C'est au travers de l'accident d'avion qui causa la mort du Général Laperrine que j'évoquerai les Compagnies Sahariennes. Je les illustrerai par quelques photos prises lors d'une méharée.
        Créées en mars 1902, à l'initiative du Général Laperrine, les " Compagnies des Oasis " ont su, depuis leur création, faire régner la paix dans un pays à l'instinct belliqueux toujours à fleur de peau.
        Composées au départ de spahis et de tirailleurs, elles deviennent, après fusion avec les " goumiers ", l'élément essentiel de la Pacification Saharienne. Débarrassées d'éléments douteux, il ne restera plus que des sujets originaires des tribus nomades, habituées à vivre de ce que l'on peut trouver dans le Sahara ou de ce qui peut y être facilement apporté. " Il ne faut plus vivre sur le pays mais vivre dans le pays. "
        Ce qu'il importait surtout de développer chez le saharien, c'était l'aptitude à la longue marche, de façon à ce qu'il acquiert une résistance quasi infinie. " Plus longtemps le méhariste tire son chameau par la figure, plus la méharée sera de longue portée, rapide, et l'effet de surprise incontestable. "
        Ce sont là les principes que développa Laperrine

        Restait la question du choix des cadres. On fit appel à des volontaires gradés, en garnison dans le Tell, âgés de vingt et un an au moins, et comptant dix-huit mois de service.
        À ses cadres, Laperrine inculquait cette devise : " De l'activité, beaucoup d'activité et d'initiatives. J'aime mieux un chef qui se trompe qu'un paresseux ou un timoré qui ne commet jamais de faute parce qu'il attend des instructions et n'ose rien. " disait-il souvent.
        Associé à Laperrine, le R.P.de Foucault. Camarade de promotion du Chef des Oasis, ils furent deux inséparables amis, deux grands Sahariens, qui vécurent une extraordinaire aventure. Quand la guerre 14-18 éclate, Foucault veut quitter son Hoggar tant aimé, pour devenir aumônier sur le front. Laperrine refuse, voulant toujours rester présent au Sahara, par personne interposée, savoir : Foucault.

        Le premier décembre 1916, à la tombée de la nuit, un Harratin qu'il avait soigné, guéri, frappe à sa porte pour lui remettre une lettre. Sans méfiance, le Père ouvre sa porte et tend la main ; on la lui saisit. Le voilà bientôt terrassé, les mains attachées derrière le dos. Il tombe à genoux et prie. Le Harratin, d'un coup de fusil, lui fracasse le crâne. " Le Laperrine en robe de bure est mort. "
        En 1918, Laperrine retourne au Sahara, il évalue les méfaits de la guerre. Une sorte de reconquête est alors entreprise, tant sur les habitants que sur les moyens. L'aviation pointe son nez et trouve en Laperrine un véritable défenseur.

        En 1920, il remplace le Général Nivelle pour une reconnaissance, il embarque depuis Tamanrasset, le 18 février, à bord d'un Breguet, qui, hélas, ne prévoit que deux places. Qu'importe, le Général voyagera sur les genoux du jeune mécanicien, Marcel Vaslin.

