- RETROUVAILLES
Le printemps vient à peine de s'éveiller. Un soleil presque chaud nous fait des clins d'œil. Un ciel unifor-mément bleu ressemble à celui de BONE. Le prin-temps tout de vert vêtu va nous entraîner dans les méandres du hasard et des souvenirs d'enfance.
Il ne faut pas aller bien loin pour revivre un peu toute une nostalgie tant attendue. Nostalgie quand tu nous tiens, tu nous tiens bien. Tu débarques dans notre cœur n'importe où et ton audace nous ravit à jamais, tu nous séduis à tel point que tu nous mènes droit au bon-heur et parfois bien simplement : par le souvenir - par le parfum des fleurs, de l'air et même celui des grandes dames restées bien féminines ou bien mieux encore par les flâneries du promeneur solitaire où soudain tout devient magiquement fantastique.
Allez savoir pourquoi en ces premiers jours de printemps, l'âme légère et guillerette, l'Amitié va vous tendre Lin premier guet-apens et l'Amour un second.
Même si en ce bel après-midi d'avril, mon âme est svelte et capricieuse, elle ne sait pas encore tous les pièges qui l'attendent...
Me voilà donc l'allure détachée et le regard rieur, descendant une des artères principales de MARSEILLE. Ce n'est plus la superbe rue Bugeaud, mais ça lui ressemble encore par la richesse et l'élégance des boutiques de la rue de Rome : les plus beaux roses, bleus, jaunes sont dans toutes les vitrines. Un halo de bien-être enivre mon âme. Tout va presque bien.
Brusquement, mon regard se pose sur une silhouet-te ou plutôt une certaine silhouette. Mais, dans mon for intérieur, il me semble reconnaître cette personne mar-chant devant moi. Son allure est celle d'un homme décontracté, je reconnais une dégaine générale, un ensemble qui fait et défait qui ? Mais qui fait quoi ?? Ça y est j'y suis, c'est bien lui : l'amoureux de mes 16 ans, je me dois de l'interpeller - je me détermine comme une femme d'action et sans hésiter une seconde, c'est ce que je fais, il joue l'homme surpris, je me pré-sente alors et le tour est joué : nous nous reconnaissons.
Toute une série de palpitants souvenirs défilent à travers un film haut et large en couleur. Nous échan-geons des mots et encore des mots, nous évoquons des scènes de notre âge tendre et de nos chers amis.
Nous projetons de nous revoir et nous nous rever-rons dans la stupéfiante clarté des matins de printemps et dans la douceur moelleuse des nuits printanières. Nous avons alors dépassé la notion de temps, il est devenu notre meilleur allié et complice. Un grand bon-heur a ouvert la porte à un amour rallumé. Tout a bas-culé : Bône - Marseille. Bône au début et Marseille au début sans fin...
Le miracle de la jeunesse des sentiments est au bord de nos cœurs. Il nous séduit, nous enrobe de bien--être et nous projette dans le bonheur des jours sans fin. Bonjour Amour ! Bonjour la vie !
Mais la suite vous ne pouvez même pas l'imaginer car, elle est encore plus belle que la réalité. Réalité sur-réaliste je viens à toi, tu viens à moi ... Mais alors tout est enfin prêt et l'unité va suivre...
1 -LES AMOURS DE NOTRE ENFANCE
Bien longtemps après, l'esprit s'évade et se pose sur l'Amitié, celle qui a bercé toute notre enfance, celle qui s'est éveillée en Algérie, dans la chaude ambiance des cafés - crème et des petits pains au chocolat. Cette odeur douce vient encore me surprendre et m'entraîne dans les odeurs d'été qui enrobent encore toutes ces silhouettes, longues, minces et hésitantes de jeunesse et éclatantes de beauté : beauté des petits matins, beauté des langueurs du soir.
L'esprit reste encore figé et pétrifié de tout un ensemble de bonheurs d'enfance. Un rêve bleu m'envahit : L'ALGERIE est là, bien présente à travers les parents et les amis. Ces parents m'ont déjà transmis des règles d'or en matière d'amour. Nous avons été habitués à saisir les mains d'une maman toujours pré-sente dans nos différents états d'âme de notre vie d'enfant.
L'odeur des petits plats du dimanche, préparés avec amour et tendresse font encore frissonner mes narines et me mettent en appétit. Appétit des longs soirs d'été où la chaleur n'a pas pu tout arrêter, mais prolonger encore l'enfance et l'adolescence toute entière, celle qui va nous entraîner à petits pas vers les moments fous de nos quinze ans. Quinze ans déjà tout s'éveille : le temps - la vie - l'amour quant à lui, il va venir nous guetter et nous entraîner dans des histoires d'amour rocambo-lesques. Revivons ensemble ces instants précieux. Refaisons vivre alors une certaine ambiance de 1960.
