Je vous emmène dans un pays moyenâgeux, ou du moins l'était-il quand j'y suis allé, dans les années 1958 à 1960.
            Un pays où le minéral a pris la plus grande place, où les chèvres et les dromadaires, que l'on appelle chameaux là-bas, sont la richesse des habitants, où un seul homme possède la propriété de toutes les terres, je veux parler du pays des hommes bleus...
            Je ne suis pas un spécialiste de cette région, mais mes nombreux séjours dans les différentes parties de ce pays me permettent une approche documentée bien qu'incomplète.
            Allons, prenons l'avion à Alger pour nous diriger vers Tamanrasset, notre première étape. Un vieux DC 3 nous y amènera après un long, très long vol.
            Ce fut le plus émouvant vol que je n'ai jamais fait. Le survol, pendant des heures, du grand erg oriental vous subjugue, c'est une image gravée dans ma mémoire un peu comme si je découvrais la mer.
            Les roues du DC 3 touchent le sol caillouteux, nous sommes un peu ballottés, mais le pilote a eu la gentillesse de survoler Tamanrasset. Ce n'est pas une ville, ce n'est pas un village, c'est un amas de petites maisons basses, sans immeuble, seulement de la terre rouge agglomérée donnant une impression de casbah.

Tamanrasset en 1959

            Mais dès que nous avons les pieds sur terre, un panneau nous indique que nous sommes à 1800 kilomètres d'Alger à vol d'oiseau.
            Pour comprendre un tant soit peu le Hoggar, il nous faut des repères.
            Trois monuments commémorent la présence française à Tamanrasset ; il s'agit de la tombe du père de Foucault où il ne reste que son cœur, son bordj ou il fut assassiné et un monument dressé en mémoire du général Laperrine.
            Marie-joseph Laperrine est une des grande figure du Sahara, et du Hoggar en particulier. En 1897, il organise les Compagnies Méharistes Sahariennes et fait découvrir le Hoggar au père de Foucault. Avec l'aide de ce dernier, il met en place une confédération targui du Sahara qui persiste, me semble-t- il de nos jours.

            Près de la tombe du RP de Foucault se dresse ce monument de Laperrine.


            Le 20 janvier 1904, l'Amenocal " Moussa-ag -Aamastane " vint à In -Sala faire sa soumission, en présence de Laperrine, s'engagea à rendre les pistes du pays " si sures qu'un esclave portant de l'or sur sa tête pourrait traverser le Hoggar en toute tranquillité. "


            Cette région du Sahara de 800 Kms de long sur 600 Kms de large représente soit un peu moins que la superficie de la France. Seule la partie Est du Hoggar figure sur la carte. Elle indique le périple que je vous propose de faire, soit environ 600 Kms.
            Mais avant, voici quelques mots sur les différentes ethnies et l'organisation sociale des Touaregs. Sans cette approche, on ne pourra comprendre le mode de vie de ces tribus et il ne resterait aux visiteurs que le regard des paysages, admirables par ailleurs
            Plusieurs ethnies vivent au Hoggar.
            Des blancs : Berbères que l'on nomme Touareg, Arabes, Mozabites, Chorfa, Chaamba
            Des noirs : Iklan (soudanais) Harratin (soudanais, sahariens)
            Des Métis

            En ce qui concerne l'organisation sociale chez les Touareg nous considérons :
            Les Nobles (Ihaggarènes)
            Les Vassaux (Imrads)
            Les artisans (Inaden)
            Les jardiniers (Harratin)
            Les domestiques (Iklan)


Forgeron de la classe des Inadens

            De leurs races et de leurs rangs dépendent leurs fonctions économiques :
            Les Touareg ( pasteurs et nomades,) les Arabes ( pasteurs et commerçants), les Inadens (artisans) , les Harratins (cultivateurs-ouvriers-manœuvres etc ) les Mozabites ( commerçants sédentaires) . Les Chorfas sont des Arabes religieux qui reçoivent des aumônes en échange de leurs prières
            Nous sommes donc en plein moyen- âge avec une hiérarchie basée sur la race et les titres.

Noble Touareg de la race des Ihaggarènes

            En haut de la hiérarchie se trouve une sorte de roi, appelé Amenokal. Pour ne parler que de cette partie du Hoggar, l'Amenokal est élu par une confédération de tribus. Il est élu à vie. Son titre lui confère la propriété de tout le sol, il dispose à son gré des terres de parcours (pistes caravanières) et des terres cultivables, un droit de toujours payé en nature " le tioussé
            Ce survol, bien incomplet, de l'organisation sociale du Hoggar ne peut se terminer sans que nous parlions en quelques mots du climat.
            Très bizarrement, il est délimité par le tropique du Cancer qui partage en deux les zones climatiques.

L'Amenocal "Ag Akhamouk" élu en 1950

            Au sud du tropique, quelques " queues de tornades " soudanaises peuvent produirent en été des pluies orageuses.
            Au Nord du tropique, en hiver, une prédominance assez régulière des vents N.O. est capable d'apporter des pluies atlantiques ou méditerranéennes. La flore et la faune s'adaptent à ces climats par des différences notoires. Cependant, le Hoggar reste un désert où l'eau est rare, où les nuits sont parfois très froides, avoisinant les moins 12°C, quant au maximum, ils peuvent atteindre les 35 °C, du fait de l'altitude du plateau.

Le mont Tahat 3003 mètres

            Les roches soumises à ces différences de températures se craquèlent et s'effritent. Les montagnes, de hauteurs impressionnantes, ne sont pas le paradis des alpinistes qui qualifient la roche de pourrie. J'en ai fait la triste expérience en voulant gravir avec des grimpeurs chevronnés un des monts de l'Assekrem. Nous avons dû renoncer en emportant notre blessé.
            Mais, puisque nous sommes à Tamanrasset, profitons en pour visiter le Bordj du père de Foucault.

Voici une vue intérieure du bordj et la vue de l'unique fenêtre de sa chambre d'où se détache une croix de bois sur un ciel éternellement d'azur.

            Demain, nous partons pour un grand circuit qui, j'espère, vous fera aimé cette région.
            Robert ANTOINE

Mai 2007



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