STAOUÉLI EN 2008

La région de Staoueli, Sidi Ferruch, la Trappe (Bouchaoui) a vu son habitat progressé de façon exponentielle. Les cultures maraîchères ont fait place à une urbanisation dévorante causant parfois un déséquilibre dans le rapport travail/habitat. Quant à la forêt de Sidi-Ferruch, elle a rapetissé d’une façon inquiétante.

Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage….

C’est près de cinquante ans après que je redécouvre mon village, qui est devenu une ville de 60 000 habitants.

Mon premier sentiment, c’est l’étonnement. Je n’ai plus les mêmes repères, je recherche des points d’appui< et j’ai des difficultés à trouver mes jalons. Tout a tellement changé.
Ma première visite va à mon ancienne demeure. Comment voulez-vous comparer cette petite villa à ce monument de 3 étages ?

Celui qui retrouve sa maison est un homme heureux, même si les murs cachent souvent l’architecture première.

J’ai fait le tour du quartier, les maisons à un étage tentent de disparaître, remplacées par des immeubles.



      

Ici, on aperçoit la maison Marnet et “ l’immeuble “ex- Antoine.
Là, l’ex-magasin de Mme Ribourel qui vendait en son temps des appareils ménagers. D’après ce que j’ai pu voir, on n’y expose en vitrine que des couscoussiers.

Une nouvelle rue conduit les nombreux automobilistes vers une destination inconnue par moi.

Mes voisins, les Segond, d’un côté et les Arnau de l’autre n’ont pas subi de grandes modifications et certains peuvent encore montrer aux étrangers des anciennes maisons “coloniales“ avec quelques murs en plus pour garantir une intimité jalousement préservée.

Puis, j’ai demandé s’il était possible d’honorer une commande de Mme Fauthoux qui aurait aimé revoir en photo son ancien appartement de fonction quand elle professait à l’école de Staouéli.

Satisfaction m’est donnée, mais pour y arriver nous nous engouffrons dans un dédale de ruelles pour arriver devant un mur noir de 2 mètres de haut.

De là nous avons pu apercevoir ce qui a été l’appartement de M.et Mme FAUTHOUX. Il nous a fallu les explications d’un prof algérien qui très gentimentnous a indiqué notre chemin dans ce labyrinthe.

Il reste une sorte de respect pour les anciens profs français qui se perpétue chez les générations aujourd’hui vieillissantes.

C’est ainsi, presque à titre de relique, que les vieilles tables d’écoliers avec encriers en porcelaine sont encore gardées.

Aujourd’hui, le corps enseignant a pris des proportions importantes pour instruire une population qui n’est plus comparable avec celle de notre village. Les anciens Staouéliens sont si peu nombreux, noyés dans une masse d’Algériens venant des montagnes et n’ayant pas connu le Staouéli d’antan. Ces derniers forment une sorte de “club “, un groupe auquel on peut faire confiance.

La classe de Mme Fauthoux est restée intacte

Etant près de l’école, j’ai voulu dire un dernier au revoir à la maison de mes ancêtres, construite par eux, et où j’avais passé ma petite enfance. Par la suite elle fut acquise par M. Napoléon qui la loua. Elle a hébergé dans ses murs la“ territoriale “ et récemment le Bureau du“ F.I.S.“


Il est bientôt l’heure du déjeuner et un Couscous chez Berrich nous attend.

C’est un vrai Staouélien car il exerçait à notre époque la fonction de facteur. Il est à ce jour restaurateur dans l’ancien garage de Pape en face de chez Mignano et participe à la renommée du village de Staouéli qui a pris le pas sur Fort de l’eau pour ses brochettes et merguez. Chaque établissement de boissons ou de restauration possède son grill et, le soir, des parfums suaves et appétissants s’élèvent dans tout le village.

Nous sommes en face du restaurant de Berich ex garage Pape .Il y vend un excellent couscous, ainsi que des glaces et des brochettes.

Au coin de la rue, la pharmacie qui n’a pas changé d’emplacement, puis les immeubles Mignano.

Voici l’immeuble qui remplace la maison Chaudière jadis au jardin orné de statues.


