N° 215
Avril

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Avril 2021
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO
Quand les Elus…
Quand les Elus de l'état fument la moquette,
Le peuple ramasse les mégots.

        Le virus les rend fous et leur pouvoir les rend complétement siphonnés, malheureusement, ce n'est pas un poisson d'avril car depuis plus d'un an que cela dure et ça devient une baleine d'avril.
        Ne nous étonnons pas de voir ces élus se battre pour avoir le poisson d'or du Corona.

        Après les couacs sur les masques, sur les confinements, sur les vaccins, sur la gestion des hôpitaux avec des interventions annulées ou reportées par des ARS incompétentes et inutiles, nous voilà maintenant avec des ordres, des contre-ordres et des rétropédalages hasardeux sur les attestations tout aussi inutiles sauf à faire rentrer du pognon et à utiliser les forces de police là où elles ne risquent rien (en vue de les calmer contre le gouvernement), mais en attendant les frustrations du peuple sont devenues de véritables maladies.
        Les forces de l'ordre seraient-elles aussi " calmées et cajolées " pour s'en servir contre le peuple lorsque la révolution sera bien enclenchée comme l'a fait le " gooolisme " un 26 mars 1962 à Alger avec des centaines de victimes tuées ou blessées par des balles françaises auxquels nous rendons hommage dans ce numéro.

        Les causes de stress sont nombreuses dans cette période compliquée de " pandémie " sur laquelle on est en droit de se poser beaucoup de questions. Toutes nos pensées doivent être pour la famille, les proches, les amis, avec une bonne santé, prenez soin aussi de vous malgré les confinements.

        Cette crise " sanitaire ", avec une économie " en panne ", peut être assimilée à une guerre et doit faire entrer les peuples dans une grande réflexion pour le futur et s'en souvenir quand viendra le temps des élections afin d'en faire payer le prix aux fous par qui tout est arrivé.

        Tout est possible à celui qui rêve, ose, travaille, se réveille et ne perd pas l'espoir.
        Avec le printemps, j'espère que la renaissance de la nature, l'explosion de la vie printanière, le retour des jours meilleurs, des paysages fleuris, le doux tintement des cloches, c'est la saison du bonheur pour les gourmets en tout genre. Je vous souhaite à tous beaucoup de petits et grands bonheurs pour ce mois à venir !

        Ne jetez plus vos moquettes, gardez-les pour qui de droit !!!

        Amicalement et sincèrement.
Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
         A tchao.


LES ACCORDS "DEVIANTS"
De Hugues Jolivet


       Anniversaire, ce jour, d'un palliatif d'Accords
       Censés clore un conflit, sous les meilleurs auspices
       Entre les deux parties, en plantant le décor
       D'un scénario parfait respectant la justice !

       Le texte des Accords est le stéréotype
       D'un contrat équitable passé devant notaire.
       Rédigé par la France, il défend le principe
       Des droits et des devoirs des branches signataires.

       Trois membres éminents de la Mission Française,
       Apposent paraphes et seing, cosignent leurs engagements.
       L'Algérie tergiverse, se retire, elle biaise,
       Belkacem, FLN, signe seul le document,

       Un visa sans valeur, non gouvernemental !
       Le Pouvoir Algérien n'a donc aucun devoir
       A l'égard de l'Etat qui lui remet le Graal
       Qu'il ne souhaiter partager avec aucun Pied Noir !

       Il provoque leur exil : "Valise ou le cercueil" !
       La purification, les massacres d'Oran,
       Les tueries de Harkis et tant d'autres écueils.
       Un Pouvoir corrompu, ses membres des tyrans !

       De Gaulle organise l'autodétermination,
       Appuyant sa campagne sur "les Accords d'Evian".
       Il trompe l'électorat. Coupable d'indignation,
       Calque sa politique sur des "Accords Déviants" !
Hugues Jolivet         
Le 18 mars 2021          


ALGER 26 MARS 1962
- LE PIÈGE MACHIAVÉLIQUE -
Jean-Paul Ruiz
Envoyé Par Mme A. Bouhier

          Quartier attaqué par des avions en piqué,
          Appartements dévastés par des tirs de grenades
          Et d'armes lourdes, de pauvres gens paniqués,
          C'est bien pire que s'ils avaient subi une tornade.

          Depuis trois jours, le quartier de Bab-el-Oued
          Fait l'objet d'un blocus car il est assiégé
          Par les forces de l'ordre et n'obtient aucune aide.
          En manque crucial de vivres, les familles sont piégées.

          Par solidarité, de nombreux Algérois
          Veulent se rendre dans ce quartier pour y apporter
          Leur cordial soutien à ce peuple en désarroi
          Qui doit être secouru et bien réconforté.

          Une manifestation est donc organisée.
          Mais les Algérois ignorent qu'un horrible traquenard
          A été ourdi par le monstre de l'Élysée
          Qui veut anéantir ces "pieds-noirs braillards".

          Une foule pacifique, brandissant des drapeaux,
          Portant des paniers de vivres et médicaments,
          Est bloquée rue d'Isly et tombe dans le panneau.
          Elle va être victime du pire des châtiments.

          Posté devant Havas, sans aucune sommation,
          Un tirailleur ouvre le feu sans qu'au préalable
          Il y ait eu menace ou vocifération.
          C'est le point de départ d'une tuerie effroyable.

          Pendant près d'un quart d'heure, les fusils mitrailleurs
          Des tirailleurs musulmans, sans discontinuer,
          Vont assassiner, avec un sadisme rageur,
          Des civils innocents, touchés de plein fouet.

          Hommes, femmes, enfants, vieillards, s'écroulent sur le pavé.
          Vidant chargeur sur chargeur, ces soldats sanguinaires
          Sont de vrais barbares : des blessés sont achevés.
          Ils tirent à bout portant, ces monstrueux sicaires.

          Cette tuerie préméditée, c'est de l'abattage.
          Plus de deux-cents blessés et quatre-vingt-deux morts.
          Le premier responsable de cet infâme carnage
          Est l'immonde De Gaulle qui n'a pas le moindre remords.

          A la hâte, par camions, les cadavres sont enlevés.
          Les familles ne peuvent pas récupérer les corps.
          On veut cacher que les blessés ont été achevés.
          Les cercueils sont enterrés en un temps record.

          Jusqu'à aujourd'hui, cet authentique crime d'Etat
          N'a pas été reconnu par les gouvernements
          Qui se sont succédés après la Grande Zorah.
          C'est une chape de plomb qui empêche tout jugement.

          Elle n'est pas intervenue, la justice humaine.
          Je suis certain que là-haut, la Justice divine
          A sévèrement jugé tous ceux qui, avec haine,
          Ont fait triompher leurs convictions assassines.

          Photo envoyée par Mme Léonelli Les principaux responsables de ce crime d'Etat :
          En premier lieu : Charles De Gaulle, président de la R.F.
          Ses complices à Paris : Michel Debré, premier ministre,
          Roger Frey, ministre de l'Intérieur, Pierre Messmer,
          Ministre de la Défense.
          Ses complices à Alger : Christian Fouchet, haut-commissaire
          de la République, Vitalis Cros, préfet de police de la place d'Alger,
          les généraux Ailleret et De Menditte.

Jean-Paul Ruiz          
A nos martyrs, n'oublions jamais !                     24/03/2015

Photo envoyée par Mme Léonelli



26 mars 1962, rue d'Isly,
le crime gaulliste !

Envoyé par M. H. Jolivet
Discours de M. Robert Ménard,
Maire de Béziers le 26 mars 2021.


           Madame, Monsieur,
           Mes amis, mes chers amis,

           Elle a changé de nom. Elle a disparu. La rue d'Isly n'existe plus, rayée de la carte.

           Et avec elle, le passé a été jeté dans un puits sans fond, la tête la première.

           C'est que son ancien nom interpelle encore. Les anciens, nos anciens mais pas seulement eux. C'est que la rue d'Isly est inscrite en lettres de sang dans le livre de l'histoire de france, une histoire parfois passée sous silence, censurée, interdite.

           Aussi, je vous propose d'ouvrir, une fois encore, ce livre cruel et de nous arrêter à la page du 26 mars 1962.

           Ce jour-là, dans une Algérie encore française pour quelques mois, des milliers de Pieds-Noirs excédés, bouleversés par leur abandon programmé, manifestent dans cette rue algéroise. Ils n'en peuvent plus du mépris du gouvernement. Ils n'en peuvent plus de la lâcheté de leurs dirigeants, des renoncements, des trahisons...

           Ils crient, ils s'interpellent, ils chantent, ils gueulent. Mais ils ne sont pas armés. Il y a de nombreuses femmes, des adolescents, des enfants qui accompagnent leurs pères, leurs frères, leurs maris. Une foule qui dit sa révolte, son dégoût devant la terrible décision de Paris : l'Algérie, cette belle Algérie qu'ils ont construite de leurs mains, qu'ils ont irriguée, qu'ils ont nourrie, le pays qu'ils ont créé, en en faisant la petite sœur de leur patrie, cette Algérie va être livrée aux tortionnaires du FLN !

           Comment ne pas comprendre cette foule de français en colère, cette foule désespérée, cette foule prise à la gorge ?

           En face, il y a l'état, l'état parisien, l'état aveugle, l'état froid, l'état sans âme, représenté par un barrage de mitrailleuses. Mais qui peut penser un instant que nos soldats vont tirer sur leurs compatriotes ? Ce n'est pas possible ! Les familles algéroises ne l'imaginent même pas ! Ne peuvent pas le concevoir !

           On est entre français, entre nous !

           Et pourtant ! Et pourtant… un grand, un sourd crépitement pulvérise les premiers visages, explose les mains, les jambes, les yeux. Une mère tombe, un grand-père est fauché, le corps d'une gamine éclate contre un mur. Les soldats français ont tiré sur les civils français ! C'est la panique, la panique totale !

           Je vous le dis aujourd'hui et j'en ai honte : ce 26 mars 1962, rue d'Isly, la france s'est déshonorée. 80 morts. 200 blessés. Des gens simples, des sans-grade, des innocents. Un massacre, un massacre inoubliable, inexcusable.

           A Béziers, dans notre ville où tant de pieds noirs ont trouvé refuge, nous n'oublions pas, nous n'oublierons pas ce jour terrible. Parce que c'est notre devoir. Parce que nous le leur devons. Parce que les morts ne meurent vraiment que lorsqu'on les oublie.

           Alors, cette année encore, je prends l'engagement de nous retrouver, l'an prochain, ici même, pour dire notre peine, notre douleur, pour dire notre compassion aux familles meurtries, pour dire notre révolte, pour dire que la rue d'Isly est dans nos mémoires et qu'elle y restera, à jamais.

           Rue d'Isly, des hommes, des femmes, des enfants ont été fauchés, blessés, tués pour avoir simplement dit leur peur de perdre leurs racines, leur pays et, avec lui, une partie de leur histoire. Avec vous, je les pleure aujourd'hui. Ils étaient des nôtres.

Robert Ménard           


Nutritionnisme textuel
Envoyé par Marie Laure
Petite citation avec " Fruits et légumes "

 
           Avant d'être réduit en Fruits ou en Légumes, comme je ne suis pas bête comme Chou avec un Pois Chiche dans la tête, j'ai décidé de vous raconter des Salades et de ramener ma Fraise.

            Alors pour se fendre la Pêche et vous donner la Patate, je vais appuyer sur le Champignon avant de manger les Pissenlits par la Racine.

            Aujourd'hui un Virus nous oblige à faire le Poireau chez nous, afin de nous éviter de prendre une Châtaigne avec ses effets qui pourraient nous transformer en Asperge.

            Comme je suis une bonne Poire, je fais comme tout le monde et pour éviter de prendre une Prune, je reste en confinement.

            Même si ce n'est pas la fin des Haricots, en regardant tous les jours des Navets à la télévision, je ne vois pas pourquoi des espèces de Cornichons qui ont du Blé, vont décider de nous mettre en rang d'Oignons.

            Avant de ne plus avoir un Radis et de retrouver un monde sans Oseille, je pense qu'il ne faut pas se prendre le Chou et que le Covid 19 n'est pas la fin des Haricots, surtout avec toutes les gros Légumes qui décident pour nous...

            Ces politiciens nous disent que pour les anciens, les Carottes sont cuites, et que si nous bougeons hors de chez nous, le panier à Salade viendra nous récupérer car on n'applique pas leurs règles à la Noix.

            Alors avant de nous faire tomber dans les Pommes ou de nous réduire en vieilles Patates, moi qui n'ai pas un cœur d'Artichaut, qui a toujours écrit dans ma feuille de Chou, je demande aujourd'hui de couper la Poire en deux.

            Donc stop à l'isolement, retrouvons la Banane en sortant, car il faut bien mettre du beurre dans les Épinards, car notre vie ne va bientôt plus valoir une Cacahuète... si nous continuons ...

Auteur inconnu, dommage



UNE VISITE IMPROMPTUE
ECHO D'ORANIE - N°292
En latin d'Afrique...
Une nouvelle chronique de Gilbert ESPINAL

               Angustias, elle est arrivée chez la grand-mère, le cœur au bord des lèvres, les jambes flagadas, le teint d'un suaire, les bras qui l'y en tombaient, les cheveux z'hérissés, les z'yeux z'exorbités, et les doigts qui s'agitaient comme si elle allait crocheter une serrure.
               - Mais qu'est ce que t'y as ? Elles ont crié ensemble la grand-mère et la Golondrina.
               - Est-ce que tu veux que j'aille chercher le curé ? Compléta la grand-mère, à qui vienne te donner l'estrême ponction ? Avec tous les péchés que t'y a commis dans ta vie, y te faudra au moins ça, en plus d'une confession complète, pour que t'y entre au Paradis, par la petite porte...
               Angustias, elle trouvait pas sa langue pour proférer ses mots ; elle soufflait comme un phoque, elle s'appesantissait comme si elle pesait un quintal (qu'elle doit pas en êt' loin).
               - Aye ! Fit-elle dans une envolée brûlante, vot' salope de concierge, encore elle m'a laissé monter les escaliers à pieds ! Mais vous avez changé d'étage ou quoi ? J'ai l'impression que vous êtes plus z'hautes !
               - Nous z'aut' non ! On habite toujours au cinquième, répliqua la Golondrina. Pourquoi tu veux qu'on change de lieu de résidence ? Ici, on est près des oiseaux, et y'a des fois que le soleil, y nous rappelle çui-là d'Algérie.

               - Tu nous as foutu un sousto (1)! S'exclama la grand-mère : j'ai cru que tu allais rendre l'âme chez nous ; avec les frais que ça engendrerait de ramener le corps chez toi, au prix qu'elles sont les ambulances z'et les corbillards de t'acheter un bouquet, pour pas te laisser partir comme un chien et peut être de te revêtir d'une de mes vieilles robes noires, afin que tu restes pas dans celle là que tu portes, qu'on dirait une frita (2) des couleurs que y'a dedans ; te met' un chapelet entre les doigts; moi j'en ai qu'un seul, çui là de ma première communion, que ma grand-mère, à l'époque, elle me l'avait fait cadeau en me disant: "j'espère que tu en feras bon usage, que salaupiotte comme t'y es, ça m'étonnerait beaucoup !"; et depuis, tous les jours que le Bon Dieu y fait, je m'applique à faire des dizaines et des dizaines d'ave maria : quand je mourrais le Seigneur y va têt' obligé d'ouvrir en grand le Grand Portail du Paradis, pour me laisser rentrer ; les gens de mon entourage, y disent que je suis, déjà, en odeur de sainteté.
               - Ca je me disais moi, en arrivant chez vous à demi-morte : ça sent le Livarot, et les sardines en escabètche, que vous auriez fait revenir avec de l'ail et de l'oignon pour votre déjeuner !
               - Bamba ! fulmina la grand-mère, avec tes allures de revenante, les sangs tu nous as fait bouillir ! Tout ça pour nous dire, qu'une fois encore, madame Mafigue, (qu'elle est algéroise), elle t'a refusé l'accès de la censeur à toi (que t'y es Oranaise). Com' t'y a fait pour te ménager cette entrée théâtrale ? Qu'on aurait dit à la fois que t'y étais Sarah Bernhardt et Joséphine Baker : y te manquait plus que les bananes !
               - Main'man, intervint la Golondrina pour paraître cultivée, Sarah Bernhardt elle portait pas des bananes !
               - Toi, hurla la grand-mère, partout y faut que tu mettes ton grain de sel !

               - Je pensais pas à vot' concierge, gémit Angustias, quand je suis arrivée chez vous y'a cinq minutes !
               - A quoi tu pensais alors ?
               - A que vot' petite fille, Tonina, la fille de votre fi', Isabelica, elle a cassé ses fiançailles avec le policier !
               - Qu'est ce que tu nous dégoises là ? brailla la Golondrina. - Le pur Evangile !
               - Comment ça, fulmina la grand-mère, qu'avec lui nous avons fêté les fiançailles et tout' de sa fami' qu'on aurait dit qu'y venaient de descendre de la roulotte de distingués qu'y z'étaient et lui qui nous avait fait cette déclaration lyrique, à la mode d'aujourd'hui en s'exclamant : "Cette meuf', y faut que je me l'enchaîne !..."
               - Grave ! ponctua la Golondrina. Et pourquoi elle a cassé Tonina ?
               - Elle a pas fait que casser, répondit Angustias : elle a fracassé ! Pos qu'elle l'a vu qu'il était en train de rouiller sur la dalle, devant les HLM ou y z'habitent vot' fi' et vot' gend' ; elle est restée un moment sans prêter attention, et tout d'un coup, elle a vu le policier qui fricotait adossé à un arb' avec une vilaine qu'elle avait les deux yeux qui se croisent les bras, la jupe relevée et les bas qui lui tombaient sur les mollets; il était en train de lui rouler un de ces patins que, s'il avait eu la paire, Candeloro, il aurait enfin gagné le championnat ! Aye ! Comme elle s'est mise vot' petite fi' ! Elle est descendue sur l'esplanade, elle l'a traité le gars de tous les noms, elle l'y a foutu une baf', elle s'est accrochée à lui comme un python, elle l'y a arraché une partie de la chevelure (déjà qu'il en avait pas beau-coup) et tout juste s'il est arrivé à sauver ses avantages...

               - Ne dis pas un mot de plus ! s'étouffa la grand-mère, que d'ici je vois la scène ! Aye ! Tonina, si brave qu'elle est ! Toujours je lui disais : "fais entention, avec ton policier de fiancé, que quand y te regarde il a un oeil de braise ; je suis sûre que c'est un corrrenton (3) ! Tu sais, les z'hom' y te tombent dessus au moment où tu t'y attends le moins et, après, c'est toi que tu te débrouilles seule avec le polichinelle !", et elle me répondait ma petite fille : "aouela, main'nant c'est pas comme avant ! Moi je viens de m'inscrire à l'association "Ni putes Ni soumises", et même si, à moi seule, y réserve pas son oeil de braise, soumise je cesse d'être, et on verra bien qui rira le dernier !"
               - Grand-mère, intervint Angustias, c'est pour ça que je suis venue, pasque Tonina elle est en train de rire avec un grand brun (très brun, je crois même) qu'il a la poitrine comme une enclume, et un cou de taureau. Bigoté mon mari qui revenait du bureau, y les as vu tous les deux appuyés sur l'arbre que son fiancé il avait utilisé, en train de se faire des mamours, elle immobile, les yeux révulsés, et lui mobile.
               - Qui c'était ce grand brun ? interrogea la grand-mère; c'était çui là avec lequel elle sortait avant le policier ? Abdelkader ? - Cui là c'était, convint Angustias.
               - Aye ! fit la grand-mère dans un grand soupir, tu me quittes un poids de dessus le cœur ; si c'est Abdelkader, c'est moindre mal, ça sortira pas de l'ordinaire: c'était son professeur de culture physique ; sa fami' aussi elle vient de là bas : elle est d'Aïn-Témouchent, y devait l'y apprend' la respiration artificielle !
               - Pos, y z'en faisait tous les deux de la culture physique ! de ça Bigoté y peut se porter témoin.
               - Toujours Bigoté y l'a l'œil qui traîne, grinça la grand-mère ; il est comme toi : à vous deux, avec cette langue qu'on dirait une hache que vous avez, vous pourriez démolir Santa-Cruz en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire !
               - Bigoté, y dit jamais de mal de personne, répliqua Angustias ; toute la journée il est au bureau !
               - Et qu'est-ce qui fait ton mari au bureau ? Il était pas chômeur ?

               - II l'était! Mais main'nant, il est chargé par son patron de contrôler les employés. Tous les matins, avant qu'y rentrent, y leur donne la clé de leur bureau, au fur et à mesure qui z'arrivent ; quand la clé elle reste au tableau d'accrochage à l'heure précise, ça veut dire qu'y sont pas encore arrivés, et Bigoté, avec délicatesse, y le signale au patron : il est assermenté !
               - Baya de métier de cahouette (4) qu'y fait ton mari ! ricana la grand-mère : déjà quand il était petit c'était le tchoupon (5) de la maîtresse ! Il en a fait sa carrière !
               - Le soir aussi y reçoit les clés à l'heure de la fermeture, comme ça y peut vérifier si y partent à l'heure les employés. - Et après qu'est ce qui fait ?
               - Y va au bar, pasqu'y fait partie d'une chorale.
               - Et cette chorale com' elle s'appelle ?
               - "Les Grands Chanteurs à la Gueule de bois"
               - Et qu'est qui chantent ?
               - II a une voix esplendide ! Y chante en solo des grands airs d'avant guerre !
               - Quoi par exemple ?
               - "C'est à boire, à boire, à boire, c'est à boire qu'il nous faut ! oh ! oh ! oh ! oh !"
               - Ce succès là il est pas d'avant guerre, sauta la grand-mère, que mon père y le chantait déjà en 14 !
               - Aussi y chante "Boire un petit coup c'est agréable, boire un petit coup c'est doux, mais il ne faut pas rouler dessous la table, boire un petit coup c'est agréable, boire un petit coup c'est doux !" et tous ces copains y reprennent en cœur.
               - Baya de soiffards ! laissa tomber la grand-mère
               - Dans leur répertoire y z'ont aussi "Prosper, youp la boum!". C'est Bigoté qui fait le "boum" avec une telle voix d'estentor, que toutes les femmes elles sont folles de lui, elles attendent le "boum!" avec tant d'impatience qu'on dirait qu'elles z'ont le feu ou je pense ! L'aut' jour, j'en ai surprise une au "boum", que d'extase, elle était tombée à genoux devant lui dans l'attitude de Monica Lewinski ; elle était comme électrisée, accrochée aux boutons ; je voyais le moment où y fallait que j'appelle les pompiers ! Elle répétait cette salope : "Avec le boum qu'il fait comment y doit avoir le Crac Boum Hue !"
               - Et qu'est-ce que tu lui as fait, toi, à la bonne femme ?
               - Moi, je l'y ai dit "Y faut pas exagérer, c'est pas tellement différent des z'aut !"

               - Et tu as pu le sauver lui ?...
               -... De justesse que bonatchon (6) comme il est, pos, y se laissait faire ! Je l'y ai poussé un cri strident "putrate !!!" dans l'oreille à la bonne femme, qu'à la fin elle a lâché prise...
               - Je savais pas dit la grand-mère que Bigoté il avait une voix si attachante. Mais tu devrais faire entention pasque si la bonne femme que tu dis, un jour que t't es pas là, elle sait le saisir au bon endroit et au bon moment, là vous restez, elle avec la bouche pleine, et toi sans rien à te met' sous la dent !
               - Non, se défendit Angustias, c'est rien qu'une bande de copains ! Si vous verriez com' ils rigolent quand ils sont ensemble ! Pour le dernier Carnaval, ils se sont déguisés tous. - Et toi aussi ?
               - Moi non ! Je m'étais mis rien que le masque de Raffarin : j'ai failli être lynchée ! Mais mon mari oui !
               - En quoi il était déguisé ton mari ?
               - En gigot !
               - En quoi ?
               - En gigot !
               - Et comment c'est ce déguisement ?
               - Pos tout nu, avec une gousse d'ail !
               - Et où y se met la gousse d'ail ?
               - Ay e! Aouela ! Vous voulez toujours en savoir plus ; et je ne vous en dirais pas davantage, que, comme y nous enseignait le Chanoine Caparros, je tiens pas à vous suivre sur le chemin de l'eschatologie.

               - Et alors, reprit la grand-mère, le Directeur de l'Opéra il est venu chez toi et quoi ?
               - Pos, l'aut' jour il est venu pour prend' l'anisette; il avait entendu mon mari au café lors du fameux "Boum !", il était embabouqué (7), ému, tchalé (8), ravi, époustouflé ; et y faisait que dire à Bigoté : "je tiens absolument à ce que vous entriez dans mon théâtre, jouer dans Faust, le rôle de Mastivolephes (vot' prix sera le mien), mais si vous jouez ce rôle, y va falloir que je consolide le lustre de la salle ; avec l'organe que vous avez, lorsque vous lancerez vos gueulantes, y risque de tomber sur les espectateurs de la salle et me les écrabouiller comme des punaises. Y faut que je fasse entention, pasque j'ai des abonnés qui payent à l'année, et si on est obligé de les sortir raides, les fauteuils y resteront vides; ça donne mauvaise réputation à l'établissement ; les journalistes quand y voyent la moitié de la salle inoccupée, y z'ont vite fait de dire que l'espectacle c'était un four, et qu'on a fait un bide.
               - Avec moi, il a fait Bigoté, y va y avoir du monde, pasque j'ai une admiratrice, et là, y va falloir que je hurle en chantant "Marguerite sois maudite !", qu'à peine j'ouv' la bouche, sur ses genoux elle tombe devant les miens pour montrer l'admiration qu'elle me porte ; on pourra la faire monter sur scène en attraction et vous verrez, que d'un jour pour faut', la foule se précipitera au théâtre. Et même, si le lustre il en écrase quelques-uns uns, le lendemain vous aurez l'Opéra plein comme un oeuf.

1 - sousto : peur
2 - frita : plat oranais avec des poivrons, des tomates, de l'ail et du persil
3 - correnton : coureur de jupons
4 - cahouette : rapporteur
5 - tchoupon : de tchupar (espagnol), le favori
6 - bonatchon : bonasse
7 - embabouqué : plein d'admiration, le souffle coupé
8 - tchalé : ravi, enthousiasmé


LE MUTILE N° 97, 1919

La Paix… et la Police

               Le soir du 23 juin, la voix du canon - déjà presque oubliée - nous annonça l'acceptation du traité de paix par l'Allemagne et, par voie de conséquence, la fin de la guerre.

               Ce fut, pour tous, une minute joyeuse et grave à la fois, où se mêlaient les souvenirs encore proches, les craintes dissipées et les espoirs permis, le bonheur, de vivre cet instant et la tristesse de songer à tous ceux qui partirent trop tôt pour la connaître... Ce, fut aussi, pour quelques éléments indésirables de notre, ville, le signal d'excès déjà remarqués à l'occasion de l'amnistie ; mais, cette fois, ces messieurs avaient amélioré leur manière.

               Les paisibles consommateurs attablés aux terrasses des brasseries et cafés furent transformés en pantins de jeu de massacre et bombardés à coups de tomates par de jeunes crapules dont le plus âgé avait treize ans le jour de la mobilisation. C'est dire que ces gaillards-là n'ont même pas l'excuse - d'ailleurs spécieuse - que pourraient invoquer certains matelots, lesquels burent, à la Brasserie dé l'Étoile, une tournée " à la santé du patron ", et filèrent en emportant leurs demis. Nos "matafs" ont la joie vigoureuse ; mais ils ont connu bien des heures terribles durant ces cinq années. Ceci explique cela.

               Quant aux morveux dont je parlais plus haut, ils n'ont connu de la guerre que le sentiment d'avoir la bride sur le cou et de pouvoir donner libre cours à leurs mauvais instincts. Ils se sont peu à peu enhardis et l'on peut admettre qu'à la prochaine occasion ils auraient trouvé de faire mieux encore... si la Sûreté n'avait réussi à mettre la main sur la bande, dite " bande des points bleus ", qui tenait ses assises dans le quartier de la rue de Mulhouse.

               Ce n'est pas le moment de rechercher jusqu'à quel point, on peut rendre responsable de cette mentalité la vulgarisation des romans, dits policiers. Certains crieront encore à l'immoralité du cinéma, ce moderne bouc émissaire des moralistes actuels, Nous reviendrons quelque jour sur ce chapitre.

               Ce qui importe, c'est que les juges devant lesquels seront déférés ces jeunes vauriens, nous mettent pour quelque temps à l'abri de leurs manifestations excessives qui se sont traduites là même nuit, au Plateau-Saulière, par une agression à coups de couteau."

               Ce qui importe également c'est que notre police municipale devienne vraiment une police. II est difficilement explicable, "en effet, que, le soir de l'"attaque de l'Alhambra ", il ne soit pas trouvé, entre la place Bugeaud et les Galeries de France, quelques agents qui aient pu faire cesser cet invraisemblable scandale en appréhendant, par l'oreille ces. Gosses malfaisants.

               Que diable.!.. Nous voyons circuler par les rues, depuis la saison d'été, des sergents de ville en tenue d'explorateur, casque colonial sur le crâne, vêtement kaki et sacoche de revolver en sautoir, il ne manque qu'un palmier et un lion pour "tourner" une merveilleuse scène de "Tartarin". Il ne manque peut-être, aussi, qu'un revolver dans la sacoche et une organisation sérieuse, pour donner à ces agents la possibilité d'être utiles.

               Nous n'incriminons pas le personnel subalterne de la police municipale, dont le recrutement - nous le savons - n'est pas extrêmement facile, par suite des maigres salaires que l'on y peut trouver. Nous n'incriminons pas non plus M. Vinciguerra, qui a donné maintes fois des preuves de son énergie et qui, livré à lui-même, pourrait mieux faire...

               Nous donnons - gratuitement ! - un conseil à M. Blasselle, qui préside aux destinées de notre police municipale.

               La démobilisation a rendu à la vie civile - des gens qui ont affronté d'autres adversaires que la "bande des points bleus".

               Que M. Blasselle demande, par voie, d'annonces, une forte équipe d'anciens nettoyeurs de tranchées et qui leur donne, avec des appointements suffisants, le droit de se servir de leurs armes avant d'être hors de pouvoir le faire.

               Nous retrouverions ainsi - et rapidement - la possibilité de sortir sans risquer de ne pas rentrer ou d'attraper un procès-verbal pour port d'arme prohibée. Ce sont là, pour le moment, les seules alternatives offertes aux honnêtes gens.


S. TENNAT-CHOUILLAT.               


TEMOIGNAGE
Envoyé par M. Cuesta

Le Président de la France a rendu un hommage et reconnu la mort d'un "térroriste FLN" de la guerre civile d'Algérie, est-ce qu'il reconnaîtra les torturés (Européens et Musulmans) que les gaulos/communistes ont assassinés pendant cette même guerre ?

Eux aussi ont plus droit à ces mêmes égards car ils défendaient le drapeau français et les civils innocents d'Algérie qui se croyaient français.



        Charly DAUDET est né à Oran en 1926. Il s'engagea très tôt en faveur de l'Algérie Française passant de Volonté Algérienne en 1955, puis au FNF et au FAF et enfin à l'O.A.S.. Arrêté le dix septembre 1966 à Constantine, il a été trouvé mort dans sa cellule trois jours après. Ses assassins, le commissaire Amichaud et le contractuel Manfredi ont tenté de maquiller leur crime en suicide en pendant le cadavre de notre cher Charly.

        La mise en bière a été ordonnée de toute urgences, mais une contre autopsie a révélé :
        1.- Un état physique à la dernière extrémité, notre ami est resté trois jours sans aucune nourriture, avec pour seule boisson de l'eau salée.

        2.- Des marques d'électrodes apparaissant sur plusieurs parties du corps.

        3.- La nuque porte la trace d'un coup très violent... Amichaud et Manfredi ont obtenu leur mutation immédiate, signant ainsi leur forfait. Suivant la version de ces deux horribles kagébistes, Charly Daudet s'est suicidé en se pendant au moyen d'une serviette éponge à l'espagnolette d'une fenêtre. Daudet mesurait 1,75 m et ce n'est guère facile de se pendre à une poignée de fenêtre située à 1,10 m du sol ! Il faut avoir une singulière envie d'en finir avec la vie ! Un médecin, le Dr Ohlicher refusa le permis d'inhumer. - Un témoin, membre du Service de secours appelé peur réanimer la victime entendit l'un des deux tortionnaires demander à son acolyte : " Qu'as-tu fait ? " - " Il ne voulait pas parler. j'ai mis le courant fort ". Et le jeune Martyr a pu signer, une demi-heure avant sa mort, cet acte de barbarie digne des méthodes communistes ou gaullistes, par ces quelques mots : " Je n'ai pas parlé, il faut continuer la lutte jusqu'au bout ". Et avant de quitter Oran, il avait dit à sa mère le 22 avril 1961 : " Tu seras fière de moi, Maman ! "

        Témoignage : " Les faits se sont produits à Constantine. J'ai participé avec Charly, qui venait d'Oran à quelques opérations sur la ville et à la campagne. Il a été arrêté seul : lors des tortures qu'il a subies, il a donné l'adresse du studio situe rue Rohault de Fleuri qui était notre dépôt d'armes et d'explosifs et où je dormais avec mon épouse. La nuit de son arrestation (ne le sachant pas), à 3 h du matin, une équipe de la DST a fracturé la porte et m'a arrêté. Mais. au préalable, tout avait été prévu avec Charly... Tout le " matériel " était soigneusement rangé dans les différents placards et rien n`était apparent. le tout étant camouflé par le linge de Charly.

        A mon interrogatoire, j'ai déclaré : " buvant un verre dans un bar de la ville je m'entretenais avec un serveur sur l'opportunité de trouver un studio pour loger mon épouse qui venait de Batna lorsqu'un client entendant ma conversation m'a proposé de me sous-louer son studio, à la seule condition que je n'utilise pas ses placards où étaient rangés ses effets personnels. Travaillant dans le pétrole, il me dit que ça lui faisait plaisir de rendre service à un Para et que d'ici 45 heures il concrétiserait par écrit cette sous-location ; il me donna la clef le soir de notre rencontre en me disant qu'il coucherait dans sa famille durant les deux jours qu`il resterait et Constantine avant de rejoindre son chantier au Sahara.

        Cette version avait été mise au point avec Charly en cas de perquisition ou d'arrestation.

        Trois jours après je fus relaxé ; je suppose que mes déclarations avaient été corroborées par celles de Charly. La police me faisant remarquer que je l'avais échappé belle car j`étais tombe sur un truand extrêmement dangereux qui, selon elle, devait avoir probablement l'intention de me demander de lui rendre des " services " plus tard..

        Libéré, je regagnai la CAR 103 où j'étais en transit après la dissolution de mon Régiment (18ème RCP). Quelques jours après j'ai appris par l'Adjudant-Chef Surracci, qui faisait partie de notre équipe que Charly, après avoir été contraint de boire abondamment de l'eau salée, avait été lâchement assassiné et pendu dans sa cellule. J'atteste sur l'honneur que Charly est mort en héros et que, malgré les tortures qu'il a subies, il n'a donné aucun renseignement,. ni sur le réseau ni sur les opérations effectuées.


        Depuis des années, je suis très désagréablement surpris de constater que son nom et surtout son comportement face aux flics gaullistes n'ont jamais été évoqués dans les récits ayant trait à l'Algérie française. J'espère que tu (JF Collin) combleras cette lacune. Sa mémoire mérite d`être honorée ".
        Gloire à Charly Daudet !
Maurice Juif




PHOTOS DE BÔNE
Envoi de diverses personnes

Cours Bertagna et Eglise



Gare




Pensionnat



Stade






Les Cloches d'Algérie
Envoyé Par Mme Nicole Marquet - 7, mars 2021

         https://www.breizh-info.com/2021/03/07/159906/algerie-tunisie-apres-lindependance-des-centaines-de-cloches-rapatriees-en-france/

         Algérie, Tunisie : après l’indépendance, des centaines de cloches rapatriées en France

         La récente restauration de l’une des quatre cloches de l’église de Vieux-Marché (Côtes d’Armor) permet de rappeler que dans des clochers français sonnent des cloches fondues pour des paroisses catholiques d’Algérie ou de Tunisie. Le clocher de Vieux-Marché abrite le bourdon de la cathédrale d’Alger, béni en 1868 par le cardinal Lavigerie.
         La plupart de ces cloches ont été fondues en France – notamment à la fonderie Pierron d’Avignon, chez Paccard en Savoie ou encore dans la moins connue fonderie Farnier Frères, dans les Vosges, qui a fondu de 1873 à 1939 pas moins de 145 cloches pour 87 paroisses des trois pays du Maghreb, et principalement en Algérie et Tunisie. Un site tente de retracer le parcours de toutes les cloches sorties de cette fonderie.

         Trois cloches de l’église algérienne de Tassin, fondue chez Paccard, ont été réinstallées à l’église du Sacré-Cœur du Moustoir en 1963. Dans les Côtes d’Armor à Tréfumel, la seconde cloche de l’église, a été rapatriée de Blida en 1962. Une autre cloche nommée « Algérie » a été rapatriée d’Affreville dans un clocher de Vannes. L’église Saint-Luc de Brest abrite trois cloches de l’église de Renan, et une autre cloche algérienne ; elle a été inaugurée en 1965.

         Le carillon de Constantine réfugié à Cunault En Anjou, la prieurale romane de Cunault abrite depuis 1966 les quatre cloches de la cathédrale de Constantine, transformée en mosquée à l’indépendance : « La plus grosse (1 m 75 de diamètre à la base, 2181 kg) fut un do, baptisé Augustin, don de l’empereur Napoléon III. Viennent ensuite, le ré, Félix-Louis (1431 kg), le mi bémol, Dolorès Joséphine (1241 kg) et le sol, Emma-Viventa, la plus petite, mais ne pesant pas moins de 828 kilos. Ces [cloches] fondues à LYON en 1869 et 1876 par Burdin Ainé ont été baptisés par Mgr Barthélémy de Las Cases ».
         Elles devaient être rapatriées dans le Loiret mais finirent en Anjou, car aucune église n’était capable de supporter leurs 6 tonnes – à Cunault, il fallut quatre ans de labeur et 25 T de bois pour bâtir un campanile à même de les supporter. Deux cloches d’Algérie, de Bourkika et de Rabelais, sont dans l’église de Luché, autre commune angevine.
         Deux cloches de deux villes d’Algérie à Saint-Cyr sur Loire près de Tours2/6

         En Touraine, la seconde cloche de l’église Saint-Pie X de Saint-Cyr sur Loire – une église diocésaine construite en 1964-66 – vient elle aussi d’Algérie, rappelle la Nouvelle République en 2011 : « La deuxième cloche de l’édifice a en effet été ramenée après la fin de la guerre d’Algérie de la petite ville de Taher située sur le diocèse de Constantine.
         Pierre-Geneviève-Marguerite-Marie […] avait été fondue par Louis et Joseph Paccard à Annecy en 1932.
         D’un poids estimé à 173,54 kg, elle est ornée – du cerveau à la pince – de motifs et d’inscriptions diverses : un trèfle tête en bas, une hermine, fleur de lys, coquilles, une sainte Geneviève, un saint Pierre, une sainte Marguerite-Marie, une frise et un Christ en croix en dessous duquel on peut lire : « Paroisse de Taher 1932. Je chante la gloire de Dieu. Je me nomme Pierre-Geneviève-Marguerite-Marie. J’ai été baptisé sous l’épiscopat de Monseigneur Thiénard, évêque de Constantine. Abbé Rigal, curé. ». Fait rare, une autre cloche d’Algérie, Marie, provenant cette fois d’El-Attaf, diocèse d’Alger, est aussi installée dans cette même église.

         Une autre cloche algérienne, provenant des Attafs, est installée dans l’église Saint-Jean de Montjoyeux, une église triangulaire de 33 m de côté, inaugurée en 1967 en banlieue de Tours.
         Ile-de-France, Niçois, Languedoc, Corse et Provence : les rapatriés d’Algérie rapportent les cloches

         Dans l’arrière-pays niçois, à Sainte-Germaine de Théoule, « trois cloches rapatriées d’Algérie unissent leurs voix à celles du carillon : neuf cloches en tout ! », rappelle le livre Théoule : quinze siècles d’histoire et cinquante ans de vie communale. A Juan-les-Pins, l’église du Sacré-Cœur, bâtie par les rapatriés d’Algérie, abrite aussi des cloches de là-bas.

         En Corse, une autre cloche de Constantine – celle de l’église Sainte-Jeanne d’Arc – fut transférée à Marato, dans le village de la famille d’un rapatrié, Henri Casabianca. Trois cloches de Canrobert ont abouti à Quasquara, Raymonde Jeanne (do), Josette Paule (mi) et Antoinette Jacqueline (sol).

         A Tourette-Levens, une cloche de l’église Sainte-Anne de Bône, Anne-Marie Rose, 320 kilos, a été installée dans le clocher de l’église Sainte-Rosalie à la demande des rapatriés d’Algérie, après que deux habitants de la commune l’aient ramené à l’indépendance. A Cagnes, l’église Notre-Dame de la Mer abrite depuis 1975 trois cloches rapatriées de Cherchell, ainsi que, remisés dans des caisses, des vitraux de l’église Saint-Paul de Cherchell. A Luceram gît une cloche abandonnée d’une église de Mers-el-Kebir.

         En Provence, les cloches de l’église Saint-Charles d’Alger sont au Prado à Marseille. A Carnoux, simple vallon où se sont installés en masse à partir de 1956 des rapatriés d’Algérie, devenu commune en 1966, l’église Notre-Dame d’Afrique (1964) porte quatre cloches rapatriées de Saint-Denis du Sig, près d’Oran.

         A Nîmes, une importante communauté de rapatriés de l’Oranais entreprend de reconstruire dans le quartier du Mas de Mingue le sanctuaire marial Notre-Dame de Santa Cruz où se trouvent six cloches ramenées de Relizane après l’indépendance, installées en 1991-92, puis ajoute en 1964-67 une imposante église nommée Notre-Dame du Salut, puis Notre-Dame-du-Suffrage-et-Saint-Dominique. Son clocher abrite des cloches venues de Lamtar et de Port-aux-Poules près d’Oran. Le sanctuaire abrite aussi dans son petit musée une cloche ramenée de Mostaganem.

         A Béziers, l’église Saint-Joseph abrite trois cloches de l’église Sainte-Monique de Sétif ; ce rapatriement a poussé les sétifiens à se constituer en amicale et organiser un congrès annuel de trois jours pour rassembler dans la ville des sétifiens rapatriés en France ou installés à l’étranger.
         Toujours dans l’Hérault, à Siran, le clocher abrite une cloche de 250 kilos, Henriette, Gabrielle, Marie, Jeanne, venue du village de l’Alma, 35 km à l’est d’Alger. D’après le bulletin municipal de mai 2015, elle vient d’un lot de 75 cloches rapatriées en 1982 [1962 ?] par les Amis du carillon languedocien et répartis dans la région ; les deux autres cloches de ce village sont dans la basilique Saint-Nazaire et saint-Celse de Carcassonne.
         A Maurin, dans l’Hérault encore, se trouve une cloche d’Aïn el Arba ; une cloche de Pélissier a été rapatriée à Juvignac. A Sète, trois cloches de Bône ont été installées dans la chapelle Sainte-Thérèse des Métairies, construite dans les années 1960. A Saint-Geniès des Moures, il y a deux cloches du village d’Eugène Etienne. A Montpellier, l’église Saint-Jacques abrite une cloche d’Oran et Saint-Paul, deux autres.

         Dans les Pyrénées-Orientales, une cloche d’une paroisse du Constantinois non précisée est installée à l’église Saint-Paul, quartier du Moulin à Vent à Perpignan. Une autre cloche de la même église provient de l’église de Parmentier – le clocher-campanile qui porte ces deux cloches algériennes, Marie-Paul et Marie-Jeanne, a été réalisé en 1985.
         Deux autres communes du département, Rivesaltes et Port-Vendres, abritent deux cloches venues de Sidi-Ferruch.

         En région parisienne, l’église Notre-Dame d’Espérance au Grand Vaux (1963-64), quartier de Savigny sur Orge, accueille trois cloches algériennes rapatriées à l’indépendance ; elles sont installées en 1972 dans ce quartier où se sont installés de nombreux rapatriés d’Algérie. A l’autre bout de l’Ile-de-France, à Meaux, de la cloche ramenée par les rapatriés d’Algérie à Saint-Jean Bosco ne reste que son mécanisme d’entraînement – la cloche elle-même est entreposée dans les réserves de l’église.

         A Maisons-Alfort, la cloche de la chapelle Saint-Léon, construite en 1936, provient du diocèse d’Alger pour lequel elle a été fondue en 1886 par la fonderie Pierron d’Avignon.

         Toujours en Ile-de-France, à Cergy, l’église Sainte-Marie des Peuples, construite en 1986, abriterait une cloche algérienne.
         D’autres cloches algériennes partout en France
         Notre-Dame d’Altbronn. En Mayenne, une cloche de Laval vient de Berrouaghia.

         En Vendée, l’une des cloches du Relais Pascal – ex-communauté des Béatitudes des Sables d’Olonne – a été fondue en Aveyron pour l’Algérie et a été rapatriée de là-bas.

         Dans l’Eure-et-Loire, une cloche de Châteaudun nommée Juliette a été rapatriée depuis Lavigerie.

         En Alsace, quatre cloches rapatriées d’Algérie ont sonné de 1962 à 2012 dans l’église Sainte-Odile de Vieux-Thann avant de déménager pour le clocher de Notre-Dame d’Altbronn, dans la même région. Une cloche de l’église d’Aïn Fekan, fondue dans les Vosges par le fondeur Farnier, à Robécourt, en 1899, sous le nom de Jeanne d’Arc, est rapatriée à Masevaux-Niederbruck et renommée de Jeanne-Odile.

         Dans la Marne, l’église Sainte-Bernadette de Tinqueux, construite près de Châlons en 1960-62, abrite une cloche d’une église d’Alger, installée peu après sa construction.

         Dans la Somme, deux cloches de Boufarik ont été installées dans le beffroi d’Abbeville en 1986 – elles remplacent les cloches fondues lors du bombardement de 1940. On attribue leur installation à Max Lejeune, maire d’Abbeville de 1947 à 1989 et ministre du Sahara de 1955 à 1959.

         Des cloches ont abouti à Paris : Libération signale en 1995 la refonte de deux de ces cloches pour enrichir le carillon de Saint-Pierre du Gros Caillou (VIIe). Une troisième cloche, issue de l’église Sainte-Monique du Ruisseau, est dans la même église.

         En Auvergne, l’église Notre-Dame des Garets à Vichy, inaugurée en 1967, abrite sept cloches de la paroisse de Montgolfier en Algérie.

         Dans l’Aveyron, l’église Saint-Joseph Artisan d’Onet le château date de 1962. Son carillon de 10 cloches a été installé en 1964 – neuf d’entre elles ont en réalité été fondues en 1934 pour l’église de Turenne (Algérie), puis rapatriées lors de l’indépendance, non sans péripéties. La fonderie Paccard en a rajouté une en réinstallant le carillon en Aveyron.

         En Dordogne, l’église Notre-Dame de l’Immaculée Conception de Chamiers a été inaugurée en 1965 ; pour cette nouvelle église, trois cloches de l’église d’Aïn Beïda près de Constantine, bénites en 1933, sont démontées en 1962. Elles sont finalement installées en 1995 sur un campanile érigé par la municipalité. La plus grosse cloche et la plus ancienne (1867) pèse 450 kg et se nomme Marie-Victorine. La moyenne (200 kg), s’appelle Jean-Marie-Suzanne-Victorine. La plus petite (120 kg) portera les prénoms Jean-Pierre-Marie-Claude.

         Dans les Landes, à Geaune de Tursan, c’est une autre cloche majeure, la « Cyprienne » de la cathédrale d’Alger, qui a été installée dans le clocher de l’église, en 1964.5/6 Dans les Pyrénées-Atlantiques, l’église Saint-Vincent de Paul de Pau (1964) porte des cloches rapatriées d’Aïn Kermés, fondues en 1958 et qui n’ont retrouvé leur voix qu’en 1991.

         Dans le Gers, les cloches de l’église de Lamoricière sonnent dans le clocher de la basilique de l’abbaye cistercienne de Boulaur, depuis 1963.

         29 cloches algériennes rapatriées dans le diocèse de Carcassonne (Aude)
         Carcassonne : les trois cloches du carillon de l’église Notre-Dame (1978) proviennent de l’ancienne église de Rouiba
         A Carcassonne, une cloche de l’église Saint-Joseph d’Alger, transformée en mosquée à l’indépendance, a été rapatriée à l’église du Sacré-Cœur : « cette cloche de 550 kg baptisée en 1895 du nom de Rosalie par Mgr Dusserre, archevêque d’Alger, fut installée en 1980 dans le clocher de l’église du Sacré-coeur de Carcassonne. Elle prit le nom de sa marraine Sœur Rosalie, le curé de la paroisse St-Joseph d’Alger étant M. Planells. Fondue à Robecourt dans les Vosges par Ferdinand Farnier, elle joue la note Sol#3 et porte l’inscription suivante : « Fides caritas in hoc signe vicens » (Par ce signe d’amour tu vaincras) ».
         A Carcassonne toujours, sur le plateau de Grazailles, les trois cloches du carillon de l’église Notre-Dame (1978) proviennent de l’ancienne église de Rouiba : elles se prénomment Marcelle (Do), Marie-Rose (Ré) et Simone (La). En tout, 29 cloches seront rapatriées d’Algérie : une quinzaine seront réattribuées dans le diocèse, notamment à Grazailles et Montredon, les autres refondues pour améliorer le carillon de Carcassonne, passé de 35 à 47 cloches.
         A Saint-Just de Narbonne se trouve une cloche venue d’Alger.
         Quatre autres cloches du même diocèse sont à Saint-Jean de Castelnaudary.
         Une cloche de Stora est rapatriée à Quillan.

         400 cloches démontées par le Secours catholique en Algérie, Jean Rodhain donne des précisions sur le démontage des cloches d’Algérie dans les messages du Secours Catholique, n°163 en mai 1966.

         « En Algérie, depuis 1962, des centaines d’églises ont été désaffectées pour devenir mosquées ou écoles. Qui est responsable ? Voir le traité d’Evian […] Le sauvetage des cloches, leur démontage, leur transport en Algérie jusqu’aux ports, était une opération périlleuse et coûteuse. S.Em. le Cardinal Duval, Archevêque d’Alger, ayant, au nom de l’épiscopat algérien, demandé ou Secours Catholique de réaliser ce sauvetage, celui-ci a accepté. Sur 400 cloches démontées, 50 ont été données par S.Em. le Cardinal Duval à Madagascar ; 40 ont été récupérées directement par des groupes de rapatriés ; 240 ont été regroupées et stockées à Paris ».La répartition a ensuite été faite par le Comité national des constructions d’églises, présidé alors par Mgr de Vaumas, sur la base des dossiers présentés par les évêchés. Il a « donné une préférence aux églises veuves de toute cloche », précise Jean Rodhain.

         A cette opération groupée se sont ajoutés des démontages réalisés par les paroisses eux-mêmes, ainsi que certains rapatriés, qui se sont occupés eux-mêmes de ramener les cloches en France et de les attribuer à leur village ou à une paroisse – c’est le cas du carillon de Cunault ou de la cloche de Marato.

         Une cloche algérienne rapatriée chez les protestants dans les Hautes-Alpes
         Fait remarquable, un temple protestant, aux Freissinières (Hautes-Alpes) où le temple du Pallon a récupéré ou racheté une cloche provenant de l’église des Trois-Marabouts. L’on ignore cependant s’il s’agit du temple inauguré en 1824 – qui possède un campanile avec une cloche – ou celui de 1852, la commune étant un foyer protestant depuis le XVIIe siècle.


Des cloches de Tunisie
elles aussi rapatriées en France ?

         En Tunisie, une opération semblable a été envisagée : « La même demande a été faite au Secours Catholique, par S. Exc. Mgr Perrin, alors Archevêque de Carthage, pour la centaine d’églises désaffectées en Tunisie. Le Secours Catholique a aussi accepté, mais n’a pu réaliser l’opération, toutes les cloches de Tunisie ayant été confisquées sur-le-champ par l’État tunisien ». En réalité, certaines cloches ont bien été déménagées en France, notamment celles de l’église de Béjà, qui existe toujours, transformée en centre culturel.

         D’autres cloches ont été maintenues dans leurs églises, même désaffectées, et rendues muettes – c’est le cas du carillon de Sainte-Croix de Tunis, ou encore du carillon de Saint-Louis de Carthage, conservée en l’état depuis 1993 où elle sert de centre culturel (cinq cloches dont un bourdon de 6 tonnes).

Louis-Benoît Greffe


Spécial Séniors
Par M. Marc Donato


         Il y a un peu plus d'un an, est arrivé un certain virus qu'on n'avait pas invité. Il a commencé à faire des dégâts et on nous a inventé le confinement.
         - Surtout, vous les Séniors, ne sortez pas.
         Mais ça n'était pas que pour nous, tout le monde à la même enseigne. Sortie libre, interdit ; plus d'un kilomètre, interdit ; sans masque interdit. Tu vois un peu, interdit, interdit, nous qui avons fait mai 68 : il est interdit d'interdire ! Sous les pavés la plage… Ah ! Non, Monsieur, sous les pavés le Covid…
         Contrôles :
         - Ausweis ? C'est bon, vous poufez bartir…
         Et maintenant, ils nous ont inventé le couvre-feu. A 18 heures ! Tu sais comme c'est vite arrivé 18 heures, surtout en cette période de printemps avancé ? Alors, toi, le sénior, tu rentres chez toi, tout seul. 18 heures trente, Naguy t'attend, N'oubliez pas les paroles…. Tu parles, avec la mémoire qui fout camp ! Et puis, je suis seule, à qui puis-je m'adresser ? Parfois, j'ai envie de parler aux murs… Qui a dit, l'abruti, les murs ont des oreilles ? En tous cas, les miens, ils n'entendent rien, sourds comme moi. Il faudra que je leur conseille Afflelou… Seule, je vous dis. Je vais lui passer pendant quelques jours mon appart, deux pièces avec douche à l'italienne et tabouret spécial séniors pour se laver les pieds, à la Nicoletta qui goualante dans le poste : La solitude, ça n'existe pas ! Elle verra si la solitude, ça n'existe pas ! Elle fera comme moi, elle parlera aux deux géraniums sur le balcon. De là, je vois la Denise avec son chat obèse, le Louba qui ne peut plus se traîner tant il est gros.
         - A moi, il me répond quand je lui parle : tu sais que t'es beau ?
         - Miaou…
         - Qui c'est le chaton à Denise ?
         - Miaou…
         Mais c'est pas pour lui répondre qu'il miaoute, le Balou, c'est pour lui extorquer une ration de croquettes… Toute la journée…
         - Et moi, qui ne vais plus au bistrot ? Deux fois par jour, avant. Le matin au Cigalas, pour rencontrer d'autres séniors. Là, on se mettait en terrasse et on regardait passer les filles ; les yeux, c'est tout ce qui nous reste. Ah ! Elles sont belles ces petites ! Et puis, on taille un costume au maire qui ne fait pas comme on voudrait. A l'époque de Raoul, de Louis ou de Robert, Monsieur…
         Et puis le soir, c'était à la Poste pour le pastis ; là, c'était autre chose : la droite, la gauche, les rouges, les verts, Manu et Brigitte, ça ne tarissait pas. Et on remettait ça tous les jours ! Maintenant, couvre-feu, seul, je zappe : BFM, TMC, LCI, toujours la même chanson au mot près, au même moment. Alors je fais chauffer la soupe que m'a livrée l'Office des Séniors Fatigués et au lit. Sans oublier un suppo de glycérine pour faciliter la séance du matin. Dodo jusqu'à trois heures du mat' ; eh oui, la vessie a des raisons que la raison ne connaît pas, mon bon Monsieur. Et encore, je suis chez moi ! Souvent, je pense à mes amis séniors que je ne vois plus. Maurice, lui aussi resté chez lui. Il a de la visite. Son fils vient le voir tous les jours un moment. Et puis, il y a Simone, l'aide familiale qui vient lui faire la toilette. Ah ! Maurice, il aime ce moment. C'est qu'il fut un gaillard, Maurice. Alors, souvenirs, souvenirs…
         Il y a encore Marcel, le kiné ; ça, il aime moins, Maurice. Pourtant, M. Maurice, c'est de la kiné pour séniors…
         Qu'importe, ça fait mal. Maurice, il préfère Simone. Il y a aussi Céline. Sa fille l'a inscrite à Familéo, la solution aux problèmes d'isolement. Permettez à vos grands-parents de recevoir de vos nouvelles. Tu écris chez toi quelques mots sur ton ordi, tu glisses une photo et Céline reçoit la version papier de la gazette. Henri, le navigateur, un Portugais, lui, il est à la tête de Linotte, un système qui permet de se voir à l'écran. C'est parfait pour des Séniors en manque de relations.
         Adrienne m'a téléphoné récemment. Elle, elle est en Ehpad. C'est autre chose ! Bouclés qu'ils sont ! A la grille de la maison, une grosse chaîne comac : Sing Sing, un cadenas inviolable gros comme ça : Les Baumettes…
         - Et ouais, mon bon Monsieur, nos séniors, on les chouchoute… Pas question de les contaminer, d'ailleurs, ils se contaminent bien tout seuls.
         - Vous voulez de mon covid ? Vous en prendrez bien une petite part…
         - Non, non, donnez-moi tout…

         Et voilà, tout un étage de séniors à l'isolement. Le pavillon des cancéreux d'autrefois, mefi ! On s'approche pas. Cancéreux ? Pavillon ? Aujourd'hui, c'est pas un pavillon qu'ils leur faudrait aux cancéreux, c'est toute une ville tellement ils sont nombreux… L'aile des tuberculeux, attention danger ! Tu te rappelles, sénior, les plaques dans les autobus : il est interdit de parler au conducteur. Il est interdit de cracher par terre. Parce qu'ils pouvaient cracher, à l'époque ! Maintenant, comment tu fais avec le masque obligatoire ? Pendant un temps, les enfants, les amis, pouvaient rendre visite. C'est l'époque où les fabricants de plexiglass ont fait fortune. Plexiglass barrière de partout, au supermarché, à la poste, et à l'Ehpad… Mais alors un véritable supplice de Tantale, ce plexi, 3 mm à peine, un véritable mur de Berlin. Tu approches tes doigts à 3 mm de ton fils, de ta fille, et tu ne peux pas le toucher, la caresser…
         A côté, les voisins, ils sont en couple, mariés depuis près de soixante ans, les séniors. Ça se passe bien, on n'entend pas crier. Bonne cohabitation. On aurait pu craindre je t'aime moi non plus, mais non, ils se supportent encore un peu, sont rôdés, eux, depuis le temps ! Leur fils vient les voir de temps à autres furtivement…
         - Ça va, papa ? Ça va, maman ? Je me sauve, je ne voudrais pas…
         Plus moyen de serrer leur fils dans les bras, l'embrasser… Et les petits-enfants alors ? C'est pire. Heureusement, il y a Whatsapp. Trois fois sur quatre, ça ne répond pas.
         - Tu sais, je travaillais…
         Ouais, à 20 ans, mon œil ! Travail au corps, sans doute ? Profite bien, tu seras sénior un jour, toi aussi. Whatsapp.
         - Oh ! Papi, tu as les cheveux un peu longs.
         - Oui, je sais, mais mon coiffeur est fermé.
         - Et toi, Mamie, ta teinture ?
         - Oui, ma coiffeuse aussi…
         - Allez, je vous quitte, j'ai du travail !!!!
         Travaille, mon fils, travaille !

