N° 63
Juillet

http://piednoir.net

Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Juillet 2007
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Les dix derniers Numéros :
         L'Hymne des Français d'Algérie       
offert par Jean-Paul Gavino 
EDITO

 Le Ras-le-bol

        J’ai longtemps hésité avant de faire l’historique de l’action engagée pour le cimetière de Bône/Annaba.

        Était-ce constructif de faire étalage au grand jour de certains faits ?

        Cela ne risquait-il pas de nuire à la cause que je défends depuis tant d’années ?

        Mais j’ai constaté que d’autres, eux, ne se gênent pas pour me taper dessus ainsi que sur tous ceux qui veulent sortir des sentiers battus. J’ai aussi constaté qu’ils n’hésitent pas à saborder toutes les initiatives qui ne vont pas dans le sens de leurs intérêts personnels. Qu’ils critiquent et méprisent tous ceux qui ne pensent pas exactement comme eux ou lorsqu'ils émettent des réserves sur des actions et stratégies approximatives.

        Ces gens là sont à classer dans les détracteurs invétérés et finalement, font-ils partis de notre camp ?

        Plus clairement dans leur esprit, il s’agit en plus de jeter l’opprobre non seulement sur les initiateurs des diverses actions, mais aussi à les fustiger, à les calomnier eux qui vont au charbon sans le support associatif trusté par une pensée unique. Une pensée unique qui se confine entre bouffe-danse-pognon et leurs paroles d'évangile avec leur seule vérité souvent faussée par leurs jugements hatifs et irreflechis. Une pensée unique qui attise les haines et les dissensions et qui fait obstacle à toutes paix, celle des âmes et celle des corps. Cette pensée unique rend leur adhérents aussi néfastes que nos ennemis et en définitive ils deviennent pires qu'eux. Le résultat est que le pire ennemi du Pieds-Noirs est le Pieds-Noirs lui même.
        Il leur faut éliminer tous ceux que n’anime pas une adhésion inconditionnelle à cette pensée.

        Or, ils n’ont pas pris en compte l’ampleur de la situation réelle dans laquelle se trouve la communauté. Ils persistent dans leur stratégie de courte vue trop souvent hélas conçue en prévision d’une petite faveur ou d’une rosette.

        La communauté Pieds-Noirs a de quoi se poser des questions sur l’avenir du mouvement associatif Pieds-Noirs, surtout que l’on voit trop souvent, encore hélas, entre eux, tour à tour selon les moments, des rapprochements insolites ou des détestations virulentes suivant leur humeur du moment.

        Ainsi, me voici haï de cette caste là, cela ne m’empêchera nullement de continuer sur ma voie sans intérêt personnel, même si par moment j’en ai ras-le-bol. En attendant l’action entreprise pour le cimetière de Bône continue sans apport associatif. De toute façon, je sais qu’inexorablement, les actions des détracteurs s’éteindront avec eux et que l’heure a donc sonnée pour qu’un mouvement d’esprit de jeunesse prenne corps en accord sur nos valeurs Pieds-Noirs à l’ère du XXIème siècle grâce à l’outil Internet.

        Pourtant, dans le contexte dramatique qui est celui de notre communauté depuis plus de 45 ans, les bonnes volontés ne manquaient pas. Mais elles ont été sciemment découragées, comme en témoigne par exemple les torpillages délibérés des tentatives d’union d’expatriés. Ce constat n’est guère valorisant pour eux. Les conséquences de leurs attitudes sont dramatiques. Au lendemain des graves blessures subies par notre communauté d’expatriés, il convient donc d’en tirer les enseignements afin de les laver et les soigner dans les années à venir.

        Pour résumer, il me semble que les Pieds-Noirs doivent reconquérir leurs espaces associatifs en balayant devant certaines portes, avoir des groupes de réflexion, trouver une direction collégiale, et donner une vraie vie et une grande ampleur à l’union des expatriés pour parler d’une seule voix face aux gouvernants, mais où à l’intérieur chacun dans sa diversité puisse obtenir le respect qui lui est du.

        À ces souhaits, je ne doute pas que ce mouvement communautaire pourra se faire reconnaître grâce à la force de renouveau vers laquelle se tourneront les jeunes Pieds-noirs.

La suite de cet article avec l’historique de l’action engagée sur le cimetière de Bône/Annaba.

Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,
        A tchao.


 Le R.L.B. 2éme

        Pour répondre à certaines critiques concernant mon aide et mon support à Jean Paul Gavino, cela fait aussi partie de mon RAS LE BOL.
                1) Les prises de position de J.P. Gavino lui appartiennent et je ne rentre pas dans les jeux politiques qui sont des jeux de cirque.
                2) J'aide l'Ami et l'Artiste qui ne nous a jamais trahi.
                3) Il ne faut pas compter sur le tissu associatif en général qui se désintéresse de l'événement ne rapportant rien pour eux. Je l'ai constaté une fois de plus le 24 juin à Béziers.
                4) Pour parer aux calomnies que j'ai entendu le 24 juin, je dis et Jean Paul peut le confirmer, cela ne me rapporte rien sinon la satisfaction d'aider librement un compatriote. Je ne touche aucune royalties. La critique est facile mais la bonne action est laborieuse chez les détracteurs.

        Jean Paul Gavino est né à Médéa dans une famille de chanteurs. Depuis 25 ans il chante notre mémoire pour nous. Il aime et chante son Pays, notre Pays. Il crie nos désespoirs, nos espoirs, ses vérités, nos vérités.
        En cette année 2007, pour les 45 ans de notre exode, il fait une tournée de concerts dans 9 villes de France, c'est peut-être sa dernière tournée. Il commence cette tournée à la GARDE dans le Var le 6 juillet et il sera dans ce département à Pollestres le 16 septembre à 16 H.

        Il faut savoir que Gavino est le seul chanteur Pieds-Noirs qui a sacrifié sa carrière artistique pour la défense de la mémoire Pieds-Noirs.
        Il est censuré à la télévision, sur les radios, dans les médias, dans tous les points de vente de musique.
        Il a du concevoir son propre studio, sa distribution de vente, sa publicité, l'organisation de ses galas et tournées.
        Il est l'Ami de toutes les communautés de l'Algérie.
        Pour cette tournée où il s'est encore investi en personne et a engagé des sommes considérables, le seul support que nous pouvons tous lui apporter, c'est d'assister à ses concerts dans les 9 villes du programme.

        ... Grâce à ses chansons le peuple prend la parole...

        " UNE SEULE CONSIGNE AMICALE " : Acheter des billets ; Faire du Tam-tam ; Le faire connaître auprès de chaque ami et le convaincre d'aller au spectacle. Que chacun agisse individuellement avec le téléphone arabe et le succès sera au rendez-vous de ce spectacle. Que les associations travaillent auprès de leurs adhérents et les salles seront pleines.

Pour le 1er concert le 6 juillet à la Garde dans le Var, mobilisez-vous.

TOURNÉE  2007 - Jean Paul GAVINO
DATES & VILLES
Jean Paul Gavino
... grâce à ses chansons le peuple prend la parole...
UN ÉVÉNEMENT A NE PAS MANQUER!!!
Date/heure
VILLES
Salles de Concert
Vendredi   20h30
6 Juillet 2007
LA GARDE [83]
Entrée : 20 €
Salle Gérard Philippe
Rue, Charles SANDRO
83130 LA GARDE
Samedi   20h30
15 Septembre 2007
SAINT ORENS [31]
Entrée : 25 €
Salle Altigone Espace Culturel
Palace Jean Bellières
31650 ST ORENS DE GAMEVILLE
Dimanche   16h00
16 Septembre 2007
POLLESTRES [66]
Entrée : 25 €
Salle Polyvalente Jordi BARRE
Avenue Pablo Casals
66450 POLLESTRES
Vendredi   20h30
21 Septembre 2007
BÉZIERS [34]
Entrée : 25 €
Palais des Congrès
29, Avenue Saint Saëns
34500 BÉZIERS
Samedi   20h30
22 Septembre 2007
LA GRANDE MOTTE [34]
Entrée : 25 €
Palais des Congrès
Avenue Jean Bene
34280 LA GRANDE MOTTE
Vendredi   20h30
28 septembre 2007
MARIGNANE [13]
Entrée : 25 €
Salle Saint-Exupéry
Cours Mirabeau
13100 MARIGNANE
Dimanche   16h00
30 Septembre 2007
CANNES [06]
Entrée : 25 €
Théâtre LA LICORNE
25, Avenue Francis T0NNER
06150 CANNES LA BOCCA
Samedi   20h30
20 Octobre 2007
BRON [69]
Entrée : 25 €
Salle Albert Camus
1, rue Maryse Bastié
69500 BR0N
Samedi   20h30
21 Octobre 2007
NOGENT S/ MARNE [94]
Entrée : 25 €
Espace Watteau
Place du Théâtre
94736 NOGENT SUR MARNE
RESERVATION ET VENTE BILLETERIE
Par Courrier:
Gavino Music Ediciones
17, Rue Trousseau
75000 PARIS


Par Tel/Fax :
CONTACTEZ MICHELE
Téléphone: 00 (33) 01 58 30 91 91
                   00 (33) 01 58 30 91 11
Télécopie: 00 (33) 01 58 30 91 09
Sur Internet:
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Par mail :
ediciones@jeanpaulgavino.com



 Le R.L.B. 3éme

Voici le 3ème volet de mon RAS LE BOL. C'est une gentillesse que me fait une dame d'une association Pieds-Noirs de Perpignan (dixit la correspondante de la préfecture de Perpignan au téléphone). A ce jour (1er juillet) je n'ai reçu aucune réponse préfectorale à mes courriers, j'ai décidé de rendre publique cette nouvelle "bontée piedsnoiresque".
Vous verrez la lettre de mise en garde à mon encontre, de la préfecture de Perpignan sur la dénonciation calomnieuse de cette "dame", avec mise en alerte de divers services nationaux.
Ensuite vous lirez ma réponse, car si aujourd'hui c'est moi dans le collimateur, demain c'est tous ceux qui s'organiseront amicalement pour faire des retours chez eux.
Nous avons été spoliés en 1962 en Algérie à cause de la France. Nous avons été volés par la France à notre arrivée sur cette terre d'exil. Et 45 ans après il faudrait encore accepter d'être conditionné ou endoctriné par des moins que rien et d'être floués par les marchands de rêve.
Nos retours ne sont pas du rêve commercial, mais des retours vers nos terres de naissance pour notre mémoire et celle de nos ancêtres.
Libre à ceux qui ne veulent pas faire ce pas vers leur propre apaisement, de penser ce qu'ils veulent, mais libre aussi pour tous les autres qui pensent autrement de franchir la Méditerranée sans avoir à rendre des comptes à qui que ce soit.
Il faut dire que tout cela n'entamera pas ma détermination à continuer pour moi et pour tous ceux qui m'ont fait confiance, c'est à dire tous les amis qui m'ont accompagnés en Algérie où nous avont trouvé un accueil fraternel que l'on a jamais eu en France et que nous n'aurons malheueureusement jamais en terre d'exil.
Tous les pisses-vinaigre, de tout bord, je les laisse à leurs aigreurs et dans un langage poétique "je m'en sonne les clochetouilles" car comme dit mon Ami Pierre " Ta Seybouse, c'est l'œil qui était dans la tombe et regardait Cain."



M. BARTOLINI Jean Pierre                                                               
Route du Mas Sabole
  66670 BAGES

                                                                                                 Mme Anne-Gaëlle BAUDOUIN
                                                                                                 Sous-Préfète des P.O.
                                                                                                 Mme Cathy VILE
  LR/AR                                                                                     Suivante de l’affaire
  REF : PREF66/DRLP/BEPG

Mesdames,

Le 12 juin 2007, je vous ai envoyé par Email ma réponse à votre lettre reçue le 11 juin et comme je n’ai toujours pas reçu de réponse ou d’accusé de réception je vous renvoie en recommandé la copie de ma lettre ci-dessous.

Suite à votre lettre du 1er juin 2007 reçue le 11 juin ;
Suite à mon entretien téléphonique avec Mme Vile du 11 juin, je vous donne les informations suivantes après la sollicitation d’un particulier sur ce que vous appelez hâtivement exercice illégal ou concurrence déloyale.

Je ne suis pas un voyagiste professionnel. J’organise des voyages avec et pour des amis pour des retours dans notre pays natal.
Cela n’a aucun but lucratif ou commercial, c’est seulement du bénévolat et qui comme tout vrai bénévole cela me revient plus cher avec en plus des ennuis comme votre lettre entre autres. Je vous en donnerai aussi des explications plus loin.

Comme dans toute société avec la devise française Liberté, Égalité, Fraternité et où des Amis décident Librement de faire des voyages ensemble et désignent un des leurs pour s’en occuper, je l’ai fait dans la Fraternité et l’Égalité.

A cette fin et en accord avec mes Amis, j’ai tracé un circuit, j’ai choisi notre agence de voyage qui en a fixé le prix à lui payer et qui s’est occupée en Algérie de toute la logistique de ce séjour.

Mon rôle a été de donner l’information sur mon site Internet privé aux autres amis, de prendre et collecter les inscriptions comme le ferait n’importe quel bénévole dans un groupe amical, une association, un comité d’entreprise ou un comité administratif pour ses agents. Est-ce illégal ?

Pourquoi avoir mis l’information sur mon site Internet ?

J’ai environ 30000 contacts d’amis sur le site dont des centaines me sollicitent, demandent des renseignements ou expriment le désir de m’accompagner dans le pays de naissance. En tant que bénévole, je ne peux me permettre de donner à tous ces amis et de communiquer par courrier postal et en individuel tous les échanges et informations car je n’ai pas les moyens financiers et je ne suis pas, non plus un mécène. Pour moi, le seul moyen de toucher tout le monde est Internet.

Sur mon information, le nom de l’agence figurait en tête (en 1ère place) avec toutes ses coordonnées légales. Mon nom y figurait aussi pour les contacts avec la mention : Organisateur Amical et non Commercial.  Air Algérie y figurait aussi car ce sont des amis qui ont fait des facilités pour notre transport aérien en travaillant avec l’agence choisie et ils ont pignon sur rue. Vous pouvez voir cela à ces adresses.

http://www.seybouse.info/seybouse/infos_diverses/mise_a_jour/maj59.html 
http://www.seybouse.info/seybouse/infos_diverses/mise_a_jour/maj62.html   


Sur cette information, il est précisé : Organisent un voyage exceptionnel pour et entre les Amis du Site, pour Voir et Revoir notre terre natale.

Sur cette information, les détails du séjour n’y figuraient pas car cela concernait les Amis du site, les places étaient limitées et avec le groupe initial nous nous réservons le droit d’accueillir qui nous voulons dans notre cercle. Est-ce illégal ?

Est-il interdit de se réunir et de décider d’organiser bénévolement un voyage en passant par une agence spécialisée et légale pour le but que nous nous fixons ?

Est-ce que l’on va m’interdire de donner l’information sur mon site pour mes amis ? Dans ce cas veuillez me le signifier clairement pour que je puisse dire que la Préfecture des P.O. s’oppose à cette information amicale, bénévole et qui serait comprise comme une nouvelle brimade contre les expatriés ou comme une opposition de retour vers notre mémoire et notre passé, ce qui est le véritable but de nos voyages et cela sans avoir à faire à des margoulins qui ne pensent encore une fois qu’à faire du fric sur notre dos.

Comme beaucoup de français le font croire, nous ne sommes pas des gros colons pleins aux as qui font suer le burnous. Nous sommes des gens qui ont été exilés par la France contre leur gré, qui maintenant retournons sur nos terres pour des séjours de mémoire en regardant les prix, le sérieux du séjour, la sécurité, les contacts dans le pays, les étapes que nous voulons faire sans être imposés, la durée et où seuls nos choix comptent. L’accueil que nous recevons de partout est une des meilleures preuves de notre voyage d’amitié et de paix.  Est-ce illégal ?

Pourquoi avoir choisi une agence algérienne ?

Cette agence dirigée par un Ami personnel de ma ville de naissance peut nous apporter tous les critères énumérés, il en a fait la preuve par la satisfaction de tous les amis.

Il est en relation permanente avec les autorités civiles et militaires du pays, là aussi il en a fait la preuve au cours du séjour et avec mes mises en relation avec ces autorités que j’ai  au cours et entre les séjours.  Tout cela aucune agence de France ne peut nous l’offrir pour un prix à notre portée. Est-ce illégal ?

Si c’est le cas, dites le moi en toute lettre et j’en informerai les autorités algériennes. Le résultat se retournera sur les agences françaises. La liberté de nos choix est inscrite dans les droits de l’homme et en la matière il n’y a pas de concurrence déloyale.

Le but de ces explications ci-dessus est fait pour vous faire comprendre le sens de mon organisation bénévole.

Comme votre lettre va plus loin qu’une simple information avec tous les services que vous avez mis en copie, j’en viens aux explications des ennuis causés en France par mes séjours en Algérie.

Tout d’abord, je vous prie de m’excuser pour les termes que je vais employer, je ne suis pas un littéraire.

Je sais que mon engagement pour mes compatriotes à s’organiser en groupes amicaux pour retourner au pays fait du tort à ceux qui ne pensent qu’à leur portefeuille au détriment de nos attentes. Est-ce illégal ou immoral?

Je sais aussi que les opposants à ces retours et à une paix voient « leur fond de commerce propagandiste » s’effondrer.

Je sais encore que les opposants à notre mémoire et notre vérité ne veulent pas, par nos voyages et nos retrouvailles que l’on démontre la perversité de leurs mensonges et désinformations et que cela disparaîtra avec eux.

Donc la réception et la rédaction de votre courrier m’a fait comprendre que c’est une nouvelle menace qui pèserai sur moi.

En effet, depuis mon séjour 2006, les menaces aussi bien physiques que morales par des tracts, des courriers Internet diffusés largement dont les propos diffamatoires en forme de Fatwa ont déclenchés les menaces de mort qui pèsent sur ma tête et qui m’ont valu un séjour hospitalier et cinq semaines d’arrêt de travail. Tout est parti de Perpignan.

Comme tout cela n’a pas suffit à entamer ma détermination, voilà que votre courrier arrive avec des « mises en garde et je serai tenté de dire que l’administration prend partie. Dans ce cas ce serait très grave pour les libertés individuelles.

Donc je vous demande de me donner le nom et les coordonnées de cette personne qui vous a sollicité, afin d’avoir un entretien avec elle, la mettre au courant de tout cela et éviter ainsi une possible plainte en diffamation et dénonciation calomnieuse.

Cette transmission de l’identification de cette personne prouvera la neutralité de vos services et l’apaisement de ce coté en ne me laissant pas croire à une nouvelle brimade des pouvoirs publics à mon, à notre encontre.

Bien entendu, je me réserve le droit de médiatiser cette affaire en France et en Algérie.

Je compte sur vous pour transmettre mon courrier aux services que vous avez hâtivement alerté et j’attends vos réponses pour la suite à envisager.

Dans cette attente,
Je vous prie, Mesdames, de recevoir l’assurance de mes considérations distinguées.

                                                                                                 M. BARTOLINI   Jean Pierre

Ce courrier est envoyé par Email pour gagner du temps. Si vous désirez que je vous le confirme par courrier postal, veuillez m’en informer par retour d’Email, SVP.


Oran, le 5 juillet 1962

Nous venions par miracle d'échapper à la mort le 26 Mars. Je ne sais pas comment. Nous avions couru comme des fous depuis la Grande Poste jusqu'à la place Bugeaud pour nous engouffrer dans un immeuble. Ses habitants sûrement terrorisés par ce qu'ils entendaient depuis plus de cinq minutes refusèrent de nous ouvrir la porte de leur logement pour nous aider, voire nous soigner si nous étions blessés. Je gravis plusieurs étages, je sonnais à toutes les portes. Personne ne répondit. Nous étions tout près des bâtiments du XV° corps. Un silence étrange s'abattit sur le quartier. Nous voulions rentrer chez nous. Jean-Paul ouvrit lentement la porte de l'immeuble pour voir si nous pouvions sortir. Une rafale de mitraillette partit certainement des bâtiments militaires et vint s'écraser sur le mur de l'entrée. Nous patientâmes quelques minutes supplémentaires et quand de nouveau le calme revint, l'un après l'autre, ma sœur, mes camarades et moi, nous sortîmes de l'immeuble en courant sur la droite pour prendre les escaliers qui rejoignaient le bas du Telemly. De là, toujours à grandes enjambées nous rentrâmes au quartier.

       Depuis cette date, qui devint plus tard un repère important voire incontournable dans l'histoire de la félonie de De Gaulle à notre égard, l'atmosphère dans Alger avait nettement évolué. Bab-el-Oued était à nouveau accessible. Mais dans quel état ! Les carcasses des automobiles écrasées par les tanks de l'armée française, notre propre armée, étaient toujours là, abandonnées. Nous ne pouvions imaginer que sur nos façades nous découvririons les impacts des fusils mitrailleurs tirés par nos soldats. Les avions de chasse avaient laissé derrière eux des appartements éventrés. La vie avait repris mais les visages s'étaient refermés. La gouaille bab-el-ouedienne avait disparu. On ne parlait plus avec les mains. On avait abandonné le " six-mora " devant l'anisette pour des belottes silencieuses de dépit.
       Malgré la reprise d'explosions ciblées, mais plus violentes, nous sentions bien que la situation nous échapperait. Peut-être même assez rapidement. La présence policière des barbouzes se faisait plus pressante. Ils semblaient alors s'être infiltrés dans nombreux rouages de la vie administrative. Mais qui pouvait leur donner toutes ces informations ? Ils étaient suffisamment renseignés au point d'avoir pu arrêter le Général Salan. Quand la radio clandestine nous l'apprit, ce fut la consternation générale. Sa photo fit la une de la presse quotidienne le lendemain matin. Qui avait pu le donner ? Comment avait-il été reconnu avec des cheveux teintés et une moustache épaisse ? Cette information nous avait glacés bien que d'autres généraux passés eux aussi dans la clandestinité tentaient de nous rassurer par tous les moyens affirmant aussi que jamais ils n'abandonneraient la lutte.
       Cependant, déjà, des familles quittaient le quartier, d'autres quartiers sans rien dire. Ils partaient. On ne les voyait plus.

