A mes amis de « La Bônoise », en souvenir des beaux jours passés à Vichy
(Août-Septembre 38). O. B.
Le grand départ il a enfin lieu... Nous montons tsur le « Charles Roux ». On était tous en prémière de zouaves tsur le pont. Pendant que le bateau y se prenait le large, la section des Cors de « La Bônoise », elle se jouait une aubade à le Président. Pour pas se salir on s'était mis en « péllaïoles », ac des cache misères et des casquettes. La mer mauvaise elle était et l'eau elle se passait par dessur le pont. Adieu les sardines en skabetches, les tourtes aux p'tits pois et les fogasses maltaises, tout ce casse-croûte maousse c'était le poisson qui devait s'en profiter.
Nous arrivons à Marseille tous plusses bancales les uns que les autres ma Dieu bénisse ! comme on s'a posé le pied par terre on s'a sentu mieux tout de suite. On s'a desc-endu la Canne Bière et on s'a tapé des fruits de mer.
À six heures le soir on se prend le, train pour Vichy et nous arrivons lendemain matin.
Ça une ville ! On .s'a vite lavé et changé et vinga tout de suite tsur les allées des sources.
La place elle est comme te dirais le Cours Bertagna le dimanche matin . Chaque personne il avait son p'tit verre à la main et temps en temps y buvait un coup en régardant l'heure. Moi qui connaissais pas, j'a goûté à toutes les sources et pas bien longtemps après je faisais des fusées de tous les côtés tellement j'étais malade.
Lendemain il avait lieu le Concours de Musique et en finale les Bônois y tombaient contre Jarnac, une société qui se faisait un chiqué terrible, pourquoi y portaient des paletots rouges ac une casquette jockey noirte, un pantalon blanc et des bottes. Y leur manquait que le cheval. Le porte-drapeau ac des moustaches de Félisque-le-Chat y se tenait une bannière ac un tas de médailles accrochées et une longue queue de cheval qui pendait...
A la lecture à la vue on s'les a tout de suite liquidé pourquoi nous autres Bônois si on se met longtemps à défricher le jornal, la musique on se la lit, à toute vitesse. A de bon on s'leur avait joué un coup de Jarnac.
Pendant que le concours y continuait, ac Augu on est allé promener tsur les bords de l'Allié. Un pêcheur ac des ruses d'un Andien du Phare-ouest y pêchait. On s'approche : « Ça touche Ô M'sien », qui demande Augu
- Oui, qui répond l'autre : « J'ai pris une bonne petite friture de goujons » et y nous montre une dizaine de poissons migroscopiques qui te fallait une loupe pour te les voir, tellements petits ils étaient. Augu y rit en éclats et y dit qu'à Bône on appelle ça les macs et que même pas les chats y se les veulest. En colère, le vieux y prend le salabrel, la puisette, comme on dit là-bas. Alors nous autres on se le laisse tomber et on s'en va..
A la « Restauration » on boit un bock et on s'écoute d'la musique xigane. A côté, dans un salon y avait un grand billard. Deux vieux et un en bras d’chemise, les manchettes amidonnées, le col dur, et les armoires brodées tsur sa chemise y se faisaient un match... Le bleu pour graisser la queue du billard il était suspendu en l’air par une cifelle, ma les deux joueurs y prenaient leur morceau de craie dans la poche et se la remettaient après. Alors Augu tout fort y dit : « Aga ! cette confiance, y mettent le bleu dans la poche pourquoi y zont peur que l'aversaire y crache en dedans pour faire fausse queue ».
Le baron ou le duc, qui le sait ça qui devait être, y nous a lancé une de ces oeils que de suite on est parti...
On s'a retrouvé tous pour le défilé de toutes les musiques. « La. Bônoise », comme un chalutier elle s'avait tout raclé les premiers prix (Solistes, duel à deux, quatuor à quatre et premier prix de vitesse d'ésécution). Le Bon Dieu y m'aveugle d'une oeil si je dis pas la vérité.... . C'est les Bônois qui z'étaient le plusque applaudis tsur le parcours ac leur képi et le pompon rouge...
Le soir, on s'a été en smokinq à le Grand Loasino oir La Donnation de Fox ! C'était d'attaque, ma j'a rien compris...
Lendemain on partait et un tas de vichioises elle nous accompagnent à la gare la larme dans l'oeil...
A Marseille, on prend le « Chanzy » et le voyage y prend fin à Bône.
Après les embrassades et le défilé tsur le Cours et un apéro au « Paris », en dessous les arbres de dates on s'a disloqué et chacun il est rentré à chez lui...
Malheureusement y a dix ans de ca, c'est l'histoire ancienne et pour finir je dis comme le poète : « Ma où elles sont les neiges dans l'temps »...
Envoyé par Marc Dalaut