         N'empêche qu'il y en a quelques-uns de nos amis séniors qui ont passé l'arme à gauche ! Comorbidité qu'ils ont dit les médecins. Ah ! Cette propension aux néologismes dans les périodes de crise et de crise sanitaire, de surcroît, où tous les "sachants" y vont de leur petit mot. Co-mor-bi-di-té, le covid avec quelques autres maladies en plus. Sont marrants ! Tu en connais beaucoup des Séniors qui n'ont pas un peu d'urée, quelques grammes de sucre, le cœur qui bat la breloque ou quelques kilos en trop ? Allez, zou ! Va pour l'étiquette covid sur la housse à la morgue, pas de détail, c'est bon pour les statistiques ministérielles du jeudi soir.
         Autre particularité, dans ces périodes de crise, cette fâcheuse tendance à diviser. Les blancs, les noirs, les homos, les hétéros, cette religion-ci, cette religion-là, les hommes, les femmes et maintenant, ils nous ont opposés, aux jeunes, nous les séniors… Nous, a dit la jeune Aurore Bergé, porte-parole de je ne sais plus quoi, les nantis à qui on paye les retraites. Ben, dis-donc, j'ai payé pour qui, moi, pendant 40 ans ? Et qui c'est-y qui balance des chèques à la famille ? C'est bien les séniors et encore, quand ils le peuvent, ces séniors, dont une grande partie touchent une retraite-clopinettes à la fin du mois. Ils détiennent le pouvoir d'achat, qu'ils disent comme un reproche. Manquerait plus que cela ! On les comprend nos petits-enfants, on les aide si possible. Mais leur isolement, leur manque de perspective, personne ne pourra les vivre à leur place avec les dégâts psychologiques inhérents. Quelle chance, Séniors, avons-nous eu de connaître les trente glorieuses ! Ainsi, diviser pour régner n'a jamais été aussi vrai, il faut choisir maintenant : laisser mourir les séniors et sauver les jeunes ou soigner les vieux et maltraiter les jeunes…
         Si la République avait fait son travail correctement, nous n'en serions pas là. D'autant qu'on nous a divisés nous aussi, les séniors : plus de 75 ans et moins de 75 ans. Si tu es Sénior avec un grand "S", tu as droit au vaccin, si tu es sénior avec un petit "s", tant pis pour toi ! Ah, ben tu attendras ton tour. Parce que j'avais oublié de vous parler du vaccin ! Voilà qu'il est arivé-é-é… Alors plus de 75 ans, à droite, éligibles qu'ils ont dit ; les autres, à gauche, on verra plus tard. Ne croyez pas qu'il s'agisse d'un simple décompte de notre grande Administration, non, en vérité, c'est qu'ils n'ont pas assez de vaccins. Moi, Sénior avec un grand "S", j'ai cette chance d'être éligible et j'ai reçu mes doses du vaccin fizère.
         - Mais non Faillezère, papi.
         - Oui, mais c'écrit avec un "i" comme finances.
         - Certes, mais c'est un nom allemand.
         Vas-y pour Faillezère…
         - C'est bon, m'a dit le médecin, maintenant vous allez pouvoir sortir vous promener.
         Mais il est fou comme Afflelou, celui-là, me promener ? Avec mon déambulateur ? Rassurant, en effet, j'en suis sûr, maintenant, je peux mourir d'Alzheimer, de Parkinson, mais au moins, je serai protégé de la Covid. Tout l'avenir est devant moi.
         Alors, amis séniors, je vous le dis, protégez-vous, vaccinez-vous, on les aura ! A nous le pic de la pyramide des âges. Ils devront nous supporter encore longtemps !
         Votre ami sénior.

Marc DONATO - 28 février 2021


La parade de la kémia
Envoi de M. Christian Graille

               Quand on ne se soucie plus de l'origine d'un mot c'est qu'il a pris sa place dans la langue … accédant à la dignité de substantif, il a reçu son bâton de maréchal et ses lettres de noblesse.
               Ainsi en est-il du mot kémia.
               L'Académie lui servira une place, n'en doutons pas, quant au bout de sa longue patience elle abordera, vers 5000, la discussion de la lettre " K ". Mais il est encore temps d'en fixer l'histoire.
               D'où vient le mot kémia ?
               M. le professeur Berger-Vachon , arabisant distingué, m'a expliqué que le verbe " kem " exprimait en arabe le geste des fumeurs de narghilé qui se passaient la pipe de bouche en bouche pour en tirer une petite " bouffée ".
               Puis le mot " kem " a pris le sens de petite chose….
               Et par extension dans le grand passage des langues qui a présidé à la naissance de Bab-el-Oued, le mot " kem " a été appliqué " aux petites choses " que l'on mangeait dans les bars avec l'apéritif.
               Enfin le mot a été " latinisé ". Il est devenu " kémia ".
               Et le voici candidat à une place officielle dans le Larousse….
               Je vous offre cette explication comme on n'a bien voulu me l'offrir.
               Jouez avec, le but sera atteint.

               La multitude des soucoupes alignées sur les comptoirs des cafés et remplies d'un assortiment hétéroclite de " petites choses " comestibles a toujours éveillé confusément dans mon esprit l'image des baraques des forains dont les rayons croulent sous les vaisselles entassées.
               C'est une sorte de loterie. Mais à cette loterie de la gourmandise, tout acheteur d'une assiette est assuré de gagner au moins un rapprochant … et telle est la variété des lots proposés que le gagnant a toujours un peu l'impression de reprendre au pauvre cafetier à peu près toute sa mise.
               Ici le plaisir du palais se double de la joie des yeux, la longue file des " kémia " alignées compose un accord riche en couleurs, une gamme somptueuse au milieu de laquelle triomphent :
               - les jaunes vernissés des tramousses,
               - les noirs veloutés des olives,
               - les rouges corail des sauces où baignent :
               - les escargots,
               - les gris feutrés des fèves,
               - l'argent cru des sardines patinées par l'huile bouillante,
               - l'ocre fané des moules posées au fond de l'écrin noir de leur coquille et
               - les verts durs des crudités.


               Le buveur passe. Il cueille quelques notes dans la gamme selon :
               - ses goûts, ses habitudes ou ses caprices … et il s'en va.

               La " kémia " fait partie des choses qui le patron lui doit avec l'affabilité, c'est le bonjour silencieux du comptoir, mais j'ai voulu savoir :
               - quelle part elle occupait dans les soucis du cabaretier modèle.
               - Quelle charge elle représentait dans le budget du patron de café.
               - Enfin quelles quantités des buveurs de Bab-el-Oued absorbaient chaque jour, tout en commentant devant un verre les évènements politiques et les potins du quartier. Voici un essai statistique sérieux sur ce problème léger.


               Il serait vain d'établir une liste rigoureuse des différentes sortes de " kémia ".
               Elle ne serait jamais complète parce qu'à côté des " kémia " classiques, immuables, il y a la foule des trouvailles individuelles.
               Tout ce qui manque peut-être proposé au titre de la kémia et chaque cafetier accomplit des prodiges d'ingéniosité pour tenter de retenir les passants par une recette inédite.
               La " kémia " c'est le " broumitche (l'amorce) indispensable avec lequel on prend ce gibier difficile qui s'appelle le buveur.

               On peut toutefois avancer qu'il y a en moyenne une cinquantaine de kémias dites classiques parmi lesquelles :
               - les olives,
               - les tramousses,
               - les cacahuètes,
               - les bliblis figurent toute l'année sur tous les comptoirs.

               Car il y a des " kémias " saisonnières :
               - les tomates,
               - artichauts,
               - les betteraves,
               - les poivrons et
               - les fèves figurent dans cette catégorie.


               Il y a aussi la " kémia " courante et la kémia rare … Celle que l'on offre à discrétion et celle que l'on rationne minutieusement.
               - Les sardines,
               - les petits rougets,
               - les escargots et
               - les moules composent la noblesse de la " kémia. "

               Ce sont des cadeaux qui l'on mesure.
               Chaque buveur a droit à deux sardines par verre… ou un rouget.
               Nul ne songe à transgresser cette règle rigoureuse. Mais les clients irascibles, ou simplement facétieux trouvent là une belle matière à protestations sonores et réclamations véhémentes qui n'étonnent personne mais prêtent à l'ambiance un cachet irremplaçable.

Et maintenant que consomme-t-on chaque jour à Bab-el-Oued ?

               Voici des chiffres … ces mercenaires qui servent indifféremment aux savants austères et aux journalistes facétieux.
               On mange en moyenne un kilo de tramousses par jour dans les cafés à clientèle moyenne.
               Si le patron sert des tomates, la consommation quotidienne atteint quatre kilos.
               Le samedi et le dimanche les assoiffés dévorent en moyenne dans chaque café de Bab-el-Oued :
               - un kilo d'anchois,
               - deux kilos d'olives et
               - cinq kilos d'artichauts.


               Si l'on aborde la " kémia " de luxe on atteint des chiffres effarants.
               - Cinq kilos d'escargots et
               - dix kilos de sardines disparaissent chaque jour devant les comptoirs.

               Si l'on veut établir une moyenne on peut dire qu'il y a une centaine de cafés à Bab-el-Oued dans chacun desquels on consomme de deux à quatre kilos de " kémia " tous les jours ce qui donne au bout de l'année le chiffre fabuleux de près de douze tonnes.
               Il est difficile de chiffrer le prix de cette consommation.
               Tous les articles n'ont pas la même valeur.
               - Les tramousses par exemple viennent d'Espagne et valent 55 francs le kilo,
               - les rougets sont chers,
               - les artichauts plus abordables.

               La " kémia " représente cependant une dépense moyenne de mille francs par jour pour le patron du café ou le gérant soucieux de sa réputation.
               Ainsi plus de cent mille francs s'envolent chaque jour à Bab-el-Oued en " kémia " multicolore.
               C'est la rançon d'une vieille habitude méditerranéenne … d'une coutume que chacun observe selon :
               - son sens commercial,
               - sa coquetterie et peut-être aussi
               - sa personnalité.
Dis-moi la " kémia " que tu offres je te dirai qui tu es !...
Bab-el-Oued raconté à Toinet. Jean Brune le journaliste. 1955


Réflexions. 
Envoi de M. Christian Graille

                 L'expédition d'Alger et l'opinion publique.
                 L'expédition d'Alger fut pour les adversaires du Ministère Polignac et les ennemis du régime un excellent sujet de polémique, permettant de tout imputer à blâme ou à ridicule au Gouvernement.
                 De ce parti pris une lettre en date du 5 juillet 1830 de ce curieux homme que fut le Comte de Montrond nous est un nouveau témoignage :
                 " Les bulletins de l'armée d'Alger sont trop impertinents, ils se contredisent tous.
                 Cette armée débarquée le 14 en 6 heures se trouve n'être pas encore débarquée le 24 et cette rade si sûre se trouve à la fin être très dangereuse.
                 Et quelle dérision que ces tableaux champêtres et quelle triste singerie des bulletins de l'Empire !
                 C'est pitoyable et révoltant que tant de vies soient sacrifiées à de si damnables intrigues ; les messes qu'on a fait dire pour avoir du beau temps n'ont pas été écoutées et si les orages se perpétuent tout l'été, notre armée peut être entièrement perdue.
                 Tous les bulletins ont l'air arrangé à Paris et il semble que celui qui fait le numéro 6 n'a pas lu le numéro 5 ; tout cela est contradictoire.
                 Aucun Général n'aurait pu dire, par exemple qu'il s'est trompé de nom pour une ville et que de plus ces villes-là n'ont pas de maisons, et que quand les Arabes lèvent le camp la ville disparaît. Tout cela est fabriqué par des grille-boudins de la congrégation. " H. Malo. Le beau Montrond

La société européenne à Alger en 1833

                 On n'a pas à Alger les liaisons de famille et de société qui existent dans les autres pays :
                 - les individus sont en général isolés,
                 - l'un arrive de droite,
                 - l'autre de gauche,
                 - les habitants sont étrangers les uns aux autres,
                 - et une vieille connaissance date d'un ou deux ans.


                Aussi ne doit-on pas s'attendre à recevoir les services de l'amitié si nécessaires dans une foule de circonstances ; chacun s'isole dans son propre intérêt et l'égoïsme semble être la condition de tous.
                 La gêne pécuniaire qu'on éprouve généralement n'est pas propre à créer des liaisons d'amitié car elle engendre la méfiance et c'est là une des causes principales de la lenteur des progrès que fait la colonie.
                 Deux personnes paraissent liées entre elles d'une étroite amitié que ne le sont que par une cause toute d'intérêt ; avec la cause cesse l'effet.
                 Les affaires changent de face à chaque instant et les liaisons ont autant de mobilité que les affaires.
                 D'après ce portrait on serait tenté d'accuser la population en masse et de la considérer comme ne méritant aucun intérêt ; J'avoue que cette opinion sous un certain rapport n'est pas sans fondement.
                 Mais comment ne pas éprouver quelque indulgence lorsque l'on voit le Gouvernement livrer à eux-mêmes des milliers de Français qui ont besoin de protection et d'appui, sans même les préserver des voies de fait commises par les militaires contre la propriété.

                Lorsque ces infortunés Français, qui ne reçoivent aucun encouragement, aucun secours direct, sont privés des ressources du crédit que l'incertitude où on laisse le public éloigné de toute part.
                 Les capitalistes qui pourraient féconder le pays se gardent bien d'y chercher aucun emploi de leurs fonds, lorsque chaque jour le Ministère ne répond que d'une manière évasive aux demandes officielles qui lui sont adressées au sujet d'Alger. Ils n'ont aucune confiance aux commerçants ; ils se défient des hypothèques que des propriétés qui leur semblent toujours incertaines.
                 Ainsi chacun est dans la gêne ; on ne songe qu'à soi, on abandonne son voisin. S'il est dans le malheur on lui tourne le dos ; celui qui est son créancier le poursuit impitoyablement par besoin ou par méfiance. Les frais de justice, les intérêts usuraires le ruinent au profil des gens d'affaires car la gangrène de la procédure est en vigueur, avec tout le hideux de son insatiable cupidité, et d'un pays plein de ressources et d'avenir on fait ainsi, par ignorance ou par mauvais vouloir, le plus mauvais pays du monde …

                Au surplus les Européens ont introduit à Alger leurs usages bons ou mauvais.
                 Il y a :
                 - des cabarets,
                 - des cafés,
                 - des cabinets de lecture,
                 - des loges de francs-maçons,
                 - des soirées musicales,
                 - des soirées étiquettes chez les gens en place,
                 - et l'on est agréablement surpris d'y trouver des dames belles, élégantes et aimables :
                 - on y danse,
                 - on y joue,
                 - on y prend des rafraîchissements,
                 - et ceux veulent faire bonne chère et donner des grands dîners ne manquent pas de ressources nécessaires pour l'approvisionnement :
                 - en poisson,
                 - en gibier,
                 - confitures,
                 - pâtisseries,
                 - vins fins,
                 - liqueurs.


                Mais en général la vie y est fort chère : cela peut difficilement ne pas être ainsi dans le principe d'un établissement semblable, et l'on commencera à y vivre à bon marché que lorsque l'agriculture aura mis les terres en produit et que le pays pourra se suffire à lui-même pour les principales denrées.

                Les Français ont un caractère frivole qui s'est largement manifesté à Alger.
                 Ils sont imitateurs, copistes, je dirai presque singes :
                 - Les uns se sont fait raser toute la tête,
                 - les autres ont pris le vaste pantalon.

                 Quoique d'après les habitudes de ce que l'on appelle en France la bonne société il ne soit pas admis de fumer en public, presque tous sortent le cigare à la bouche ; c'est que les Maures fument beaucoup.
                 Il a fallu acheter des pipes d'une longueur démesurées et gênante, dont les fumeurs sont en peine d'indiquer l'avantage.
                 On en voit, étendus comme des veaux sur leurs canapés, recevoir leurs visites dans cette attitude quoique les règles de la civilité et de la politesse adoptées par nos usages prescrivent d'autres manières, mais les Maures se couchent sur leurs coussins.
                 Certains laissent croître une énorme barbe qui les défigure passablement, et un grand nombre, qui ne sont pas soumis à l'uniforme militaire, ont fait singerie et se sont décorés d'une grosse moustache pour se donner un air rébarbatif.
                 J'ai toujours trouvé que la moustache prouvait une seule, chose, c'est qu'on ne se rasait pas au-dessous du nez.
                 Montagne : physiologie morale et physique d'Alger

Revue africaine publiée par la société historique algérienne
(1er et 2e trimestres 1927)

ALBERT CAMUS
Envoyé par Mme Pierrette Mayer

SOMMAIRE :
Le meilleur d'entre nous
( 1913- 1960 )


- L'histoire d'Albert Camus par René Mayer
- Galerie photos par Guy
- Synthèse Guy, juin 2012




Jean-Paul SARTRE (1905-1980) et Albert CAMUS (1913-1960)
        
        Je suis bien sûr très flatté que le président Gérard GARCIA m'ait demandé de parler d'Albert Camus, sans doute le plus célèbre et le meilleur d'entre nous. J'en suis flatté, mais aussi confus car rien ne me qualifiait particulièrement pour le faire : je ne suis ni professeur de lettres, ni philosophe, ni membre du jury du prix Nobel. Bien d'autres participants, comme on vient d'ailleurs le constater, ont plus de titres que moi pour évoquer ce grand moraliste dont les pièces de théâtre et les essais philosophiques, traduits dans le monde entier, lui ont valu, en 1957, le prix Nobel.
        A la réflexion, j'ai néanmoins accepté la proposition. Non pas avec l'ambition d'analyser son œuvre, ce que d'autres, je le répète, font mieux que moi, mais pour évoquer le personnage dont je me sens très proche. Pour en parler, non pas comme un objet d'étude, mais comme un être familier. Avec tout le respect que je lui dois et qu'il mérite, je le considère, comme un membre d'une grande famille à laquelle j'appartiens aussi.

        Ma proximité d'Albert Camus est tout d'abord d'ordre géographique. Il est né à Mondovi, village de la plaine de Bône (Annaba), situé à une dizaine de kilomètres de Penthièvre (Oued Berda), le village de colonisation qui, vers 1853, fut créé par mes tris aïeux et quelques autres émigrés rhénans. l'époque, une dizaine de kilomètres, ce n'était rien. Une distance aussi courte n'effrayait personne. À pied ou en carriole, entre les deux villages, on circulait presque quotidiennement.
        Quand le chemin de fer fut construit, Mondovi devint la gare desservant Penthièvre. L'un de mes grands-oncles (Edouard Mayer) fut forgeron à Mondovi où il mourut en 1908. Deux de mes cousins y sont nés, dont l'un était le neveu de Deluca, le Maire socialiste de Sétif, qui fut assassiné dans cette ville, le 8 mai 1945, il y aujourd'hui, jour pour jour, soixante-cinq ans.
        Je me sens également proche d'Albert Camus en tant qu'originaire d'une famille très modeste. Enfant pauvre, c'est comme lui un " hussard de la République ", race aujourd'hui éteinte, qui me " poussa " vers les études.

        Le maître d'école d'Albert Camus s'appelait M. Germain. Il avait baptisé le futur prix Nobel : " moustique ". Plus tard, alors que ce dernier aura quarante ans, il l'appellera encore " petit ". Quand Camus apprendra que le Prix Nobel lui a été attribué, il n'écrira que deux lettres de remerciement : l'une à sa mère, qui ne sait pas lire, et l'autre à M. Germain: " Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j'étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé ".
        Après M. Germain, ce fut un autre enseignant d'Algérie, le professeur Jean Grenier, qui prit le relais pour soutenir Albert Camus, cette fois dans ses études supérieures. Même si leurs lignes philosophiques n'ont pas toujours été identiques, Albert Camus et le professeur Jean Grenier resteront toute leur vie très attachés l'un à l'autre. Albert Camus dédiera à Jean Grenier son premier livre " L'Envers et l'Endroit ", édité à Alger en 1937 par Edmond Charlot, puis " l'homme révolté ", publié en 1951. Réciproquement, en 1959, c'est le professeur Jean qui demandera à son ancien élève, devenu prix Nobel, de préfacer la réédition de son ouvrage, " Iles " que Camus aimait tant jadis, quand il n'était encore qu'étudiant.

        Mon M. Germain à moi s'appelait M. Famelard. Il est venu un soir, à la maison, visite à mes parents pour leur dire qu'il fallait absolument m'envoyer au Lycée. Ils n'avaient pas à se faire de souci. Pour couvrir les frais de scolarisation " (car à cette époque, le lycée était payant) " et pour acheter les livres et fournitures, je n'aurais qu'à passer le concours qui me permettrait de bénéficier d'une bourse.
        Plus tard, comme Albert Camus, j'ai eu aussi mon Jean Grenier. Il s'appelait Frédéric Pons. En octobre 1946, après la guerre et après ma démobilisation, il m'a pris en surnombre dans sa classe préparatoire de Louis-le-Grand, a été un enseignant exceptionnel et m'a soutenu de sa présence chaque fois que j'ai du passer un oral de l'un des concours d'entrée aux Grandes Écoles.
        Rendons hommage à ces héros de l'enseignement, généreux pédagogues et défenseurs passionnés de l'école de Jules Ferry sans lesquels nul ascenseur social ne peut fonctionner !

        La tuberculose pulmonaire dont a souffert Albert Camus est également pour moi un facteur de rapprochement. Mon père aussi en avait été atteint. Comme Albert Camus, il avait été réformé et dispensé de service militaire. Mais, comme Camus en 1940, mon père s'était, en 1914, engagé volontairement. Tous deux ont ainsi fait tout leur possible pour défendre leur pays, la France.
        Je me sens proche enfin de Camus en raison des tentatives que nous fîmes lui et moi, et moi non sans peut-être une certaine naïveté, pour essayer d'arrêter le déchaînement de violence et de sauvagerie que la guerre d'Algérie, cette affreuse guerre civile, allait entraîner. Sans nous concerter préalablement, nous avons tous les deux lancé un appel pour que la négociation soit substituée à l'usage du terrorisme et à la répression par les armes.
        Pour lui, ce fut " l'Appel à une Trêve civile. " Il vint à Alger le 22 janvier 1956, accompagné de plusieurs amis intellectuels et pieds-noirs : Emmanuel Roblès, André Rossfelder, l'auteur " du Onzième Commandement ", Jean de Maisonseul etc. lancer cet appel et demander que le mouvement FLN et les autorités françaises, sans avoir à entrer en contact ni à s'engager à rien d'autre, déclarent, simultanément, que pendant toute la durée des troubles, la population civile serait, en toute occasion, respectée et protégée.

        Pour moi, ce fut en juin 1955, " l'Appel de Constantine. " Ce document qui fut signé par une trentaine de personnalités politiques, autant européennes que musulmanes, demandait " que cesse la violence, d'où qu'elle vienne. "
        Aucun des deux appels, hélas, n'atteint son objectif.
        Malgré un service d'ordre musclé, la foule qui accueillit Camus à Alger fut menaçante. Les uns l'injurièrent : " Votre trêve de la violence, on s'en fout ! C'est l'indépendance que nous voulons, quel qu'en soit le prix. "
        Les autres l'accusèrent de " trahir la cause sacrée de l'Algérie française. "

        Quant à " l'Appel de Constantine ", alors qu'il s'apprêtait à être publié dans la presse, il obtint un résultat, mais pas celui qui était attendu : un résultat sinistre.
        20 août 1955, l'un des principaux signataires Allaoua ABBAS, pharmacien constantinois, neveu et fidèle disciple du leader indépendantiste Ferhat ABBAS fut assassiné. Ce même jour, quatre autres signataires musulmans, dont le député apparenté socialiste Dr Benbahmed, firent l'objet de tentatives d'attentat.
        Au lendemain de l'assassinat de son neveu, Ferhat Abbas, se sentant menacé, quitta l'Algérie pour se réfugier au Caire. Le docteur Benbahmed fît bientôt de même. Leurs fuites furent présentées par le FLN comme des ralliements à sa cause. Des ralliements dont chacun appréciera la spontanéité...
        Dans " Autopsie d'une guerre ", ouvrage publié vingt-cinq ans plus tard, Ferhat Abbas fait une brève allusion à cet appel, rédigé et signé par son neveu et par moi-même et qu'il avait corrigé de sa propre main (1). Évidemment, Ferhat Abbas minimise l'évènement et dénie toute intervention de sa part dans la rédaction du texte.

        Compte tenu de la personnalité d'Albert Camus, " l'Appel pour une trêve civile " eut évidemment un retentissement sans aucune commune mesure avec celui qui accueillit l'Appel de Constantine. Ayant été muté à Alger, je me retrouvais bientôt dans la capitale algérienne, plongé dans un monde où les sympathisants d'Albert Camus étaient nombreux. C'étaient souvent des amis communs : tels Jacques Chevalier, le maire d'Alger, Jean de Maisonseul, poète et peintre, etc. Pour moi, tout ce qui concerne Albert Camus évoque donc d'intenses souvenirs personnels.

        La seconde raison que j'ai eu d'avoir accepté de parler de Camus est qu'elle m'offre l'occasion de m'inscrire en faux contre une malveillante stupidité que rapporte Mme Jeannine Verdès-Leroux, directeur de Recherche au CNRS. Elle faisait enquête sur les Pieds-noirs. Elle devait d'ailleurs ensuite publier deux livres, fruits de ce travail. Un jour, de retour au bureau du CEVIPOF, ses collègues gauchistes l'interpellèrent avec ironie : " Alors, ils vont bien tes fascistes ? "
        - Quels fascistes ? Pourquoi des fascistes ? Les Pieds-noirs sont-ils des fascistes ? Albert Camus était-il fasciste ?
        Ah non ! Pas lui ! Mais Camus, c'était l'exception qui confirme la règle."
        J'aimerais profiter aussi de ce bref exposé seulement pour montrer que non seulement Albert Camus ne fut pas une exception parmi les Pieds-noirs mais que, bien au contraire, il est emblématique de ce petit peuple dont il fut l'un des plus authentiques et des meilleurs représentants.

        Un parallèle avec Jean-Paul Sartre met en évidence l'appartenance de Camus au monde des Pieds-noirs, un monde méditerranéen animé de morale chrétienne, tandis qu'à l'inverse la personnalité de Sartre fait de lui le plus représentatif des bobos et des gauchistes parisiens. Confrontons en effet leurs attitudes respectives face à quelques repères déterminants.

        La guerre, la Shoah, la Résistance.
        Les ambitions que le professeur Jean GRENIER nourrissait pour son Etudiant et son disciple ne se sont pas concrétisées de la manière qu'il avait envisagée. Camus n'a jamais été membre de la puissante et très orientée corporation des Normaliens à laquelle appartiendront en revanche tant de ses futurs adversaires idéologiques. La tuberculose lui a en effet fermé les portes du concours d'entrée à l'École de la rue d'Ulm et de l'agrégation. Elle le fît aussi, et par deux fois, réformer du service militaire actif par le Conseil de révision. L'armée ne lui a donc jamais offert l'occasion de défendre la France comme il souhaitait le faire. La Résistance, oui.

        Journaliste à " Alger Républicain ", journal algérois de gauche, il réalise notamment dans les villages montagneux de Kabylie, un reportage exemplaire : " Misère de la Kabylie ". Le reportage, cette école du réel, fut pour lui une expérience qui structura sa formation littéraire et son langage. Celui-ci sera toujours " de chair et de sang ". Cette première enquête fut également fertile pour sa formation politique.
        En mars 1940, à la veille de ces deux semaines au cours desquelles l'armée française s'effondra sous les coups des blindés de Guderian, et grâce à son ami Pascal PIA, ancien collègue " d'Alger Républicain ", il devint secrétaire de rédaction à " France Soir ". L'exode de juin 1940 obligea le quotidien à se replier à Lyon. Camus y épousa en secondes noces Francine Faure qui l'avait rejoint. Mais il perdit son emploi début 1941 et rentra alors à Alger. Gallimard, replié à Cannes, avait accepté de publier " L'Étranger ". Il envoya à Camus, à Alger, des exemplaires d'auteur qui ne lui parvinrent jamais.

        En août 1942, pour mieux combattre la tuberculose, Camus quitta à nouveau le climat brûlant de l'Algérie dont, les médecins considéraient qu'il ne convenait pas à son état. Il vint alors se soigner en Métropole, dans une zone fraîche et boisée, de moyenne altitude (un millier de mètres), située en Auvergne, en Haute Loire, au Panelier, à Chambon-sur-Lignon, où une parente de sa femme tenait une pension de famille.
        Ce lieu est aujourd'hui surtout connu pour la dignité de son attitude face aux persécutions que les Nazis firent subir aux Juifs. Selon le film documentaire " Les armes de l'esprit ", de Pierre SAUVAGE, environ 5 000 Juifs ont trouvé refuge à un moment ou à un autre dans cette région de Chambon-sur-Lignon. Elie WIESEL et Samuel PISAR, deux déportés rescapés des camps de la mort et figurant parmi les plus grands hérauts de la cause juive, s'en sont notamment portés caution.
        En 1990, le gouvernement israélien a reconnu toute la contrée et ses habitants comme " Justes parmi les Nations ", distinction collective qu'il n'a accordée que très exceptionnellement.

        C'est en Haute Loire, que Camus eut ses premiers contacts avec la Résistance.
        Pour s'y soigner, il n'avait prévu de ne rester en Auvergne que deux ou trois mois. Mais à la rentrée scolaire, Francine, dut regagner l'Algérie. Un mois plus tard, le 8 novembre 1942, le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord obligeait Camus à prolonger son séjour en Métropole. Le couple était séparé.
        Camus rejoignit alors Paris où Pascal PIA, son ancien collègue " d'Alger Républicain " qui l'avait déjà introduit à " France Soir " le fit entrer au réseau Combat. Ce réseau de Résistants diffusait clandestinement un journal dont Camus devint le Rédacteur en Chef. Il en fit monter le tirage à 300 000 exemplaires.
        Maria CAZARES, fille d'un ancien ministre républicain espagnol et magnifique artiste de théâtre et de cinéma, contribuait à sa diffusion. En particulier, sur son vélo, elle en transportait des paquets d'exemplaires à travers Paris.

        Deux journalistes de Combat furent arrêtés par la Gestapo. Albert Camus, lui, échappa d'extrême justesse aux mailles du filet. Il confia à Maria Casarès, que les Allemands ne fouillèrent pas, la maquette du prochain numéro de Combat qu'il portait sur lui.
        Maria Casarès devint un grand amour de la vie d'Albert Camus.
        En 1944, le débarquement des Alliés dans le Var (parmi lesquels figuraient 170000 Français d'Afrique du Nord appartenant à la 1ère Armée française) puis la Libération de la France permettront à son épouse, Francine, de revenir en Métropole. Le couple Camus se reforma alors. Deux jumeaux, Jean et Catherine, naquirent le 5 septembre 1945.

        Dans ce même Paris occupé où Camus rédigeait et diffusait Combat, Jean-Paul SARTRE supportait fort bien que ses thèses " L'Être et le Néant 1943 " soient soumises à la censure allemande et que ses pièces " Les Mouches 1943, Huis-clos 1944 " soient jouées devant des parterres où figuraient des officiers allemands. Le théâtre sur la scène duquel ces pièces étaient présentées, anciennement théâtre Sarah Bernhardt, dont le propriétaire juif avait été spolié, avait été rebaptisé théâtre de la Cité afin de ne pas déplaire aux nazis. Car Sarah Bernhardt était juive.

        Albert Camus ne s'est donc pas contenté de rendre hommage à la Liberté par ses écrits. Pour la défendre, il a offert sa vie comme enjeu.

        Confiance dans l'amitié
        CAMUS rencontra SARTRE pour la première fois à la générale " des Mouches. " Il publia sur lui un article particulièrement flatteur, reconnaissant à Sartre un talent sans limite.
        C'est encore Camus qui, en 1944, dans la France libérée, recrutera SARTRE pour en faire un reporter du journal " Combat ". En revanche, en octobre 1945, quand Sartre créera la revue " Les Temps Modernes ", il sera moins complaisant envers Camus que ce dernier l'avait été pour lui-même. Sans se découvrir, en signant lui-même ces attaques, il fît écrire par l'un de ses disciples des articles fort réservés sur Camus.

        Le capitalisme
        La posture des deux hommes face au capitalisme souffre de la même ambiguïté. Sartre est anticapitaliste. Mais sa condamnation du capitalisme est d'origine livresque. Elle trouve ses racines dans les théories marxistes. La disparition du capitalisme serait, selon celles-ci, inscrite dans un prétendu "sens de l'Histoire".
        Camus est également critique envers le capitalisme. Mais il l'est pour des raisons "sensibles", celles de la justice, de la dignité et de la valeur humaine.
        La misère, il ne l'a pas lue dans les livres, il l'a vécue. Je suis né, écrit-il, à mi-chemin de la misère et du soleil.

        La capacité de pardonner
        A la Libération, Camus se sépare de certains Résistants qui exigent une épuration radicale. Il ne rejoint pas pour autant François Mauriac qui prône une amnistie générale. Mais il intervient auprès de Malraux pour demander la grâce d'écrivains collaborateurs tels que Brasillach. Sartre fait partie des ouvriers de la onzième heure dont on sait bien qu'ils sont toujours plus revanchards que ceux qui ont réellement participé au combat.
        En raison de son indulgence pour les collaborateurs, Sartre croit pouvoir mépriser Camus. Il est, dit-il, un faible et un utopiste. On a vu plus haut, face aux nazis, lequel des deux fut en vérité le plus faible.

        De la même manière, quatorze années plus tard, durant la guerre d'Algérie, le 11 janvier 59, Camus introduit un recours en grâce auprès du Général de Gaulle et d'André Malraux en faveur de huit condamnés à mort. Le 21 août 1959 à nouveau il demande la grâce pour Bouyaed Radhid, Berkouk Areski, Sahnoum Ahmed. Mais il refusera toujours de valoriser l'idéologie du terrorisme. Il n'aidera jamais matériellement les terroristes. Il privilégiera, il comme le dit à Stockholm le 17 octobre 1957, la vie de (sa) mère.

        Le communisme
        Avec le problème algérien et celui posé par un ciel vide, c'est sans doute à propos du communisme que le contraste entre les attitudes respectives des deux penseurs est la plus marquée.
        Camus fut, durant deux années passées à Alger Républicain, membre du PCA, communiste algérien. Mais l'histoire officielle du communisme, brossée par les Soviétiques, était pour lui-même du truquage, du mensonge, de la non-intégrité intellectuelle : " D'année en année, de mois en mois parfois, la Pravda se corrige elle-même, les éditions retouchées de l'histoire se succèdent. Lénine est censuré, Marx n'est pas édité. A ce degré, la comparaison avec l'obscurantisme religieux n'est même plus juste ". (L'Homme Révolté, p.291)

        L'Humanité tente de lui rendre ses coups. Le 18 octobre 1957, elle dira de Camus: " C'est le "philosophe " du mythe de la liberté abstraite. Il est l'écrivain de l'illusion ".
        S'il critique les falsifications communistes, Camus n'est pas, pour cela, tombé dans un anticommunisme viscéral, systématique et de mauvais aloi. Dans " Actuelles ", revenant sur ce point dans la partie morale et politique (p. 271), il déclare : "Si nous ne sommes pas d'accord avec la philosophie du communisme, ni avec sa morale pratique, nous refusons énergiquement l'anticommunisme politique, parce que nous en connaissons les inspirations et les buts inavoués ".

        Sartre ne fait pas le détail. Il ne se compromettra pas jusqu'à adhérer officiellement au Parti dont il se bornera à rester toujours un fidèle "compagnon de route". Il brossera de Staline un portrait dithyrambique. Et pour stigmatiser les adversaires du communisme, il aura une formule à l'emporte pièce. Parodiant les dénonciations staliniennes empruntées à l'argot russe, il écrivit : "Tous les anticommunistes sont des chiens !"
        Sartre ne prendra ses distances avec le communisme que très tardivement, au moment du "coup de Prague".

        Démocratie tout court et démocratie populaire.
        Camus est partisan de la démocratie. Il récuse les idéologies messianiques. En aggravant la misère du peuple, elles s'auto justifient.
        "La démocratie n'est pas le meilleur des régimes. Elle en est le moins mauvais. Nous avons goûté' un peu de tous les régimes et nous savons maintenant cela. Mais ce régime ne peut être conçu, créé et soutenu par des hommes qui ne savent pas tout, qui refusent d'accepter la condition prolétarienne et ne s'accommoderont jamais de la misère des autres, mais qui justement refusent cette misère au nom d'une théorie ou d'un messianisme aveugle." Camus. (Les Essais). " Un démocrate est celui qui admet qu'un adversaire peut avoir raison, qui le laisse donc s'exprimer et accepte de réfléchir à ses arguments ".
        À l'inverse de Sartre, Camus récuse toute dictature, fut-elle celle de la pensée ou celle "du prolétariat."

        Le terrorisme
        Dès le début de la guerre d'Algérie, Camus prend partie contre le terrorisme.
        " Un but qui des a moyens injustes n'est pas un but juste ". Autrement dit, la fin ne justifie pas tous les moyens.
        Nous avons rappelé plus haut son "Appel" qui visait à épargner les violences de la guerre à la population civile

        Tandis qu'Albert Camus et ses amis lançaient " l'Appel à la Trêve civile et à la négociation ", Jean-Paul SARTRE, à Paris, soufflait sur les braises. Avec ses camarades porteurs de valise de Normale Sup, Francis Janson et Michel Laimay, organisait un réseau chargé de s'opposer au départ des appelés pour l'Algérie et il collectait en Métropole des fonds au profit du FLN.

        Dieu est mort. Le monde est absurde, mais subsiste "l'honneur de l'homme"
        Dans l'une des formules lapidaires qu'il affectionne, Nietzsche a écrit : " Dieu est mort (Ainsi parlait Zarathoustra) ". Sartre comme Camus doutent de l'existence de Dieu. Du moins d'un Dieu anthropomorphique tel que nous l'a légué la tradition judéo-chrétienne. Mais on ne peut dire sans nuance qu'ils sont tous les deux athées, c'est-à-dire "sans Dieu". Surtout pas Camus.
        Si Dieu n'est plus là pour révéler aux hommes la morale à laquelle ils doivent se conformer, n'y aurait-il donc plus de morale du tout ? " Si Dieu n'existe pas, tout est-il permis ? " interroge Yvan Karamazov, le héros de Dostoïevski ? Si Dieu est parti sans laisser d'adresse, ce départ laisse-t-il le champ libre à l'absurdité et à la sauvagerie ?

        Camus approfondit ce thème de l'absurdité dans le triptyque : L'Étranger, et Le Mythe de Sisyphe. Il n'existe, écrit-il, qu'une question philosophique vraiment sérieuse : c'est le suicide. Car si tout est absurde, si la vie n'a plus de sens, pourquoi continuer à vivre ? La peste est dans la ville. Mais est-ce une raison pour jeter le manche après la cognée ? Le manque de sens ne nous décharge pas de tout devoir envers nous-mêmes ni envers notre prochain.

        Pour Sartre, Camus est un incurable naïf, un utopiste en quête d'une agaçante sainteté laïque. Dieu en partant a laissé les hommes seuls sur Terre. Ils n'ont d'autres choix que de prendre en main leur destinée. Ils doivent s'y résoudre avec rationalité et "réalisme", à travers les conditions historiques dans lesquelles ils se trouvent placés.
        Machiavel aussi soutenait que ses conseils au Prince relevaient du réalisme... Mais quelle distance sépare le réalisme du cynisme ? Pourquoi la fin ne justifierait-elle pas les moyens ? Au service d'une cause jugée "juste" (mais qui en juge ?), la violence, affirme Sartre, se justifie.

        Ainsi, sans état d'âme, Sartre écrit une apologie de Staline. Ce dernier n'est-il pas destiné par le sens de l'Histoire, à "modeler un homme nouveau" et à construire "une société nouvelle", supposée être débarrassée des vices de la société capitaliste ? Silence sur l'archipel du Goulag!
        De même, le terrorisme anticolonialiste est-il, pense Sartre, légitime. N'a-t-il pas pour objet de lutter contre l'horreur colonialiste ?
        Dès que Frantz Fanon, un psychiatre antillais enseignant en Tunisie le lui demande, Sartre accepte sans hésitation de préfacer " Les Damnés de la Terre",
        Cette bible du terrorisme. On y enseigne en particulier que plus un attentat est horrible, plus il est efficace. Jean-Paul SARTRE écrit donc froidement : " Abattre un Européen, c'est faire d'une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé homme ; restent un homme mort et un homme libre ! "

        Loin du réalisme sartrien, Camus soutient que "la noblesse de l'homme" est justement de ne pas s'incliner devant l'absurdité. Elle exige même de lui qu'il ait le courage de se révolter contre elle. Tel est le thème de " l'homme révolte ". Pour être vraiment homme, l'homme a le devoir de se révolter contre l'absurde.
        L'homme révolté n'est pas un homme du ressentiment. Il ne baigne ni dans la haine, ni dans le désir de Vengeance, ni dans le mépris. Sa révolte enfante même d'autres valeurs qui s'imposent à lui.

        Telle est la clé du retournement inattendu du docteur Rieux, le héros de " La Peste ". C'est elle aussi qui motive l'idéalisme du jeune Tarrou quand celui-ci tente d'aider le Dr Rieux à lutter contre le fléau. C'est encore elle qui soutient le courage qui anime le journaliste Rambert lequel, par solidarité avec ses concitoyens d'Oran, préfère rester dans la ville où sévit l'épidémie plutôt que de s'enfuir, comme il a les moyens de le faire, en sauvant sa vie et en rejoignant sa belle.
        La "noblesse de l'homme" ? Mais en quoi cette noblesse est-elle si différente de la sainteté religieuse du Père Panelou, le quatrième des mousquetaires de " La Peste ? "
        Animés par des motivations d'apparence différente, les quatre héros de ce roman témoignent conjointement contre le pessimisme "réaliste". Leurs raisons d'agir s'abreuvent à des sources apparemment distinctes. Mais leurs actes convergent.
        D'où leur vient cette connivence ? Serait-elle le fruit de l'ardent soleil d'Oran ?
        Cette noblesse de l'homme serait-elle inhérente à l'inépuisable espérance qui anime l'esprit pionnier ? Serait-elle de même nature que le courage qui, face aux vicissitudes de l'Histoire, donne aux hommes la faculté de défricher, de rebondir, de reconstruire et d'équiper ? Tâches dans lesquelles ils ne réussissent d'ailleurs pas si mal (2)

        Peut-être parviendrait-on, par des larges enquêtes de caractère ethno-sociologique, à démontrer que l'adoption d'une morale est statistiquement plus propice à la survie que l'absence de morale. Mais Camus n'éprouve nul besoin de courir à de telles démonstrations. Quelque part sa croyance en la noblesse de l'homme rejoint la foi.
        Le parallèle entre Sartre et Camus que, non sans quelque imprudente présomption, je viens d'esquisser devant vous, est jalonné de contrastes. Partis des mêmes propositions, les deux penseurs ont abouti à des moralités antagonistes. La première est pessimiste à l'égard de l'homme : "L'Enfer, c'est l'autre". La seconde au contraire est positive et même ambitieuse pour lui : l'homme doit se battre, c'est son honneur et son devoir.

        Sartre se voulait philosophe. Camus fut un moraliste. A coup sûr le plus grand, même le seul moraliste du XXème siècle. Nanti d'une immense éthique sur Sartre, il fut un produit emblématique de cette mosaïque où germa la culture judéo-chrétienne qui fut propre à cet éphémère petit peuple qu'on a baptisé de ce côté-ci de la Méditerranée - Dieu sait pourquoi ! - Pied-noir.
        Le 8 mai 2010 signé René MAYER

1) Le dossier correspondant est malheureusement resté en Algérie et je ne peux administrer aucune preuve de cette affirmation.
2) Cf. op. cit. Français d'Afrique du Nord, ce qu'ils ce sont devenus, par René MAYER


Galerie Photos

Photo de groupe à l'atelier de ETIENNE SINTES, l'oncle maternel d'Albert CAMUS à BELCOURT, (Alger) en 1920.
Albert, 7 ans, au centre, en tablier noir, pose
avec ses copains tonneliers.



Belcourt, années 20




Albert Camus, gardien de but parmi
Ses coéquipiers du R.U.A.



Au théâtre Antoine, Paris 1959




Albert Camus à Tipaza (Ouest d'Alger)



Il repose en Provence




Pax.
Envoi de M. Christian Graille

             Par le temps de :
             - troubles,
             - polémiques,
             - discussions violentes et
             - rixes qui courent,

             Il est de notre devoir de mêler notre voix à celles de nos confrères dont les appréciations sont si différentes et les divergences d'opinions si variées.
             Quand on parcourt tous leurs écrits, que d'erreurs et de vérités n'y découvre-t-on pas !
             Qu'importe !

             Ces discussions, ce choc où jaillit la lumière, ce choc, disons--nous ne peut-il se produire :
             - sans blesser les personnes,
             - sans violer les lois de respect mutuel, de la courtoisie réciproque dont l'observation seule soit un argument puissant ?


             Le calme dans la discussion, dans la revendication même des droits, c'est la force et, selon nous, c'est la meilleure garantie de la victoire.

             Prenons par exemple l'atelier, là on est apprenti ou ouvrier mais quel que soit le rang qu'on y occupe les relations s'étendent à la longue et avec plus de liberté, commencent les dangers les plus sérieux et les responsabilités les plus graves.
             C'est à l'atelier qu'on doit se souvenir des premiers enseignements tels que le respect d'autrui, la bienveillance pour ses égaux, quel qu'ils soient et enfin l'obéissance pour celui qui commande. Tant que l'ouvrier sera :
             - bon,
             - paisible et respectueux des choses établies,
l'estime de ses concitoyens se portera sur lui, il sera recherché partout et l'ouvrage surtout lui abondera.
             Si au contraire il est irascible et querelleur, il sera haï, évité et toutes les portes seront fermées.
             Il en est ainsi pour le reste des mortels ; quand on cherche à fomenter :
             - des rixes, des désordres,
             On ne recueille que :
             - l'insuccès, le ridicule, déconsidération.

             Résumons-nous : la paix intérieure rend les hommes heureux, et n'oublions pas qu'il n'y a :
             - de liberté durable,
             - d'équitable égalité et
             - de fraternité féconde
             - que lorsque l'union règne entre les citoyens d'une même patrie.

La Tafna (27-06-1883)



Le penon d'Alger.
Envoi de M. Christian Graille

             Le Penon et les constructions dont l'ensemble constitue l'Amirauté, sont restés parmi les monuments qui sollicitent la curiosité première du visiteur nouvellement débarqué à Alger.
             Le Penon a d'ailleurs peu souffert du vandalisme qui, sur d'autres points, a défiguré la capitale des anciens Beys : il semble que la mutilation hésite devant cette masse de pierres que, d'autre part, son isolement protège.
             - Les piliers massifs se cramponnent au sol, aussi solides que jadis,
             - au-dessus s'arrondissent les basses arcades supportant les terrasses où veillaient les canons,
             - sur les rochers noirs et le terre-plein que mouille la mer, la tour octogonale au sous-bassement circulaire dresse encore son profil massif et lourd qu'allège cependant l'élégant belvédère du phare.
             - Tout près se creuse une porte curieuse, c'est la porte du bagne où l'auteur de Don Quichotte, l'immortel Cervantès a souffert.


             Ce coin du vieil Alger, le plus riche en souvenirs avec la Kasbah, mériterait d'être entretenu avec un soin pieux : l'homme devrait lutter ici contre le temps impitoyable, ne jamais se faire son collaborateur.
             Et cependant le sacrilège commence : les lourdes arcades disparaissent aux regards, on a plaqué sur le monument espagnol, massif et grave, on ne sait quelle façade fardée, de style rococo arabe ! Cela détonne et fait mal : on a le sentiment d'une injure imméritée.
             - Le penon fut une forteresse,
             - le penon fut un bagne.


             Les joliesses n'ont que faire ici ; il faut laisser un cadre triste aux tristes souvenirs.
             Le Penon a été bâti sur les îlots rocheux (el Djezaïr en arabe) qui ont donné leur nom à la ville.
             El Djezaïr est devenu avec le temps et suivant les pays :
             - Argel, Algiers, Alger.

             Il est aujourd'hui assez difficile de se faire une idée exacte de la position des îlots. L'aspect général tel qu'il apparaît au touriste des hauteurs de la Kasbah, affecte la forme d'un énorme T, la branche inférieure étant formée par la jetée Kheir-ed-Dine le Penon se dressant au point d'insertion des deux lignes.

             L'histoire du Penon est curieuse ; elle est en raccourci, l'histoire même de l'Espagne sur la côte nord-africaine.
             Le Penon date des premières années du XVIe siècle ; il fut l'un des anneaux d'une longue chaîne de postes fortifiés se déroulant du Maroc et Tripolitaine, passant par :
             - Oran, Cherchell, Bougie, Bône, Tunis.
             On a voulu voir dans cette prise de possession du littoral Nord-africain comme un prolongement de la longue croisade des Espagnols catholiques contre les Maures musulmans.
             Il est certain que la lutte soutenue pendant plusieurs siècles ne pût être soudainement arrêtée. Le mouvement qui emportait les Espagnols et dont le point initial se trouve dans les Asturies ne mourut point aux bords précis du détroit de Gibraltar. L'impulsion était trop forte.

             L'Espagne si souvent envahie déborda à son tour sur l'Afrique.
             Mais à cette cause s'en ajoute une autre, plus immédiate : la nécessité impérieuse de protéger l'Espagne elle-même.
             Après la chute de Grenade, 1492, les plus vaillants des Maures, les plus fanatiques, ceux qui se refusaient à accepter que la défaite fût définitive, émigrèrent vers la côte africaine.

             Là, ces merveilleux colons des huertas espagnoles, ces Maures industrieux se transformèrent en corsaires aussi terribles qu'implacables.
             Le commerce de l'Espagne fut ruiné, ses provinces maritimes ravagées, et les sujets d'Isabelle et de Ferdinand connurent sur leur propre territoire une guerre de revanche à laquelle ils n'avaient pas songé.
             Pour y mettre fin, un seul moyen apparut pratique :
             - occuper tous les ports barbaresques,
             - élever de l'Ouest à l'Est comme une autre muraille de Chine, derrière laquelle l'Espagne serait à l'abri.


             Ce fut l'œuvre de la croisade de 1509 que dirigea le cardinal Ximénès, avec le titre de capitaine général de l'Armada.
             Oran, pris d'assaut fut horriblement saccagé, de même Tripoli.
             Pour obtenir merci et pardon, le sultan d'Alger, Salem-el-Temi se soumit à tout ce qu'on exigea de lui.
             C'est alors que sur les rochers (pena en espagnol) fut bâtie la forteresse appelée Penon.

             Pendant dix-neuf ans, de janvier 1510 à mai 1529, le Penon catholique et la musulmane El Djezaïr durent vivre côte à côte dans un voisinage étrange et plein de périls, surtout à cette époque de fanatisme religieux.
             Cependant jusqu'en 1516 les relations semblent avoir été relativement pacifiques.
             A cette date Ferdinand mourut ; le roi mort les Algériens se crurent dégagés vis-à-vis de l'Espagne.
             Peu après le cheik Salem-el-Temi périssait de façon tragique et Kheir-ed-Din, le terrible Barberousse devenant seigneur d'Alger. Il avait juré de délivrer les habitants du fort chrétien " épine aiguë qui perçait leur cœur ", la lutte ouverte commença, elle devait durer jusqu'en 1529.

             A lire la correspondance des gouverneurs du Penon, pendant cette période tragique, un double sentiment envahit l'âme ; une admiration profonde pour cette poignée d'hommes, sentinelles perdus en terre musulmane et un étonnement non moins profond à constater l'incurie du gouvernement espagnol, son impuissance, et nous sommes au temps de Charles-Quint, à ravitailler ce poste avancé contre lequel l'Afrique entière semble s'acharner. Plus d'une fois la garnison faillit périr :
             - de faim, de soif, de froid.
             Un des Gouverneurs Nicolo de Quint dut vendre ses propres terres et avec les 1.500 ducats qu'il en tira, il ramena :
             - vivres,
             - poudre,
             - et aussi du drap pour vêtir les hommes.

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             Le dernier acte du long drame se joua le 31 mai 1529 : ce jour-là, nous laissons la parole aux deux historiens espagnols Haëdo et Gomarra, Kheir-ed-Dine entoura le Penon avec 45 galères, brigantins (grand voilier à deux mâts, à voiles carrées ) et grandes barques portant tout ce qu'il avait d'hommes choisis parmi lesquels 1.000 à 1.200 escopetiers (gardes armés de la milice espagnole), 200 archers turcs et beaucoup de gens armés de flèches.
             Il l'aborda résolument, battit et combattit si rudement le château que même plus nombreuse et mieux approvisionnée la garnison aurait succombé.
             Les Espagnols combattirent depuis le matin où l'on commença à battre leurs fortifications jusqu'à midi que les ennemis arrivèrent à l'assaut.
             Ils eurent, tout ce temps, 8.000 Maures ou Turcs sur les bras. De 150 qu'ils étaient, 25 restèrent vivants, captifs, grièvement blessés et bien tristes de vivre encore.

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             Par une singulière ironie du sort, le gouverneur du Penon, Martin du Vargas, qui tout le jour s'était battu à la tête des siens, n'avait pas trouvé la mort dans le combat.
             A la merci de Barberousse et sommé par lui de renier son Dieu, le héros castillan ne répondit pas, Kheir-ed-Dine le fit périr sous le bâton.
             Haëdo nous a conté ce martyre : la cadence horrible des matraques s'abattant sur le ventre de la victime, les entrailles en bouillie et ce qui fut une chair vivante et brave retombant de toute part en pluie lourde et sanglante.
             Avec Martin de Vargas finit l'histoire du penon espagnol. Le corsaire vainqueur fit démolir le château ne gardant que la grosse tour octogonale. Avec les débris il construisit la jetée qui porte son nom.
             Et quand l'îlot eut été noué à la terre par ce lien solide autour du Penon esclave, de nouvelles batteries furent édifiées.
             Ce fut le plus formidable ensemble de fortification de la côte barbaresque.

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             Kheir-ed-Dine devint le véritable maître de la Méditerranée occidentale.
             François 1er brigua son alliance et celle de Soliman, son maître.
             Le grand turc et le roi très chrétien se donnèrent la main, ce fut l'alliance impie.
             Charles-Quint comprit la faute commise et abandonnant Vargas et le Penon à leur triste sort.

