Que sont devenus le beau cavalier et son cheval qui trônaient sur la place du gouvernement à Alger ?
          Des bruits couraient que cette magnifique statue avait été détruite ou qu'on l'avait remisée dans quelques hangars poussiéreux de l'Etat.
          D'autres, plus précis, prétendaient qu'elle se trouvait en Normandie ou à Neuilly/ seine. Qui croire ?

          La confusion vient de ce qu'il y a deux statues identiques !
          Mais remémorons nous l'Histoire.
          Le duc d'Orléans est décédé en 1842, à la suite d'un accident de voiture, à Neuilly, en conduisant un phaéton.


Portrait du duc d'Orléans par Ingres

          Le roi Louis-Philippe voulut rendre à son fils aîné un hommage durable. La population algéroise et l'armée d'Afrique devancèrent ses désirs, et le Gal Bugeaud créa une commission chargée de recueillir les dons. Les fonds affluèrent et permirent l'érection de deux statues équestres identiques, à l'effigie du duc d'Orléans.
          Charles Marochetti, un des plus grands sculpteurs de Paris, fut chargé de sa réalisation et M. Soyer d'en fondre le bronze. Les deux statues furent terminées le 21 août 1844.
          C'est là que les deux sœurs jumelles se séparèrent et connurent des destins étranges.
          L'une s'embarqua du Havre pour Alger où sa place avait été déjà déterminée.
          L'autre fut implantée au centre de la cour carrée du Louvre, à Paris.
          Suivons les péripéties de la statue parisienne.
          Louis-Philippe, roi des Français abdiqua le 24 février 1848.
          Le 4 mars la proclamation de la République fut faite par Lamartine & Ledru-Rollin. Il était donc inconcevable que le pouvoir républicain laissât demeurer au cœur de Paris, un monument à la gloire de l'ancien régime.
          Dans la nuit du 26 au 27 février 1849, la statue fut déboulonnée, et en 1850, envoyée à Versailles, mise à l'écart dans la cour de la petite Orangerie.
          Le 18 octobre 1971 un arrêté ministériel décida son transport au château d'Eu en Normandie propriété des Orléans.

          Mais la nôtre, celle que l'on descendait tous les ans pour soulager le cheval, qu'est elle devenue ?

          Après son inauguration, le 28 octobre 1845, à Alger sur la grande place du gouvernement, notre statue avait fière allure.
          Quand la république fut proclamée, M. Cavaignac, nouveau gouverneur de l'Algérie reçut l'ordre d'enlèvement de la statue. A peine avait -on dressé en ces premiers jours de mars 1848 les charpentes devant servir à déplacer la masse de bronze, que les colons se ruèrent sur les échafaudages et les jetèrent à la mer. Une milice s'organisa spontanément et la garde du monument se fit de jour comme de nuit.


Place du Gouvernement ex place royale, dite place du cheval (vers 1900)

          Ce ne fut pas le dernier des avatars auxquels fut soumis ce monument.
          La conclusion des accords d'Evian sonna le glas des 117 ans de son règne sur la plus grande place algéroise. Dès le 4 juillet 1962, elle fut démontée... Entreposée au camp Sirocco près du cap Matifou, elle fut rapatriée en août 1963 par le cargo ville de Québec qui la ramena au Havre, avec d'autres souvenirs d'une gloire passée.

          Reléguée dans un des greniers de l'Etat, elle s'endormit dix-huit ans avant que Monsieur Achille Peretti, Maire de Neuilly, ne demande au gouvernement de la sortir de son sommeil.

          Le cheval à toujours fière allure, piaffant, impatient de retrouver sa place


          Aujourd'hui, elle se trouve à Neuilly, sur une petite place entourée d'arbres, et de verdure, qui certes manquaient à Alger, mais l'endroit reste étriqué et ne reflète pas la grandeur qu'elle avait dans la capitale algéroise. Je viens de revoir à Neuilly cette statue un peu sale, un peu triste malgré la position fière du cavalier. Il m'est apparu vieilli, déplacé, hors de son contexte, supportant mal son statut de rapatrié, présentant avec son épée hors de son fourreau, je ne sais quoi, à je ne sais qui.
          Les Arabes avaient baptisé la place du gouvernement à Alger " la place du cheval " Toujours aussi fougueux l'animal rêve d'un endroit plus vaste, plus adapté à ce que fut son destin.

          Il est à noter que plus des deux tiers du coût de l'opération ont été financés par des fonds privés tant civils que militaires.

Robert ANTOINE          


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