N° 212
Janvier

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Janvier 2021
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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JOYEUX NOËL ET VOEUX 2021,
A VOUS TOUS LES BÔNOIS
ET AUTRES COMPATRIOTES.
D’un Oranais aux antipodes qui pense à vous. Bonne santé

Henri Palles





EDITO
2020 est mort, Vive 2021 ! 

         Chères lectrices, chers lecteurs, l'année 2020 se termine mal, même très mal du point de vue économique, morale, et santé. Pour la nouvelle année, La Seybouse, ses collaborateurs et son webmaster vous remercient de votre fidélité et que cela continu pour nous retrouver mensuellement, ils vous présentent leurs vœux les plus sincères de bonne et heureuse année et surtout de bonne santé. Nous vous souhaitons de partager des moments de convivialité et de bien être avec vos familles et amis.
         Souhaitons que 2021 soit pour vous un voyage merveilleux de douze mois de joie, 365 jours pour être heureux, 52 semaines pour que tous vos projets, petits et grands, se concrétisent et que vous puissiez, dans la sérénité, surmonter les difficultés qui vous préoccupent.

         Malgré le tour pendable que le " président " est en train de jouer contre notre communauté mais aussi contre la France, souhaitons que nos souffrances physiques et morales, l'injustice, l'hypocrisie, la jalousie, la méchanceté, la bêtise humaine, l'indifférence, la discrimination, l'intolérance, auxquels nous devons encore faire face plus de 50 ans après notre exode, que tout cela disparaisse.

         Depuis presque 20 ans, chers Amis, vous avez apportez un grand soutien à la Seybouse par vos messages et documents. Ce soutien démontre que cette modeste " Gazette d'amateur " joue un rôle essentiel dans la transmission de notre mémoire. Il a permis des retrouvailles et il permet un lien social entre tous et dès lors, chère lectrice, cher lecteur, si vous désirez continuer à apporter une pierre à cet édifice, le meilleur moyen c'est de chercher chez vous, dans votre famille et dans vos alentours, tout ce qui se rapporte à notre pays de naissance et de me faire parvenir tout cela afin de le faire partager amicalement.

         Je veux aussi tout simplement vous remercier d'être mes amis fidèles et vous dire, que vous m'êtes essentiels dans cette tâche mémorielle.
         " Les bons amis sont comme les étoiles. On ne les voit pas toujours, mais on sait qu'ils sont toujours là. " (Inspiré de Bob Marley)

         Amicalement et sincèrement.
Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
A tchao.
Image de M Guillem Régis


Une histoire pour Noël 2020
Par M. Marc Donato


          Dans cette période de Noël, j'ai assisté à une scène qui m'a stupéfIé tant je n'en avais plus vu depuis des lustres : autour du sapin fraîchement installé sur la place, quatre enfants se poursuivaient en chantant cette comptine de leur cru : Hannibal, trou de balle! Hannibal, trou de balle…
          Pourquoi Hannibal, trou de balle ?
          Dans leur candeur juvénile, ces gamins avaient-ils déjà entendu parler d'Hannibal ? Et de trou de balle, alors ? Mais n'épiloguons pas : "caca boudin" ou bien "ça te dérange, peau d'orange ?", Encore "Cacahuète, pirouette", "haut les mains, peau de lapin", qui résonnent dans les cours de récré n'amènent pas non plus de commentaires. Laissons toute sa vertu à cette naïveté puérile ; au diable les philosophes à tout crin.

          Il n'y a plus d'enfants qui jouent dans les rues… Pourtant, on les avait vus en bandes joyeuses, il y a bien longtemps, parcourir les chemins du terroir partant de la campagne familiale pour rejoindre l'école du village et vite se dégourdir les doigts ou sécher la pèlerine trempée par la pluie autour du poêle à bois de la salle de classe. Mais cela, jusqu'aux premiers fruits qui vidaient l'école en partie au grand dam du maître impuissant.
          - C'est que, sauf votre respect, on a besoin d'eux pour les cerises, Monsieur l'instituteur.

          Plus tard, les réunions vespérales à la fraîche, dans des rues que les voitures n'avaient pas encore colonisées réunissaient jeunes et vieux, garçons et filles jusqu'à une heure avancée de la soirée. Les anciens enfourchaient leur chaise à l'envers pour mieux s'accouder au dossier et pendant qu'ils refaisaient le monde ou taillaient un costume à celle du bout de la rue, les filles jouaient à la marelle, portaient la galette au four ou faisaient tourner une corde qui ne demandait qu'à faire chuter : Le palais royal est un beau palais… Toutes les jeunes filles sont à marier… De leur côté, les garçons tournaient autour du pot, ce trou où il fallait loger sa bille pour gagner l'agate de l'adversaire d'un moment.

          Mais un jour, des savants ont inventé la télévision et la playstation. Alors Zitrone et les Carpentier ont bâti le solide et durable autel du chacun chez soi et Spacewar a érigé l'arc de triomphe du solitaire. Adieu les réunions entre voisins, au grenier les chaises paillées, au revoir les z'enfants, comme aurait dit Louis Malle.
          Et par là-dessus nous arrive Covid qui en remet une couche avec son cortège de confinement, distanciation et couvre-feu. Voilà pourquoi, les gamins qui couraient en chantant "Hannibal, trou de balle", cela m'a ému, je l'avoue.
          Et puis… Innocence de l'enfance : savaient-ils qu'ils avaient créé un formidable choc des mots en trouvant une rime riche à Hannibal. En deux mots, ils avaient uni Histoire et trivialité. Il fallait le faire : le grand Hannibal Barca si proche d'un trou du c… Et ne croyez pas que le dernier nommé soit inintelligent ! Rappelez-vous cette histoire des organes d'un corps humain privés de leur cerveau atteint de je ne sais quelle maladie. Ils se cherchaient un chef et chacun avait fait acte de candidature sans que cela ait soulevé une quelconque indignation. Mais quand le trou du c.. se proposa, ce fut une hilarité générale, tout d'abord, suivie par une vague d'indignation
          - Quoi ? Un trou du c.. pour chef ?
          Alors, vexé, le trou en question décida de se mettre en grève pour montrer qui était le plus fort. Au bout de quelques semaines, le cœur ne chamadait plus, les intestins guerroyaient intestinement, les poumons covidaient et la rate ne globulait plus. Ils rendirent les armes les uns après les autres et le trou fut élu chef de tous les organes. Il paraît que depuis on affirme que dans bien des hiérarchies, il y a pas mal de chefs qui sont des trous du c…

          Et Hannibal ? Ce général carthaginois est bien connu en Haute Provence. Il est censé avoir remonté la Durance et franchi les Alpes. Même avec l'autoroute jusqu'à La Saulce, fallait le faire ! Et avec des zéléphants, de surcroît, même, que de nombreux villages pensent qu'il est passé chez eux, comme Dauphin, en haute Provence, qui arbore fièrement un néléphant sur ses armoiries. Fallait-il qu'ils soient forts et vigoureux ces éléphants pour passer les cols et rejoindre la Cisalpine ! Covid ? Connais pas. Point de fatigue. C'est vrai que je ne les vois pas éternuer. Comment auraient-ils pu mettre le bout de leur trompe dans leur coude ? Non, ils n'ont pas, comme le pangolin, la chauve-souris ou le vison, transmis le virus à ces troupes bigarrées constituées de gaillards prêts à affronter l'orgueilleuse cité romaine. Hannibal avait dit à ses hommes qu'après avoir passé Pâques au tison dans les Pyrénées, il leur promettait de passer Noël au balcon pas loin de Naples. Je suis sûr que le Petit Jésus me permettra cet anachronisme hardi.
          Voilà donc nos valeureux soldats se plantant pour plusieurs mois comme des santons napolitains à Capoue. Ah ! Capoue et ses délices… On connaît les calissons d'Aix, la madeleine de Proust, les bêtises de Cambrai et le saucisson d'Arles. Et bien, Capoue brille par ses délices, les délices de Capoue, dans lesquels fantassins et cornacs se sont endormis : le chaud soleil de Campanie, les rouges Aglianico et Fiano coulant à flots, les brunes Capouanes à la peau mordorée (les femmes encore et toujours les femmes) ont amolli les troupes d'Hannibal plus que Covid 19 eût pu le faire. Et on se demande comment l'illustre stratège n'avait pas prévu cela. Les délices de Capoue auront été néfastes à son entreprise. Oui, finalement, Hannibal a fait preuve de son incapacité, c'était vraiment un trou du c… et les gamins avaient bien raison de faire rimer Hannibal avec trou de balle.

          2020 aura été l'annus horribilis, l'année terrible, comme l'a si bien dit Elisabeth II du Brexit, Her Majesty britannique inoxydable.
          Vous remarquerez que la double consonne de "annus" évite de tomber dans le trou dont il a été question précédemment, même si l'oreille de certains malveillants ou le sonotone d'autres malentendants auraient tendance à semer la confusion !!!

          Que 2021 soit plus paisible et nous ramène à des normes vitales plus raison-nables que celle que nous avons vécues cette année passée. C'est tout ce que je nous souhaite.

Marc Donato -décembre 2020


Six à table
Conte de Noël

          Depuis neuf mois Covid s'incrustait. Confinement, déconfinement, masques, couvre-feu, laissez-passer... Rien n'y fit, Covid était là et bien là.
          Et maintenant, Noël 2020 arrivait. Que faire ?
          La messe fut dite. Monseigneur Castex avait lu avec rigueur l'évangile de la semaine, l'archiprêtre Véran, d'un air toujours hilare, avait prononcé son homélie et le diacre Salomon avait débité son sinistre obituaire hebdomadaire.
          - Pour Noël, pas plus de six à table, avait asséné le premier des tous les ministres.

          Panique dans bien des familles. Les grands-parents à la cuisine !
          Ainsi 67% des Français annoncèrent qu'ils allaient transgresser.
          Des qui furent bien embêtés, ce furent les 10 doigts de la main. Depuis toujours, ils avaient été de tous les repas accompagnant les symposiums hellènes, les prandia romains, la Cène, même, et, bien sûr, tous les réveillons de Noël. Et voilà que cette année, il ne fallait pas être plus de six à table ! Comment allaient-ils faire ?

          Chez les 7 nains, ils avaient décidé. Atchoum ne rentrerait pas : trop contagieux avec le Covid ; Dormeur resterait avec lui : de toute façon, il roupillait toujours à table. Joyeux serait de la partie, on avait bien besoin de lui pour remonter un moral en berne, Prof rappellerait les coutumes calendales, Simplet baderait dans son coin comme à son habitude sans poser de problème. Timide, c'était de tradition, se ferait houspiller par Grincheux, et, bien sûr, il y aurait cette merveilleuse Blanche Neige qu'on aurait invitée pour le réveillon. Voilà pour six.

          Mais les doigts ? Ils étaient dix ; comment faire ?
          A l'annonce du trio ministériel, les deux mains décidèrent de tenir conseil. Au début, main dans la main, tout se passa bien, mais sans qu'il fût décidé quoi que ce fût au bout de longues heures de discussion. Aucune des deux ne voulait concéder une parcelle d'exclusion. Finalement, irritée, la dextre proclama avec autorité :
          - Après tout, c'est bien moi qui commande. Les cinq doigts de ma main seront de la soirée.
          - Oh là ! S'écria la sénestre, offusquée. Que nenni ! Chez les gauchers, c'est bien moi qui dirige !

          Un manchot eût sans doute arrangé l'affaire. Une affaire qui gonfla sans qu'on pût trouver de solution. Dextre et Senestre avaient failli en venir aux mains. Alors, les doigts qui, on le sait, s'entendaient comme les dix doigts de la main, proposèrent de se réunir deux par deux pour tenter de trouver une issue à ce jeu de mains qui tournait au jeu de vilains. Les majeurs, se souvenant du lion (A moi la plus grosse part parce que je suis lion) prirent la parole et de leur voix tonitruante, ils annoncèrent péremptoirement :
          - Nous, nous serons présents parce que nous sommes les plus grands. Toi, l'index, tu seras mis à l'index et tu resteras dehors, car tu es toujours prêt à nous montrer du doigt et si nous sommes plus de six, tu nous dénonceras.
          - Si vous voulez un coup de pouce pour le repas, nous serons là, dirent les deux gros.
          - Nous, les auriculaires, nous voulons être de la fête. On entend tout : le creux de l'oreille est notre ami et il nous prévient tout de suite de la présence policière. Et puis, on est tout petits, on ne tient pas de place !
          - Nous, les annulaires, nous sommes les quatrièmes doigts de la main ; nous ne voulons pas être la cinquième roue de la charrette ! Et nous, on est branchés sur le cœur, directement, c'est pour cela qu'on porte la bague de fiançailles et l'alliance, vous ne voudriez pas qu'on soit absents ?
          Et patati et papata... Un vrai conseil des ministres ! Toujours dix. Quatre de trop.

          L'affaire s'envenima. Fallait-il retenir deux pouces, deux annulaires et deux majeurs ? Ou bien deux majeurs, deux pouces et deux auriculaires ? Ou bien ?... Bref, on n'en sortait pas.
          C'est l'index droit, vexé par ce que les majeurs avaient osé dire, qui leva le doigt et demanda la parole. .
          - Je trouve stupide cette querelle entre nous. Vous savez tous qu'on a besoin les uns des autres, que nos deux mains vont toujours ensemble. Comme dit le proverbe oriental : une main lave l'autre et les deux lavent la figure...

          Et les huit autres doigts d'applaudir... des deux mains. Alors, poursuivant :
          - Je vous propose de nous réunir tous les dix autour de la table, le soir du réveillon : pour défaire les cadeaux autour du sapin, ils auront bien besoin de nous dix. Dénouer les rubans, écarter les papiers, ouvrir les présents, sentir les parfums, remonter les mécanismes, goûter les friandises... Oui, nous ne serons pas trop de dix, nous serons bien utiles tous ensemble.
          - Bravo ! C'est bien vrai, ça, convinrent les autres. Allons donc, c'est une bonne idée : nous resterons unis comme d'habitude.
          - Nous, les auriculaires, nous vous avertirons de l'arrivée du Père Noël.
          - Nous, les pouces, on lui indiquera le chemin pour éviter qu'il se perde. Par ici, par ici..., dirent-ils, geste à l'appui.
          - Nous, les index, nous lui montrerons la cheminée...
          - Nous, les annulaires, nous aiderons Monsieur à glisser l'alliance sertie de diamants, qu'il a offerte à Madame pour leur anniversaire de mariage.
          Alors Dextre et Sénestre fondirent en larmes... de joie. Le drame avait été évité.

          Après une douche au gel hydro alcoolique, elles sautèrent par-dessus la barrière et se donnèrent une solide poignée de mains puis une franche accolade, comme elles ne l'avaient plus fait depuis des mois de Covid.
          - Et puis, dirent-elles en reniflant, si on nous contrôle, on ne dira pas qu'on était dix, on dira qu'on était deux, deux mains amies, deux sœurs jumelles réconciliées, réunies par l'esprit de Noël.
          - Mais M'sieur, vous en avez oublié...
          - Ah, oui, les grands... A vous le mot de la fin, Messieurs,
          - Et nous, les majeurs, on fera un doigt d'honneur au Covid !

          Le plus joyeux des Noëls possible pour vous.
Marc DONATO
Noël 2020


BON BOUT D'AN ET A L'AN QUE VEN !
Par Hugues Jolivet

            Bientôt, dans quelques heures, Deux Mille Vingt sera mort!
            Un mal venu de Chine, au Monde, a porté tort
            Et sept milliards d'humains, qui avancent masqués,
            Estiment, pour la plupart, s'être fait arnaquer !

            Que de gouvernements n'étaient pas préparés
            A affronter, dans l'heure, un virus déclaré :
            Pénurie de produits de prime nécessité,
            La communication proche de la cécité !

            Ministres et responsables de la Santé Publique,
            Souvent en désaccord sur les mesures cliniques,
            Paradent sur les plateaux des grandes chaînes d'info
            Accusent leur opposants de fautes et de défauts !

            Pour Deux Mille Vingt et Un, une course aux vaccins !
            Un marathon géant dans un climat malsain,
            Quant aux bons résultats prônés par les labos
            Que des experts contestent s'ils mènent au tombeau !

            Que l'Etoile de Noël, qui dirigea les Mages
            Vers la Crèche du Sauveur, soit pour nous tous l'image
            D'une terre délivrée des angoisses du futur,
            Qu'elle éclaire notre route, dévoile les forfaitures !
            A toutes et à tous, je souhaite "Bon bout d'An
            Ainsi qu'à l'an qué ven" ! Surtout, soyez prudents !

Hugues JOLIVET



TIPAZA
Par M. Hecquard
Photo de M. P. Hecquard
Quel que soit le temps, ensoleillé ou pluvieux, la beauté irréelle du site saisit toujours le promeneur. Le petit poème qui suit évoque Tipaza sous le soleil dont elle se pare le plus souvent …

           Un immense soleil enflammait mille ruines
           Rougies de latérite. Au loin, la mer dansait …
           Les oliviers noueux serraient en leurs racines
           Des marbres de Paros. Le simoun caressait

           Le sable d'une arène aux couleurs de sanguine
           Qui avait vu la mort du dernier gladiateur.
           Mais ces temps n'étaient plus puisqu' une main divine
           Avait dû déposer en ce lieu enchanteur

           La paisible douceur d'une déesse antique,
           Du nom de Tipaza. Au bas d'une colline,
           Dans une anse secrète, abordait un caïque…

           Des lauriers rose, et blancs, venaient sur le forum
           Au pavement serti de la bleue comméline,
           Célébrer les noces de l'Afrique et de Rome…
P.Hecquard
28 juillet 2020


PRELIMINAIRES
ECHO D'ORANIE - N°295
En latin d'Afrique...
Une nouvelle chronique de Gilbert ESPINAL

            - Aye ! fit Angustias en se débarrassant de son manteau dans le couloir de l'appartement de la Grand-mère, j'ai mis cette samarra (1) de fourrure pour lui faire prendre l'air, à que les mites y me la boulottent pas, pasqu'on est en août, et c'est l'époque où elles ont le plus faim !
            - Et depuis quand, les mites, elles bouffent l'acrylique ? sauta la Golondrina.
            - Comme c'est du vison bien imité, y peut tromper les mites comme y trompe les gens. Dans mon quartier, depuis que je le porte, on m'appelle la millionnaire ! Et, de plus, je suis morte de fatigue après avoir fait le chemin à pied de la maison où j'habite dans le XXème j'qu'à chez vous, que y'a des kilomètres et des kilomètres !
            - Voilà, interrompit la vieille femme, ça que c'est de ne pas choisir d'habiter le centre des villes et d'aller se colloquer à la Goutte d'Or. Quand on s'installe, y faut le faire, comme moi, en plein cœur de Paris, a qu'on puisse se rendre à pieds dans tous les coins de la Capitale : j'ai pas besoin de prendre le métro, moi, d'acheter des tickets, et de parcourir des lieues de couloirs en me perdant j'qu'à que je tombe, à chaque fois, devant la plancarde (2) "Exit" ce qui fait que je me retrouve dans la rue de nouveau !
            - Si j'aurais su, se lamenta Angustias, mais "el que no sabe mas, con su madre se acuesta !" (3). Remarquez qu'en sortant à pinces aujurd'hui, j'ai pas perdu mon temps : que j'ai rencontré devant la Gare du Nord, vot' fi' Isabelica et vot' petit' fi' Tonina, qu'elles allaient, comme deux lévriers, et chargées comme des bourriques, prend' le train qui devait les conduire j'qu'à Londres !
            - Qu'est-ce que tu me dis là ? proféra d'une voix sévère la Grand-mère ; ma fi' et ma petit' fi' elles ont quitté la Capitale sans m'en rend' compte ? Mais c'est le monde à l'envers !
            - A ce que m'a dit Isabelica, déclara Angustias (mais je le répète sous toute réserve, que moi je veux d'ennuis avec personne !), c'est qu'elles z'auraient reçu des nouvelles de Consuelo, qui les aurait invitées toutes les deux, à London, où elle se trouve elle-même en compagnie de son mari, le prince Muhamad Ben Zine et son frère, Son Altesse Mouloud Ben Zine Ould Saraouel ; de manière qu'on puis-se présenter au jeune homme, qui cherche à prendre épouse, une belle personne de Bonne Maison !
            - Et qu'est-ce qu'elle a à voir ma descendance, proféra la Grand-mère sur le même ton, avec le fait que ce Saraouel il a envie de se marier ?

            Angustias déclara nettement :
            - Notre amie Consuelo, Princesse de la Babouche, elle a convaincu votre fi' que Tonina elle pourrait faire aussi bien que n'importe qui pour accéder à l'honneur d'être Princesse, comme elle-même, et qu'ainsi elles pourraient toutes les deux vivre à la cour des Ben Zine, dans les déserts de l'Arabie et de Gobi. Elle a demandé à votre fi' de prendre une résolution rapide, pasque y'avait d'autres candidates sur la ligne de départ ; elle a souligné particulièrement, que la fami' princière avait une cousine à Londres, qu'elle était disposée à présenter au choix de Mouloud une jeune demoiselle de la noblesse Anglaise, dont le père, Lord Drattey, aurait vu d'un bon oeil le mariage de son héritière Daisy Drattey, avec Mouloud ! - Et les Saraouel, s'écria la Grand-mère qui z'habite là où le Bon Dieu il a perdu ses espadrilles et qu'il est pas allé les chercher de loin que c'était, aussi y z'ont une cousine à Londres ? Que casualidad (4) !
            - Oui, précisa Angustias, une personne de la meilleure société, une femme charmante, anoblie par sa Gracieuse Majesté.
            - Qui c'est cette Gracieuse Majesté ? interrogea la Golondrina.
            - La Reine !
            - Et y faut lui dire de Gracieuse Majesté à cette vieille fea (5), qu'elle porte toujours des chapeaux qu'on dirait des chouaris (6) et que d'elle-même elle dit qu'elle a l'annus horribilis (ça, ça vient de son mari : il est grec !)
            - Et qu'est-ce qu'elle a fait cette cousine pour être anoblie par la Reine ? demanda Amparo.
            - Ca s'est passé dans le désert, raconta Angustias (c'est Isabelica qu'elle me l'a espliqué). Y faisait une chaleur terrible ! Sur un chameau étique y'avait un type qui s'appelait Glubb Pacha (un Anglais comme son nom ne l'indique pas) qui faisait de l'espionnage ; mort de soif, la gargamelle coincée, les yeux z'hagards, les mains racoquillées il s'apprêtait à rendre l'âme. Passe alors une tribu de bédouins (c'était la tribu des Ben Zine avant qu'elle ne découvre le pétrole, l'or noir comme y disent). De cette smalah (7), se détache une jeune fille, accorte, pieds nus dans la poussière du chemin, qui tend sa gourde au malheureux ; ce geste généreux rend la vie à ce Glubb qui était un personnage important ! Y raconte cette aventure à la Reine. Aussitôt, celle-ci invite la jeune fille à venir faire ses études en Angleterre, l'anoblit, et l'installe dans un château, et en fait une Lady : Lady Sarah Weil. C'est cette cousine qui voudrait marier le prince Mouloud, avec cette jeune aristocrate Daisy Drattey !
            - C'est une histoire merveilleuse que tu nous contes là ! s'exclama la Golondrina, au bord des larmes.
            - La Reine a payé le château ? interrogea Amparo, prise d'émotion elle aussi, au récit merveilleux que venait de débiter Angustias.
            - Non seulement elle y'a fait cadeau de la propriété et des bois alentours, mais elle l'y a accordé des armes, un blason. -
             Quel blason ?
            - C'est un écu (tu vois ce que c'est l'écu ?) ; un écu c'est une plaque de zinc sur laquelle se trouve, au fond, gravés, en couleur, les têtes des fondateurs de la fami' des Ben Zine, espécialement le Cheikh Muhamad (c'est ce qu'on appelle sur fond de gueules) avec quatre quartiers ; dans le premier de ceux-ci, y'a un saraouel qui, sur une corde, flotte au vent, tenu par deux épingles à linge ; dans le second une djellaba amaranthe ; dans le troisième une gourde en peau de bouc et le quatrième un derrick, pasqu'entre temps y z'avaient trouvé le pétrole ; avec comme devise, écrite en vieux français comme la devise de la Reine : "Gourde porte mais ne suis".
            - Et au-dessus des armes de cette Lady Sarah y'a une couronne, comme sur les armes de la ville de Paris ? interrogea la Golondrina.
            - Non, y'a pas de couronne, mais une chéchia ! conclut Angustias

            - Et tout ça qu'elles t'ont raconté Isabelica et Tonina, que tu me dis qu'elles étaient pressées de pénétrer dans la gare pour prend' le train ?
            - On s'était toutes les trois assises à une table de la terrasse d'un café, fit Angustias : elles ont pris le suivant. Tonina elle voulait parler de son trousseau, pour lequel il paraît qu'elles ont dévalisé Tati ! Comme y disait le propriétaire de la marque : "Si elles seraient venus, ne serait-ce que quinze jours avant, j'aurais pas déposé le bilan de tout ce qu'elles m'ont acheté !" Tonina elle s'est offert douze strings dans cet écossais si distingué, rose et blanc, et douze soutifs assortis. Aouela vot' petite fi' elle était, que si vous la piquiez avec une épingle elle esplosait de bonheur ; et d'anxiété aussi car elle se demandait si elle allait plaire au jeune Prince, malgré les dépenses qu'elle avait engagées pour le séduire ! Y semble qu'elle ait oublié son histoire avec le policier !
            - Et si elles vont en Angleterre, où c'est qu'elles vont se loger ? larmoya la Grand-mère ; et comment elles vont s'espliquer, que là-bas y'a que des gens incultes qui parlent que l'anglais !
            - Consuelo de la Babouche elle a tout arrangé, répliqua Angustias. Elle lui a trouvé une fami' d'accueil ou si tu sais que dire yes et nao, ça suffit ! Les présentations se feront au Palace où est descendu le Prince Ben Zine, ou, peut-être bien, au château de Lady Sarah Weil.
            - Et elle va défiler, Tonina ma petite fi', fulmina la Grand-mère, rien que revêtue d'un string et d'un soutif ? - Non ! s'exclama Angustias, Consuelo elle lui prètera un cachabia (8). C'est au bouquet final qu'elle laissera tomber ce vêtement, pleine elle-même de promesses et de bonheur. - Et qu'est-ce qu'elles vont manger en attendant que le mariage se fasse ; si ce manège là y dure trop longtemps ?
            - Des dattes ! Consuelo elle en a fait une provision ! Elle en a acheté des kilos ! Vos enfants peuvent tenir des mois j'qu'à que le jeune homme y se décide ! Aouela, y faut que vous commenciez à vous préparer, à vous acheter une couronne, que vous risquez d'être r'zouza (9) douairière, vous devriez essayer déjà de vous mettre en relation avec Madame de Fontenay à qu'elle vous refile une couronne de Miss France d'occasion ; y paraît qu'elle en a, à la revente, qui date de 1905 !
            - Laisse tomber ! coupa la Grand-mère exaspérée ; que si moi je deviens douairière comme tu dis, je me ferai le mogno (10) au-dessus de la tête et ça sera aussi bien qu'une couronne ! Mais ce qui me tracasse le plus, c'est d'apprendre que ma fi' et ma petite fi' elle vont et' obligé de se taper des dattes j'qu'à ce Monsieur ça lui vienne bien de faire son choix. Si au moins la présentation elle se ferait en France, ici à Paris, dans le château du Président de la République, au moins elles auraient le recours de manger de la tête de veau ; y paraît que Chirac il en raffole, et que, dans les cuisines de l'Elysée y'en a des tonnes à que, quand le Chef de l'Etat il en réclame, on puisse lui en servir à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit ; soit le matin, au petit déjeuner, soit le soir, quand Bernadette elle lui fait sa tisane.

            L'assemblée semblait perdue dans ses réflexions ; tout d'un coup, Amparo proféra d'une voix inspirée :
            - Si Chirac il aime tant la tête de veau que ça, je comprends pas pourquoi y s'entend pas avec Bayrou. - C'est, répondit Angustias d'un ton pénétré, pasque Bayrou y refuse, obstinément, de se met' du persil dans les oreilles et dans le nez.

1 - samarra : un manteau épais
2 - plancarde : une pancarte
3 - "elle que no sabe mas con su madre se acuesta !" : celui qui n'en sait pas avec sa mère il se couche (dicton espagnol)
4 - que casualidad ! : quelle coïncidence !
5 - fea : vilaine, laide, laideron
6 - des chouaris : paniers d'alfa qui servent à transporter les marchandises de part et d'autre du bourricot
7 - smalah : troupe
8 - cachabia : vêtement de laine rebrodé - sorte de burnous de laine blanche
9 - r'zouza : doyenne du harem
10 - le mogno : le chignon

            


LE MUTILE N° 85, 1919

Les Propriétaires vautours

               L'Armistice avec l'espoir d'une paix prochaine nous apporte l'espoir que les relations dépaysa pays vont bientôt reprendre pour le plus grand bien de l'activité commerciale qui a reçu un coup mortel durant les 55 mois de guerre mondiale.
       Nous aurons donc désormais des relations courtoises avec nos voisins, voire même avec nos anciens ennemis, que nous avons amené à une plus saine compréhension du respect de l'existence d'autrui, mais si nous sommes sûrs d'avoir la paix extérieure pour de longues années, s'en suit-il que nous puissions espérer avoir si non la paix du moins le calme intérieur ? Nous ne le croyons pas.

       Nous ne le croyons pas pour plusieurs raisons :
       1° Parce que la vie, malgré la reprise des relations commerciales, arrivée à un coût monstrueux ;
       2° parce que les marchandises qui arrivent en abondance n'approvisionnent ni les marchés, ni les négociants et disparaissent comme par enchantement, nul ne sait ou ni comment ;
       3° parce que la démobilisation va renvoyer deux millions d'hommes dans leurs foyers, deux millions qui vont être à charge à leurs familles car la démobilisation a été mal faite et qu'il y aura à peine du travail pour occuper un tiers d'entre eux par suite de la crise industrielle ;
       4° parce que tous ces poilus, dont les trois quarts se sont mariés pendant la guerre et ont confié leurs épouses a leurs familles voudront se créer un intérieur et chercheront en vain un logement et enfin ;
       5° parce que non seulement les démobilisés ne trouveront pas à se loger, mais encore que ceux qui occupent des appartements seront poursuivis, traqués par certains propriétaires vautours qui exigeront le paiement intégral de tout l'arriéré dû, sans, souci du moratorium et des commissions, arbitrales. Alors les nerfs des poilus, déjà tendus, se tendront, d'avantage et..... nous assisterons à des choses regrettables, mais pas pour ceux qui les ont créées par exemple, car après tout s'il subsiste de beaux immeubles en Algérie, c'est que les boches n'y sont pas venus et s'ils n'y sont pas venus ce n'est, pas l'envie qui leur en a manqué. On sait en effet aujourd'hui le sort qui était réservé à l'Algérie en cas de défaite de la France, mais il s'est, trouvé pour contrecarrer les desseins boches, une armée de vaillants au cœur solide qui a renversé les rôles, ces mêmes vaillants qu'on expulse ou qu'on refuse de loger aujourd'hui parce qu'ils ont trop bien fait leur devoir, parce qu'ils ont protégé, les immeubles de ces propriétaires qui ne veulent plus les connaître puisque le danger est passé.

       Nous voudrions être de mauvais prophètes en disant qu'il se prépare un de ces orages dont la violence sera d'autant plus grande que les exactions et les colères auront été de plus en plus accumulées et une fois encore nous crions "Casse Cou !"
       Que les propriétaires inhumains prennent garde, ils dansent sur un volcan dont ils ne semblent même pas supposer l'existence et pourtant, aveugle est qui ne le voit pas. Il est vrai qu'il n'y a pas de pires sourds que ceux qui ne veulent pas entendre.
       Pour étayer notre argumentation de quelque chose d'authentiqué, d'indéniable, nous allons conter comment un propriétaire s'est conduit envers un des nôtres pendant qu'il se faisait trouer la peau au front pour défendre son immeuble et ceux de ses congénères.

       Monsieur Bastergue, Désiré, facteur des postes à Alger, marié et père, de trois enfants, habitait au n° 16 de la rue Valentin un appartement dans l'immeuble appartenant à M. X...
       A la mobilisation il était encore à son poste, mais une circulaire ministérielle prévoyant un prélèvement dans le personnel masculin des P.T.T. pour être envoyé aux armées, il fut désigné et incorporé au 10ème régiment de tirailleurs, il partit pour le front le 15 octobre 1915. Il combattit vaillamment partout où il y avait du danger, en Champagne, à Verdun, dans l'a Somme, dans les Ardennes, dans l'Aisne, etc.
       Nous disons qu'il combattit vaillamment et cependant son cœur était ulcéré car il savait son épouse malade, en butte aux tracasseries d'un propriétaire irascible qui exigeait le paiement de tous les mois de loyers courus ; il savait que sa femme, pour se soigner et échapper à ces mesures vexatoires, avait dû se réfugier, avec ses bébés, à la campagne, chez des parents, mais il ignorait, le malheureux, qu'en leur absence, à l'aide d'un jugement draconien, ce propriétaire sans coeur avait fait vider les lieux et avait loué l'appartement à un tiers. Le poilu apprit tout cela à son retour du front, alors qu'après avoir fait tout son devoir, il aspirait à goûter un repos bien gagné près des siens, dans son intérieur.

       Que s'était-il passé ? Quelque chose de bien simple et de bien monstrueux tout à la fois. A l'aide de, nous ne savons quel argument susceptible très probablement de tromper la bonne foi du tribunal, M. V… avait obtenu le 26 mai 1917, flanqué de Me L... Huissier, de Monsieur le Commissaire de police du 6ème arrondissement et des témoins, légalement requis, il faisait procéder à l'expulsion des biens meublant le modeste logement du mobilisé et ce, en l'absence de tout occupant.
       Ces meubles ne furent naturellement pas jetés à la rue. Nous croyons même, savoir qu'ils furent relégués dans une cave, à moins que ce ne soit dans un grenier, mais, l'appartement fut évacué et loué aussitôt à un tiers qui le paya probablement au prix du cours, c'est-à-dire avec une augmentation notable. Et voilà comment, en l'an de grâce 1917, un propriétaire doublé d'un de ces bons neutres qui aiment notre or plus que notre drapeau, avec la protection de la loi a été autorisé à expulser de son appartement un locataire français régulièrement moratorié pendant qu'il se battait pour la défense du territoire français, de ce territoire si accueillant pour les étrangers et si ingrat pour ceux qui l'ont arrosé de leur sang.

       Nous avons tenu à signaler la noble et belle action de ce propriétaire vautour pour la vouer au mépris des honnêtes gens souhaitant que le pilori s'impose de tous les actes semblables pour la honte de ceux qui se ravalent à commettre de telles bassesses.
       Nous avons dit que de tels actes s'ils se répètent amèneront le trouble dans l'intérieur du pays, nous le répétons encore : "Messieurs les propriétaires vautours, méfiez-vous ; vous courez un bien grand danger si vous ne mettez un frein à votre appétit pantagruélique.
       "Casse cou ! Messieurs ! Casse cou ! ".

J. ASCIONE.               

HISTOIRE DE VIE
Envoi de M. Marius Longo, petit-fils
HISTOIRE DE BÔNOIS

12 janvier 1929

          Je ne connais pas beaucoup de sous-préfectures, en France, où l'autorité municipale puisse, pour faire face à un événement calamiteux, mobiliser sept agents de police. La réapparition de la bande à Bonnot dans une quelconque cité de moyenne importance qui ne logerait pas un préfet ou un général de division provoquerait, au grand maximum, la réunion d'un garde champêtre et deux alguazils plus ou moins assermentés.

          Pourquoi donc le 28 décembre 1928, une force de police comprenant sept agents et un commissaire prenait-elle position devant une modeste bicoque sise à Bône, au lieu dit " Lever de l'Aurore " ?

          Afin de mettre en garde nos concitoyens contre une agression possible organisée par les bandits chassés de leur repaire, nous croyons devoir placer sous les yeux de nos lecteurs une reproduction photographique de la sanguinaire association surprise par notre opérateur quelques secondes avant l'assaut qu'elle s'apprêtait à donner aux nombreux coffres-forts contenant difficilement les économies réalisées par M. Serda au cours de sa courte mais fructueuse carrière.

          On ne peut s'empêcher de frémir en contemplant les figures patibulaires saisies par l'objectif. Neuf enfants et deux poupées, l'aîné âgé de vingt-quatre ans, les derniers d'âge incertain, plus le père et la mère, telle était la composition de la troupe de choc qui allait s'ébranler pour battre les murs de la citadelle menacée.

          Pour qui ces apprêts meurtriers ?
          Pour qui ces dispositions guerrières ?

          L'honneur enflammait-il les défenseurs de l'ordre et de la propriété ? Non, ces combattants étaient de débonnaires pères de famille qui allaient, à la requête de M. J. Serda, propriétaire, expulser de la maison où ils étaient retranchés, une association de bandits redoutables qui l'occupaient au mépris des justes lois.

          Mais, en dépit de l'appareil formidable qui s'étale dans la reproduction photographique dont nous offrons la primeur aux bonnes gens, force est restée à l'honorable M. Vautour et aux auxiliaires de la loi, ainsi qu'en témoignent les lignes ci-dessous extraites du " Réveil Bônois " du 28 décembre:

          Hier matin, sept agents de police sont arrivés et ont fait sortir les meubles. La famille n'ayant pu trouver un logement a porté son mobilier sur le kiosque du cours Bertagna au milieu de l'attention indignée et sympathique de la foule. Ils ont d'ailleurs été enlevés ce malin.

          Nous, nous serions -abstenus de souligner cet insignifiant fait divers si le chef de la bande, mise provisoirement hors d'état de nuire grâce à la présence d'esprit et à la vaillance de M. joseph Serda, n'avait eu le cynisme de nous faire tenir la provocation suivante:

          Monsieur le Directeur,
          Je tiens à déclarer que je me suis introduit dans l'appartement régulièrement en sous-louant au locataire, et ce au prix de sa location.
          Quand le propriétaire, M. J. Serda, réclama mon expulsion, je m'empressai de chercher un logement, ce qui n'est pas facile pour une famille de huit enfants dont l'aîné n'a que vingt-quatre ans et les derniers sont deux jumelles de quatre ans. Tous, avec mon fils soldat en permission, nous nous sommes trouvés, jetés à la rue avec nos meubles, et cela par la police, exécutant une décision de justice. C'est la loi ; mais elle est dirigée contre les familles nombreuses, que la France réclame.
          Nous savions bien que nous devions partir ; nous avions supplié notre propriétaire - qui, depuis six mois, nous laissait sans eau - de nous accorder un délai de quelques jours, un logement nous étant promis. Il a refusé et il a eu le courage de nous dire " qu'il ne voulait dans sa maison, que des gens à la hauteur, comme lui ". Cette parole ne nous blesse pas, car nous nous croyons autant que lui, sans être riches autrement qu'en enfants.
          Nous terrons à remercier toutes les personnes du " Lever de l'Aurore " qui, pratiquant la véritable Mutualité, nous ont offert une place pour chaque enfant.
          Et nous remercions notre ex-propriétaire pour nous avoir offert deux pièces dans un dock ; malheureusement, il y avait déjà des locataires, rats et chauves-souris.

          Signé : Marius Longo, père de famille nombreuse.

          Nous félicitons chaleureusement M. J. Serda d'avoir échappé à l'effroyable conspiration tramée contre lui par les neuf enfants et Ies deux poupées dont les époux Longo avaient opéré la concentration dans une des nombreuses demeures dont il est, avec l'aide de Dieu, le propriétaire légitime et clément.
F. BEUSCHER.

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15 janvier 1929

MONSIEUR VAUTOUR, VICTIME

          Sous ce titre, volontairement tendancieux a Monsieur Vautour opère ", j'ai, dans le numéro du 12 janvier de " l'Echo d'Alger ", accordé l'hospitalité à une lettre que m'adressait un père de neuf enfants, M. Marius Longo citoyen de Bone expulsé du logement qu'il occupait, par M. Jacques Serda Jacques, et non Joseph, - citoyen de Bône comme le précédent, mais citoyen d'autres lieux, comme son frère.
          Ne disposant chaque jour, dans " l'Echo d'Alger " que d'une surface couvrant quelques centimètres carrés, je pensais que la charité m'imposait le devoir d'y loger l'humble requête émanant du pauvre diable qui venait d'être, avec sa marmaille, délogé de la maisonnette où gîtaient ses neuf enfants.
          Je savais que la loi, la dure loi, avait présidé à l'opération policière en fonction de laquelle les hardes de M. Longo Marius furent extraites de la maison qui les contenait et transportées professionnellement sur le kiosque du cours Jérôme Bertagna. C'est pourquoi. refoulant toutes les préventions que je peux nourrir contre l'auguste - Auguste mais non Jacques - lignée des Serda, j'ai criblé de toutes les flèches de mon carquois le couple ses neuf enfants et les deux poupées qui avaient attenté à la majesté sacro-sainte de M. Vautour, représentée en la circonstance par le sous-marquis de Carabas bônois.
          Je suis mal payé de mes peines. M. Jacques Serda, me confondant avec les redoutables ennemis - deux poupées, neuf enfants, - qui infestaient son castel du " Lever de l'Aurore ", me fait parvenir, par ministère d'huissier, le communiqué a suivant :
          Alger, le 12 janvier 1929.
          Monsieur,
          Dans votre numéro du 12janvier 1929, vous avez publié sous le titre " Monsieur Vautour opère ", un article par lequel vous essayez d'atteindre mon frère Joseph Serda, député financier. C'est une erreur mon frère n'a jamais eu à s'occuper de l'affaire dont vous parlez, attendu que je suis seul propriétaire de l'immeuble du " Lever de l'Aurore " que j'habite d'ailleurs et que j'entends conserver seul la responsabilité de mes actes.

          Vous prétendez ensuite que j'ai expulsé la famille Vous, vous trompez encore. L'appartement auquel vous faites allusion avait été loué à M. Murtula, agent des Ponts et Chaussées en Indochine ; ce locataire, n'occupant plus son logement puisqu'il habitait ailleurs, fut l'objet d'un jugement régulier du Tribunal le contraignant à vider les lieux. Obligé de s'en aller, il profita de mon absence, en mars-avril 1926, pour introduire à sa place, sans m'en aviser, la famille Longo. Celle-ci ne fut jamais ma locataire, ni sous-locataire ; je n'eus jamais affaire qu'a M. Murtula..
          Le jugement d'expulsion contre M. Murtula fut naturellement exécuté après des délais successifs qui s'échelonnèrent jusqu'au mois de décembre 1928.
          La famille Longo a donc été victime de la manœuvre de M. Murtula. Néanmoins, pour lui venir en aide, je lui ai offert un appartement gratuit, lui permettant de trouver un appartement qu'elle n'avait pu découvrir, après un délai de trente-deux mois.

          Ce logement, reconnu habitable par l'autorité judiciaire, a été refusé par M. Longo qui était animé, comme Il l'a déclaré, du désir de faire du bruit autour de cette affaire en pratiquant l'intimidation et la menace.
          Au surplus, et la photographie que vous avez publiée en fait foi, la famille Longo n'est pas dans l'état de dénuement que vous laissez supposer.
          Je vous prie de publier cette mise au point dans le plus bref délai, aux mêmes lieu et place que votre article.

          Veuillez agréer, etc.. Jacques SERRA.

          Louons le Seigneur. mais ne sous-louons pas les immeubles appartenant à M. Serda - Jacques. et non Joseph.
          Car M. Serda, victime des familles nombreuses, est garanti par les justes lois. Regrettons cependant que les justes lois permettent l'expulsion " manu militari " d'une famille de neuf enfants qui n'a d'autre recours contre les intempéries qu'une action intentable à M. Murtula, domicilié en Indochine.
          Et cette amende honorable faite au profit de M. Serda - non Joseph, mais Jacques, - cette vitupération dirigée contre la loi, attendons-nous à un envoi de papier timbré. par ministère d'outre-tombe, émanant du premier des Bonaparte. auteur du Code qui porte son nom.
F. BEUSCHER.



PHOTOS DIVERSES
Envoi de M. Jacky BENA

PHOTO Jacky BENA
La classe de seconde d'Alzon année scolaire 1958-1959
(J. Bena est le deuxième en partant de la droite)


Une équipe de basket de la JSH avec au centre sa marraine Annie Serra



La mairie lors de la venue de De Gaulle en juin 1958



Mostaganem
Envoi de M. Christian Graille
I

                 Chef-lieu de sous-préfecture de la subdivision militaire est situé à un kilomètre de la mer et à 76 d'Oran.
                 Cette ville qui ne parait pas avoir été occupée par les Romains, était florissante dès le moyen-âge ; elle prit un grand développement sous les Turcs à partir du XVème siècle.