             En 1541 il dirigea contre Alger une grande expédition. Elle se termina par un épouvantable désastre. L'armée, presque entièrement, y périt et la flotte.
             Là sombra le galion de Cortez et avec lui toutes les richesses rapportées du Mexique par le Conquistador.
             Elles gisent, encore aujourd'hui, dans un coin ignoré de la baie de l'Agha.
             La ruine de cette grande armada consacra la réputation d'Alger, en fit une cité inviolable, invincible.
             Une légende cependant vivait, souvenir elle aussi, de l'expédition du grand Empereur et du poignard hardiment planté dans la porte Bab-Azzoun par un homme au manteau rouge, le chevalier de Malte Pons de Blaguer…
             Alger et le Penon succomberaient le jour où viendraient d'autres guerriers de rouge habillés. Trois siècles s'écoulèrent ; alors les guerriers rouges qu'avait prévu la légende parurent sous les murs de la ville… Depuis ce jour le Penon est français et libre et la musulmane El-Djezaïr, la vieille reine de la piraterie barbaresque est devenue la plus coquette et la plus hospitalière des cités.

E. Béraud.
(La vie algérienne et tunisienne 15-03-1897)



"Famille, je vous aime"
Envoyé par Mme Annie Bouhier

  Question à un professeur enfant de Pied-noir:
« Ce n’est pas trop dur d'avoir des parents PN
avec tout ce qu'ils ont sur la conscience... ? »
Réponse affichée
dans la salle des professeurs du lycée
  

             Aux miens.

             On aurait voulu que j'écrive "Famille, je vous hais".
             L'école aurait voulu que je vous condamne.
             Les politiques auraient voulu que je vous maudisse.
             L'opinion, dans sa grande majorité, aurait voulu que je vous rejette.
             Les intellectuels auraient voulu que je vous désavoue.
             Les historiens auraient voulu que je vous désapprouve.
             La France aurait voulu que je vous méprise.
             Et nombreux sont malheureusement les enfants de Pieds-Noirs qui se sont laissés convaincre par ces discours culpabilisants.

             Moi, je condamne, je maudis, je rejette, je désavoue, je désapprouve et je méprise tout ce joli monde.

             Et, au contraire, j'écris en lettres d'or "Famille, je vous aime".
             Vous avez été les victimes d'une trahison d’État, d'un abandon honteux, d'un exil douloureux, d'un "accueil" indigne.
             Vous avez enduré quotidiennement, durant des années, les massacres, les enlèvements.
             Vous avez dû abandonner le peu que vous possédiez pour sauver votre vie en rejoignant une patrie qui ne voulait pas de vous.
             On vous a présentés, pour vous dénigrer, comme des nantis, vous dont la seule richesse était l'amour que vous portiez à vos familles.
             Et ceux-là mêmes qui vous traitaient de "bougnoules" ou de "rats pas triés" ont essayé de vous faire passer pour des racistes.
             Mais vous avez relevé la tête et vous avez construit une nouvelle vie, loin de votre ciel bleu, loin de vos amis, séparés pour toujours de vos disparus, exilés à jamais sur une terre étrangère, blessés depuis 55 ans.
             Cette blessure vous me l'avez transmise, sans le vouloir, en essayant au contraire de me préserver de cette douleur indélébile.
             Mais je suis fier d'être issu de vous.

             Alors, encore une fois, "Famille, je vous aime".
             Merci de m'avoir permis d'être un gosse de Pieds-Noirs.
Lionel VIVES-DIAZ
Fils de parents Oranais
Enseignant. Né en 1964 en métropole
2 ans après l'exode de ses parents...


Les Français d'Algérie avouent enfin….
Envoi de M. Christian Graille

         Souvent nous avons été étonnés de voir avec quelle facilité les accusés avouent les crimes les plus graves, devant les tribunaux de Russie, de Chine et des démocraties populaires. Ont-ils été :
         - Dopés, piqués, envoûtés ?
         Sans doute ! Il se peut aussi qu'on les ait accusés si souvent avec tant de violence et de brutalité, leur rabâchant sans cesse les mêmes griefs que, de guerre lasse, ils en arrivent à douter eux-mêmes de leur innocence et à avouer tout ce qu'on voudra….

         Est-ce cet état d'âme ou une douce ironie qui a poussé un vieux prêtre du département de Bône à dire aux fillettes de son catéchisme :
         " Mes chères petites colonialistes " ! ! !
         " Ces chères petites colonialistes " étaient des filles :
         - de pêcheurs, d'ouvriers, de petits fonctionnaires, de cheminots,
         De pauvres gamines comme il y en a tant en France.

         Une institutrice tomba dans la même psychose ou la même ironie en appelant ses élèves : " mes chers petits racistes ! " Ces racistes en herbe étaient des bambins européens :
         - Français, Italiens, Maltais, Espagnols, Israélites et musulmans…
         Tous :
         - assis sur les mêmes bancs,
         - dans la même classe,
         - recevant le même enseignement,
         - partageant les mêmes jeux, et
         - bénéficiant de la même affection et du même dévouement de leur institutrice.


         Ces deux faits illustrent le ridicule et l'odieux des accusations de racisme et de colonialisme lancées contre les Français d'Algérie, indistinctement d'une manière absolue… et sans nuance.

         Sur un million deux cent mille Français d'Algérie, il n'y a à peine vingt mille agriculteurs improprement appelés d'ailleurs… colons.
         Sur ces vingt mille agriculteurs il y en a à peine deux cents, de ceux en France qu'on appellerait des gros fermiers.
         Sans doute on s'étonne que certaines de ces exploitations agricoles aient un nombre d'hectares qui laissent pantois les paysans de France.

         Notre rédacteur F.B avait déjà expliqué ce mystère dans notre premier numéro :
         " On ne peut comparer, écrivait-il, un hectare à céréales sur les Hauts Plateaux d'Algérie avec un hectare de terre en Savoie. Ce n'est pas le même ensoleillement.
         Savez-vous que sur les Hauts Plateaux on ne récolte, et on ne peut récolter que des céréales.
         Il ne peut y avoir donc qu'amendement tous les deux ans.
         Donc une année de moisson, une année de jachère. Avec les caprices de la pluviométrie on ne compte qu'une bonne récolte (12 quintaux à l'hectare) et une moyenne tous les cinq ans ! ! !
         Alors comprenez-vous que les propriétés de 200 hectares ne représentent pas la fortune ! "

         Voilà l'explication logique et scientifique de ces grands domaines agricoles qui scandalisent par leur étendue tant de Métropolitains ignorants des choses d'Algérie. Qu'est-ce qu'un hectare d'Algérie à côté d'un hectare de la Brie ou de la Beauce ! ! ! Et parmi ces deux cents gros fermiers combien n'ont rien à se reprocher à l'égard de leurs ouvriers agricoles ni au point de vue charité, ni au point de vue justice sociale. C'est par d'autres moyens qu'il faut lutter contre :
         - la misère,
         - la faim,
         - le chômage.

         Il faut industrialiser l'Algérie et y créer des sources nouvelles de travail et de mieux-être qui permettent aux musulmans d'avoir une vie plus digne.
         Ce serait plus utile, plus fécond et plus intelligent que de fomenter une campagne de haine contre les colons d'Algérie !
Le petit Bônois (mai 1956)


Un coup de chasse-mouches…
et les Français débarquent.
Envoi de M. Christian Graille

                En 1830, l'Algérie reste toujours sous le protectorat turc même si le pouvoir de janissaires se trouve limité par la puissance des Raïs (ces capitaines corsaires qui écument la Méditerranée et attaquent les flottes européennes).
                Le Dey élu par les Raïs, puis par la milice, gouverne. Mais l'arrière-pays où se concentre la majorité de la population indigène, échappe en grande partie à son contrôle.
                Pour le vulgaire, Alger et la côte barbaresque n'avaient en 1830 qu'une industrie, la piraterie.
                En réalité, sur le littoral se faisait la pêche la plus abondante du corail et l'arrière-pays produisait au-delà de ses besoins :
                - la cire, les cuirs, les laines, surtout les grains.

                Depuis le XVIe siècle, la France avait le monopole du commerce sur une partie de la côte avec des comptoirs fortifiés. Alger était dans notre zone d'influence.
                Le mot est moderne, la chose est ancienne et convenait fort à la souple politique des Bourbons.
                Quand les pirates barbaresques abusaient trop, une guerre punitive interrompait les relations économiques, mais elles étaient reprises aussitôt que possible.

                En 1569 après les grands bombardements, Louis XIV avait renouvelé à la compagnie d'Afrique le monopole de la pêche du corail et celui du commerce avec l'intérieur.
                La Révolution avait remplacé la compagnie par l'agence d'Afrique, mais Trafalgar n'avait pas plus permis d'entretenir nos comptoirs algériens que de sauver nos colonies.

                En 1807, les Anglais avaient obtenu un bail de nos concessions pour dix ans et comme il s'agissait en apparence d'établissements purement commerciaux sans déplacement de souveraineté, le traité de Paris n'en avait ni prévu ni ordonné la restitution.

                En 1817, le bail vint à expiration. Les Anglais qui n'entendaient rien à la pêche du corail, ni aux avances à faire aux cultivateurs indigènes (le monopole de fait du commerce des grains était passé aux Juifs d'Alger) estimaient avoir fait une mauvaise affaire ; et, quand Richelieu offrit au Dey de louer les ruines de nos concessions moyennant une redevance annuelle de 300.000 francs ; ils se gardèrent de mettre une surenchère.
                La réoccupation du 17 mars 1817, inspirée par le souci traditionnel de reprendre tous nos établissements d'ancien régime, nous permettra d'intervenir seuls quand les difficultés s'élèveront entre nous et le Dey d'Alger.

                De mauvais clients.
                Nous ne réussîmes pas d'ailleurs à relever nos concessions. Le protectionnisme qui triomphait empêchait la prospérité des comptoirs, qui avaient essentiellement pour but autrefois d'approvisionner les provinces du Midi des grains de Barbarie.
                Le Dey nous trouvait de mauvais clients et les conflits de détail se multipliaient.
                Nous avions mis quelques canons à la Calle et le Dey soutenait qu'il lui avait été verbalement promis que nos comptoirs ne seraient pas armés.
                L'agence de Bône fut pillée au cours d'une insurrection kabyle et d'une perquisition colorée par le prétexte que notre agent avait fourni des munitions aux insurgés. Nous, nous heurtions d'ailleurs à l'accaparement du commerce algérien par une toute puissance firme de Juifs livournais, Bacri et Busnach.

Bacri va en prison.

                Sous le Directoire ces Israélites avaient pris le rôle de munitionnaires français. Ils vendaient à nos armées jusqu'à 120 francs la charge de blé que l'agence d'Afrique aurait livré pour 45, mais ils accordaient tous les délais de paiement possibles. Le Dey était intéressé dans leur commerce.
                Après la paix de 1801, ils touchèrent deux acomptes ; mais Napoléon payait le moins possible les fournisseurs.
                La liquidation ne fut reprise qu'à la Restauration. Bacri et Busnach réclamaient 24 millions ; la France en 1819 en reconnut 7 : ils ne furent pas mécontents et en touchèrent 4,5.
                Le reste fut consigné à la Caisse des dépôts, à la charge des oppositions, dont quelques-unes avaient été faites d'accord avec eux.

                Le Dey se prétendait lui-même créancier de Bacri et Busnach ; c'étaient ses grains qu'ils avaient vendus à la France.
                Mais la barbaresque n'entendait rien à la procédure française et n'eut pas l'idée de se consulter en France.
                Il disait au gouvernement royal : " Bacri est mon débiteur, vous devez de l'argent à Bacri, payez-moi. S'il était dû au Roi de France de l'argent par l'un de mes sujets, justice lui serait rendue dans les vingt-quatre heures. "
                Le débat dura sept ans.
                Au mois d'août, le Dey fit emprisonner Bacri et l'obligea à faire abandon de toutes ses créances françaises et espagnoles.
                Cela ne changea rien à la situation mais Hussein comprenait de moins en moins.
                Pendant qu'il croyait avoir contre la France un grief si légitime, Alger restait une étrange et redoutable puissance qui, quoique déclinante, était une injure permanente à la chrétienté.

                La course était toujours son industrie nationale. Ses marins se considéraient en guerre éternelle avec tous les infidèles ; en capturant leurs navires, ils étaient donc des corsaires, non des pirates.
                A la prise des biens, ils ajoutaient l'esclavage des captifs et au début du XIXe siècle, on courait toujours le risque, en s'embarquant sur la Méditerranée, de finir la traversée, captif à Alger.

Échec et revers.

                Le congrès de Vienne saisi de la traite des noirs, s'est aussi préoccupé de l'esclavage.
                Lord Exmouth avait été chargé de dicter au Dey les volontés de l'Europe.
                Il avait bombardé Alger selon la tradition et imposé le traité du 30 août 1816 qui abolissait, en théorie, l'esclavage des chrétiens.

                Le congrès d'Aix la Chapelle voulut obtenir la suppression complète de la course.
                Mais les escadres anglaises et françaises se présentèrent en septembre 1819, elles essuyèrent un refus insolent et l'on soupçonna les Anglais de se consoler facilement de ce revers.
                Insultés à leur tour ils perdirent la face après l'échec ridicule de Sir Harry Neale qui, en 1824 se retira devant le feu des forts.
                Les États européens n'avaient qu'un moyen d'assurer la sécurité de leur pavillon, c'était l'acheter à beaux deniers.

                Depuis les bombardements de 1690, la France était officiellement en paix et amitié avec la Régence.
                Nous payions redevance pour les concessions et chaque fois que nous accréditions un nouveau consul, il apportait de riches présents ; du moins évitions-nous la formalité humiliante du tribut.
                - L'Angleterre, l'Autriche, l'Espagne, la Hollande,
                - la plupart des États s'y résignaient au contraire, et s'ils étaient en retard, les Algériens leur couraient sus.


                Ces tributs payés par les principales puissances maritimes et les présents consulaires, rapportaient au trésor du Dey plus que la course contre les navires des États qui s'y refusaient.
                Dans les dernières années la piraterie exercée, sous prétexte de course, dans le Levant par des navires qui arboraient le pavillon grec, en Amérique par des vaisseaux qui se réclamaient des colonies espagnoles insurgées, avait été plus fâcheuse pour le commerce que pour la traditionnelle piraterie barbaresque.

Les Algériens insultent tous les pavillons.

                Mais l'insécurité régnait en Méditerranée et, sous prétexte d'attaquer les navires des États hostiles, les Algériens insultaient tous les pavillons.
                Quant au traité de 1818, il n'était point observé, et, en 1824, nous avions dû envoyer l'Hermione délivrer des équipages espagnols capturés et mis au bagne, anneaux de fer aux pieds.
                Le Dey Hussein qui régnait paisiblement depuis 1818 après six précédents assassinés, repoussa très loin nos revendications quand nous déclarâmes prendre sous notre protection la marine pontificale : " que le pape paie tribut " déclara-t-il. Le San Antonio et le San Francisco, deux navires romains furent capturés.
                Deux bâtiments français furent arrêtés et visités, des marchandises françaises saisies sur un navire espagnol.
                De ces deux derniers faits, le Dey s'excusa, mais il maintint son droit de courir sus aux vaisseaux du Saint Père.
                - L'affaire de Bône,
                - les captures dont nous nous plaignions et
                - le défaut de paiement des créances Bacri, dont il se plaignait, tels étaient, au début de 1827, les litiges pendants entre le Dey et la France.

                Ce qui aggravait tout, c'est que le Dey avait pris en horreur notre consul Pierre Deval ; il l'accusait d'être aux gages des Bacri et la cour de France soupçonnait Hussein de réclamer son rappel pour toucher le présent d'usage que lui devait tout nouveau consul.

Il le frappe de son chasse mouches.

                Le 30 avril 1827, la discussion s'envenima, le Dey assis suivant l'étiquette orientale, se leva et ordonna au consul de sortir ; Duval ne bougeant pas, il le frappa du manche de son chasse mouches.
                Deval ne broncha pas sous l'injure mais le soir même rendit compte et demanda qu'on lui obtînt réparation ou qu'on lui accordât un congé.
                Cependant Hussein poursuivait son idée de se faire payer par les Bacri.
                La plupart étaient réfugiés à Livourne. Il somma le grand-Duc de Toscane de les lui livrer sous menace de guerre.
                La France dut prendre sous sa protection la Toscane où Lamartine était alors chargé d'affaires.
                Deux escadres prirent la mer, l'une alla croiser devant Livourne, la seconde réclamer des excuses que le Dey refusa.
                Le blocus fut déclaré tandis que, par représailles, nos comptoirs étaient occupés.

Alger la bien gardée.

                - Blocus, bombardements, accommodement,
                C'était depuis des siècles l'histoire des conflits entre les puissances chrétiennes et la Régence.
                Hussein enorgueilli d'avoir trois ans plus tôt fait reculer l'Angleterre ne prenait point au tragique la nouvelle rupture et, dans le gouvernement français c'était une minorité qui acceptait l'idée de profiter des justes griefs que le Dey nous avait donnés pour entreprendre une conquête.
                L'échec de Charles Quint, de onze expéditions, donnait à " Alger la bien gardée " la réputation d'une ville imprenable.

                Il y avait pourtant une tradition de projets de conquête. Notre dernier consul à Alger sous l'ancien régime M. de Kercy avait étudié de fort près le moyen d'accomplir un débarquement et Napoléon avait envoyé le commandant Boutin explorer le pays et en relever la carte.
                Son mémoire qui indiquait la baie de Sidi Ferruch comme le point le plus favorable, était conservé au ministère et devait grandement servir en 1830.
                Ali Bey avait présenté aussi tout un mémoire sur la colonisation dans les pays barbaresques et les commerçants marseillais réclamaient volontiers un établissement en Afrique pour réparer la perte de notre empire colonial.
                Après le blocus : l'offensive.
                Clermont-Tonnerre et Chabrol proposèrent sitôt le blocus établi de passer à l'offensive. Clermont-Tonnerre avait étudié de très près le plan de campagne : débarquement à Sidi-Ferruch, emploi de 33.000 hommes : " Ce ne sera pas pour le Roi, disait-il, un léger avantage que de clore la session et de demander ensuite des députés à la France les clefs d'Alger à la main. "
Le Conseil en délibéra le 11 octobre 1827.
Villèle, (président du conseil des ministres entre 1821 et 1828) toujours pacifique s'opposa à l'expédition.
Chabrol et Clermont-Tonnerre ne furent appuyés que par Frayssinous.. " Je suis de votre avis, leur dit le Roi, mais nous sommes en minorité. "

80 coups de canon.

                Le blocus continua ; il coûtait cher. L'amiral Collet succombait à ses fatigues, les matelots jetés par accident à la côte étaient massacrés.
                La Bretonnière qui remplaça Collet reçut ordre :
                - de reprendre les négociations,
                - de se contenter de la libération des prisonniers français et
                - d'excuses qu'une mission viendrait présenter à Paris.

                Hussein refusa tout et la Bretonnière repartant après son audience sur la Provence qui battait toujours pavillon parlementaire essuya 80 coups de canon.
                Il eut le sang-froid de ne pas répondre. (31 juillet 1829).
                Il ne s'agissait plus d'un coup d'éventail à un consul en audience privée, mais de l'injure la plus grave qui pût être faite à notre pavillon.
                Le consul d'Angleterre, Saint John qui jusque-là encourageait sous-main la résistance d'Hussein, tenta en vain de lui faire comprendre qu'il allait appeler sur lui la foudre.
                Le Dey se refusa à toute réparation. Il destitua seulement son ministre de la Marine, ce qui parut pure comédie.

                La nouvelle de la canonnade arriva à Paris lors de l'avènement du cabinet Polignac, mais celui-ci, tout occupé à son grand dessein, perdit encore six mois.

Tripoli, Tunis et Alger.

                Le pacha d'Égypte, Méhémet Ali lui offrit de conquérir avec l'appui de la France les trois Régences :
                - de Tripoli, de Tunis et d'Alger.
                Il aurait donné satisfaction :
                - au sultan en lui continuant les tributs,
                - à l'Europe en abolissant la piraterie,
                - à la France en vengeant ses injures.

                Mais il réclamait une avance de 28 millions et le don de 4 vaisseaux de ligne.
                D'Haussez (député, ministre de la Marine) déclara tout net qu'il trouvait cette dernière clause honteuse. Polignac fit offrir une subvention de 10 millions et le prêt de 4 vaisseaux.
                La France participerait à l'expédition.
                A ceci le vice-roi objecta que ce concours était impossible et le perdrait devant les Musulmans. Finalement, on ne s'entendit pas.

Polignac se rallie au projet.

                Depuis le milieu de décembre, le parti du roi était pris. Il était décidé de s'emparer d'Alger. La guerre et la marine avaient minutieusement étudié les plans d'expédition. Polignac se rallia à son tour au projet.
                Le 7 février 1830, Charles X signa les ordonnances de mobilisation de l'armée et de la flotte ; le télégraphe expédia des ordres dans tous les ports pour faire commencer les préparatifs.
                - L'hostilité de l'opposition libérale,
                - la jalousie de l'Angleterre
                - la timidité routinière de la vieille marine se coalisaient contre le projet.

                Le gouvernement royal dédaigna les critiques, passa outre aux jalousies anglaises, répondit par un plan juste et hardi aux objections des techniciens.
                Charles X avait fait de la conquête d'Alger son affaire propre. " Il mena tout, dirigea tout dit Polignac je ne fus que son premier secrétaire. "
Le vrai danger.

                L'opposition de l'Angleterre était le vrai danger. Pendant quatre mois, avec toute la mauvaise grâce imaginable, Londres prétendit nous arracher un engagement en forme de ne tirer aucun profit de notre victoire et d'évacuer Alger sitôt que nous l'aurions pris.
                Devant cette exigence Polignac fut admirable. L'étourdi tragique des journées de juillet ne fit pas une faute dans cette longue joute.
                Sa position fut toujours la même : nous n'avions pas d'engagement à prendre ; nous étudierions avec tous nos alliés ce qu'il faudrait faire de la Régence quand nous l'aurions conquise, pas avant.

                Et ce n'était point duplicité que cette réserve, car réellement Polignac n'avait pas pris de parti. Il examinait toutes les solutions et en retenait deux de préférences :
                - conserver le gouvernement du Dey en lui imposant une indemnité de 50 millions et la cession de Bône,
                - plus le démantèlement d'Alger pour garantir l'abolition de la piraterie,
                - ou bien prendre Alger pour nous et partager la Régence entre les autres puissances.

                Polignac examinait encore l'hypothèse :
                - de remettre Alger au sultan,
                - d'y installer un royaume arabe
                - ou de le confier à l'ordre de Malte.


                C'est miracle qu'avec de telles dispositions il ait aussi fermement réservé l'avenir que si son parti avait été pris de constituer un empire français dans l'Afrique du Nord. C'est qu'il avait derrière lui le Roi.
                Charles X avait la vue claire que son ministre n'avait pas. La circulaire du 12 mars, envoyée à toutes les cours, bien accueillie de toutes, fut vivement repoussée par Lord Aberdeen :
                " Voyez un peu ce qui arriverait si quelques-uns de vos alliés, la Russie et la Prusse, par exemple, était d'avis de faire d'Alger une colonie française. Vous ne manqueriez pas de vous prévaloir de leur opinion, tandis que jamais nous ne pourrions y consentir. Voilà pourquoi cette affaire ne peut être traitée avec tout le monde à la fois. Il nous faut une déclaration particulière, officielle et explicite qui vous donne l'assurance que jamais pareille éventualité ne saurait se réaliser. "

                La dépêche du 15 avril ne fit que répéter la circulaire du 13 mars.
                La France s'entendrait avec l'Europe et que pour une telle conférence fut loyale et utile, nous entendions y venir sans promesses particulières.
                " Nous vous avions demandé de calmer nos inquiétudes, dit Aberdeen, et vous ne faîtes que les accroître. "
                Il harcelait le duc de Laval plusieurs fois le jour et notre ambassadeur s'attendait à recevoir un ultimatum.

                Si l'Angleterre avait voulu s'opposer par la force à notre expédition avec sa marine triple de la nôtre, les puissances continentales qui nous encourageaient n'étaient pas décidées à aller plus loin.
                L'Angleterre craint au contraire de trouver, derrière la France, la Russie qui nous donnait tous les témoignages possible d'amitié et la Prusse que l'idée de nous Le sang-froid de nos ministres était pour la persuader que nous pouvions compter sur de tels concours. " La France se f….t de l'Angleterre " avait répondu d'Haussez aux tentatives d'intimidation de Lord Stuart (diplomate).
                Polignac à qui celui-ci demandait des instructions données à Bourmont lui avait dit poliment. " Pour cela Milord, c'est une preuve de confiance qui se donne peut-être, mais qu'on ne demande pas. "
                Charles X arrêta net ses récriminations en lui disant : " Monsieur l'ambassadeur, tout ce que je puis faire pour votre gouvernement, c'est de n'avoir pas écouté ce que je viens d'entendre. "
                Lors Stuart ne négligea pas de pratiquer les députés et les pairs.
                Il se vantait d'avoir persuadé les députés qui restaient attachés à la politique prudente de Villèle (président du conseil des ministres de 1821 à 1828).

                Talleyrand se déchaînait contre l'expédition d'Alger, et toute l'opposition libérale la dénonçait comme un crime.
                Dans la furieuse campagne qui se poursuivit ainsi jusqu'après la victoire, l'argument le plus fort comme le plus inexact consistait à répéter que la conquête coûterait cher et ne servirait à rien qui se poursuivit ainsi jusqu'à la victoire l'argument le plus fort comme le plus inexact consistait à répéter que la conquête coûterait cher et ne servirait à rien puisque Polignac créature de l'Angleterre avait dû lui donner parole de ne pas garder sa conquête.
                La presse énumérait toutes les difficultés qui devaient rendre l'expédition impossible mais les soldats alors ne lisaient guère les journaux, et les plus sinistres prédictions furent sans influence sur le moral de l'armée.

                Des soldats s'engagèrent pour s'offrir comme volontaires.
                Au contraire ces objections que répétaient les Débats, le Constitutionnel, le National que l'amiral Vehruel avait portées à la Chambre des pairs, dominaient l'esprit de tous les amiraux. Pas un ne croyait le succès possible.
                Jamais on n'a mieux vu dans les préparatifs de l'expédition d'Alger combien, au-dessus des spécialistes et des techniciens, il faut un pouvoir qui les domine en les utilisant.
                C'est la fonction proprement royale. Charles X eut la bonne fortune de trouver pour l'aider le baron d'Haussez.
                Six mois plus tôt ce grand administrateur n'avait aucune notion particulière des choses maritimes, mais il connaissait les hommes ; il avait le don de commander.
                Il remarqua que toutes les expéditions, dont l'échec faisait la légende d'Alger imprenable, aucune n'avait manqué par le fait du débarquement.
                La difficulté n'était donc pas proprement maritime.
                Il résolut de passer outre à une résistance où il ne voyait que cabale et routine.
                Comme l'amiral Roussin lui soutenait qu'il ne trouverait pas d'amiral pour accepter les responsabilités de l'expédition. Il lui répondit qu'il donnerait plutôt le commandement à un officier d'un grade inférieur et il accorda sa confiance à deux capitaine de frégate qu'il fit venir de l'escadre du blocus : Dupetit-Thouars et Taradel.

La flotte prend la mer.

                Duperré accepta le commandement, mais en rechignant et en déclarant, pour commencer que l'expédition ne pourrait être prête que pour l'année suivante.
                Elle le sera dans trois mois commanda d'Haussez. Elle le fut.
                - Les menaces de l'Angleterre,
                - les objections de la Marine,
                - les critiques de l'opposition,

                Rien n'avait arrêté le Roi et le ministère. Le 25 mai, la flotte prenait la mer.
                Avec les transports c'étaient 600 bâtiments, l'un des plus grands armements qui fussent sortis d'un port français.

A l'aube du 14 juin.

                Bourmont, ministre de la guerre, s'était, au grand désespoir de Marmont, fait donner le commandement de l'armée et ses quatre fils servaient sous ses ordres.
                Une ordonnance du 19 avril lui subordonnait expressément l'amiral ; il ne devait en faire usage que si celui-ci montrait de la mauvaise volonté.
                L'armée comptait 37.000 hommes.
                - Trois divisions d'infanterie : Berthezène, Loverdo, des Cars.
                - Peu de cavalerie : deux escadrons.
                - Une artillerie plus importante, notamment un parc de siège de 83 bouches à feu. Un immense matériel avait été réuni comme s'il devait être impossible de rien se procurer en Afrique.


                Toute la flotte moins sept bateaux à valeur étaient encore à voiles ; on était donc à la merci des vents.

                Le 30 mai comme on arrivait en vue de la côte d'Afrique, ils parurent contraires et à l'étonnement de l'armée, au mécontentement de Bourmont, Duperré ramena toute la flotte à Palma de Majorque. C'était une faute.
                Le vent d'Est laisse calme la baie de Sidi-Ferruch qui en est abritée.
                Le débarquement fin mai n'aurait pas donné au Dey le temps de recevoir les contingents des Beys, ses vassaux.

                La flotte ne reprit la mer que le 10 juin et le débarquement commença à l'aube du 14 sur cette presqu'île de Sidi-Ferruch, à quatre lieues à l'Ouest d'Alger, que Boutin après Kercy avait signalé comme le point le plus favorable de la côte.
                Le débarquement ne nous coûta qu'une trentaine de blessés.

                Le 15 quelques attaques esquissées par les Arabes furent facilement repoussées.

                Le 16, un violente tempête fit craindre la dispersion de la flotte. " Ce sera le second tome de l'expédition de Charles-Quint " disaient les pessimistes.
                Et Duperré dans son rapport : " Deux heures plus tard, la flotte était menacée d'une destruction peut-être totale. "

                Le 19 l'armée algérienne contre-attaqua. Ce fut la bataille de Staouéli.
                Nous avions en ligne 20.000 hommes. L'agha Ibrahim, gendre du Dey en lançait contre nous quelque 60.000.
                Les premiers moments de l'attaque à l'aurore faillirent donner l'avantage aux Algériens. Un bataillon du 28e qui se repliait le long de la mer fut surpris en cours de retraite mais il put former le carré et donner aux renforts le temps d'arriver.
                Au centre, où commandait Berthezène, la cavalerie ennemie franchit un instant nos parapets, mais la contre-attaque fut si vive qu'elle enleva les batteries algériennes.
                A droite Loverdo rejeta le Bey de Constantine jusqu'à la ferme de Staouéli, Berthezène et Loverdo, sans ordres, s'arrêtèrent alors ; il était neuf heures du matin.

Mustapha, le Bey du Titteri.

                De son quartier général au marabout de Sidi-Ferruch, Bourmont avait d'abord cru à un simple engagement. Son plan était de garder la défensive tant qu'il n'aurait pas débarqué son matériel de siège.
                Quand il vit l'élan des troupes, la ligne et la contre-attaque les avait portées, il donna l'ordre de poursuivre le combat.
                A midi le camp d'Ibrahim était en notre possession et l'ennemi qui fuyait fut poursuivi sur trois quarts de lieue.
                L'armée était prête à marcher sans retard sur Alger. Malgré leur affolement les vaincus s'étaient ressaisis sous les murs et la grande ville ne pouvait être emportée par un assaut de surprise. Bourmont résolut d'attendre le débarquement de son parc de siège.
                Les soldats le trouvaient maintenant aussi temporisateur sur terre qu'ils avaient jugé Duperré sur mer.

                Les vingt jours de la campagne qui aboutit à la prise d'Alger leur semblaient longs. Le 24 juin, en repoussant une attaque, l'armée se porta à deux lieues en avant jusqu'à Sidi Calef.
                L'incapable Ibrahim avait été remplacé par Mustapha, Bey du Titteri.

                Celui-ci nous harcela du 24 au 28 et ces journées furent assez meurtrières pour que Bourmont demandât l'envoi en Afrique d'une brigade de la division de réserve. Hussein ne pouvait plus compter sur ses sujets et ses soldats, et son propre plénipotentiaire demanda à Bourmont si la tête du Dey ne paraissait au roi une satisfaction suffisante ne le déciderait pas à ne pas occuper Alger.
                Bourmont lui répondit qu'il tenait à occuper Alger et que la tête d'Hussein ne ferait plaisir ni à lui, ni à son maître.
                Le consul d'Angleterre essaya ensuite d'intervenir.
                Bourmont écarta sa médiation et remit une capitulation toute rédigée à laquelle il n'admettait aucun changement :
                - La casbah, les forts seraient remis aux troupes françaises le lendemain 5 juillet à dix heures.
                - La religion,
                - la liberté,
                - les biens des habitants seraient respectés.
                - Dey sera libre de se retirer avec sa famille et ses richesses dans le lieu qu'il aura fixé.


                La marche en avant fut reprise le 29 juin. L'armée trompée par le brouillard qui couvrait la Mitidja s'égara et n'arriva que le soir après des marches et des contre marches épuisantes devant le Fort l'Empereur. Construit sur l'emplacement de Charles-Quint, ce fort domine à 214 mètres d'altitude le promontoire algérien.
                La casbah qui commande elle-même la ville n'a que 124 mètres d'altitude.
                Au-dessous de ces deux forteresses, Alger dévale en amphithéâtre vers la mer.
                Imprenable du côté maritime, Alger la bien gardée ne peut se défendre contre celui qui s'est rendu maîtres des deux forteresses qui la surplombent.
                Dès le 29 juin au soir, la tranchée fut ouverte devant Fort l'Empereur.
                Pour faire diversion Duperré tenta le simulacre d'un bombardement.
                Quand la ville fut à nous nous pûmes en apprécier les résultats : La Provence, nous avait tué 10 hommes.

Une chemise pour drapeau.

                Le 4 juillet, nos batteries commencèrent à foudroyer dès l'aube le Fort l'Empereur.
                Il tint trois heures puis cessa de riposter ; ses défenseurs l'avaient évacué.
                A dix heures sa poudrière sauta et nos troupes se précipitant, l'occupèrent sans coup férir. Elles s'aperçurent qu'elles n'avaient pas de drapeau.
                Lombard du 17e de ligne ôta sa chemise et la hissa au bout d'une branche de dattier ; c'est le dernier drapeau blanc qui ait flotté sur une tranchée conquise.
                Les canons du fort qui restaient intacts furent retournés contre Alger.
                Si la ville avait continué à se défendre, si nous avions dû emporter successivement le fort Baba-Zoun, la casbah puis les maisons transformées en citadelles, le succès certain nous aurait coûté cher ; mais les habitants étaient bien résolus à ne pas exposer la ville à cette extrémité.

                Par cette dernière clause, la capitulation, purement militaire, prenait toute sa portée politique. Celui qui capitule est un souverain.
                En stipulant la liberté de sa retraite, il signe son abdication, et la capitulation est, sans le dire, un traité de paix qui nous substitue au Dey vaincu.
                Hussein essaya de gagner vingt-quatre heures ; Bourmont en accorda deux et ce fut à midi, le 5 juillet, qu'il fit son entrée par la porte neuve sans grande solennité, au son de la tyrolienne de Guillaume Tell et de la marche de Moïse.
                Un autel de campagne fut dressé dans la cour du palais et un des aumôniers de l'armée célébra la messe.

                Nous trouvâmes dans la casbah un amoncellement de métaux précieux à la mode orientale.
                Bourmont eu l'imprudence d'annoncer au Roi que la valeur était de 80 millions.
                Aussi quand les espèces eurent été pesées et que l'on en eu trouvé seulement pour 46.644.000, la légende se forma que le trésor de la casbah avait été pillé.
                Avec les marchandises qui garnissaient les magasins de l'État, le total des prises put être évalué à 500 millions ; la campagne en coûtait 43 et demi.
                La conquête d'Alger est le type de la guerre qui paie.
                Nous avions perdu 415 tués et 2.160 blessés.
                Les maladies nous enlevèrent plus de monde : 34 officiers et 600 soldats succombèrent dans les hôpitaux.
Historia. Algérie : Histoire et nostalgie.
1830- 1987. Marquis de Roux.


Mœurs des Arabes
Envoi de M. Christian Graille

       Les Algériens, les vrais habitants d'Alger ne connaissent guère de leur pays que la plaine de la Mitidja.
       Ils vivent tranquilles dans une des plus adorables villes du monde en déclarant que l'Arabe est un peuple ingouvernable, bon à tuer ou à rejeter dans le désert.
       Ils n'ont vu d'ailleurs en fait d'Arabes que la crapulerie du Sud qui grouille dans les rues. Dans les cafés on parle :
       - de Laghouat,
       - de Bou-Saâda,
       - de Saïda comme si ces pays étaient au bout du monde.


       Il est même assez rare qu'un officier connaisse les trois provinces. Il reste presque toujours dans le même cercle jusqu'au moment où il revient en France.
       Il est juste d'ajouter qu'il devient fort difficile de voyager dès qu'on s'aventure dehors des routes connues dans le Sud. On ne le peut faire qu'avec l'appui et les complaisances de l'autorité militaire.
       Les commandants des cercles avancés se considèrent comme de vrais monarques omnipotents ; et aucun inconnu ne pourrait se hasarder à pénétrer dans leurs terres sans risquer gros… de la part des Arabes.
       Tout homme isolé serait immédiatement :
       - arrêté par les Caïds,
       - conduits sous escorte à l'officier le plus voisin et
       - ramené entre deux spahis sur le territoire civil.


       Mais dès qu'on peut présenter la moindre recommandation, on rencontre, de la part des officiers des bureaux arabes, toute la bonne grâce imaginable.
       - Vivant seuls, loin de tout voisinage, ils accueillent le voyageur de la façon la plus charmante,
       - vivant seuls, ils ont lu beaucoup, se sont instruits, lettrés et causant avec bonheur,
       - vivant seuls dans ce large pays désolé, aux horizons infinis, ils savent penser comme les travailleurs solitaires.


       Parti avec les préventions qu'on a généralement en France contre ces bureaux, je suis revenu avec les idées les plus contraires.
       C'est grâce à plusieurs de ces officiers que j'ai pu faire une longue excursion en dehors des routes connues, allant de tribu en tribu.
       Le Ramadan venait de commencer. On était inquiet dans la colonie car on craignait une insurrection générale dès que serait fini ce carême mahométan.
       Le Ramadan dure trente jours. Pendant cette période aucun serviteur de Mahomet ne doit :
       - boire, manger, fumer depuis l'heure matinale où le soleil apparaît jusqu'à l'heure où l'œil ne distingue plus un fil blanc d'un fil rouge.
       Cette dure prescription n'est pas absolument prise à la lettre et on voit briller plus d'une cigarette dès que l'astre de feu s'est caché derrière l'horizon et avant que l'œil ait cessé de distinguer la couleur du fil rouge ou noir.

       En dehors de cette prescription, aucun Arabe ne transgresse la loi sévère du jeûne, de l'abstinence absolue.
       - Les hommes,
       - les femmes,
       - les garçons à partir de quinze ans,
       - les filles dès qu'elles sont nubiles, c'est-à-dire entre onze et treize ans environ, demeurent le jour entier sans manger ni boire.

       Ne pas manger n'est rien, mais s'abstenir de boire est horrible par ces effrayantes chaleurs.
       Dans ce carême il n'est point de dispense. Personne, d'ailleurs, n'oserait en demander ; et les filles publiques, elles-mêmes, les Oulad-Naïls, qui fourmillent dans tous les centres arabes et les grandes oasis, jeûnent comme les marabouts, peut-être plus que les marabouts.
       Et ceux-là des Arabes qu'on croyait civilisés, qui se montrent en temps ordinaires :
       - à accepter nos mœurs,
       - à partager nos idées,
       - à seconder notre action,

       Redeviennent tout à coup, dès que le Ramadan commence, sauvagement fanatiques et stupidement fervents.
       Il est facile de comprendre quelle furieuse exaltation résulte, pour ces cerveaux bornés et obstinés, de cette dure pratique religieuse.

       Tout le jour ces malheureux méditent, l'estomac tiraillé, regardant passer les Roumis conquérants qui :
       - mangent, boivent, et fument devant eux.
       Ils se répètent que, s'ils tuent un de ces Roumis pendant le Ramadan ils vont droit au ciel, que l'époque de notre domination touche à sa fin car leurs marabouts leur promettent sans cesse qu'ils vont nous jeter tous à la mer à coups de matraque.
       C'est pendant le Ramadan que fonctionnent spécialement les Aïsaouas :
       - mangeurs de scorpions,
       - avaleurs de serpents,
       - saltimbanques religieux,

       Les seuls, peut-être avec quelques mécréants et quelques nobles qui n'aient point une foi violente.
       Ces exceptions sont infiniment rares ; je n'en pourrais citer qu'une seule.
       Au moment de partir pour une marche de vingt jours dans le Sud, un officier du cercle de Boghar demanda aux trois spahis qui l'accompagnaient de ne point faire le Ramadan, estimant qu'il ne pourrait rien obtenir de ces hommes exténués par le jeûne.
       Deux des soldats refusèrent, le troisième répondit :
       " Mon lieutenant, je ne fais pas le Ramadan. Je ne suis pas un marabout, moi, je suis un noble. "
       Il était en effet, de grande tente, fils d'un des plus anciens et des plus illustres familles du désert.

       Une coutume singulière persiste, qui date de l'occupation, et qui paraît profondément grotesque quand on songe aux résultats terribles que le Ramadan peut avoir pour nous.
       Comme on voulait au début se concilier les vaincus, et comme flatter leur religion est le meilleur moyen de les prendre, on a décidé que le canon français donnerait le signal de l'abstinence pendant l'époque consacrée.
       Donc au matin, dès les premières rougeurs de l'aurore, un coup de canon commande le jeûne ; et chaque soir, vingt minutes après le coucher du soleil :
       - de toutes les villes,
       - de tous les forts,
       - de toutes les places militaires,
       - un autre coup de canon part qui fait :
       - allumer des milliers de cigarettes,
       - boire à des milliers de gargoulettes et
       - préparer par toute l'Algérie d'innombrables plats de kous-kous.


       J'ai pu assister, dans la grande mosquée d'Alger, à la cérémonie religieuse qui ouvre le Ramadan.
       L'édifice est tout simple, avec ses murs blanchis à la chaux et son sol couvert de tapis épais.

       Les Arabes entrent vivement, nu-pieds, avec leurs chaussures à la main. Ils vont se placer par grandes files régulières, largement éloignées l'une de l'autre et plus droites que des rangs de soldats à l'exercice.
       Ils posent leurs souliers devant eux, par terre, avec les menus objets qu'ils pouvaient avoir aux mains et ils restent immobiles comme des statues, le visage tourné vers une petite chapelle qui indique la direction de la Mecque.
       Dans cette chapelle le mufti officie. Sa voix :
       - vieille, douce, bêlante, très monotone,
       - vagit une espèce de chant triste qu'on n'oublie jamais quand une fois seulement on a pu l'entendre.


       L'intonation souvent change et alors tous les assistants, d'un seul mouvement, rythmique, silencieux et précipité :
       - tombent le front par terre,
       - restent prosternés quelques secondes,
       - se relèvent sans qu'aucun bruit soit entendu, sans que rien ait voilé une seconde le petit chant tremblotant du mufti.

       Et sans cesse toute l'assistance ainsi s'abat et se redresse avec :
       - une promptitude, un silence, une régularité fantastiques.

       On n'entend point là-dedans le fracas des chaises, les toux et le chuchotement des églises catholiques.
       On sent qu'une foi sauvage plane, emplit ces gens, les courbe et les relève comme des pantins ; c'est une foi muette et tyrannique :
       - envahissant les corps,
       - immobilisant les faces,
       - tordant les cœurs.

       Un indéfinissable sentiment de respect, mêlé de pitié vous prend devant ces fanatiques maigres qui n'ont point de ventre pour gêner leurs souples prosternations et qui font de la religion avec le mécanisme et la rectitude des soldats prussiens faisant la manœuvre.

       Les murs sont blancs, les tapis, par terre, sont rouges ; les hommes sont blancs ou d'apparat, mais tous sont largement drapée, d'allure fière ; et ils reçoivent sur la tête et les épaules la lumière douce tombant des lustres.
       Une famille de marabouts occupe une estrade et chante les réponses avec la même intonation de tête donnée par le mufti. Et cela continue indéfiniment.
       C'est pendant les soirs du Ramadan qu'il faut visiter la casbah.
       Sous cette dénomination de casbah qui signifie citadelle, on a fini par désigner la ville arabe toute entière.
       Puisqu'on jeûne et qu'on dort le jour, on mange et on vit la nuit.
       Alors ces petites rues :
       - rapides comme des sentiers de montagne,
       - raboteuses,
       - étroites comme des galeries creusées par les bêtes,
       - tournant sans cesse,
       - se croisant,
       - se mêlant,
       - si profondément mystérieuses que, malgré soi, on y parle à voix basse, sont parcourues par une population des mille et une nuits.


       C'est l'impression exacte qu'on y ressent.
       On fait un voyage en ce pays que nous a conté la sultane Schéhérazade.
       - Voici les portes basses, épaisses comme des murs de prison, avec d'admirables ferrures,
       - voilà les femmes voilées,
       - voilà dans la profondeur des cours entrouvertes, les visages un moment aperçus, et
       - voilà encore tous les bruits vagues dans le fond de ces maisons closes comme des coffrets à secret.


       Sur les seuils, souvent des hommes allongés mangent et boivent. Parfois leurs groupes vautrés occupent tout l'étroit passage. Il faut :
       - enjamber des mollets nus,
       - frôler des mains,
       - chercher la place où poser le pied au milieu d'un paquet de linge blanc étendu et d'où sortent des têtes et des membres.

       Les Juifs laissent ouvertes les tanières qui leur servent de boutiques ; et les maisons de plaisir clandestines, pleines de rumeurs sont si nombreuses qu'on ne marche guère cinq minutes sans en rencontrer deux ou trois.

       Dans les cafés arabes des files d'hommes tassés les uns contre les autres, accroupis sur la banquette collée au mur, ou simplement restés parterre, boivent du café dans des vases microscopiques.
       Ils sont là, immobiles et muets, gardant à la main leur tasse qu'ils portent parfois à leur bouche, par un mouvement très lent, et ils peuvent tenir à vingt, tant ils sont pressés, en un espace ou nous serions gênés à dix.
       Et des fanatiques à l'air calme vont et viennent au milieu de ces tranquilles buveurs, prêchant la révolte, annonçant la fin de la servitude.
Sur les chemins d'Algérie. Guy de Maupassant


ACTE DE CONTRITION
De Hugues Jolivet


       Examen de conscience, en ce temps de Carême,
       D'une France coupable d'avoir colonisé
       Une terre barbaresque constituant ses harems
       De françaises innocentes, raflées, tyranisées !

       Souhaitant, à cette époque, que Mare Nostrum soit
       Mer de tranquilité, favorable aux dialogues
       Et non champ de pillages de pirates hors-la-loi,
       La France s'engagea, a écrit "l'épilogue" ! (1)      Si tout conflit génère rixes et affrontements,
       Cessions de territoires et pertes en vies humaines,
       Survient l'heure de la trève et du rapprochement
       Quand l'Algérie s'inscrit en France républicaine.

       Notre jeune Président s'est donné pour mission,
       Sans consulter le peuple, de régler, à jamais,
       Le contentieux latent entre les deux nations,
       L'Algérie et la France : fumer le calumet !

       Mais, avant ce final tout au pied du "totem",
       Il sied que les deux camps fassent preuve de "fair play".
       Qu'aucun, sur l'adversaire, ne jette l'anathème
       Mais ouvre ses archives, que l'accord soit complet !

       Ce ne sont que voeux pieux, car la discorde sourd
       Depuis l'aveu hâtif du futur Président,
       D'une France criminelle. Une faute de parcours
       Qu'exploite l'Algérie pour tous ses ascendants !
Hugues Jolivet         
Le 9 février 2021          
(1) 1830 Sidi Ferruch




Magies et religions de l'Afrique du Nord.
Envoi de M. Christian Graille
Chapitre II.
Les rites magiques.

      Pour guérir un ulcère ou une tumeur en petite Kabylie, on prend :
       - du sang,
       - des rognons d'ongles,
       - des cheveux du malade,

       On les place dans un nouet (linge dans lequel on a mis quelques substances pour le faire infuser) d'étoffe et on les fixe dans le lit d'une rivière. Recueilli par nous dans la commune mixte d'Attia (Constantine).
       On pense en faisant cela que le mal sera purifié et lavé comme il le serait par l'eau courante.

       Dans le M'Zab, à Bou Saâda les femmes juives rassemblent en un paquet leurs cheveux tombés et jettent ce paquet dans une rigole d'eau courante : elles croient que le mouvement d'une eau pure contribuera par son contact avec les cheveux morts à faire croître et à bien conserver leur chevelure.

       Au Maroc si une femme voit que son mari ou son amant se détacher d'elle, elle emploie, entre autre pour le ramener le moyen suivant : elle cherche à se procurer des cheveux et des polis de son mari, elle y ajoute de la terre prise dans l'empreinte de son pied droit et de la crasse grattée dans son soulier droit ; elle enferme tout cela dans un nouet qu'elle porte appliqué sur la peau.
       Il est clair qu'elle pense par-là s'attacher son mari comme elle s'est attachée des matières ayant fait partie de lui-même ou à peu près.

       A Blida si une femme voit que son mari ne lui laisse pas faire ses volontés, elle va chez une noire qui prend :
       - un peu de ses cheveux,
       - de ses poils,
       - de ses ongles,
       - quelques gouttes de salive,
       - de la chassie (matière gluante s'accumulant sur le bord des paupières) de ses yeux,
       - du cérumen de ses oreilles.

       La noire après avoir accompli quelques rites accessoires, fait de tout cela une pilule que la femme cherche à faire avaler à son mari avec ses aliments.
       Elle espère ainsi pénétrer pour ainsi dire avec sa substance celle de son mari et devenir maîtresse des volontés de celui-ci.

       Toutes ces pratiques sont fondées sur la croyance qu'une portion du corps ou qu'un objet qui a été contigu au corps peuvent remplacer celui-ci et que si on leur fait subir certains traitements, le corps d'où ils proviennent est affecté de la même façon : c'est le principe de la magie sympathique.
       De là vient le rôle important joué en magie par tout ce qui a touché au corps et par tout ce qui en provient, en particulier :
       - par les cheveux, les ongles, par la salive.
       Ces déchets ou sécrétions de l'organisme ont pour les primitifs quelque chose de magique, particulièrement la salive qui, comme le souffle, représente une sorte de principe vital.
       De là encore l'emploi de la salive pour la transmission de la baraka, au cours des initiations mystiques.
       Telles est peut-être la raison pour laquelle le vieux droit kabyle considère l'action de cracher à la figure comme plus grave que certaines violences : c'est un maléfice. C'est pour cela que l'on enterre avec tant de soins les cheveux coupés et les rognures d'ongles ; des ennemis pourraient en effet s'en emparer et se livrer dessus à des pratiques funestes pour leur ancien possesseur.

       La religion musulmane a consacré cet usage et en a fait un précepte canonique. C'est également une des raisons pour lesquelles on évite de laisse traîner les restes des aliments : la relation sympathique qui existe entre ces restes et la portion ingérée des aliments, permettrait en effet éventuellement à la magie de s'exercer.
       Ainsi continuité ou contiguïté da la matière sur laquelle on opère avec le corps de l'intéressé d'une part, similitude de l'acte d'autre part :
       Voilà les deux conditions de la magie sympathique ; elles se ramènent aux deux formes de l'association des idées.

       La ressemblance de l'acte peut être très vague comme dans la recette suivante :
       Pour se faire aimer d'une femme, on prend de ses cheveux, on en fait un paquet en y joignant une amulette, c'est-à-dire un papier sur lequel il y a une invocation et on suspend cela à une branche d'arbre ; chaque fois que le vent fait voltiger le tout, le cœur de la femme bat à l'unisson pour le bénéficiaire de ce sortilège.
       La matière sur laquelle le sorcier travaille ne provient pas nécessairement du corps de l'ensorcelé : il suffit qu'elle en soit l'image, plus ou moins grossière, ou même un substitut moins direct, par exemple, un papier portant son nom. Il en est ainsi dans l'envoûtement.
       Ici un rite de ce genre, tiré d'un trait de magie arabe pour priver quelqu'un de l'usage de ses membres, on fait avec de la cire une image représentant cette personne, on écrit dessus avec un couteau dont le manche est fait de cette même cire, le nom de l'ensorcelé et celui de sa mère, ainsi que certains signes mystérieux ; ensuite on frappe celui des membres de cette statuette que l'on veut rendre malade chez l'ensorcelé ; au même instant le membre réel est frappé.
       A défaut de l'image le nom écrit de la victime peut suffire : pour guérir de l'amour écrivez les paroles suivantes dans la paume de votre main et effacez-les en les léchant : " Yakmoûch, Bekmoûch, Abhamoûch et Yakmoûch : O mon Dieu efface l'amour d'une telle fille, d'une telle du cœur d'un tel fils d'un tel, comme ces mots sont effacés. "

       Parfois le magicien opère directement sur le corps de sa victime avec la matière dont il espère ainsi utiliser les mauvaises qualités.
       Par exemple pour faire naître la discorde entre deux époux ou deux amants, il suffit de parvenir à placer entre eux pendant qu'ils sont endormis du fiel de lézard vert ; la couleur du lézard renferme encore celle du fiel et par suite son amertume, et cette amertume fait naître celle des sentiments des deux victimes.
       Autre exemple : Lorsqu'une femme veut arriver à faire fermer les yeux de son mari sur sa conduite :
       - elle prend de la longe d'un âne, un peu de la corde qui attachait celui-ci et sept points de la ficelle qui cousait son bât,
       - elle fait brûler tout cela ensemble et
       - le fait manger au mari
       - qu'elle enchaîne et
       - qu'elle se soumet ainsi, comme l'âne qui était entravé et bâté.


       D'autres fois il s'agit de se donner à soi-même une qualité appartenant à quelque animal : les anciens Arabes craignaient les épidémies ; lorsqu'il y en avait une dans une ville et qu'ils voulaient y entrer sans danger, ils se mettaient à quatre pattes et poussaient le braiement de l'âne sauvage : cet animal jouissant d'une santé robuste, on pensait ainsi s'assurer contre la maladie.
       Dans certaines régions du Maroc on croit que pour hâter la pousse de la barbe, il suffit d'écraser un papillon sur son visage ; on pense que la poussière du papillon qui rappelle un peu le premier duvet des adolescents fera naître et croître celui-ci.

       J'ajouterais à ces quelques exemples choisis çà et là, celui d'un rite de magie sympathique jadis usité à Alger et décrit par le P. Dan :
       " Quand leurs femmes sont en travail d'enfants, dit-il, ils usent d'une superstition qui me sembla bien étrange en allant un jour à la ville d'Alger.
       C'est qu'ils envoient quérir dans les écoles quatre petits-enfants, auxquels ils donnent à tenir par les quatre bouts un assez grand linge, au milieu duquel ils mettent un œuf de poule.
       Avec ce linge, ces enfants vont aussitôt par les rues, où ils chantent certaines oraisons et répondent les uns aux autres : ce qu'entendant les Turcs et les Maures, qui en sont touchés de pitié, ils sortent incontinent de leurs maisons avec des cruches pleines d'eau, qu'ils versent au milieu du linge où est cet œuf, et croient qu'en même temps qu'il vient de se rompre par le moyen de cette eau qu'on y répand, celle qui est en peine d'enfant en est heureusement délivrée.
       Au lieu d'agir pour ainsi dire mécaniquement par le jeu mystérieux des analogies, le magicien peut également s'adresser aux démons, êtres dont la personnalité est généralement peu accentuée et qu'on appelle par des rites ou des invocations.

       On considère généralement que ces esprits ne peuvent se dispenser de répondre à cet appel, mais cela n'est pas absolu.
       (Argumentation des menaces contenues dans beaucoup d'incantations contre les démons qui refuseraient d'obéir aux injonctions du magicien).
       Par exemple on prend :
       - du henné, du sel, de la semoule, chez sept femmes premières-nées et qui n'aient jamais eu qu'un mari ; on mélange tout cela et on le parfume avec du benjoin (baume) que l'on fait brûler dans un mortier.
       On va ensuite :
       - au bain maure,
       - à l'abattoir,
       - au marché aux grains,
       - près des sources,
       - près des puits,
       - près des carrefours des chemins,
       - tous lieux particulièrement fréquentés par les djinns.

       A tous ces endroits on jette un peu du mélange, on prie les djinns de venir se réunir dans une maison qu'on leur désigne.
       Le soir on se met dans un coin de cette maison : les djinns apparaissent et il ne reste qu'à leur demander ce que l'on veut.

       Voici un exemple d'invocation : " O Nouh et Dermoûkh, répondez et dépêchez-vous, vous et vos enfants, au nom de Sam'ât, Cham'oû, Berhoût, Berhîn, Ash'îm, et faites, ô agents démoniaques (Il y a dans le texte a' ouân : ce sont des espèces de djinns), ce que je vous ordonnerai de faire, charme d'amour ou de discorde ou de domination ou de séduction de femme, ou ouverture de trésors ou information. Où que vous soyez que Dieu vous fasse venir tous. "
       Le plus souvent les démons répondent aux questions qu'on leur fait.
       Quelques fois ils écrivent en voici un exemple : " Nemoûchlekh, Haïboûr et Ferhoûd et Coûgh et Loû et Fergoûgh. (Ces noms magiques et les noms de démons n'étant jamais vocalisés dans les textes sont d'une lecture très incertaine. En les transcrivant, je ne puis donc en certifier l'absolue exactitude Mais nous pensons que dans la plupart des cas, les Musulmans seraient aussi empêchés que nous. J'ai adopté les lectures qui sembleraient les plus naturelles à un Indigène de l'Afrique du Nord.)
       - Récitez ces noms autant de fois que leurs lettres valent en chiffres, chaque jour et chaque nuit, pendant quarante jours, en même temps que vous brûlez de l'encens mâle, un grain chaque jour et chaque nuit ;
       - pendant ce temps vous devez jeûner et
       - vous abstenir de tout ce qui a une âme et de tout ce qui provient d'un être animé. Passé ce délai placez une feuille de papier au-dessus du feu et récitez l'invocation pendant que la fumée de l'encens monte : aussitôt un serviteur des esprits vous écrira sur le papier ce que vous aurez demandé.


