GUERRE D'ALGERIE/COMMEMORATION
UNE DATE QUI FACHE
Le choix éventuel du 19 mars 1962 comme date
commémorative de la fin de la guerre d'Algérie entraîne une levée de boucliers de la part de certaines associations
Par : JEAN-MARC LERNOULD, article paru sur le Journal SUD-OUEST du 12/01/2002
Va-t-on en finir un jour avec la
guerre d'Algérie ? A peine les « événements » reconnus
officiellement sur le tard par le gouvernement français (en 1998)
comme une véritable guerre, c'est maintenant la date officielle de
sa commémoration qui soulève la polémique. Trois députés MM.
Durieux, Neri et Floch ont déposé une proposition de loi qui sera
débattue le mardi 15 janvier à l'Assemblée nationale et qui fixerait
la commémoration de la fin de cette guerre le 19 mars, en référence
au cessez-le-feu effectif survenu le 19 mars 1962, le lendemain des
accords d'Evian. Mais pour certains, cette date n'est pas représentative de la
fin de la guerre. Ils peuvent même la trouver « insultante » eu
égard au nombre de personnes tuées après le 19 mars 1962 (1). Un
mouvement de contestation a enflé depuis le Lot-et-Garonne,
regroupant en un collectif une douzaine d'associations d'anciens
combattants, de harkis et de rapatriés.
« IL Y AVAIT
ENCORE LA GUERRE APRES LE 19 MARS ! »
« La fin de la
guerre n'a pas eue lieu le 19 mars 1962. Entre cette date et le mois
de juillet 1962 il y a eu davantage de morts que pendant les neuf
années de guerre. Le titre d'ancien combattant est d'ailleurs
reconnu jusqu'au mois de juillet 1962, ce qui signifie bien qu'il y
avait encore la guerre ! » explique Emile Monserat, président des Rapatriés d'Algérie
(120 adhérents en Lot-et-Garonne). Ce dernier verrait plutôt le 1er
juillet date du référendum sur l'autodétermination comme date de
commémoration officielle : « D'autres dates peuvent être valables pour les
pieds-noirs, mais surtout pas le 19 mars. Il faut une table ronde
entre anciens combattants pour en décider ». Albert Boutin, président des
Anciens combattants du corps Franc Pommiès (80 membres dans le
département) lui emboîte le pas : « La Guerre d'Algérie ne s'est jamais
arrêtée le 19 mars 1962, et il y a eu des massacres en juillet. Le
19 mars est une date mal choisie, celle de la victoire du FLN. C'est
une offense pour nos camarades et les harkis tombés après
». Boussad Azni, responsable du Comité national de liaison des harkis, est également
très remonté : « Les harkis ont été désarmés le 19 mars 1962 par l'armée française et il
y a eu des massacres. On ne peut voter une telle date, c'est une
offense à ceux qui sont morts après. Et on ne fête pas une défaite.
La communauté harki est mobilisée et il y aura des actions si cette
date est officialisée, et nos députés devront en rendre compte s'ils
la votent »
LA FNACA MONTREE DU DOIGT
Bref, les
contestataires sont prêts à tout accepter sauf le 19 mars, et ils
montrent du doigt la FNACA (Fédération nationale des anciens
combattants d'Algérie) qui elle a toujours commémoré la fin de la
guerre d'Algérie à cette date. « Nous la commémorons depuis 1963 et un sondage IFOP
confirme que 72 % des Français sont favorables à cette date »
selon le président Jean Dubourdieu, qui revendique 4 500 adhérents dans le
Lot-et-Garonne et dont l'association milite pour multiplier le
nombre de rues baptisées « 19 mars 1962, fin de la guerre d'Algérie ».
« Il est logique de choisir la date du cessez-le-feu pour cette commémoration, qui
concerne nos morts mais aussi les victimes civiles et les harkis.
Bien sûr il y a eu des victimes après le 19 mars, mais cela a aussi
été le cas en 1918 et en 1945. Nous ne changerons pas de date à
cause d'une contestation locale et je ne veux pas polémiquer avec
des associations départementales moribondes qui ne représentent plus
grand-chose... » Si le fils de harki Boussad Azni reconnaît que le Lot-et-Garonne a
initié le mouvement contre le 19 mars, il évoque cependant une
mobilisation nationale « et des cars de toute la France convergeront vers Paris
pour manifester devant l'Assemblée nationale le 15 janvier ».
Paris où la Commission parlementaire des rapatriés devrait recevoir le collectif
anti-19 mars ce même jour à 16 h 30, mais après la discussion sur la
proposition de loi. Sera-t-il encore temps de s'entendre ?
(1) Selon le « Quid »,
après le 19 mars 1962, on compte 2 273 européens disparus (dont
50 % officiellement décédés) et environ 65 000 musulmans tués.
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