Micheline Ostermeyer
Pierre Rubenach

Micheline Ostermeyer est morte (Le Monde du 17/10/2001)

La pianiste et médaillée olympique du lancer du poids, du disque et du saut en hauteur, Micheline Ostermeyer est morte le mercredi 17 octobre, à Rouen. Elle était âgée de 79 ans.

Née le 23 décembre 1922 dans le Pas-de-Calais, Micheline Ostermeyer part habiter la Tunisie avec ses parents, alors qu'elle est toute jeune. Là-bas, elle prend ses premières leçons de piano avec sa mère. Ses progrès sont si rapides qu'elle retourne en France pour entrer dans la classe de Lazare Lévy, au Conservatoire national de musique et d'art dramatique de la rue de Madrid, à Paris.

La Seconde Guerre mondiale la contraint à repartir en Tunisie. C'est là qu'elle découvre le basket et avec lui un sport d'équipe et l'esprit de camaraderie qui rompent avec la pratique solitaire du piano. Ses aptitudes physiques naturelles la font vite remarquer par ses professeurs qui l'orientent vers l'athlétisme. En 1941, elle remporte cinq titres aux championnats de Tunisie tout en donnant un récital chaque semaine sur les antennes de Radio-Tunis. Elle joue bientôt dans toute l'Afrique du Nord.

A la Libération, elle rentre à Paris retrouver son illustre professeur. Frappé par les lois anti-juives, Lazare Lévy s'était caché en zone libre et avait échappé aux rafles. Ce grand professeur accueille à bras ouverts celle qui est devenu une pianiste professionnelle. Pas question pour autant de quitter la compétition. Dans un portrait (Le Monde du 28/09/2000), Micheline Ostermeyer se souvenait de ce retour en France, placé sous le double signe de la musique et du sport : "Je me suis rendue à la fédération française d'athlétisme et me suis présentée. Ils n'étaient pas au courant de mes performances à Tunis. Je leur ai rappelé que j'avais battu le record de France du poids, et que j'avais presque égalé celui du saut en hauteur. Quand je leur ai annoncé, en plus, que j'étais pianiste ! Ils étaient tellement estomaqués que je n'ai pas osé leur dire que je courrais aussi très vite…" En 1945, elle bat le record de France du poids.

En 1946, Micheline Ostermeyer obtient son premier prix de piano au Conservatoire et participe aux championnats d'Europe d'athlétisme. L'année suivante, elle enchaîne les concerts, devient championne de France du poids, du saut en hauteur, du 60 mètres et du pentathlon et passe le Concours de Genève.

En 1948, elle participe aux Jeux olympiques, à Londres. Micheline Ostermeyer maîtrise mal la technique du lancer du disque auquel elle ne s'est mise que deux mois avant les épreuves. Elle remporte pourtant la médaille d'or avec un lancer à 41,92 mètres. Une deuxième suit, celle du lancer du poids. Une troisième enfin, de bronze, lui est décernée pour le saut en hauteur.

Cette femme énergique, pleine d'humour, gardait un souvenir mitigé de ces Olympiades qui l'avaient pourtant consacrée : "Certes, ce fut formidable sur le plan sportif. Mais, sinon ce n'était pas réussi du tout. Les garçons, par exemple, on les a jamais vus. Ils étaient pourtant pleins de vie, de gaîté, d'entrain et d'humour…"

A son retour, les tournées reprennent, mais Micheline Ostermeyer pianiste n'a pas de soutien dans le milieu musical parisien. Elle organise donc un concert, Salle Gaveau. Et ose l'inimaginable, en enchaînant le Concerto en ré mineur de Brahms, les Variations symphoniques de Franck et le Concerto en mi bémol de Liszt ! Un exploit aussi sportif qu'artistique. Grand succès public.

Va-t-elle abandonner le sport ? En 1950, elle se lance dans la course de haie qui la passionne. Une malformation de la colonne vertébrale la contraindra à s'arrêter. Elle n'abandonne pas la musique, devient professeur, donne des concerts et des récitals. Un an avant sa mort, elle travaillait son piano six ou sept heures par jour. En 1999, elle avait enregistré un disque comprenant des œuvres de Fauré, Brahms, Debussy, Scriabine et la Deuxième Sonate de Rachmaninov, une œuvre redoutable.

Son jeune confrère François René Duchable, cycliste acharné auquel le Tourmalet ne fait pas peur, jouait parfois à deux pianos avec Micheline Ostermeyer et ne cachait pas son admiration pour la pianiste et la sportive : "Elle est capable de jouer des programmes comme peu de jeunes sont capables de le faire. J'ai retrouvé en elle ce que j'aurais souhaité être, un champion sportif, beaucoup plus peut-être, qu'un musicien…"

Une biographie, Micheline Ostermeyer ou la vie partagée a été publiée par Michel Bloit, à L'Harmattan, en 1996.

(envoyé par M. D. pour information)

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