       Aussi, courant Juin, nos parents prirent alors la décision de nous mettre, ma sœur et moi, à l'abri. A l'abri. Nous protéger de la folie de désespoir qui s'était emparée d'Alger. Leur problème est qu'ils ne connaissaient personne pour nous accueillir en France. Nous disions indistinctement France ou Métropole. La métropole, c'était la mère. Celle qui donne de l'amour et des punitions. On pouvait critiquer la Métropole mais pas la France. Car la France c'était ce que nous avions dans nos cœurs. C'était l'amour des enfants pour leur mère. L'amour aveugle, total, plein, sans critique.

       Ils imaginaient que nous serions plus en sécurité à Oran. Mon parrain, frère de ma mère, y vivait depuis qu'il avait épousé une Oranaise. Il avait quitté Bab-el-Oued pour Oran. Oran n'était pas plus sure qu'Alger, mais nous, adolescents, nous n'y avions aucun ami, aucun cousin. Rien. Nous resterions reclus. Nous perfectionnerons notre Espagnol car Oran avait été conquis par les Espagnols quatre cents ans avant que les Français ne s'y intéressent. Toute la population parlait espagnol : arabes, juifs, européens.

       L'oncle logeait dans un petit appartement du centre ville avec sa belle mère. Nous n'étions pas loin de la place des Victoires. Cette place si vivante avant cette triste année 62. Les fenêtres ouvraient sur une artère animée. Nous n'apercevions que le bas des boutiques tapies derrière les arcades, et les pas rapides des habitants du quartier. Plus personne ne se promenait. Plus personne ne traînait devant les vitrines des magasins. Certains avaient déjà été abandonnés par leurs propriétaires qui espéraient eux aussi se mettre en sécurité en partant ailleurs. Toujours ce " ailleurs ".
       Nous ne sortions, avec les tantes, que pour faire les courses de tous les jours. Nous croisions quelques garçons qui se dirigeaient vers le lycée Lamoricière en prenant la rue Richepin perpendiculaire à l'entrée de notre immeuble de la rue Alsace-Lorraine. La petite boulangerie, au coin de la rue Pelissier, nous rappelait par ses parfums de farine et de pain chaud et croustillant celle de nos parents. Un léger frisson de tristesse nous parcourait la peau alors. Je fermais les yeux et je respirais toutes ces odeurs si familières. La grand'tante qui connaissait tout le monde dans le quartier racontait en un espagnol rapide à tous ceux qui voulaient l'entendre que nous venions d'Alger. Pobres chicos, ajoutait elle, si leurs parents savaient qu'ils sont enfermés toute la journée !
       Le mois de Juin tirait en longueur. Il commençait vraiment à faire chaud. Nous comprenions ce que mon oncle disait à demis mots dans un espagnol approximatif. Les pourparlers entre l'OAS et le FLN avaient tourné court. Et pour éviter que des représailles ne soient exercées sur la population civile européenne, les commandos de l'OAS avaient quitté la ville après avoir fait sauter, parait-il, les réservoirs de carburant. Cependant, le soir, nous entendions toujours des explosions de pains de plastiques et des claquements de mitraillettes sporadiques.
       -Escuchas, escuchas, disait la vieille tante, celle là elle a sauté pas trop loin d'ici. Ce doit être à côté, au quartier Boulanger.
       -Mais non maman, esta a Lamur. No dices nada, les petits, ils vont comprendre et avoir encore plus peur.
       Il était vrai qu'à chaque explosion, nous quittions la chambre dont la fenêtre surplombait la rue pour nous précipiter dans la cuisine qui donnait sur une courette. Je pouvais apercevoir entre les immeubles serrés autour de la cour, un coin de ciel bleu. Ce bleu si pur.
       Que devenais tu Djèmila, déjà si loin, à Alger ? J'étais parti sans te dire au revoir. Comme un voleur. Enfermé dans ce petit logement inconnu, rien ne me rappelait ta présence. Je devais attendre, la nuit, pour penser à toi. Avec ma sœur, nous dormions tête bêche dans le même lit, dans la même chambre que la grand'tante. Je fermais les yeux avec force et je m'abandonnais dans mes souvenirs de toi. Ô, Djèmila. Dans cette ville, à chaque coin de rue, je retenais ma respiration en espérant que tu m'apparaîtrais soudain. Souriante. Les yeux brillants de joie.

       L'oncle avait compris que nous ne pourrions pas continuer à vivre ici. Nous ne faisions rien de la journée. Nous ne pouvions même pas aller à la plage. Mon père avait donné des consignes strictes à mon oncle. Consignes qu'il appliquait facilement puisqu'il travaillait. Après sa journée de travail, il avait coutume de s'arrêter au Café des Sports, et de prendre avec ses amis Pablo et Titcho, une anisette ou deux, et de commenter les nouvelles qui n'étaient pas imprimées dans l'Echo d'Oran.
       Un soir, il nous annonça que ses amis mettraient à sa disposition une camionnette.
       - Une camionnette ? Pourquoi faire, mon fils ?
       - C'est foutu, mama. Nous ne pouvons plus rester à Oran. J'ai la responsabilité de ces enfants.
       Je ne peux pas les exposer davantage. Ils ne sont pas plus en sécurité ici que chez eux.
        - Pero, où irons nous ?
        - Yo no lo se, hoy. Mais nous devons déjà préparer ce que nous emporterons. Les vêtements avant tout.
        - Mais je n'ai pas de manteau, mon fils. Nous allons nous geler, là-bas, en France que c'est au nord…

       Je lançai un regard inquiet à ma sœur. Son regard était silencieux. Absent de toute inquiétude. J'imaginais que nous passerions enfin des vacances féeriques au bord de la mer, sur une plage de sable blanc où seul le clapotis des vagues perturberait notre sommeil.

       - Pablo, il a de la famille qui est déjà partie. Ils sont en Espagne, pas trop loin de Perpignan. Juste après la frontière. Titcho pourra vous trouver des places sur le Sidi-Ferruch et vous partirez à Port-Vendres.

       Ma tante avait rapidement compris que nous embarquerions sans mon oncle.
       - Et toi, cariño ? Tu restes ici ? Si tu ne nous accompagnes pas je ne partirai pas non plus.
       - C'est une affaire de quelques jours, Paloma mia, je vous rejoindrai au plus vite. Le temps d'avoir un cadre pour charger des meubles et le restant d'affaires.
       Un silence pesant accompagna notre dîner ce soir-là. Les femmes nous regardaient tristes. Nous ne comprenions pas trop bien ce qui allait encore se passer.
       Toute la nuit, j'entendis le grincement des lits. L'oncle et la tante chuchotaient dans la chambre voisine. La grand'tante reniflait ses larmes entre deux ronflements. Epuisé, je m'endormis vers le petit matin quand, déjà, les tourterelles roucoulaient sur les toits et que les derniers rossignols sifflaient encore.
       Quand je me levai, mon oncle n'était déjà plus là et les femmes avaient entassés des vêtements sur les lits et les chaises. C'est l'odeur du café frais qui m'avait réveillé. Les deux femmes s'activaient en silence. Elles ne m'entendirent pas arriver derrière elles.
       Ma tante sursauta quand je lui mis la main sur l'épaule. Elle me pria de ne plus recommencer car elle était sur les nerfs, qu'elle n'avait pas dormi et que mon oncle était un égoïste.
       - Qu'allons nous devenir mes enfants ? Répétait sans cesse sa mère. Où irons nous ? Ton oncle nous envoie à l'étranger…
       - Yo lo he entendido ayer, Tia abuela, lo he entendido. No cognosco alguien, alli, tan poco. Lui répondis-je en un espagnol trop scolaire pour être naturel.

       Je pris mon petit déjeuner et fis une rapide toilette dans la minuscule pièce aveugle qui servait de salle de bain. Salle de bain était un bien grand mot, car nous nous lavions dans un petit lavabo au seul robinet d'eau froide. L'eau chaude courante était encore un luxe. Je réveillais ma sœur qui paressait dans le lit.

       La boulangerie du coin était fermée aujourd'hui. Hier, en prévision, nous avions pris un gros pain et pour qu'il ne sèche pas trop la Tia abuela avait entortillé un torchon autour. Nous ne sortirons donc pas.
       - Tata, on ne peut pas descendre un moment, juste pour nous dégourdir les jambes ?
       - Tu sais bien que je ne dois pas vous laisser sortir seuls et nous avons du travail rien qu'à trier le linge qu'on doit emporter.
       De dépit, je retournai dans la petite chambre et allumai le transistor. Nous reprenions en chœur les succès de Pétula Clark ou de Johnny Halliday Nous essayions sans conviction de danser le twist. Nous n'avions pas ramené d'Alger notre cerceau pour le faire tourner autour de nos tailles sur les rythmes d'un hula-hoop. Nous tentions de comprendre les sketches du Patio à Angustias émis par Radio Oran et qui faisaient rire aux larmes nos deux tantes. Mais notre méconnaissance du " pataouette " oranais fortement mâtiné d'Espagnol nous laissaient muets. A la fin d'une saynète, je me penchais à la fenêtre. Un silence étrange montait de la rue. Aucune voiture ne circulait. Aucun klaxon ne se faisait entendre. Je n'aperçus aucune patrouille militaire. Rien. Le quartier semblait désert, mort. Je retournai dans la salle à manger pour feuilleter un bouquin de grammaire latine.
       Soudain, vers les onze heures des coups de feux éclatèrent dans le lointain. Apparemment des coups de pistolets d'abord puis des crépitements d'armes à répétition.
       J'abandonnais ma lecture. Curieux et inconscients, ma sœur et moi nous nous précipitâmes vers la fenêtre que j'avais laissée ouverte.
       J'attendis un moment et soudain, j'eus du mal à comprendre ce que je voyais. Une colonne de civils européens avançait les bras en l'air. Ils étaient encadrés par des soldats dont je ne reconnaissais ni le casque ni la tenue. Les mitraillettes qu'ils tenaient à bout de bras avaient un chargeur en arc de cercle.
       Ces militaires, sans gradés pour les encadrer, hurlaient des ordres en arabe et en français. Ils donnaient des coups de crosse aux vieillards et aux femmes qui n'avançaient pas au rythme qu'ils leur imposaient. Des gosses pleuraient. Des ménagères avaient été contraintes d'abandonner leur couffin dont les provisions étaient écrasées à coups de godillots par les soldats.
       Un vieil oranais arabe, voulut s'interposer entre la personne qui marchait derrière lui et un homme casqué. Mal lui en prit. Après un violent coup de crosse dans les reins, il fut abattu comme un chien et laissé au milieu de la rue. L'arabe armé hurla de plus belle des ordres ; la colonne accéléra ses pas, et disparut progressivement de notre champ de vision. Un camion-benne klaxonne et passe en pétaradant. Des corps sans vie sont entassés les uns sur les autres. Des bras dépassent de la ridelle et se balancent dans le vide.
       Les tantes nous tirèrent violemment par le bras et refermèrent bruyamment les persiennes de la chambre. Une rafale partit de la rue et nous entendîmes des balles s'aplatir tout près de la fenêtre.
       - Vous êtes inconscients ou quoi ? Restez dans la salle à manger. Depuis au moins une heure, en bas, ils font la fête et tirent en l'air.
       - Avec la radio on n'a rien entendu…
       Effectivement, le transistor éteint, nous entendîmes des youyous et une clameur immense venant apparemment de la Place d'Armes. Des coups de feu sporadiques éclataient aussi ici ; là, ils étaient plus nourris. Nous aperçûmes, entre les lattes des persiennes fermées, un camion passer à toute vitesse, surchargé de musulmans qui tiraient en l'air et qui agitaient à bout de bras des drapeaux vert et blanc frappés d'un croissant et d'une étoile rouge.
       Des gamins debout sur les marchepieds hurlaient de joie des slogans en arabe. Le chauffeur donnait sans relâche des coups de klaxon. Bizarrement, il utilisait les mêmes cinq notes que nous, quelques jours auparavant.
       D'où sortaient tout d'un coup toutes ces bannières ? Nous ne connaissions depuis plus d'un siècle qu'un seul étendard. Celui de la France : bleu-blanc-rouge. Que se passait-il vraiment ? Djèmila, explique moi. Que n'es-tu avec nous ? Mais où était l'armée française ?
       Nous nous assîmes autour de la table recouverte d'une toile cirée aux motifs disparus par les nombreux nettoyages. Personne ne parlait. La tia abuela avait sorti son chapelet et égrainait des Notre-Père en espagnol. Notre tante pleurait et priait le ciel qu'il ne soit rien arrivé à son mari. Il travaillait à l'autre bout de la ville qu'il avait du traverser à pied ce matin.
       Tout le monde se taisait. Seul le clapotis des légumes du potajé qui bouillaient dans le faitout brisait notre silence. Dans la chambre, le transistor crépitait des parasites.
       Je tentai de rompre cette atmosphère d'angoisse :
       - On peut écouter la radio pour savoir ce qui se passe, peut-être. Ils nous diront dans quels quartiers il y a le plus de monde et nous pourrons sortir pour voir …
       - Estas loco, mon fils. Tu n'as pas vu ce qui se passait devant notre entrée ? Tous ces gens prisonniers et le camion rempli de corps sans vie ? On va attendre le retour de ton oncle. La foule est folle. Et les gens sont armés. Il suffira d'un rien, d'un regard ou même d'un sourire et ils nous tueront.
       - Mais ma tante, ils font la fête. Ils sont heureux. On pourra passer inaperçu.
       - Et tous ces morts, c'est la fête ? Il vaut mieux rester ici, et prier pour que ton oncle revienne sain et sauf.
       - Bon, je vais essayer de me mettre sur Radio Mont- Carlo, pour savoir ce qu'ils disent, répondis-je, désappointé. Et je sortis de la cuisine-salle à manger pour m'allonger sur le lit.
       Je n'eus pas de chance. J'avais beau tourner le bouton des chaînes vers la droite ou la gauche, je n'arrivais pas à capter une radio de métropole. Seule la radio locale répétait en boucle qu'un défilé se déroulait dans le calme et que tout le monde devait reprendre le travail. Pourtant dehors, les boutiques se fermaient l'une après l'autre et les coups de feu accompagnaient les cris de joies et les klaxons.
       Nous mangeâmes du bout des lèvres une assiette de soupe de légumes épaisse sans viande. Le pain rassis avait du mal à passer avec un bout de fromage de Gruyère qui commençait à transpirer. Je gardai les noyaux des abricots du dessert. En souvenir. Je n'avais plus l'age de jouer aux noyaux, mais qu'importait ?
       Les heures traînaient. Nous entendions toujours un brouhaha lointain, confus. Ma tante essuyait ses yeux régulièrement. Mon oncle n'était pas encore de retour. Les femmes s'impatientaient bien qu'il ne fut pas encore dix-neuf heures, heure à laquelle mon oncle avait coutume de rentrer.
       La Tia abuela, les mains sous la table, torturait les poches de sa blouse noire à petites fleurs bleues. Ma tante tournait la tête continuellement pour regarder le réveil Jazz sur le vieux buffet et poussait des soupirs d'impatience et d'angoisse. Les heures ne défilaient pas assez vite. Ma sœur et moi n'osions faire le moindre bruit. J'avais éteint la radio et je tentais de découvrir à travers les persiennes fermées ce qui se passait dans la rue Alsace-Lorraine. Je me demandais combien de temps encore elle porterait ce nom. Une semaine, un mois, un an au maximum ? J'évitais de faire le moindre bruit. La crainte qu'il soit arrivé un " accident " à mon oncle était perceptible à chaque gémissement, à chaque pleur. Que ferions nous s'il était arrêté ? Où irions nous et comment ?

       Vers dix-sept heures, les clameurs des rues les plus proches s'atténuèrent. Un calme étrange. Au loin, aussi, le grondement de la foule et les détonations semblaient s'être tus. Il fallait encore attendre plus d'une heure.
       Les deux femmes pleuraient en silence. La vieille tante se signait à tout bout de champ implorant Dieu qu'il ne soit rien arrivé à mon oncle. Pour tromper leur inquiétude, elles équeutaient des haricots verts pour le repas du soir. Ma sœur les rejoignit et les imita. Je restais collé aux persiennes et surveillais aussi avec impatience les derniers allers et venues devant notre immeuble.
       Soudain, une camionnette freina dans un crissement de pneus et entra dans la cour de l'immeuble. La portière de la voiture claqua et après quelques secondes un homme en sortit en courant. La porte du hall de l'immeuble se referma violemment et fit vibrer celle de notre entrée. Autour de la table, les femmes arrêtèrent leur travail, se serrèrent la main et écoutèrent les pas rapides et lourds qui montaient les escaliers.
       Une clé maltraita bruyamment la serrure et le battant s'ouvrit violemment. Mon oncle entra dans l'appartement, et avant qu'il n'ait pu refermer la porte derrière lui, ma tante, en larmes, se jeta dans ses bras.
       - Querido, chéri. Que s'est-il passé ? Nous avons entendu tant de cris et de coups de feu. Là en bas, il y a avait même des gens prisonniers des fellaghas, et des camions pleins de morts.
       Elle se recula et le regarda des pieds à la tête :
       - Tu n'as rien ? Tu n'as rien ?
       La vieille tante s'était agenouillée devant l'image de la Vierge fixée avec une punaise au mur près de la porte et priait à haute voix en remerciant Jésus-Christ.
       - Hijo mio, Hijo mio ! Merci mon dieu !

