ?
         Charles : Ouais, je vous ai compris, mais une fois tu m'as dit qu'il fallait jamais faire confiance à ceux qui nous disent qu'ils nous ont compris !
         Alain : Tout en bas, la Croix de Guerre reçue des mains du Président Vincent Auriol en 1949 pour honorer BONE, ville martyr en raison des nombreux bombardements qui l'ont frappée en 1942 et 1943.
         Jojo : Ah, j'ai entendu qu'il y avait une croix en bas.
         Charles : C'est quoi cette croix ?
         Jojo : C'est sûrement une croix de Malte car tous les Bônois, ou ils sont complètement Maltais, ou y sont à moitié Maltais. Peut être que tout à l'heure je me suis trompé : FERIT, çui-la-la qui s'est installé le premier à BONE, ça doit être un Maltais.

         La séance se termine et le cortège officiel se dirige vers la nouvelle salle de spectacle avec sa vérité vraie, tandis que Jojo et Charles sortent avec leur vérité.

         La moralité de cette histoire. c'est qu'à BONE : chacun il a sa vérité qu'elle est la sienne.
         La vérité si je mens, cette histoire elle s'est vraiment passée à BONE.
René VENTO

         Ce moment de vie à BONE. Que j'ai eu la plaisir de vous raconter m'a été inspiré par la pièce de PIRANDELLO : "A chacun sa vérité".
         - Les costumes ont été conçus et réalisés par Jean Fitoussi ;
         - Les décors ont été gracieusement fournis par la Municipalité de BONE.
         - Le reste et les paroles sont de votre serviteur.
(La Dépêche de l'Est, 15 mars 2002)


Evocation des temps de Noël de jadis.
Ma plus belle histoire d'enfant.

           " C'était un soir de décembre pluvieux et venté... L'orage avait plongé notre cuisine dans le noir le plus absolu alors que nous étions en train de souper... Dans mon assiette trônait un somptueux morceau de boudin frit, qui depuis un bon moment était en sursis et dans l'obscurité qui régnait dans la pièce, je ne sais pourquoi, je me mis soudain à penser au petit Jésus... Mais attention ! pas le gentil Jésus qu'il y a dans les églises, mais l'autre ! le méchant ! qui parfois coupe les oreilles et la langue des garnements de mon âge...

           - Avec une certaine angoisse je me suis dit alors, que ce petit Jésus vengeur et très en colère ce soir-là, pourrait très bien profiter de l'obscurité, pour venir en catimini me punir de toutes mes sottises.

           - Un ange qui passait par là devait dire :"amen !"

           - Cependant, je n'ai pas eu à chercher bien longtemps la façon dont il pourrait s'y prendre. C'est pourquoi, lorsque à tout hasard et d'une main prudente j'explorais le contenu de mon assiette où, le châtiment divin était déjà tombé ! Implacable ! et cela sans aucune possibilité d'appel... Vide ! mon assiette... car, comme par enchantement, mon festin avait mystérieusement disparu... Effrayé comme peut l'être un enfant, je sanglotais très fort lorsque enfin ma mère alluma la lampe à pétrole... et la lumière fût !

           - Alors j'accusais à chaudes larmes le petit Jésus d'avoir pris le boudin de mon assiette et je revois encore sur tous les visages la stupeur et la superstition de toute la famille, devant ce plat inexplicablement vide de son contenu...

           - Passés les premiers instants de surprise on trouva enfin sous la table, le chat, qui sans façon, terminait son repas de boudin en se léchant béatement les babines... Quelle frayeur ce soir-là ! sacripant de matou... Mais je peux te le dire franchement aujourd'hui et avec toute ma reconnaissance que c'est bien à toi seul mon chat, à qui je dois ma plus belle histoire d'enfant... D'ailleurs et ceci dit entre-nous, jamais, je ne lui en ai tenu la moindre rigueur... Après tout ce soir-là, le petit Jésus trop affairé à jouer au boules dans le ciel, lui aurait peut-être dans un roulement de tonnerre, intimé l'ordre d'exécuter sans plus tarder sa sentence : quand aujourd'hui il m'arrive d'y penser, je me dis que c'est sûrement ça ! "

           En ces temps de Noël toujours marqués par les beaux souvenirs de jadis et l'éternelle nostalgie de notre terre natale, j'ai voulu modestement vous faire partager ma petite histoire d'enfant : celle que j'ai pu vivre autrefois, à la table familiale par une soirée de tempête, dont j'aimerai bien ré-entendre aujourd'hui et à l'unisson : les hurlements rageurs du bafoungne ( vent d'hiver soufflant du N.W.) - le grondement sourd de la mer - le tintement harmonieux de la pluie...
envoyé par Jean-Claude PUGLISI.
de La Calle de France
83400 - HYERES.



PETITS BISCUITS DE FÊTES

ACEP-ENSEMBLE N° 302-décembre 2016
Gâteaux qui se font dans les familles
spécialement à Noël en grande quantité et pour le partage.

ROSCOS A L'ANIS
                  
               INGREDIENTS : 1 verre de vin blanc, 1 verre de sucre, 1 verre d'huile, 1 poignée de grains d'anis, 1 s de sucre vanillé, 1 s de levure chimique. Environ 3/4 de farine, 1 jaune d'œuf.

                PREPARATION : Chauffer l'huile avec l'anis
               Dans un saladier mélanger le vin blanc, l'huile et les autres ingrédients
               Rajouter progressivement la farine jusqu'à obtention d'une pâte souple et non collante. Façonner des petits ronds. Les passer au jaune d'œuf
               Mettre sur plaque et cuire au four préalablement chauffé à 130/140 - 1/2 h environ

BORACHUELOS

                INGREDIENTS : 2 verres de vin blanc, 1 verre d'huile, 1 verre de sucre, 1 c à soupe de cannelle, 2 s de sucre vanillé, 2 s de levure chimique anisette espagnole/ rhum un tout petit verre de chaque, 1 kg de farine environ.

                PREPARATION :Mélanger le tout, verser la farine en dernier progressivement jusqu'à obtention d'une pâte souple non collante faire des petits ronds faire frire et saupoudrer de sucre


    


UZES CHAPEAU MADAME !
Envoyé par M. Georges Barbara

            Même avec tous ces madonnes de grands pins, ce sac de monde qui sont venus là et aussi cette chaleur qui a de bon elle est comme chez nous, te peux penser que pour un jour, te vas t'être à la Fontaine des Curés à Bugeaud ? Et ben non o Frade, et c'est la franche vérité, ouvres bien les yeux, parce que t'y'est pas à Bône, mais à Uzes juste à côté de Nimes. Et alors là, laisse que tout ce pt'tit monde des Bônois qui se sont donné rendez vous dans ce coin qu'il est perdu, y parlent, et y te parlent a plus finir après le repas d'midi, pour te refaire le Cours Bertagna, la Colonne, Joanonville et l'ASB et la JBAC et pis tout le reste Diocane ! Dans ces cas la combien tchoutche y serait celui qui te rogards à la dépense ! Et dans toute cet' smala 'ya bien sur Robert,…. Robert que lui y faut faire entention le pauvre que tu dois pas l'oublier à cause que même a'c ses rhumatises y l'est venu exprés de Toulouse !
            Oila et comme chaque année après manger, notre ami Robert, après qu'y t'a envalé un bon champoreau au rhum, y s'en va faire la tournée des grands ducs pour te dire bonjour à toute la bande des copains du quartier qu'y z'ont fait le déplacement.
            Et le 'oila qu'y te tourne de table en table, et laisse le qu'y te lance des finesses une qu'elle est plus grosse que les z'otres. Mais au bout d'un moment, y te tombe t'sur une fille d'un certain age, qu'elle est là ent'sous un arbre entrain de s'affoguer avec une putain de tourte aux petits pois, tu sais une tourte comme celles qu'y te font les Maltais du Pont Blanc et quelles te faisaient monter l'eau dans la bouche ! ...Mais laisse toi d'la tourte, même que t'ioublies pas en passant qu'un jour le vieux Sultana de d'Alelik y voulais t'la faire classer monument hysterique ! Robert y te mettrait sa main au feu pourquoi c'est la vérité !

            Mais cette fille a debon a t'lui rappelle quelqu'un! Et pour t'avoir le coeur net, le 'oila qu'y s'avance vers elle, y fait courage, et y t'entame la conversation,
            - " Bonjour Madame, sans ête curieux que d'abord c'est pas mon genre, je va me permettre de vous demander si vous êtes de Bône ? A cause que votre fugure elle me rovient un peu.

            - " Et ben que si moi j'suis pas de Bone qu'y c'est qu'y l'est de Bône alors ! Et vous aussi vous étes de Bone? J'vous dis ça à cause de tous ces Algérois, ces effrontés qui te viennent de plus en plus se mélanger avec nous z'otes ... Et Vous me connaissez ?
            - " Et oui qu'on se connaît et si je vous dis qu'on se connaît, c'est qu'on se connaît et même très bien !
            - A bon pisque vous le dites ,alors !

            - " Attendez, c'est pas vous que vous habitiez à l'Orangerie,... Que votre maison elle était a coté de celle de Lulu Xicluna ?…Et si je m'arrapelle bien votre copine qu'elle s'appl'lait Nina elle fréquentait pas Gaby celui qui te coupait les tickets au Lympia le cinema ?

            - " Ouais c'est juste, mais attendez . A moi aussi votre fatche a me dit des choses ! Vous étes pas Lucien des fois ? A oui laissez moi que j'vous rogards…. C'est ça Lucien métenant je m'arrapelle. Et oui c'est bien ça Lucien Bongiorno,…. mais alors tu te rends compte comme ça me rovient, et dire que pendant longtemps on a sorti ensemble ... Lucien mon grand béguin que je m'arrapelle métenant ….mais agas moi ça la coincidence comme elle fait bien les choses !!

            - " Enttention Fifine, arrette la calèche un moment et descends parcqu'a debon je crois qu'on mélange tout, te'ois j'connais même ton prénom…. Moi je suis Robert...Roro pour les gonzesses… Robert d'la rue Bugeaud à coté du temple protestant.. Te'ois pas ? La montée des caroubiers pour les rancards dans la 4 cv grise, aussinon ça te dis rien ?

            - " Non mais a debon j'ois pas du tout, ce Robert y me dit rien! Mais alors rien.

            - " Attends je crois que ça serait plus mieux si on mettait tout parterre, ma Fi et qu'on trie, parcequ'adebon la toi t'yesàa Toche et moi à la Colonne !. Et Diocane si on arive pas comme ça, alors j'me fais Cheresoeur…. ! Ecoute bien ça que je va te dire.. Te revois pas le soir qu'on s'étaient attablés t'sur le cours à la brasserie d'la Paix et que ce malapris de ton père ce gougoutse a'c ses grandes moustaches y l'était venu et y nous a fait un de ces bordel devant tous ces gens bien, et que la honte elle nous était montée a la fugure ?

            - " ROBERT…..ROBERT….. Mais où cats que j'ai la tête moi, ROBERT je t'avais pas roconnu et oui la montée des caroubiers la 4 cv grise et les rencards à l'orphelinat...ouille agas moi ça que tu me sorts oujourd'hui, quelle madone de mémoire t'ya toi alors, atso là tu m'enleves cinquante ans toi ! Et combien des bons moments ensemble. Et toi que te m'as tout'suite roconnue et comment t'ya fait ?

            - " Je vas te dire la franche vérité Fifine que c'est pas toi que t'yes revenue à mon esprit mais c'est ton petit chapeau ce chapeau que c'etait Jean La Fille qu'y te l'avait fait et combien tu t'le mettais pour descendre en ville t' sur le cours le soir

            - " Robert faut qu'j'te dise une chose que surtout t'l'a prends pas mal, mais que c'est une chose qu'elle m'etait restée en travers d'la gorge aussi .. Pourquoi quand t'yes parti au regiment que tu m'a plus ecrit. ?..T'sur la tombe de mes morts, moi j'te croyais que t'yétais disparu à la guerre ! Atroment oila la raison pourquoi que je me suis mis 'ac ce Lucien ! J'allais pas te rester seule moi hein ! Et pis rogardes moi que je suis normalement constituée et même bien conservée O Robert ! …Et atso où y l'est le mal ?

            - " La 'oila la franche vérité, j'me sui mis a'c Lucien, où y l'est le mal aller merci mon Dieu 'oila quelle t'le lache le morceau 60 ans après ! Te sortais 'ac moi juste pour ma 4cv aussinon pour faire des neks devant les copines du quartier ? Je viens de 'oir combien tu tenais à moi ...Y faudrait que tu m'espliques... Areusement que moi aussi je t'avais pas attendue et que je t'avais pris la vie par le bambou…. Ca qu'y va me rester de toi ô Fifine et crois moi t'sur la vie des yeux, est areusement, et ben c'est la photo d'un p'tit chapeau de feutre qu'y se tapait le tour des plages, aouf le soir dans ma 4 cv, et de toi à moi garde le bien t'sur ta tête çuila comme ça ce monde qu'ya ici, y te verront pas toutes les rides qu'elles z'ont envahie ta fatche ! Et si te 'ois ce Lucien qui doit pas être jojo lui aussi 60 ans après, et ben fais un peu classe pour une fois, et passe lui le bonjour de ma part. Aller Fifine que le bon Dieu y fasse que tu passes une bonne journée!

            - " Va de la ô Matsamme de la choumarelle que t'y'es, n'as pas peur, mais je t'enverrai surement l'adresse de ma modiste, pourquoi toi je pense que te préfères les chapeaux aux gonzesses!

Georges Barbara, août 2022


PHOTOS de BÔNE
VOYAGE 2018 du groupe Bartolini
LA VIEILLE VILLE























MUTILE N° 157, septembre 1920

SEPTEMBRE 1914-1920
L'Anniversaire de la Bataille de la Marne

               Six ans nous séparent déjà du terrible réveil d'août 1916, six ans, et, cependant il nous semble que le drame s'est déroulé hier, tant est vivace en notre esprit, le souvenir de la tragédie à laquelle nous avons assisté.
               Nous vivons paisiblement, trop paisiblement même, fermant les yeux aux avertissements répétés que nous donnait l'attitude insolente, de l'Allemagne, lorsque l'agression s'est produite soudaine, brusque, autant que lâche et injustifiée, connue tout ce qui procède de la manière teutonne.
               Nos éternels ennemis, pour perpétrer leur crime, avaient escompté sur la frivolité française et sur le désarroi qui suit toujours : une attaque brusquée en masse.
               Ils nous croyaient aveulis par le farniente et les plaisirs, ils supposaient, les naïfs, que les théories, funestes de quelques mauvais Français avaient fait leur oeuvre, que notre pays était en décomposition et leur croyance était ancrée dans leur bas esprit, à ce point que l'investissement de Paris devait avoir lieu dans la quinzaine et que le programme des réjouissances qui devaient-y être données à l'occasion de l'entrée du Kaiser, était, déjà établi.

               O ! amère déception ! Cruelle désillusion, pour les organisateurs de la fête.
               Voici que par un mot d'ordre qui galvanise tous les courages, les énergies se réveillent ; voici que l'union sacrée invoquée par nos dirigeants fait taire toutes les dissensions et que La France séculaire, redevient la France autour de laquelle se groupent, résolus tous ses enfants sans distinction de confession et de parti ; voici qu'un petit peuple admirable dont le nom doit être désormais prononcé chapeau bas, la Belgique, lève résolument une petite mais indomptable armée et l'oppose aux hordes teutonnes qui ont envahi son territoire et permet aux premières, troupes françaises, après de furieux combats où elle se fait glorieusement décimer, d'arriver à Charleroi et d'engager une bataille d'attente dont, le but est uniquement de contenir l'armée ennemie et de permettre à la notre de s'organiser.

               "Charleroi ! ville inoubliable où les troupes africaines firent des prodiges, Charleroi tombeau, de la fine fleur de notre armée d'élite fauchée par la mitraille allemande ! Charleroi que nos ennemis considéraient comme une victoire, nous parlons de toi avec fierté car nous n'y fûmes pas vaincus non, nous y fûmes sacrifiés parce que le sacrifice est inscrit dans le livre d'or de l'Armée français comme sa légendaire bravoure, par ce que là comme à Morhange, à Dieuze et plus tard à Komkalé, aux Dardanelles, il fallait des Spartiates, modernes pour sauver la Patrie et nous persistons à revendiquer. Charleroi comme Sparte se glorifiait des Thermopyles.
               Charleroi, chacun le sait, fut le prélude de l'immortelle victoire de la Marne.
               Dans les plaines catalauniques où, à des siècles de distance les hordes du nouvel Attila s'avançaient, ivres de carnage, l'immortel Joffre, répétant une tactique employée l'an précédent aux grandes manœuvres, reculait pas à pas selon une tactique qui fait honneur à son génie militaire, puis s'arrêtant soudain et faisant volte face, lançait, sur l'ennemi déconcerté, ses admirables soldats cependant harassés par huit jours de marches, de contre-marches et d'incessants combats sans repos et alors s'engageait cette lutte à mort dont le résultat devait être l'écrasement de l'armée envahissante et le salut de Paris.

               O ! Meaux ! Chambry ! direz-vous jamais de combien d'exploits fameux vous fûtes témoins ! Direz-vous. Cette admirable ruée de poilus de France bondissant comme des tigres sur le Prussien dont la crânerie se changea en couardise, quand zouaves et turcos, au son de la charge, plongeaient sans cesse leur baïonnette dans les poitrines de leurs ennemis cependant que la crosse de leur fusil broyait les crânes. O ! revivre ces jours de gloire, revoir fuir les soldats de Von Kluck, les bras levés avec les attitudes de pleutres demandant grâce en leur langue, et criant : " Kamerates ! kamerates ! " c'est pour ceux qui ont assisté à ces corps à corps gigantesques et sans pitié la récompense de l'effort sublime que le soldat français fournit ce jour là.

               La garnison de Paris arrivant à la rescousse en autos, grâce à l'intelligente initiative du grand et regretté Gallieni, gouverneur tic la capitale qui sentant que le sort de la France se jouait là, transgressa les ordres reçus, acheva la déroute de l'année allemande qui n'échappa à un véritable désastre, que parce que les forces humaines ont des limites et que l'armée française, ayant donné son summum d'efforts, ne pouvait pas continuer la poursuite.
               Le miracle de la Marne était accompli : Paris, la France, le monde civilisé respiraient enfin pendant que le premier lieutenant de Guillaume II, Von Kluck, battu et grièvement blessé, abandonnait le commandement à son second qui ordonnait la retraite..

               Pour une fois, cet homme à la dévotion de son empereur, n'avait pas tenu parole. Le repas qu'il devait commander à Paris en son honneur lui avait été servi trop chaud et trop vite et il en ressentait un immense découragement, il n'essaya même pas, pas plus que son état-major, de réparer en partie ce retentissant échec et s'en fut honteux, battu et pas content.
               C'est pour perpétuer, cet héroïque fait d'armes qui sauva la France et la civilisation, que le journal " Le Mutilé de l'Algérie ", organise, comme il le fait, chaque année, le dimanche 12 septembre 1920, au cimetière de Saint-Eugène, à 9 heures du matin, une cérémonie patriotique où toutes les autorités civiles et militaires assisteront ainsi qu'une délégation des corps de troupes et de services, de même qu'une compagnie de zouaves pour rendre les honneurs par ordre de service de M. le Général de division Niesel, commandant le-dit corps d'armée qui y assistera en personne, ou en cas d'empêchement, sera représenté par M. le Général commandant d'armes et un officier supérieur.

               Nous couvions, comme les années précédentes, toutes les sociétés philanthropiques, musicales et de gymnastique à y assister, ainsi que l'admirable et patriotique population algéroise dont l'affluence attestera que les algérois ont le culte du souvenir.

.J. ASCIONE.

AUX ENFANTS DU SOLEIL
ECHO D'ORANIE - N° 215

On m'a volé mes jours,
                On m'a volé mes nuits,
                Le sable du désert
                Les mille et une nuits.

                La fraîche oasis
                Ses têtes enturbannées,
                Le Chott-Ech-Chergui
                Le sirocco empoisonné,

                Le village aux murs blancs,
                L'horizon qui rougeoie
                Les femmes en drap blanc
                Les cigognes sur les toits

                L'Oued au lit impur
                Serpentant les champs
                Les enfants aux pieds nus
                Dans le soleil levant,

                La flûte qui gémit
                La gargotte enfumée
                Et la tasse de cuivre
                Où je buvais le thé,

                Le vieux marchand,
                Sale presque déguenillé
                Qui nasillait " poivre, piments "
                De sa voix cassée

                L'Alfa qui s'agite
                Quand se lève le vent,
                Le soleil qui nous quitte
                Quand s'obscurcit le couchant,

                Les longues soirées
                Lourdes de chaleur,
                La plaine d'Orangers
                A la chaude senteur,

                Le jardin d'Allah
                Où poussent mille fruits
                Jusqu'à la Mitidja
                Edjelé et ses puits,

                La table des repas
                Où s'asseyaient les amis
                La niche de Pacha
                Le fauve Sloughi.

                On m'a volé mes jours
                Le sable de ma mer,
                La plage, tout autour
                De la dune aux palmiers verts

                Les jardins de rosiers
                Où éclosait l'amour
                Où la vieille nourrice
                A vu finir ses jours.
Charles RAMBAUD



Le Chardonneret de Jeannot le Scarparello.
par Jean Claude PUGLISI, année 2000
( A mes chers amis Callois :
Jean Ajello ( + ) - Carmelo Casa ( + ) - Jean-Pierre Fiorillo
IN MEMORIAM de Jean AJELLO ( 1930 - 2009 )

        C'est une chronique assurément très ancienne mais aussi bien réelle.

        C'est une de ces histoires bien calloise, toute pleine de ces senteurs bien particulières qui autrefois ne flottaient qu'au bastion de France, que je vais de ce pas joyeusement gazouiller aujourd'hui, un peu comme un hymne à la gloire d'un fidèle petit oiseau chanteur et de son maître oiseleur vénéré : le Signore Jean AJELLO della Calle di Francia - autrement dit, mon cher et regretté cousin Jeannot.

        Maître cordonnier de son état, Jeannot exerçait alors ses talents avec beaucoup de finesse et d'habilité, au sein de la boutique de son regretté frère aîné Francis, laquelle, jouxtait de près l'hôtel Remirez - sise rue du Docteur Montagnié.

        C'était toujours en ces lieux qu'on pouvait le rencontrer et pour ses habituels copains l'occasion d'aller parfois lui rendre une amicale visite afin de tuer le temps et faire en sa joyeuse compagnie un petit brin de conversation.

        Un beau jour et par un heureux des hasards, son grand ami Carmelo CASA vint à passer devant la cordonnerie. Il devait tout naturellement profiter de cette aubaine pour rentrer dans la boutique et saluer chaleureusement son camarade et néanmoins complice - Jeannot le Scarparello*.

        Comme de coutume et néanmoins fidèles à leur vieille habitude, la conversation devait alors s'engager pour faire un tour quasi-complet des nouvelles et potins du village, puis, ensuite, enchaîner allègrement leur conciliabule sur des thèmes divers et infiniment variés.

        Si je ne puis malheureusement pas aujourd'hui le certifier, je pense que ce devait être au début du printemps, puisque, dans la conversation animée qui devait s'en suivre, il était surtout question d'un sujet bien connu de tous ceux du village : la capture des chardonnerets de passage durant la saison, à l'aide d'une glu de fabrication strictement maison, mais aussi et surtout, avec la perfide complicité d'un chardonneret renégat - communément qualifié d'appelant.

        Au cours de la palabre qui devait s'en suivre, les techniques de chasse furent alors très sérieusement abordées et exposées tour à tour d'une main de maître par les deux compères, sans négliger de révéler au passage d'un air entendu et sous le sceau du secret, toutes les petites astuces personnelles et celles glanées précieusement ça et là auprès des anciens.

        Manifestement, les deux complices connaissaient parfaitement la question, mais, cependant, il semble que Jeannot avait en la matière un incontestable avantage : celui de posséder un superbe et brillant chardonneret, qui, selon ses dires, était le meilleur appelant de toute la cité Calloise et même disais-t-il - de tous les alentours ! Aussi dans le même temps, il n'arrêtait pas de tarir d'éloges pour son charmant petit oiseau, en évoquant abondamment et avec force détails, tous les exploits et le glorieux palmarès du merveilleux volatile…

        Mais à propos ! Puisque nous étions au début du printemps et que c'était par conséquent, la saison privilégiée qui marquait le passage des vols de chardonnerets, nos deux amis décidèrent d'un commun accord d'organiser une journée champêtre, pour aller exploiter les talents du super chanteur à plumes. Ainsi dans le même temps et pour ne pas perdre la main, se livrer à la capture de quelques-uns de ces petits oiseaux migrateurs - bien évidemment, par la technique de la glu.

        Pour le choix du terrain de chasse, ils jetèrent leur dévolu sur le jardin potager de Monsieur Louis Fiorillo de la rue Montagnié, lequel site, était situé tout juste en dessous et à l'orée de la pépinière. Pour se faire, il n'était pas du tout utile de demander l'autorisation du propriétaire, puisque, avec une joie non dissimulée, son fils Jean-Pierre s'était spontanément joint à l'expédition.

        Comme on peut se l'imaginer, cette belle et bucolique journée s'annonçait douce et sereine, mais, surtout bien fructueuse, par la présence du maître-chanteur appelant, qui, selon les dires de son maître vénéré, était sans conteste un super champion hors normes toutes catégories confondues.

        En cette occasion pour joindre l'utile à l'agréable, un couffin bien garni de divers victuailles était de la partie, afin d'assurer une confortable nourriture et palier à la soif de nos chasseurs émérites. Ils n'avaient surtout pas omis ce faisant de cueillir au passage, de longues et blanches épines au sein des buissons d'acacia qui faisaient office de clôtures et de préparer le matin même la précieuse glu à l'aide des reliefs de caoutchouc, fraîchement récupérés sur quelques pneumatiques usagés mis à la réforme et tendrement fondus pour la circonstance.

        Au jour dit et heure dite, les trois amis s'étaient fixés comme point de ralliement - la glacière de M. Pierre SAURY.

        Depuis un bon moment déjà, pendant que deux d'entre-eux attendaient impatiemment en piétinant sur place, Jeannot, le troisième larron, commençait à se faire sérieusement désirer. Il faut dire que ce jour-là, notre scarparello n'avait pas emprunté le chemin le plus court pour rejoindre ses acolytes. Tenant fièrement la cage à bout de bras, il cheminait béat par les rues animées du village, tout heureux d'exhiber avec ostentation son appelant aux regards des passants, sans oublier au passage de vanter à qui voulait l'entendre - tous les mérites de son mignon chardonneret.

        Nullement effarouché par la foule, le petit volatile sautillait joyeusement sur son perchoir et se balançait gaîment sur la petite escarpolette, tout en s'exerçant à quelques harmonieuses vocalises, comme pour bien prouver aux passants, la véracité de ses qualités vocales exceptionnelles.

        Lorsqu'après bien des détours l'équipage atteignit enfin la glacière SAURY, les trois adolescents portant chacun à bout de bras - une cage et son oiseau - un couffin ventripotent - un pot de glu et son paquet de blanches épines d'acacia, entreprirent le cœur en fête de presser le pas, afin d'atteindre la clairière où devait se dérouler le safari chardonnerets.

        Ce jour-là, la nature qui venait de sortir de l'hiver, embaumait sans compter l'environnement de tous ses subtils parfums et décorait avec bonheur la campagne de ses multiples couleurs printanières. L'air était frais et pur comme le cœur des hommes et sur l'horizon le bleu infini du ciel et de la mer se confondait par delà les toits de tuiles rouges du village. Sur la gauche du côté ouest, massif et rassurant dominait le fortin de la croupe, qui de connivence avec son confrère le fort du moulin ainsi que les clochers pointus de l'église, tenaient depuis longtemps la petite cité du corail sous leur garde attentive et perpétuelle…

        Nos trois larrons ont-ils un moment laissé errer leurs regards d'adolescents et gonflé leurs poumons juvéniles sur tous ces bienfaits généreusement offerts par la nature environnante ? Je ne saurais le dire ! Mais nostalgie aidant, c'est avec infiniment de bonheur que j'aime aujourd'hui à me l'imaginer. Cependant, il ne faut pas oublier, que le triumvirat était surtout venu là, pour une journée de chasse qui se voulait exceptionnelle : à la glu peut-être ! Oui mais ? Avec un chardonneret appelant super star !

        Le Jardin s'étalait devant eux en pente douce et nos héros ne devaient rencontrer aucune difficulté pour installer leur poste de chasse. L'un des trois s'empressa de couper une belle branche de figuier de bon calibre et parfaitement incurvée, laquelle, fut rapidement plantée dans la terre meuble de la parcelle. Puis, joignant leurs efforts et très consciencieusement, vint le moment de la préparation minutieuse des égluettes* : l'extrémité proximale de chaque épine d'acacia était trempée sur 1 à 2 cm dans la glu liquide, puis, fixée l'une derrière l'autre sur la branche par leurs pointes acérées - la glu tournée vers le ciel. Enfin et pour clore l'opération, la cage et sa vedette du jour, furent confortablement installés sous le dispositif.

        Dés lors camouflés dans les buissons, il ne restait plus à nos amis qu'à attendre patiemment et en silence, l'arrivée d'un imprudent volatile attiré par les gazouillis menteurs du perfide appelant.

