Sous le titre " La guerre d'Algérie n'est pas finie ! ", Claude Liauzu, Professeur émérite d'Histoire à l'université Denis Diderot à Paris, et initiateur de la pétition visant à obtenir l'abrogation de la loi du 23 février 2005 reconnaissant les bienfaits de la colonisation française en Algérie, a ouvert, sur Internet, un forum sollicitant des réponses à l'article qu'il avait rédigé.
Mouloudji crée " le déserteur " de Boris Vian au moment où les troupes françaises décimées et à bout de ressources sont écrasées à Dien Bien phu… Vous semblez évoquer là un symbole de l'inutilité de et la vanité de la guerre…
Une guerre plus tard, Degueldre fait une création différente en chantant, au poteau d'exécution, une Marseillaise qui sera interrompue par la salve… Chacun fait l'œuvre qu'il peut, selon le sens qu'il donne au mot Patrie…
Affirmer que la guerre d'Algérie n'est pas finie, c'est pousser jusqu'à son terme la vieille pensée de Clausewitz affirmant que la guerre est la continuation violente de l'action politique, laquelle n'a pas de fin. Lénine a, d'ailleurs, fort habilement, détourné cet aphorisme au profit du marxisme en déclarant que " la politique est la continuation de la guerre… ".
Le monde rouge - et Dieu sait combien il a envahi le domaine de l'Education Nationale française ! - ne connaît pas la paix. Il ne connaît que l'entreprise d'évangélisation marxiste de l'humanité et reste toujours à l'affût des prétextes qui lui permettront de reprendre l'offensive. La loi du 23 février 2005 en faveur des rapatriés en est un.
Refuser de voir les bienfaits de la colonisation, se prétendre les champions de la démocratie et des Droits de l'Homme, et cependant, récuser le fait d'avoir aidé à la naissance de nations qui sont une régression certaine en regard de ce que fut cette domination française que nombre font profession d'abhorrer, relève de l'aberration mentale.
Drôle d'analyste que celui qui trouve naturel qu'il ait fallu sept longues années à un peuple entier, unanimement soulevé contre un envahisseur, pour vaincre et chasser celui-ci, alors que ce peuple était dix fois supérieur en nombre à l'occupant…
Drôle de doctrinaire qui assimile le fait de dire la vérité à des compromissions politiques et idéologiques et tente d'annihiler les témoignages des acteurs et témoins de cette tragédie, dont l'authenticité trouble et dérange, ceci en leur collant une étiquette politique vilipendée.
Drôle d'historien qui ignore que la paix souhaitée par les métropolitains s'est avérée un sanglant chaos instauré, non pas par l'OAS qui n'existait plus, mais par la capitulation de Charles De Gaulle devant une poignée de terroristes ne représentant, ni les différents partis indépendantistes, ni le peuple algérien qu'ils ne soumirent que par la terreur.
Drôle de mémorialiste qui esquive la vérité sur les putschistes d'Alger, élite de l'Armée française, et qui préfère les accuser faussement d'avoir tué des milliers de personnes, alors que même les archives officielles dénombrent mille cinq cents morts du fait de l'OAS durant toute son existence. Il oublie qu'en parallèle, à Oran, le 5 juillet 1962, trois mille Français d'origine européenne devaient trouver la mort pour délit de faciès, en quelques heures, et il ne se souvient plus qu'à Alger, les accords Susini-Mostefaï ont évité un tel carnage.
Drôle de démocrate qui s'insurge contre les droits imprescriptibles de l'homme dont le premier, la liberté de penser, d'écrire, et de rendre hommage à ses morts, reste le plus précieux. Prendre un arrêté contre la conscience des hommes, contre le lien unissant indissolublement les générations passées aux générations présentes ? C'est là la meilleure illustration d'une politique imbécile qui prétend interdire aux éprouvés ce clair devoir de transmettre aux vivants le message lentement élaboré par le sacrifice des leurs.
Combien savent que le FLN a brûlé des centaines et des centaines d'écoles, assassiné des dizaines et des dizaines d'instituteurs, placé des bombes meurtrières à la sortie des classes enfantines ?… Combien savent aussi que l'assassinat à l'Ecole Normale de Mouloud Féraoun - notre ami - et de ses compagnons est une tragique chausse-trape organisée par le Préfet Petitbon qui, se sachant, seul, visé lors de la cérémonie prévue, s'est s'abstenu de s'y rendre, et s'est bien gardé de donner l'alerte, préférant laisser s'accomplir la tragique méprise qui discréditerait l'OAS.
Drôle de citoyen qui ignore jusqu'à la raison de l'institution des deux collèges : la Charia incompatible avec le droit français… Qui ignore aussi que les musulmans d'Algérie étaient libres de s'orienter vers l'un ou l'autre de ces deux collèges ?
Drôle d'humaniste français qui méconnaît le double drame dont furent victimes, en Algérie, après l'indépendance, non seulement cent cinquante mille Harkis, mais aussi leurs familles ainsi que tous les musulmans attachés à la France.. Ils ont été trahis par une Mère-patrie qu'ils croyaient être la leur, et qui s'est révélée une impitoyable marâtre, les condamnant et les abandonnant à un génocide sanglant et barbare. Il faudra plus de cent générations pour oublier ce double crime franco-algérien.
Enfin, drôle de couple que celui de Chirac, cet antiterroriste convaincu, champion du respect de la vie humaine, et de Bouteflika, ce dictateur aux mains couvertes de sang. Le premier, sombrant dans la mythomanie de l'autre, va s'incliner, en Algérie, devant le monument aux martyrs, souscrivant ainsi à la fable du " million " de morts algériens, affabulation que même le plus ignare de nos historiens engagés est capable de dénoncer…
Oui ! Et drôle de traité d'amitié que celui qui unira bientôt deux interlocuteurs dont le plus angélique affirme : " Nous nous réjouissons qu'Algériens et Français renouent, de la base au sommet ces liens du cœur qui ne se sont jamais défaits entre nos peuples… " (Chirac 14/6/2000) et auquel le second répond : " L'occupation a foulé la dignité humaine et commis l'innommable à l'encontre des droits humains fondamentaux et, au premier plan, le droit à la vie, et a adopté la voie de l'extermination et du génocide qui s'est inlassablement répété durant son règne funeste. "(Bouteflika 07/05/2005)
Drôle de bases, drôles de fondements… Argument paradoxal lorsqu'on sait que les populations d'Algérie (tribus peu nombreuses et en permanentes guérillas) se sont multipliées par 10 en un siècle d'occupation… Le travail des historiens ? Il n'est pas simple de le définir précisément. Sur quoi se basent-ils ? Sur des mots : des mots siamois, des mots contraires, mais tous cachant une ambiguïté…
Alors, où est la vérité ? Peut-être dans la bouche des derniers acteurs et témoins. Sûrement dans celle de Joseph Hattab-Pacha, fils du dernier descendant d'Hussein Dey et d'une bretonne catholique, mais aussi Maire de la Casbah d'Alger, prétendue être le repaire du FLN pendant la guerre d'Algérie, mais cependant dans laquelle il a été élu, et réélu, à une écrasante majorité, sur un programme exclusivement Algérie Française ?
ANNE CAZAL
Journaliste-écrivain |