        Le pilote, Bernard, reçoit l'ordre de régler sa marche sur l'avion accompagnateur du Commandant Vuillemin. Ce dernier navigue à la boussole, au lieu de suivre la piste jalonnée.
        Le Général Laperrine se rend compte que les appareils ont dérivés mais, à 10 heures 30, Bernard prévient ses passagers qu'il ne reste que peu d'essence, lance par T.S.F. des messages, puis des S.O.S.. Il est en détresse.
        Aucun récepteur ne captera ses messages, la T.S.F. n'est qu'à ses débuts.
        Le pilote tente d'atterrir. A une quinzaine de mètres du sol, de violents remous secouent l'appareil. Le pilote coupe le contact pour éviter l'incendie, l'aile droite touche, l'appareil roule une vingtaine de mètres sur un terrain d'aspect correct, puis les roues s'enfoncent dans le reg mou, l'avion capote.
        Le général, qui n'est pas attaché, gît, coincé entre le pare-brise et le corps de Vaslin dont la tête fouille le sable. Le pilote sort indemne de sa carlingue, court dégager ses compagnons. Le Général a la clavicule gauche cassée, une côte enfoncée, il croît à des contusions internes. Vaslin se plaint de douleurs dans le dos et à la jambe droite. Pour cette nuit, on dormira sous l'appareil.
        Le 19, à la pointe du jour, le Général décide de partir vers le nord-ouest.
        On rassemble tout ce qui peut être nécessaire comme du lait condensé et du phoscao et le plus d'eau possible.
        Ils se mettent en route, Laperrine se raidit ; sa jambe droite, pesante, révèle sa souffrance. Pourtant, ils marchent 5 heures, font halte au fond d'un oued, essaient de se signaler en allumant un grand feu d'herbes sèches, tirent trois coups de feu, Rien. Aucun signal, aucune réponse.
        Le 20, la marche est plus difficile dans le sable mou.
        Au sommet d'une dune, le Général braque ses jumelles, il ne reconnaît pas la région. Déconcerté mais pas vaincu, il s'attarde sur ses cartes, mais est obligé de constater qu'il est perdu.
        La décision est prise, ils regagneront l'épave de leur avion, c'est là, pensent-ils que les secours les retrouveront le plus facilement.
        Le 21, ils reviennent sur leurs pas. Le Général est déprimé, courbé ; il résiste à la douleur. À la halte de quatre heures, la soif a tué la faim. Ils se relèvent, mais trois heures plus tard s'affaissent et mangent du bout des dents.
        Le Général se sent à bout de forces ; une plainte monte du bout de ses lèvres : " mon dos ! mon dos ! "Le pilote Bernard le masse en versant sur son corps endolori " l'arquebuse "qui engourdit la souffrance.
        Le 22 février, Laperrine écrira : " rentrés à l'appareil, vannés à fond ".
        Puis, c'est l'attente, l'interminable attente, avec un blessé dont l'état se détériore de plus en plus.
        La 27, une tempête se lève pendant huit heures, tournoie et rugit, enveloppant les naufragés du désert dans un tourbillon de sable.
        Enroulés dans leurs couvertures, ils essaient de survivre, buvant l'eau du radiateur de l'avion, se forçant à se nourrir. Ils ont la tête vide.
        Marcel Vaslin notera le premier mars : " Voilà 12 jours que nous n'avons vu personne, ni amis, ni ennemis ; des marques de grand désespoir sont visibles sur nos traits. "
        Le 3 mars, après avoir essuyés une nouvelle tempête de sable, Bernard confie au Général qu'il a consulté les cartes et va essayer de marcher, avec Vaslin, vers Tin-Zaouten, qui se trouverait à 120 kilomètres.
        Le Général sourit tristement : " j'y consens, mes enfants. Mais si vous allez là-bas, vous n'en reviendrez certainement pas. "
        Bernard et Vaslin partiront. A la troisième rangée de dunes, Bernard s'écroule : " je ne peux plus avancer ni reculer, je reste là. " Vaslin ramènera son compagnon vers l'avion.
        Il retrouve le Général, très affaibli, la bouche pleine de sang. De la tête, il invite à prêter l'oreille ; il murmure : " Mes enfants, on croit connaître le Sahara ; on croit que je le connais ; personne ne le connaît. Je l'ai traversé dix fois et j'y reste, la onzième. "
        Le 5 mars, vers midi, il réclame de l'eau, Bernard le fait boire.
        A 15 heures, Laperrine est mort, vers Tin-Zaouaten, sans une plainte, sans un gémissement.
        Les secours arriveront le 14 mars, conduits par le Lt Pruvost qui, après une marche forcée, pourra secourir les deux survivants, Bernard et Vaslin.
        25 jours de solitude totale…
        Le Général Laperrine sera enterré à Tamanrasset, près de la tombe du R.P. de Foucault.



        Les étoiles et la bure ont fortement marqué le Sahara et particulièrement le Hoggar.

        Dans les années 1960 les Compagnies Sahariennes avaient encore gardé les principes de leur créateur.

        Elles partaient pour des missions de contrôle des caravanes commerciales, effectuaient des secours humanitaires et entretenaient les puits et gueltas abandonnés.