       Il semble qu'on trouve des traces assez caractérisées chez les musulmans de la théurgie égyptienne, dans laquelle l'incantation créait le Dieu ; en tout cas le caractère obligatoire du rite sur les démons est généralement marqué :
       Souvent Allah est mentionné à côté des djinns, et le charme tourne facilement à la prière.
       Il y a une magie religieuse dans laquelle le nom des démons sont remplacés par celui d'Allah, mais dont les procédés restent analogues à ceux de la magie.
       D'autre part la magie utilise des rites qui sont aujourd'hui regardés comme essentiellement religieux, par exemple le jeûne et le sacrifice.
       Les lois dites de sympathie, l'appel aux démons et à leurs pouvoirs sont-ils toute la magie ?
       La cérémonie magique est généralement compliquée ; si les rites que l'on recueille aujourd'hui çà et là sont presque toujours simples, ceux que l'on rencontre dans les livres de magie en usage dans ce pays sont souvent très complexes.

Chapitre III.
Les incantations aux rites oraux.

       Étudions maintenant spécialement le rite magique oral parce qu'il est impossible de le séparer complètement du rite manuel ; aussi bien cette impossibilité même marque-t-elle son importance dans la magie.
       Toute la valeur magique des mots leur vient de la vertu mystérieuse qui est attribuée au souffle : c'est le principe vital, qui, personnifié, n'est autre que l'âme.
       Nefs signifie souffle et âme ; nefth qui signifie également souffle désigne l'inspiration du poète, nous disons nous-même " le souffle poétique ", le mot c'est le nefs sous une forme :
       - plus concrète,
       - plus précise,
       - plus réalisée puisqu'il éveille une image déterminée.

       De là vient sa force magique : il blesse comme une arme et cette conception s'est conservée dans l'Islam où la malédiction est considérée presque comme quelque chose de matériel.
       " L'invocation contre quelqu'un est l'arme des croyants. "
       On la compare à une flèche ou à un projectile. La force magique du mot est du reste une croyance très générale : on la connaît bien dans l'antiquité classique et il ne faut sans doute pas chercher ailleurs la parenté des mots numen et nomen.

       Dès lors il est naturel qu'on cherche à augmenter cette force magique en criant le mot, en le répétant, en multipliant :
       - les doublets (mot en double),
       - les allitérations,
       - les terminaisons semblables.

       De là viennent dans les incantations ces interminables kyrielles de noms semblables les uns aux autres, ne différant que par une lettre, rimant ensemble.
       Et telle est vraisemblablement l'origine de la rime, si, comme nous allons l'exposer, la poésie fut bien à l'origine un procédé magique : tous ces vers satiriques dans lesquels les poètes arabes parlent sans cesse de leurs rimes (qâfiya, pluriel qaouâdi) qui blessent comme des flèches, comme des lances etc….n'étaient presque pas métaphoriques aux yeux des Arabes antéislamiques ; pour eux la rime avait réellement une force matérielle.
       L'examen des divers sens de la racine qafâ (blesser à la nuque, outrager quelqu'un) d'où est dérivé le mot qâfiya, confirme cette hypothèse.
       Avant que la rime, la qâfiya, servit à rythmer des mètres savants, elle était l'élément essentiel de la prose rimée, du sadj (sedja).
       Ce fut la première forme du discours poétique chez les anciens Arabes les premières sourates du Coran sont bel et bien quoiqu'en pensent les musulmans orthodoxes du sadj et les adversaires de Mahomet le disaient hautement.

       Or le sadj était par excellence la langue des anciens kâhin arabes, comme nous l'avons déjà dit, et d'ailleurs il n'a jamais cessé d'être employé dans la sorcellerie.
       Si les textes magiques que nous traduisons dans ce livre y figuraient en arabe, on s'apercevrait qu'ils sont remplis d'assonances.

       De vieilles formules concernant le temps et les astres étaient en sadj et peut-être ont-elles eu jadis une valeur magique : on sait que l'assonance est caractéristique dans les proverbes arabes, comme dans tous les proverbes.
       La poésie s'est vraisemblablement développée en partant du sadj et, à l'origine, elle participa au caractère magique de celui-ci : à ce titre elle rappelle le carmen des Latins (d'où est venu notre mot charme).
       C'est ce que montre bien la signification du verbe anchada qui signifie réciter une poésie mais aussi adjurer quelqu'un, jurer par quelqu'un.
       La poésie primitive était une conjuration.

       Le mot nâchib dans l'ancien arabe a le sens de voyant, devin qui fait retrouver les choses perdues, c'est presque un synonyme de arrâf.
       Toute la poésie satirique primitive, la hidjâ des anciens Arabes, a le caractère d'incantation par lesquelles le poète cherche à influencer ses ennemis ou les ennemis de sa tribu au moyen du procédé de magie sympathique que nous allons décrire.
       Au contraire dans d'autres poésies, le poète exaltant les vertus de la tribu et les siennes propres, cherche à attirer le succès sur lui et sur ses contribules (se dit de ceux qui appartiennent à la même tribu) : c'est ce que les Arabes appellent la moufâkhara.

       Le poète est donc sorti du magicien ou plus exactement du devin : en arabe poète se dit châ'ir mot qui a le même sens que arrâf, c'est-à-dire " celui qui sait ".
       De la même famille aussi que le kâhin (devin).
       Mais tandis que celui-ci est attaché à un sanctuaire, le châ'ir est le libre conseiller de sa tribu ; comme le kâhin il peut servir d'arbitre dans les cas difficiles.
       Le souffle poétique ou prophétique qui les anime, le nefth arrive rapidement à être conçu comme personnifié (La source de l'inspiration poétique s'appelle encore nefs : souffle, âme) : c'est un djinn qui habite le kâhin et l'orthodoxie bâtira là-dessus toute sa théorie de la kihâna ; c'est un djinn aussi qui inspire le châ'ir.

       Notre muse du poète est pour les Arabes " le djinn, le cheït'ân du poète (il faut d'ailleurs noter que l'inspiration, dont le mécanisme est entièrement plongé dans l'inconscient, est encore un mystère pour les psychologues).
       Aussi, plus tard la poésie sera-t-elle considérée comme diabolique et rangée parmi les suggestions de Satan par l'orthodoxie musulmane et pourtant il ne faut pas voir une conception différente dans celle de l'inspiration de Mahomet par l'ange Gabriel. Si :
       - l'assonance, la rime, le rythme,
       - renforcent le caractère magique du mot, le chant ne doit pas l'influencer moins.


       En effet, chez les Arabes dès les temps les plus reculés, le chant a toujours été regardé comme une force mystérieuse et considéré aussi comme produit par les Djinns ; plus redoutée peut-être que la poésie, la musique a encore été plus mal vue par orthodoxie.
       La force magique de la mélodie est une croyance universelle ; le mot incantation vient de la racine cantare (chanter) ; chez les Musulmans la poésie a toujours été chantée et sans doute les incantations l'étaient primitivement aussi.
       On sait l'importance du chant dans la production des phénomènes occultes : Or bien que nous n'admettions nullement que ceux-ci explique toute la magie, on ne saurait nier qu'ils en sont un élément important ; et d'autre part les observateurs s'accordent à déclarer que le chant favorise, dans les séances de spirites, l'apparition des phénomènes qu'ils recherchent.

       Toutefois dans la plupart des rites oraux de magie actuelle le chant a disparu ; mais la vertu mystérieuse de la formule orale reste toujours, cette force de discours à laquelle les civilisés eux-mêmes n'échappent pas et qui a fait dire que " l'éloquence est une magie " ; il est curieux qu'un hadîth (communication orale du prophète) du prophète reproduit textuellement cette phrase : " inna min ad bayâni sih' ran. "
       On ne s'étonnera pas, après ce qui précède, que les incantations magiques soient souvent en vers : souvenons-nous que charme vient de carmen .
       De même la da'oua des Musulmans, l'invocation magique ou religieuse, est souvent en vers : la da'oua et djeldjeloûtiya dont nous parlerons plus loin, pour ne citer qu'un exemple est en vers.

       L'incantation énonce généralement l'action que l'on désire produire d'une façon plus ou moins directe : elle contient le nom du sujet et celui de sa mère ; cette dernière prescription est générale dans les rites de magie.
       Du reste l'incantation n'est pas nécessairement récitée, elle peut être simplement écrite ; le rite oral change ainsi de caractère.
       Par exemple pour se consoler d'un amour malheureux, on écrit sur les assiettes : " Safoûs ; mon Dieu refroidis un Tel comme tu as refroidi le feu sur notre seigneur Ibrahim (histoire d'Abraham condamné au feu et sauvé par un miracle.) … qu'ainsi qu'une Telle fille d'un Tel n'ait plus dans le cœur d'un Tel fils d'une Telle aucune place durable et solide ; chasse ô khechkhech, le poison qui le mine lentement éloigne l'amour d'un Tel ".
       On lèche une de ces assiettes chaque matin et chaque soir.

       D'autres fois on avale le papier sur lequel est écrite l'incantation, et c'est d'un cas les plus fréquents dans la médecine médico-magique.
       Lorsque je faisais de la médecine au Goundafi dans les montagnes au Sud de Marrakech et que je donnais un paquet de sulfate de magnésie, il arrivait souvent que le malade se croyait obligé d'avaler le papier avec le remède, surtout quand le nom de celui-ci était écrit dessus.

       D'autres fois on écrit la formule magique sur une galette d'orge, sur des pelures d'oignon etc. … que l'on mange ensuite ; parfois il suffit :
       - d'écrire la formule dans le fond d'un plat,
       - de l'effacer et
       - de manger dans ce plat.

       Il est très fréquent aussi d'employer d'une façon analogue les œufs :
       - on écrit une formule sur la coquille,
       - on fait cuire l'œuf et on le mange.


       Au besoin la récitation de l'incantation au-dessus d'un verre d'eau que le malade absorbe ensuite est suffisante pour produire l'effet désiré ; enfin il est très fréquent qu'on brûle le papier sur lequel est inscrite la formule et qu'on en respire la fumée ; par exemple pour guérir la fièvre à Takitount, on prend trois noyaux de dattes que l'on place sur des braises après avoir écrit dessus :
       - Karoûn, Firoûn, Hamana
       - et le malade avale la fumée provenant de la combustion de ces noyaux.


       L'incantation énonce donc ce que l'on veut obtenir de même que le geste le simule ; dans les deux cas c'est la magie initiative et il n'y a pas au fond de différence entre le rite manuel et le rite oral : de même que la simple simulation d'un phénomène est considérée comme pouvant le produire, de même son énonciation par la parole a été aussi ce résultat.

       Dkhelt alîk bh'âl essiyed Ali al ennçâra ,
       Dkhelt alik bh'âl et hilâl ,
       ou nekkessrek bh'âl et khoulâl,
       T'oûlti yâ I quoubbiya,
       ou mchîti yâb I gherbiy ,
       Ekhkh'al ennâs ou l'ezz ikoûn liya. "

       je me présente à toi comme le seigneur Ali s'est présenté devant les infidèles,
       je me présente à toi comme le croissant,
       et je te ploierai comme on ploie une épingle.
       O ma taille qu'est est mignonne !
       O ma démarche, qu'elle est jolie !
       Fait fi des autres et ton amour sera tout entier pour moi ".


       Il est évident que dans cette incantation à la vertu de faire venir l'amour et l'obéissance qu'elle décrit en termes aussi expressifs.
       L'exemple de Ali est à remarquer : il est à comparer à l'exemple du feu Abraham éteint par dieu ; Il arrive souvent ainsi qu'on raconte un évènement analogue à celui qu'on désire voir se produire et généralement comme dans le cas qui nous occupe, c'est un évènement légendaire.
       On pense que la seule narration d'un fait déterminera un fait analogue. Le récit écrit de certaines légendes peut ainsi être porté comma amulettes.

Magies et religions de l'Afrique du Nord. (Extraits)
Edouard Doutté, professeur à l'École Supérieures
des Lettres d'Alger. Édition 1904.


La soumission de la Grande Kabylie.
Envoi de M. Christian Graille

                  Après avoir occupé :
                  - les oasis de Laghouat en 1852,
                  - de Touggourt et de Ouargla en 1854,
                  - pacifié la Petite Kabylie,
                  - il restait à soumettre la Grande Kabylie.
                  Le Général Randon s'y employa.

                  Le 16 juillet 1857, l'Algérie, finalement soumise, était française.

                  A Alger le Gouverneur Général Randon avait réussi à maintenir toutes nos positions malgré toutes les " ponctions " effectuées sur ses cadres et sur ses troupes par la guerre de Crimée qui avait happé une grande partie de l'élite " africaine ".
                  Le Gouverneur de Paris lui en sut gré et un bâton de maréchal vint en 1856 consacrer cette belle œuvre de maintien de la France en Afrique du Nord.
                  Le lendemain le maréchal Randon n'avait plus que 60.000 hommes et 10.000 chevaux pour tenir une Algérie dont seule la Grande Kabylie échappait encore au contrôle français.
                  Randon avait hâte d'en venir à bout.

                  Pour que la pacification fût complète, il fallait notamment mettre un terme à l'indépendance agressive des Beni-Raten du Djurdjura .
                  César Randon, âgé de soixante ans avait gagné ses galons dans les opérations de la conquête de l'Algérie sous Bugeaud.
                  Ministre de la guerre en 1851, appelé en 1852 au gouvernement général de l'Algérie, il avait pu conjuguer avec bonheur ses connaissances de l'armée d'Afrique et celles qu'il avait ramenées de son passage au gouvernement.
                  C'était un chef complet qui, à l'occasion savait être diplomate et convaincant.
                  Ayant eu son projet d'expédition en Kabylie refusé par le ministre en janvier 1857, il réussit à se faire convoquer à Paris par Napoléon III qui aussitôt décida de déclencher l'expédition.

                  Responsable de toute l'affaire le maréchal Randon décida de résoudre à sa manière, en africain expérimenté, la mission que l'Empereur lui avait personnellement confiée. Il constitua trois divisions de marche. A leur tête les généraux :
                  - Renault, Yusuf, de Mac-Mahon.
                  Ce dernier tout auréolé de la gloire de Malakoff, ayant su que cette opération se préparait, avait réussi, grâce à de nombreuses démarches parisiennes à se faire affecter, en avril 1857, à la disposition du gouverneur général pour pouvoir participer à la " dernière grande affaire " de la conquête dans cette difficile Kabylie.
                  Il la connaissait bien pour avoir été de 1852 à 1855, commandant de la province de Constantine.

                  Trois divisions autour de Tizi Ouzou.

                  Patrice de Mac-Mahon est un général d'état-major qui fait la guerre en sous-lieutenant.
                  Né en 1808, sorti de Saint Cyr dans le corps d'état-major. Il a été promu général à quarante ans pour services de guerre exceptionnels en Algérie.
                  - Sa division aura la mission principale pendant toute l'opération.
                  - Elle va marcher à la tête de toute l'expédition et rencontrer naturellement les résistances les plus vives et les mieux organisées.
                  - Elle ne restera pas un seul jour sans recevoir de coups de feu.

                  Les troupes ont été rassemblées vers le 10 mai autour de Tizi Ouzou.
                  Le maréchal Randon va les rejoindre le 17. Il décide de disposer ses trois divisions de façon à attaquer de trois directions différentes le massif occupé par les Béni-Raten. Il a prévu à Tizi Ouzou :
                  - une forte intendance,
                  - un hôpital de 400 lits,
                  - un parc à munitions d'artillerie et
                  - une très importante réserve de mulets.

                  Au corps à corps.
                  Tout doit être mené rondement. Les hommes partiront sans sac, avec seulement une réserve de cartouches et deux jours de vivres, le tout roulé dans une toile de tente portée en sautoir.
                  Chaque division reçoit l'aide de 600 mulets et convoi et de 150 mulets de cacolets (bâts-litières pour blessés.)
                  Les sierras calcaires du Djurdjura, au cœur de la grande Kabylie sont bordées par les fonds des oueds :
                  - Sebaou,
                  - Soummam et Idriss.
                  Les sommets culminants à 2.300 mètres.

                  C'est un décor de montagnes très raides, curieusement cultivées de petits rectangles d'orge, de blé, au milieu des figuiers et des oliviers.

                  Le maréchal Randon a donné, le 23 mai, l'ordre d'attaquer le lendemain au point du jour.
                  Devant Souk-el-Arba, les zouaves de Renault ont vite affaire à rude partie.
                  Les Kabyles, agiles comme des panthères, se glissant invisibles sous les figuiers nains, se précipitent soudain en hurlant sur nos hommes.
                  L'affaire se règle au corps à corps.

                  A la division Mac-Mahon, les vives attaques se succèdent. Des bandes berbères surgissent des douars voisins et viennent renforcer les Béni-Raten.
                  Ces derniers ont des pertes si considérables qu'ils décident de faire leur soumission. Leurs alliés sont congédiés. Au nombre de 3.000 environ, ils se replient en tiraillant sur leurs frères kabyles qui acceptent la défaite.

                  " Le 26 mai, à quatre heures de l'après-midi, les fractions de toutes les fractions de la tribu des Béni-Raten se sont présentés à ma tente demandant à se soumettre. Ils ont accepté, sans hésitation toutes les conditions que j'ai cru devoir leur imposer. " (Lettre du maréchal Randon au ministre de la guerre.)
                  Bien sûr, ce n'est pas terminé, mais l'essentiel est fait. Ce sera " Fort Napoléon " appelé par la suite " Fort national ".
                  Et le général de Chabaud-Latour, sapeur distingué, reçut l'ordre d'ouvrir en quelques jours une route Souk-el-Arba Tizi-Ouzou.

                  Il y a encore l'affaire d'Icheriden, qui fut menée par Mac-Mahon, avec Bourbaki en tête.

                  Là le 24 juin, il fallut engager à fond l'artillerie et lancer le 2e Granger ( ).
                  Les Kabyles hurlaient bondissant de couverts de figuiers en crêtes de ravin tandis que notre artillerie faisait éclater les gourbis et brûler les mechtas. L'infanterie de Bourbaki dut régler l'affaire à la baïonnette.
                  Il ne restait qu'à prendre pied sur quelques crêtes rocheuses du haut du Djudjura.

                  Le 16 juillet le maréchal Randon faisait lire aux troupes l'ordre du jour suivant : " Soldats ! Votre mission est accomplie : la Kabylie du Djudjura est soumise. Il n'est pas une seule tribu qui n'ait subi notre loi (…)
                  Des cimes du Djudjura jusque dans les profondeurs du Sud, le drapeau de la France se déploie victorieusement et le nom de notre Empereur est salué avec respect (…) Le 18 juillet le maréchal rentrait à Alger sous les acclamations et chaque ville d'Algérie allait accueillir sous des arcs de triomphe son régiment revenu de ses glorieux combats.
                  Apprenant que le général de Mac-Mahon est de passage à Paris, début septembre, Napoléon III l'invite à dîner le 12.
                  Avant de passer à table l'Empereur détache la médaille militaire qu'il portait sur son uniforme et l'accroche sur la poitrine de Patrice de Mac-Mahon.

Jean de Lamaze.
Historia Algérie. Histoire et nostalgie. 1830-1987.


Une histoire vache
Par M. Marc Donato


          Ah, Covid ! Il faut qu'aujourd'hui je me confonde en remerciements. Pas habitué, hein ? Toi qu'on accuse de tous les maux de la création. Oui, il faut que je te loue pour tout ce que, linguistiquement, tu m'as apporté. Grâce à toi, j'ai pu, depuis des mois, accroître mes compétences lexicales au gré des chroniques télévisées, de mes lectures d'hebdo papier, de bulletins virtuels où des "sachants", qu'ils fussent "glottophobes" ou pas, maîtres dans la "procrastination", ont déversé leur flot nourri au sein d'un vocabulaire technique, scientifique, local, banlieusard…

          Et aujourd'hui, c'est une véritable pépite qui m'a été servie sur un plateau d'argent télévisuel par le truchement d'Etienne Klein, physicien, directeur de recherches au CEA et docteur en philosophie des Sciences qui dénonçait l'ultracrépidarianisme. Ah, celui-là, je ne le connaissais pas non plus. J'ai l'humilité de le confesser, je n'avais jamais entendu parler de cette chose bien mystérieuse et, pour me consoler, j'ai plaisir à croire que je ne suis pas le seul. Grâce à toi, Covid, puisque tu étais le filigrane de l'intervention, j'ai pu le capturer dans mon épuisette. Un joyau linguistique qui, après que je fus plongé dans une recherche sur la toile (Paul Robert ou Larousse ne l'ont pas encore intégré), m'a offert un détour vers l'étymologie, une escapade dans la Rome antique, un crochet vers les Beaux-arts et, bien sûr, une longue station dans notre univers covidien d'aujourd'hui qui grouille d'ultracrépidarianistes.

          Fermez les yeux et imaginez une maison romaine avec patio, atrium, impluvium, compluvium, péristyle et tutti quanti comme disent les Romains d'aujourd'hui. Pline, l'Ancien, le vieux, le tonton, pas le minot, le Jeune, le neveu, rappelle que le peintre Apelle qui vécut au IVe siècle avant J-C retint la remarque d'un cordonnier faisant remarquer un défaut dans la représentation d'une sandale sur une fresque. Le maître corrigea aussitôt, le cordonnier étant bien renseigné. Mais, ce dernier crut bon d'aller plus loin en critiquant la couleur, l'épaisseur du trait… Et c'est là que le maître en peinture, courroucé, lui lança : "sutor, non supra crepidam", en latin, bien sûr, parce qu'il ne pratiquait pas la langue de Molière qui est arrivé bien plus tard. Cordonnier, tiens-toi à la sandale, ne va pas plus loin. La sandale, tu connais, le reste, non.

          Et voilà ce qu'est l'ultracrépidarianisme, un comportement qui consiste à donner son avis sur des sujets à propos desquels on n'a pas de compétence crédible ou démontrée. Voilà ce que Etienne Klein m'a appris grâce à toi, Covid. Pourquoi ? Parce que dans la période sanitaire que nous traversons et que tu t'évertues à troubler, il ne manque pas de gens qui plongent tête baissée dans l'ultracrépidarianisme. Quand tu as pointé le bout de tes écailles, Covid, tu étais peu connu du grand public, mais alors, que de commentaires, dispensés avec une assurance à nulle autre pareille par un régiment de non-spécialistes balançant à tout va sur les ondes, à la télé, sur les réseaux sociaux, avec une prodigalité illimitée leurs opinions, leurs critiques, leurs conseils, leurs injonctions… On me rétorquera que le défaut a toujours existé, certes, mais il a pris de l'embonpoint avec les médias et les moyens modernes de communication grand public. Que de gens prétendent savoir et ne savent rien de plus que vous et moi ; moi, surtout.

          Le sésame de la discussion ultracrépidarianiste, c'est : "Je ne suis pas… mais, moi…". Alors là, il faut s'attendre à tout. Et il n'y a pas que les intellos, les savants qui y vont de leur "Je ne suis pas.. mais…". A commencer par ma concierge. Elle n'est pas maçon, mais elle ferait comme ci ou comme ça. Mais qu'est-ce qu'elle connaît de la maçonnerie ? C'est l'épicier du coin qui ferait mieux que le maire de la commune ; mais qu'est-ce qu'il connaît de l'Administration ? C'est le maire soi-même qui n'est pas ministre des Finances, mais qui… C'était les parents de mes élèves qui n'étaient pas professeurs, mais qui… C'est peut-être moi ? C'est peut-être vous ? Atteints de Nobélite, cette maladie qui permet aux lauréats du noble prix de se croire autorisés à disserter bien au-delà de leur domaine de compétences. Quand pourra-t-on avoir l'humilité de dire que ce que l'on croit, a des limites, les siennes propres, d'abord, puis celles de la connaissance à l'instant "t", qui peut évoluer à tout moment au gré des découvertes, scientifiques, historiques ?

          Que d'amis avons-nous qui ont toujours des idées percutantes à faire valoir sur les sujets les plus divers ! Admirables, ils savent tout sur tout. Ce sont les mêmes qui peuplent les chaînes de télévision dispensant à tout va un pseudo-savoir péremptoire qu'un contradicteur avisé démonte avec un autre pseudo-savoir tout aussi péremptoire mais souvent pas dénué d'absurdités. Ultracrépidarianistes, ces gens-là. Toutologues, ai-je trouvé quelque part, ceux qui savent tout sur tout, qui ne comprennent rien, mais qui ne se gênent pas pour donner leur avis. Et vas-y des débats savants entre personnes n'ayant aucun savoir reconnu dans un domaine précis mais ne peuvent s'empêcher de donner leur avis et asséner des absurdités.

          Mais, j'y pense, pas la peine de remonter à l'antiquité romaine pour parler d'ultracrépidarianisme. Comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, je savais moi aussi, sans le savoir, parce qu'on m'avait raconté l'histoire de Florian, celle de Colin, le berger avec ses vaches, et du garde-chasse. Ce dernier à qui Colin demande de garder son troupeau s'endort et Colin ne trouve que désolation à son retour. La moralité est connue de tous : " Chacun son métier et les vaches seront bien gardées ". Etonnante, mais implacable philosophie populaire qui énonce les choses simplement. Ma grand-mère aurait dit autrement : " Pas besoin de péter plus haut que… sa sandale", si vous voyez ce que je veux dire. Comme la sandale, elle était très terre à terre, ma grand-mère, mais elle n'avait pas eu la chance de te rencontrer, Covid, et d'accroître son vocabulaire en croisant des ultracrépidarianistes.
          Merci, Covid.

Marc Donato - 4 mars 2021


 La mort chez les Arabes.
Envoi de M. Christian Graille

               Si les frimas glacent mortellement dans leur robe de tulle ou de calicot, les musulmanes, ce n'est pas parce que ceux de leur race ignorent l'art de conserver la vie.
               Les Arabes que notre Administration évince des bonnes terres, dépouille, dépossède et qui, à bout de privations meurent de faim dans la campagne, ou qui vont hâves (pâles), décharnés expirer dans les villes, possèdent plus qu'aucun peuple du globe, la faculté de reculer l'heure de la mort.
               D'abord ils sont sobres comme leurs chameaux, ils pratiquent par religion l'hygiène (La science répandue dans le Coran, au point de vue des prescriptions hygiéniques, dépasse dit le docteur Grenier, le fond des connaissances acquises par l'humanité au temps où vivait Mahomet) ensuite, ils ont des remèdes pour toutes maladies.

               L'Arabe essentiellement observateur, passe pour malpropre auprès des ignorants européens quand il préfère boire l'eau trouble et saine à l'eau limpide et fraîche qui donne la colique et la fièvre.
               Quel moyen de soulager ou de guérir avons-nous que les indigènes ne possèdent pas ?
               C'est d'eux que nous tenons l'application du feu, sur la partie malade de notre individu.

               Bien avant que Pasteur n'inocule la rage, bien avant la vaccination de Jenner, ils se sont inoculés la petite vérole pour en atténuer les effets.
               Ils se font pour cela une incision entre le pouce et l'index où ils introduisent le pus d'un bouton varioleux. Mais ils ne veulent point que ce pus provienne d'une vache ou d'un Juif, n'entendant, disent-ils, ni " s'avachir " ni " s'enjuiver ", de là vient leur résistance à la vaccination officielle.
               Le musulman ne se couvre pas seulement d'amulettes quand il est malade, il multiplie les bains maures. " Le bain est un médecin muet " dit un proverbe arabe.

               L'habitant du Sahara qui a la colique ou la fièvre croit se guérir en se serrant fortement le gros orteil avec un fil de soie ; cependant, il ne néglige pas de s'envelopper le ventre dans une toison d'agneau.
               L'habitant du Tell, malade ne se contente pas de chercher à recouvrer la santé en mangeant sur la tombe des étrangers, il fait usage des " simples ", ses toubibs (médecins) lui ont appris la vertu des plantes, qu'il foule aux pieds.
               Il sait quand il doit employer le Bou-nafa (père du bien) dont nous avons fait :
               - le thapsia, (plante dont les bulbes sont pillés et servent de base de préparation culinaire),
               - les moutardes,
               - la salsepareille (plante dont la racine offre des vertus médicinales)
               - la douce-amère,
               - le sapindus (arbre à savon de l'Inde),
               - les larges mauves (herbes pour tisanes),
               - le térébinthe (pistachier résineux fournissant la térébenthine)
               - l'anis, le fenouil,
               - la camomille,
               - le pyrèthre (insecticide),
               - le ricin,
               - le safran, la sauge,
               - la lavande, la menthe, la verveine…


               Mais sa médication préférée est l'oignon ! L'Arabe a-t-il mal à l'estomac, il mange de l'oignon.
               A-t-il la colique, il s'entoure le ventre d'un cataplasme d'oignons cuits.
               Si cette panacée le préserve longtemps, elle ne l'empêche pourtant pas d'arriver à notre fin commune, la mort.
               Il y est d'ailleurs résigné et il répète souvent ce proverbe :
" Il vaut mieux être assis que debout ;
il vaut mieux être couché qu'assis,
il vaut mieux être mort que vivant. "


               Son fatalisme fait supporter au musulman la douleur avec héroïsme. Quand un fils adoré ou une favorite meurt, il s'exclame stoïquement : Mektoub ! (c'était écrit !).
               Non seulement l'Arabe est résigné à la mort, mais, souvent, las, désespéré, il l'appelle en tombant sur le bord des chemins où parfois les fauves le dévorent avant qu'il ne soit devenu cadavre.
               Comme :
               - les Grecs, les Gaulois, les Romains et les Germains qui voulaient que leurs chers êtres qu'ils perdaient entrent dans le paradis de leurs rêves parés et agréables à voir, les musulmans font la toilette de leurs morts.

               Dès qu'un décès se produit, le cadavre est soigneusement lavé et parfumé.
               On lui met :
               - des aromates,
               - du camphre et
               - du coton dans chaque ouverture naturelle.

               Si le mort a été guillotiné, avant de l'ensevelir on lui recoud soigneusement la tête au tronc afin qu'Allah ne soit pas embarrassé pour le reconnaître.
               Si c'est une femme qui est morte, on peigne avec soin ses cheveux que l'on sépare en deux par une raie au milieu de la tête et qu'on laisse dénoués retomber gracieusement sur sa poitrine, puis le corps est enveloppé de cinq linges blancs, le cadavre de l'homme de seulement trois.
               L'hygiéniste Mahomet n'a pas voulu compromettre la santé des vivants en faisant passer les morts par la mosquée ; ils vont directement de chez eux au cimetière tout comme les libres penseurs.

               Les étrangers s'arrêtent étonnés quand ils rencontrent dans les rues des villes et des villages d'Algérie une foule nombreuse où les Aïssaouas ont déployé leurs drapeaux ; ou bien un petit groupe d'Arabes silencieux, portant, suivant l'usage, sur le bout des doigts, sous un surtout de moire verte gansé d'or, une sorte de paquet long, informe, que l'on se passe de doigts en doigts.
               C'est un décédé que l'on conduit à sa dernière demeure, sans discours et sans fleurs.
               Ce mort que l'on transporte ainsi, est sans cercueil, il va reposer à même la terre ; aussi pour le préserver de la dent des chacals et des hyènes qui infestent certaines régions, aussitôt le cadavre enterré à la profondeur de trente ou quarante centimètres, les Arabes confectionnent autour de lui une petite maçonnerie. On place également sur lui des pierres brutes que l'on couvre d'épitaphes.
               Cela n'empêche que beaucoup de cimetières sans clôture ne soient la nuit le rendez-vous des fauves qui, sentant les cadavres et ne parvenant le plus souvent à les déterrer, épouvantent les vivants de leurs rugissements et cernent pendant des heures leurs demeures en quittant le cimetière.

               Les enterrements chez les M'zabites se font la nuit et dans le plus grand secret ; ils ne doivent pas être vus des étrangers de leur religion.
               Chez les Kabyles on creuse la fosse avant que le malade n'ait trépassé ; aussitôt qu'il a cessé de respirer, on l'enterre.
               Cette précipitation fait souvent prendre pour morts des évanouis.
               Quand les malheureux se réveillent dans leur fosse, qu'ils gémissent et frappent, on dit qu'ils reçoivent des coups de matraque en expiation de leurs pêchés et, au lieu d'ouvrir la tombe, on se jette à genoux dessus, on prie.
               La torture des ensevelis vivants laisse indifférente l'Administration inhumaine…

               Autrefois quand le roi du Congo mourait on conservait son cadavre plusieurs mois, puis on le transportait à la tombe en ligne droite, en démolissant tout sur le parcours.
               Les rois des Rouas sont ensevelis avec des femmes vivantes dans le lit d'une rivière. Les chefs Dahoméens sont enterrés exactement à la place où ils ont expiré.
               Les veuves Pahouïnes (ethnie du Gabon) sont enterrées nues, peintes en vert.

               Chez nombre de peuplades africaines, on ensevelit les chefs morts avec plusieurs vierges vivantes.
               Le corps du souverain des Hovas (peuple de Madagascar) est enfermé dans un canot d'argent.
               Les Zarabat, tribus arabes du Soudan qui adorent le feu purificateur et le soleil vivifiant, enterrent leurs morts la tête tournée vers le soleil levant, puis ils allument un bûcher sur la tombe pour entraîner l'âme du défunt dans un tourbillon de flammes et de lumière.

               Le simoun, en ensevelissant dans le désert les caravanes à fait prendre à presque tous les habitants de l'Afrique l'habitude de l'inhumation. On laisse souvent à côté du mort des vivres.
               - Les grands hommes arabes,
               - les saints,
               - les marabouts comme d'ailleurs
               - les héroïnes ou prophétesses sont enterrés dans les koubas ou dans les mosquées. C'est leur Panthéon.


               Avant d'entrer dans ces blanches koubas qui émaillent le paysage algérien de leurs coupoles carrées, ces personnages ont préalablement subi un embaumement qui les a momifiés.
               Ils reposent dans la salle funéraire sur des espèces de grands lits ou catafalques :
               - ornés de monceaux d'oripeaux de soie multicolore,
               - de drapeaux verts aux croissants dorés,
               - de colliers,
               - de chapelets,
               - d'œufs d'autruches…


               Il y a aussi des tombeaux de femmes dans les koubas, tel celui de Lalla Khédidja sur le versant du mont du même nom, dont la crête neigeuse est visible d'Alger qui en est à cent kilomètres.
               C'est toujours autour des tombeaux vénérés :
               - que se font les serments,
               - que se donnent les mots d'ordre,
               - que se préparent les insurrections.


               Ces tombeaux sont dans toute l'Algérie assidûment visités par les musulmans ; les uns demandent aux marabouts qui les habitent aide, courage, inspiration ; d'autres leur apportent leurs offrandes.
               A toutes fêtes les femmes se rendent en procession aux tombeaux des marabouts. Vêtues de blanc neuf, elles marchent en file indienne en faisant retentir l'air de leurs plaintes lamentables ; arrivées près des koubas elles les entourent et d'un ton aigu, discordant, chantent des sortes de litanies.
               Puis elles s'assoient sur le sol pavé de faïences vernissées et mangeant, elles se racontent leurs bonnes fortunes ou leurs dépits amoureux.

               Les Mauresques d'Alger vont en grand nombre le vendredi à la mosquée d'Ab-Er-Halslam et Tesabli sur le plateau qui domine la mer au-dessus du jardin Marengo et où, quand j'étais lasse de respirer la brise saline, je ne pouvais pénétrer qu'après avoir ôté mes souliers car on ne marche dans les mosquées que pieds nus.
               Les musulmanes font toucher aux tombeaux de menus objets, elles m'engageaient à approcher d'eux aussi quelque chose, disant que cela me porterait bonheur.
               Dans une petite niche de la mosquée est une aiguière (ancien vase à eau muni d'une anse et d'un bec) remplie d'eau, les visiteurs boivent à tour de rôle de cette eau croupie dont le saint est censé s'être désaltéré depuis le vendredi précédent.
               Souvent de charmantes mauresques m'ont fait la politesse de m'offrir de boire avant elles.

               En pays arabes les haillons sont les insignes du deuil. Dans l'extrême Sud, les noirs mettent une botte de paille à leur ceinture quand ils sont en deuil.
               Dans le Nord-africain les hommes ne portent pas le deuil de leur femmes, ce qui ne les empêche pas de les regretter parfois et de dire à la mort d'une épouse :
               " J'ai perdu une partie de ma fortune, ma femme m'avait coûté cent douros ! Elle savait si bien faire les crêpes au miel et le kouskous ! "
               Quand leur mari meurt, les musulmanes sont forcées de manifester une grande douleur.
               En signe de deuil elles doivent s'abstenir, pendant quatre mois et dix jours :
               - de khol, de henné et de souak, c'est-à-dire renoncer à êtres belles.
               Elles sont obligées de quitter :
               - leurs robes de mousseline et de tulle brodé,
               - leurs mignonnes vestes de satin,
               - leurs fins haïks pour se draper dans des sacs à poils de chameaux et dans de vieux débris d'étoffes à tentes.


               Elles se noircissent les joues avec du noir de fumée, se déchirent, s'arrachent la figure avec leurs ongles au point d'en faire ruisseler le sang.
               De sorte que, bien que leur cœur soit le plus souvent indifférent au mort, elles paraissent pleurer.
               Elles ont la figure couverte de sang, comme nous l'avons inondée de larmes. Quand les amies et parentes d'un défunt crient et pleurent après l'enterrement, les tolba et les marabouts les apostrophent en ces termes :
               " Femmes ! Laissez le mort s'arranger avec Azraïl (l'ange de la mort) qui établit la balance de ses bonnes et de ses mauvaises actions. Vos lamentations sont une révolte contre l'ordre de Dieu ! "

               A Alger comme à Constantine et à Oran, la mortalité musulmane dépasse la natalité. Ailleurs les naissances l'emportent beaucoup sur les décès jusqu'en dix ans la population algérienne arabe a pris un si grand accroissement. Le climat algérien endort, éteint l'énergie.
               L'alanguissement de tout l'être ôte le pouvoir de penser, de vouloir comme en France et la mort traîtreusement, sans qu'on la sente venir, saisit.
               Après l'enterrement les riches font servir aux pauvres une immense diffa.
               Cela vaut bien notre repas des funérailles entre héritiers du mort, se montrant les dents.

               Les Touaregs si courageux, si braves ont une peur affreuse des esprits et des revenants ; aussi, se gardent-ils de pleurer leurs morts, de peur de les voir ressusciter.
               Dès que l'enterrement a eu lieu, ils changent de camp afin de mettre l'espace entre les vivants et le mort ; ils ne donnent même point au fils le nom de son père, le nom meurt chez eux, avec l'homme qui le portait.
               Cet anéantissement du souvenir de l'être perdu, jure avec le culte qu'ont les Arabes pour leurs grands morts et caractérise de réelles différences de mœurs, entre les nomades du Sahara et les habitants du Tell.

Les femmes arabes en Algérie d'Hubertine Auclert.
Édition 1900.


La première révolte
des Janissaires à Alger.
Envoi de M. Christian Graille

             Au commencement du XVIe siècle, qui a été appelée plus tard Algérie, changea de maîtres.
             La population d'Alger, ville presque indépendante, ayant appelé le corsaire turc Baba Aroudj pour l'aider à chasser les Espagnols d'un îlot où ils avaient construit une forteresse, celui-ci :
             - tua son roi,
             - s'empara du pouvoir et
             - porta bientôt ses armes dans les pays environnants.


             Après la mort de Baba-Aroudj, Khair-Eddine continua avec une poignée d'aventuriers la conquête commencée par son frère dans les mêmes conditions.
             Mais comprenant que son œuvre manquait de stabilité, il résolut de la consolider en la plaçant sous le patronage de la Turquie.
             Cette inspiration de haute politique eut un plein succès.
             Selim 1er qui régnait alors sur le vaste empire des Osmanlis (Ottomans) accepta cet hommage et envoya immédiatement à Khair-Eddine un renfort de 2.000 hommes de bonnes troupes.
             A partir de cet instant l'odjak (corps d'infanterie) d'Alger était constitué.

             L'Algérie pouvait compter désormais sur l'influence diplomatique et militaire d'une puissance nation et sur d'abondants secours :
             - en hommes, en matériel, en munitions.
             Les Turcs transportés en Algérie obtinrent les privilèges dont les janissaires jouissaient en Turquie.
             Leur esprit de turbulence et d'indiscipline ne fit que s'accroître dans cette contrée si éloignée de la mère patrie où ils dominaient en maîtres :
             - despotiques, brutaux, insolents et inintelligents.

             Dès les premiers jours se révéla cette tendance à la rébellion qui devait prendre plus tard de si grandes proportions et amener l'indépendance administrative et politique de la milice contre l'autorité de la Sublime porte (siège du gouvernement à Constantinople).
             Voici dans quelles circonstances.
             Après la nomination de Khair-Eddine à la dignité de capitan-Pacha et la mort de l'eunuque Hassan-Aga l'heureux défenseur d'Alger contre Charles-Quint, la Porte pourvut au gouvernement de la Régence par l'envoi de pachas ou gouverneurs généraux dont le commandement était limité en principe à trois années.

             En juin 1556, le pacha Salah étant mort de la peste pendant les préparatifs d'une expédition contre Oran alors occupé par les Espagnols, la milice se donna pour chef provisoire et en attendant l'arrivée du pacha désigné par la sublime Porte un renégat corse nommé Hassan-Corso.
             Jusque-là elle ne faisait qu'user d'un droit fort légitime et accomplissait même un acte d'ordre public de la plus stricte nécessité, car l'absence d'un pouvoir fort, reconnu et accepté par tous, aurait amené l'anarchie et compromis la domination ottomane. Mais cette mesure de haute sagesse dégénéra en rébellion.

             La milice, en effet, s'éprit d'un amour si grand pour son commandant intérimaire qu'elle résolut de le garder et de renvoyer purement et simplement le pacha qui lui enverrait la Porte. Ce projet peu orthodoxe fut mis à exécution.
             Des ordres expédiés aux gouverneurs de Bougie et de Bône, leur prescrivirent d'informer le nouveau pacha, s'il se présentait dans ces villes, que la milice ne voulait pas de lui et l'invitait à retourner à Constantinople.
             Ces instructions ajoutaient que dans le cas où le pacha ferait des difficultés, on eut à le repousser par la force.
             Reçu en effet à coups de canon par le renégat grec Moustafa, commandant de Bône, et par le renégat sarde Ali, commandant de Bougie, le nouveau pacha Mohammed Tekelerli qui arrivait avec une escadre de huit galères turques, n'en continua pas moins sa route sur Alger, ne pouvant croire que la milice persisterait jusqu'au bout dans son audacieux dessein.

             Vers la fin du mois de septembre 1556, il arriva au Cap Matifou où il s'arrêta, annonçant sa présence par un coup de canon, conformément à l'usage adopté par tous les envoyés du Grand Seigneur.
             A sa grande mortification, la garnison de Matifou s'abstint de répondre par le signal ordinaire, lequel aussi était le coup de canon.
             Certain, désormais des mauvaises dispositions de la milice et n'ayant pas à sa disposition des forces suffisantes pour réduire les rebelles, le pacha aurait été forcé de rebrousser chemin piteusement et d'aller publier son échec à Constantinople, s'il n'eut trouvé un auxiliaire inattendu au cœur même de la place récalcitrante. Cet épisode fait ressortir une circonstance qu'il était facile de prévoir, mais sur laquelle il est intéressant de s'arrêter un moment.

             Je veux parler de la mésintelligence qui régnait alors entre les janissaires et les corsaires.
             Maîtresse des ports où abordaient les navires de course, la milice devait, en effet, prétendre à une suprématie que les corsaires, fiers de leurs succès et désireux d'en garder exclusivement le gain, ne pouvaient concéder sans lutte.
             En vain les janissaires offraient-ils aux marins d'être incorporés dans la milice, à la condition que les soldats turcs pourraient participer aux lucratives opérations du brigandage maritime, les gens de mer formant un corps nombreux et redoutable, composé de :
             - Levantins, de renégats, d'Indigènes, repoussaient énergiquement la fusion proposée.
             La résolution prise par la milice au sujet du nouveau pacha n'était pas du goût des corsaires.

             Complètement étrangers à toutes ces intrigues, ils ne pensaient qu'aux complications qu'allait amener le juste ressentiment du Grand Seigneur et autres troubles que pourrait en ressentir la course, source de leur prospérité.
             Ils décidèrent donc de faire respecter les ordres de la Sublime Porte et de prêter leur appui au pacha.
             Toutefois ne voulant entrer en lutte ouverte avec les janissaires qu'à la dernière extrémité, ils employèrent la ruse suivante pour parvenir à leurs fins.
             Feignant d'entrer dans les vues des janissaires, les corsaires leur offrirent leurs bons services proposant de se charger de la garde du port et des quartiers voisins afin de repousser le pacha dans le cas où il tenterait une attaque nocturne contre Alger avec ses huit galères.

             La proposition fut accueillie avec empressement.
             De plus les corsaires émirent l'avis qu'il convenait de faire sommer le pacha d'avoir à se retirer immédiatement sans inquiéter davantage de paisibles gens qui se trouvaient fort heureux sans lui.
             Ce conseil sourit aux janissaires, qui sur sa demande, confièrent cette mission délicate au capitaine Chelouk, chef des corsaires.
             Il fut convenu que si le messager revenait sans avoir réussi, il annoncerait cet insuccès en tirant son canon de course afin que chacun se préparât aux graves évènements qui pourraient survenir ; et qu'en cas de réussite, au contraire, il rentrerait paisiblement sans troubler le sommeil de personne.
             Le raïs Chelouk fit armer sa galère et partit vers le soir après avoir laissé ses instructions secrètes aux cinq capitaines corsaires qui étaient après lui les principaux meneurs de ce complot :
             - le renégat napolitain Mami raïs,
             - le renégat corse
             - le Turc Ouali raïs,
             - le renégat albanais Mustapha raïs et
             - le Turc Yahia raïs.


             Arrivé de nuit à Matifou, Chelouk s'empressa de mettre le pacha au courant de la situation.
             Mohammed Tekelerli n'hésita pas à se confier à lui ; accompagné seulement de vingt Turcs dévoués, il s'embarqua sur la galère du corsaire, laquelle fit aussitôt route pour Alger, suivie à la distance d'un mille par les huit navires ottomans. Au milieu de la nuit Chelôuk entra dans le port, se gardant bien de tirer le canon, en sorte que les janissaires ne remarquèrent pas son retour ou pensèrent que les négociations avaient complètement réussi.
             Le pacha débarquant immédiatement, trouva tout le quartier de la marine occupé par des corsaires bien armés qui le conduisirent paisiblement à la maison où tout gouverneur général nouvellement arrivé, attendait que son prédécesseur se fut embarqué.

             Sur ces entrefaites, les huit galères turques, entrèrent dans à leur tour dans le port et leurs équipages descendant à terre sans perte de temps, allèrent se joindre aux corsaires.
             Alors tous ces gens réunis jusque-là avaient agi en silence, élevèrent la voix en se mire à crier ;: " Vive le grand seigneur ! Vive Mohamed Tekelerli ! "
             A ce bruit les janissaires comprenant enfin que quelque chose d'extraordinaire se passait, accoururent en foule, mais trop tard.
             Se trouvant, à l'improviste, en face d'adversaires :
             - nombreux,
             - bien armés,
             - disposés au combat,
             - ils n'osèrent pas entamer la lutte.


             Leur confusion fut encore plus grande quand ils surent d'une manière certaine que les marins turcs étaient débarqués après avoir amarré leurs galères dans le port et que le pacha avait pris possession de la maison d'attente.
             Le prestige du Grand Seigneur, qu'on osait braver pour la première fois, reprenant son empire, le sentiment du devoir rentra dans le cœur des rebelles.
             Il y eut un sauve-qui-peut général et chacun se réfugia chez lui, tremblant d'être compromis dans cette affaire.

             Après la fuite des janissaires et bien qu'il fit encore nuit, Mohammed Tekelerli, du conseil des corsaires, marcha sur le palais.
             L'historien Haedo, auquel j'emprunte les principaux éléments de ce récit ajoute que ce fut à la tête de plus de 2.000 arquebusiers. Ceci semble inadmissible, car il est vraisemblable que les gens de mer furent dans le premier moment, les seuls auxiliaires du représentant de la Sublime Porte.
             Loin d'imposer la moindre résistance Hassan Corso vint recevoir ce dernier à la porte du palais, cherchant à se disculper et à prouver qu'il avait dû céder à la volonté générale.

             Le pacha répondit à ces excuses en faisant arrêter immédiatement le malheureux intérimaire et en l'envoyant au supplice peu de jours après.
             " Dix jours ne s'écoulèrent dit Haedo qu'il l'envoya tuer cruellement accroché par un croc, tourment fort cruel, sous la porte de Bab-Azzoun, au-delà du pont.
             Et étant accroché par le côté droit, Hassan vécut trois jours de suite à l'agonie.
             Comme il faisait alors un certain froid, attendu qu'on était au commencement d'octobre, lorsqu'il venait à passer quelque chrétien il lui disait (comme celui qui le vit me conta) : " Chrétien, donne-moi pour l'amour de Dieu un manteau pour me couvrir.
             Mais comme il y avait là des Turcs, qui par ordre du pacha, le gardaient, nul n'oser le lui donner ; et lorsque, au contraire, un Turc s'approchait ou regardait, on détournait la tête comme si on l'avait en horreur et qu'on ne voulait pas le voir. "

             Hassan Corso, âgé alors de 38 ans,
             - était de taille moyenne et
             - avait le teint basané,
             - les yeux grands,
             - le nez aquilin et
             - la barbe noire.

             Il ne laissa aucun enfant.

             Ce pacha intérimaire qui expia si cruellement la première velléité d'indépendance de la milice, fut inhumé hors de la porte du Ruisseau Bal-el-Oued près de la tombe de son patron Salah Raïs et son affranchi le renégat Youssef lui fit élever une coupole après avoir vengé sa mort en assassinant Mohammed Tekelerli, fait qui constitua la seconde révolte des janissaires. Il est bien en fâcheux qu'en modifiant les abords de l'ancienne ville, nous ayons détruit les nombreuses tombes historiques qui renfermaient les cimetières, alors qu'il eut été si facile d'en conserver les épitaphes.
             Le renégat Ali Sordo, commandant de Bougie, ne fut pas oublié par le pacha.
             Celui-ci l'ayant mandé à Alger, lui fit mettre des tubes tranchants aux doigts des pieds et des mains et placer un casque de fer ardent sur la tête, pour le forcer à révéler l'immense trésor que la notoriété publique lui attribuait, ce à quoi il ne put réussir. Ensuite il le fit empaler hors de la porte Bab-Azzoun, le même jour que Hassan Corso fut mis au croc. " Embroché comme une grive, dit Haedo, sur un pal aigu qui le transperçait du fondement jusqu'à la tête, il resta ainsi à la vue de tous, plus d'un demi-jour, poussant des cris terribles jusqu'à ce qu'il mourut de ce tourment. "
             Quant au renégat grec Moustafa, commandant de Bône, il se tira d'affaire, ainsi que les principaux chefs de cette révolte au moyen de sacrifices en argent, l'illustre pacha étant en définitive encore plus rapace que vindicatif.

Albert Devoux.
Revue africaine XV. 1871.



Question d'émigration.
Envoi de M. Christian Graille

             S'il y a un fait qui mérite de fixer l'attention de ceux qui désirent voir s'affermir en France la politique d'expansion coloniale, de ceux qui rêvent de la plus grande France, c'est assurément celui de l'émigration.
             Grâce au perfectionnement des moyens de communication, il nous est permis aujourd'hui de mettre en valeur le coin le plus reculé de la terre avec plus de facilité, à coup sûr, que n'auraient pu le faire non seulement les anciens, mais même les hommes du moyen âge malgré l'étroitesse du monde où ils évoluaient :
             " Le moyen âge, a dit avec raison Monsieur De Molinari, offre l'image d'une véritable pétrification sociale : l'homme meurt sur le coin de la terre qui l'a vu naître, comme l'huître sur son rocher, et, avec la circulation des hommes, on voit s'arrêter celle des richesses. "

             Si l'émigration présente un intérêt pour tout le monde, pour la France elle est un problème capital à cause de sa faible natalité et du nombre de ses colonies et pays de protectorat.
             Nous allons donc considérer tour à tour :
             - les diverses formes qu'affecte l'émigration,
             - les pays de grande émigration et
             - ceux de grande immigration,
             - l'influence de l'émigration sur la natalité, et
             - finalement l'émigration française.


             Pour le bureaucrate assis tranquillement à sa table de travail, l'émigration n'est guère qu'un sujet :
             - à circulaires,
             - à ordonnances,
             - et à règlements plus ou moins bien compris.


             Pour le philanthrope sentimental qui met en pratique la doctrine de Sénèque et si spirituellement définie par Victor Hugo :
             Et l'austère Sénèque, en louant Diogène, boit le Falerne (vin de Campanie en Italie réputé depuis l'antiquité) dans l'or….
             Elle n'est qu'un thème à déclarations doucereuses sur le véritable sort des pauvres émigrants et sur la cruauté de ceux qui les exploitent.
             Pour le philosophe et le sociologue elle est presque toute l'histoire :
             - Elle crée de nouvelles Nations,
             - elle fonde des États lointains,
             - elle féconde des régions peu ou point connues auparavant,
             - elle en abandonne d'autres qui paraissaient destinées au plus brillant avenir,
             - elle détermine les routes commerciales et
             - déplace l'axe des influences économiques.


             C'est par elle que sortie des limbes de la " mer ténébreuse " il y a quatre siècles, l'Amérique grandit par-delà l'océan en s'appropriant le sang du vieux monde et en le rajeunissant par les croisements et les influences du milieu.
             C'est par elle seule que l'on pourra relever de son tombeau cette grande morte qui s'appelle l'Afrique méditerranéenne.

             Lorsque l'on parle d'émigration généralement on ne distingue pas assez les diverses de déplacement des peuples, et l'on raisonne comme s'il ne s'agissait là que d'un phénomène des plus simples, affectant toujours le même mode et aboutissant toujours aux même résultats.
             Or, comme le fait remarquer M. James Bryce (juriste, historien et homme politique britannique) ces mouvements de population revêtent ordinairement trois formes qu'il est bon de distinguer :
             - le changement d'habitat, la dispersion et l'infiltration.

             Le changement d'habitat comporte le départ en masse de tout un peuple, d'une tribu entière quittant son ancien domaine pour se transplanter dans une autre région. C'est la forme ancienne de l'émigration.
             C'est celle qu'ont adoptée, entre le cinquième et le sixième siècle de notre ère les barbares du Nord dont les avalanches inondèrent l'empire romain et donnèrent naissance à la plupart des États modernes.
             La dispersion est la forme qu'affecte de préférence l'émigration de nos jours.
             Aujourd'hui, en effet, nous voyons une race ou un peuple, tout en conservant son ancien habitat, se répandre sur de nouvelles contrées occupées ou inoccupées, tantôt chassant les Indigènes pour prendre leur place, tantôt s'établissant à côté d'eux. Mais se gardant autant que possible de s'unir à eux.
             C'est par la dispersion que la race anglo-saxonne s'est étendue à travers l'Amérique du Nord et sur presque toute l'Amérique du Sud.
             C'est par un procédé analogue que les Russes, depuis deux siècles, sont en train d'occuper lentement les meilleures parties de la Sibérie.

             Dans tous ces cas, la population qui émigre opère ou n'opère pas sa fusion avec la population qu'elle trouve sur place, selon le degré de civilisation et les préjugés des deux races au contact.
             - Ainsi entre les colons anglais émigrés dans l'Amérique du Nord et les Indiens, c'est à peine s'il y a eu quelques rares mélanges de sang.
             - Entre les Français débarqués au Canada et les Indiens il y en a eu un peu plus.
             - Enfin entre les Espagnols et les Portugais d'une part, et, d'autre à part,
             - les naturels du Mexique, du Pérou et du Brésil, moins barbares sans doute, il y a eu un tel mélange de sang que le métissage est fort remarquable dans ces trois pays. L'infiltration, finalement, est cette forme d'émigration qui s'opère plutôt par l'exploitation des idées que par celle des hommes.


             Dans ce cas un peuple déteint, pour ainsi dire, tellement sur un autre en le pénétrant :
             - de sa langue,
             - de sa littérature,
             - de ses institutions,
             - de ses coutumes en le faisant puiser à toutes ou à quelques-unes de ces sources d'influence qu'il parvient à inculquer au peuple " infiltré " quelque chose de son caractère propre.


             Dans ce procédé le mélange de sang peut être très léger, presque nul ; avec le temps l'influence de la race assimilatrice n'en est pas moins réelle.
             Nous en avons un exemple dans l'expansion de la France dans une grande partie de l'Amérique latine où son influence morale et intellectuelle réussit à se maintenir quoi qu'elle n'y envoie que peu de bras et fort peu de capitaux relativement.
             Il ne faut pas croire, cependant, que ces deux dernières formes d'émigration aillent toujours séparément.
             Au contraire, souvent elles marchent de pair, dans des proportions inégales sans doute et produisant aussi des effets différents.
             En effet, tantôt la race assimilatrice garde un caractère primitif bien distinct, tantôt elle le perd presque entièrement.

