Tous les Staouéliens ont entendu ce nom qui effrayait les petits-enfants. La prison d'Alger portait ce nom ce qui ajoutait à l'antipathie de ce personnage quelque peu mythique et pas très loin du monstre.

        Mon histoire est véritable et ressemble à un conte qui se rapprocherait de la belle et la bête.

        Pirates dès leur premier âge, les Barberousse sont 4 frères : Aroudj, Elias, Isaac et Khizr.

        Ils reçoivent du sultan Selim 1er, qui règne en Turquie, la mission d'attaquer les berbères d'Afrique du Nord. A l'époque, une multitude de petits royaumes tels que ceux de Tlemcen, Bougie, Alger… forment une mosaïque d'Etats.

        En compagnie de son frère, Aroudj essaie de s'emparer de Bougie occupée à l'époque par les Espagnols. Là, une décharge de mousquet lui arrache un bras, qu'il remplacera plus tard par un bras en argent. Ayant repris vigueur, il s'attaque à Djidjelli dont il s'empare.

        Sentant le danger, les Algériens appelèrent à leur secours un prince Arabe, de grande réputation, le nommé Selim EUTTEMI.

        Celui-ci régnait dans la plaine de la Mitidja. Il amena avec lui sa femme Zaphira, d'une très grande beauté, et son fils Yaya, âgé de 12 ans.

        Selim ne put empêcher que Ferdinand, roi d'Espagne, ayant envoyé une puissante armée navale, obligeât la ville d'Alger à la rendre tributaire des Espagnols. Ces derniers construisirent un fort sur une île vis-à-vis de la ville : Le Penon. Ils y installèrent de l'artillerie et une forte garnison, pour contrôler le port. Les Algérois, inquiets, envoyèrent une députation à Aroudj Barberousse, le priant de les délivrer du joug espagnol.

        Ce corsaire dirigea vers Alger 18 galères et 30 barques avec tout ce qu'il put trouver de Turcs. Les Algérois furent transportés de joie en apprenant la diligence de Barberousse et lui firent un triomphe quand il arriva dans la ville. Logé dans le palais du Prince, il fut reçu avec beaucoup d'amitié.

        Aroudj Barberousse avait d'autres projets que celui de fortifier la ville, il voulait en être le maître. Selim Euttemi ne fut pas long à s'apercevoir de la faute qu'il avait commise en appelant le corsaire à son aide.


AROUDJ BARBEROUSSE

        Sentant son projet découvert et étant follement amoureux de la belle Zaphira, Aroudj ne vit qu'une solution, la mort de son mari, Selim Euttemi.

        Cela fut fait quand le Prince prit son bain. Aroudj l'étrangla avec une serviette et fit publié qu'il était mort de faiblesse.

        Barberousse en profita pour se faire proclamer roi d'Alger par ses soldats Turcs qui le promenèrent à cheval en grande pompe dans les rues d'Alger. Le nouveau roi, toujours amoureux, envoya cette lettre à sa désirée.

        " Belle Zaphira, image du soleil, plus belle par tes rares qualités que par l'éclat radieux qui environne ta personne, le plus fier et le plus heureux conquérant du monde, à qui tout cède, ne cède qu'à toi et est devenu ton esclave… Malheur à ceux qui auront l'insolence de te désobéir, qui ne ramperont pas en baisant la poussière de tes pieds … "

        Zaphira resta fidèle à la mémoire de son époux. Elle répondit cependant à Aroudj par une lettre dont voici un extrait : " Seigneur, tout autre que moi, plus sensible à la gloire, à la grandeur, à la richesse qu'à la réputation qui est la véritable gloire, s'estimerait heureuse de se donner à toi… Si je me donne à toi, n'aurais-je pas raison de dire que je suis complice de ce crime et de concert nous lui avons donné la mort pour nous unir… "

        La réponse de Selim ne se fit pas attendre : " Incomparable Zaphira, j'ai frémi d'horreur, qu'on me soupçonnait d'être le meurtrier du Prince Selim. Dieu seul le sait que ce faux bruit t'empêche de te donner à moi, je ferai si bien que je m'en laverai, m'en dut-il coûter mon royaume… "

        Il fit venir son ministre, un nommé Ramadan, et ensemble convinrent d'un stratagème. Ramadan fit publier par le crieur public que le roi avait appris que le Prince Selim avait péri de mort violente et qu'il en était injustement accusé d'être l'auteur. On récompenserait les délateurs.

        Il se trouva donc un homme déclarant que le Prince Selim avait eu vent du complot et que les assassins étaient au nombre de trente. Ce faux témoin reçut sa récompense en or mais on lui coupa la langue.

        On fit venir devant le roi Aroudj trente prétendus complices, qui n'étaient que les plus mauvais soldats de Barberousse. Ramadan les avaient fait consentir, pour sauver l'honneur du roi, d'avouer publiquement qu'ils étaient complices. Aroudj, après interrogatoire, les fit étrangler et, pour faire bonne mesure, son fidèle ministre Ramadan subit le même sort.

        Pour faire éclater davantage sa prétendue justice, il fit attacher les têtes de tous les étranglés aux murailles de son Palais et traîner leur corps hors de la ville. Dans son esprit, rien ne pouvait plus s'opposer à la conquête de la belle princesse. Dans sa lettre, il écrira : " Me voilà lavé, belle et incomparable Zaphira, du crime affreux qu'on a osé m'imputer… "

        " Seigneur, mes scrupules n'ont point cessé par le trépas de ces misérables qui viennent d'expirer par tes ordres. Un songe m'est apparu sur ordre du Prophète et m'a dit que tu avais immolé des victimes innocentes… " Ainsi répondit Zaphira.

        Aroudj était au bout de sa patience et voulut la posséder par violence. Assise sur un sofa, il se jeta sur elle pour s'en rendre maître. Zaphira saisit un poignard et voulut l'enfoncer dans le cœur du tyran. Celui-ci para le coup, il ne reçut qu'une blessure à son bras valide, il fut fort irrité.

        Le roi d'Alger ne désarma pas et fit rentrer un garde pour désarmer la récalcitrante ; c'est alors qu'elle avala le poison qu'elle avait préparé et elle expira peu de temps après.

        Barberousse se vengea contre les servantes de la princesse, qu'il fit toutes étrangler. Il les fit enterrer secrètement avec leur maîtresse et fit courir le bruit qu'elles s'étaient déguisées puis évadées à son insu.

        Ainsi se termine cette histoire d'amour sanglante.

        Qu'est devenu Baba Aroudj, dit Barberousse, il fut fait prisonnier à Tlemcen puis tué en 1518 par une lance qui lui perça le cœur.

        Son frère KHIZR prit sa succession sur le trône d'Alger. Nommé Capitaine Pacha de la flotte turque, c'est sous son règne que les Turcs s'emparèrent de la forteresse espagnole du Penon, en 1530.

        Alger devint ainsi une place forte de la piraterie sous obédience turque et y restera jusqu'en 1830.


KHIRZ, le frère d'AROUDJ qui prit le Penon aux Espagnols

        (Mis en ligne janvier 2007)


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