                 Plus tard, à la suite des invasions espagnoles, elle fut à peu près abandonnée et perdit toute son importance commerciale.
                 Pendant les premières années de la conquête, on plaça dans la ville un chef indigène pour l'administrer au nom de la France ; mais en 1841, on y établit un commissariat civil et les Européens commencèrent à la peupler.
                 Aujourd'hui la commune y compris ses trois annexes.
                 - Karouba,
                 - Mazagran,
                 - Ouréah compte 11.959 habitants dont 6.000 Européens environ.
                 La ville est traversée par le ravin d'Aïn-Sefeur (source jaune). Son aspect est riant. Sur la principale place, toute formée de maisons à arcades, se trouve l'église dont le clocher est remarquable. Un très joli jardin public et quelques édifices bien bâtis, contribuent à embellir cette charmante petite ville.
                 La banlieue est couverte de plantations de cultures maraîchères.
                 Aux alentours sont répandus de nombreux villages où :
                 - la culture de la vigne,
                 - des céréales,
                 - du tabac et
                 - des arbres fruitiers donnent les meilleurs résultats.
                 A l'Ouest s'étend la vallée des jardins renommée :
                 - pour sa fertilité,
                 - ses sites pittoresques et
                 - ses jolies maisons de plaisance.

                 Le fait d'armes qui s'attache à Mazagran attire tout particulièrement l'attention.
                 Il avait eu à se défendre en 1838, et en 1839 contre les agressions incessantes des tribus, se vit assiégé de nouveau le 2 février 1840 par 12.000 Arabes ayant à leur tête le Khalifa d'Abd-El-Kader, Mustapha-Ben-Temi.
                 La garnison française qui se composait de 120 hommes, enveloppée pendant 4 jours par des forces si supérieures, fit une résistance héroïque qui compte au nombre des faits d'armes les plus glorieux de nos glorieuses campagnes d'Afrique.
                 Une colonne érigée à Mazagran rappelle la belle défense du capitaine Lelièvre et de ses vaillants compagnons d'armes. Mazagran est considéré comme un faubourg de Mostaganem, bien qu'il en soit séparé par une distance de 4 kilomètres. Son territoire est livré aux cultures maraîchères et arborescentes. Le sol n'y est pas moins favorable à la production de la vigne. Les colons s'y adonnent aussi avec succès à l'élève du bétail.
                 Viennent ensuite : Pélissier qui avait reçu primitivement le nom de Libérés, avec ses annexes de Tounin et d'Aïn-Boudinar.
                 Rivoli sur la route de Mascara et ses annexes d'Aïn-Nouissy et de la Stidia, cette dernière est peuplée en majeure partie d'émigrants prussiens.
                 - Aboukir et ses annexes,
                 - Bled-Touaria et Aïn-Sidi-Chérif,
                 - Sourk-El-Mitou dont le territoire est planté d'arbres fruitiers qui donnent d'excellents produits et où l'on récolte des pêches et des abricots renommés.
                 Et enfin le village qui porte le nom de Pont du Chélif.

                 Le plateau sur lequel est bâti Mostaganem se relève légèrement vers l'Est et on y rencontre la ville de Relizane dont le territoire est l'un des centres les plus importants de la production cotonnière.
L'Empereur à Mostaganem

                 Il est arrivé le 20 mai à trois heures de l'après-midi. Il a été reçu par :
                 - M. Bollard, maire,
                 - M. Otten, sous-préfet,
                 - M. Brosselard, préfet d'Oran.

                 A la sous-préfecture il a été accueilli sur les marches de l'hôtel par une petite fille qui lui a récité les vers suivants :
                 " Sire, Mostaganem vous offre son hommage
                 Il espère qu'Allah bénira ce voyage !
                 Ma taille est assortie à cette humble cité,
                 Mais nos vœux, notre amour, notre fidélité,
                 Nous les exprimons, Sire, avec la confiance
                 Qu'ils sont dignes de vous et dignes de la France ! "


                 Pendant les réceptions M. le maire a remis à l'Empereur une adresse délibérée par le conseil municipal et les notables de la population demandant un embranchement sur le chemin de fer d'Oran qui relierait Mostaganem et l'Hillil par la vallée des jardins et Bouguirat :
                 " Par ce tracé, est-il dit dans l'adresse, les produits de toute cette partie du Tell, centralisés à l'entrepôt de Relizane, n'auraient à parcourir que 63 kilomètres pour gagner les quais de Mostaganem, suivant ainsi leur marche normale et séculaire ; il leur en faudrait parcourir 127 pour arriver à ceux d'Oran. "

                 Nous reproduisons ci-après les conclusions de cette adresse :
                  " Daignez, Sire, ordonner par un décret que cet embranchement soit exécuté simultanément avec la ligne principale.
                 Daignez accorder au concessionnaire de cet embranchement les mêmes faveurs qui ont facilité la concession de la grande ligne et la construction en sera promptement sollicitée, soit par la compagnie qui construit la ligne principale, soit par toute autre compagnie concurrente.
                 En ce faisant, Sire, vous rendrez justice à une population aussi laborieuse que dévouée.
                 Vous assurerez sa fortune acquise et vous poserez les bases de sa prospérité future ! Cette amélioration vitale d'un embranchement se lie d'une manière étroite à celle de l'amélioration de notre rade.
                 En l'état avec sa rade ouverte, sans abri, sans travaux susceptibles d'en améliorer l'accès, le port de Mostaganem est accessible pendant sept mois de l'année et notre place est visitée annuellement par une moyenne de 420 navires.
                 Sire, nous ne vous demanderons pas de grands sacrifices pour la construction trop onéreuse d'un port qui ne se présenterait pas néanmoins à l'examen de votre Majesté dans des conditions moins favorables que le port du chef-lieu.
                 Un simple bassin-abri conviendrait à l'importance de notre commerce, suffirait à nos besoins.

                 Un commencement de jetée nous a déjà rendu les plus grands services, son prolongement exécuté au moyen d'allocations annuelles, suffisantes et réelles ne tarderait pas à rendre notre rade accessible en toute saison, même par les plus mauvais temps. "

                 L'Empereur a répondu qu'il étudierait avec le plus vif intérêt les diverses questions développées dans cette adresse. Il s'est ensuite entretenu avec :
                 - le curé,
                 - le pasteur protestant
                 - et les délégués du Consistoire israélite.

                 Il avait déjà donné audience à un nombre considérable d'indigènes et notamment au khalifat de la Mina, Sidi-el-Aribi qui a été nommé le surlendemain grand officier de la Légion d'honneur.
                 Le même jour le caïd des caïds des Flittas était élevé au grade de commandeur, l'agha de la Mina au grade d'officier et plusieurs autres chefs arabes étaient créés chevaliers.
                 Le 21 mai l'Empereur après avoir entendu la messe s'est rendu à Relizane et n'est rentré à Mostaganem que le soir à six heures.
                 Le 22 mai il a quitté Mostaganem.
                 Avant de s'embarquer sur l'Aigle qui allait le ramener à Alger il a décerné un grand nombre de décorations aux fonctionnaires français et indigènes.

Napoléon III en Algérie
par M. Octave Tessier correspondant de l'Instruction publique
pour les travaux historiques. Édition 1865


Misserghin
Envoi de M. Christian Graille

               Chef-lieu de commune est situé à 15 kilomètres d'Oran, sur la route de Tlemcen. Sa population est de 1.440 habitants.
               Les Beys d'Oran y possédaient une habitation qui avait été abandonnée et qui n'offrait plus que des ruines lorsque notre armée prit possession de ce point.
               On y installa en 1857, dans un camp retranché, une colonie de militaires cultivateurs auxquels on substitua plus tard un régiment de spahis. Une très belle pépinière formée par les soins de ces militaires fut par la suite concédée à l'abbé Abram, sous la condition d'y établir un orphelinat.
               Vers la fin de 1844, M. Mercier Lacombe, alors directeur des affaires civiles de la province d'Oran eut la pensée de créer un centre agricole dans le voisinage du camp retranché près duquel étaient déjà groupées quelques maisons de cantiniers et de petits commerçants.

               Ce village dont l'emplacement avait très bien été choisi s'est rapidement développé. Il a été constitué en commune le 31 décembre 1856 et forme aujourd'hui une charmante petite ville.
               Ses rues sont larges, droites et bien aérées. On y remarque une jolie église construite en style roman par M. Viala de Sorbier.
               Le territoire est des plus fertiles :
               - céréales,
               - tabac,
               - arbres fruitiers,
               - vignes,
               - bétail nombreux,
               - élève de l'espèce bovine et de l'espèce ovine,
               - race mérinos.
               A quelques kilomètres du village se trouve le lac salé.
L'Empereur à Misserghin

               Le lundi 16 mai, à une heure et demie, le cortège impérial arrivait.
               M. Brosselard, préfet d'Oran et M. le baron de Montigny, secrétaire général de la préfecture attendaient le souverain à l'entrée du village.
               Celui-ci s'est arrêté près d'un arc de triomphe dressé par les colons ; la milice formait la haie.
               A la tête d'une députation de jeunes filles vêtues de blanc. M. Buret, maire, entouré de son conseil municipal a pris la parole en ces termes : " Sire, l'armée a conquis l'Algérie protégée par son drapeau victorieux.
               La colonisation devait défricher et mettre en rapport cette belle conquête.
               C'est la tâche que nous nous sommes imposés et que nous poursuivrons sans nous laisser décourager par les obstacles.
               Il y a dix-huit ans à peine que les défrichements et les belles cultures que vient de traverser Votre Majesté sur le territoire de Misserghin, l'emplacement lui-même de notre village, n'auraient offert à ses yeux qu'un immense amas de palmiers !

               Nos devanciers ont commencé l'œuvre avec courage et patience, nous la continuerons avec persévérance et courage !
               Cette visite va ranimer et doubler nos forces.
               Qu'un regard bienveillant tombe sur nos travaux, qu'un souvenir de cette belle Afrique, si riche d'avenir, suive Votre Majesté quand elle sera de retour dans notre mère-patrie.
               Soutenus et ranimés par cette grande ferveur, nous resterons, Sire, à la hauteur de notre mission : créer en Afrique une nouvelle France. "
               L'Empereur a remercié le maire de l'accueil sympathique qui lui était fait par la population et l'a questionné sur les diverses cultures du pays, principalement celle du coton, demandant si elle nécessitait une dépense d'eau considérable. M. le Maire a répondu que la terre d'Afrique est plus fertile et que toutes les cultures y réussissent.
               Les terres de la commune produisent déjà des céréales de toute espèce :
               - du lin,
               - du tabac,
               - des olives,
               - des citrons,
               - des oranges,
               - des fruits variés et délicieux,
               - voire même des nèfles et des bananes.

               Quant au coton il vient parfaitement malgré la faible quantité d'eau dont il est possible de disposer aujourd'hui ; mais une fois les eaux d'irrigations aménagées, les cultures augmenteront en s'améliorant et la province d'Oran aura son petit Blidah. L'Empereur s'est aussi informé des défrichements de la dernière campagne.
               Il lui a été répondu que les colons de la commune avaient planté seize hectares de vigne et que quinze hectares de palmiers avaient été défrichés. Conduite sur la place d'Armes où se trouvait réunis dans une petite exposition agricole quelques spécimens de produits. A la vue des fruits et légumes exposés le souverain a demandé si les jardins étaient nombreux et bien cultivés. Sur une réponse affirmative il s'est avancé pour considérer un instant quelques instruments aratoires et des sujets améliorés de l'espèce bovine du pays.
               Puis le cortège s'est dirigé vers la ferme appartenant à M. Charles Bonfort et terminer la visite officielle.
Napoléon III en Algérie

par M. Octave Tessier correspondant de l'Instruction publique

pour les travaux historiques. Édition 1865.


Temsalmet
Envoi de M. Christian Graille
                 La ferme de Sainte Marie de Temsalmet est située sur la route d'Oran à Tlemcen, à 3 kilomètres de Misserghin et à 10 kilomètres Nord-Est de Bou-Tlélis. Cette ferme d'une contenance totale de 2.500 hectares environ comprend trois établissements distincts :
                 - Le premier a été créé près du lac salé,
                 - le second près de la route au lieu- dit Aïn-Brédiah où sont des sources artésiennes d'une grande importance,
                 - le troisième, le plus important, est situé près de la source des poissons sacrés à l'entrée du ravin de Temsalmet et non loin du célèbre marabout de Sidi-Marouff. On arrive à la ferme en suivant une double rangée de superbes mûriers, qui forment une avenue d'un kilomètre de longueur.

                 Les jardins ont une étendue de 10 hectares et sont complantés :
                 D'orangers de citronniers, d'arbres fruitiers, d'oliviers, de vignes, de légumes.

                 Monsieur Charles Bonfort, propriétaire de ce vaste domaine, a fait d'immenses travaux en :
                 Défrichements, constructions, irrigations, dessèchements.

                 Mais le principal objet de son exploitation agricole est l'élevage et le perfectionnement, par les croisements, des races bovines et ovines.
                 Il a obtenu de très beaux résultats. Ses produits ont été remarqués dans toutes les expositions et lui ont valu de nombreuses médailles.
L'Empereur à Temsalmet

                 La visite de la ferme a duré deux heures. Le souverain a voulu tout voir et tout savoir.
                 Le propriétaire a pu porter un éclairage sur les difficultés qu'il a rencontrées, notamment dans le libre emploi de la main-d'œuvre indigène, que les chefs arabes ont un si grand intérêt à retenir chez eux, à leur profit, car ce qu'ils redoutent le plus, et non sans raison pour leur fortune, c'est le contact des Européens avec leurs administrés.
                 Mais ces obstacles ont été levés grâce à la persévérance de M. Bonfort car un certain nombre d'indigènes installés dans la ferme depuis plusieurs années travaillaient à côté des Européens et vivaient avec eux en bonne intelligence.

                 Souvenirs intimes de la visite de Sa Majesté Napoléon III à la ferme de Sainte-Marie du Temsalmet racontés par M. Bonfort.
                 " Le 15 mai 1865 a été pour ma famille un jour de triomphe, un jour de bonheur qui m'a fait publier bien des tribulations passées et dont le souvenir est à jamais gravé dans nos cœurs.
                 J'ai eu plutôt la visite d'un père que celle d'un souverain. Dans la matinée du 15 j'appris indirectement que la veille, à table, Sa Majesté avait manifesté l'intention de connaître en détail mon exploitation ; ce ne fut toutefois que vers 10 heures que je connus le moment du départ pour Misserghin où l'Empereur devait se rendre avant de venir chez moi.

                 M. le Commandant Piquemal qui précédait de quelques minutes le cortège me surprit en clouant au pied du premier peuplier planté au milieu de la ferme et au sommet duquel j'avais arboré le pavillon national, cette inscription véridique :
                 " En 1852, ici tout était palmiers nains. "
                 C'était tout le luxe que je voulusse et que je dusse déployer ; du reste je n'avais eu que le temps :
                 - de faire rentrer à la hâte une partie de mes troupeaux, (environ 1.200 bêtes, espèces bovine et ovine, croisés bretons, métis mérinos),
                 - de réunir mes travailleurs européens et indigènes,
                 - de ranger sous la treille Nord de la maison, en avant du jardin, divers produits de mon exploitation :
                 - Laine, coton, blé, orge, avoine, maïs, luzerne, légumes frais et secs, caroubes etc..
                 Et d'entasser sur une table arabe les fruits frais :
                 - oranges, citrons, mandarines, pamplemousses, cédrats, bananes, amandes, fraises, figues, olives etc., etc.
                 - vin, miel, cire, beurre, porc salé etc., etc.

                 L'Empereur franchit au pas la première cour examinant attentivement les troupeaux de vaches puis le cortège prenant à droite dans la deuxième cour, s'arrêta devant la porte de mon habitation.
                 Je lui présentai ma femme et mes enfants. Il me questionna sur :
                 - mon origine,
                 - l'époque de mon arrivée en Algérie,
                 - celle de ma création agricole,
                 - sur l'âge de ma fille et
                 - la vocation de mon fils.

                 En entrant dans le jardin il fut salué par mon personnel européen et indigène. Il s'arrêta devant chaque produit exhibé, m'interrogea sur :
                 - le mode de culture,
                 - les quantités produites,
                 - les rendements,
                 - les débouchés etc., etc.,

                 Exprimant le désir d'avoir de moi, puisque j'avais été négociant, des renseignements précis et commerciaux.
                 - Les laines,
                 - les céréales,
                 - les cotons,
                 - l'élevage du bétail
                 Parurent attirer plus particulièrement son attention qui voulut bien exprimer sa satisfaction de juger sur les lieux mêmes ce que l'initiative privée avait su créer en si peu de temps.
                 Plongeant la main dans un sac de pois chiches il dit en bon espagnol : " ce sont là des gorbanzos. " Puis voyant des caroubes il me demanda presque familièrement si j'avais essayé d'en faire du café.
                 Peu initié aux secrets de cette nouvelle industrie parisienne, j'avouai n'avoir su, comme café proprement dit, en faire qu'un détestable breuvage, mais qu'en été, nos ouvriers en faisaient une sorte de piquette passable et fort désaltérante ; que comme en Corse et en Sardaigne j'engraissais le bétail et j'ajoutai que ce fruit, très avantageusement employé en distillerie pourrait devenir un produit naturel d'une importance réelle, si les caroubiers, très communs en Algérie mais qu'on n'a rencontré qu'à l'état sauvage, étaient :
                 - soignés, greffés, multipliés et surtout, préservés des incendies qui, par l'incurie des Arabes détestent trop souvent les reboisements.

                 Il me questionna sur mon personnel indigène, s'informant de ses travaux et désirant surtout savoir si j'en étais satisfait.
                 Je répondis que si, au début, j'avais eu des difficultés à les attirer librement chez moi, je m'applaudissais d'avoir persisté :
                 - que pas un seul n'y était depuis moins de 4 ou 5 ans et quelques-uns depuis le premier jour de mon installation en 1852,
                 - qu'ils y vivaient selon leurs coutumes, avec leurs troupeaux et leurs familles réunies en petit douars,
                 - que je les occupais selon leurs aptitudes à titre de Khamès, fellah (métayers), bergers, ouvriers terrassiers et même jardiniers,
                 - que leur salaire variait de 1 à 2 francs par jour,
                 - qu'à ces conditions, ils étaient, par le fait, plus heureux que les ouvriers européens,
                 - que leur seule obligation vis-à-vis était de ne rester jamais oisifs, de me fournir à toute demande la main-d'œuvre dont j'avais besoin et dont ils pourraient disposer,
                 - qu'ils paraissent tous m'être dévoués,
                 - qu'ils m'en avaient souvent donné des preuves.

                 Un peu plus loin, Sa Majesté s'arrêta devant les dattiers, souvenir de Laghouat, dont la semence m'avait été expédiée sous forme de régime par l'illustre vainqueur de cette oasis, le parrain de ma ferme puis devant le gigantesque massif de caroubiers et amandiers, où l'hiver de 1852, j'avais établi mon premier gourbi. Il parut intéressé de connaître pourquoi l'eau qui arrose nos jardins s'appelle la source des poissons sacrés.

                 Je racontais que chez les Arabes, il était accrédité que l'âme de leur marabout se perpétue dans les barbots qui, depuis des siècles, se multiplient successivement dans le bassin naturel du bouillonnement de la source ; qu'il paraissait avéré que Sidi-Marouf qui vivait du temps des Béni-Zian, avant la domination turque, homme de jugement et justement vénéré, avait dû, pour détruire le frai de sangsues qui s'engendre dans les eaux vives, y porter des poissons qu'il avait eu le bon esprit de mettre sous sa sainte protection.

                 Ne restant indifférent à rien il m'interrogea sur :
                 - ma vie de colon,
                 - mon l'exploitation,
                 - l'élevage,
                 - les débouchés des produits et du bétail,
                 - mes cultures,
                 - l'âge des plantations, admirant la vigoureuse venue des orangers et des citronniers qui, de simples boutures, sont devenus en quelques années, à l'aide de beaucoup de soin, d'un peu d'eau et de bonnes fumures des arbres superbes donnant déjà au moins 150.000 fruits.

                 Il en était de même des autres plantations :
                 Oliviers, amandiers, figuiers, bananiers, vigne, semis de pin etc.
                 Le souverain admira les trois ou quatre citronniers soigneusement aménagés et qui, chacun, produisent annuellement 3 à 4.000 citrons.

                 En m'entretenant des reboisements et des défrichements il me demanda si j'étais d'avis que le palmier nain est indispensable à la conservation des pacages par l'abri qu'il donne en été aux plantes fourragères.

                 Je répondis qu'il m'était impossible de partager d'une manière absolue cette opinion ; que la chose vraie, en elle-même, en ce qui est du pâturage primitif chez les indigènes, principalement pour les terrains de médiocres qualités, n'était plus applicables pour les terres cultivables où l'industrie européenne saurait toujours par la faux ou les instruments perfectionnés, tirer parti des foins là où les palmiers ne seraient pas un obstacle ; que le palmier nain qui ne produisait rien ou presque rien, était avec raison considéré par les colons comme un de leurs plus cruels ennemis.

                 Le souverain s'informa si le grand lac salé qui se déroulait devant nous :
                 - était insalubre,
                 - si l'eau y séjournait toujours,
                 - s'il serait facile de le dessécher,
                 - de l'assainir,
                 - de le cultiver.

                 Sur la question de salubrité, l'opinion étant très divisée, je me bornai à affirmer que, même à ma ferme des bords du lac, nous n'avions jamais directement ressenti de funestes influences du voisinage du grand lac.
                 Il me semblait possible, si non facile, de rendre à l'industrie pastorale cette immense steppe aquatique mais que c'était là une œuvre de persévérance et non une entreprise à enlever d'assaut en deux ou quatre ans ainsi que théoriquement on semblait le croire, ce qui malheureusement jusque-là n'avait abouti qu'à entraver les efforts particuliers qui, pratiquement, avaient essayé de conquérir quelques parcelles des bords du lac dont l'étendue totale ne comptait pas moins de 60.000 hectares. Quant à moi il me paraissait d'autant plus difficile que le lac puisse lui-même engendrer des maladies que dans toute son étendue, aucune plante, aucun animalcule (animal microscopique) ne peut s'y développer puisque les eaux du ciel qui s'y accumulent en hiver, se saturent immédiatement de sel, et s'évaporent dès que la saison pluviale cesse ; de sorte que la cuvette du lac composée d'argile salée dont la couche n'a pas moins de 300 mètres d'épaisseur, reste ordinairement 6 à 8 mois complètement à sec.

                 Le souverain visita ensuite les bergeries et se fit apporter des laines afin de se rendre compte des rendements différentiels très sensibles en poil et en qualité qui existe entre la toison arabe et la toison métis mérinos dont j'ai introduit la race en 1854 dans la province d'Oran.
                 Le lendemain il partit pour l'intérieur ; à son retour du Sig M. Charles Bonfort lui remis un mémoire sur la colonisation, ou plutôt l'exposé d'un mode d'exploitation agricole et pastorale répondant avec plus de méthode aux diverses questions que, L'Empereur lui avait adressées sur cet objet pendant sa visite à Temsalmet.
                 Ainsi se termina la visite du souverain dans notre contrée..
Napoléon III en Algérie
par Octave Tessier, correspondant du Ministère
de l'Instruction publique
pour les travaux historiques. Édition 1865



Le mariage est un viol d'enfant
Envoi de M. Christian Graille

             Certes Français et Arabes diffèrent d'habitudes et de mœurs : si consommer le mariage avec une fillette impubère est chez les Français un crime, c'est chez les Arabes une coutume ; aussi les petites filles arabes se marient-elles à l'âge où les petites françaises jouent seulement à la mariée.
             En suivant d'un œil impatient les évolutions enfantines de leurs filles, les pères musulmans calculent ce qu'elles vaudront en douros : car contrairement aux Français qui ne consentent à se marier qu'avec une femme qui leur apporte de l'argent, les Arabes sont, eux obligés d'en donner pour pouvoir épouser.

             Ce qui constitue le mariage musulman, ce qui le rend valable, c'est la dot versée par l'époux comme prix d'achat de la femme.
             Dans les villes la dot de la femme se calcule en argent (en douros), sous la tente :
             - En troupeaux de moutons - en chameaux - en palmiers.

             Dans les oasis du Sahara, le douaire de la femme noire ne consiste guère qu'en :
             - Bijoux - ceintures - coupons de tulle - ou de cotonnade.
             Une femme du commun se vend trente à cinquante francs.
             Une femme qui sait tisser le burnous est payée de trois à huit cents francs. A douze ans une femme est estimée pour sa figure, à vingt ans pour son savoir-faire.

             Aux premiers temps de l'occupation, les femmes arabes gardées en otage étaient échangées contre des chevaux ou vendues à l'enchère comme des bêtes de somme. - Autrefois aussi, en Grèce, on troquait les femmes contre des bœufs.
             C'est pour cela qu'elles sont appelées dans l'Iliade " trouveuses de bœufs."
             - Dans le Sud de l'Afrique, le sexe féminin tient au même titre que les perles, lieu d'argent ; de même en Asie.
             - Dans l'Afghanistan on compense encore un meurtre par la livraison de plusieurs jeunes filles et une blessure pour la livraison d'une femme.
             Une fillette est suivant sa gentillesse et le rang de sa famille payée de trois cents à mille francs.
             Les acquéreurs se disputent les musulmanes qui exercent les fonctions d'institutrices (monitrices) et les payent de mille à trois mille francs.
             Plus les petites arabes sont jolies, plus elles sont certaines d'être achetées par un vieux mari auquel sa position permet de les payer très cher.
             La vente des musulmanes donne lieu à un marchandage entre le père et le futur époux. L'objet du litige, la femme n'est mise au courant de l'affaire que quand elle est conclue.
             Il y a des gamines de sept ans qui tirent à la bûche pour savoir auquel des hommes qui les ont payées, elles devront appartenir. Ceci prouve que dans le commerce des femmes, la mauvaise foi n'est pas exclue.
             Tous les jours d'ailleurs les prétoires des tribunaux algériens retentissent de révélations scandaleuses et de réclamations d'hommes qui ont payé une femme qu'ils se voient enlever par un autre.

             On a fait grand bruit en France de l'aventure de Fatimah, cette jeune institutrice kabyle que son père avait vendu 750 francs à un nommé Rhamdan et qui ensuite, avait épousé un jeune homme selon son cœur, l'instituteur Ibrahim, fut réclamée par son premier époux.
             Le juge de paix de Mekla, se conformant à la loi coranique avait donné gain de cause à Rhamdan et il a fallu toute la pression de l'opinion publique vivement émue en France par ce barbare procédé pour forcer le tribunal de Tizi-Ouzou :
             - à infirmer le jugement du juge de paix de Mekla,
             - dégager Fatimah de l'engagement pris par son père avec Rhamdan
             - et lui permettre de filer le parfait amour avec l'instituteur qu'elle avait épousé.

             Il ne faut pas oublier que Fatimah et Ibrahim :
             - appartenaient au monde universitaire,
             - que leur chef M. le Recteur Jeanmaire, s'était intéressé à leur odyssée et l'avait signalée.
             Qu'on supprime l'indignation publique soulevée par ce concours de circonstances et Fatimah aurait été obligée de quitter son second mari qu'elle aimait, pour aller vivre avec le premier qu'elle ne connaissait pas, tant est grande l'habitude de nos tribunaux français de respecter les anomalies arabes.

             Les victimes ordinaires ont beau se faire éloquentes et suppliantes, leur voix désespérée n'émeut pas plus le public que les juges. J'en ai vu :
             - se tordre les bras,
             - se rouler à terre,
             - hurler,
             - mordre ceux qui les approchaient, en entendant la justice française, stylée par les trembleurs, leur appliquer le droit coutumier musulman, si formellement en contradiction avec notre droit français.

             Trop souvent les juges français annulent les mariages librement consentis, pour livrer la femme à l'homme qui l'a achetée, alors qu'elle était enfant.
             Que dis-je, il se trouve même des magistrats français, pour livrer la jeune fille à l'homme qui l'a achetée avant qu'elle ne soit née !
             Il y a quelques années à Ben-Mansour, un père vendu sa fille à naître.
             Quand la petite fut venue au monde, il voulut résilier le contrat passé et s'adressa aux tribunaux ; mais les tribunaux donnèrent gain de cause au mariage projeté, la jeune fille vendue avant sa naissance dut appartenir à son acquéreur.
             Le procès, m'a dit l'habitant du pays qui me signalait ce fait, a coûté dix-sept mille francs.
             Les pères pressés de tirer profit de leurs filles, n'attendent pas leur nubilité pour les marier.
             Pour masquer cet attentat à la nature, on n'omet pas de dire au mari qu'il usera de son droit d'époux que quatre, cinq ans après le mariage.
             L'enfant n'en est pas moins à la merci d'un homme qui n'a aucun dérivatif à ses passions, qui se dit que la petite payée est son bien et souvent, dans la fillette la femme est atrophiée.

             Quand le fait par trop criant parvient aux oreilles de la justice, les parents criminels et l'homme qui a infligé non le mariage mais le viol à une enfant, trouvent des témoins de complaisance qui excipent de leur bonne foi et ils sont acquittés.
             La cour d'Assises d'Alger vient encore d'acquitter un mari de Takement, Medja Iddir Ben Mohamed, qui avait violé sa femme âgée de neuf ans après l'avoir attaché avec des fils de fer.
             Pour mettre un terme à ces viols d'époux, il faudrait appliquer sur tous les territoires français la loi qui interdit aux filles de contracter mariage avant quinze ans.
             Si les femmes avaient en France leur part de pouvoir, elles ne permettraient pas que sur une terre francisée subsiste une loi admettant le viol des enfants.
             L'homme tolère ce crime, parce qu'il est solidaire de celui qui en profite.
             Quelques fois les drames poignants qui se passent dans le gourbi ou sous la tente sont révélés : j'ai vu amené devant le juge une petite fille de neuf ans, étique et couverte de brûlures. Son mari, un vieux, racontait qu'elle était tombée au feu pendant une crise d'épilepsie.
             Tout le monde sait à quoi il faut attribuer ces crises nerveuses si fréquentes chez les petites épouses arabes.
             L'atrophiement dont elles sont l'objet dans leur enfance rend, alors que les hommes de leur race sont grands et forts, la plupart des femmes petites, délicates, maladives.

             La loi française baissera-t-elle toujours pavillon devant le Coran ?
             La République n'ira-t-elle pas au secours des petites victimes de la débauche musulmane ?
             D'après la loi coranique aucune femme ne peut se soustraire au mariage.
             Le père a le droit de l'imposer à sa fille, le tuteur ou le Cadi ont le pouvoir de forcer les orphelines de se marier.
             En se mariant la musulmane garde son nom. Messaouda bent (fille), Djaffar reste quand elle a épousé Aïssa ben (fils) Lakdar, Messaouda bent Djaffar.
             On ne la reconnaîtrait plus si elle changeait aussi souvent de nom que de maîtres.
             Elle conserve sagement le sien, ce qui n'existe pas chez nous et au lieu d'annihiler comme la française sa personnalité, elle l'augmente, elle acquiert par le fait du mariage une sorte d'émancipation civile et économique.
             La femme arabe ne peut disposer d'elle et de sa fortune qui le jour où elle est mariée. Mais dès ce jour il a l'administration et la jouissance de ses biens personnels. Elle peut même plaider contre son mari sans aucune autorisation.
             Entre époux musulmans, la séparation de biens est le droit commun.
             La femme n'a rien à dépenser dans le ménage, elle ne doit apporter aucune part contributive, attendu que la première condition exigée de l'homme qui veut contracter mariage est de pouvoir subvenir à l'entretien et à la nourriture de chaque femme qu'il épouse.
             Mais l'Arabe souvent oublie le Coran et exploite ses femmes au lieu de les entretenir. Bien que la musulmane ait reçu de son mari une dot, le soir de ses noces elle lui demande " le droit de la première entrevue ". L'époux donne selon ses moyens une pièce de métal ou un billet de banque.

             Cet usage était observé en France aux premiers temps de notre histoire.
             Clovis n'épousa-t-il pas Clotilde par le sou d'or et le denier d'argent ?
             Le mari était censé acheter sa femme par ces deux pièces de monnaie.
             Les prohibitions relatives au mariage musulman sont nombreuses :
             - Il ne doit exister entre les fiancés, ni parité de sang, ni parité de lait c'est-à-dire que le mariage est défendu entre les enfants qui ont sucé le lait d'une même nourrice.
             - Les M'zabites doivent se marier dans leur pays d'origine, l'émigration leur est interdite.
             - Les musulmanes ne peuvent épouser que des musulmans alors que les musulmans peuvent épouser des femmes de toutes races et religions.

Les femmes arabes en Algérie par Hubertine Auclert.
Édition 1900

Glottophobie
Par M. Marc Donato

          En voilà un que je ne connaissais pas il y a quelques jours encore. Il est vrai qu'il n'est apparu qu'en 2008 dans le marécage linguistique français. Et encore a-t-il fallu qu'il débarque sur le bureau de notre Assemblée nationale pour que je m'y intéresse. Et oui, on va voter une loi contre la glottophobie, cette discrimination par l'accent. Vous avez bien entendu ?

          Une loi pour ça ! Comme s'il n'y avait pas de chats plus enragés à fouetter en ce moment ! Ainsi donc, il existerait une discrimination par l'accent. Après le nom, la couleur de peau, la religion, le sexe, maintenant l'accent ! Comme s'il était pour quoi que ce soit dans la valeur d'un individu !
          Cependant, à y regarder de plus près, dans les hautes sphères de la politique de la radio ou de la télévision, on n'entend guère d'intonations régionales, comme s'il fallait qu'il existe une langue policée, uniforme, centralisée, jacobine, dirait Michel Onfray, celle de la capitale !
          Pourtant, quel plaisir d'entendre le député Jean Lasalle évoquer la trahison des élites avec son accent béarnais, le premier de tous nos ministres détailler la pandémie avec son accent de pilier de "ruby" de la 3e mi-temps, ou encore J.-M. Aphatie parler du général de Gaulle avec un grain d'accent du Sud-Ouest. Oserais-je oublier Jean-Claude Gaudin ? Au diable la glottophobie !
          Les glottophobes au poteau !

          Quoi ? On voudrait m'enlever mon accent, tout ce qui me reste de mon pays perdu ? On voudrait raboter l'accent marseillais, niveler l'accent alsacien, étouffer l'accent toulousain, assassiner l'accent corse ? Mais c'est toute la France qu'on voudrait dénaturer !
          Toute une nation qu'on voudrait uniformiser ! Pour éclairer les glottophobes, je les renvoie à la lecture de cet admirable texte de Miguel Zamacoïs, L'accent, dont j'extrais deux vers : " Non, je ne rougis pas de mon fidèle accent. Je veux qu'il sonore, et clair, retentissant. Et m'en aller toujours tout droit, l'humeur toujours pareille. En portant mon accent fièrement sur l'oreille".

Marc Donato - décembre 2020

L'accent

          De l'accent ? De l'accent ? Mais après tout en ai-je ?
          Pourquoi cette faveur ? Pourquoi ce privilège ?
          Et si je vous disais, à mon tour, gens du Nord,
          Que c'est vous qui pour nous, semblez l'avoir très fort ;
          Que nous disons de vous du Rhône à la Gironde :
          - Ces gens-là n'ont pas le parler de tout le monde !
          Et que, tout dépendant de la façon de voir,
          Ne pas avoir d'accent, pour nous, c'est en avoir.

          Et bien non, je blasphème et je suis las de feindre,
          Ceux qui n'ont pas d'accent, je ne puis que les plaindre !
          Emporter de chez soi ses accents familiers,
          C'est emporter un peu sa terre à ses souliers.
          Emporter son accent d'Auvergne ou de Bretagne,
          C'est emporter un peu sa lande ou sa montagne.
          Lorsque loin du pays, le cœur gros, on s'enfuit,
          L'accent, c'est un peu le pays qui vous suit.

          C'est un peu, cet accent, invisible bagage,
          Le parler de chez soi qu'on emporte en voyage.
          C'est pour les malheureux à l'exil obligés,
          Le patois qui déteint sur les mots étrangers.
          Avoir l'accent, enfin, c'est chaque fois qu'on cause,
          Parler de son pays en parlant d'autre chose.
          Non ! Je ne rougis pas de mon fidèle accent :
          Je veux qu'il soit sonore et clair, retentissant.

          Et m'en aller tout droit, l'humeur toujours pareille,
          En portant fièrement mon accent sur l'oreille.
          Mon accent ! Il faudrait l'écouter à genoux;
          Il nous fait emporter la Provence avec nous
          Et fait chanter ma voix dans tous mes bavardages
          Comme chante la mer au creux des coquillages.
          Ecoutez : en parlant, je plante le décor
          Du torride Midi dans les brumes du Nord.

          Mon accent porte en soi d'adorables mélanges
          D'effluves d'orangers et de parfums d'oranges :
          Il évoque à la fois le feuillage bleu-gris
          De nos chers oliviers aux vieux troncs rabougris
          Et le petit village où les treilles splendides
          Eclaboussent de gris la blancheur des bastides !
          Cet accent-là, mistral, cigales et tambourins,
          A toutes mes chansons donnent un même refrain ;
          Et quand vous l'entendez chanter dans mes paroles,
          Tous les mots que je dis chantent la farandole.
Miguel ZAMACOÏS ( La fleur merveilleuse).


La femme arabe en 1873
Envoi de M. Christian Graille

      Michelet, dans une de ses poétiques leçons faites au Collège de France disait un jour : " Mahomet, lorsqu'il élabora la constitution sociale des orientaux fut très embarrassé, il ne sut que faire de la femme ! "
       Il est constant :
       - que la femme est l'objet de toutes les préoccupations de l'Arabe,
       - de toutes ses convoitises et
       - la source de tous ses embarras.

       L'état social de la femme arabe ne peut en rien être comparé à celui des femmes européennes.
       Lorsque l'on étudie attentivement les mœurs et les coutumes des indigènes, on parvient à établir des points de comparaison entre eux et les différents peuples mais il est impossible d'en établir entre la destinée de cet être paria, que l'homme n'estime qu'en vue des jouissances matérielles et dont il ne protège ni les intérêts ni la vieillesse.

       Un magistrat s'écriait dans un procès scandaleux qui s'était dénoué devant la cour d'Alger : " Le mariage arabe n'est qu'une prostitution ! "
       Cette crudité oratoire dit tout.
       La polygamie est la loi de reproduction des peuples d'Orient.
       Mahomet autorise un nombre limité de femmes dites légitimes, mais il est si peu exigeant dans ses restrictions que le musulman peut facilement éluder la loi et satisfaire tous ses caprices.

       Il a pour lui le divorce dont il use avec une facilité extrême.
       Il existe sur les coutumes orientales des idées tellement erronées qu'il n'est pas hors de propos de tracer un rapide tableau de l'existence de la femme et de montrer qu'elle est la part misérable qui lui a été faite dans cette société bizarre.
       On a si souvent représenté les arabes comme des êtres jaloux à l'excès et soucieux avant tout de leur bonheur intime et de leur dignité de maris, qu'on ne saurait trop détruire ces préjugés et ces mensonges.
       La jeune fille indigène comprend, dès sa plus tendre jeunesse, qu'elle est vouée au gynécée (appartement réservé aux femmes).
       La possibilité du célibat ne lui apparaît sous aucune forme, ni à la suite d'un acte de volonté, ni par le fait de convenances ou de combinaisons sociales.
       Son existence matérielle n'étant point garantie par la loi de succession, elle n'est pas libre de disposer d'elle-même, ni de son avenir.
       - Elle n'a qu'une seule chance, la beauté,
       - qu'un seul culte, la maternité !

       Il n'existe dans l'enfance, aucune différence entre la vie des petits garçons et celle des petites filles. Dans le douar on voit courir tous ces petits démons à peine vêtus, dans les touffes d'alfa et de palmier nain.
       Dès que la jeune fille atteint la puberté, dès qu'elle est nubile, elle est séparée de ses frères et elle prend place à côté des femmes dans la partie réservée de la tente ; elle est dès lors obligée de voiler son visage et de fuir la curiosité des hommes. C'est l'instant critique de sa vie car c'est le moment où le père peut la vendre. Dans la tribu le prix d'une jeune fille ne dépasse guère cent cinquante à deux cents francs, sans compter quelques petits cadeaux que le futur joint à ses douros. Le mérite de la jeune fille consiste à savoir préparer le couscous et à savoir tisser les burnous et les haïks.

       Dès qu'un Arabe sait qu'il y a quelque part, sous une tente, une jeune fille qui possède des qualités, il observe de loin la démarche et l'attitude de celle qu'il convoite.
       Quelques signes imperceptibles pour le commun des observateurs, mais compréhensibles pour lui. Une fleur posée dans les replis du haïk ou semée sur la route du soupirant, un léger dérangement dans les plis du voile qui couvre le visage lui font comprendre qu'il est agréé et que sa présence n'est pas importune.
       Le père n'est point trop exigeant et ne résiste guère à l'appât de quelques douros. Sa sollicitude est bien plus personnelle que tournée vers l'intérêt de sa fille.
       C'est une marchandise qu'il livre au plus offrant et il ne connaît point la résistance, une fois le marché conclus : La fille doit obéir à ses ordres et suivre sans discussion l'homme qui l'a achetée.
       Nous avons pu étudier de près la famille arabe dans ce qu'elle a de plus intime. Notre profession nous a permis de recueillir des observations et d'établir des statistiques qui ne sont inutiles ni au point de vue scientifique, ni au point de vue de l'étude comparée des races.

       La jeune fille arabe est mariée, presque toujours, dans les premiers mois qui suivent la première menstruation.
       Elle est fiancée bien souvent avant cette apparition mais elle ne se sépare de sa famille, pour suivre son mari sous la tente, qu'après l'établissement de la puberté.
       Il résulte de nos observations personnelles que, dans la tribu où les conditions hygiéniques sont déplorables, la jeune fille n'arrive à l'âge de puberté qu'après la quinzième année, souvent vers dix-huit, quelquefois même après vingt ans.
       Son corps est moins bien développé que celui des filles qui vivent dans les villages et surtout, beaucoup moins que celui des jeunes Mauresques qui vivent dans les villes. La menstruation est donc en raison des soins hygiéniques, et non en raison de la latitude ou du climat.
       C'est une loi observée en Europe où la menstruation est plus tardive dans les campagnes que dans les villes.

       L'existence misérable de la femme dans son enfance est suivie d'une existence plus misérable encore dans sa jeunesse ; aussi la beauté réelle de la jeune fille indigène n'est-elle qu'éphémère et, si on la constate, c'est à travers les signes d'une décrépitude précoce.
       - Les traits sont fins et distingués,
       - les yeux admirables,
       - la chevelure noire et abondante,
       - le corps est plein de souplesse,
       - les attaches articulaires sont fines et déliées,
       - la démarche pleine de grâce.

       Si fugitif que soit le moment qui suit et accompagne la puberté, il est facile de le saisir lorsqu'on fréquente les Arabes sous la tente, et on comprend que cette jeune fille pleine d'attraits et de charmes devienne l'objet d'une convoitise qu'explique d'ailleurs le tempérament fougueux des indigènes.
       L'enfance, sans restriction est bercée de rêves d'amour et la communauté d'existence ne tend nullement à affaiblir des tendances que le climat surexcite.
       La jeune fille arrive donc à l'âge de sa transformation avec une pleine connaissance de sa destinée.
       Elle ne raisonne pas avec ses intentions, elle s'y abandonne toute entière.

       Faut-il ajouter que, vivant dans un milieu dissolu, et n'ayant pour frein ni la morale, ni le sentiment de sa dignité elle est le plus souvent préparée, par le libertinage, à un mariage qui n'est que la consécration de son éducation lascive.
       Triste état social où la mère de famille n'est point initiée graduellement aux grands devoirs qui lui incombent, où la malheureuse jeune fille sait d'avance que son règne durera juste autant que sa beauté éphémère !

       Quel rôle joue la nouvelle épouse ! Elle vient prendre sous la tente la place d'une rivale qui, hier, avait un empire égal au sien dans le cœur du mari, et qui, sous ses yeux, est reléguée avec ses enfants au second rang.
       Elle allume des colères des jalousies qui ne s'éteignent que lorsqu'une troisième concubine vient à son tour, lui signifier l'arrêt d'indifférence et d'abandon du maître. Si elle est mère et que son sein soit fécond, elle a quelques chances de durée, mais si elle est stérile, le divorce est là qui l'attend.
       L'Arabe capricieux, n'écoute ni la voix de la raison qui lui dit que ses ressources sont très limitées et que le Prophète lui a recommandé de ne prendre que le nombre d'épouses qu'il pourra nourrir.
       Il ramasse des douros pour se procurer de nouvelles et incessantes satisfactions.
       Il ne connaît point les scrupules de la conscience, il n'écoute que sa passion et sa mobilité a quelque chose de celle de la bête fauve.

       La femme aimée est l'objet de ses attentions les plus délicates. C'est pour elle qu'il achète :
       - les belles ceintures brodées,
       - les beaux foulards d'Alger,
       - les verroteries et
       - les bracelets d'or.
       Pour elle qu'il se procure des haïks de soie et de laine, du Maroc ou de Tunis.

       La femme délaissée :
       - prépare les aliments,
       - tisse des burnous,
       - va laver les toisons,
       - va à la fontaine chercher de l'eau qu'elle porte dans des outres sur son dos,
       - elle tourne la meule pour moudre le grain.
       - Elle est la bête de somme de la vie intérieure.