             "Le Maure du Maroc, fait remarquer M. James Bryce, diffère de l'Arabe autant que le Syrien parlant grec, et le Lusitanien parlant latin différaient du Grec de l'Attique et du Romain du Latium.
             - Mais les tribus finlandaises de la Russie septentrionale et orientale,
             - les Vogouls (peuple de Russie appartenant au groupe finnois de l'Oural),
             - les Tcheremisses, (peuple de la haute Volga),
             - les Tchouvaches, (peuple turcophone de la Volga) et
             - les Mordvins (peuple occupant un territoire qui s'étend de l'Ukraine à l'Asie centrale) qui ont été russifiés peu à peu pendant ces deux derniers siècles sont en train de devenir pratiquement indispensables des vrais Russes slaves de Kiev. "


             Le transfert ou changement d'habitat était donc la forme barbare de l'émigration.
             L'essaimage ou la disposition en est la forme moderne.
             Entre les deux se place la pénétration ou l'infiltration qui est la forme d'émigration particulière aux nations, comme la France, douée d'une grande force d'expansion intellectuelle et morale mais chez lesquelles la natalité s'est affaiblie et le besoin de déplacement ne se fait plus sentir aussi vivement,
             - soit à cause du développement exagéré du bien-être,
             - soit à la suite de nouvelles mœurs ou de lois mais conçues.

F. De Santa Anna Nery.
la vie algérienne et tunisienne (15-05-1897)



ACTE DE CONTRITION
De Hugues Jolivet


       Conscient de l'importance de son engagement,
       De la résolution commune et équitable
       Des droits et des devoirs des deux intervenants,
       Le Président commande un texte irréfutable !

       Mais, hélas, l'historien, rédacteur du rapport,
       N'a pu mener à terme l'étude commandée,
       Faute d'avoir trouvé un minimum d'apport
       De collègues algériens, absents, décommandés !

       Le Pouvoir Algérien refuse, de facto,
       D'étaler ses archives, de reconnaître ses torts, (2)
       Préfère entretenir son triste lamento :
       Obtenir de la France des dommages records !

       Le pays conquis n'était pas l'Eldorado,
       Mais une terre ingrate, inculte, qu'ont exploitée
       Les "colons". La France l'a remise, en cadeau,
       A l'Etat Algérien, en pleine fertilité !

       Et soixante ans plus tard, faut-il indemniser
       Une Nation moderne, créée par les Français,
       Que le Pouvoir actuel, loin de la maîtriser,
       Contre son créateur intente un procès ?
Hugues Jolivet         
Le 15 mars 2021          
(2) Massacres de Melouza, El Halia, Oran, harkis ... (1) 1830 Sidi Ferruch




Travailleurs et… Sabir.
Envoi de M. Christian Graille
Les travailleurs en Algérie.
             L'Arabe est : irrigateur, sonneur, berger surtout.

             Le Berbère du Sud, le Kabyle du nord et le Marocain, leur cousin, sont de :
             - vigoureux manœuvres, terrassiers, maçons,
             - défricheurs, piocheurs, moissonneurs, portefaix.

             Le Noir est bon à tout ; c'est un des meilleurs ouvriers d'Afrique ; il est :
             - portefaix, vidangeur, blanchisseur de maison, domestiques.

             Le Maure et le Juif répugnent au travail de la terre mais ils se livrent aux petites industries des villes ; et les Juifs sont en outre :
             - colporteurs, marchands, interprètes,
             - liens de toutes les classes et de toutes les contrées.


             Les Biskris (gens de Biskra) sont :
             - portefaix, porteurs d'eau et de charbon, commissionnaires.

             Parmi les Européens les aptitudes sont encore plus diverses et plus étendues :
             - L'Espagnol, Maltais, le Mahonnais, l'italien
             Sont excellents pionniers, c'est-à-dire :
             - défricheurs, piocheurs, jardiniers, planteurs de tabac.
             - Les Espagnols viennent principalement de Mahon et de l'Andalousie.
             - Les Mahonnaises, coiffées gracieusement d'un foulard sont bien connues à Alger où elles sont domestiques et nourrices.
             - Les Mahonnais s'adonnent à la culture maraîchère.
             - Le Maltais, parlant l'arabe et baragouinant l'anglais,


             Le français réussit presque toujours dans ses entreprises :
             - Sobre, économe, intelligent,
             Il s'est fait :
             - pêcheur, batelier,
             - chevrier, marchand de bestiaux,
             - boucher, cafetier, portefaix surtout.


             Quelques Maltais ont gagné à Alger une grande fortune dans la vente des bestiaux ou de la boucherie.
             - Le Maltais est rarement cultivateur ; il n'habite guère que les villes.
             - Le Génois est particulièrement jardinier,

             L'italien est surtout :
             - tailleur de pierres, maçon, briquetier, charpentier, menuisier.

             Les femmes italiennes et espagnoles fournissent un appoint considérable à la domesticité.
             - Le Suisse est éleveur de bétail, préparateur de fromages.
             - L'Allemand, le Belge se prêtent à tous les travaux sans spécialité marquée ; mais l'Allemand est généralement cultivateur.
             - Le Français fait de même tous les métiers, et gouverne tout ce monde comme piqueur, conducteur, contremaître chef.

Le jargon sabir.
             Se parle, sur les quais des ports,
             - dans les rues des villes,
             - sur les marchés,
             - sur les routes,
             - aux travaux des champs,

             Où se rencontrent :
             - des Kabyles descendus de leurs montagnes sans balbutier un mot de français
             - des Arabes dédaigneux d'apprendre la langue du vainqueur,
             - des Français,
             - des Européens qui ne savent pas l'Arabe.


             Les places des marchés surtout sont de vraies Babel où l'on essaye de s'entendre au moyen du sabir, jargon singulier, discours :
             - bref, heurté, gesticulant, rudimentaire.
             Il se compose :
             - de quelques verbes,
             - de peu d'adjectifs,
             - noms et adjectifs sans déclinaison,
             - verbes sans temps ni mode.

             Par l'absence de forme, par le néant de la grammaire, c'est un parler que ce patois fait des mots :
             - arabes, italiens, catalans, espagnols, français.

             Ceux-ci de plus en plus nombreux à mesure que s'étend la langue de France :
             - Andar (aller),
             - vinir (venir),
             - ténir (avoir),
             - mirar (voir, regarder),
             - trabajar (travailler),
             - tchapar (voler),
             - toucar (toucher, prendre),
             - bono (bon, bien, utile),
             - carouti (trompeur, carottier),
             - meskine ( pauvre),
             - maboul (fou),
             - mercanti (bourgeois),
             - chêndat (soldat),
             - casa (maison),
             - carrossa (voiture),
             - cabessa (tête),
             - matrac (bâton)
             - babord ( bateau à vapeur),
             - birou (bureau),
             - carta ( lettre, écrit, papier),
             - douro (argent),
             - sordi (sou),
             - mouquère (femme),
             - moutchatcho (enfant),
             - yaouled (jeune homme) ;

             De l'interpellation arabe : - Ya ! ouled ! Hé ! Garçon !
             - macache (non),
             - bezzef (beaucoup),
             - bibri ( à peu près),
             - bititre (peut-être),
             - balek (prends garde, dégage !),
             - kif-kif (comme)
             - sami, sami (ensemble),
             - didou (eh ! ohé ! un tel )


             C'est notre " dis donc ! " et surtout fantasia, le mot universel qui s'applique au plaisir, à la passion, à tous les mouvements expansifs de l'âme, à tout ce qui est agréable, bon, supérieur, étrange… ; ces termes et une vingtaine d'autres reviennent à chaque instant dans les phrases du sabir.
             En attendant le triomphe du français, ce charabia unit l'indigène au colon.
             Mais le lien principal entre eux et nous, c'est l'appât des " douros " qu'on gagne chez les chrétiens.

La France coloniale illustrée. Édition 1886

Juan Bastos en lettres d'or.
Envoi de M. Christian Graille

             La société des manufactures de tabac, cigares et cigarettes, est sans doute l'une des plus anciennes firmes installées en Algérie.
             Sa fondation par le créateur de la marque Juan Bastos, remonte en effet à 1838, presque au lendemain de l'arrivée des Français en Algérie.
             La première usine était à Oran.
             Débarqué à Oran dans les années 1830, Juan Bastos voit très vite l'opportunité de créer une entreprise de tabac qui verra le jour en 1838.

             À ses débuts, petite manufacture, l'entreprise n'a cessé de croître et son développement a subi les étapes du développement industriel et agricole.
             Parallèlement, d'autres entreprises de tabac, jusqu'à une quarantaine, vont se créer, presque toutes installées à Bâb el Oued, carrefour populaire et turbulent d'Alger où se recrute la totalité des travailleurs qui y sont employés.
             La première implantation de Bastos se situe à Oran, rue Christophe Colomb, à proximité du port qu'elle surplombe.
             Le 30 janvier 1912, la société en nom collectif Juan Bastos devient la société anonyme Bastos, sous la raison sociale " manufacture de tabac, cigares et cigarettes J. Bastos ".

             Durant la guerre de 1914-1918 Bastos et les autres usines d'Algérie apportent leur contribution à l'effort de guerre en approvisionnant les troupes.
             Il en demeure l'assimilation argotique que les poilus firent entre les cigarettes Bastos et les balles.
             En 1920, la société achète une manufacture locale située à Alger ; la société Abdelkader Ben Turqui plus spécialisée dans le tabac :
             - rouler, à mâcher, à priser
             Et monte une usine à Alger, rue du général Verneau, au cœur de Bâb el Oued.

             Les deux usines situées à Alger et à Oran produisent déjà des quantités très respectables :
             - 2 milliards de cigarettes (2.000 tonnes),
             - 10 millions de cigares,
             - 650.000 kilos de tabac à rouler, à priser, à mâcher.

             Cependant Bastos jusque-là prospère connaît quelques difficultés qui incitent ses principaux actionnaires parisiens, inquiets de l'évolution de l'entreprise à envisager une restructuration.
             Ils confient cette tâche à un ancien militaire de grande valeur, le colonel Varaigne qui repense tous les aspects de l'affaire.

Le colonel Varaigne parlemente.
             Un approvisionnement choisi en tabac était l'un des moyens les plus sûrs de garantir sa qualité à un prix acceptable, le colonel Varaigne assure pendant des années le rôle d'acheteur.
             Partant d'Alger à quatre heures du matin les jours de marché aux tabacs en Kabylie,
             - il entre en contact direct avec les petits planteurs,
             - parlemente des heures accroupi à même la terre,
             - marchande des quantités parfois minimes et
             - acquiert de solides connaissances sur la qualité de la feuille de tabac et sur la mentalité des vendeurs.


             L'activité de la société se développant, notamment à Alger, la société Bastos fait construire de nouveaux bâtiments en 1927, rue Mizon, d'une superficie de 5.200 m2.
             C'est là que seront regroupés ultérieurement la manufacture et les bureaux. Également sis dans le quartier de Bâb el Oued :
             - les entrepôts pour les tabacs et
             - les fournitures d'atelier d'imprimerie,
             - l'atelier d'entretien des camions de transport et
             - des fourgonnettes de livraison, occupent une surface de 10.000 m2, avenue du général Verneau et rue du marquis de Montcalm.


             En 1935 Bastos achète la société de cigarettes de la veuve Berthomeu et devient ainsi propriétaire de nouvelles marques, en particulier :
             - Camélia Sports,
             - Flor Fina,
             - Extra Fines,
             - Falmera.

             Il s'efforce de créer une infinité de marques destinées à répondre à l'attente d'une clientèle diversifiée tant sur le marché intérieur que sur le marché étranger.

La signature du fondateur.
             La marque phare et porte chance de la société a toujours été le fameux paquet de Bastos d'un bleu très spécifique, portant la signature du fondateur en lettres d'or, recouvrant un fond discret, et les médailles obtenues dans diverses expositions pour gages de la qualité du produit.
             Il s'agit d'une des présentations les plus anciennes au monde de paquets de cigarettes.
             Raymond Loewy, qui avait été consulté au sujet de ce paquet, avait reconnu de n'y rien changer.
             Parallèlement à cette activité industrielle, Bastos se lance dans l'agriculture.
             A partir de 1940, les approvisionnements en feuilles exotiques de tabac devenant aléatoires, puis impossibles, il faut trouver sur place la matière première en quantité suffisante.
             Plusieurs ingénieurs de l'institut agricole de Maison-Carrée, dont les compétences se révélèrent très profitables au groupe, sont alors recrutés.

D'Afrique à l'Indochine.
             Deux centres agricoles sont exploités en Kabylie et érigés en sociétés anonymes, filiales de Bastos : La société agricole de l'Oued Ménaïel, à Bord Ménaïel, développait sur 175 hectares des activités de métayage de tabac en feuilles, le deuxième centre, la société agricole d'Aïn Athmane, près de Bouïra, au pied du Djurdjura, s'étant révélé peu propice à la culture du tabac, devint une exploitation de polyculture :
             - blé,
             - arbres fruitiers, surtout poiriers,
             - élevage bovin en stabulation libre.

             Malheureusement les évènements précédents l'indépendance compromettront les résultats obtenus et l'activité des deux sociétés agricoles sera alors mise en veilleuse.

             C'est en 1935 que Bastos, décidant de s'implanter en Indochine, à Saïgon, crée la société indochinoise des tabacs, cigares et cigarettes Juan Bastos.
             Puis en 1945, une équipe partie d'Alger en camions avec quelques machines à cigarettes, traverse le Sahara pour fonder une usine à Yaoundé, capitale du Cameroun, au milieu de l'Afrique centrale.
             Cette affaire devenue très prospère sous le nom de Société Bastos de l'Afrique Centrale (SCBA), crée son propre groupe et couvre progressivement presque la totalité des besoins des fumeurs du Cameroun et s'étend aux marchés voisins :
             - Tchad, Centrafrique, Gabon.
             Bastos installe également à Dakar, dès 1942, une société Bastos de l'Afrique occidentale qui se heurte sur le marché étroit de l'époque à la concurrence d'une filiale sur place de la société Job.
             Puis la société se tourne :
             - vers la Côte d'Ivoire, vers la Haute-Volta et enfin vers l'île de Madagascar.

             Mais revenons en Algérie.
             Bastos propose à une quarantaine de fabricants présents en Algérie l'établissement d'une sorte de statu quo : il faut figer les positions à un niveau permettant une cohabitation vivable pour tous, maintenant l'emploi et les structures.
             Pour faire admettre cette idée Bastos fournissait environ les deux tiers du marché de la cigarette, accepte de se limiter à 51 %.
             L'accord est signé en 1950 et donne naissance à un organisme de régulation appelé O.T.A. F : Office du Tabac à Fumer.
             Si les fumeurs de cigarettes ont des difficultés à se procurer leur paquet favori, l'établissement de l'OTAF permet effectivement le maintien de toute l'activité industrielle du tabac en Algérie.
             En 1961, à la veille de l'indépendance, les dirigeants de Bastos, dont le siège était fixé jusque-là, au 20 rue Mizon à Alger, décident de scinder l'entreprise en deux sociétés cotées en bourse à Paris :
             - la manufacture algérienne de tabacs, cigares et cigarettes J. Bastos au siège de l'ancienne société,
             - la société de financement industriel, commercial et agricole (SOFICAL), à Paris.

Ben Bella nationalise, Job et Bastos s'associent.
             Le 1er novembre 1963, l'ensemble des activités tabac et allumettes est nationalisé par Ben Bella. Le marché algérien est perdu.
             Mais Bastos ne veut pas renoncer aux marchés d'exportation
             C'est pourquoi, privés de leur base industrielle, Job et Bastos sollicitent et obtiennent l'autorisation de monter une fabrique de cigarettes en Corse, au Sud de Bastia, à Furiani : la manufacture corse de tabacs Job et Bastos.
             Aujourd'hui la propriété de la marque est morcelée :
             - détenue par la Seita en France et aux Dom-Tom,
             - par la Cinat pour le Bénélux,
             - par Bastostabak en RFA,
             - par la société Bat au Cameroun,
             - par Philippe Morris en Suisse.

Martine Clément.
Historia Algérie. Histoire et nostalgie. 1830-1987.

Comment les uns écrivent
l'Histoire de l'Afrique
et comment d'autres la lisent.
Envoi de M. Christian Graille

             En parcourant une intéressante compilation intitulée le Maroc et ses caravanes, nous lûmes ceci avec une extrême surprise à la page 323 :
             " En 1782, le calife du château de Salé, Abaltelaar s'était acquis une si grande réputation commerciale que les habitants de Tunis le choisirent pour leur Bey et en firent un exemple curieux de la considération attachée au commerce par les Musulmans. "
             Ce qui nous étonnait ici particulièrement, ce n'était pas ce nom baroque d'Albatelaar si étranger à la nomenclature indigène car nous y devinions assez facilement une altération d'Abd-et-Tahar.
             Ce n'était même pas le grand respect pour le négoce qu'on y prête à l'aristocratique race arabe devant qui la qualité de mercanti n'est pourtant pas une bien forte recommandation.
             Mais ce qui nous confondait, c'était de voir introniser Bey de Tunis, en 1785, un Albatelaar ou Abd-et-Tahar, caïd de Salé, quand l'histoire qui est, pour cette époque si rapprochée de nous, presque contemporaine, n'y mentionne que le Bey Hamouda, lequel occupa le trône de Tunis de 1782 à 1814, après son père Ali qui l'avait eu depuis 1759.
             Impossible donc de découvrir, à la date dont il s'agit, aucun interrègne ou solution de continuité dynastique quelconque où l'on puisse intercaler le brave Albatelaar, ce gouverneur parfait négociant qui aurait, au dire de notre auteur, ramassé une couronne sous son comptoir.

             Tout cela constituait, il faut l'avouer, une complication de faits ou d'assertions passablement étranges et exigeait une vérification minutieuse et sévère.
             D'abord où M. Thomassy, l'auteur du " Maroc et ses caravanes " avait-il puisé ces renseignements ?
             Il nous apprend dans une note, qu'il les emprunte à un voyage (sans nom d'auteur) dans les États barbaresques ou lettres d'un des captifs rachetés par les chanoines de la Trinité en 1785.
             Or précisément, cet ouvrage venait d'arriver à la bibliothèque d'Alger dans un lot de livres achetés depuis peu.
             Nous, nous empressâmes donc de le feuilleter et nous fîmes par rencontrer aux pages 82-83 le passage recherché que la citation inexacte comme il arrive trop souvent, indiquait aux pages 29 à 31.
             On y lisait ceci : " Sa bonté (Albatelaar) et son habileté dans les affaires lui gagnent l'amitié et l'attachement de toux ceux qui le voient.
             Sa réputation s'est tellement répandue dans toute la Barbarie que les habitants de Tunis viennent de l'élire bacha de cette ville, ce qui est extraordinaire (très extraordinaire en effet) à la place de Bennetar qui mourut, il y a quelque temps. "

             D'abord constatons qu'ici Bennetar pourrait bien être une altération de Ben-et-Tahar si toutefois ce nom et l'autre ne sont pas forgés à plaisir par le digne inventeur de ce petit roman historique.
             Ajoutons que Ben-et-Tahar ne se trouve pas plus qu'Abd-et-Tahar dans les annales tunisiennes.

             Mais comment Thomassy a-t-il pu voir dans le passage ci-dessus ce qu'il appelle " un curieux exemple de la considération attachée au commerce par les musulmans. "
             Car l'expression " habileté dans les affaires " appliquée à un gouverneur comme était Albatelaar, caïd de la forteresse de Salé, c'est-à-dire à un des deux chefs de cette petite république militaire quasi-indépendantee, voulait dire qu'il était bon administrateur, bon politique mais nullement qu'il fut un commerçant distingué.
             Evidemment, ici, M. Thomassy n'a pas lu son auteur avec toute l'attention désirable. Mais il a lu avec une distraction bien autrement grande les " recherches historiques sur les Maures " de M. de Chénier, ouvrage qu'il cite pourtant plus d'une fois, autrement il aurait fait son profit de la note ci-dessous qui y figure à la page 4 du discours préliminaire :
             Un livre qui a paru à la fin de 1785, dit M. de Chénier sous le titre de voyage dans les États barbaresques (c'est précisément le livre consulté par M. Thomassy) renferme quelques lettres sur les usages et le gouvernement du Maroc qui prouvent que l'auteur n'a aucune connaissances ni des faits ni des lieux qu'il cite et qu'il ignore entièrement la religion et les usages des peuples dont il parle.

             Ce tissu d'incidents romanesques n'inspire pas, à la vérité assez de confiance pour qu'on en relève les absurdités. "
             Il y avait pourtant là de quoi mettre M. Thomassy en garde contre l'anonyme dont il reproduit les assertions, en les altérant même quelque peu, comme on vient de le voir.
             Quant à la théorie de silencieux dédain professé par M de Chénier dans cette circonstance nous ne l'adoptons pas.
             Dès qu'un ouvrage donné comme historique est entré dans le domaine de la publicité par la voie de la presse, c'est un devoir de crier haro ! Dessus s'il est inexact ; et bien plus encore, s'il est mensonger de parti pris, comme celui dont nous nous occupons en ce moment.

             S'abstenir de signaler, quand on le pourrait, ces sortes de pierres d'achoppement jetées sur la route de ceux qui écrivent l'histoire ou qui simplement l'étudient, et qui, par malheur, vérifient trop rarement les assertions qui leur passent sous les yeux et plus rarement encore remontent aux textes originaux, c'est se rendre complice du crime de lèse-vérité, ce crime dont la gravité est trop peu appréciée à notre époque et qui est si gros de mauvais résultats.
             Nous montrions dans notre dernier numéro, à propos de la question de Suthul ( ), comment un savant estimable, ayant lu son Sallustre avec trop peu d'attention, ou le citant de mémoire faisait dire à l'auteur romain le contraire de ce que celui-ci avait écrit et bâtissait sur sa propre méprise toute une fausse argumentation géographique que d'autres écrivains, trop confiants en sa parole, reproduisaient sans examen, l'un après l'autre et à l'envie, semant ainsi l'erreur à pleines mains et de toutes parts, au moyen de la publicité, cette trop bonne fille qui ne choisit pas son monde et ne regarde guère ce qu'elle accepte.
             Oui, nous le répétons, l'indifférence en pareil cas est coupable et fait d'ailleurs une fâcheuse antithèse à l'esprit d'inexactitude scrupuleuse qui préside aujourd'hui à l'étude des sciences et dont celle de l'histoire doit s'inspirer tout aussi bien que les autres.
             Mais revenons à notre anonyme.
             Nous n'avons pas réussi à lever le voile derrière lequel il échappe à la responsabilité morale des audacieuses impostures et des erreurs monstrueuses qui fourmillent dans son prétendu voyage en forme de lettres.
             Car on verra qu'il n'y a de vraiment historique dans tout son volume que la courte notice qui le termine (page 189 etc.).
             Quant à l'auteur Barbier n'en parle pas dans son Dictionnaire des anonymes et le Manuel de Brunet est muet également sur son compte.

             Rien que d'après l'échantillon qu'on a déjà vu de son voyage fantastique, on pensera sans doute, qu'il n'y aurait pas grand mal si l'œuvre avait péri en même temps que le nom de l'auteur.
             On se trompait pourtant : Le fumier de cet écrivain renferme une perle qui mérite d'être recueillie ; c'est la Notice que nous venons de signaler, récit en 14 pages (y compris la liste des esclaves rachetés) de la Rédemption de 1785 dont le caractère tout particulier fait regretter l'absence de plus amples détails.
             Mais d'abord esquissons rapidement ce voyage inventé de toutes pièces par notre anonyme.

             L'auteur se donne pour un jeune militaire français que la voix de l'honneur appelle au camp de Saint-Roque devant Gibraltar assiégé alors par une armée hispano-française de 1779 à 1782 et qui laisse derrière lui sa fiancée Eugénie qu'il adore.
             Il est pris dans la traversée par des corsaires de Salé et vendu à Albatelaar, caïd de la forteresse de cette ville.
             Pendant sa captivité, il adresse au père de son Eugénie une série de lettres qu'il compose de pièces et de morceaux pris sans choix ni critique, un peu partout, surtout dans les relations rachats de captifs, poussant l'outrecuidance jusqu'à se mettre en tiers dans les aventures racontées par les bon pères rédempteurs et qui se sont passés avant qu'il fût au monde.
             Par exemple celles d'une veuve portugaise qu'il emprunte sans façon au récit de la Rédemption de 1723, pages 169 etc..
             Mais la preuve la plus complète de son ignorance et de ses impostures est dans l'itinéraire qu'il prétend avoir suivi pour se rendre de Salé à Tunis avec son maître, le caïd Abd-el-Tahar qui allait, selon lui, y être intronisé Bey par la volonté nationale. Ne prenons dans cet itinéraire que la partie la plus connue de nos lecteurs, celle qui répond à l'Algérie.

             Cet échantillon suffira pour faire apprécier le reste.
             Notre prétendu voyageur, après avoir pénétré du Maroc dans la province de Tlemcen continue de marcher vers Tunis en traversant les provinces suivantes :
             - province d'Angad.
             - Il retourne donc en arrière car cette province est à l'Ouest de celle de Tlemcen ;
             - province de Beni,
             - province d'Araxid.

             Ceci est par trop fort ! D'un seul et même canton, celui des Beni-Rachid (ou Raxid, selon la transcription espagnole), il fait la province des Beni et celle des Rachid.
             C'est vraiment d'un habile homme et qui s'entend à tirer deux moutures du même sac.
             Puis il arrive dans la province de Miliana où l'on trouve, selon lui, la ville de Testare, si connue, dit-il, dans l'histoire romaine sous le nom de Césarée.

             Mais de fait, très inconnue, au moins sous la forme dont il lui plait de la revêtir.
             Il traverse ensuite le royaume de Couco (centre de la grande Kabylie), les provinces de Labez (Béni-Abbès près des portes de fer) et de Ténès !
             Puis la province du Humanar où se trouve une ville appelée Nédroma, etc., etc.
             Ainsi après être arrivé au cœur de l'Algérie, le caïd Albatelaar et son historiographe anonyme se retrouve à la frontière occidentale.
             Voilà un singulier itinéraire et qui est plutôt le chemin des écoliers que celui d'un candidat qu'une couronne attend au bout de son voyage.
             Ce qui précède suffit pour faire apprécier l'œuvre.
             Ajoutons seulement que notre voyageur ayant perdu son bon Caïd-Bey, mort au mois de mars 1785, est acheté par un renégat de Tripoli et qu'en se rendant par mer dans cette ville, il aperçoit, de son navire, la cité sainte de Cairouan, en Tunisie, qui est à 120 kilomètres dans l'intérieur des terres, derrières des chaînes de montagnes. Quelle vue ! Il aurait été capable avec d'aussi bons yeux d'apercevoir Aumale du cap Matifou.

             Maintenant sautons quelques feuilles de semblables sornettes pour arriver à la page 189 où commence " la notice sur la Rédemption de 1785 " la seule chose utile et intéressante que l'on puisse emprunter à l'œuvre que nous venons d'analyser et dont voici le texte : " Le ciel a enfin exaucé les vœux des âmes sensibles ; les cris et les sanglots de tant de misérables gémissant dans la plus cruelle des servitudes viennent enfin de se faire entendre portés par la religion jusqu'au pied du trône de l'auguste monarque qui gouverne la France et en fait les délices.
             Une grande partie de ces malheureux ne méritaient point à la vérité de pardon : plusieurs étaient coupables de désertion et d'infidélité à leur patrie et à leur prince. Mais que ne peut la clémence chrétienne tenant le sceptre paisible du plus bel empire de l'univers ?
             Sa Majesté Louis XVI, qui est au-dessus de toute louange, vient de donner une nouvelle preuve de sa bienfaisance en permettant aux deux ordres de la Sainte Trinité et notre Dame de la Merci de racheter les captifs français retenue en Barbarie.
             Les zélés religieux crurent que pour épargner les frais de voyage et de présents, il était plus convenable de prier M. le Consul de France à Alger de vouloir bien gérer les affaires de cette Rédemption qui s'exécuta, on ne peut mieux par ses soins.
             C'est un des plus considérables que l'on aie vu depuis la fondation de ces deux ordres dont les instituts si chers à l'humanité n'ont pour but que le soulagement des malheureux.
             Tout étant heureusement terminé, la Minerve partit de Toulon pour Alger au commencement de juin et revint mouiller dans la rade de Marseille le 8 juillet suivant…
             La frégate aborda au lazaret et l'on fit débarquer tous les captifs au nombre de 314, dont un mourut pendant la quarantaine.

             Munis des patentes de Sa Majesté et des pouvoirs de Monseigneur l'évêque de Marseille, Messieurs les députés des deux ordres (religieux) se hâtèrent de se rendre auprès d'eux.
             Quelle sensation produisit dans les cœurs le spectacle attendrissant de tant de chrétiens arrachés à la rage des barbares.
             Tous venaient se jeter à genoux devant eux, baiser leurs mains généreuses et confesser à leurs pieds tous leurs égarements en leur demandant avec instance le pain des anges dont ils avaient été privés si longtemps. Enfin le temps de la quarantaine étant expiré, après s'être conduits d'une manière édifiante et irréprochable, tous les captifs sortirent du lazaret après avoir passé par les parfums.
             Le 10 août suivant, les religieux des deux ordres allèrent les recevoir sur le rivage, accompagnés de toutes les personnes recommandables de la ville.
             L'entrée fut des plus pompeuses et des plus solennelles : Le son des cloches, les décharges des canons, des boîtes, se mêlaient majestueusement aux fanfares et aux acclamations du peuple.
             Le lendemain, 17 du même mois, l'on marcha toute la journée processionnellement par les rues.
             Tous les captifs de Marseille et des environs, après avoir reçu des habits et de l'argent pour leur route, se rendirent chacun chez eux.
             Les autres au nombre de deux cents, partirent pour Aix où ils firent des processions, au grand contentement de toute la ville qui, ainsi que toutes celles où ils passèrent, ne cessa de manifester son zèle jusqu'à leur départ.
             Les aumônes furent considérables, tant il est vrai que l'homme est bon et que la sensibilité de son cœur ne parait jamais mieux que dans ces grands spectacles ! "


             Nous avons dit que le passage que nous venons de lire est tout ce qu'il y a d'historique dans le voyage anonyme.
             Expliquons comme nous avons pu en acquérir la preuve.
             L'auteur dudit voyage ayant donné de trop justes motifs de suspecter sa véracité, nous avons cherché naturellement à contrôler des dires que nous croyions siens.
             D'après lui la frégate du Roi la Minerve partit de Toulon au commencement de juin 1785 et revint mouiller dans la rade de Marseille le 8 juillet suivant avec les captifs rachetés à Alger.
             Ceci nous offrait un moyen de contrôle dont nous avons profité.
             Or deux registres de l'ancienne compagnie royale d'Afrique ont rendu la vérification facile et décisive :
             L'un, le registre A contient en effet cette mention à la date du 22 juin 1785 :
             La frégate du Roi, la Minerve, commandant le chevalier de Ligondès, a apporté à Alger, d'envoi des directeurs de la compagnie à Marseille, une somme de 17.625 pataques-chiques (piécette de 62 centimes).
             D'un autre côté, le registre B porte ceci à la date du 3 juillet 1785 : Payé pour la dépense d'usage, à l'occasion de l'arrivée dans cette rade (d'Alger) de la frégate du roi la Minerve commandée par M. le chevalier de Ligondès.
             Ci-joint copie, 297 pataques (chiques), faisant 334 livres, (20 sous soit 240 deniers) 2 sols, (12 deniers) 6 deniers. "

             L'agent à Alger de la Compagnie royale d'Afrique qui tenait le registre A et le chancelier du consulat de France qui tenait le registre B, ne se sont préoccupés, bien entendu, que des affaires commerciales et consulaires.
             Mais s'ils ne parlent pas de la Rédemption de 1785 dans ces deux entrées ni ailleurs, parce que cette opération ne les concernait point, ils établirent du moins le fait important de la venue et du séjour à Alger de la frégate du Roi à l'époque précise indiquée par la Notice.
             Cette coïncidence même nous fait penser que ce document n'est pas de l'auteur du voyage, et que celui-ci l'aurait emprunté à quelque récit officiel de la Rédemption de 1875.
             Que n'a-t-il pillé toujours d'aussi bons morceaux pour comparer l'habit d'arlequin que son ouvrage nous représente !

             A la suite de cette Notice arrive la liste des 314 esclaves rachetés avec :
             - leurs noms, prénoms, âges,
             - durée de l'esclavage et
             - lieux de naissance.

             On y voit que les limites d'âge sont comprises entre 18 et 80 ans et celle de captivité de 2 mois à 35 ans.
             N'omettons pas de mentionner que, d'après les Mémoires de Weber " ces captifs durent leur liberté à un bienfait commun des deux reines de France et de Naples. "

             Ce qui donne à cette Rédemption de 1785 un cachet tout particulier, c'est qu'elle se fait par le Consul de France à Alger et non pas directement par les pères rédempteurs eux-mêmes, ceux-ci limitant leur action à recueillir en Europe l'argent du rachat et de l'expédier à Alger au Consul avec leurs instructions particulières. Dès lors l'opération prenait un caractère mixte, moitié politique et, moitié religieux.
             Elle était moins poétique assurément et moins saisissante puisqu'elle supprimait les milles aventures et incidents que la présence des religieux chrétiens au milieu de musulmans ne pouvait manquer de faire surgir, et dont on lit le récit avec une admiration sympathique dans les relations des diverses Rédemptions qui ont eu lieu dans les États barbaresques, surtout celles du Maroc qui étaient soumises aux plus fortes épreuves.
             Maintenant, le nouveau système que nous appellerons le système laïque, celui qui paraît avoir été inauguré en 1785, était-il préférable, sous le rapport de l'économie d'exécution et de l'importance des résultats, au système tout apostolique des anciens temps ?
             Pour répondre convenablement à cette question, il faut compléter les études que nous avons entreprises sur la matière.
             Ce sera donc pour un prochain numéro.
             En résumé le voyage :
             - fantastique,
             - erroné et même
             - menteur dont nous venons d'entretenir les lecteurs de la Revue, trouvera grâce, malgré ses défauts graves, devant les collectionneurs de livres sur l'Algérie qui le rechercheront à cause de la Notice qui le termine et que l'auteur a eu l'intelligence de voler en bon lieu et de laisser telle qu'il l'avait prise.

A. Berbrugger. Archéologue et philologue
Revue africaine N° 68. 1868.



PHOTOS DE BÔNE
Envoi de diverses personnes

Plage Saint-Cloud


Mosquée




Place d'Armes




Cathédrale






TIMGAD
Brochure de 1951
À LA MEMOIRE DE TOUS CEUX À QUI NOUS DEVONS TIMGAD
RESSUSCITEE ET PARTICULIEREMENT Â CELLE DE
CHARLES GODET QUI LUI CONSACRA SA VIE

TIMGAD
Antique THAMUGADI

Christian COURTOIS Chargé d'enseignement à la Faculté des Lettres d'Alger 

III
LA VILLE DE TRAJAN (partie orientale)
ET LES FAUBOURGS DE L'EST

                 Forum et Théâtre constituent le cœur de Timgad. Il a semblé bon de s'y attarder comme faisaient les hommes de jadis. De la ville qui s'étend alentour, il serait décevant de parcourir avec autant de soin les rues mornes. Trop d'insulae ne nous offriraient qu'une image anonyme et d'autant plus que les remaniements ont souvent obscurci le visage primitif des édifices. On se bornera à signaler les plus importants.
                 Si l'on revient à l'entrée principale du forum, à l'endroit où le cardo maximus Nord rejoint le decumanus maximus, on est au centre géométrique de la ville qu'avaient conçue les urbanistes de Trajan. Mais tandis que le cardo a été en sorte désarticulé par la construction du forum, le decumanus maximus se présente comme une longue avenue rectiligne, bordée de portiques et qu'interrompt vers l'Ouest la masse imposante de l'arc dit de Trajan. C'est à l'opposé qu'on se dirigera d'abord.

Maison aux jardinières
                 La première insula à droite est occupée par la MAISON DITE AUX JARDINIERES qui fournit un excellent exemple de maison classique. Au-delà du vestibule qui donnait sur le decumanus, on atteint un atrium à peu près carré sur lequel s'ouvrent les différentes pièces qui sont de petites dimensions. La plus vaste, le tablinum, situé en face du vestibule n'a que six mètres sur cinq. L'entrée en était divisée par deux colonnes et le sol couvert d'une mosaïque ornementale. Mais la partie la plus originale de cette maison est l'impluvium qui n'est point ici constitué par un bassin, mais par une courette au centre de laquelle s'ouvrait un puits et qu'entouraient de vastes jardinières décorées de masques assez grossièrement sculptés.

                 L'insula qu'on rencontre ensuite sur le même côté droit du decumanus maximus est occupée par un édifice connu sous le nom de MARCHE DE L'EST qui a débordé sur les rues adjacentes au point de se souder, vers l'Est, à l'insula voisine. Le marché est précédé par un escalier qui conduit à un vestibule semi-circulaire de part et d'autre duquel s'ouvrent trois boutiques. Vestibule et boutiques donnent sur une plate-forme qui sur toute la façade du marché remplaçait le portique qui borde habituellement le decumanus. Un escalier de trois marches mène au vestibule à l'intérieur de l'édifice, dont le plan est extrêmement original. Si, en effet, de part et d'autre de l'entrée se trouvent trois boutiques rectangulaires contiguës, du côté opposé les logettes se répartissent autour de deux arcs de cercles à l'intersection desquels on avait placé une fontaine. Ces logettes, au nombre de cinq de chaque côté, sont précédées d'un étal, qui permet par comparaison avec d'autres édifices (marché de Sertius à Timgad, marché de Cosinius à Djemila) d'affirmer la destination de celui-ci. A chacune des absides correspond une cour pavée de briques, bordée de colonnes et dont le tracé épouse la forme générale du monument.

Marché de l'Est
                 Vers le Sud, le marché est flanqué d'un édifice à abside dans lequel on a voulu voir une chapelle et devant lequel on passera pour parvenir - par la première rue à gauche - aux PETITS THERMES DE L'EST. Cet édifice assez médiocrement construit, mais bien conservé, semble de basse époque. Un couloir le bordait du côté de la rue, ouvert à ses deux extrémités. Il permettait l'accès à trois salles séparées les unes des autres par des colonnes. Dans la partie Nord on peut voir la salle froide avec sa piscine et les trois salles chaudes qui se commandent mutuellement. Les maisons voisines n'ont guère d'intérêt qu'en raison des mosaïques qu'on y a trouvées.
                 Le decumanus maximus auquel on revient ensuite se terminait à l'Est comme à l'Ouest par une porte monumentale : la PORTE DE MASCULA (Khenchela) construite en 146 et qui a été restaurée.

                 Au-delà de la porte, qui marquait la limite orientale de la ville de Trajan, la route de Mascula prolongeait le decumanus mais en obliquant légèrement vers le Sud-Est. Elle franchissait bientôt un oued, puis à deux cents mètres environ, passait sous une PORTE MONUMENTALE analogue à celle du faubourg Ouest et construite également au temps de Marc Aurèle (161-180). C'est donc dès le milieu du second siècle pour le moins que la ville s'était étendue de ce côté. Cependant, cette extension - du moins dans l'état actuel des fouilles qui n'ont livré que des ruines assez médiocres - semble avoir été beaucoup moins considérable que vers l'Ouest ou le Sud.
                 De la porte du faubourg Est, on aperçoit, du côté du Nord-Est, les restes d'un édifice, dans lequel on a voulu voir une église de qui, en fait, récuse présentement n'importe quelle identification.

Decumanus maximus. - A gauche les boutiques du forum.
Le quart Nord de la ville de Trajan a été complètement fouillé, mais il ne vaut guère que par son ensemble. Les maisons qu'on y a découvertes ne présentent pas à beaucoup près l'intérêt archéologique ou esthétique de la maison aux " jardinières ", ni de la maison de Sertius. Il faut cependant y signaler l'existence d'une huilerie et de plusieurs teintureries, elles sont assez nombreuses à Timgad qu'on reconnaîtra sans peine aux grandes cuves dans lesquelles on procédait au dégraissage au moyen d'un mélange d'eau et d'urine. Quant aux édifices publics, ce sont en dehors de la Bibliothèque déjà décrite (4), les Grands Thermes de l'Est et les Thermes du Nord-Est.

                 Les GRANDS THERMES DE L'EST ont été construits dès la première moitié du second siècle puisqu'une inscription nous apprend qu'ils furent agrandis sous Marc Aurèle en 167. C'est un monument considérable qui occupe pour la plus grande part les quatre insulae les plus proches de la porte de Mascula, sur le côté Nord du decumanus maximus. Mais l'édifice a fortement souffert et n'est pas à beaucoup près aussi évocateur que les Grands Thermes du Sud ou du Nord. Du moins, le frigidarium avait-il conservé la belle mosaïque qui l'ornait et sur laquelle on voit Neptune sur un char, conduisant des chevaux marins.

                 Quant aux THERMES DU NORD-EST construits à l'angle de la ville de Trajan, en partie aux dépens du boulevard périphérique, ils semblent d'assez basse époque et sont d'intérêt modeste. Une porte ouverte dans la parie Nord de l'enceinte permettait d'y accéder commodément de l'extérieur de la ville.
IV
LA VILLE DE TRAJAN
(partie occidentale)
ET SA BORDURE EXTERNE

Arc de Trajan coté Est

Baptistère de la maison de Januarius

                 La partie occidentale de la ville ne présente pas tout à fait, rappelons-le, l'aspect qu'avaient prévu ses fondateurs puisqu'elle ne comporte que cinq rangées d'insulae au lieu de six. Mais au-delà de cette cinquième rangée, les architectes, sans aller jusqu'à respecter le schéma des insulae, ont du moins aligné leurs constructions suivant les directions cardinales ou décumaniennes. Elles sont donc, en fait, solidaires de la ville de Trajan. Rappelons encore que le carda maximus Sud n'est point dans le prolongement du carda maximus Nord, mais s'insère entre les troisième et quatrième insulae. Le dallage en calcaire bleu suffit à l'identifier. Une porte, dont il ne reste que la trace, le terminait vers le Sud. Vers le Nord, il se prolongeait au-delà du decumanus maximus par une rue de même largeur à l'extrémité de laquelle se trouvait une PORTE aujourd'hui détruite.

                 Le quart Nord-Ouest de la ville est principalement un quartier d'habitation dans lequel deux ou trois maisons méritent d'être signalées.

                 La première est la MAISON DITE DE CORFIDIUS CREMENTIUS du nom du propriétaire qui la restaura au IIIe ou au IVe siècle, triste qu'il était de ses ruines informes, nous dit une inscription trouvée dans l'atrium, et attentif au bonheur de sa postérité. On pénétrait dans la maison, assez irrégulière de plan, du côté Sud (troisième rue à droite, deuxième insula) et l'on y trouvait, immédiatement à droite, des latrines dont l'état de conservation donne plus d'intérêt, il faut l'avouer, à la maison de Corfidius, que l'atrium assez banal qui en occupe la partie Nord.

                 La MAISON DE L. JULIUS JANUARIUS occupe l'insula immédiatement au Sud de la précédente. Ce fut sans doute une élégante et confortable demeure si l'on en juge par les bains privés qu'on y voit encore et qu'ornait jadis une statue d'Hygie. Mais elle est aujourd'hui méconnaissable en raison des remaniements qu'elle a subi à l'époque chrétienne. Non seulement l'atrium fut creusé pour recevoir des tombes, mais toute une partie de l'édifice fut transformée en une petite CHAPELLE à trois nefs, de 12 mètres sur 10, que termine une abside. Cette église débordait à l'Ouest sur la rue et était ainsi réunie à l'insula suivante sur laquelle se trouvaient son atrium, et, au Nord de celui-ci, un baptistère, lui-même au centre d'un atrium. On en voit encore la cuve circulaire où le catéchumène descendait par trois marches, ainsi que les colonnes qui supportaient un dais aujourd'hui disparu.

                 Si l'on regagne le decumanus maximus par la voie qui prolonge le cardo maximus Sud sur laquelle s'ouvrait l'église, on aperçoit à gauche les alignements de colonnes qui subsistent seuls des anciens portiques et, à droite, l'ARC DIT DE TRAJAN, qui était, en fait, la porte de Lambèse.

Arc dit de Trajan (face ouest)

                 C'est l'un des monuments les mieux conservés de Timgad et qui, en majeure partie visible dès avant les fouilles, n'avait pas manqué d'attirer l'attention des visiteurs. Restauré aujourd'hui, il est à peu près le seul édifice de la ville qui s'offre à nos yeux sous un aspect très proche de celui qu'il avait jadis.

                 C'est un arc à trois portes : la porte centrale, destinée au passage des voitures et sous laquelle on voit encore les traces laissées par les roues sur les dalles, large de 3 mètres 50, s'élève à plus de 6 mètres 60 au-dessus du sol. Les deux baies latérales, réservées aux piétons, n'atteignent que 1 mètre 75 et 3 mètres 80 de hauteur. Au-dessus de celles-ci, des niches rectangulaires surmontées de frontons en arc de cercle et encadrées de colonnettes abritaient des statues. En avant de la masse principale du monument, quatre colonnes corinthiennes supportées par de hautes bases rectangulaires se dressaient de part et d'autres des trois baies. L'ensemble était surmonté d'une attique, d'une inspiration plus originale qu'heureuse. Au total, le monument atteignait une douzaine de mètres.

                 Du côté Est, en avant des colonnes qui encadrent la baie principale, on voit encore les deux socles octogonaux sur lesquels reposaient les statues de Mars à droite et de la Concorde à gauche. L. Licinius Optatianus les a dédiées, au temps de Septime Sévère, en reconnaissance de sa nomination comme flamine perpétuel et il n'a pas manqué de rappeler l'importance de son cadeau : 35.000 sesterces, c'est-à-dire 9.000 francs or, environ.

                 Reste à dater le monument. Une tradition tenace le fait désigner sous le nom d'Arc de Trajan. Elle repose sur une interprétation abusive de fragments épigraphiques qui appartenaient bien à l'arc, mais qui nous apprennent la date à laquelle fut fondée la colonie et non celle à laquelle il fut lui-même érigé. Cependant, les bases octogonales dont on vient de parler attestent que l'arc existait au temps de Septime Sévère (193-211). Sa construction est donc antérieure aux premières années du IIIe siècle.


L'Arc dit de Trajan en 1850. - Dessin de Delaware

                 Le quartier du Sud-Ouest est, semble-t-il, le quartier aristocratique de la ville. C'est là en tous cas qu'ont été retrouvées les maisons les plus spacieuses et les plus élégantes. On en aura l'impression immédiate en visitant la MAISON DITE DE LA PISCINA qui couvre deux des insulae de la première rangée à droite, quand on revient en direction de l'Est, et qui doit son nom à l'élégant bassin aux colonnes de marbre rose qui en orne l'atrium. Les monuments publics y sont rares. On n'y peut guère citer que les PETITS THERMES DU CENTRE situés sur le cardo maximus Sud, mais dont l'entrée principale est dans la rue adjacente. On pénètre d'abord dans un vestibule oblong élargi aux dépens de la chaussée. Trois baies permettent d'accéder à une salle carrée qu'ornaient la mosaïque dite des Saisons et des statues dont on n'a retrouvé que des fragments (dame romaine en Cérès ?). A droite un frigidarium de dimensions restreintes. A l'angle Nord-Ouest une porte par laquelle on gagnait les salles chaudes. Le sous-sol, avec son foyer et ses hypocaustes, est dans l'ensemble bien conservé.

                 En face des thermes, sur le cardo maximus, une élégante FONTAINE prise sur toute la largeur de la rue réunit entre elles deux insulae voisines. De part et d'autre, des maisons avec leurs colonnes et leurs murs. Mais il faut dépasser les limites de la ville de Trajan pour trouver face à face les deux plus belles demeures de Timgad, celle de Sertius et la maison dite de l'Hermaphrodite.

                 La MAISON DE SERTIUS est le type le plus complet de la maison patricienne de Timgad. Une inscription, trouvée au cours des fouilles, nous a appris que la statue d'Hygie à laquelle elle servait de socle avait été dédiée par Faustus et Valentina que l'on connaît bien par ailleurs. Ce sont eux, M. Plotius Faustus Sertius et Cornelia Valentina Tucclana Sertia, sa femme, qui au début du IIIe siècle ont doté Timgad du marché que l'on désigne encore sous leur nom. A en juger par cette libéralité, leur fortune devait être grande. Rien d'étonnant à ce que leur demeure fut en rapport avec cette opulence. Aussi n'est-il pas téméraire de penser que la riche maison où ils avaient dressé l'image de la déesse Hygie n'était autre que leur propre maison.

La maison de Sertius

                 L'entrée en est à l'Est sur le prolongement du cardo maximus. De part et d'autre, des boutiques s'ouvraient sur la façade précédée en partie par un portique. On pénètre d'abord dans un vestibule. Face à 1a porte d'entrée, une porte s'ouvre sur un vaste atrium orné d'un bassin. A l'angle Nord-Est de cet atrium se trouvent des bains privés précédés de latrines. A l'Ouest le tablinum que décorait une mosaïque à décor floral et par lequel on gagnait la partie occidentale de la maison. L'élément essentiel en est un péristyle de forme oblongue et sur lequel donnent les différentes pièces de l'habitation. Le centre en est occupé par un bassin formé par des dalles placées sur un champ et qu'ornait, du côté Est, une vasque de marbre blanc sculpté, actuellement au Musée. Par son plan d'ensemble, la maison de Sertius rappelle très exactement les maisons typiques de Pompéi, celle de Pansa, en particulier.

                 Il en est de même pour la MAISON DE L'HERMAPHRODITE qui lui fait face, de l'autre côté du cardo maximus. On la nomme ainsi en raison d'une mosaïque qu'on y a découverte et qui représente la toilette d'Hermaphrodite. Comme la maison de Sertius, elle est précédée par des boutiques, mais la façade est entièrement occupée par un portique et c'est du côté Sud qu'on pénètre dans la maison. Un petit vestibule introduit à une galerie, jadis ornée d'un bassin, d'où l'on passe, à droite, dans une salle qui était pâlie de mosaïques géométriques, aux cubes blancs, noirs et rouges. A gauche de cette salle se trouvent deux salles de bains. Au fond elle s'ouvre largement sur un vaste atrium rectangulaire, bordé de portiques, sur lesquels donnaient, à l'Est et au Sud, les pièces d'habitation. Des balustrades joignaient les colonnes et le sol était pavé de mosaïques qui formaient " tables de jeu ".

                 Bien que ces deux édifices aient l'un et l'autre souffert du temps et des réfections qu'on leur a fait subir, ils nous permettent cependant d'évoquer assez bien le luxe dans lequel pouvait vivre, aux deuxième ou troisième siècle, aux grands siècles de l'Empire, la bourgeoisie provinciale.

Mosaique

A SUIVRE


COTES
Par M. Bernard Donville
   
            Bonjour à tous, confinés ou pas,

            Chers amis,
            La suite de notre voyage par la côte.
            Le cinquième chapitre :C'est le jour du voyage le long de notre grande bleue et cette fois ci c'est un nectar en parcourant la Corniche Kabyle qui était considérée par de nombreux guides touristiques internationaux comme une des plus belles de la Méditerrannée. Beaucoup de choses à voir aussi il faudra attendre le prochain envoi pour gouter de l'atmosphère bougiote.

            Le sixième chapitre : Après la magnifique corniche kabyle nous poursuivons notre voyage découverte et souvenir par, Bougie, la ballade au Cap arbon et le suivi de la côte jusqu'à Tighzirt. Je vous souhaite un beau régal des yeux.

            Le septième chapitre : Quittons la Kabylie en arrière plan; cette nouvelle étape démarrera à Dellys et nous conduira jusqu'à Guyotville. C'est dire que nous passerons par Alger, mais vu de haut et sans s'arrêter. En d'autres circonstances je vous ai abondamment parlé de notre capitale et j'y reviendrai plus tard sur d'autres thèmes ;alors un peu de patience! Les petits sites dont on va parler aujourd'hui sont là pour raviver votre jeunesse et bien qu'en loupant la date de Pâques ce sera une bonne mouna .

            J'espère que votre route est toujours enchantée et que la santé reste Bône...

            Bonnes lectures à tous
            Amitiés, Bernard
            

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Cotes 5 Collo-Djidjelli

Cotes 6 Bougie

Cotes 7 prés d'Alger

A SUIVRE



LIRE
De Jacques Grieu

DÉLIRE
      
      La vie est comme un livre où tout le monde lis.
       Mais les mauvais lecteurs, souvent n'ont rien compris.
       Lire, c'est voyager ; et voyager, c'est lire :
       Encor faut-il trouver celui qui sut l'écrire…

       Certains lisent sans but mais sont fort assidus ;
       " Lire, c'est important, mais relire encor plus !"
       Il faudrait donc relire avant que d'avoir lu ?
       Aux meilleures lunettes un tel exploit n'est du !

       Entendre avec les yeux, c'est le propre de lire,
       Même si, à voix haute, on ne veut discourir.
       Celui qui lit beaucoup a plusieurs paires d'yeux :
       Et donc plusieurs oreilles en lisant avec eux.

       Le destin, c'est écrit, prétendent les augures :
       Mais personne ne sait bien lire ce futur !
       Pourrait-on réfléchir et lire en même temps ?
       La bonne solution : écrire, évidemment !

       L'esprit qui ne lit pas vire à l'anorexique :
       Comme un corps affamé, il devient squelettique.
       Lire, il nous faut lire ! Aller jusqu'au délire ,
       Et lire entre les lignes où on ne peut relire…

       Lire est un grand miracle et nous fait réfléchir :
       Qui sait si l'oiseau lire est capable d'écrire ?
       Qui lit en diagonale aurait la vue oblique ?
       Lire en sautant les pages est-il acrobatique ?

       Celui qui lit beaucoup peut vivre plusieurs fois
       Et colore sa vie aux livres de son choix ;
       Mais on a trop de livres aux auteurs inconnus :
       Dommage de mourir avant d'avoir tout lu !

       Si lire c'est parfois le meilleur et le pire,
       Quand la lecture est faite, on ne peut plus dé-lire :
       Le miel ou le poison en nous vont retentir
       On est contaminé, on ne peut plus guérir…

       Quand je lis, je suis moi. Et me vois dans la glace ?
       Si je n'y étais pas, où donc serait ma place ?
       Si d'un homme averti, on peut dire " en vaut deux ",
       De celui qui lirait, c'est " quatre ", alors, qu'on peut.

       " Poète, prends ta lyre et me chante tes vers " ;
       L'invocation d'antan n'est plus ce qu'on espère.
       À mon luth, faudrait-il une treizième corde ?
       Mais je craindrais qu'ainsi , certains vers ne débordent…

Jacques Grieu                  

Colonisation pauvre d'Algérie
Extraits de journaux trouvés sur Gallica
N° 152 du Journal " DEMOCRATIE PACIFIQUE " du 18 septembre 1848
Colonisation algérienne.

           C'est à demain samedi qu'est fixée la discussion du projet du gouvernement tendant à favoriser l'émigration en Algérie. Les principales dispositions de ce décret sont celles-ci :
           Un crédit de 80 millions dont 5 millions pour l'exercice 4848, 16 millions pour 4849 et 35 millions pour 1850 et 1851, est ouvert au ministère de la guerre. Il sera spécialement appliqué à l'établissement de colonies agricoles dans les provinces de l'Algérie et aux travaux d'utilité publique destinés à en assurer la prospérité.
           Le chiffre des émigrants qui bénéficieront des dispositions du présent décret ne pourra excéder 12 000 âmes en 1848.

            Les colonies seront fondées par des citoyens français chefs de famille ou célibataires.
           Les colons cultivateurs ou qui déclareront immédiatement vouloir le devenir, recevront de l'Etat, à titre gratuit, des concessions de terre d une étendue de deux à dix hectares par famille et les subventions nécessaires à leur établissement.
           Les colons ouvriers et d'art exécuteront, soit individuellement, soit par association, tous les travaux d'installation des familles, et concourront aux travaux d'utilité publique reconnus indispensables pour le développement des colonies.

            Lorsque les colons ouvriers d'art voudront se fixer dans un des centres des colonies agricoles, ils recevront, comme les premiers, dans la localité qui leur sera assignée, un lot à bâtir, un lot de terres et les prestations nécessaires pour faciliter leur établissement.
           Les subventions de toute nature, accordées pour la mise en valeur des terres, ne pourront être allouées pendant plus de trois années. Cette durée du temps comptera à partir du jour où chaque Colon aura pris possession de son lot.
           Les colons seront soumis aux lois et arrêtés en vigueur dans les territoires sur lesquels ils auront été placés.

            Aussitôt que le comportera le chiffre de sa population, chaque colonie agricole sera assimilée, pour le régime municipal et judiciaire, aux communes des territoires civils.
           Une commission nommée par le pouvoir exécutif vérifiera les titres des colons et désignera ceux qui seront admis à jouir du présent décret.
           Ce projet du gouvernement paraît uniquement destiné à régir l'émigration en Algérie des insurgés condamnés à la transportation. Il paraît ne pas vouloir répondre, au moins pour 1848, aux vœux des 20 000 ouvriers libres qui sollicitent comme une faveur le sort réservé aux prisonniers les moins compromis dans les journées de juin. Ces ouvriers libres ont adressé à cet effet une pétition à l'Assemblée nationale. Matériellement plus à plaindre que les transportés, ils font les plus vives instances pour obtenir les instruments de travail et les moyens d'établissement qu'on offre aux insurgés. Ils menacent même d'aller pacifiquement avec leurs femmes et leurs enfants mendier la transportation comme une grâce.

