Tant pis si vous n'aimez pas les olives ni les paysages rudes et sauvages de Kabylie. Je me propose de vous y conduire, quand même, dans des coins perdus du Djurdjura, où certains villages sont sans nom et quand vous interrogez un autochtone, il parle de son bled, sans préciser.
            Dans les années 1960, je me suis aventuré dans une de ces régions, par des chemins de terre où parfois l'air vif de novembre ne me faisait pas moins frissonner que vers l'inconnu où j'allais.
            Je devais montrer l'aspect économique de la Kabylie et son aménagement, c'est-à-dire l'électrification de ces villages perdus où la fée Electricité n'avait pas encore montré le bout de son nez.
            C'était la période de la cueillette des olives, une activité première de cette région.

            Arrivé dans les hauts contreforts du Djurdjura, je vois ces nids d'aigles accrochés aux parois de la montagne, entourées d'une forêt d'oliviers.
            Ici, au fond de la vallée, coule un oued sans nom qui est un affluent de la Soummam, le fleuve le plus important de la Kabylie, là, la nature est intacte depuis des siècles et la main de l'homme n'a pas encore ravagé le site. Quelques ponts ont été construits par les Romains ou par d'autres, mais pour aller où ? Nous sommes ici dans le nulle part. Les habitants du lieu vivent comme si le temps était immuable et rien ne semble avoir changé depuis des lustres…
            Les femmes cueillent les olives en battant les plus hautes branches avec de longues perches, elles en font des tas, qu'elles trient, accompagnées par une marmaille en âge de marcher.

            Puis, on charge les ânes pour que le plus jeune des vieux conduise la récolte au moulin. Chaque tas appartient à un des propriétaires des oliviers. Les plus riches ont des monticules importants tandis que les moins aisés devront faire quelques économies sur leur consommation d'huile pour l'année.
            La récolte des olives dure à peu près un mois.

            La main d'œuvre est essentiellement locale, chaque famille prêtant son aide à d'autres, moyennant une rémunération en kilos d'olives.
            C'est ainsi que je me retrouve dans des temps bibliques, sans qu'aucun moteur ne vienne troubler le silence ; parfois un chant de femmes joyeux et mélancolique à la fois, vient agrémenter ce vide sonore, vite interrompu quand l'ânier se présente pour un autre chargement.

            L'homme est harassé, l'âne fourbu, après toute une journée de va-et-vient entre le centre de cueillette et le moulin à huile.
            L'homme est affairé. Son moulin, à mi-chemin entre les oliveraies et le village, facilite le transport plus rapide des olives.
            Celles-ci sont pressées, l'huile non filtrée et aucun jet de vapeur ne vient aider à un meilleur rendement. C'est de la pure huile d'olive, avec ce goût particulier que donne la qualité de l'olive, sa maturité, la nature du sol. C'est la richesse de la Kabylie, elle permet, à une population laborieuse, de survivre.

            Je terminerai mes errances en Kabylie par une vision quelque peu simpliste de notre présence là-bas. Certes, une guerre ne se fait pas avec des enfants de Marie mais s'il y a des torts, chaque côté eut les siens.
            Si ce postulat est admis et je ne vois pas comment il ne le serait pas, c'est qu'à l'inverse d'autres pays, nous croyions, certainement à tort, que nous avions une mission civilisatrice à accomplir. Foutaises, me direz-vous !
            J'en conviens, à la vue des résultats qui surgissent 40 ans après, avec une médiatisation qui fait frémir. Que deviennent les différents plans de Constantine qui programmaient justement l'amélioration du niveau de vie des habitants de l'Algérie ? L'oubli n'aurait-il qu'un sens ?
            Pour preuve, deux photos.


            Installation d'une ligne électrique Haute tension de 30 000 Volts

            Piliers basse tension (220/380 volts) à usage domestique
            Je ne résiste pas à vous montrer une école Kabyle.
            Une école c'est le lieu où l'on enseigne le savoir. Dans ces contrées perdues où le climat est rude, ou les routes sont rares qui aurait voulu enseigner dans des conditions aussi spartiates dans un local que nous appelons chaumière ? Un soldat du contingent l'a fait ! Je ne connais pas son nom, ni le coin de France où il habite, je sait qu'il a passé de longs mois à essayer d'apprendre le calcul, la langue française dans un dénuement qui frise l'ermitage. Pourquoi ? La réponse vous appartient.

            Mais quand j'entends que la présence française n'a rien apporté à l'Algérie, alors je ne peux m'empêcher de sourire.

R.Antoine Mars 2007



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