Le passé recomposé
Par M. Hammouche
Quand, il y a quarante-six ans, Abane Ramdane parvenait à faire adopter la plate-forme de La Soummam, il croyait avoir prémuni le pays, une fois indépendant, des convoitises passéistes et des ambitions claniques. En réalité, il venait d’accélérer la contre-révolution. Car, en effet, c’en est une. Et le jour de son indépendance, l’Algérie était déjà aux mains de ceux qui avaient décidé de lui contester toute perspective démocratique et autonome.
Aidés par leurs “frères arabes”, ils ont fait main basse, par la force, sur un pays qui vient de sortir de l’épreuve coloniale, épreuve dont ils se sont dispensés, se contentant de fourbir leurs armes, derrière les frontières tunisienne et marocaine, pour donner le coup de grâce à ce qui subsistait de l’esprit de La Soummam.
Quarante-six ans plus tard, ils tiennent toujours l’Algérie en laisse ; ils ne l’ont jamais lâchée, se relayant dans un même système qui tente de faire croire que la succession de ses clans équivaut à des alternances.
Jusqu’en 1988, la répression des élites et des mouvements démocratiques a constitué l’essentiel des moyens d’action des forces de la régression. L’œuvre d’étouffement de l’expression et de la contestation a été complétée par la stratégie de la rente qui a fait de l’Algérien un assisté, qui, jamais, ne croit pouvoir changer sa condition sans souscrire à la rente qui convient à sa position : du planton au membre de “l’organisation de masses”, du cadre à “l’ayant droit”, du haut fonctionnaire au négociant du marché noir, tous ont intégré leur dépendance vitale du passe-droit, du “bon”, du quota et de leur …silence. Dans une économie étatisée, nos revenus variaient, mais nous avions tous, en tout cas, pour l’écrasante majorité, les salaires des agneaux. L’arabisation idéologisée des générations post-indépendance finissaient ce véritable processus de révolution culturelle, au sens chinois, qui fit que plus tard un bon Algérien devait s’identifier à son “aïeul” oriental, au mieux, ou un taliban afghan, au pire
Tout y est dit, sauf l'essentiel: c'est que pour parvenir à ses fins, le FLN a tué 10 fois plus de "frères arabes" que d'européens, à commencer par Abane Ramdane, lui-même, kabyle et seul vrai intellectuel de l'équipe du début, étranglé à Tétouan en 1956 par le Colonel Boussouf.
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