Tiens ! j'entends le pas de Danièle, elle vient me chercher, c'est jeudi et nous irons au cinéma. Marc sera peut-être avec nous. Qu'allons-nous raconter à nos parents pour échapper à leur surveillance. Un protocole existe entre nos parents et nous. Nous sommes partis de la maison à 15 heures et nous devons rentrer à 19 heures, car à 20 heures il y a le couvre-feu.
Par contre, le couvre-feu est à minuit le samedi, cela nous permet de ne pas rater le bal du samedi soir. Eh bien, parlons-en de ce fameux bal. Bien longtemps après on pense qu'il aurait pu mal se terminer, car il aurait pu y avoir un véritable carnage si un attentat avait été commis parmi toute cette Jeunesse pieds-noirs.
Mais les bons souvenirs reviennent en vrac, des odeurs de frites et de brochettes nous entraînent vers nos moments les plus endiablés. Et même si nos parents nous accompagnent, ils ne nous dérangent pas, au contraire ils font partie de la fête et veillent sur nous afin que notre jeunesse se fasse et se passe malgré la guerre.
Hélas ! nous avons déjà perdu des amis tombés sous les balles de l'ennemi. Nous en avons d'autres qui ont rejoint l'O.A.S. et des années après l'esprit se sur-prend à revivre avec clarté certains événements. Puis, l'on préfère songer à des choses plus comiques que la Guerre d'Algérie.
J'entends alors des rires, des rires d'adolescents et je revis encore une fois, l'histoire de l'homme au cha-peau tyrolien, je veux parler de Klaus, mais je dois vous avouer que ce jeune homme venu de son Tyrol natal me rappelle quelqu'un ... Aux environs de Noël, ce rouquin à la barbe rouge nous avait fait bien rire. Alain l'ami de Don Jacques nous l'a présenté mais en réalité c'est D. Jacques qui veut nous faire un de ses tours de c. et nous prenant pour des enfants de chœur, la supercherie n'a duré qu'un court instant.
Le lendemain D. Jacques redevenait brun et sans barbe. Tout le monde y avait cru, sauf moi et d'un grand éclat de rire il m'avait entraînée loin de la foule. Alain, fidèle complice, nous a regardé partir. Un mélange de peur et d'attirance se fondaient dans mon corps de gamine et dans mon cœur une lueur de bon-heur vacillait et brûlait ardemment.
Je me souviens qu'une main chaude et rassurante m'entraîna vers les folies de notre âge. Mais c'est un beau roman, c'est une belle histoire et tout s'arrêta en ce maudit mois de juin 62.
Nous allons tant et tant être bousculés par la gran-de Métropole et les bons Français qui nous ont vu arri-ver comme des envahisseurs. Envahisseurs de qui ? de quoi ? sur quelle planète sommes-nous ? perdus de vue et retrouvés au gré du vent et des événements ! nous avons alors tenu bon et avons gagné notre paradis et vaincu la peur du lendemain sans espoir. C'est tout un requiem à la vie, et même un hymne a la vie qui va s'en suivre à travers quelques expériences amoureuses indispensables à la maturité de l'être.
2 - BONE-MARSEILLE ET L'HOMME IDÉAL
Pourquoi toute notre adolescence nous colle-t-elle à la peau et nous habitera toute notre vie. Les petits matins bleus reviennent dans la tiédeur de l'été et Bône tu nous fais encore rêver aux chevelures brunes et blondes de toutes ces adolescentes belles à faire peur.
Marseille tu nous accueilles dans la blancheur et la gouaille de ton accent « aïoli». Nos mains se touchent et se comprennent bien. Encore une chance que tu nous aies bien acceptés. Allez ! encore un effort, ça y est tu nous montres ton vrai visage : aimant et attachant, fier et protecteur.
Accroche-toi bien et dis-toi : Oui ! Marseille tu m'as pris dans tes bras...
Le cours Bertagna vaut bien la Canebière, la rue Bugeaud vaut largement la rue de Rome. Le théâtre de Bône vaut bien le Théâtre du Gymnase de Marseille, d'ailleurs les fameux PLATTERS y ont fait un tabac en leur temps. Nous revoilà bien pénétrés dans l'ambian-ce : couscous - bouillabaisse ça baigne drôlement et ça baigne tellement que l'idée m'est venue de fréquenter les Marseillais. Enfin avant d'en arriver là restons un peu encore dans l'ambiance pieds-noirs si chère à notre chair.