Dans l'attente du Chef de peloton

        Le peloton était relié par radio à Tamanrasset, l'opérateur était souvent un infirmier. Chaque fois que nous arrivions dans les campements, " l'homme des soins " était assailli par une demande très forte de cachets d'aspirine, remède miracle dans ces coins si reculés qu'ils ne figuraient pas sur les cartes, encore bien imprécises.
        Le lendemain, nous repartions vers d'autres campements, à quelques jours de marche, dans la direction indiquée par le chef du peloton.
        Le réveil sonnait tôt ! Vers 3 heures du matin, certains Touareg allaient rechercher nos montures qui, bien qu'entravées, avaient fait plusieurs kilomètres pendant la nuit.
        Le départ était donné vers quatre heures et l'on tirait à pied " la gueule de sa monture ", pendant plusieurs heures, attendant que le soleil soit assez haut dans le ciel…
        L'animal blatérait, bavait, crachait, certainement très mécontent de se faire tirer par les naseaux. On se dirigeait aux étoiles, parfois à la boussole.
        Puis, nous montions sur nos montures, les plus hautes de la créature et, avec le pied sur le cou et la longe, nous guidions le méhari. Son balancement continuel nous invitait à la somnolence, voir au sommeil, la selle Touareg n'a rien d'un sofa.

        Le repas du midi était frugal. Quand nous trouvions un peu d’ombre, c’était parfait puis, rapidement, venait le thé que nous consommions très chaud et souvent plusieurs fois.

        Tant que le soleil n’était pas trop ardent, nous remontions sur nos bêtes, espérant arriver pour la nuit à un point d’eau.
        La soupe, préparée par un cuisinier Touareg, malmenait nos estomacs car vraiment trop épicée, la galette de mil adoucissait le feu du piment.
        Suivant les missions reçues, le chef du peloton nous faisait baraquer dans un endroit précis et, là, nous dessellions nos montures, les entravions. Elles partaient pâturer ou dégarnir quelques épineux.

        Nous, nous cherchions un coin près du feu et nous nous enroulions dans nos couvertures car les nuits sont froides.
        Cette façon de faire se répétait de jour en jour, de mois en mois…
        Au cours de notre itinéraire, nous récoltions des informations sur ceux qui étaient passés, sur ceux qui allaient venir, sur l’état de la piste.
        Le retour vers Tam, fait partie d’un cérémonial bien précis.
        Avant d’arriver, nous baraquons à une trentaine de kilomètres pour y passer notre dernière nuit sous les étoiles.
        Le lendemain, une citerne nous apporte de quoi nous laver, nous raser et redonner à notre tenue un lustre quelque peu émoussé par ce long périple.

        Nos montures, qui avaient si fière allure au départ, ont maintenant une bosse bien aplatie, ce qui rend son aspect encore moins avenant. Il est temps que le peloton se mette en ordre de marche, qu’il revête ses habits de parade pour entrer dans la ville.

        On selle pour la dernière fois la fameuse rhala sur la bosse bien pendante de notre méhari, une dernière inspection du chef de peloton et pour cette fois nous ne tirerons pas notre monture.

        C’est au petit trot que nous rentrons à Tam, aucune foule ne nous attend, le spectacle est habituel et répété tout le long de l’année.

        Sous les tamaris, le peloton défile dans les rues de Tam avant de s’engouffrer dans le Fort Laperrine.
        Avant d’écrire le mot fin sur le Hoggar, je dois préciser que le récit rapporte des faits datant des années soixante, que depuis le vent de sable a soufflé et a bouleversé beaucoup de situations.
        Cela n’enlève rien à la beauté du paysage, à sa démesure, à son immensité. Que le dévouement, l’abnégation, le sacrifice de plusieurs sahariens soient reconnus, fassent partie de notre « épopée » tellement plus prestigieuse et humaniste que celle de nos amis américains !
        Moi, je n’étais que de passage, lui, restait. Je ne remercierai jamais assez ce chef de peloton dont les années m’ont fait oublier le nom, qui était un véritable saharien, au sens le plus noble du terme.