        Le plus souvent, lorsque l'infortuné oiseau de passage venait à se poser sur la branche traîtresse, pour faire je le pense une petite halte de courtoisie et témoigner de son admiration au chanteur de charme, le malheureux petit chardonneret se voyait immédiatement couvert d'égluettes assassines et par conséquent tombait au sol sans pouvoir s'enfuir par la voie des airs.

        C'est ainsi que l'oiseau toujours capturé vivant, rejoignait pour longtemps la destinées de ses coreligionnaires, au sein d'une cage dotée il faut le dire de tout le confort moderne.

        Cette longue digression pour rappeler cette chasse à la glu, que bien d'entre-nous pratiquaient autrefois avec une rare habileté. Mais pour certains, qui auraient peut-être quelques penchants dits écologiques et qui trouveraient ce genre de technique un peu barbare à leur goût, je veux préciser dans le souci d'une bonne et parfaite information, que ce type de chasse n'était jamais pratiquée à outrance - dans un esprit intéressé et / ou mercantile. L'oiseau devait toujours être capturé vivant, puis, soigneusement débarrassé de la glu, pour ensuite recevoir le meilleur accueil dans une cage confortable, avec d'autres pensionnaires à plumes pour compagnons. Par ailleurs, dans chaque famille Calloise, il n'était pas rare de trouver une belle volière toute remplie d'oiseaux, qui, par leurs chants mélodieux, égayaient dés le matin toutes les maisons et quartiers du village.

        On peut dire sans aucune exagération que les oiseaux en cage, faisaient en quelque sorte partie intégrante de la famille. Ils étaient choyés, bien nourris et même on poussait le luxe de leur installer une petite baignoire particulière, où ils ne se privaient pas de s'ébrouer avec une satisfaction non dissimulée. Il faut dire qu'à cette époque nous n'avions pas cet avantage, car, comme on le sait, rares étaient les familles calloises qui possédaient une vraie salle de bains… La meilleure preuve de l'affection donnée aux petits oiseaux que je peux apporter, est de rappeler le drame de l'exil que nous avions tous connu autrefois : dans nos maigres bagages emportés à la hâte, combien de choses utiles et personnelles n'ont-elles pas été abandonnées sur place - sauf souvenons-nous : les chiens, chats et les cages avec leurs pensionnaires à plumes… Autres rapatriés dont on a hélas très peu parlés !

        Mais revenons à nos trois lascars qui depuis un bon moment déjà, attendaient patiemment camouflés sous le couvert de la fraîche verdure, tout en observant comme de bien entendu un silence des plus absolu. Cependant, alors que l'appelant s'égosillait de plus belle en recherchant semble-t-il, les plus brillantes phrases musicales de son répertoire et bien que manifestant un réel intérêt pour le chanteur, les vols de chardonnerets qui passaient tout près de là, s'empressaient curieusement de virevolter pour prendre rapidement le large.

        Si cela était bien inhabituel et apparaissait en tout cas anormal, il reste cependant que Jeannot le maître oiseleur n'avait pas menti, car son chardonneret était parfaitement compétent en la matière - mais sans plus comme on peut bien s'en douter.

        Bizarre, bizarre ! pensaient les chasseurs - devant l'attitude curieuse et inhabituelle des oiseaux de passage.

        Alors que le trio se perdait en conjectures l'un d'eux leva les yeux vers les nues, peut-être ? pour invoquer San Genarro ou un autre bienheureux du paradis, pour lui demander ardemment de leur venir en aide. Mais dans la sérénité de l'azur du ciel, cette ardente prière devait soudain apporter une image inattendue et bien plus inquiétante : depuis un bon moment déjà, toutes ailes déployées tournait silencieusement au-dessus de leurs têtes l'ombre sinistre et angoissante, d'un énorme rapace qui faisait fuir d'épouvante tous les oiseaux de passage. Pendant ce temps-là, dans le confort et la sécurité de sa petite cage dorée, le chardonneret appelant n'arrêtait plus ses joyeuses trilles cristallines, avec de surcroît une parfaite et totale indifférence qui ressemblait fort - à une provocation lancée à l'endroit du seigneur le grand épervier.

        A ce moment là, les trois compères eurent peut-être la bonne idée, de faire décamper le rapace en le gratifiant de quelques savants coups de Taouata ( lance-pierre en Arabe, pour ceux qui l'auraient oublié ! ), mais c'était trop beau pour être vrai ! Car soudain et d'une façon des plus inattendue, le rapace plongea rapidement vers le sol bousculant au passage la branche de figuier hérissé de ses égluettes, pour se saisir au passage de la cage et de son contenu à plumes. Mais bien heureusement, le fardeau dépassait largement les prétentions de l'épervier, qui, par un orgueil sûrement mal placé, n'avait semble-t-il pas bien évalué toutes ses possibilités physiques.

        De l'autre côté de la scène, imaginons un instant la panique qui s'était propagée parmi les chasseurs. D'abord et surtout comme on peut s'en douter, à l'endroit du maître oiseleur en chef qui voyait avec un immense désespoir, s'envoler sous ses yeux la cage et son petit chardonneret délicieux - irrémédiablement condamné à un injuste et cruel trépas.

        Alors que dans sa fuite précipitée le rapace n'arrivait pas à prendre de l'altitude, l'un d'eux se saisit d'un scoglio ( gros cailloux ), peut-être déposé là par la grâce de San-Genarro ? pour le lancer vivement et à bout de bras dans la direction de l'épervier, qui présentement s'éloignait cahin-caha la cage suspendue aux bouts de ses terribles serres.

        C'est alors que le miracle se produisit : le projectile toucha l'animal qui un moment surpris, lâcha son fardeau pour fuir à tire d'ailes sans demander son reste. Quant à la cage et son contenu chantant, elle s'en alla mollement atterrir en douceur sur le sol, sans aucun dommage corporel pour le petit chardonneret chéri de Jeannot.

        Mais dans cette affaire, il persiste cependant une petite énigme que je n'arrive pas à éclaircir : je me suis toujours demandé lequel d'entre eux, a si habilement tiré le magistral "coup de pierre" sur le rapace ? !

        Lorsque l'on interroge les trois compères, Carmelo me dit que c'est Jean-Pierre Fiorillo qui a eu la présence d'esprit et l'habilité remarquable de faire mouche sur le rapace. Ce que dément vivement et à qui veut l'entendre Jeannot Ajello, qui m'assure qu'il est l'auteur incontesté et incontestable de ce fameux et sublime tir au but salvateur, à l'endroit de son petit oiseau bien-aimé.

        Alors qui croire ? Peut-être ont-ils au cours de cette dramatique péripétie, envoyé ensemble leurs projectiles en direction de l'épervier ? Cependant une question reste en suspend : qui l'a touché ? Mais qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse et bienheureux les affligés car ils seront consolés : ce fut le cas pour Jeannot qui récupéra sain et sauf son petit oiseau chanteur, même, s'il était quelque peu assommé dans une cage manifestement déglinguée.

        En ce jour de printemps le retour de la chasse fut très discret, afin d'éviter comme on peut s'en douter les quolibets des passants et surtout ceux des amis rencontrés au hasard du chemin… C'est ainsi que chacun rentra en sa demeure : bredouille ce qui est vrai et bien réel, mais avec le souci d'éluder peut-être l'interrogatoire familial de circonstance, qu'ils auraient sûrement à affronter le soir au souper.

        Quant à Jeannot il devait prendre ce jour-là et sans aucune concertation, une importante décision qui engageait irrémédiablement l'avenir de l'oiseau appelant : il décréta à son intention, une mise à la retraite anticipée bien avant l'âge, pour l'exempter définitivement de tout déplacement, surtout vers les théâtres extérieurs verdoyants de chasse à la glu.

        Un point virgule, un point et c'est tout ! Dixit Jean Ajello, mon cher et regretté cousin - scarparello de son état et sonneur de cloches à l'occasion.

        Cependant il faudra bien un jour, que je demande discrètement à mon très cher ami, l'honorable signore Camello della Casa, si par hasard cette histoire de chardonneret super champion appelant, n'aurait pas laissé quelques traces indélébiles, donnant lieu à des racontars à l'endroit du chardonneret de Jeannot ? Je me suis laissé dire un moment par mon imaginaire, que peut-être ? le chanteur à plumes de Jeannot avait surtout mais hélas ! La particularité et le charme d'attirer et de séduire les oiseaux de proie !

        Mon Dieu ! Comme parfois on peut être mauvaise langue.

        Mais je sais que mon cousin m'aurait répondu du tac au tac, que c'est parce que son Cardellino* préféré était de la région le plus beau, le plus dodu, le plus séduisant, le plus subtil chanteur… Qu'il en était arrivé par ses gazouillis mélodieux à faire tourner la tête et tomber follement amoureux, même les plus féroces rapaces de notre territoire, à tel point qu'il les faisait chuter comme une pierre de leur hauteur, dés que de leur vol puissant ils passaient à proximité…

        Pour terminer et clore définitivement l'incident, Jeannot me souffla un jour dans l'oreille et sous le sceau du secret le plus absolu : " oh, cousin, tu vois ! Tout ça, c'est grâce à moi et c'est tout en mon honneur. Car c'est pas de ma faute si çui-là - là, il attire tous les éperviers et qu'il fait en même temps sauver tous ses congénères. Tu vois cousin ! s'il est devenu splendide comme ça, c'est à de bon parce que moi je l'ai élevé comme un fils et qu'il a toujours été soigné aux petits oignons. Tia compris maintenant, pourquoi des jalousies contre moi ça faisait ! "

        Mon Dieu ! Comme l'imagination peut projeter dans la tête d'un nostalgique farfelu, ce sublime et délicieux cinéma paradiso qui me fait dire aujourd'hui, à l'instar de l'illustre Jean COCTEAU : " plus je vieillis et plus je vois que ce qui ne s'évanouie pas, ce sont les rêves. "

        Alors continuons de rêver, mes frères et sœurs chéris de La Calle Bastion de France, car, même si parfois je me traite gentiment de CHPAKOUN délizioso* en rigolant de bon cœur, je me dis que l'essentiel et que ce rêve merveilleux d'autrefois puisse se pérenniser : mais que restera-t-il le jour où tous les rêves d'antan déserteront notre mémoire ?

        Si depuis toujours, à cette question j'ai trouvé enfin ma réponse, il appartient à chacun de vous de trouver la vôtre.
        Ainsi soit-il !

        N.B :
        Scarparello : cordonnier en napolitain (de Scarpes - chaussures ).
        Egluettes : épines blanches d'acacia, que l'on piquait sur une branche plantée dans le sol, après avoir garni de glu leurs extrémités.
        Cardellino : chardonneret en langue italienne.
        Schpakoun délizioso : en italien = bluffeur hors concours !


        Dernière information :

        Il y a quelques temps rongé par la curiosité, j'ai voulu savoir ce que ce petit chardonneret était devenu, après sa mise à la retraite anticipée décrétée par son maître…
        Sans rien me cacher et avec beaucoup de sincérité, mon cousin Jeannot devait alors me conter la triste destinée de son volatile préféré :
        "Tu vois me disait-il, je me suis toujours bien occupé de lui et puis un jour - va savoir pourquoi ? j'ai oublié de lui donner à boire et à manger pendant plusieurs jours… La Madone ! Lorsque je m'en suis rendu compte, le pauvre petit était dans un état d'extrême faiblesse qui me fit craindre le pire… Alors affolé, j'ai vite couru jusque chez Zidane et Mokhtar pour lui acheter plein des graines… J'ai aussitôt rempli la cage de nourriture et donné de l'eau fraîche en abondance… Mais s'était trop tard… Le petit chardonneret est mort doucement sans même me faire un seul reproche… Putain cousin ! tu vois rien que de te raconter cette histoire, moi, j'ai les larmes aux yeux."

        Et moi aujourd'hui mon cher et estimé cousin, j'ai aussi les larmes aux yeux de te savoir dans un autre monde et je pense sincèrement que ton départ précipité va beaucoup affecter bien de ceux d'entre-nous.
        Repose en paix mon cher Jeannot et que ton âme de brave et honnête homme, puisse trouver dans l'infini de ce ciel que tu as si souvent gratifié par les joyeux carillons de Saint-Cyprien, toute la béatitude que tu mérites et qu'il voudra bien te donner.
Docteur Jean-Claude PUGLISI, Octobre 2022
de La Calle de France
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage.


Bénédiction de la Première Pierre
de la Nouvelle Eglise d'Aïn-Témouchent

Bibliothéque Gallica

Discours prononcé par M. l'Abbé Lecat, Curé de Témouchent, à la cérémonie de la pose de la première pierre de la nouvelle église.

       Excellentissime Seigneur,
       Monsieur le Maire,
       Messieurs,
       Mes biens Chers Frères,

       Nous voici réunis au grand complet pour assister dans quelques instants à la pose de la première pierre de notre église. Si d'aucuns ont pu s'étonner de nous voir considérer la date de cette cérémonie comme une date désormais historique dans les annales de ce pays de cette cité, de cette paroisse, il m'est facile de leur démontrer que cette prétention est justifiée parce que notre démarche d'aujourd'hui est le long aboutissement de désirs, d'efforts, de démarches dont l'histoire locale nous a heureusement conservé le souvenir.

Au temps des Empereurs Romains

       Nous posons aujourd'hui la première pierre d'une église : n'a-t-on pas retrouvé en 1913 tout près de l'endroit où nous sommes, la première pierre posée par les soldats romains pour commémorer la fondation d'Albulae (c'est le nom romain du Témouchent actuel) en l'an 119 après J. C., sous le règne de l'Empereur Hadrien ; l'inscription fort bien conservée nous permet de situer dans l'histoire le début de notre antique cité qui remonte aux tous premiers siècles de l'ère chrétienne.
       Que ce pays ait été christianisé dès les débuts, il n'y a pas à en douter. Au défaut de ruines d'une basilique chrétienne que nous n'avons pas eu la chance de découvrir, de nombreuses inscriptions funéraires témoignent des sentiments chrétiens de leurs auteurs. D'ailleurs nous trouvons Albulae dans la liste des évêchés africains du Ve siècle et nous connaissons même le nom de l'un de ses évêques, Tacanus. Il occupe le 79e rang dans la liste des évêques de la Mauritanie Césarienne convoqués à Carthage par le roi Hunéric en l'an 484. Si donc par ses dimensions importantes et ses proportions grandioses notre future église a quelquefois fait penser qu'elle aurait tout d'une cathédrale, il suffira que l'évêque d'Oran soit autorisé à joindre à son titre épiscopal celui de cet ancien évêché pour qu'elle mérita tout à fait ce qualificatif honorable.

       C'est pour commémorer cette antique passé chrétien qu'aux pièces de monnaie contemporaines incorporées dans cette première pierre pour authentifier la date de sa pose devant l'histoire nous joindrons une pièce de monnaie romaine, afin de relier le présent au passé et, fils de l'église éternelle, tendre la main par-dessus 15 siècles à nos frères de l'ancienne église d'Afrique.

       Passons cette longue période de 1500 ans où ce pays fut soumis à ceux que l'histoire désigne sous le nom de "Barbares " parce qu'ayant complètement déduit la civilisation romaine, ils n'ont laissé après eux que des ruines, et arrivons à l'époque où la Croix a recommencé de régner en ce pays à l'abri du drapeau français.


Visite du premier Evêque d'Alger

       C'est en 1845 que l'Eglise catholique reprend pied officiellement dans cette cité qui n'est guère alors qu'un poste militaire, commandé par le vaillant et légendaire capitaine Safrané. Délicate attention de la Divine Providence, la date d'aujourd'hui est celle même où, il y a 91 ans le premier évêque d'Alger, arrivait à Témouchent, à peu près à la même heure qui nous trouve réunis. C'est en effet le 19 avril 1845 que Mgr Dupuch visitant cette partie occidentale de son immense diocèse constitué par l'Algérie toute entière et en se rendant à Tlemcen qu'il devait ériger en paroisse, s'arrêta vers le soir pour visiter les habitants, des militaires pour la plupart et, le lendemain, célébrer en plein air une messe solennelle en présence de la garnison au grand complet, sous le regard attendri et étonné des arabes accourus sur les hauteurs voisines pour assister à un spectacle si peu habituel.

       Si je ne craignais d'être long, je relirai devant vous le récit fait par un témoin, l'Abbé Caron, du magnifique accueil que reçut l'Evêque de la part des autorités et de la population de l'époque ; je vous répèterai la description de la cérémonie du lendemain et vous constateriez que sans y changer un seul mot, les mêmes termes conviendraient absolument pour décrire les mêmes événements, et, sauf la pose de la première pierre d'une église tout y est dit de la bonne et cordiale entente qui, après 91 ans, continue de régner à Témouchent entre les autorités civiles et religieuses.

Reprise du projet après la guerre

       Ceci nous conduit à la Grande Guerre de 1914 qui eut au moins le mérite, dans la question qui nous occupe, d'apporter un peu plus de charité et de tolérance entre les Français : on ne fraternise pas pendant quatre ans dans la boue des tranchées et sous une continuelle menace de mort sans en rapporter le sentiment que nous avons mieux à faire que de nous entredéchirer. La paix que nous ramena 1918 fut une vraie paix, avec l'étranger à l'extérieur et entre Français à l'intérieur.

       Aussi, je note dès 1920, lors du service funèbre du 11 novembre, le regret exprimé dans l'" Echo d'Oranie", de n'avoir point eu une église mieux appropriée à la circonstance. La même constatation avait déjà été faite en 1894, lors du Service Officiel célébré à la mémoire du Président Carnot.
       " Nous restons convaincus, ajoutait le rédacteur occasionnel de l'Echo, que les fidèles de notre ville sauront avant peu édifier une église digne de leur générosité, digne de votre ville : nous le souhaitons au nom d'une grande partie de la population ".
       Et M. Houard qui transcrit la chose, d'ajouter ce pieux souhait : " Que Dieu entende et permette la réalisation de ce désir".

       Cette humble prière jaillie de votre cœur. M. le Curé, avait déjà commencé d'être exaucée : n'avez-vous pas noté sur la même page de votre journal paroissial la nomination du nouvel Evêque d'Oran, Monseigneur Durand ? C'est à lui que Dieu réservait de réaliser ce que tant de générations temouchentoises ont désiré voir.


       Mgr Durand visite Témouchent pour la première fois le 12 mai 1921 : il remarque tout de suite la scandaleuse insuffisance de son église, et c'est à son instigation que 10 jours plus tard, M. Houard reprend auprès de la Municipalité des démarches interrompues depuis 1904. Il ne saurait être question de la place Gambetta désaffectée par la Loi de Séparation : M. Houard demande un coin du marché aux bestiaux, exactement celui qu'occupe aujourd'hui l'école voisine. Six mois après on lui répond : nous vous proposons la place Bellevue. La Préfecture ne ratifia pas ce vote municipal. Elle était d'ailleurs insuffisante et le 8 mars 1923 cette place était affectée au nouvel Hôtel des Postes.

       Le 30 octobre, le préfet Ferlet présent pour le Conseil de Révision, visite l'église : " Mais c'est une chapelle ! s'écrie-t-il quelque peu ahuri de tant de mesquinerie". - "C'est notre église paroissiale, lui réplique M. Danthon qui l'accompagne, et vous nous avez refusé la place Bellevue comme emplacement d'église". Et voilà comment, M. le Maire, vous avez commencé de vous intéresser à cette question.
       Mais ce ne sont là que des préliminaires sans résultats.

Sous la direction de Mgr Durand

       C'est alors que le nouveau et jeune chef du diocèse, qui déjà a pris ses dispositions pour peupler d'églises son immense diocèse, prend en mains personnelles cette question de la nouvelle église et ne l'abandonne plus.

       Dans toute oeuvre il faut des instruments : ce sont des hommes décidés et dévoués qui soient capables d'aller jusqu'au bout du succès : aujourd'hui notre Saint-Père le Pape leur a donné un nom et des directives précises se sont les hommes d'Action catholique. Il en fallait à l'Evêque : Je ne cite que ces deux noms parmi ceux qui répondirent : présents, M. Pérelle, notre dévoué vice-président du Comité, aujourd'hui empêché bien malencontreusement d'assister à notre fête, et M. Victor Cahuzac.
       A partir de ce moment, Monseigneur, vous prenez en mains la direction des démarches et ne les laisserez plus s'interrompre jusqu'aujourd'hui.

       Vous commencez par envoyer un Missionnaire pour préparer les âmes à la pieuse et définitive réalisation de ce projet, vous demandez à M. Houard la constitution immédiate d'un Comité de personnes absolument dévouées et décidées comme vous à marcher à fond, vous faites entreprendre auprès de la Municipalité des démarches motivées et sûres pour l'obtention de ce même emplacement où nous sommes et qui répond parfaitement à sa destination, situé en plein centre du quartier européen, dans le cadre de ce magnifique parc qu'est le Jardin public, en sorte que Témouchent, son église et ce lieu si propice au recueillement et au repos pourront devenir pour l'Evêque d'Oran ce qu'est le Castel Gandolfo pour le Pape de Rome.

       Vous n'attendez pas la fin des négociations entreprises pour provoquer la générosité des fidèles comblés de biens par la Providence : dès 1924, des souscriptions commencent d'être recueillis tandis que M. le Maire s'occupe de faire aboutir en haut lieu les votes bienveillants de l'Assemblée Municipale.
       L'administration est une machine longue et difficile à mettre en mouvement : il est de notoriété publique qu'elle est toujours trop compliquée et trop lente pour qui est pressé, et vous l'étiez tous.

       Des difficultés imprévues surgissent là où l'on n'en attendait pas, il s'en crée même qui sont basées sur des erreurs ou des détails ignorés. Enfin après 6 ans un résultat est atteint que n'avaient point obtenu MM. Bacquès et Godet : ce lot de terrain où nous sommes est acheté par l'Association Diocésaine pour le compte de la paroisse de Témouchent.

       Je m'excuse, Monseigneur, de passer sous silence l'ardeur que vous avez déployé sans discontinuer pour atteindre ce but : du fond de votre Evêché on sent, quand on relit les documents qui en restent les authentiques témoins, que vous êtes l'âme de l'affaire et que chaque démarche se fait à votre instigation, sur votre conseil, selon vos directives, et la même filière ou navette se répète à chaque instant : l'Evêque, M. le Curé, Pérelle, M. le Maire, quand vous n'intervenez pas vous-même directement auprès de l'Autorité supérieure au moment précis où tout semble définitivement arrêté et perdu par un nouvel obstacle en haut lieu : vous êtes celui que l'on ne rebute jamais et qui marche droit au but sans s'en détourner jamais : cette opiniâtreté qui explique la plupart de vos succès est la clef de votre succès dans cette affaire.

       Avec quelle satisfaction M. Houard note-t-il le 26 mars 1931, que le jour même il a signé en votre nom l'acte notarié de cession par la commune dûment autorisée pour ce faire, du terrain de la nouvelle église. Je comprends que ce soir là il se crut autorisé à chanter son "Nunc dimittis " comme autrefois le bon vieillard Siméon, trop heureux
       Au soir de sa vie d'avoir pu obtenir ce qu'il souhaitait depuis plus de 30 ans.
       Vous auriez voulu, Monseigneur, qu'il fit encore un bel effort pour vous aider à poursuivre la deuxième étape de l'œuvre si heureusement entreprise. Mais, affaibli par l'âge, il préférait rendre les armes (pas toutes, les plus lourdes seulement !) et se retirer sur la montagne des Trois-Marabouts pour de là assister, encourager et même aider à l'édification de cette église sur le terrain qu'il vous avait aidé à obtenir.
       C'est alors que vous m'avez fait le grand honneur de m'appeler à ce poste de confiance. Je n'avais guère de mérite sinon celui d'avoir travaillé déjà sous votre direction à la construction d'une toute petite église.

       S'il est certain que j'apporte à cette œuvre tout mon cœur, tout mon temps, toutes mes forces, il n'est pas moins vrai que je suis aidé et dirigé par vous, Monseigneur, dont je ne fais qu'exécuter les ordres, secondé par un admirable Comité, la plus rare collection de bonnes volontés qui se puisse souhaiter. J'ai trouvé une municipalité qui veut faire de notre église l'embellissement de la Cité, à sa tête un Maire qui me prodigue des encouragements et des conseils appréciés, des architectes compétents, une entreprise... scrupuleuse, et (ne croyez par que je les oublie !) des bienfaiteurs d'une générosité au-dessus de toutes louanges : sept d'entre eux assurent à eux seuls la moitié des frais de l'entreprise par des souscriptions de 100.000 francs et les autres, du plus grand au plus petit suivent la même courbe généreuse.

       Ah ! mes chers paroissiens, laissez-moi vous le crier avec tout mon cœur : vous êtes tout simplement admirables : en pleine crise vous avez accepté de m'aider à fond, comprenant que le moment choisi par la Providence de construire votre église avait sonné, qu'elle devait se bâtir à force de sacrifices coûteux, qu'elle devait être belle, très belle, somptueuse, grandiose, digne de Dieu, à la hauteur de votre reconnaissance pour les bienfaits dont il vous a comblés, la plus belle de toute l'Afrique du Nord par ses proportions harmonieuses et la sveltesse de ses flèches jumelles. En une année de grande crise vous m'avez avancé 500.000 francs ; déjà vous y avez ajouté 250.000 francs et me promettez que la construction se poursuivant, vous ne m'abandonneriez plus jusqu'au résultat final. Témouchent, votre Evêque vous le dira sans doute aussi, mais moi je vous le crie déjà bien haut : votre curé est fier de vous.
Traduction du procès-verbal inscrit sur parchemin
inséré dans la première pierre


       Au nom de la Très Sainte Trinité, l'An 1936, jour octave de Pâques, 19 avril, le Pape romain Pie XI glorieusement régnant, remarquable par sa science et son zèle pour la propagation de la Foi, moi Léon Marie Joseph Durand, Evêque et originaire d'Oran, Fernand Lecat étant curé, sous le patronage de la Bienheureuse Vierge Marie Reine de France, j'ai heureusement posé et béni cette première pierre de l'église paroissiale d'Aïn-Temouchent, qui va être construite en l'honneur de Saint Laurent.
       Signé : LEON, Evêque d'Oran.

Bénédiction solennelle de la chapelle de l'Institution Sainte-Elisabeth

       Le vingt-quatre juin dernier, en la fête de St Jean-Baptiste, Monseigneur l'Archevêque a tenu à venir lui-même bénir la nouvelle chapelle de l'Institution, voulant témoigner, une fois de plus, sa paternelle bienveillance à ses enfants Trinitaires et à l'œuvre de l'enseignement.
       Son Excellence était accompagnée de M. le Chanoine Poggi, Secrétaire général et de M. l'abbé Jacquier, Secrétaire général adjoint. Sous les gracieuses arcades du porche, Elle est reçue par M. l'abbé Reynaud, aumônier de l'Institution, qui lui souhaite la bienvenue en termes pleins de délicatesse. Aux côtés de M. l'aumônier, on peut voir le chanoine Colomb, curé de Sainte-Marie de Mustapha et M. l'abbé Grau, directeur de l'école Lavigerie et ancien aumônier des Religieuses Trinitaires.

       Après les prières liturgiques, récitées au seuil du nouveau sanctuaire, Monseigneur fait son entrée dans la chapelle si jolie dans la simplicité de son art à la fois grec et moderne. La grande croix aux rayons lumineux qui forme tout le fond du sanctuaires, et les plus petites croix, rouges et bleues, des vitraux, marquent bien du sceau de la Rédemption cette nouvelle " maison du Seigneur " où vont venir prier celles qui ne songent qu'à étendre à de nombreuses âmes le bienfait de la Rédemption.

       Un cortège formé du clergé, des Révérendes Mères Marie de Paul, Econome générale des Religieuses Trinitaires ; Blanche-Agnès, Conseillère ; et Sainte-Séraphine, Supérieure de la Communauté, suivies des élèves et de leurs parents et amis venus en grand nombre, pénètre dans la chapelle à la suite de Son Excellence. On pouvait remarquer aussi M. Beaufort, l'architecte si dévoué à la maison. Après la bénédiction des murs intérieurs, s'élève le chant des litanies des Saints où par deux fois, solennellement, est invoquée Sainte Elisabeth, patronne du nouveau sanctuaire.

       Ensuite, commence la grand'messe, avec diacre et sous-diacre. La schola de l'Institution, formée par une trentaine d'élèves, exécute le plain-chant de l'office de Saint Jean-Baptiste et la messe Regina Pacis, à deux voix, de Noyon. Les voix s'élèvent pures et fraîches dans des phrases d'une simplicité et d'une harmonie parfaites.

       Monseigneur l'Archevêque, en termes émus, où passe tout son cœur, dit sa joie de bénir cette chapelle en la fête du Précurseur, fils de Sainte Elisabeth à qui elle vient d'être dédiée. Coïncidence qui peut paraître toute fortuite mais qui a été bien voulue par la divine providence...
ALGERIE CATHOLIQUE N° 4 août 1936


COIFFEUR
…A VACCARO AUSSI !.