       Le mariage arabe est un engrenage sans fin, qui prend la jeune créature à la société pour la transformer en être décrépit et informe qui périt, sans protection, dans l'abandon et la misère.
       Tandis que, dans les sociétés où la femme est entourée de respect et de soins, la beauté atteint tout son éclat vers l'âge de trente ans, dans la société arabe, cet âge est déjà celui du déclin : la vieillesse est précoce pour la femme indigène.
       La jalousie du mari se concentre que celle qui plus jeune et plus attrayante possède son imagination .
       Sa sollicitude ne va pas au-delà de la satisfaction de ses désirs. C'est un préjugé, généralement répandu, de croire que les Arabes cachent leurs femmes à tous les regards.

       Dans la Kabylie, les femmes vont partout à visage découvert ; plus on s'enfonce dans le Sud, moins on trouve de visages voilés.
       Enfin, faut-il le dire, dans les environs de Laghouat, chez les Ouled Naïl, la prostitution est la première étape du mariage, les femmes se livrent au premier venu et lorsqu'elles ont ramassé assez de bijoux et de douros, elles trouvent facilement à de marier avec des chefs de tente, même avec de grands chefs.
       Au fond du mariage arabe il y a une spéculation constante.
       Le père écoute toutes les propositions qui lui sont faites ; il pèse les arguments et ne livre sa fille qu'au plus offrant.
       Le commandant Richard a si bien décrit toutes ces turpitudes, que nous ne saurions ambitionner le degré de perfection qu'il a su atteindre ; il a mis dans cette tâche tout l'esprit de Rabelais et toute la finesse de Beaumarchais.

       Le mari, circonvenu par des commères, connaît d'avance les talents de sa future, il sait :
       - qu'elle prépare à merveille le couscous,
       - qu'elle sait tisser les haïks ;
       - il sait : si sa tenue est décente,
       - si son caractère est enjoué.
       - Il calcule ce que lui rapportera son union et l'utilité de sa nouvelle ménagère et il ne risque son argent qu'à bon escient.

       La coutume kabyle à la différence de la loi romaine et de la loi musulmane, n'admet point l'existence légale du concubinat et les mœurs ne tolèrent même aucune relation sexuelle en dehors du mariage.
       Cette sévérité de la morale publique n'est malheureusement point fondée sur le respect de la femme : la position de celle-ci, dans la société kabyle est effacée et infime.
       Le mariage, pour ces rudes populations, n'est ni l'union intime de deux êtres dont l'individualité se confond dans une communauté d'affections, ni une société dans laquelle chacun a des droits en harmonie avec ses devoirs : achetée, livrée, sans que, le plus souvent, sa volonté intervienne, la femme kabyle n'a pour ainsi dire pas de personnalité légale : c'est une chose humaine.

       Il faut, à l'égard du rôle de la femme en Kabylie, se dépouiller des erreurs qu'ont propagées les brillants paradoxes d'éminents écrivains.
       Si la coutume accorde quelques droits à la mère, elle n'assure à la femme qu'une impuissante protection et ne lui laisse de ressources contre l'oppression maritale que la fuite et l'insurrection.

       La dot qui, dans le Coran, est une condition essentielle du mariage musulman la dot, dont le droit romain avait fait une institution politique, le morgenbad (Mariage d'un personnage de haute lignée avec une personne de moindre rang.) de la tribu germanique, n'existe point en réalité dans la société kabyle.
       Le père, à défaut du père, le frère, l'oncle, un agnat (aceb) quelconque, vend la jeune fille.
       Les lois de l'humanité et de la pudeur ne sont même pas respectées dans le marché. La coutume ne fixe aucun âge légal pour la consommation du mariage, et le père a le droit de livrer aux caresses de l'acheteur son enfant impubère.

       Chez les Maures la polygamie n'existe qu'à l'état d'exception, la mère est plus respectée, le lien matrimonial plus étroit et plus sacré ; à mesure que le chef de famille comprend mieux les devoirs de la paternité, on voit l'existence de la femme entourée de plus de délicatesse. Le Maure présente dans sa démarche :
       - une dignité et une gravité peu communes,
       - son visage est distingué,
       - ses traits sont fins.

       Il y a dans toute sa personne une noblesse incontestable.
       La femme mauresque de pure race est admirable, elle a des raffinements de gracieuseté qui la placent de beaucoup au-dessus de la femme de la tribu.
       Elle connaît les secrets intimes de la vie, orientale, non pas seulement le secret de séduire, mais celui, bien plus grand, de fixer ; aussi le mari est-il très réellement un type de jalousie et aussi … de fidélité.
       Il n'y a qu'un seul motif qui puisse le détacher de sa première épouse, c'est la stérilité. La femme sait que la famille est le véritable but du mariage se résigne et supporte la présence d'une rivale féconde.

       Le costume des femmes arabes est d'une simplicité extrême et se résume en quelques pièces de cotonnade, des haïks et des burnous tissés de leurs mains.
       Parfois une ceinture en soie et quelques vestes brodées achetées aux Juifs et dont elles n'ont même pas l'étrenne.
       Les femmes mauresques ont des costumes très riches, des vestes brodées sur velours, qui coûtent des prix fabuleux et qui représentent quelquefois le travail lent et minutieux de plusieurs mois.
       Si on examine avec attention le costume de la Mauresque et ses allures, on retrouve en elle la tradition grecque dans toute sa pureté, l'attitude énervée de la petite fille d'Aspasie (470-400 avant Jésus-Christ. Compagne de Périclès.), les mêmes préoccupations pour plaire et, chose étrange, tous les détails de toilette intime dont faisaient usage les courtisanes d'Athènes.

       Il n'y a de musulman dans cette société que l'homme ; la femme, à cause peut-être de l'oubli dont elle a été l'objet, est restée païenne.
       Elle aime sans restriction et sans arrière-pensée, elle est courtisane par les sens, tandis que les femmes européennes le sont par intérêt.
       Elle se moque du vieux Critidès qui l'enferme derrière les barreaux d'une prison, et lorsqu'elle laisse tomber un œillet ou un bouquet de jasmin sur le passage de l'amant qu'elle convoite, elle y joint toute sa pensée et toute son âme.
       Elle aime, sans effronterie et se livre sans réticence tant elle a la conscience de sa fragilité et la prescience de sa triste vieillesse.

       Quand on ouvre le dictionnaire des antiquités romaines et grecques de Rich on est tout stupéfait d'y retrouver les détails de la vie intime des femmes indigènes, comme si, après vingt siècles, on ouvrait une page fermée la veille au moment du sommeil. Il n'est pas inutile de reproduire un passage d'un livre publié par un historien qui vivait quatre siècles avant l'ère chrétienne, et dont les ouvrages sont perdus.
       Il fait une peinture du roi de Perse dans l'Egypte : " Y a-t-il une ville, écrivait Théopompus ( historien, orateur, homme politique grec) et une nation dans l'Asie qui 'ait envoyé des ambassadeurs au roi ? Y a-t-il rien de beau et de précieux qui croisse ou qui se fabrique en ces pays, dont on ne lui ait fait des présents.
       - Combien de tapis et de vestes magnifiques, les unes rouges, les autres blanches et les autres historiées de couleurs !
       - Combien de tentes dorées et garnies de toutes les choses nécessaires pour la vie !
       - Combien de robes et de lits somptueux !
       - Combien de vases d'or et d'argent enrichis de pierres précieuses ou artistiquement travaillées ! Ajoutez à cela un nombre infini d'armes étrangères et à la grecque ; une foule incroyable de bête, de voitures et d'animaux destinés pour les sacrifices … etc. "

       Ne dirait-on pas qu'on se retrouve en présence des tribus arabes, allant porter leur tribut à l'un des conquérants modernes et ne retrouve-t-on pas là le catalogue des présents que les indigènes peuvent offrir ?
       Le luxe asiatique a été transmis par les invasions en Egypte, puis de là dans la Lybie et enfin par les conquérants arabes jusqu'au Maroc.
       Dans les coutumes, dans les usages qui concernent la femme, on ne trouve aucune modification importante, et les modernes courtisanes d'Alger ne sont que de pâles copies de celles d'Athènes.
       La disposition du costume est encore la même :
       - Le haïk est relevé sur l'épaule et attaché par une agrafe triangulaire en or ou en argent, dont le dessin est grec,
       - le large pantalon flottant qui s'attache au-dessus de la cheville est grec,
       - le gilet à boutons brillants qui sert de corsage se retrouve, ainsi que la veste brodée d'or ou d'argent chez la jeune fille grecque moderne,
       - L'arrangement de la coiffure est encore la coiffure grecque,
       - L'usage des colliers et du diadème remonte à la plus haute antiquité grecque,
       - Il n'est pas jusqu'aux parfums et aux teintures dont elles font usage qui n'ait également cette origine.

       Les dames romaines avaient hérité de tous les costumes mais elles avaient sensiblement modifié la tradition, sans doute à cause du climat.
       Les femmes arabes n'en ont retranché que les parties luxueuses que leur existence nomade ne permettait pas de conserver et qui sont restées l'apanage des Mauresques.
       Ce n'est pas sans raison que nous avons insisté sur cette question grave de la tradition. Nous la retrouverons dans les détails intimes de la vie arabe, dans ce qui se passe au bain maure notamment, qui est resté comme un centre d'attraction pour les femmes et où elles se livrent à des pratiques qui n'ont rien de la domination romaine, mais qui ont conservé tout le cachet de l'éducation grecque.

       La noire dont nous n'avons point encore tracé la physiologie et qui joue un si grand rôle près de la femme arabe, dont elle est la servante dévouée, souvent la rivale, a conservé un costume qui remonte à la plus haute antiquité
       Les caravanes indigènes qui font le commerce d'échange avec le Gouraya et qui vont dans le Bornou ( province du Nord du Tchad) et dans le Soudan porter les cotonnades françaises ou anglaises, ramènent de très belles noires qu'elles cèdent à des prix d'agent aux Mozabites ou aux chefs de tentes du Sud.
       Quoique libres sur le sol français, elles ne comprennent pas l'importance de cette liberté leur état misérable les attache au maître que le hasard d'un marché leur a donné ; elles deviennent le plus souvent leurs concubines et restent rivées à la tente par les liens de la maternité.

       L'Arabe paye un léger droit du sang en aumônes ou en fondations et il accorde aux enfants qui naissent de ce croisement un rang égal à celui qu'occupent les enfants légitimes.
       On peut dire que dans les veines des Arabes du Sud, coule un sang de noir et d'ailleurs ils ont presque tous des signes physiques qui ne permettent pas à l'observateur attentif de s'y méprendre.
       Il n'est pas de contrée où l'amour du bijou ne soit plus prononcé que chez les femmes arabes.
       Elles surchargent leurs oreilles dont elles déchirent les cartilages,
       - d'anneaux d'or ou d'argent massifs,
       - de brimborions (chose de peu d'importance ou de peu de valeur) de corail grossièrement travaillés,
       - autour du cou elles portent des colliers,
       - autour des poignets elles glissent des bracelets en or, minces et multiples,
       - enfin, autour de la cheville elles étalent de lourds anneaux de différents métaux, signe de l'esclavage, transmis de génération en génération, dès la plus haute antiquité.

       Le tatouage est une pratique commune dans toutes les contrées de l'Algérie mais il est infiniment plus répandu en Kabylie que partout ailleurs.
       Les classes élevées n'en font pas usage, les femmes de grande famille ne le sont sur aucun point du corps ; l'absence du tatouage est un signe de distinction et de noblesse de race. Chez les femmes de classe inférieure,
       - le front, les tempes, le menton, le cou,
       - la partie supérieure de la poitrine,
       - les mains et
       - l'avant-bras en sont littéralement couverts.

       Ces signes bizarres empruntés aux coutumes libyennes et égyptiennes donnent à la physionomie un caractère d'énergie et de pureté qu'augmente le maquillage dont les femmes arabes de tous les rangs et de toutes les conditions se servent pour raviver l'éclat de leurs yeux éraillés, ou de leurs joues flétries par le hâle et la débauche :
       - Les cheveux sont teints en noir avec la noix de galle (excroissance tumorale produite sur le chêne quercus pyrenaica par une piqûre d'insecte servant à teindre en noir et à faire de l'encre.),
       - les yeux fortement encadrés de raies noires faites avec un crayon d'antimoine,
       - les joues passées au vermillon,
       - les mains plongées dans le henné jusqu'au poignet,
       - les ongles parfaitement noircis et luisants,
       - les pieds, enfin teints également jusqu'à la cheville.

       Toutes les heures de loisirs sont consacrées à ces toilettes intimes qui ont pour but de rehausser l'éclat de la beauté de la femme et qui malheureusement, ne servent qu'à la flétrir.
       Elles emploient pour s'épiler, des pâtes arsenicales qui attaquent le derme de la peau et lui donne un aspect tanné et parcheminé d'une rudesse étrange.
       Une femme de vingt-cinq ans a l'aspect d'une femme de quarante, et, à trente ans, on lui en donnerait facilement cinquante.
       Les épaules, les bras, le flanc perdent leur modelé ; les chairs sont flasques et tombantes, et de quelque soin qu'on les entoure, on ne parvient pas à les ramener à un degré de tonicité qui laisse soupçonner qu'elles furent des types de grâces et d'agilité.

       A peine sorties de la première jeunesse, vivant d'une vie claustrale qui les condamne à un repos constant, elles perdent les formes gracieuses qui en faisaient des modèles pour la statuaire, elles prennent un embonpoint considérable, aussi ont-elles généralement une démarche lente et lourde.
       Pour les Orientaux le plus bel apanage de la femme, c'est l'embonpoint ; à Tunis elle est estimée en raison de son poids. Il en est qui ne peuvent plus se mouvoir et qui ont une peine infinie à se rendre jusqu'au bain maure, même en litière.
       Le tempérament qui, dans la jeunesse, était nerveux et sanguin devient par la suite purement lymphatique. Aussi sont-elles d'une mollesse et d'une paresse dont il est impossible de se faire une idée, si on n'a soulevé le voile qui cache de si rapides transformations et une aussi triste décadence.

       Si la maternité est précoce, par contre elle cesse de bonne heure ; vers l'âge de quarante ans, la femme arabe ne compte plus sous la tente que comme ménagère. Elle aime ses enfants avec idolâtrie et jamais elle ne les bat.
       Les enfants éprouvent pour leurs parents une grande tendresse.
       L'allaitement se poursuit longtemps et l'on voit des enfants de quatre à cinq ans venir, après avoir couru dans les broussailles se suspendre au sein de leur mère avec une avidité qui n'est préjudiciable qu'à cette malheureuse qui, mal nourrie et mal abritée ne leur donne qu'une nourriture insuffisante.

       C'est la vie de recluse, combinée à une nourriture féculente qui donne à la femme d'Orient des formes exagérées.
       L'aspect général des chairs est fade, sans couleur et sans chaleur ; elles ont, en un mot, l'apparence de la bouffissure et si elles ne relevaient leur teint à l'aide de crayons d'antimoine et du rouge vermillon, elles offriraient une triste image de la beauté.
       Le sein qui se conserve ferme et beau chez les femmes européennes, même après qu'elles ont nourri plusieurs enfants, est tombant et flétri chez la jeune femme d'Orient. Il en est qui peuvent allaiter des enfants en les portant sur leur dos ; ils tètent par-dessous le bras de leur nourrice, tant les mamelles s'allongent sous la pression réitérée des doigts.

       De quelque précaution que l'Arabe entoure son gynécée, il n'échappe point à la peine du talion.
       Qui dira les ruses ourdies par les femmes délaissées pour introduire jusque sous la tente, pendant le sommeil du mari, un amant préféré, ou bien pour aller à des rendez-vous périlleux dans les touffes de lentisques ou dans les bois d'oliviers ?
       Et peut-il en être autrement dans une société aussi dissolue ou le premier et le dernier mot sont la passion et le caprice !
       Et quand on pense qu'une pareille société a des protecteurs puissants dans le monde civilisé, que le respect des traditions est le prétexte dont on enveloppe les contradictions, toutes les fois qu'un analyste ose aborder franchement cette question et faire le tableau d'une semblable existence.

       Il serait facile de démontrer, le Coran à la main, que les musulmans ne respectent ni la lettre, ni l'esprit de leur code, que la société constituée par l'islamisme n'est qu'un échafaudage vermoulu qu'ils ont laissé crouler en n'écoutant que l'instinct de leur naturel fantasque ; échafaudage sans solidité, qu'il suffirait d'abattre par une loi d'assimilation pour reconstituer un état social profitable à toute la famille arabe.
       - La femme n'est-elle pas le fondement de toute société civilisée ?
       - N'est-ce point sur elle que repose l'avenir des nations ?
       - Et n'est-ce pas un aveu d'ignorance ou d'impuissance que de laisser croupir la jeune fille et la mère de famille dans des traditions aussi malsaines ?

       Tant qu'on n'aura point porté la cognée sur le vieux tronc pourri des traditions, tant que le Coran restera le code de la famille arabe, aucun progrès réel ne sera accompli en Algérie :
       - Le fils n'hérite que suivant la volonté du père,
       - la propriété restera indivise et la proie du plus habile ou du plus fort,
       - l'amour du sol qui crée la stabilité et relève la moralité dans le cœur du paysan, restera à l'état latent,
       - les grands espaces occupés par la famille pastorale seront incultes,
       - la terre conservera son cachet de non production.

       Nous avons pris à tâche d'appeler sur le peuple arabe l'émancipation, c'est pour lui la seule branche du salut. Nous lutterons, la démonstration à la main, jusqu'à ce que cette heure arrive, parce que de ce moment datera pour les indigènes une ère de prospérité et de rénovation.
       La théorie du refoulement est fausse : on ne fait pas impunément le vide sans le combler. Le peuple arabe est un peuple producteur qui possède plus de terres qu'il n'en faut à ses besoins et qui n'a qu'à gagner au contact d'une civilisation.
       La théorie du respect des traditions est insensée parce qu'elle est la négation du progrès. On ne doit respecter que ce qui est moral et juste.

       La société arabe pêche par la base, c'est-à-dire par l'organisation de famille. Il y a entre les droits et les devoirs de l'homme une inégalité choquante qui est une cause d'affaiblissement et de dégradation ; cette société n'offre donc aucun côté qui autorise à perpétuer les vices qui la flétrissent.
       Tant que le rôle de la femme ne sera point modifié légalement, l'Arabe se livrera à tous ses débordements et laissera péricliter sa famille.
       La rénovation de l'Algérie ne commencera que le jour où l'égalité sera proclamée entre les époux, où la loi de transmission de l'héritage sera entourée de toutes les garanties dont elle est entourée en France.
       Nous appelons donc de tous nos vœux ce moment suprême où la femme, dégagée des liens qui la retiennent dans l'esclavage, aura dans cette société son véritable rôle d'épouse et de mère.

       La polygamie, il faut le dire à l'honneur de la race arabe, perd du terrain. Dans la Kabylie elle est rare, par contre le divorce y est assez fréquent.
       Chez les Arabes du Tell, la femme commence à réfléchir et à poser à son mari des conditions. Ainsi elle fait enregistrer dans son contrat devant le Cadi :
       - qu'elle ne moudra pas le grain,
       - qu'elle n'ira plus chercher l'eau dans les outres,
       - qu'elle ne portera plus le bois sur son dos.
       - Elle fait même une clause de divorce de l'apparition sous la tente d'une seconde épouse.

       C'est là un rudiment de protestation et d'émancipation dont le législateur devrait comprendre la portée. Dans les villes la polygamie devient chaque jour plus rare ; à mesure que les obligations du père augmentent, il écoute moins la voix du caprice.
       Beaucoup de femmes indigènes veulent être mariées civilement et exigent que leur dot soit respectée et transmisse à leurs enfants.
       Si l'Arabe tient à son statut personnel, c'est bien plus par orgueil que par intérêt.
       Tout lui commande de changer de loi ; mais fataliste et imprévoyant, il n'use point d'une initiative qui le sauverait de la ruine qui l'attend.

La saison d'hiver en Algérie par le docteur Amédée Morin,
lauréat de l'Institut de l'académie des sciences
et de l'académie de médecine,
chirurgien à l'hôpital civil d'Alger. Édition 1873.


Le laurier rose
Envoi de M. Christian Graille


         Quand dans notre ardente patrie,
         L'été resplendit dans le ciel,
         Toute fleur grillée est flétrie :
         L'abeille ne fait plus son miel.

         Sans herbe la prairie est chauve.
         Tout paraît sans haleine et mort ;
         La campagne est jaunâtre et fauve,
         Sous l'azur et sous l'astre d'or.

         Alors, dans la rivière vide,
         Qui moisie et verte s'endort
         L'eau que boit le soleil avide,
         Lasse, se traîne avec effort.

         Alors fleurit entre les pierres
         Du sol en feu, présent tardif,
         Le laurier rose étalant fières
         Ses corolles d'un rose vif.

         D'Août affrontant la violence,
         La fleur a choisi l'écrin noir,
         De ses feuilles en fer de lance,
         Afin de se faire valoir.

         Lorsque sous des baisers de lave,
         Toute notre planète a succombé
         Le laurier rose éclot et brave
         Le trait du feu du ciel tombé.

         Et rien n'est frais, rien ne repose
         Comme ce printemps sourit,
         Cette tendre floraison rose,
         Qui brille au sein des champs flétris.

         Cette fleur qui seule demeure,
         Quand nous ont fui toutes ses sœurs,
         Plus que ces mortes que l'on pleure
         A l'âme verse des douceurs.

         Et l'on te compare à fleurette,
         A l'ami qui vient empressé,
         Vers nous, quand gronde la tempête,
         Et qu'on est de tous délaissé.
Février 1889 El-Djzaïry


Les femmes arabes
Envoi de M. Christian Graille

                En Algérie, l'instruction des filles est systématiquement négligée, même dans les familles aisées. On ne leur enseigne jamais à écrire et rarement à lire.
                Leurs connaissances se bornent à apprendre par cœur un certain nombre des principaux versets du Coran.
                Je possède cependant (ce qui montre qu'il y a des exceptions) un manuscrit pris dans une razzia et qui porte en tête de la première page : Ceci est un commentaire du Coran " écrit par le marabout pour sa femme ".
                Les musulmans ont pensé qu'il était infiniment plus prudent de ne pas trop développer l'intelligence et les facultés des femmes dont toute l'existence devait se passer entre les quatre murs de leur maison.
                L'ignorance est la conséquence nécessaire de la réclusion de la femme.
                Il semble en effet inutile de donner à des épouses et à des mères de familles destinées à vivre sous le soleil énervant de l'Algérie des goûts et des habitudes qui viendraient à la traverse des devoirs que l'on réclame d'elles et qu'elles trouveront à peine le temps d'accomplir au milieu des heures de la journée consacrées à un repos indispensable.

                Ceux qui soutiennent qu'il faudrait donner de l'instruction aux femmes de l'Orient oublient que, dans ce pays, la portion masculine de la population est souvent d'une grande ignorance.
                Il ne serait ni juste, ni sage que les femmes eussent la science quand la plupart des hommes la possèdent si peu. Les Européennes elles-mêmes, élevées en Algérie sont, en général, peu instruites.

                Rien ne peut, cependant, empêcher l'imagination des femmes arabes de travailler dans le vide, de se construire un monde imaginaire avec le peu qu'elles ont appris de ce qui se passe en dehors de ce cercle étroit.
                Elles font quelquefois de petits voyages pour se transporter de la ville à la campagne, ou de :
                - chez leurs parents,
                - chez leurs maris,
                - dans un bordj plus ou moins éloigné.

                A travers le haïk transparent qui les recouvre en entier lorsqu'elles sont assises sur la mule qui les porte, leurs yeux semblent dévorer le paysage qui se déroule le long du chemin, comme pour mettre à profit cette occasion, si rarement offerte, de voir quelque chose de nouveau.
                Les Noires qu'on laisse pénétrer dans les maisons de femmes, soit pour soigner les malades, soit pour apporter des provisions, amusent les recluses du récit de ce qu'elles ont observé dans la ville.
                Les fils ou les maris arabes daignent parfois raconter les différents voyages qu'ils ont pu faire, trouvant du plaisir à se voir si bien écoutés. De toutes ces bribes réunies, les femmes alimentent leur pensée.

                Douées, pour la plupart, d'une intelligence naturelle remarquable, elles suppléent à ce qu'elles ne savent pas par une rare finesse d'intuition.
                La conversation de la plupart des femmes des grandes familles arabes que j'ai eu l'occasion de voir est au niveau de celle de beaucoup de femmes françaises qui se trouveraient à causer avec une personne qui viendrait de leur être présentée.
                Elles sont généralement fort gaies lorsqu'elles sont jeunes.

                Je me souviens de la visite que nous fîmes un jour à la seule épouse d'un riche vieillard. Elle nous avait fait les honneurs de chez elle avec beaucoup d'aplomb.
                Un peu forte, le profil accentué, les yeux vifs, il était facile de voir qu'elle avait été belle. Elle semblait diriger son intérieur avec l'aisance d'un général habitué à commander.
                Pendant que nous étions assis autour d'une table ronde sur laquelle était posé un plateau couvert de jolies tasses bleues contenues dans des godets en argent, une des servantes vint réclamer la clef de l'armoire aux provisions afin de nous servir du sucre.
                Cette opulente vieille nous demanda, par l'entremise d'une juive qui servait d'interprète, si nous étions mariées et si nous aimions l'Algérie.
                Elle nous dit ensuite qu'elle regrettait de n'avoir pu faire le voyage de France avec son mari bien des années auparavant.
                " Est-il vrai, comme on me l'a raconté, que des femmes françaises soient allées, pendant la dernière guerre, soigner les blessés sur-le-champ de bataille ? ".…
                Sur notre affirmation, elle répondit qu'elle trouvait que c'était donner trop de liberté aux femmes ; puis elle ajouta avec un air légèrement dédaigneux, que les Françaises mettaient des robes en coton, mais que les dames arabes portaient des robes de soie.
                Pour nous relever à ses yeux, je l'assurai que, si nous ne pouvions nous habiller avec luxe pour marcher dans la rue, le soir nous mettions des robes de satin et de velours.

                Quand nous allions faire une visite à la partie féminine d'une famille arabe, le jour était convenu d'avance, afin que tout dans la maison fût préparé pour notre réception.
                Les sœurs et les cousines de la maîtresse de logis se réunissaient en grande toilette, curieuses qu'elles étaient de jouir de la vue de dames de Paris. Quelquefois un de leurs fils ou de leurs neveux servait d'interprète.
                J'ai vu ainsi les femmes des différentes castes qui habitaient Constantine ; celles qui faisaient partie, soit par leur naissance, soit par leur alliance, des grandes familles sahariennes ; celles qui tenaient à la riche bourgeoisie et celles dont l'origine est mêlée de sang turc.

                J'ai pu constater que la beauté des traits se rencontre en Algérie, à peu près dans la même proportion qu'en France.
                Les jeunes gens d'ailleurs, n'ont pas l'air d'y tenir extrêmement pour leurs épouses. En fait de qualités physiques, ils ne demandent que la jeunesse et la santé. Ils apprécient surtout, dans l'ordre moral, la douceur du caractère.
                Les familles purement arabes entretiennent tous les jours davantage des rapports avec nous et prennent un peu plus nos habitudes ; le soin du ménage et la propreté sont en l'honneur chez elles.
                Le mobilier de leurs maisons s'augmente de meubles français qui produisent un effet assez disparate mêlés à l'architecture indigène. Le cadeau le plus apprécié qu'un mari puisse faire à sa femme est une armoire à glace.

                Une jeune mère arabe n'est jamais plus à son avantage qu'entourée de ses petits-enfants. Il est facile de voir qu'elle concentre son bonheur sur ces êtres délicats, sur lesquels ses regards se posent avec une expression de tendresse tout à fait touchante.
                C'est dans le travail à l'aiguille, dans l'éducation des plus jeunes enfants et dans les soins du ménage que la femme arabe fait consister l'occupation de sa vie.
                Il n'en existe pas, quel que soit son rang, qui ne consacre plusieurs heures par jour à faire quelques broderies qui exigent une véritable habileté de main. Les mères en général nourrissent elles-mêmes leurs enfants, et c'est pour elles un violent chagrin que d'être obligées de confier ce soin à une autre femme. Jamais l'enfant n'est remis à une nourrice hors de la maison.

                Arrivés à l'âge de huit ans les garçons, dans les familles riches, apprennent à lire et à écrire par les soins d'un homme qui cumule les fonctions de serviteur et de précepteur et qui accompagne toujours son élève dans les promenades, aussi longtemps que l'âge ne l'oblige pas à prendre sa retraite.
                Un assez grand nombre de jeunes gens apprennent aujourd'hui le français dans les écoles communales.
                Quelques-uns poussent même le désir de s'instruire jusqu'à suivre, pendant plusieurs années les cours des collèges franco-arabes d'Alger ou de Constantine.
                Ils retiennent avec rapidité ce qu'on y enseigne et se montrent souvent plus intelligents que leurs camarades européens, mais, dans le farniente des années qui suivent, ils s'empressent d'oublier presque tout ce qu'ils avaient appris avec une étonnante facilité.
                Ce qui leur est enseigné dans la maison paternelle et ce qu'il ne leur est pas permis d'oublier, c'est le respect pour leur père, pour leur mère et pour les membres âgés de leur famille.

                A Constantine, nous étions parfois invités à dîner chez des Arabes avec quelques officiers supérieurs.
                Le repas qui nous était offert était alors servi à l'européenne. Le service était dirigé par un domestique français, loué dans la ville, et par les jeunes gens de la famille, qui ne se sentaient nullement humiliés de porter les plats pour un repas auquel leur père prenait part.
                Une multitude d'assiettes, contenant des crèmes et des gâteaux, étaient, à la fin du dîner, posées sur la table par les petites filles de la maison.
                Jusqu'à l'âge de dix à onze ans, ces petites personnes peuvent se laisser voir par les hommes.
                Leur costume, en tout semblable à celui de leur mère, leur donne un air de dignité dont on est étonné de les voir parfois se départir lorsqu'elles se livrent aux gambades naturelles de leur âge.

                Les femmes de bonne famille ne peuvent sortir au dehors sans être accompagnées par un serviteur et des servantes. Elles ne doivent pas, selon le précepte du Coran, passer le seuil de leurs maisons sans avoir le visage complètement voilé, à l'exception de la fente de l'œil.
                Il ne faut attribuer ni à la jalousie ni au mépris la réclusion que les maris imposent à leurs femmes. Le prophète, sous ce rapport, n'a fait que suivre les mœurs de sa nation, mœurs conformes à celles de tous les peuples orientaux et dont l'origine se perd dans la plus haute antiquité.
                Les femmes ne s'en trouvent pas plus malheureuses ; elles ne sentiraient l'infériorité de la position qui leur est faite que si elles pouvaient la comparer avec celle des Européennes.

                Un jeune chef arabe de mes amis me disait un jour, après avoir visité plusieurs contrées de l'Europe, qu'il croyait les femmes de son pays heureuses parce qu'elles ne connaissaient pas d'autre existence que celle à laquelle on les soumettait.
                Il ajoutait toutefois qu'un mari arabe ne pouvait avoir une grande considération pour sa femme, connaissant son ignorance et le peu de solidité d'un jugement qui ne repose sur aucune expérience du monde.
                A son avis, la condition qui réunirait le plus d'éléments de bonheur serait celle d'une épouse française de bonne famille qui aimerait son mari et qui en serait aimée.

                La femme arabe est, assurément, toute sa vie tenue dans une condition d'infériorité véritable ; elle ne s'en dégage que quand elle est douée d'un esprit supérieur et d'un caractère dominateur. On en cite quelques-unes qui ont su conquérir une place importante dans le sein de leur famille et une grande influence sur leurs maris.
                Si la femme arabe est trop ignorante et trop prisonnière, la femme française n'a-t-elle pas à son tour trop d'occupations multiples et surtout trop de responsabilités ?
                La plupart des maris européens confiants dans la capacité de leurs femmes, se déchargent trop volontiers sur elles des devoirs qui devraient leur incomber particulièrement et leur abandonnent non seulement la surveillance et l'éducation de leurs filles, mais encore celles de leurs fils et l'administration des biens de la famille.

                Lorsqu'à tant de charges viennent se joindre les mille obligations du monde, l'existence de ces femmes devient sans contredit un véritable esclavage.
                Leurs jeunes années se sont d'abord passées à acquérir des principes solides dont elles doivent être pourvues pour soutenir plus tard le lourd fardeau de la vie.
                Elles sont obligées, en outre, de s'armer de talents qui serviront à leur faire tenir avec agrément leur place dans la société.
                Peu de repos et peu de réjouissances, telle est la devise des épouses françaises. Trop de farniente voilà celle des femmes arabes.?

                Le juste milieu a toujours été si difficile à atteindre dans ce monde, qu'il faut y regarder de bien près avant d'enlever quelques pierres aux vieux édifices. Quand ils s'écroulent, on ne peut souvent rien faire des matériaux ni du terrain.
                Quelques Européennes bien inspirées ont introduit en Orient des ouvroirs où des petites filles des classes pauvres, tout en apprenant à coudre et à broder, se trouvent entendre des paroles de haute morale qui élèvent insensiblement leur âme.
                Elles deviennent ainsi non seulement capables de gagner matériellement leur vie, mais elles sont en même temps portées à régler leur conduite d'après les principes de la sainte vertu.
                C'est, il me semble, la juste limite des efforts qu'il est raisonnable de tenter pour améliorer l'existence de la femme arabe.

                Les femmes de tous les pays ont un fond de nature qui leur est commun.
                L'éducation, tout en les modifiant, laisse cependant subsister un certain nombre de qualités natives qui se retrouvent à un degré presque égal chez la femme ignorante et chez la femme cultivée.
                Chez les unes et chez les autres, la noblesse du cœur et, en particulier, le sentiment maternel se manifestent avec un égal éclat dans les grandes occasions.
                On en a vu surgir parfois, au milieu de la foule des femmes arabes, des exemples véritablement grands.

                Sans qu'il soit besoin de remonter plus haut, un de ces traits a été offert en 1874 à notre admiration par la mère de Bou-Mezrag, l'un des chefs révoltés de l'insurrection de 1870.
                Ayant appris que son fils avait été condamné à mort, elle en ressentit une affreuse douleur. Elle se tint quelques jours comme abîmée dans son désespoir ; mais, recueillant ses pensées, elle se dit qu'elle ne pouvait rester ainsi à pleurer sans rien essayer pour sauver son fils.
                Elle roula dans sa tête plusieurs projets tous impraticables. Enfin elle résolut, elle qui n'était jamais sortie de sa maison, d'aller se jeter aux pieds du gouverneur de l'Algérie.
                Une femme française, à laquelle elle soumit son destin, lui fit observer qu'il n'y avait que le président de la République qui eût le pouvoir de faire grâce aux coupables condamnés par jugement des tribunaux. " Eh bien je vais le trouver " fut la réponse de la mère de Bou-Mezrag.

                Son amie eut beau lui expliquer qu'il fallait, dans ce cas,
                - aller à Paris,
                - traverser la mer,
                - puis de grandes distances en chemin de fer,
                - séjourner dans une ville où elle serait comme perdue, où personne ne l'écouterait ni la comprendrait
                - et qu'il lui faudrait enfin se montrer à bien des hommes avant de parvenir jusqu'au président ; rien ne la rebuta. " Mon fils va mourir " était le seul cri qui s'échappait de ses lèvres.

                Devant une si ferme résolution il n'y avait qu'à céder et, en pleine commisération, la dame française prit le parti d'accompagner la malheureuse mère dont le courage ne faiblit pas un instant.
                Pendant les longs jours du voyage sa pensée n'était fixée que sur un objet : elle marchait comme dans un rêve, ne regardant rien et ne se laissant jamais distraire.
                Après certaines formalités qui prirent un assez long temps, le maréchal reçut enfin la femme arabe et n'eut pas la force de repousser sa requête.
                On peut aisément deviner les sentiments qui l'animèrent quand on lui expliqua qu'elle venait d'obtenir ce qu'elle avait souhaité avec tant d'ardeur.

                Pendant le retour en Algérie, elle ne cessait pas un instant de penser au bonheur qu'elle aurait à annoncer à son fils qu'elle lui avait donné une seconde fois la vie.
                La peine de Bou-Mezrag n'était toutefois que commuée, et, pendant plusieurs années encore, elle devait être privée de sa présence, peut-être même n'aurait-elle jamais le plaisir de le revoir ; mais qu'importait en comparaison de la douleur de lui voir subir une mort violente et ignominieuse ?
                Pour bien comprendre la vie recluse, et comme séparée de leurs maris, que mènent les femmes en Algérie, il faut savoir comment les maisons arabes sont construites et quelle apparence elles offrent aux regards.

                Les descriptions de l'Orient que les poètes nous donnent dans leurs chants et les tableaux que les peintres en tracent éveillent généralement l'idée d'un luxe magique qui rentre dans le domaine des contes de fées ; mais ces poètes et ces peintres choisissent à dessein ce qu'il y a de plus beau dans les pays particulièrement propres à frapper l'imagination.
                - La Syrie,
                - Constantinople,
                - les Indes fournissent des sujets d'une splendeur toute contraire aux préceptes et à la lettre du Coran.
                L'Afrique, et même l'Algérie, sont loin de ressembler, pour la vie matérielle, à ces pays si riches de l'Orient dégénéré.

                Chez les Arabes, les enseignements du prophète sont conservés avec un soin plus scrupuleux que chez les autres peuples musulmans ; et ces enseignements portent tout d'abord sur l'observance d'habitudes sobres, simples et sévères.
                Dans un temps où il importait surtout de fonder la société arabe sur des bases nouvelles, cet habile législateur a senti qu'il était nécessaire, ou tout au moins prudent, de peser gravement la portée des choses.
                Il a compris que le goût des objets de luxe aurait pour effet d'incliner vers le lucre et le pillage les hommes qu'il était venu convertir, qu'il leur donnerait en outre des idées de gain illicite en élevant entre eux des germes de rivalité.
                Il commença donc par afficher la plus grande simplicité et par donner lui-même l'exemple d'une grande indifférence pour le bien-être de la vie.

                Les maisons arabes participent de ces principes du prophète. Elles ont, dès l'entrée, quelque chose de mystérieux qui prête aux conjectures romanesques chères aux Français.
                Celles-là mêmes qui appartiennent aux familles opulentes et dont l'intérieur est empreint d'une certaine élégance, n'offrent aux regards du passant que l'aspect le plus modeste.
                Souvent la porte, en vieux bois, est ornée de dessins tracés avec des clous taillé en pointe de diamant ; une forte poignée en fer sert de marteau.
                Quelquefois ce n'est qu'une longue voûte sombre qui forme l'entrée sous laquelle propriétaires et serviteurs s'asseyent au frais.
                Les Arabes pauvres qui passent dans la rue s'y reposent un moment s'ils en éprouvent l'envie, car ils savent que l'hospitalité de leurs compatriotes tolère cet usage. En avançant sous cette voûte, on arrive, quelques pas plus loin, dans une petite cour peuplée de pigeons blancs.

                Les musulmans ont une sorte de vénération pour ces oiseaux, en souvenir de deux pigeons sauvages qui déposèrent leurs œufs, dit la tradition, à l'entrée de la grotte dans laquelle le prophète s'était caché pour se dérober à la poursuite des Mecquois.
                Dans cette cour étroite se trouve la véritable porte de la maison : elle s'ouvre sur un vestibule fort resserré dans lequel donne un escalier en spirale dont les marches ont généralement une hauteur démesurée.
                A chaque étage s'ouvre une chambre, c'est la partie habitée par les hommes. Une seconde porte solidement fermée donne accès, au rez-de-chaussée, dans la portion réservée aux femmes.

                C'est généralement un vaste bâtiment à un ou deux étages. La construction orientale consiste en une cour carrée appelée oust-el-dar, ou centre de la maison.
                Des galeries en font le tour à chaque étage, reliant les chambres entre elles. Ces chambres ont toujours une forme longue et étroite ; elles reçoivent le jour, soit par une petite lucarne placée très haut et qui donne sur la rue, soit par la porte.
                Dans le fond de la chambre, une alcôve, placée en face de l'entrée, contient un matelas recouvert de soie, qui sert alternativement de divan dans la journée, et de lit durant les nuits d'été.

                Mais cette vieille coutume a, dans beaucoup d'intérieurs, cédé la place à des lits français en bois d'acajou, et au mobilier de même genre, plus commodes, sans doute, mais qui paraissent fort dépaysés à côté des grands coffres en bois peint et dorés, ou en ébène incrusté de nacre, dont la forme et la manière sont en parfaite harmonie avec les costumes de ceux qui s'en servent.
                Les murs sont, à l'intérieur et à l'extérieur, blanchis à la chaux ; quelquefois les gens riches recouvrent les parois des galeries et des escaliers avec des faïences à dessins blancs et bleus qui donnent à la maison un aspect propre et gai.
                Des orangers ou des lauriers roses entretenus dans des caisses garnissent la cour, qui, l'été, vers le milieu du jour, est couverte d'un velum rattaché par les coins au-dessus des galeries du premier étage.
                Il sert à tamiser la lumière trop intense et les ardeurs d'un soleil trop brûlant.
                A l'heure de la sieste, des servantes, qu'autrefois on eût appelées des esclaves, se couchent avec les enfants sur les nattes ou sur les tapis posés sous les galeries ; des femmes passent et repassent, allant d'une chambre à l'autre avec cette grâce native qu'elles doivent sans doute à la recommandation que leur a faite le prophète de ne laisser produire aucun bruit aux anneaux d'or ou d'argent (appelés en arabe kholkhal) dont leurs chevilles sont toujours ornées ; ou peut-être faut-il aussi l'attribuer à l'usage de ces petites babouches sans quartier dans lesquelles les femmes glissent le bout de leurs jolis pieds.

                Il existe un véritable contraste entre la simplicité du costume porté par les hommes en Afrique et le luxe permis aux femmes chez les Arabes.
                Elles sont généralement, tant qu'elles sont jeunes, traitées dans leurs familles en enfants gâtés.
                On se plaît à les couvrir des bijoux et des vêtements de soie que les préceptes du prophète ont interdits aux croyants.
                Mahomet est entré dans tous les détails de la vie intime des musulmans ;il leur a particulièrement recommandé de porter des vêtements blancs ou noirs.
                Le plus souvent il portait lui-même des tuniques blanches, en souvenir, disait-il, des légions d'anges qui lui étaient apparues sous cette couleur lorsqu'ils l'assistèrent dans la fameuse bataille de Bedr-Auzma ; et le noir devait rappeler aux Arabes le burnous qu'il avait sur les épaules le jour de la conquête de la Mecque.

                Les femmes, comme pour faire contraste avec la sobriété des couleurs employées pour les vêtements des hommes, aiment à se couvrir d'habillements aux teintes les plus voyantes.
                Cependant, grâce au cadre qui les entoure, ou bien à la lumière qui les enveloppe, ces couleurs qui, en Europe, choqueraient notre goût par leur bizarre assemblage, semblent, au contraire, avoir été combinées par un habile artiste pour l'effet général du tableau.

                Parmi ces femmes, comme parmi leurs pareilles des autres pays, il s'en trouve quelques-unes qui ont le goût et les instincts artistiques, sachant combiner avec soin l'assemblage des couleurs dont elles se parent aux jours de fête.
                Les femmes de Constantine mettent un art véritable dans l'arrangement des plis de leurs haïks. C'est une pièce d'étoffe de cinq mètres de long et d'un mètre et demi de large, plus ou moins fine selon la fortune de celles qui la portent, blanche pour les femmes de condition supérieure, bleue pour les femmes du peuple.
                Les plus pauvres se contentent de cotonnade, les plus riches y mêlent de la soie.
                Tendu sur le front le bord du haïk est retenu ensuite derrière les oreilles ; les deux coins qui pendent à terre sont repris et rejetés sur la tête par un mouvement habile qui le tortille légèrement et forme une sorte de turban.
                La femme se trouve ainsi enveloppée dans un vaste cocon.
                Un voile en mousseline épaisse est attaché derrière la tête à la hauteur des cils inférieurs de l'œil, laissant passer le regard par un espace imperceptible. Avec leurs mains les femmes tiennent serrés les bords de devant du haïk sans laisser apercevoir le moindre détail du costume qu'elles portent en dessous ; au moyen de cette enveloppe hermétiquement fermée, on ne reconnaîtrait pas sa meilleure amie.

                Les maris arabes aiment à ce que leurs femmes se parent pour eux, parfument leurs cheveux avec des huiles à la rose ou au jasmin.
                Autour du cou elles portent souvent de longues chaînes en pastilles odorantes d'un prix fort élevé.
                Quelquefois les mots de mach' Allah (ce que Dieu veut) sont moulés sur cette pâte et constituent une amulette : les femmes mâchent aussi de l'écorce de noyer pour rafraîchir leur haleine et conserver la blancheur de leurs dents.
                Cette écorce très saine a cependant un grand inconvénient de brunir la langue et les gencives.
                Avec le miroued ou petit bâton effilé trempé dans la poudre appelée kohol et composée de benjoin mêlé à du noir de fumée, elles tracent un cercle autour de leurs paupières, donnant ainsi l'apparence d'une grande épaisseur à leurs cils.

                A Constantine elles font rejoindre leurs sourcils au moyen d'un trait noir. Au désert elles ont le bon goût de ne les allonger que sur les tempes. Le henné dont elles se teignent les doigts est en lui-même fort contraire au charme féminin.
                Cette feuille d'arbuste pilée, avec laquelle les Arabes font une décoction, prend, au bout de quelques heures une couleur jaune foncé. Parfois ils y mêlent du noir de fumée. Avec cette eau, les femmes tracent sur leurs mains des dessins imitant la dentelle.
                Que le henné dont elles se servent soit noir ou jaune, il est impossible de pouvoir se rendre compte de la propreté de leurs ongles.