       A notre tour, ma sœur et moi, allâmes embrasser l'oncle. Il s'assit près de la table et demanda qu'on lui serve une anisette. Il était mort de soif.
       - Alors, tonton, dis nous ce qui s'est passé…
       - La manifestation a commencé dans le calme et la joie. Vous pouvez vous en douter. Mais on ne sait pas ce qui s'est produit exactement. Les gens descendaient de la gare ou de la Place Kargentah vers la Place d'Armes. Ils étaient debout sur les pare-chocs des voitures avec des fusils à la main, comme s'ils faisaient une " fantasia ". Il y aurait eu un coup de feu tiré dans la foule vers les onze heures.
       Des amis arabes pensent que c'était des pétards que des gosses avaient allumés comme pour la fête du Mouloud. D'après ce qu'on nous a raconté, il y aurait eu un mort. Un enfant. Un Scout. Tout le monde hurlait que c'était l'OAS qui tirait, et qu'il fallait tuer TOUS les OAS
       - Tu le crois, toi, mon fils ?
       - Je ne sais pas, moi. Il n'y a plus de commandos dans la ville depuis plus d'une semaine, mama. Ils auraient été complètement fous. Cela aurait été un coup pour nous faire tuer tous. Et les hommes du FLN qui étaient armés sont sortis de la manifestation et se sont mis à tirer sur tous les Européens et sur les Arabes qui voulaient s'interposer. Ceux qui étaient habillés en soldats, doivent venir du bled ou des maquis et ne connaissent personne ici, il y en a qui descendaient des quartiers Lamur ou Victor-Hugo. Alors ils ne font pas de différence entre nous tous : un Pied-Noir ou un autre c'est pareil. La foule est devenue folle. Des gens qui étaient là en spectateurs ont été lynchés, piétinés, écrasés par des voitures aux drapeaux verts et blancs qui leur fonçaient dessus.
       - Et l'armée, notre armée ? Elle n'a pas mis de l'ordre ?
       - Non, il n'y avait aucun soldat français dans les rues. Pas de patrouilles, pas de tanks. Rien.
       - Mais, il y a toujours le général Katz qui est le commandant des militaires à Oran.
       - On dirait qu'ils étaient d'accord pour nous laisser massacrer.
       - C'est pour cela qu'il disait dans ses communiqués que nous devions travailler et ouvrir les magasins. C'était facile de nous tuer tous…
       - Ils couraient partout dans les rues, et ils arrêtaient tout le monde. Ils les faisaient mettre en rang, les bras en l'air et ils leur disaient d'avancer en silence et à coups de crosse. A la place Foch, aussi. Partout, partout…
       - On a aperçu ça de la fenêtre tout à l'heure, tonton, osa ma sœur.
       - Oui, ton neveu a failli nous faire tuer. Il regardait ce qui se passait dans la rue comme s'il était au spectacle et on a tiré sur la fenêtre quand je l'ai fermée.
       - J'ai vu de mon bureau, à la Maison du Colon, une colonne qu'on faisait rentrer dans le commissariat juste en face. Il y avait des femmes, des enfants, des vieux…Des arabes, des français… J'ai vu personne ressortir. Des jeunes qui avaient des pistolets poursuivaient les gens qui se sauvaient pour se mettre à l'abri. Ils allaient même les chercher dans les églises. Ils tiraient de sang froid à bout portant. Des camions pleins de cadavres ensanglantés roulaient à toute allure vers le Petit Lac.
       - Pourquoi faire, pourquoi faire, Raphaël, au Petit Lac ?
       - Antoine, tu sais, Antoine Gomis, il les a vus les jeter dans la décharge du Petit Lac, après leur avoir encore donné des coups de crosses et leur avoir tiré encore dessus même s'ils étaient morts.
       - Dans les ordures ?...
       - Oui, oui, dans les ordures. Titcho, celui qui m'a prêté sa camionnette Citroën a aperçu des européens qui couraient dans tous les sens pour s'abriter dans les encoignures des portes. Les hommes du FLN en civil ou de l'ALN les ont poursuivis et les ont égorgés à coups de serpes, d'autres fracassaient les crânes avec des haches. Les pseudo policiers regardaient ce carnage d'un œil atone pour ne pas dire consentant. En revenant, je suis passé devant la boucherie du Soleil…
       Mon oncle se tait un moment. Sa voix s'est étranglée et des larmes commençaient à poindre dans ses yeux. Sa belle-mère l'enjoint de continuer.
       - Et bien, mon fils, dis nous. Qu'est ce qui se passait à la boucherie ?
       - Je ne peux pas, mama, tant c'est horrible, je ne peux pas… Ma tante s'approche de mon oncle et enfouit sa tête dans le creux de l'épaule de son mari. Les deux pleurent en se berçant. Mon oncle tente de continuer entre deux sanglots :
       - le fils, Joseph. Celui avec qui on est allé à la forêt des Planteurs à Pâques. Ils l'ont pendu par la gorge à un crochet…Tout le sang coulait sur sa chemise…Dans sa propre boucherie…
       Mon oncle s'effondre alors sur ses bras croisés sur la table et il pleure bruyamment sans honte, sans retenue.
       - Il va falloir partir. Tous. Mais comment, mon fils, comment. Quand donc tout cela s'arrêtera-t-il ?
       - Je n'irai pas travailler demain. Vous avez pu acheter du pain ?
       - Non. Nous ne sommes pas sortis. On attend toujours la dernière fournée de onze heures et demie pour aller à la boulangerie. Le pain reste frais plus longtemps. C'est vers cette heure qu'on a vu ce qui se passait dans la rue Alsace-Lorraine. Il nous reste de la farine. On fera quelque chose, lui répond la grand-tante.
       - On n'a pas de viande non plus mais quelques œufs et de la longanisse. On s'arrangera… Avance ma tante. On a mis du linge dans les deux valises…
       - Oui, nous attendrons un ou deux jours que ça se calme et nous partirons. Je ne sais pas si nous irons prendre le bateau ou un avion à l'aéroport de la Sénia.
       - Tu veux que je prenne l'avion, mon fils ? Tu veux me tuer, ou quoi ? Comment on peut rentrer tous là dedans que c'est tout petit ? Et si il tombe, hein, si il tombe ?
       - Mais non mama, j'ai fait mon service dans l'armée de l'air à la Sénia. Des avions, j'en ai vus. Et ceux qui transportent des passagers, ils sont aussi gros que notre immeuble…
       La tia abuela fit une moue dubitative mais ne dit rien.
       - Pour l'instant, nous attendrons quelques jours sans nous faire remarquer, je verrai alors ce que nous pourrons prendre. Aurons nous le choix ?
       Attendre, nous cacher, attendre, nous mettre à l'abri…
       Nous restâmes enfermés deux jours. Le moindre mouvement dans la rue, le moindre cri nous terrorisaient. Nous n'osions même plus nous approcher des fenêtres fermées. Le soir, l'oncle descendait dans la cour arrière de l'immeuble et vérifiait si la voiture était toujours là.
       Dans la rue Alsace-Lorraine, la circulation automobile semblait avoir repris. Le bruit des moteurs des véhicules particuliers était couvert par celui de camions. De nombreux camions.
       Mon oncle ouvrit la porte d'entrée avec précipitation. Il avait du monter les escaliers en courant car il était essoufflé.
       - Félette, que se passe-t-il ? Pourquoi tu souffles comme ça, mon fils ?
       - Les camions, les camions…vous les avez entendus au moins ?
       - Oui, pourquoi ?
       - Ce sont des camions de l'armée, notre armée…
       - Et alors ?
       - Ils transportent des familles avec leurs valises…
       - Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes, hijo mio ? Ils les emmènent où ?
       - D'après monsieur Ibanez, le concierge, l'armée est finalement sortie des casernes pour tenter de mettre de l'ordre ou de protéger les Français. Ils ont fait des convois et les accompagnent vers la Senia ou le port pour partir.

       -Ils avaient dit : " la valise ou le cercueil.. ", purée de nous…me hasardai-je.
       - Si on reste, ils nous tuent. Si on part seul, ils nous tuent aussi. Devant nos soldats. Un groupe s'est précipité vers un jeune lieutenant qui était en faction devant un bâtiment militaire pour lui demander de les laisser entrer pour les protéger. Il est allé voir son capitaine ou son commandant pour expliquer la situation,..
       - Je parie qu'ils les ont laissés dehors !
       - Claro que si ! On ne pouvait même pas bousculer le jeune soldat, il y avait des rouleaux de barbelés infranchissables…
       - Hijos de p…. ! Quand on pense qu'on les ramenait à la maison boire un coup quand ils faisaient du stop sur la route de la plage ou qu'ils traînaient dans les rues comme des âmes en peine…
       - Ils ont des ordres, mama. Ce ne sont que des enfants pour certains…

       Au petit matin, le lendemain, après un rapide petit déjeuner silencieux, nous descendîmes avec nos valises. Nous prîmes la porte au fond du couloir du rez-de-chaussée et toujours sans le moindre bruit, nous empilâmes nos bagages dans la camionnette. Les deux femmes se serrèrent sur l'unique banquette du véhicule. Ma sœur et moi nous nous assîmes derrière coincés entre les bagages.
       Quelle fut notre surprise, quand nous découvrîmes que la rue Alsace-Lorraine était déjà surchargée de véhicules de toutes sortes : des camionnettes, des fourgons, des berlines. Toutes ces automobiles qui roulaient pare-chocs contre pare-chocs semblaient transporter la même famille. Les pères conduisaient sans regarder la voiture qui les croisait de peur d'être reconnus et traités de lâches. Les mères voulaient rester dignes et serraient amoureusement leur enfant dans les bras. Les grand'mères pleuraient en silence. Les grands-pères regardaient les murs et les boutiques des rues qu'ils avaient tant de fois arpentées comme leur père et le père de leur père. Ils sortaient le bras par la vitre de leur portière, le tendaient et vérifiaient que leur ballot était toujours bien attaché sur la toiture de l'automobile.
       Ils partaient.

       Les amortisseurs de la 2CV camionnette étaient mous et nous balançaient d'avant en arrière et de droite à gauche. Je sentais que mon café au lait allait remonter. Aussi, je me concentrais sur la direction que prenait mon oncle.
       - Pour aller au port, on aurait du passer près du lycée, tonton ?
       - Oui, on aurait du. On n'y va plus. C'est la folie. Les quais d'embarquement ne peuvent plus recevoir plus de monde. Les barrières d'accès aux embarcadères sont fermées.
       - Donc on va vers l'aéroport ?
       - Tu ne t'es pas trompé de chemin ? On ne roule pas vers le sud, on a le soleil devant nous. Le soleil se lève à l'est et…
       - Callate, hijo, callate. On va à Kristel.
       - C'est où ça ?
       - C'est un petit port en bas de la falaise, bien avant Arzew.
       - On embarquera sur le bateau du cousin de Titcho, Jacques. Il est pêcheur. Il est tout seul. De là on se dirigera par la mer vers Béni-Saf où des chalutiers doivent aussi partir. Nous nous regrouperons et, a la buena de Dios.
       - Sur un bateau de pêche, tu es fou mon fils, tu es fou. Tu veux tous nous noyer ? J'ai jamais su nager, moi…
       - On va longer les côtes d'Algérie et remonter le long de celles d'Espagne. Les fellaghas n'ont pas de navires de guerre. On arrivera à Port-Vendres ou Collioure. Il parait que Papa Falcone, il a déjà quelques bateaux pour la pêche aux anchois là-bas…On ne va pas partir seul. Il y aura d'autres pêcheurs avec leur famille sur leurs bateaux. On restera toujours groupés. Il y a quelques chalutiers, un peu plus gros.

       Nous nous répartîmes sur deux embarcations. Les femmes ensemble avec un pêcheur qui partaient avec son épouse et ses deux filles, mon oncle et moi avec Jacques et d'autres pieds-noirs qui comme nous fuyaient.
       Nous fuyions notre propre pays pour aller vers notre propre pays. Enfin, l'autre. Celui que nombreux parmi nous ne connaissaient que par les photos des livres de géographie et d'histoire.
       Nous partîmes de Béni-Saf le lendemain. Le voyage devait durer trois jours et deux nuits. Ici, toute notre petite famille se regroupa sur un chalutier, le " Saint-Pierre ". Nous embrassâmes Jacques et mon oncle lui glissa une petite enveloppe dans la main qu'il fit mine de refuser. Nous quittâmes Béni-Saf de nuit, les lamparos allumés à l'avant de chaque chalutier rassuraient les barques des petits pêcheurs qui faisaient route avec nous. Ivre de fatigue, je me réveillai à l'aube. Le soleil embrasait d'un rouge sang l'horizon. Devant nous, une petite ville aux maisons blanches semblait nous attendre.
       Les bateaux se regroupèrent. Nous jetâmes l'ancre dans le port à quelques encablures du quai. Un des chalutiers nous quitta et accosta. Les hommes en descendirent. Une petite heure plus tard, nous les vîmes revenir, les bras chargés de paquets. Ils avaient fait le plein de fruits frais et de conserves. Il me sembla entendre que nous étions à Carthagène.
       Nous levâmes l'ancre et nous repartîmes. Je me mêlais aux hommes pour les aider. Et surtout pour oublier que j'étais sensible au mal de mer.

       Nous étions épuisés. Les pêcheurs avaient tendu une bâche au-dessus de nos têtes pour nous protéger la nuit de l'humidité et le jour des ardeurs du soleil. L'odeur du mazout des moteurs qui clapotaient se mêlait à celle des vieilles peintures, de la mer et du poisson qui avait été pêché par le Saint-Pierre pendant des décennies. L'épouse du patron Saint-Pierre, madame Pilato, avait préparé plusieurs gamelles de sardines à l'escabèche et nous dit de nous servir. Nous mangions avec les doigts que nous sucions pour ne pas gaspiller la sauce rouge qui coulait dessus. Nous jetâmes les arêtes par-dessus bord. Nos deux tantes étaient gênées car elles n'avaient rien apporté.
       - Ne vous en faites pas, nous consolait madame Pilato. J'ai fait l'escabetche avec les sardines qu'on n'a pas pu vendre. Alors, allez-y… Et madame Keller, la dame qui est toujours à l'arrière qu'on dirait qu'elle veut encore voir l'Algérie, elle a fait aussi de la tchouktchouka…un vrai régal !
       - La dame triste, là-bas, avec le chapeau de paille sur la tête ?
       - Oui, c'est ça. Avec son mari, ils géraient un petit domaine vinicole à Misserghin. Et bien, son meilleur ouvrier, qu'ils traitaient comme un fils et à qui ils ont appris à lire et à écrire, il a égorgé monsieur Keller pour lui prendre la ferme.
       La pauvre, elle s'est sauvée et est arrivée toute seule, avec sa fourgonnette, au port. On l'a vue à Béni-Saf sur le quai. Elle errait. On l'a prise avec nous. Elle fait un peu de cuisine sur le petit fourneau pour nous remercier.

       Les escales suivantes devaient être Valence, Tarragone et Barcelone. A chaque étape une des embarcations accostait et faisait le plein de nourritures, d'eau et remplissait quelques jerricanes de gas-oil. L'air marin et les rayons de soleil avaient complètement desséché nos lèvres. Nous fixions l'horizon, les yeux plissés, sans lunettes. Des marsouins nous accompagnaient de leurs sauts élégants et silencieux de chaque coté de la proue du bateau qui coupait l'eau dans un froissement de papier de soie. Nous tendions la main pour les caresser. En vain.

       Un courant marin ou un calcul erroné de notre position nous fit dériver et arriver au milieu de la nuit dans un port que nous croyions être Port-Vendres. La nuit était noire. La couleur du ciel se confondait avec celle de la mer. Soudain des cornes de brumes assourdissantes nous firent prendre conscience que nous étions entourés de bâtiments " étrangers ". Des projecteurs inondèrent les ponts de leurs lumières crues. Nous étions encerclés par plusieurs garde-côtes espagnols, leurs canons pointés vers nous, des navires des douanes et de la police maritime. Ils nous firent couper les moteurs. Des militaires montèrent sur les chalutiers et de longues palabres furent nécessaires pour leur faire comprendre qui nous étions, d'où nous venions et où nous désirions aller. Ils nous crurent difficilement, mais à la lecture de nos papiers d'identité ils furent convaincus. Ils nous conduisirent dans une darse isolée du port de Barcelone et nous autorisèrent à jeter l'ancre pour la nuit. Les lampadaires éclairaient au loin les rues qui grimpaient sur les collines comme Alger. Alger. Oran. Un serrement au cœur me fit prendre conscience que nous n'étions pas en train de faire du tourisme mais que nous avions quitté peut-être définitivement notre pays.

       Aux aurores, comme convenu, les démarreurs lancèrent les moteurs ; les moteurs crachèrent de la fumée noire ; les ancres et les filins et autres cordages furent ramenés. La minuscule armada vibra de toutes ses coques et quitta lentement le port de Barcelone. Nous reprîmes la pleine mer. Cette étape fut la plus courte. Nous arrivâmes en vue des côtes françaises dans l'après-midi mais nous essuyâmes un fort coup de vent comme relativement souvent dans le Golfe du Lion. Je fus alors assez malade, au point de me tenir cramponné au bastingage pendant plusieurs heures.

       En débarquant à Port-Vendres, le sol tanguait encore sous mes jambes. J'aidais, avec mon oncle, les femmes à transporter nos valises et baluchons. Sur le quai, nous n'eûmes droit à aucun comité d'accueil. Nous nous regroupâmes et nous saluâmes tous les équipages. Nous embrassâmes chaleureusement la famille Pilato. Je remontai à bord du Saint-Pierre pour le caresser. Pour le remercier de nous avoir conduit à bon port.
       Une surprise nous attendait. Nous croyions être les premiers ou les seuls à avoir fait ce voyage. Sur des chalutiers amarrés, s'entassaient des hommes, femmes, enfants, vieillards avec leurs valises, leurs matelas, et tout ce qu'ils avaient pu sauver. Ils semblaient abandonnés. La Ville de Port-Vendres avait oublié qu'elle devait son développement économique au commerce qu'elle avait entretenu depuis un siècle et demi avec Oran ou Alger. On nous insulta. On nous traita de fascistes, de racistes, de nazis. On crachait à notre passage.

       Nous passâmes la nuit dans un petit hôtel que mon oncle avait connu quand mon grand-père, gazé pendant la guerre, venait en cure thermale dans les environs.
       Le lendemain matin avant de descendre vers le port mon oncle acheta un journal local, " Le Travailleur Catalan ", car comme de nombreux habitants de Bab-el-Oued, il avait été élevé dans la conviction communiste. Il pensait y trouver des informations sur des possibilités d'embauche, de logement, d'aide ou d'entraide. Il resta pantois et jeta le journal sur un banc. Je le ramassai pour découvrir ce qui l'avait choqué. Je lus à haute voix pour les deux tantes : " le port présentait un spectacle d'un quai de gare, la veille de départ de vacances. " Les personnes interviewées arrivent en France juste pour venir en vacances ou à cause des " factieux de l'O.A.S.
       Et plus loin, le journal expliquait aux Pieds-Noirs, c'est-à-dire nous expliquait que nous ne devions pas nous sentir privilégiés. Ainsi, " Le travail et le logement doivent d'abord revenir aux catalans ", et que raisonner ainsi, n'est pas être égoïste : c'est être juste … " Entre deux chômeurs ou deux personnes sans logement, pour le PC c'est clair, il faut appliquer la préférence locale sans aucune indulgence, …etc, etc…

       Le Saint-Pierre avait déjà appareillé pour Port-la-Nouvelle. D'autres chalutiers quittèrent Port-Vendres pour Sète. Les plus audacieux mirent le cap sur Sanary et Cagnes sur mer. Ils partaient tous pour reconstruire leur vie. Trouver des cieux plus cléments, pour se mêler aux autres pêcheurs de France qui souvent les reçurent comme des concurrents non grata ou comme des étrangers. Mais ils firent face.
       Nous fîmes face.

JP FERRER.
Saint-Laurent-du-Var.
jeanp.ferrer@free.fr
Le 3 Juillet 2007.

ENFIN ?
N° 7 de novembre 1950
de M. D. GIOVACCHINI
Envoyé par sa fille

  
         Nous avons souvent dit que M. PANTALONI ne fréquentait la Chambre que les jours de pluie. Notre erreur était grande, et nous lui devons d'humbles excuses.
         L'Officiel du 21 Octobre nous donne, en dernière minute, le texte d'une brillante intervention de notre député-maire.
         Il s'agissait du maintien de M. M. E. NAEGELEN dans ses fonctions de Gouverneur Général et la parole était donnée à Alice SPORTISSE, la vierge rouge.
Mme Alice SPORTISSE. - " Pour qui est allé en Algérie et qui a pu voir, aussi bien dans les grandes villes que dans les campagnes, l'atroce misère de nos populations, pour qui a pu voir des enfants disputer aux chiens leur nourriture dans les poubelles "... (Protestations à gauche, à droite et au centre).
M. PANTALONI. - Ce n'est pas vrai.
M. DJEMAD. - Si !
Mme GALICIER. - C'est la vérité.
Mme Alice SPORTISSE. - Chaque matin, à ALGER, j'assiste à ce spectacle...
M. PANTALONI - Ces affirmations sont ignobles.

* * *

         Nous partageons la légitime indignation de notre député et nous le félicitons d'avoir enfin retrouvé l'usage de la parole.
         Nous le prions également, pour l'honneur des Bônois, de nous offrir souvent le plaisir de lire des discours tout de même plus complets.
         On nous disait qu'il faisait peine à voir, tellement il était triste.
         F… colportait, à travers la ville, les bruits les plus désobligeants : " Il est fini. Il ne se représentera plus. Je suis obligé de tout faire ", murmurait le "Petit" à l'oreille de ses petits courtisans.
         P…, riche de tant de défauts, mais aussi d'une vive intelligence, convoqua son Adjoint dès son arrivée et lui administra une belle volée de bois vert.
         " Je connais votre perfidie. C'est vous qui torpillez la Municipalité. Vous vous parez des plumes du paon alors que vous n'êtes qu'un frelon. Je vous ai fait ce que vous êtes, petit c....ul " (Textuel).

         Ganelon partit la queue basse, en écarquillant ses yeux de perdreau mort.  



LE PLUSSE DES KAOULADES BÔNOISES (49)
La "Ribrique" de Rachid HABBACHI
J'TE JURE, TOUS Y Z'ÉTAIENT LÀ

          Tous ceux-là là qu'y z'étaient venus, y z'étaient là et ne vas surtout pas me dire que c'est la vérité d'la police ou des z'aut' kaoulades comme les pléocatses ou les fugures de rente au risque qu'elles font pas du bien à la lette à Arthur pasque moi, j'm'en ousse, tu peux pas saouar à cause que ch'uis pas là pour faire la concurrence à ceux-là là qu'y se visent avec le fusil un prix rebelle, ch'uis là pour raconter et pis c'est tout, tu lis ou tu lis pas, c'est ton affaire, mais tu te tais à cause que quan y me vient les z'abeilles, ch'uis pas miel pour deux sous surtout que quan la publicité du loto que, la purée de ses osses, y m'a jamais fait de l'œil, elle dit que cent pour cent des gagnants y z'ont joué, y a pas un baouèle qu'y se plaint et aut soge encore, me dis pas que cette phrase elle est trop longue, ça j'le sais et j'l'ai fait esprès pour montrer à tout l'monde que j'ai des nèf's.

          Y'alors, comme je disais, y z'étaient tous là et tous y z'étaient braves diosaxe, d'abord, à cause qu'y z'étaient bônois et ça, tout l'monde y le sait et après, pasqu'y z'avaient tous le couffin garni, garni comme j'te dis pas et après, au moment de manger, quan midi il a venu, t'y avais pas un chien mort dedans toute la bande, pas z'un seul et rien qu'y te sortaient les caldis, les…Attends, j'parle pas la bouche pleine, j'ai peur de m'affoguer et pis là, c'est juste pour goûter, après j'te raconte le repas comment y s'est passé.

          D'abord, avant tout ça, y faut que j'te rassure, y m'a pas arrivé la même cagatte que l'année dernière ousque ça a été la croix et le croissant tous les deux dessur la bannière (à saouar ça que c'est mais y faut bien le mette quèque part) que j'me suis portés pour me trouver un endroit pour dormir qu'au matin, perdu que j'étais dedans l'immensité d'la Patosie ( tu trouves ça beau ? ça se oit que t'y étais pas avec moi) areusement, la famille Chevalier que j'la salue au passage, elle m'a ensauvé la vie en me ramenant dedans sa oiture jusqu'au camping d'Uzès et j'te rappelle au cas ouque t'y as oublié que ça, c'était l'année passée.

          Cette année, j'ai été pris en charge par Roland et areusement, j'pèse pas lourd que lui, y m'a ruiné les osses de l'estomac que j'l'ai plus depuis deux ans main'nan. D'abord, il a venu m'attende à la gare de Montpellier et direct y m'a mené à Palavas que c'est au bord d'la mer comme saint-Cloud et y m'a fait la surprise de me faire manger des beignets comme ceux-là là de là-bas dès ! après, y m'a mené chez lui et rien qu'y mettait dessur la tabe des bonnes soges, des soges à manger et à boire bien sûr et moi, que j'ai honte de refuser, laisse que j'm'affogue tout ça jusqu'à tout y me sort par le nez mais attends, après y fallait passer à tabe à de bon pour manger et, tu cois ou tu cois pas, moi, j'avais pas compris que tout ça d'avant, c'était seulement la kémia et mama mie, j'savais plus où mette, les z'oeils y me sortaient d'la tête.