Envoyé par M. Georges Barbara

            O M'sieur Avignon faites le pour l'âme de vos morts n'écoutez pas ça qu'a dit ma mère qu'y faut bien me dégager ! Rogardez vous voyez pas dans la glace qu'ya plus rien, je suis fartasse mai'nan Diocane … Fartasse. Et vous vous dites non, et vous continuez ? Mais moi a debon je vois que j'ai plus que dalle t'sur la tete et madone mettez vous à ma place quàa même. Quand la bande du quartier y vont me 'oir sortir de là comme ca, à tous les coups y vont me dire,

            - " Et zek, o frade o Nano entention les 'oitures, adebon m'sieur Avignon y t'a pas loupé y t'a fait une coupe comme c'est la grande mode au marché arabe,,, à la bol j'te jure, à la bol, et qui cats y va te roconaitre main'man à tous les coups ta mère a la du faire la large avec ton coiffeur, a la pas du rogarder t'sur le pourboire, et mai'nan tous ces cheveux qui t a enlevé, même pas si y vient le juge d'la calle pour t'les faire ropousser, que dalle !
            Et en plus M'sieur Avignon y vont se casser le ventre de rires t'sur moi par vot' faute à vous !

            - " Dis nano agas de t'la fermer un peu ta bouche, te dirai l'abbé Porta quand y monte dans la chaire pour te faire la morale le dimanche ;..., depuis que j'ai commencé j'entends que toi dans mes oreilles ! Te ressembles aussi à l'aveugle qui l'est le soir au coin du p'tit jardin d'la colonne et qui te pleure sans arret alors mainnan laisse moi un peu que j'travaille tranquille, ossinon je va te passer la tondeuse dans les cheveux comme ça on en parle plus !

            - " A pourquoi m'sieur Avignon vous z'avez pas encore fini ? Et pis d'abord, pisque c'est comme ça moi j'va vous le dire en face et ben quand je s'rai grand c'est pas chez vous que je va me couper les cheveux, hein !

            - " Tiens Nano écrase un peu 'oila ta mère qu'elle vient te chercher !
            - " Bonjour M'sieur Avignon, vous avez fini a'c le petit ? C'est bon ?
            - " Encore deux ou trois coups d'ciseaux madame Teuma, et j'ai fini !
            - " Mais je 'ois que vous lui avez rien enlevé o m'sieur Avignon, que lui y l'a toujours les cheveux devant les yeux, hein mon fils que t'aimes pas ça c'est pas vrai ça que j'ai dis ?

            - " Ah oui m'am, oui oui c'est vrai ça que tu dis et ya un moment je lui disai moi aussi au coiffeur que je les aimerai un peu plus courts !

            - " Vous 'oyez quand je vous le disai Monsieur Avignon alors ne vous genez pas enlevez enlevez, je sens que le p'tit y va t'être content c'est pas vrai Nano ?

            - " Et oui m'an mais je va te demander une chose si t'yes gentille, c'est de m'acheter un calot pour que je le mets t'sur la tête à cause que j'ai peur de te prendre froid, et le bocal de la gomina que tata lucette a m'a fait cadeau, te peux le donner à Mr Avignon que moi je m'en servirai plus !

            NB : Gomina, Pommade que l'on mettait sur les cheveux pour qu'ils restent bien plaqués sur la tète ! Dans mon temps on diasit... Etre peigné à la Tino Rossi, ou peigné à l'embusqué !

Georges Barbara, septembre 2022


Chronique de P'tits Yeux
BONJOUR N°37 du 18 juin 1933, journal satyrique bônois.
La bataille des Cigognes

               Atso ! T'y as vu ? Encore les cigognes, elles se font la bataille, Ma larme guidetramorte ! Et où nous sommes, Dio saxophone ? Et quoi y vont faire, alors, le monde ? Cà y là ! Et alors !
               T'y as pas vu, ô Fanfan, toutes ces cigognes femelles en dessur le Tiate, quoi elles ont fait ? Maguar comme les femmes, à de bon ! ElIes ont fait une madone de dispute.
               Cà, oui ! Reusement que les hommes y sont pas emmêlés, pasqu'alors, sûr, une révolution elle venait.
               A qui c'est t'as dit que les hommes y sont pas emmêlés ?
               A qui c'est ? C'est un homme qui l'était à côté de moi et y se criait, fort à un vieux sourd à la mort : "Vous voyez çà, Monsieur, eh ben, çà c'est l'image de la vie !
               Arga-le, oh ! Quelle imache c'est çà, j'y a dit ? Cà, c'est une tannée en règle, taïba la sauce piquante, dousque le plus fort-il a donné à l'ote une castagne qui t'la laissé raide et tout afogué ! Ouala ! Pas comme vous otes, les Frangaoui, que vous criez comme les chiens kabyles et rien vous faisez !..

               Alors, y s'a mis en colère comme un coq enragé.
               Sûr ! J'y a dit pour qu'y vient encore plusque enragé, moi, si je serais Président de la République de la France, y a longtemps qu'à les Boches, je me les aurais fait comprendre, en dousque si y restent pas tranquilles, je m'leur donne,. à tous, quatre coups de tête empoisonnés, que je m'les envoie tous chez Tado, et assez…
               Alors, l'homme y m'a appelé : "Monsieur"
               Tchouche ! A toi, qui c'est qui t'appelle -Mesieu ?

               Et y m'a dit, ouche : "Monsieur, vous avez, en cela, Parfaitement raison ! " Tout ça à la parisienne !.
               Qué mé né foute à mé ?.
               En vitesse et, vite, je m'a ensauvé ! ensauvé !
C. Lui
 


À propos de lapsus…
Par M. Marc Donato

          Récemment, dans La Provence, est paru un article de Denis Trossero que seul un amoureux de notre langue a pu rédiger. J'ai apprécié et je vous donne copie.
          " La députée écolo Sandrine Rousseau a dû rassurer tous les enfants fâchés avec la langue, quand elle a lancé, il y a quelques jours, à propos de la manifestation de Sainte-Soline, sur le plateau de BFM, devant ses auditeurs en phase de sidération: "Nous avions la gorge qui grattions, nous avions les yeux qui brûlions." Et nous, les oreilles qui sifflions l

          Ce n'est pas nouveau. Il n'existe ni diplôme ni examen pour devenir député. Juste l'onction doucereuse des urnes, la légitimité hurlante du suffrage universel direct. Il suffit pour s'en convaincre de voir certains novices de la politique rester bouche bée face aux questions des journalistes, incapables de répondre. Eh oui, fallait réviser, ma bonne dame! Il ne suffit pas de mettre le GPS et de se rendre au Palais Bourbon!

          Depuis que la déflationniste Rachida Dati a confondu l'inflation et la fellation, les bavures sont à la hausse! On a beau gagner une érection, euh pardon, une élection, il vaut mieux bien parler à la France quand on est élu de la République...
          " Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ", écrivait joliment Nicolas Boileau.

          Nicolas, l'autre, lui, les a longtemps enchaînées... les bavures de la langue :
          "Madame la sénatrice, monsieur le sénateur, et tous ceux qui sont importants, bonjour", glissait-il dans son discours prononcé devant les ouvriers de Daher, à Montrichard, le 20 novembre 2008. Ou encore: "Tout étranger ayant des liens avec des activités terroristes doit être expulsée.

          "J'invite chacun à faire preuve de responsabilité, à faire un effort. Je vous demande d'être circoncis", a osé Martine Aubry, au Bureau national du PS, le 3 février 2010.

          "Je suis plus nombreux que jamais, écrivait Jean-Luc Mélenchon, qui rêvait sans doute de se démultiplier, sur son compte Twitter et son blog, le 9 janvier 2013.
          Bref, tout cela manque de rigueur et d'exemplarité !

          Christian Estrosi préférait écrire " Service publique " plutôt que " Service Public " et Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education nationale, écrivait professionnalisme avec un seul "n" sur les livres d'or, ce qui manque effectivement de professionnalisme !

          Du coup, on lui pardonne à la toujours verte Sandrine Rousseau! Allez, si vous ne savez pas quoi lui offrir pour Noël, un petit Bescherelle (Grammaire, orthographe, conjugaison… N.P.) lui fera toujours plaisir ".
          Bravo M. Trossero. Je rajoute qu'il y en a eu d'autres et parmi les plus truculents : Jean-Marie Le Pen, président du Front national, est invité en février 1984, à l'émission L'Heure de vérité. On lui pose bien des questions quand vient celle sur la peine de mort : pour ou contre ?
          Comme à son habitude, JMLP fonce dans le tas et trébuche : " Je suis effectivement partisan de la pine… de la peine de mort ".

          Alors ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux confond le fichier des empreintes " digitales " avec celui " des empreintes génitales ".

          Georges Marchais, alors secrétaire général du Parti communiste français, est interrogé en duplex dans le journal d'Hervé Claude, en décembre 1989. Celui-ci lui demande s'il n'est pas ébranlé de voir les démocraties populaires de l'ancien bloc de l'Est rejeter le communisme. Réponse de Georges : " Non, cela ne me branle pas dans mes convictions communistes ". Manquerait plus que ça !

          J'ai gardé la meilleure pour la fin et celle-là, je l'ai entendue en direct.

          En 1975, en plein débat à l'Assemblée nationale sur la classification des films pornographiques, le député RPR Robert-André Vivien prend la parole : " Monsieur le Ministre, il faut durcir votre sexe… euh, pardon, votre texte ! ". Voilà de quoi perdre toute crédibilité…

          Le lapsus est une anomalie du langage, de là à penser que nos politiques sont anormaux, il y a un pas que je ne franchirai pas !!!!

          Lapsus, consensus et compagnie
          Il ne faut pas se fier aux apparences, c'est le cas lors des rencontres avec certains mots qui vous plongent dans le délire. Le seul fait de les prononcer évoque par euphonie une image, une scène, un objet, une toute autre idée qui amène à penser à un sens du mot différent du sens véritable relégué alors au second plan. Mais, je vous l'accorde, le résultat est le fruit d'une imagination débordante jointe à un esprit mal tourné. On ne peut être mieux servi dans l'autoportrait. Merci de me reconnaître.

          Par exemple, tenez, comme aurait dit Cyrano, je vous parlais dernièrement de lapsus. C'est lui qui a tout déclenché. On le sait bien, il n'a aucun rapport entre un lapsus et la fellation, comme aurait dit Rachida Dati qui confond fellation et inflation. S'il y a défaut de langue, il s'agit de la langue en tant que langage, vous l'aurez compris. En latin, un lapsus, c'est une glissade, le dérivé d'un mot qui signifie trébucher, puis commettre une erreur. . Il s'agit bien du lapsus linguae d'où le fantasme vers l'onanisme buccal ; un lapsus calami, lui, eût fait couler beaucoup… d'encre, mais il est écrit à la main ; son frangin, le lapsus clavis, c'est l'erreur écrite à l'aide de l'informatique. Vous connaissez, c'est celui des gens des impôts qui se trompent parfois : " C'est la faute à l'ordinateur ! ". Mon œil ! Lapsus clavis, Monsieur le préposé, lapsus clavis !

          Le côté latin du lapsus et sa terminaison m'amène à consensus. Voilà un bien vilain mot, crieront les bonnes âmes offusquées ! Que nenni, Madame ! Un consensus n'est pas du tout ce que votre esprit mal intentionné imagine ! Même si on passe de consensus à consensuel, tout un programme ! Si nous pensons tous, vous et moi, que consensus ne désigne pas une forme d'insatisfaction sexuelle, de frustration sensuelle, et bien nous aurons été d'accord et nous aurons ainsi signé un consensus, un compromis, éventuellement, sans que pour autant avec ce dernier, il y ait eu promesse de mariage. Comprenne qui pourra !

          Une de mes jeunes amies me parlait récemment de son concubin. Effet de la période. Dans le temps, un couple hors de la norme législative ou morale était constitué par un amant et une maîtresse, et je vous passe la pluie de mots plus affectueux les uns que les autres dont les bien-pensants abreuvaient la fautive vivant dans le péché. Lui, le Monsieur, était épargné : à tout seigneur, tout honneur. Désormais, cette situation conjugale compagnonnique tendant à revêtir le costume de la normalité, on a adopté d'autres déterminants plus édulcorés : mon amie, mon compagnon… Et, plus rarement, mon concubin. Alors là, je vole à votre secours afin que surtout vous ne vous mépreniez pas : un concubin n'est pas un imbécile de La Havane ; encore que… il n'y a pas de raison que l'île de Castro soit épargnée par la bêtise.
          Mais preuve de ce que j'avance, c'est que ça ne passe pas avec une " concubine ". CQFD.

          Réfléchissez à deux fois quand vous direz d'un de vos amis qu'il est compétent. Vous ne penseriez jamais que ce pauvre homme, sot par nature bien évidemment, est de surcroît atteint d'aérophagie. Mais faut-il être tordu pour penser cela ! Mea culpa. Qu'est-ce que j'ai pu rire quand un soir de bringue du côté de Mulhouse, le pote alsacien qui nous recevait nous a avoué le lendemain qu'il était revenu chez lui avec la biture ! Son fort accent du Sundgau, donnait au mot toute sa saveur et conférait à l'intimité de mon ami toute sa splendeur. Le lendemain matin, je n'ai pas pu m'empêcher de présenter toutes mes félicitations à son épouse que j'imaginais comblée après une folle nuit d'amour.

          Mais j'ai gardé pour la fin le mot qui déclenche un maximum de folie imaginative.
          Pensez, il s'agit de concupiscent. Un concentré, celui-là ! En voilà un qui fait tout pour qu'un esprit mal tourné parte en live comme disent les djzeunses ; détachons les syllabes pour en être convaincus : con - cu - piscent. Quel spectacle ! Un show alliant tout à la fois Lido, Moulin Rouge et Zénith. C'est du foie gras linguistique, du caviar phonétique, de la truffe phonologique. Vous avouerez vraiment qu'il provoque ! D'autant que sa définition exacte s'applique bien à celui qui éprouve une forte inclination pour les plaisirs sensuels. Au moins, ce mot-là n'avance pas à pas feutrés, il annonce la couleur ! Concupiscent, peut-être, mais honnête !
          Je vous invite à faire comme moi, amusez-vous avec les mots, ils procurent un plaisir concupiscent infini qui n'a pas fini de me ravir.
          Bien à vous,
Décembre 2022 - Marc DONATO


L'ECOLE PRIMAIRE EN ALGERIE
Par Jean Claude Saint Marc
ACEP-ENSEMBLE N° 302-décembre 2016
                  
               La vérité sur l'école en Algérie entre 1948 et 1962, j'en ai assez d'entendre ce lien commun "en Algérie on apprend nos ancêtres les gaulois".
                C'est une image bien réductrice de notre enseignement en Algérie.

                Scolarisé à 6 ans dans un cour préparatoire d'un petit village près de Sidi Bel Abbés, voici comment nous apprenions à lire et écrire dans cette classe où sur 25 élèves il y avait 23 petits arabes, 1 pied noir et moi le métropolitain.

                Nous avions un livre : "La lecture liée au langage ; nouvelle méthode à l'usage des CPI et CP des écoles nord-africaines" édition A. Hatier de 1952.

                En complément il y avait des lettres mobiles, de petites étiquettes cartonnées à usage de chaque élève et de grandes étiquettes pour être affichées en classe.
                66ème leçon : il y a un petit texte à lire

                " Dans la rue. Balek ! balek ! Disait un balayeur, pendant que son âne faisait : hi-han hi-han effrayé, Ferhat criait : maman ! - n'ayez pas peur, mon garçon, mon âne n'est pas méchant ! "

                Nous apprenions à faire de belles lettres et de jolies arabesques en comptant les carreaux et les lignes sur notre feuille de cahier.
                Plus grands, nous apprenions cette belle poésie "Blida petite rose du Sahel"

                En géographie, dans les classes de CE et de CM, nous étudions les fleuves et les montagnes de France et d'Algérie. L'Algérie est traversée d'est en ouest par l'Atlas Tellien et l'Atlas Saharien entre lesquels se trouvent les hauts plateaux. Les rivières qui coulent vers la Méditerranée arrosent des régions fertiles, les oueds qui coulent par intermittence vers le sud se perdent dans le désert du Sahara.

                Les cours d'histoire faisaient référence à l'instruction de 1949. Voici la préface de notre livre du Cours Elémentaire des éditions Hachette de 1950 :
                " Nous offrons aux maîtres et aux élèves du Cours Elémentaire un livre unique qui traite à la fois l'histoire de la France et l'histoire de l'Algérie.
                Ce livre est conforme aux instructions et aux programmes du 7 septembre 1949.

                Nous avons tenu à faire correspondre à chaque scène de l'histoire de France une scène de l'histoire d'Algérie. Parfois nous avons pu établir un parallélisme presque idéal entre certains faits : c'est le cas de Vercingétorix en regard de Jugurtha, d'une ville gallo-romaine comparée à une cité romanisée d'Afrique du Nord ; mais nous n'avons pas voulu tomber dans l'esprit de système ; le plus souvent, nous nous sommes contentés d'un parallélisme d'ordre chronologique. II est essentiel que l'élève sache rapprocher les faits contemporains et qu'il puisse répondre à la question : " Que se passait-il en Algérie à l'époque où tel événement arriva en France

                Ce synchronisme appliqué à l'ensemble des leçons nous paraît en tous points préférable à l'addition, en fin de volume, d'un supplément sur l'histoire de l'Algérie.

                Nous avons fait, d'autre part, le plus large appel aux méthodes actives : observation de gravures, toujours claires et démonstratives ; exercices pratiques, nombreux et variés (enquêtes, études locales, dialogues, scènes mimées, dessins faciles à reproduire). Pour élargir encore le champ des méthodes actives, nous avons remplacé, dans certaines leçons, le résumé tout fait par un exercice collectif de préparation du résumé. Les élèves chercheront eux-mêmes dans les diverses parties de la leçon les matériaux du résumé à construire. Bien entendu, cet exercice ne peut être profitable, au niveau du Cours Elémentaire, que si le maître conduit pas à pas le travail des enfants.

                Chaque leçon comprend une partie de lecture (Lisons), rédigée sous la forme d'un récit vivant et concret qui doit frapper l'imagination des enfants et rester fixé dans leur mémoire. Des leçons de révision, portant sur chaque grande période de l'histoire, confirment les résultats acquis. Les dates, réduites au nombre minimum, sont présentées en tableaux composés de manière à susciter l'effort des élèves et à faire valoir le synchronisme de l'histoire de France et de l'histoire d'Algérie.
                Ainsi, dès le début de la scolarité, nous apprenons "les Gaulois" et "Berbères et Phéniciens".

                La 9ème leçon est consacrée aux rois fainéants et à Mahomet. 22ème leçon : La révolution française et l'Algérie Turque.

                Au cours moyen, nous avions un joli livre de lecture " Les lectures de l'Afrique du Nord" des éditions Nathan (1953) de J H Dubascoux - Légendes Nord africaines et je retiens particulièrement cette légende arabe :
" Pourquoi les moutons ne connaissent ni la faim ni le froid... "

                " Un jour, poursuivi par ses ennemis, le prophète Mohammed fuyait, Il fuyait dans la campagne nue que brûlait le soleil de midi
                L'écho portait à ses oreilles les cris farouches des poursuivants : " à mort ! Qu'il soit lapidé ! "
                Et le prophète haletant, fouillait du regard l'espace dénudé, à la recherche d'un refuge.
                Mais rien, pas un arbre, pas un buisson, pas une roche.
                Il arriva près d'un troupeau de chèvres qui cabriolaient sur la pente aride d'un talus : " O chèvres, pria-t-il, au nom du dieu unique, cachez-moi parmi vous ! "
                Mais les chèvres s'écartèrent et se dispersèrent, refusant d'abriter le prophète épuisé.
                O chèvres, que Dieu vous maudisse : s'écria-t-il, courroucé, et que la faim et le froid soient votre lot désormais ! "

                Poursuivant sa course désespérée, Mohammed arriva auprès d'un troupeau de moutons qui allait, à la recherche d'un pâturage : O moutons, pria-t-il encore, au nom du Dieu unique, cachez-moi parmi vous ! "
                Et les moutons, compatissants, se pressèrent l'un contre l'autre, et parmi eux le Prophète était invisible. Arrivés à cet endroit, ses ennemis, ne le virent point et fatigués d'une poursuite vaine, ils retournèrent à la ville.
                " O moutons que Dieu vous bénisse, dit Mohammed, Vous ne connaîtrez plus la faim ni le froid désormais. Et depuis ce jour, les moutons bénis trouvent leur pâture en tous lieux, en toutes saisons ; leur épaisse et grasse toison défie les rigueurs de l'hiver.

                Cependant, la chèvre maudite, toujours vorace et affamée, s'attire la colère des hommes ; et les bises de l'hiver, traversant son poil rêche et plat, ciblent sa peau de mille et mille piqûres. "


    


A un enfant
Envoyé par M. Christian Graille

                 Enfant, vous êtes gracieux parmi les hommes.
                 Toujours sur votre lèvre un doux sourire éclot
                 Comme une fleur charmante et tandis que nous
                 Rêveurs et sans sommeil, votre œil pur, lui, se clôt.

                 Même dans le sommeil vous avez le sourire.
                 Et tandis que nos fronts se plissent, que nos yeux
                 Errent creusés par les chagrins et le délire
                 Vos yeux sont purs, profonds et gais comme des cieux.

                 Dans votre couche aux blancs rideaux de mousseline
                 Vous souriez à tout ; votre front radieux
                 Semble entouré d'une lueur divine
                 Comme d'un nimbe d'or, rayon tombé des cieux.

                 Ne viendrez-vous pas du pays des étoiles
                 Enfant ? Oh ! mais alors que faire parmi nous ?
                 Et pourquoi délaisser ces paradis sans voiles ?
                 Quitter le sein de Dieu ce divin Rendez-vous ?

                 Descendre jusqu'à nous partager notre peine
                 Et porter avec nous nos fardeaux chaque jour ?
                 Pourquoi venir baigner votre âme en notre haine
                 Puisque cette âme est débordante d'amour ?

                 Lorsqu'a cœur, ce lis pur rit de nos cœurs fanés ...
                 Et puis vous grandissez pendant que le temps vole
                 Et vous ne m'avez jamais dit d'où vous venez ?...

Floréal. Les clochettes algériennes et tunisiennes (09-03-1902)


Blida
Envoyé par M. Christian Graille

                 Nous arrivons à Blida, le pays par excellence où fleurit l'oranger. Blida 28.000 habitants est la ville la plus importante de la Mitidja et la sixième par sa population.
                 Presque entièrement détruite par un tremblement de terre en 1825, et pendant les assauts qu'elle subit au moment de l'occupation française, elle ne compte que peu de maisons arabes. Aussi Blida n'a-t-elle guère conservé son caractère oriental. Elle ressemble à une sous-préfecture de la métropole. Mais ce que n'ont pas nos sous-préfectures, c'est le ciel bleu, le soleil d'Afrique dont " la lumière " répand sur toute chose un sourire éblouissant qui est la fête perpétuelle des yeux ". Blida possède de belles avenues plantées : d'orangers de palmiers et de magnifiques platanes.

                 Elle est entourée d'un mur percé de sept portes et protégée par le fort Mimich qui domine la plaine. A une faible distance, coule l'Oued-el-Kébir, ou grand fleuve, aux eaux abondantes sur lequel on a construit : des minoteries des pressoirs à huile et des fabriques de pâtes alimentaires et de papier.
                 Un dépôt de remonte occupe tout un quartier de la ville. Des boxes y sont aménagés qui peuvent contenir 500 étalons. L'installation de cet établissement est remarquable. On y voit de jolis chevaux pur-sang arabe et principalement des barbes. Tous ces chevaux sont installés en plein air, abrités seulement par un toit contre les averses ou les ardeurs du soleil : ce détail en dit long sur le climat de la contrée.

                 Le quartier indigène de date récente comme la ville européenne est relativement bien construit : les rues y sont : larges bien alignées et propres, mais sans cachet. Des maisons basses présentent régulièrement leurs petites échoppes servant de magasins ou d'ateliers. Les métiers y sont groupés par rues : ici les marchands de comestibles, plus loin les négociants en tissus ; dans une autre rue les forgerons dont l'enclume résonne à nos oreille tandis qu'en face les menuisiers poussent la varlope ; ailleurs des hommes accroupis brodent en silence avec des fils d'argent des porte-monnaie en maroquin.

                 Et toujours, à côté de quelques travailleurs, beaucoup de paresseux. Dans toute la ville les indigènes paraissent jouir d'un bien-être que nous n'avons pas rencontré ailleurs. Ils ont les traits moins étirés ils sont moins loqueteux et leurs burnous sont presque blancs.
                 Les autres curiosités de Blida sont : le superbe jardin Bizot puis le Bois Sacré, véritable forêt d'oliviers plusieurs fois séculaires, gros comme des noyers, sous lesquels s'abritent des ficus et des mimosas.
                 Ces troncs antique, ces branches noueuses et tordues, ce feuillage épais que traversent de rares éclairs de lumière font penser aux forêts de la Gaule que fréquentaient les druides.
                 La présence sous ces ombrages d'une kouba ne contribue pas peu à cette idée.

                 Le monument a été élevé à la mémoire du marabout Sidi-Yacoub. C'était un pauvre diable vivant d'aumônes ; sa vie, toute d'austérité et de folie mystique a fait passer son nom à la postérité. Sous la coupole bleue où reposent ses cendres brûle constamment une pâle veilleuse.
                 Par la grande porte ouverte, nous avons pu voir les indigènes des deux sexes, les pieds nus, accroupis autour de son tombeau.
                 Un iman de sixième ordre, en sons gutturaux, adressait des invocations à Allah. J'ai compris les élans de sa prière, après qu'on m'eut expliqué qu'il recevait les offrandes faites au saint et qu'il en vivait.
                 Et je n'ai pu m'empêcher de penser que dans tous les pays la foi appelle l'exploitation.
Voyage en Algérie par M. Meunier
Directeur d'école primaire supérieure (1909)


Boufarik
Envoyé par M. Christian Graille

                 Nous voici dans la plaine de la Mitidja, large de 23 à 30 kilomètres. Au Nord elle est dominée par les coteaux du Sahel, à pentes douces couvertes de vignobles.
                 Les fermes et les villages à moitié cachés par les orangers et les oliviers, s'alignent au pied de ces coteaux.
                 Au Sud se profilent les chaînes boisées de l'Atlas tellien, semblables aux croupes du Jura méridional. Elles limitent et découpent agréablement l'horizon.
                 Entre ces deux séries de hauteurs inégales, la plaine étale à perte de vue : ses immenses champs de céréales, ses prairies artificielles, ses plantations de vignes aux lignes interminables : C'est la grande culture.

                 De loin en loin les ferment se dissimulent et s'abritent derrière un bouquet d'eucalyptus. A quelque distance, les gourbis des indigènes employés à l'exploitation de la propriété. Mais subitement l'air s'embaume : nous approchons Boufarik présentent leurs bataillons serrés, à la vue du touriste émerveillé.
                 Quelques arbres sont chargés de fruits d'or ; la plupart sont couverts de fleurs dont le parfum remplit l'Atmosphère.
                 Au milieu de ces jardins, Boufarik, avec de larges avenues qui se coupent à angle droit, et où alternent : les palmiers, les orangers, les mimosas.

                 Tout cela sous un ciel sans nuage et inondé de lumière, ressemble à un décor de théâtre. Quand on essaye de préciser ses souvenirs, il semble que l'on ait vu ce pays dans un rêve.
                 La caravane ne devait pas s'arrêter à Boufarik, car le temps manquait, si on voulait arriver pour les fêtes du soir à Alger.
                 Afin de nous dédommager dans la mesure du possible, M. Meunier, qui a visité la région, nous donne sur elle les détails suivants : " Boufarik, était lors de la conquête, un pays marécageux où la fièvre régnait en permanence. C'était cependant un centre de réunions pour les Arabes de la contrée.

                 Aujourd'hui encore se voit, sur l'emplacement du marché, l'arbre sous lequel, le lundi le cadi rendait la justice. Si l'on en croit la légende, à cet arbre même étaient pendus les condamnées à mort. Il est vrai de dire que l'Agha d'Alger, de qui relevaient les cadis, avait seul le droit de prononcer la peine capitale.
                 La résistance des indigènes étant acharnée, les révoltes se renouvelant sans cesse contre nos troupes, en 1835, Drouet d'Erlon, au milieu des marais, installa un camp pour tenir en respect les indigènes puis fonda une ferme qui porte encore son nom.
                 Trente-cinq petits marchands cantiniers et ouvriers d'art, vinrent se grouper, à proximité des troupes, sous des gourbis faits : de branchages, de roseaux et de paille de marais.

                 Telle fut l'origine de Boufarik. Le baron de Vilar y fonda bientôt une sorte de maison de refuge, servant aussi d'hôpital, que dirigea le dévoué docteur Pouzin.
                 Soldats et colons, trop souvent, payèrent de leur vie un séjour quelque peu prolongé dans le pays. Les fièvres en emportèrent des foules, malgré l'énorme consommation de sulfate de quinine. Celui-ci se débitait dans les cantines en guise d'apéritif et de digestif.