                La plupart des femmes de Constantine, afin de conserver leurs belles chevelures que la chaleur de l'été pourrait faire tomber, se lavent avec une eau mêlée de henné jaune, qui donne à leurs cheveux cette couleur rousse si appréciée des peintres vénitiens d'autrefois.
                Le prophète ayant prohibé les faux cheveux, les femmes qui habitent le Sahara, où la coiffure est composée de larges nattes, sont obligées, pour leur donner l'épaisseur voulue, d'y mêler de la laine qu'elles dissimulent avec soin.
                Le fard est d'un usage commun en Algérie. Les hommes se teignent la barbe lorsqu'elle commence à grisonner, trouvant, avec raison, que le beau noir ou le blanc parfait sont les seules couleurs qui siéent avec les costumes du pays. Ils emploient à cet effet des procédés d'une grande perfection.

                Le bain maure est le lieu le plus propice à ces opérations de la toilette.
                Les femmes surtout aiment à s'y rendre : c'est pour elles non seulement un principe d'hygiène, mais aussi une véritable distraction.
                - L'étuve,
                - le massage et
                - les ablutions froides les délassent de leur inaction. Elles trouvent surtout agréable d'avoir ce prétexte pour sortir de leurs maisons et pour se rencontrer avec d'autres personnes de la ville.
                On les voit s'y transporter vers le milieu du jour, parfaitement cachées sous leurs haïks. Leurs servantes les accompagnent et les petites filles de la famille portent à la main les flacons à long col qui contiennent les essences colorantes.

                En dehors de la permission d'aller aux bains maures, les femmes de l'Algérie ont encore celle de se rendre au cimetière le vendredi. Dans les villes, elles sont tenues de rentrer avant que le mouvement et la foule aient envahi les rues.
                Les mosquées leur sont interdites, en raison sans doute de la distraction que leur présence donnerait aux croyants. Elles ont pourtant, dans certaines villes consacrées exclusivement aux pèlerinages, l'autorisation d'y faire des stations.
                Elles se dédommagent de cette prohibition en faisant des prières en commun dans leurs demeures, à certains jours de fête, comme par exemple le jour anniversaire de la naissance du prophète ; elles illuminent alors la maison avec des cierges verts ou jaunes.

                Les hommes prennent rarement leurs repas avec les femmes de leur famille ; leur faim satisfaite, ils vont les visiter dans leurs appartements.
                Parfois ils font la sieste dans la chambre de leurs femmes. Une épouse jeune et belle, dans une famille riche, n'a pour sa part que les agréments du mariage. Son mari ne se montre chez elle que dans les moments qu'il veut lui consacrer entièrement.
                La vie à peu près séparée qu'il a adoptée lui permet de se retirer dans la solitude quand des soucis ou des chagrins viennent assombrir son humeur, et ce n'est que le sourire aux lèvres qu'il se présente à elle.
                Grâce à cette organisation intérieure il conserve un véritable prestige aux yeux de sa jeune femme, qui le voit apparaître comme une sorte de demi-dieu.
                Elle n'a pas les moyens de connaître son genre d'existence en dehors de la maison, et, quoi qu'il arrive, elle conserve durant des années une grande quiétude d'esprit.
                Quel que puisse être l'agrément de sa vie domestique, l'Arabe n'a pas, comme dans les pays chrétiens, une compagne qui sympathise avec ses moindres inquiétudes, qui prend part à tous ses projets, charmant ses loisirs par les agréments de son intelligence.

                Parmi les parures des musulmanes, il en est une qu'elles doivent toujours porter, ce sont les boucles d'oreilles.
                Les historiens de l'Asie racontent que cet ornement est pour elles un signe religieux. Voici cette tradition qui ne diffère pas trop du récit de la Bible :
                Abraham, échappé à la persécution de Némrod, épousa Sarah, sa cousine et s'enfuit avec elle en Égypte où régnait alors le cruel et voluptueux pharaon (Coutis Fer-Awn II).
                Ce prince, instruit de la beauté extraordinaire de Sarah, la fit amener dans son palais ; épris de ses charmes, il porta sur elle sa main criminelle, qui se sécha à l'instant, et il fut renversé à terre. Saisi de frayeur et frappé de la vertu qui rayonnait dans toute la personne de Sarah, il la conjura d'obtenir sa guérison en lui promettant de la remettre en liberté ; Sarah adressa alors ses vœux au ciel.
                Aussitôt la main guérie, Pharaon fit présent à Sarah d'une très belle esclave copte et la renvoya à son mari.

                Sarah ayant rejoint Abraham lui fit hommage de cette esclave qui s'appelait Hadjer (Agar), priant Dieu de la rendre féconde.
                Hadjer donna Ismaïl à Abraham qui, repassant dans la Palestine, s'établit près de Bemlé.
                Sarah elle-même, devenue miraculeusement mère, mit au monde Isaac, et ne tarda pas à concevoir de la jalousie contre Hadjer.

                Un jour, ayant vu Abraham prendre sur ses genoux Ismaïl et faire asseoir Isaac à ses côtés : " Quoi ! s'écria- t-elle, caresser l'enfant de l'esclave et rebuter celui de la femme légitime ! ".
                Dans l'excès de sa douleur elle jure de mutiler le visage d'Hadjer pour la défigurer ; mais bientôt, le calme succédant à ses transports, elle se repent du serment qu'elle a fait.
                Alors Abraham, pour lui épargner un parjure, l'engage à percer les oreilles d'Hadjer.
                C'est ainsi que cette opération est devenue une sorte de coutume légale qui sert d'initiation religieuse aux filles des musulmans.

                Ce livre a été écrit par l'épouse de Louis Régis. La publication a été faîte sous les nom et prénom de son mari. (Note de la rédaction.)
Constantine
Voyages et séjours par Louis Régis. Édition 1880


Le coût de l'adultère
Envoi de M. Christian Graille

               Quand les épouses des polygames sont infidèles elles sont durement châtiées.
               Le Coran n'est pas indulgent pour l'adultère.
               En son chapitre 24 il prescrit d'infliger à chacun des coupables cent coups de fouets en présence de nombreux croyants. Le verset 19 du chapitre 4 est encore plus sévère , lisez et frémissez : " si vos femmes commettent l'action infâme, appelez quatre témoins ; s'ils se réunissent contre elles, enfermez-les dans des maisons jusqu'à ce que la mort les visite " (portes et fenêtres étant murées).

                On ne pourrait dire combien cet article de loi barbare, inventée par la jalousie de Mahomet a fait supprimer de vies humaines.
               En Océanie, l'adultère s'expie par une amande de dix cochons sauvages, donnés par l'amant, au mari de la femme séduite.
               Dans le Sahara, le chef de tribu qui rend la justice, cote plus cher la curiosité ; celui qui entre sous une tente pour voir la femme de son voisin doit en compensation donner dix brebis à ce voisin.
               Dans le Touat ( groupe d'oasis du Sahara algérien.) L'adultère est puni de la bastonnade.

                En Algérie parfois la femme adultère est scalpée. Un Arabe du douar Ouana, Afsa Essaïd, vient d'appliquer à sa femme Meyriem Bent Amar qui le trompait, le manche d'un couperet rougi au feu sur les parties sexuelles.
               J'ai vu dans le Sud oranais, des maris qui avaient été abandonnés par leurs femmes conduire les infidèles devant les tribunaux pour leur demander cinq francs de dommages et intérêts par nuit qu'elles avaient passées loin de lui.
               D'autres époux veulent se faire payer une compensation pour toutes paroles ou gestes contre la femme, propriétés qu'ils ont achetée.
               Le musulman, on le voit, a mille petits moyens de se faire des rentes avec ses femmes, il n'est donc pas étonnant qu'il en épouse autant.

Les femmes arabes en Algérie par Hubertine Auclert.
Édition 1900

Les Oulad-Naïl
Envoi de M. Christian Graille

                  Boukrari est le premier village où l'on rencontre des Oulad-Naïl. On est saisi de stupéfaction à l'aspect de ces courtisanes du désert.
                  Les rues populeuses sont pleines d'Arabes :
                  - couchés en travers des portes,
                  - en travers de la route,
                  - accroupis,
                  - causant à voix basse et
                  - dormant.

                  Partout leurs vêtements flottants et blancs semblent augmenter la blancheur unie des maisons. Point de tâches ; tout est blanc et soudain une femme apparaît, debout sur une porte, avec une large coiffure qui semble d'origine assyrienne surmontée d'un énorme diadème d'or.
                  - Elle porte une longue robe rouge éclatante,
                  - ses bras et ses chevilles sont cerclés de bracelets étincelants, et
                  - sa figure aux lignes droites est tatouée d'étoiles bleues.

                  Puis en voici d'autres, beaucoup d'autres, avec la même coiffure monumentale : une montagne carrée qui laisse pendre de chaque côté une grosse tresse tombant jusqu'au bas de l'oreille, puis relevée en arrière pour se perdre de nouveau dans la masse opaque des cheveux.
                  Elles portent toujours des diadèmes dont quelques-uns sont fort riches.
                  La poitrine est noyée sous :
                  - les colliers, les médailles, les lourds bijoux,
                  - et deux fortes chaînettes d'argent font tomber jusqu'au bas-ventre une grosse serrure de même métal, curieusement ciselé à jour et dont la clef pend au bout d'une autre chaîne.

                  Quelques-unes de ces filles n'ont encore que de minces bracelets. Elles débutent.
                  Les autres, les anciennes, montrent sur elles quelquefois pour dix ou quinze mille francs de bijoux.
                  J'en ai vu une dont le collier était formé de huit rangées de pièces de vingt francs.
                  Elles gardent ainsi leurs fortunes, leurs économies, laborieusement gagnées.
                  Les anneaux de leurs chevilles sont en argent massif et d'un poids surprenant.
                  En effet, dès qu'elles possèdent en pièces d'argent la valeur de deux ou trois cents francs elles les donnent à fondre aux bijoutiers mozabites qui leur rendent alors :
                  - ces anneaux ciselés ou
                  - ces serrures symboliques, ou
                  - ces chaînes, ou
                  - ces larges bracelets.

                  Les diadèmes qui les couronnent sont obtenus de la même façon.
                  Leur coiffure monumentale, emmêlement savant et compliqué de tresses entortillées, demande presque un jour de travail et une incroyable quantité d'huile.
                  Aussi ne se font t-elles guère recoiffer que tous les mois, et prennent-elles un soin extrême à ne point compromettre, dans leurs amours, ce haut et difficile édifice de cheveux qui répand, en peu de temps, une intolérable odeur.
                  C'est le soir qu'il faut les voir quand elles dansent au café maure. Le village est silencieux. Des formes blanches gisent étendues le long des maisons.

                  La nuit brûlante est criblée d'étoiles ; et ces étoiles d'Afrique brillent d'une clarté que je ne leur connaissais pas, une clarté de diamants de feu :
                  - palpitante, vivante, aiguë.

                  Tout à coup, au détour d'une rue, un bruit vous frappe, une musique sauvage et précipitée, un grondement saccadé de tambour de basque que domine la clameur :
                  - aigre,
                  - continue,
                  - abrutissante,
                  - assourdissante et
                  - féroce d'une flûte qu'emplit de son souffle infatigable un grand diable à la peau d'ébène, le maître de l'établissement.

                  Devant la porte, un monceau de burnous, un paquet d'Arabes qui regardent sans entrer et qui forme une grande lueur mouvante sous la clarté venue de l'intérieur.
                  Au-delà des files d'êtres immobiles et blancs assis sur des planches le long des murs blancs, sous un toit très bas. Et par terre accroupies, avec :
                  - leurs oripeaux flamboyants,
                  - leurs éclatants bijoux,
                  - leurs faces tatouées,
                  - leurs hautes coiffures à diadème qui rappellent les bas-reliefs égyptiens, les Oulad-Naïl attendent.

                  Nous entrons, personne ne bouge.
                  Alors pour nous asseoir et selon l'usage, on saisit les Arabes, on les bouscule, on les rejette de leurs bancs, et s'ils s'en vont, impassibles. D'autres se tassent pour faire place.
                  Sur une estrade, au fond, les quatre tambourineurs barrent frénétiquement la peau tendue des instruments ; et le maître, le grand noir, se promène d'un pas majestueux, en soufflant furieusement dans sa flûte enragée, sans un repos, sans une défaillance d'une seconde.
                  Alors deux Oulad-Naïl se lèvent, vont se placer aux extrémités de l'espace laissé libre entre les bancs et elles se mettent à danser.
                  Leur danse est une marche douce que rythme un coup de talon faisant sonnet les anneaux des pieds. A chacun de ces coups, le corps entier fléchit dans une sorte de boiterie méthodique ; et leurs mains élevées et tendues à la hauteur de l'œil, se retournent doucement à chaque retour du sautillement, avec une vive trépidation, une secousse rapide des doigts. La face :
                  - un peu tournée, rigide, impassible, figée,
                  - demeure étonnamment immobile, une face de sphinx, tandis que le regard oblique reste tendu sur les ondulations de la main, comme fasciné par ce mouvement doux, que coupe sans cesse la brusque convulsion des doigts.

                  Elles vont ainsi, l'une vers l'autre. Quand elles se rencontrent leurs mains se touchent ; elles semblent frémir ; leurs tailles se renversent, laissant traîner un grand voile de dentelle qui va de la coiffure aux pieds.
                  Elles se frôlent, cambrées en arrière, comme pâmées dans un joli mouvement de colombes amoureuses.
                  Le grand voile bat comme une aile. Puis, redressées soudain, redevenues impassibles, elles se séparent ; et chacune continue jusqu'à la ligne des spectateurs son glissement lent et boitillant.
                  Toutes ne sont point jolies, mais toutes sont singulièrement étranges. Et rien ne peut donner l'idée de ces Arabes accroupis au milieu desquels passent, de leur allure calme et scandée, ces filles couvertes d'or et d'étoffes flamboyantes.
                  Quelquefois elles varient un peu les gestes de leur danse.

                  Ces femmes venaient jadis d'une seule tribu, les Oulad-Naïl.
                  Elles amassaient ainsi leur dot et retournaient ensuite se marier chez elles après fortune faîte.
                  On ne les estimait pas moins dans leur tribu ; c'était l'usage. Aujourd'hui, bien qu'il soit toujours admis que les filles des Oulad-Naïl aillent faire fortune au moins par ce moyen, toutes les tribus fournissent des courtisanes aux centres arabes.

                  Le propriétaire du café où elles se montrent et s'offrent est toujours un noir !
                  Dès qu'il voit entrer des étrangers, cet industriel s'applique sur le front une pièce de cinq francs en argent, qui tient collée à la peau par on ne sait quel procédé.
                  Et il marche à travers son établissement en jouant férocement de sa flûte sauvage, montrant avec obstination la monnaie dont il s'est tatoué pour inviter le visiteur à lui en offrir autant.
                  Celles des Oulad-Naïl qui sont de grande tente apportent dans leurs relations avec les visiteurs toute la générosité et la délicatesse que comporte leur origine.
                  Il suffit d'admirer une seconde l'épais tapis qui sert de lit pour que le serviteur de la noble prostituée apporte à son amant d'une minute, dès qu'il a regagné sa demeure, l'objet qui l'avait frappé.

                  Elles ont, comme les filles de France des protecteurs qui vivent de leurs fatigues.
                  On trouve parfois au matin une d'elles au fond d'un ravin, la gorge ouverte d'un coup de couteau, dépouillée de tous ses bijoux.
                  Un homme qu'elle aimait a disparu et on ne le revoit jamais.
                  Le logement où elles reçoivent est une étroite chambre aux murs de terre.
                  Dans les oasis, le plafond est fait simplement de roseaux tassés les uns sur les autres et où vivent des armées de scorpions.
                  La couche se compose de tapis superposés.

                  Les gens riches Arabes ou Français, qui veulent passer une nuit de luxueuse orgie, louent jusqu'à l'aurore le bain maure avec les serviteurs du lieu.
                  Ils boivent et mangent dans l'étuve et modifient l'usage des divans de repos.
                  Cette question de mœurs m'amène à un sujet bien difficile.
                  - Nos idées, nos coutumes, nos instincts diffèrent si absolument de ceux qu'on rencontre en ces pays, qu'on ose à peine parler chez nous d'un vice si fréquent là-bas que les Européens ne s'en scandalisent même plus. On arrive à en rire au lieu de s'indigner.

                  C'est là une manière fort délicate, mais qu'on ne peut passer sous silence quand on veut essayer de raconter la vie arabe, de faire comprendre le caractère particulier de ce peuple.
                  On rencontre ici à chaque pas ces amours anti naturels entre êtres du même sexe que recommandait Socrate, l'ami d'Alcibiade.
                  Souvent dans l'histoire on trouve des exemples de cette étrange et malpropre passion à laquelle s'abandonnait César, que les Romains et les Grecs pratiquèrent constamment, qu'Henri III mit à la mode en France et dont on suspecta bien des grands hommes.
                  Mais ces exemples ne sont cependant que des exceptions d'autant plus remarquées qu'elles sont assez rares. En Afrique cet amour anormal est entré si profondément dans les mœurs que les Arabes semblent le considérer comme aussi naturel que l'autre.
                  D'où vient cette déviation de l'instinct ? De plusieurs causes sans doute.
                  La plus apparente est la rareté des femmes, séquestrées par les riches qui possèdent quatre épouses légitimes et autant de concubines qu'ils en peuvent nourrir.
                  Peut-être aussi l'ardeur du climat, qui exaspère les désirs sensuels, a-t-elle émoussé chez ces hommes de tempérament violent :
                  - la délicatesse,
                  - la finesse,
                  - la propreté intellectuelle qui nous préservent des habitudes et des contacts répugnants.

                  Peut-être encore trouve-t-on là une sorte de tradition des mœurs de Sodome, une hérédité vicieuse chez ce peuple nomade, inculte, presque incapable de civilisation, demeuré aujourd'hui tel qu'il était aux temps bibliques.

Sur les chemins d'Algérie. Guy de Maupassant


Noir et Blanc par Raymond Devos
Envoyé par Régis

       Devra-t-on un jour revisiter toute notre langue ? C'est terrible ; je suis bien obligé de le reconnaître : je suis raciste.

       Je viens de m'en rendre compte en mettant en route ma lessive du jour. J'ai séparé le blanc des couleurs. Affligeant.

       Et dire que j'agis ainsi depuis des années ! Et circonstance aggravante, avec une lessive qui lave plus blanc que blanc. C'est pathétique.

       Comme Monsieur Jourdain dans un autre domaine, j'étais raciste sans le savoir.

       Du coup, je suis d'une humeur noire. Ça ne va pas arranger les choses.

       Oh, je savais que je ne suis pas blanc comme neige. J'ai connu des périodes noires.

       Découvert, j'ai essayé de montrer patte blanche, mais j'ai été placé sur liste noire. Et comme disait le chanteur, noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir. Alors que faire ? Pour sûr, j'avais mangé mon pain blanc. Je dirais bien que j'ai pleuré à l'arme blanche, mais ça serait de l'humour noir.

       Alors dans la glace, je me suis regardé dans le blanc des yeux. Pas question de me retrouver dans une misère noire. L'avenir restait une page blanche. Inutile de voir tout en noir !

       Je pouvais sortir blanchi de tout ce sombre passé. Finis les noirs projets ! Je serais désormais plus blanc que neige ! Finie la série noire

       Et patatras, voilà que je me découvre raciste. Mais c'était cousu de fil blanc. Je dois être la bête noire de quelqu'un, c'est sûr. Tout de même, ce sera un jour à marquer d'un caillou blanc. Bon, je ne vais pas tout peindre en noir. D'autant que c'est bientôt la semaine du blanc !

       Inutile de broyer du noir. Ni de me faire des cheveux blancs. Allez, je vais me servir un petit noir. Et puis non, plutôt un petit blanc. Avec un morceau de chocolat noir. Et un peu de fromage blanc. Ça me remontera.

       Tiens, il commence à faire nuit noire. Je vais regarder un vieux film. En noir et blanc. Chouette, c'est une version originale, sous-titrée ! Si, c'est écrit dans le programme. Noir sur blanc !
Raymond Devos !



Les Oulad-Naïl
Envoi de M. Christian Graille

                 Les Oulad-Naïl constitue une fraction de la grande tribu arabe des Zor'eba et sont venus dans l'Afrique centrale vers la fin du XVIème siècle de notre ère.
                Ils forment aujourd'hui une très forte configuration de tribus qui occupent un vaste territoire situé entre :
                - Les Ziban, Bou Saâda et le Djebel Amour.

                Ils cultivent un peu de céréales quand ils peuvent établir des canaux d'irrigations ; leurs troupeaux sont nombreux et très renommés ; ils possèdent beaucoup de chameaux.
                Les femmes Oulad-Naïl travaillent la laine et les filles, danseuses du sud, errent librement dans le pays, cherchant çà et là l'occasion de gagner quelque argent ; elles servent surtout d'amusement aux étrangers qui sont certains d'en rencontrer dans tous les cafés maures des villes du Sahara.
                Souvent elles s'assemblent par troupes et s'en vont, oiseaux voyageurs, cherchant fortune tantôt dans une ville, tantôt dans une autre ; souvent aussi la fortune est rebelle et les pauvres Oulad-Naïl courraient parfois le risque de danser à jeun si elles n'avaient pas avec la danse la ressource beaucoup plus productive de plaire aux Arabes qui viennent assister à leurs exercices.

                Le trafic de leurs charmes n'a d'ailleurs rien de répréhensible aux yeux de leurs concitoyens ; il est convenu qu'elles vont chercher une dot en se prostituant dans les ksours ou dans les villes du littoral.
                Ces femmes ne conservent pas leur argent, elles le convertissent au fur et à mesure qu'elles le gagnent, soit en colliers, soit en bijoux dont elles se parent comme des châsses.
                Leur costume, très simple, ne se compose le plus souvent que d'une pièce d'étoffe de couleur voyante retenue sur la poitrine par deux larges agrafes et à la taille par une ceinture ; seule leur coiffure présente une certaine originalité en raison de sa dimension exagérée et de nombreux ornements qu'elles y ajoutent.

                Les danses ont généralement lieu le soir, dans les cafés maures.
                C'est alors que l'on entend le bruit assourdissant du tam-tam (espèce de tambour) et de la flûte accompagnés de la derbouka (sorte de pot fermé d'un parchemin sur lequel on frappe avec les mains) qui marque la cadence et dont le trémolo produit ce bourdonnement qui, sans aucune transition, passe du forte au piano et vice versa.
                C'est au bruit de cette musique que les Oulad-Naïl exécutent leurs différents exercices tel que la danse des foulards, du ventre, des douros etc. etc. ; elles y mettent souvent un amour-propre exagéré et parfois dansent pendant plusieurs heures sans discontinuer jusqu'à ce qu'elles s'affaissent évanouies, aux grandes acclamations de l'assemblée.
                Elles dansent généralement l'une après l'autre, mais souvent aussi plusieurs en même temps.

                Il n'y a alors aucune différence appréciable entre :
                - les gestes,
                - les jeux de mime,
                - les torsions convulsionnaires de celle-ci ou de celle-là.
                - Chacune de ces poses languissantes, folles,
                - chaque pulsation de ce délire,
                - chaque anneau de cette spirale est noté comme un pas de deux.

                L'Arabe se fait une véritable fête d'assister à ces exercices cependant bien monotones : tranquillement installé sur un divan, une natte ou un tapis, savourant son kaoua, ou fumant sa petite pipe de kiff, il se laisse bientôt gagné par le délire sensuel si énergiquement et si naïvement exprimé par l'Oulad-Naïl ; mais jamais lui vient de se livrer sur sa personne, sous couleur de divertissement, à un exercice aussi fatiguant et hautement attentatoire à la dignité masculine.

Voyage à travers l'Algérie :
notes et croquis par Georges Robert (1891)


 Les Maltais
Envoi de M. Christian Graille

                 La population maltaise, trop à l'étroit dans son île, a fourni pendant un temps à l'Algérie plus de colons que l'Italie toute entière.
                Les Maltais parlent un dialecte qui se rapproche beaucoup de la langue arabe ; il n'a de différence avec cette dernière langue qu'en matière de foi.
                Presque tous les mots maltais qui expriment une idée religieuse sont empruntés à l'italien : un sermon maltais ressemble beaucoup à une prédication italienne.
                Latins à l'église les Maltais redeviennent Arabes dans leurs relations mondaines.
                A part le Coran, ils s'entendent parfaitement avec eux. Si ces derniers, dans leur vie pastorale, nous rappellent un peu les patriarches de l'Ancien Testament, les Maltais offrent un type non moins remarquable du Nouveau Testament.
                On les prendrait volontiers pour ces pécheurs de Galilée, parmi lesquels Jésus-Christ choisit Saint Pierre et ses autres apôtres. Ils ont encore avec la foi, la simplicité et la bonhomie des temps anciens, que l'on retrouve avec la même langue et le costume oriental dans la chrétienté du Liban.

                Aux avant-postes de l'Occident, les Maltais ont adopté nos habits comme nos rites.
                Les petites pièces de monnaie dont les Arabes font des colliers pour orner leurs femmes, ils en font des boutons pour garnir les gilets dont ils se parent les jours de fêtes.
                Quant aux femmes simplement vêtues comme leurs maris pendant la semaine, elles rivalisent le dimanche avec les femmes espagnoles. Elles tâchent de racheter, par la valeur du vêtement, ce que la nature semble, en général, leur refuser en grâces et en distinction.
                Du reste les Maltais font bande à part, et se mêlent très peu aux autres colons.
                Les plus pauvres ne cherchent point à se placer comme domestiques, ni même aller en journée pour le compte d'autrui.
                Les filles n'ont pas à s'inquiéter des troubadours ; à peine en âge de se marier, elles sont demandées par leurs compatriotes. Le mariage n'est pas attendu longtemps mais dès qu'il est résolu la fiancée, gardée à vue, ne peut plus sortir de la maison ; les jalouses exigences du prétendant ne sont comparables qu'à celles des Arabes.

                Les Maltais sont les étrangers pour lesquels la plupart des fonctionnaires et des colons français éprouvent le moins de sympathie :
                - On leur trouve de la superstition et des allures grossières,
                - on prétend qu'ils ne sont point à la hauteur de la civilisation.
                Néanmoins ils ont des mœurs irréprochables, ils font même à cet égard un assez grand contraste avec les autres Européens.
                On les voit rarement commettre des excès et chercher même des divertissements : il faut une noce ou quelques circonstances extraordinaires pour leur faire un instant oublier le travail.

                Les jours de fête ils trouvent toujours le temps d'aller à la messe, et on les voit souvent affluer à la Sainte Table avec une piété digne des premiers chrétiens.
                - Dans leurs maisons, dans leurs étables, dans leurs boutiques, ils ont des images de Madone avec des lampes nuit et jour allumées.

                Ils ont d'ordinaire cinq à six enfants et quelquefois bien davantage.
                Tous les soirs avant de prendre son repas la famille recueillie s'agenouille devant les images vénérées ; chacun fait le signe de la croix après avoir pris de l'eau bénite ; le père commence la prière, la mère et les enfants répondent aux saints versets ; les Litanies et le Chapelet se murmurent sur toutes les lèvres et le sommeil ne commence qu'après les actions de grâce rendues au Tout Puissant.
                Si parfois un ministre des autels vient visiter ces humbles chrétiens de la colonie, ils s'empressent d'orner et d'illuminer leurs petits oratoires intérieurs et demandent au prêtre de bénir, non seulement leurs demeures mais aussi leurs troupeaux.

                Les Maltais sont : très sobres, très économes, il ne leur faut pas plus pour vivre qu'aux Arabes eux-mêmes, ils ne restent point oisifs, tous sont dans l'aisance, et même quelques-uns finissent par amasser de petites fortunes.
                Le commerce a pour eux beaucoup d'attrait. Ils commencent en arrivant par vendre, dans les rues d'Alger du sucre d'orge ou de la guimauve, ou bien ils vont au port chercher la marée et débitent du poisson dans les faubourgs, dans les villages environnants jusqu'à dix lieues à la ronde.

                Quand ils ont ainsi amassé quelques écus, ils se font marchands de fruits et montent dans quelque carrefour un bel étalage :
                - d'oranges de figues de dattes de raisins secs, etc.
                Devenus un peu plus riches, ils s'installent dans une boutique. Ils ouvrent :
                - des cafés,
                - des débits de vin et de comestibles qui rivalisent avec tous les autres établissements de ce genre.
                A moitié prix des Français,
                - ils font déborder les tasses,
                - ils remplissent davantage les verres,
                - ils donnent pour 3 sous des portions abondantes et
                - s'abonnent même aux journaux de la localité.
                Aussi voit-on affluer chez eux les ouvriers de toutes les nations qui ont des goûts simples et veulent vivre à bon marché.

                Mais l'industrie la plus commune en Algérie parmi les Maltais est l'exploitation des troupeaux de chèvres : ils en ont amené de très belles de leur pays, qui ne valent pas moins de 50 francs pièce.
                Campés autour des villes, ils s'en partagent tous les quartiers pour aller dès le matin vendre du lait aux habitants.
                Ce genre de profession était, dans les premiers temps, très lucratif pour eux, mais il ne tarda pas à soulever des plaintes aussitôt que les champs abandonnés furent remis en culture, et l'on conçoit que de ravages peuvent faire des troupeaux de dix à quarante chèvres circulant de tous les côtés.
                Les administrations municipales se sont donc efforcées d'empêcher la trop grande concurrence du métier, en faisant payer patente aux chevriers et en imposant leurs bêtes.
                Aussi le lait de vache fourni par les colons commence-t-il déjà à compromettre l'industrie primitive des Maltais.
                Dans ces derniers temps, la plupart des chevriers, pour se tirer d'affaire, ont été obligés de s'adonner à l'engrais des cochons, dont la nourriture n'est pas souvent plus coûteuse que celle des chèvres, pour peu que l'éleveur soit industrieux.
                L'éducation de ce genre de bétail est d'autant plus avantageuse pour les Européens que les Arabes ne leur font point concurrence.
                Ces derniers considèrent les cochons comme des animaux immondes, et croiraient se souiller en les approchant.

                Les Maltais ont quelquefois une quinzaine de porcs à l'engrais. Au bout de quelques mois ils les vendent au prix de 1 franc le kilo ; ils peuvent bientôt amasser ainsi plusieurs milliers de francs. Ils se lancent alors dans de plus grandes opérations. Beaucoup d'entre eux :
                - se font bouchers,
                - achètent des troupeaux de bœufs,
                - louent de gras pâturages ,
                - spéculent encore sur les engrais,
                - louent aussi et quelquefois achètent des propriétés rurales en valeur dont ils savent parfaitement tirer parti.

                Ils y sèment :
                - des pommes de terre,
                - des melons,
                - des pastèques
                - ou autres légumes qu'ils font vendre dans les villes par leurs compatriotes.

                Pour attirer les bénédictions du ciel sur leurs récoltes, ils ont soin de faire la part du bon Dieu et des pauvres : le produit entier de tel ou tel champ est par avance consacré à des œuvres pieuses.
                D'autres Maltais consacrent leurs économies à construire des moulins.
                Ils se livrent avec assez de succès au commerce des grains : pouvant parler la langue arabe, ils ont à cet égard de grandes facilités que n'ont pas les autres colons.
                Beaucoup de négociants les emploient maintenant pour les marchés qu'ils ont à faire avec les indigènes.
                Ils fourniraient au gouvernement d'aussi bons interprètes que les Juifs auprès de ces derniers et la France ne pourrait que gagner au change.

                Quoique sujets britanniques, les Maltais semblent préférer la France à l'Angleterre et il y aurait peu à faire pour les attacher davantage à notre colonie.
                Ils sont assez répandus dans la province de Constantine, ils y ont acheté bon nombre de propriétés, ils possèdent déjà une partie de la ville de Bône.
                Faisons des vœux pour qu'ils s'établissent également d'une manière stable dans les autres provinces.

                La seule protection que réclament les Maltais est celle de leur foi, et ils ont à cet égard à Malte des ressources qui leur manquent en Algérie.
                Les curés de la colonie entretenus par le gouvernement savent rarement leur langue et, sans le zèle de quelques bons religieux qui parcourent le pays en missionnaires, bien des pauvres Maltais se trouveraient un peu abandonnés.
La colonisation de l'Algérie par Louis De Baudicour.
Édition 1856


La vie matérielle à Alger
Envoi de M. Christian Graille

           Le voyageur qui s'expatrie pour des raisons de santé aime à savoir où il va et il s'enquiert dans les guides de toutes les ressources dont il pourra disposer sur sa route.
           Quand on parle de l'Algérie en Europe, il semble qu'on parle du désert du Sahara où la faim et la soif sont les premiers ennemis à combattre.
           On ne se doute guère que l'Algérie était une contrée privilégiée, même avant la conquête, sous le rapport de la vie matérielle ; à ce point que les vieux musulmans l'appelaient le paradis de Mohamed.
           Nous avons passé de longues heures à interroger les Maures qui ont assisté à la prise d'Alger et nous avons recueilli avec soin les renseignements précieux qu'ils avaient conservés sur cette époque où les Roumis étaient rares dans la ville et plus rares encore dans les campagnes.

           Alger, c'était, disent-ils, le paradis !
           - Une maison mauresque dans la Casbah ne coûtait pas plus de cinquante francs par an,
           - un mouton, trois à quatre francs,
           - le poisson se distribuait par plaisir,
           - une poule valait cinq ou six sous,
           - une douzaine d'œufs quatre ou cinq sous,
           - un litre de lait deux sous,
           - Il y avait toujours du blé dans les silos
           - et l'orge ne se mesurait pas.

           Ils trouvent que la vie matérielle a bien changé et que le paradis s'est transformé en un véritable enfer. Et pourtant, il faut bien le dire, les denrées de première nécessité sont loin d'avoir atteint en Algérie le prix qu'elles ont atteint dans les villes importantes de la Métropole.
           A Marseille la vie d'hôtel et de restaurant est devenue impossible, et les voyageurs étrangers qui descendent à Alger à l'hôtel d'Orient ou de la Régence sont très agréablement surpris de trouver une différence énorme entre les prix qu'on leur demande et ceux qu'ils ont payés à Nice ou à Cannes.
           Cette différence est encore plus sensible dans les hôtels ou les restaurants de l'intérieur de la ville ; Alger ne laisse rien à désirer sous le rapport de la facilité d'alimentation.

           Il n'y a pas, dans le monde entier, un marché aussi bien approvisionné que celui de la place de Chartres et c'est au moment où la saison d'hiver commence que s'étalent les primeurs, qui font croire que le printemps est la seule saison régnante en Algérie.
           La seule question capitale à résoudre à Alger c'est celle des logements.
           L'ancienne ville, toute pittoresque, toute curieuse parce qu'elle est restée le domaine des industries arabes ne peut suffire aux exigences d'une population d'hivernants ; l'Alger compris dans l'enceinte des fortifications ne possède plus de terrains propices aux constructions qui conviennent aux valétudinaires : ce sont des terrains industriels dont le prix est trop élevé pour qu'on puisse y ménager les jardins nécessaires à des habitations ayant une semblable destination.
           Le village de Saint-Eugène est devenu le centre de prédilection des commerçants qui s'y retirent le soir dans une maisonnette toute ombragée de verdure ; son développement est d'ailleurs limité par les pentes abruptes qui descendent de la vallée des Consuls et de Notre Dame d'Afrique.

           Le développement est presque indéfini du côté de Mustapha où la disposition du terrain qui s'élève en pente douce jusqu'à plusieurs kilomètres du rivage, se prête merveilleusement à l'établissement de magnifiques villas.
           Á voir déjà l'aspect des campagnes qui décorent ce vaste panorama, on ne voudrait pas croire que, il y a trente ans à peine, c'était une région déserte et presque inhabitée.
           Mustapha, aujourd'hui érigée en commune indépendante de la ville d'Alger est le rendez-vous de toutes les familles aristocratiques anglaises, russes ou suédoises qui viennent passer l'hiver en Algérie.
           La terre profonde s'y prête à une végétation rapide ; chaque année on voit s'élever des demeures charmantes bientôt entourées de fleurs et d'arbres verts.
           Les valétudinaires (personne dont la santé est chancelante) y trouvent, grâce à la déclivité du terrain, toutes les altitudes qui conviennent à leur constitution et ils ont l'immense avantage de jouir de la vue de la baie et de magnifiques horizons qui se développent dans l'immensité, jusqu'aux confins les plus élevés de la Kabylie.

           Par une belle journée d'hiver :
           - ils voient se dessiner les sommets du Djurdjura, avec ses beaux strates de neige sur lesquels jouent les rayons de soleil comme sur une mer aérienne,
           - puis les dentelures du rivage, que l'œil suit jusqu'à des distances infinies, pour venir se reposer sur les teintes verdâtres de la plaine de la Mitidja et sur les jardins du Hamma qui étaient jadis un foyer malsain et d'où s'exhalent aujourd'hui les émanations d'une végétation sans cesse renouvelée sous la main du jardinier.

           Nous conseillerons aux propriétaires de ces beaux terrains à hâter l'heure où une nombreuse population viendra leur demander l'hospitalité.
           Que l'on compare les produits de la terre au produit des locations pendant l'hiver, et on demeurera convaincu que l'avenir dépend de la quantité d'habitations confortables qu'on peut offrir aux étrangers.
           Il y a un double encouragement à une semblable entreprise.
           Pendant l'été la population commerçante a besoin d'émigrer pour se maintenir dans un état de santé prospère et pour contrebalancer les mauvaises influences de la concentration ; elle ne trouve pas assez de logements à proximité de la ville et elle n'hésite pas à aller peupler les hauteurs d'El-Biar et de la Bouzaréah qui offrent un climat extrêmement salubre.

           Aussitôt que les étrangers sont partis, les campagnes sont envahies. C'est donc une spéculation bien comprise de bâtir hors des murs d'enceinte.
           Si nous nous plaignons de la disette des logements pour le présent, combien n'aurions-nous pas de raisons pour nous en plaindre au point de vue de l'avenir ?
           Il faut, dans une ville tend chaque jour à s'accroître, un excédent de logements, et à Paris, on a calculé qu'il fallait, pour que la population fut à l'aise, que le huitième des appartements restât vide.

           Alger et ses environs devraient être préparés pour recevoir au moins 100.000 âmes et la population effective dépasse déjà le chiffre de 60.000 habitants.
           Si les commissions d'hygiène fonctionnaient avec zèle et s'inspiraient du véritable intérêt de la ville, près d'un quart des logements occupés par la classe ouvrière serait condamnés à être fermés et démolis.
           Ce ne sont pas des habitations dignes de l'homme ; ce sont des tanières sans air et sans soleil où les malheureux sont condamnés à la scrofule ( infection de la peau) et au lymphatisme, (état pathologique caractérisé par un manque de forme, de vigueur. Augmentation des ganglions lymphatiques) et lorsqu'une épidémie sévit à Alger, elle décime la population avec une rapidité et une intensité dont la cause réside uniquement dans les mauvaises conditions hygiéniques des habitations.
           Les habitations mauresques appartiennent, par la tradition architecturale, au style grec.

           L'existence y semble facile et agréable parce qu'elle a lieu dans une cour intérieure ornée de galeries qui abritent le soleil ; mais elles ont été gâtées par l'adossement des murs extérieurs à des maisons voisines.
           Elles manquent toutes de larges fenêtres pour laisser pénétrer l'air et la chaleur solaire.
           La fraîcheur qui les a fait rechercher autant que leur admirable disposition intérieure les a fait abandonner par les plus enthousiastes admirateurs du style mauresque, parce qu'elle annihilait les bienfaits du climat et produisait des affections rhumatismales et névralgiques, avec tendance au rachitisme observé sur une si grande échelle sur les Maures.

           Pour conquérir une magnifique habitation mauresque il faudrait démolir trois ou quatre maisons avoisinantes, et, à ce prix, il vaut mieux en faire construire une sur un terrain neuf.
           Nous pouvons citer les plus belles habitations et les plus riches, comme perdues et noyées dans ces baraques parasites dont la valeur es devenue fabuleuse.
           Le palais du Gouverneur Général flanqué à droite d'une église qui est beaucoup trop étroite pour hériter le titre de cathédrale, est privé de jour au Sud et à l'Ouest ; ce bijou mauresque ne respire que par une façade aussi peu harmonieuse que l'est la façade de l'église elle-même.

           Le palais de Mustapha qui sert de bibliothèque publique, est un puits perdu, dans un fouillis de petites maisons mauresques.
           Pour rendre la Casbah saine et habitable il faudrait détruire la moitié, au moins, des vieilles maisons mauresques qui l'obstruent.
           Dans la basse ville nous n'en exceptons que quelques magnifiques constructions élevées sur le boulevard, la cherté des terrains a fait oublier les lois de l'hygiène qui, dans une contrée à climat chaud, exigent que les dimensions des appartements soient calculées sur la dilatation de l'air et sur la facilité de son renouvellement.
           Nous posons, en principe qu'une chambre est insalubre lorsqu'elle n'offre point quatre mètres d'élévation et cinq à six mètres en tous sens.
           Nous ne saurions trop insister sur ce point et rappeler aux architectes qu'en se prêtant à des spéculations ils compromettent leur réputation et l'avenir même des immeubles dont ils dirigent la construction.
           Le système des fortifications d'Alger, condamné d'ailleurs depuis longtemps, stérilise une zone de 70 hectares qui seraient mieux employés en construction.
           C'est à lui que nous devons cette situation fâcheuse qui porte le plus grand préjudice à l'avenir de la ville.

           A l'exception de quelques hôtels bien situés, on ne peut recommander aux valétudinaires d'habiter les maisons mal exposées et mal aérées qui leur sont offertes et si nous avons signalé les coteaux de Mustapha comme lieu d'élection des hivernants c'est parce que cette classe intéressante a compris elle-même, instinctivement, qu'elle trouverait là les conditions hygiéniques qui manquent dans l'intérieur de la cité.
           A peine une habitation un peu confortable y est-elle bâtie, qu'elle est occupée, par des familles qui se trouvent trop à l'étroit dans cette ville enceinte de murailles.
           Les malades ont, pendant l'hiver, besoin d'une exposition qui leur permette de respirer un air pur et tiédi par l'influence solaire ; il est bon et utile qu'ils jouissent de la vue des horizons qui bornent la campagne.
           Aussi leur conseillerons-nous de rechercher les habitations qui ont une exposition au Nord et à l'Est.
           Par contre nous conseillerons aux habitants qui vont chercher dans la campagne, pendant l'été, un air et une exposition salubres, de rechercher les appartements exposés au Nord-Ouest par où viennent du rivage ces larges effluves méditerranéens qui apportent la fraîcheur et les émanations salines dont est chargé l'atmosphère. Edmond Carrière, dans son excellent livre sur les climats de l'Italie, a consacré de fort belles pages à tracer des règles de conduites que les malades doivent considérer comme la loi primordiale de leur immigration.

           Nous ne comprenons l'utilité d'un livre destiné à éclairer la conscience des valétudinaires qu'en le dégageant de toute influence de clocher.
           Pour aider l'influence climatérique, il faut, en premier lieu, la réalisation d'un milieu propice au développement de cette influence.
           La vie matérielle serait cent fois meilleure et à aussi bon marché qu'elle l'était avant la conquête que si les habitations ne répondent point aux exigences de l'hygiène, il serait présomptueux, pour ne pas dire coupable, d'entraîner des malades vers une ville qui n'aurait point un nombre suffisant de logements confortables à offrir aux étrangers.

           Cette question domine toute l'économie de la colonisation. Les insuccès qui ont signalé les débuts sont dus principalement aux habitations sous lesquelles se réfugiaient les colons. Dans un pays chaud, il faut :
           - que les habitations aient un sous-sol et un grenier,
           - le sous-sol, pour mettre l'homme à l'abri de l'humidité qui monte de la terre en vertu de la capillarité plus active que dans les pays froid,
           - le grenier pour empêcher la convergence des rayons calorifiques qui pénètrent par la coiffure.

           Les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des habitations des colons n'ont ni caves, ni greniers et les familles sont soumises à toutes les influences de l'évaporation de l'humidité du sol et des réfrigérations nocturnes.
           Les habitations sont trop basses, mal aérées et n'offrent pas la capacité voulue pour contenir l'air oxygéné nécessaire à toute une famille.
           Les tuiles creuses qui ne permettent à la toiture qu'une inclinaison de 40 degrés doivent être remplacées par des tuiles plates, fixées à l'aide de crochets et on devrait avoir soin de percer la charpente de lucarnes afin de faciliter le renouvellement de l'air.

           Les conditions hygiéniques, mal comprises, entrent pour une large part dans les affections dont les colons ont été frappés et on n'en a pas assez tenu compte dans les travaux qui ont été entrepris à ce sujet.
           A Alger les maisons sont trop élevées ; la municipalité ne devrait tolérer que deux étages et elle devrait exiger qu'entre les terrasses et le second étage, il existât un vide où l'air pût circuler librement.
           On ne se rend pas bien compte de l'importance de cette mesure quand on n'a pas habité les villes de l'Algérie pendant l'été.