          Après une nuit dedans un lit, j'te dis pas le confort ousque j'ai fais trembler les murs avec mes ronflades que j'ai même empêché Roland de dormir le pauv', mais Roland seulement à cause que sa chienne Galaxie, elle est sourde la pauv' eh ! quan t'y auras son âge, 17 ans, tu me donneras des nouvelles…ô tchoutche, j'te parle pas des z'ans de nous z'aut', j'te parle des z'ans de chiens et vas pas confonde ça avec du réglisse, y a rien à oir.

          Le matin, pas trop bonne heure à cause qu'on a d'abord été oir quèque soge à PEROLS (Jette un œil dessur le coin du poètre et tu comprendras si que tu peux) on s'a pris la route pour Uzès et à chaque kilomète qu'y passait, ça sentait de plusse en plusse bon le bônois…non, pas son couffin… son amitié qu'elle a venue proverbale mais qu'on la dit pas seulement, on s'la sent aussi et sincère qu'elle est, j'te jure. Arrivés à Uzès, le mauvais souvenir de l'année d'avant il était plus là, il a eu peur du nombre et y s'a ensauvé comme y fait l'oiseau de sa cage. Y faut dire aussi que Jean-Pierre et Jeanine que c'est sa femme, y z'étaient déjà là mais avec eux, y avait pas mon copain Luc, tu sais, leur p'tit-fil, le p'tit bônois que j'l'embrasse à cause que 10 ans, il a fait le 17 Juin, dieu bénisse. " JOYEUX ANNIVERSAIRE MON P'TIT LUC " et longue vie.

          Après les grandes embrassades avec ceux-là là qu'y z'étaient déjà là et ceux-là là qu'y z'arrivaient, l'heure de vérité elle avenue, l'heure d'ouvrir les couffins pour oir et surtout goûter ça qu'y a dedans et là, tous comme y z'étaient, gentils , rien qu'y m'invitaient mais Jeanine, ma p'tite sœur, elle a pas voulu pasqu'elle avait ramené le bien de dieu, même d'la fougasse que elle, qu'elle est patos la pauv', elle a fait ça comme la vraie bônoise qu'elle a venue à force de viv' avec Jean-Pierre. Y'alors comme j'ai dis tal'heure, tout l'monde y posait ça qu'il avait amené dedans son couffin et tout l'monde il en a mangé, tu ois, c'est pour ça que j'te dis que le bônois il est pas chien mort et pas rat mort non plus même si que c'est la même soge. Purée, t'y avais de tout...non, pas d'purée, où c'est que t'y as été chercher ça?... Y avait des caldis maltais, des pois-chiches au kamoun, des p'tites bouchées feuilletées aux z'anchois, des gazadiels, t'y en veux, t'y en as et des soges, diocamadone que j'les z'ai jamais vues, jamais goûtées comme par exempe, des courgettes crues mais délicieuses pasque prépérées avec amour par des bônois pour des bônois. Brèfle, j'vas pas te faire le menu de tout ça qu'on s'est affogué pasque tu vas coire que je vis que pour ça et que c'est rien que pour ça qu'à Yzès j'a venu et pis y a aussi que je veux pas que tu te prends une endigestion rien qu'en lisant, le docteur y viendrait maboul à de bon. Tu ois, moi je suis venu à Uzès pour me rencontrer les z'amis et les z'amies, les frères et les soeurs et si que je précise, c'est pour pas faire d'la peine à ceux-là là qu'y se comprennent pas les généralités ( y a des moments, j'te jure, quan c'est que j'écris comme ça, je cois que j'ai hérité de tous les défauts d'Albert Camus et que çui-là là qu'y connait pas, y se tait) et ces z'amis, diocamisère, y z'ont pas déçu pasque, en dedans leurs couffins, t'y avais pas que du manger, t'y avais aussi des souvenirs en photos et en dedans leurs têtes, des souvenirs tout long (le patos il aurait dit tout court mais oilà dedans ce cas, ça rime pas avec nos réalités). On même parlé du singe de la rue Beauharnais, avec qui? Tu demandes? Mais avec Manu que c'était son maîte jusqu'à y le donne au zoo d'Alger que c'est une ménagerie qu'elle a pas le cirque.

          Et pis, y faut pas que j'oublie mon aut' soeur, Anne-Marie et son mari André qu'y sont gentils, les pauv' comme un morceau d'pain et pas un p'tit, un gros. Y avait aussi Denis, tu sais le fils à not' ancien maire, maire de Bône bien sûr et aussi Marie-Christine et Christian, Noëlle et son fils qu'y faut que j'lève haut la tête pour lui oir la fugure, j'ai retrouvé aussi Danielle et Pierre qu'y z'ont ramené des nouvelles fraîches de Bône et aussi Jean-Paul Gavino que, même si qu'il est pas bônois, on lui pardonne à cause qu'y chante tellement bien qu'à un moment j'ai venu en courant au podium pasque je coyais que l'orcheste HABANERA y donnait la sérénade et pis tous les z'aut' que je ois encore leur fugure mais que j'ai oublié leur nom eh! À de bon, je viens comme la chienne à Roland, j'oublie, qu'ils me pardonnent tous.

          Comme tout il a une fin, on a pris la route pour rentrer chacun chez lui sauf moi, que j'ai été prolonger ce moment de rêve dedans une ambiance bônoise à chez Jeanine, Anne-Marie, Jean-Pierre et André. J'arrête là à cause qu'y faut que j'digère tout ça que j'ai mangé et pour ça, j'ai un an devant moi. Allez ouah! Y me rete plus à vous dire Tchao et à l'année prochaine.

Rachid HABBACHI

BÔNE PRÉFECTURE
BÔNE son Histoire, ses Histoires
Par Louis ARNAUD

          LE rêve des Bônois a toujours été de voir ériger en Préfecture, leur ville dont l'importance ne cessait de grandir chaque jour.
          Leur port était l'un des premiers de l'Afrique du Nord et leur aérodrome était l'un des plus importants aussi de l'Afrique du Nord. Il est incontestablement, en tout cas, le premier du Département de Constantine.
          Les plus hauts personnages du Régime y sont venus fréquemment pour prendre pied sur la terre algérienne, ou pour la quitter, et il n'y avait jamais, sur ce magnifique terrain des Salines, pour les recevoir ou les accompagner, qu'un représentant de second ordre de la République avec une suite sans prestige.
          Alors les Bônois, dont l'esprit de parade et la prétention ne sont pas les derniers de leurs soucis, étaient quelque peu humiliés de n'avoir à montrer, dans ces manifestations spectaculaires, qu'un modeste Sous-Préfet et un Colonel commandant la Subdivision avec quelques commissaires de police qui se joignent à eux pour faire nombre.
          Tandis que, si Bône avait été Préfecture, il y aurait eu un Préfet avec ses secrétaires généraux, ses Directeurs de cabinet, un Général de Division et ses officiers d'état-major, et tout un lot important de fonctionnaires qui n'auraient, certes, pas eu l'allure de simples figurants venus pour étoffer le groupe des Officiels.
          Les Bônois songeaient trop aussi à l'impression décevante éprouvée par les voyageurs, aériens ou maritimes, qui passant par leur Ville et, la voyant si belle, si importante, si laborieuse et si animée devaient être surpris qu'elle ne fut qu'une Sous-Préfecture, alors que Constantine...

***
          Ce point de vue simpliste, étriqué même, et par trop prosaïque des " enfants de Bône " correspondait tout de même à une vérité évidente.
          Bône, en effet, depuis longtemps déjà, aurait dû être Préfecture.
          Elle aurait dû être chef-lieu de Département bien avant que son grand port et son superbe aérodrome ne fussent construits.
          Sa situation géographique qui fait d'elle une base commerciale et stratégique de premier ordre sur la Méditerranée, l'importance de son rôle dans le Passé et la configuration du sol qui la place au débouché de voies d'accès pénétrant jusqu'au coeur de la Province, tout la désignait, bien mieux que Constantine, pour être le centre administratif du Département.
          Mais ces considérations n'avaient eu aucune importance à l'époque de l'expédition d'Alger.
          Chacun savait que cette intervention de Charles X en Afrique du Nord, si elle n'avait pas été totalement impopulaire, n'avait été acceptée qu'avec une tiédeur marquée par le Peuple, la Bourgeoisie et les milieux politiques eux-mêmes,
          Seuls, les commerçants et les armateurs de Marseille, de Bordeaux, de nos ports, en un mot, l'avaient approuvée parce qu'ils avaient espéré qu'elle amènerait la sécurité de la navigation en Méditerranée et qu'elle leur permettrait de donner un plus grand essor à leurs affaires maritimes et commerciales.

***
          L'expédition d'Alger n'avait été entreprise par Charles X que pour venger les affronts infligés à la France par le Dey Hussein et ses prédécesseurs, et mettre un terme définitif aux incessants exploits de piraterie des barbaresques dont la Marine française en Méditerranée était presque exclusivement la victime.
          Le 5 juillet 1830, le Maréchal de Bourmont recevait l'abdication du Dey Hussein qui abandonnait la Régence pour Naples emmenant avec lui ses richesses et ses femmes et nous laissant maîtres du Pays.
          Le Gouvernement de Louis-Philippe dut accepter, sans aucun enthousiasme, la situation que lui laissait ainsi le Roi qui l'avait créée. Il en fut fort embarrassé, se demandant s'il devait conserver ces nouveaux Territoires, en entier, ou, en partie seulement, ou s'il devait purement et simplement les abandonner.
          Cette dernière solution, qu'il aurait sans doute préférée, était cependant incompatible avec l'Honneur et la Dignité du Pays.
          Après trois années d'hésitations et de tergiversations, on finit par décider de s'en remettre à l'avis d'une Commission qui irait enquêter sur place.

          Cette commission appelée " Commission d'Afrique ", composée de Pairs de France, de Députés et de Militaires, était présidée par le Duc Decaze.
          Elle débarqua dans la Régence, en août 1833, et y séjourna pendant trois mois.
          A son retour, son rapporteur avait conclu à la conservation de la nouvelle Colonie, pour des raisons d'ordre sentimental bien plus que politique ou économique, disant que notamment : " Si la Conquête était à refaire, il ne faudrait pas l'entreprendre, mais que l'Honneur tout au moins l'amour propre national, commandaient à la France, de conserver ses nouvelles Possessions sur la Côte septentrionale de l'Afrique ".
          C'est dans ces conditions que fut prise l'Ordonnance royale du 22 juillet 1834 qui déclarait Possessions françaises, quatre années exactement après la reddition du Dey d'Alger, le Territoire de la Régence et instituait Un Gouverneur général des Possessions françaises dans le Nord de l'Afrique".

          La décision du Gouvernement n'était pas pour autant définitive, comme on va le voir.
          Quatre années d'errements, et l'avis d'une Commission spéciale envoyée sur place ne lui avaient pas permis de fixer définitivement le sort de la nouvelle colonie.
          Trois ans après l'Ordonnance du 22 juillet 1834, on hésitait encore.
          Le Général Damrémont, appelé en 1837, au poste de Gouverneur général en remplacement du Maréchal Clauzel, recevait, en effet, les surprenantes instructions suivantes:
          " La France ne se propose ni la Domination ni l'Occupation effective de la Régence. Elle a surtout intérêt à être maîtresse du littoral ".
          " Les principaux points du littoral à occuper sont : Bône, Alger, Oran ".
          " Le reste doit être abandonné à des chefs indigènes ".

          D'âpres débats se poursuivaient à la Chambre des Députés au cours desquels, Bugeaud, qui n'était pourtant pas partisan enthousiaste de la nouvelle Conquête, qu'il considérait comme un fardeau gênant pour la France, réussit à convaincre le Gouvernement et à l'amener à renoncer aux vues qu'il avait exprimées dans ses instructions au Gouverneur général Damrémont.

          Bugeaud s'était résigné dans un sentiment de dignité patriotique à accepter la Conquête avec son cortège de charges et de devoirs qu'elle allait imposer à la France.
          Dans un discours courageux, plein de conviction et de sincérité, il avait, en 1840, déclaré à la Chambre que la Colonisation seule pouvait garder la conquête. Le Maréchal Soult, Président du Conseil, gagné à sa cause, décida alors de le désigner comme Gouverneur général de l'Algérie afin qu'il put mettre ses actes en accord avec ses paroles.

***
          On peut donc dire que c'est à partir de 1841, que l'on a commencé à s'occuper, autant que cela se pouvait alors, de l'avenir de l'Algérie. Avenir encore indéfini et, par Conséquent, incertain.
          C'est dans une telle ambiance que l'on procéda à la première division administrative du Territoire de la Régence. Division consacrée par l'Ordonnance du 15 avril 1845.
          Cette ordonnance instituait simplement trois Provinces, aux lieux et places des trois Beyliks, qui se trouvaient sous la suzeraineté du Dey Hussein quinze ans auparavant ; et que l'on avait laissé subsister depuis l'occupation ne se souciant que de désigner les Beys qui devaient les administrer.
          Cette transformation pure et simple des trois Etats arabes en Provinces françaises ne devait être interprétée que comme une manifestation de la volonté de la France d'occuper tout le Pays contrairement aux instructions précédemment données, en 1837, au Général Damrémont.

          On pouvait donc la considérer comme provisoire étant donné qu'elle n'avait été précédée d'aucun examen préalable et qu'il paraissait évident qu'on ne pourrait maintenir dans une même province des territoires et des populations par trop différents les uns des autres qui n'avaient dû, sous la domination des Beys, s'ajouter les uns aux autres qu'au hasard des conquêtes, et sans aucun souci d'une affinité quelconque entre les populations qui les habitaient, ni de la plus légère considération économique.

***
          Certes, il eut été préférable qu'on mit moins de hâte et de facilité en une pareille affaire et qu'on délimitât raisonnablement, après une étude sérieuse, ces nouvelles zones administratives, car il est bien rare qu'en France, on revienne, un four, sur des errements, même provisoires, pour les remplacer par des mesures mieux adaptées à la réalité, ou seulement les modifier conformément à des nécessités nouvellement apparues.
          C'était là, toute l'histoire de notre Département de Constantine dont, depuis plus d'un siècle, on tentait périodiquement de corriger les erreurs consécutives à l'impréparation de la Division administrative des Territoires de la Régence 1845.

***
          Il n'avait été question, tout d'abord, que d'un transfert du chef-lieu, de Constantine à Bône dont la situation sur la Méditerranée et l'importance qu'elle prenait tous les jours à cause de ses mines de fer, retenaient l'attention du monde des affaires.
          On parlait peu, alors, en effet, de Constantine, tandis que de Bône était la seule Ville de la Province connue par les navigateurs et les commerçants.
          La Ville avait, par ailleurs, un prestige indéniable à divers titres.
          Tous ces arguments, dont la valeur et la pertinence, étaient indiscutables, n'eurent cependant jamais raison de l'esprit de routine déjà bien connu de l'Administration française, qu'elle fut militaire ou civile.
          La Constitution du 3 novembre 1848, en déclarant l'Algérie territoire français, maintint ses divisions territoriales telles qu'elles avaient été établies en 1845, sans contrôler l'opportunité du tracé de leurs limites respectives et sans s'inquiéter, non plus, de l'étendue trop vaste du Département de Constantine, dont les 87.547 k² placés en face des 54.087 et 55.675 km² que comptaient respectivement les Départements d'Alger et d'Oran, auraient dû leur faire prévoir les difficultés que rencontreraient forcément à ce point de vue, l'administration d'une telle Province plus grande à elle seule que le tiers de la France.
          Si, à ce moment-là, on avait proposé la création d'une quatrième Province, au lieu de s'en tenir à souhaiter un transfert de chef-lieu, peut-être la question eut-elle été plus facilement résolue.
          Constantine, sans doute, aurait accepté de laisser promouvoir sa voisine au rang de Préfecture, puisque aucune atteinte n'aurait plus jamais été portée, à cause de ce fait, à son propre prestige.
          Il eut été facile de démontrer, alors, qu'en outre de ce territoire démesurément grand, cette Province comptait dans sa population trop d'éléments hétérogènes, et qu'il était difficile d'amalgamer les habitants, de caractère turbulent et rebelle, de la Kabylie, des Aurès, et de la pointe de la Kroumirie qui traversait la frontière tunisienne avec les populations essentiellement Berbères qui sont paisibles et calmes de leur naturel.
          Toutes ces races autochtones, si différentes entre elles, par leurs moeurs, leur caractère, et leur langage, devaient fatalement compliquer la tâche de l'Administration qui les maintenait dans une seule et même Province.
          Une telle argumentation aurait, sans doute, eu quelque chance d'aboutir à la constitution- d'un quatrième Département, que la Géographie même, imposait naturellement ainsi qu'on va s'en rendre compte.

***
          La Province de Constantine, contrairement aux deux autres Provinces de la Régence, se trouvait pourvue de deux ports offrant aux navigateurs des avantages exactement semblables.
          Bône et Bougie, en effet, ont toujours été des rades bien abritées contre les tempêtes, en même temps que ces deux ports constituaient les débouchés respectifs sur la mer, à l'Est et à l'Ouest, de l'ancien royaume du Bey de Constantine.
          Les produits de la Province pouvaient donc commodément s'écouler selon leurs voies naturelles, soit par Bougie, soit par Bône. Cette particularité toute naturelle était la première indication de l'indépendance totale de chacune de ces deux régions par rapport à l'autre.
          Pourquoi ne l'a-t-on pas retenue ?
          Le Général Randon, pendant qu'il commandait la Subdivision de Bône, avait tout fait pour attirer l'attention du Gouvernement sur cette situation.
          Malgré la décision du Général de Négrier, en 1837, de transférer à Constantine le chef-lieu du Commandement de la Province, pour les besoins de ses opérations militaires, malgré l'Ordonnance du 15 avril 1845, il avait continué d'appeler a Province de Constantine et de Bône " le territoire qu'il administrait.

          Cette manifestation, particulariste, peut-être, mais spontanée, du Général Randon qui connaissait parfaitement la région, pour l'avoir parcourue dans tous les sens, soit pour la pacification de ses habitants, soit pour la délimitation de la frontière entre la Tunisie et la Régence, dont il avait été spécialement chargé, aurait dû retenir l'attention des Pouvoirs publics. D'autant qu'elle correspondait exactement à l'existence des deux zones naturelles bien distinctes l'une de l'autre dont il vient d'être question.
          Tout incitait donc à la création de cette quatrième Province qui eut réparé l'erreur de 1845, et calmé à la fois l'aigreur des Bônois et la crainte des Constantinois.
          L'opération à réaliser était au surplus des plus simples.
          Il aurait suffi de tracer une perpendiculaire de plus du Cap de Fer à Aïn-Beïda, et toute la région comprise entre cette ligne et la frontière tunisienne, au milieu de laquelle se trouvaient les vallées de la Seybouse et de l'Oued-Cherf, aurait formé une Province dont Bône aurait été le chef-lieu.
          Chacune des deux Provinces aurait eu sa vie propre, ayant l'une et l'autre son débouché naturel sur la mer.

          La réduction de la superficie du Territoire de ces deux Provinces en aurait aussi beaucoup facilité l'Administration.

***
          Hélas, la Constitution de 1848 n'avait pas été jusque là ; elle s'était bornée à déclarer l'Algérie partie intégrante du Territoire français.
          En 1858, l'organisation des Conseils généraux dans les Départements algériens n'attira pas davantage l'attention du Gouvernement sur la situation vraiment anormale du trop vaste Département de Constantine, et les choses demeurèrent en l'état malgré les véhémentes doléances des Bônois,
          De 1864 à 1868, nouveaux remous, de l'opinion intéressée en faveur du transfert du chef-lieu.
          Cette fois, la prospérité du port et de la Ville de Bône étaient en train de devenir une réalité tangible. Le Mokta-el-Hadid venait de se substituer à la Société de Bassano et Talabot pour l'exploitation des mines de fer et l'exportation des minerais allait être poussée de façon intensive, si intensive, que en 1874, elle allait atteindre le chiffre de plus de 400.000 tonnes par an, chose extraordinaire pour. l'époque.
          Bône venait d'être dotée d'un port et d'un avant-port convenablement aménagés.
          Mais, comme les Bônois ne réclamaient que le transfert du chef-lieu de Constantine à Bône, et que Constantine n'entendait nullement se laisser déposséder de sa Préfecture, les choses demeurèrent en l'état, car les influences constantinoises étaient plus nombreuses et plus fortes que celles dont pouvaient disposer les Bônois. Les Sétifiens, les Batnéens et les Bougiotes ne se souciaient guère, en effet, d'avoir leur Préfecture à Bône dont ils étaient trop éloignés.

          Enfin, une lueur de bon sens vint éclairer les esprits qui s'unirent au lieu de se combattre.
          Tous les élus du Département demandèrent ensemble la création de ce quatrième Département que la configuration du sol, elle-même, imposait depuis si longtemps.
          Etait-ce une initiative constantinoise destinée à écarter définitivement un transfert également redouté par les uns et désiré par les autres ?
          Etait-ce, au contraire, un réajustement des prétentions bônoises à l'échelle des choses possibles ?
          Nul ne saurait le dire, mais ce que l'on peut affirmer, c'est que ce retour à la raison et au bon sens ralliait tout le monde. Le Conseil général de Constantine, dans sa session d'octobre 1877, vota à l'unanimité une motion demandant la création, d'urgence, du Département de la Seybouse dont Bône serait le chef-lieu.
          Les Bônois pavoisèrent et illuminèrent. La Ville fut en fête pendant plusieurs jours.
          Puis le silence se fit autour de la motion unanime du Conseil général de Constantine, et nul n'a jamais plus entendu parler de ce Département de la Seybouse... dont la création avait été demandée de toute urgence.