                 En 1842, sur 300 habitants il en périt 92, et ceux qui échappent à la pernicieuse fièvre ont le visage vert et bouffi. Aussitôt, pendant longtemps était-ce l'habitude en Algérie de dire d'un fiévreux : il a la figure de Boufarik.
                 La passion de la chasse fit aussi de nombreuses victimes : dès qu'un imprudent s'aventurait à la recherche d'un gibier dont le nombre excitait la convoitise des colons, un Arabe caché derrière quelque buisson du maquis s'élançait subitement sur lui, le terrassait et lui coupait le cou, emportant sa tête sanglante en signe de trophée.
                 C'est pour parer à ces éventualités sinistres qu'un télescope avait été installé à l'observatoire du Camp d'Erlon. Tous les matins un sous-officier fouillait, explorait la Mitidja. Quand des parties ennemies étaient aperçues rôdant dans la plaine, ce sous-officier en donnait immédiatement avis ; la ville était alors consignée pour tout le monde, et les pavillons étaient hissés. (Colonel Trumelet.)

                 Bref, les débuts furent excessivement pénibles. Mais la ténacité de nos hommes finit par avoir raison de l'hostilité des Arabes et de l'insalubrité du pays.
                 Par des travaux de canalisation, on assainit le sol, et aujourd'hui Boufarik est une belles ville avec de larges rues ombragées de palmiers et surtout de superbes platanes plantés en 1843.
                 M. Borély de la Sapie, qui fut longtemps à la tête de l'administration de Boufarik, peut, avec le service des ponts et chaussées, revendiquer l'honneur de cette merveilleuse transformation.
                 La plupart des maisons construites à l'européenne, sont entourées de jardins.
                 Sur la place principale en 1887 a été érigée une belle statue du sergent Blandan, le héros de Béni-Méred.

                 A l'Ouest de la ville, près de la route de Blida, se trouve le marché. Tous les lundis trois ou quatre mille Arabes y accourent. Les transactions sont nombreuses et portent sur : les céréales, le foin, les oranges et surtout les moutons.
                 Il n'est pas rare, en juillet, août et septembre de compter 32.000 têtes de bétail. Le vendeur paie un droit de place de 10 centimes pour chaque animal. Ainsi le marché est-il affermi 45.000 francs.
                 Il convient d'ajouter que, ce qui arrive assez souvent, si les marchands venus de France, craignant de ne pas trouver une provende suffisante sur le marché du lundi, vont le dimanche à la rencontre des troupeaux et traitent séance tenante, ils doivent néanmoins acquitter le droit en passant à Boufarik, bien que ne pénétrant pas sur la place du marché.

                 Les environs immédiats de Boufarik, et toute la belle et vaste plaine de la Mitidja, sont livrés à la grande culture. En premier lieu il convient de placer celle de la vigne. Le phylloxéra ayant chassé de France de nombreuses familles de vignerons qui émigrèrent en Algérie, on songea tout naturellement à utiliser cet élément précieux et on planta les premiers ceps.
                 Les résultats merveilleux que l'on obtint ne firent qu'encourager la masse, et la création de vignobles marcha à grandes enjambées et à tel point qu'on se demande à l'heure actuelle s'il ne serait pas temps d'enrayer, dans la crainte d'une surproduction qui entraînerait la mévente dont se plaignent déjà les viticulteurs français.
                 Plusieurs maisons de la région exploitent chacune 1.200 à 1.800 hectares.
                 Pour 1.500 hectares par exemple, plantés en vigne dans une même ferme, on trouvera également : 50 hectares d'orangers, autant de tabac, de géranium ; également des pâturages pour l'élevage du cheval de sang.

                 Des gardes kabyles assurent le respect des récoltes, notamment contre les chacals très friands de raisin, mais aussi contre les indigènes chapardeurs.
                 Au moment de la vendange on engage les Arabes et les Kabyles par milliers. On les paie 2 à 3 francs par jour, avec pain et raisin à discrétion.

                 On fait aussi beaucoup d'essence de géranium, qui se vend 250 à 300 francs le kilogramme, et remplace l'essence de rose, qui vaut 1.200 à 1.300.
                 Mais au cours de ces explications, le train a marché, et bientôt M. Meunier nous signale sur la route qui, de loin, reste parallèle à la voie ferrée, une large dépression de terrain que les cultures tendent à niveler chaque année et où, le 11 avril 1842, le sergent Blandan préféra mourir plutôt que de se rendre aux Arabes qui l'attendaient, couchés dans le ravin que traverse la route.
                 Puis c'est le village de Béni-Méred, où, sur la place principale, se dresse une fontaine surmontée d'un obélisque. C'est un monument élevé à la mémoire de Blandan et de ses compagnons d'armes.
                 Sur les faces sont inscrits en français et en arabe le récit du combat de Béni-Méred et les noms des 21 braves qui tombèrent sous les coups des cavaliers ennemis. Notre histoire militaire est pleine d'exemples de ce genre.
Voyage en Algérie par M Meunier,
Directeur d'école primaire supérieure 1909


LA CULTURE DU PAYS
Envoyé par Annie
UN PEU DE LA CULTURE DU PAYS QUI N'EXISTE PLUS !!!

         C'était une petite place près du Ruisseau,un quartier à l'Est d'Alger
         A la terrasse du café on se retrouvait tous, pour manger une tchouktchouka ou un couscous.
         Mais pour trouver une place il fallait faire fissa, et avoir, comme on dit, la baraka.
         Sitôt assis, c'était anisette et kémia, olives, anchois, fèves au cumin, ma parole soua-soua.
         Il aurait fallu être babao ou badjoc pour pas venir, bizlouche ou maboul pour s'abstenir.
         Entre copains l'ambiance était bonne, sans tcheklala. On rigolait de ceux qui attendaient, ils avaient la rabia.
         On leur disait : vous avez la schkoumoune aujourd'hui,le mieux c'est d'aller chez Mansour, manger le méchoui.
         Y'en a un il m'a dit : va t'faire une soupe de fèves, je laisse pas ma place, même pas en rêve.
         Il devait aimer manger, vu sa pantcha,et j'avais bien l'impression qu'il ne ferait pas scapa.
         Arrivés au dessert, y'en a qui étaient de bouffa. ça parlait fort, ça chantait à capella,
         On se traitait de boudjadi, de tchoutche, de gavatcho,il y avait une purée d'ambiance, poh! poh! poh!
         Et l'autre répondait : tu veux une calbote ou une botcha (interdit aujourd'hui par l'Europe, hi,hi). mais entre nous,
         Pas de coup de zouzguef, des ennemis, y'en avait pas bezef.
         Il y avait une chouïa d'embrouille parfois, mais jamais de coups sournois.
         Bon allez, vinga, il faut qu'on y aille, la purée, il faut qu'on retourne au travail.

Bernard SATRAGNO



De la colonisation
Envoyé par M. Christian Graille

                 L'assimilation du peuple arabe demeurera un rêve irréaliste, tant que les efforts dirigés vers ce but ne s'adresseront pas à la fois, au sol et aux hommes c'est-à-dire tant que l'œuvre de civilisation n'aura pas pour base la colonisation. Le moyen consiste à profiter du régime actuel de la propriété dans les tribus arabes, pour appliquer à chacune d'elles, avec : les ménagement, la discrétion et surtout le discernement que cette opération commande, le principe d'expropriation pour cause d'utilité publique, principe qui, sous sa forme européenne, serait souverainement impraticable, mais qui, sous une forme différente peut recevoir une application utile.

                 Et de même que le droit d'expropriation pour cause d'utilité publique contient pour l'Europe le germe d'une transformation radicale, dont les deux peuples ne tarderaient pas à recueillir les fruits.
                 Introduire successivement dans chacune des grandes tribus soumises le capital européen, associer dans un travail commun l'ouvrier chrétien et l'ouvrier musulman, n'est-ce pas le moyen d'imprimer à la soumission le sceau indélébile de l'intérêt ? N'est-ce pas le moyen d'utiliser le sol et les hommes et par la suite de les civiliser ?
                 Mais c'est mieux que cela encore ; car si on réfléchit à la portée de cette mesure, on reconnaîtra qu'elle fournit le moyen le plus efficace de domination.
                 Quel est en effet le seul instrument dont nous ayons fait usage jusqu'ici pour dominer le pays conquis, Les camps.

                 Qu'est-ce qu'un camp ?
                 Un espace assez restreint fermé par une enceinte et occupé par une garnison, c'est-à-dire par une population inerte qui, retranchée derrière ses remparts, se borne à crier qui vive et à faire feu, si on ne lui répond pas : par une population qui ne peut que menacer et qui ne peut rien promettre, par une population qui ne laisse sur le sol que la trace de ses pas, qui vit pour elle-même et par elle-même, qui ne s'inquiète pas de chercher le parti qu'elle pourra tirer du paysan arabe parce que pour cette population armée et irascible, le paysan arabe est un ennemi, contre lequel il faut toujours être prêt à sévir.
                 Dans l'établissement des camps on a toujours recherché plutôt des positions militaires, que des positions dominantes.
                 Or, les positions dominantes en Algérie doivent être choisies non pas tant en vue du sol qu'en vue des hommes qui l'habitent.

                 En établissant le camp, on ne s'est pas généralement demandé dans quelle tribu on le plaçait. Il en résulte que le camp français n'a avec la population indigène qui l'entoure, que des rapports accidentels et ne prête pas à la domination du pays tout le secours qu'il pourrait lui prêter.
                 Pour que ces établissements militaires fussent des instruments efficaces de domination, il faudrait considérer chaque grande tribu comme une cité influente et asseoir le camp au milieu de son territoire comme une citadelle.
                 Malheureusement des camps coûtent au trésor des sommes immenses, autant par les travaux qu'il exige que par les hommes qu'il absorbe.
                 C'est pour cela qu'ils sont clairsemés et que, tout en dévorant chaque année 100 millions, leur action est bien loin encore d'atteindre tout l'espace qu'ils comprennent entre eux.
                 Aussi ce qui nous préoccupe, c'est la nécessité de fonder en Algérie quelque chose de vivant à côté de ces forces mortes ; quelque chose qui, comme le camp, présente une agglomération d'individus associés par un lien puissant mais qui ait sur la population des camps l'avantage de tenir au sol.

                 Au lien de la discipline nous voulons ajouter celui de l'intérêt. Or, la réserve faite par l'Etat sur les territoires des grandes tribus et concédée par lui à des compagnies financières, peut être assez considérable pour offrir les mêmes avantages qu'un camp, sans en avoir les inconvénients.
                 Car le nombre des familles attachées à la mise en valeur d'une concession et par suite l'action défensive du groupe dépend de l'étendue de la concession ; elle dépend aussi de sa situation. Il arrivera même qu'une concession vaste, placée dans des conditions favorables, refermera le germe d'une grande ville.
                 Plusieurs esprits ont été frappés de ce qui avait de vicieux dans l'usage adopté en Afrique de s'établir dans les villes mauresques, détruisant leurs maisons pour les reconstruire et chassant la population sédentaire et paisible pour la voir ensuite revenir contre nous nomade et armée.
                 Il serait plus sage, en effet, et moins coûteux aussi de construire des villes neuves comme celles de Philippeville et de Guelma que d'appliquer aux cités musulmanes l'opération du couteau de Jeannot.

                 Mais est-il juste que ce soit toujours au trésor public à faire les frais de ces créations ? N'est-ce pas à la terre elle-même, concédée par lots considérables, à en acquitter les dépenses et à garantir les bénéfices de cette prise de possession ?
                 En un mot, une partie de l'Algérie soumise, appelle comme complément et comme gage de stabilité de notre domination la création de camps : civils industriels ou agricoles ; ces camps ne peuvent s'établir sous le régime d'isolement ou de morcellement qui a présidé jusqu'ici à tous les efforts de colonisation.
                 Le germe de ces camps n'est : ni dans la ferme de la Mitidja, ni dans le village du Sahel. Non la première ferme est trop isolée et la seconde trop décousue.
                 Le germe de ces camps est dans l'application à quelques grandes tribus du principe d'échange territorial et dans la concession à des compagnies financières des terres résultant de cette application.
                 Les compagnies financières ne sont-elles pas aujourd'hui, elles aussi, les grandes tribus les tribus influentes de notre vieille Europe ?

                 Donnons un exemple : Pour assurer la domination dans la province de Constantine, il y avait deux villes à créer sur la ligne moyenne du Tell, savoir, l'une à Tifech ou Khemiça, et l'autre dans le Sera.
                 Il serait évident pour tout le monde que ces deux positions sont bien indiquées, puisque Tifech occupe l'origine de la vallée de la Seybouse et Khemiça, qui en est tout voisin, celle de la vallée de la Medjerda.
                 Or, Tifech se trouve compris dans le territoire de la plus forte tribu de la province de Constantine celle des Hanencha, et cette portion de leur territoire est précisément celle qui conviendrait sous tous les rapports à la fondation d'un grand établissement ; car cet établissement joindrait aux éléments de prospérité qu'il pourrait trouver dans l'agriculture, ceux que l'excellente position commerciale de Tifech lui garantirait.

                 Il en est de même pour la ville du Sera où la position la plus convenable pour un établissement devenu aujourd'hui si utile entre Constantine et Sétif, serait comprise dans le territoire des Ouled-Abd-En-Nour, l'une des tribus les plus considérables de la province.
                 L'échange territorial conduirait donc à la fondation successive dans plusieurs tribus de la province de Constantine d'établissements qui pourraient devenir très considérables si les concessions étaient faites sur des bases assez larges pour donner lieu à un grand développement d'efforts.
                 Ces établissements sans avoir coûté à l'Etat autre chose que des terres, contribueraient puissamment à la stabilité de notre domination ; puisque leur action s'étendrait au moins aussi loin que celle des camps et que leur nombre pourrait se multiplier davantage.

                 Dans les efforts auxquels ces diverses exploitations donneraient lieu, les indigènes seraient les premiers à demander une participation et à s'associer aux familles européennes.
                 L'action de ces camps civils serait donc plus efficace et plus énergique que l'action compressive des camps militaires ; les premiers auraient pour effet de créer des intérêts communs, les autres n'engendrent qu'une défiance réciproque.
                 Au reste, cette association d'efforts entre les Européens et les indigènes serait assurée principalement par le choix des personnes chargées de la direction de ces grandes entreprises.
                 En effet, si elles ont les proportions que nous concevons qu'elles les peuvent et qu'elles doivent avoir, le soin de les diriger ne peut plus être l'affaire d'un simple fermier.
                 Elles acquièrent par leur étendue, une importance à la fois financière et politique qui impose l'obligation de ne les confier qu'à des hommes : d'une capacité d'une intelligence et d'un caractère éprouvé.

                 Il en serait de ces entreprises comme il en est des chemins de fer. Les directeurs des chemins de fer forment, eux aussi, le lien entre les banquiers et les travailleurs, et l'on sait l'énorme influence que ces positions assurent à ceux qui les occupent.

                 De même la direction des grandes entreprises agricoles ou industrielles auxquelles l 'Algérie peut donner naissance, ne saurait être remise qu'à des mains d'élite.
                 Or, si on réfléchit à la triste situation dans laquelle se trouve aujourd'hui un certain nombre d'officiers du plus grand mérite : qui végètent dans les bureaux arabes sans aucun espoir de fortune et souvent sans espoir d'avancement, on comprendra que plusieurs d'entre eux n'hésitent pas à prendre dans l'exploitation du sol algérien, sous cette forme nouvelle, une place qui leur assurerait en même temps dans le gouvernement du pays conquis une influence bien supérieure à celle qu'ils y exercent en ce moment.

                 Parmi ces officiers, qui placés aujourd'hui en sous ordre, forcés de composer sans cesse avec : l'ignorance les vues étroites et les tracasseries de leurs chefs, n'exercent sur la marche des affaires qu'une action subalterne, n'en est-il pas qui préféreraient cette belle et grande liberté d'action que les compagnies financières laissent presque toujours aux hommes investis de leur confiance ?
                 N'en est-il pas qui préféreraient appliquer, avec l'indépendance qu'assure la haute gestion des grands intérêts, les vues que leur ont inspiré l'étude et la pratique du peuple arabe, plutôt que de demeurer, sans profit pour eux, les instruments trop souvent passifs d'un pouvoir inintelligent.

                 Nous connaissons assez plusieurs de ces officiers pour être assurés qu'ils n'hésiteraient pas à saisir une occasion qui leur restituerait la part d'autorité dont leur mérite les rend dignes et dont les prive trop souvent une organisation vicieuse et bâtarde.

                 Mais indépendamment du bien qu'ils peuvent faire aux populations soit indigène soit européenne, indépendamment de cette association d'intérêts entre les deux peuples, dont la réalisation deviendrait leur ouvrage, quand, pour prix de leurs efforts, ils trouveraient, au bout de cette carrière, non seulement la gloire et l'autorité mais encore la fortune, quand les vivificateurs du sol en deviendraient les premiers fondateurs, en vérité, ne serait-ce pas de toute justice ?
                 En résumé l'application du principe d'échange territorial entraîne l'admission d'un autre principe, celui des grandes concessions.

                 L'adoption de cette double mesure donne naissance à des centres civils de domination, qui complètent l'action des établissements militaires.
                 Elle utilise des forces que le régime actuel néglige ou dissipe ;
                 Elle utilise le sol, que le capital européen peut seul vivifier ;
                 Elle utilise les bras du paysan arabe, que l'état misérable de l'agriculture et de l'industrie indigène énerve et alanguit ; elle utilise les bras du colon européen que, dans l'état actuel, l'isolement brise et décourage ; elle utilise de belles et énergiques natures que l'Algérie a fait éclore et que la hiérarchie militaire sous son joug de plomb ; elle utilise enfin le premier et le plus puissant des instruments de travail, le capital, qui commence à trouver l'Europe trop étroite et cherche au-delà des mers un aliment nouveau à sa dévorante activité..

L'Algérie courrier d'Afrique,
D'Orient et de la Méditerranée. (22-02-1848)


Eruptions volcaniques
Envoyé par M. Christian Graille

                 Il n'est peut-être pas trop tard pour parler de l'épouvantable catastrophe qui a anéanti en quelques seconde une ville florissante.
                 Pendant longtemps hélas ! On n'en reparlera encore, ne serait-ce que pour soulager les malheureux qui ou eu la chance ou le courage de survivre à l'horrible fléau.
                 Nos lecteurs connaissent les faits ; par une belle matinée du mois de mai, le volcan de la montagne pelée a vomi sur la ville de Saint Pierre :des torrents de feu de cendres de gaz asphyxiant.

                 Sous l'influence de ces causes de destruction, les maisons ont été renversées, les rues ont été recouvertes d'une épaisse couche de cendres et de scories et presque toutes les créatures humaines qui se trouvaient comprises dans le rayon d'action de l'éruption ont succombé : sur une population de 28.000 habitants, 30 personnes à peine, à moitié brûlées ou asphyxiées ont réussi à s'échapper.
                 Ce terrible désastre rappelle toutes les catastrophes antérieures inscrites dans l'histoire de l'humanité ; il rappelle surtout d'une façon très frappante, sur plus d'un point, la destruction de Pompéi et Herculanium.
                 Comme ce dernier cataclysme, dont les historiens nous ont conservé le souvenir, il est dû à l'action incessante, bien que souvent obscure du feu central.

                 On sait que le noyau de la terre est en ignition. Notre planète en effet n'a pas toujours été une planète : il y a de longues années elle était étoile, c'est-à-dire que sa masse toute entière était en feu et qu'elle brillait ainsi d'un éclat propre.
                 Mais à cette période stellaire a succédé une période planétaire dans laquelle nous sommes encore. La terre s'est progressivement refroidie et, naturellement c'est sa surface qui s'est d'abord éteinte.
                 Cette énorme masse en fusion s'est donc recouverte d'une croûte refroidie, habitable pour des êtres humains, dont l'épaisseur s'accroît continuellement, mais avec une extrême lenteur ; à dater de ce moment l'étoile s'est éteinte ; notre planète ne brillait plus que comme la lune, en réfléchissant la lumière du soleil.
                 Nous sommes donc séparés du noyau central encore, encore incandescent, par une croûte, une mince écorce dont on évalue actuellement l'épaisseur à 50 kilomètres ; c'est quelque chose sans doute, mais ce n'est rien par rapport au rayon de la terre qui est de 6.000 kilomètres ; cette mince croûte est moins épaisse comparativement que la peau qui recouvre une pomme ; c'est elle cependant qui nous permet de trouver à la surface de la terre des conditions d'existence favorables.

                 J'ai dit que le noyau central se refroidissait, progressivement ; comme tout corps dont la température s'abaisse, son volume diminue en même temps, il se rétracte et tend à quitter le contact avec l'écorce refroidie ; celle-ci, n'ayant plus de soutien, tend alors à s'affaisser.
                 Elle se ride comme la pomme que je choisissais tout à l'heure comme exemple ; ainsi s'expliquent les énormes bouleversements qui ont donné à la terre l'apparence tourmentée que nous lui connaissons.

                 Les phénomènes volcaniques, tout en se rapportant au feu central, reconnaissent cependant un mécanisme un peu différent .
                 L'énorme masse ignée qui bouillonne encore au centre de la terre a besoin de s'épancher par moment au dehors ; les immenses cheminées qui servent à cet usage sont les volcans.
                 Toute éruption volcanique passe par une série de phases successives qui sont bien connues et qui devrait mettre les humains en garde.
                 Il est bien rare, en effet, que quelques jours avant l'explosion de la lave on n'entende pas des bruits souterrains de roulements de tonnerre précurseurs de l'orage.

                 Ces avertissements sont la règle et ils n'ont pas manqué à la Martinique. J'ai eu sous les yeux une carte postale adressée à une de ses amies par une jeune fille habitant Saint Pierre ; cette carte était datée du 3 mai, presque la veille de l'éruption : après avoir mentionné l'existence de bruits souterrains et la probabilité d'une catastrophe prochaine, la correspondante terminait par ces simples mots : " Si je ne n'écris plus, vous saurez pourquoi. "
                 Elle n'écrira plus en effet, mais combien l'on regrette que ces sinistres pressentiments éprouvés par toute la population, ne les aient pas garantis du désastre ...

                 Après cette première phase, dans laquelle, il semble que le géant endormi dans la terre se tourne douloureusement dans son lit, survient une poussée de gaz et de vapeur d'eau sortant par l'orifice volcanique : leur puissance est telle que leur colonne verticale dépasse parfois les nuages les plus élevés.
                 On a vu de violente tempêtes être impuissantes à dévier seulement leur panache.

                 Au début, les colonnes gazeuses sont peu colorées ; plus tard, elles se chargent de matériaux solides et forment alors ces lourds nuages noirs toujours signalés dans les éruptions et en particulier dans la Martinique. C'est à ce moment que sont projetées les cendres chaudes dont tous les journaux ont parlé et parlent encore. A la vérité il ne s'agit nullement de cendres, ce sont en particulier des laves que le courant gazeux, dans sa violence a pulvérisé et emporté avec lui.
                 On s'explique ainsi la température extrêmement élevée de ces matériaux. On a aussi souvent prétendu que l'éruption s'accompagnait de flammes immenses et ce phénomène ont été noté aussi pour la Martinique.
                 Or en réalité il n'en est rien ; le volcan ne vomit pas de flammes mais la lave incandescente qui bouillonne dans son cratère illumine les nuages qu'il projette et c'est elle qui donne ainsi l'illusion des flammes.

                 Il n'y en a pas davantage que dans les fontaines lumineuses qui brillent à peu près de la même façon. Après les cendres le volcan projette des matériaux plus volumineux qui ont aussi des fragments de laves ; et enfin, la coulée de lave elle-même atteint l'orifice du volcan et s'épanche au dehors.
                 Au milieu de tous ces phénomènes, se voient quelquefois de vrais orages, nommés orages volcaniques : dans les nuages sombres qui cachent à tous les yeux le sommet du volcan se produisent des éclairs et des tonnerres ; le mécanisme en est encore mal connu, mais il est incontestable que les volcans constituent leur source électrique en une force incomparable.

                 Que s'est-il exactement passé à la Martinique ?
                 Il est probable que nous ne le saurons jamais.
                 On peut admettre cependant qu'il y a eu une éruption violente accompagnée d'un dégagement gazeux extraordinairement intense, l'issue de gaz s'est faîte probablement avec la violence d'une explosion de dynamite, ce qui explique les dégâts matériels énormes qui ont été signalés.

                 En outre, les gaz ainsi dégagés et doués de propriétés asphyxiantes ont dû achever l'œuvre achevée commencée en rendant l'air irrespirable ; sans doute aussi les phénomènes électriques ont continué l'œuvre de mort ; enfin la projection de matériaux incandescents a transformé ce bouleversement en incendie et achevé les rares créatures humaines qui avaient pu, jusque-là, sauvegarder leur existence.
Dr Noel. Les clochettes algériennes et tunisiennes (06-07-1902)


Les Israélites naturalisés
Envoyé par M. Christian Graille

                 Les Israélites algériens sont très anciens dans le pays ; la première invasion arabe trouva devant elle des populations entières qui professaient le judaïsme ; il y avait là, avec les descendants des Juifs que Marcius Turbo avait chassés de la Cyrénaïque, sous le règne d'Hadrien, de nombreux prosélytes qu'ils avaient gagnés à leur religion. (voy. Ibn-Kaldoum. Histoire des Berbères. Cahen, les Juifs de l'Algérie (bulletin de la société archéologique de Constantine).

                 Déserté pour le culte des conquérants, le judaïsme garda pourtant quelques fidèles et se maintint pendant tout le moyen âge dans l'Afrique du Nord au XIVème et XVème siècle, il fut renforcé par l'émigration espagnole.
                 Les nouveaux venus se mêlèrent à leurs coreligionnaires ; plus instruits plus cultivés ayant mieux gardé leurs traditions, ils prirent bien vite une influence prépondérante.
                 Aujourd'hui le Juif purement africain ne se trouve plus guère que dans l'extrême Sud, où il partage les mœurs et la vie des nomades ; au Nord et dans les villes, l'élément espagnol domine, et il a conservé dans les noms dont il fait usage, dans sa langue et dans ses coutumes le souvenir de l'ancienne patrie.
                 Sous les Turcs les Juifs furent astreints à porter un costume spécial ; les avanies et vexations ne leur furent pas ménagées ; il est vrai que la condition des citadins maures n'était pas beaucoup meilleure.

                 La conquête française fut, pour eux, une délivrance, ils l'accueillirent avec joie.
                 On leur laissa alors, comme à tous les autres indigènes, leur statut personnel, et ils continuèrent à vivre sous le régime des lois rabbiniques.
                 En 1870, un décret du gouvernement les a naturalisés collectivement ; depuis, ils ont les droits et les devoirs des citoyens français.
                 Le décret de 1870 a soulevé des polémiques violentes ; c'était assurément chose grave que d'introduire tout d'un coup dans le corps politique une masse compacte : dont l'éducation n'était point faite, qui n'avait complètement adopté ni les mœurs, ni les idées, ni même la langue française.
                 Ce n'était point-là toutefois, comme on l'a dit à tort une fantaisie de M. Crémieux ; la naturalisation des Israélites était réclamée avant 1870 par les colons algériens eux-mêmes dans les cahiers algériens et dans l'enquête agricole du comte Lehon.

                 On comprend qu'en son temps la mesure ait été jugée trop générale et qualifiée de prématurée ; ce que l'on comprend moins, c'est qu'après plus de dix ans écoulés quelques-uns parlent encore de revenir sur le fait accompli.
                 Quand la révolution de 1848 a établi le suffrage universel, quand elle a donné le droit de vote aux Nègres dans les colonies, on pouvait trouver qu'elle allait bien un peu vite en besogne, mais le moyen de retirer des droits acquis à ceux qui en sont devenus légitimes possesseurs ?
                 Si l'on révisait le décret de Tours, les Juifs qui ont payé l'impôt du sang cesseraient d'être électeurs. Les replacerait-on, après, les avoir régis par les lois françaises, sous l'empire du statut personnel ?

                 On voit tout de suite : les conséquences, les froissements, les bouleversements.
                 Une fois que de pareils pas ont été franchis, le plus dangereux est d'essayer un retour en arrière.
                 Puisqu'il faut tenir compte des résultats, ceux que la naturalisation a produits sont-ils donc si mauvais ?
                 Le grand grief contre les Israélites, c'est leur influence électorale. Il est certain que beaucoup d'entre eux, par ignorance ou par esprit de secte, se groupent ensemble et votent collectivement ; des meneurs s'emparent de la masse et la dirigent beaucoup plus au gré de leur propre passion que dans le sens de l'intérêt général. Mais la faute n'est-elle pas aussi à ceux qui, réveillant mal à propos des préjugés assoupis, soulevant des questions aussi irritantes qu'insolubles, excitent imprudemment les méfiances et les haines ?

                 Sans leurs provocations et leurs violences, les abus qu'ils signalent auraient déjà disparu. Malgré tout ils s'atténuent tous les jours, à mesure que parmi les Juifs l'élément jeune et intelligent prend le dessus sur le vieil élément indigène.
                 On ne peut constater que cette population, presque stationnaire de 1830 à 1870, n'ait accompli depuis lors de remarquables progrès.

                 L'ancien costume est presque abandonné, les modes européennes sont adoptées, quelquefois même avec un empressement excessif.
                 Riches et pauvres envoient leurs enfants dans les écoles et s'imposent pour leur instruction les plus durs sacrifices ; les jeunes filles des familles aisées cultivent les arts d'agrément ; les jeunes gens soumis au service militaire, rapportent de l'armée avec la fierté virile qui manquait à leurs pères, le sentiment de la patrie française.

