Le lac des Oiseaux: vieux souvenir de 1959.
4 siècles de présence française pour en arriver là !
Envoyé par Gilbert Ibanes et Pierre Barisain
23 Août 2002

Émeutes à El-Kala
Que s’est-il passé pour qu’une ville, de tout temps accueillante
et hospitalière, fasse fuir ainsi les gens ?

Une rixe suivie d’un meurtre, dégénère
Émeutes à El-Kala : 56 blessés

Vol d’un poste-radio dans un parking. S’ensuit une bagarre entre le complice du voleur, A.N. 22 ans, citoyen venu de Batna et le gardien du parking G.R. 34 ans, natif de la région.Le premier sort un poignard et l’irréparable est commis. Outre la perte tragique d’une vie humaine, cet acte malheureux aura des conséquences graves qui vont plonger la ville, des heures durant, dans la violence que l’arrestation du voleur et de son complice n’a pas suffi à calmer. Outre des dégâts matériels importants, les émeutes ont fait 56 blessés, dont un grave, évacué à l’hôpital d’Annaba.

16h30, entrée d’El-Tarf. Impossible de ne pas remarquer le spectacle insolite qu’offre le bus chargé de voyageurs aux vitres entièrement brisées. Pour la plupart des jeunes, les passagers arborent des mines défaites. Certains d’entre eux sont blessés mais ne pensent qu’à une chose, rentrer chez eux. Facile à comprendre, ils ont dû essuyer la colère des émeutiers qui, à coups de pierres, se sont défoulés sur le bus à sa sortie d’El-Kala avant que certains d’entre eux ne se mettent à délester les voyageurs de leurs bagages. À toute allure, les véhicules, différemment immatriculés, traversent El-Tarf, en provenance d’El-Kala comme s’ils fuyaient un danger. Impensable, que s’est-il passé pour qu’une ville, de tout temps accueillante et hospitalière, fasse fuir ainsi les gens ?

Pour le savoir, il faut, tout simplement, s’y rendre. Saisissante de beauté, la ville du corail dégage une atmosphère inhabituelle. Par petits groupes, les hommes discutent, commentent et surtout attendent...Est-ce terminé ? la colère des jeunes callois est-elle passée ? il faut espérer que oui. De toutes façons, les commerçants, eux, y croient. Prudemment, ils rouvrent leurs magasins l’un après l’autre, après les avoir précipitamment fermés, en début d’après midi “nous ne pouvions tout simplement pas prendre le risque de rester ouverts. Ils étaient trop nombreux et surtout trop chauffés à blanc”. Comme tous les autres citoyens rencontrés, le propriétaire du magasin semble surpris et surtout incrédule. La phrase revient sur toutes les lèvres “de mémoire de callois, la ville n’a jamais vécu des moments pareils. Ses habitants sont très pacifiques”.

Pourtant, les images sont là, sinistres et oppressantes. Les dégâts sont à constater, surtout, sur la côte. C’est, peut-être, la première fois dans l’histoire de la ville que ses plages, citées parmi les plus belles d’Algérie, se retrouvent ainsi abandonnées et aussi totalement désertes. Seul, un homme se donne à cœur joie à la baignade. Il sait que, plus jamais, il n’aura cet unique privilège d’avoir, à lui seul, toute l’immensité de cette partie de la Méditerranée. Avec philosophie, il semble ignorer le spectacle affligeant que donne, à quelques mètres, le petit restaurant complètement incendié ou encore celui du véhicule dont la carcasse calcinée vient d’être rejetée par les flots . Et dire que quelques heures plus tôt, ces plages aussi désespérément vides, grouillaient de monde, des familles venues de diverses wilayas et qui, pour la première fois, se heurtent à l’hostilité d’une ville qu’elles ne reconnaissaient plus. Pour leur sécurité, ces familles ont été évacuées par les services de la protection civile vers un établissement scolaire, lequel n’a pas manqué de s’attirer la colère et les pierres des manifestants qui ont brisé quelques vitres, sans faire de victimes ou de blessés. En fin d’après-midi, seules 3 familles étaient encore hébergées dans cette école, les autres étant rentrées chez elles.