            Les délégués de ces ouvriers libres, et beaucoup d'individus intéressés à la question algérienne, se sont réunis récemment dans les salons de la Société algérienne, 12, rue de Favart, pour demander quelques changements dans le projet d'envoi des ouvriers en Algérie. Ces changements se réduisent à ceci :
           Au lieu de 5 millions seulement pour l'exercice 1848, et de 4 millions pour 1849, on demande 10 millions pour 1848 et 8 millions pour 1849.
           Au lieu de fixer à 1 200 âmes en 1848 le chiffre des émigrés, les ouvriers proposent que ce chiffre soit proportionné à la somme du crédit alloué.
           Au lieu de 2 à 10 hectares par famille, auxquels le projet du gouvernement fixe les concessions de terre par famille, les ouvriers demandent de 7 à 10 hectares.
           Au lieu d'indiquer l'association comme facultative pour les travaux d'installation des familles les ouvriers demandent que tous les colons, chefs de familles ou célibataires qui voudront s'associer temporairement et se présenteront au gouvernement tout organisés, obtiendront une portion de terre d'un seul tenant une quantité d'argent proportionnée à leur nombre.
           Les ouvriers désirent encore que le bénéfice du régime municipal et judiciaire soit garanti aux communes des territoires civils dès l'organisation de chaque colonie agricole.
           Enfin, ils proposent que ce soit une commission de l'Assemblée nationale plutôt qu'une commission ministérielle qui vérifie les titres des colons et désigne ceux qui seront admis à jouir du bénéfice du décret.
           La plupart de ces modifications nous paraissent essentielles indispensables pour régulariser ce mouvement d'émigration pour le rendre décisif en faveur de l'Algérie. Il serait fâcheux par un chiffre irrévocablement fixé, le gouvernement et l'Assemblée fermassent carrière à l'impulsion que va prendre la colonisation et refusassent à des ouvriers pacifiques et malheureux des garanties d'existence offertes aux insurgés. Il serait aussi très surprenant qu'ils ne facilitassent pas par tous les moyens l'association des colons en Algérie, lorsque l'Assemblée vote des millions en France pour encourager des essais d'association.
           Nous espérons que la discussion qui s'engagera demain sur ces points sera assez dégagée de vaines préventions, de sottes défiances pour convaincre l'Assemblée qu'à quelque chose malheur sera bon, si notre crise politique et financière détermine fondation d'une seconde France à l'autre bord de la Méditerranée et favorise sans danger, sous les yeux du gouvernement, les expériences économiques de nature à mettre un terme aux crises industrielles.

            Au sujet de la pétition des ouvriers libres, on nous communique les deux pièces suivantes :
           Citoyens représentants,
           Les délégués des ouvriers du 4e arrondissement qui ont signé la pétition relative à la colonisation de l'Algérie déclarent, au nom des frères, adhérer aux sentiments exprimés dans la pétition adressée à l'Assemblée nationale par la société algérienne siégeant rue Favart.
           Ils espèrent que l'Assemblée nationale, dans sa sagesse et son humanité, ne voudra pas renouveler les expériences malheureuses tentées jusqu'à ce jour par le régime militaire ; car ils sont convaincus que l'isolement et le morcellement ne les mèneraient à rien, sinon à la misère.
           Ils espèrent, en outre, que le principe tutélaire de l'association et de l'administration civile leur sera accorde, comme à des citoyens qui préfèrent leurs libertés et la jouissance de leurs droits civils à tous Ies avantages que pourrait leur offrir le régime exceptionnel, dans lequel parait vouloir les placer en Algérie.
           - Signé: A. Bullez, Cournet, Damiel, Ruche, Briche,
           - Boulart, Potar, Binaut, Lafont, L. Ruihez.

            La commission algérienne, composée de six membres nommés par les réunions d'ouvriers, a été admise à présenter au comité de l'Algérie et des colonie à l'Assemblée nationale des observations sur le projet de M. le ministre de la guerre. Ces observations, qui ont été développées par M. Cohen, l'un des membres de la commission, rapporteur de la Société algérienne, ont eu pour but de réclamer dans le décret la consécration du principe fraternel de l'association et la garantie de l'administration civile dans la direction des colonies agricoles.
           Ces considérations, expression des vœux des ouvriers, conditions essentielles de leur émigration en Algérie, ont été accueillies favorablement par le comité, qui a amendé dans ce sens le projet de M. le ministre de la guerre. Nous croyons qu'elles frapperont également l'esprit impartial et élevé de M. Lamoricière, et qu'elles auront la sympathie de l'Assemblée nationale.

N° 170 du Journal " DEMOCRATIE PACIFIQUE " du 6 octobre 1848
Colonisation de l'Algérie.


            Un décret récent de l'Assemblée nationale a ouvert au ministère de la guerre, un crédit de 50 millions, à reporter sur plusieurs exercices, pour la colonisation de l'Algérie. Douze mille individus vont être immédiatement dirigés sur les côtes d'Afrique. Il convient donc d'examiner les chances de succès que cette première émigration présente en compensation des sacrifices qu'elle imposera au Trésor.
           Les douze mille colons, destinés à faire de l'agriculture, seront probablement tous choisis, parmi la population dé Paris et de la banlieue, les nécessités politiques en font un devoir au gouvernement. Or, quelle a été jusqu'à ce jour la profession de ces hommes qu'on veut subitement transformer en cultivateurs ?
           Tous ou presque tous sortent des ateliers de Paris. Il y aura donc parmi eux beaucoup de bijoutiers, d'horlogers, de tailleurs, de tisserands, etc., de véritables ouvriers des champs, il n'y en aura pas un seul.

            Mais, si les nouveaux colons ne sont pas agriculteurs, ils ne connaîtront pas le mouvement de la charrue, de là bêche, de la herse, enfin de tous les instruments aratoires ; ils ne sauront pas faucher leurs prés, couper leurs moissons, tailler leurs arbres, manipuler leurs récoltes; ils ignoreront le degré de préparation qu'il faudra donner à la terre ; l'époque des labours et des ensemencements, la quantité de grains qu'il convient de semer sur chaque hectare ; ils ne pourront donner à leur bétail les soins qu'il réclame, ni procéder à leur appareillement pour la reproduction. Que deviendront dès lors les villages agricoles fondés avec une population composée exclusivement de citadins ?
           Nous désirons nous tromper ; mais nous osons affirmer d'avance qu'avec de tels éléments les nouvelles colonies coûteront des sommes énormes, sans donner le moindre résultat. Après cela on viendra nous dire que l'agriculture ne procure que des mécomptes ! N'en sera-t-il pas toujours ainsi, tant que l'industrie rurale sera le refuge de tous les fruits secs de cette superbe civilisation, qui n'a pu venir encore à bout d'occuper chaque homme suivant sa spécialité ! Tant que les tailleurs seront nommés consuls, tant que les bijoutiers tiendront les manches de la charrue, nos intérêts souffriront à l'étranger, notre agriculture se soldera par des pertes.

            Que faudrait-il donc pour que les millions que l'on va dépenser en Algérie le fussent utilement ? Il faudrait que sur les 12 mille colons qui sont sur le point de s'embarquer pour l'Afrique, 6 mille au moins fussent des cultivateurs consommés. Cette moitié servirait d'instituteurs au reste, et finirait, à la longue, avec beaucoup de patience, par transformer les ouvriers de Paris en de médiocres agriculteurs. Mais telles ne sont pas les vues de nos hommes d'Etat, dont la capacité agronomique nous est plus que suspecte.
           Il est vrai que, dans cette affaire, la colonisation de l'Algérie n'est qu'un prétexte. Ce que l'on veut avant tout, c'est de trouver une issue au trop plein de cette population ouvrière qui a fait la révolution de février et qui demande l'organisation du travail. Aux approches de l'hiver, nos savants politiques redoutent de se trouver en face d'une caisse d'hommes oisifs, affamés.
           Voilà ce qui explique l'empressement qu'on y met. Au dire du Moniteur, le premier convoi de colons partira du 5 au 8 octobre.
           On transportera donc sur les côtes d'Afrique douze mille ouvriers de Paris ; on créera des villages ruraux ; mais, après avoir dépensé bien des millions et perdu bien du temps, on n'arrivera qu'à un immense échec. Encore une fois, pour faire de l'agriculture, il faut des cultivateurs.
           Il n'y a qu'un moyen de rendre la colonisation des douze mille ouvriers manufacturiers profitable, efficace et durable, c'est de la compléter au plus vite par une émigration d'un pareil nombre de véritables agriculteurs.

N° 171 du Journal " DEMOCRATIE PACIFIQUE " du 7 octobre 1848
Colonies agricoles de l'Algérie.
Départ du premier convoi.


            La commission des colonies agricoles de l'Algérie poursuit avec la plus grande activité ses travaux. Elle a déjà vérifié les dossiers de tous les citoyens destinés à faire partie du premier convoi, et les a tous appelés devant elle, afin de les classer, suivant leur choix et leurs aptitudes professionnelles, parmi les colons cultivateurs ou ouvriers d'art.
           Le départ de Paris doit voir lieu le dimanche 8 octobre, et comprendra environ 800 personne. Il s'effectuera de Paris à Roanne par la Seine, les canaux du Long et de Briare, et le canal latéral à la Loire. De Roanne à Givors, le trajet se fera par le chemin de fer ; de Givors à Arles, par bateaux à vapeur, et d'Arles à Marseille par chemin de fer. La durée du voyage jusqu'à Marseille sera de huit à dix jours.
           Le premier convoi est dirigé sur la province d'Oran. De Marseille à Oran, la traversée se fait généralement en soixante-quinze heures. Le territoire choisi par M. le ministre de la guerre pour l'installation de la première colonie agricole en Algérie est celui de la commune de Saint-Cloud, dont le chef-lieu est Goudiel, sur la grande voie de communication entre Oran et Arzeu-le-Port, route où de grands travaux restent encore à exécuter.
           Cette commune se compose des villages de Goudiel et d'Assi-Mefessour. Sa superficie est près de six mille hectares, et permet l'installation de 450 à 200 familles.
           D'après la nature du sol, l'industrie qui parait devoir le mieux convenir aux colons qui vont se fixer à Goudiel sera :
           La culture des grains et de la vigne ;
           L'élève des bestiaux et des vers à soie ;
           Le commerce des fruits.


            Il y aura aussi possibilité de cultiver des légumes, au moyen d'irrigations faciles.
           On rencontre, sur une petite éminence, à mille mètres au-dessous de la source, des ruines romaines, où les colons pourront trouver, à pied d'œuvre, bon nombre de matériaux pour leurs constructions.
           Assi-Mefessour est un puits assez abondant et dont les eaux sont potables. Il disparaît parfois, au printemps, sous une nappe d'eau qui, en hiver, forma une espèce de mare. La plaine, toute défrichée et bien cultivée, au centre de laquelle se trouve ce puits, peut avoir de 6 à 8 hectares de superficie. Les terrains avoisinants, surtout ceux qui sont au Nord, quoique quelques-uns soient encore couverts de broussailles, seront presque tous propres à la culture des céréales, lorsqu'ils auront été défrichés. Des irrigations y seront possibles au moyen de norias. C'est par Assi-Mefessour que passent les voies de communication d'Oran à Arzeu, de Goudiel à Saint-Denis-du-Sig, et d'Oran à Mostaganem.
           La population d'Assi-Mefessour sera essentiellement agricole.

N° 173 du Journal " DEMOCRATIE PACIFIQUE " du 9 octobre 1848
Nous insérons avec un vif plaisir les pages instructives et touchantes que l'on va lire, écrites par une femme qui a passé plusieurs année en Algérie. Nous engageons les mères de famille que les malheurs du temps forcent à chercher, à la suite de leur époux un refuge contre la misère, sur le sol de la France africaine, à méditer les tendres conseils que leur donne une de leurs sœurs
Lettre sur l'Algérie.
Mme B. à Mme Louise C. -- 4 octobre 4 848.

            Si tu es décidée, ma chère Louise, à quitter Paris pour donner l'Algérie, je vais essayer de te guérir de la peur du climat et des Arabes, et de te donner quelques instructions relativement au voyage.
           Je suppose que depuis ta dernière lettre, tu n'as pas fait fortune plus que moi. Alors, avec tes trois beaux démons, il faut t'attendre à de la peine. Une si longue route avec eux ! Si tu étais plus riche, ma bonne Louise, je te conseillerais de laisser ton petit Lucien à ta mère, puisqu'elle reste ; Car le plus grand malheur que j'aie reconnu en Algérie, c'est la mortalité sur ces pauvres petites créatures que nous aimons tant : le climat agit sur eux, plus pernicieusement que sur les enfants qui ont atteint six ou sept ans ; tes deux aînés ne risquent donc rien, mais ton dernier n'a que dix-huit mois, veilles-y bien, si tu l'emmènes ; tous ne meurent pas, mais la plupart ; les cimetières d'Afrique te le prouveront malheureusement trop, car ils sont peuplés de nos pauvres petits anges. Et depuis l'occupation française de l'Algérie, les médecins en sont encore à l'ABC des causes qui nous les enlèvent. Il faudrait, je crois, que le Gouvernement ne changeât pas si souvent les médecins de résidence, parce que ceux qui sont anciens habitants de la colonie, doivent en connaître mieux les maladies que les nouveaux. En effet, quelle pratique peut avoir des sous-aides de vingt à vingt-cinq ans, tout frais débarqués, encore tout au plaisir, commençant leur carrière ; plus glorieux de leur uniforme brodé que de leur mission ; et les sous-aides sont en majorité. Comme dans chaque résidence, après les médecins militaires, souvent entravés, il n'y a guère qu'un pauvre médecin civil, subventionné de quelques douze cents francs par an du Gouvernement : en ceci je distingue les principales villes d'Algérie, j'y sais de fort bons docteurs; je ne te signale que les petites villes et villages, fort mal partagé, sous ce rapport, et fort oublié surtout.

            Je te le répète, tous les enfants ne meurent pas ; tu verras même que ceux qui supportent, le climat sont frais et beaux comme en France. Ne désespère donc pas si tu es forcée d'emmener ton petit Lucien ; mais ne sois pas imprudente ; ne va pas, par une tendresse mal entendue, contenter tous ses désirs, ses fantaisies, satisfaire tous ses appétits d'enfant.
           Prends sur toi d'être sévèrement attentive : ta bonté, qui dégénère souvent en faiblesse, qui ne sait rien refuser à leur gracieuse petite tyrannie, serait un malheur en certaines circonstances. D'abord les fruits, une des principales causes de leurs maladies et souvent de leur mort, les fruits, donnés immodérément, leur occasionnent la dysenterie et les fièvres ; et, souvent, les pauvres enfants jouent jusqu'à merci ayant le germe de ces deux terribles maladies. Souvent aussi, il est trop tard pour appeler le médecin, qui cherche quelquefois encore la cause du mal quand l'agonie commence. Crois-moi, mon amie, ma chère Louise ! j'ai passé par les douleurs de cette triste expérience ; tu verras dans les cimetières d'Algérie combien de petites tombes pressées les unes près des autres font les mères éplorées autant que moi et maudissant le climat et certains médecins ignorants.

            Donc, Louise, pas d'imprudence, tu sais quel sentiment me guide : suis mes conseils. Beaucoup de mères aussi s'imaginent qu'à cause de la chaleur, il faut laisser les enfants nus et les baigner d'eau froide : garde-toi bien de cette erreur ! Habille-les comme en France : légèrement l'été, chaudement, et surtout de laine, l'hiver, qui est si plus pluvieux en ce climat. Il est inutile de te dire que les soins et une grande propreté sont les gardiens de la santé : tu te mires dans, tes enfants frais et forts, bonne mère, oublieuse que tu es de coquetterie, pour ne songer qu'à eux. Encore, si jeune et si gentille, tu es mère avant tout : c'est pourquoi je t'aime.
           Je voudrais pouvoir retourner en Algérie, car j'aime notre colonie si riche d'espérances (qu'elle réalisera si on veut s'en occuper sérieusement), pour te guider, t'aider en route et l'habiter ensuite avec toi.

            Comment vas-tu faire, toi qui n'as jamais quitté Paris, et qui n'oses pas t'aventurer dans le quartier du Marais ? Je ne crains pourtant pas : je sais les Parisiennes peureuses pour des riens, mais sublimes lorsqu'il faut du courage réel, de la persévérance et du dévouement. Je te sais trop noblement Parisienne et femme du peuple souverain, pour faillir à ces trois vertus de la femme. Tu as trop bien compris aussi, qu'en émigrant, ton mari faisait de toi son soutien, son bon ange, sa compagne pour le consoler de l'exil volontaire auquel il se vouait, en vue de sa famille, pour chercher ailleurs l'aisance et le bonheur qui vous ont fuis à Paris. J'ai songé souvent, loin de vous, combien cet homme, qui te chérit si bien, doit souffrir de votre misère, lui si actif, si travailleur, si désireux de votre bien-être à tous. Je me rappelle combien autrefois il était heureux de toi, fier de t'avoir à son bras, parée et jolie comme tu étais toujours, avant que le manque de travail et les enfants apportassent la gêne dans votre ménage.

            Je me rappelle son bonheur, lorsque le dimanche de la paie (qui était toujours complète en ce temps-là), il t'apportait un joli meuble pour embellir encore ta chambre si coquettement propre. Et ces grosses bottes de fleurs qu'il venait jeter si joyeusement dans ton tablier, que tu lui reprochais de gâter ! Hélas ! aujourd'hui, il ne rit plus guère, ni toi non plus ; je le devine bien d'après tes lettres ; tu me peints, sans le vouloir, toute la misère qui vous étreint : si longtemps sans travail, et tu as trois enfants et ta vieille mère à nourrir ! Tes effets au Mont-de-Piété te font me faire une phrase que tu as voulu, rendre gaie, et qui m'a fait venir les larmes du cœur aux yeux, tant ta gaieté est triste et forcée. Courage, Louise, courage ; Dieu est bon et la République veille ! Elle se fait grande et saura trouver le remède à tant de maux et de misère. Car, combien d'honnêtes ouvriers, de nombreuses familles sont comme vous ! Combien de vertus cachées et souffrantes parmi le peuple ; qui dira ces dévouements inconnus, ces secours donnés sans bruit, sans vanité ; ce pain restreint au strict nécessaire, parce qu'il est trop partagé. Ceux qui ont souffert comprennent ceux qui souffrent : les grands font l'aumône, le peuple partage.
           Va, mon amie, courage ! D'abord, heureuse de remplir un devoir en suivant ton mari, tu seras heureuse par la réussite de votre entreprise ; tu verras alors que cet épouvantail algérien qui paralyse tant de bons vouloirs ressemble aux bâtons flottants de la fable : de loin c'est quelque chose, de près ce n'est rien. Les Arabes ne sont pas méchants comme on le dit ; pour ma part, ayant habité longtemps l'Afrique, j'ai reconnu le contraire. Ce peuple est généralement doux, patient et résigné. Rêveurs et paresseux, ils parlent peu et leur sobriété égale leur avidité de gains sans dépenses. Hospitaliers aux Français pacifiques comme aux leurs, je les ai vus protester toujours par un silence de résignation méprisante contre les injustices et les mauvais traitements qu'en leur qualité d'occupants par droit de conquête, beaucoup de Français leur font subir. Car, bien qu'ils soient nos compatriotes, il faut reconnaître que, parmi les français, il y a des méchants et des improbes. Les Arabes le savent malheureusement trop. Pour ma part, j'ai été maintes, fois témoin, avec le regret de ne pouvoir les venger, d'atrocités et d'escroqueries dont ils ont été victimes.

            Par exemple, il faut attendre d'un si long voyage bien des tribulations, de la fatigue, des malaises, des privations de toutes espèces : tes habitudes changées et dépaysées te feront souvent regretter ton petit logement si coquet de la rue Montmartre et le voisinage des boulevards. Mais arrivée, les beautés pittoresques de cette nature encore sauvage, ce magnifique soleil qui t'inondera, ces montagnes qui cachent leur sommet dans les cieux, ces marabouts blancs, ces mosquées de marbre aux minarets hardis, cette ville d'Alger assise à la mauresque au bord de la Méditerranée si bleue, tant de grandioses nouveautés enfin endormiront tes regrets ; tu retrouveras là une seconde France au berceau, moins ses hivers rigoureux, et, si tu ne laisses personne à regretter ici, tu oublieras peut-être ta première patrie ingrate !

            Il ne faut pas que j'oublie, qu'avant tout, tu es une bonne ménagère, capable de prendre au sérieux l'eau bleue de la Méditerranée et d'y tremper tes savonnages. Il faut que je te dise qu'en Algérie tu trouveras tout ce qui est nécessaire à la vie et même du luxe dans quelques villes. Les bestiaux sont assez nombreux, les fruits ne manquent pas, les poissons sont frais et a bas prix, les vins du Midi y abondent et le pain est de bonne qualité. Casée et tranquille, tu pourras, chère Louise, redevenir coquette de tes simples parures comme autrefois ; il y a de jolies robes comme a Paris et presque aux même prix ; puis on met les trois quarts et demi de l'année des robes légères sans être ridicule, parce qu'en Algérie l'hiver n'est pas assez rigoureux pour bleuir le bout du nez et marbrer les bras, il se contente de tremper la terre à merci, et les colons s'en trouvent bien.

            Je m'efforce, chère Louise, à te montrer le bon et le mauvais, la peine et le plaisir, la face et le revers ; afin que là, tu ne penses pas à m'accuser de ta peine, si tu en as, et je crois, pour être vraie, que tu essuieras plus d un déboire ; mais songe à la misère qui étreint. Et l'hiver approche, l'hiver si terrible à Paris ! l'hiver qui nous trouve si souvent, nous autres du peuple, sans travail, sans pain et sans feu ! Puis, tu ne seras pas seule ; tant de Français vont émigrer aussi ! Courage donc, chère Louise, au bout est peut-être le bonheur. Chasse la peur et les préventions qui grossissent le danger et font souvent, comme tu sais, que la peur du mal donne le mal de la peur.

            Si tu pars, vends ton ménage ; le transport te serait trop onéreux. Là on improvise vite un ménage de colon, où le nécessaire existe, superflu est dans le soleil. Garde ton linge tu t'en trouveras bien ; emballe-le en te réservant le nécessaire pour la route et la traversée ! Habille tes enfants de vêtements sains et de couleur peu salissante, car en voyage, on use et on salit beaucoup. Je veux aussi te donner un conseil que tu suivras, selon que tu jugeras à propos : j'ai voyagé souvent sur mer, et souvent le mal de mer m'a terrassée de ses plus terribles nausées ; un essai que j'ai répété plusieurs fois me l'a évité. Avais-je trouvé un remède à ce mal si cruel, ou était-ce l'habitude contractée du roulis ou du tangage des navires ? Toujours est-il qu'en me purgeant la veille ou l'avant veille d'embarquer, je ne souffrais pas une fois à bord. Médite cela, et fais-en ton profit. En tout cas, une purgation ne nuit pas, surtout en changeant de climat.

            Impuissante à émettre mieux mes pensées, à t'exprimer l'intérêt que je te porte, trop pauvre moi-même pour te prouver autrement que par des conseils et des instructions dictées par l'expérience de quelques voyages accomplis l'amitié que tu m'inspires, je te répéterai : médite, réfléchis, ne prends que prudemment une décision. Je serais désolée si d'après mon enthousiasme pour l'Algérie, tu t'en faisais en imagination un pays de cocagne. Songe que partout on a de la peine, que partout i faut travailler lorsqu'on est besogneux, seulement là tu as plus de choses qu'ailleurs, voilà tout. Quant à moi, pauvre bohémienne dans la route vois souvent le bonheur dans les nuages, aussi m'échappe-t-il toujours.

            A toi, mon intime, je te dirai qu'en Algérie je regrette peu mon pays et qu'en mon pays je regrette beaucoup l'Algérie. Si tous ceux qui sont chers pouvaient l'habiter avec moi, je ne regretterais plus rien, habituée que je suis à son soleil radieux, à son ciel bleu, à la vue immense de la mer si changeante. J'oublie si bien à Alger, à Cherchell, à Oran, les mesquineries de la vie de Paris, si bon aux riches seulement, que je préfère la vie pauvre en Afrique ; la misère y est plus poétique, plus naturelle et surtout moins poignante. Pauvre Algérie, si abandonnée, si pittoresque et si peu comprise !

            Toi, posée et réfléchie, tu ne prendras que le solide de mes conseils car tu sais quel dévouement me guide, tu sais que je voudrais tout le monde heureux. A la première nouvelle d'une émigration possible, une émigration en masse, voilà mon imagination chevauchant à travers monts et vallées, cherchant les plus beaux sites pour asseoir une ville, un village, une tribu sociale. Je m'arrête en imagination aux bords de l'Oued-Bourmi, près du bivouac Piétro ; j'y vois d'abord une légion de travailleurs bâtissant, défrichant, se reposant, après le travail, sous les tentes près de leurs familles ; j'entends les chants du soir, les chants qui égaient la fin de la journée, endorment le regret du pays. Je vois les mille clartés des feux de broussailles étoilant, le soir, la terre comme le ciel, enfin tout ce qui fait qu'un bivouac vu d'une hauteur le soir est un spectacle qui émeut et enthousiasme, qui ne s'oublie jamais une fois qu'on a pu le voir.
           Après les tentes, je vois s'élever les baraques en planches, après les baraques, des maisons blanches, solides et grandes, puis, voilà une ville assise et belle, où étaient tout à l'heure mon campement, mon bivouac, mes tentes et mes planches. Des terrains cultivés, des jardins remplacent aussi les steppes de broussailles, de bruyères, de palmiers nains, partout enfin la main de l'homme remplace en matière et d'accord ce travail supposé des fées de nos vieux contes, crée un panorama riche et vivant, là où s'ébattaient, sans trouble et lièvres et perdrix. Il faut pour que ce rêve, qui va devenir une réalité, ne se trouve pas être un malheur, que l'Algérie, abandonnée comme curée à une bande de hauts et bas fonctionnaires arbitraires, concussionnaires, et pleins de déloyauté, que l'Algérie, dis-je, protégée et comptée pour quelque chose par la chambre soit gouvernée loyalement et civilement, car quel mal n'a pas fait à notre belle colonie ce régime continu du sabre, ce libre arbitre, cette latitude laissée imprudemment à un certain gouverneur cachant sous une fausse bonhomie administrative et coloniale, comme sur un uniforme on revêt la blouse du cultivateur, son incapacité et sa rudesse de soldat étouffant sous ses mensongers bulletins la voix des colons algériens, protestant sans cesse contre ce régime, contre l'abandon, l'injustice et la déloyauté de ceux-là mêmes qui devaient la rendre florissante et riche.

            Qui pourrait nombrer, ma chère Louise, les partages injustes et concessions, ce terrain donné à celui-ci au détriment de celui-là, les abus les plus révoltant impunis, insurveillés qu'étaient les employés dont l'incurie et le mauvais vouloir lésaient les intérêts des colons découragés par l'abandon de la mère-patrie. Combien de familles sont allées sont allées confiantes de la promesse et de l'assurance d'obtenir un terrain qui les mette à même de commencer leur bien-être par le travail, sont revenues la plupart ayant perdu des leurs, plus misérables, plus désespérées qu'avant, n'ayant rien obtenu, ne possédant plus rien, ayant tout vendu pour subvenir aux frais du voyage qui, selon eux, devait les conduire à la terre promise. Hélas ! n'ai-je pas vu des gens pleins de bonne volonté faire des démarches, des voyages, des dépenses, pendant quelquefois deux ans et plus, promenés de bureaux en commissariats civils, et vice versa ; puis voir l'objet de tant de tribulations être accordé pour l'agrandissement d'un jardin ou d'une concession déjà bien grande d'un employé bien rétribué du gouvernement.
           Qui pourrait te faire comprendre, ainsi qu'à moi, cette protection accordée de préférence aux étrangers de toutes sortes : grossiers Maltais, Espagnol turbulents et traîtres, Allemands, etc…, etc.., tous avaient raison contre les Français, trompés dans leur attente. Qui pourrait dire l'argent français enfoui dans les tribus Arabes, n'ayant plus de circulation, puisque les Arabes nous apportent leurs produits, leurs denrées, leurs bestiaux, et qu'ils ne nous achètent rien. Qui évaluera ce que le domaine laisse avec tant d'incurie dépérir, détériorer et tomber en ruines au lieu d'en pourvoir les besogneux repoussés, auxquels il ne faudrait qu'un abri gratuit et un peu de la misère et commencer un bien-être qu'il vont chercher si loin et qui leur échappe encore, parce que ce n'est pas le bon plaisir d'un commissaire civil, souvent improbe, ou d'un mince receveur des domaines faisant de l'arbitraire, encouragé qu'il est par l'insurveillance.

            Que te dirai-je encore, ma chère et douce Louise, je suis femme, et ne puis par conséquent entrer dans des détails plus profonds. Je souhaite à l'Algérie, pour sa prospérité à venir, pour la grandeur qu'elle promet, pour la défendre et la faire protéger entièrement, une plume hardie, dévouée, savante et patriotique. Beaucoup, et mieux que moi, ont essayé déjà, mais leur voix étouffée a dû se taire. Les journaux dévoués aux fonctionnaires de l'Algérie écrasaient de leurs articles mousseux, de leurs bulletins mirifiques, les écrits peu nombreux de ceux qui voulaient le bien.
           uisse notre belle colonie algérienne, naguères si animée, si riche d'espérance, se relever sous les efforts des émigrants, et payer au centuple la peine et les fatigues qu'ils vont endurer avec tant de courage ! puisse son commerce, redevenir florissant, son activité renaître !

            Puisse enfin l'Algérie prouver à tous que la France est toujours la plus grande des nations, et garder ce beau nom de France algérienne que les vrais patriotes lui ont donné !
           Toi, Louise, si indulgente et si bonne, qui sait si bien comprendre un bon sentiment à travers mon fatras, pardonne à cause du motif qui, me guide, peints-toi mon regret de ne pouvoir te suivre, et mon admiration pour toutes ces femmes courageuses et dévouées qui se résignent comme toi aux périls, aux fatigues d'un si long voyage en vue d'un meilleur sort. J
           e te répète encore, médite et réfléchis, ne t'aventures pas sur le tracé imparfait que j'aurais voulu plus étendu et plus savant ; mais, tu le sais, j'écris comme je pense, comme j'agis souvent. Un peu de la dignité gracieuse et raisonnable dont le malheur a empreint ton visage ne nuirait pas à cette esquisse que tu ne dédaigneras pas, j'espère.
           Mille amitiés à tous les tiens.
           A toi, bonne et aimée, courage et espoir.
ANNETTE B....


            Paris, 5 octobre 1848.
           Il me semble, ma chère A...., que le malheur ne rend pas toujours égoïste, et j'ai pensé que ta lettre pouvait servir à moi comme à toutes ; j'ai donc prié Paul de la faire publier ; puisque ton but est de m'être utile, mon but est d'être utile à mes compagnons d'exil. Alors tu pardonneras à Paul et à moi de ne pas attendre ton assentiment ; nous n'avons que quelques jours devant nous.
           J'emmène Lucien, bien triste de ce que tu m'apprends le concernant, pourtant confiante que mes soins et mon amour le garderont de tout mal, priant Dieu de me le laisser.
           La pauvreté nous tient sous ses griffes de fer, je n'ai donc plus qu'à prier, pleurer et partir ; tout nous manque ici. Viendras-tu bientôt nous rejoindre?
Amitié foute dévouée, LOUISE C...


            ENVOI.
           A vous qui allez quitter la France pour l'Algérie, à vous mères de famille qui allez essayer d'une seconde patrie pour le bien des vôtres : Courage, force et patience ! Comme mères, compagnes et épouses, il en faut pour suivre vos époux qui vont entreprendre loin de leur pays natal de vous créer un meilleur sort. Comme mères surtout, courage et dévouement, sont deux vertus indispensables à la femme, quelle que soit sa condition. Courage ! je ne cesserai de vous le crier que lorsque arrivées au but de votre voyage, je vous verrai sous vos tentes à l'abri du besoin. Puisse Dieu bénir votre entreprise et vous donner en récompense l'aisance et le bonheur, à moi, la santé des miens !
           Voulant utiliser la pensée d'une amie dévouée, je vous transmets, par la voie de la publicité, une lettre peut-être trop longue, mais dictée par le sentiment d'éviter à autrui des peines endurées, consoler de l'exil celles de vous qui vont pleurer. Sachant d'avance qu'elle m'approuvera, je vous crie encore de concert avec elle :
           Courage et espoir !
Salut et fraternité. LOUISE C...

N° 187 du Journal " DEMOCRATIE PACIFIQUE " du 23 octobre 1848
Départ des Colons pour l'Algérie.

           Nous avons assisté ce matin au départ du quatrième convoi des émigrants, et nous sommes heureux d'avoir reconnu par nos yeux que les renseignements donnés à la Démocratie, et qu'elle avait insérés étaient complètement inexacts. Nous avons constaté avec bonheur que les plus grands soins avaient été pris pour rendre supportable et agréable autant que possible le long voyage de nos compatriotes.
           Les bateaux sont effectivement disposés en quatre banquettes, qui offrent 55 centimètres de largeur, et chaque colon, homme, femme et enfant au-dessus de deux ans, reçoit un emplacement de 45 centimètres de largeur. Or, comme un chemin de fer et en voiture publique le voyageur de troisième classe ne reçoit que 40 centimètres, il en résulte que l'on est fort à l'aise surtout si les familles sont nombreuses. Dans la journée, tout le monde est assis, et on peut circuler dans toute la longueur du bateau, qui est partagé en deux grandes salles. Au milieu se trouve un couloir où sont établies deux cantines, une pour les hommes, une autre pour les femmes.

            Le convoi est confié à un personnel administratif installé à bord d'un bateau, sur lequel est une infirmerie pour les cas de maladie ou de naissance à bord.
           Certes, nous le reconnaissons, il eût été difficile de mettre en meilleure condition une grande émigration qui doit, en quelques semaines seulement, transporter en Algérie douze mille personnes. Grâce aux soins empressés des membres de la commission, les colons ont presque le confortable, les femmes nourrices ou enceintes reçoivent du lait. Le soir, tout le monde est couché à bord. Dans la journée les colons se promènent sur les bords des canaux parcourus et traversent ainsi la France sans fatigue au milieu des ovations des populations. Empressées sur leur passage.
           Ainsi, en quatorze jours, le premier convoi est arrivé à Marseille où il s'est embarqué à bord d'une frégate de l'Etat, qui, en trente-six heures, le déposera sur la terre d'Afrique.
           Le deuxième convoi est à la hauteur de Digoin. Il entre dans le canal du Centre.
           Le troisième est à Briare.
           La batellerie a résolu un grand problème, car la masse des personnes n'était pas la seule difficulté à lever. Il fallait encore transporter avec la même vitesse cinquante à soixante a mille kilos de bagage en linge, outils, ustensiles de toutes sortes qui ont suivi ces immenses convois.
           Nous, nous empressons donc de le reconnaître, ce n'est pas le blâme mais l'éloge que nous devons faire d'une entreprise qui a pu effectuer aussi convenablement un tel transport.
           Le convoi parti ce matin du quai Saint-Bernard, se composait de quatre bateaux cabanés, plus le bateau des bagages. L'émigration était de 834 personnes, non comptés les enfants au-dessous de 2 ans.
           Des membres de la commission de la colonisation et un certain nombre de représentants assistaient au départ. Le nouvel archevêque de Paris, M. Sibour, est venu avec la pompe épiscopale donner sa bénédiction à la population émigrante.
           Le départ s'est fait aux plus vives acclamations et au son de la musique qui jouait nos grands airs patriotiques. Les émigrants chantaient le Chant des Girondins et le Chant du Départ, et répondaient aux adieux par les cris répétés de : Vive la France ! Vive la République ! Et souvent Vive la République démocratique et sociale !!
           Les trois lettres suivantes, expédiées par les commandants des convois au président de la commission, prouvent que les soins intelligents de l'administration et la fraternelle sympathie des populations se continuent dans toute l'étendue du voyage.

            Nouvelles du premier convoi.
           "Montargis, 17 octobre. "
           Une partie de mon détachement suit le convoi à pied ; la gaieté est sur tous les visages. Ma petite colonie est organisée militairement un chef de groupe par douze personnes, et un chef par bateau qui reçoit les réclamations et me les transmet. Aujourd'hui, il ne m'en a pas été adressé une seule.
           Les colons se conduisent bien en route ; quelques-uns sont un peu bruyants ; mais ils m'obéissent tous.
           Le temps est beau ; les hommes se promènent, ce qui permet aux femmes et aux enfants de prendre du repos.
           Les populations nous ont salués toute la journée de leurs acclamations, et aux cris de : vivent les colons ! Vive l'Algérie. Les bateaux répondent par ceux de Vive la France ! Vive la République ! "

            Sur la Saône, 19 octobre.
           Au moment de notre embarquement sur la Saône, qui vient d'être terminé à huit heures et demie, j'ai reçu votre lettre du 13 de ce mois par laquelle vous me demandez des nouvelles du voyage des colons composant le premier convoi pour l'Algérie.
           Jusqu'à présent le voyage s'est fait heureusement. Depuis trois jours seulement nous sommes contrariés par le mauvais temps, mais les colons n'en sont nullement affectés ; la plus franche gaieté règne parmi eux ils sont en général pleins d'espoir et de bonne volonté. Grâces aux soins assidus du docteur Labouysse, dont le zèle est infatigable, l'état sanitaire ne laisse rien à désirer.
           J 'ai appris que les bateaux du deuxième convoi seraient hâlés par des chevaux ; c'est une grande amélioration.
           Le convoi est bientôt à hauteur de Mâcon.
           Le zèle de M. Pélicier vous est déjà connu, tous les éloges que je pourrais faire sur la manière dont il me seconde, ainsi que le docteur Labouysse, seraient au-dessous de la vérité. "

            Nouvelles du second convoi.
           Châtillon.
           Nous sommes salués sur notre passage par les plus vives acclamations. Aux cris : Vivent les colons, ceux-ci répondent : Vive la République ! Nous sommes heureux d'avoir à vous faire l'éloge de nos entrepreneurs. Il y a beaucoup de large, les colons sont très contents. Toutes les distributions sont faites sous nos yeux. Les denrées sont bonnes, le vin meilleur qu'au départ.
           L'abondance règne au milieu de nous, mais réglée par l'ordre le plus parfait. Voilà pour notre premier bulletin ; dans trois jours vous en aurez un autre.

N° 192 du Journal " DEMOCRATIE PACIFIQUE " du 28 octobre 1848
Départ des colons pour l'Algérie.

           Nous extrayons du Moniteur les lignes suivantes sur le départ de colons de l'Algérie, qui a eu lieu hier matin jeudi :
           Les départs des colons de l'Algérie se succèdent avec la plus grande régularité, le dimanche et le jeudi de chaque semaine, grâce à l'infatigable activité de la commission de colonies agricoles, de l'administration de la guerre et de l'entreprise chargée des transports.
           Aujourd'hui, le cinquième convoi est parti du quai Saint-Bernard, à dix heures du matin. La direction en est confiée à. M. Louvent, capitaine adjudant-major au 61e régiment de ligne. Cet officier a servi en Algérie depuis 1837 jusqu'en 1846, et son régiment faisait partie du corps expéditionnaire qui a pris possession de Stora (Philippeville). M. le docteur Martin, chirurgien sous-aide, employé aux Invalides, et M. Dectin, officier d'administration du campement attaché à la division de Constantine, sont chargés du service de santé et d'administration.

            L'affluence des spectateurs va sans cesse croissant à chaque convoi. Les berges, les quais et les ponts étaient couverts d'une population immense. La Seine était sillonnée en tous sens d'une multitude d'embarcations pavoisées. Parmi les représentants du peuple qui sont venus aujourd'hui donner, par leur présence, un témoignage de profonde sympathie aux colons et à la grande entreprise qu'ils sont appelés à accomplir, nous avons remarqué, outre les représentants membres de la commission, MM. Corbon, Larabit, Victor Schœlcher, de Rancé, Fargin-Fayolle. M. Edmond Adam, secrétaire général de la préfecture de la Seine, et la plupart des maires et des adjoints des municipalités de Paris, ont également assisté à ce départ.
           Au nom de la commission, un de ses membres, M. Martelet, maire du 7e arrondissement, a, dans une allocution chaleureuse et patriotique, rappelé aux colons la grandeur de l'entreprise qu'ils vont accomplir dans intérêt de la France et de la civilisation.

            Ensuite M. l'abbé Jacquemet, vicaire général de Paris, a prononcé quelques paroles empreintes de l'esprit chrétien.
           Après la bénédiction du drapeau de la commune de Robertville, le remorqueur le Neptune a gagné le large, avec cinq bateaux, emmenant 823 colons et un bateau de bagages.
           Comme aux départs précédents, le convoi a été escorté par une grande foule sur l'une et l'autre rive de la Seine, jusqu'au Port-à-l'Anglais, où l'on s'est séparé aux cris répétés de vive la colonie ! Vive la République !

            Les colons de ce convoi, le premier qui soit dirigé sur la province de Constantine, seront d'abord installés dans la commune de Robertville.
           Le deuxième point sur lequel, en cas d'insuffisance du premier, les colons seront établis, est celui de Bir-Ali, situé sur la route de Philippeville à Constantine, à égale distance de Saint-Charles et d'El-Arrouch, et sur les bords même du Safsaf. Cette position, sur une route d'ailleurs très fréquentée, assure d'une manière incontestable sa sécurité.

N° 196 du Journal " DEMOCRATIE PACIFIQUE " du 1er novembre 1848
Sixième départ des colons de l'Algérie.

           Nous extrayons du Moniteur les lignes suivantes, relatives au sixième départ des colons, qui a eu lieu dimanche dernier :
           La population de Paris comprend de plus en plus la grandeur de cette colonisation. Ce matin, malgré l'état brumeux de l'atmosphère, malgré la pluie même qui est tombée pendant quelques instants, elle s'était portée avec le même empressement qu'aux derniers d parts, et couvrait les deux rives de la Seine, le pont d'Austerlitz, celui de i'île Louviers et le fleuve lui-même dans des embarcations pavoisées. C'est un spectacle touchant et plein de magnificence que celui de toutes ces familles quittant la France pour aller fertiliser une France nouvelle si laborieusement conquise, et de cas innombrables spectateurs les saluant de leurs vœux, de leurs regrets et des cris mille fois répétés de : Vive la République ! Vive les colons de l'Algérie !

            Cette fois, on avait fait placer la musique militaire sur le bateau remorqueur qui, amarré derrière l'île Louviers, est venu se placer devant les bateaux en faisant entendre le chant de la Marseillaise.
           Le nouveau préfet de la Seine, M. Recurt, M. Didier, représentant du peuple, vice-président de la commission des colonies agricoles de l'Algérie, et M. le représentant Sibour, vicaire général, frère de l'archevêque de Paris, ont prononcé des allocutions chaleureuses, qui ont été suivies du cri : Vive la République ! Poussé unanimement par les colons.
           Le remorqueur s'est ensuite approché de la rive et a pris à bord le président et tous les membres de la commission ; MM. les représentants Dufour, Leproux, Charles, Richier, Gouttay, Laussedat, Lasteyras, de la Guibourgère, Dufont, Jules Richard, Desmars, Edmond Beaune, Victor Lefranc, Roger (du Loiret}, président du comité de l'Algérie, Pascal Duprat, Vallette (de la Moselle) et Auguste Marie. Les municipalités de Paris et celles de La Villette et de Belleville étaient représentées par leurs maires et adjoints. M. le maire de Saint-Denis était aussi à bord du remorqueur. Au moment du départ, une dame a remis au colon porte-drapeau un bouquet de bleuets, emblème de ceux qui croîtront dans les blés de la colonie.

            L'aménagement des bateaux gagne à chaque convoi. Les passagers sont parfaitement garantis de la pluie, et toutes les précautions sont sagement prises en vue de tous les accidents. Déjà deux accouchements ont eu lieu dans les premiers trajets, et un troisième est attendu dans le convoi parti jeudi dernier. Une petite infirmerie a été prudemment disposée dans l'un des bateaux.
           A aucun départ nous n'avions vu encore le convoi suivi sur les deux rives par une foule aussi considérable. Ce sont les parents et les amis des colons qui semblent ne pouvoir se décider à les quitter, et qui les accompagnent tout le long de la route de leurs saluts et de la double expression de leurs regrets et de leurs espérances. Il est fâcheux que la population entière de Paris ne puisse assister à chacun de ces imposants spectacles.

            Nouvelles des émigrations en Algérie.
           Le 1er convoi est à destination.
           Le 2ème était à Lyon le 27 octobre.
           3ème convoi. - Ganat, 26 octobre, 9 heures du soir. - Canal latéral, 350 kilomètres de Paris.
           Nous continuons notre route par un temps superbe. Tout le monde est en parfaite santé. Nous n'avons pas un malade.
           4e convoi.-Ouzouer, le 26 octobre 1848, midi trois-quarts.-187kilomètres de Paris, canal de Briare.
           Le service est parfaitement organisé; chaque matin les chefs de bateau viennent faire leurs rapports sur les accidents de la nuit, les réclamations diverses et l'état sanitaire.
           Je vous ai déjà signalé une fausse couche et la chute d'un homme sur la poitrine d'une jeune femme. Depuis nous avons eu une femme atteinte d'accidents hystériques et de palpitations.
           Deux saignées à des femmes enceintes.
           Deux entorses et un enfant de onze mois atteint de convulsions ; toutes ces indispositions, parfaitement et immédiatement soignées, sont en voie de guérison complète. Un accident plus pénible est venu affliger notre bateau d'administration : une jeune femme qui s'était dévouée au service d'infirmière, et à laquelle nous nous intéressions tous, a eu le pied engagé dans une ouverture occasionnée, à l'angle de l'arrière du bateau, par une violente secousse éprouvée au passage de l'Ecluse de la Sablonnière. Il y a eu écrasement du pied, ce qui a nécessité l'amputation de l'orteil. Le docteur Meunier a pratiqué l'opération avec la dextérité qu'on devait attendre de son talent, après avoir obtenu le sommeil par la chloroformation. La malade n'a pas eu le sentiment de la douleur, et, le pansement achevé, elle s'est réveillée le sourire sur les lèvres. Un appareil destiné à prévenir la pression des couvertures sur le membre blessé a été pratiqué par un menuisier du bord. Elle est établie dans l'ambulance, où elle reçoit les soins les plus empressés; elle est maintenant aussi bien que possible.

            Herry, 27 octobre 1848, 8 heures 1/2 du soir. - Canal latéral, 249 kilomètres de Paris.
           Le voyage se continue dans de bonnes conditions. Il est vrai que notre organisation marche bien ; car, outre mes revues, j'ai tous les jours les rapports des chefs de bateau qui viennent nous informer de ce qui s'est passé pendant la nuit.
           Ce matin nous sommes allés, le commandant, le docteur et moi, faire la visite générale et de santé. Nous avons fait faire des fumigations de genévrier et des aspersions de liqueur chlorurée dans tous les bateaux.
           L'inspection des cuisines et des soupes a eu également lieu. Toujours les mêmes éloges pour la nourriture, et les colons sont tous fort satisfaits de la manière dont ils sont traités; Ils sont tous contents ; ils se promènent presque toute la journée le long des magnifiques berges du canal latéral et le soir, montés sur leurs bateaux, hommes et femmes chantent en chœur tantôt des chansons patriotiques, et tantôt des romances qui témoignent de leur satisfaction. L'état sanitaire est aussi bon que possible dans une agglomération. Quelques coqueluches, quelques enflures de pied, quelques indispositions de femmes grosses ; mais, grâce au ciel, rien de sérieux. La malade au doigt amputé va beaucoup mieux ; celle qui a fait une fausse-couche est déjà relevée. I

            5e convoi. - Nemours, 28 octobre 1848. - Canal du Loing, 405 kilomètres de Paris..
           Nous n'avons pas de désagrément, pas de maladie ; seulement nous avons une jolie petite femme à l'ambulance qui s'attend à accoucher d'un instant à l'autre.

N° 200 du Journal " DEMOCRATIE PACIFIQUE " du 5 novembre 1848
Septième départ des colons de l'Algérie.

           Nous extrayons du Moniteur les lignes suivantes sur le septième départ de colons, qui a eu lieu avant-hier jeudi :
           L'affluence était encore plus considérable aujourd'hui qu'aux autres convois. La foule était immense sur les quais, sur le port, sur les ponts et sur les bateaux et batelets pavoisés qui couvraient la rivière.
           La commission de l'Algérie, de nombreux représentants, des maires et adjoints de toutes les mairies, assistaient comme toujours à ce départ.
           Une députation de la 3ème légion y accompagnait le lieutenant Pujol, de la 8ème compagnie, 4ème bataillon, désigné parmi les colons pour porter le drapeau de la commune de Saint-Louis, province d'Oran. Le maire du 4ème arrondissement avait fait apporter pour les colons de sa municipalité un guidon brodé, qui s'est placé à côté au drapeau.
           . Trélat, président de la commission, et M. Baquet, vicaire-général de Paris, ont prononcé des allocutions plusieurs fois interrompues par des cris patriotiques.

            La commission, précédée de son président, plusieurs représentants, des maires et adjoints de différentes municipalités, le commandant de l'embarcation, le chirurgien militaire et l'officier d'administration, qui accompagnent le convoi, sont montés sur le remorqueur, et le départ s'est effectué au bruit de la musique militaire et au milieu des transports d'attendrissement et des cris de patriotique enthousiasme de toute la foule.
           Les colons ont été, comme de coutume, conduit jusqu'au Port-à-l'Anglais.
           - Au retour, une petite barque, s'étant trop approchée du, remorqueur, a chaviré sous le flot. Deux femmes et deux hommes sont tombés à l'eau, mais se sont soutenus sur les flots et ont été sauvés. Deux des assistants sur le pont du Neptune s'étaient déjà débarrassés de leurs habits pour se jeter au secours de leurs concitoyens en péril. Rien ne saurait peindre l'anxiété de l'embarcation au premier moment, et sa joie quand un maître de coche et un charpentier prud'homme, commis prudemment chaque fois à l'examen des bateaux, furent parvenus à retirer de l'eau les quatre naufragés.

N° 305 du Journal " DEMOCRATIE PACIFIQUE " du 11 novembre 1848
Départ des colons
DISCOURS DE M. L'ABBÉ DEGUERRY.

           Nous sommes heureux de pouvoir reproduire l'admirable discours prononcé par M. Deguerry. Voilà bien l'inspiration du Christ, voilà bien la parole sainte qui fait bénir le prêtre et qui rend à l'Eglise la confiance et l'amour du monde :

            Chers concitoyens.
           Le malentendu qui n'a existé que trop longtemps entre le pays et l'Eglise est à jamais fini. Paris donne de cet heureux évènement, depuis plusieurs mois, des témoignages successifs, parmi lesquels il faut compter cette religieuse cérémonie qui se renouvelle aujourd'hui pour la neuvième fois.
           Comment ce funeste, ce désastreux malentendu aurait-il pu persister, lorsque la France proclamait que désormais sa devise éternelle était Liberté, Egalité, Fraternité ; lorsqu'elle déclarait que les droits et les devoirs que ces trois mots renferment allaient être constitués dans ses lois, et recevoir par diverses institutions leur réalisation pratique et sociale.
           En effet d'où nous sont venues la liberté, l'égalité, la fraternité ? n'est-ce pas de cette montagne où le Christ, en enseignant le monde, le bénissait, et du haut de cette autre cime sanglante où il lui donnait en mourant pour lui la preuve qu'il l'aimait d'un amour immense.

           Sans doute l'Eglise a eu à lutter contre le paganisme pour établir dans l'univers l'empire de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Il lui a fallu arracher l'homme d'entre les mains de son semblable qui s'était fait son maître, se l'appropriant comme une chose dont il pouvait user à son gré, qu'il pouvait vendre même au besoin. Alors la liberté de l'individu a été proclamée. Il a fallu ensuite à l'Eglise proscrire l'excès des distinctions, condamner tous les privilèges qui n'avaient pas pour raison première le mérite personnel ; alors les diverses classes de la société n'ont plus été étrangères les unes aux autres, ça été l'heure bien heureuse du triomphe et du règne de l'égalité.
           Un pas plus difficile encore restait à faire. Il s'agissait d'arriver au terme complet de l'union des hommes entre eux, à la fraternité. L'église travailla tout de suite à la réaliser par l'établissement de l'assistance charitable, dont elle multiplia les ressources et les moyens autant qu'elle le pût.

            Ce travail, c'est l'œuvre sociale, qui veut et doit prendre aujourd'hui tout son développement, sans que pour cela ni la famille ni, la propriété ne soient entamées, ce qui serait une ruine au lieu d'un progrès véritable. Mais il faut être aveugle pour ne pas comprendre qu'il y a impossibilité d'empêcher l'avènement tôt ou tard de la fraternité, dans un pays où la doctrine chrétienne est connue.
           Aussi bien cette doctrine, comment se présente-t-elle ? Avec deux faits qui dominent les autres, qui les gouvernent tous : avec le fait de la création et le fait de la rédemption. Or, je voudrais savoir de quelle manière on pourrait s'y prendre pour contester que, par la création, les hommes sont tous frères. Ne le sont-ils pas davantage encore par la rédemption ?
           Entendez Jésus-Christ : ô hommes, vous êtes tous frères, quels que soient votre pays et votre rang ; vous êtes tous frères, et moi, fils de Dieu, je suis le frère de chacun de vous.

            Chers concitoyens, ce que l'on a fait déjà pour vous, les soins dont vous avez été l'objet, ceux qui vous seront prodigués encore, la destinée qu'on vous a préparée, le bien-être qu'on a la confiance de vous faire recueillir avec le temps, voilà des preuves d'une véritable fraternité, voilà un commencement de ses réalisations sociales. C'est par des actes semblables et par d'autres plus grands encore que notre glorieuse et aimée France apparaîtra à l'univers comme une mère tendre qui chérit tous ses enfants, qui s'occupe avec sollicitude de leur intérêt intellectuel, moral et matériel, sans les priver pour cela de leur liberté d'action. Et puisque la France a reçu de Dieu la mission de propager ce qui est vrai et ce qui est juste, les peuples se faisant à son image, les citoyens do chaque pays, à l'exemple des Français, seront tous frères.
           La fraternité se dilatant encore, marchant à ses conquêtes successivement, les barrières qui séparerai les peuples de l'Europe aujourd'hui s'abaisseront ; ils s'uniront enfin pour s'entraider, après s'être cherchés si longtemps pour s'entre-détruire ou avoir échangé seulement avec habileté leurs richesses respectives. Un plus beau spectacle encore se montre à mon regard dans l'avenir, ce sont les cinq parties du monde unies par les sentiments et les actes réciproques de la fraternité, s'embrassant avec effusion de joie et de bonheur au milieu de ces acclamations : L'égoïsme individuel et national est terrassé, le règne du Christ sur la terre est enfin advenu. QUE VOTRE RÈGNE VIENNE.

            J'entends des voix contradictoires qui vont me crier : Utopie ! Utopie ! Utopie ! Mais ces utopies, je les trouve dans l'Evangile, dont je ne fais que vous traduire l'esprit et la parole : Mon Père, disait le Sauveur, que les hommes soient un comme nous sommes un, qu'ils soient consommés dans l'unité de l'amour réciproque et de tous les devoirs que cet amour impose. Utopies ! Ah ! votre mémoire est infidèle, elle ne répète pas bien la leçon de vos aïeux, les païens ; eux, ils répondaient à des apôtres : C'est gens-là sont ivres, c'est une folie. Oui, ivres du désir d'être utiles à leurs frères. Sublime ivresse ! Adorable folie qui triompha de ces cruelles maximes : Chacun pour soi, chacun chez soi. En vérité, je vous le dis, elle les vaincra encore de plus en p!us.

            Chers concitoyens, permettez-moi de vous donner quelques conseils. Tout sera nouveau pour vous sur la terre de l'Algérie. Il est une reine qui vous gouvernera, c'est l'opinion que l'on a appelé la maîtresse du monde, mais vous allez vous la faire vous-même et vous donner par elle un esprit public ; faites la vraie, pure, élevée dans ses jugements.
           Il est trois choses qu'il faut glorifier par-dessus toutes les autres, l'amour du travail, le respect de la loi et le dévouement fraternel. C'est par le travail que l'homme s'honore et s'ennoblit ; c'est dans le travail qu'il trouve ses jouissances les plus vraies et les plus vives. Saint Paul a prononcé la sentence que l'homme qui ne travaillait pas n'était pas digne de vivre. Sans doute l'œuvre à laquelle vous vous êtes dévoués volontairement aura ses jours et ses heures de grande fatigue, mais vous n'ignorez pas que l'homme grandit à proportion des efforts qu'il fait et des difficultés qu'il surmonte. Pour vous soutenir, vous ne perdrez pas de vue que vous êtes les seconds conquérants de l'Algérie ; que par vous elle sera définitivement gagnée à l'agriculture, à l'industrie, à la civilisation.