                 Par l'effet d'habitudes séculaires, les Israélites s'adonnent surtout au commerce, mais quelques-uns essayent déjà dans la culture ou l'industrie, d'autres embrassent les professions libérales, d'autres exercent des métiers manuels.
                 Les stigmates du passé s'effacent d'une génération à l'autre.
                 Avant qu'il soit longtemps, avec cette facilité d'adaptation que possède leur race, ils se sont complètement assimilés que leurs congénères de France, et rien ne les distinguera plus des autres citoyens.
Maurice Wahl. L'Algérie 1882


LA COUPE DU MONDE
De Hugues Jolivet


       En lieu et place du Président
       A la finale de Coupe du Monde,
       Il manquait une arbitre gironde
       Première Ministre. Son règlement
       Pour désigner, selon le Droit,
       Le vainqueur, c'est Quarante neuf Trois !

       Mbappé, Giroud, Lloris, Deschamps
       Pouvaient alors descendre les Champs,
       Présentant leur troisième Etoile
       Et la Coupe de la Finale !
       Mais revenons les pieds sur terre
       Quand la défaite reste amère !
      
Hugues Jolivet         
Le 21 Décembre 2022          





Le crime de Chebli
Envoyé par M. Christian Graille

                 Les époux Nadaud, deux vieillards, ont fini leur repas du soir ; ils sortent de leur demeure et vont s'asseoir le dos appuyé à un des murs extérieurs de leur ferme. C'est là leur récréation quotidienne après les durs travaux de la journée, qui sont pour eux, courbés par l'âge, particulièrement pénibles.
                 Ils aiment à se reposer, sans paroles et même sans pensée aux dernières lueurs du jour mourant, contemplant vaguement dans une lassitude rêveuse, la géante Mitidja toute plane, au milieu de laquelle leur maison est comme perdue.

                 Octobre a commencé : le soleil ne s'attarde plus sur l'horizon, et quoiqu'il ne soit pas encore sept heures, il y a longtemps qu'il a plongé là-bas, derrière les cimes d'un bleu noir du Chenoua. Des ombres grises semblent errer sur la plaine immense, et recouvrir comme d'une cendre impalpable tous les objets : Fermes, fourrés, plantations qui sont des îlots de cette espèce de mer immobile.

                 Le crépuscule qui s'assombrit de minute en minute peuple de terreur et de fantômes la Mitidja. Les bouquets d'arbres sont des spectres funèbres qui stationnent.
                 Les lignes d'eucalyptus sont des démons en rang ; les maisons si blanches le jour ont-elles même une face louche et grise.

                 Des flammes étranges s'y allument et inquiètent. L'Atlas paraît grandir démesurément, dressé en gigantesque muraille noire. Les époux Nadaud sont impressionnés et tressaillent. Ils sont bien seuls. Leurs enfants : sont devenus hommes, se sont mariés, les ont quittés.
                 Ils n'ont avec eux qu'un domestique indigène en qui ils ont toute confiance. Cependant ... Cependant les journaux étaient pleins, il y a quelques mois, d'un assassinat commis à Isserville, à l'instigation d'un kabyle, le valet de ferme des victimes. Oui mais ils peuvent être tranquilles : jamais Amar ! ... Après tout ils ne sont pas si isolés : leurs enfants ne demeurent pas bien loin.
                 Ils sont fous d'avoir peur.

                 C'est aussi que ce crépuscule, cette agonie du jour, inspire facilement des craintes chimériques, à cette époque triste de l'automne où l'année se meurt, la Mitidja n'a plus son animation de l'été ; la terre qui n'a pas encore reverdi sous les premières pluies, a fourni toutes ses moissons ; elle est sèche et stérile, elle, non plus, ne porte pas la gaîté ...
                 Il fait bien doux pourtant, la fraîcheur est délicieuse : on dormirait là volontiers en voyant éclore l'une après l'autre les étoiles. - " Qu'a donc Amar ce soir dit Mme Nadaud, il a l'air tout drôle ? Il rôde, il tourne autour de nous ; il jette sur nous des regards sournois : il a plusieurs fois sondé du côté de la route.
                 - Tu es folle tiens ! Qu'est-ce tu veux qu'il ait ? Tu vas te mettre des idées en tête !
                 - C'est que nous avons 8.000 francs chez nous, il le sait, et ce n'est pas prudent ...
                 - Tais-toi donc, Amar est un honnête garçon. " La vieille femme vivement effrayée : " -As-tu entendu ?
                 Des gens marchent ... Et Amar ?
                 Trois ombres sinistres ont jailli soudain devant les époux Nadaud.
                 Ceux-ci ont voulu crier, la voix est restée étranglée dans leur gorge ; fuir ils étaient cloués à leur chaise. Le mur contre lequel ils étaient appuyés ne s'est pas écroulé sur leurs têtes.
                 Sanglants ils se sont évanouis. Et trois sauvages, aux figures sinistres, achèvent de les tuer. Puis ils disparaissent, par divers chemins dans la nuit.

                 La ferme est perdue dans le calme, lugubre au milieu de la géante plaine endormie sous le dais scintillant des astres.
Lecoq. Les Annales algériennes (12-06-1892


Le baccalauréat
Envoyé par M. Christian Graille
Chronique

                 Le baccalauréat va être supprimé et ce ne sera pas réellement trop tôt. C'est M. Combes qui prend l'initiative d'une telle mesure.
                 A quoi sert ce parchemin universitaire ?
                 Nous pourrions dire, sans crainte d'être démenti, que la plupart du temps la peau d'âne n'était accordée qu'aux moins érudits.
                 Les examens pour l'obtention du baccalauréat n'on jamais été qu'une question de veine ou de protection ; bon nombre de ceux auxquels on a décerné le fameux parchemin peuvent attester qu'ils ne l'ont point mérité.

                 J'ai connu au lycée des cancres qui se sont présentés au bachot et ont été reçu avec la mention bien. A côté des bûcheurs, des jeunes gens qui ne perdaient pas une minute, étaient recalés à tous les examens.
                 Ceux qui avaient eu le bonheur de décrocher la timbale ne pouvait s'empêcher de plaindre leurs camarades malheureux. Force leur était de reconnaître qu'à la place des examinateurs, ils n'auraient pas manqué de décerner un brevet de compétence à ceux-là même qu'on venait de refuser.
                 Que prouvent ces examens ?

                 Rien ou à peu près. Un monsieur vous interroge longuement ou fait semblant de vous interroger. Selon que vous lui êtes plus ou moins recommandé, vous êtes bachelier ou vous ne l'êtes point.
                 Rochefort, l'illustre pamphlétaire a avoué dans ses mémoires qu'il n'avait dû son parchemin de bachelier qu'à un de ses camarades qui, comme connaissance était au-dessus de lui de cent coudées.
                 C'est grâce aux conseils et aux complaisances de ce même camarade que le maître du journalisme a pu passer ses examens et à être reçu.

                 Mais est-il besoin d'être bachelier pour être bon écrivain ? Poser la question, c'est la résoudre.
                 Alexandre Dumas qui a été un des meilleurs écrivains de notre siècle était dépourvu de ce diplôme qui fait l'orgueil des incapables.

                 Combien y a-t-il de bacheliers en France ayant moins de compétence et de savoir que d'autres qui ont renoncé à comparaître devant un jury d'examen ?
                 J'ai connu pour ma part, un journaliste bachelier qui n'avait qu'un talent. Il maniait le JE et le MOI à la perfection. Ses articles étaient tellement soporifiques que les médecins s'en servaient pour endormir leurs malades.
                 Le chloroforme n'avait jamais si bien réussi.

                 Le baccalauréat n'est point indispensable. M. Combes qui est aujourd'hui ministre de l'Instruction Publique l'a si bien compris que, rompant avec les préjugés, il a eût le courage de reprendre l'initiative d'une réforme qui s'imposait.

                 Le système de notre enseignement actuel va être modifié d'une façon radicale et l'honneur en reviendra à M. Combes qui a su prendre le taureau par les cornes.
Les clochettes algériennes et tunisiennes (01-01-1896)


Sur la Vie chère
Source Gallica
ALGER ETUDIANT
N°120, 20 mars 1931
.

              - Ah, Madame Gibou, soupirait la grosse épicière en s'adressant à une commère à moustaches, que Dieu nous préserve de la barbarie russe ! Non contents d'avoir assassiné le Tzar, l'Impératrice, le Tzarevitch, qui était si mignon, des centaines de grandes duchesses, enlevé le général Koutiépoff, voilà qu'ils nous menacent encore de leur fameux " dumping ! "
              - C'est quoi... et comment un dumpingue ?

              - Pas un animal des mers polaires, bien sûr... ni un passage clouté, ni une maladie contagieuse. C'est le pire des cataclysmes. Une supposition... vous désirez vous offrir une paire de chaussures. Vous voilà chez le bottier. Là, vous choisissez à votre pointure, dans les bas prix : cent cinquante francs. Aussitôt, surgit un cordonnier soviétique.
              Avec une voix coupante, à cause du couteau entre les dents, il vous propose des souliers, absolument semblables, pour la somme de neuf francs, comme l'" Incroyable " avant-guerre.

              Vous allez chez le revendeur de légumes, vous procurer une gousse d'ail. S'il est bolchevik, il vous gratifie, par-dessus le marché, d'un gigot pour mettre autour.
              Naturellement, vous laissez tomber le Français, votre frère, vous apportez votre argent au concurrent déloyal, à la révolution, au parti du désordre.

              Pensez-vous que si le voisin cédait son vin à quatre sous le litre, on accepterait de payer le même deux francs cinquante !
              - Mais pourquoi achèterait-on cher quand on trouve à meilleur compte ?
              - Parce qu'il faut s'élever avec le Progrès. Progrès signifie : de plus en plus. Nous ne croupissons plus dans les ténèbres du Moyen-Age, où l'on servait à l'auberge, pour dix sols, un repas complet avec poisson, gibier, volaille, vin de Vouvray.

              Si la vie devient pour rien, on reviendra aux salaires aux appointements d'avant 1914, quatre-vingt-quinze, cent cinquante francs par mois.
              Adieu les indemnités de résidence, les réajustements de retraites et de pensions ! Nous nous classons avec les gens du commun. Ne vous sentez-vous pas fière d'avouer : " Ma bonne me coûte six mille francs par an ! "

              L'abondance, les bas prix, provoquent le gaspillage, le désordre, les excès. Trop bien nourris, nous deviendrons un peuple d'artérioscléreux ; de goutteux, d'obèses. Obèses, comme on peut. Et ne devinez-vous pas que nos maris exigeront aussi du " dumping " en amour ! Pourquoi des économies, à une époque où tous nos banquiers lèvent le pied ?

              En attendant, je vais prendre de sages mesures de précaution. A partir de demain, j'élève mes tarifs de cinquante pour cent. Premier échelon. De la sorte, quand la camelote moscoutaire forcera notre frontière, tout l'argent du consommateur sera passé dans mon tiroir-caisse et celui de mes collègues.
              Faites vos provisions ; profitez d'aujourd'hui.
              Ainsi parla la bonne et sage commerçante...

A. BEUSCHER.




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LA VIEILLE VILLE















MAISON TURQUE dans la vieille ville











CHOISIR
De Jacques Grieu

     
         " Gouverner, c'est choisir ", est une vérité ;
          Mais choisir, c'est exclure . Et donc éliminer.
          A nos déconvenues, on devrait s'habituer
          Quand après l'élection, on doit se résigner...

          Jouer la sécurité est souvent choix risqué ;
          Laisser choix au hasard est un très grand péché ;
          Parfois, ne pas choisir est un choix en lui-même
          Toute absence de choix est un pire problème.

          Même quand on est sûr de notre bon dessein
          Les raisons de nos choix sont toujours sibyllines.
          Entre mille influences, on s'est jeté à l'eau
          Croyant de bonne foi avoir pris le gros lot.

          Entre fenêtre ouverte et le volet fermé,
          On a quand même un choix, celui de nos pensées.
          Choisir est-il toujours entre des tentations ?
          Nos choix, mieux que nos dons, disent nos attractions.

          Nécessité nous ôte l'embarras du choix
          Entre nos servitudes il reste peu de soi.
          Quand le destin est là et qu'on doit l'accepter
          On aime croire que " c'est moi qui ai tranché "

          L'atout des souvenirs est qu'on peut les choisir
          Et qu'ils nous laissent libre entre meilleurs et pires.
          " Le bonheur est un choix " a dit le philosophe :
          Mais pour savoir lequel, il n'y a pas de prof…


Jacques Grieu                  



Tirailleur Algérien,
N°501, 12 août 1900

Source Gallica

COMMENT ON FAIT UNE RÉVOLUTION

            Et vous êtes contents parce que vous avez pendant, des heures conspué le gouvernement ? Eh bien ! Vous n'êtes pas difficiles à satisfaire. Mais le gouvernement se moque de vos cris ; d'abord il ne les entend plus, ce qui fait qu'il n'en saura rien ; de ce coté vous perdez votre peine. Ensuite, s'il apprend qu'on a tapagé dans les rues, il prouvera que c'est en sa faveur. Il a d'excellents moyens de fournir cette preuve. Si enfin il avoue qu'une manifestation a eu lieu contre lui, il réduira le nombre de manifestants à une poignée de vauriens qu'on a saoulé pour faire du bruit. Des jeunes gens de bonne famille comme vous, seront, qualifiés de quarante sous et d'autres épithètes semblables qui nuiront à leur avenir.

            - Assez, Lecalais, vous nous ennuyez. Que nos cris soient utiles ou non, il n'importe. Quand ou est en colère, on crie sans se demander si l'on ne ferait pas mieux de se taire.
            - Géraud a raison, dit Plantier à son tour. Je me dépite lorsqu'un coup de vent me décoiffe ou qu'un mauvais temps subit dérange mes projets d'affaires ou de plaisirs. Et je me dépite tout haut et je ne m'inquiète de savoir si mes jurons et mes plaintes calmeront la tempête ou ramèneront l'azur dans le ciel.

            - Mauvais principe, reprit Lecalais. Il ne faut jamais rien faire que d'utile. Il vente, je reste chez moi. Si je sors et qu'il pleuve, je me hâte de rentrer ; mais je n'insulte pas aux éléments, parce que les éléments sont sourds...

            - Comme les ministres, dit Géraud. Au surplus votre raisonnement, est aussi juste que possible. Heureusement, il n'est bon que pour vous. Sans médire de votre corpulence, il va du soi qu'un gros homme est mal à l'aise dans la foule, il a besoin d'air et chacun sait que plus il y a de monde dans un lieu, plus l'air s'y raréfie.
            Vous ne voulez pas non plus gâter votre voix qui est très belle et vous tenez à la fraîcheur de vos habits. Les affaires du pays qu'elles aillent bien ou mal ne vous troublent pas. Vous nous avez déjà dit cela plus de cent fois.
            - Géraud, mon ami, vous êtes méchant. Je ne vais pas à nos manifestations peut-être, pour les raisons que vous donnez, mais surtout parce que ma vieille expérience m'a appris qu'on faisait des révolutions avec des actes, non avec des paroles. Le jour ou vous serez disposés à agir, je descendrai avec vous dans la rue ; aussi longtemps que vous vous contenterez de crier, je ménagerai ma voix.

            Un bruyant éclat de rire recueillit cette déclaration. Lecalais eut inspiré à un sculpteur l'idée d'une statue de la Paix, même l'artiste eût ajouté de son crû l'énergie qui manquait au modèle. Nul plus nonchalamment, que Lecalais ne marchait dans les rues de Nareuil-les-Bois. On ne l'avait jamais vu danser et la chasse pour lui n'avait point d'attraits. Rien de plus comique dans sa bouche que les mâles paroles qu'il venait de dire.
            - Bien sur, reprit-il, j'aime ma tranquillité. Tout le monde, l'aime. Mais tel que vous me voyez, j'ai proclamé la République au quatre septembre et j'ai été blessé sur une barricade.
            Stupeur des assistants. Et quoi Lecalais ! Ce chérubin ventru, ce maniaque du farniente ; le gras Lecalais qui éprouvait de la fatigue même à mâcher les biftecks qu'il adorait ?

            - Le soir du quatre septembre. Je me couche de bonne heure et je dormais déjà. J'entends du bruit dans la rue ; ou parlait. L'empereur a capitulé, disait-on. Je m'habille, je vais au café de la Bourse. Du monde plus qu'aujourd'hui et pas que des jeunes. Le père Buffal à côté de moi dit tout bas : " Il n'y a que la République qui nous tirera de là. " J'étais, ce soir la comme quand j'ai bu beaucoup de café. Je me mets à crier : " Vive la République !" On répète mon cri. Charlet, le patron du café, accrocha un rideau rouge à une queue de billard. A ce moment on nous dit que les Parisiens ont proclamé la République. Je chante la Marseillaise. Tout le monde fait chorus. La troupe descend de la redoute ; ou jette sur le trottoir les tables, les chaises. Les soldats avancent. Le père Buffal veut faire un discours, je le monte sur une chaise et comme il avait la voix faible, je répète ce qu'il dit". Et puis tout d'un coup, je reçois une poussée, je perds l'équilibre et un zouave en profite pour m'allonger un coup de baïonnette.
            - Où ? S'écrient les assistants.
            - A deux lignes au-dessous des reins. De temps eu temps ma blessure s'ouvre, et alors je ne peux plus rester assis.

            Mais au moins voilà des actes. Si je n'avais pas proclamé la République, on serait peut-être encore à hurler chez Charlet. Sans compter que lorsqu'on a su que j'étais blessé, le général a fait rentrer les troupes par crainte de représailles. Le lendemain, le Sous-Préfet de Badinguet était révoqué et nous étions les maîtres de la situation. Quand vous serez disposés à recevoir des coups de baïonnette je serai avec vous, mais pour crier, j'aime mieux prendre l'apéritif. Et maintenant, faites-vous un polignac ?

PINSON.



Gourbi de l'Oued-el-Haneb.
Source Gallica
EST ALGERIEN N°7, 4 décembre 1868
             A Monsieur Dubarbier
             Rédacteur du journal l'EST ALGÉRIEN.

             Monsieur,
             Après vous avoir engagé à ne pas fonder une nouvelle feuille, vu l'inclémence de la saison, je fais comme la plupart des hommes, c'est-à-dire absolument le contraire de ce que j'ai proposé. Curieux effet de l'argumentation ! Je voulais vous persuader que vous tentiez une oeuvre insensée, et quand ma démonstration était achevée, j'étais si peu convaincu moi-même de la solidité de mes raisons que... me voici encore la plume à la main.
             Noircir une belle feuille de papier blanc, c'est une tentation trop forte pour un vieux : pécheur comme moi ! Cependant, le moment n'est guère favorable à ce genre d'exercice. Il pleut ; nos petites rivières s'enflent comme la prose de Cassagnac ; elles se permettent j même de trouver leur lit trop étroit, les ambitieuses ! Et les voilà qui débordent dans la plaine en se donnant des airs de grands fleuves !
             Eh bien ! J'aime encore mieux ces débordements inoffensifs que ceux de certains spadassins insultant un vieillard mourant. II y a cependant un point de rapport entre les deux : d'un côté comme de l'autre, il y-a peu de fonds et beaucoup de vase. - Et dire qu'il y a des gens qui prennent cela au sérieux et que je suis du nombre !
             Donc, le grand orateur Berryer est mort comme un triomphateur antique montant au Capitole. La France entière applaudissait à ses dernières paroles, et Cassagnac hurlait derrière le char. Rien n'y manquait : ni les couronnes, ni les pleurs, ni l'immense foule respectueusement découverte en présence de ces restes glorieux, ni l'esclave vomissant l'outrage !
             Pour un habitant de l'Oued-el-Haneb, vous trouverez peut-être que je m'intéresse bien vivement à ce qui se passe dans la mère-patrie. Ah ! Monsieur, nous autres Algériens, nous aimons plus la France, je crois, que ceux qui ne l'ont jamais quittée. Elle a beau nous oublier, notre cœur est resté là-bas, et si nous essayons de féconder cette terre que l'on a proclamée à jamais française, nous sentons confusément que nous accomplissons une oeuvre patriotique. En travaillant pour nous, nous travaillons aussi pour la France. - On dira peut-être que nous nous prenons trop au sérieux, nous autres colons. Que voulez-vous ? Il y a tant de gens qui se moquent du colon, que nous éprouvons le besoin de lui rendre un peu justice.
             Je sais que dans un certain monde, il est de bon goût de nous dénigrer. Il y a des plaisanteries dirigées contre nous qui datent du commencement de la conquête et que l'on se transmet religieusement comme un héritage. Le colon est un être cupide et grotesque ; vis-à-vis des Arabes, c'est un bourreau ; on en a vu plus d'un imaginer de nouveaux instruments de supplice destinés aux malheureux indigènes; le colon est le bouc émissaire, l'honorable, comme ils l'appellent ; c'est le pelé, le galeux de la fable ; c'est la cause de toutes les calamités qui se sont abattues sur l'Algérie.
             En présence de ces dispositions, que devons-nous faire, nous autres travailleurs ? Serrons nos rangs, et n'imitons pas ceux qui se laissent aller au découragement, l'as de déserteurs parmi nous. Aucune force humaine, m'entendez-vous, ne peut arrêter la marche de la colonisation. Je vous salue.
Oudène. - Pour copie conforme : A. CARLE.


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LE JARDIN DE LA PEPINIERE




ECOLE SADI CARNOT


PASSAGE SAVINO




FACADE BISCUITS PERNOT, à la Colonne



LA GAZELLE




ECOLE CARAMAN


LE PORT vu de la vieille ville



LE SANG DES RACES
Par LOUIS BERTRAND
Source Gallica

V
LES GONDOLES

pages 44 à 53

         Depuis Alger, la pluie tombait en déluge. Jamais Rafael n'avait fait un si triste voyage et, de mémoire de patron, on n'avait jamais vu un mois de décembre pareil. Les roues des chariots s'embourbaient dans les ravines, ou glissaient sur les quartiers de rocs lavés et polis par les eaux. Les charretiers étouffaient sous les capuchons de leurs cabans de toile cirée, et leurs grandes bottes en entonnoir, sanglées au-dessus du genou par une courroie, doublaient par leur pesanteur, la fatigue de la marche.

         Rafael était parti avec Bacanète et Pépico. Derrière eux venait Alvarez le Castillan, en compagnie de Salvador et de Manuel, un nouveau charretier de la province d'Oran. La montée avait été atroce jusqu'à Ben-Chicao. A Berrouaghia, le temps s'était un peu éclairci, mais la route était si mauvaise qu'ils n'y gagnèrent que de quitter leur caban. Les bêtes étaient crottées jusqu'au ventre, on pataugeait dans des nappes de boue liquide, et l'humidité glacée vous entrait jusqu'à l'âme. Puis, bientôt commença la descente de Mongrono. Chacun courut à sa mécanique. Ils cheminèrent ainsi pendant de longues heures, la main crispée sur le serre-frein, sans rien se dire. A la moindre distraction, le chariot trop chargé entraînait le limonier et risquait de s'abîmer dans les ravins à pic.

         Il faisait nuit, quand ils arrivèrent au Camp-des-Zouaves, et s'était remise à tomber. Les masures de l'auberge émergeaient à peine de la route boueuse. Avec leurs petites fenêtres aux lueurs avares, elles étaient d'une tristesse navrante dans ce pays perdu. Pour comble de misère, il n'y avait pas de lits pour les arrivants. Trois équipes les avaient précédés : il faudrait coucher à l'écurie.
         Cette écurie était un pauvre hangar, ouvert à la pluie et au vent. Rafael eut beaucoup de peine à trouver de la place pour ses bêtes, qu'il dégarnit en maugréant. Les colliers pleins d'eau étaient collés au couru des mulets. Il fallait les arracher violemment et faire effort pour les soulever, tellement la pluie les avait alourdis. Les courroies gonflées dans les boucles ne se détachaient pas. Rafael ne cessait de jurer et, ce qui lui arrivait rarement, il envoyait des coups de pied aux bêtes par colère.

         Quand il entra, il y avait foule dans la salle de l'auberge. Le frère aîné, d'Alvarez était là avec ses hommes, le vieux Vicente et Espartèro le Valencien avec les leurs. On ne parlait pas beaucoup malgré le vin chaud qui fumait dedans un saladier. Rafael s'approcha de la cheminée, où flambait un feu de houx. Il s`assit près du Papas et du Grand-Philippe et commença de se lamenter sur le mauvais temps et la misère de la route. La patronne s'empressait maternellement autour d'eux. Elle força Rafael à quitter son caban de drap bleu, qui était trempé, et avec son accent d'Auvergnate, elle débitait des gaudriole pour les faire rire.
         A table, un silence farouche régna. Chacun n'était occupé que de rassasier sa faim. Les hommes engloutissaient les viandes avec une sourde émulation, comme si, à chaque bouchée, ils avaient senti la force gonfler leurs muscles. Les têtes ne se levèrent qu'à l'entrée d'Alvarez le cadet, qui s'était attardé à l'écurie. L'aîné le fixa dès le seuil avec ses yeux durs et perçants et, quand il se fut approché de lui, il lui demanda à voix basse, sans même lui toucher la main :
         - Combien de bordelaises. Tu n'as pas oublié la commande pour Sidi-Maklouf ?....

         Cet Alvarez, avec son visage glabre, inspirait une espèce de terreur. Son frère tremblait devant lui.. On le savait riche, et on redoutait son astuce. Son mutisme pesait sur les autres plus que la fatigue de la route. On aurait dit que personne n'osait parler sans son ordre. Tout à coup, regardant Bacanète, il dit d'un ton très calme, comme s'il se fût agi d'une chose ordinaire :
         - Demain il va falloir batailler, vous autres !
         Il serrait les syllabes rares entre ses dents, à la manière castillane, et l'on avait froid dans le dos rien que de l'entendre. Alvarez continua en hachant ses phrases :
         - Les Gondoles sont pleines d'eau !... à peine si nous avons pu nous en tirer... A Boghari, le postillon nous a dit que Louis Pontier avait versé. Il avait un Chargement de porcelaine pour Laghouat...
         - Eh bien ! il a gagné sa journée, celui-là ! Fit Bacanète ; il peut se taper du bec, comme les cigognes...
         Espartéro, sans lever ses gros yeux :
         - Déjà, que l'été dernier, les chariots lui ont brûlé...
         - Il y a des hommes qui attirent la misère comme les poux, dit le Grand-Philippe.

         On n'ajouta pas grand'chose à ces paroles, qui montaient péniblement au-dessus de la grande fatigue des hommes. Rafael songeait au froid de la nuit qu'il faudrait passer dehors. Ses deux voisins, Siméon et Pépico, remuaient leur café sans souffler mot. Alvarez le cadet attendait respectueusement que son frère eût allumé sa cigarette pour tirer son tabac. Seul, Lopez, un des garçons d'Espartéro, un petit Basque aux moustaches de chat, une tête fêlée par les noces, essayait des plaisanteries avec Bacanète. Celui-ci, bien qu'il fût mort de fatigue, s'entêtait à soutenir sa réputation de loustic. Mais ses rires sans sincérité sonnaient faux dans le silence de tous.
         Le lendemain, à l'heure du réveil, un grand vent souffla. La pluie avait cessé. On attela avec plus de courage. Puis, le café bu, on dit adieu à ceux de Vicente et d'Espartéro, qui partirent les premiers, redescendant vers Alger, Alvarez l'aîné, craignant pour son frère le passage des Gondoles, détacha six bêtes de ses équipages, avec Siméon pour convoyeur, afin de renforcer ceux du cadet. Les traits détachés sonnèrent, des lanternes coururent, les manœuvres furent longues. Enfin on se sépara dans la nuit noire, chacun songeant à la bataille annoncée.
         Rafael venait en tête. Déjà en se levant, il s'était senti la gorge prise ; mais, quand il commanda ses bêtes, il crut que son gosier allait se déchirer.

         Le vent roulait de gros nuages gris dans le ciel, et vers l'Est, de pâles rayons perçaient par endroits. Les cimes de l'Atlas apparurent dans, des traînées de vapeurs, comme une vaste mer semée d'îlots. Puis des brouillards montèrent, et des morceaux de brume, flottant au creux des vallées, formèrent des lacs semblables à ceux des mirages.
         Malgré la boue liquide de la route et ses bottes pesantes, il sembla à Rafael que sa tristesse s'en allait avec les volutes de nuages qui dévêtaient les montagnes. Comme la descente n'était pas trop rapide, il essaya de lier conversation avec Siméon, le convoyeur d'Alvarez. C'était un Français d'Algérie; mais ses petites moustaches blondes et sa grosse figure rouge lui donnaient l'air d'un Alsacien. Et cependant son père était d'Avignon. Il descendait de cette race de charretiers du Rhône qui faisaient le halage sur le fleuve avant les bateaux à vapeur, et dont beaucoup avaient émigré en Afrique au temps de la conquête.

         Mais ce Provençal était obstinément taciturne, plus taciturne que les Castillans. Aux questions de Rafael, il répondait par oui ou par non. ou, avec un geste vague, il disait " Je ne sais pas ! " Rafael le regarda à la dérobée : la tête énorme était enfoncée dans la masse des épaules et les yeux semblaient morts sous d'épaisses paupières tombantes. Rafael le jugea entièrement stupide.
         L'homme se hâta d'ailleurs de retourner derrière le chariot d'Alvarez pour voir à ses bêtes, et il chemina jusqu'à Boghari sans rien dire à personne.
         A Boghari, on s'arrêta juste le temps de déjeuner et de faire boire. Puis les chariots se remirent en marche vers Bougzoul.
         Le vent soufflait en tempête, ce qui retardait la marche des équipages. Mais comme la route ressuyée était meilleure, on n'eut plus qu'à se laisser aller. Rafael était si joyeux qu'il en oublia son enrouement. Il rechercha la compagnie de Manolito, qui l'attirait par son étrangeté.