Alors, défile dans ma tête toute une jeunesse trépi-dante. Je me revois encore partir pour une boum du samedi soir, cheveux au vent, robe à petits carreaux roses et blancs, jupons bouffants, et me revoilà partie sur un scooter à la mode, l'amoureux du moment : Jacques n'a pas vu hélas un méchant tournant et cela nous a coûté un accident avant bras et genoux écor-chés, petits bobos, petits malheurs, ah! jeunesse il faut que tu te fasses et qu'importe la douleur quand bien même nous ayons pris de grands risques sur les routes dangereuses du Cap de Garde.
Danger ! oui danger ! il y en avait et notre jeunesse vibrait dans le danger de la guerre. Quelle solidarité entre nous, jamais personne n'a connu la solitude, celle qui envahit l'être et le fait plonger dans l'oubli des autres et des siens. Non ! jamais d'abandon, toujours suffisamment de fierté pour se redresser et aimer l'autre avec foi et admiration. Oui ! toujours de l'amour dans nos cœurs et dans nos veines, de l'amour envers nos parents et nos chers amis.
Le respect de l'amour familial et de l'amitié nous ont été transmis dès notre plus jeune âge. Notre regard est imprégné de tout cet amour et cette flamme rallume toujours notre vie quotidienne.
Oui ! le bonheur vient frapper à ma porte. Toute l'Histoire de l'Algérie a encore vibré dans mes tripes. Tout s'est mis à revivre fortement. L'ouragan est passé par là et tu te reconnaîtras à travers ces quelques phrases écrites à ton éloge :
« Dis quand reviendras-tu ? Dis au moins le sais--tu ? » C'était la question que l'on pouvait se poser hier encore. Mais aujourd'hui après des mois et des mois de recherche, tel un miracle tout s'illumine et la miracu-leuse histoire arrive...
Nous n'allons pas tarder à savoir quel miraculeux événement vient de naître. L'ami d'enfance est de retour, il a ouvert en grand la porte de mon cœur. Je n'y croyais plus et une lame de fond m'avait presque engloutie dans les profondeurs du désespoir. La vie, la vie quand tu nous tiens, tu nous tiens bien. Aujourd'hui encore tu viens dans un élan de joie, me projeter dans un passé ravivé.
Mon regard a longtemps cherché un visage, un regard, une silhouette toute entière, mais en vain, l'horizon est resté aride. Les voix se sont tues et les belles paroles sont restées sans effet. Or, à présent tous les dieux ont décidé de m'entourer d'un manteau soyeux de bonheur : il est bleu et or, illumine tout mon être et m'entraîne dans le souvenir de nos 16 ans. Mais tu en avais 20 et à 20 ans on peut partir pour le maquis - on peut laisser sa famille et ses amis - à 20 ans on peut aimer sincèrement sa patrie et sa compagne. Quel émoi ! le jour où tu as donné de tes nouvelles et annon-cé que tu avais rejoint le maquis pour défendre ton pays.
Moi ! humble femme je n'y crois pas encore et je reverrai toujours ton beau visage d'adolescent, au regard sombre et à la chevelure d'ébène. Ta peau sent encore le parfum des jasmins et celui des enfants endi-manchés.
Enfin ! l'enfant du pays est de retour. Tu vas et tu viens dans mon esprit tel un tiède vent d'été et ma voix rencontre la tienne, ça y est nous nous rencontrons à tout jamais. Mes amis t'ont recherché et t'ont retrouvé et je ne sais comment les remercier.
Ta lettre m'est parvenue de Paris et en quelques phrases tout a revibré : Bône et son Cours Bertagna en fête. les lumineuses plages de Toche et du Cap de Garde - de Chapuis. Les Brasseries de la Paix et de l'Orient se sont illuminées et remplies de nos béguins d'adolescentes. Tu viens à nous et nous courons vers toi, toi qui as défendu notre terre natale et qui crois encore aux vraies valeurs et serais à nouveau prêt à donner ta vie par idéal.
Tiens ! regarde ! nous te donnons tout notre amour et chantonnons pour toi, tous ensemble la mélodie d'Out of Africa.
A tous ceux qui te ressemblent. Que cette com-plainte revienne Sur toutes les lèvres pour célébrer ton retour parmi nous.
A travers toutes ces idoles de notre jeunesse, l'esprit ne sait plus sur qui se fixer : Bône - Marseille tu me tournes la tête, et même si le choix est difficile et tardif, un seul visage revient comme un leitmotiv et vous n'allez pas tarder à savoir pourquoi et comment le hasard a si bien l'ait les choses. Quelques rencontres par-ci par-là dans le passé et le présent également, m'ont permis d'effectuer un parcours initiatique que vous allez découvrir à travers quelques anecdotes amoureuses et ont surtout abouti a la rencontre de la fameuse unité.
Le temps qui fait et défait tout a cette fois-ci remis toutes les pièces d'un puzzle en ordre. Mais l'esprit vagabonde encore un peu et aime à se souvenir de per-sonnages originaux en amour.