Fêtes du Village

Si mes nouvelles sont parfois nostalgiques ou tristounettes, j’ai décidé pour une fois d’avoir le cœur joyeux et d’évoquer avec vous la fête du village qui avait lieu tous les 15 août de chaque année.

Les réjouissances débutaient souvent par une grande cérémonie religieuse et, sur la place de l’église, j’ai vu pour la première fois des anges avec de grandes ailes dans le dos et des cheveux longs. Il devait y avoir aussi des chérubins mais j’avoue humblement que ma mémoire sur ce point fait défaut et ne saurai dire comment ils étaient vêtus.

Mais le temps presse, voilà déjà les camions des forains qui prennent place le long de la route et installent leurs baraquements.

Chaque année une des associations sportives de Staouèli a le privilège d’organiser la fête.

Cette année, ce sera Staouèli Sport qui aura l’honneur de décorer la place du village, avec une multitude de guirlandes   et ampoules multicolores.
Le village a une renommée à tenir et les plus grands orchestres du moment se produisent chez nous. On peut citer Jacques Helian ou, plus localement,  l’orchestre Ménéla.

Mais nous sommes dans les années 1950 et les mœurs sont bien moins libres qu’aujourd’hui. C’est pour cela que, dans le périmètre qui entoure le bal, chaque famille a retenu  sa table et les parents surveillent  attentivement les filles et les garçons,  avec qui elles dansent trop souvent …

Mais nous n’en sommes qu’aux prémices.

Vers les 11 heures, les élèves du groupe scolaire s’alignent sur la place du monument aux morts, puis c’est la musique et un détachement de militaires et de gendarmes. Les gens du village sont venus, tous attendent le début de la cérémonie.

Le maire entouré de son Conseil municipal au grand complet arrive. On dépose des gerbes et des couronnes de fleurs, le maire y va de son discours, la musique égratigne l’hymne national, les militaires sont figés, la foule silencieuse…

Fin de la cérémonie, tous se dirigent vers les bars pour étancher une soif que l’émotion a suscitée.

Les tables des terrasses des bars sont prises de haute lutte par les consommateurs assoiffés. L’anisette coule à flot et prend différentes couleurs passant du blanc, au vert, parfois au rouge.

Cette dernière couleur, par une étrange alchimie, se retrouve souvent sur le visage du consommateur ayant quelque peu abusé…

Midi sonne au clocher, il est temps de rentrer chez soi pour le déjeuner et de soutenir le regard réprobateur de l’épouse.

Certains s’attarderont plus que de raison à son bar préféré,  voulant déguster sans précipitation la tournée du patron …

Le début de l’après-midi est extraordinairement calme. La sieste, cette noble institution, est respectée par tous, même les forains qui éteindront la musique nasillarde de leurs bastringues.

Puis, vers les 18 heures, une petite animation se fait sentir, les baraques ouvrent leurs auvents pour laisser admirer l’étalage des superbes lots rutilants de couleurs sous la clarté des néons multicolores.

Le bonimenteur prend son micro et essaie d’attirer le chaland tandis que son épouse s’efforce de vendre quelques billets de loterie.

On va bientôt tourner les roues du plaisir tant pour les petits que pour les grands. Le nounours est gagné et on attaque cette fois-ci un super lot…

Et la partie continue …

Les manèges, les autos tamponneuses, la grande roue, tous ces plaisirs d’un jour tournent, virevoltent, les parents ébahis regardent si leurs enfants gagnent le pompon…

La tête me tourne, je n’ai pas vu arriver la table de la billetterie installée devant l’entrée du bal.

Les plus sages, les plus âgés, ont  déjà pris place près des tables réservées aux familles, les musiciens commencent à accorder leurs instruments, dans une cacophonie troublante, il est temps de retrouver les copains …

On se retrouve, on passe à la caisse , nous voilà dans la place , nos yeux cherchent des connaissances, des amis, nous saluons l’un, serrons la  main de l’autre mais nous sommes distraits, celles que nous attendions ne sont pas encore là .  Suspens  d’adolescents, les plus impatients, les plus troublants …

Ha ! En voilà une, puis une autre, enfin elles sont toutes là…

L’orchestre attaque un Paso-doble, c’est le début d’une soirée qui se terminera vers les 4 heures du matin quand les lumières s’éteindront

Les valses, les tangos, les paso doble se mêlent aux sambas et aux cha-cha-cha. Nous avons des danses de contact si bien que les regards des pères ou des mères arrivent  à nous surprendre quand nous dansons un peu trop près, un peu trop serrés.

En rentrant à la maison nous ferons doucement pour ne pas réveiller les parents surtout qu’après la dernière note de musique, nous nous sommes quelque peu attardés.

Les fêtes du 15 août vont durer 3 jours… souvenirs de jeunesse ressortis de l’armoire du temps passé.
                                               Robert ANTOINE


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