            A l'amour du travail, joignez le respect de la loi. Nul succès, nulle prospérité privée et publique ne sont possibles sans l'ordre ; mais l'ordre c'est la loi. Il ne nous est plus permis de nous plaindre d'elle, puisque c'est nous qui la faisons. Avant que la République nous eût donné le suffrage universel, l'on pouvait avoir des prétextes contre le respect dû à la loi et les trouver fondés. Mais actuellement elle est notre ouvrage; les législateurs qui la votent sont choisis par chacun de nous. Assurément, la loi n'est pas sans défauts : tout ce qui vient de l'homme participe de l'infirmité ; le temps nous les signalera, et, par l'élection d'hommes qui auront comme nous la conscience de ces défauts, il nous sera facile de les corriger pacifiquement.

            Enfin, que le premier honneur soit toujours décerné parmi vous au dévouement fraternel. Inscrivez sur la pierre, sur le marbre, sur l'airain, le nom de celui qui l'aura pratiqué. Donnez ce nom aux rues, aux places de vos villes. Transmettez-le couvert de bénédictions à vos enfants auxquels vous aurez appris par quels services éminents à l'égard de ses semblables, celui qui le portait s'est rendu à jamais célèbre. Si dans l'ordre de la valeur personnelle le savoir est au-dessus de la fortune, l'immolation de soi-même à l'intérêt d'autrui, est placée bien au-dessus, encore de la science.

            Adieu donc, chers concitoyens, bien-aimés frères, adieu. Fasse le ciel que toutes les nouvelles qui nous arriveront de vous soient bonnes, et bonnes aussi toutes celles que nous vous enverrons ! Puissions-nous apprendre que le climat ne vous a pas été méchant et que la terre vous a largement récompensés de vos travaux ; que vos cités sont bâties et que vous y jouissez de tous les biens que vous aviez espérés en consentant à vous séparer de vos amis et de vos parents ! Puissiez-vous apprendre que notre labeur pour nous constituer dans l'ordre et dans le bien-être s'achève sans secousse et sans violence ; que les regrets même légitimes étant mis de côté, toutes les mauvaises inspirations de la cupidité étant sacrifiées, nous ne songeons pas à restaurer les ruines de formes politiques vieillies et tombées, mais à exercer avec droiture et conscience le pouvoir souverain en nommant aux fonctions qui relèvent immédiatement de lui, les hommes les plus capables et surtout les plus dignes, c'est-à-dire d'un dévouement reconnu et d'un désintéressement éprouvé.

            Pour cela, il faut que la patrie et la religion s'unissent étroitement de plus en plus et restent à jamais unies. Car, sans le Christ, point de liberté sage, point d'égalité juste, point de fraternité raisonnable. Aussi nous vous demanderons de déposer à côté du signe de ce Fils de l'Homme, à côté de la croix, ce drapeau que nous allons bénir ; à côté de la croix en présence de laquelle vous formerez vos alliances conjugales, vous ferez baptiser vos enfants ; vers laquelle, vous tournerez vos regards pour reprendre courage dans vos peines et vous consoler dans vos souffrances ; entre les bras de laquelle, enfin, vous rendrez votre dernier soupir avec la certitude pour vous d'un monde meilleur, où du moins nous nous retrouverons, si nous ne devons plus nous revoir ici-bas.
           Adieu, une dernière fois !

           Ce discours a été interrompu souvent par des acclamations. Il a été couvert d'applaudissements auxquels se mêlaient les cris de : vive M. Deguerry !
           M. Deguerry, après la bénédiction du drapeau et des bateaux, a remis entre les mains de M. le capitaine du convoi, 400 F pour les plus pauvres des colons

N° 308 du Journal " DEMOCRATIE PACIFIQUE " du 14 novembre 1848
Dixième départ des colons de l'Algérie.

           Le dixième départ des colons de l'Algérie a eu lieu hier dimanche un peu plus tôt que de coutume, pour que les membres de la commission et les maires, que la place de la Concorde réclamait, pussent assister à la fête de la constitution.
           M. Trélat a prononcé une allocution fréquemment interrompue par les démonstrations les plus vives, et suivie des acclamations prolongées de Vive la République ! Vive la colonie !
           Après la bénédiction du drapeau, faite par M. le curé de Saint-Louis-en-l'Île, plusieurs membres de la commission et les maires et adjoints de plusieurs arrondissements sont montés sur le remorqueur, et le convoi s'est mis en marche au bruit de la musique militaire et aux cris unanimes de Vive la colonie ! Vive la République !

            Ce convoi est dirigé sur la province de Constantine, sous la conduite de M. Pailhé, capitaine adjudant-major au 24e de ligne, qui a servi pendant sept années en Algérie. M. le docteur Dieuzaide, chirurgien sous-aide major, employé à l'hôpital militaire du Roule, et M. Bertéloite, adjudant d'administration des hôpitaux, employé à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, sont chargés des services de santé et d'administration.
           La destination de ce convoi est le village de Jemmapes, situé dans la vallée du Fendek, à 32 kilomètres de Philippeville, à 35 kilomètres d'El-Arouch, et au point de jonction des deux routes qui doivent relier à Bône ces deux centres de population.

N° 314 du Journal " DEMOCRATIE PACIFIQUE " du 20 novembre 1848
Arrivée des colons à Alger.

           Le premier convoi de colons destiné à la province d'Alger est arrivé le 19, à sept heures du matin, à bord du Montezuma, après une excellente traversée. Aussitôt le gouverneur-général, le directeur des affaires civiles, l'amiral, l'évêque, le général chef d'état-major, le maire de la ville et les membres du conseil supérieur et d'administration, se sont rendus à bord où les colons les ont accueillis aux cris de : Vive la République ! Vive la France ! Vive l'Algérie !
           La présentation des colons aux autorités algériennes, a été une touchante scène de famille. Pas de discours officiel, rien de prévu et de guindé, mais de bonnes et franches poignées de main, de fraternelles paroles échangées. Chaque groupe de familles était rangé en bon ordre sur le pont. Le gouverneur a parcouru ces groupes, en s'adressant à tous en particulier, et chaque mot prononcé de part et d'autre a fait naître la joie et l'espoir dans tous les cœurs.

            Une foule innombrable se pressait sur la rive. Toute la population algérienne était accourue au devant de ces nouveaux venus. Des députations de colons algériens montées sur des bateaux pavoisés aux couleurs nationales, entouraient le navire. Des musiques militaires faisaient retentir l'air des hymnes nationaux, et les acclamations échangées de part et d'autre dominaient le bruit des instruments.
           A neuf heures, les colons débarquaient sur le vaste quai de Bab-Azoun, où étaient rangées 150 prolonges prêtes à recevoir les femmes, les enfants et les bagages.
           Tout l'état-major, toutes les administrations civiles et militaires, le clergé, la magistrature, la municipalité algérienne et la commission chargée par la population. Civile, d'accueillir officiellement en son nom les nouveaux arrivés, toute cette foule joyeuse et pleine d'espoir attendait les colons sur le quai.
           Invité par le directeur des affaires civiles à présider cette fête de famille, Mgr l'évêque d'Alger, du haut d'une tribune improvisée, donna la bénédiction religieuse à la foule prosternée et recueillie, puis il prononça quelques sages paroles : Dieu bénira vos efforts, dit le prélat, à deux conditions : le travail et la sobriété.

            M. le directeur général remit ensuite, au nom du gouvernement algérien, deux drapeaux aux deux colonies d'El-Afroun et de Bou-Ismaël. Ces drapeaux, placés auprès de ceux que la colonie reçut à son départ de Paris, leur rappelleront que l'Algérie est inséparable de la France.
           M. Laurent, président de la commission algérienne, prononça à son tour de fraternelles paroles, qu'accueillirent de longs vivats ; pendant ce cordial échange la municipalité d'Alger faisait distribuer du lait aux petits enfants, et la foule, aux mille costumes variés qui se pressait sur les hauteurs de la Rampe de Bab-Azoum, aux fenêtres, sur les terrasses, et le ciel bleu et la mer calme donnaient à ce spectacle grandiose un caractère nouveau.

            Le convoi s'est ensuite dirigé vers la Casbah en ordre, musique et drapeaux en tête, au bruit des chants patriotiques, aux cris de la foule enthousiasmée.
           Le premier contact a été admirable et plein de promesses. Puisse l'avenir les réaliser ! Puissent ces intrépides colons, ces femmes courageuses, ces pauvres enfants trouver sur ce sol le repos et l'abondance !
           Nous avons foi et bon espoir ! Que les hommes ne fassent pas défaut à la grande idée que l'Assemblée nationale vient de mettre en pratique et la France aura accompli l'œuvre la plus importante peut-être qu'il lui soit donné d'accomplir !

            Voici quelques extraits des nombreuses lettres d'Alger sur cette touchante cérémonie :
           "Ce n'est pas en vain que mes larmes ont coulé au spectacle de la réception touchante et religieuse qui a été faite à ces frères inconnus. J'ai senti la foi et ses fortes inspirations déborder de mon âme pendant que s'échangeaient ces cris pieux : Vive l'Algérie ! vive la France ! J'ai senti que cette France nouvelle était sacrée et réellement conquise cette fois par ces missionnaires du travail pacifique. J'ai salué avec transport cette cérémonie des fiançailles de l'Orient et de l'Occident. Les hymnes patriotiques qui ont salué les colons à leur arrivée et les ont accompagnés jusqu'à la Kasbah, avaient aujourd'hui une signification toute nouvelle. Rien ne peut vous donner une idée de cette fête sublime, quand des milliers d'embarcations pavoisées, parmi lesquelles j'ai remarqué avec bonheur le pavillon turc, entouraient la frégate. "

            L'une des femmes nouvellement arrivées écrit :
           " Je vous écris sous le coup de l'émotion profonde que m'a causée l'accueil que nous avons reçu ici. Nos enfants, nos pauvres enfants ont été surtout l'objet de la plus tendre sollicitude de la part des dames d'Alger. Plusieurs d'entre elles, Mme Vialar entre autres, ont voulu se charger des plus petits enfants pour lesquels le séjour de la campagne pendant la mauvaise saison, serait trop rigoureux. Que Dieu bénisse ces généreuses femmes, et qu'il veille sur nos enfants, sur nos maris, sur nous-mêmes ! "

N° 317 du Journal " DEMOCRATIE PACIFIQUE " du 23 novembre 1848
Chanson démocratique.

- Un poète du peuple, M. Edmond Vidal, vient de publier deux chansons, dont l'une est intitulée : l'Ere nouvelle, et l'autre le Chant du travail. Elles sont faites pour les airs patriotiques de 1792. Voici quelques couplets du Chant du travail, Marseillaise pacifique :
Allons, enfants de la Patrie,
Voici venir des temps nouveaux.
La sanguinaire tyrannie
Ne fait plus flotter ses drapeaux.
Le laboureur dans sa chaumière
N'a plus à craindre les soldats ;
Les arts succèdent aux combats,
Et l'abondance à la misère.
Courage ! Citoyens, ensemble travaillons ;
Marchons
Que notre ardeur féconde nos sillons.


Pour des maîtres que l'or enivre
Le peuple las de s'épuiser
A reconquis son droit de vivre,
De produire et de disposer.
On spéculait sur sa faiblesse
En trafiquant de sa santé,
Respect à la propriété
Du bras qui produit la richesse !
Courage ! Citoyens, ensemble travaillons ;
Marchons
Que notre ardeur féconde nos sillons.


Unissons-nous, disaient nos pères
Mourant pour combattre des rois.
Au travail, nous vous disons, frères,
Pour vivre associons nos droits.
C'est notre aveugle concurrence
Qui livrait nos fruits aux voleurs.
Pour peser toutes les valeurs
N'ayons enfin qu'une balance.
Courage ! Citoyens, ensemble travaillons ;
Marchons
Que notre ardeur féconde nos sillons.


Dans nos campagnes, dans nos villes,
Voyez ce peuple bon et fort ;
Il change en instruments utiles
Ces mousquets, instruments de mort.
Et le fer, en lames glissantes
Serpentant par mille chemins,
Unit les solidaires mains
De cent nations florissantes.
Courage ! Citoyens, ensemble travaillons ;
Marchons
Que notre ardeur féconde nos sillons.


Égale, libre et fraternelle,
Gloire, soutiens le travailleur ;
Conduis la famille nouvelle
Aux champs de paix et de bonheur !
Sur cette terre d'harmonie,
Par tes mains de fleurs couronnées,
Que tous les peuples fortunés
Ne chantent plus qu'une patrie.
Courage ! Citoyens, ensemble travaillons ;
Marchons
Que notre ardeur féconde nos sillons.

EDMOND VIDAL.

Journal " DEMOCRATIE PACIFIQUE           

Le " jour " des meurtres.
Par M. Robert Charles PUIG


       Nous approchons du jour et de la date terrible qui marquèrent le 26 mars 1962 à Alger. Ils restent inscrits à jamais dans l'esprit, l'âme et le cœur de ceux qui vécurent ce moment de haine d'un pouvoir métropolitain, parisien, élyséen, contre une partie de son peuple en Algérie française.
       Ce fut " le jour des meurtres " autorisé par Fouchet depuis son fief du Rocher noir situé à environ quarante Km de la capitale algéroise et d'une armée éradiquée de son Putsch et décidée, sous le commandement du général Ailleret, de faire mettre les genoux à terre à une population qui défilait sans arme, sans peur pour libérer un quartier de la ville, Bab-el-Oued, encerclé et soumis au contrôle de la gendarmerie et de l'armée nouvelle, sans ses généraux Challe, Salan, Zeller, Jouhaud et sans ces militaires qui ont tout risqué pour une plus grande France : Gardy, Saint-Marc, Godard, Gardes, Argoud, Lacheroy, Leconte, La Chapelle, Sergent, Bezineau et tant d'autres !
       Bien entendu, de l'eau a coulé sur les rues et les trottoirs d'Alger depuis cette date et le sang de cette sinistre journée comme la trace de l'infamie ont été effacés, mais souvenons-nous...
       Le peuple d'Alger défilait en ce début d'après midi sous un premier soleil de printemps, pour contester le sort funeste de Bab-el-Oued isolée du reste de la ville, quand tout à coup cette manifestation pacifique se transforma en tragédie.
       Les chants devinrent des cris de peur, d'angoisse, d'impensables, d'inimaginables sanglots et les hurlements de douleur précédèrent un dernier râle. Des cris, des pleurs, de la souffrance et le souffle roc, essoufflé, de ceux qui agonisaient !
       Ils sont blessés ou mourants sous le tonnerre de la mitraille. Elle durera dix à quinze minutes. Les balles sifflaient et le son lugubre de la 12.7 accompagnait les rafales de plomb qui violaient les corps, hachaient les chairs et tuaient des patriotes.
       Des clameurs fusèrent sous les colonnes de la Grande Poste. Elles envahissaient l'air chargé du souffle âcre de la poudre des armes. Des cris, comme des suppliques, hurlant " Halte au feu ! Halte au feu ! " Pour éradiquer en vain l'affreux carnage sans que cesse de planer sur la ville la Camarde, tandis que dans le ciel le vrombissement des hélicoptères lanceurs de bombes et de grenades avait fait fuir au loin les hirondelles annonciatrices d'un printemps meurtrier.
       Ce jour du sang est toujours présent dans le cœur des Pieds-noirs car ils sont nombreux ceux qui, avant l'Exode, ont vu un être cher, un mari ou une épouse, une fille ou un fils, un père ou une mère, un parent ou un ami tomber sous les balles françaises de la honte et du déshonneur, ce 26 mars 1962. Il y a eu des morts. Il y a eu des blessés. Il y a eu ce jour-là un véritable " crime contre l'humanité ", lorsque des français ont tiré sur des français !
       Bien entendu, malgré les bâillons imposés à ceux qui savent, ceux qui ont vécu ce drame, ils sont nombreux ceux qui ont parlé, ceux qui continuent de réclamer la " Vérité " sur ce temps étouffé, interdit, de ce tragique 26 mars 1962 et de bien d'autres dates.
       Certains ne sont plus là, mais les vivants, les survivants continuent d'espérer cette vérité que des " Torquemada " de l'Inquisition nouvelle, en 2021, ceux que l'on dit " marcheurs " et leurs complices, veulent enterrer, voir disparaître à jamais de l'Histoire de France. Ils n'ont qu'un but ces juges à charge qui cautionnent le pire :

       Apprendre à conspuer la Marseillaise et à siffler les trois couleurs de la République.
       Apprendre à faire du pays la terre de la soumission et de l'esclavage au service de l'Orient.
       Apprendre à la jeunesse à mépriser le sol où ils sont nés.
       Apprendre à la population française à honnir ce temps des héros anciens.
       Apprendre au peuple à accuser et condamner ce temps des conquêtes.


       Il faut par tous les moyens politiques et les médias aux ordres de la repentance créer une nouvelle histoire de France, car ils sont nombreux les porteurs de fausses nouvelles, de contrevérités, traîtres à l'Algérie française. Il y a les journaleux gauchisants, bilieux, les politiciens félons qui déblatèrent sans fin pour faire d'une province française, de notre ancienne terre maghrébine, celle de nos racines, celle que nos ancêtres ont transformé en un pays moderne et de cette date du 26 mars un " non-événement ", comme si ce temps des morts, des assassinés n'existait pas !
       Aujourd'hui, Emmanuel Macron décide d'ouvrir en partie les archives de cette Algérie française aux chercheurs, aux historiens. Faut-il croire un président qui " annonce " refuser la repentance mais honore de sa présence la veuve d'un traître à la France en guerre entre 1954 et 1962 ? Croire un président qui salue dans un acte de contrition la mémoire d'un responsable FLN qui a des morts sur sa conscience de rebelle, en condamnant l'armée française de sa disparition ? Un président qui déclare " coupable " par ses propos les Pieds-noirs, les anciens combattants et l'armée en osant comparer le temps de cette guerre au terrible drame de la Shoah ! Un président qui dépouille la Nation de ses trophées pour rendre à l'Algérie FLN des crânes et des archives en signe de soumission à un pays si peu démocratique qui ne veut qu'une France assujettie à ses exigences, sans contrepartie. Faut-il faire confiance à un président qui donne carte blanche à Benjamin Stora dont on connaît son aversion pour l'Algérie française afin de réécrire l'histoire de la Saga pied-noir ? Il donne son feu-vert à un " historien " à charge pour qui les coupables sont les Pieds-noirs et l'armée, sans tenir compte par esprit partisan de la torture, des kidnappings et des assassinats par le FLN, ce parti terroriste qui a sur ses mains non seulement le sang de Patriotes européens d'Algérie mais aussi celui des musulmans Harkis ou Supplétifs, abandonnés par le gaullisme en 1962 et qui sont morts avec femmes et enfants dans d'infernales souffrances !
       Est-ce le rapport de Benjamin Stora que le peuple de France attend ?
       Personnellement, j'ai des doutes sur la véracité des propos de Stora et sur la sincérité d'Emmanuel Macron qui a démontré à plusieurs reprises son mépris, sa hargne contre ce temps de l'héroïsme, de l'aventure et de la construction par les Pieds-noirs d'un pays, à partir du néant.
       Voilà, à quelques jours de notre cérémonie de deuil du 26 mars, juste ces quelques lignes que je souhaite vous adresser en soulignant, comme Joseph Kessel dans sa préface de " L'armée des ombres " : " Je voulais tant dire et j'ai dis si peu. "

Robert Charles PUIG / En attendant le 26 mars...       
      

Repentance !!!
Envoyé par Mme Annie Bouhier
Lettre ouverte à monsieur Macron, par le général de corps d’armée (2s) Michel Franceschi -10/02/2021  

               Ancien inspecteur des Troupes de Marine, héritières des Troupes Coloniales, j’ai l’impérieux devoir de prendre es qualité leur défense morale, en réaction à votre diabolisation de la colonisation. Ma carrière d’officier colonial épanoui, à la charnière de la colonisation et de la décolonisation de l’Afrique, me confère le double caractère d’acteur de terrain et de témoin privilégié. Je me sens donc parfaitement qualifié pour vous administrer une salutaire leçon d’histoire que vous n’aurez pas volée.

                Tout d’abord, je dois vous rappeler que la conception de l’épopée coloniale de la France fut l’œuvre de grands Républicains appartenant au Panthéon de votre obédience politique. N’est-ce pas Jules Ferry qui a voulu « porter la civilisation aux races inférieures » ? Albert Sarraut a défini notre « politique indigène comme étant la Déclaration des Droits de l’Homme interprétée par Saint Vincent de Paul » (sic). De son côté, Léon Blum a déclaré en 1925 à la tribune du Palais Bourbon « il est du devoir des races supérieures de venir en aide aux races inférieures ». Et honni soit qui mal y pense de ce vocabulaire !!!

                Les prestigieux artisans de cette grande œuvre humaniste s’appelèrent Gallieni, Lyautey, Savorgnan de Brazza, Auguste Pavie, Charles de Foucauld et autre docteur Schweitzer, figures de proue d’une nombreuse cohorte de valeureux exécutants plus humbles. Résumons leur œuvre à l’essentiel. Ils ont d’abord libéré les populations autochtones du joug sanguinaire de ce que l’on a appelé les « rois nègres », à la source de l’immonde chaîne de l’esclavage qu’ils ont aboli. Ils ont mis un terme aux perpétuelles guerres tribales qui saignaient à blanc le continent africain, apportant un siècle de « paix française ». A défaut d’une totale liberté qui n’était pas l’aspiration prioritaire, ils ont apporté l’Ordre et la Justice de nos admirables administrateurs coloniaux. Ils ont éradiqué les épidémies qui anéantissaient des tribus entières. Ils ont fait disparaître les endémiques famines qui aggravaient la dépopulation.
                Libre à vous, monsieur Macron, de penser que les conquêtes de la Liberté, de la Paix et de la Santé sont des crimes contre l’humanité !

                Il est de notre devoir de Français d’honorer la mémoire de tous ceux qui ont laissé leur vie dans cette grandiose aventure humaine dont nous devons être fiers. J’ai pu me recueillir sur bon nombre de leurs sépultures, qui jalonnent notre épopée coloniale. J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour remédier à leur état lamentable, jusqu’à m’attirer les foudres d’une administration lointaine. En ces lieux émouvants, cadres et simples soldats côtoient leurs frères d’armes du service de santé, particulièrement éprouvés par leur place en première ligne des épidémies. Ces Français de condition modeste avaient votre âge, monsieur Macron. Ils avaient quitté courageusement le cocon métropolitain pour servir la France au loin sans esprit de lucre et au mépris des dangers encourus. Alors, de grâce, daignez leur accorder un minimum de respect.

                Voilà, monsieur Macron, ce que j’ai eu à cœur de vous dire. Au Tribunal de l’Histoire devant lequel je vous ai fait comparaître, je laisse à votre conscience et au suffrage universel le soin de prononcer le verdict.
Général de corps d’armée (2s) Michel Franceschi
[cc] Breizh-info.com, 2021 , dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine



Jean-Marie Bastien-Thiry,
dernier martyr de la France
De M. M. Gomez,
Envoi de M. P. Barisain
Article paru dans DREUZ info. de M.GOMEZ            


               Accusé d'avoir organisé et dirigé l'attentat dit " du Petit-Clamart ", le 22 août 1962, visant de Gaulle, Jean-Marie Bastien-Thiry, ingénieur militaire et lieutenant-colonel de l'armée de l'air, comparait devant la cour de justice militaire, présidée par le général Roger Gardet.

                Il est défendu par les avocats Le Coroller, Dupuy, Isorni et Tixier-Vignancour.

                Cette Cour de justice militaire a été déclarée illégale par le Conseil d'Etat en date du 19 octobre 1962.

                Fidèle gaulliste jusqu'en 1959, date à laquelle de Gaulle annonce l'autodétermination en Algérie, Bastien-Thiry n'accepte pas ce virage politique du chef de l'Etat qui, pour lui, est une ignominie, un déshonneur, un crime contre l'humanité.

                " Nous n'avons pas à nous justifier devant votre juridiction d'avoir accompli l'un des devoirs les plus sacrés de l'homme, le devoir de défendre des victimes d'une politique barbare et insensée "

                Bastien-Thiry cite comme exemple le colonel Claus von Stauffenberg, qui le 20 juillet 1944 tenta de supprimer Adolf Hitler :
               " Les officiers allemands ont dû aussi être douloureusement frappés par le génocide hitlérien des juifs, comme nous le sommes par le génocide gaulliste des Français-musulmans ".

               Il justifie son acte en déclarant : " C'est une vérité que l'homme contre lequel nous avons agi est à tout moment passible de la Haute Cour, et qu'il suffirait d'un minimum de clairvoyance et de courage de la part des parlementaires pour l'y traduire. Le dossier de ses forfaitures, de ses crimes et de ses trahisons existe, et des milliers d'hommes sont prêts à témoigner de la réalité de ces forfaitures, de ces crimes et de ces trahisons ".

                (Toutes ses forfaitures, ses crimes et ses trahisons sont relatés dans mon livre " J'accuse de Gaulle * ")

               Bien que condamnés à mort, ceux qui ont tiré ce jour-là sur la DS de de Gaulle obtiennent sa grâce, mais pas Bastien-Thiry qui, selon de Gaulle, n'a pas pris de risques directs mais mérite d'être exécuté.

                " Les Français ont besoin de martyrs (osera-t-il dire), je leur ai donné Bastien-Thiry. Celui-là, ils pourront en faire un martyr, s'ils veulent. Il le mérite. "
               (Témoignages tiré de mon livre)

               Lorsqu'on le réveille, le matin de l'exécution, la première question de Bastien-Thiry est de connaître le sort de ses compagnons, Bougrenet de la Tocnaye et Prévost. Il est soulagé d'apprendre qu'ils ont été graciés.

                Jean-Marie Bastien-Thiry est fusillé au petit matin du 11 mars 1963, au fort d'Ivry.

               Il est inhumé au cimetière de Bourg-la-Reine.

M. Publié par Manuel Gomez le 19 aôut 2016
LIRE aussi les commentaires sur cet article à cette page :


https://www.dreuz.info/2016/08/19/jean-marie-bastien-thiry-dernier-martyr-de-la-france/

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Manuel Gomez pour Dreuz.info.


L’énigmatique attentat du Mossad à Annaba
Par S.K.
Envoyé par Mme Bouhier

En 1964 un cargo explosait dans un port algérien

         23 juillet 1964. Si cette date coïncide avec le douzième anniversaire de la prise de pouvoir de Nasser et des “officiers libres” en Égypte, elle est pour l’Algérie un jour macabre. Tragique et dramatique, mais surtout oublié au grand dam de plusieurs centaines de familles.

         Il s’agit de la première grande tragédie de l’Algérie post-Indépendance. Ce jeudi-là, aux environs de 22h, une forte explosion avait secoué la ville de Annaba faisant entre 100 et 400 victimes (morts et disparus), ainsi que des milliers de blessés. Des chiffres que répètent à satiété, 45 ans après, les familles des victimes ainsi que d’anciens travailleurs du port, en se référant à ce qu’ils ont vu et aux différentes sources officielles et hospitalières de l’époque qu’ils ont pu contacter.

         La déflagration a touché un bateau bourré d’armements et de munitions mouillant au port. La quasi-majorité des victimes était des dockers réquisitionnés de “force” pour le déchargement. Selon les témoignages que nous avons pu recueillir auprès des familles des victimes, l’explosion était d’une telle force qu’elle a été entendue à des dizaines de kilomètres alentour. Le bateau avait pris feu, rendant le port “lumineux” de très loin et la ville de Annaba était couverte par un gros nuage noir. L’avant du bateau a été retrouvé à des centaines de mètres du port, touchant l’hôpital Ibn-Sina. D’autres débris ont été retrouvés à trois kilomètres du lieu de la déflagration.

         En plus des centaines de morts et de disparus, l’explosion avait causé aussi la “disparition” de plus de 400 tonnes d’armements et de munitions et des pertes financières de plus de 20 millions de dollars.

         Entre “impérialistes”, “réactionnaires” et Israéliens

         Le lendemain même, le président Ahmed Ben Bella, accompagné de son ministre de la Défense, le colonel Houari Boumediène, s’était déplacé sur les lieux. Les autorités algériennes avaient conclu à l’attentat. Une bombe avait ainsi été placée par un commando dans le bateau avant d’être actionnée. Officiellement, des “agents impérialistes et réactionnaires” avaient été accusés ce jour-là sans plus de détails sur leurs “origines”.

         On a ainsi évoqué “les services français de la cinquième colonne” ainsi que les “ultras de l’Algérie française” mais chaque fois, les Israéliens étaient désignés soit comme instigateurs directs, soit comme “complices”. Pour la plupart des témoins et des familles des victimes, le doute est même inexistant. Le Mossad serait directement impliqué dans l’explosion du Star of Alexandria, dont les restes de l’épave serait toujours au fond des eaux du port de Annaba. Toutefois, les détails de l’opération du commando restent toujours “flous” et, à ce jour, personne n’a pu donner de réponses précises aux nombreuses questions en suspens.

         La “lecture” de l’attentat faite à l’époque (toujours d’actualité d’ailleurs) serait un double message lancé par le Mossad. Le premier à Nasser (huit ans après la crise du Suez et trois ans avant la guerre du Kippour) et l’autre à l’Algérie dont l’aura révolutionnaire de l’époque gênait trop les Israéliens dans leur “démarche” colonisatrice au Moyen-Orient. Les liens très étroits qu’entretenaient les deux Présidents ne pouvaient que soulever le courroux des Israéliens. Précisons au passage que moins de deux mois avant cette explosion, soit le 29 mai 1964, l’OLP était créée.Le Mossad et l’Algérie : une vieille histoire

         La présence et les “coups” des services secrets israéliens ne datent pas de ce 23 juillet. Après le déclenchement de la Révolution algérienne, et bien avant l’Indépendance, le Mossad sévissait déjà en Algérie, précisément à Constantine. Dès 1956, il avait entraîné et armé des cellules composées de jeunes Juifs de la ville pour contrer les éléments de l’ALN. Une opération “téléguidée” par deux agents : Shlomo Havillo (en poste à Paris en 1956) et son “subalterne” Avraham Barzalai. Une information qu’avait publiée le quotidien israélien Maariv en mars 2005.

         Il y a quelques mois, une histoire d’espionnage avait éclaté. Accusé de travailler pour le Mossad, un Algérien de 44 ans a été condamné, en janvier dernier, par la cour de Tizi Ouzou à 10 ans de réclusion ferme pour “collecte et transmission au profit d’une puissance étrangère d’informations sensibles et confidentielles dont l’usage porte atteinte à l’économie et à la défense nationales”. Les services israéliens étaient aussi désignés comme probables kidnappeurs d’Ali Belaroussi et Azzedine Belkadi, les deux diplomates algériens enlevés à Bagdad en 2005.

         Un fait qui est tout à fait plausible eu égard à la longue liste d’assassinats des services sionistes. Comment oublier celui de l’ex-directeur général du Théâtre national algérien, Mohamed Boudia, le 28 juin 1973 rue des Fossés-Saint-Bernard à Paris (les détails de l’opération ont été divulgués dans le livre Mossad, un agent des services secrets israéliens parle, édité en 1990, de Claire Hoy et Victor Ostrovsky).

         Les familles des victimes de “darbate el-babor”...

         En mémoire des dockers, un hommage a été organisé par l’association Machaâl el chahid, jeudi dernier, au palais de la Culture de Annaba. Une rencontre qui a été l’occasion pour que les langues se délient après tant d’années de “non-écoute” ou de silence. Il faut dire que c’est la première fois depuis 45 ans qu’une initiative a été prise pour ces familles. “Cela n’a pas été facile d’avoir l’accord des autorités pour rendre cet hommage”, nous dira Hocine Gouasmia, le président de l’association. “J’ai dû batailler ferme pour pouvoir organiser cette rencontre des familles qui avaient tant besoin d’exprimer leur douleur et demander au moins une stèle pour leurs proches”, précise-t-il.

         La cérémonie a vu plusieurs personnes se relayer au micro pour apporter leurs témoignages. Il s’agissait essentiellement d’enfants de victimes qui tous étaient unanimes à dénoncer “l’attitude des autorités” à leur encontre. Selon eux, tout a été fait pour les faire taire et clore le dossier. “On est même allé jusqu’à dire que toutes les veuves s’étaient remariées, et donc qu’il n’y avait rien à faire pour revenir à l’explosion”, dira l’un d’eux presque en criant.

         Le témoignage le plus poignant aura été celui de Soualah Alila Maâmer. En pleurs, il raconte ce qu’il a vécu, “sa tragédie”. “J’avais 10 ans, et nous habitions au quartier de l’Orée rose. Quand ça a explosé, tout Annaba est devenue rouge à cause du feu. On courait dans tous les sens pour retrouver mon père qui était docker et qu’on savait au port en train de travailler. Il a fallu attendre le lendemain matin pour pouvoir le chercher dans les hôpitaux. J’étais avec ma cousine. Elle était très courageuse. C’est elle qui cherchait le corps de mon père en soulevant les draps des morts. C’était plus des lambeaux humains que des corps. C’était horrible. Le plus cruel, c’est qu’on n’a jamais retrouvé mon père, et à ce jour nous n’en avons trouvé aucune trace. Notre malheur est devenu encore immense devant l’inaction des responsables, que ce soit la wilaya, la daïra ou l’APC”. Soualah continue son récit, entrecoupé de chaudes larmes : “Au début, on nous avait octroyé des carnets d’enfants de chouhada mais dès 1967, on nous les a retirés sans explication. Jusqu’à maintenant, nos droits sont bafoués.”

         Parmi les enfants des victimes, il y avait Mabrouk Abdelbaki, 6 ans en 1964, et dont la date de naissance est le… 23 juillet.

         Mais aussi des questionnements

         Nous avons rencontré également, lors de cet hommage, un rescapé du drame, Omar. Il avait au moment des faits 20 ans et travaillait en tant que docker. “Ce jour-là, on nous avait réunis au centre d’embauche et le chef nous avait dit qu’on était obligé de travailler. Nous avions tous protesté en lui répondant que tout ce qui touchait l’armée ne nous concernait pas. Sa réaction était claire et nette. Il nous a répondu que nous étions tousdes moudjahidine et que c’était le devoir de chacun de nous de faire ce travail, tout en précisant que celui qui ne travaillera pas sera suspendu à vie”.

         Omar a eu la vie sauve grâce à son père, lui aussi docker, qui, tout en rejoignant le port pour le déchargement, avait interdit à son fils de faire de même. Avant de nous quitter, et tout en affirmant que la “main sioniste” n’était pas loin, il n’hésita pas à se poser des questions en chuchotant : “Ce que je ne comprends surtout pas, c’est pourquoi on n’avait pas déchargé tout cet arsenal au port d’Alger qui était beaucoup plus grand. L’autre chose que je n’arrive pas à digérer, c’est pourquoi il a fallu le faire au port de Annaba et non sur les autres quais qui étaient beaucoup plus adéquats.” Il n’en dira pas plus, préférant se “faufiler” vers la sortie avec les autres membres des familles des victimes.

Liberté Algérie - 27 Juillet 2009



PHOTOS DE BÔNE
Envoi de diverses personnes

Le Miramar


Plage Saint-Cloud



Plage Saint-Cloud




Herbillon




HONTES !
Par M. Robert Charles PUIG


       Une fois de plus le locataire de l'Élysée renouvelle son " tic " anti Algérie française et anti armée en réactualisant les assassinats de la " Grande muette " française contre le FLN en recevant la famille d'un ancien terroriste, Ali Boumendjel.
       Le président de la République française, une fois de plus, déstabilise l'honneur de la France mais fait plaisir par ce geste au pouvoir algérien en prolongeant celui de ses excuses à l'épouse d'un traître français affilié à la rébellion algérienne. Une fois de plus il salit l'Histoire de France et s'agenouille devant le chef de l'État algérien Abdel Tebboune que même son peuple, à travers la Hirak et ses manifestations, conteste et espère éliminer.
       Ainsi, nous avons un président de la République française qui continue son travail de sape d'une épopée qui dura presque cent cinquante ans et un temps où la Nation fut glorieuse. Son obsession anti Outre-mer est manifestement ancrée, enracinée dans son esprit et démontre son caractère progressiste sur ce terrain de l'histoire.
       Une fois de plus, l'Algérie française et l'armée, celle de l'Indochine et celle qui défendit les trois couleurs de la France jusqu'au Putsch de 1961 se trouvent en accusation comme si nous avions affaire à un nouvel Torquemada, un nouvel inquisiteur qui depuis 2017 n'a qu'un but, effacer les traces d'un temps de conquête qui remplaçait le temps de la terreur de la Commune de 1848 et la guerre perdue contre la Prusse en 1870.
       Macron obture et ne condamne qu'une partie des événements. Il ne juge que la France. Il ne veut pas se souvenir des assassinats par le FLN des civils et des militaires durant cette guerre de 1954 à 1962 ni de tous les disparus. Il ne veut pas se souvenir malgré son jeune âge à l'époque des personnes européennes ou musulmanes torturées, le sexe entre les lèvres, les membres brûlés et les chairs boursouflées sous les supplices des rebelles. Il ne veut pas connaître l'histoire des femmes et des enfants emprisonnés et servant d'esclaves sexuels à des bourreaux. Il ne veut pas lire les témoignages de ceux qui sont revenus de l'enfer fellagha ou des prisonniers vivants exsangues de leur sang. Il ne veut pas se souvenir du 26 mars ni de 5 juillet 1962. Il ne veut pas reconnaître que cette terre maghrébine avant de devenir un État, n'était qu'une terre de conquêtes et de rapines, une terre de nomades où les romains, les Arabes et les Turcs n'ont fait qu'un passage, mais que seule la France a su construire, bâtir et rendre contemporaine au monde du XXe siècle cette Algérie, en laissant après l'Exode de 1962 imposée par De Gaulle, un pays moderne qui tout à coup s'est étendu du bord de l'Afrique du Nord au Sahara qui fut le " suprême " cadeau de l'État français au terrorisme algérien devenu après l'indépendance une dictature sous la coupe de l'armée algérienne avec un peuple en crise de démocratie sous un drapeau vert et blanc imprégné des crimes de ses dirigeants.

       Hontes !
       Nous sommes donc à notre tour les otages d'une France " En marche " qui n'a aucun autre objectif que de punir le passé historique de la Nation. C'est une France progressiste, quasi à la façon de Biden et de l'Amérique qui perd son honneur et s'enfonce dans le brouillard des mouvements minoritaires à qui la Maison Blanche donne le droit de juger, condamner ceux qui sont différents, ceux qui sont pour l'ordre, le droit et la sécurité.
       La France se perd dans son " ni-ni " ou son " et en même temps " et les français ne se reconnaissent plus dans ces sauts de puces ni blancs ni noirs. Ils souffrent actuellement de cette pandémie mal maîtrisée et aussi de cette politique qui blesse son patriotisme et ses valeurs anciennes.
       Après " le crime contre l'humanité ", la reconnaissance des traîtres et la condamnation de l'armée française, après cette horrible comparaison de la guerre d'Algérie à la Shoah, la remise de crâne dits algériens à l'Algérie de Tebboune et cette dernière reconnaissance d'un assassinat comme preuve de la terreur infligée au peuple algérien par l'armée française, il y a cette étude d'un " historien " qui réécrit l'histoire en fonction de son aversion de la vérité de cette épopée qui a construit l'Algérie. Benjamin Stora veut faire rendre l'âme aux Pieds-noirs dans son " histoire " à charge en utilisant toutes les raisons qui font de la France la coupable de ses actions passées par une réhabilitation des traîtres, des commémorations pour honorer les ennemis et une justice fantoche pour punir... De ce fait, nous n'allons pas être loin de cette repentance que le chef de l'État ne semble pas vouloir évoquer mais que ses actes, ces actions et ces propos contredisent à chaque instant en nous dévoilant ses véritables intentions.
       En vérité, jusqu'où ira cette repentance déguisée qui nous conduira à une cérémonie en 2022 détournée de l'objectif de rendre leur honneur au peuple pied-noir d'Algérie et aux musulmans, harkis et supplétifs qui croyaient en la valeur de la parole de l'État français et de ses gouvernants. Cela amènera-t-il ce présent président jusqu'à être réélu en 2022 pour finalement effacer l'Algérie française de l'HISTOIRE et " en même temps " perdre les valeurs de la Nation dans une soumission néfaste et assassine en faveur d'une Algérie toujours sous l'emprise de ses démons et de sa fausse démocratie tyrannique ?
       Hontes ! Mille hontes nous guettent.

Robert Charles PUIG / mars 2021       
      


Bien parler le français....c'est important!
Envoyé par Régis

      Une courte histoire drôle pour sourire.

      Le français, quand on le parle bien, quelle langue magnifique !!

      J'ai donné un coup de fil à un copain, et je lui ai demandé ce qu’il faisait. Il m’a répondu qu’en ces temps de confinement il travaillait sur :
      « Le traitement aquathermique des céramiques, du verre, de l’aluminium et de l’acier sous un environnement contraint.»

      J’étais impressionnée....Pour comprendre, je lui demandais des précisions et il me déclara qu’en fait :

      « Il lavait la vaisselle à l’eau chaude .... sous la surveillance de sa femme.» !!!!



Élire un président écolo
Par Jean de Kervasdoué
Envoyé par Mme Bouhier

         CHRONIQUE. Dans cette dystopie, notre chroniqueur imagine une France apocalyptique quatre ans après l’élection d’un président écologiste. Ça pique !
         La France a élu en 2022 un président écologiste. Son programme de sortie du nucléaire est, quatre ans plus tard, en 2026 donc, bien avancé : la moitié des centrales ont été fermées, la France avance vers la sortie définitive en 2030, un des premiers engagements électoraux du candidat. Comme, cet hiver-là aussi, les panneaux solaires sont couverts de neige, ils ne fonctionnent plus le jour ; de surcroît, comme cela arrive en hiver, après les chutes de neige, une haute pression est venue de Sibérie et couvre l'Europe de l'Ouest. Les éoliennes, qui en grand nombre marquent la campagne et les côtes françaises, restent obstinément immobiles, faute de vent.
         Le métro ne marche qu'aux heures de pointe quand on lui octroie de manière préférentielle le courant des centrales nucléaires encore en état de marche et que nos voisins acceptent de vendre à grand prix leur l'électricité.

         Noël sans sapin
         À l'instar de 2021 dans la ville d'Amiens, les bus électriques, généralisés dans toutes les villes de France depuis 2024, tombent en panne. En effet, leur chauffage, qui fonctionne avec un système de pompe à chaleur, n'arrive pas à monter en puissance du fait du froid. Non seulement la température dans les bus ne dépasse pas les 10 °C, mais le système de freinage, qui fonctionne avec des bouteilles d'air, donnait des signes de défaillance. Les musées et les théâtres sont désertés par les visiteurs et les comédiens rebutés par le froid polaire qui y régnait.
         Au nom de la déforestation, Noël tristement sans sapin fut aussi sans bûche, autre que pâtissière, comme le reste de l'année. Il est désormais interdit de rejeter le gaz carbonique séquestré dans son bois. Les brigades écocides de la police nationale pourchassent les délinquants. Le délit établi, promptement jugé, les coupables doivent se racheter en accomplissant des peines de travaux forcés dans les fermes écoresponsables du Larzac et de la Creuse. Pour les déviants qui gagnent l'équivalent de plus de 4 000 euros par mois – les riches – en 2021, la peine se trouve aggravée.

         La semaine de 28 heures
         « L'équivalent » donc, parce que la France, contrainte de sortir de l'euro depuis 2024, frappe de nouveau sa monnaie et est revenue au franc. Les partenaires de la France ont épuisé leur capital de confiance lorsque le débat a porté sur le non-remboursement de la dette, in extremis reporté à plus tard. Non seulement la dette accumulée par la pandémie de Covid a continué à se creuser jusqu'en 2023 mais, comme l'avait suggéré la convention citoyenne sur le climat de 2020, la durée du travail a été fixée à 28 heures. De surcroît, reprenant les propositions de Yannick Jadot lors de la campagne présidentielle de 2017, l'âge de la retraite, pour un nombre significatif de travailleurs, est désormais fixé à 55 ans et, pour faire bonne mesure, un revenu universel est versé à chaque Français le jour de sa naissance. En conséquence, étant tenue d'emprunter chaque mois à des taux beaucoup plus élevés que ses voisins européens, la charge de la dette est devenue le premier poste des dépenses budgétaires et engloutit la totalité de l'impôt sur le revenu.
         Certes, depuis 2024, le nombre de naissances est en chute libre, neuf mois après que le Parlement français, à l'instar de la Chine des décennies plus tôt, a voté une loi « enfant unique » pour limiter les rejets de gaz à effet de serre qu'accompagne le passage sur Terre de tout être humain. Non seulement, toutes les aides sociales cessent alors d'être versées à la naissance du deuxième enfant, mais les parents doivent payer une très lourde taxe et ne peuvent plus inscrire leurs enfants dans les écoles publiques. Il faut dire que, de leur côté, les parents font très attention, car le chômage s'est fortement accru, les allocations sont réduites à la portion congrue et la vie devient chère.

         Haro sur la 5G
         Du fait du bannissement du moteur diesel, les grandes entreprises françaises de l'automobile ont déplacé leur production en Afrique du Nord et dans les pays de l'Europe de l'Est. Il en est de même d'Airbus, touché par la crise et particulièrement pénalisé en France. En effet, dès 2021, le gouvernement a interdit les liaisons aériennes intérieures entre deux villes quand elles sont accessibles par train en moins de cinq heures. Comme la 5G est également interdite en France, tous les chercheurs, tous les créateurs, tous les bureaux d'études ont déménagé. Non seulement l'emploi est rare, mais le coût de la vie a fortement augmenté. L'inflation depuis la sortie de l'euro est à plus de deux chiffres.
         L'alimentation est devenue inabordable, car la France a décidé d'interdire l'importation de tous les OGM, dont le soja. Or, les volailles, les porcs et certains bovins requièrent pour leur alimentation un apport de protéines végétales. Certes, il existe des alternatives agronomiques cultivables sous notre climat (pois, fèverole, lupin, colza, tournesol, lin…), mais à l'instar des betteraves en 2020, le rendement de toutes les cultures a baissé de plus de 40 % du fait de l'interdiction par le gouvernement des « pesticides », autrement dit : les produits phytosanitaires. Il est alors devenu difficile pour les cantines de respecter un vieil engagement des écologistes à savoir de s'approvisionner exclusivement chez les producteurs de « l'agriculture paysanne et écologique » tant leurs produits sont onéreux. Le kilo de leur poulet ainsi produit est en effet quatre fois plus onéreux que celui que l'on peut importer de Pologne. Au demeurant, les menus végétariens sont devenus la règle, mais les familles et les enfants, comme au temps de Henri IV, demandent du poulet au moins une fois par semaine.

         Une « taxe laine »
         Toujours du fait de l'interdiction des OGM, le coût des importations de coton (à 80 % OGM) a augmenté. La laine n'a pas non plus une bonne presse, car l'on considère que la tonte des moutons est une violence faite à ces pauvres bêtes couvertes d'une chaude toison. Une taxe « laine » a été votée. Le marché noir se développe, comme d'ailleurs celui des tissus synthétiques fabriqués par des dérivés du pétrole. Sur le dark web on trouve des patrons pour les tricoteuses anonymes qui se retrouvent en secret après avoir laissé leur portable à la maison.
         Le zéro pesticide a aussi fait la joie des poux. Ils n'épargnent plus les adultes. Les hommes se rasent, les femmes les plus coquettes tentent, sans succès, des décoctions à base de plantes et sur Internet on trouve des tutoriels dont le fameux : « Comment mieux s'épouiller que les babouins ». La protection des insectes a également permis l'expansion du moustique tigre et, avec lui, la diffusion du chikungunya, remonté à l'ouest et au nord des Alpes-Maritimes où il était jusqu'en 2020 cantonné. Bien que l'on soit en hiver, beaucoup gardent encore sur leur peau des traces de piqûres infectées, à force d'avoir été grattées.

         Cannabis pour tout le monde
         Le Tour de France, banni de Lyon par son maire en 2020, a vu cette interdiction s'étendre à la France. Il s'appelle désormais le « Tour d'Allemagne », l'Espagne et l'Italie ayant déjà le leur. Il se déroule toujours au cours du mois de juillet.
         La Marseillaise, trop belliqueuse, a été remplacée par un poème de Greta Thunberg avec, pour fond sonore, une bande reproduisant des cris de dauphins et des chants d'oiseaux.
         Mais heureusement, comme l'avait promis Yannick Jadot durant sa campagne de 2017, le cannabis est autorisé. Toutes ces difficultés se noient donc dans un brouillard psychédélique qui permet d'attendre le printemps.

         Jean de Kervasdoué


La SM-DRS ET SES ATTENTATS SANGLANTS.
Par MCB Canal historique - Octobre 19, 2017
Envoyé par Mme Soldier
http://kabyleuniversel.com/2017/10/19/la-sm-drs-et-ses-attentats-sanglants/

         Le président Ahmed Ben Bella et son ministre de la défense Houari Boumediene sur le lieu de l'énigmatique attentat du 23 juillet 1964, à Annaba, officiellement attribuée au Mossad, perpétré contre le cargo égyptien Star of Alexandria, chargé de munitions. Aux environs de 22h, une forte explosion avait secoué la ville de Annaba faisant entre 100 et 400 victimes, ainsi que des milliers de blessés.
         Juin 1964: plasticage du Port d'Annaba : la SM détruit le port, et impute arbitrairement le crime à M.A. Benyounès, dit Daniel ; celui-ci fut injustement arrêté, passé à la torture….puis " retourné et récupéré " par la force !

         Le 26 août 1992, un terrible attentat à la bombe dans le Hall de l'Aéroport d'Alger, fait 9 morts et 128 blessés. D'autres bombes explosent au même moment à Alger (Air France et Swissair). Quelques semaines après la télévision retransmettra les " aveux " (extorqués sous la torture) de H. Abderrahim, R. Héchaïchi, S. Soussène et M. Rouabhi, leurs visages étaient déformés par les sévices subis. Ils " avoueront "(!) avoir été les auteurs de cet ignoble attentat. Bref, tous les partis politiques ont, fermement et sans ambages, condamné cet acte odieux. Rappelant qu'au moment de l'attentat, aucun de ces suspects n'était sur les lieux, Soussène était emprisonné au bagne de Ain Mguel, au Sahara (Cf. Le Canard enchaîné). Et puis, ce qui était suspect, c'était la promptitude, la célérité, la rapidité extrême de l'arrivée des Pompiers, des Secours, des Policiers, chose jamais vue dans ce pays. En réalité, tout était préparé bien à l'avance, les convois stationnés discrètement, non loin des lieux …. Ce grand attentat visait à cacher l'attentat contre Boudiaf, ordonné par les Généraux putschistes, dits Janviéristes, éradicateurs, assassins et mafieux, ceux là mêmes qui l'ont ramené du Maroc .

         Le Canard enchaîné, Libération, Nord éclair, The Observer, Gardian….(Août-Septembre 1992) pointaient du doigt la Sécurité militaire(SM, ancêtre du DRS-DSS).
         A propos de l'Attentat de la SM à l'Aéroport d'Alger (le 26 Août 1992) , lire les pertinents textes de K. Satour, juriste, universitaire, chercheur, essayiste, bloguer et traducteur (en exil) :
         Le procès de de l'attentat de l'Aéroport d'Alger du 26 Août 1992 , K. Satour, Contredit, le 08/03/2007.
         L'ordre juridique algérien : la violence incorporée au droit, K. Satour, Contredit, le 08/03/2007.
         De même J. Vergès ( Lettre ouverte aux amis algériens devenus tortionnaires, Albin Michel éditions).

         Flash back : d'autres coups sanglants nous ramènent à la sinistre SM. Celui d'El Guemmar en 1992, du Boulevard Amirouche, celui du Palais du Gouvernement, ou encore celui perpétré devant le Siège de l'ONU, mais aussi à l'Académie interarmes de Cherchel, Mostaganem (des enfants tués), l'attentat meurtrier contre le peintre Omar RACIM attribué à des jeunes qui n'ont jamais connu ce grand artiste, ni son adresse…Ou encore Cap Sigli (1978), etc., etc.

         LE COUP D'IN AMENAS/TIGUENTOURINE (2013) :
         Une " grille de lecture " ou " clé de raisonnement " opérant sur les symboles et les significations peuvent aider à décrypter et débusquer l'énigme d'In Aménas (et autres…). Car un complexe pétrolier ou gazier est d'abord un " trait d'union économique " avec le monde extérieur en général, et l'Occident en particulier. De même, un port ou aéroport constituent un " trait d'union frontalier ". Le Port d'Annaba détruit par la SM en Juin 1964 pour incriminer le FFS, et l'Aéroport d'Alger visé par la même SM en Août 1992 pour accuser le FIS, et bénéficier du soutien politique et stratégique du " monde extérieur ", l'Occident d'abord !
         Mais l'affaire Tiguentourine s'est retournée contre ses commanditaires de la SM-DRS. Peu de temps après, les Services de renseignements et les Multinationales Américains et Britanniques exigèrent la révocation des Généraux Mediene et de son beau-frère Ait Ourabi (le créateur/manipulateur des Groupes terroristes), la restructuration de ladite Police politique secrète/occulte….

         MANIPULATION MASSIVE DE LA VIOLENCE EXTRÊME ET DES GROUPES ET CHEFS TERRORISTES
         De nos jours, nous savons que les fameux et obscurs GIA (s'entend au pluriel) avaient été crées par la SM. Les divers témoignages et sources avancent que les massacres de 1996-97 étaient soit perpétrés par des miliciens à l'instigation d'agents du DRS infiltrés et/ou d'islamistes " retournés ", soit directement organisés par le DRS et ensuite revendiqués par la publication de faux communiqués des GIA. Le journal Al Ansar, publié à Londres, était le premier à recevoir et diffuser ces communiqués, et son responsable s'est montré incapable de distinguer les vrais communiqués portant le sigle GIA des faux. Puis, le sigle GIA disparaît, et le GSPC le remplaça. Puis d'autres. Tandis que les Chefs terroristes (Zitouni, Layada, El Para, Mezrag, Hamadèche, etc.), recrutés et entraînés par la SM, étaient déclarés morts à plusieurs reprises, et ressuscités moult fois.

         La " GUERRE INTERNE " EXPORTÉE A L'ETRANGER
         A l'étranger. Le 24 décembre 1994, un commando (…) détourne le vol AF 8969 qui s'était envolé d'Alger…. Le 11 juillet 1995, l'imam Sahraoui est abattu d'une balle dans la tête dans la salle des prières, située à la rue Myrha à Paris-XVIII°, ainsi que l'un de ses proches tentant de s'interposer. C'est le début des attentats qui touchèrent la France en 1995. Celui de la station Saint-Michel fera huit morts et une centaine de blessés. Un certain Ali Touchent, agent de la SM, est désigné par les journalistes d'investigation. Il a été exfiltré à Alger, où il vivait, chez son père, Officier supérieur de la DGSN, dans la Caserne de Police (Ninja, Unités d'assaut) de Châteauneuf, commandée exceptionnellement par la SM, en l'occurrence par le Général Smain Lamari, un criminel notoire, tel Heydrich ou Himmler. Quant aux allégations sur le fameux Dennouche, qui était à Stokholm au Guichet de la Poste, au moment de l'attentat, elles ont fait vite pschitt, tombées à l'eau, la Police et la Justice suédoises les ont vite invalidées…-. L'objectif aurait été de " mouiller " et " forcer la main " la France, donc de manifester plus de " soutien politique ".
         Les étrangers sont visés aussi en Algérie. Le 8 mai 1994, deux religieux français sont assassinés dans le quartier de la Casbah à Alger. Le 3 août 1994, assassinat à Alger de trois Gendarmes français et de deux agents de l'Ambassade de France. Le 27 décembre 1994, quatre Pères Blancs, dont trois Français, sont assassinés à Tizi-Ouzou, en Kabylie. Le 5 mai 1995, 5 coopérants dont 2 Français sont assassinés dans les locaux d'une société algérienne12. Et encore, l'assassinat des Moines de Tibhirine. Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, sept moines trappistes du Monastère de Tibhirine, en Algérie, sont enlevés et séquestrés pendant deux mois. L'assassinat des Moines trappistes de Tibhirine est annoncé le 21 mai 1996, dans un communiqué attribué aux GIA…de la SM !. Les têtes des Moines décapités ne sont retrouvées que le 30 mai 1996, non loin de Médea, mais pas leurs corps, ce qui suscite les doutes sur la thèse officielle expliquant leur décès. Les commanditaires de cet enlèvement, leur motivation ainsi que les causes réelles de l'assassinat font l'objet de débats, la SM-DRS est désignée et accusée par l'extrême majorité des sources…
         La SM-DRS utilise ses Commandos, ses Troupes d'assaut, ses Escadrons de la mort, des Groupes terroristes islamistes qu'elle créé et manipule, ses Tueurs sortis de prison, entraînés et drogués à El Guemmar … pour perpétrer massacres, meurtres, assassinats, enlèvements, de la façon la plus atroce et la plus horrible, dans le but de semer la terreur totale, la peur absolue, la psychose suprême, et créer ainsi le traumatisme perpétuel, pour que la population n'aurait plus l'énergie pour bouger, contester, protester, s'élever contre la Dictature militaro-mafieuse

         A quand le " GRAND LIVRE NOIR DE LA DICTATURE MILITAIRE D'ALGER " ?
         Beaucoup de textes, études, archives, livres, références existent. Mais aussi, des Livres, Sites et Blogs, etc. Il faut réunir tout ça.
MCB Canal historique


A propos d'acronymes
Par M. Marc Donato


          Je viens d'entendre sur RTL, à moins que ce soit sur RMC, NRJ ou RFI, que BFM avait relayé une info de A2 suivant laquelle on allait multiplier les vaccinodromes militaires. Avais-je été prémonitoire quand j'avais écrit sur les vaccinodromes ? Quand j'avais évoqué la chanson de Jacques Brel "Au suivant" ?
          Nous y voilà, amis. L'armée qui arrive à la rescousse, l'armée qui va déployer ses tentes militaires pour administrer le saint sacrement-vaccin cher à notre CS (conseil scientifique). On n'est pas loin du BMC vous laissais-je entendre…

          On s'installe d'abord, le reste on verra après. A moins de partir en OPEX (Opérations Extérieures), voilà nos pioupious prêts à transpercer les épaules de la nation.
          Quel vaccinodrome alors choisir ? Attention aux tirs de l'ART (Artillerie), les obus laissent de gros trous ; préférez l'ALAT (Aviation Légère de l'Armée de Terre) la sensation, elle le dit, est plus douce ;
          Pour un trait, une flèche, si vous préférez, de génie, on s'orientera vers les régiments du GEN (Génie) ; souhaitons que le MAT (Matériel) ne manque pas de seringues ni d'aiguilles ;
          Si on vous demande de baisser culotte pour piquer une masse molle, nul doute, c'est un régiment du TRN (Train) qui officie - méfiez-vous de la Légion, quand même, une fesse, pas plus ! - ;
          Cyrano moderne intervient ? — Pointez contre ABC (Arme Blindée Cavalerie) ! Pointez contre cavalerie ! — Et à la fin de l'envoi, je touche, rétorque le piqueur militaire de l'ABC (Arme Blindée Cavalerie) ;
          Effets secondaires, tête qui tourne, nausées… c'est sûr, les TDM (Troupes De Marine) sont intervenues sur votre corps sage jusque là, sensible par ailleurs au mal de mer. Il semble que, la discipline étant la force principale des Armées, les candidats au vaccin pourront faire confiance au SSA (Service de Santé des Armées). Après tout, 1er RAC, 2ème RCC, 23ème RI… tout ce que demande le peuple des aspirants au vaccin, c'est que ce soit organisé et bien organisé. Et pour cela, on peut compter sur la conscience de notre EM (Etat-Major) ; gageons que nos valeureux généraux sauront mener une campagne vaccinatoire, sinon militaire, avec ordre et méthode, bien loin de ce que nous ont concocté nos dirigeants :
          Un véritable BMC (Bazar Ministériel de la Communication).