Les temps changent …

C’est l’heure de la prière, tous se rendent à la mosquée qui, malgré son extension, est trop petite pour contenir tous les fidèles. La veille du vendredi, les trottoirs jouxtant la mosquée sont nettoyés et les retardataires trouvent là un endroit pour déployer leurs tapis de prières.

Le restaurant se vide, heureusement la télévision diffuse la prière ainsi que le prêche de l’imam.
Il existe, m’a t-on dit, quatre mosquées à Staouéli, plus une à la Bridja.

La cérémonie religieuse se termine, Berich est de retour, nous reparlons du temps passé. Je rencontre un ancien, nous étions dans la même classe. En partant, il m’a dit :«  Vous, les Pieds Noirs, quand vous êtes partis, vous avez pris avec vous charme et gaîté ». Je suis prêt à le croire car l’Algérie vit dans un état policier qui certes sécurise, autant que faire se peut, une population nombreuse qui a migré vers les côtes. Cet état de fait n’encourage pas à la rigolade.

Si les Algériens sont sérieux, ils n’en sont pas moins hospitaliers. Je ne sais combien d’invitations des plus aimables, des plus amicales nous avons dû refuser.

Mon sésame était :“ j’étais du village“, que j’y avais vécu et, à partir de ce mot de passe, les discussions à cœur ouvert pouvaient s’engager, libres, sans contrainte, sans orientation précise de ma part. Le leitmotiv qui surgit et auquel on ne s’attend pas reste la question “pourquoi vous êtes partis “.

Ma réponse est évasive car les raisons sont si nombreuses qu’une tasse de café n’aurait pas suffi.

J’ai offert notre livre “ Il était une fois Staoueli “ à notre hôte. Son fils s’est précipité pour en prendre connaissance sans que je n’aie eu le temps de le dédicacer. Cet engouement pour ce qui n’est plus que de l’Histoire est surprenant, surtout chez un jeune. La réponse est peut- être dans la question ?

Ma carte photo numérique étant pleine nous sommes allés chez le photographe. Ce dernier se trouve juste en face de ce qu’était la cave Brock.


Un immeuble de plusieurs étages va y être construit. Staoueli se refait un visage avec l’aide des yeux bridés venus de chine.

Ma visite au cimetière de Staoueli est un point fort de notre voyage.
Ces terrains appartiennent encore à la France et des crédits sont alloués pour leur entretien. Je ne connais pas le responsable qui est accrédité à cette gestion. Je témoigne que l’ensemble est dans un état déplorable.
En 1990, lors d’une visite organisée par les Pieds Noirs, j’avais reçu une photo, prise par H.Coffinet, qui me rassurait.

Il n’en est pas de même aujourd’hui car les caveaux et les tombes sont dans un état pitoyable.

Le caveau peint en rose date de 1990, en 2008 la peinture n’existe plus, l’angelot au-dessus du fronton est parti vers d’autres cieux, quant aux grilles existantes en 1990, il n’en reste plus qu’une !

Certaines plaques de marbre ont été enlevées, d’autres remises à la hâte apprenant ma venue par l’outil de communication le plus performant : le téléphone arabe. Hélas les plaques ont été placées à l’envers et le ciment trop frais. Mais quand nous sommes arrivés une équipe de nettoyage venait d’arracher quelques brindilles placées dans une immense benne vide !



EN 2008


EN 1990

Au fond du cimetière des jeunes gamins s’initiaient au foot…
Que vous dire de ma déception, elle est réelle mais j’étais préparé à ce choc.

Staoueli est une autre ville, que je ne connais pas, que je ne veux plus connaître. Certes, c’est la terre de quatre générations de ma famille et rarement on oublie ses racines. Le changement est trop violent, la population trop dense, les visages me sont inconnus à part quelques vrais Staouéliens que je salue. Qu’ils gardent le plus longtemps possible le patrimoine laissé, pour peut être, faire comprendre que nous n’étions pas tous des tortionnaires.


A la place de l’ancien café du Louvre, un immeuble en construction …

                                                                            Robert ANTOINE.


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