57 ans après, réflexion sur la méthode
Fred ARTZ

Dans l'introduction à ses mémoires, éditées en 1941, Emile MORINAUD, républicain de gauche, qui a consacré cinquante années de sa vie à la politique de Constantine et de son département écrivait à propos des pieds-noirs « ils sont une minorité ethnique qui a besoin de se rassembler pour faire respecter ses intérêts et ses droits... Puissent ces pages d'un Français (d'Algérie), ouvrir vos yeux sur les dangers qui vous menacent et qui vous terrasseront si vous ne savez pas vous unir pour vous défendre. Défendez-vous et pour cela unissez-vous. C'est là mon voeu le plus cher ».

Pour avoir été prophétiques ces recommandations n'en demeurent pas moins d'actualité.

Riche du brassage des peuples, des cultures, et des religions qui en a constitué la source, notre communauté de Français d'Algérie doit assumer la charge de ses origines.

A l'instar des autres peuples de la planète on ne saurait prétendre à l'uniformité de nos opinions même si les caractères méditerranéens qui les agrémentent ne sont pas de nature à en donner une exacte mesure ou à en limiter la prolifération des variantes.

Cependant il faut admettre que ces tares originelles ont savamment été exploitées tout à la fois par ceux qui trouvaient intérêt à nous diviser et ceux des nôtres qui ont tiré des avantages souvent très personnels à nous faire paraître rassemblés sous leur " haute autorité".

On peut comprendre des premiers, engagés dans la course au pouvoir, qu'indistinctement de droite ou de gauche ils n'aient pas souhaité voir 2 % de la population arbitrer le débat national ; les uns et les autres se sont donc employés à distribuer des aumônes afin de nous entretenir dans une éternelle attente. Maitres de la manoeuvre, ils ont su séduire ceux des nôtres, honnêtes ou malhonnêtes, qui ont pu y croire.

Des seconds on doit retenir que leurs fourberies auront surtout abusé les « autorités », là encore de droite comme de gauche, qui se sont prêtées à leur entretien ; mais l'histoire montre qu'à ce jeu ils ont tous consommé le crédit qu'ils ont pu avoir dans notre communauté même quand les médias, à la solde des « diviseurs », se sont employés à donner à ces avoirs douteux quelque apparence de réalité.

Aussi serait-il puéril d'attendre de notre communauté qu'elle trouve la voie de l'union ; pour autant il lui appartient bien de se voir reconnaître la place honorable qui est la sienne dans la nation Française.

Dès lors il convient de tendre à son rassemblement afin de conduire un véritable débat qui fixerait les droits intangibles de la communauté rapatriée d'Algérie. Ce « consensus » d'intérêt général serait alors le substitut avantageux de l'impossible « union ».

De fait, il s'agit seulement de justifier de notre capacité à débattre ensemble de nos préoccupations essentielles. A défaut de support territorial, nos associations, quel que soit leur objet social, constituent un cadre qui convient à cette démarche de consultation. des mesures techniques appropriées peuvent faire obstacle à la confiscation par quelques uns de cette conquête qui doit rester à tous ceux qui l'auront entreprise.

Trois situations parmi d'autres sont aujourd'hui particulièrement d'actualité :
- la Commémoration de la date honteuse du 19 mars,
- l'accaparement par l'Etat Algérien de propriétés acquises sur le territoire Français par les institutions sociales françaises d'Algérie avant l'indépendance de 1962 comme par exemple le Château JULHAN sur la commune de Roquefort la Bédoule (Var),
- la mise à sac de nos cimetières.

Il va sans dire que notre seule entente sur ces points serait suffisante pour faire valoir notre droit fondamental en la matière ; alors...

C'est à cette réflexion que je vous invite afin d'entreprendre ensemble la marche vers ce rassemblement.

(Revue Ensemble N° 212, pages 4-5, Avril 1998)