Bônois, si vous voulez voir un spectacle peu banal, allez demain soir, Jeudi, voir Paul JOYEUSE. entrer dans la cage aux lions avec le dompteur NIASSERINI et essayer de charmer les fauves en leur chantant le Credo du Paysan.
Nous ne savons ce que penseront les fauves de cet acte de foi audacieusement chanté devant eux et si Paul JOYEUSE sera assez éloquent pour les charmer.
Quoiqu'il en soit, nous sommes curieux de voir l'attitude des lions d'Artagnan et Sultan devant l'habit correct et les culottes courtes du chanteur algérien. Qui sait s'ils ne lui donneront pas la réplique et si, au lieu d'un solo, nous n'entendrons pas un trio, avec les basses profondes qui, chaque soir, font trembler les vitres des maisons de la place d'Armes
Voilà un numéro qui fera sensation, M. MASSERINI prévient le public que toutes les cartes de faveur seront rigoureusement suspendues demain soir.
Hier soir, la salle était bondée et le public féminin était en majorité pour voir le chanteur algérien entrer dans la cage aux lions. Pendant que M. MASSERINI, à coups de fouet, tenait en respect les lions Sultan et d'Artagnan : l'un debout accroché, les pattes de devant aux barreaux de la cage centrale ; et l'autre accroupi, prêt à bondir. Paul JOYEUSE a fait son entrée, crânement, bravement, mais sans forfanterie et il a salué le public avec son aisance.
Puis, il a entonné d'une voix sûre et forte, le Credo du Paysan. Les fauves l'accompagnaient et couvraient parfois sa voix avec leurs rugissements. Celui qui était debout est plusieurs fois retombé sur ses pattes et a essayé de sauter sur le chanteur : mais chaque fois, le fouet de M. MASSERINI l'acculait dans l'angle de la cage.
Les lions étaient sortis depuis un instant, chassés par le fouet du dompteur que Paul JOYEUSE chantait encore, jetant des notes superbes cependant que le public, délivré de l'oppression qui l'avait tenu haletant, l'acclamait et criait : Bravo ! bravo ! Le jeune chanteur algérien, de plus en plus copurchic, s'est présenté en habit, en culotte courte de soie mauve, escarpins, cravate blanche et gardénia à la boutonnière.
Il a chanté devant les fauves avec autant de sang-froid que devant le public de l'Eldorado.
A la sortie, un grand nombre de personnes des deux sexes lui ont serré la main et, après la représentation, M. et Mme MASSERINI lui ont offert, chez eux, ainsi qu'à plusieurs amis, quelques coupes de vin de champagne avec lequel on a arrosé le nouveau succès de l'intrépide Paul JOYEUSE.