         C'était un petit homme mince, au visage si émacié et si plein de rides que, malgré ses trente-huit ans, on lui en eût donné soixante. Ses tempes étaient toutes grises et, sur le devant de la bouche, il n'avait pas de dents. On le devinait usé jusqu'aux moelles; mais la dureté du squelette apparaissait sous les vêtements comme une machine de guerre toujours tendue, l'effort des muscles étant devenu une habitude. Un reste de vie s'était réfugié dans ses yeux d'une extrême lassitude et dont l'intelligence surprenait. Il s'exprimait poliment, avec une grande douceur. Comme il était encore endimanché, Rafael lui dit :
         - Tu as été voir les gazelles, Manolito ?
         - Non ! j'ai été voir ma petite, qui est chez les religieuses de Boghari, pendant que vous autres vous faisiez boire...
         La réponse et le ton tranquille de Manolito déconcertèrent Rafael, qui resta un moment silencieux. Il finit par ajouter :
         - Quel âge a-t-elle, ta petite ?
         - Cinq ans !
         L'un et l'autre semblaient dire cela avec une complète indifférence. Les mots tombaient lentement, coupés par la rafale.
         - Et ta femme, où est-ce qu'elle est ? Demanda encore Rafael.
         - Ah! oui, où est-ce qu'elle est ?... Elle est morte, voilà tantôt deux mois... Nous avions acheté une petite maison, tout près d'Oran, sur la route de Valmy. Le roulage marchait bien là-bas...

         A l'accent des paroles, Rafael sentit tout à coup l'immense détresse de Manolito. Comme pour s'associer à la peine du misérable, Rafael dit encore :
         - Mais le roulage marche bien par ici aussi... Et puis tu as un bel équipage...
         - Qu'est-ce que ça me fait, un bel équipage?.-.. C'est bon quand on est jeune, comme toi. Moi, je continue à marcher... Est-ce que je sais seulement pourquoi ?...
         Le vent emportait la moitié des paroles.
         Il fallait lutter pour se faire entendre. Rafael vit que cet effort fatiguait son camarade. Et puis à quoi bon parler ? Il le quitta pour retourner au cordeau, abattu encore une fois par la tristesse que Manolito avait partagée avec lui et par celle que la nuit tombante ajoutait à l'horreur des lieux. Au bout du couloir de la route, entre les roches arides, on distinguait vaguement le grand désert de Bougzoul. Le vent balayant les parois sablonneuses vous jetait au visage une grêle de petites pierres, pointues comme des aiguilles. Il fallait fermer les yeux, et l'on n'entendait plus que le roulement de l'ouragan et la plainte presque humaine des fils sur les poteaux du télégraphe.

         Après six heures de marche, qui semblèrent interminables à Rafael, les lumières du premier caravansérail apparurent. Comme, à cause du vent, il faisait très froid, les charretiers s'empressèrent de dételer, pour se réfugier dans la grande salle, où les bols de vin chaud les attendaient. Ils étaient si harassés qu'ils goûtèrent complètement la joie de l'arrivée à l'étape. Tout leur parut beau : le feu qui flambait dans l'âtre, la table servie où s'alignaient pour eux d'abondantes nourritures, mais surtout le joli visage de la servante, qui se frayait un passage entre les groupes, au milieu des taquineries et des robustes propos d'amour. Elle s'y complaisait visiblement, et elle inventait des prétextes pour rentrer à tout instant dans la salle. La rudesse des hommes semblait l'émouvoir. L'odeur des cuirs et des cabans humides, la fumée des pipes et des cigarettes, le gâchis de boue que les grosses bottes étalaient sur le dallage ne la choquaient point. Elle répondait avec des éclats de rire perçants aux plaisanteries de Bacanète et de Salvador. Mais, lorsque Rafaël parut avec Pépico, elle s'arrêta sur le seuil de la cuisine pour les regarder, sans nul souci de ce que penseraient les autres. Leurs yeux se rencontrèrent, et il la dévisagea. Elle était toute petite. Sa pâleur semblait luire, ses lèvres décolorées s'épanouissaient, sa chevelure surmontée d'un peigne d'écaillé, se relevait au sommet de la tête, à la mode des Sévillanes. Tout à coup Rafaël songea à la Gitana et à la fenêtre rouge. Il demanda son nom. Elle s'appelait Carmen ; elle était de Grenade et à l'auberge depuis quinze jours à peine.

         Cependant elle ne lui adressa pas la parole. Quand on se mit à table, elle s'empressa autour des autres, glissant sur la pointe de ses pieds avec la légèreté d'une danseuse. Sa beauté et les éclats de son rire triomphaient de l'accablement, des convives. Chacun la regardait, avec des yeux avides.. Seul, Alvarez, choqué dans sa dignité d'Espagnol du nord, la considérait d'un air scandalisé. Comme pour lui signifier qu'elle était importune, il se mit à parler de l'accident de leur camarade. On retomba dans la misère du métier.

         Un bruit d'e voitures se fit entendre au dehors. Puis le patron du caravansérail parut sur le seuil de la salle, enveloppé d'un burnous blanc. Un souffle d'air glacé arriva par la porte ouverte, et le patron dit tout de suite :
         - Ah ! vous autres ! il va falloir batailler demain !... Les Gondoles sont mauvaises...
         Personne ne songea plus à la présence de Carmen. La fatigue parut plus pesante par la crainte du lendemain. Cependant Bacanète s'obstinait à parler. Il jurait qu'il passerait quand même. Il vantait l'intrépidité de son mulet Marquis, une acquisition récente dont il était fier. Mais ceux mêmes qui ne partageaient pas sa confiance évitaient de lui répondre, tournant machinalement la cuillère dans leur verre de café. La table se dégarnissait peu à peu, chacun étant pressé de gagner son lit.

         Rafaël s'occupait à tirer du chariot son sac à linge, lorsqu'il s'entendit appeler à voix basse. Carmen était auprès de lui. Elle lui prit vivement la main, et lui dit en castillan avec le zézaiement câlin des Andalouses :
         - Rafaelète, tu viens dormir avec moi ?...
         Elle lui montrait sa chambre, qui donnait sur la cour, auprès du colombier, et elle ajouta très vite :
         - C'est là, je laisserai la porte ouverte...
         Puis elle s'enfuit vers la cuisine.
         Rafael resta un moment indécis. Il était mort de sommeil, ses yeux se fermaient invinciblement. Il songea aux Gondoles, au terrible effort du lendemain. Mais sa vanité remporta, et, quand son ami Pépico se fut endormi, il se glissa, pieds nus, hors de la chambre et, à tâtons, il se mit à chercher la porte de cette fille qui allait lui voler ses forces.

         Etait-ce l'ensorcellement de Carmen, l'ivresse qu'elle lui avait versée, le sursaut d'orgueil que la folie de ses caresses. avait soulevé en lui, ou bien encore l'excitation factice de ses nerfs frénétiquement tendus ?
         - le lendemain, au réveil, une vaillance fébrile l'emportait.
         Avec des façons triomphantes, il se moqua des mines défaites de ses camarades et particulièrement de Pépico, qui attachait ses traits d'un air las :
         - Ah ! comme te voilà fainéant ce matin ! Dis !... tête de marron !...
         Pépico était de mauvaise humeur, et d'ailleurs un peu jaloux de Rafael, qu'il avait vu sortir de la chambre de Carmen.
         - Tu sais !... moi, ces manières-là ne me plaisent pas trop...
         Un ton de colère grondait dans ses paroles. Rafael jugea plus digne de ne pas insister.
         Bacanète n'en finissait pas avec ses préparatifs de départ : c'était une attache à raffermir, une bête à changer de place, un harnais à raccommoder; puis des plaisanteries interminables avec la patronne, des farces au garçon d'écurie. Alvarez s'impatientait, car le mauvais état de la route les obligeait à voyager ensemble.

         Enfin, vers huit heures, on se remit en marche sous le ciel bas et menaçant, et, comme le vent s'était un peu calmé, on redoutait la pluie. Le désert de Bougzoul apparut dans toute son horreur à perte de vue, des terres livides, d'où s'enlevaient de grands oiseaux en longues files noires, une bise âpre, et toujours ce grésillement des cailloux balayés par la rafale. Pour regagner le temps perdu, on mangea chemin faisant, chacun à côté de son chariot. L'ennui était si lourd qu'ils goûtèrent ce triste repas comme un plaisir et comme une friandise ; puis de nouveau les heures s'écoulèrent ; toutes semblables, dans le vent et dans les nuages.

         Quand on fut au bout de la route ferrée, en vue des Gondoles, Bacanète proposa de faire halte et de se restaurer légèrement avant de tenter la traversée. On tira des caissons des boîtes de conserves, des bouteilles de vin et, d'un grand sac, des miches de pain larges comme des meules. Bacanète en prit une, fit la croix dessus avec son couteau et se mit à en distribuer des tranches. On remplit de vin des verres et des casseroles, qui circulèrent à la ronde.
         A se sentir ainsi les uns près des autres, on oublia un instant la tristesse de l'heure. On recommençait à se parler. Bacanète, fidèle à son rôle, reprenait ses éternelles plaisanteries. Il s'interrompait pour dire à chacun :
         - Mange, mon ami ! Mange du pain, va ! C'est la force des hommes !...

         La menace des Gondoles prochaines ajoutait à ces mots comme une solennité.
         On regardait avec inquiétude autour de soi. Savait-on à quelle heure on souperait ce soir ? Et même si l'on arrivait à l'étape, aurait-on seulement le courage de manger ? Chacun y songeait tout bas sans oser le dire, les yeux vers l'horizon. Manolito rompait son pain avec lenteur, comme une chose précieuse, et, quand on lui passa la casserole pleine de vin, il l'éleva à là hauteur de son front, puis il but d'un trait sans dire un mot.
         Alvarez, à l'écart, coupait d'énormes morceaux de pain et en faisait manger à chacun de ses mulets, ce qui excita des murmures, puis des plaisanteries.

         Brusquement, Bacanète donna le signal du départ. Ce fut un vrai branle-bas. On s'empressa de ranger les vivres dans les caissons. Mais lui, comme s'il voulait couper court aux appréhensions par la soudaineté de l'attaque, il avait tout de suite commandé ses bêtes, et déjà son équipage roulait en avant. On le vit tout à coup quitter le frayé et obliquer dans la direction du lac.
         Mais... où est-ce qu'il va ? Il est fou !... cria précipitamment Alvarez.
         Les charretiers regardaient avec stupeur l'attelage continuer sa marche vers la grande nappe d'eau lugubre. Alvarez, hors de lui, courut demander des explications.
         - Laisse-moi faire ! dit Bacanète. Tu ne vois pas qu'il n'y a presque point d'eau. Le terrain est meilleur que dans les Gondoles, et nous gagnerons une bonne heure de route...
         - Oui ! on va s'enfoncer jusqu'aux essieux !...
         - Allons ! tais-toi, mon ami ! Je connais ma route, moi ! Je ne viens pas d*Oran, peut-être !...
         Devant cette assurance, Alvarez se calma. Il revint vers ses hommes :
         - Ça, c'est bien une idée à Bacanète ! une idée de maboul ! Enfin, puisque c'est fait, c'est fait !... Allons-y !...
         Et lui-même, d'un claquement de fouet, il donna le signal à son tour.

         Rafaël venait à une assez grande distance après Bacanète. Déjà, celui-ci s'approchait du lac, dont les petites ondes crispées et poussées par le vent semblaient s'avancer dans les terres. Rafael, pour le rejoindre plus vite, crut bien faire de s'écarter de son frayé, qui s'infléchissait légèrement. Il fit quelques pas sur un sol ressuyé par la bise et qui sonnait sous les pieds comme une voûte, lorsque soudain la bâche du chariot pencha formidablement et l'équipage s'arrêta net. La roue antérieure du remain était enterrée jusqu'à la hauteur du moyeu. Essayer de la ressortir par la force des bêtes, c'était s'exposer à voir chavirer le chariot, qui s'inclinait déjà d'une manière inquiétante. Rafael tournait à l'entour, désespéré, conscient de sa faute. Il ne pouvait rien tout seul. Alors il fit claquer son fouet à coups prolongés pour demander de l'aide. Alvarez accourut le premier.
         - Je l'avais bien dit que ça arriverait !...
         Il est fou, Bacanète, avec ses idées !
         Suivi de Rafael, il examina la roue, s'agenouilla et, de ses deux mains, se mit à rejeter la terre de chaque côté. Les autres, penchés, le regardaient faire anxieusement. Mais Salvador déclara tout de suite :
         - Il n'y a qu'à doubler !... Je vais détacher une branche de mon équipage.
         - Doubler ! reprit Alvarez, regarde un peu le caillou qui est devant le remain...
         Et écartant le sable, il mit à nu un énorme quartier de roche :
         - Tu casseras plutôt les traits que de t'en ravoir.

         Il se releva d'un air très calme :
         - Celui qui veut se mettre à casser le caillou peut commencer ; moi, je ne bouge plus, la nuit va venir, jusqu'à demain, il n'y a plus rien à faire. Et puis, priez le bon Dieu que la pluie ne se mette pas à tomber !...
         Bacanète, son fouet en cravate, arrivait en ce moment même :
         - Eh bien ! quoi ? quoi ? qu'est-ce qu'il y a ?...
         Mais Alvarez, sans lui répondre, se mit à rouler une cigarette d'un air d'indifférence. L'autre eut envie de le gifler. Puis sa rage muette se tourna en un débordement de fanfaronnades, qu'encouragea Salvador.
         Allez ! Allez ! disait Bacanète, moi je n'ai pas envie de coucher ici. On va doubler, mettre les tours de roue !
         - et regardant en dessous Alvarez,
         - nous ne sommes pas des charretiers amateurs nous autres !
         Nous n'avons, pas peur de taper sur les bêtes, nous ne les tenons pas dans du coton !
         C'était une allusion méchante au bel équipage d'Alvarez, dont il était secrètement jaloux et aux soins minutieux que celui-ci donnait à ses mulets. Le Castillan était blême de colère ; mais il ne répondit rien.
         Ceux de Bacanète le détestèrent comme s'il eût été cause du désastre ; et tous, excités par Salvador, affolés par la peur de passer la nuit dans l'eau, ils se précipitèrent pour décrocher leurs attelages. En passant devant Rafael, Pépico ne put se tenir de lui lancer :
         - Hein! toi, qui fais le malin!.. Rafael se borna à hausser les épaules.

         Une agitation fiévreuse remplit ce coin de l'immense plaine. Luttant contre la distance et le vent, des fris s'élevèrent avec un grand bruit de traits froissés, de grelots et de claquements de fouet. Conduits par les hommes, des branches de mulets arrivaient au trot se rassembler autour du chariot en détresse. On entendait partout la voix rauque de Rafaël qui, pour faire oublier sa maladresse, se multipliait. Il donnait des ordres, décrochait les crics, allumait des lanternes ; car, derrière la dune d'El-Krechen, l'ombre s'épaississait.
         Pendant ce temps, Bacanète, armé d'une pioche, avait dégagé la roue. Confiant dans la force des équipages, son idée était de passer par-dessus le quartier de roche. Dans un grand flux de paroles, il expliquait longuement son plan à Salvador, sans se presser, malgré l'impatience des bêtes qui piaffaient et secouaient leurs grelots et, la plaisanterie toujours à la bouche, il paraissait s'amuser fort des mines éperdues des hommes.

         Il fit placer en tête sa propre branche pour doubler celle de Rafael. De chaque côté du chariot, afin de le maintenir en équilibre, on accrocha les grosses chaînes des tours de roue, auxquelles on attela de nouvelles branches de mulets. Autour de l'énorme véhicule, la masse bruyante des quarante bêtes remuait dans l'ombre. Sous la lumière des lanternes, les croupes blanches ondulaient tumultueusement comme les grosses vagues des tempêtes. Le flot des énergies grondantes s'exaspérait. Des ruades partaient tout à coup au milieu d'un hennissement de colère ; un frisson de révolte parcourait toutes les échines; les harnais et les traits s'agitaient et craquaient ; une rumeur de bataille assourdissait les hommes et la grande force frémissante des attelages les emportait à leur tour.
         Ils se rangèrent par groupes aux côtés des bêtes. Rythmant leurs commandements, frappant du fouet en cadence, ils essayèrent d'enlever l'équipage dans une clameur furieuse. Les mulets s'arc-boutaient violemment sur leurs jambes, mais le chariot ne bougeait pas. On leur cingla les jarrets et les croupes à pleine peau, de tout l'effort du bras. On s'enivrait du sifflement des mèches, on s'excitait l'un et l'autre et, à chaque coup, le vacarme des grelots s'élevait en une plainte frissonnante.

         Bacanète, avisant un petit cheval arabe qui renâclait, se rua dessus et se mit à lui frapper la tête à coups de manche de fouet. La bête, morte de fatigue, dansait entre les traits, n'ayant pas la force de se cabrer et, à chaque geste du bras, elle relevait la tête en ouvrant des yeux pleins d'épouvante. Derrière elle, le mulet Marquis, un grand mulet blanc, d'une hauteur colossale, se dressait tout debout sur ses pieds de derrière. Retroussant ses lèvres sur ses longues dents, il se mit à braire d'une façon belliqueuse, comme s'il eût voulu faire honte à son compagnon et entraîner les quarante bêtes dans son élan. Bacanète, l'ayant menacé de la main, redoubla ses coups sur le cheval arabe, hors de lui, tapant en aveugle, excité par la rage de son impuissance.
         - Arrête ! Bacanète, dit Manolito, tu vas le tuer !
         - Qu'il crève ! hurla Bacanète, puisqu'il ne veut pas marcher...
         Et, scandant chaque phrase d'un coup de manche de fouet
         - Il faut que je lui casse la tête!... il faut que je lui casse la tête!... Tu ne connais pas, toi, la coquinerie des bêtes...
         Il s'arrêta, épuisé, dégouttant de sueur, devenu presque aphone à force de crier. Le cou du cheval n'était plus qu'une plaie, et le sang ruisselait de son poitrail.

         Ils s'obstinèrent. Ils reprirent leurs places aux côtés des branches, les commandements et les coups de fouet rythmés recommencèrent. Un halètement formidable monta de toutes les poitrines, disant la peine des hommes et le dernier sursaut de leur, volonté pour vaincre l'inertie du chariot et l'entêtement des bêtes. Au milieu de la clameur, se distinguait, semblable à un râle, la voix rauque de Rafael. Il se déchirait la gorge, comme si l'effort de son cri allait s'ajouter à l'effort de l'attelage. Mais les mulets ne faisaient que piétiner sur place. Son bras, las de frapper, se paralysait. Le découragement l'envahit. Sa rage se dégorgea en un flot d'imprécations. Les dures paroles valenciennes s'arrachaient péniblement de sa gorge, mutilée et hideuse par l'enrouement de la voix, et, dans l'excès de son désespoir, cette injure lui remontait sans cesse aux lèvres :
         - La puta de mi mare !... La puta de mi mare !
         Manolito, scandalisé, lui dit :
         - Tais-toi, Rafaelète ! Laisse ton père et ta mère tranquilles...

         Comme pour détourner un présage, il ajouta immédiatement la phrase consacrée :
         - Que Dieu les repose, s'ils sont morts !
         Rafael, s'irritant davantage, ne l'entendit point. Il leva les bras pour frapper un des limoniers. Les côtes soulevées, les muscles raidis de la nuque aux talons, il voulut pousser contre ses bêtes, contre lui-même et contre tout une malédiction suprême dans un cri formidable ; mais une douleur aiguë lui troua la gorge. Il resta, la bouche ouverte, comme étranglé par son cri qui ne voulait plus sortir.
         Son fouet lui glissa des mains. Les bras pendants, les yeux morts, il se retourna vers les autres qui, épuisés avant lui, avaient cessé la bataille. Alors Alvarez le Castillan, demeuré impassible jusque là, s'approcha d'eux, la cigarette aux lèvres et, de son air glacial, sans même les regarder
         - Je vous avais bien dit 'qu'il n'y avait rien à faire ce soir !... Occupons-nous maintenant de soigner les bêtes et de manger s'il y a moyen....
         Il faisait nuit noire. On entendait, tout près, les eaux du lac frissonner sous le vent, et les feux des lanternes formaient un petit cercle lugubre dans l'épaisseur de l'ombre. Perdus sous les ténèbres, au fond des terres désertes, les hommes sentirent plus que jamais l'horreur prochaine de la nuit. Encore tout frémissants de la lutte, ils eurent envie de se jeter sur Alvarez, dont le calme les exaspérait. Mais, avec ses yeux froids et son visage hautain, il les intimidait malgré eux.

         Résignés, ils se mirent à dételer les bêtes, à étendre les mangeoires, à tirer les sacs d'orge et de fourrage. Chacun maugréait et jurait. Rafael, toujours furieux contre lui-même, stimulait pourtant sa lassitude et aurait voulu faire double besogne. Comme il s'avançait ployé sous un sac, Pépico, tenant par la bride une couplée de mulets, le heurta au passage.
         - Tu ne pourrais pas faire attention !... dit rudement Rafael.
         Pépico, qui l'avait heurté à dessein, répondit avec colère :
         - Ah! mais tu nous embêtes, toi !... Comme si ce n'était pas assez de nous avoir mis dans le bagali !...

         La méchanceté du reproche exaspéra la fureur rentrée de Rafael. Il jeta son sac par terre et, les poings levés, il se précipita sur Pépico en tirant du fond de sa gorge rauque d'effroyables injures. Celui-ci, en garde, se préparait à lui détacher un terrible coup de savate, qu'il avait appris du Borrégo. Mais on était accouru aux cris. On se mit entre eux deux ; Alvarez et Salvador maintinrent Rafael, qui se débattait et vociférait d'une voix monstrueuse :
         - Arrive ici, ruffian ! bâtard ! charretier de contrebande ! Arrive ici, si tu es un homme Mais tu es trop lâche pour ça ! Va-t'en plutôt casser des cailloux à la carrière, puisque c'est ton métier à toi, et ne viens pas nous insulter, nous autres!...

         L'emportement de ses gestes et la force de son élan finirent par le dégager et, comme Pépico l'attendait, une jambe détachée de, l'autre et prête à se lancer, il tira le couteau fixé à sa ceinture par une lanière de cuir. Rapide, il fonça sur son ami. Alvarez n'eut que le temps de lui saisir le poignet, tandis que Salvador lui emprisonnait les bras. Alors les yeux de Pépico s'emplirent d'une douceur étrange et, s'avançant les bras ballants, il se mit à fixer Rafael avec une expression de tendresse et d'affliction profondes
         - Tu veux me tuer, Rafaelète ? moi qui suis ton frère...
         Les yeux de Rafaël rencontrèrent les yeux de son ami. Immédiatement, toute sa haine se fondit. Il baissa la tête, resta un moment ainsi et, se jetant sur la poitrine de Pépico, il l'embrassa en éclatant en sanglots.
         Il pleura longtemps, assis sur son sac renversé, la poitrine secouée de sanglots convulsifs, avec un tremblement de tout son corps.

         C'était la honte de sa défaite, le sentiment de sa rancune et de son impuissance, qui s'en allaient avec ses larmes. Pépico ne le quitta point, le consola, lui demanda pardon de ses reproches et, quand Rafael se fut apaisé, il s'ingénia à partager son travail.
         Les bêtes commençaient à broyer l'orge, et tout était en place. Alors on s'occupa de souper. Les provisions étaient maigres. On n'avait rien pu trouver à Bougzoul. Il ne restait dans les caissons que des boites de conserves et quelques livres de soubressade apportées d'Alger. Pour la faire griller, Alvarez alluma du feu dans un seau par précaution contre le vent et la terre mouillée. On descendit le sac à pain. et Bacanète se mit à vider des bouteilles dans une vaste casserole pour préparer le vin chaud.

         Un crible servit de table, des sacs et des doubles, renversés servirent de sièges. Avec la pointe des couteaux,- on piqua les morceaux de soubressade, silencieusement ; car, à peine assis, les hommes avaient senti une fatigue de. plomb leur couler dans les membres, en même temps qu'un invincible besoin de sommeil. Ce repas funèbre touchait à sa fin, lorsque Manolito, qui s'était levé pour fouiller dans son caisson, dit tout à coup :
         - Tiens !... Mais c'est aujourd'hui la veille de Noël !...
         Il tenait à la main, un paquet soigneusement enveloppé
         - J'ai là une barre de nougat, que la patronne d'Aïn-Oussera m'avait commandée pour le réveillon... Ma foi ! nous allons le manger, nous autres, pour le dessert...

         A ces mots de Noël et de réveillon, chacun sortit de sa somnolence. Avec un serrement de cœur, ils songèrent à leurs parents, à leurs amis du Faubourg, qui, ce soir, étaient en fête. Ils se rappelèrent les petites sœurs et les grands-parents attablés autour de la mouna familiale, les romances des guitaristes, les fiançailles commencées, les femmes préparant les mantilles pour la messe de minuit et, dans Alger illuminé, les queues d'ouvriers endimanchés autour des théâtres, les tramways bondés de monde au milieu de la foule. Eux aussi, malgré l'humidité, glaciale qui faisait claquer leurs lèvres, malgré le grand désert sinistre qui les noyait d'ombre, et de silence, ils voulurent, cette nuit-là, leur part de bonheur. Salvador prépara du café. Bacanète, par besoin d'expansion, oubliait sa rancune contre Alvarez et commençait à le gouailler. Tous s'appliquaient désespérément à vaincre la fatigue et le sommeil.
         On buvait de pleins verres de vin chaud afin qu'un commencement d'ivresse fouettât les nerfs et rouvrît les paupières tombantes. Mais les Gondoles étaient toujours là, et lès petites voix grêles des hommes perdues dans cette immensité, les effrayaient eux-mêmes.

         Comme s'il voulait les arracher à l'obsession du silence et des ténèbres, Salvador alla prendre sa guitare, qu'il emportait toujours avec lui, et il entonna une de ses romances valenciennes. Pour se tenir éveillés, les hommes reprirent le refrain en chœur.
         Elle fut horriblement triste à entendre, cette chanson d'amour. On faisait de grands efforts pour écouter, et l'accablement de tous gagnait le chanteur.
         Manolito se tut le dernier. Le vent modelait une plainte de plus en plus basse, la lumière des lanternes se voilait dans l'ombre lourde de brouillard et de pluie. Les yeux se cherchèrent. Autour du crible qui servait de table, les visages décomposés, les prunelles éteintes, les vêtements boueux et rigides comme des linceuls leur apparurent. Bacanète, pour en finir, leur dit :
         - Allons voir, maintenant, s'il y aura moyen de dormir !

         La pluie se mettait enfin à tomber. Chacun se hâta de se préparer un gîte sous les chariots; mais, avant de se coucher, Alvarez voulut savoir ce que l'on comptait faire le lendemain.. Il conseilla tout simplement de décharger le chariot. Bacanète et les hommes avec lui se récrièrent : "C'était une corvée qui n'en finirait pas et, avec l'eau qui tombait, on risquait de gâter la moitié du chargement. Il n'y avait qu'une chose à faire, c'était d'attaquer le caillou avec le pic et la pioche... "
         Rafael, comme responsable de tout le mal, s'offrit spontanément pour cette besogne et, repoussant Pépico qui lui proposait de l'aider, il voulut être seul à faire le travail.
         Les autres se couchèrent. Les lanternes s'éteignirent. On n'entendait plus que l'essoufflement de Rafael, qui attaquait à coups de pic le quartier de roc. Sa sueur, mêlée à l'eau de pluie, lui picotait les poignets, et le poids de son caban de toile cirée lui cassait les reins. La gorge brûlante, il s'acharnait à entamer la pierre, et plus il s'épuisait, plus il s'exagérait sa faute et sa maladresse.

         Le visage impassible d'Alvarez le poursuivait comme un remords. Il commençait à comprendre que, dans son métier, la force n'était pas tout et que, jusqu'ici, il avait vécu comme un enfant. Des résolutions d'avenir s'ébauchaient dans la fièvre de son cerveau, à qui le surmenage des nerfs donnait une clairvoyance inaccoutumée... A la longue, ses bras retombaient inertes, entraînés par la pesanteur du pic. Il s'arrêtait, fouillant l'ombre du regard et, tandis que le déluge de pluie flagellait les misérables couchés sous les chariots dans leurs couvertures de cuir, il entendait avec angoisse le petit bruit des roues qui s'enfonçaient lentement dans le sable.

         Il ne se reposa que deux heures, cette nuit-là et encore lui fut-il impossible de dormir. Des terreurs l'agitaient comme dans un cauchemar. Il lui semblait que des voix traversaient les ténèbres.
         A l'aube, Bacanète voulut recommencer la manœuvre de la veille, mais, comme l'avait prévu Alvarez, la cheville-ouvrière se brisa et l'avant-train s'arracha du chariot.
         Il fallut enfin décharger. Rafael courut à cheval chercher un autre chariot à Bôghari. Le sol étant détrempé, ils n'arrivèrent à l'étape que le surlendemain au soir.
         Ils avaient mis quatre jours pour faire les cinq lieues qui séparent El-Krechen de Bougzoul.