           Telles qu'elles sont établies, les terrasses jouent le rôle des plombs de Venise et font rayonner dans les appartements une chaleur acquise qui occasionne des suffocations et des congestions cérébrales mortelles.
           Il faudrait étudier avec soin ces questions importantes pour instituer une réglementation hostile à l'esprit de spéculation mais profitable aux intérêts de la population et à la réputation de la colonie.
           Nous constatons aujourd'hui que la ville d'Alger reçoit plus de quatre mille étrangers ; chaque année ce nombre ira en augmentant et ce n'est point inutile de prévenir ceux qui attendent leur fortune de cette industrie hospitalière qu'ils ne pourront établir une concurrence sérieuse avec les villes italiennes qu'en se plaçant dans des conditions au moins égales de confortables et de bon marché.
La saison d'hiver en Algérie par le docteur Amédée Morin
de l'Institut (académie des sciences et académie de médecine)
chirurgien à l'hôpital civil d'Alger. Édition 1873.


Les Maltais
Envoi de M. Christian Graille
Malte, fleur du monde (dicton maltais)

           S'il est un peuple dont le sang ait subi bien des mélanges, n'est-ce pas celui de Malte ? Depuis :
           - les Carthaginois,
           - les Arabes,
           - les Vandales
           - jusqu'aux Croisés et
           - aux Anglais, que de peuples ont voulu dominer cette île !

           Bonaparte lui-même, on le sait, ne put s'en défendre.
           Ainsi le lait maternel inculque-t-il au Maltais un langage mélangé, comme son sang : - d'arabe, d'espagnol, de grec, d'anglais et peut-être de bien d'autres choses encore.

           La colonie maltaise d'Alger n'a pas de costume national aussi distinguerait-on difficilement les Maltais au milieu du peuple si hétérogène d'Alger, sans une circonstance toute particulière.
           Notamment les Maltais ressembleraient beaucoup aux Espagnols, affectionnant comme ces derniers :
           - le petit chapeau rond,
           - la veste courte et
           - la ceinture de couleur, et, d'autre part, ayant comme eux le type méditerranéen, mais voici le signe distinctif :
           - Tous les Maltais sont fruitiers et tous les fruitiers sont Maltais.

           Les reconnaître dès lors devient facile. Ce sont eux qui ont le monopole de la fruiterie en plein vent. Leurs boutiques remplies :
           - d'oranges,
           - de dattes,
           - de bananes,
           - de cocos et
           - de tous les fruits méditerranéens,
           - ont des couleurs à réjouir l'œil de l'artiste, mais les Maltais n'exercent pas ce métier modeste, seulement en apparence, pour l'amour de l'art, ils en tirent, dit-on, de fort beaux résultats.
           Du reste ils y prennent la peine et ne dédaignent pas, quand elles se présentent les entreprises fructueuses.

           En Orient, on dit :
           - qu'un Juif roule un chrétien,
           - qu'un Grec roule un Juif,
           - qu'un Arménien roule un Grec.
           - A Alger on prétend qu'un Maltais les roulerait tous à la fois.

           Un jour à Constantine, j'entends à côté de moi ce dialogue entre voix discrètes :
           " - Prête-moi deux mille francs.
           - Je ne peux pas je n'ai pas d'argent.
           - Eh bien, si tu ne peux pas me les prêter, c'est moi qui te les prête
           Ce discours avait de quoi m'étonner ; j'en fis part à mon voisin :
           " Oh ! me dit-il, c'est un Maltais qui veut faire une affaire ; vous en France vous n'avez pas idée de la façon dont on opère ici. "
           Il m'expliqua à peu près le dénouement probable de la conversation que je venais d'entendre.
           Les Maltais disent : Malte, fleur du monde ! La nuance est facile à saisir.
Alger, ville d'hiver de Henri Dumont. Notes de voyage.
Édition 1878.

PHOTOS de BÔNE
Envoi de M. Jacky BENA
PREPARATION MILITAIRE
PARACHUTISTE EN 1960

PHOTO Jacky BENA
Photo, prise par M. Bena, les montre en l'air,
au-dessus de la plaine de Bône.


PHOTO Jacky BENA
La promotion 1960 de la PMP (Préparation Militaire Parachutiste). J. Bena est le 4ème en partant de la gauche ; avec le béret au centre Fabien Alary et à droite ; avec les lunettes, son cousin Alain Baldassari. A l'extrême droite Sagnol et derrière lui Joannon (les prénoms ?). Peut-être que la publication de cette photo permettra d'en retrouver d'autres.
PHOTO Jacky BENA
Avant un des sauts ; on voit le Nord 2000 derrière le groupe. J.Bena est le 2ème en partant de la droite. Si sa mémoire ne le trompe pas, celui qui est complètement à gauche a été tué par le FLN. Cela mériterait vérification.


Les orphelinats
Envoi de M. Christian Graille

           Dès la fin de 1842, le Père Brumauld ouvrait, aux environs d'Alger, un asile destiné à recueillir les pauvres garçons qui restaient sans ressources en Algérie, après la mort ou l'abandon de leurs parents.
           Cet établissement commencé à Mustapha, continué à Dély-Ibrahim, fut en 1854 complètements installé à Ben-Aknoun et au camp de Boufarik.
           La population de la colonie se composait alors de quarante-quatre maîtres, y compris onze auxiliaires et de trois cent quatre-vingt-dix enfants, depuis l'âge de quatre ans jusqu'à celui de vingt et un ans.
           On en comptait trois cents au-dessous de quinze ans.
           Eh bien, sur ces trois cents enfants, il n'en mourut qu'un seul en trois ans ! On ne trouverait peut-être pas, dans le monde entier, un exemple pareil.

           Il est vrai que Ben-Aknoun est l'un des lieux les plus salutaires de toute l'Algérie.
           La situation de l'ancien camp de Boufarik, concédé au P. Brumauld, est moins favorable ; elle est même, dit-on, assez malsaine.
           Quatre-vingt-dix enfants y dont déjà établis ; ceux qui tombent malades sont aussitôt ramenés à Ben-Aknoun où ils se rétablissent promptement.
           Les jeunes colons de Boufarik seront particulièrement employés à l'élevage des vers à soie ; les mûriers ont été plantés par l'armée.
           L'administration donne quatre-vingt centimes par jour, pour chaque enfant, jusqu'à l'âge de quinze ans ; à partir de cet âge, le produit de leur travail couvre la dépense à une légère différence près (six francs par an).

           Le 19 avril 1849, M. l'abbé Landman, ancien curé de Constantine, s'installait à Medjez-Amar avec quinze orphelins de douze à dix-huit ans et six Frères pris dans la colonie de Notre-Dame-des-Vallades.
           La nouvelle colonie compta bientôt quatre-vingt-dix orphelins et enfants trouvés dont la plupart étaient venus de la colonie des Vallades ou de celle de la Ronce, fondées toutes deux dans la Charente Inférieure par M. du Luc devenu le frère Marie-Théodore.
           Il vint rejoindre son zélé collaborateur, l'abbé Landman, en Algérie, accompagné de huit Frères agriculteurs chargés de diriger les quatre-vingt-dix jeunes colons de l'établissement.

           Pour aider les enfants dans leurs travaux agricoles, parfois au-dessus de leur force, il est parvenu à attacher à la colonie six ménages arabes, qui, en échange, reçoivent le " cinquième " de la récolte.
           La dernière colonie de jeunes garçons a été fondée à Misserghin près d'Oran par M. l'abbé Abram de Montpellier.
           Lorsque les anciens camps de Misserghin et de Boufarik ont été concédés par l'administration au Père Brumald et à l'abbé Abram certains journaux ont vivement réclamé ; il n'y avait cependant pas de meilleur parti à tirer de ces camps abandonnés dont l'entretien aurait coûté chaque année à L'État quelques dizaines de mille francs.

           Medjez-Amar était également un ancien camp devenu inutile à notre occupation militaire.
           En concédant gratuitement ces constructions et les terrains environnants à des hommes charitables pour les transformer en colonies d'enfants trouvés et d'orphelins, l'administration de la guerre a noblement compris son devoir.
           En 1852, la colonie de Misserghin renfermait cinquante-quatre orphelins recueillis après les ravages épouvantables faits par le choléra dans les villages fondés en 1848 avec les émigrants parisiens.
           Mais le plus important de ces orphelinats aujourd'hui est celui des filles, à Mustapha ; il regroupe quatre cents orphelines, placées sous la direction des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul.

           Avec de pareilles institutrices, il n'est pas besoin de dire que l'enseignement moral et religieux ne laisse rien à désirer.
           Il ne s'agit plus d'orphelinat agricole à Mustapha mais on y forme d'excellents domestiques, d'habiles couturières, des femmes très capables de tenir le ménage chez les petits artisans de nos villes africaines.

Souvenirs d'Algérie par J. Rosier (1892)



Arabes, Mauresques
Envoi de M. Christian Graille

                  O croyants, effacez-vous sur vos sièges. Faites-le ; Dieu vous donnera un espace immense dans le ciel.
                  O prophète ! Prescrits à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants d'abaisser un voile sur leur visage. Il sera la marque de leur vertu et un frein contre les propos des hommes.


                  Lorsque l'on vient de débarquer pour la première fois à Alger, c'est à coup sûr une impression d'indéfinissable étonnement que l'on ressent en voyant, au milieu des rues, passer ces Arabes vêtus d'amples robes en laine blanche, grands pour la plupart, solennels comme une statue antique descendue de son siège et qui se mettrait à marcher.
                  Parmi eux on distingue généralement :
                  - le Maure,
                  - l'Arabe, ce qui ne laisse pas, au premier abord, que de jeter quelque confusion dans l'esprit de l'européen.

                  Le Maure est facilement reconnaissable ; il est habitant des villes ; sa tête est coiffée du turban, et sous son manteau, qui quelquefois est de drap, il porte le pantalon et la veste de soie.
                  La selle qui le porte à cheval lui permet d'être assis, ce qui doit paraître efféminé aux Arabes des grandes tentes ; et enfin, détail particulier, le Maure affectionne évidemment les besicles (anciennes grosses lunettes rondes).

                  A Alger ces Maures prétendent pour la plupart à la noblesse, et le simple marchand qui tient un bazar arabe vous expliquera comment il descend d'une famille des Maures d'Espagne échouée sur la côte africaine.
                  Mais sans lui contester ses titres, il faut lui reconnaître un mérite, celui de vendre ses tapis arabes, faits tout en laine teinte de garance et de safran, aux tons vifs et tranchés, et surtout ces merveilleux tapis de Smyrne et de Constantinople.

                  Tous les Maures ne tiennent évidemment pas de bazars, mais ils sont :
                  - chaouchs,
                  - interprètes,
                  - maîtres d'école,
                  - médecins,
                  - magistrats dans les tribunaux français ou arabes.

                  Généralement monogame, le Maure est :
                  - studieux,
                  - observateur rigoriste du Coran,
                  - de caractère doux et
                  - homme de parole.

                  Quand vous voudrez acheter un objet chez un Maure, ne vous avisez pas de marchander, ce serait peine perdue ; il pourrait vous répondre : " Je ne suis pas un Juif. " et refuser net de vous vendre à quel prix que ce soit ; cependant il ne faut pas prendre les boutiques arabes pour des boutiques juives et inversement ;ce serait de demander à un Juif le prix qu'il demande.

                  Le Kabyle c'est ce montagnard descendu des hauteurs de la petite et grande Kabylie pour apporter :
                  - son blé,
                  - ses figues,
                  - ses olives,
                  - ses oranges.
                  Il est de race énergique, laborieux et redoutable à la guerre.
                  On sait le mal que la France a eu à le réduire à l'impuissance.
                  Il est hospitalier comme l'Arabe de la plaine et si à la chasse vous passez dans son douar :
                  - il vous baisera la main à l'entrée,
                  - prendra votre cheval par la bride et
                  - vous accompagnera jusqu'à ses confins après vous avoir offert le vivre et le couvert.

                  L'ethnologue a eu maille à partir avec lui ; son angle facial est bien différent de celui de la race arabe et on a voulu émettre la théorie, à coup sûr discutable, qui le ferait descendre de nos ancêtres, les Gaulois.
                  Le kabyle ne se soucie guère de la question ethnographique et connaît une question qui ne l'intéresse que trop, celle de la révolte contre nous, dont il ne manque hélas ! Jamais l'occasion.
                  Les Kabyles fabriquent quelques armes, quelques lames bien trempées et des poteries qui ont comme un goût sauvage et primitif.

                  Il faut donner une mauvaise note au Kabyle pour l'abus qu'il fait du pauvre petit âne qu'ici on appelle bourricot.
                  Après l'avoir chargé de denrées jusqu'à plier ses reins en demi-cercle, ces grands gaillards ne connaissent point la honte qu'il y a pour eux à écraser la pauvre bête du poids de leur grand corps, dont les jambes, trop grandes pour une sui petite monture, s'en vont rasant le sol.
                  Ne parlons pas de la plaie vive qu'on entretient soigneusement sur le train d'arrière du pauvre aliboron (âne) et qui sera l'endroit sensible où l'aiguillon communiquera la vitesse ou l'énergie à l'animal qui n'en peut plus. L'Arabe, lui habite les pays de plaine. On sait :
                  - sa vie nomade,
                  - ses troupeaux,
                  - ses tentes ou ses gourbis,
                  - son esprit hospitalier et chevaleresque.

                  Mais qu'il soit de la ville, de la montagne ou de la plaine, l'Arabe, en prenant le sens générique du mot, est évidemment un être de noble race.
                  - Son salut est solennel,
                  - son air sérieux,
                  - sa démarche lente comme celle d'un homme qui pense,
                  - ses gestes sont toujours heureux parce que les membres ont une souplesse extrême.

                  Ces remarques que l'on croirait ne devoir s'appliquer qu'à l'élite de la race arabe peuvent au contraire s'observer aussi bien chez le porteur d'eau que chez le grand seigneur.
                  Au moral on ne le sait que trop, il est brave, on pourrait dire téméraire.
                  Quoique vaincu et réduit à l'impuissance depuis bientôt un demi-siècle, il n'a rien perdu de sa fierté.
                  Race singulière où l'on trouverait des serviteurs mais pas un valet, où l'on trouverait des hommes, des femmes, des enfants qui demandent à manger, mais pas un mendiant ; l'Arabe demande mais ne fait pas métier de demander et il ne sait pas supplier.

                  Dans certaines nations on dresse l'enfant à vous dire : je meurs de faim ; ici le petit ne prend jamais le ton pleurard, loin de là il recherche son plus beau sourire, que ses grands yeux noirs, ses blanches dents accompagnent à qui mieux mieux quand il vous dit : Donne un sou ! Il y en a un ce matin qui me disait : Donne un sou… allons…Marche !
                  On dit l'Arabe fanatique, il n'est que croyant ; lorsque vous entrez dans une mosquée, jamais il ne tournera la tête, sa prière est une extase ; celui qui s'occupe de son voisin ne croit évidemment pas à la présence de Dieu.
                  On dit qu'il est fataliste ; non, puisque le Coran ne l'est pas ; il n'est que résigné. Frappé d'un malheur, d'une condamnation terrible, quel calme à la surface tout au moins :
                  - De nos mœurs,
                  - de notre langage,
                  - de nos vêtements

                  L'Arabe, depuis bientôt un demi-siècle de conquête, n'a rien pris ou le moins possible. Comment en serait-il autrement ? Il n'a qu'une pensée, l'obéissance à Dieu. Il coucha à terre ; le Coran ne dit-il pas : " C'est Dieu qui vous a donné la terre pour lit. "
                  Il boit de l'eau puisque Mahomet défend le vin : pourquoi changerait-il de costume, le sien ne vaut-il pas le nôtre, et comment, s'il adoptait seulement nos chaussures, entrerait-il pieds nus dans sa mosquée ?

                  La langue française il ne l'apprend pas, il la hait puisqu'il nous déteste quand il ne nous méprise pas. Souvent dans la ville haute, me promenant solitairement dans ces rues pavées en escaliers, étranglés par les murs blanchis à la chaux et sans ouvertures des maisons mauresques, j'ai rencontré quelque Maure élégamment vêtu, au visage sévère et marchant sans bruit, devant derrière ou devant moi comme une apparition inattendue ; toujours lorsque nous nous arrangions pour passer,
                  - ses yeux grands ouverts sur moi,
                  - ces tempes pensives,
                  - et cette démarche pleine de dignité m'ont dit : " Passe Français, passe dans cette rue que t'a donnée la violence, descends en bas vers ton port, vers tes hôtels, vers ton théâtre où je ne vais jamais ; va, fais tout ce qu'il te plaira ; je n'en ai nul souci ; laisse-moi seulement ici vivre selon ma loi qui est ma foi, laisse-nous :
                  - naître, nous marier, prier et mourir comme nous l'entendons.
                  - Nous n'avons rien de commun ensemble :
                  - ton langage n'est pas le mien,
                  - ton pays ne sera jamais mon pays,
                  - ton Dieu ne sera pas mon Dieu.
                  - La plupart d'entre vous ne croient pas en Dieu ; si tu nous domines c'est par ton empire sur la matière, mais Dieu est le maître du monde, il a les siècles pour lui, patience ! Patience ! C'est par lui que tu es venu, c'est par lui que tu partiras quand il le voudra, comme vient et part un fléau.
                  - Il n'y a de Dieu ! Passe Français ! "

                  Et la petite porte ogivale, épaisse et cloutée, retombe sur lui, il est entré dans sa maison ; là il est tout petit roi, roitelet, mais roi cependant ; il retrouve :
                  - ses femmes, ses enfants, sa fontaine, son oranger,
                  - le silence où sa voix parle en maître et
                  - le carré de ciel qui lui rappelle qu'au-dessus du maître il y a un autre maître.

                  Tout cela c'est sa patrie, la conquête pourrait l'en déposséder mais alors il en mourrait.
                  Sur cette terre comme ailleurs, la conquête aura toujours le triste privilège de détruire la patrie sans pouvoir la remplacer.
                  Ces gens-là souffrent comme on souffre en Alsace-Lorraine. Metz et Strasbourg sont des tombeaux. La ville haute d'Alger, pour l'aristocrate arabe, est un sépulcre blanchi à la chaux.

                  Rêveur, le prince qui s'intitula l'Empereur des Français et des Arabes ; rêveur celui qui croira jamais convertir au catholicisme ou nourrir dans le catholicisme l'enfant qui a sucé le lait arabe, l'Arabe peut s'être confessé, avoir communié, tôt ou tard il vous échappe comme les petits des loups quand ils sont devenus grands.
                  Sans doute on a pu rencontrer de fidèles serviteurs, des bataillons entiers qui furent héroïques à verser leur sang pour nous ; la trahison serait une lâcheté ; toutefois de la parole donnée à l'amour de la patrie française, il y a une distance.

                  Mais parlons un peu des femmes arabes. Pour obéir à la prescription de Mahomet elles sont voilées des pieds à la tête ce qui les fait ressembler à des fantômes.
                  A Alger, certaines d'entre elles, et ce ne sont pas les plus laides, connaissent à merveille l'heure d'arrivée des paquebots ; elles tiennent évidemment à montrer au nouveau débarqué comment au paradis pourront bien jouer de la prunelle les houris de Mahomet.
                  Il m'a été donné de voir un jour, chez le fort habile orfèvre Doré, qui a établi son atelier et son magasin dans une maison mauresque de la rue Soggema, il m'a été donné, dis-je, de voir une Mauresque remarquablement belle ; ironie du sort, cette femme qui n'adorait pas qu'un seul Dieu, s'appelait Fathma, qui veut dire Marie ou servante de Dieu.

                  Voyez comme les femmes sont partout les mêmes. ! Une de nos élégantes qui s'appellerait Marie changerait bien quelque chose à son nom : Fathma se faisait appeler Fatima.
                  Fathma était entièrement recouverte de son haïk à carreaux bleus et blancs, elle regardait tout et touchait à tout. L'orfèvre nous expliqua que c'était une excellente cliente payant bien et comptant.
                  De son rire clair et sonore elle répandait autour d'elle la gaîté.
                  Ses gestes étaient gracieux comme ils le sont toujours chez les Mauresques ; lorsqu'elle prenait quelque chose, il semblait que son bras s'arrondissait et que sa main enluminée de henné faisait le tour de l'objet admiré comme pour ne pas le prendre de force, mais l'attirer par des caresses.
                  Elle parlait le Français avec l'accent arabe qui est doux et a un certain charme.

                  Fathma était en ce moment éprise d'un diamant très gros, d'une eau très limpide, c'est dire qu'il était cher.
                  - Trois mille francs lui dit Doré
                  - mais je ne les ai pas les trois mille francs,
                  - faisons un échange, donne-moi ton collier.
                  - Fathma se découvrit alors, je la vis longtemps.
                  - Ses traits étaient réguliers comme ceux d'une Arménienne,
                  - le nez droit sur le même plan que le front,
                  - les cheveux noirs,
                  - la bouche était l'image exacte d'un arc dont la lèvre inférieure eût été la corde légèrement détendue,
                  - l'œil bordé d'antimoine était entouré de cils noirs surmontés de sourcils d'une finesse extrême, le tout amoureusement noyé dans une teinte bleuâtre qui contrastait avec le visage, coloré comme un fruit mûri au soleil : pour rendre cela il faudrait la palette du peintre.

                  Mon collier de perles dit-elle en y portant les mains, tu veux rire !
                  Je crois en effet que l'orfèvre voulut lui adresser un compliment et reconnaître quelle belle affaire c'eût été pour lui de prendre le collier en échange.
                  Michelet, dans son livre " la femme " fait l'éloge de la perle et la préfère au diamant.
                  Je compris son idée à cet endroit en voyant ce beau collier sur cette belle femme.
                  Je ne me rappelle pas ses expressions, mais il dit : le diamant c'est l'orgueil provocateur ; la perle, c'est la volupté, l'amour.

                  Il est vrai que Michelet applique ces paroles à la femme sainte, à l'épouse aimée tandis que pour mademoiselle Fathma, on pourrait dire de son collier, autant de perles autant d'amourettes.
                  C'est en effet un usage chez les Mauresques de se construire des bijoux peu à peu, perle par perle, ou sequin par sequin.
                  La patience étant le propre du génie arabe, la coquetterie étant le propre de bien des femmes, il s'ensuit que ces colliers, avec le temps, deviennent quelquefois fort beaux ; étant donné d'ailleurs, qu'une femme de ce genre-là porte généralement sur elle toute sa fortune.

                  Sans ces beautés faciles, l'Européen se saurait guère ce que peut bien être la femme arabe jusque jamais l'Arabe ne reçoit dans sa maison un homme qui ne soit pas parent au degré de cousin germain et qu'il n'admet pas qu'on lui demande des nouvelles de sa femme ; aussi il est permis de penser qu'ainsi cloîtrée la femme arabe doit forcément rester un être inférieur.
                  De la vie, elle ne connaît que :
                  - sa maison,
                  - un bain,
                  - une mosquée.

                  Mariée, elle n'a jamais vu son mari avant le jour de ses noces et son triste sort se résume en cette réponse que me faisait un Arabe : " Tu trouves que nos femmes ne sortent pas assez, je trouve que les vôtres sortent trop ! " Les pauvres femmes portent pourtant de bien doux noms ; elles s'appellent :
                  - Sabeiha (aurore),
                  - Bedhja (douce, agréable),
                  - Zahra (fleur),
                  - Saïda (fortunée),
                  - Amina (fidèle),
                  - Selima (pacifique),
                  - Zahira (fleurie),
                  - Sofia (choisie, heureuse et pure). Mais ces noms les maris veulent par trop qu'on ne les porte que pour eux.

Alger ville d'hiver d'Henri Dumont.
Notes de voyage. Édition 1878.


Jadis au nord de l’Afrique,
Envoi de M. Jean-Marie Martinez


       Il y avait jadis au nord de l’Afrique,
       A l’époque du temps des conquêtes héroïques,
       Débarrassé des barbaresques maléfiques,
       Un pays devenu des plus magnifiques,
       Baptisé Algérie, doux nom séraphique.
       Alors vivait heureux, un peuple mirifique,

       Originaire de familles atypiques,
       Dans un cadre pour le moins idyllique.
       Insouciant des futurs dangers claniques,
       Encouragés par des idées sataniques.
       Survint l'espoir d'un général atypique,
       Par des discours des plus allégoriques,

       S'avérant être par la suite hypnotiques,
       Afin de mieux les rendre dithyrambiques,
       Accompagnés d'envolées méphitiques,
       Pour conforter son projet machiavélique,
       Aux effets pervers des plus pathétiques.
       Le revirement devint cataclysmique,

       Surgit alors la secousse tellurique,
       Foudroyant esprits et cœurs patriotiques,
       Innocents piégés aux sermons chimériques,
       Provoquant la fuite des plus chaotiques.
       Débarqués sur une patrie misanthropique,
       Exempte d'accueil et soutien psychologique,

       Dispersés par la punition politique,
       Faisant fi des séquelles neurasthéniques.
       En dépit des promesses hypothétiques,
       L'assimilation, preuve honorifique,
       De notre peuple pionnier et homérique.


Jean-Marie Martinez


HISTOIRE DE BÔNE
PAR RENE BOUYAC
Contrôleur civil suppléant Interprète militaire hors cadre
Source Gallica
DEUXIEME PARTIE
BONE DEPUIS 1830

        CHAPITRE XI
Commandement du colonel de Senhilles. - Organisation municipale de Bône. - Arrivée du général Drolenvaux. - Révolution de 1848. - Son contre-coup à Bône. - Elections municipales. - Expulsions. - Départ du général Drolenvaux. - Découverte d'un complot de condamnés militaires. - Le général Le Flo. - Le colonel Eynard le remplace. - Arrivée de convois de colons. - Division de l'Algérie en départements. - Création d'une chambre de commerce à Bône. - Evénements de 1852. - Colonisation. - Administration. - Bône de 1860 à 1870. - Evénements de 1870. - Insurrection. - La répression. - Bône de nos jours. - Liste des généraux, des maires et des sous-préfets de Bône.

        Le colonel de Senhilles, successeur du général Randon, n'était pas un inconnu pour la population bônoise qui avait eu l'occasion d'apprécier ses qualités d'administrateur juste et bienveillant au cours des nombreux intérims dont il avait été chargé pendant les expéditions du général Randon. Mais il ne fit que passer, car le 5 février 1848, il cédait son commandement au général Drolenvaux. Une ordonnance royale du 28 décembre 1847 avait réglementé l'organisation des municipalités en Algérie, mais l'érection de Bône en commune ne date que du 13 janvier suivant. La délimitation qui fut faite du nouveau territoire communal n'a pas subi de changement depuis cette époque.

        La Révolution de 1848 causa quelque émotion à Bône. Ce fut le 2 mars qu'on y apprit, le renversement de la royauté. La République fut aussitôt proclamée, au milieu d'une effervescence qui ne tarda pas à inspirer de vives inquiétudes à la population indigène.
        Les journées des 16 et 17 avril firent voir éclater des troubles plus graves au sujet des élections municipales. On dut faire des exemples, six personnes arrêtées furent embarquées et expulsées du territoire de la colonie. ( Ce furent les nommés Brotot, Menotti, Pons, Gasquet, Bertrand, Despagne. Parmi les personnes que les élections amenèrent à la direction de la ville, nous trouvons les noms de MM. Lacombe, maire, Rossi, Bronde, Mondehard, etc., conseillers municipaux.)

        Le 31 mai, huit artilleurs travaillaient aux magasins des Santons à décharger des obus ; un de ces projectiles éclata, broyant deux hommes, les autres s'enfuirent à l'exception d'un seul, l'artilleur Lecavelier, qui, avec un sang-froid véritablement héroïque, s'efforce d'éteindre le feu qui dévore les vêtements des artilleurs tués, pendant que des paquets d'étoupe brûlant derrière lui menace de communiquer le feu aux obus. Disons cependant, à la louange des autres soldats, que le premier mouvement passé, ils se précipitent et aident Lecavelier à éteindre l'incendie.

        Quelques mois après, le 2 juillet, un complot, ourdi parmi les condamnés de l'atelier n° 4 campés aux baraquements de la Seybouse (Actuellement propriété Sens, à Hippone.) et aux Caroubiers, fut heureusement découvert. Le programme des rebelles était de s'emparer la nuit des armes des surveillants des gendarmes et du poste des tirailleurs commis à leur garde, de marcher en deux groupes sur Bône, d'occuper l'arsenal et la Casbah. Fort heureusement un des conjurés prévint le colonel Dumontet qui fit arrêter 21 condamnés.

        Le général Drolenvaux, à la suite des événements de 1848, avait été rappelé en France et n'avait pas été remplacé. Le 13 juillet, le général Le Flo, son successeur, arriva à Bône, mais en repartit presque aussitôt. L'intérim fut rempli par le colonel Dumontet jusqu'au 23 octobre, époque à laquelle le colonel Eynard fut définitivement nommé au commandement de la subdivision.

        Vers cette époque, un mouvement de l'opinion publique se produisait en faveur de notre colonie. Le gouvernement décida que des essais de colonisation se feraient sous son patronage. Un premier convoi de 840 colons débarqua à Bône le 8 décembre 1848. Ils furent reçus avec un enthousiasme indescriptible qui devait par la suite être l'origine pour ceux qui en étaient l'objet de bien des désillusions ; un deuxième arrivage de 744 eut lieu le 15 décembre. Envois trop nombreux, composés de gens qui n'avaient jamais connu les travaux des champs et qui, bientôt découragés, malades, vont faire retomber sur le gouvernement la responsabilité de leur déception. Rentrés en France, leurs plaintes, leurs récriminations vont inspirer à l'égard de notre colonie naissante une méfiance qui subsistera longtemps encore dans les esprits.

        Le décret du 9 décembre était venu donner à l'Algérie une nouvelle organisation plus en harmonie avec les besoins créés par l'augmentation de la population. Le territoire de la colonie fut divisé en trois départements comprenant eux-mêmes un territoire civil ayant un préfet à sa tête et un territoire militaire de commandement, administré par le général commandant la division. Les régions du territoire civil, dont la population européenne n'était pas suffisante pour constituer des communes, furent divisées en commissariats civils.

        Les années 1848 et 1849 furent fertiles pour Bône en créations et en améliorations. Siège d'une subdivision comprenant quatre cercles militaires, elle devint le chef-lieu d'une sous-préfecture (Sous-préfet : M. Desvernays.).

        La chambre de commerce fut constituée en juin 1849, sous la présidence de M. Casimir Bronde.
        La Seybouse fait son apparition.
        Les forêts de l'Edough furent données en concession à M. Lecoq, qui en commença immédiatement l'exploitation. Le colonel Eynard fut remplacé le 12 novembre 1851 par le colonel de Tourville qui, comme chef d'état-major du général Guingret, avait laissé d'excellents souvenirs dans la population de Bône. Quelques jours après, M. Tremblaire prenait également possession de la sous-préfecture.

        Le 31 janvier eut lieu la promulgation de la Constitution du prince président, bientôt suivie de la prestation de serment des fonctionnaires. Les transportés de juin évacuèrent la Casbah et furent dirigés sur Lambèse pour faire place à de nouveaux prisonniers. M. Calendini, nommé sous-préfet, vint remplacer M. Tremblaire dans le courant du mois de mai.
        Sur ces entrefaites, le général d'Autemane avait été envoyé dans la subdivision de Bône pour protéger les points menacés par une révolte que rien ne faisait prévoir.

        En effet, les tribus de la province de Constantine jouissaient depuis douze ans d'une paix profonde, sous la tutelle d'une sage et paternelle administration. Aucun signe précurseur de mécontentement, aucun acte de désobéissance n'avaient pu nous mettre en éveil. Peu de jours avant que ce mouvement éclatât, le gouverneur général, dans le voyage qu'il avait fait dans la province, avait entendu les caïds et les cheiks des tribus du cercle de Guelma, réunis autour de lui, protester de leur fidélité et énumérer avec reconnaissance les avantages que leur offrait la domination française.

        Des travaux importants étaient entrepris pour améliorer les voies de communication. Les indigènes semblaient comprendre le profit qu'ils devaient en tirer et y prenaient eux-mêmes une part active.
        Cependant, dans la nuit du 1er au 2 juin, dix hommes du 10° de ligne, chargés de protéger les travaux d'un caravansérail qu'on élevait à Aïn-Saïda, au centre de la tribu des Oulad-Dhan, à quelques lieues de Guelma, furent subitement attaqués et obligés de se retirer en toute hâte, abandonnant leur camp, leurs outils de travail et laissant sur le terrain deux des leurs mortellement frappés par les insurgés. Ce fut le signal de l'insurrection. Immédiatement après, toute la population de ces montagnes courut aux armes et se répandit dans la plaine, menaçant les colonnes de Millesimo et de Petit qui ne sont éloignées de Guelma que de huit kilomètres.

        La subdivision était presque dégarnie de troupes, et les instigateurs de la révolte avaient compté sur cette circonstance pour le succès de leur entreprise. A la nouvelle de l'insurrection, le colonel de Tourville, commandant de la subdivision, fit partir pour Guelma le peu de monde dont il pouvait disposer, tandis que de Constantine un demi-bataillon de zouaves et une centaine de cavaliers étaient dirigés sur le même point. Mais ces détachements, présentant à peine un millier d'hommes, étaient insuffisants pour contenir une insurrection où étaient entrées déjà toutes les tribus de l'est et qui se propageaient d'heure en heure.

        La nouvelle de ce mouvement inattendu arriva le 5 juin, clans la soirée, par la voie télégraphique. A l'instant même, la frégate l'Orénoque, ancrée dans le port, reçut l'ordre d'appareiller. Quatre compagnies du 12e de ligne montèrent à bord ; le lendemain, la frégate prenait encore, à Dellys, le 1er bataillon de chasseurs et, deux jours après, 1,200 soldats d'élite débarquaient à Bône; le lendemain, 9 juin, ils étaient en route pour Guelma et, le 11, le colonel de Tourville entrait en campagne à la tête d'une colonne de 2.400 baïonnettes.

        Le colonel se dirigea d'abord chez les Oulad-Dhan, sur le territoire desquels avait eu lieu l'attaque de l'un de nos postes. Il trouva le pays désert, mais ayant appris que les insurgés, avec la plus grande partie de leurs troupeaux, s'étaient réfugiés sur le Kef-el-Aks, espèce de forteresse naturelle vers laquelle on ne pouvait arriver que par une vallée fort étroite, il résolut de les y attaquer.

        Le 14, on donna l'escalade ; tous les obstacles furent franchis, les Arabes chassés de leurs positions, les troupeaux enlevés.
        Le colonel resta quelques jours sur le terrain où ce combat avait été livré, afin d'assurer les résultats de ce brillant coup de main ; le 18, il se remit en route pour le Fedj-Mekta, où des dispositions hostiles se manifestaient. L'insurrection menaçait de s'étendre à tout le pays.

        Les Beni-Salah, établis dans le cercle de Bône, profitant de la concentration des troupes dans le cercle de Guelma, venaient d'attaquer un poste de 20 soldats, occupés à tracer une route dans la forêt ; ils en avaient tué quelques-uns, puis s'étaient réunis en nombre et se disposaient, ainsi qu'ils l'avaient fait dans les environs de Guelma, à attaquer les villages et établissements européens situés au débouché de la vallée de la Seybouse.

        Le capitaine Mesmer, chef du bureau arabe de la subdivision de Bône, rassembla en toute hâte quelques spahis et des cavaliers du caïd Karézi, avec lesquels il se porta au village de Barral. Mais, dans un engagement au bord de la rivière, ce brave officier trouva la mort. Il avait, par ce mouvement offensif, préservé d'un grand danger beaucoup de colons qui, pleins de confiance clans la sécurité dont on jouissait depuis longtemps dans la plaine de Bône, y avaient fondé de nombreux établissements agricoles. (Le capitaine Mesmer fut remplacé comme chef du bureau arabe par le capitaine Doineau.).

        Le général de Mac-Mahon, qui opérait en ce moment avec le général Autemane contre les Hanenchas, en apprenant la catastrophe qui venait de coûter la vie au capitaine Mesmer, se dirigea, le 14 juillet, vers les Beni-Salah pour les châtier. Mais ils s'étaient réfugiés chez les Ouchtetas, tribu tunisienne ; le général les y poursuivit, pénétra dans les forêts où ils s'étaient réfugiés et leur infligea une sanglante leçon qui mit fin à l'insurrection.

        On en profita pour organiser sur une nouvelle base la milice de Bône. Cette ville était en effet demeurée pendant toute l'expédition dégarnie de troupe, et bien qu'elle n'eût pas à craindre d'attaque, il fallait, le cas échéant, pouvoir protéger d'une descente les plaines avoisinantes.
        Le 13 septembre, un décret créa trois compagnies d'infanterie à l'effectif de 100 hommes, une de pompiers au même effectif et une subdivision d'escadron de cavalerie.

        Les 21 et 22 novembre eut lieu le vote pour le rétablissement de l'empire. Il est curieux d'en reproduire ici le résultat. Population civile : 663 votants ; 623 oui. Armée : 1.952 votants ; 1.866 oui. La proclamation de l'empire eut lieu à Bône le 12 décembre 1852.
        Un an après les hauts fourneaux de l'Allélik allumèrent leur premier feu. Ce fut une cérémonie solennelle à laquelle assistèrent le sous-préfet, le colonel de Tourville, le maire Lacombe, etc.

        Le 8 juillet 1854 vit règlements, la constitution définitive de la municipalité de Bône qui comprit un maire et deux adjoints nommés par l'empereur ; 10 conseillers dont 6 français, 2 étrangers, 1 indigène et 1 israélite, nommés par le gouverneur général. M. Lacombe demeura chargé de l'intérim jusqu'au 16 février 1855, époque à laquelle il fut remplacé par M. Mazauric, ancien officier, qui avait été nommé le 29 décembre 1854.

        Le 18 janvier avait eu lieu à Bône la première séance de cour d'assises, présidée par M. Solvet.
        Pendant ce temps, les créations et les améliorations suivaient leur cours. 75.000 francs étaient accordés pour l'assainissement de la petite plaine. La construction du théâtre de Bône était commencée sous la direction de M. Gonssolin et inaugurée le 26 avril 1856.

        L'empereur approuvait la création d'un port de commerce.
        Une caisse d'épargne était ouverte au public en avril 1855.
        Enfin, Bône prenait part à l'Exposition et plusieurs de ses habitants obtenaient des prix (Il n'est pas inutile de citer les noms de ceux qui, les premiers, obtinrent, au prix de bien des efforts, des récompenses justement méritées. MM. Arnaud pour la fabrication du savon blanc ; Lacombe et Charmarty, pour les tabacs ; Lutzow, culture du safran ; Moreau pour la soie.)

        Depuis longtemps, les habitants de Bône réclamaient l'ouverture d'une porte dans le rempart. La présence du nouveau théâtre rendait ce besoin plus impérieux. L'autorisation fut accordée par le général Chabaud-Latour, et la porte Saint-Augustin fut ouverte à la population le 12 avril 1856.
        M. Calendini quitta Bône en 1857, cédant sa place à M. de Gantés ; à la même époque, M. Mazauric, ayant donné sa démission, fut remplacé par M. Lacombe.

        A partir de cette époque jusqu'en 1870 l'histoire de Bône n'a plus de fait saillant à enregistrer, mais la ville prend son essor, elle se trouve bientôt dans sa ceinture de pierre ; comme nous l'avons dit plus haut, le général Chabaud-Latour, en supprimant les servitudes militaires, lui permit de s'étendre. On édifie la mosquée de la place d'Armes, l'église actuelle ; la mosquée des Romanets est démolie et fait place à l'établissement occupé actuellement par la justice de paix et la bibliothèque communale.

        Dès cette époque fut sérieusement agitée la question du transfert du chef-lieu de la province de Constantine à Bône. Cette idée, abandonnée par la suite, devait être reprise plus tard avec une modification. Je veux parler du projet de création d'un département de la Seybouse.

        Le bruit de nos premiers désastres eut un douloureux retentissement à Bône. On vit alors, dans un commun élan et sans distinction de nationalité, tous les gens valides se faire inscrire sur les rôles de la milice. La création d'un corps spécial de franc-tireurs fut décidée. Les indigènes, eux-mêmes, demandèrent à être incorporés clans la milice, où ils formèrent une compagnie spéciale.

        Le 22 novembre, la compagnie des volontaires de Bône s'embarquait sous le commandement du capitaine Genova et, le 1er décembre, elle faisait le coup de feu avec l'ennemi.
        Quelques mois plus tard, un enfant de Bône, M. Aribaud, était cité à l'ordre du jour pour avoir fait prisonnier, dans des circonstances dramatiques, le propre fils du général Werder.
        Nous arrivons à l'insurrection de 1871.
        Les escadrons de spahis, cantonnés à la smala d'Aïn-Guettar, avaient reçu l'ordre de se tenir prêts à s'embarquer ; il n'en fallut pas davantage pour faire éclater une révolte que des émissaires avaient déjà préparée.

        Le 23 janvier, on apprenait à Souk-Ahras que les spahis de la smala avaient massacré un brigadier français et tenaient bloqués les cadres français et ceux des spahis qui n'avaient pas fait cause commune avec eux.
        Un groupe d'ouvriers européens qui travaillaient à la construction de la route, sous la direction d'un caporal du génie, avaient été brusquement assaillis et ne durent la vie qu'à une fuite précipitée. Ils arrivèrent épouvantés à Souk-Ahras, où ils apportèrent les premiers, la nouvelle de l'insurrection.
        Le soir même, une compagnie de francs-tireurs et un peloton de cavalerie firent une reconnaissance jusque sur le pont de la Medjerda.

        Le 26, vers dix heures du matin, les quelques Arabes qui étaient venus au marché, en général bandits de la pire espèce, commencèrent à se remuer, criant et courant dans l'espérance d'un coup de main prochain dans la ville.
        Vers le soir, on apprit la nouvelle du premier assassinat, celui de M. Choiselot, géomètre, tué à un kilomètre environ de la ville, en revenant du moulin Deyron.
        Vers quatre heures, la ville fut attaquée du côté ouest par les spahis et les Arabes ; la compagnie de francs-tireurs (officiers Testavin et Deyron) défendait ce côté de la ville, soutenue par un des deux petits obusiers que nous possédions. L'affaire dura une heure environ. Pendant ce temps, nos francs-tireurs, armés de carabines Minié, recevaient dignement le baptême du feu en luttant contre les spahis armés de chassepots.
        La nuit fut dure à passer pour tout le monde : les femmes et les enfants réfugiés au bordj, la milice garnissant les deux côtés de la ville et la compagnie des mobiles gardant les deux autres côtés.
        Le vendredi matin, le soleil levant éclairait les scènes de pillage et d'assassinat qui se commettaient tout autour de nous. De tous côtés on voyait les spahis et les Arabes emmenant les bestiaux des fermes, incendiant les meules et les maisons. Nous assistions à ce spectacle du mamelon qui domine la ville au nord, l'arme au pied, recevant les balles que ces messieurs nous envoyaient avec les chassepots du gouvernement, sans pouvoir leur rendre la pareille avec nos fusils de milice.
        Le vendredi et le samedi la ville fut attaquée à coups de fusil, sans cependant que les Arabes fissent une tentative sérieuse.

        A partir du samedi commencèrent à arriver les cadavres des victimes ; il faut les avoir vus brûlés, coupés en morceaux, pour comprendre ce qui se passait en nous dans ce moment-là. Deux reconnaissances faites dans la direction de Bône, avec les quelques spahis ou Arabes de goums qui se trouvaient, à Souk-Ahras et avec une section de la compagnie des mobiles, nous donnèrent la conviction que nous avions en face de nous 5 à 600 Arabes révoltés.

        Le dimanche nous fûmes assez tranquilles, et l'on put ramener en ville les derniers cadavres connus.
        Le lundi soir enfin, après une journée passée dans le calme mais aussi dans l'anxiété, nous vîmes arriver la colonne que nous attendions avec tant d'impatience. Ce fut avec joie que nous démolîmes, pour la faire passer, les barricades que nous avions dressées.
        La nouvelle de la révolte des spahis était parvenue à Bône le 26 janvier ; le même jour, le général Pouget, commandant la subdivision, mettait en marche 200 mobiles du 43° régiment, un escadron du 3e chasseurs et quelques tirailleurs du 3e régiment.

        Le 27, le général quittait Bône avec 400 zouaves, du génie, deux obusiers et un escadron de chasseurs et de spahis et arrivait, le même jour, à Barral, où avait lieu la concentration de la colonne, forte d'environ 1.000 hommes.
        Le lendemain, 28, à travers un pays hérissé de difficultés par un temps affreux, cette colonne, composée d'éléments si divers et de jeunes soldats, exécutait une marche de 45 kilomètres et venait camper en plein pays insurgé, à Aïn-Tahamimime. Le 30, la colonne arrivait à Souk-Ahras.
        L'insurrection, qui avait été brisée dès le début dans la subdivision de Bône, avait eu pour résultat de rejeter en Tunisie un des principaux meneurs, Kablouti. Mais ce dernier n'avait pas cessé d'inquiéter les indigènes restés fidèles et, par plusieurs petits coups de main heureux, avait acquis une influence considérable.