***

          Soixante-dix années passèrent... Les Bônois ne parlaient plus de leur Préfecture, mais ils y pensaient toujours...
          Soudain, un beau jour de 1947, le Gouvernement entreprit de procéder à une réorganisation administrative de l'Algérie.
          M. Jules Moch, Ministre de l'Intérieur, avait projeté de créer plusieurs Départements nouveaux sur le nombre desquels il n'était pas encore fixé, car il fallait en étudier les limites aussi rationnellement que possible.
          Mais le Ministre entendait que la mesure fut immédiatement réalisée dans son principe et qu'elle reçut même un commencement d'exécution.
          Pour ce dernier point, la chose ne souffrait aucune difficulté, le dossier de l'ancien Département de la Seybouse, dont il avait été tant question, autrefois, allait être tiré de l'oubli et permettre la création immédiate du Département de Bône.
          Puis les autres créations viendraient au fur et à mesure que les futurs Départements auraient pu être judicieusement délimités, car cette fois-ci, le Ministre entendait que rien ne fut laissé à l'arbitraire ou au hasard d'une improvisation.
          Tout était prêt, et de Décret allait être signé et promulgué, lorsque la chute du Ministère survint inopinément.
          Ce fut, alors la ruée vers le Gouverneur général Naegelen pour empêcher la réalisation complète de la mesure que le départ de M. Jules Moch laissait en suspens.
          Oran, surtout, dans I'immédiat se sentait menacée par cette décentralisation administrative qui allait détourner d'elle une activité dont elle ressentait tout le bien et recueillait tous les avantages.
          Alger craignait, sans doute aussi, de subir les mêmes effets de cette décentralisation, mais sa situation acquise et son prestige, en tant que Siège du Gouvernement général, lui permettaient de les supporter avec plus d'aisance.
          Cependant, il était tout de même à craindre qu'un jour ou l'autre tous les Départements algériens ne fussent directement rattachés au Ministère de l'Intérieur, et que le Gouvernement général disparut...
          M. le Gouverneur général Naegelen, Socialiste n'aurait jamais accepté de faire obstacle à M. le Ministre Jules Moch, autre Pontife du Parti Socialiste.
          Mais, du moment que Jules Moch n'était plus Ministre, et qu'il était, par conséquent, moins directement intéressé à cette multiplication des départements algériens, le Gouverneur général ne pouvait pas se refuser à écouter les doléances de ses amis d'Alger et d'Oran.
          Sur la demande du Gouverneur général, les Conseils généraux des trois départements algériens furent convoqués en session extraordinaire, de toute urgence, uniquement pour donner leur avis sur l'opportunité de la mesure préparée par le Ministre de l'Intérieur.

          Les trois Conseils généraux émirent, naturellement, le même voeu, demandant au Gouvernement de renoncer à la réalisation, tout à fait inopportune, du projet de M. Jules Moch.
          Le Conseil général de Constantine qui aurait pu se souvenir de sa motion unanime de 1877, demandant la création du Département de la Seybouse, fit chorus avec Alger et Oran, pour complaire à M. le Gouverneur général.
          Il n'y eut, même pas, un représentant de la région bônoise pour rappeler, la flagrante nécessité de ce Département de Bône qui devait remédier avant tout, à la grave erreur que constituent les 87.500 km2 de superficie de territoire soumis à l'Administration d'un seul Préfet.
          Et les Bônois qui n'avaient jamais été aussi près de la réalisation de leur voeu le plus cher, durent voir encore s'éloigner le mirage de leur Préfecture.
          En fin d'année 1954, le Ministre de l'Intérieur Mitterrand établit à son tour, un plan de réformes algériennes, qui prévoyait en première ligne la création de deux Départements : l'un, pour les Vallées de la Seybouse et de l'Oued-Cherf, avec Bône comme chef-lieu, et l'autre concernant la Vallée du Cheliff avec Orléansville pour chef-lieu.
          Les réformes proposées par le Ministre Mitterrand, n'eurent pas le don de plaire aux élus algérois, sans qu'il fut précisé que les remous qu'elfes suscitaient, avaient été provoqués par le projet de création de ces deux nouveaux Départements dans une quelconque proportion.
          Le Ministère Mendès-France fut renversé et, une fois de plus, le mirage de la Préfecture disparut de l'horizon bônois.

***

          Enfin le Département de Bône fut créé par une loi du 30 juillet 1955, votée par 495 voix et promulguée le 13 août 1955.
          Il avait fallu la formidable rébellion des populations du Département de Constantine déclenchée le l novembre 1954 pour que le Gouvernement se rendit compte des difficultés que présentaient l'administration et la surveillance d'un Département aussi étendu et aux populations aussi diverses.


Le temps des souvenirs d'autrefois.
                                          par Jean Claude PUGLISI                                       N°6
Mon grand-père Vincent Gabriel PÊPE
Alias l'Africain ou l'Afrique.

Histoire d'une traversée houleuse de la Méditerranée.
( C'était lors de la déclaration de guerre 1914 / 1918 )

A propos de quelques anecdotes et aventures familiales véridiques.
       Mon grand père Vincent Gabriel PÊPE, est née sur l'île de Ventotène dans l'archipel des îles Pontines ( golfe de Gaète - Italie ) en juillet 1880. Il est arrivé avec ses parents à Bône en Algérie en 1899. Naturalisé français par ses parents lors du sénatus consulte de 1890, dés sa majorité il fut appelé à faire son service militaire dans la marine - à Alger d'abord, puis à Toulon - puisqu'il exerçait à Bône le beau métier de marin-pêcheur.

       En 1914 lors de la déclaration de guerre contre l'Allemagne, à 34 ans révolus il fut tout naturellement mobilisé dans la marine nationale, bien que marié et père de 3 enfants en bas âge. Comme tout le monde il se retrouva un matin paquetage sur le dos, à attendre tristement sur les quais du grand port de Bône, son embarquement imminent à destination de Marseille.

       Le navire qui devait transporter les hommes de troupe tous corps confondus, était pourvu de cales spacieuses munies de quelques rares hublots, par lesquels on pouvait apercevoir la mer et l'horizon lointain. Ce grand bateau à vapeur était vétuste et faisait des navettes régulières entre Marseille et les grands ports d'Algérie. Habituellement il assurait le transport des marchandises en tout genre, mais aussi celui du bétail avec en particulier les chevaux et mulets qui devaient être dirigés sur le front. Mais compte tenu des évènements du moment, ce cargo avait été réquisitionné pour assurer le transport d'une autre cargaison : celle des hommes de troupes mobilisés en Algérie et qui partaient se battre pour la mère patrie - là, où devaient se dérouler les opérations de guerre.

       Comme tous les marins qui doivent partir en mer, Vincent perdu dans ses pensées mélancoliques et surtout bien triste de quitter sa famille que peut-être jamais il ne reverrait, n'oublia pas cependant un seul petit instant de regarder machinalement le ciel et de scruter la mer d'un œil inquisiteur, alors que le navire doublait le cap de Garde pour enfin prendre le large en direction de Marseille distante près de 350 miles ( 700 km ). Au bout d'un moment, l'observation attentive des éléments météorologiques qu'il connaissait bien, lui fit présager une traversée qui semblait s'annoncer très mouvementée, avec dirons-nous toutes les fâcheuses conséquences que l'on peut deviner, à l'endroit des passagers qui n'avaient pas la chance de posséder le pied marin.

       Mon grand-père bien que pourvu d'une notable intelligence, était, il faut le dire franchement, ce qu'on peut appeler un analphabète, puisqu'il n'avait pratiquement jamais eu la chance de fréquenter l'école. C'est très tôt et surtout par nécessité vitale, qu'il rentra dans le monde du travail pour s'adonner au métier de la mer, laquelle, au cours des ans, n'avait plus pour lui que peu de secrets. C'est ainsi que fort de ses prévisions météorologiques inquiétantes qu'il pensait fermement que le navire allait à coup sûr rencontrer et prévoyant les heures pénibles qui devaient s'en suivre, il regagna vivement sa place au sein d'une des cales du navire, où durant de longues heures il devra voyager couché à même le sol sur une épaisse litière de paille fraîche, mais aussi, de s'obliger à subir le désagrément, de se voir entassé pour la circonstance parmi les nombreux passagers.

       Dans cette sombre cale qui sentait fortement le crottin de cheval, si elle ne ressemblait pas à une cabine de première classe, avait au moins le mérite d'être non seulement propre, mais aussi, comme nous l'avons deviné, pourvue d'une épaisse couche de paille pour le confort des passagers du moment. Mais pour l'heure, le bateau qui filait à toute vapeur vers Marseille commençait sérieusement à tanguer, sur une mer déjà envahie par des vagues qui sautaient furieusement jusque sur le navire. Les passagers qui étaient jusqu'alors sur le pont pour regarder une dernière fois les côtes d'Algérie disparaître, furent soudain sommés par l'équipage de regagner immédiatement les cales. Jugeant rapidement de la situation et sachant se qui allait bientôt s'en suivre, Vincent, déjà dans les lieux depuis un bon moment, avait récupéré quelques cordages qui servaient probablement à entraver les chevaux et que l'on avait laissé sur place lors d'une précédente traversée, pour s'empresser de rapidement les dédoubler dans le but intéressé de monter sur le champ, un solide hamac à grandes mailles qu'il fixa aux structures métalliques sus-jacentes.

       Peut-être bien qu'en cette occasion particulière, mon grand-père a dû se remémorer l'époque de sa jeunesse où embarqué à Toulon lors de son service militaire, le hamac était alors de tradition et servait habituellement au repos des matelots.

       Bien lui en pris car la traversée fut particulièrement longue et épouvantable. La mer déchaînée n'arrêtait pas de malmener le navire, qui par moment s'essoufflait et semblait défaillir sous la violence des lames. Interdiction de monter sur le pont et les cales étaient prudemment verrouillées, pour éviter tout contrevenant qui pourrait être tenté de désobéir à cette directive. Prisonniers comme des rats dans la sombre cale, les soldats entassés s'étaient recroquevillés dans la paille, roulant les uns sur les autres au gré de la violence des éléments en furie. Comme on peut s'en douter, le mal de mer qui sévissait impitoyablement et en maître absolu sur les passagers, rendait les lieux particulièrement nauséabonds voire pestilentiels. Et pendant ce temps-là faisant fi des intempéries et bien à l'abri de la foule des malades affalés sur le sol, lesquels, n'arrêtaient pas de geindre et de vomir tripes et boyaux, Vincent, dormait béatement comme un bienheureux, bien installé sur son hamac salvateur qui se balançait doucement sur les hauteurs de la sombre cale.

       Encore une fois on peut se dire et même penser avec la plus grande des objectivités, que si les gens simples d'autrefois n'avaient pas d'instruction livresque et que le plus souvent ils ne savaient pas lire et écrire, il leur restait tout de même de réelles capacités intellectuelles et physiques innées qui leur permettaient toujours de faire face à l'adversité. Pour Vincent le marin-pêcheur se fut sa capacité de prévoir le temps et la rapide mise en œuvre d'un savoir-faire appris sur le tas, sans oublier cet admirable pouvoir de réflexion, de jugement et de décision devant une situation à vraie dire bien particulière.

       Toutes ces belles et précieuses choses, qui ne peuvent s'apprendre sur le banc des écoles ou dans les amphithéâtres des universités ! Sauf dans celles que nous enseigne la vie : pour Vincent Pêpe mon cher grand-père, son école à lui ? Fut les quais du port de Bône et le fier Cap de Garde et son superbe golfe... son langage à lui ? Fut, celui de la mer, du vent et des nuages... avec lesquels il conversait en silence...

       Aujourd'hui, en me remémorant tous ces souvenirs, j'ai envie de dire avec beaucoup d'humilité : " sois béni grand-père et repose en paix dans le cimetière de cette ville de Bône que tu as tant aimé ! "

Jean-Claude PUGLISI -
de La Calle bastion de France. ( Giens en presqu'île - Mars 2005 )

LE COUIN DU POETRE
Par Rachid Habbachi            N° 4

        J'exhorte donc tous les lecteurs de la Seybouse à nous faire part des lectures sérieuses, ou photos insolites qui font référence à leur ville natale en Algérie, cela va de soi, et de nous adresser les paragraphes et commentaires sur ces lectures.
Nous comptons sur vous tous pour alimenter cette rubrique

Rachid HABBACHI



A l'Aube de l'Algérie Française
Le Calvaire des Colons de 48
                                       Par MAXIME RASTEIL (1930)                                        N° 8

EUGÈNE FRANÇOIS
Mon ancêtre

Quoi de plus louable que de partir à la recherche de ses ancêtres !
Découvrir où et comment ils ont vécu !
La Bruyère disait : " C'est un métier que de faire un livre. "
Photo Marie-Claire Missud
J'ai voulu tenter l'expérience de mettre sur le papier après la lecture d'un livre sur "les Colons de 1848" et le fouillis de souvenirs glanés dans la famille, de raconter la vie de ce grand homme, tant par sa taille que par sa valeur morale, de ce Parisien que fut Eugène FRANÇOIS né à Meudon en 1839, mort à Bône en 1916.
Tout a commencé lors de l'établissement d'un arbre généalogique concernant le côté maternel de notre famille : arrivé à notre ancêtre : qu'avait-il fait pour qu'une "Rue" de ma jolie ville de "Bône la Coquette", porte son nom dans le quartier de la Colonne Randon ?
Tout ce que j'ai appris, j'ai voulu le faire découvrir tout simplement comme d'autres ont écrit sur nos personnalités et grandes figures Bônoises !
Pour qu'aujourd'hui, on n'oublie pas ce qui a été fait hier !...
Marie Claire Missud-Maïsto

PREMIÈRE PARTIE

LE RENONCIATAIRE


          Décidément, la mort s'acharnait sur notre famille. C'était trop de malchance, trop de chagrins, trop de séparations brutales coup sur coup.
          Mon père n'y tint plus. Malade, brisé par tant d'épreuves, tenaillé par le remords de n'avoir pas écouté les avertissements des siens, il fut pris d'un sombre découragement.
          - Ah ! me disait-il en me serrant dans ses bras lorsque nous étions seuls, si j'avais suivi les conseils de ta pauvre mère et de tes soeurs, nous serions encore tous vivants et tous heureux à Paris !

          Un matin, plus abattu que de coutume en voyant que, moi-même, je dépérissais à vue d'oeil, il m'entraîna avec lui jusqu'au bureau du capitaine Blanchet.

          Le chef de la Colonie agricole s'étant informé du but de notre visite :
          - Capitaine, lui répondit-il, tel que vous me voyez, je suis à bout de forces... Ma carcasse est démolie... Ma femme, ma fille Augustine, mon gendre sont au cimetière, et mon petit Eugène que voilà ne vaut guère mieux... Je vais sûrement l'enterrer comme les autres si je reste dans ce pays de malheur !...
          L'officier sursauta.
          -Ne vous laissez pas aller au désespoir ! répliqua-t-il. Que diable ! vous avez encore du ressort... On ne jette pas ainsi le manche après la cognée !
          - Ma résolution est prise, s'entêta mon père. J'ai résolu de partir et je viens signer l'acte de renonciation à ma concession de sept hectares !
          Infortunées concessions !... Les titres n'en étaient pas encore distribués à leurs bénéficiaires; ils ne devaient l'être que dans le courant de l'année 1851.

          Le capitaine Blanchet fit la grimace et exhorta de nouveau le colon François (Gabriel) à patienter dans l'attente des jours meilleurs. Il fallait s'incliner devant les événements et accepter la dureté de certains sacrifices.
          - La colonisation, conclut-il, n'est pas une petite affaire... Croyez bien, mon brave, que nos soldats en ont vu d'autres pour faire la conquête de l'Algérie !
          C'était prêcher dans le désert, car, pour tout l'or du monde, mon père n'aurait consenti à séjourner plus longtemps dans le village où il avait perdu ce qui lui était le plus cher.

          Sa renonciation acceptée et signée, il réalisa au plus tôt notre mince avoir afin de se procurer l'argent nécessaire pour regagner la France, mais, en dépit de toutes ses offres, il ne put trouver acquéreur qui vaille pour le petit magasin de mercerie que tenait ma soeur Rosine, demeurée veuve après quelques semaines de mariage.

          Malgré tous les regrets que nous eûmes, il nous fallut quitter Mondovi en abandonnant celle-ci à son sort. Cette séparation dans des circonstances aussi cruelles fut pour nous trois un nouveau déchirement. Qu'allait-elle devenir, en effet, seule et sans soutien, tandis que nous reprenions, tristes et épuisés, le chemin de la terre natale?

          Comme on en pourra juger par la suite, la fatalité ne devait pas renoncer encore à nous poursuivre de ses rigueurs.


A SUIVRE       
Merci à Thérèse Sultana, et Marie-Claire Missud/Maïsto, de nous avoir transmis ce livre de Maxime Rasteil qui a mis en forme les mémoires de son arrière grand-père Eugène François.
Elle a aussi écrit un livre sur lui.
J.P. B.

LE MONT PAPPUA
                                                      Par Paul BAYLET                                                N°6
Envoyé par Mme Gauchi
Préface de Erwan MAREC                         
Extrait du bulletin N°38 (1938-1961)         
De l'Académie d'Hippone                          
Bône Imprimerie Centrale                          

V. - DE TRICAMARA AU MONT PAPPUA



          Nous avons vu GELIMER s'enfuir honteusement, au début de la nuit, alors que sa défaite n'était pas consommée, et galoper avec sa " familia " vers HIPPO REGIUS, " ville fortifiée des Numides ", où il savait retrouver, commandée par son secrétaire-intendant BONIFATIUS, une flotte déjà chargée des derniers trésors de la couronne et prête à l'emmener en Espagne.
          Empruntons à PAPIER un raisonnement très logique sur l'itinéraire suivi (au moins au début de la course) :
          " GELIMER ne pouvait prendre d'autre route que celle de BULLA REGIA sans tomber entre les mains de populations hostiles et perfides (1). Il est aussi hors de doute qu'il avait déjà dépassé la frontière (2) lorsque Jean L'ARMENIEN, qui le serrait de près, vint à être tué de la main d'ULIARIS...
          " Seulement, ce que l'historien ne dit pas, mais laisse deviner néanmoins, c'est que GELIMER - ignorant le sort de Jean et croyant l'avoir toujours sur ses talons - jugea fort à propos... de se dérober, c'est-à-dire de changer son itinéraire et d'obliquer à gauche.
          " Il quitte donc subitement la route d'HIPPONE où Jean n'eût pas tardé à le rejoindre... Il s'enfonce dans le coeur de la montagne, laissant BELISAIRE galoper sur la grande route d'HIPPONE avec la douce illusion de le prendre soit en chemin, soit dans cette ville.
          " PROCOPE, d'ailleurs, ne dit pas que GELIMER est entré dans HIPPONE et en est sorti ensuite pour gagner le Mont PAPPUA. Il rapporte simplement que BELISAIRE, à la poursuite du roi, étant arrivé à HIPPONE, apprit là que GEMMER occupait cette montagne et qu'il ne pouvait aller l'y prendre.
          " Enfin., si GELIMER était entré réellement dans NIPPONE, il se serait empressé de monter à bord de l'un des bateaux que BONIFACE, son secrétaire, avait, au début de la guerre et sur son ordre, amenés à HIPPONE, chargés de tous les trésors de la Couronne, et tenait prêts à partir pour l'Espagne, dans le cas où les affaires viendraient à se gâter. Il eût ordonné de lever l'ancre aussitôt et n'eût pas été se cacher, à coup sûr, dans la montagne voisine... "

          Donc, GELIMER - craignant d'être rejoint et probablement avisé, même, que la ville des NUMIDES, connaissant sa défaite, n'est plus pour lui un gîte très sûr - oblique brusquement vers l'Ouest avant d'y arriver.
          Il ne paraît pas douteux qu'il charge des émissaires, plus rapides que son propre train et capables de distancer les poursuivants, de continuer tout droit pour donner le change en même temps que pour porter à BONIFATIUS l'ordre d'appareiller et d'aller l'attendre dans un petit port de la côte vandale, entre le Cap de GARDE et le Cap AXINE (limite Ouest de la Numidie).
          Quel était ce port ? COLLOPS MICROS ? SIUR PORTUS ? TAGODEITE ? APHRODISIUM ? PROCOPE a négligé de le dire et l'on comprend que cela n'avait aucun intérêt à ses yeux, puisque GELIMER ne devait jamais l'atteindre.
          Nous savons qu'on a retrouvé, en quatre points de cette côte, des vestiges très effacés d'installations portuaires. Leur presque totale disparition n'a rien qui puisse nous surprendre ni nous donner une idée de leur importance ancienne. Les ouvrages à la mer se dégradent très rapidement s'ils ne sont constamment entretenus et renforcés. Les dégradations n'ont aucun rapport avec leur volume et leur solidité à l'origine, car elles dépendent principalement de la direction et de la violence des tempêtes dont on a classé la périodicité et la puissance croissante en " tempêtes de 20, 50, 100 ans... ". Pensons que quatorze tempêtes " centennales " ont pu s'acharner sur ces ports
          Il y a donc lieu d'imaginer les ressources nautiques de ces hâvres selon leurs dispositions naturelles et leur exposition qui, elles, n'ont pas changé et de supposer que les Romains en avaient tiré tout le parti possible.
          Le premier à l'Est, dans l'anse de l'Oued BEGRAT, peut être éliminé tout de suite puisque la route qui y menait passait par HIPPONE. Il n'offrait donc aucun intérêt pour GELIMER s'il ne pouvait, ou voulait, atteindre cette ville.
          Le second, à l'embouchure de l'Oued AFRIS, devait être assez bien aménagé car il desservait un hinterland certainement riche. Mais il était ouvert aux tempêtes du Nordet au Noroît, donc dangereux en hiver. Au surplus, les fonds y sont faibles et de mauvaise tenue.