Robert ANTOINE             

Novembre 2007

Les vents du Sud ont apporté quelques nouvelles : Sans commentaires, je vous livre ce que j’ai reçu ;

Résistance Touarèg du Mali

4 février 2007 14:36

        Tandis qu'on nous rabache la cause palestinienne et d’autre peuple arabe voila un peuple qui est persécuté chez lui et qui n’intéresse aucune des grandes nations pour sa défense et survie.

        Le panarabisme avec ses centaines de chaînes de télévisions répand sa doctrine de peuple (dominer opprimer) tandis qu’a l’autre bout de la terre se meurent un peuple dont ils ont oublieux, pas ce que berbère.

        Tous ces pouvoirs en Afrique du Nord défendent le moindre palestinien qui tombe mais quant, il s’agit d’un Touareg (amazigh) on n'en tient pas compte comme si la vie d’un palestinien est supérieure à celle d’un touarègue.

        BRAVO M. Belgacem lounes pour votre visite, j’espère que vous tiendrez vos engagements envers ce peuple.
Kocei

Révolte Touareg :                           
Les armes contre la misère.

Dimanche 26 août 2007

        Les armes contre la misère, c’est le raccourci le plus approprié pour résumer la situation que vivent les Touaregs du nord du Niger. Baptisée Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ), la rébellion des hommes bleus a pris comme cheval de bataille les droits socio-économiques des Touaregs nigériens et des autres communautés.

        Dirigée par un ex-opérateur touristique originaire d’Iferouane, Aghaly ag Alambo, que « ce désert inutile ne nourrit plus », le mouvement se veut fédérateur de tous les mécontents du régime de Niamey. Parti de la région montagneuse de l’Aïr, comprenant Agadez et Arlit, l’une des plus déshéritée du Niger, pays comptant parmi les plus pauvres de la planète. Le soulèvement gagne du terrain au fil des succès militaires et diplomatiques des insurgés.

        Néanmoins, ce conflit entre le MNJ et les forces régulières nigériennes FAN, n’est que partie remise de la rébellion du début des années quatre vingt-dix. Des accords de paix ont été déjà signé en 1995 entre le gouvernement de Niamey et les rebelles, mettant à l’époque fin à cinq années d’affrontements sanglants. Les accords pour une meilleure répartition des revenus de la production minière entre le gouvernement et la région, et la consécration d’une importante partie de ces revenus à la réalisation de projets de développement de la région, ne sont pas respecté par le gouvernement de Seini Omar selon les rebelles. Le vote en 2006 à l’assemblée nationale nigérienne d’une loi accordant 15 % des bénéfices de sociétés minières aux collectivités des territoires d’où le précieux minerai est extrait, ne semble pas dissuader les Touaregs d’emprunter le chemin des armes.

        L’attaque du MNJ contre leur poste de Tizirzet (435 Km au nord d’Agadez), le 22 juin dernier, qui s’était soldée par la mort d’une quinzaine de soldats et celle d’un site d’exploration minière à Arlit sont les faits d’armes les plus médiatisés du mouvement.

        Parmi les revendications des rebelles figure l’embauche par les sociétés d’explorations minières de 90% du personnel parmi les autochtones. Ainsi que la consécration de 50% des bénéfices à des projets de développement de la région. Revendications qualifiées d’égoïstes par les satellites de l’Etat au sein de la société civile. Pour une population qui subit la pollution atomique jusque sur ces trottoirs l’égoïsme n’est-il pas ailleurs ?

        L’histoire du peuple Touareg est parsemée de tragédie, depuis que la France coloniale ait mis le pouvoir des deux pays subsahariens le Mali et le Niger entre les mains d’ethnies minoritaires. En 1963 une première révolte est réprimée dans le sang par le gouvernement malien. Dix ans après, la sécheresse décima les cheptels, sous le regard impassible des gouvernements, les privant ainsi de leur principale rente. Les années quatre vingt la dictature de Seyni Kountché était particulièrement virulente contre les dirigeants Touareg. Le massacre entre mai et juin 1990 de Tchin-Tabaraden d’un millier de civils Touaregs a sonné le glas de la relative paix dans la région.
Zahir Boukhelifa


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