        Le 24 juin, il poussa l'audace jusqu'à franchir la frontière, suivi de 500 fantassins et 300 cavaliers, à quelques kilomètres de Bou-Hadjar. On envoya à sa rencontre le 6° escadron du 3e spahis. La rencontre eut lieu à Fedj-el-Acria. Vigoureusement chargés, les contingents d'El-Kahlouti s'enfuirent, laissant de nombreux morts. De notre côté nous n'eûmes à déplorer que la mort du docteur Beaugrand.

        Le 30 août, Kablouti faisait une nouvelle tentative à la tête des Oulad-Ali-Hachicha et de tribus tunisiennes ; il est atteint à Fedj-Kanouba et complètement défait. Ce fut le dernier tressaillement de l'insurrection à l'agonie.
        Le 21 mars, la compagnie des volontaires était rentrée à Bône au milieu de l'émotion générale ; car plusieurs manquaient à l'appel et dormaient là-bas du sommeil éternel.
        Bône est aujourd'hui, après Alger, sinon la plus grande, du moins la plus coquette cité de l'Algérie. Elle était appelée à un grand développement, et l'espoir tant caressé des Bônois de voir leur ville devenir le chef-lieu d'un nouveau département serait peut-être devenu une réalité sans l'entrée de nos troupes en
        Tunisie. Bône marchait à l'avenir à pas de géant et serait devenue en quelques années la rivale d'Oran, si une partie du courant commercial ne s'était dirigé vers la Tunisie.
        Néanmoins, malgré cette sensible déperdition de force, la cité bônoise n'en a pas moins conservé la plus grande partie de sa vitalité ; elle s'agrandit plus lentement, il est vrai, mais à coup sûr ; d'immenses travaux y sont en cours d'exécution ; les riches vignobles ont envahi ses plaines et les marchandises s'amoncèlent encore sur ses quais. Bône sera toujours la coquette cité aux édifices somptueux, aux avenues larges et ombragées. Sa ceinture de feuillage que troue ça et là la blancheur des élégantes villas, laisseront au voyageur même d'un jour un ineffaçable souvenir.
Noms des Généraux et Colonels qui ont commandé
la subdivision de Bône depuis 1830.

        Monk d'Uzer, 1832-1836. Retiré à Bône où il mourut en 1849. A donné son nom à un village des environs de Bône et à une rue de cette ville.
        Trézel, 1836-1838. A donné son nom à une rue.
        De Castellane, 1838. Maréchal de France.
        Guingret, 1838-1841.
        Lafontaine, 1841.
        Randon, 1341-1847. Ministre de la guerre et maréchal de France. A donné son nom à un village et à des allées de Bône.
        De Senhilles, colonel, 1847.
        Drolenvaux, 1848.
        Le Flo, 1848.
        Eynard, colonel, 1848-1851.
        De Tourville, colonel, 1851-1855.
        Périgot, 1855-1860.
        Mézange de Saint-André, 1860-1864.
        D'Exea, 1864-1865.
        Le Poittevin de Lacroix, 1865-1867.
        Faidherbe, 1867-1870.
        Pouget, 1870-1871.
        Rebillard,1871-1877.
        Ritter, 1877-1884.
        Munier, 1884.
        Swiney, 1885-1887.
        Fix, colonel, 1887-1888.
        Noëllat, 1889-18...
Noms des Sous-Préfets qui
se sont succédé à Bône
depuis 1849.

        MM. Desvernay, 1849-1850.
        Zoepfel, 1850-1851.
        Temblaire, 1851-1852.
        Calendini, 1852-1857.
        De Gantés, 1857-1870.
        Defmarès, administrateur provisoire, 1870-1871.
        Seguy-Villevalaix, 1871.
        De Champrobert, non installé, 1871.
        Hallot, intérimaire, 1872.
        Bernelle, 1872-1878.
        Dunaigre, 1878-1883.
        De Chancel, 1883-1886.
        Béchet, 1886-1887.
        G. Gélinet, 1887-18. ..
Noms des Maires
Qui se sont succédés à Bône
depuis 1838.
Avant la création de la commune

        MM. Dussert, 1838.
        Fenech, 1838-1840.
        Pépin, 1840-1843.
        Fisson, 1843-1844.
        Fenech, 1844-1848.
Création de la commune
(31 janvier 1848)

        MM. Lacombe, 1848-1854.
        Mazauric, 1854-1857.
        Lacombe, 1857-1870.
        Bourgoin, 1870.
        Dubourg, 1870-1888.
        Bertagna, 1888-1903...
FIN
        


La naissance de Vaccin
Par M. Marc Donato


          - Dis, maman, c'est papa qui a mis la petite graine dans ton ventre ?
          - Eh oui, Mamour, et neuf mois, après tu étais là…
          Eternelle et universelle histoire empreinte d'émotion. Seulement cette fois-ci, c'est un virus affamé sexuellement, fils de Priape, qui a glissé subrepticement sa petite graine empoisonnée dans la matrice de toute une Humanité violentée.
          C'était il y a neuf mois, ou presque, et le premier confinement a commencé en mars. La grossesse inattendue afficha un ventre qui n'a cessé de prendre de l'ampleur, tant l'appétit de ce fœtus était grand : en France, 5 000 morts, 10 000, 13 000, 20 000, 50 000 et, en fin d'année, 2020, plus de 62 000. Neuf mois d'une gestation qui a inquiété tous les obstétriciens des micro-organismes, affolé tous les accoucheurs de remèdes, angoissé tous les spécialistes des bacilles, terrorisé les virologues de tout poil, infecté les méninges des sages-femmes bactériologues. La gravidité posait problème. Rien ne pouvait faire que la situation se passe correctement. Pas de solution en vue. Virus-Priape allait avoir un descendant.

          Et puis, au terme des neuf mois, un espoir est apparu. C'était en décembre. Hanouka et Noël, fêtes juive et chrétienne, s'étaient donné rendez-vous le 18 et le 25 du dernier mois de l'année ; le 25 du mois de kislev, pour l'une, le 25 du mois de décembre, pour l'autre. Hanouka, ses beignets et ses galettes de pommes de terre, Noël et sa bûche, prosaïquement pour les gourmands et les mécréants. Mais surtout, pour les croyants, Hanouka, fête de l'optimisme, avec ses neuf petites flammes sur les neuf branches de la hanoukia et Noël, fête de l'espérance, avec un sauveur de l'Humanité. Et voilà que ce Messie était annoncé, sa venue était imminente et notre Humanité prête à accoucher, le 25 décembre.
          - Il arrive, on l'aperçoit… Il est là.
          - C'est une fille ou un garçon ? S'enquiert Covid, le père putatif.
          - C'est un garçon, annonce l'accoucheur… On l'appellera Vaccin.

          Aie, la tête de Covid ! Cocufié par Pfizer et Pasteur, il ne s'attendait pas à voir ce rejeton qui ne lui ressemblait pas, prompt un jour à lui planter une lame dans le cœur. "Tu quoque, fili", aurait-il dit, comme César à Brutus, son beau-fils assassin.
          Toi aussi, mon fils…
          Le bébé ? Un petit flacon au bouchon de plastique, disposé à le tuer, lui, Covid 19, l'auteur de ses jours !
          "Il vous est né aujourd'hui un Sauveur".
          Et voilà que par-delà les nuages, un chœur céleste entonne ce chant à la gloire du nouveau-né : Il est né ce fameux vaccin
          Sonnez, hautbois, résonnez, musettes.
          Il est né ce fameux vaccin,
          Chantons tous son avènement.

          Hosanna ! Le monde entier chante ses louanges. Alléluia ! Chez nous, la Castafiore matinale de RTL célèbre sa venue, le ténor de BFM nous assène la nouvelle à coups de gourdin directs, le simulateur d'Europe 1 crie victoire d'une voix macronienne, la grande prêtresse de C News hurle dans des tons de contre-ténor à la magie incantatoire ; tous célèbrent la naissance de Vaccin. Un beau cadeau de Noël glissé dans le cuir des babouches et dans le feutre des charentaises, au grand dam de sainte Chloroquine, de la réglisse, de l'urine ou de l'huile à frein, mises au rancart !
          L'optimisme de Hanouka se vérifie ; l'espoir de Noël se concrétise.

          Tout de suite après l'enfantement - bien sûr, on ne serait plus en France, que diable ! - la polémique apparaît, opposant les pour et les contre. Casaque verte, toque blanche, juchés sur leur cheval de bataille, les pour éperonnent en faveur de Vaccin ; casaque rouge, toque noire, montés sur leurs grands chevaux, les contre aiguillonnent pour démontrer les risques apportés par ce même Vaccin.
          Covid, lui, fait de la résistance. Il tempête, il rue, il s'enfle, refusant farouchement de reconnaître la paternité de ce fils ingrat dont il connaît l'ultime et inéluctable dessein.
          Alors, pour ou contre ? Avec cette obtention, il en va du vaccin comme de la naissance du Petit Jésus, comme des lumières de Hanouka. On croit ou on ne croit pas dans les vertus de ce Messie ou dans la force de ces flammes vacillantes. Si on y croit, pas de problème, le Paradis dans quelques mois, dans quelques années.

          Si on ne croit ni en Dieu ni en diable, c'est également un choix respectable. Mais on sait qu'un jour, si besoin était, sait-on jamais ? Dieu, Allah, ou Yahvé tendraient sans faiblir leur main toujours secourable.
          Il en va du vaccin comme de l'intervention divine, on change d'avis, et Vaccin sera toujours là, à portée de main. Il suffira de faire signe et d'offrir courageusement au soignant son deltoïde dénudé.

Marc Donato - décembre 2020


CONAN
Par M. Régis Guillem

Le Lieutenant-Colonel Pierre Château-Jobert perd son dernier combat pour rejoindre ses pairs le 29 Décembre 2005.

(doc. Régis Guillem)

Carrière prestigieuse dès 1940. Engagé dans les Forces Françaises Libres, blessé durant la campagne de France, il se singularisa tout au long de sa carrière sous le nom de CONAN.

         Pierre, Yvon, Alexandre, Jean Château-Jobert est né à Morlaix le 3 février 1912.
         Lieutenant à la 13ème Demi-Brigade de Légion Etrangère (DBLE), il se bat en Erythrée, en Syrie et en Libye où il est blessé en février 1942.

         Le 7 novembre 1942, capitaine, il prend le commandement du 3ème Bataillon d'Infanterie de l'Air (SAS) qui devient, en juillet 1944, le 3ème Régiment de Chasseurs Parachutistes (RCP).
         Le 3ème RCP opère sur les arrières de l'ennemi, par petites unités, dans des régions non encore libérées du territoire métropolitain, du Poitou à la Bourgogne.

         Chef de bataillon en décembre 1944, il transmet le commandement du régiment au lieutenant-colonel de Bollardière.

         il est engagé à la fin de 1947 et en 1948, au Cambodge, en Cochinchine et en Annam. Après un séjour à Vannes-Meucon où il commande en second la 1ère DBCCP auprès du colonel Gilles, il retourne en Indochine en 1950, comme lieutenant-colonel, à la tête de la 2ème DBCCP, pour se battre au Tonkin et en Cochinchine jusqu'en avril 1952, puis, en novembre 1955, au commandement du 2ème Régiment de Parachutistes Coloniaux (RPC), devenu peu après le 2ème RPIMa, à Constantine. Colonel, lors de l'affaire de Suez, le 5 novembre 1956, il est parachuté au sud de Port-Saïd à la tête d'une partie de son régiment renforcée de commandos du 11ème Choc et y atteint tous ses objectifs jusqu'à l'ordre du cessez-le-feu.
         Affecté au Niger en février 1961, il se solidarise avec les officiers qui, le 22 avril 1961, autour du général Challe, ont saisi le commandement à Alger, ce qui lui vaut plusieurs mois d'arrêts de forteresse.

         Le 13 janvier 1962, alors qu'il est affecté à l'état-major de l'amiral préfet maritime de Cherbourg, il rejoint clandestinement l'Algérie et se met aux ordres du général Salan, chef de l'OAS.
         A la fin de janvier 1962, à son arrivée à Alger, Pierre Château-Jobert est reçu par le général Salan qui lui confie le commandement de l'OAS du Constantinois qui manque chroniquement de cadres supérieurs. Cette nomination est officialisée par une note de service du général Salan diffusée largement en Algérie.
         En charge du Constantinois, il y retrouve le lieutenant Michel Alibert et y noue, en vue de leur ralliement, de nombreux contacts avec des officiers supérieurs et subalternes des régiments qui y sont stationnés, 13ème Dragons, 6ème Cuirassiers et 2ème REC (Le général Multrier, commandant de la zone Est Constantinois dira: "l'OAS progresse vite dans le Constantinois quand Château-Jobert en prend la tête").

         En 1965, il est condamné à mort par contumace. Il réapparaît à Morlaix le 3 novembre 1968, après la première amnistie de juin 1968.
         Commandeur de la Légion d'Honneur et Compagnon de la Libération, titulaire de la croix de guerre 1939-45 avec 11 citations et de la croix du Distinguished Service Order (D.S.O.), Pierre Château-Jobert décède le jeudi 29 décembre 2005.



PETROLE
Par M. Bernard Donville
   
            Bonjour à tous

            Fini les Ephémérides, nous passons donc à la découverte du Sud et à l'apport de la France aux sables tourbillonnants.

            Pour le 1er épisode, un petit rappel de ce qui nous y a amené et c'est la découverte d'Hassi Messaoud.

            Pour le 2ème épisode, c'est Charles Brouty qui vous transporte en 1956 et 1957 chez les pétroliers sur forages et campagnes géophysiques (accrochez vous!).

            Pour le 3ème épisode, on va constater qu'il ne suffit pas de trouver du pétrole, il faut aussi tout faire pour l'amener à la côte avant de l'embarquer vers l'Europe. Mais voilà la voie ferrée est à modifier, un pipe line est à créer et les sables locaux ça ne leur fait pas plaisir !

            Pour le 4ème épisode, empruntons la voie ferrée avec les premiers wagons citernes amenant le pétrole à la côte ; "La bataille du rail". Et découvrons les nouveaux seigneurs des sables : les routiers !

            Pour le 5ème épisode, c'est encore Brouty qui nous servira de guide . D'abord pour assister à la frontière libyenne à l'arrivée de pétrole dans un puits d'exploration. Ensuite pour participer à la vie des pétroliers, à leurs conditions de travail mais aussi de loisirs.

            Pour le 6ème épisode, vous suivrez l'implantation de l'oléoduc amenant définitivement le pétrole à Bougie !

            Pour le 7ème épisode, et, au diable l'avarice, pour finir, ce qu'il est advenu du gaz d'Hassi r'mel. Nous en aurons fini avec le pétrole.
            Pour agrémenter mes propos je vais vous faire part d'un envoi d'un de mes bons amis, comparse à la Fac d'Alger et simultanément ancien de l'agro de Maison Carrée, réagissant aux descriptions de Brouty sur Hassi Messaoud:
            " J'ai fait 2 missions à Hassi Messaoud, Maison verte, pour la CFP(Algérie), été 1959 (étude des couches géologiques sur un forage) et automne 1960 (étude pédologique d'un périmêtre pour l'installation de cultures vivrières).
            "Maison verte, la bien nommée" : la verdure était très entretenue et si un arbuste devenait sec, il était repeint en vert . Il faut le faire !!!!
            "Piscine des sables" : pour le bien-être des employés et ingénieurs, le barman jetait régulièrement des sceaux de glace dans la piscine, pour apporter un peu de fraîcheur.
            Reflexion faite, 3ème anecdote qui a certainement échappé à Brouty : Il n'y a pas que les hommes qui travaillaient à Maison Verte. Il y avait 7 prostituées pour quelques milliers d'hommes, travail certainement intense, pour les bienfaits de la production pétrolière !!!"


            Bonnes lectures à tous
            Amitiés, Bernard
            PS Merci à tous ceux qui m'ont manifesté leur contentement de mes envois ; j'espère que ça continuera.

Cliquer CI-DESSOUS pour voir les fichiers


Pétrole N°1

Pétrole N°2

Pétrole N°3

Pétrole N°4

Pétrole N°5

Pétrole N°6

Pétrole N°7

A SUIVRE



PERSIENNES
De Jacques Grieu

FENETRE SUR COUR
      
       Il ne s'agit plus là d'une œuvre d'Aragon !
       Ni de publicité pour volet sur ses gonds,
       Mais plutôt d'un constat, d'une réalité,
       Qui insidieusement brime nos libertés.

       Fenêtres ou croisées, c'est bien à travers elles
       Que depuis quelque temps, le monde se révèle.
       De nos confinements, elles sont le symbole
       Et le triste ressort qui nous sert de boussole.

       La fenêtre devient la terrasse du monde,
       Elle est le restaurant, le bar et la rotonde.
       Elle est notre théâtre et notre cinéma
       Et par elle on s'évade en marchant à grands pas.

       Elle est notre vaccin en attendant le vrai.
       Elle est notre bol d'air, le vert des palmeraies.
       Eclairant nos idées aux rideaux bien trop sombres
       Elle fait réfléchir au lieu de nous morfondre.

       La fenêtre, autrefois, secouait les tapis.
       Maintenant, à l'inverse, elle nous purifie.
       De fenêtre à fenêtre il faudrait des guirlandes,
       Pour que sans masque enfin, les bras, les mains, se tendent.

       Compagne de nos vies, la fenêtre est partout.
       Et le confinement en a fait un atout :
       Heureux sont ceux qui ont de grandes baies vitrées,
       Et s'ils ont des balcons, ils sont privilégiés.

       Ceux là résistent mieux à nos enfermements
       Se donnant l'illusion de périples grisants.
       Tout en restant assis avec ou sans le masque.
       Ils comptent les journées pour reprendre leurs frasques…

       Derrière nos persiennes on se prend à penser
       A tous les prisonniers, enfermés, exilés…
       La fenêtre pour eux, était mieux que des yeux
       Par où s'envolait l'âme, avec rêves et vœux.

       Qu'ils soient simple hublot, soupirail ou judas,
       Croisée ou oculus, ce sont nos thermostats.
       Régulant nos humeurs et nos respirations,
       Leur lumière est l'espoir consolant nos passions.

       Noël est en suspend : trêve des confineurs ?
       Ou faudra-t-il attendre, encor, dans la douleur ?
       Sauter par la fenêtre est option trop facile ;
       Mais la garder ouverte est un devoir civil…

Jacques Grieu                  

L’insolite silence de l’Elysée face aux inacceptables « exigences » algériennes
Envoi de M. Eric-Hubert WAGNER

En parlant de la colonisation comme d’un « crime contre l’humanité », Emmanuel Macron a ouvert une boite de Pandore qu’il ne pourra plus refermer. Déjà, le 15 juillet 2019, Mohand Ouamar Bennelhadj, secrétaire général par intérim de l’ONM (Organisation nationale des moudjahidines, les anciens combattants), avait appelé les députés algériens à voter une loi criminalisant la colonisation française. Maintenant qu’il y a tout à craindre du rapport de la « commission Stora » sur la « mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie » qui devrait remis au début de l’année 2021, voilà déjà les demandes de « réparations » qui s’accumulent. Certaines exigent la remise des archives de l’Algérie française, d’autres formulent des demandes de « dédommagement » s’élevant à 100 milliards de dollars !!!

              L’Etat semblant avoir renoncé à défendre l’image de la France et ses intérêts face à ces exigences à la fois surréalistes et insupportables, il ne reste donc que la réaction citoyenne et la mobilisation du « pays réel » à travers les réseaux sociaux. Tel est le but de cette analyse.

              Puisque le « Système » algérien veut faire les comptes, nous allons donc lui présenter l’addition de ce que l’Algérie a coûté à la France entre 1830 et 1962…sans parler du coût colossal de l’immigration depuis cette dernière date…

              Au mois de juillet 1962, au terme de 132 années de présence, la France avait créé l’Algérie, lui avait donné son nom, l’avait unifiée et lui avait offert un Sahara qu’elle n’avait, et par définition, jamais possédé puisqu’elle n’avait jamais existé auparavant. La France avait drainé ses marécages, avait bonifié ses terres, avait équipé le pays, avait soigné et multiplié par dix ses populations. Elle avait également fait entrer dans la modernité des tribus jusque-là dissociées qui n’avaient jamais eu conscience d’appartenir à un tout commun supérieur.

              La France laissait en héritage à l’Algérie indépendante :
              - 70.000 km de routes,
              - 4300 km de voies ferrées,
              - 4 ports équipés aux normes internationales,
              - une douzaine d’aérodromes principaux,
              - des centaines d’ouvrages d’art (ponts, tunnels, viaducs, barrages etc.),
              - des milliers de bâtiments administratifs, de mairies, de casernes, de gendarmeries,
              - 31 centrales hydroélectriques ou thermiques,
              - une centaine d’industries importantes dans les secteurs de la construction, de la métallurgie, de la cimenterie,
              - des milliers d’écoles, d’instituts de formation, de lycées, d’universités, d’hôpitaux, de maternités, de dispensaires, de centres de santé, etc.

              Tout cela avait été créé par la France, pensé et réalisé par des ingénieurs et des architectes français, et payé par les impôts des contribuables français.

              En 1959, toutes dépenses confondues, l’Algérie engloutissait à elle seule 20% du budget de l’Etat français, soit davantage que le budget de l’Education nationale ou ceux, additionnés des Travaux publics, des Transports, de la Reconstruction et du Logement, de l’Industrie et du Commerce.

              Et cela, en pure perte car, économiquement, l’Algérie n’avait pas d’intérêt pour la France. Qu’il s’agisse des minerais, du liège, de l’alpha, des vins, des agrumes etc., toutes les productions algériennes avaient en effet des coûts supérieurs à ceux du marché. Ainsi, alors que le vin comptait pour près de 54% de toutes ses exportations agricoles vers la métropole, le prix de l’hectolitre qu’elle vendait à la France était largement supérieur à celui produit en Espagne, ce qui n’empêcha pas la métropole de se fermer au vin espagnol pour s’ouvrir encore davantage au sien…
              En 1930, le prix du quintal de blé était de 93 francs alors que celui proposé par l’Algérie variait entre 120 et 140 f, soit 30 à 50% de plus.

              Quant au pétrole, il avait lui aussi été subventionné par la France. Découverts en 1956, les hydrocarbures du Sahara furent mis en production entre 1957 et 1959, avec une exploitation qui débuta véritablement en 1961, quelques mois donc avant l’indépendance. Or, comme Daniel Lefeuvre l’a clairement montré, l’Etat français fut quasiment contraint d’imposer à des compagnies réticentes de s’investir dans cette production. En effet :
              - Le pétrole algérien devait obligatoirement être vendu sur le marché mondial car il était trop léger pour la transformation en fuel dont avait alors besoin l’industrie française.
              - A cette époque le marché mondial était saturé. L’URSS bradait ses huiles à bas prix et les gros producteurs du Moyen-Orient limitaient leur production.
              - L’Algérie et la Libye arrivant en même temps sur le marché la chute des cours allait être accélérée, d’autant plus que le pétrole libyen était plus facile à exploiter et à écouler que celui d’Algérie.
              - Le brut algérien était cher : 2,08 $ le baril contre 1,80 $ au cours mondial.

              Résultat : là encore, la France a surpayé un pétrole dont elle avait pourtant financé les recherches et la mise en exploitation, phénomène qui se poursuivra d’ailleurs après l’indépendance.

              Quant à l’immigration algérienne en France, et là encore, contrairement à tous les poncifs, elle n’a correspondu à aucune nécessité économique, l’absence de qualification et de stabilité de cette main-d’œuvre nécessitant la mise en place de mesures d’adaptation inutilement coûteuses. De plus, contrairement à la vulgate, l’afflux d’Algériens en métropole, dans les années 1950, n’a pas répondu aux besoins en main d’œuvre de l’économie française au cours des années de reconstruction ou des « Trente Glorieuses » puisque, sur 110 000 Algériens recensés en 1950 dans la région parisienne, Daniel Lefeuvre a montré que 50 000 n’avaient pas de moyens d’existence réguliers. De même, en 1957, sur 300 000 Algériens vivant en France le nombre de sans-emploi était de 100 000…

              En Algérie où tout était plus cher qu’en métropole, année après année, la France a comblé la différence. Par comparaison avec une usine métropolitaine, l’ensemble des dépenses, salaires et accessoires était ainsi de 37% plus élevé en Algérie, ce qui faisait qu’une usine qui y était construite n’étant pas rentable, il lui fallait donc, non seulement un marché subventionné par la France, mais en plus un marché protégé… *
              Au lieu d’avoir pillé l’Algérie comme l’affirment contre la vérité historique et économique les dirigeants algériens, les culpabilisateurs et les « décoloniaux », la France s’y est au contraire ruinée.

              Par le labeur de ses colons la France avait également permis à l’Algérie d’être alimentairement auto-suffisante. Aujourd’hui elle est le premier importateur africain de biens alimentaires pour un total annuel moyen de 12 à 14 milliards de dollars (Centre national algérien de l'informatique et des statistiques-douanes-CNIS).

              Pour mémoire, en 1961, l’Algérie exporta 600.000 quintaux de grain et 700.000 quintaux de semoule. Aujourd’hui, la moyenne annuelle des importations de ces produits se situe entre 5 et 30 millions de quintaux par an.
              L’Algérie n’exporte plus d’oranges alors qu’avant 1962, les exportations étaient de 200.000 tonnes. Elle n’exporte plus de tomates (elle en exportait 300 000 quintaux avant 1962), de carottes, d’oignons, de petits pois, de haricots verts, de melons, de courgettes etc., toutes productions qui faisaient la richesse de ses maraîchers avant 1962. Avant cette date, les primeurs algériens débarquaient à Marseille par bateaux entiers. Notamment les pommes de terre nouvelles dont les exportations annuelles oscillaient entre 500.000 et un million de quintaux alors qu’au 4e trimestre 2020, rien qu’en semences, et pour la seule France, l’Algérie en a importé 4300 tonnes (Ouest-France 14 décembre 2020). Toujours avant 1962, l’Algérie exportait 100.000 hectolitres d’huile d’olive et 50.000 quintaux d’olives tandis qu’aujourd’hui, la production nationale ne permet même pas de satisfaire la demande locale. La seule facture de lait en poudre et de laitages atteint en moyenne annuelle quasiment 2 milliards de dollars.

              Alors que la moitié de la population a moins de 20 ans, le pays est dirigé par des vieillards dont la seule « légitimité » repose sur le mythe de la résistance à la colonisation et sur d’auto-affirmations « résistancialistes » le plus souvent imaginaires. Quant aux nombreuses associations d’ « ayants-droit » auto proclamés acteurs ou héritiers de la « guerre de libération », dont les Moudjahidines ou Les enfants de martyrs, elles bloquent la jeunesse sur des schémas obsolètes qui tournent le dos à la modernité. Avec 6% de toutes les dotations ministérielles, le budget du ministère des Anciens combattants est ainsi supérieur à ceux de l'Agriculture (5%) et de la Justice (2%)…
              La cleptocratie d’Etat qui, depuis 1962 a fait main-basse sur l’Algérie indépendante a dilapidé l’héritage laissé par la France avant de détourner des dizaines de milliards de dollars de recettes gazières et pétrolières sans songer à préparer l’avenir. Après avoir ruiné le pays, il ne lui reste donc plus que son habituelle recette : accuser la « France coloniale ».
              Et pourquoi cesserait-elle d’ailleurs de le faire puisque, à Paris, les héritiers des « porteurs de valises » boivent avec tant volupté au calice de la repentance…encouragés en cela par le président de la République lui-même…

              Pour en savoir plus, on se reportera à mon livre Algérie l’histoire à l’endroit.
Bernard Lugan.     
mardi 22 décembre 2020          



PHOTOS DE BÔNE
Envois par divers lecteurs

CAP DE GARDE



PLAGE FABRE




ENTRÉEE PLAGE CHAPUIS




LA GRENOUILLÈRE




MISE A JOUR
Par M. J.C. Rosso.

         Chers confrères et amis,

        La liste des disparus d'Algérie vient d'être mise à jour et vous pouvez-la consulter et l'enregistrer :




Algériens, vous avez volé l'Algérie aux Berbères, et la France vous l'a offerte
De M. Gomez, décembre 2020
Envoi de Mme Leonelli.
Article paru dans DREUZ info. de M.GOMEZ            

               Il est fort regrettable qu'en 132 années de colonisation, la France n'ait pas suffisamment enseigné la langue française aux Arabes algériens car, apparemment, ils ne la comprennent pas très bien.
               Pourtant cela paraît très clair : la législation française, n'en déplaise à l'Algérie et à son représentant, l'historien Abdelmadjid Chikhi, stipule que les Archives publiques " sont inaliénables et imprescriptibles ", même si ce dossier, objet des négociations, " n'est pas encore clos ".

                L'historien algérien va plus loin, il dénonce des " entraves " dans son travail et cela l'empêche de commencer sa collaboration avec Benjamin Stora (Macron le lui a offert le Stora, pour représenter la France, il devrait se réjouir car, comme cadeau, il ne pouvait pas espérer mieux !)
               Toujours selon lui, il existerait, dans la société française, des associations actives qui clament " que nous avons volé l'Algérie à la France, et cela c'est inconcevable ! "
               J'ignore quelles sont ces associations actives mais, si c'est le cas, elles se trompent totalement car " vous n'avez pas volé l'Algérie à la France, ce territoire, qui ne s'appelait pas encore l'Algérie, vous l'avez volé aux Berbères, il y a de cela plusieurs siècles, et vous ne l'avez pas volé à la France car c'est la France, et De Gaulle, qui vous ont offert l'Algérie sur un plateau, à Evian ".
               Pour Abdelmadjid Chikhi et " son " Algérie, en ce qui concerne ces archives : " la question est immuable et le passé ne saurait être effacé ou oublié ". Apparemment, ce passé est effacé et oublié depuis bien longtemps par ces millions de jeunes Algériens qui s'installent en France, le pays colonisateur et criminel, et se moquent totalement des archives et de savoir " par qui a été volée l'Algérie ".
               L'un de vos compatriotes, " l'universitaire " Seddik Larkeche, ne réclame pas des archives, mais 100 milliards, que la France devrait à l'Algérie, " pour les crimes commis au cours des 132 années de colonisation barbare ".
               e lui ai répondu par une simple soustraction : 100 milliards ôtés des 500 milliards que vous nous devez, pour l'Algérie, que nous avons fondé et construite tout au long de ces 132 années, reste 400 milliards en notre faveur.
               Je suis persuadé que ni vous, ni Benjamin Stora, ne saurez être d'accord, n'est-ce pas ?

                En revanche, si à la place des archives vous nous réclamiez le retour des centaines de milliers d'Algériens clandestins qui, actuellement, circulent librement en France, nous n'hésiterions pas à vous les expédier, même contre leur gré car, et cela, semble-t-il, est le cas : personne n'en veut de " votre " Algérie, à part, peut-être, les Chinois et les Russes, pour vous exploiter en toute sérénité " et sans crimes contre l'humanité ".
               Souvenez-vous des paroles de quelques Algériens aujourd'hui disparus :

                Ferhat Abbas : " L'héritage de la France était magnifique. Je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce que cette patrie n'existe pas. L'œuvre de la France ici est admirable ".
               Mouloud Feraoun : " Quand l'Algérie vivra, je souhaite qu'elle se souvienne de la France et de tout ce qu'elle lui doit ! "
               Hocine Aït Ahmed : " Je reconnais que nous avons commis des erreurs politiques et stratégiques, des crimes de guerre envers des civils innocents, dont l'Algérie devra répondre au même titre que la Turquie envers les Arméniens ".
               A l'occasion, parlez-en avec Stora, Abdelmadjid Chikhri !

TÉMOIN À CHARGE !
Par M. Robert Charles PUIG
.


       C'est ce que devient le président lorsqu'il décide, pour se faire valoir, de rencontrer une certaine jeunesse sur un média en ligne " Brut ", affilié aux réseaux sociaux à l'épiderme à vive ne représentant qu'eux-mêmes, en dehors des Institutions légales. Ils sont de gauche ou de l'extrême gauche. Ils font la loi, leur loi, veulent détruire la République pour le néant et ne défendent que leur point de vue, hors les valeurs républicaines, avec des envies du multiculturalisme, de la mixité et d'une police soumise à leurs desiderata. Grâce au locataire de l'Élysée, ils croient paraître plus importants et ils le deviennent lorsque Macron abonde dans le sens de leurs critiques principalement contre l'ordre et notre police... Ils se plaignent et veulent que nos forces policières ne défendent plus les lois contre le désordre, et l'élyséen acquiesce !

       Ses remarques sur les " bavures " policières, ses doutes sur l'intégrité de ces hommes défenseurs de l'innocent lui paraissent admissibles. Il les voudrait simples citoyens, désarmés et soumis aux exigences des barbares. Ah ! Ce contrôle au " faciès ! " Il ne faut plus contrôler ceux qui se pavanent devant les policiers, jouent les affranchis ou narguent dans leurs rodéos les défenseurs de l'ordre... Il y a un plus dans le message du président lorsqu'il défend un individu, noir précise-t-il, comme pour enflammer ses auditeurs, les " anti racistes blancs ", sans rien savoir de la véritable histoire de ce pugilat avec la police. Ont-ils eu tort de se battre ces policiers ? Certainement, mais connaît-on la raison de cette lutte ? Rien n'est encore apparu de l'enquête, rien qui indique une culpabilité affirmée...

       Alors que peut-on dire aujourd'hui d'Emmanuel Macron ? Qu'il a changé son costume de " président " pour la défroque du progressiste qu'il est au plus profond de son être. Il ne peut pas résister à paraître tel qu'il est, libéral et mondialiste, super-européen et multiculturel en prêtant l'oreille aux mensonges, aux fake news politiciennes pour en faire des axiomes et critiquer l'Histoire française, ses colonies, ses œuvres dans une République qui s'étiole et se vend ; une terre qui a perdu son honneur de Nation en laissant faire l'étranger dans les banlieues, dans des quartiers interdits aux lois de la Constitution...

       Où va-t-il ? Son " ni-ni " nous perdra si demain ne se présente pas un nouveau " Champion " qui redonnera à la France sa grandeur que le locataire de l'Élysée lui fait perdre.
       Est-ce tout de ces bananes sous les pieds présidentiels ? Il a étouffé la loi contre le séparatisme pour ne pas vexer les islamistes et le radicalisme des banlieues. Il nous montre ses limites de gestionnaire en ne désignant pas l'islam radical coupable...

       Il cherche des voix pour 2022 mais il a un vrai problème avec la Convention " citoyenne " qui trouve que Macron ne va pas au bout de ses affirmations en ne suivant pas leurs directives. En vérité, il semble oublier que c'est lui qui a mis en place cette " assemblée " constituée d'ultras de l'écologie. C'est simplement un retour de manivelle de plus. Après avoir accuser la police, c'est les écologistes qui le morigènent !

       Il subit une suite de dérapages incontrôlés... jusqu'à quand ? Le Président perd pied, d'autant plus vite que pays est dans la peine avec la Covid-19. Depuis le début de l'année les vraies mesures de son éradication n'ont pas été prises. Nous subissons depuis des mois des mesures et des contre-mesures manifestement mal gérées. Nous devons cette incohérence, ce tohu-bohu à un parlement et un exécutif qui naviguent à vue, sans boussole... et c'est dommage, mais ce qui compte pour Macron, c'est un prochain mandat présidentiel. Pour cela il ira vers les pires des contestataires de la République pour trouver les voix qui le rééliront contre le peuple. Est-ce la raison qui lui fait décider un Noël en famille, même avec des restrictions ? Après les islamistes, il veut rallier une certaine jeunesse et les chrétiens. Il oppose donc le fait religieux du 25 à la fête païenne du Jour de l'An et ne se rend pas compte qu'une veille de 1er janvier sous le couvre-feu risque de mettre le feu aux banlieues...

       Affaire à suivre. En attendant, que le sport est triste ! Ces images de la première équipe du championnat se prêtant sans réflexion à une mascarade orchestrée par un radicalisme racial non justifié et une fausse interprétation des propos entendus sont tristes. Même la Ministre des sports met son grain de sel en approuvant la mascarade. Oui, il y a du racisme dans le football et de la mauvaise foi mais avec une seule cible, ceux qui sont blancs, avec le soutien non réfléchi du gouvernement.

Robert Charles PUIG / décembre 2020       
      


Lettre ouverte à Madame le maire de Saint-Seurin-sur- l’Isle
Par M. Éric de Verdelhan
Envoi de plusieurs lecteurs
À peine élue maire,
elle fait détruire deux stèles du général Salan

« Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît » (Michel Audiard)


         Madame le maire, Madame l’amère

         Dans nos coutumes judéo-chrétiennes, on a toujours respecté les morts. On les respecte, d’ailleurs dans presque tous les pays, dans toutes les civilisations, aussi primitives soient-elles.
         Et chez les gens civilisés, même chez ceux ayant peu d’éducation, on ne tirerait pour rien au monde sur une ambulance, et encore moins sur un corbillard.

         Il faut remonter bien loin, durant l’une des périodes les plus sordides de notre histoire, pour voir des élus du peuple profaner des sépultures ou des monuments aux morts. Précisément, au 6 août 1793 : ce jour-là commença la profanation des tombes de nos rois de France par les suppôts de la furie révolutionnaire. Cet épisode peu connu (et peu glorieux !) de notre histoire a duré presque trois mois. Les profanations de sépultures royales ont cessé le 25 octobre 1793.

         Après la seconde mort de nos rois, il ne restait plus aux valeureux fils du peuple qu’à rendre compte à la Convention de l’accomplissement de leur mission. Ils y allèrent en délégation. En tête marchait, titubant, Pollart, maire de Franciade (nouveau nom de Saint-Denis), curé défroqué. Le suivaient, assis sur des ânes auxquels on avait enfilé, sous les rires, des chasubles et des étoles, des employés municipaux aussi éméchés que leur maire. Parvenu à la Convention, le maire Pollart hoqueta un discours d’ivrogne : « Citoyens… nous vous apportons toutes les reliques puantes et les pourritures dorées qui existaient à Franciade. Nous vous prions de nous en débarrasser sans délai, pour que le faste catholique n’offense plus nos yeux républicains… ».

         Je croyais que ces mœurs honteuses et barbares n’existaient plus chez nous ; que la haine revancharde ne subsistait plus que chez les socialistes espagnols (qui ont osé déterrer la dépouille du général Franco du mémorial de la « Valle de los Caïdos ») ou chez quelques voyous islamistes qui se plaisent à profaner régulièrement des cimetières chrétiens, sans que cela émeuve grand monde !

         Or, j’ai appris, tout à fait par hasard, qu’à peine élue maire de Saint-Seurin-sur-l’Isle, vous avez débaptisé la place Raoul Salan et fait détruire les deux stèles qui s’y trouvaient. Ces deux monuments ont été payés par des fonds privés et j’ose espérer que la justice saura vous demander raison de ces démolitions abusives. Toute forme de vandalisme doit être sanctionnée !
         De mon côté, je veux simplement vous rappeler, par cette lettre, que le général Salan a été un héros de toutes nos guerres. C’est à des gens de sa trempe que nous devons notre liberté.

         Engagé pour la durée de la guerre le 2 août 1917, il est admis à Saint-Cyr le 21 août 1917. Chef de section au 5e régiment d’infanterie coloniale (RIC), il participe aux combats dans la région de Verdun (Saint-Mihiel, Les Éparges, Fort de Bois-Bourru, Côte de l’Oie, Cumières-le-Mort-Homme). Il est cité à l’ordre de la brigade en date du 29 décembre 1918.

         Volontaire pour servir au Levant, il sera grièvement blessé au combat d’Accham le 24 octobre 1921. Cité à l’ordre de l’armée et nommé chevalier de la Légion d’honneur, il est décoré sur son lit d’hôpital, à Alep, par le général Gouraud, haut-commissaire au Levant.

         Le 5 juin 1940, Salan est en première ligne sur la Somme lorsque les Allemands déclenchent leur offensive après l’encerclement des forces françaises et britanniques à Dunkerque. Il est cité deux fois à l’ordre du régiment (12 et 13 juillet 1940), puis à l’ordre de l’armée. Il est promu officier de la Légion d’honneur le 21 août 1940.

         Il prend le commandement du 6e régiment de tirailleurs sénégalais (RTS), en Corse, le 30 mai 1944. Il participe au débarquement de Provence à la tête de son régiment. Il atteint Toulon le 26 août 1944, après six jours de combats intenses sur l’axe Solliès-Pont, La Farlède, La Valette-du-Var et Toulon. Son régiment déplore 587 tués, blessés et disparus.
         Une nouvelle citation à l’ordre de l’armée rend hommage à son héroïsme.

         Le 14 novembre 1944, son régiment démantèle la résistance allemande dans la poche du Doubs. Le 23 novembre, il est à Blotzheim, dans le sud du Haut-Rhin. Par la suite, il libère Village-Neuf, Huningue, Loechle et l’usine hydro-électrique de Kembs.
         Il est appelé au commandement de l’infanterie de la 9e division d’infanterie coloniale.

         Raoul Salan est promu général de brigade le 25 décembre 1944. Il a 45 ans. Il participe à la réduction de la poche de Colmar en janvier et au début de février 1945. Il est promu commandeur de la Légion d’honneur.
         Il commande ensuite les troupes françaises dans le Nord du Viêt-Nam en mai 1947. Le 1er septembre 1947, il est nommé général de division. Du 6 décembre 1950 au 5 janvier 1952, il est adjoint militaire du général de Lattre de Tassigny, haut commissaire en Indochine.

         Le 1er septembre 1951, il décroche sa quatrième étoile. Après un intermède parisien de 1954 à 1955, le général Salan est nommé, le 12 novembre 1956, commandant supérieur interarmées de l’Algérie (10e région militaire). Il prend ses fonctions à Alger le 1er décembre 1956…

         Puis, le 21 avril 1961, Salan franchit le Rubicon pour respecter l’engagement pris devant les pieds-noirs et les musulmans pro-français de conserver l’Algérie française : le 22 avril il rejoint les putschistes d’Alger et devient officiellement leur chef. Raoul Salan était le général le plus décoré de l’armée française. Il était titulaire de… 45 décorations françaises et étrangères. Il n’avait plus rien à prouver, plus rien à gagner. Mais, fidèle à la parole donnée, il a choisi « les voies de l’Honneur ».
         Il faudrait quelques dizaines de pages, pour résumer la carrière de ce grand soldat. Je vous invite à lire ses mémoires : un parcours exemplaire au service de la France.

         On peut objectivement lui reprocher deux choses : d’avoir laissé, en quittant l’Indochine, le dossier sur Diên-Biên-Phu à son successeur ; et d’avoir favorisé le retour du général de Gaulle, le 13 mai 1958, car il voyait en lui le « garant de l’Algérie française ». Mais dans les deux cas, il a seulement fait preuve de naïveté. En ce qui concerne son passage à la rébellion après le putsch des généraux d’Alger, on peut admirer l’homme et approuver son choix, c’est mon cas. On peut aussi le contester mais il a été jugé, sévèrement. Et il a payé sa loyauté par six longues années de prison. À la suite de l’amnistie votée en 1982, il a été réintégré dans ses prérogatives de général d’armée et de grand-croix de la Légion d’honneur. La France a donc officiellement reconnu ses mérites.
         Madame l’amère, en faisant détruire des stèles rendant hommage au général Salan, vous vous mettez au même niveau que les indigénistes, racialistes, décoloniaux etc. qui saccagent ou déboulonnent les statues de nos grands hommes. C’est assez pitoyable !!!

         Je ne sais pas quelles sont vos accointances politiques, et je m’en moque. Une chose est certaine, vous êtes dans la mouvance imbécile qui appelle notre pays à une repentance totalement injustifiée. Par démagogie clientéliste à l’égard de l’immigration afro-maghrébine, le président de la République envisage de faire débaptiser des places, des rues, des avenues (on parle de 500 !), pour leur attribuer des noms de Noirs ou d’Arabes « méritants ». Vous avez anticipé en débaptisant la place Raoul Salan de Saint-Seurin-sur-l’Isle. Je vous suggère de la rebaptiser du nom d’un des six chefs historiques du FLN algérien : Krim Belkacem, Mostefa Ben Boulaïd, Larbi Ben M’Hidi, Mohamed Boudiaf, Rabah Bitat, ou Didouche Mourad.
         Tant qu’à donner dans l’abject, Madame l’amère, faites-le jusqu’au bout !



Lettre d'information - Décembre 2020
www.asafrance.fr
Envoi de l'ASAF
      
Lors des récentes auditions devant les commissions de la Défense de l’Assemblée nationale et du Sénat, les quatre chefs d’état-major ont insisté sur l’absolue nécessité de disposer des ressources prévues dans la loi de programmation militaire (LPM 2019-2025).

       Ils ont rappelé que, non seulement il était urgent de remplacer nos matériels vieillissants, mais aussi de durcir les moyens et l’entraînement de nos forces, de donner de « l’épaisseur » à nos armées, ainsi que de développer des capacités nouvelles notamment dans les domaines cyber et spatial.

       Des propos d’alerte stratégique bien peu médiatisés
       Les comptes rendus de ces auditions constituent une mine d’informations et il est consternant de voir que les préoccupations des grands responsables militaires demeurent quasiment confidentielles tandis que des chroniqueurs abordent les questions de Défense sans avoir la moindre compétence.

       Quel média du service public a interviewé, à une heure de grande écoute, ces généraux qui engagent la vie de 250 000 Français dans des opérations complexes, de jour comme de nuit, 365 jours par an sur toute la surface du globe ? Qui leur demande comment sont utilisés les 35 milliards d’euros du budget de la Défense ? Combien de journalistes s’inquiètent des insuffisances de nos armées et dans quels domaines ?

