Monsieur votre femme a raison. Quarante ans ont passé et vous avez les cheveux blancs. Vos enfants, vos proches ne comprennent plus très bien votre discours. Vous évoquez des noms qui ne sont même pas dans le dictionnaire, vous contez un pays qui n'existe plus, peuplé par des fantômes, et quand vous vous réunissez avec vos amis, c'est pour évoquer vos maux de vieillards.
          Alors Monsieur, prenez la vie comme elle vient. Profitez le plus possible des instants qui vous restent, et laissez à d'autres le soin de faire l'Histoire.

          Certes, l'Histoire jugera, mais dans combien de temps. Je ne sais.
          Mais vous n'éviterez pas que je vous dise encore deux mots.
          Le premier vient d'un auteur Jeannine VERGES-LEROUX qui après une longue enquête (2003) sur les pieds-noirs conclut : " Qu'ils aient fait des études ou non et quelles que soient leurs opinions, on retrouve certaines de leurs qualités, de leurs forces. Si on les lit de prés, on verra en tout cas qu'ils n'ont rien à voir avec les clichés qui traînent. On pourrait objecter : s'ils étaient comme ils se montrent quarante ans plus tard, comment a -t-on pu en faire, jadis,( ? ) une peinture aussi négative … ?"
          Je crois que les qualités évoquées sont toujours là, nous n'avons guère évolué sur ce point, mais la question posée mérite une réponse, que les Français n'ont pas encore écrite.
          La deuxième remarque c'est la décolonisation.
          C'est un mot relativement récent, mais qui est l'inverse du sens originel de colon, celui qui cultive.
          Je vois chaque jour les résultats de la décolonisation.
          En Indochine à notre époque, le mot boat people n'existait pas et chacun avait de quoi remplir son bol de riz.
          Décolonisez avez-vous dit, c'est le mot magique qui fait arriver très rapidement l'aide humanitaire. Les exemples sont si nombreux que je n'en citerai aucun, ouvrez votre journal Monsieur…
          L'aide humanitaire devrait avoir comme pourvoyeur de fonds tous les intellectuels que le mot colonie fait frémir.
          Je sais, on ne peut se réjouir de la famine des uns ou de la barbarie d'un autre âge des autres. De même on ne peut que se désoler de l'intégrisme si proche de l'Islam.
          Mais la perfidie de certains penseurs--philosophes à la courte vue et à la plume acérée ne doit-elle pas un jour être comptabilisée, et responsabilisée. En Algérie, le joug de la colonisation devait être bien léger puisque à un moment, un sondage publié par France-soir démontrait la volonté de 80% des Algériens d'acquérir la nationalité française.
(Camus- Chroniques algériennes).

          Quel gâchis, dû à l'âpreté des uns, à l'orgueil de l'autre, à la méconnaissance des uns et des autres.
          Je n'évoque même pas les boucheries internes dignes d'un autre âge, d'une autre culture mais admises en décolonisation.
          Réfléchissons sur la progression de l'Islam en France et dans le Monde ?
          Pour moi, si vous vous laissez aller, si vous ne conservez pas la haute main sur la laïcité, attendez vous aux pires tracas.
          La guerre civile est affreuse, la guerre de religion est d'une autre époque pour nous. Qui veut aujourd'hui mourir pour le Christ beaucoup moins que ceux qui meurent pour Allah.
          Je vous promets Monsieur d'ouvrir l'œil, mais j'ai encore une question à vous poser : n'y a-t-il pas quelques Pieds-Noirs qui ont voulu rester sur la terre algérienne ; ont-ils eu cette aura que le savoir donne et qui engendre la confiance ?
- Vous parlez comme Roro de Bab el Oued, l'accent en moins.
-Moi, je n'en connais qu'un : Monseigneur Duval archevêque d'Alger. Tous sont partis, après un, deux ou trois ans de déceptions.
Un instituteur avec sa classe de 72 élèves a tenu 2 ans, et découragé, il est revenu.
Un autre a essayé de garder sa ferme pendant 3 ans ; ne voulant pas être massacré, il a pris le chemin de l'exil entouré par ses ouvriers.
- J'ai bien compris vos arguments, mais, n'existe t-il pas une troisième voie, une sorte de soutien, de coopération.
- L'idée est gaullienne et intellectuellement valable mais, en dehors du fait que le tutorat même léger est mal accepté, il coûte cher, même avec les effets induits...
          Ces arguments tombent hélas d'eux-mêmes après un laps de temps plus ou moins grand, on retombe dans des politiques tribales ou intégristes. Je vous demande de me citer un seul pays où, après une " très longue colonisation ", Royaumes, Etats ne soient devenus des potentats ou des Républiques bananières ne portant le mot démocratie qu'en bandoulière.
-Si vous avez une solution … faites le savoir.
          Il existe une méthode made " in U.S.A. " que je ne commenterai pas

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