          Le troisième, ou MERS EL MENCHAR, n'était, sans doute, comme il a été dit plus haut, qu'un petit port de pêche et de plaisance.
          Le quatrième enfin, celui d'AIN BARBAR, est le seul à être réellement protégé des vents de Noroît par la masse imposante du Koudiat MATEFOUCH qui le domine. Henri FOURNEL y avait trouvé, subsistants encore en 1844, les restes d'un épi de facture romaine. Il est toujours visible, bien que plusieurs fois renforcé depuis (sans grand succès, du reste).
          Ce rapide inventaire nous était nécessaire pour saisir les pensées qui se succèdent dans l'esprit de GELIMER à chaque phase de sa course décevante, angoissée, et pour comprendre ses réactions.

***

          Exécutant l'ordre reçu, la flotte prend la mer pour mettre le cap sur le port désigné. Elle ne peut aller loin : vaincue par la tempête, elle revient à HIPPONE et se rend à BELISAIRE, parvenu entre temps. BONIFATIUS doit remettre au général les bateaux, les trésors... et le secret du port de rendez-vous avec GELIMER, c'est-à-dire la direction prise par ce dernier. Le chemin à suivre passe par le Mont PAPPUA et il est certain que le fuyard va y faire une pause en attendant que sa flotte soit en vue.
          Cette montagne a la réputation méritée d'être brumeuse, froide et parfois enneigée en cette époque de décembre et par le mauvais temps qui sévit. Le Grec BELISAIRE est peu accoutumé à ce genre de climat et il a, d'ailleurs, besoin de retourner à CARTHAGE pour affermir sa conquête. Il sait, de plus, que le roi ne peut lui échapper, acculé à la limite de son royaume et n'ayant plus de flotte. Il charge donc son lieutenant PHARAS, roi des HERULES, de continuer la chasse avec ses guerriers légers et rapides. La meute s'élance...

***

          Revenons à GELIMER au moment où, abandonnant la route d'HIPPONE comme un lièvre " crochète " pour dérouter les limiers, il emprunte celle de CALAMA, puis celle qui remonte vers le Nord le long du Lac FETZARA, puis celle de RUSICADE. Il passe le " Défilé des Voleurs ", laissée à main gauche la voie secondaire qui mène à PARATIANAE et CULUCITANIS. Il s'engage sur la route de TACATUA en remontant la vallée supérieure de l'Oued EL ANEB.
          A une bifurcation (Marabout de SIDI SALAH), deux voies s'offrent à lui : l'une mène, par le Col de SIDI SAADI, au port situé à l'embouchure de l'Oued AFRIS, l'autre permet d'atteindre, par le Col de FEDJ EL GUELAA (3), soit le MERS EL MENCHAR, soit AIN BARBAR. La première est un petit chemin secondaire, sans postes de résistance, et conduit à un port inabordable pour sa flotte.
          GELIMER prend donc la seconde, celle de gauche. C'est la grande route d'HIPPONE à SUBLUCU et TACATUA. Elle est protégée par des oppida susceptibles de retarder les poursuivants et de faire gagner le temps nécessaire à l'embarquement. Elle permet d'accéder à deux ports dont l'un est le meilleur de la côte.
          Tout cet itinéraire, GELIMER l'avait établi dans son esprit, bien avant de l'emprunter, au moment où il avait envoyé ses messagers à BONIFATIUS. Il savait parfaitement par où il allait passer pour rejoindre sa flotte.
          Mais ce qu'il ne pouvait prévoir et ne constate qu'en débouchant au Col de FEDJ EL GUELAA, ou " défilé de la forteresse naturelle " (4), ce qui le laisse stupéfait, pantois, effondré, c'est qu'en face de lui, aussi loin que s'étende le regard sur la mer qu'il découvre entièrement, de l'Est à l'Ouest, rien, aucune flotte, aucun bateau n'est en vue... Il ignore, évidemment, l'échec de BONIFATIUS.
          On imagine aisément son état d'esprit devant ce fait incompréhensible, catastrophique. D'autant plus qu'en se retournant et en suivant des yeux le chemin parcouru depuis le Défilé des Voleurs (une dizaine de milles), il aperçoit peut-être déjà, au loin, la meute lancée à ses trousses. Maintenant, il faut improviser en hâte. Que faire ?
          Continuer sa route et descendre le versant Nord de la montagne, sans attendre l'apparition de cette maudite flotte au retard inexplicable, jusqu'au port du rendez-vous ? Ce port, comme toutes les villes vandales, n'est pas fortifié et ce serait se condamner sans rémission à une capture peu glorieuse, à la mort peut-être, car il n'oublie pas que les Byzantins ont à venger la déposition et l'assassinat ignoble de HILDIRIC, leur ami.
          Prendre la route de TACATUA ? Il faudrait tourner à gauche vers le Sud-Ouest, c'est-à-dire revenir presque sur ses pas et, à deux milles du col où il se trouve, passer à quelques stades de la route par laquelle arrivent les poursuivants qui franchiront sans peine le ravin profond qu'elle contourne, gagnant ainsi beaucoup de terrain. Et puis, comment sera-t-il traité, lorsqu'il aura passé la frontière de son royaume agonisant, par ses voisins Maures dont il a toutes raisons de se méfier ? Enfin, comment prévenir BONIFATIUS que le port de ralliement a changé ?
          GELIMER est las, épuisé tant par le sentiment de la défaite totale que par la fatigue physique. Après une journée de dur combat, voilà plus de 150 milles qu'il fuit, encombré de femmes, d'enfants, de vieillards, chargé d'un lourd bagage. Dans quel état sont les montures ?
          Il ne reste qu'une solution : profiter à la fois de l'hospitalité (ou de la non hostilité) des habitants de la région qui sont " encore ses amis ", des possibilités de retranchement qu'offre la forteresse naturelle toute proche et de la proximité du port par lequel on pourra s'évader quand arrivera, enfin, BONIFATIUS avec les bateaux. GELIMER s'y résoud, gagne en hâte la GUELAA qui domine le FEDJ et s'y retranche aussitôt. qu'ils ne sont pas riches ? La saison des pluies étant terminée, l'eau doit commencer à manquer sur ce piton élevé. Rien ne dépeindra mieux l'état de GELIMER et des siens que le passage suivant extrait du " Bellum Vandalicum " de PROCOPE (II-6) :
          On connaît la suite : PHARAS arrive, subit un échec cuisant en essayant d'enlever d'assaut la position et décide de mettre un siège relativement facile en raison de la disposition même des lieux et du moindre désir d'évasion du roi qui ne saurait où aller ensuite, faute de bateaux... et d'amis.

          Au bout de quatre mois, les habitants de la région doivent être lassés de nourrir à la fois assiégeants et assiégés (ces derniers moins bien, assurément). Et nous savons par PROCOPE, " ... et quand le nécessaire leur manqua tout-à-fait, ils perdirent courage. Mais mourir leur parut très peu agréable et tomber en esclavage, une moindre honte.
          " S'en étant aperçu, PHARAS écrit à GELIMER...
          " GELIMER, ayant lu cette lettre, pleura pitoyablement et répondit comme suit :
          " ... Je n'ai rien de plus à t'écrire ; mon infortune présente m'a enlevé l'esprit. Mais fais-moi ce plaisir, mon cher PHARAS, et envoie-moi une cithare, un pain et une éponge... "
          "Car, depuis qu'il était monté à PAPPUA, GELIMER n'avait plus vu un seul pain cuit. Et une éponge lui était nécessaire, car l'un de ses yeux, enflammé par la saleté, était gonflé à l'excès. Enfin, comme il était bon cithariste, il avait composé un chant sur son malheur, qu'il désirait déplorer et lamenter (en s'accompagnant) sur sa cithare.
          " PHARAS, apprenant cela et très compatissant..., envoya à GELIMER tout ce dont il avait besoin. Toutefois, il ne relâcha en rien le siège et fit redoubler la garde. "
          Miné par les privations et par la vie pénible à laquelle il n'était aucunement habitué, car il avait beaucoup plus vécu dans la tiédeur parfumée des thermes que sous les dures intempéries balayant son nid d'aigle, découragé par les souffrances tant physiques que morales et par le spectacle de la misère minant ses proches, convaincu de l'inanité d'une résistance sans espoir, craignant que la fin de l'hiver n'amène un nouvel et victorieux assaut de ses ennemis, constatant la fatigue et la lassitude de ses amis Maures dont l'abandon est à prévoir, ayant peut-être épuisé toute inspiration pour " chanter " ses malheurs en une déclamation emphatique qui dure depuis des mois, GELIMER, le dernier roi vandale, veule, lâche et sans dignité dans la défaite, préfère la honte d'une captivité avilissante et définitive à une fin, sinon glorieuse, du moins honorable. Il se rend à CYPRIEN, après d'humiliants marchandages...
          Conduit à CARTHAGE puis à CONSTANTINOPLE avec sa famille, il devra figurer en vaincu au " Triomphe " de BELISAIRE, enchaîné à son char. Il finira paisiblement ses jours sur les domaines que BYZANCE - incroyablement généreuse et magnanime - lui attribuera en GALATIE. Elle refusera seulement de le nommer Patrice, parce qu'il n'acceptera pas d'abandonner la foi arienne.
          Après les fastes de la civilisation romaine, un siècle d'occupation vandale en Afrique venait de s'achever lamentablement sur une montagne de NUMIDIE, sans laisser d'autres traces que quelques bijoux dans des tombes, quelques rares inscriptions, quelques monnaies perdues près des marchés, dans les grandes villes. Il est vrai que les treize siècles suivants ne laisseront guère plus de traces.

***

(1) Les MAURES, qu'il eût rencontrés dans les régions au Sud de cette route.
(2) Entre la ZEUGITANE et la NUMIDIE, sinon le texte n'aurait plus de sens.
(3) Ce col (altitude 630 environ) est situé entre les Djebels CHAIBA (827) et EL MEDINE (773).
(4) Vocabulaire Arabe-Français de J.B. BELOT, Imp. Catholique de BEYROUTH, 6,r' éd., 1899 :
       - p. (572) : FEDJ chemin entre deux montagnes, col, défilé
       - p. (661) : GUELAA forteresse, amas de rochers d'un accès difficile.


 LES FRERES PIEDS-NOIRS
Par Christian Roehrig
N° 14             

PREFACE

     A travers un survol virtuel de mes souvenirs, moi, petit et humble piednoir de Bab-El-Oued (Place Lelièvre) je retrace certains faits historiques qui m'ont profondément marqué.
     Mi goguenard, mi-cynique, quelquefois acerbe, je décris en pataouète, mes états d'âme et mes ressentiments à l'égard de certains hommes politiques qui ont failli à leur parole d'honneur.
     Depuis ces désillusions, j'observe les charognards se disputer le pouvoir.
     Devenu grand-père, je doute, si rien ne bouge, de la nationalité future de mes arrière- petits enfants que je ne connaîtrai pas et à qui je veux, par le présent, laisser le témoignage d'une vérité.
C. ROEHRIG     

<====OOO====>
LE COLON DE ZIF-ZEF

        Christian : Ouais, j 'vais pas t'faire tout l'historique du passé d 'mes aïeux 'mais oilà. Mon arrière-grand-père Xavier quand il a fait l'armée il a connu l'Algérie où il a débarqué à Stora, alors quand

        Il est revenu au pays, il s'est marié avec une jeune fille du village de Roesvwoog où sa mère à lui elle travaillait, enfin je pense que c'est comme ça qu'ça s'est passé. Y a mon grand-père qu'y est né et trois autes enfants mais y a les deux p'tites filles qui sont mortes.
        En 1870 y'a les allemands qui sont venus occuper l'Alsace, j' sais pas c'qui s'est passé mais deux ans après il a quitté l'pays et il est parti vers l'Algérie où il est arrivé à Sidi-Bel-Abbès en 1874. Les autorités d 'l'époque y lui ont dit certainement s'il voulait participer à l'édification d'un village et c'est pour ça qu'il a été dirigé sur Zif-Zef qui est devenu après Mercier Lacombe. Je sais qu'ils ont dormi sous la tente en attendant qu'le vieux y finisse de construire sa maison, j'te signale qu'mon grand-père il avait 7 ans à c't'époque que j'te parle, donc le vieux y finit de bâtir sa maison où il a fait quand même une dizaine de pièces.
        Et en même temps il a planté d'la vigne et mis en culture 28 hectares de terrain. Puis quelques années ont passées, il a agrandi son champ en achetant des terres aux arabes (j'en ai la preuve par les documents que j'ai). Mais oilà, mon arrière grand-père y l'avait certainement l'esprit de justice et alors comme déjà à c't'époque là y avait des fellouzes qu'on app'lait pas fellouzes mais brigands et qu'y en avait un qu'les gendarmes y recherchaient depuis longtemps sans pouvoir mette la main dessus, y croyaient qu'il était au Maroc, donc y a l'ami de Xavier qui entend dire qu'le fellouze y pourrait être dans la région et mon Xavier qui lui dit qu'il a remarqué près du ravin qui borde sa vigne des traces de pas d'arabes, ouais y faut te dire qui savait reconnaître les pas d'arabes, donc y lui dit qu'il a vu des pas d'arabes qui ont pris la direction d 'la mechta qui s'trouve un peu plus loin . Et tous les deux y vont voir de plus près si y s'agit bien du brigand. Y a son ami Ronceau qui voit arriver deux personnes et y dit à mon arrière-grand-père Xavier de bien regarder et d'aller entendre la voix des fois qu'il reconnaîtrait la personne recherchée. Alors mon aïeul y s'est approché d 'la mechta et il a entendu et reconnu qu'c'était bien l'fellouze qu'il était venu chez ses parents, alors il est retourné près d'son ami Ronceau, il lui a dit qu'c'était bien l'homme en question et qu'il allait voir les gendarmes. L'aute Ronceau il est resté caché derrière la meure de foin en attendant les gendarmes mais mon Xavier quand il est arrivé à la gendarmerie les autes y z'ont pas voulu le croire, y disait qu'il avait rêvé et au bout d'une demi-heure de discussion y a le Ronceau qui arrive et qui fait irruption dans la gendarmerie et qui dit que l'fellouze si y viennent pas y va s'débiner pace qu'y a les chiens qui z'ont commencé à aboyer c'est pour ça qu'lui y s'est sauvé.
        Alors les gendarmes y t'arrivent et le Ronceau y rentre dans la mechta avec le gendarme et mon Xavier y reste dehors avec l'aute gendarme des fois où le brigand y se sauve par le côté. Bon tout ça pour dire que les gendarmes y z'ont pas fait le procès-verbal en disant que c'était Ronceau et Roehrig qu'y z'avaient participé à l'arrestation des fellouzes et quand les parents des fellouzes y z'ont voulu tuer la famille Roehrig, Xavier il a demandé le secours de l'armée pace que sa famille elle était menacée de mort, comme y avait rien qui indiquait que c'était en partie grâce à lui qu'le brigand il était arrêté, l'armée elle a pas voulu intervenir et mon arrière-grand-père, pour protéger sa famille il a tout abandonné et il est venu à Koléa et ensuite à Marengo, mais là il avait plus d'argent alors il s'est fait journalier, c'est à dire qu'il était embauché le jour le jour, un mendiant quoi. Oilà l'histoire résumée de l'installation de ma famille en Algérie. J'ai été voir le village de Roeschwoog en Alsace et j'ai discuté avec un monsieur qui était âgé et quand j'ai prononcé le nom de mon arrière grand-mère il m'a dit qu'il avait entendu, par son grand-père, parler de la famille Stoll (le nom de mon arrière grand-mère) il m'a raconté qu'la maison où il est naît mon grand-père, elle était à mon arrière grand-père et quand il est parti c'est son beau-frère Antoine qui l'a habitée puis comme il a pas eu d'enfant il l'a donnée à son p'tit frère Albert et ainsi de suite et qu'elle existait toujours au 12 rue du Château d'eau (c'est drôle moi à Alger j'habitais rue de Châteaudun) donc j'suis allé voir et j'ai vu, ouais j'ai vu, et crois moi qu'ça fait drôle, la maison. Bien sûr elle a été transformée, y reste que l'arrière qui est d'origine et le terrain il a été divisé et au fond y a une aute maison qui s'est construite.

        Oilà mon ami, mon frère, quand j'suis retourné j'me suis dit qu' j'avais fermé la boucle, j'suis revenu d'où ma famille elle est partie oilà 127 ans. Quand j 'pense à tout ce gâchis toutes ces énergies perdues, j'ai un sentiment de grande amertume, ouais mon frère.
        Hé bien tu vois on a passé un bon moment ensemble hein ! Mais j'vais te dire si j'avais été Le Grand De Gaulle j'leur aurais dit aux arabes : Ne nous disputons plus, on va s'mette d'accord, vous vous êtes 5 fois moins nombreux (y z'étaient 10 millions et nous presque 5o millions) que nous et l'Algérie elle est 5 fois plus grande qu'la France alors, vous, vous venez en France (de toutes façons c'est ce qu'ils font) et nous on va en Algérie oilà. La France elle aurait été un Pays neuf, elle n'aurait pas eu l'envahissement des Églises par les sans papiers, y aurait pas eu les p'tits beurs (tu t'rends compte moi j'connaissais qu'les p'tits beurres LU, j 'savais pas qu'les humains y pouvaient êtes traités comme des p'tits gateaux) Bon j'continue. Alors la France elle aurait été au centre du Magreb et l'Algérie au centre de l'Europe.

        Tu verras qu'mon raisonnement y tient pacqu'étant donné, comme je t'l'ai dit, qu'l'Algérie elle est 5 fois plus grande qu'la France on aurait été plus à l'aise.
        J'suis sûr qu'le Grand il a pas pensé à ça c'est pourquoi il a fait une grande connerie en donnant l'indépendance à l'Algérie, pace que main'nant la France c'est la continuation de l'Algérie Alors !

        Enfin Joseph avant qu'on s'quitte je pense que pour un ou deux milliers de personnes qui avaient des intérêts personnels, intérêts politiques ou intérêts financiers, on a sacrifié dix millions d'individus et tant que la vérité, la vraie pas celle qu'on veut dire, ne sera pas dite il existera toujours un grand fossé entre les arabes et nous, moi j's'rais pour une table ronde ou ovale comme on veut où on dirait la vraie vérité sans faire une addition des victimes, chacun on reconnaît nos torts, toi tu m'as giflé, moi j't'ai donné une botcha adamacane et mon chapeau on recommence à zéro et y aurait plus d'anémosité ni de rancune mais tant qui voudrons pas dire ça alors !!!

        Allez tchao Joseph. Tu réfléchis â c'que j 'viens de te dire et la prochaine fois qu'on se reverra tu m'diras c'que ti en pense.
        Au moment où j'écris ce texte je pense à mes amis d'autrefois dont les noms me reviennent à l'esprit :
Lucien HERRERA - Roger PULSON - André BORREL - Michel LUBRANO - La Famille BERNABE, Titi, Totode, Nina - André PASTOR - Robert MARTINEZ - LASKAR, - Les Frères ORTS André et José - Robert MORAND - Albert STEINBRUNER (Moto 350 Norton) - Marcel MARION et sa Soeur - BISBAL - PORTELLI Marie-Thérèse, dite Néné - FACINA - DAHAN - TORTORA Raymond - Tony ROSELLO - Toinou MATTAS - Josette COMPANI et son frère - Jacky LEVY - Jean-Pierre AGIUS et son épouse Huguette FERRANDIS - Les Frères ZAOUI - Les Frères BARTOLI - les Frères DELAHAY -Antoine ESPOSITO - La famille ZIGZIG, Rue Jean Jaurès - Ghislaine dont le nom de famille m'échappe, et qui habitait à côté de chez José SEGUI - José BARONE - Charles BONET - les Frères CAMPILLO - CABRERA André - Christian CORBELLI - René CONDROYER - Charles CELEGUIBEL - CHIKITOU - DOMENECH Jean-Louis - François FORMES - LIGORI Mathieu - frère de Dédé et Jeannot PALMER - les Frères MARESCA, MOURJAN Louis - MORAND Robert - VERDAGUET Claude et Adeline qui est mariée à François VIDAL, et tant d'autres dont les noms se sont échappés de ma mémoire mais qui sont toujours présents dans mes rêves.

FIN DE CETTE HISTOIRE
MERCI CHRISTIAN

COLONISATION de L'ALGERIE
  1843                           Par ENFANTIN                      N° 23 
IIIème PARTIE
ORGANISATION DES INDIGÈNES.

AVANT-PROPOS. Par qui doivent être organisées, gouvernées et administrées les tribus indigènes soumises?
1er CHAP. PERSONNEL et MATÉRIEL des tribus soumises, organisées et gouvernées par l'autorité française.
IIème CHAP. Lieux favorables à la soumission progressive des tribus; ORDRE selon lequel on doit procéder à leur organisation.

AVANT-PROPOS.

PAR QUI DOIVENT ÊTRE ORGANISÉES, GOUVERNÉES
ET ADMINISTRÉES LES TRIBUS INDIGÈNES SOUMISES?

  
        1. - L'autorité française doit-elle organiser, gouverner et administrer les tribus indigènes ? - Jusqu'à quel point et comment doit-elle le faire? --- Telles sont les questions que je vais examiner.
        Jusqu'à présent, les actes de l'autorité française ont prouvé qu'elle ne prétendait pas organiser et administrer les tribus, et qu'elle espérait néanmoins pouvoir les gouverner. Cette espérance devait donc être déçue; elle l'a été.
        Ce système politique, contraire à la plus simple raison, a l'avantage de supprimer de très grandes difficultés ; mais, en politique, les difficultés ne se suppriment pas, il faut les résoudre.

