Si dans les années 1962-65
vous avez, comme moi, fait abstraction de la politique Algérienne, nous avions
d’autres chats à fouetter, voici quelques extraits tirés d’un précis d’Histoire
écrit par M .Benjamin STORA. Cet historien engagé
n’est certainement pas de mon bord, mais il ne peut supprimer les faits. Voici
donc quelques éléments qui, je l’espère, vous feront
mieux saisir que le paradis socialiste algérien n’avait rien à voir avec celui
bon enfant que nous avions laissé… On peut s’interroger aussi sur la politique
de la France pendant cette période…
ETE 1962, BATAILLE POUR LE POUVOIR
Le GPRA est à Alger tandis que l’Etat major et la coalition se trouvent
à Tlemcen. Le 22 juillet 1962, Ben BELLA annonce la constitution du bureau
politique. C’est un coup de force contre le GPRA.
Ferhat ABBAS et Yacef SAADI appuient le groupe de Tlemcen.
Le 25 juillet, Constantine, favorable au GPRA est occupée. Le sang coule les
affrontements font 25 morts et 30 blessés.
Certains dirigeants algériens « historiques » contestent ou
approuvent le coup de force.
Le 29 Août à Alger, les commandos de Yacef SAADI attaquent les unités
de la wilaya IV. On déplore plusieurs morts ; Le peuple d’Alger descend
dans la rue au cri de « 7 ans, ça suffit ». Le bureau politique
donne l’ordre de marcher sur Alger. Les violents accrochages de BOGHARI et d’EL
ASNAM font plus de mille morts.
Cette période d’anarchie favorise les règlements de comptes aboutissant à
l’exécution de plusieurs milliers de Harkis ou de musulman pro français ainsi
que les enlèvements d’Européens en particulier en Oranie. Le rapport VERNEJOUL
de 1963 penche pour 25 000 Harkis tués et la croix
rouge recense encore 13 500 anciens supplétifs incarcérés en 1965.
Au lendemain de la guerre d’indépendance, le nationaliste Algérien
prend le pouvoir et adopte pour devise officielle rattraper le retard accumulé pendant
les 130 ans de domination coloniale »…. L’Algérie opte pour une voie socialiste
de développement. L’autogestion devient le thème clé pour transformer et
mobiliser l’Algérie.
Le 25 septembre 1962 l’Assemblée Nationale constituante, élue le 20
septembre, proclame la naissance de la république Algérienne démocratique et
populaire. Elle désigne Ahmed BEN BELLA président du Conseil des ministres.
Dans ce gouvernement ne figure aucun membre du GPRA mais en revanche 5
militaires dont le Colonel Houari BOUMEDIENE.
La notion de parti unique s’impose peu à peu et le parti communiste
Algérien est interdit le 29 novembre 1962. Ni l’indépendance, ni la légitimité
du F.L.N. comme parti unique ne découlent d’une
consultation populaire.
La liste unique des candidats à l’Assemblée Nationale quelque peu
amputée et modifiée sera plébiscitée à
99% le 30 septembre 1962. Ben BELLA devient chef du gouvernement. La Présidence
de l’Assemblée échoit à Ferhat ABBAS.
Le 11 avril 1963, Mohamed KHEMISTI est victime d’un attentat, le 16
avril Mohamed KHIDER démissionne du bureau politique Ben BELLA lui succède.
Mohamed KHIDER, Mohamed LACHERAF, Ait AHMED, Ben BELLA, Mohamed BOUDIAF.
Le 17 avril 1963 le colonel BOUMEDIENE est nommé vice-Président du
Conseil.
Avec la création du FFS par Ait
AHMED en Kabylie et la démission de Ferhat ABBAS de la présidence de
l’Assemblée Algérienne, les désaccords à la politique Belliste
s’accentuent. La Constitution, d’inspiration FLN, sera approuvée le 08
septembre 1963 par référendum et le 15 septembre 1963 Ben BELLA est élu
Président de la République Algérienne.