          Alors vaccinés aux acronymes ? TVB !
          N'oubliez pas de demander votre attestation… de vaccination, bien sûr, l'autre, l'Administration se charge de vous la fournir avec cafouillage gratuit et garanti PS. Comme une piqûre de rappel, je vous renvoie le texte "Au suivant" paru sur la Seybouse N° 213 du 1er février 2021.

Marc Donato - 23 mars 2021

La Vème République ?
Par M. Robert Charles PUIG


       Nous y sommes en 2021, mais la République a un côté effrayant avec son idéologie progressiste et cette envie de balayer le passé, comme si monde n'avait pas existé avant elle. Est-elle responsable de ce processus nouveau qui tend à ne rien se souvenir des exploits de ces hommes, ces femmes, ces héros qui ont construit la France et dans son sein, cette province de l'Algérie française ? Je pense que nous avons à juger une bande de fous, des illuminés qui ont trop bien vécu depuis trop longtemps et qui n'ont aucune notion du vrai monde, celui que nous avons connu avec son temps de gloire, de guerres et pour nous les Pieds-noirs, d'espoir puis d'Exode.
       Ces gens là, ces " dits-marcheurs ", ne méritent aucune circonstance atténuante face à la loi de Dieu !

       De 1789 à aujourd'hui, la République a fauté, commis des erreurs d'appréciations, émis des sentences, mais elle est ce que nous respectons avec ses trois couleurs. Pourtant, souvenons-nous. Le Roi et la Reine furent exécutés après un faux procès... Le petit Prince est mort sans soins et sans amour. Puis il y eut le génocide vendéen de 1794 et les colonnes infernales de Tureau ; le massacre des manifestants de la Commune de 1871.
       C'était le temps où la conquête de l'Algérie se poursuivait et s'installait sur cette terre sans nom, envahie par les Turcs. Ce temps se transforma pour ses occupants en une terre bénie, berceau d'une descendance fière de son labeur, de ses constructions pour en faire une terre du XXème siècle...

       Le rêve allait-il se poursuivre ? Les mensonges, après la prise du pouvoir par le général De Gaulle, allaient l'éliminer après son " Je vous ai compris ", non-compris !
       Il y a eu les fausses déclarations présentées à l'armée d'Algérie et anciennement de l'Indochine ; les faux espoirs aux populations d'Algérie, européennes et musulmanes... Puis il y eut les tribunaux d'exception et la condamnation à mort des héros de l'Algérie française, par vengeance d'un temps qui ne devait plus exister... Il y eut les massacres de patriotes d'Alger puis d'Oran... Enfin, cette sorte de repentance depuis 1962 de chefs de l'État français qui d'année en année se plient aux exigences d'une dictature algérienne, jusqu'à ce dernier président de la V ? République, Emmanuel Macron, qui veut changer l'Histoire de France et de l'Algérie à l'aide d'un scribouillard si peu historien acquis au pire de cette épopée, en souhaitant que le peuple français s'agenouille devant une " histoire " débarrassée de ses vérités, comme il le fait Lui-même devant une Algérie toujours FLN et terroriste.
       Est-ce cela que la Vème République souhaite ?

Robert Charles PUIG / mars 2021       
      


Durtelle de saint sauveur
Par M. Régis Guillem

Une page de notre histoire se tourne

         Notre camarade DURTELLE de SAINT-SAUVEUR Noël-Antoine s'est éteint le 3 Mars 2021 à l'âge de 87 ans. Il était né à Rennes le 30 décembre 1934.

         Le Lieutenant DURTELLE de SAINT-SAUVEUR Noël, issu de cette famille exceptionnelle dont l'Honneur et l'amour de la France passaient avant tout, suivi la même voie et rejoignit l'Organisation de l'Armée Secrète le 1er février 1962.
         Il fut, comme beaucoup de ses camarades, incarcéré au camp de Saint-Maurice l'Ardoise.
         Une cérémonie religieuse a été célébrée en l'église Notre-Dame-en-Saint-Mélaine à Rennes, le mardi 9 Mars 2021 à 14 heures ;
         L'inhumation à eu lieu, au cimetière nord de Rennes.
         Des camarades ont pu y assister. Ceux qui souhaitent exprimer leurs sentiments peuvent le faire sur le site ci-après :          A côté du cercueil, il y avait une photo du disparu où il portait le drapeau du 1er REP, régiment qui lui tenait à cœur.
         Les légionnaires après l'office ont chanté le chant de ce régiment comme dernier Adieu.
Régis Guillem.
Mars 2021



POUR RAPPEL
Par ASAF
https://www.asafrance.fr/item/reaction-de.html
RÉACTION du Docteur Philippe PAUX, Médecin des Troupes de Marine, aux propos de M MACRON.
Posté le mardi 28 février 2017

              Monsieur Macron, je suis un criminel...
              Monsieur Macron, médecin colonial, médecin des Troupes de Marine, je suis un criminel contre l'humanité, je suis un criminel contre l'humain.
              Par vocation petit garçon je rêvais d'aller soigner au fin fond de l'Afrique, de l'Océanie, de l'Asie. Adolescent puis jeune étudiant, de toutes mes forces, j'ai travaillé, bossé, trimé pour pouvoir soigner à travers le continent et porter la science pas seulement au pays des Bantous, mais partout dans le monde où la France était présente. Ma vocation, que j'ai assouvie depuis, était de rejoindre les ex-Colonies, sur les pas de mes glorieux Anciens à l'âge, comme le disait le médecin colonial Paul-Louis Simond, où l'esprit est exempt de préjugés, où les idées préconçues ne viennent pas contrarier la poursuite du vrai, à l'âge des élans généreux, à l'âge des enthousiasmes pour tout ce qui est vérité, lumière et progrès.
              Mes héros n'étaient pas footballeur, chanteur, acteur, mais, médecins coloniaux exerçant dans les conditions les plus extrêmes, dans ces pays tropicaux, sans la moindre politique ou infrastructure de santé, où sévissaient des guerres interethniques, le tribalisme, le féodalisme, l'esclavagisme, la famine, l'irrationalité, la pensée magique, les mutilations rituelles sexuelles ou corporelles et l'anthropophagie.

               Je n'ai eu de cesse tout au long de ma carrière de médecin de la Coloniale, des Troupes de Marine, au sortir de l'illustre Institut de Médecine tropicale du Pharo à Marseille de représenter mes illustres Anciens, de sauver parfois, de soulager souvent, de servir l'humain toujours. Secourir était mon combat, sauver, ma victoire quel que soit l'Homme, de Mopti, de Bobo Dioulasso, de Grand Bassam, de Bouaké, de Korhogo, de Brazzaville, de Bangui, de Ndjamena, de Moundou, de Bardai, de Hienghène, de Lifou, de Maripasoula, de Camopi, de Paramaribo, de Mata-Utu, de Tchibanga, de Brazzaville, et bien d'autres villages africains, sud-américains et océaniens.
              Partout et toujours pour l'Humanité, j'ai soigné, soulagé et prévenu, à pied, à cheval, par le ciel, par les eaux des mers, rivières et rapides, dans les déserts, dans les montagnes, dans les forêts, dans les ruines d'un tremblement de terre, dans les tempêtes, dans le feu, sous le feu, mais jamais autant que mes Anciens qui ont pour beaucoup donné leur vie et parfois la vie de leurs proches.
              Monsieur Macron, ayez un peu de respect, d'égard pour tous ces Hommes, pour vous criminels contre l'Humanité, mais en fait les premiers " French Doctors ", la modestie et l'humilité en plus. Et comme le disait, il y a quelques années, le premier doyen de la Faculté de médecine de Dakar " Y a-t-il au monde plus petite équipe d'hommes ayant rendu plus de services à l'humanité souffrante? Y a-t-il au monde œuvre plus désintéressée, plus obscure, ayant obtenu de si éclatants résultats et qui soit pourtant ignorée, aussi peu glorifiée, aussi peu récompensée ? Qui peut prétendre avoir fait mieux, où, quand et comment? "

               Un peu d'histoire, Monsieur Macron. Tous ces Médecins coloniaux, mes héros, sont associés à ces maladies dont certaines ne vous sont pas connues et d'autres vous, évoquerons probablement des souvenirs plus de voyages que d'Histoire, l'Histoire que vous bradez par clientélisme. Ces maladies sont parfaitement bien rapportées par Louis-Armand Héraut, historien de la médecine. La peste, cette maladie tueuse qui élimina au XVe siècle un tiers de l'humanité et sema encore la terreur à Marseille en 1720. C'est le médecin colonial Alexandre Yersin qui, découvrit à Hong Kong le bacille qui porte désormais son nom. Quatre ans plus tard, à Karachi, le médecin colonial Paul-Louis Simond démontre le rôle vecteur de la puce du rat. Soulignons La mort héroïque en soignant des milliers de pestiférés du médecin major Gérard Mesny en 1911, lors de l'épidémie de Mandchourie. On ne peut oublier la mort tout aussi courageuse du médecin colonial Gaston Bourret en 1917 dans son laboratoire de Nouméa. Enfin ce sont les médecins militaires coloniaux Girard et Robic qui réussirent à mettre au point en 1932 à Tananarive un vaccin anti-pesteux efficace. La variole fit l'objet d'une lutte constante dès les premiers temps de la colonisation aussi bien en Afrique qu'en Asie. L'action sans défaillance du Service de santé des troupes coloniales a contribué de façon décisive à l'éradication de cette maladie effroyable qui, faisait en France 10 000 victimes par an à la fin du 18e siècle. La vaccination, qui se faisait au début de bras à bras fut grandement améliorée quand on put inoculer le virus à partir de jeunes buffles, créer des centres vaccinogènes et transporter, grâce à Calmette, lui aussi médecin colonial, la lymphe vaccinale en tubes scellés. La fièvre jaune, affection virale redoutée, endémique en Afrique et Amérique, fit des incursions dans les ports européens au XIXe siècle (20 000 morts à Barcelone). Elle fit de très nombreuses victimes dans le corps de santé colonial, comme en témoignent les monuments de Dakar et de Saint-Louis du Sénégal. Il faut attendre 1927 pour que le médecin colonial Laigret puisse obtenir un vaccin grâce au virus recueilli à Dakar sur un malade. Par la suite la vaccination par le vaccin de Dakar et le vaccin américain Rockefeller permit d'obtenir rapidement un contrôle quasi-complet de cette affection souvent mortelle. Le paludisme, dont le parasite responsable, l'hématozoaire, fut découvert par le médecin militaire Alphonse Laveran à Constantine en 1880. Le paludisme reste la principale cause de mortalité infantile sous les tropiques. Il faisait et fait partie du quotidien du médecin tropicaliste. Les premiers médecins qui s'acharnèrent à le combattre à travers son vecteur, le moustique, furent surnommés par les autochtones les "capitaines moustiques ". Le médecin colonial Victor Le Moal s'illustra particulièrement dans cette lutte anti- moustique à Conakry. La maladie du sommeil ou trypanosomose, parasitose particulièrement redoutable, atteint le système nerveux central en provoquant une apathie, des troubles du comportement et un état de délabrement organique cachectique extrême qui aboutit à la mort. Nombreux sont les médecins qui furent contaminés en la combattant, et parfois en sont morts. Cette affection dépeuplait en Afrique noire des régions entières. Elle fit très tôt l'objet d'études qui vont permettre au médecin colonial Jamot, grand nom de la médecine tropicale de développer son action La lèpre, une autre vieille connaissance, quasi disparue d'Europe, atteint la personne dans son apparence physique ainsi que dans sa dimension sociale. Marchoux va organiser la lutte contre cette maladie mutilante, lutte qui sera poursuivie et développée par le médecin général Richet en collaboration avec Daniel Follereau. De nombreux médecins coloniaux se consacreront à cette lutte difficile, dont Léon Stevenel qui isola le principe actif de l'huile de Chaulmoogra, seul médicament d'une certaine efficacité avant qu'apparaissent les sulfones. La méningite cérébro-spinale à méningocoque, endémo-épidémique en Afrique tuant encore et toujours des milliers d'enfants, dont certains dans mes bras, au Burkina-Faso à Bobo Dioulasso, au Mali à Djenne, dans une zone que l'on nomme encore la ceinture de Lapeyssonie du nom d'un illustre médecin colonial qui a tant dispensé aux pays sahéliens et qui a transmis son savoir à des légions de médecins tropicalistes et à moi-même dans les années 80.

               Médecin colonial, je suis, médecin colonial, je reste, car chemin faisant, je termine ma carrière dans un quartier multiculturel et je soigne hommes et femmes de 49 nationalités différentes dont de nombreux " colonisés ". Nous devons croire que le " criminel " que je suis, ne fait plus peur à toutes ces victimes de la colonisation tant ma patientèle est grande. Les " souffrances endurées ", par la faute du " bourreau-tortionnaire " que je suis, ont été vite oubliées et pardonnées tant l'attachement de mes patients est profonde.
              M. MACRON, votre insulte envers tous ces Hommes dont la devise "Sur mer et au-delà des mers, pour la Patrie et l'Humanité, toujours au service des Hommes " a toujours été respectée jusqu'à la mort pour certain, ne fait pas honneur à un homme qui pense pouvoir être un jour président. Je vous suis reconnaissant d'au moins une chose : si j'ai pu avoir quelque hésitation à vous écouter au gré de vos shows politiques, tant votre charme de beau-fils idéal, de prince charmant des banques d'affaire, de bonimenteur, discoureur et beau phraseur m'avait interpellé, vous m'avez définitivement libéré de cette faiblesse. Je vous laisse à vos fans, cadres urbains diplômés en communication ou en sociologie, geek asociaux et bobos aux vélos électriques, vous qui n'avez jamais été confronté par vos mandats inexistants ou par vos activités professionnelles à la misère et la pauvreté, à la souffrance, à la violence et la guerre, au communautarisme, à l'islamisme radical. Restez dans votre bulle et qu'elle n'éclate pas.
              Monsieur Macron, bradeur d'histoire, j'ai la mémoire qui saigne.
Le Doc


Lettre d'information - Mars 2021
www.asafrance.fr
Envoi de l'ASAF
      
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GUERRE D’ALGERIE :
Deux poids deux mesures
Posté sur le site asafrance.fr le lundi 08 mars 2021

      Suivant l’une des préconisations du rapport STORA relatif à la recherche d’un apaisement des mémoires de la guerre d’Algérie, le président de la République vient de déclarer qu’un responsable du FLN, Ali Boumendjel avait été assassiné en juin 1957 par l’armée française.

      Cette déclaration inspire quelques réflexions.

      Mettre en cause officiellement, soixante ans après les faits, l’armée française est pour le moins étrange de la part de son chef suprême, qui est le successeur de ceux qui ont donné l’ordre à cette armée, durant la bataille d’Alger, d’éradiquer le terrorisme par tous les moyens.

      Ce n’est d’ailleurs pas l’armée française qui est en cause, mais un membre d’un service spécial, habitué des basses œuvres et qui a lui-même reconnu son crime.

      Cette mise en cause ne tient pas compte du décret d’amnistie n° 62-328 du 22 mars 1962, prévu par les accords d’Evian et stipulant que « sont amnistiées les infractions commises dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre l’insurrection algérienne avant le 20 mars 1962. ».
      Les crimes commis doivent donc être oubliés, ainsi que leurs responsables.
      Précisons qu’un décret identique a été pris à l’égard de ceux qui avaient participé ou aidé l’insurrection algérienne.

      Cet équilibre est une condition indispensable à la réconciliation des parties, comme ce fut le cas avec l’Edit de Nantes, après les guerres de religion qui avaient endeuillé la France.
      Cette déclaration a été faite aux petits-enfants de l’intéressé, dont on observe qu’ils vivent, depuis de nombreuses années, dans le pays qui a commis ce crime à l’égard de leur aïeul. Ils en auraient même acquis la nationalité…

      Le communiqué de l’Elysée est un étrange panégyrique de M. Boumendjel, présenté comme un ardent partisan de la paix mais occultant les suspicions pesant sur lui (et qui avaient motivé son arrestation) au sujet d’attentats qu’il aurait commandités pour prouver son engagement.
      On comprendrait néanmoins la compassion exprimée, notamment à l’égard de sa famille, si, dans un geste d’équilibre et en même temps, la même compassion s’appliquait aussi aux dossiers concernant des militaires français, portés disparus dans des circonstances que leurs descendants aimeraient, eux aussi, voir éclaircies.

      Il en est ainsi, par exemple, de Mme Odette Bouchemal, veuve du capitaine Raymond Bouchemal, officier S.A.S. porté disparu en juin 1958 au cours d’une opération militaire après avoir été capturé vivant et que l’on n’a jamais revu.
      Sa veuve, qui aurait eu bientôt cent ans, vient de mourir, après avoir, comme Mme Boumendjel, consacré sa vie à savoir ce qu’il était advenu du père de ses enfants, mais sans aucun soutien et sans aucune aide matérielle de la part du pays pour lequel son mari est mort.
      Elle avait même tenté, en se rendant à ses frais en Algérie, en 2009, de retrouver les restes de son mari, mais sans succès en raison de l’obstruction apportée par les autorités algériennes.
      Il y a quelques jours, elle est ainsi morte sans savoir, mais heureusement, avant ce communiqué de l’Elysée qui n’aurait fait que rouvrir sa plaie et raviver sa douleur.
      Est-ce bien la voie de l’apaisement souhaité … ?
  Henry-Jean FOURNIER
Président de SOLDIS ALGERIE  

La RÉDACTION de l’ASAF
www.asafrance.fr


" Nous avons gagné la guerre
et perdu la paix "
Makhlouf Mehenni 28 Janv. 2021
ENTRETIEN avec Abderrahmane Hadj-Nacer :

              Abderrahmane Hadj Nacer, essayiste et ex-gouverneur de la Banque d'Algérie, revient sur le rapport Stora, l'ordre néocolonial, le pillage des richesses de l'Algérie, les crimes coloniaux, hirak… ENTRETIEN.

               Au vu de la teneur du rapport de l'historien Benjamin Stora, la repentance de la France vis-à-vis de son passé colonial en Algérie n'est toujours pas à l'ordre du jour. Pourquoi une telle réticence des autorités françaises ?

               Les prises de position de l'Etat français par rapport à la guerre d'Algérie sont liées à la politique interne française.
               Ce n'est pas lié à un rapport à l'Histoire et certainement pas à un rapport à la vérité. L'histoire est toujours écrite par les vainqueurs. Sommes-nous des vaincus ? 20% de la population française a un rapport direct avec l'Algérie et c'est énorme.

               L'Algérie est donc un thème récurrent de la politique française. Il est donc très important de parler de l'Algérie, tantôt positivement, tantôt négativement, tout dépend à quelle partie de la population française on s'adresse.

               Nous sommes davantage confrontés à des enjeux électoraux et donc cela n'a rien à voir avec l'expression d'une vérité. Force est de constater encore aujourd'hui en France, le déni de la réalité, le refus absolu d'aller véritablement dans le fond des rapports entre l'Algérie et la France, parce que, effectivement, pour beaucoup de Français, il s'agit d'une guerre civile qui a eu lieu en Algérie à partir de 1954 car le nord de l'Algérie était une partie des départements français.
               C'est le refus même de considérer qu'il y avait là une entité qui avait sa propre personnalité et sa propre histoire. D'ailleurs, jusqu'à aujourd'hui, certains considèrent que l'Algérie a été créée par la France, comme s'il n'y avait rien, ni géographie ni histoire avant l'arrivée de la France.

               Le sujet revient ainsi à la surface régulièrement, à chaque élection française au niveau présidentiel ou régional. À chaque élection à Marseille ou à Paris, on voit le prétendant maire de la ville qui veut se faire réélire venir prendre des images à Alger.
               Vous remarquerez que les images sont souvent prises dans l'Alger colonial, pas dans la Casbah ni dans l'Algérie qui a été construite après l'indépendance. Le message qui se veut subliminal est celui de la mission civilisatrice de la France.

               " Nous avons perdu la paix au congrès de Tripoli dès le moment où l'ordre néo colonial a prévalu "
               La partie algérienne attendait pourtant au moins des pas significatifs…

               Le rapport Stora répond à une commande politique liée à la prochaine échéance présidentielle en France. Il y a une différence avec ce qui s'est passé lors de la préparation des élections en 2016-2017. Il s'agissait, alors, de convaincre l'électorat musulman que le candidat Macron était prêt à aller loin, on a donc parlé de crimes contre l'humanité.
               Or, cette fois-ci, on est dans la course à l'extrême droite étant donné la droitisation des opinions publiques européennes et occidentales en général. Nous sommes dans un cas de figure où il faut se débarrasser des complexes liés à la colonisation. Cela évidemment conforte l'attitude de déni historique de la responsabilité de ce qui s'est passé en Algérie.
               Il est important de souligner que dans cette séquence comme dans cette affaire, nous ne sommes pas concernés et c'est pour ça que surréagir au rapport Stora pose problème.

               Cela étant, si on devait véritablement faire ce travail, cela signifierait d'abord que nous le fassions en tant qu'entité autonome. Or nous avons un problème, nous avons gagné la guerre en 1958 déjà, mais nous avons perdu la paix au congrès de Tripoli dès le moment où l'ordre néo colonial a prévalu.

               Donc tant que l'Algérie est dans cet ordre, il est très très difficile d'interroger l'Histoire d'un point de vue différent de celui du dominé. Cela est d'autant plus difficile que la France, dite pays de droit, a interdit l'accès aux archives malgré la loi. Il est vrai que les Français pourraient être surpris d'apprendre la vérité sur la main rouge, L'OAS, les exactions du 5 juillet à Oran, l'opération valise ou cercueil ou encore le sort funeste programmé des harkis.

               " Donc que doit-on réclamer à la France ? "
               Cette question des archives est primordiale. Qu'est-ce qu'elles pourraient nous apprendre au-delà des crimes coloniaux, du nombre de victimes ou du déroulement précis des événements ?


               Ces archives nous concernent nous, non seulement parce qu'elles traitent de 1830 à aujourd'hui, je dis bien aujourd'hui, c'est-à-dire 2021, mais les Français ont aussi pris les archives de la période ottomane, de la Régence d'Alger et celles des différentes zaouïas dont certaines remontent au 10e siècle.
               C'est-à-dire de l'Algérie qui existait avant l'arrivée de la France. Dans ces archives, nous pouvons découvrir beaucoup des choses qui montrent d'abord l'indépendance de l'Algérie de l'époque, mais aussi certains chiffres clés, par exemple, le chiffre des impôts qui nous donne une population de dix millions d'habitants au moment où est arrivée la France.

               Mais il faut reconnaitre que même nos propres archives nous sont interdites, les archives du MALG et de l'Algérie indépendante ne sont pas accessibles aux chercheurs algériens. Se pencher dans ces conditions sur l'Histoire coloniale ou néocoloniale est quelque chose d'extraordinairement complexe et d'impossible.
               Cela étant, si nous pouvions le faire, ce n'est pas à l'occasion d'un rapport rédigé en six mois. Il faudrait des commissions composées de spécialistes très différents, notamment des anthropologues, des ethnologues, des sociologues, des démographes, des économistes, des statisticiens, des historiens…

               Par exemple, s'il n'y avait pas eu les génocides d'Algériens, la population algérienne serait de l'ordre de 80 millions d'habitants. Si on prend en considération la réalité de l'Histoire, le Trésor d'Alger, qui a été chiffré par les Français eux-mêmes à 500 millions de francs de l'époque, soit l'équivalent de la moitié des revenus de la France de l'époque.

               Donc que doit-on réclamer à la France ? La restitution du Trésor ? On serait loin de l'évaluation de Pierre Péan, cinq à six milliards d'euros, mais d'infiniment plus ! Pour être relatif, le montant serait de l'ordre du tiers du PIB français, c'est-à-dire 700 milliards d'euros.

               Si l'on devrait chiffrer le nombre d'Algériens qui manquent, il s'agirait de 35 millions. Et si on applique le chiffre le plus bas relatif aux indemnisations concernant la Shoah, soit 5 000 dollars par individu disparu, je vous laisse calculer. Je ne parle même pas de ce qui apparaîtrait comme une broutille, la dette du blé pour nourrir les troupes napoléoniennes.
               On peut aller encore plus loin, en reprenant l'argumentaire du GPRA concernant le Sahara, l'Algérie a été amputée de toute la partie occupée par les touaregs et conquise à partir de l'édification de l'État Rostémide. Comment évaluer ce trauma ?

               " Or, tous nos gens de très grande compétence sont pillés. "
               Peut-on alors considérer que la France refuse l'idée de présenter des excuses pour ne pas voir la revendication passer à une autre étape, celle de l'indemnisation ?


               Ça va bien au-delà de ça. Pour que la France puisse présenter des excuses, il faut que l'Algérie finalise son indépendance. C'est pour ça que le Hirak est un enjeu. Le Hirak a montré une population qui n'est plus dans l'ordre néocolonial pendant que le régime, lui, n'avait pas encore fait sa mue.
               Donc, ce problème ne peut encore être posé maintenant, parce que nous avons même vu l'Algérie gérée à partir des Invalides. Nous avons eu des réunions où il y avait le chef de l'Etat, le chef d'état-major et le chef des services sous le regard plein d'alacrité de François Hollande, comme si cela était naturel.

               Ce n'est même pas une image humiliante, c'est une image qui reflète la réalité du fonctionnement de l'ordre néocolonial. Le rapport Stora n'est d'aucun intérêt pour nous, parce que le pire est en train de se dérouler à un moment où nous avons le plus besoin de regrouper nos forces.

               Car le pillage, ce n'est pas seulement l'exploitation du sous-sol, c'est surtout l'exploitation de la vraie richesse qu'est la ressource humaine. Quand vous avez un système qui ne retient pas ses cadres dont la formation a coûté à la Nation, les plaçant en situation de précarité sociale et politique, qui les livre à un système qui, lui, accorde facilement des visas aux ingénieurs et aux médecins et qui vous demande de reprendre tous ceux qui ne plaisent pas aux autorités européennes, il y a là, un problème grave.
               Il s'agit d'un pillage par consentement mutuel. Un médecin, c'est un million de dollars de formation et ça rapporte 500 000 euros par an en termes de revenus. C'est aussi le cas d'un informaticien, d'un polytechnicien… Or, tous nos gens de très grande compétence sont pillés.
               Par contre, nous devons devenir les gardiens de prison de ceux qui ne sont pas compétitifs. On peut dire que les gens sont attirés par les conditions de vie meilleures et que personne n'est venu les prendre de force, mais ça, ce sont des techniques modernes de pillage.

               Quand vous avez un système de visas qui est totalement inique, quand vous avez n'importe quel ministre de souveraineté qui est prêt à s'humilier pour obtenir des visas pour ses enfants, vous n'avez en réalité plus de ministère de souveraineté.
               Les gens compétents représentent 3 ou 4% de la population, la règle aurait voulu que lorsque vous accordez un visa à un médecin, vous en accordez infiniment plus à d'autres catégories dont les chômeurs pour représenter la population algérienne. Si vous ne le faites pas, vous faites du pillage.
               Évidemment, il faudrait mettre tout cela sur la table. Je ne veux même pas aborder les contrats économiques où même lorsque vous signez avec un chinois, vous payez la dîme à un français comme le montre si bien l'autoroute est-ouest. Ni le recel généralisé des biens et fonds mal acquis.
               Mais d'ailleurs, remontons un peu dans le temps. Au XVIe siècle, François 1er a signé des accords avec la Sublime porte et d'autres avec la Régence d'Alger. Les gens disent que la Régence d'Alger n'était pas indépendante, mais ce n'est pas vrai. C'est comme si on disait aujourd'hui que la France n'est pas indépendante parce qu'elle fait partie de l'Union européenne ou de l'Otan.

               L'Algérie avait accepté des accords de protection du commerce de la France par rapport à ses concurrents, les Anglais, les Hollandais, etc. Est-ce que nous avons été payés pour ça ? Évidemment non. Ça aussi, il faudra le mettre sur la table. Nous avons apporté beaucoup au commerce français et la France nous a apporté de la duplicité.
               Dans notre naïveté permanente, nous croyons aux accords, comme l'Emir Abdelkader qui a cru à tous les traités qu'on lui a fait signer alors qu'il a été traité comme un vulgaire prisonnier, y compris au château d'Ambroise.

               Le génocide qu'a subi l'Algérie est un génocide qui n'a pas de nom. Non seulement on a tué des gens, non seulement on les a enfumés, le plus important c'est qu'on a voulu modifier la structure mentale, les caractéristiques culturelles de la population algérienne. On a fait revenir à l'âge de la pierre une société qui était cultivée, qui était savante.
               Donc s'il faut parler de l'histoire, il faut revenir au moins au XVIe siècle. Comment en déterminer le prix ? Comment construire une relation apaisée ? Comment expurger la haine et la duplicité ?

               " La torture (…) a été tuée par celui qui l'a mise en œuvre "
               Vous dites que le rapport de M. Stora est sans intérêt pour nous. A-t-il peut-être veillé à ne faire que des propositions réalistes, c'est-à-dire qui peuvent facilement être mises en œuvre ?


               Il ne faut pas en vouloir à Benjamin Stora, qui fut un historien honnête et qui a fait ce qu'on lui a demandé de faire, car il ne faut l'oublier, aujourd'hui, il est plus fonctionnaire qu'historien et là, il n'est pas dans la recherche mais dans la réponse à une question politique et électoraliste.
               Je dirais que ce sont des propositions sans intérêt historique, mais des propositions qui visent au niveau du droit à éteindre une revendication. Quand vous voulez étouffer une affaire, vous la jugez.
               C'est le principe du fait jugé. Ce qui se passe aujourd'hui avec le rapport Stora, c'est ce qui s'est passé antérieurement avec des tentatives à l'époque de Jacques Chirac ou de François Hollande, c'est-à-dire en parler pour ne pas en parler.

               D'ailleurs, vous remarquerez que la torture, qui est quand même une tache énorme pour l'armée française, comme les événements d'Abou Gharib pour l'armée américaine, a été tuée par celui qui l'a mise en œuvre, c'est-à-dire le général Aussaresse.
               Celui-ci a fait un livre et puis on n'en parle plus, or c'était à nous d'en parler. C'est aussi ça l'ordre néocolonial, ils font des livres et ils tuent le sujet. Comme je l'ai dit, nous avons perdu la paix en 1962, et tant que nous n'aurons pas achevé le processus de recouvrement de la paix, nous ne pourrons pas aborder les questions d'Histoire parce que nous ne nous autorisons pas à le faire.

               " J'ai eu à dire que le Hirak a gagné "
               Quelques semaines avant la remise de ce rapport, il y a eu une vive polémique suite à des propos du président français sur la situation politique en Algérie. Quelle lecture peut-on faire de ces propos ?


               J'ai eu à dire que le Hirak a gagné, non pas parce qu'il a désigné des gens à la tête de l'Etat, mais parce qu'il a remis en cause l'ordre néocolonial. On sait que les " régime change " ou les " révolutions de couleur " ne correspondaient pas aux intentions affichées, c'est-à-dire la démocratie, mais à affaiblir ou changer des régimes.
               Dans le cas de l'Algérie, c'était comment renouveler le régime finissant de Bouteflika dans un contexte où les rapports de force n'étaient pas clairs. Mais le Hirak a montré une si grande autonomie que la seule intelligence qui a pu se développer c'était celle d'enfourcher ce Hirak, avec l'idée saugrenue que dès qu'un nouveau pouvoir sera installé, tout rentrerait dans l'ordre.
               Or, pour cela, il faut un compromis historique. Tel qu'il est conçu par les décideurs habituels, le compromis c'est un accord entre les décideurs et un adoubement de l'étranger, la France en premier.

               Mais on a oublié que le Hirak avait sa propre autonomie et a donc refusé d'adouber l'accord, de la façon la plus simple. D'abord le Hirak a continué, et puis il n'y a pas eu de vote malgré toutes les manipulations.
               Si par ailleurs les chiffres qui ont été publiés sont proches de la réalité, cela montre qu'il n'y avait pas encore de compromis à l'intérieur du système. Par contre, manifestement, les propos du président Macron montraient qu'il y avait eu un compromis partiel avec l'étranger.
               Donc nous avons un système avec une partie qui avait un accord avec l'étranger et d'autres parties qui n'ont pas été dans le compromis, alors que la population elle-même a été exclue de ce compromis. Ce que n'arrive pas à comprendre le système, c'est qu'il n'est plus possible d'avoir un compromis sans un accord minimum avec la population.
               Par ailleurs, il convient de replacer les interventions du président Macron dans le contexte de la politique intérieure française.

               Lorsqu'on reproduit en métropole les conditions de l'aménagement du territoire inique des colonies et que l'on parque dans des cités insalubres les exclus de la croissance puis que l'on montre du doigt l'islam et qu'enfin on parle de séparatisme, c'est que de façon évidente la guerre d'Algérie n'est toujours pas soldée et que la France non plus n'a pas gagné la paix.

              

SOUVENIRS

Pour nos chers Amis Décédés

Nos Sincères condoléances à leur Familles et Amis




Envoyé par Mme Del Medico

Décès de M. Eugène Del Medico


"Chers(es) amis (es),

Je vous fais part du décès de mon mari et vous demanderais si possible de bien vouloir faire paraitre dans une prochaine édition de la seybouse l'annonce de son décès (16 Mars 2021) ainsi que la photo de l'ASB ci-jointe, club dans lequel il jouait.

D'avance je vous en remercie.
Mme Jeannine DEL MEDICO






LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.
             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

 LA VILLE DE BÔNE A SUBI UNE MISE A JOUR TRES IMPORTANTE
AU MOIS D'AOUT 2020   

CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers


Lutte contre le terrorisme

Envoyé par Odette
https://www.elwatan.com/edition/actualite/lutte-contre-le-terrorisme-lanp-dejoue-un-attentat-aux-portes-dalger-04-03-2021


Par El Watan - l Par A. Z. 04 MARS 2021

L’ANP déjoue un attentat aux portes d’Alger

         Le terroriste dénommé «Okbaoui Abdi» dit «Abdi Ould Barka», a été capturé à Bordj Badji Mokhtar par un détachement de l’Armée nationale populaire (ANP) «grâce à l’exploitation de renseignements sécuritaires», est-il annoncé dans un bilan opérationnel de l’ANP pour la période du 24 février au 2 mars 2021. «Ledit terroriste avait rallié, en 2016, l’une des organisations terroristes activant au Sahel», est-il précisé dans ce bilan.
         Selon la même source, un autre détachement de l’ANP a découvert, suite à une opération de fouille et de recherche le long de la bande frontalière à Bordj Badji Mokhtar, «une cache d’armes et de munitions contenant 2 pistolets mitrailleurs de type Kalachnikov, 3 chargeurs de munitions, 3 roquettes antichar RPG-2, 3 roquettes antipersonnel RPG-2, 1 grenade antipersonnel FLG, ainsi que 136 balles, alors qu’un autre lot de 2485 balles de différents calibres a été également saisi à In Aménas».

         Le ministère de la Défense nationale (MDN) a indiqué en outre hier dans un communiqué le démantèlement au cours de la semaine d’un réseau composé de trois éléments de soutien à un groupe terroriste, qui active dans les hauteurs de Tipasa.

         «Après investigations, il s’est avéré que l’un des éléments arrêtés dudit réseau avait acheminé une bombe de confection artisanale, qu’il a posée dans un lieu précis aux environs de la commune des Eucalyptus dans la capitale», a ajouté la même source, soulignant que «cet engin explosif, qui devait être utilisé pour perpétrer un attentat criminel à Alger, a été localisé et désamorcé, hier 2 mars 2021, par un groupe d’intervention spéciale de l’ANP dépêché sur les lieux».
A. Z.           


Déchéance de la nationalité algérienne

Envoyé par Richard
https://www.tsa-algerie.com/decheance-de-la-nationalite-algerienne-un-avant-projet-de-loi-choquant-et-inacceptable/

Par TSA-Algérie - Par: Dr Yacine Terkmane 05 Mars 2021

Un avant-projet de loi « choquant et inacceptable »

          CONTRIBUTION. L’avant – projet de loi visant à modifier l’ordonnance N° 70/86 du 15/12/1970 (JO N° 105) complétée et modifié par l’ordonnance 05/01 du 27 février 2005 (JO 15) portant Code de la nationalité algérienne et qui prévoit « la déchéance de la nationalité algérienne d’origine applicable à tout algérien qui commet, en dehors du territoire national » un certain nombre d’actes graves, est choquant et inacceptable à plus d’un titre.

           L’article 6 du Code de la nationalité algérienne stipule : « Est considéré comme Algérien l’enfant né de père algérien ou de mère algérienne ». La nationalité algérienne d’origine d’un Algérien est donc consubstantielle à la nationalité des parents. Elle est de ce fait inscrite dans son ADN, dans son chromosome A 54. Elle est un droit inné et naturel au-dessus du Droit constitutionnel, au-dessus du Droit commun, au-dessus de tous corpus législatif conçu par l’Homme.

           Elle est sacrée et d’essence quasi-divine. La nationalité algérienne d’origine précède même le projet de l’enfant à naitre. Dès sa conception, l’embryon issu de parents algériens est déjà de nationalité algérienne.
          L’enfant né Algérien, le sera toute sa vie et quittera Algérien ce bas monde. Tout comme on ne peut dissocier l’enfant de l’identité de ses parents biologiques, on ne peut le déposséder de sa nationalité d’origine.
          Si la nationalité algérienne acquise en application de la Loi portant Code de la nationalité, octroyée par une autorité judiciaire ou administrative, peut être retirée par l’autorité qui l’a délivrée, il ne peut en être de même pour la nationalité d’origine.

           La nationalité algérienne d’origine n’appartient à aucun pouvoir législatif ou exécutif. Elle est innée, naturelle, définitive, irrévocable, intangible, inaliénable et ne peut faire l’objet d’aucune déchéance. Quel que soit le crime commis, la déchéance de la nationalité algérienne d’origine ne doit et ne peut être envisagée comme une punition faisant partie du corpus législatif.
          L’avant-projet de loi introduit, en outre, une discrimination entre les Algériens. Dorénavant, il y aurait ceux qui commettent des actes répréhensibles à l’intérieur du territoire national et d’autres qui les commettent en dehors. Au nom de quoi les Algériens ne seraient-ils plus égaux devant la loi ? Au nom de quelle logique les Algériens qui résident à l’étranger seraient-ils plus punissables que les nationaux ? Nul Algérien, national ou de l’étranger, n’est au-dessus de la loi. Tout Algérien, national ou de l’étranger est soumis aux mêmes lois.
          Alors que par essence la Loi est impersonnelle et intemporelle, Il ne faut pas être grand clerc ni être sorti de Saint-Cyr pour y voir un avant-projet conjoncturel. Il trouve un début de justification dans le contexte de liberté d’expression dans les réseaux sociaux. Il traduit une velléité d’instrumentaliser le pouvoir législatif pour bâillonner, en amont du pouvoir judiciaire, les voix à l’étranger qui critiqueraient le pouvoir et dont les critiques seraient vite assimilés aux actes répréhensibles prévus dans l’avant-projet de loi.

           Cet avant-projet ne devrait point dépasser ce stade. Si par malheur il devait être adopté par ordonnance, vacance du pouvoir législatif oblige, il serait, tel une épée de Damoclès, une lourde menace sur la liberté d’expression et sur un droit inné et sacré.
Dr Yacine Terkmane                     



Feuille de route du pouvoir,
déchéance de nationalité

Envoyé par Maxime
https://www.tsa-algerie.com/feuille-de-route-du-pouvoir-decheance-de-nationalite-le-hirak-repond-a-sa-maniere/


 TSA-Algérie - Par Makhlouf Mehheni 05 Mars 2021

Le Hirak répond à sa manière

           Le Hirak confirme bien son retour. Les Algériens ont marché ce vendredi 5 mars pour le deuxième vendredi de suite après la reprise des manifestations hebdomadaires le week-end passé, précédée de la célébration grandiose de l’an II du mouvement le 22 février.

           Ce que redoutait le pouvoir depuis quelques semaines est maintenant là, les grandes manifestations de rue sont de retour, la mobilisation est maintenue et les manifestants réitèrent comme au premier jour le même mot d’ordre de changement radical.

           À Alger, épicentre du mouvement, l’itinéraire habituel était noir de monde, dans d’autres villes aussi, à Annaba, Bejaia, Oran, Bordj Bou Arreridj, Tizi Ouzou…
           Le Hirak a repris en fait sans avoir pris une ride depuis la suspension volontaire des marches au printemps dernier pour cause de Covid. Il a gardé son caractère national, sa force de mobilisation, même si on est encore loin des manifestations records du printemps 2019, son pacifisme et la détermination de ceux qui le font.
           Le pouvoir aussi a gardé la même attitude, les mêmes réflexes et ne semble pas avoir autre chose à essayer que les recettes qui n’ont rien donné en deux ans de tentatives de tordre le cou au mouvement.

           Parmi ces méthodes éculées, le bouclage des accès à la capitale pour empêcher les manifestants des wilayas limitrophes d’y accéder, l’encerclement du centre-ville par un dispositif de sécurité impressionnant, les tentatives de procéder à l’interpellation des premiers manifestants.
           Comme lors des 54 marches de 2019-2020 et les deux organisées en février dernier, ces procédés n’ont pas empêché des processions entières d’envahir le centre d’Alger dès la fin de la prière du vendredi. Comme si le temps s’est arrêté au printemps 2020.
           Le drapeau amazigh, pour lequel des dizaines de jeunes ont été envoyés en prison, semble maintenant toléré, mais pour le reste, très peu de changements notables. Le Hirak a surtout retrouvé sa vocation de parlement à ciel ouvert à travers lequel la contestation se prononce sur les événements politiques en cours.

           Comme en 2019, où on répondait, souvent par le rejet, aux propositions de sortie de crise et de dialogue émanant du pouvoir, ceux qui ont manifesté ce vendredi se sont exprimés ce sur le dernier pas franchi par le gouvernement : le lancement du processus d’élaboration d’une loi visant à déchoir de leur nationalité les Algériens établis à l’étranger qui se rendraient coupables de faits graves.
           L’ambiguïté de l’énoncé des actes susceptibles de valoir à leurs auteurs de se retrouver apatrides a fait dire à d’aucuns que le texte est d’abord destiné à faire taire les voix contestataires qui se font entendre à l’étranger, donc un outil supplémentaire pour l’appareil sécuritaire et judiciaire face au Hirak. Beaucoup de ceux qui ont marché ce vendredi 5 mars en sont en tout cas convaincus et l’ont fait savoir par des pancartes expressives.
           « Vous n’allez pas nous faire peur avec la nationalité, la patrie est dans nos cœurs », lit-on à côté d’autres nouveaux slogans imposés par l’actualité brûlante comme ceux dénonçant la torture et les traditionnels « État civil et non militaire » ou « libérez les détenus ».

           Le pouvoir a ses méthodes, le Hirak aussi et l’obstination du premier de ne s’en tenir qu’à sa seule feuille de route n’a d’égal que la détermination du second à la rejeter. L’impasse est bien partie pour durer.
Makhlouf Mehheni                      



Le commerce informel envahit la Coquette

Envoyé par Ida
https://www.liberte-algerie.com/est/le-commerce-informel-envahit-la-coquette-355454

Par Liberté-Algérie - Par: A. Allia le 13-03-2021

Malgré les interventions des agents de l’ordre à Annaba

           Les habitants d’Annaba renouent avec le commerce illicite et les étalages anarchiques de marchandises. © D.R
           L’occupation de tous les coins et recoins et même d’une grande partie de la chaussée des rues et ruelles du centre-ville par ces centaines de camelots pourrait susciter l’attention d’une clientèle, mais elle n’en est pas moins invivable pour les riverains, qui n’arrivent même plus à rentrer ou à sortir de chez eux.
           Débarrassés, pendant des mois, du phénomène du commerce illicite, les habitants d’Annaba renouent avec les étalages anarchiques de marchandises et le spectacle désolant de ces trottoirs inaccessibles aux piétons. L’occupation de tous les coins et recoins et même d’une grande partie de la chaussée des rues et ruelles du centre-ville par ces centaines de camelots pourrait susciter l’attention d’une clientèle, mais elle n’en est pas moins invivable pour les riverains, qui n’arrivent même plus à rentrer ou à sortir de chez eux sans risquer d’être pris à partie par les squatteurs.

           Des témoins rapportent des scènes absurdes d’altercation entre ces derniers et les locataires des immeubles, qui tentaient de se frayer un chemin avec toutes les peines du monde entre les étals de fortune. Des sources affirment que les prises de bec ont dégénéré à de nombreuses reprises en échanges de propos injurieux et même en bagarres, sous le regard blasé des policiers en faction dans les quartiers cités, notamment au niveau de la rue Gambetta et du rond-point d’El-Hattab.
           On se doit de signaler que les agents de l’ordre public ont su se montrer efficaces, quand il s’est agi de chasser, sur injonction expresse du wali et du chef de sûreté de wilaya d’Annaba, les marchands ambulants et les vendeurs à la sauvette. Des interventions énergiques, qui n’étaient que conjoncturelles, en fait, puisqu’à chaque fois les camelots revenaient à la charge et occupaient de nouveau l’espace public pour en faire un bazar à ciel ouvert, que l’on voit aujourd’hui, jusqu’autour du Cours de la révolution.
           Les parties de cache-cache qui s’ensuivent s’accompagnent souvent de la saisie des marchandises exposées sur les caisses empilées les unes sur les autres en guise de tables ou étalées à même le sol. Les plus téméraires d’entre les vendeurs à la sauvette, des jeunes désœuvrés venus pour la plupart des communes avoisinantes, tentent de résister à cor et à cri aux policiers, qui leur confisquent sans ménagement leurs produits.
           Certains d’entre ceux-ci, plus agiles ou mieux expérimentés, réussissent parfois à se soustraire à l’intervention des services de l’ordre et à prendre la fuite, emportant avec eux les vêtements et accessoires qu’ils proposaient à la vente. Les marchands ambulants de fruits et légumes n’ont, quant à eux, aucune chance d’échapper au quadrillage des agents de police, le cas échéant.

           Et on en est là à constater que les chaussées, les trottoirs et les squares de la ville côtière sont toujours livrés à la merci du commerce de rue, au grand dam des vrais commerçants, qui sont les premiers à dénoncer cette situation désolante. “Il n’empêche pourtant pas de reconnaître que les marchands ambulants qui squattent les rues et occupent le domaine public peuvent être considérés comme de véritables acteurs de la vie économique de la ville.
           À ce titre et au lieu de les réprimer et de tenter de les évincer, il faudra étudier la meilleure manière possible de les intégrer dans le circuit commercial légal, en les canalisant et en leur aménageant des espaces dynamiques où ils pourront activer en contrepartie des redevances de location”, suggère l’un des chefs de service de la direction du commerce de wilaya.
           Ce responsable objecte, toutefois, que la faiblesse de l’engagement des autorités dans ce domaine et les habitudes de consommation fortement attachées à l’achat dans la rue pourraient faire échouer l’expérience.
A. Allia                     



Les Migrants

Envoyé par Gauthier
https://www.tsa-algerie.com/le-retour-en-force-des-migrants-subsahariens-dans-les-rues-dalger/


 TSA-Algérie - Par Société le 01-03-2021

Le retour en force des migrants subsahariens dans les rues d’Alger

           On les voit un peu partout, sur les bretelles des autoroutes et dans le centre-ville d’Alger. Après une éclipse de quelques mois, les migrants subsahariens reviennent en force dans la capitale.

           À Alger-centre, à Ben Aknoun et dans d’autres quartiers, ils sont nombreux à squatter les trottoirs et les alentours des marchés et rues commerciales. Les femmes, flanquées de 2 ou 3 enfants tendent la main en suppliant les passants de leur donner une pièce de monnaie.

           Quand aux petits chérubins, ils sont laissés parfois sans surveillance, vadrouillant au milieu de la chaussée sans pantalons ni chaussures. D’autres, pas plus haut que trois pommes, vous tirent par la manche, vous demandant l’aumône, dans un arabe dialectal approximatif.
           Rue Capitaine Menani, à proximité de la rue Didouche Mourad et du siège du RCD, elles sont plusieurs femmes subsahariennes à partager un bout de trottoir.

           Moyenne d’âge, entre 20 et 40 ans. Origine : Mali, Nigéria, Togo… Signe particulier : un bébé entre les bras et deux autres assis à leurs côtés. L’une d’entre elles, mord dans un sandwich offert par un passant, en coupant des petits bouts à ses deux petits garçons.

           Pour l’un des commerçants de cette rue, la situation est intenable. « Ce n’est pas leur place ici ! Ils obstruent l’entrée de nos boutiques et jettent leurs ordures partout. Leur dortoir se trouve à deux pas d’ici, au passage Barnave. Allez- y faire un tour et demandez aux riverains dans quel état ils trouvent leur environnement chaque matin ! »

           Le dortoir du passage Barnave
           Nous nous rendons au passage Barnave (Cité Barnave) qui jouxte le marché Ferhat Boussaâd (Ex-Meissonnier). L’un des habitants de l’immeuble dont l’entrée donne sur ce passage fulmine : « Tous les soirs, à partir de 19 h, des familles entières de migrants subsahariens avec femmes, maris et enfants installent leur squatte ici. Il y a entre 15 à 20 individus. Cela perturbe grandement la quiétude de la cité, en plus des conditions d’insalubrité que cela implique. Le matin, nous découvrons urines et excréments dans les recoins. Les odeurs sont intenables. Il y a aussi toutes sortes d’emballages et de cartons. Par ces temps de pandémie, cette situation augmente les risques de contamination au Covid-19 ».
           L’un des commerçants ayant son magasin sur ce passage a du mal à contenir sa colère devant cette situation : « Nous avons attiré l’attention de la police. Les agents de sécurité les pourchassent, mais ces migrants finissent par revenir. Leur nombre ne fait qu’augmenter. Chaque nuit, ils s’installent ici pour la nuit, étalent leur literie sur des cartons et laissent ce passage jonché d’ordures, avant d’aller mendier. Les pouvoirs publics doivent réagir au plus vite ».

           La générosité des Algériens
           La plupart de ces migrants subsahariens s’adonnent à la mendicité, afin de survivre. Apitoyé par ces femmes flanquées d’enfants en bas âge, les passants font preuve de générosité en leur achetant à manger.
           Ils leurs donnent aussi des vêtements, des médicaments et un peu d’argent. Certains offrent aussi des couches et du lait pour bébé comme nous avons pu le constater lors de ce reportage.

           En cette période de pandémie, la présence de ces migrants inquiète au plus haut point les citoyens. « Ils pourraient être un vecteur de transmission du virus. Tous les jours, ils vous abordent, vous touchent pour vous demander de l’argent. Ces migrants d’Afrique subsaharienne vivent dans la rue, dans un manque criard d’hygiène », observe un passant.
           Organisé en réseau, avec des femmes et des enfants en avant-poste, le flux migratoire subsaharien retrouve du poil de la bête ces dernières semaines après une période d’accalmie. Une situation qui pourrait devenir incontrôlable, dans les mois à venir si les pouvoirs publics ne réagissent pas avec diligence.
           L’Algérie fait face à un afflux considérable de migrants subsahariens qui fuient les difficultés économiques et les guerres dans leurs pays, mais les conditions de leur prise en charge sont mauvaises. Ils sillonnent les rues d’Alger et des villes et mêmes des villages pour demander l’aumône, alors que certains travaillent au noir dans des chantiers du bâtiment ou comme domestiques.
           Pour lutter contre ce phénomène, le gouvernement organise régulièrement des opérations de rapatriement ou d’expulsion des migrants vers leurs pays.

           En octobre dernier, l’ONG Humain Rights Watch (HRW) a indiqué que l’Algérie a expulsé plus de 3 400 migrants dont d’au moins 20 nationalités différentes, dont 430 enfants et 240 femmes, vers le Niger depuis le début du mois de septembre. En dix mois, l’Algérie a expulsé 16.000 migrants vers le Niger, dont la moitié sont des Nigériens, selon la même source.
           HRW a rappelé que l’Algérie a conduit 50.000 migrants subsahariens au Niger en 2018 et 2019. L’ONG avait demandé au président Abdelmadjid Tebboune de « mettre fin aux détentions arbitraires et aux expulsions collectives, enquêter sur les abus présumés et mettre en place des procédures d’examen individualisé, équitables et légales pour les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière ».
           En novembre 2019, l’Organisation internationale pour les migrants (OIM) avait indiqué que 500 migrants subsahariens arrivaient chaque jour en Algérie, qui est régulièrement l’objet d’accusations de la part notamment des ONG de défense des droits de l’Homme, de maltraiter les migrants subsahariens.


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Idries Shah et le Soufisme
Envoyé par Fabien
Le renard sans pattes
Dans l’enseignement soufi, chaque élève reçoit les conseils et les leçons appropriées à son cas et à son degré de développement. Les contes soufis, ou histoires enseignements, constituent la clé de voûte de cette spiritualité profonde.

    Mahmoud ne sait comment mener sa vie. Il prend conseil auprès d’un sage soufi : « Va dans la forêt, Mahmoud. Prends exemple sur la nature qui te donnera une leçon de vie » Mahmoud obéit. Près d’un buisson se prélasse un renard, la panse rebondie. Pourtant il n’a pas de pattes. Mahmoud est intrigué. « Comment ce renard fait-il pour se nourrir ? » Bien décidé à en avoir le cœur net, il fait le guet. Peu après, un ours abat une gazelle, la dévore bruyamment et abandonne la carcasse.

     Alors le renard sort du buisson, rampe jusqu’à la proie pour grignoter les restes. « Voilà une leçon bien facile à comprendre » se dit Mahmoud. Sûr de son fait, il quitte la forêt, bien décidé à tirer parti de cette excellente leçon de vie.

     Deux ans plus tard, un clochard famélique toque à la porte du sage soufi. Sous ses haillons crasseux, le soufi reconnaît Mahmoud qui pleurniche : « Ton conseil ne m’a pas aidé, la nature m’a donné une mauvaise leçon, gémit-il. Je suis allé dans la forêt, j’ai vu un renard sans pattes, grâce à l’ours il ne manquait de rien. Comme le renard je me suis assis sans rien faire pour attendre les cadeaux de la vie.

     Mais rien de bon ne m’est arrivé, et à présent je suis misérable, malade et sans ressources »
     Le sage hoche la tête : « La leçon était parfaite, c’est l’élève qui était mauvais. Tu as des pattes, pourquoi imiter le renard ? Ton modèle était l’ours. Sers-toi de tes pattes pour te nourrir et pour nourrir les faibles. » (source)

     Quand tu auras renoncé à l’espérance, je t’apprendrai la volonté. (Sénèque)




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