        II. - On a fait un abus prodigieux du principe de Gouvernement du pays par le pays en l'appliquant à un pays conquis c'est-à-dire à une population non encore associée au conquérant, qui n'a pas les mêmes habitudes et les mêmes moeurs que lui, et qui restera longtemps, par rapport à lui, dans la relation qu'exprime ce mot : conquête.
        Puisque nous avons conquis, nous devons gouverner notre conquête ; or, qu'est-ce qu'un gouvernement qui n'organise pas et n'administre pas? Qu'est-ce surtout qu'un conquérant qui n'organise pas et n'administre pas sa conquête ? - Les Arabes n'ont jamais vu cela dans leur histoire, et personne au monde ne l'a vu.
        Les faits ont répondu clairement ; depuis douze ans que nous conquérons progressivement l'Algérie et que nous prétendons gouverner notre conquête, en confiant à des chefs indigènes l'autorité, même sur les tribus les plus soumises, les plus voisines de nous, les plus pacifiques, tous ces chefs nous ont trompés, toutes ces tribus se sont révoltées.
        Le tableau de nos fautes et de nos malheurs, sous ce rapport, serait tellement étendu, que je ne puis le tracer ; d'ailleurs, pour les hommes qui connaissent le moins l'histoire de notre conquête, il suffit de réveiller un peu leurs souvenirs, pour qu'ils soient frappés des nombreux enseignements que donnent ces douze années. Rappelons les plus importants.
        Le système de gouvernement de notre conquête par d'autres que nous-mêmes, a commencé, pour ainsi dire, avec la conquête, et, il faut l'avouer, ce système avait alors son excuse ; car on était fort surpris d'avoir conquis la régence, puisqu'on était parti seulement pour châtier Alger et faire cesser la piraterie ; d'ailleurs, la conservation de cette conquête était fort douteuse et fort embarrassante, dans la position où était la France en 1830.

        En 1831, le maréchal Clauzel imagine donc de faire gouverner les provinces de Constantine et d'Oran par des princes de Tunis ! Et ce projet a un commencement d'exécution à Oran. En même temps, dans la province d'Alger, il installe quelques autorités indigènes. Ses successeurs marchent sur ses traces ; M. le général Berthezène, dans la province d'Alger, réduit le gouvernement direct de la France au massif, et l'Agha qu'il institue doit avoir le gouvernement des tribus; de sorte que, comme le remarque très bien M. Pellissier l'un de mes collègues, ce système de politique arabe et non française pouvait se traduire ainsi : Français, restez chez vous, et nous resterons chez nous.
        Bientôt le duc de Rovigo fait des ouvertures à Farhat-Ben-Saïd, pour la province de Constantine ; il propose un traité à Achmet-Bey lui-même, et, dans ces tentatives, le système est toujours de confier l'Algérie à des indigènes, qui promettent de gouverner pour nous notre conquête.
        En 1832 commence à paraître un homme qui annonce de grandes prétentions au gouvernement des Arabes; et M. le général Desmichels saisit avidement cette heureuse circonstance; il crée Abd-el-Kader; il consacre un Émir des croyants, et il croit avoir enfanté une espèce de duc de Bourgogne ou de Bretagne, un vassal du royaume de France.
        Déjà la plupart des indigènes, qui avaient capté la confiance de nos premiers gouverneurs, étaient destitués, chassés, emprisonnés, exécutés et remplacés par d'autres hommes qui, voyant s'élever pour l'Algérie un astre nouveau, préparaient dans l'ombre l'éclipse du soleil de France.
        Par le traité Desmichels, voilà donc la France délivrée de l'embarras de gouverner la province d'Oran; et ce général, désirant aussi que l'Émir, son Émir, n'ait pas trop d'embarras dans son gouvernement, repousse le seul rival puissant d'Abd-el-Kader, le seul indigène qui, se soumettant à nous plus tard, nous soit jusqu'ici resté fidèle, Moustapha Ben-Ismaël.
        Quant à la province de Constantine, le maréchal Clauzel étant revenu à Alger et ne pouvant plus songer aux princes de Tunis, ne peut pas non plus se décider à songer à un Français, à lui-même d'abord, et à l'un de ses généraux, venant conquérir avec lui, pour la France, cette belle province de Constantine ; il prend un terme moyen, il songe à un homme qui ne soit ni indigène, ni Européen, et, pour ainsi dire, ni musulman ni chrétien, ou l'un et l'autre; il nomme Bey de Constantine, l'un des plus brillants cavaliers du monde, le commandant de spahis Joussouf.
        Vain espoir ! L'entreprise échoue de la manière la plus déplorable, et le Bey in partibus infidelium ou fidelium reste à la tète de son escadron de spahis.

        Nouvelle expédition pour conquérir Constantine.
        Afin de faciliter cette conquête à l'Est, M. le général Bugeaud, dans l'Ouest, poursuit l'oeuvre de M. le général Desmichels, à l'égard d'Abd-el-Kader, qui ne demandait pas mieux que de voir détruire Achmet-Bey ; c'est-à-dire qu'il étend vers l'Est l'influence d'Abd-el-Kader; qui s'était déjà permis de l'étendre tout seul pendant le gouvernement du comte d'Erlon, et sous le second gouvernement du maréchal Clauzel. M. le général Bugeaud ratifie donc cette extension d'une puissance arabe, et charge, au nom de la France, l'Émir (toujours l'Émir) d'administrer (1) la province d'Oran, celle de Titteri, et une bonne partie de celle d'Alger (2)

        Il ne manquait plus que de lui confier celle de Constantine, après la prise de cette ville. C'est ce que M. le maréchal Valée n'a pas fait.
        Néanmoins, il ne faudrait pas croire que le système de gouvernement du pays par le pays fut abandonné ; au contraire, c'est dans la province de Constantine qu'il a eu, sinon la plus éclatante du moins la plus complète application, et cette application, qui a été fort louée, est encore généralement approuvée.
        Ben-Aïssa fut nommé Kalifa du Sahel (Nord) ; Bel-Hamlaoui, Kalifa de la Ferdjioua (Ouest) ; Ali, Kaïd des Harakta (Est) ; Ben-Gana, Cheik-el-Arab (Sud) ; et Hamouda, Hakem de la ville de Constantine.
        Or, aujourd'hui Ben-Aïssa est aux galères, pour émission et fabrication de fausse monnaie; Bel-Hamlaoui aux galères, pour trahison; Hamouda, destitué simplement, et obligé de rendre gorge à ses administrés dépouillés par lui ; quant au Kaïd Ali, l'illustre maréchal, président du conseil, a hautement proclamé les mérites de cet homme. Enfin, le Cheik-el-Arab Ben-Gana, celui à qui la France a confié le gouvernement des tribus arabes du Sahara, c'est-à-dire d'un territoire immense, plus étendu que tout le reste de la province, le brave Ben-Gana promène son oisiveté sur la place et dans les cafés de Constantine, et ne pourrait mettre le pied dans son gouvernement, sans le secours d'une petite armée française ; celui-ci nous est fidèle, nous en a donné des preuves. Mais il faut tout dire : Achmet-Bey lui ferait couper la tête, Abd-el-Kader en ferait autant, son ancien rival, Cheik-el-Arab Farhat, n'aurait pas été plus compatissant; enfin, ses propres compatriotes de Biskra, ceux qu'il est censé gouverner, puisqu'il est Cheik-el-Arab, ne se borneraient pas à lui fermer la porte, ils le livreraient à ses ennemis, s'il osait entrer dans ce que nous nommons son gouvernement.
        Telle est la tête de la hiérarchie provinciale résultant du système. Dans les différents cercles de Bône, de Guelma, de Philippeville, le même système a produit des résultats semblables. A Bougie, un malheureux officier français, le commandant Salomon de Musis, espérant aussi trouver un homme du pays, propre à pacifier et gouverner le pays, se livre à la perfidie d'un Cheik des environs, et meurt assassiné.

        III. - On a souvent fait remarquer l'instabilité des chefs français de l'Algérie, et tout le monde reconnaît l'inconvénient qui résulte de ces changements continuels; on serait bien plus surpris et affligé, en voyant la liste des chefs indigènes institués par nous, la note des burnous dont nous les avons couverts, de l'argent que nous leur avons donné pour leur investiture (tandis qu'autrefois c'étaient eux qui payaient leur investiture aux Turcs), et l'état de leurs services, avec indication de ce qu'ils sont aujourd'hui â notre égard.
        Comment en serait-il autrement avec un semblable personnel? - Supposons que la France soit conquise par les musulmans, et conquise, non pour une occupation passagère, mais comme une possession définitive ; certes, les Français qui, au premier moment de la conquête, s'offriraient pour aider à soumettre au joug du vainqueur leurs compatriotes, les Français qui feraient des ghazia sur des villages français, les chrétiens qui tueraient des chrétiens pour la plus grande gloire des musulmans, nous paraîtraient des lâches ou des fourbes, traîtres à leur patrie, ou bientôt traîtres à leurs nouveaux maîtres. Or, les Arabes n'aiment pas plus la domination chrétienne que les Français n'aimeraient la domination musulmane; nous n'avons donc pu trouver, parmi les indigènes qui se sont offerts à nous pour gouverner les indigènes, que des lâches ou des traîtres, et surtout des hommes cupides, profitant de notre humilité gouvernementale pour piller, en notre nom, un peuple que notre devoir est de protéger, de rendre riche et tranquille.
        Il y a quelques exceptions, je n'en disconviens pas, mais c'est là le caractère général; et d'ailleurs, ces exceptions, sur quoi sont-elles fondées? - Ce n'est pas du tout sur un amour vrai de notre domination ; elles sont le résultat de jalousies, de rivalités que nous-mêmes avons souvent fait naître, en donnant maladroitement à des indigènes une autorité sans fondement ou exagérée, qui nous faisait des ennemis, sans augmenter le nombre de nos amis, dans les tribus soumises à la France. Ainsi le brave général Moustapha lui-même, Ben-Gana à Constantine, Rezgui à Guelma, rivaux d'Abd-el-Kader, de Farhat et d'Hacenaoui, nous sont dévoués, je veux bien le croire ; mais ils n'ont plus d'autre puissance sur les Arabes que celle que leur donnent nos armes. La tête de Rezgui est mise à prix dans les tribus des Hanancha que nous prétendions lui faire gouverner, et où l'autorité d'Hacenaoui avait de plus vigoureuses racines et a grandi d'autant plus que nous voulions favoriser Rezgui ; Ben-Gana ne peut mettre le pied, pour ainsi dire, hors de la banlieue de Constantine, sans craindre qu'un ami de son prédécesseur Farhat ne venge l'ancien Cheik-el-Arab par la mort du nouveau; enfin, lorsque nous avons voulu donner un Bey à Mascara, un Bey à Tlemcen, nous n'avons pas osé nommer le seul homme qui nous eût donné des preuves d'un courage dévoué, parce que nous savions bien que les Hachem et les Beni-Amer, et même les Kabiles de Tlemcen, ne supporteraient pas le joug du rival implacable de leur saint Émir Abd-el-Kader.
        Et cependant nous avons continué, dans la province d'Oran, le malheureux système; nous avons fait des Beys, des Kalifats, des Kaïds ; nous ne voulons pas gouverner nous-mêmes.

        IV. - Les Turcs que l'on cite si souvent comme des conquérants qui, avec fort peu d'hommes, ont gouverné et conservé longtemps l'Algérie, et qui gouvernent ainsi Tunis, l'Égypte, la Syrie, l'Asie Mineure, toutes leurs conquêtes, se sont-ils jamais avisés de faire gouverner, même après des siècles d'occupation, l'Algérie par des Algériens? - Jamais ils n'ont fait cette incroyable faute (3) ; Achmet-Bey est le seul qui l'ait commise. Après la prise d'Alger, trouvant à Constantine un Turc usurpateur de son Beylick, il crut pouvoir se défaire des Turcs et y substituer des Kabiles comme Ben-Aïssa, et des Arabes comme Bel-Hamlaoui ; mais dans la constitution ordinaire du gouvernement turc de l'Algérie, les principaux dignitaires de l'État et des provinces gouvernaient et administraient généralement les tribus et ces dignitaires étaient Turcs. Celles des tribus qui n'étaient pas gouvernées directement par des Turcs, étaient les plus éloignées, comme celles des Arabes du Sahara, ou les plus indépendantes, comme celles des Kabiles du Jurjura ; et encore, dans ce cas, les Turcs avaient une ressource que nous ne mettrons probablement pas en usage : pour que les familles puissantes de ces tribus devinssent presque turques, ils épousaient des filles de ces familles.

        V. - Nous agissons tout différemment ; il en résulte qu'il n'y a en Algérie que trois Français qui gouvernent un peu les indigènes ; savoir : le Gouverneur général, le Gouverneur de la province d'Oran et celui de la province de Constantine ; c'est absolument comme s'il n'y avait eu, du temps des Turcs, d'autres Turcs que le Dey Hussein, et les trois Beys de Constantine, de Titteri et d'Oran, qui se fussent mêlés du gouvernement et de l'administration des tribus.
        Qu'on ne dise pas que j'exagère ; ceci est à la lettre pour les provinces d'Alger et d'Oran et pour tout le midi de la province de Constantine ; dans cette dernière province, il est vrai, les commandants des cercles de Bône, de Guelma, de La Calle et de Philippeville, faits à l'usage des Gouverneurs de provinces, sont censés gouverner et administrer les tribus de leur cercle, et je conviens que ceci est un argument qui infirme la généralité de ma critique ; mais, d'un autre côté, cet argument est favorable à la thèse que je soutiens, puisque c'est sur ces points que nous avons, obtenu et conservé le plus de soumission et de sécurité.

        M. le général Duvivier, pendant son commandement de Guelma, et son successeur M. le colonel Herbillon, et à La Calle M. de Mirbeck, sont les seuls Français qui, après les gouverneurs, aient jusqu'ici un peu gouverné et administré directement des indigènes ; et encore, leur mission a été bien plutôt une surveillance de police politique qu'une mission gouvernementale et administrative.
        Le Gouverneur général et les Gouverneurs de provinces, sauf les exceptions que je viens de citer; n'ont donc aucun intermédiaire français entre eux et les indigènes ; il en résulte d'abord que ces trois chefs, devant tout voir et faire par eux-mêmes, voient peu et mal et ne peuvent rien faire ou sont très exposés à faire mal. D'un autre côté, les Français qui sont sous leurs ordres ne peuvent avoir aucun attrait à s'occuper de l'étude des indigènes, de leur langue, de leurs besoins, de leurs usages, puisque cette étude ne les mènerait personnellement à rien, si même elle ne blessait pas, comme une espèce de curieuse surveillance, l'autorité unique du chef français. Et, de plus, comme cette fonction de gouverner et administrer des Arabes n'est qu'une exception fort rare, les officiers qui voudraient s'y vouer, ignorant quel sera leur sort dans leurs régiments, n'ambitionnent pas un pareil service, qui les détache de leur corps ; les éloigne de leur colonel, les prive de l'inspection, les livre, sans règlement spécial, à un devoir très délicat et très difficile, et met enfin leur avancement à la disposition unique du Gouverneur de province, qui les nomme et qui peut être changé.

        Par conséquent, sauf les interprètes des gouverneurs et des chefs de cercles, interprètes qui, pour la plupart, sont d'ailleurs indigènes ou étrangers, il n'y a pas de Français qui aient commencé, depuis douze ans, l'apprentissage du gouvernement des Arabes; tandis que lorsque les Turcs s'emparaient d'un pays, leur premier soin était de constituer le personnel turc du gouvernement de ce pays. - Les Romains faisaient de même. - Nous autres Français, nous disons au peuple conquis : Gouvernez-vous comme vous voudrez.
        Nous rechercherons plus tard la cause principale de cette impuissance gouvernementale et administrative, qui nous réduit à n'exercer qu'une police militaire sur des sujets de la France; il nous suffit, en ce moment, de signaler le fait, de montrer les inconvénients et les dangers du système, par ses résultats évidents, et de rappeler l'exemple des peuples conquérants qui nous ont précédé en Algérie.
        Je conviens que nous n'en sommes pas encore au point de pouvoir gouverner et administrer toute l'Algérie, et surtout que nous ne pouvons pas songer à y transplanter le gouvernement et l'administration que nous avons en France; cette terre leur serait très peu favorable; mais de même que nous ne pouvons pas coloniser partout à la fois, et que cependant nous devons commencer quelque part, nous devons aussi commencer quelque part l'organisation gouvernementale et administrative des tribus, qui n'ont plus de gouvernement et d'administration depuis que nous avons chassé les Turcs et qui sont dans une anarchie aussi dangereuse pour nous que funeste pour elles-mêmes.
        M. le général Bugeaud dit dans son rapport du 13 juin : " Là où nous ne régnons pas, règne l'anarchie. " Mais là où nous régnons, que règne-t-il donc? - La mort que nous ayons donnée, la misère que nous avons faite, la terreur de nos armes et la terreur plus grande, peut-être, des vengeances d'Abd-el-Kader. - Est-ce donc faire cesser, l'anarchie, que de donner un burnous, au bruit des fanfares et dans une fantasia?
        C'est un devoir et une nécessité, pour l'autorité française, d'organiser, de gouverner et d'administrer les tribus soumises; c'est même en cela surtout que consistera la véritable gloire de la France en Algérie.

(1)Art. 3 du traité.
(2)Ce serait le cas de s'écrier : relie culpa I car le traité de la Tafna est certainement un des grands mobiles de l'énergie et de l'activité que M. le général Bugeaud emploie aujourd'hui à détruire la puissance indigène qu'il a grandie; mais, pour répéter encore : felix culpa! Il faudrait que la France ne créât plus de puissances indigènes; or, elle ne fait plus d'Émirs, mais elle fait des CALIFES à foison.
(3) Un Français conseillait un jour à Méhémet-Ali d'étendre, au moins jusqu'au grade de capitaine, l'avancement qui ne dépasse pas le grade de lieutenant ; Méhémet-Ali répondit : Vous oubliez donc que nous ne sommes, en Égypte, que vingt mille Turcs.
    Les Turcs n'appelaient pas même au gouvernement leurs propres enfants indigènes de I'Algérie, les Koulouglis.

A SUIVRE

MON PANTHÉON DE L'ALGÉRIE FRANÇAISE
DE M. Roger BRASIER
Créateur du Musée de l'Algérie Française
Envoyé par Mme Caroline Clergeau

1918
RENÉE ANTOINE
L'Hillil (Oran), 26 juin 1896,
Aix en Provence (Bouche du Rhône), 21 mars 1988.

Docteur Ophtalmologue,
1924 à 1930, Clinique ophtalmologique d'Alger,
1927-1952, Assistant ophtalmologique en milieu arabe (à titre bénévole),
1940, oculiste du trachome à Belcourt et dans la Casbah,
1942, création du Centre d'ophtalmologie d'El-Affroun,
1934-1962, Missions ophtalmologiques au Sahara, au Fezzan, et à Tamanrasset.

1986
"... Ces mains de lumière rendaient aux aveugles leurs yeux, dans les pauvres mechtas du désert. Les vieux, qui se souviennent, doivent encore conter pieusement la légende de la "Toubiba" qui leur donna son temps, sa fortune, et par-dessus tout, son coeur. Pendant quinze ans, consacrant chaque année, trois mois à sa mission de charité, elle réalisa sa vocation".

"La France se souvient-elle des sacrifices de ceux qui la firent grande dans ce Maghreb qui l'aima ? (Yvonne Pagniez - "Française du Sahara" - (Le Docteur Renée Antoine y est décrite sous les traits de Aline Méry).

Consultations ophtalmologiques en plein air, par le Docteur Renée Antoine.
A l'origine d'une vocation. - "Un jour, un commerçant Mozabite de Blida vint me voir. Sa mère risquait de devenir aveugle, et il ne le voulait pas. Il voulait que je la soigne, mais au M'Zab, les femmes ne pouvaient pas quitter leur village et parfois même leur maison, sans risquer de perdre leur âme; et les pleureuses refusaient de les ensevelir. C'est comme cela que, pour Pâques, je partis opérer cette Dame dans le M'Zab. Ce fut le début de mes missions ophtalmologiques au Sahara".
"Prendre des risques pour exploiter l'unique chance ! ".

A SUIVRE

NON LA CONSTITUTION DE 1958
(Vème République)
N'EST PAS EGALE POUR TOUS !

       Le Point publie dans son numéro 1815 du 28 juin 2007 page 10, que je vous cite:

        " … Messieurs les juges ….. en ma qualité d'ancien Président de la République et en vertu de la constitution, il m'est impossible de répondre favorablement à votre demande ….et il cite l'Article 67 de la constitution qui fixe le statut juridictionnel du Chef de l'Etat, et de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen… "
       Ce qui est parfaitement légal.

       Mais alors pourquoi, ce même Président (Monsieur Jacques Chirac) n'a pas eu une lecture identique de l'Article 1 de cette même constitution ?

       Article 1 : La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.

       Cet article 1 le Président de la République ne l'a pas appliqué aux Supplétifs de souche européenne lors de l'application de la loi 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés. Qui ne s'applique qu'aux seuls supplétifs, citoyen de droit local (citoyenneté qui n'existait plus depuis l'avènement de la constitution du 4 octobre 1958) et de confession musulmane exclusivement ?

       Ce qui prouve à l'évidence, qu'il existe deux lectures bien différentes de la constitution selon que l'on soit : Chef de l'Etat, parlementaires… et une seconde qui bafoue les droits en l'occurrence (cet article 1) dans son application envers les supplétifs de souche européenne, prouve que nous ne sommes pas égaux en droits. La lettre de Monsieur Jacques Chirac vient de l'illustrer superbement dans sa réponse aux juges.