Louis Bertrand



VOYAGE
Par M. Bernard Donville
                Chers amis, Bonjour aux fidèles

            La mer et la montagne qu'y a t-il de mieux pour visiter notre pays. Le froid et le chaud ! d'Alger à Bougie.
            La prochaine fois nous poursuivrons jusqu'à Constantine et profitez en bien ; la fin approche !

            Comme je ne veux pas me prendre pour le petit jésus j'avance d'un jour la suite du voyage de l'ami Dubouville (et ainsi le lirez vous peut être hors des vapeurs alcoolisées?)
            Vous retrouverez nos voyageurs à la découverte du constantinois.
            Que les sites soient naturels comme Constantine ou historiques comme Timgad nos amis se sont gavés de visions exceptionelles. Et après retour dans l'algérois la boucle algérienne étant terminée.
            Bonne lecture et surtout de joyeuses fêtes à vous et vos proches
            A bientot
            Amitiés, Bernard
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8 cap à l'est1
9 cap à l'est2
A SUIVRE


AVOUERIES

De Jacques Grieu

AVOUEMENT

" Il n'est pas de vainqueur sans l'aveu du vaincu "
A dit un grand poète : c'était avant Jésus !
Depuis, des grands vainqueurs, beaucoup on en a eu,
Mais qui, de leurs vaincus, d'aveux n'ont rien reçus…

Si Dieu existe bien, il faudrait qu'IL l'atteste ;
Et s'IL n'existe pas, qu'IL l'avoue par un geste…
On dit que le silence aurait valeur d'aveu ;
Mais la parole avec, avoue encor bien mieux.

Être un ambassadeur est un aveu en soi
C'est l'espion officiel, mais au-dessus des lois.
Si la charge d'avoué est un métier en marge,
Le poids de faire avouer n'est nullement sa charge.

Il y a des aveux qui sont des vantardises
Dont la proclamation parfois se gargarise :
Être grand patriote est une forme avouable,
D'une xénophobie qui serait... moins coupable.

Avouer ses erreurs, c'est mélanger les temps :
Tout le tort au passé, la raison au présent.
Mais l'aveu de nos torts aucunement dispense,
De bien s'en corriger, quoi que certains en pensent…

" Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire "
Donc plutôt qu'avouer, parfois il faut mentir ?
Se mentir à soi-même est alors bien tentant :
On s'évite du mal en ne rien s'avouant.

Chez l'homme politique, " avouer " est une erreur :
C'est sa définition. Démocrate, dictateur,
Ayant encor raison en retournant sa veste,
Il ignore le mot ou le fuit comme peste.

Le suicide est l'aveu que la vie nous dépasse,
Et que courir après nous mène à une impasse.
D'avouer son bonheur jamais on ne se lasse,
Mais doit se confesser seulement… à voix basse ….

Jacques Grieu                  


ALGÉRIE.
Gallica : Revue de l'Orient 1850(1) pages 121 à 127

Production de la soie.

         On a prétendu que tes races de vers à soie dégénéraient en Algérie ; le temps et l'expérience démontrent le contraire. Des races introduites depuis neuf ans n'ont rien perdu de leur état primitif; au contraire, elles se sont améliorées.
         Le mûrier croît en Algérie avec une force, une vigueur qui n'a pas d'exemple; les éducations de vers soie s'y font avec la plus grande facilité et réussissent admirablement. Il est certain que notre industrie manufacturière, qui achète à l'étranger annuellement pour plus de 60 millions de soie grossière la plupart du temps, trouvera avant peu en Algérie, et abondamment, une matière précieuse, ayant toutes les qualités qu'elle recherche ailleurs vainement, et qui satisfera un jour aux besoins les plus larges de la fabrication française.

         Dans un pays aussi éminemment propre au développement de la soie, et quoique de nombreux mûriers y fussent déjà en rapport, peu d'éducations de vers à soie se faisaient, parce que l'élément industriel manquait essentiellement à côté de l'élément agricole, et que le producteur de cocons ne trouvait pas à placer lucrativement ses produits.

         En présence de cet état de choses, l'administration a dû se mettre transitoirement au lieu et place de l'industrie particulière et prendre d'initiative du placement des produits. C'est-à-dire que l'administration achète elle-même les cocons aux colons, les leur paie au prix que ne pourrait pas toujours leur offrir le commerce, convertit ces cocons en soie grège, et vend cette soie aux fabricants de la métropole au prix coûtant.
         Cette mesure, qui a reçu son application en 1848, a déjà porté les plus heureux fruits. Encore quelques années de protection aussi efficace de la part de l'administration, et l'industrie séricicole, qui fera la richesse de nos colons et de nos manufactures métropolitaines, sera solidement implantée en Algérie.

         En 1848, l'administration a acheté 1,380 k. de cocons qu'elle a payés 5 F le k; elle en a retiré 117 k. de soie.

         En 1849, la quantité de cocons apportée jusqu'à ce jour s'élève à 2,379 k, qui sont payés à raison de 4 F le k, dont 284 k proviennent de la province de Constantine, 8 k de celle d'Oran, le reste d'Alger.
         Le nombre des mûriers plantés chez les particuliers, dans toute l'Algérie, est d'environ 600,000 dont 100,000 sont en plein rapport.
         Les pépinières de l'Etat renferment un égal nombre de jeunes arbres (mûriers) bons â mettre en place. L'Etat possède encore dans les camps, sur les places, un grand nombre de mûriers en plein rapport, qu'il va livrer â la production au moyen des adjudications publiques.

         La filature de l'administration est annexée à la pépinière centrale du gouvernement, et est placée sous la surveillance immédiate du directeur de cet établissement. Elle se compose de douze bassines alimentées par un générateur â vapeur ; les tours sont mus à bras d'homme.
         Cette année, douze fileuses sont employées ; neuf proviennent des départements séricicoles du midi de la France, et principalement de l'Isère et de la Drome ; trois ont été formées sur les lieux ; on forme dans ce moment-ci trois nouvelles élèves.

         Lorsque, les années précédentes, il n'y avait que trois à quatre fileuses d'employées, le rendement était de 9 à 11 pour 100, c'est-à-dire qu'il fallait de 9 à 11 k. de cocons pour obtenir 1 k, de soie.

         En 1848, il y a eu neuf fileuses d'employées, et le rendement n'a été que de 13 pour 400, c'est-à-dire qu'il fallait 13 k, de cocons pour obtenir 1 k. de soie.
         Frappé de la coïncidence de la diminution du produit avec l'augmentation des ouvrières, le directeur a naturellement du en chercher des causes. Il a cru les découvrir dans ce que les fileuses tiraient trop à la main, et mettaient une partie notable de soie dans les frisons. C'était une habitude difficile à déraciner, habitude contractée dans certaines filatures du midi où les frisons sont donnés aux fileuses ou contre-maîtresses de la filature ; on y est parvenu en intéressant directement les fileuses à prendre le moins possible de frisons ; à cet effet, trois primes de 2 F, 1 F 50 c. et 1 F sont accordées chaque semaine à celles des fileuses qui, à poids et à qualité égale de cocons, rendent le plus de soie la mieux filée. Le résultat a dépassé les espérances, car depuis le 25 mai jusqu'au 25 juillet, il a fallu moins de 10 k. de cocons pour un k. de soie. Il est permis de croire que ce rendement se maintiendra pendant toute la saison du filage, qui sera de trois mois et demi environ.

         Le filage peut durer six et mime sept mois sans inconvénient en Algérie. Les soies de la récolte de 1848 ont été vendues à Lyon 60 F le k.

Production des fourrages.

         Les fourrages ne sont pas encore cultivés en Algérie ; cette terre généreuse les produit spontanément. Le cultivateur n'a d'autre peine que de les couper et les faire sécher ; cette dernière opération se fait on ne peut plus facilement, lorsque la sécheresse commence.

         Les fourrages se composent de plantes annuelles et de plantes vivaces qui vivent séparément et d'une manière différente.
         Les fourrages annuels croissent sur les coteaux, les terrains en pente, là où les eaux pluviales ne s'amassent jamais; ils appartiennent sans exception à la famille des légumineuses et se composent principalement des espèces suivantes : medicago, polymorpha, melilolus, itaiicus, hedysarum flexuoscum, hedysarum oriobrichis, tifolium stellatum , vicia equina, vicia narboreesse, ervum monantos ; toutes ces plantes croissent pêle-mêle dans les mêmes champs ; on rencontre cependant de grands espaces composés d'une seule espace. Aussitôt les premières pluies d'automne, toutes les graines germent dans le sol, les plantes grandissent et se fortifient pendant l'hiver; elles ont atteint tout leur développement à la fin de mai, époque où on les fauche. Lorsque le printemps est pluvieux, ces fourrages légumineux prennent un déploiement considérable ; ils sont quelquefois tellement épais et élevés, qu'une fois qu'on est engagé dans le champ, on a du mal à en sortir. Ces plantes sèchent sur pied dans le mois de juin, le soleil d'été les réduit en poussière ; en août et septembre, le sol est complétement nu : il ne reste d'autre vestige que la graine de cette végétation plantureuse.

         Les fourrages vivaces se tiennent dans les endroits bas où s'accumule l'humidité pendant la saison pluvieuse; les familles des graminées et des cypéracées les composent exclusivement. Les parties les plus élevées de ces prairies se dessèchent encore pendant l'été et ne donnent qu'une coupe; dans les endroits les plus bas, où l'humidité du sol est permanente, comme dans le voisinage des marais, les herbages ne sèchent pas, et l'on peut faucher chaque mois.
         Le rendement par hectare est très-variable. Comme ce ne sont pas des prairies régulièrement aménagées, il existe de grandes lacunes improductives en herbe à faucher ; elles sont occupées par de grandes plantes et des broussailles. Pans certaines localités, un hectare produit jusqu'à 90 quintaux métriques de Fourrage sec ; dans d'autres, il n'en produit que vingt dans les endroits lis glus chauds et les plus secs, au milieu de la broussaille, il se trouve une graminée qui croit, çà et là, par grosses touffes, dont la végétation a lieu pendant l'été, et que les Arabes nomment dis ; c'est l'arundo festucôide, de Desfontaines. Cette plante se retrouve très-avant dans le sud. Bien que Ies feuilles en soient dures et coriaces, les chevaux les acceptent parfaitement lorsqu'elles sont fraîchement cueillies ; c'est souvent l'unique ressource de la cavalerie française dans les expéditions qui ont lieu pendant l'été.

         Les fourrages récoltés en Algérie peuvent s'utiliser de deux manières. Ils le sont déjà pour la consommation locale ; l'administration achète ce qui est nécessaire à l'entretien de la cavalerie, et le colon fait des réserves pour alimenter son bétail pendant les trois à quatre mois d'été où les pâturages sont insuffisants, et pendant l'hiver, lorsque les pluies torrentielles empêchent les troupeaux de sortir et les renferment dans l'étable.
         Mais cette consommation locale est loin d'utiliser tout ce que le sol produit ; la majeure partie sèche sur pied et se perd faute d'emploi, tandis que souvent le midi de la France est obligé de tirer du fourrage du dehors de son territoire et de l'étranger. Il serait facile d'organiser des exportations de fourrages de l'Algérie sur Marseille, si les produits algériens avaient la libre admission en franchise sur nos marchés. Les colons peuvent livrer leur fourrage à 7 fr. le quintal métrique rendu sur le qua i; ces mêmes fourrages pourraient être livrés à Marseille â 9 F le quintal, alors que les fourrages venant d'Italie sont payés 14 et même 15 F par l'administration.

         On a objecté qu'en ouvrant un grand débouché aux fourrages d'Alger, ce serait y perpétuer l'inculture du sol. C'est là une erreur. Il existe sans doute des abus des spéculateurs parasites, comme d'ailleurs il s'en montre partout, agiotent sur ces fourrages ; ils ramassent partout et par toute sorte de moyens de grandes quantités de fourrages qu'ils livrent à l'administration sans avoir le moindre terrain en valeur. Ces abus, l'administration aurait pu les faire cesser depuis longtemps si elle l'eût bien voulu, en n'acceptant que les fourrages des cultivateurs sérieux, et pour cela, elle n'avait qu'à utiliser le bon vouloir des inspecteurs de la colonisation dont l'emploi actuel ne répond pas du tout à l'idée qui a déterminé leur institution. En définitive, les fourrages vendus pour l'exportation feraient rentrer des capitaux dans le pays et donneraient aux colons une aisance qui leur permettrait d'augmenter leurs défrichements et par conséquent la production générale. II y a donc un très-grand intérêt à favoriser l'exportation des fourrages algériens.

         L'importation des fourrages algériens dans le midi de la France serait très-utile au développement agricole d'une partie de son territoire. Ainsi les fourrages du Dauphiné sont en grande partie dirigés sur Marseille et les environs; les cultivateurs trouvent dans cette vente plus d'avantage que dans l'élevage du bétail. Cette perte de fourrage est très-nuisible à la prospérité de l'agriculture locale, le bétail tend â diminuer chaque jour et, par suite, les engrais. Si cet état de chose continue, l'appauvrissement du sol ne tardera pas à se faire sentir, et la production végétale diminuera, il n'y a qu'un seul remède à apporter, c'est l'introduction libre des fourrages algériens.

Arbres fruitiers et légumes de primeurs.

         Aucun pays du monde peut-être ne comporte la culture d'un aussi grand nombre d'espaces d'arbres fruitiers que l'Algérie. Tous les arbres du nord de l'Europe, ainsi que ceux du midi y viennent parfaitement; à cette nombreuse nomenclature viennent se joindre la majeure partie de ceux des pays tropicaux.

         Les arbres fruitiers du crû proprement dit de l'Algérie sont les orangers et ses nombreuses variétés, les citronniers, les limoniers, les cédratiers, les figuiers, les grenadiers, les jujubiers. Nous y avons introduit les nombreuses variétés de nos meilleurs arbres fruitiers, les poiriers, les pommiers, les pruniers, les cerisiers, les abricotiers, les pêchers, les amandiers, la vigne, qui tous avaient des représentants dans les vergers arabes. Enfin, en fait d'arbres fruitiers exotiques ou originaires des tropiques, nous avons déjà naturalisé le bananier et ses diverses variétés, le bibacier, le goyavier, l'avocatier, le chérimolier, et un grand nombre d'autres espèces que le climat permet d'introduire.

         Les arbres fruitiers d'Europe réussissent parfaitement sous l'influence de soins judicieux, surtout les variétés hâtives ; leurs produits sont plus particulièrement destinés à la consommation locale. L'Algérie exportera vers le nord des fruits frais et des fruits secs. Les fruits frais se demanderont en grande quantité, lorsqu'une ligne de chemin de fer traversera la France de Paris à Marseille. Paris recevra alors en grande abondance des oranges, des citrons, des cédrats, des bananes, des goyaves, des grenades, des fruits de bibaciers, de chérimoliers, d'avocatiers, etc., etc.
         On pourra expédier par la même voie des légumes de primeurs ; lorsque le sol sera couvert de frimas en France, on recevra d'Algérie des artichauts, des petits pois, des haricots tendres, des choux-fleurs, des fraises, etc., etc. La production des primeurs sera alors déplacée ; nos primeuristes, qui n'obtiennent aux environs de Paris leurs produits qu'à grand renfort de travail, de peines, de soins, de moyens artificiels et de dépenses de tout genre, porteront leur industrie vers un climat plus doux et plus approprié à ces productions.

         L'Algérie peut produire des fruits secs en très-grande abondance ; c'est un article de la consommation qui est toujours recherché, toujours cher, qui est insuffisant en un mot. Parmi ces fruits secs, les figues prennent le premier rang. Les Arabes en font sécher une grande quantité pour leur usage ; puis viennent les raisins de Malaga et de Corinthe, les amandes, les pistaches, les jujubes, et enfin les dattes qui se récoltent en abondance dans le sud de notre territoire algérien.
A. HARDY,
Directeur de la pépinière centrale du gouvernement, à Alger.


C'EST A S'Y MEPRENDRE !
Envoyé par M. Georges Barbara
TOINETTE ET MARIE JEANNE
           T- " Allo Marie Jeanne ça va ? Comment t'yes ojourd'hui?

           MJ- " Ah !Un peu mieux Toinette, un peu mieux, areusement que cette madone de rage des dents que j'avais, qu'elle m'a lachée !

           T- " Dis moi un peu, j'voudrais te demander une chose. T'yen roçois toi aussi des coups de téléphone du matin au soir pour la réclame qu'y te font en ce moment?

           MJ- " Oh tu sais …. à sa'oir peut être . Faut que j'te dise la franche vérité, ce madone de téléphone y m'intéresse pas beaucoup. Aussinon, c'est toujours mon fils Lulu qui te répond. Lui alors, il est toute la journée avec ce cats acollé aux oreilles. Y fait son cinéma a'c ses copines. Et laisse le qu'y te marche sans arrêt dans le corridor d'la maison, et va et vient, et va et viens !. Au lieu d'aller un peu se trouver du travail, y se fait son cours Bertagna. Et tout ça je vais t'le dire moi et ben c'est la faute à Jeannot mon mari lui qu'y s'prend pour ça qu'y l'est pas. Ce monsieur fugure toi, et ben y l'a voulu te faire des necks devant les 'oisins, alors y l'a fait installer ce Cataplase qu'y l'est du matin au soir t'sur la cheminée. Et te vas t'le changer toi le Babalouke que je me suis pris moi ? Ce fanfaron qui l'est, ah c'est sur qu'y l'est bien d'la choumarelle lui. Mais moi y peut te venir même le juge d'la Calle pour que je m'en sers de ce machin, que te dirais une crabe poileuse. Y peut crever, c'est même pas beau et en plusque que j'me faisait des idées, j'te croyais que il allait faire bien 'ac mon intérieur que c'est tout Artdéco. Et ben oualou ma fille, j'me suis mis le doigt dans l'oeil bien bien !

           T- " Et ben moi Marie Jeanne, moi y me gonfle toute la journée et je réponds, que je me crois toujours que c'est ma sœur de Philiville qu'elle est malade, et que dieu en preserve qu'y lui arrive queque chose. Et ben à chaque fois diocane qui c'est ça que j'me trouve de l'autre coté du fil ? C'est des gens que tu dirais des africains. J'te les comprends tout juste..

           MJ- " Et comment te sais ça qu'c'est des africains ? Y te viennent d'labas jusqu'ici dans ton téléphone?

           T- " Et ben y te parle comme ces tirailleurs sénégalais qu'yavait à Joanonville pendant la guerre, te t'arappelles ?

           MJ- " Et alors y te veulent quoi?

           T- " Y te veulent quoi ? Et ben ,qu'elle m'a dit une femme dans l'appareil, la bouche en coeur que si j'étais propriétaire de ma maison y fallait que je m'isole ! Et entention c'est du monde très poli ça on peut pas leur roprocher. Elle m'a même appelée Madame, te t'en renconte ?

           MJ- " Agas moi ça le toupet qu'y z'ont ce monde là ! C'est quoi encore cette façon qu'y z'ont de te parler du monde qu'y connaissent pas ?

           T- " Et qu'est ce tu veux c'est comme ça ma fille, c'est comme tu dis. Et pis d'abord a la commencé par me dire que le gouvernement y prend tout en charge, ça elle va le raconter à sa mère et pas à moi. Et après…. seulement après…. elle m'a dit que je dois payer d'ma poche cinquante sous. Alors soit disant c'est aouf et tout d'un coup a'c sa bouche en coeur, a te demande cinquant sous, t'ya bien entendu ? Cinquant'sous ! Ma Fi a m'a laissée axe c'te marchande de tapis !

           MJ- " Elle est gonflée celle àa c'est sur, mais pour qui a se prend, dans quel monde nous vivons je m'le demande !

           T- " Mais ça qui me chagrine c'est que moi je veux pas être isolée, j'suis bien au milleu de ma famille au Pont blanc a'c les copines et tout. Et même si a me ferait cadeau des cinquante sous, moi je te bougerai jamais d'chez moi !

           MJ- "Te sais ça qu'je pense main'nan que tu m'dis ça, o Chounette, y paraît qu'c'est a debon un coup monté en d'sous par la mairie. Ca j'le tiens de Fifine. C'est hier au soir quand on se prenait le frais t'sur la route de l'orphelinat qu'elle l'a dit ; " Que la mairie, y veulent nous faire partir nous les familles des laitiers, de ce Pont Blanc où y sont nés tous nos morts. Diomadone mais ça qu'y z'oublient de dire c'est qu'à la place y veulent te faire une maison de vacances pour les enfants des employés d'la commune. Eux qu'y z'ont cherché midi à quatorz'heures pour venir nous ramasser les ordures au Pont Blanc ! Enfin et pour te finir, y nous jeteraient dans ces boites à sardines qu'y z'ont construit à dache, à la cité des Lauriers roses !

           T- " Atso tu crois ? Alors j'avais pas pensé à çà, et ben crois moi si a me rappelle cette Canemourte, je vais déjà t'l'envoyer chier dans les grandes largeurs, parce que nous nous sommes nés au pont blanc et on crèvera au pont blanc. Et pis attends aussi qu'y te rentre le Jeannot ce soir du travail comme je vais t'lui en chanter quatre, ça c'est sur ! Parce que lui le monsieur et combien je t'l'avais averti, y te jurais que par Pantaloni le Maire, et j'lui avais dit entention Jeannot que çuila un jour y va nous le mettre bien bien ? Et ben lui ce Canemourte que ça lui rentre par une oreille et que ça lui sort par l'autre, il a eu le courage de me faire voter aussi à moi pour son Pantaloni. Et t'le voila le romerciement, tiens prends toi dans la fatche!

           MJ- " Entention Toinette avant de faire le bordel, que je te connais toi, y faut sa'oir si ça qu'elle m'a dit Fifine c'est vrai. Moi je t'l'ai vendu comme je l'ai acheté ma Fi !

           T- " Et n'as pas peur toi, je suis pas Babalouke à ce point qu'a même pour que j'lui dis que c'est Marie Jeanne qu'elle m'a raconté çà ! Je va lui dire que c'est des hauts placés à la mairie qui z'en ont parlé ! Et entre nous, leurs z'immeubles des Lauriers Roses, a'c des fenêtres à la six quatre deux que tu peux même pas étendre la lessive, que tu croirais que c'est des poulaillers, y z'ont qu'à s'les mettre ou je pense. Aller j'te coupe o Marie Jeanne, je crois que ma daube elle est entrain de s'attacher et si quand y va rentrer mon oualio ce soir aprés le travail y me trouve un petit goût amer à la macaronnade, il est capable comme j'le connais de me faire faire trois tours à la table de la cuisine !

           MJ- " Aller Toinette c'est bon, mais écoute bien ça que j'te dis….Ton téléphone et ben fais comme moi…. Laisse le qui te sonne , quand y aura plus des piles y va s'arrêter, et ta gonzesse a'c sa peau brune là, elle a qu'à isoler tous les cabanes de la recréation qu'y z'ont en Afrique ! Làbas au moins ya d'la place !

Georges Barbara, Août 2022


Saint Théogène, Évêque d'Hippone.
Martyr avec 36 de ses paroissiens
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N°208 - Novembre 2012
     
                Théogène, évêque, était du nombre des Pères du Concile de Carthage, qui s'assembla par le soin et l'autorité de saint Cyprien, pour traiter la question du baptême des hérétiques. Il y donna un avis qui, si l'on fait attention aux circonstances et à la question non encore définie, paraîtra marqué au coin de la prudence.

                Saint Augustin rapporte ainsi ces paroles : Théogène d'Hippone dit Selon le sacrement de la grâce céleste, que nous avons reçu, nous croyons en un seul baptême qui est dans la sainte Eglise". Et notre grand docteur interprète ainsi cette pensée cet avis peut être aussi le mien. Car il a été pesé pour ne rien contenir qui soit contraire à la vérité, et nous aussi nous croyons en un seul baptême, qui est dans la sainte Eglise; c'est pourquoi les termes de cet avis ne doivent pas rencontrer la contradiction, puisqu'ils ne gênent en rien la vérité

                L'empereur Valérien régnait alors; longtemps, il avait mérité l'approbation des gens de bien, étant très favorable aux chrétiens. Mais égaré par les perfides conseils de Marcien, il lança un édit de persécution. Commencée à Rome par une grande effusion de sang, la persécution passa bientôt en Egypte, et envahit toute l'Afrique. Un prélat éminent entre tous les autres, saint Cyprien, eut la tête tranchée saint Augustin dit de lui : "Comme un sarment chargé de fruits, s'il y eut quelque chose à purifier en lui, le martyre le purifia". Théogène d'Hippone, son contemporain et son collègue dans l'épiscopat, suivit ce grand homme dans une si glorieuse mort.
                Vue générale d'Hippone la Chrétienne qui deviendra Bône la " Pied-Noir " puis Annaba la Musulmane

                La mémoire de Théogène était célèbre à Hippone, et le même docteur parlant du culte des Saints, disait : "Lorsque nous offrons le saint sacrifice aux mémoires des Saints, n'est-ce pas à Dieu que nous l'offrons ?" Les saints martes ont un rang honorable, cependant on ne les adore pas à la place du Christ. Quand avez-vous entendu dire dans la mémoire de saint Théogène, soit à moi, soit à un de mes frères ou collègues, à quelque prêtre enfin : Je vous offre à vous, saint Théogène, je vous offre à vous, Pierre ? Ce n'est pas Pierre que j'adore, mais Dieu que Pierre aussi adore comme moi.

                Théogène fut martyre vers l'an 260, et avec lui trente-six chrétiens qui méprisant la mort, remportèrent la couronne de la vie éternelle.

                Fêté le 26 janvier
                Tiré de : Les Petits Bollandistes ; Vies des saints tome 1
Pieds-Noirs d'Hier & d'Aujourd'hui N° 208 Novembre 2012
    


Lettre d'information - Décembre 2022
postées sur le site de l’Association de Soutien à l’Armée Française (ASAF)

www.asafrance.fr
Envoyée Par l'ASAF
L’Europe : un espace géographique où Noël est fêté partout

       Il y a 15 ans, le 13 décembre 2007, était ratifié le traité de Lisbonne

       « S’inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l’égalité et l’État de droit… ». Voici le salmigondis qui aurait dû servir d’introduction au traité constitutionnel européen de 2004 qui, en définitive, n’a pas été ratifié, et qui ouvre le traité de Lisbonne de 2007 qui lui a été substitué. Cette formule est d’une rare malhonnêteté intellectuelle puisqu’elle nie, implicitement, que l’ « héritage religieux » dont parle le texte est, sur le continent européen, à 99 % chrétien. Il aura donc fallu tout le cosmopolitisme de l’élite technocratique européenne pour évacuer toute référence explicite aux racines chrétiennes de l’Europe. Cerise sur le gâteau, dans ce jeu d’esquive malsain, de convictions identitaires incertaines, de déni de soi-même, le président de la République française du moment, inspiré sans doute par sa pathétique propension à la repentance, a pesé d’un poids décisif.

       Pourtant, relisons ce qu’écrivait Fernand Braudel en 1986[1]: « En fait, l’expérience carolingienne est à l’origine - ou, si vous préférez, elle a confirmé la naissance – de la Chrétienté et aussi de l’Europe, les deux termes étant alors identiques, comme deux figures géométriques qui, exactement, se recouvrent ».

       Tous les historiens s’accordent pour dire que c’est du Xe ou XIe siècle jusqu’au milieu du XVe que le destin de la France et de l’Europe s’est joué de façon irréversible. Ces siècles sont au coeur de notre histoire. Or, précisément, dès les premières années du XIe siècle déferle sur l’Europe une vague de constructions d’églises nouvelles. Un chroniqueur de l’époque s’extasie : « C’était comme si le monde, en secouant son ancien costume, s’était redressé dans le blanc manteau d’églises nouvelles ». C’est le début de l’architecture romane qui, jusqu’au XIIe siècle, modèlera les paysages sur l’ensemble du continent. L’Europe alors se constitue et s’affirme ; elle se consolide, se cimente. Mais elle le fait justement parce qu’elle s’affirme chrétienne. Donnons à nouveau la parole à Fernand Braudel qui nous dit que dans cette période : « L’Europe n’est une que parce qu’elle est, en même temps, la Chrétienté ; mais la Chrétienté et, avec elle, l’Europe ne peuvent affirmer leur identité que face à l’autre. Aucun groupe, quelle que soit sa nature, ne se forme mieux qu’en s’opposant à un tiers. À sa façon, l’Islam aura participé à la genèse de l’Europe. D’où l’importance des croisades [2]»

       Hou la la, monsieur Braudel ! Si vous teniez ces propos aujourd’hui, il n’est pas certain que votre agrégation d’histoire, vos douze diplômes de docteur « honoris causa » d’universités étrangères, votre Légion d’honneur[3] ou votre fauteuil à l’Académie française[4] vous épargneraient d’être traité d’affreux « islamophobe ». Pourtant, les musulmans intégristes, eux, ne s’y trompent pas et font référence plus volontiers que nous à cette période de notre histoire. Ils continuent à nommer les Occidentaux et/ou les Chrétiens, car eux ont bien compris que les deux se confondent : « les Croisés » !