       La ministre des Armées a reconnu celles du service de santé des Armées au regard de ses effectifs et des besoins à couvrir tant en Métropole et en Outre-mer qu’en opération. Personne ne cherche à savoir comment les armées, malgré la crise de la Covid, s’entraînent et remplissent leurs missions de défense de l’espace aérien, des approches maritimes et du territoire.

       Durcir les moyens et l’entraînement
       Nos armées sont engagées depuis des décennies dans des opérations dites asymétriques, au cours desquelles elles ont notamment la maîtrise du ciel qui permet à nos drones, avions et hélicoptères d’utiliser l’espace aérien librement. Mais qu’en serait-il si l’ennemi disposait de missiles antiaériens ?

       Durcir nos moyens signifie remplacer les moyens anciens, peu blindés ni armés, par des engins plus récents, disposant de blindages composites et équipés de détecteur de visée ou de missile. Mais c’est aussi augmenter leur « épaisseur opérationnelle », car, aujourd’hui, l’armée de Terre n’aligne que 250 chars et 120 canons, la Marine 5 sous-marins nucléaires d’attaque et 13 frégates multi-missions, enfin l’armée de l’Air et de l’Espace ne dispose que de 3 avions ravitailleurs récents et ne comptera en 2025 que 125 Rafale….
       Dans le cadre de l’opération Barkhane au Sahel, sur 5 millions de km2, nous ne déployons qu’une vingtaine d’hélicoptères. Nos moyens sont « échantillonnaires ». Or nous savons, depuis au moins un siècle, qu’une armée engagée dans un conflit conventionnel perd très vite beaucoup de matériels. Quant aux stocks de munitions, la situation est sans doute encore plus critique.

       Durcir aussi l’entraînement, surtout dans une armée de métier, c’est d’abord sélectionner des cadres selon des critères physiques, intellectuels et de personnalité exigeants. Tous les candidats sélectionnés doivent répondre aux mêmes critères. En ce temps de parité, plus question d’accepter des barèmes physiques différents selon le sexe, ni de passe-droit pour cause de discrimination positive. Notons enfin qu’un renforcement de l’entraînement individuel et collectif exige de disposer du potentiel correspondant pour les matériels. La simulation est utile pour l’instruction mais insuffisante pour l’entraînement. C’est dans l’effort et l’apprentissage du risque vécus que l’on développe la supériorité du combattant comme celle du groupe ; ce qui permettra de limiter les pertes au combat.

       Développer de nouvelles capacités
       Tandis que nous commençons à rattraper le retard accumulé depuis 1990 par le choix délibéré de l’exploitation des « dividendes de la paix », il nous est non seulement indispensable de remplacer les matériels obsolètes et d’augmenter le nombre de matériels nouveaux, mais nous devons aussi acquérir les capacités nécessaires pour combattre dans les nouveaux espaces.

       Avec les ressources prévues en fin de LPM, nous devrions atteindre annuellement 2 % du PIB (avant Covid). En 1980, cette part était de 3 % et nous avions bien du mal à équiper et soutenir nos armées. Comment avec un budget de la Défense à 2 % du PIB (prévu en 2025) pourrions-nous espérer développer des moyens de cyberdéfense, de surveillance et de défense de l’Espace alors qu’en 1980, avec 3 % du PIB, nous n’avions pas à le faire ?

       Notons que l’effort financier considérable consenti pour atténuer les effets du confinement et relancer l’économie ne profite guère aux armées alors que 1 € investi dans l’industrie de Défense rapporte entre 2 et 3 €, que nos industries de haute technologie sont implantées en France, que la « recherche et développement » est très souvent duale (civilo-militaire) et que nous avons 40 ans de sous-investissement à rattraper dans ce secteur !

       Pourquoi ne pas investir dans la remontée en puissance de notre industrie d’armement et fabriquer en 5 ans ce qui était prévu en 10 ans ? Nous pourrions non seulement reprendre la maîtrise de certaines filières abandonnées à des firmes étrangères, renforcer notre armée plus rapidement, exporter davantage, mais aussi garder le contrôle des pépites industrielles à haute valeur stratégique qui sont convoitées par des pays étrangers, en particulier alliés, et reconstituer des stocks avec des munitions récentes.

       Dans un monde qui présente certaines analogies avec les années 30, notre pays doit réinvestir dans sa Défense. Il lui faut se rassembler autour de son armée et adopter les vertus essentielles qu’elle pratique en vue du combat. La France, retrouvant sa fierté, peut redevenir une grande nation, forte et enracinée dans quinze siècles d’histoire en s’appuyant sur son goût de l’ouverture et de l’excellence. Nos armées, par leur diversité et leur valeur, illustrent bien cette vocation particulière de notre Patrie.

La RÉDACTION de l’ASAF
www.asafrance.fr


AVIS AUX ANNONCEURS
Par M. M. Jean Pierre Bartolini

        Chers Amis, Chers Lecteurs,
        Je reçois chaque mois du courrier de parution de livres, d'œuvres de spectacle ou autres événements à caractères lucratifs au sens financier.
        Sans entrer dans les justifications ou non du caractère financier des annonces, je me dois encore, de préciser que le site de Bône et la Gazette ne vivent que par mon investissement financier (matériel informatique, hébergement, achats de documentation et même déplacements) et sans regret ; par ma disponibilité dont l'emprise est plus forte que celle qui revient normalement au domaine familial qui ne me l'a jamais reproché et dont je loue la patience ; par le bénévolat, la gentillesse et le dévouement des chroniqueurs qui contribuent à cette Gazette et qu'il faut remercier mille fois ; par l'apport gracieux de documentation des lecteurs que je remercie aussi pour comprendre l'esprit de cette modeste réalisation.

        Une fois ces précisions dites et redites, je dois encore rajouter que mes sites et cette Seybouse n'ont aucun caractère commercial, haineux, racial, repentant, spécialement politique ou religieux, etc… ou contraire à la loi et aux respects des bonnes mœurs et des mémoires plurielles. Les seuls buts sont la mémoire et la vérité telles que nous les avons vécues et que nous connaissons, nous les Pieds-Noirs, les expatriés d'Algérie. La diffusion, l'explication et la compréhension de ses buts nous amèneront, je le pense sincèrement, au but suprême qui est la Paix. La Paix des Mémoires, des Âmes, des Cœurs, en un mot celle des Hommes.
        Donc en regard de cela, je réserve le passage des annonces et publicités sur la Seybouse dans ce respect. Chaque annonce diffusée devra être accompagnée d'un large extrait ou chapitre de l'ouvrage.
        Pour accomplir cette tâche, surtout pour les livres, pour l'audio ou la vidéo, je dois m'assurer que ceux-ci sont conformes à ce respect, à cet esprit en ayant aussi et surtout mon libre choix.
        Pour exercer ce libre choix de faire de la publicité gratuite des annonceurs, il faut que je lise des ouvrages ou des chapitres publiables sur le site, que je visionne des DVD ou que j'écoute des CD. Il me faut du temps. Certains annonceurs m'envoient ou me proposent spontanément leurs œuvres (même si je dois les renvoyer) et en plus ils ont l'amabilité et la patience d'attendre ma décision. Je les en remercie sincèrement car j'ai encore des livres reçus et à lire.
        Par contre, d'autres annonceurs, que nous ne connaissons ni d'Adam ni d'Eve, font du harcèlement par messages interposés (d'autres Webmasters sont dans le même cas), alors qu'ils n'ont même pas le réflexe d'exprimer ce qu'ils attendent de nous, de nous faire parvenir leurs œuvres et (ou) de permettre la diffusion de très larges extraits. En plus de cela, certains sont impolis et même agressifs dans leurs propos si nous n'accédons pas à leurs " désirs ".

        Je l'avais déjà dit et je le redis, je ne passerai plus de publicité pour des œuvres que je n'aurai pas lues, regardées ou écoutées. J'ai déjà refusé de faire de la publicité pour quelque chose qui n'était pas conforme à notre mémoire, à notre vérité et je le referai. J'ai peut-être commis des erreurs, si c'est le cas je les assumerai et les réparerai.
        De plus, ne sera plus fait mention de prix sur les annonces car la Seybouse est un site non commercial et il pourrait être sanctionné par le fisc pour des recettes cachées, j'ai déjà reçu des avertissements. Pour cela, l'adresse de contact des auteurs sera mentionnée.
        Je suis au regret de m'en tenir à ces décisions qui seront comprises par la majorité et critiquées par une minorité. Je suis un bénévole parmi tant d'autres, qui s'investit financièrement et temporellement sans compter et qui a la liberté de se rendre ses comptes.

        Je repasserai plusieurs fois cette Avis, car certains ne l'auraient pas lu auparavant et d'autres ne le liraient ni cette fois-ci ni plus tard, sur ce numéro.
        Avec mes profonds remerciements.
        Amicalement
        J.P.B.,
        Webmaster à but non lucratif du site de Bône et de la Seybouse.


Orients Disparus
Envoi de M. J. Bena.
Pour une Histoire de la
Franc-Maçonnerie en Algérie


A mon père

Avant-propos
             Ecrire l'histoire de la Franc-Maçonnerie en Algérie et, en particulier du Grand Orient de France, c'est couvrir cent trente années de la présence française et même aller un peu au-delà puisque les dernières Loges ont disparu au début des années 1970.

            Ce livre n'est pas le premier à traiter de la question puisque Xavier Yacono, éminent professeur d'histoire à l'Université de Toulouse, a écrit un remarquable ouvrage intitulé " Un siècle de Franc-Maçonnerie algérienne " paru en 1969. Magnifiquement documenté, il montre l'existence de Francs-Maçons en Algérie avant même la " Conquête " et renseigne avec force détails sur les quatre ou cinq premières décennies de cette histoire maçonnique. Le premier chapitre de mon ouvrage s'appuie fortement sur cette riche œuvre universitaire.
            Mais au-delà de 1880, il n'y a pratiquement eu aucune autre recherche spécifique, à ma connaissance, si ce n'est l'imposant travail de Lucien Sabah, " La Franc-Maçonnerie à Oran de 1832 à 1914 ".

            Si les documents sont nombreux de la fin du 19ème siècle au début des années 1950, ils se font nettement plus rares après.
            Et cela tient d'abord et avant tout au départ massif de pieds-noirs en 1962. Ils composaient l'essentiel des frères fréquentant les loges d'Algérie et leur exode précipité, en l'espace de quelques mois, n'a pas permis une sauvegarde suffisante des archives. Celles-ci ont été souvent perdues ou détruites sur place avant le grand embarquement pour la métropole. Rares sont celles des dernières années qui ont été récupérées et envoyées aux fonds d'archivage des grandes obédiences comme celui du GODF, rue Cadet à Paris. Il y a là des pertes irréparables pour la mémoire collective.

            Pourtant l'espoir est encore permis. Certaines sont retrouvées alors qu'on les pensait perdues à jamais. C'est le cas, entre autres, des archives retrouvées il y a quelques années à Marseille : celles des loges " Hippone " et " Ismaël " à l'Orient de Bône (aujourd'hui Annaba) ainsi que des loges " Les Enfants de Mars " (Orient de Philippeville) et " La Fraternelle de Kalama " (Orient de Guelma).
            Mais, dans l'ensemble, un énorme travail de recherches reste à faire. Ce livre est surtout le reflet des différents congrès régionaux et des conférences interobédientielles (Grand Orient de France et Grande Loge de France) qui se sont tenus, en Algérie et en Tunisie, entre 1880 et la fin des années 50. Les noms sont cités jusqu'en 1940 et ils ne figurent plus après pour des raisons de discrétion, seules apparaissent les initiales. De même, les travaux portant sur le fonctionnement interne de la Maçonnerie ne sont pas évoqués pour les mêmes raisons.

            Le titre rappelle que le terme " Orient " désigne le lieu où se trouve une Loge : on parlera, par exemple, de " la Loge Bélisaire à l'Orient d'Alger ".
            Ce n'est en aucune façon un ouvrage sur l'histoire de l'Afrique du Nord, ni même sur celle des 132 années de présence française en Algérie. Il a pour vocation de rappeler qu'une Franc-Maçonnerie influente s'y est développée en donnant largement la parole à certains de ses membres ou de ses structures.
            Si certaines réflexions et prises de position peuvent parfois surprendre, il ne faut surtout pas les juger à partir des approches actuelles qui sont, sur la plupart des questions évoquées, assez éloignées de ce qu'elles étaient autrefois. C'est à l'aune des mentalités de l'époque qu'il faut les appréhender et tenter de les comprendre dans toute leur complexité car elles sont à replacer dans le cadre économique et administratif de ce qu'était l'Algérie d'alors. Mais les idéaux républicains véhiculés par la Franc-Maçonnerie constituent autant de percées et d'avancées qui font évoluer les analyses des situations locales et globales.

            Des courants divers traversent cette maçonnerie, des plus traditionnels aux plus novateurs, avec parfois des accents révolutionnaires et toujours fortement laïques après 1877.
            Peu de crises internes mais beaucoup de débats, d'échanges, de propositions de la part de ces francs-maçons qui ont tenté sincèrement et avec conviction, pendant des décennies, d'ancrer solidement l'Algérie dans la République.
            Mais il s'agit bien d'une Franc-Maçonnerie dont la grande majorité de ses membres sont européens et souvent les débats reprennent les grandes questions abordées par son homologue sur le territoire métropolitain. Un de mes objectifs a plutôt été de mettre en exergue les questions spécifiques à la réflexion maçonnique appliquée à l'Algérie, parfois aussi à la Tunisie, plus rarement au Maroc.

            Après la première guerre mondiale, un courant plus libéral s'est développé mais il restera assez minoritaire bien qu'actif. Il faut d'ailleurs s'interroger sur les limites de l'influence des Loges.
            Peut-être ces Francs-Maçons n'ont-ils pas su peser suffisamment sur les puissants intérêts qui ont bloqué les évolutions nécessaires et ont conduit à un affrontement dont l'issue ne pouvait qu'être tragique.
            Que d'idées généreuses sans lendemain ! Que d'occasions ratées ! Que d'espoirs déçus !
            Plus d'un demi-siècle après le retrait de la France, se pencher sur cette histoire, c'est tenter de comprendre l'étonnante histoire du Grand Orient de France, défenseur de ce d'aucuns ont appelé " un colonialisme humaniste " et qui sombra dans la tourmente de la guerre d'Algérie.
Jacky Béna

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Implantation et développement
(1830-1870)

            Le 14 juin 1830, les troupes françaises débarquèrent sur la plage de Sidi-Ferruch à quelques kilomètres d'Alger.
            Dans cette armée, il y avait une Loge maçonnique, " Cirnus " , formée 10 ans plus tôt au 10ème Régiment d'Infanterie légère, alors en garnison à Saint-Martin de Ré . Plus du tiers des officiers de ce régiment étaient des Frères y compris le chef de corps le colonel Marthe. En fait, ce régiment ne resta que cinq ans en Algérie et pendant ce séjour il fut engagé dans de nombreuses campagnes notamment contre les Hadjoutes. Il reçut également la tache de construire certaines routes à l'intérieur du pays, ce qui peut expliquer le non véritable fonctionnement de cette Loge qui ne fut pas déterminante dans la naissance de la Maçonnerie sur le sol algérien.
            En effet, dans les autres régiments, on retrouvait également de nombreux officiers Francs-Maçons. Ce sont eux qui furent réellement à l'origine de la constitution des premiers Ateliers aussi bien à Alger, qu'à Bône ou Oran.
            On est certain de la qualité maçonnique de nombre d'entre eux comme l'Intendant Général Denniée, Casimir Chevreau chirurgien en Chef de l'Armée d'Afrique, Aimable Pélissier futur Maréchal, le Colonel Magnan qui deviendra plus tard lui aussi Maréchal et sera nommé Grand Maître du GODF par Napoléon III. On y trouvait également Abdallah Haboun, alias commandant d'Asbonne, ancien mameluk dans l'armée du 1er Empire.

            Le 16 février 1832, 14 officiers francs-maçons, appartenant à diverses Loges de Métropole, tinrent une réunion au cours de laquelle ils affirmèrent leur détermination " à prendre possession de la terre barbaresque au nom de la civilisation, de la tolérance et du progrès ". Dans la foulée, ils créèrent " Bélisaire ", premier Atelier constitué en Algérie. Affilié au GODF, il fut installé officiellement le 22 mai 1833 avec comme premier Vénérable Maître le Général Danlion qui commandait alors la Place d'Alger. Ayant assez rapidement connu une autre affectation, ce fut le docteur Chevreau dont il a déjà été fait mention qui lui succéda. Dès 1834, " Bélisaire " comptait 73 Frères dont 45% de militaires et 25%de commerçants.
            Dans l'est, Bône fut prise en mars 1832 grâce à l'incroyable coup de force du capitaine Yusuf.

            Le 23 juin, faisant suite à une demande adressée par plusieurs officiers francs-maçons, y fut constituée la 2ème loge en Algérie. Elle prit le nom d'"Ismaël " et son premier Vénérable Maître fut le Comte Beaumont de Brivazac, juge royal de la province de Constantine.
            Le but de ce nouvel Atelier était clairement défini : " Propager la civilisation et les idées françaises en Afrique, éclairer et instruire les arabes et former avec eux une sorte d'union pour en faire un nouveau peuple français. " Le premier tableau de Loge montre un effectif d'une bonne trentaine de membres.

Ancien temple d'Oran, aujourd'hui annexe du tribunal.

            Dans l'Ouest, à Oran, il fallut attendre le 24 juin 1836 pour que soit officiellement installée " La Française de l'Union Africaine " pour laquelle 12 Frères, dont 8 étaient des militaires, avaient adressé dès 1834 une demande de constitution……

            Le GODF manifesta très vite un accord quasi enthousiaste à ces premières implantations maçonniques sur le territoire algérien : " La Maçonnerie doit se féliciter du zèle des Maçons français qui pour l'intérêt de l'Humanité et la gloire de l'Ordre ont porté dans la colonie d'Afrique le flambeau de la lumière maçonnique ainsi que ses principes de bienfaisance et de rapprochement fraternel. "
            Sous la Monarchie de Juillet, le nombre de Loges et de Francs-Maçons progressa d'une manière continue. On comptait en 1847 neuf Loges avec, en tout, 460 Frères. La principale d'entre elles était, bien entendu, " Bélisaire " qui, à elle seule, comptait 136 membres. C'est d'ailleurs elle qui, en tant que Loge mère, aida à la constitution de nombreux Ateliers comme " Les Frères de l'Atlas " à Blida (1844) ou " Julia Caesarea " à Cherchell (1845).
            Dans l'Oranais, c'est " L'Union Africaine " qui fut à l'origine de la création de plusieurs Ateliers comme, par exemple, " Les Trinosophes Africains " à Mostaganem (1842).

A Bône, le temple maçonnique se trouvait rue Trézel (E3)

            Dans l'Est, à Bône, naquit " Les Arts Inséparables ", loge constituée en opposition à " Ismaël " qui d'ailleurs disparut en 1842. Mais les difficultés s'accumulèrent vite pour le nouvel Atelier si bien que, le calme étant revenu, les Frères de l'ancienne Loge " Ismaël " et ceux des " Arts Inséparables " s'entendirent pour créer la Loge " Hippone " qui restera jusqu'à la fin la grande loge de cette ville dont la baie est magnifique.

            Cette période, de 1840 à 1848, marque l'effacement progressif des militaires avec le retour de plusieurs régiments vers la Métropole. En 1844, déjà, seulement un Franc-Maçon sur quatre était militaire. A la fin de la Monarchie de Juillet, ils n'étaient plus majoritaires que dans trois Loges : " Les Frères Numides " à Bougie, " Scipion " à Djidjelli et " Les Trinosophes Africains " à Mostaganem. Par contre, ils ne sont plus que 18 sur 138 à " Bélisaire " et ont même totalement disparu aux " Arts Inséparables ". Ce mouvement d'effacement des militaires fut accentué par la circulaire Soult du 5 juillet 1845 qui leur interdisait l'entrée dans une association et donc dans la Franc-Maçonnerie. Les officiers hésitaient de plus en plus à fréquenter les loges et encore plus pour ceux qui l'auraient désiré à se faire initier.

            Dans cette même période, on trouvait des civils dans toutes les Loges et cela dès leur création, n'hésitant pas à en prendre la présidence. C'étaient essentiellement des négociants et des fonctionnaires mais, en ce qui concerne les colons, leur nombre est plus difficile à évaluer car souvent la dénomination " propriétaires " était utilisée s'appliquant aussi " aux urbains qu'aux ruraux ". On peut seulement dire qu'à Bélisaire, en 1839, on comptait 28 " colons notables ".
            Donc, la grande majorité des Frères en Algérie étaient des citadins, issus du monde des affaires, souvent aisés. Par leur position sociale et leurs relations ils avaient une forte influence sur la vie en Algérie, bien entendu principalement dans les villes. " Bélisaire ", par exemple, était au cœur de la vie économique à Alger avec plusieurs de ses membres à la Chambre et au tribunal de commerce. On y trouvait également " les principaux dirigeants de la société agricole, les consuls de Hollande, de Suède, de Norvège, les plus gros commerçants et entrepreneurs et son premier surveillant, Louis Girot, faisait fonction de maire ". Par contre, à peu près partout, les " petites gens " étaient minoritaires …

            Les dernières années de la Monarchie de juillet et les premières années de la Seconde République, en gros de 1845 à 1850, furent marquées par une grave crise économique et sociale provoquée par de mauvaises récoltes consécutives aussi bien au mauvais temps qu'aux sauterelles qui ravageaient les cultures. Cette crise, qui n'épargnait pas les villes, se traduisit par une hausse continue des prix provoquant famine dans la population indigène, abandon des terres et expropriations chez les européens.
            A cela s'ajouta une épidémie de choléra qui décima aussi bien les tribus que les colonies agricoles et même certains quartiers urbains comme Bab-El-Oued à Alger. Elle provoqua une importante chute démographique y compris dans la population européenne qui perdit 5500 individus dans les seules années 1846-1847. En quatre ans, de 1846 à 1850, la province d'Alger vit disparaître le quart de sa population européenne. Il faudra attendre 1881 pour retrouver le niveau démographique de 1847.

            Malgré cela, la phase d'expansion de la Maçonnerie continua même si " Scipion " à Djidjelli disparut en 1851. 6 nouvelles Loges apparurent : " La Fraternité Cartennienne " à Ténès (1848), " Les Frères du Zaccar " à Miliana (1848) , " Les Frères du Sahel " à Douéra (1849) , " Le Progrès à Guelma " en 1850 , " La Baie du Salut " à Arzew (1850) et " Les Frères du Nador " à Médéa en 1851 .

            Mais, pendant plus de trois ans, plusieurs Ateliers dont Bélisaire connurent une réelle agitation souvent à caractère républicain ; certaines tenues ressemblaient à de véritables réunions politiques dénotant à la fois enthousiasme et adhésion au nouveau régime. Dans ses travaux Xavier Yacono précise : " Le Grand Orient avait pris une attitude politique et les Loges, à son imitation, débattaient de problèmes qui jusqu'alors n'avaient pas droit de cité à l'intérieur des Ateliers. " Ainsi, il n'est pas étonnant de voir la Maçonnerie s'implanter encore plus largement dans la direction et la gestion de plusieurs grandes villes : à Oran, Renaud-Lebon, Vénérable de l'Union Africaine, devint maire ; ce fut le cas aussi à Bône et à Blida où des Frères, respectivement des Loges " Hippone " et " Frères de l'Atlas ", prirent en mains les destinées de ces deux villes.

            A peu près partout, dans les grands centres urbains, il y avait des Francs Maçons dans les conseils municipaux et la plupart d'entre eux étaient gagnés à la république.
            Mais les choses n'étaient pas forcément simples dans les Loges où les tiraillements se multipliaient entre " Conservateurs " et " Montagnards ". En effet, les réformes demandées par certains républicains effrayaient les notables qui allaient jusqu'à exiger " la suppression du bonnet qui trône à tort sur l'arbre de la liberté ".
             Fort de son prestige, le F\Descons, considéré comme le représentant du GODF en Algérie, rappela à l'ordre certains Ateliers qui avaient eu tendance à s'écarter des positions traditionnelles de la Maçonnerie. Il affirma solennellement que" la loi maçonnique s'est montrée sage, prévoyante et conservatrice en interdisant de tous temps aux Loges de s'occuper des questions politiques. "
            Cela n'empêcha pas l'agitation de certaines d'entres elles, comme à Mostaganem et surtout Djidjelli, allant même jusqu'à l'interruption des travaux : " La politique ayant voulu faire invasion dans l'enceinte de la paix et de la fraternité, ils avaient préféré cesser leurs tenues plutôt que d'exposer le sanctuaire au scandale des disputes mondaines ".

            Cette agitation était essentiellement le fait de Maçons socialistes s'élevant, en particulier, contre la circulaire n° 3082 du 18 octobre 1851 qui avait pour objectif d'obtenir des informations sur les Loges.
            Deux évènements eurent un retentissement plus important dans le monde maçonnique algérien : " l'affaire de Blida " et surtout " le complot d'Oran ".

            Ce fut à Blida, au sein des " Frères de l'Atlas ", que les protestations furent les plus vives contre l'interdiction de prise de position politique faite à la Loge. La tension fut extrême entre le Frère Dietz, commissaire de la ville, qui affirmait l'existence de dénonciations obtenues par un police secrète, et le vénérable Le Goff, modéré, qui décida de suspendre les travaux et de faire disparaître les clefs du Temple afin d'éviter tout incident. Les démocrates et les socialistes dénoncèrent ce qu'ils appelèrent un " 18 Brumaire maçon " et l'Atelier connut une forte opposition entre ceux qui soutenaient Le Goff comme Rocherand, ancien Vénérable, et une partie des Frères gagnés à des idées plus progressistes. Quelques temps plus tard, les travaux reprirent sous la direction d'un nouveau Vénérable, le Frère Beaussier, qui bien que leader des démocrates et socialistes, accepta qu'on ne parlât plus de politique en Tenue. A signaler que parmi ces derniers on trouvait un certain Bourbaki, lieutenant-colonel …

            A Oran, ville où les idées nouvelles avaient sensiblement progressé, les évènements prirent une toute autre ampleur. Le contexte était marqué à la fois par l'arrêté du 28 juillet 1848 à l'encontre des sociétés secrètes avec les perquisitions qui s'ensuivirent et le rapport envoyé par le Préfet d'Oran au Ministre de la Guerre dans lequel il dénonçait les activités d'un comité socialiste et surtout de la Charbonnerie qui participa même en 1850 à un banquet patriotique organisé au " Café des mille colonnes ". Or, certains Francs-Maçons appartenaient aussi à la Charbonnerie. Il n'en fallait pas plus pour que l'affaire, connue sous le nom de " Complot d'Oran ", éclate.
            Le point de départ fut une lettre saisie par la police, en juin 1850, dans laquelle il était question " d'instructions transmises de Lyon à une association formée à Oran dans le but de préparer une manifestation armée voire un mouvement insurrectionnel. "

            D'après les pièces de l'enquête menée alors, une société à caractère politique s'était constituée à Oran et avait pris le nom " d'enfants de Carthage ". Elle semblait avoir pour but de répandre les idées socialistes et d'après le Procureur de la République elle utilisait " les symboles, usages et traditions maçonniques pour la convocation et la tenue de ses assemblées, pour les délibérations, les écritures et le mode d'initiation des adeptes. "
            Certes, il ne fait aucun doute que huit Francs-Maçons de " L'Union Africaine " en faisaient partie de même qu'un des créateurs de cette " société carbonarique " n'était autre que le frère Maggiolo, ouvrier menuisier de son état. Bien que plusieurs d'entre eux fussent inculpés, il ne semble pas y avoir eu de véritables relations avec la Loge d'Oran.
            Il semblerait qu'il y ait eu exagération à propos de la gravité de ce complot ; mais il n'en reste pas moins que la vie de cet Atelier en fut quelque peu perturbée et certains émirent le regret que des Frères aient été impliqués …

            Après le coup d'état du 2 décembre 1851, une circulaire du GO demanda la fermeture des Ateliers jusqu'au 1er janvier. A Alger, Bélisaire obtempéra et ne reprit ses travaux que le 21 janvier, se ralliant au nouveau régime comme l'atteste, en particulier, la déclaration très favorable du Vénérable lors de la désignation du Prince Murat comme Grand Maître du Grand Orient.
            Dans les mois qui suivirent, la surveillance des autres Loges se renforça et l'élection des Vénérables Maîtres fut très suivie comme le confirment nombre de rapports de police. Ces derniers signalent d'ailleurs " le bon esprit " de plusieurs Loges comme celles de Douéra, de Mostaganem ou de Miliana et même de Guelma où avait eu lieu une épuration destinée à éliminer tous ceux qui avaient eu une conduite équivoque avant ou lors des évènements de décembre.
            A Oran, la reconduction du Vénérable Renaud-Lebon fut appréciée comme n'ayant pas été dirigée " par un esprit de parti politique ".

            Ailleurs, la situation fut quelque peu différente. Ainsi, à Bône, le Commandant de la Subdivision ordonna la fermeture de la Loge. Elle ne reprendra ses travaux que le 12 avril et, à l'instar de Bélisaire, adressa une planche de félicitations au Prince Murat. A Philippeville, les rapports du commissaire de police firent part d'une certaine inquiétude à l'égard de " l'opinion avancée ou très avancée " de certains Officiers de la Loge. A Ténès, c'étaient des " opinions exaltées " qui furent dénoncées et qui aboutirent à la fermeture autoritaire de l'Atelier le 8 janvier. " La Fraternité Carténienne " ne recommença à fonctionner qu'en 1869. Au sein des " Frères de l'Atlas " à Blida, cinq Frères furent étiquetés comme " démocrates socialistes ", trois comme " démagogues " et trois autres comme " démagogues exagérés " comme le Frère C…, hospitalier de la Loge, qui dut quitter l'Algérie dans les 24 heures qui suivirent son arrêté d'expulsion. Le Vénérable Maître Beaussier n'hésita pas courageusement à déclarer qu'il avait toujours voulu situer " les questions sur le terrain de la politique " ; il dut démissionner, fut contraint de ne plus assister aux Tenues et en 1853 la Loge se mit en sommeil.

            Dans ces premières années du Second Empire, la pression policière fut telle que la revue mensuelle des Loges d'Algérie, " La Maçonnerie Africaine " cessa sa parution. Par la suite, au fur à mesure que les autres Ateliers " rentraient dans le rang ", on assista à un retournement de tendance, les autorités ne se contentant pas seulement d'autoriser le fonctionnement des Loges cautionnaient parfois par leur présence certaines manifestations organisées par les Frans-Maçons comme des fêtes de bienfaisance, des loteries ou même des bals.
            Cela était facilité par le fait que parmi les Frères on comptait nombre de notables : maires, conseillers municipaux, commissaires civils, chefs de bureaux arabes ou directeurs de colonies agricoles.
            Dans ce même temps, il faut noter que les relations entre Franc-Maçonnerie et armée continuaient d'être excellentes dans la plupart des cas et la musique militaire était " constamment mise à contribution par les Maçons à Alger ou à Bône ". A Oran, la Colonne d'Harmonie était " composée des douze meilleurs musiciens de la fanfare du 2ème Régiment de Chasseurs d'Afrique sous la conduite du Frère Fabre. On peut affirmer sans risque de se tromper que la Maçonnerie faisait partie de la vie officielle.

            Cela peut s'expliquer, entre autres, par la relation que la Maçonnerie entretenait encore dans ces années-là avec la religion. Pour preuve cette déclaration de Bélisaire : " L'homme raisonnable ne saurait plus se passer de croyance qu'il peut se passer d'aliments " ou bien ce chant repris par " Les Frères du Sahel " :
" Au banquet de la table ronde
Formons la chaîne d'union
Oui, tu feras le tour du monde
Noble et sainte religion ".

            Mais, dans certains Ateliers, pointait un surprenant syncrétisme où étaient mêlées les références à Jésus, à Moïse, à Platon, à Socrate, à Zoroastre ou à Descartes. La Maçonnerie était considérée par de nombreux Maçons comme " la religion de toutes les religions " et même de toutes les philosophies. Si l'ouverture des travaux commençait par une invocation au Grand Architecte De L'Univers, on portait, lors des banquets solsticiaux, des toasts aux institutions du pays et référence était fait à la devise " Liberté, Egalité, Fraternité ". Les tensions étaient rares avec les représentants religieux notamment avec ceux de l'Eglise catholique.
            Certaines déclarations surprennent passablement aujourd'hui comme celle de la Sœur Constance des Sœurs de la Charité qui, distribuant les sous récoltés par le " Tronc de la veuve de la loge " Saint-Vincent de Paul ", n'hésita pas à déclarer à Constantine : " Recevez, sans rougir, les offrandes fraternelles des Francs-Maçons que Dieu bénira pour leurs bonnes œuvres ".

            Etre catholique et Franc-Maçon ne semblait pas inconciliable et souvent les funérailles de Frères étaient à la fois religieuses et maçonniques. Ainsi pour les obsèques du frère Blanc à Mostaganem en 1850, voici les propos tenus à cette occasion : " Lorsque les cérémonies du culte catholique furent achevées, tous les Maçons, une branche d'acacia à la main, et revêtus de leurs insignes de deuil, formèrent le cercle autour de la fosse. Là le frère Pelletier, dans une prière ardente au Grand Architecte des Mondes et régulateur de toutes choses, appela sa bénédiction sur cet ouvrier de paix…A l'appel du frère Betous, vénérable, chaque frère jette sa branche d'acacia sur le cercueil déjà déposé dans la fosse ; la chaîne d'union se forme, le baiser fraternel circule et les membres de la Loge, en silence et en ordre, se dirigent vers le Temple pour y terminer la funèbre cérémonie… "
            (Repris par Xavier Yacono à partir des archives locales de Bélisaire)

            De plus, les maçons apparaissaient rassurants sur le plan de la morale car ils déclaraient chercher " la perfection morale qui devait un jour avoir comme résultat l'émancipation générale de l'Humanité " .
            " Les Frères de l'Atlas " furent chaudement félicités parce que leur action tendait à " enseigner et développer les principes de la famille d'où découlent les vertus civiques ; apprendre aux initiés à se montrer bons fils, bons époux, amis dévoués, probes dans les transactions sociales, forts et résistant dans l'adversité, laborieux, économes et tempérants ".

            Mais ce positionnement de la Maçonnerie dans la vie officielle tenait certes aux cérémonies, fêtes et banquets qu'organisaient les Frères et auxquelles assistait " la bonne société des villes d'Algérie ", mais surtout aux œuvres d'entraide qu'ils mettaient en place un peu partout sur le territoire algérien et à l'effort d'instruction qu'ils déployaient. Les Loges n'hésitaient pas à " se porter au secours de toutes les misères, participant aux souscriptions ouvertes pour les sinistrés, soutenant les pauvres de toutes confessions ". Pour preuves, la distribution d'une tonne de pain faite en décembre 1850 par les membres de Bélisaire aux malheureux de la ville d'Alger ou l'attitude admirable de la plupart des Loges lors de la grande épidémie de choléra de 1849. Ainsi " Les Enfants de Mars " à Philippeville reçurent une lettre de félicitations du préfet pour leur implication et la qualité du dévouement déployé durant cette terrible épreuve qui fit périr, dans cette seule ville, 1200 habitants en 2 mois sur un total de 6000.

            Les aspects généreux et caritatifs s'accompagnaient à peu près partout d'une volonté de développer l'activité intellectuelle des Frères comme à Blida où des cours étaient organisés, en particulier, sur " la conquête de l'Algérie par les Arabes " ou à Constantine avec une série d'études philosophique sur l'histoire de la Maçonnerie.
            A Bélisaire, c'étaient de véritables conférences diversifiées qui étaient organisées sur les colonnes touchant aussi bien à l'Histoire, la philosophie, la littérature, la géologie, la chimie que l'astronomie.
            Inutile de dire que l'influence des Loges était d'autant plus forte dans les villes où des Francs-Maçons se trouvaient à la tête des principaux organes de presse comme à Bône avec " La Seybouse " ou à Constantine avec " Le Progrès ".
            En général, les Frères ne cachaient pas leur appartenance à l'Ordre, les Ateliers participaient activement à la vie de la société européenne et accroissaient leurs bonnes relations avec les autorités officielle.

            Cela se confirma sous le Second Empire dont les premières années furent marquées par une quasi-soumission des Loges au nouveau pouvoir et par la ferme interdiction de toute discussion politique faite en février 1852 par le nouveau Grand Maître le Prince Murat. Mais l'attitude de ce dernier apparaissant, à partir de 1861, comme " le champion du catholicisme " et surtout " l'affaire Magnan " jetèrent le trouble dans la Maçonnerie aussi bien en France qu'en Algérie.
            Alors que la période antérieure avait été marquée, pour des raisons diverses souvent financières, par la cessation d'activité de certains Ateliers comme " Les Frères de l'Atlas " (1853), " La Baie du Salut " à Arzew ou encore " Les Frères du Nador " à Médéa, les remous internes à l'Obédience, auxquels s'ajouta la condamnation catégorique de la Maçonnerie par le Pape Pie IX (septembre 1865) provoquèrent la mise en sommeil d'autres Loges comme " Les Frères du Sahel " à Douéra ou " Les Frères de Bousselam " à Sétif en 1865 .

            Déjà en 1864, les Francs-Maçons n'étaient plus que 430 dans les Loges algériennes du Grand Orient. Malgré la création sous le Second Empire de " L'Oasis " à Batna et des " Maçons Réunis " à Sidi-Bel-Abbès, on ne peut dénombrer, de 1852 à 1870 que 8 à 12 Ateliers bleus auxquels il faut cependant ajouter Chapitres et Conseils Philosophique.
            " Bélisaire ", par exemple, avait un Conseil Philosophique depuis 1841. Ce dernier fonctionna, avec en moyenne une dizaine de CKS, jusqu'en 1869 où disparaît toute trace de son activité et cela jusqu'en 1901. Une tentative de création d'un autre Conseil Philosophique eut lieu à Oran en 1858 mais il n'eut pratiquement aucune activité jusqu'en 1870.

            Le Grand Orient eut également à faire face à l'apparition de l'Ecossisme et à la concurrence de la Grande Loge apparue dès 1862. En mars 1852 déjà, 25 Maçons avaient tenté de constituer une Loge mais devant l'hostilité de Bélisaire et l'impossibilité de trouver des Frères installateurs, ils retardèrent sa création. Lorsque les Constitutions furent enfin accordées le 25 février 1853 à " L'Etoile Bienfaisante ", celle-ci se mit immédiatement en sommeil.
            Ce n'est qu'en 1856, à l'initiative du Frère Duboc, né en 1806 en Guadeloupe, que se constitua, à Orléansville, la Loge " Les Frères Unis du Cheliff " dont l'installation se fit le 18 janvier 1857. Les fondateurs, au nombre de douze, étaient issus des mêmes milieux sociaux que ceux des Ateliers du Grand Orient et plusieurs d'entre eux faisaient partie de cette dernière Obédience. Les difficultés apparurent très vite : les Tenues se déroulaient dans le propre appartement de Duboc, mais celui-ci, pensant que sa position de fonctionnaire -il était commissaire civil - ne cadrait pas avec l'appartenance active à un Atelier Maçonnique démissionna en 1859 ; il en profita pour accuser de " soi-disant Frères " de ne venir en Loge " qu'avec l'intention de se faire de la Franc-Maçonnerie un marchepied pour leurs petits projets mercantiles et d'Influence locale. "

            La menace d'une mise en sommeil guettait dès lors la Loge malgré un sursaut en 1861 dû au Vénérable Aumerat qui procéda à sept initiations. Mais le départ pour Blida de celui-ci et diverses épidémies qui sévirent dans ces années-là expliquent l'inactivité des " Frères du Cheliff " jusqu'en 187 …….
            Les débuts de l'Ecossisme en Algérie furent marqués par un double échec et il fallut attendre l'articulation des années 1861- 1862 pour voir apparaître " Les Hospitaliers " à Constantine, loge forte d'une quarantaine de membres. Ce fut, sous le Second Empire, le seul succès de l 'Ecossisme sur la terre algérienne puisque deux autres tentatives - " Les Amis de la Vérité " à Philippeville et " Le Bastion de France " à La Calle (1866) - échouèrent.

            Si la cause principale de ces échecs tint surtout à l'hostilité des Loges du Grand Orient craignant l'apparition d'Ateliers rivaux qui auraient pu les affaiblir, une amélioration des relations s'amorça à partir des années 1864 -1865 précédant de peu l'assemblée générale du Grand Orient en 1866 qui " décida de reconnaître comme Maçons réguliers les Frères de tous les rites, de toutes les Obédiences et de les admettre en visiteurs dans les Loges du rite français " (Xavier Yacono d'après le Monde Maçonnique d'août 1866) .

            Dans les Loges algériennes, sous le Second Empire, les Frères se montraient très soucieux du rituel et n'hésitaient pas à édicter des règlements intérieurs très détaillés comme au " Progrès " à Guelma où il comptait jusqu'à 134 pages. Il veillait particulièrement à la décoration du Temple ; ainsi, à " Bélisaire ", pour la remise de la Médaille d'Or du Grand Orient au Frère Jobert : " des guirlandes de roses et de lauriers, partant de l'Etoile d'Orient, serpentent le long des parements des murs et forment en se rencontrant au-dessus de la porte d'entrée, une double couronne au portrait en pied de Bélisaire… ".

            Les cantiques, souvent composés par des Frères, célébraient les vertus fondamentales de la Maçonnerie. D'ailleurs, pour en faire partie, il ne suffit pas de satisfaire aux exigences pécuniaires, encore faut-il jouir d'une respectabilité certaine et d'une moralité rigoureuse ; même une simple faillite pouvait provoquer l'exclusion du Frère mis en cause.

            On peut presque parler de " rigueur morale " et c'est non sans un sourire que l'on peut mesurer le trouble voire l'indignation des Frères d'Oran devant la multiplication " des lieux de prostitution et de débauche " autour de leur Temple : " Par une de ces fâcheuses et déplorables anomalies impossibles à prévoir et encore plus impossible encore à empêcher, le sanctuaire de la Maçonnerie oranaise fut bientôt entouré et dominé de toutes parts par ces lieux d'où d'infâmes clameurs viennent parfois mêler leurs vibrations au bruit de nos paisibles mystères …Indépendamment de la situation qui nous est faite ce triste état de choses a pour conséquences d'éloigner de nos salons la société choisie que nous invitons parfois à quelques fêtes profanes offertes par nous au bénéfice de l'indigence " ( PV du 24 octobre 1860) .

            Malgré des rivalités et des discussions entre Frères apparues dans plusieurs Ateliers comme " Bélisaire " et " L'Union Africaine ", l'activité maçonnique se poursuivait aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des Temples. Ainsi des fêtes continuaient d'être organisées et la population locale y était conviée comme ce fut le cas à Constantine, où neuf enfants furent baptisés maçoniquement et la musique du 1er Régiment étranger participa à la manifestation.
            De même, de nombreuses Loges concrétisaient leur désir d'éduquer par l'aide à la création de bibliothèques comme ce fut le cas pour " Les Hospitaliers " à Constantine et l'organisation de cours gratuits pour adultes " Saint Vincent de Paul " à partir de 1866.

            De plus, pour la plupart d'entre elles, elles créèrent des œuvres d'assistance : sociétés de secours mutuel ou d'entraide comme lors des calamités agricoles de 1866-1868, collectes de fonds pour les blessés de la guerre de 1870…

            C'est donc sous les dernières années du Second Empire que la Franc-Maçonnerie en Algérie a commencé à opérer une mutation profonde passant, comme le dit Xavier Yacono, de " l'ancienne Maçonnerie caractérisée par son conservatisme et sa religiosité " à " un esprit nouveau " marqué par la montée d'un anticléricalisme de plus en plus affirmé par un certain nombre de maçons et par le développement d'une " philosophie libérale " faite d'aspiration aux valeurs de liberté, de démocratie mais aussi de confiance dans le progrès.

Fin

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L'AUTEUR M. BENA J.



La SAGA D'ARTHUR
Par M. René Falanga

Avant-propos :
 
          Les historiens commencent à se pencher sur l'aventure, vécue dans les pays du Maghreb à partir de la 2ème moitié du 19ème siècle, par celles et ceux qu'il est convenu d'appeler les " pieds-noirs ". *(voir, du même auteur, " Les légendes du Sirocco ")
           Des journalistes, et aussi quelques écrivains, ont décrit leur " exode " à partir de 1956, et surtout en 1962, c'est-à-dire, pour la plupart d'entre eux, une arrivée massive sur le sol de France.
           Mais, jusqu'à présent, peu nombreux ont été les récits relatant la trajectoire de ces milliers de familles qui, débarquant dans " la mère patrie ", ont dû se battre contre l'adversité, et parfois contre eux-mêmes, pour se faire une place et y vivre le reste de leur âge.
           Quant à leurs enfants et petits-enfants, les pages blanches de leurs adaptations et de leur réussite humaine ou, et, professionnelle, reste encore à écrire.

