Quand le ministre de la guerre du gouvernement Polignac quitta son poste pour prendre la tête de l'expédition d'Alger, le général de Bourmont n'avait pas, dirait-on aujourd'hui, une bonne presse auprès du reliquat de la Grande armée Napoléonienne qui formait une partie des effectifs de l'expédition d'Alger. Le " Renardin " ( son surnom de chouan) avait un passé agité en tant que légitimiste bien que le fait principal qu'on lui reprocha était d'avoir quitté son commandement, la veille de la bataille de Ligny, trois jours avant Waterloo.

Le comte LOUIS AUGUSTE DE BOURMONT

        Le général en chef avait pris ses quatre fils qui servaient dans différents régiments. Louis, l'aîné, né en 1801, Amédée né le 4 août 1803, Charles né en 1807, Adolphe né en 1808.
        Le jeune lieutenant de grenadiers, Amédée de Bourmont, avait été affecté au 49 éme de ligne.
        Nous sommes le 24 juin 1830, soit dix jours après le débarquement. Ce que certains historiens appellent la 2 éme bataille de Staoueli se déroule à Sidi- Khalef, pas très loin de Dély-Ibrahim.
        Ce fut un combat sanglant. Trente mille Turcs luttèrent contre les divisions Berthezène & Loverdo. Le général Damrémont, à droite, rencontrait un terrain difficile et des adversaires mordants. Il fit enlever la dernière position par le 49 éme, l'arme au bras. Les Turcs vont tenter de reprendre ce point stratégique vers 14 heures.


Amédée de Bourmont en 1830

        Une compagnie de grenadiers fut chargée de s'opposer à leurs mouvements. A la tête de sa section, Amédée de Bourmont.
        Le matin du même jour, le lieutenant s'était plaint à son colonel de ce que les grenadiers ne fussent pas assez souvent employés.

        C'est en chargeant à la baïonnette que le jeune lieutenant de 27 ans, fut grièvement blessé par quatre fois .Une balle tirée dans le cou lui fut fatale.
        Ses compagnons d'armes, des grenadiers, emportèrent le blessé sur un sac à distribution, au camp de Staouéli (La trappe) sous la tente du général Loverdo.

        Amédée sentait qu'il allait mourir, il avait reçu des blessures dont l'une près du cœur. A un ami qui le visitait, il dit en souriant " Embrasse moi, c'est le plus beau jour de ma vie. " Il lui faisait toucher du doigt l'endroit sanglant par où s'écoulait toute sa jeunesse en lui disant encore " Elle est bien placée, elle est près du cœur, elle est reçue pour la France et pour le roi. "
        Son père fut prévenu. Il courut vers son fils et s'attrista, mais l'agonisant lui rappela qu'il était le chef, et qu'un chef ne devait jamais s'attarder à pleurer ; il le pria seulement d'écrire à sa mère, et de consoler ses sœurs.
        Transporté au camp de Sidi Ferruch, où se trouvait l'hôpital militaire, Amédée ne tarda pas à expirer près de ses amis.
        Le cœur d'Amédée fut embaumé et placé dans un coffret, à la demande de son père.
        Ce dernier écrivit à Polignac, le ministre de la guerre, ces quelques lignes : " L'armée perd un brave soldat, je perds un excellent fils. "
        Sa mère s'écrira " Ah ! qu'il était aimable et admirable celui que nous avons perdu. "
        Merle, dans ses mémoires, écrira : " c'était l'un des officiers les plus braves et les plus distingués. Il unissait à l'intrépidité des vieux soldats, les formes aimables et prévenantes d'un homme de bonne compagnie ; il avait dans l'esprit autant de grâce que d'aménité et, dans ses relations de la vie privée, une bonté d'âme et de générosité de coeur qui lui avaient fait des amis dévoués de tous ses camarades. "

         Lors de sa deuxième visite au Dey d'Alger, Bourmont parla de l'incident. Le Dey compatit à la douleur de Bourmont, disant que lui-même avait perdu un neveu qu'il affectionnait beaucoup.

        Le journal des Débats, en principe hostile au gouvernement en place, désarma pour écrire : " M. de Bourmont s'est noblement réconcilié avec la France, le sang de son fils a payé pour lui. "
        Dès la prise d'Alger, le 5 juillet 1830, Charles X envoya son bâton de maréchal au général en chef de l'expédition.
        Le 9 août 1830, la révolution de juillet met sur le trône Louis-Philippe...
        Bourmont refuse de prêter serment au nouveau roi et il est remplacé par le général Clauzel.
        Ainsi, le nouveau maréchal est-il obligé de s'enfuir sur un bateau de commerce autrichien " l'Amatissimo ", emportant avec lui le coffret renfermant le cœur de son fils et le cercueil renfermant la dépouille d'Amédée.
        C'est à ce moment-là qu'une rumeur calomnieuse s'enfle, on prétend que le maréchal a fait main basse sur l'or et le trésor du Dey.
        Le comte de Bourmont fut déposé à Gibraltar, n'emportant avec lui que peu de bagages et son coffret renfermant le cœur embaumé d'Amédée.
        Le cercueil du jeune Amédée fut transporté en France.

        A l'escale de Marseille, les agents de la douane ouvrirent le cercueil que le capitaine Gagrizza, commandant de " L'Amatissimo ", venait de leur confier. Ils voulaient découvrir l'or turc caché par Bourmont.
        Ce fut la plus horrible profanation, selon les dires de Gagrizza et des marins du brick autrichien. . Dans le cercueil, pas la moindre pièce d'or ni le plus petit diamant.
        De tout cela, il ne reste qu'un tragique souvenir.
        Amédée n'aura pas de gloire posthume car selon M. Jean Melia, auteur de " la ville Blanche " en 1920, on ignore où il aurait été enseveli.
        J'apprends aujourd'hui par M. Michel de Bourmont que le jeune Amédée repose dans la chapelle du château de Bourmont.
        La cassette contenant son cœur a été déposé dans le caveau de la chapelle du château du Brossay près de Guéméné Penfao .
        Amédée de Bourmont a rejoint la foule des héros méconnus dont l'Histoire n'a effleuré, que d'un instant, la postérité.

Robert ANTOINE        

Bibliographie :
Jean Melia " la ville blanche. "
Paul Azan " L'expédition d'Alger. "
Précisions recueillies auprès de M. Michel de Bourmont

Nos recherches.
Au départ il nous a fallu trouver le prénom, ce qui fut relativement aisé après la lecture de la " ville banche " mais Jean Melia prétendait que l'on ne savait pas ou repose les restes d'Amédée. Après une prise de contact avec le syndicat d'initiative de Freigné nous n'avons pas eu de plus amples renseignements, mais une promesse que M.Michel de Bourmont prendrait contact avec nous.
C'est ce qu'il fit quelques jours plus tard en nous donnant toutes les précisions demandées, ainsi qu'un portrait de jeune Amédée. Je dois remercier M.Fauthoux qui m'aida dans mes recherches et M. de Bourmont qui eut la gentillesse d'ouvrir pour nous, son livre de famille.



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