Dans leur colère, les jeunes se sont défoulés sur les “étrangers”, à la ville, qu’ils ont rencontrés sur leur chemin, sur les véhicules immatriculés ailleurs qu’à El-Kala, mais aussi sur les bars et les dépôts d’alcool. “Ils étaient des centaines, armés de haches, de barres de fer, nous ne pouvions rien faire”. Défait, le propriétaire du club 36, bar situé en bord de mer, jette un regard circulaire désolé sur ce qui reste de son commerce, florissant il y a quelques heures à peine. En fait, hormis, des débris de bouteilles d’alcool, rien n'a échappé au feu et à la casse, les émeutiers ayant complètement investi les lieux. L’une des femmes, qui travaille ici, vient juste de revenir de l’hôpital. Elle retrousse ses manches pour montrer les points de suture “j’ai été prise à partie par des jeunes qui m’ont violemment agressée”. Dehors le minibus appartenant au propriétaire est également calciné.

À quelques centaines de mètres de là, le même spectacle est offert par un dépôt d’alcools. Les émeutiers sont passés par là. L’odeur des algues marines se confond avec celles des cendres et de … l’alcool, donnant un mélange curieux, traduisant, on ne peut mieux, l’humeur calloise d’aujourd’hui. Comme il se trouve toujours des gens “cartésiens” qui savent tirer profit de toutes les situations, des adolescents et même des enfants, font des allées et venues incessantes, transportant, on ne sait où, des cageots de bières et des bouteilles de vin ayant échappé au massacre.“Ils font cela depuis tout à l’heure. Les policiers sont venus les disperser mais ils sont revenus à la charge dès leur départ.” En face, un petit hôtel aux grilles baissées semble avoir été épargné. Prudents, les propriétaires et travailleurs regardent à travers les grilles “entre, tu vas avoir des problèmes, ils s’en prennent à tous les étrangers”, dit-on à un jeune qui s’exécute de mauvaise grâce,“mais je leur ressemble, moi. En quoi suis-je différent ?” Le retour de la police disperse, plus ou moins, les petits voleurs d’alcool et rassure les autres.

Il semble évident que les forces de sécurité aient reçu des ordres de ne pas user de moyens forts de dissuation. N’empêche, nous apprend-on, que l’hôtel El-Mordjane, a échappé de peu à la colère dévastatrice. Si la situation n’avait pas été maîtrisée, on ignore jusqu’où la colère juvénile aurait été.

En fin de journée, la vie reprend petit à petit son cours normal. Un jeune, la jambe dans le plâtre, se dirige vers le commissariat. Venu de Biskra pour des vacances, il s’est retrouvé au milieu d’émeutes dont il ne comprenait rien. Menacé par un jeune, armé d’un poignard, il a dû sa survie à un saut par-dessus une falaise. Il s’en sort avec une fracture. Exception faite du blessé, gravement atteint, dont l’état a nécessité son évacuation à Annaba, tous les autres avaient quitté l’hôpital, hier, en fin de journée.

La nuit commence à envelopper la ville, annonçant la fin d’une journée violente au cours de laquelle un ciel gris s’est fait le complice d’une population maussade qui a tenu à venger l’un des siens.

Ce qui s'est passé est simple: La Calle, sur la côte de Kroumirie, à proximité de la frontière tunisienne, a été le siège de la Compagnie Marseillaise de Corail au XVI et XVIIème Siècle au "Bastion de France", à 8 km à l'ouest, puis au XVIIIème, dans les vestiges du vieux port romain de Tuniza. C'était le plus ancien comptoir français des Côtes d'Afrique.
Aprés 40 ans d'interlude algérien, La Calle redevient Kroumir et conseille aux Chouias de Batna ou aux autres ethnies du coin, d'aller se faire cuire un oeuf ailleurs. Leur parole n'est pas d'Or mais de Corail.
On dirait une fable de La Fontaine, mais La Fontaine n'est pas politiquement correct.

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