            S'inspirant de faits réels, La SAGA D'ARTHUR relate la trajectoire, dans plusieurs régions de France, d'un jeune pied-noir, natif de Tunisie, qui débarque en Provence dans les années 1970.
           D'origine italienne, imprégné d'une double culture, chrétienne et musulmane, et passionné par l'Histoire de France, il s'adapte progressivement aux mœurs, us et coutumes de cette terra incognita, tant vantée par les professeurs de son lycée.
           Le jeune homme débarque en Provence à une période où l'évolution des mœurs s'accélère, les transformations sociales et économiques se succèdent à un rythme accéléré et où catastrophes et événements à retentissement mondial se produisent en cascade.
           Le 1er tome de cette saga, L'INITIATION, raconte les découvertes d'Arthur, les succès et échecs de l'étudiant et la construction de sa personnalité.
           Surtout que, fasciné depuis son plus jeune âge par la gent féminine, cet incorrigible sentimental recherche dans chacune de ses rencontres la compagne qui sera l'Ève de sa vie.

            Nota : La SAGA D'ARTHUR sera publié en 3 tomes successifs : T1- L'initiation : Sciences Pô - La sainte-Victoire - La Chêneraie - Le Point sublime. T2- La force de l'âge : Port-Cros - La forestière - Le pont de pierre - Oléron. T3- L'accomplissement : Le Vieux-Port - Le Luberon - Djerba - Quai de Bercy Le lutin est le " double " d'Arthur
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CHAPITRE 5

           La place de Mirabeau
           Dernier lundi de septembre.
           Jour de rentrée solennelle à Sciences Pô. À Heurtebise, c'est le branle-bas de combat. La veille, Vincent, lui-même ancien de l'Institut, l'a mis en garde :
           - Faites gaffe, jeune homme, vous ne devez en aucun cas arriver en retard à la cérémonie d'ouverture.
           Dès potron-minet, Arthur se précipite dans la salle de bain. Double rasage d'une barbe pourtant peu luxuriante, douche méticuleuse, after-shave et déodorant à gogo. Puis habillage laborieux dans sa chambre où, respectant en tous points les consignes de sa mère et des frères Gloub qui tiennent un magasin de fringues à Tabarka, il enfile ses beaux habits tout neufs et noue avec difficulté la première cravate de sa vie.
           Un peu avant neuf heures, Vincent le dépose devant l'esplanade du majestueux édifice où ses futurs condisciples attendent déjà l'entrée officielle. Des petits nouveaux comme lui, les anciens de deuxième année et les vétérans qui entament leur dernière ligne droite.
           Pour tous, tenue stricte de rigueur. Les mecs en costume deux pièces, cravate assortie ou nœud papillon et mocassins cirés nickel. Les nanas portant tailleur ou robe de prix, du moins il le suppose, et bijoux divers. En main, des serviettes en cuir fauve ou noir et " Le Monde ", incontournable pensum de tout étudiant digne de ce nom. Arthur s'approche du groupe à pas comptés.
           - Mais... Pourquoi ils nous matent tous comme ça ? S'alarme soudain le lutin.
           - Merde... tu as raison !
           Petits sourires aux lèvres, filles et garçons le détaillent de la tête aux pieds. Inquiet, il fait demi-tour, gagne le plus dignement possible la rue adjacente et se précipite vers la vitrine d'une grande librairie.
           - Pas possible ! S'exclame le catastrophé. Ma parole, tu r'ssembles à Zavatta !
           Dur ! Dur ! Le jeune pied-noir réalise brusquement que sa mise, comparée à celle des autres, doit paraître pour le moins excentrique... Un véritable patchwork d'automne ! Avec, en bas, des chaussures en daim marron et un pantalon en velours vert à fines cottes et, en haut, une profusion de carreaux assortis... À gros motifs pour la chemise, minuscules pour la cravate et, pour corser le tout, à très grands losanges pour la veste. La " dernière mode de Paris ! " avait vanté ce vieux forban de Gloub. Tu parles ! L'infâme bonimenteur confondait sûrement Sciences Pô avec le Cirque d'Hiver. Pour compléter le tableau, en fait d'attaché-case, l'étudiant d'outre-mer trimballe l'antique cartable marron pisseux qui lui sert depuis le BEPC.

           Pas étonnant que Vincent l'ait toisé avec une moue dubitative en le voyant grimper dans la bagnole. Arthur enrage contre le boutiquier de Tabarka et aussi contre lui-même qui n'a pas daigné se pencher sur cette question vestimentaire.
           - On n'se sape pas à Aix comme à Tabarka ! Et c'est de ta faute.
           - Et pourquoi ?
           - Tu veux que j'te l'rappelle, hé, Ducon ? Parce que, quand Philomène t'a traîné dans la boutique de fringues tu as joué au crétin jusqu'au bout et laissé les autres choisir à ta place. Môssieur voulait aller en fac avec short, chemisette et espadrilles ! Vestes, pantalons, chemises, chaussures et tutti quanti, t'as tout essayé en ronchonnant sans rien décider.
           - Stop ! Et alors, je fais quoi, maintenant ?
           - Rejoins les autres, pardi !
           Rouge de honte, le garçon revient sur l'esplanade au moment où un appariteur ouvre les deux battants du monumental vantail d'entrée.
           Les étudiants prennent place dans l'amphi Mirabeau. Au fond, perché sur une estrade moquettée de velours vert, Monsieur Paul des Auffres de La Pressière, directeur du prestigieux établissement, s'apprête à prononcer son discours de bienvenue. Sur la plupart des pupitres, une plaque de cuivre gravée rappelle le passage en ces lieux d'illustres devanciers.

           Heureux présage, Arthur se trouve assis à la place qu'occupa jadis le célèbre Marquis de Mirabeau. Alors, saluant le grand orateur et malgré, ou à cause d'une situation jugée critique, il lui dédie ce clin d'œil :
           - Je me présente ici de par la volonté de mon Conseil et, même déguisé en Guignol, je n'en sortirai qu'avec mes diplômes en poche. - Bravo ! Là, je suis fier de toi.
           Une demi-heure plus tard, son laïus achevé, le directeur demande aux nouveaux venus de décliner leur pedigree. Des patronymes défilent alors dans la salle, terminés en " Y " comme Marigny et Glatigny, ou précédés d'une particule comme de Brincourt et de la Rosière, ou fleurant bon la vieille France comme Forestier, Chaullier, Esterel ou Martignac. Dans cet univers privilégié, les noms à consonance étrangère ne sont pas légion. Aussi, lorsque son tour arrive, l'orgueilleux transfuge de Tunisie claironne :
           - Arthur François de La Calle.
           - Quoi ? Qu'est-ce que t'as dit ? s'écrie le lutin, pris de court. J'crois qu'tu viens de faire une belle connerie.
           - Et pourquoi, s'il te plait ?
           - Parce que t'auras bonne mine quand on te demandera de présenter tes papiers, hé patate.
           Soudain inquiet, l'usurpateur d'identité croit bon de craner :
           - Bof, je verrai bien !
           Certes, il s'est ennobli illégitimement en ajoutant une particule à son nom, mais il n'a triché ni avec son prénom ni avec l'origine de sa famille. Le village de La Calle existe bel et bien, mais en Algérie, à quelques kilomètres de Tabarka. Au milieu du 19e siècle, fuyant la misère de l'Italie du Sud, ses aïeux ont mené dans cette contrée alors sauvage un combat acharné pour défricher leur lopin de garrigue, creuser des puits et rendre nourricière une terre aride. À la seule force de leurs bras et de l'instinct de survie. De quoi être fiers.
           Après l'indépendance de l'Algérie, ses parents ont traversé la frontière pour s'installer à Tabarka.

***
           Au soir de cette mémorable journée, on fête à Heurtebise l'intronisation d'Arthur dans le cercle prestigieux des étudiants de Sciences Pô. Bien sûr, à la manière simple et frugale des Peyrelle qui ne roulent pas sur l'or. Artichauts vinaigrette, tranches de jambon blanc avec salade verte pommes vapeur et, pour digérer le tout, une grande infusion de thym odorant cueilli dans le jardin de curé qu'entretient religieusement l'hôtesse. Pas de vin.
           - Rien à voir avec les p'tits plats de Philomène.
           - Ta gueule, espèce de glouton. Ils veulent me faire plaisir.
           - L'avenir vous tend les bras, jeune homme, conclut Vincent. Au fait, comme on vous en parlera sûrement à l'Institut, je vous ai préparé deux dossiers, l'un sur les inondations de Vaison-la-Romaine avec leurs trente sept morts et cinq disparus, l'autre sur le scandale du " sang contaminé " dont le procès vient de s'ouvrir.
           - Merci.
           - De rien. Allez, bonne nuit.
           L'avenir... l'avenir... C'est quoi, exactement ? rumine l'étudiant, étendu dans le noir sur son lit. Loin de sa terre natale et de son rafiot, séparé de ses proches et des copains, il en bavera sûrement pendant des années pour décrocher ces maudits diplômes. Il lui faudra aussi trouver des jobs alimentaires, car ses parents n'ont pas les moyens de couvrir tous ses frais.
           Et puis, quelle idée à la gomme d'avoir triché sur son patronyme ! Il repense soudain au rocambolesque " conseil de famille " qui, au début de l'été, a décidé de lui faire traverser la Méditerranée. - Tu commences à m'gonfler avec tes souvenirs. Si on roupillait maintenant ?

***
           Sciences Pô, suite.
           Quelques jours après la fameuse séance inaugurale, un brillantissime professeur initie les nouveaux venus à l'une des épreuves parmi les plus difficiles qui soient. Il s'agit de résumer un texte de cinq pages en un paragraphe de quinze lignes, puis de condenser ce dernier en cinquante mots. Cet exercice de haute voltige va leur faire tirer la langue toute la matinée.
           Midi. Un appariteur prévient Arthur que Martine de la Vigne, secrétaire générale de l'Institut, le convoque sur-le-champ dans son bureau. Alarmé, le garçon se dépêche d'obtempérer.
           - Bonjour, monsieur Arthur François de La Calle ! Il me tardait de voir à quoi vous ressemblez. - Aie ! Aie ! Aie ! souffle le lutin, inquiété par l'ironie du ton.
           - Bonjour madame... vous... vous m'avez demandé ?
           - Oui, je veux éclaircir un point concernant votre identité, car...
           Car, en vérifiant les dossiers d'inscription, elle a constaté qu'Arthur, Français et natif de Tabarka en Tunisie, s'appelle en réalité... Elle décline le véritable nom de l'imposteur, puis :
           - Pourquoi ce grossier mensonge ? demande-telle, visage grave.
           Et, sans attendre son explication :
           - Je crois comprendre... Mon propre patronyme possède une particule et je suis née en Vendée. Mais ma famille a vécu pendant vingt ans à Alger. Alors, je peux admettre que votre susceptibilité de pied-noir soit heurtée par la morgue des étudiants de Sciences Pô. Mais de là à vous ennoblir aussi radicalement...
           Elle a parlé posément et, semble-t-il au coupable, avec un brin d'ironie bienveillante. Que répondre ? Rien, puisqu'elle a mis dans le mille.
           Un silence, puis la secrétaire générale poursuit :
           - Voici ce que nous allons faire... - Elle vient de dire " nous " ou j'ai rêvé ?
           - ... je rétablis votre identité dans les dossiers et votre stupide coup de bluff restera un secret entre nous. En revanche, comme vous vous êtes inscrit dans le cahier de recherche des petits boulots à la rubrique des travaux de jardin, je vous colle un travail. Vous tronçonnerez et dégagerez deux pins déracinés par le mistral… dans ma propriété. Bien évidemment, je règlerai votre prestation.
           Ce deal vous convient ?
           - Oui, madame, s'entend répondre le piteux. Et quand voulez-vous...
           - Pourquoi pas samedi prochain ? coupe-t-elle.
           Ce n'est pas une suggestion, mais un ordre. Le garçon acquiesce, salue gauchement de la tête et sort du bureau sans réaliser qu'elle ne lui a pas donné son adresse.
           La poigne de fer qui lui serrait la gorge a disparu.
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           Ce texte est tiré du livre La SAGA D'ARTHUR

     SOUSCRIPTION POUR CE LIVRE
     LE NOUVEAU CONFINEMENT POUR CAUSE DE COVID19 RETARDE LA PARUTION DU TOME 1, " L'INITIATION ".
     VOUS POUVEZ DONC ENCORE SOUSCRIRE EN ADRESSANT UN MESSAGE DIRECTEMENT A L'AUTEUR , VOUS BENEFICIEREZ D'UN PRIX PREFERENTIEL ET VOTRE OUVRAGE, DEDICACE PAR L'AUTEUR, DEVIENDRA UN COLLECTOR.

     rene.falanga@cegetel.net
René FALANGA           

"Algérie : le gâchis fatal"
Envoi de M. C. AGIUS
Avant-propos

              Le 30 juin 1962, j'embarquai sur le cargo Divona, à Philippeville, cap sur Sète, nanti d'une fausse autorisation de voyage validée à la préfecture de Bône par un camarade de Saint-Cyr, Jean-Pierre Champroux, emporté lui aussi dans la tourmente des grands vents qui balayèrent l'Algérie en cette année de malheur.
         Que celui qui n'a jamais perdu son pays ferme ce livre dès cette ligne, ou fasse l'effort de comprendre.

         Car perdre son pays lorsqu'on le voit s'éloigner lentement, très lentement, depuis la poupe d'un navire ralenti par sa lourde cargaison, est un supplice que je ne souhaite à personne.

         Jusqu'à ne devenir qu'un trait sombre, dans cet horizon où tout disparaît...
         Le Commandant, un "Français de France", carré, rouquin, probablement un Breton, se dépensait devant ma détresse en aimables interventions pour me distraire.
         Ma fausse autorisation n° 14243, tamponnée le plus sérieusement du monde par la Sûreté Nationale filtrant le port de Philippeville, lui avait appris que j'étais "ingénieur T.P.".
         - avec un tel bagage, hasarda-t-il, vous n'aurez aucune difficulté à trouver du boulot !
         Je répondis par un sourire poli, regrettant sur le coup que le copain faussaire ne m'ait point inventé un titre plus ronflant, tant qu'à faire...

         Au bout de la mer bleu horizon, l'Algérie n'était plus qu'un mélange de teintes incertaines, mi-rêve, mi-réalité, sous les derniers rayons d'un soleil qui n'en finissait pas de vouloir encore éclairer quelque chose, comme pour prolonger mon tourment.
         Nous dînâmes au carré des officiers. Avec moi, une seule petite famille Pied-Noir avait embarqué : le père, la mère, et une gamine de 13 ans, empressée de toujours vouloir desservir la table, malgré les protestations gênées du Commandant.
         L'homme, et surtout sa femme, semblaient transfigurés à l'idée de se rendre à Frontignan !..
         Ils en parlaient comme Moïse de la terre promise, sans jamais l'avoir vue, pas plus que le reste de la France.
         Sans un mot non plus pour leur pays, qu'ils venaient de quitter, peut-être pour ne plus le revoir.
         Ni une larme...
         Non, grâce à l'entregent d'un beau-frère "bien placé", appartement et embauche les attendaient à Frontignan, dans un vignoble du célèbre muscat, juste de l'autre côté de la Méditerranée : de quoi couler des jours rassurants !..
         Je pensais aux nombreux harkis et leurs familles qui, sans le savoir, n'avaient aucune chance de partir...
         Les écoutant avec le minimum de courtoisie seyant à la table du carré des officiers, je ne pus m'empêcher de songer au pompeux bulletin de mobilisation générale que j'avais signé deux mois plus tôt, au nom du Colonel Chateau-Jobert et du Général Salan, mes chefs dans l'OAS, depuis mon P.C. kabyle.
         Bien entendu, cette mobilisation générale n'avait rien donné, puisqu'en ce moment même, j'écoutais ce brave père de famille transfiguré par la perspective d'exercer ses talents de viticulteur à Frontignan...
         Et la nuit, seul dans ma cabine, bousculé et harcelé par une foule de fantômes qui me hurlaient des choses incompréhensibles, je chassais ces ombres pour retrouver des appuis solides, un peu comme un boxeur sonné qui tente de repérer la surface du ring après une grêle de coups.
         Plus tard, le doux tangage du lourd cargo eut raison des fantômes. J'imaginais alors une scène de théâtre et trois acteurs : les Français, les Pieds Noirs et les Musulmans.
         Ils avaient tous les trois un sérieux profil de cocus.
         Je vais essayer de traduire ce piteux constat dans les quelques lignes.. de mon livre.
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         Inconsolable d'avoir perdu son pays, l'auteur est amené, dans une analyse des acteurs du drame algérien, les Français, les Pieds-Noirs et les Musulmans, à la conclusion qu'il n'y avait aucune chance pour la France de conserver l'Algérie, au-delà même des mensonges et des trahisons de De Gaulle, parce qu'elle a négligé, par son idéologie officielle antireligieuse, la profondeur du phénomène de l'islam, seul ciment d'une rébellion aux composantes des plus disparates.
         Les Pieds-Noirs, curieusement aveugles et sourds, insouciants de l'avenir, se sont contentés du seul recours à l'armée française pour mater les émeutes récurrentes depuis la conquête.
         La clé de la pérennité française ne pouvait se trouver que dans la reconversion au christianisme des Berbères d'abord, des Arabes ensuite : la prophétie du Père Charles de Foucauld, écrite en 1912, s'est réalisée à la lettre !
         Utopie ? Voire… si l'on veut bien prendre en compte la quelque dizaine de millions d'Arabes chrétiens du Moyen-Orient, aux portes de la Mecque, et l'implication de 300.000 harkis, dans la lutte contre un F.L.N. qui n'a jamais rassemblé plus de 30.000 combattants !
         A présent seuls maîtres de leur destin, les Algériens achèvent ce gâchis fatal, du socialisme appliqué à l'islam pratiqué, en défigurant un pays au potentiel fabuleux, trahissant Saint-Augustin, trait d'union historique entre la berbérité et le christianisme.

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         L'auteur, né à Bône (il y tient…), fils de gendarme, Saint-Cyrien de la promotion lieutenant-colonel Jeanpierre (59-61) rejoint l'OAS le 26 mars 1962, après les " accords d'Evian " qu'il n'a pas tolérés. Mis à la disposition du colonel Chateau-Jobert, il découvre en Kabylie la faiblesse des moyens de l'Organisation, avec le spectacle lamentable de Pieds-Noirs se bousculant pour gagner la métropole, et de Harkis dans l'attente d'un vain embarquement…
         De retour en métropole, il purge une clandestinité de trois ans et retrouve la vie civile en 1965.


         Vous pourrez acquérir le livre " Le Gâchis Fatal " directement chez l'auteur en lui envoyant un message : archi.ca@orange.fr
         ISBN : 978-2-9574848-0-5

Du même auteur, en auto-édition :

Pour la Fumée des Cierges

Les Télégrammes de la Honte
             


Qui sont ces quatre généraux ?
Par M. Régis Guillem
        
         Challe a gagné la guerre des willayas en Algérie. Il n'a pu, pour des raisons évidentes, la gagner sur " les armées algériennes " installées dans les sanctuaires de Tunisie et du Maroc, et qui continuent à peser sur sa victoire.
         Jouhaud est un pied-noir. Il est né à Bou Sfer, en Oranie. Rien au monde ne peut l'empêcher de ressentir l'événement " dans les tripes ".
         Zeller est un homme de l'Est. Têtu, sûrement. À l'état-major Terre. il s'est fait, parmi les officiers, une certaine " clientèle ", dans le sens romain du terme, en affirmant que, tant qu'il serait là, un certain nombre de choses ne pourraient pas se faire. Cette attitude l'a amené à démissionner sous la IVe République. Quand il reprend ses étoiles, c'est auréolé de gloire, aux yeux de beaucoup d'officiers. Mis à la retraite, il a tenu malgré les " conseils " de Delouvrier à venir faire à Alger une visite d'adieu, où il a déposé une gerbe " à ceux qui sont morts pour l'Algérie française ".
         Raoul Salan, tout le monde le connaît. C'est " le Mandarin " de la guerre d'Indochine, l'homme qui, le 13 mai, a pris le pouvoir à Alger, fait crier " Vive De Gaulle " puis qui, très vite, s'est repris. Il est, à cette heure, à Madrid, en dissidence affirmée. En aucune manière Salan n'a fait partie du complot. On ne l'a pas consulté. Il foncera, il est vrai, sur Alger dès que possible, mais n'y parviendra que 48 heures après le putsch.

         Ce putsch, comment est-il né? Comment s'est composé ce que De Gaulle appellera " le quarteron de généraux en retraite " ?
         Tout a commencé à l'École militaire. En demi-disgrâce, le colonel Lacheroy y a des bureaux. L'ancien chef du service psychologique à Alger avait, en effet, été nommé directeur des cours des officiers de réserve. Dans ces bureaux, se retrouvaient des colonels qui, en esprit ou en actes, avaient joué un rôle dans le 13 mai 1958 ou aux barricades : Argoud, Blignières, Broizat, Gardes, Godard, Vaudrey.
         Plus les généraux Jouhaud, Gardy, et Faure qui avait sa cour personnelle et, parfois, le général Vanuxem.

         Soit à la retraite, soit en disgrâce, tous étaient liés par la même opposition farouche à la politique algérienne de De Gaulle. Il régnait une atmosphère de " demi-soldes ".
         Parmi eux, un civil, Maurice Regard, un directeur des Affaires sociales gouvernement général, que Salan avait nommé, après le 13 mai, secrétaire général adjoint et qui avait regagné Paris par la suite, muté à l'administration des Finances. C'est chez lui, boulevard de Courcelles, le mars, qu'après les réunions de l'École Militaire, la chose prit forme.

         Ce soir-là, Georges Bidault s'était joint aux habitués du bureau de Lacheroy. Il y fut affirmé que six à sept régiments, plus la Légion de Sidi Bel-Abbès, étaient prêts à marcher dans une opération sur Alger si l'on trouvait un chef digne de ce nom. Or le seul qui avait gagné la bataille Algérie, sinon la guerre, c'était Challe. Jouhaud fut chargé de sonder Challe, alors à Lyon. L'ancien commandant en chef ne se montra pas du tout enthousiaste. Mais depuis un certain temps, il recevait de nombreuses lettres de jeunes officiers lui clamant leur confiance.
         En fait, le colonel Argoud orchestrait cette campagne postale, en insistant auprès de ses anciens subalternes pour qu'ils bombardent l'ex-commandant en chef de missives.
         Peut-être ce dernier n'était-il qu'à moitié dupe. Sur les régiments de choc d'Algérie, susceptibles de se rallier à lui, il n'avait plus les éléments d'information nécessaires pour juger. Beaucoup d'officiers avaient été mutés entre-temps. L'atmosphère aussi avait changé. Sur les corps de troupe de métropole et d'Allemagne prêts à un putsch, il était sceptique et dès l'abord, il ne croyait pas à une action réalisable sur Paris.
         Je vous donnerai ma réponse le 11 avril, après la conférence de presse de De Gaulle ", répondit-il.

         Conférence où le général devait dire : " La France n'a aucun intérêt maintenir sous sa loi, et sous sa dépendance, une Algérie qui choisit un autre destin. "
         Ces paroles font l'effet d'un électrochoc sur Challe. Le 12 avril, il répond " oui ". On est à dix jours du putsch. Et c'est bien un train déjà en marche dans lequel monte l'ex-commandant Centre-Europe.
         Sur la préparation, Challe n'aura rien pu vérifier. Les colonels Argoud et Gardes ne partent que le 17 pour le Constantinois. Lacheroy a déjà rejoint l'Algérois. Le colonel Godard et le général Gardy embarquent le 20 sur une ligne régulière. Challe, Zeller et le colonel Broizat décollera grâce à des complicités, de l'aérodrome de Creil, à bord d'un Nord 2501 militaire, censé transporter du matériel photographique.




Cet extrait est tiré du livre de M. Régis Guillem :
" Et la Levêche souffla sur I'Oranie... "







Ci-contre
Créche de la Légion




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Mémoires d'un résistant
de l'Algérie française.
Un Peuple sans Mémoire
Est un arbre sans racine

         Et la Levêche souffla sur l'Oranie raconte une histoire dans l'histoire. Ce livre vous entraîne et vous fait vivre la vie d'un département français outre-Méditerranée. Il redonne la vie à des hommes et à des femmes venus d'horizons les plus divers, les plus opposés mais qui toutes et tous forgèrent un pays, du soldat-laboureur au cireur de chaussures. À travers ce récit intime, vous allez vivre, comme si vous y étiez, l'épopée de l'Algérie française lors de ses derniers instants, la vie quotidienne de ces Français des marches profondément attachés à l'image idyllique qu'ils se faisaient de la France métropolitaine, le courage et la pugnacité de ce peuple qui a entièrement construit ce pays. Vous y découvrirez une des plus belles pages de l'Histoire d'une poignée de Français d'Algérie attachée à leur petite patrie jusqu'à lui sacrifier consciemment leur vie.

         L'auteur est natif d'Assi-Bou-Nif, petit village situé entre Oran et Mostaganem. Il vécut ensuite son adolescence dans un quartier d'Oran (Medioni), essentiellement composé de musulmans. Les communautés - Européens, musulmans, juifs, selon les appellations de l'époque - vivaient en parfaite harmonie. En 1952, il a 8 ans lorsque sa famille s'installe à Ain-Séfra, dans le sud oranais, suite à la mutation de son père. La tourmente s'installe alors qu'il n'a que 10 ans. Sa première vision des horreurs de cette guerre sera celle des têtes de voisins, un garde-barrière et son épouse, piquées de part et d'autre des rails de chemin de fer.

         Pourtant, la guerre est bien loin, hormis quelques attaques du FLN. Nul ne se doute alors de l'importance et des conséquences de cette rébellion armée. Régis, comme tous les enfants d'Ain-Séfra, sera élève de l'institution Lavigerie, dirigée par les Pères Blancs ; sur les bancs de l'école les trois communautés sont assises fraternellement. Traditionnellement, l'enseignement est précédé de prières chrétiennes ; chacun les récite, y compris les musulmans et les juifs, sans la moindre remarque de la part de quiconque. Au fil des ans, Régis commence à prendre la mesure de la nature cruelle de la guerre, bien qu'Aïn-Séfra en soit quelque peu épargnée du fait de la présence de la Légion étrangère. Il a 15 ans lorsqu'une nouvelle mutation de son père le conduit à Mostaganem. L'année précédente, le général de Gaulle avait retrouvé le pouvoir en faisant la promesse d'une Algérie définitivement française. Les événements, alors, s'accélèrent et Régis prend chaque jour davantage conscience de l'étendue du parjure de De Gaulle et de la nécessité de se défendre par soi-même. Il commencera à militer dans les rangs de Jeune Nation puis des Légions Nationalistes.

         Le massacre du cirque Monte-Carlo en septembre 1960 à Mostaganem déclenche chez lui une grande détermination. Il s'engage alors ouvertement dans la lutte anti-FLN. Ainsi, d'électron libre, il rejoint ce qui deviendra en quelques semaines I'OAS. Il rejoint Oran puis un maquis implanté dans les monts du Dahra où il se singularisera en combattant l'ALN avec détermination par les armes. Mais la lâcheté de l'armée française, I'obstination de De Gaulle alliée à celle du FLN et la pusillanimité du peuple auront raison de l'Organisation.
         Néanmoins, il tiendra bon. Arrêté par les ATO et remis à la très sévère Mission C d'Oran, il sera cependant brusquement rendu à la vie civile par les ultimes, fragiles, éphémères et tacites accords du 26 juin 1962 entre Katz et les émissaires de l'Organisation. Esseulé, il gagnera difficilement l'inconnue et peu accueillante France.
Pour avoir la suite de ce livre, vous pouvez le commander
à M. Régis Guillem :
regis.guillem@hotmail.fr

LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.
             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

 LA VILLE DE BÔNE A SUBI UNE MISE A JOUR TRES IMPORTANTE
AU MOIS D'AOUT 2020   

CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers


AUTOROUTE EST-OUEST

Envoyé par Romaric
https://www.liberte-algerie.com/est/le-dernier-troncon-livre-fin-juin-2021-350869


Par lLiberté-Algérie - l Par M. A. ALLIA le 17-12-2020

Le dernier tronçon livré fin juin 2021

        La direction des travaux publics de la wilaya d’El-Tarf a annoncé, mardi 15 décembre, que le dernier tronçon de l’autoroute Est-Ouest, qui part de la ville de Dréan pour se prolonger jusqu’aux limites frontalières algéro-tunisiennes, sera livré au plus tard le 30 juin 2021. Cette direction indique que le taux d’avancement des travaux en cours sur cette portion d’autoroute longue de 84 km a dépassé 80%, après que ce chantier a connu du retard en raison de diverses contraintes liées à la nature du terrain.

        Et de préciser que les difficultés de réalisation ont été relevées par l’entreprise chinoise Citic, chargée dudit projet, lors du transfert des lignes électriques de haute tension, entre les communes d’El-Tarf et Aïn Assel et à l’occasion des travaux de protection des conduites d’alimentation en eau potable entre El-Tarf et Bouteldja. Selon la direction des travaux publics de la wilaya d’El-Tarf, les chantiers ont poursuivi leur activité normalement en dépit de la pandémie de Covid-19 qui a privé la société Citic de près de la moitié de son personnel chinois, un déficit en moyens humains qui a été comblé en faisant appel à la main-d’œuvre locale recrutée sur place.

        Rappelant que le tronçon autoroutier en question traverse les communes de Dréan, Besbès, Sidi Kaci, Zerizer, Lac des oiseaux, Aïn Assel, El-Tarf et Khenguet Aoun. Le chef du projet a indiqué que ce tronçon a nécessité un investissement public de 8400 milliards de centimes. À noter que le Premier ministre Abdelaziz Djerad a donné des instructions pour que la finalisation du dernier tronçon de l’autoroute Est-Ouest avec la mise en service des stations de péage intervienne avant la fin de l’année 2021.
A. Allia           


BILAN CORONA

Envoyé par Alice
https://www.liberte-algerie.com/actualite/11-deces-et-434-nouveaux-cas-351352

Par Liberté Algérie - par Louiza Ammi le 26-12-2020

11 décès et 434 nouveaux cas

           Quatre cent trente-quatre nouveaux cas de Covid-19, 367 guérisons et 11 décès ont été enregistrés durant les dernières 24 heures en Algérie, a annoncé, hier, le porte-parole du Comité scientifique de suivi de l'évolution de la pandémie de coronavirus, le Dr Djamel Fourar.

           Le total des cas confirmés s'élève ainsi à 97 441 dont 434 nouveaux, celui des décès à 2 716, alors que le nombre de patients guéris est passé à 65 144, a précisé le Dr Fourar lors du point de presse quotidien consacré à l'évolution de la pandémie de Covid-19.

           En outre, 18 wilayas ont recensé durant les dernières 24 heures moins de 9 cas, 12 wilayas n'ayant enregistré aucun cas, alors que 18 autres ont enregistré plus de 10 cas.

           Par ailleurs, 42 patients sont actuellement en soins intensifs, a également fait savoir le Dr Fourar. Le même responsable a souligné que la situation épidémiologique actuelle exige de tout citoyen vigilance et respect des règles d'hygiène et de distanciation physique, rappelant l'obligation du respect du confinement et du port du masque.
APS                      



BMS

Envoyé par Etienne
https://www.liberte-algerie.com/actualite/des-chutes-de-neige-a-partir-de-800-metres-sur-le-centre-et-lest-du-pays-351305


 Liberté-Algérie - Par APS 24/12/2020

Des chutes de neige à partir de 800 mètres sur le Centre et l'Est du pays

           Des chutes de neige affecteront les reliefs dépassant les 800 mètres d'altitude des wilayas du Centre et de l'Est du pays à partir de samedi, indique, vendredi, l'Office national de la météorologie dans un bulletin météorologique spécial (BMS).

           Selon le bulletin, placé au niveau d'alerte orange, les chutes de neige affecteront les wilayas de Bouira, Tizi-Ouzou, Bejaia, Jijel, Sétif, Bordj Bou Arreridj, Constantine, Mila, Guelma, Souk Ahras, Oum El Bouaghi, Batna, Khenchela et Tébessa, et ce, à partir de samedi à 03h00 au dimanche à 03h00.

           L'épaisseur de la neige sera entre 15 et 20 cm, précise la même source, ajoutant que des formations de verglas seront également prévues durant la validité du bulletin.
APS                      



L'Algérie ne profite
pas de la hausse des prix du GNL

Envoyé par Xavière


 TSA-Algérie - Par Sonia Lyes 12 Déc. 2020


           L'Algérie ne profite pas de la hausse des prix du GNL (gaz naturel liquéfié) sur le marché spot, en raison de l'arrêt du port d'Arzew, qui abrite un grand complexe de liquéfaction de gaz naturel.
           Selon le média américain Bloomberg, le port pétrolier et gazier d'Arzew à 30 km à l'est d'Oran, abritant le complexe de production de gaz naturel liquéfié (GNL), est à l'arrêt depuis environ dix jours en raison du mauvais temps.

           Problèmes d'exportation

           Cet arrêt survient alors que l'Algérie connaît depuis la fin de l'été des problèmes d'exportation distincts l'ayant empêché de prendre avantage de la hausse des prix du gaz sur le marché spot, selon Bloomberg.
           Au moins deux navires de transport de GNL sont en attente près du port d'Arzew. L'un d'entre eux, Lalla Fatma N'Soumer, a jeté l'ancre près du port depuis le 1er décembre dernier, précise la même source.

           En outre, l'usine GL3Z LNG d'Arzew n'a pas exporté de cargaison depuis la mi-août. Les exportations totales d'Arzew ont quant à elles diminué en novembre par rapport au mois précédent. La compagnie pétrolière nationale Sonatrach a en parallèle augmenté les flux via un gazoduc vers le sud de l'Europe.

           Signe de la situation délicate dans laquelle la compagnie se trouve, Sonatrach n'a proposé aucune cargaison de GNL sur le marché spot afin de profiter de la remontée des prix et de l'augmentation de la demande hivernale. Cet état de fait suggère que Sonatrach dispose de volumes limités à vendre, indique Bloomberg. Contacté par le média américain, Sonatrach a refusé tout commentaire.

           L'arrêt du port d'Arzew s'ajoute à la série d'incidents qu'ont connus les installations pétrolières et gazières de Sonatrach ces derniers mois. Depuis fin octobre, le champ El Merk, du bassin de Berkine, le 2e plus grand champ d'hydrocarbures en Algérie, est à l'arrêt après un grave incident qui a ravagé une partie de ses installations. Aucune date n'a été avancée pour la reprise de son activité. Le complexe restera fermé jusqu'à la réparation des dégâts causés par les flammes. " J'attache une grande importance à la question de la sécurité des installations. Il ne faut non plus se précipiter pour sa reprise en vue de reprendre la production " avait déclaré le ministre de l'Énergie Abdelmadjid Attar, au cours d'une visite sur les lieux, précisant que la production de ce site sera " compensée " par d'autres champs d'exploitation.

           10 milliards de dollars de manque à gagner

           Début septembre, des fuites de pétrole sur un oléoduc passant par la wilaya d'El Oued avaient déclenché un incendie, et le 15 octobre, le ministère de l'Énergie a fait état de fuites de pétrole sur ce même oléoduc au niveau de la commune de Ghamra, à 20 km de la ville de Touggourt, dans le sud-est algérien.

           Ces incidents sont intervenus dans un contexte de baisse des prix du pétrole, en raison de la pandémie de coronavirus qui a plombé l'économie mondiale. Jeudi, le baril de Brent, référence pour le pétrole algérien, a franchi la barre des 50 dollars, pour la première fois depuis le 6 mais, après avoir atteint un niveau historiquement bas à moins de 20 dollars fin avril dernier.

           Le ministère de l'Énergie avait évalué à 10 milliards de dollars le manque à gagner de Sonatrach jusqu'à fin septembre 2020 par rapport à la même période en 2019 à cause de la pandémie de coronavirus, avec une baisse de 41 % de son chiffre d'affaires à l'exportation.
Sonia Lyes                      



MESSAGES
S.V.P., Lorsqu'une réponse aux messages ci-dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la Seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,

cliquez ICI pour d'autres messages.
sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura

M. Jean François Meroni

             Bonjour,
             Mes arrières arrières grands parents tenaient un restaurant Rue Amiral courbet à PHILIPPEVILLE entre 1905 et 1907.
             Le restaurant s'appellait "Restaurant des Ouvriers" et le gérant était M. Barthelemy LUIZZI ( mon arrière arrière grand-père). Son beau fils, mon arrière grand-père M. Généreux MERONI, y travaillait comme ouvrier.
             Mon AGP est né le 28/08/1871 à Naples, c'est un enfant abandonné et je pense qu'il vient de la Santissima ANNUNZIATA de NAPLES.
             Il se retrouve à Bône en 1873 donc à l'age de 2 ans mais je ne sais pas avec qui il a été emmené (nourrice, pécheur, etc ...), il a grandi, s'est marié et a eu des enfants toujours à Bône, puis il a vécu 6 ans à Philippeville et 1 an à Alger et il a immigré à Marseille vers 1910. Il a également été naturalisé en mars 1910.
             Puis mon arrière grand-père M. Généreux MERONI, entre temps avait ouvert son propre restaurant à Alger entre 1908 et 1909 au 26, rue d'Orléans mais je n'ai pas le nom du restaurant. Au moment où il tenait ce restaurant, il logeait au 4 rue du Liban à Alger.
             Pouvez-vous, si vous le pouvez bien sur me fournir des renseignements, des photos ou toutes sortes de renseignement sur ces 2 restaurants et leurs occupants ?
             Je vous remercie infiniment.
             Bien cordialement.
         Mon adresse est, (cliquez sur) : Jean-François MERONI
De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
    PDF 142B                                           PDF 143
    N° 143                                                  N° 144
    PDF 144                                                N° 145
    PDF 145                                                      N° 146
    PDF 146 Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : jarrige31@orange.fr


Lettre à mon père
Envoyé par plusieurs lecteurs

… Qui aurait de quoi être désarçonné s’il revenait !  

       Tu étais ouvrier agricole. À onze ans, tu labourais déjà avec un cheval. À 80, tu descendais de ton dernier tracteur. Et, voici quelques années, alors que tu venais de souffler tes 91 bougies, tu partis pour trop longtemps de l’autre côté du chronomètre. Ne connaissant pas ta nouvelle adresse, je ne t’écris pas souvent. Le vent, le chant des oiseaux et la course des étoiles étant mieux qualifiés que moi pour te donner des nouvelles du monde. Mais aujourd’hui et peut-être car j’aimerais pouvoir compter encore un peu sur toi, je viens te parler de ce monde qui, justement, n’y est plus tout à fait.

       Nous voilà pilotés par quelques jeunes godelureaux qui font fureur dans la maladresse et le mépris, qui croient savoir ce qui est bien pour nous, car ils savent avant tout ce qui est bien pour eux. Depuis le mois de mars nous avançons, un masque plaqué sur le visage. Pendant 6 mois les enfants ne sont pas allés à l’école. D’ailleurs, en parlant d’école, ceux de ta génération faisaient moins de fautes et savaient mieux compter avec un simple certificat d’études que la plupart de nos bacheliers.

       Que je te dise aussi, parce que certains font déjà semblant de l’oublier, au début de l’été, quelques élus zélés avaient installé des corridors sur le sable pour que nous puissions aller voir la mer. Oui, oui, tu peux me croire, nous n’avions même plus le droit d’aller voir la mer, ni la montagne d’ailleurs ! Et puis, plus rien, peut-être parce que les échevins de faction à Lutèce avaient compris qu’il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin.

       Avant cela, ils nous ont aussi interdit de rendre visite à nos anciens dans les maisons de retraite où beaucoup sont morts sans avoir vu une dernière fois leurs épouses, leurs maris, leurs enfants. Il était interdit de marcher dans la rue, de nous déplacer d’un village à l’autre, d’aller débusquer la morille dans le bois d’à côté, pas moyen de se faire couper les cheveux, le coiffeur avait baissé son rideau, plus de dentiste, idem pour les rendez-vous médicaux. Les mariages aussi étaient interdits, aux enterrements pas plus de 10 personnes. “Interdit” : je répète souvent ce mot parce que, désormais, ici, c’est le plus couramment employé.

       Pour aller chez le boucher, chez l’épicier, “faire de l’essence” ou se dégourdir les mollets, il fallait se munir d’un laisser passer. Un bout de papier contrôlé par les gardes du cardinal de service que l’on nous obligeait à remplir nous-même, c’est dire le degré de soumission. Avec, comme en temps de guerre, çà et là, planqués derrière les volets, le relent des délations.

       Interdit de nous rassembler, interdit de danser, il n’y a pas eu de bal au village cet été. Interdit de jouer aux boules, au ballon, au loto dans la salle des fêtes, à la belote dans les bistrots. De toutes façons les bistrots étaient fermés et, d’ici quelques temps, ils le seront peut-être à nouveau. Figure-toi qu’ils envisagent même de nous prendre la fièvre à l’entrée des restaurants.

       Tous les soirs, à la télévision, nous devons écouter la parole des savants. C’est comme ça, on ne nous demande plus notre avis. Sauf, parce que ça c’est important et qu’il faut bien nous occuper, pour voter par téléphone et désigner celui qui aura le mieux chanté dans les émissions de téléréalité. D’ailleurs, à la télé, il n’y a plus que des séries policières, ça tire de tous les côtés, des meurtres en veux-tu en voilà. Tu sais même plus si c’est les informations ou du cinéma.

       J’ai entendu dire aussi qu’il n’y aurait bientôt plus de pièces ni de billets, seulement des instructions sur des boites vocales et des chiffres sur des écrans d’ordinateurs. L’argent, c’est trop sale. Même avec ça, ils arrivent à nous faire peur pour mieux contrôler nos économies.

       Je te jure, ce ne sont pas des conneries. Arrête de rigoler, tout est vrai. Et attends, tu vas voir ce que nous réservent les “forces de progrès”. Si tu revenais, tu ne reconnaîtrais pas ces garrigues où tu taillais la vigne entre deux bourrasques de tramontane gelée. Là-haut, les écolos ont planté leurs grands tourniquets blancs pour brasser du vent aussi futile que leurs idées. Et des idées, ils n’en manquent pas. Tiens, récemment l’un d’entre eux a supprimé le sapin de Noël, une autre veut “éliminer” les hommes, certains veulent interdire le Tour de France. D’ailleurs cette année il a eu lieu en septembre, sans demoiselles pour embrasser le champion. De toutes façons, on ne s’embrasse plus, on ne se serre plus la main. Pendant ce temps, dans les villes, les vandales (ce mot me vaudra peut-être un procès…) continuent de tout péter. Dans les campagnes, d’autres abrutis crèvent les yeux des chevaux, leur coupent les oreilles, massacrent les génisses, éventrent les petits veaux. Un peu partout, les églises flambent, mais il ne faut pas en parler. Des détraqués s’en prennent à la République, mais il n’est pas certain qu’ils le fassent exprès.

       Bientôt nous ne pourrons plus rouler en voiture. Pour désherber, même sur les coteaux il va falloir reprendre la pioche. Un philosophe, qui sait certainement ce que travailler veut dire, préconise d’arrêter l’utilisation des moteurs pour avoir recours à l’énergie musculaire “animale ou humaine”. Ils sont allés chercher des ours dans les Carpates pour les installer dans les Alpes et les Pyrénées. Ils protègent les loups pendant que les troupeaux sont décimés. Et ils tirent des citoyens au sort pour imaginer le futur de nos paysans. Parce que ceux-là ont une “opinion”, tu comprends. Ils ont des idées. Même si certains ne savent pas faire la différence entre une aubergine et un navet.

       Les chasseurs aussi en prennent plein la gueule, les cirques n'auront bientôt plus d’animaux. Et, tiens-toi bien, parce que celle-là il fallait la trouver, la viande sera remplacée par des steaks végétaux fabriqués dans des labos.

       Comment expliquer ça à un gars comme toi qui descendais les rangées de vigne avec un sac de 50 kilos d’engrais coincé sous chaque bras, qui célébrait l’entrecôte et honorait le gigot, qui n’étais même pas rassasié après une centaine d’escargots ? Toi l’épicurien qui me conseilla un jour, alors que je sillonnais une parcelle longtemps restée en friche, de changer de sens parce que je ne suivais pas la bonne pente. Celle que l’eau devait emprunter naturellement. Celle que seuls les anciens connaissaient et que l’on ne pouvait distinguer à l’œil nu.

       Parce qu’il en va, je le crois, de l’eau et du cours des rivières comme de celui de l’histoire. Si nous perdons les repères, si nous oublions la réalité, si nous ne transmettons pas le savoir avec cette part consubstantielle de sensibilité qui demeure la part la plus profonde de l’homme, les sources vont se tarir. Et les chemins qui sont parfois ceux de nos libertés, risquent de se refermer sur la misère et le chaos.

       Allez Papa, je te laisse. Et surtout ne regrette rien. Ici-bas, Mad Max est en train de remplacer Don Camillo !

       Et je rajoute : j’espère que tu es content que dans les cimetières on ne puisse plus mettre de désherbant !!!....
Jean Paul Pelras, des P.O.




Si vous avez des documents ou photos à partager,
n'hésitez-pas à nous les envoyer. D'avance, Merci.

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Notre liberté de penser, de diffuser et d’informer est grandement menacée, et c’est pourquoi je suis obligé de suivre l’exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d’information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d’expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».

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