J’ai eu beaucoup de correspondance me demandant de retracer les événements tragiques du 26 mars 1962.Voici donc une synthèse, qui bien qu’incomplète essaie à l’aide de témoignages de fixer des repères.

Je n’ai pas assisté à cette fusillade, étant muté après le putsch.
J’ai recherché les documents de l’époque, pris l’attache de témoins, pour que ce récit soit une synthèse utile à ceux qui ignorent encore cette tragédie.
J’ai essayé de travailler comme un juge d’instruction, à charge et à décharge, découvert des documents que, je pense inédits. Certaines pièces de ce puzzle manquent car encore sous le coup du « secret défense ». Dans cinquante ans peut-être, des éléments essentiels seront mis à la disposition du public et la vérité sortira du puits où elle a été enterrée.
En attendant, avec les éléments que nous possédons, et les interrogations qui surgissent, je vais tracer une chronologie qui n’est pas toujours évidente à cadrer. Les documents sont toujours sujets à caution car incomplets, ils émanent de témoins oculaires, de journalistes, d’historiens dont la bonne foi, aujourd’hui, peut-être mise en doute, mais les faits persistent.

Quelques faits précédents :
Raoul Salan prévoit que politiquement la situation de l’Algérie Française se détériore.
Le 23 février, il déclare que « l’irréversible étant sur le point d’être commis, c’est donc l’irréversible qu’il faut empêcher ».
L’OAS organise des attentats à la voiture piégée à Oran, le 28 février, des tueries aveugles, le 17 mars.
Cette stratégie tente de provoquer un sursaut de la population, de soulever une insurrection.
Le 19 mars 1962, la proclamation d’un « cesser le feu » dit, des accords d’Evian, doit, dans l’esprit du gouvernement de l’époque, apaiser les tensions.
Mais comment comprendre un accord sans que toutes les parties soient réunies autour d’une table ? Les Pieds Noirs se sentent humiliés, bafoués, trahis par ce camouflet qui impose un acte dont ils ne sont pas signataires. Ils représentent le dixième de la population et en sont la cheville ouvrière.
Le 21 mars, l’OAS proclame dans un tract que « les forces françaises sont considérées comme troupes d’occupation en Algérie  ».
Le 22 mars, des activistes armés prennent le contrôle de Bâb el Oued, un quartier populaire d’Alger. Ils transforment cette partie d’Alger en un énorme Fort Chabrol, attaquent des camions militaires et tuent 6 soldats du contingent en patrouille, qui ne veulent pas rendre leurs armes.

N°1

La riposte est immédiate.L’encerclement de Bab -el-Oued par les Forces Françaises empêche toute communication avec le reste de la ville. Elles investissent le secteur.
Des avions mitraillent les toits et des chars lourds prennent position. Par mer, le Surcouf, escorteur d’escadre, est en position de tir, face à Bab el Oued mais jamais, l’équipage ne sera appelé aux « postes de combat ».
La presse métropolitaine relate les faits et le Président de la République déclare: « la question capitale est de briser par tous les moyens et de réprimer impitoyablement l’insurrection armée. »
L’opération se soldera par 35 morts et 150 blessés.(estimation )


N°2

Les 75 000 habitants de Bab-el- Oued sont séparés, par ce blocus rigoureux, du reste du monde. L’occupation est sévère. Une motion des doyens des Facultés et de notables parle de répression aveugle. La population d’Alger multiplie ses efforts et ses démarches pour leur venir en aide. Rien n’y fait, les barrages s’opposent à l’entrée de qui que ce soit à l’intérieur du périmètre interdit.
Un mot d’ordre a été répandu : “A 15 heures le 26 mars,  groupons nous au centre de la ville, au plateau des Glières, sans arme, dans la discipline et dans le calme, pour nous diriger ensemble vers Bab-el-Oued “.
La préfecture de police avertit les manifestants qu’ils seront dispersés le cas échéant avec toute la fermeté nécessaire.
Le 26 mars 1962
Dès le début de l’après-midi, des milliers d’hommes et de femmes se mettent en marche vers le lieu de ralliements. Certains, qui ont des parents à Bab-el-Oued, se sont munis de quelques ravitaillements. Toutes les classes de la Société sont représentées : Directeurs de société, avocats, médecins, instituteurs ,côte à côte avec ouvriers, employés de bureau etc.…
Tout Alger est là. Des anciens combattants, autour de quelques drapeaux tricolores, viennent en tête. Un des drapeaux est tenu par un musulman.
Cette foule est calme, son silence impressionnant. Personne, bien entendu, n’est armé. La manifestation n’a rien d’agressif ni même de passionné.
Des barrages stricts s’opposent à la progression de la foule, tout en laissant passer de temps à autre et sans empêcher l’infiltration par les rues secondaires.

LA NASSE

La foule rassemblée sur le plateau des Glières, un peu avant 15 heures est canalisée vers la rue d’Isly qui reste pour elle la seule artère en direction de Bab-el-Oued. Toutes les autres sont interdites par des cordons de troupe.
Un fort barrage motorisé bloque l’accès du boulevard Bugeaud.
C’est un véritable piège, car l’entrée de la rue d’Isly n’est pas verrouillée par un barrage continu ; il y a là une douzaine d’hommes qui laissent passer…
Un régiment de tirailleurs Algériens vient de relever les fantassins qui jusque là montaient la garde.

N°3

Il s’agit des hommes du 4ème RTA placés sous le commandement du Cdt Poupat.
Ouvrons une parenthèse pour nous permettre de mieux comprendre l’importance de ce changement.
Le Gal Ailleret commandant en chef et le Gal Capodano savent que le 4 è RTA venant de Berouaghia est composé de paysans naïfs qui n’ont aucune expérience des combats urbains et risquent de perdre tout contrôle devant une foule.

Le Colonel Goubard, commandant ce régiment, a mis en garde les généraux et finalement le Gal Ailleret acquiéssa et donna ordre par le message N° 950 de ne pas engager le 4ème RTA. Ce message n’arrivera jamais aux destinataires.
C’est donc une troupe inadaptée, nerveuse, qui prend place en ce point crucial.
Le sous-lieutenant Ouchèmene Daoud en est le responsable.
Lui et ses supérieurs ont voulu savoir dans quelles conditions leurs hommes pourraient le cas échéant faire usage de leurs armes. A la Xème Région Militaire on a répondu : “ Si les manifestants insistaient, ouvrez le feu “. Mais nul n’a voulu confirmer cet ordre par écrit.

N°5

N°6

 Suite au mois de mai 2008


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