L'ENFER ALGERIEN : haine et peur
0CTOBRE 1955. Rachid le fou, du village algérien de Sid Bou Djahir, à proximité de la frontière tunisienne, prophétise : " Frères. le malheur est sur vous ! Le grand boucher est
arrivé ! Bientôt, vos ongles ne vous suffiront plus pour pleurer ! Vous vous déchirerez le visage avec des cardes ! Malheur vous mes frères ! Le grand boucher est arrivé "
Quelques mois plus tard, le boucher a fait son ceuvre : après avoir macéré dans la peur et la haine, le village devient la proie de la terreur, puis le théâtre d'attentats horribles. On connaît les données du drame, passions exacerbées, incompréhensions, affolements, nerfs usés, le pourrissement de la situation, puis l'absurde anéantissement : " Même coupables, même assassins, héros ou tueurs, ils redeviennent Identiquement innocents dans la commune stupidité de leur fin. "
Dans ce village qu'ils aiment, un instituteur pied noir, Claude Scala, sa femme Jeanne, une Métropolitaine, trois enfants dont l'un Gérard, vient de naître. Le ménage très uni, quelques mois plus tard, est irrémédiablement brisé. Il n'a pu résister à la haine. à la peur. L'enfant dernier-né est tué par une balle perdue
Jeanne désespérée rejoint la Métropole. Instituteur idéaliste, qui croit à sa mission, " accroché non seulement à l'Algérie, mais au lieu même du désastre ", Claude Scala voudrait savoir pour se venger. Il est abattu en pleine classe " sous les regards horrifiés " de ses élèves. Une enquête est ouverte.
... Telles sont les grandes lignes de ce roman, qui évoque une chronique-témoignage, et en présente d'ailleurs les mérites : authenticité indiscutable, souci de vérité et de justice, accents émouvants, chaleur sensuelle de l'effusion, cris déchirants de la révolte. Tout y est vrai, à peine transposé, encore qu'on songe parfois, à tort sans doute, à une stylisation excessive, je veux dire que tout s'y organise autour d'un cheminement inexorable. Le sentiment prévaut d'une confession où un homme sincère, au jour le jour, tente de se justifier, de présenter les preuves de son bon vouloir, de sa bonne foi, bref d'un humanisme quelque peu utopique, qui croit possible la fraternisation à 1 : heure où montent les périls des temps nouveaux :nationalismes, racismes. sans parler des rébellions de la misère et des fiertés sous le joue. Une sorte de constat, dont les pièces s'accumulent, an rythme d'une fatalité contre laquelle, tout seul, de toute évidence, un maître d'école qui a vécu toute sa vie en Algérie, fût-il un héros. ne peut rien.
Ecrit d'un jet ce roman se lit d'un trait. La technique en est aussi simple que possible, dans la tradition narrative. Nettes et nerveuses, les scènes dramatiques s'y découpent clairement autour du couple déchiré. Le style a de l'aisance et du trait, malgré une certaine complaisance à la préciosité : on souhaiterait, pour un tel sujet, moins d'images apprêtées, plus de tension dans l'analyse, bref une oeuvre moins écrite et plus haletante.
Telle une oeuvre bouleversante qui mérite largement d'avoir été mentionnée immédiatement après celle qui obtint. En 1958, le grand prix littéraire de l'Algérie.
1958. six ans, déjà, ! Encore que l'actualité aille vite, très vite, il n'est pas trop tard pour que notre région. qui aaccueil1i M. Buono, mentionne sa joie de vivre