Le 1er octobre 1963, le Président annonce la nationalisation des
dernières propriétés appartenant à des colons Français.
Ce fils de paysan de Marnia né en 1916 se méfie de L’OUVRIERISME »
Certains biens « vacants » sont exploités par des comités de
gestion, d’autres deviennent « vacants » après expulsion des
colons, d’autres encore sont occupés militairement et nationalisées.
Il est créé un organisme
étatique, l’ ONRA (1963) qui doit
gérer et appliquer la réforme agraire. Cette structure sera dissoute en 1966
lorsqu’il apparaît que le déficit socialiste s’accroît sans cesse.
Dans le secteur industriel et commercial, toutes les entreprises
« vacantes »sont mises en régime d’autogestion.
Dans l’entreprise auto gérée l’organisation des pouvoirs est en principe
soumise à la démocratie directe. Mais l’Etat reste propriétaire du patrimoine
et s’octroie un pouvoir de tutelle. Le Directeur est nommé par les pouvoirs
publics, il dispose d’un droit de veto à l’égard de toutes décisions.
La paysannerie pauvre aspirait à de meilleures conditions de travail
mais rien ne disposait ces anciens ouvriers
de colons à mettre en œuvre des formes de gestion collectives.
Après la guerre des sables entre Algérie et Maroc un cessez-le-feu sera
effectif le 5 novembre 1964 et prend fin sur un statu quo.
L’Algérie cherche à développer
ses relations économiques avec d’autres pays. L’URSS fournit des prêts et une
aide technique mais commerce peu avec l’Algérie. Celle-ci fait 70%, dont la moitié avec la France, de son
commerce avec la CEE.
AGGRAVATION DE LA SITUATION ECONOMIQUE
Ben BELLA introduit l’AUTOGESTION dans un pays qui n’y est préparé ni
politiquement ni matériellement.
L’Algérie compte, en 1963, 2.000.000 de chômeurs et 2.600.000 personnes sans
ressources sur une population de moins de 10 millions d’habitants.
Le secteur rural autogéré absorbe la majeure partie des crédits et son activité
est lourdement déficitaire. La production agricole ne progresse pas alors que
les besoins augmentent.
Dans le BTP, on note une baisse de production de 55% entre 1962 et 1963.
Le secteur minier et métallurgique baisse de 20 % etc….
Dans le même temps, les dépenses improductives croissent, les agents
publics passent de 30 000 en 1954 à 180 000 en 1963. L’armée, en
1962, comptait 80 000 soldats aux
frontières et 6 000 dans le maquis ; ses effectifs sont passés à 120 000
hommes en 1963. Cette même année le déficit est tel que l'Algérie est amenée à
contracter auprès de la France un prêt
de 1 300 millions de francs, et attend de cet Etat des envois de
techniciens, de coopérants et des accords pour l’exportation du vin.
L’immigration algérienne est favorisée à cette époque par le gouvernement gaulliste. Au printemps 1965 le seuil de
450 000 Algériens en France est dépassé.
LE MOUVEMENT VERS LES VILLES
Le départ massif des Pieds noirs
a entraîné un processus d’appropriation
des espaces laissés vacants. Entre 1960 et 1963 les villes Algériennes voient
arriver 800 000 nouveaux habitants dont la moitié pour la seule
agglomération d’Alger. Cet exode rural n’a débouché que sur du chômage ou des
petits métiers.
L’ISOLEMENT DE
BEN BELLA
Tribun populiste, Ben BELLA se coupe de plus en plus des réalités
économiques et de ses anciens compagnons. Si ceux-ci ne se retirent pas
d’eux-mêmes, ils se trouvent écartés du pouvoir, voire incarcérés, comme BOUDIAF et trois autres personnes qui sont
arrêtés pour complot contre l’Etat.
Hocine Ait HAMED annonce une sécession, la Kabylie se révolte…
EXTRAITS DE L’HISTOIRE DE
L’ALGERIE DEPUIS L’INDEPENDANCE
Par BENJAMIN STORA
(livre de poche collection repères )