       Nous les Supplétifs de souche européenne, les serviteurs des armes de la République, exigeons l'application de l'article 1 de la constitution à notre égard, tout comme le Chef de l'Etat exige l'application de l'Article 67 de cette même constitution

Christian MIGLIACCIO
Président national de l'Union Nationale
Laïque des Anciens Supplétifs
02-07-2007


 Pour qui ?  Pourquoi ?
Ai-je quitté l'Algérie de papa. 

Roger DALGER

       L'auteur, enfant du Hamma, marié depuis cinquante ans avec une fille de Bab-El-Oued, raconte, pour que ses descendants sachent la vérité encore occultée, sa " Nostalgie du pays " en quelques anecdotes militaires et civiles. Rassemblées en quelques anecdotes écrites parfois depuis plus de trente ans. Souvenances et non repentances ; Les plages, les filles, notre quartier, notre honneur, notre pudeur, notre joie de vivre (Camus), enfin notre vie là-bas ! Puis les barbouzes et notre départ... Tout y est pour l'HISTOIRE !

       "Rapatrié " en métropole, issu d'un " Peuple naïf et sans culture " (De Gaulle), il se documente " Pour qui ? Pourquoi ? ".. " Pour aller dans le sens de l'Histoire ", il dut quitter " L'Algérie de papa "...Et il sera surpris par certaines révélations : L'abandon prévu de l'Algérie et des Pieds-noirs par De Gaulle depuis 1957, (entretien avec Louis Terrenoire), les accords secrets avec le F.L.N. (entretien de Melun : 25 juin 1960), l'organisation de sa police secrète "Les Barbouze "..

       C'est avec quelque appréhensions qu'il craint que les génération futures n'apprennent qu'en quatre lignes ce que fut " Notre vie, là-bas ! ".

       Du ministre Joxe, PS : " Le décret n° 79-1038, pris pour application de la loi 79-18 du 3/01/1979, prévoit que les archives des services de la police nationale mettant en cause la vie privée ou intéressant la sûreté de l'état, ou de la défense nationale, ne peuvent être consultées qu'après un délai de soixante ans ".

Roger Dalger           

       " Et alors, comment je fais, moi ? En 2.022, je sors de ma tombe pour dire c'est pas vrai ? Alors et voilà pourquoi j'écris la vérité vraie !

       Comme ça les gosses ils pourront dire :
       Ce que le Papi a écrit, la purée !.. Et ben,.. c'est pas des salades ! "

       Dépôt légal à la société des droits d'auteurs le 7 mars 2007


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Sur le navire " Ville d'Alger "

      Rassemblés sur la plage arrière, face à une côte encore française, les hommes gardaient leurs mains crispées sur le bastingage et mâchoires serrées regardaient s'éloigner leurs maisons, leurs cimetières, leur pays qui s'estompaient peu à peu dans la brume et qu'ils ne reverront plus.
      Puis dans une même communion, ces hommes aux regards d'acier où perlaient les étincelles de rage et l'amertume des trahisons subies, sortirent de leurs vêtements les derniers drapeaux français qu'ils avaient encore gardés, avec quelques espoirs.
      Bras tendus, les mains largement ouvertes, ils offrirent en sacrifice à la brise du large ce que la France leur fit croire pendant cent trente deux années : Les couleurs de l'espérance, de l'amour et de la liberté.
      Quelques nostalgiques entonnèrent le chant des Africains :
      " C'est nous les Africains qui revenons de loin.
      Nous venons des colonies pour défendre le pays.
      Nous avons laissé là-bas, nos parents, nos amis
      Et nous avons au coeur, une invincible ardeur
      Car nous voulons....
      Ils ne purent terminer : .... porter haut et fiers
      Le beau drapeau de notre France entière ....

      Ils s'en retournèrent rejoindre leurs familles, éparpillées dans les recoins du navire.
      Comme des papillons blessés, ces guirlandes de drapeaux, dont seul le rouge sang se laissait percevoir, voltigèrent longuement, ailes déployées avant de s'étendre, ballottées dans le sillage du navire et dans un dernier remous se laissèrent engloutir dans notre chère Méditerranée.
      Portés avec gloire et honneur sur tous les champs de batailles où la France en danger les avait appelés, ces symboles respectés jusqu'alors dans le monde entier, ne représentaient plus que le lâche abandon d'un million de français, (à part entière De Dunkerque à Tamanrasset : De Gaulle-4 juin 1958 ) et de trois départements. Alger, Oran, Constantine : Français avant Nice et la Savoie!
      Seules quelques mouettes blanches, planant silencieusement, convoyaient ces offrandes funèbres, prémices de beaucoup de misères, avant de s'éloigner à tire d'ailes en poussant par compassion quelques cris aigus de détresse.

      Nous croisâmes au large la huitième flotte américaine qui s'assurait de notre départ. Le pétrole saharien tombera rapidement dans l'escarcelle des U.S.A. (Octobre 1962).
      Quant à l'U.R.S.S, elle installera ses rampes de missiles à la base maritime de Mers-el-Kébir, forçant ainsi l'escadre française de Toulon à se réfugier rapidement, en rade du Havre et de Dunkerque.
      Avant même la déclaration de l'Indépendance de l'Algérie, le 1/11/1962, mon père, le basque de la famille, prit des congés pour nous rendre visite sur notre lieu de repli à Palavas. Malgré nos conseils, il retourna en Algérie pour, disait-il " Ne pas perdre sa retraite ". Il dût, malgré son courage, rapidement revenir nous rejoindre, car ses collègues, enlevés sur leurs lieux de travail, sous prétexte de " sabotage " disparaissaient les uns après les autres.
      Les Harkis, les Supplétifs, les Groupes d'autodéfense, qui coopéraient jusqu'alors avec l'armée française, furent désarmés, lâchement abandonnés sous les ordres de Mesmer (PS), ministre des armées, et aussitôt massacrés par le F.L.N.
      Certains, amenés clandestinement en métropole par des officiers respectueux de leurs promesses et de leur honneur, furent ramenés manu-militari en Algérie, et bien sûr, aussitôt émasculés, empalés, éventrés, égorgés. (Application du décret Joxe).
      Quelques quatre vingt dix mille rescapés furent honteusement internés, pendant sept ans dans les camps du Larzac, de Camargue (tribu du bachaga Boualem), en Lozère, à Rivesaltes (P.0), et à Saint-Maurice-l'ardoise (Gard). Spoliés, trahis, humiliés, ils devaient présenter au lever du jour, au " Garde à vous ", " Les honneurs au drapeau français ! "
      Puis le F.L.N emprisonna son président Ben Bella et assassina les prétendants :
      Krim Belkacem, Abane Ramdane, Mohamed Kidder, Ben Kedah, Boudiaf...et massacra prés de 150.000 Harkis.
      Le F.I.S. prît la relève assassina autant de paisibles villageois. (1965 à 1991).
      On comprendra cependant aisément pourquoi le ministre Joxe interdit la consultation des archives sur la guerre d'Algérie pour une durée de 60 ans !
      Décret n° 79-1038 de la loi 79-18 du 3 janvier 1979.

LES FRANÇAIS NE DOIVENT PAS SAVOIR !

Roger Dalger   

Lève-toi et marche...          
             ou crève!

Alain Bellemare
Les aventures d'un Pied-Noir en Algérie


Préface

       J'ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s'exerce aveuglément dans les rues d'Alger par exemple, et qui peut un jour frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice.

Albert Camus, Algérie 1958

       Avoir 18 ans à Bône! Quel rêve! Hier Bône la coquette, aujourd'hui Annaba. C'est le paradis, non? Tous les guides touristiques le disent. Peut-être, mais pas dans l'Algérie de la fin des années 1950. Et pas pour un jeune Pied-Noir. Encore moins pour un Pied-Noir d'origine sicilienne né dans le quartier arabe, alimenté au sein arabe, basané comme ses frères musulmans, citoyens de seconde zone comme eux parce que fils d'ouvrier. Les circonstances le pousseront néanmoins dans la Légion étrangère et à devenir plus tard chef de patrouille dans l'Unité territoriale de son quartier.

       Puis à l'aube d'un certain jour, épuisé, alors qu'il rêve de rentrer chez lui pour retrouver les siens, rêve qu'il fit souvent au cours de la guerre, sa femme, sa mère et son père, toute sa famille comme des milliers d'autres est forcée de quitter le pays, humiliée et bafouée. Bienvenue dans l'histoire de Pino. Bienvenue en Algérie française. Si vous n'êtes pas Pied-Noir, bien sûr…


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A la Cathédrale

      La Cathédrale était remplie à pleine capacité. Les membres des Dames videuses de tabernacles servaient d'ouvreuses. Elles plaçaient les fidèles qui obéissaient avec patience à leurs commandements… Mais pas tous les dix à la fois! On a dû refouler des fidèles à la porte. Ils étaient parqués à l'extérieur. On ne s'en occuperait guère avant leur mort : le baptême, la première, la dernière communion et le mariage avaient déjà été bâclés une fois pour toutes. Les cercueils roulants étaient garés en triple file dans l'allée centrale. Tante Annie pleurait comme une folle… Elle faisait une crise de nerfs devant un immense Jésus cloué sur sa croix. Celui-ci semblait enchanté d'avoir été invité à la cérémonie…
      - Pourquoi m'avez-vous pris mon fils bien-aimé?…
      Jésus semblait un peu embarrassé par sa question… Je dois dire que je l'étais un peu, moi aussi…. Toute l'église nous regardait! J'ai tenté de calmer ma tante et d'enrayer ses pleurs à l'aide d'un mouchoir et de Titine…
      - On croyait en vous et vous nous abandonnez maintenant! osait se plaindre ma tante endeuillée.

      La statue agitait la tête avec difficulté. La couronne labourait toujours sa tête ravagée par des épines acérées :
      - Qui va s'occuper de nous… Maintenant qu'il est mort? Pourquoi l'avez-vous laissé crever comme un chien?

      - Qu'est-ce que je fous ici… semblait répondre Jésus à ma vieille tante… Pourquoi ne me laissez-vous pas en paix sur ma croix?…
      Une folle envie de foutre le camp l'avait saisi. Mais il avait promis à son Père, celui qui menait le Grand Jeu…

      Moi, qui étais païen depuis l'adolescence, je me demandais quel acteur ils avaient pris pour tenir le rôle de Jésus… Celui-là était très bon. C'était très réaliste comme mise en scène. Finement ciselé! Il fallait le garder, ce type… Absolument! Il s'en était fallu de peu pour que je me mette à applaudir à tout rompre… Mais comme c'était des funérailles, je me suis retenu. Je voulais pas déranger mes tantes et leur faire manquer le spectacle liturgique…

Alain Bellemare   

LES MOTS ECRASÉS
                                    Par R. HABBACHI                            N°5

Les, qu’y sont couchés
1- Attend un peu oh ! -. Avec ça, c'est sûr que tu vas z'aller droit.
2- Lui, y va avec le groupe-. Avant, c'était une Patosie foncée.
3- Y te coule direct de source-. Ph. C'est une ville des hauts plateaux de chez nous z'aut', là-bas.
4- C'est tous des cochons-. Au début, au miyeu et à la fin d'une sandale.
5- Si que tu tombes dessur, mieur tu le donnes à ton chien-. Ça, c'est pas à toi-. Comme ça y commence ça qu'on appelle un molosse.
6- Blanche, noire, jaune ou rouge mais sans la fin-. Des z'habutudes comme on dit à chez nous z'aut'.
7- Mette de côté et pour toujours.
8- Y te vient tout droit du 09.
9- Avec ça, t'y as en même temps une bonne liaison et une belle alliance-. C'est un prince qu'il est plusse que vieux.
10- Les paris y le sont pas toujours-. Met lui un A au miyeu et t'y as plus rien.

             Les, qu’y sont debout

             I- Une région spagnole qu'elle a venu à Paris pour te parler des z'oeils d'Elsa-. Si que tu sais qui il est, à de bon tu sais qui c'est qu'y dit du mal de tout l'monde.
             II- C'est plusse qu'un fourbi-. Tu te prends le III et tu recommences.
             III- C'est un allemand, mais c'est qu'à même un Monsieur-. Tu dis ça à un bourricot et il avance, mais va pas le dire à un âne du Poitou, y comprendrait rien.
             IV- Pesque toujours à la fin d'une lette-. Elle est toute maigleuse.
             V- C'est un prénom qu'y trompe.
             VI- Un technicien qu'il est très fort-. Sans ces deux lettes-là, tu pourras jamais faire l'ingénieur.
             VII- Plusse que souhaitées.
             VIII- Tu le dis toujours quan c'est que j'te cois pas-. Y s'portait des jupons à ça qu'y paraît.
             IX- Y fait surtout la blanchisserie.
             X- Des fois y sont nuls même si qu'on les z'a dessur le dos-. Parole, y sont pas z'à moi.


Solution des Mots Ecrasés N° 4

Les, qu’y sont couchés
1-Bons à rien surtout quan y sont vieux et encore plusse quan y sont vrais.
2-Nous z'aut' on l'a connue au ciléma et son p'tit nom c'était Nadine. - Un, ça va, mais beaucoup, c'est lourd à porter.
3-C'est bon à manger mais quan c'est vieux, ça vient casse bonbons et en plusse c'est endigeste. - Y brille en dessur les schkolls carrés par en bas et pointus par en haut.
4-Bougé. - Distribué par çui-là là qu'à taleur, y brillait.
5-Quan elles me viennent, diocamadone, j'ai la larme aux oeils.
6-Y z'ont des plumes qu'elles donnent chaud. - C'est Hubert Bonisseur 117.
7- C'est là qu'y se lève avant de briller. - Tu peux aussi dire en plusse.
8- Artique mâle. - A nous z'aut' y sont, ça c'est !
9- On peut se mouiller avec et aussi la boire. - On se mouille dedans mais elle est pas z'à boire. - Et dire que, y en a qu'y s'le parle à Montpellier.
10- Quan y sait, le passé simple. - Un Crack qu'y se bat toutes les dames. - Un argentin qu'il a porté le béret baxe avec un étoile dessur.

             Les, qu’y sont debout

             I- Les instruments à Bagur.
             II- Le 9 couché, c'est le même.
             III- Un drôle de numéro qu'en plusse, des fois il est rapporteur. - Note qu'elle est vieille la pauv'.
             IV-J.P y s'le travaillait à joanonville. - J'te jure, c'est à moi.
             V- Un chien mort que jamais il aboie. - C'est aussi à moi.
             VI- Le patos y s'les z'appelle comme ça mais ça sent qu'à même le choléra. - Y sont venus nous rejoindre.
             VII- C'est le premier en Patosie. - Le bleu, il en sort des fois avec des sardines.
             VIII- Quan l'anglais y les z'a, c'est qu'il a pris racines.
             IX- Purée de leur race affoguée quan y mordent, y t'arrache le bras et tu cois à de bon que c'est du gros mais macache, il sont tout p'tits et comme on dit nous z'aut', y mangent et y payent pas. - Ça, c'est le patos qu'y le dit, nous z'aut on dit ah ouah ! ou alors zek ! ça dépend.
             X- C'est juste après neuf mois que ça se passe, mais pas toujours.


NAISSANCES
Bienvenue à nos Jeunes Pieds-Noirs
La Seybouse souhaite bonheur et longue vie à ces nouveaux-nés et présente ses chaleureuses félicitations aux Parents et Grands-parents.


Naissance de Melle Lisa LAURANS

Chers(es) amis (es),

Monsieur et Madame Zammit Jean, ont le plaisir et la joie de vous annoncer la naissance de leur arrière-petite-fille
Lisa Laurans, née le 20 Juin 2007.


       Amitiés.
                            Monsieur et Madame Zammit Jean




MESSAGES
S.V.P., lorsqu'une réponse aux messages ci dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,
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sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura

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De M. Roger et Ginette CORTESE

Bonjour
Roger CORTESE, commissaire de district SCOUT DE FRANCE de l'Est algérien, recherche tous les anciens chefs, cheftaines et scouts du département.
Le contacter à l'adresse ci-dessous
Merci de ce que vous pourrez faire pour lui.
Cordialement
Roger et Ginette CORTESE
Mon adresse : Roger et Ginette CORTESE

De Mme DROUHIN Evelyne

je recherche mon amie d'enfance - Evelyne DEBONO de Bône -
Son père vendait des meubles et sommiers - elle habitait rue du 14 juillet - son nom d'épouse est DIGIOVANNI -
Merci
Mon adresse :

DIVERS LIENS VERS LES SITES

M. Robert Antoine et son site de STAOUELI vous annoncent la mise à jour du site.
Son adresse: http://www.piednoir.net/staoueli
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Staouélien

M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site.
Son adresse: http://www.piednoir.net/guelma
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Guelmois

Bonjour à tous,
Vous êtes nombreux à administrer des sites internet, et afin de propager l'information le plus rapidement possible, dans le monde entier, qui concerne aussi notre Peuple et notre Communauté, il serait bien de réaliser des liens de vos sites vers

http://www.radiorpni.com

et http://www.television-pieds-noirs.com
Comme vous le savez radiorpni à mis en place de nombreux liens en votre faveur, depuis de nombreuses années. Mais malgré mes demandes mes liens n'apparaissent pas dans certains sites et non des moindres.
Il serait opportun de faire de même depuis vos sites vers les nôtres, c'est pour cela que je vous joint nos deux bannières en jpeg, qu'il sera facile pour vous de mettre en place et d'activer. Naturellement, comme vous vous en doutez, je visite souvent vos sites, il va de soit que si je m'aperçois que ma demande de réciprocité n'ai pas appliquée, je me ferais un plaisir de déactiver les liens de vos sites et d' en supprimer les indicatifs.
Pour information, mes deux sites sont visités par 250 Internautes et malgré quelques petits ennuis avec la diffusion de la radio, tout est rentré dans l'ordre.
Quand au projet de www.television-pieds-noirs.com je continue mon travail d'expérimentation. Je possède déjà un serveur dédié pour faire transiter le flux audiovisuel en 100 mégats/bits pour diffuser des extrais de vidéos Pieds-Noirs et d'informations télévisés avec une bonne qualité d'image.

En espérant que vous avez pris bonne note de ma demande de réciprocité.
Dans l'attente de vous lire favorablement.
Amicalement.
Jean Pierre ERNST



Bonjour
Je vous signale un nouveau site que je viens de créer sur l'Algérie
Son adresse: http://www.tenes.info
Je vous invite à y faire ub tour.
Mansion Daniel

Chers Amis,
Je vous rappelle ou vous informe de la mise en ligne de notre site internet depuis le début février 2007.
Si vous désirez recevoir les mises à jour du site, faites enregistrer votre adresse dans le carnet de l'Amicale des Anciens Elèves des Ecoles d'Agriculture (AAEEAA).
Vous trouverez ses coordonnées ci-après. Je vous souhaite une bonne visite et je suis attentif à vos commentaires.
Bien cordialement.
Webmaster Marcel Simonet-Doràn. Adresse : ecolagrial@hotmail.fr
Adresse du site : http://www.ecoles-agriculture-algerie.org

cliquez ICI pour d'autres messages.

Sourire
Envoyé par Suzy

Il fait ce qu'il peut le pharmacien, et ce n'est certainement pas toujours facile pour lui!!
Surtout avec ce genre de questions ...
Pharmaceutiquement vôtre

   Donnez-moi quelque chose, mon nerf asiatique me fait mal et je ne tiens plus debout.

   Surtout marquez-moi bien la posologie sur la boîte, car je ne sais pas lire.

   Mon mari prend une quantité gastronomique de médicaments.

   Vous verrez Madame, un jour on se réveillera mort dans notre lit.

   Je n'ai pas pris ma carte végétale.

   J'ai un ongle de pied incarcéré.

   Il fait chaud dans votre pharmacie, on se croirait dans un zona.

   La pharmacienne: « A quelle caisse êtes-vous Madame ? ». La cliente : « A la caisse d'épargne ! »

   Depuis que l'ai la préménopause, j'ai des mensualités tous les deux mois.

   Mon fils est tombé de mobylette. Il a le bras pleins d'esquimaux.

   Je veux un remède de cheval, pour aller à la selle.

   Mon cousin a eu un accident de voiture en allant à l'horoscope de Poitiers.

   Mon cardiologue va me faire in pince main cœur.

   J'ai failli faire une conclusion intestinale.

   On va me faire une césarienne, le bébé ne passe pas par voie orale.

   On m'a fait une hyposuccion.

   Le client : « Donnez-moi des médicaments pour… euh… l'Eisenhower de ma femme. » Le pharmacien : «Attention, ça commence comme ça ! ».

   On m'a fait passer un ULM.

   Je vais bientôt passer une colomboscopie.

   Je vais me faire opérer d'un Christ aux yeux verts.

   A l'hôpital, ils m'ont fait un ketchup complet.

   Mon mari sera prochainement opéré d'une hernie fiscale.

   Je vous jure, mon médecin m'a parlé de douleurs interpostales !

   J'ai mal dans le bas du dos. Je crois que j'ai attrapé un bungalow.

   Mon mari a eu un problème respiratoire à l'anesthésie, on a du l'entuber.

   Je voudrais un hémophile indien.

   Avez-vous le médicament de la pub télé : AOL 9.0 qui bloque les virus.

   La cliente : « De l'aspirine, sil vous plait ? »
   Le pharmacien : « Effervescent ou pas ? ».
   La cliente répond : « Euh… Toupas ! ».

   n m'a dit que vous aviez de la pommade à l'harmonica.

   Je voudrais une paire de bas de contusion.

   Avez-vous la pilule du surlendemain ?

   On en parle beaucoup de la grippe à vierge.

   J'ai vu ma gynécologue, elle ma fait un « tutti-frutti ». Elle a rien trouvé.

   Mon fils a des hémorroïdes. - Internes ou externes ? - Euh… demi-pensionnaire !         



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