       Mais revenons à la déclaration introductive du traité de Lisbonne. On y fait référence à l’héritage humaniste de l’Europe. En vérité, c’est là une contrefaçon sémantique ayant pour objet d’éviter d’écrire « origine chrétienne de l’Europe ». Car, en effet, l’humanisme, c'est-à-dire « la position philosophique qui place l’homme et les valeurs humaines au-dessus des autres valeurs [5]» est, par définition, d’essence chrétienne. La reconnaissance de l’individu procède par nature du message évangélique et s’oppose à l’ « umma » de l’Islam, c'est-à-dire à la communauté des croyants qui seule compte. Cette souveraineté de la personne, son unicité, sa responsabilité, sa capacité à choisir et aussi à espérer, qui n’ont rien à voir avec la forme dévoyée qu’est l’individualisme qui, hélas, nous submerge aujourd’hui, sont, par nature, d’essence chrétienne et européenne. Ce sont d’ailleurs ces notions qu’ont reprises les philosophes des Lumières sous une forme sécularisée. Elles constituent l’antithèse du caractère inéluctable de la destinée du musulman tout entier contenu dans la formule récurrente « Inch Allah ! ».

       Ces quelques rappels historiques en même temps que théologiques devraient permettre d’éclaircir certaines zones d’ombre qui obscurcissent la pensée de certaines bonnes âmes et qui jouent chez elles le rôle de ce que Freud appelait le « continent noir » quand il évoquait la psychologie féminine :

       La Turquie a-t-elle jamais eu vocation à rejoindre un jour l’Europe, quand bien même serait-elle devenue alors un modèle de démocratie ? La réponse est évidemment non !
       Est-il normal, acceptable, souhaitable, utile, nécessaire de donner des gages aux « autres » (selon la terminologie de Braudel) en gommant la croix rouge de nos véhicules sanitaires militaires ou en demandant à nos militaires féminins de porter le tchador sous prétexte que nous sommes chez eux (la plupart du temps à leur demande), alors que, sur le territoire national, ceux qui se revendiquent de l’Islam prient dans nos rues ? De la même façon la réponse est non !
       Peut-on refuser aux Ukrainiens de s’intégrer à un ensemble « qui place l’homme et les valeurs humaines au-dessus des autres valeurs » ? Là encore, la réponse est non !

       Inscrite dans le marbre d’un ersatz de constitution, la non référence à ses racines chrétiennes a scellé le destin de l’Europe. Celle-ci a opéré un virage identitaire et a renoncé à ses valeurs de civilisation. « Inch Allah ! ».
La rédaction de l'ASAF



Que doit faire la France pour ne plus être envahie par les migrants africains ? 
PUBLIÉ PAR MANUEL GOMEZ, LE 9 DÉCEMBRE 2022
Envoi de divers.
      

                Cela se sait, tous le prédisent, l'Afrique dépassera les deux milliards d'habitants au cours des prochaines années et 50% de ces deux milliards n'auront qu'un seul objectif : la fuite vers l'Europe.
               L'Afrique du Nord, c'est-à-dire les trois pays du Maghreb, Tunisie, Algérie et Maroc, ne cesseront jamais d'être, tout au moins dans les prochaines décennies, en pleine instabilité politique, économique et sécuritaire.

                Politique : Aucune démocratie, aucune république, aucune liberté, ne pourra s'installer dans des pays dont la religion a l'emprise totale, impose ses lois, et demeurent sous la menace permanente d'une radicalisation islamiste.

                Économique : La Tunisie a perdu sa principale source de revenus, le tourisme et reste la plus menacée par l'islamisme radical.
               L'Algérie importe 95% de ses besoins et son économie repose, ou plutôt reposait, sur sa production de pétrole et de gaz, car elle a très fortement diminué depuis ces dernières années et cette baisse de la rente pétrolière est une véritable catastrophe. D'autre part, d'après ses experts, cette production s'éteindra d'ici 20 à 30 ans. Il est fort possible qu'elle soit sauvée par l'exploitation intensive du gaz de schiste, avec le partenariat de la France.
               Le Maroc est, pour le moment, épargné sur le plan économique, mais il a de graves problèmes frontaliers avec d'une part les Sahraouis, d'autre part, les Algériens et sans doute un jour prochain avec l'Espagne.
                L'Algérie et la Tunisie sont constamment sous la menace d'importants mouvements sociaux. La liberté d'expression est totalement muselée et le taux de chômage ne cesse de progresser.

                Sécuritaire : Ces trois pays sont confrontés au même danger terroriste, avec le retour massif des combattants de Daech, fuyant la Syrie, l'Irak, la Libye et, dans un proche avenir, les pays subsahariens.
               Dans ces trois pays les " Frères musulmans " sont à l'affût de la moindre faiblesse des pouvoirs en place, et ces pouvoirs sont très faibles actuellement. Fort heureusement L'Algérie et le Maroc possèdent une armée susceptible de s'opposer à l'islamisme radical mais qui ne cache pas ses ambitions politiques.

                Et l'Europe, et la France, dans ce triste panorama ?
               Cette situation est un grave sujet pour les Européens. Grave, car ceux qui dirigent l'Union Européenne sont totalement " à côté de la plaque " et, soit ne perçoivent pas ce terrible danger qui nous menace, soit ont pour objectif de l'encourager et c'est exactement ce qu'ils font.
               La situation actuelle est loin d'être un sujet de satisfaction pour nous Français, car nous subissons quotidiennement les dommages de cette politique européenne. L'Italie et la Grèce en ont été, et en sont toujours, les victimes, quant à l'Espagne, déjà fortement concernée, elle ne sera pas épargnée.
               Le constat de l'augmentation progressive des demandes de visas vers la France en apporte la preuve immédiate ainsi que les importants investissements immobiliers de milliers d'algériens vers les villes espagnoles proches des rives africaines, au sud d'Alicante.

                La sécurité des pays européens, mais surtout de la France de l'Italie et de l'Espagne, passe par le développement économique et la stabilité politique de ces trois pays d'Afrique du Nord.
               Et pour y remédier il n'y a que trois solutions :
               · Supprimer totalement toutes les aides sociales offertes aux migrants irréguliers, afin de ne plus les inciter " à s'inviter chez nous ".
               · Investir massivement pour permettre leur développement afin que les indigènes restent chez eux, mais cela ne ressemble-t-il pas beaucoup à de la " colonisation " ?
               · Enfin, fermer nos frontières avant d'être envahis ! Mais cela semble n'être " qu'un vœu pieux "
               Mais n'est-il pas déjà trop tard ?

M. Publié par Manuel Gomez le 9 DÉCEMBRE 2022
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Manuel Gomez pour Dreuz.info.


LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

    
CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers


Huile de table

Envoyé par Raymond
http://lestrepublicain.com/index.php/actualite/item/ 9038608-huile-de-table-l-entree-en-activite-de-l-usine-de-jijel -transformera-l-algerie-en-pays-exportateur


lestrepublicain.com - 15 Déc 2022 Actualité -

L'entrée en activité de l’usine de Jijel
transformera l’Algérie en pays exportateur

         Le ministre de l’Industrie, Ahmed Zeghdar, a affirmé jeudi à Jijel que l’entrée en activité de l’usine Kotama Agrifood de production des huiles alimentaires ''vers fin 2023 transformera l’Algérie en un pays exportateur de l’huile de table''.

         Au cours de son inspection de ce projet sur le site de Bazoul à l’intérieur du port de Djendjen (Jijel), le ministre a souligné que ce projet ''prometteur'' permettra à l’Algérie de devenir ''un pays exportateur de l’huile de table vu que nous possédons tous les atouts pour y parvenir''.

         Le ministre a rappelé que le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune avait souligné mardi, lors de l’ouverture au palais des expositions d’Alger de la foire de la production algérienne, 'l'impérative réduction de la dépendance dans le domaine de l’huile de table et d’aller vers l’exportation''.

         Le ministre a relevé qu’avec l’entrée en phase de production ''fin 2023'' de cette usine et le début de production d’une autre usine d’un opérateur privé au cours du second trimestre de la même année, ''l’Algérie parviendra à réaliser l’autosuffisance en ce produit et d’aller vers l’exportation vers les pays voisins et d’Afrique''.

         Evoquant l’allongement de la réception de ce projet à fin 2023 alors qu’elle était annoncée à fin 2022, M. Zeghdar a indiqué que l’ouverture du dossier de cette usine reprise par l’Etat par décision de justice a révélé ''de multiples infractions impliquant des intervenants de plusieurs nationalités et de longues négociations ont été menées dans le but de préserver les droits de l’Etat et protéger l’économie nationale après le constat de gonflement de factures, de la saisie d’équipements au niveau des ports et d’autres pratiques qui ont causé le retard''.

         Le ministre a également insisté sur la nécessaire implication des services agricoles dans le soutien de ce projet par la sensibilisation et l’encouragement des agriculteurs à se lancer dans la culture du soja qui représente la matière première utilisée par l’usine pour l’extraction de l’huile de sorte à instaurer une réelle complémentarité entre l’usine et l’agriculteur dans une relation gagnant-gagnant.

         La capacité de production de l’usine est estimée à 2,16 millions tonnes par an dont 20 % de huiles végétales et 80 % d’aliments de bétail, selon les explications données sur site.

         Cette production permettra de couvrir 40 % des besoins nationaux en huiles végétales et 60 % des besoins en aliments de bétail outre la création de 350 emplois directs et 2.500 autres indirects, est-il indiqué.

         Le ministre a inspecté en outre le projet Jumagro de transformation de légumes, de fruits et de l’huile d’olive dans le cadre d’un partenariat entre les deux groupes publics Agrodiv (60 %) et Madar (40 %) pour la relance d’entreprises publiques à l’arrêt.

         M.Zeghdar a insisté sur la nécessaire accélération du rythme de réalisation du projet pour permettre son entrée en activité à la fin du premier semestre de l’année prochaine au regard de son importance locale et régionale.

         Le ministre de l’Industrie s’est dirigée ensuite vers la wilaya de Mila pour une visite de travail similaire.
          


ANP : lutte anti-terroriste

Envoyé par Nina
https://elwatan-dz.com/anp-trois-terroristes-elimines -et-12-autres-captures-en-une-semaine


EL Watan - APS 15/12/2022

ANP: Trois terroristes éliminés
et 12 autres capturés en une semaine

         Trois terroristes ont été éliminés et 12 autres capturés dans des opérations menées par les Forces de l'Armée nationale populaire, durant la période du 7 au 13 décembre en cours, indique un bilan opérationnel rendu public mercredi par le ministère de la Défense nationale (MDN).

         "Dans la dynamique des efforts soutenus de la lutte antiterroriste et contre la criminalité organisée multiforme, des unités et des détachements de l'Armée nationale populaire (ANP) ont exécuté, durant la période du 7 au 13 décembre 2022, plusieurs opérations ayant abouti à des résultats de qualité qui reflètent le haut professionnalisme, la vigilance et la disponibilité permanente de nos Forces armées à travers tout le territoire national", précise la même source, relevant que "dans le cadre de la lutte antiterroriste, l'opération de qualité menée par des unités de l'ANP à Tipaza, a permis d'éliminer trois terroristes, de capturer un autre et de récupérer quatre armes à feu, des munitions et d'autres objets".
         Un autre terroriste "s'est rendu aux autorités militaires à Adrar en sa possession un pistolet-mitrailleur de type Kalachnikov et une quantité de munitions", note la même source, rappelant que "les deux opérations ont été l'objet de communiqués rendus publics précédemment".

         Dans le même contexte, "un détachement combiné de l'ANP a capturé un terroriste recherché à El-Oued, tandis que 10 éléments de soutien aux groupes terroristes ont été appréhendés dans des opérations distinctes à travers le territoire national", ajoute le communiqué du MDN, notant en outre qu'un autre détachement de l'ANP "a intercepté, à Tamanrasset en coordination avec les services de la Sûreté nationale, cinq individus de différentes nationalités en leur possession un pistolet mitrailleur de type Kalachnikov, un fusil de chasse et une quantité de munitions, alors que cinq bombes de confection artisanale ont été découvertes et détruites lors d’une opération de ratissage à Jijel".
         "Dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et en continuité des efforts soutenus visant à contrecarrer le fléau du narcotrafic dans notre pays, des détachements combinés de l'ANP ont arrêté, en coordination avec les différents services de sécurité lors d'opérations exécutées à travers les Régions militaires, 61 narcotrafiquants et mis en échec des tentatives d'introduction d'immenses quantités de drogues provenant des frontières avec le Maroc, s'élevant à 11 quintaux et 4 kilogrammes de kif traité", indique le communiqué, ajoutant qu'"un pistolet mitrailleur de type Kalachnikov, 550 707 comprimés psychotropes et 457 grammes de cocaïne ont été saisis".

         A Tamanrasset, Bordj Badji Mokhtar, In Guezzam, Djanet et Tindouf, des détachements de l'ANP "ont intercepté 206 individus et saisi 40 véhicules, 300 groupes électrogènes, 222 marteaux-piqueurs, 12 détecteurs de métaux, ainsi que des outils de détonation et des équipements utilisés dans des opérations d'orpaillage illicite", indique la même source, relevant que "14 autres individus ont été arrêtés et 13 fusils de chasse, des quantités de denrées alimentaires destinées à la contrebande et la spéculation s'élevant à 31 tonnes, ainsi que 11 quintaux de tabacs et 27 quintaux de déchets de cuivre ont été saisis lors d'opérations distinctes à travers le territoire national".
         De même, les Garde-frontières "ont déjoué, en coordination avec les services de la Gendarmerie nationale, des tentatives de contrebande de grandes quantités de carburants s'élevant à 39 306 litres à Bordj Badji Mokhtar, El-Oued, Tébessa, Souk Ahras et El-Tarf", selon le communiqué du MDN, ajoutant par ailleurs que les Garde-côtes "ont déjoué, au niveau de nos côtes nationales, des tentatives d'émigration clandestine et procédé au sauvetage de 66 individus à bord d'embarcations de construction artisanale, alors que 107 immigrants clandestins de différentes nationalités ont été arrêtés à travers le territoire national".
          


Marché du gaz et investissements :

Envoyé par Marius
https://elwatan-dz.com/marche-du-gaz-et-investissements- le-message-de-lalgerie-a-leurope

EL Watan - Par : Zhor Hadjam 22/11/2022

Le message de l’Algérie à l’Europe

          A propos des voies de transport du gaz pour atteindre l’Europe, au cas où la production augmenterait de manière significative, le ministre insiste sur les capacités algériennes en matière de transport de GNL et de projets en cours de discussions pour relier l’Europe via des pipelines.
          Alors que le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, cherche à travers plusieurs sorties médiatiques, en Espagne et à l’étranger, à désamorcer la crise avec l’Algérie par «le dialogue et la diplomatie», en vue d’avoir «la meilleure relation possible» avec notre pays, le rôle de l’Algérie, en tant qu’important fournisseur en gaz de l’Europe, est de plus en plus mis en exergue à travers plusieurs pays européens. Un rôle qui a été explicité par le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab, dans un entretien accordé au magazine allemand Der Spiegel.

           Les potentialités énergétiques de l’Algérie, ses relations avec ses clients traditionnels en Europe du Sud, mais aussi les attentes de son département en matière d’investissement, en vue d’exploiter les énormes réserves gazières du pays et satisfaire la demande de nouveaux clients en Europe, tel que l’Allemagne, ont été également mis en relief, ainsi que le potentiel solaire, dans le cadre de la transition énergétique à laquelle le pays aspire.
          Mohamed Arkab a ainsi souligné que l’Europe a toujours été le marché traditionnel du gaz naturel de l’Algérie. «La majorité de nos exportations passent par deux pipelines vers l’Espagne et l’Italie. De plus, nous fournissons du GNL. Nous avons intérêt à étendre nos activités avec l’Europe et pouvons augmenter considérablement la production de gaz naturel en peu de temps. Environ la moitié de nos réserves de gaz n’a pas encore été exploitée», indique le ministre.
          «La nouvelle loi sur les hydrocarbures encourage l’investissement»

           A une question sur la possibilité de livraison de gaz algérien à l’Allemagne, Mohamed Arkab répond : «Si l’Allemagne veut nous acheter du gaz, alors investissez dans de nouveaux gisements avec nous. Comme les Italiens avec le groupe ENI. Nous avons un programme ambitieux de 39 milliards de dollars pour accroître la production dans le secteur pétrolier et gazier d’ici 2026. Sonatrach lèvera la majorité des investissements, et nous recherchons des partenaires pour le reste.»
          A une question sur la législation liée à l’investissement en Algérie, le ministre de l’Energie souligne qu’en 2020, «une nouvelle loi sur la production de pétrole et de gaz naturel est entrée en vigueur. Nous y avons inclus des normes internationales pour les contrats, le partage de la production et les contrats à risque. Avant, les investisseurs devaient passer par diverses agences gouvernementales et c’était un peu opaque. Ils ont maintenant un interlocuteur clair et des processus simplifiés. Avec notre partenaire italien ENI, nous avons signé les premiers contrats dans le cadre de cette nouvelle loi».

           Répliquant à une remarque sur des contrats en Algérie du russe Gazprom, Arkab relève que Gazprom est l’une des nombreuses entreprises étrangères présentes dans le pays, soulignant que «la société n’est actuellement engagée dans aucune production autre que l’exploration». Arkab ajoute que «l’Algérie est l’amie de tout le monde. Nous sommes un fournisseur fiable et sûr. Nous sommes libres de contracter avec des entreprises européennes, si c’est dans l’intérêt des deux parties. Bien sûr, nous ne pouvons pas servir toute la demande européenne, mais nous avons des capacités qui ne sont pas encore utilisées du tout. Nous voulons inviter les entreprises européennes à investir dans cette production».
          A une question sur le conflit entre l’Algérie et l’Espagne dans le sillage du virage espagnol sur la question du Sahara occidental, et ses implications sur les contrats gaziers entre les deux pays, Mohamed Arkab déclare : «Nous avons prolongé les contrats avec l’Espagne et il n’y a eu aucun problème. L’Algérie honore ses obligations conventionnelles et les honorera toujours. Nous avons toujours été un fournisseur fiable pour l’Europe, même lorsque notre pays était en guerre (contre le terrorisme).»

           S’agissant de la possible augmentation des prix du gaz pour l’Espagne, le ministre indique que «les contrats d’approvisionnement sont réévalués tous les trois ans, tant en volume qu’en prix. Nous avons récemment renouvelé les contrats avec l’Italie et augmenté la capacité. C’est maintenant au tour de l’Espagne. Le prix mondial du gaz suit le prix du pétrole, et lorsque le prix du pétrole augmente comme il le fait actuellement, le prix du gaz fait de même. Il est donc évident qu’une augmentation est en cours de discussion».
          «Le gazoduc transsaharien, une autre voie de liaison avec l’Europe»

           A propos des voies de transport du gaz pour atteindre l’Europe, au cas où la production augmenterait de manière significative, le ministre insiste sur les capacités algériennes en matière de transport de GNL et de projets en cours de discussions pour relier l’Europe via des pipelines, dont le Transsaharien.
          «Nous avons des capacités d’exportation de GNL, et il y a aussi un projet de deuxième pipeline vers l’Italie qui est actuellement en attente. Le deuxième projet sur lequel nous travaillons actuellement est le pipeline transsaharien de 4000 kilomètres reliant le Nigeria, via le Niger, à l’Algérie. De nombreuses infrastructures ont déjà été créées en Algérie. Le gazoduc peut être achevé en trois ans et nous pouvons transporter 20 à 30 milliards de mètres cubes de gaz depuis le Nigeria.»

           A propos du gaz de schiste, dont l’Algérie détient le troisième plus grand gisement au monde, et des possibilités de son extraction, Mohamed Arkab affirme : «Nous n’en sommes qu’à la phase d’évaluation. Pour l’instant, nous travaillons toujours sur du gaz conventionnel, 50% de nos réserves sont intactes. Il existe encore de nombreux gisements de gaz conventionnel inutilisés dans l’Ouest algérien, jusqu’à présent, nous avons travaillé presque exclusivement dans l’Est. Et nous avons deux grands gisements inexploités au large.»
          Concernant la stratégie de l’Algérie en matière de transition énergétique, Mohamed Arkab indique : «Nous ne ferons pas l’erreur que nous avons commise il y a 10 ou 15 ans. Nous voulons investir les revenus de la vente de gaz dans la transition énergétique, qui est notre priorité. Mais pour les dernières technologies, nous avons besoin de partenaires. Nous avons construit le premier système photovoltaïque avec une participation allemande dans le sud de l’Algérie.

           Et nous aimerions travailler avec l’Allemagne sur la production d’hydrogène vert. Nous pouvons devenir un partenaire dans les énergies renouvelables. L’Algérie a 3000 heures d’ensoleillement par an et nous avons l’espace nécessaire pour le photovoltaïque. Avec des lignes électriques sous-marines traversant la mer Méditerranée, nous pourrions fournir à l’Europe une énergie propre et renouvelable.»
          La presse espagnole s’inquiète du rapprochement de l’Algérie avec l’Italie, l’Allemagne et la France

           Dans la presse espagnole, la question du gaz et les relations tendues de l’Espagne avec l’Algérie font encore la une, avec en prime une mise en relief du rapprochement de nombreux pays européens de l’Algérie, à l’image de l’Italie – qui a refusé une approche commune avec l’Espagne sur la question du gaz, insistant sur une nécessaire relation bilatérale de chaque pays avec son fournisseur – ou encore de l’Allemagne et de la France.
          Le média espagnol Puplico estime que la «politique étrangère européenne est un désastre» lorsqu’il s’agit, entre autres, de «l’Afrique du Nord». Il souligne qu’alors que l’Espagne a beaucoup à perdre en Algérie, en matière économique, «Berlin et Paris font passer leurs intérêts nationaux avant ceux de l’Europe dans son ensemble».

           Pour le média qui fait allusion au coup de téléphone du président français à son homologue algérien et à la récente visite de membres du gouvernement allemand en Algérie, «la grave erreur commise par Pedro Sánchez sur la question le Sahara occidental» a donné le coup d’envoi à d’autres pays pour se préparer à prendre la place de l’Espagne (en Algérie).

           «Ces dernières semaines, de nombreuses capitales européennes ont commencé à prendre position en Algérie (…), parmi elles, en plus de Rome voisine, se trouvent Berlin et Paris, ce qui n’est pas une simple coïncidence», écrit Publico.
          Le média estime qu’au lieu d’aider le partenaire espagnol à surmonter la crise avec l’Algérie, «l’Allemagne et la France sont parties à la chasse et à la capture des contrats que les entreprises espagnoles détenaient jusqu’à présent (...). Vendredi, le président Emmanuel Macron a téléphoné à son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune justement pour ‘‘développer les relations’’ entre les deux pays, il est entendu que ce sera avant tout dans le domaine économique, compte tenu de la décision d’Alger de geler les relations avec l’Espagne».
Zhor Hadjam             


Des paysages martiens en Algérie

Envoyé par Paule
https://www.tsa-algerie.com/ un-morceau-de-la-planete-mars-dans-le-desert-algerien/

tsa-algerie.com - par : Rafik Tadjer 03 Déc. 2022

Un morceau de la planète Mars dans le désert algérien

           Des paysages martiens en Algérie, ce n’est pas tout à fait de la fiction. Un célèbre photographe américain a entrepris de montrer au monde des endroits sur terre qui rappellent les étendues désertiques de la Lune ou de la planète Mars.

           Andrew Studer a fait un mélange de réalité et de fiction en sillonnant plusieurs régions du globe, dont l’Algérie, l’Iran, le Canada, les États-Unis, l’Islande et l’Antarctique. Et c’est dans le sud de l’Algérie qu’il a fait les plus beaux clichés.

           Dans ses voyages à travers le Sahara en Algérie et d’autres endroits du monde, il s’est fait accompagner d’amis qu’il photographie en combinaison de cosmonaute. Point de montage donc sur les images qu’il met en ligne et qui suscitent l’émerveillement. Le projet est intitulé « Space to royal (espace de voyage) ».
           Suder a poussé le travail à la perfection. Pour renforcer l’illusion de photos prises en dehors de la Terre, il a pris le soin d’éviter les endroits très connus, avec des sites « iconiques » facilement reconnaissables.

           Il a choisi des sites qui offrent ce double avantage de rappeler les paysages martiens sans être très connus du large public. Et certains endroits du Sahara algérien entrent dans cette catégorie.
           « Le tourisme en Algérie est presque inexistant, et beaucoup dans le monde ignorent la beauté de ce pays », déclare Studer à la chaîne CNN Arabic.

           Algérie : un potentiel touristique inexploité

           La preuve que la destination Algérie est très peu valorisée, le photographe américain affirme qu’avant d’effectuer le voyage, il a cherché sur internet mais il a trouvé très peu d’informations sur les sites algériens.

           « Dès que j’ai découvert les paysages naturels le long de la frontière entre l’Algérie et la Libye, j’ai vu que la série ne sera pas complète sans eux », ajoute-t-il.
           L’idée de se rendre en Algérie a germé et après quelques hésitations, le projet s’est concrétisé. Andrew Studer se fait accompagner par son ami hollandais. Sur place, ils font face à des tracasseries bureaucratiques (leur matériel a été saisi à leur arrivée, mais il sera vite restitué), et aux aléas climatiques, notamment les fortes chaleurs du sud de l’Algérie.

           Mais il y a beaucoup de belles choses dans l’aventure : l’hospitalité des Touaregs et surtout les paysages découverts et photographiés. Les images sont à couper le souffle avec de vastes étendues de sable et des formations rocheuses à perte de vue.
           Sur toutes les images, un « cosmonaute » en combinaison rouge semble explorer une nouvelle planète. Les paysages ressemblent à ceux qu’envoient régulièrement les sondes spatiales de la planète rouge.

           L’objectif d’Andrew Studer est de découvrir et faire découvrir des endroits qui méritent d’être de grandes destinations touristiques. Le Sahara algérien en fait partie.
           A propos d’espace et d’astronomie, les fresques rupestres du Tassili, dans l’extrême-sud du pays, comportent des dessins rappelant étrangement des objets extraterrestres. Ce n’est peut-être qu’une interprétation fantaisiste des formes, mais ces dessins nourrissent l’imaginaire des spécialistes de la préhistoire et des férus de l’espace.
           Même si là n’est pas sa finalité, le travail de Studer ne manquera pas de ravir les adeptes de la théorie complotiste qui soutient que les images du premier homme sur la Lune ont été en fait prises dans le désert du Nevada.
Rafik Tadjer            


La statue d'Ain Fouara

Envoyé par Gildas
https://www.tsa-algerie.com/la-statue-dain-fouara- setif-de-nouveau-vandalisee-video/

  - Par tsa-algerie.com - Par: Rédaction 03 Déc. 2022

La statue d'Ain Fouara (Sétif) de nouveau vandalisée

           La statue d'Ain Fouara dans la ville de Sétif a été de nouveau vandalisée dans la soirée du vendredi 2 décembre. Un jeune en état d'ivresse, est monté sur cette statue qui représente une femme, et a tenté de la démolir, rapporte Ennahar TV.
           Il réussit à l'amocher, en cassant la main et un sein de cette statue emblématique qui surplombe la fontaine d'Ain Fouara dans le centre-ville de Sétif.

           Des photos et des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent l'étendue des dégâts à cette statue emblématique de la ville de Sétif. C'est un lieu touristique inévitable pour les visiteurs qui viennent se désaltérer à la fontaine d'Ain Fouara qui jaillit au pied de cette statue en marbre.
           Le jeune en question n'est pas allé au bout de son chantier. Il a été arrêté par un policier en civil et un citoyen et conduit au commissariat de la ville, selon Ennahar TV. Cette tentative de démolir la statue d'Ain Fouara n'est pas la première. En décembre 2017, un individu instable avait tenté de la démolir.
           Sa restauration, confiée à l'archéologue algérien Abdelkader Ben Saleh a duré plusieurs mois. La statue a retrouvé toute sa splendeur le 4 août 2018, mais trois mois plus tard, en octobre 2018, elle a été à nouveau attaquée au marteau par un homme qui a été arrêté par les services de sécurité. La statue a été ensuite restaurée.( fin de citation)
Rédaction                


De M. Pierre Jarrige
Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
    PDF 161A                                                  PDF 162
    PDF 163                                                  PDF 163A
    PDF 164                                                  PDF 165
    PDF 165A                                                  PDF 166
    PDF 166A
Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : jarrige31@orange.fr


LE CAMARADE ET LE PARTAGE !
Envoyé par Hugues

     - Camarade, si tu avais deux maisons, tu en donnerais une à la révolution ?
     - Oui ! répond le camarade
     - Et si tu avais deux voitures de luxe, tu en donnerais une à la révolution ?
     - Oui ! Répond de nouveau le camarade.
     - Et si tu avais un million sur ton compte en banque, tu en donnerais la moitié à la révolution?
     - Bien sur que je le donnerais ! Répond le fier camarade.

     - Et si tu avais deux poules, tu en donnerais une à la révolution ?
     - Non ! Répond le camarade.
     - Mais ….. Pourquoi tu donnerais une maison si tu en avais deux, une voiture si tu en avais deux, 500 000 si tu avais un million........et que tu ne donnerais pas une poule si tu en avais deux ?

     - Mais parce que les poules, je les ai !
     Moralité : Il est toujours facile d'être socialiste avec la propriété et le travail des autres !



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