Avant qu'elle ne fût nommée comme Préfecture du Département de Bône, bône notre commune fut Sous-Préfecture du Département de Constantine.
Donc avant que dans des prochains numéros, nous fassions connaissance avec les guides de Bône, nous allons nous "instructionner" sur l'ancien Département de Constantine au travers du Guide de M. JOANNE.
J.P.B.
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LE DÉPARTEMENT
DE CONSTANTINE
VI. - Histoire.
Le département de Constantine comprend l'ancienne Mauritanie Sitifienne et la partie de la Numidie qui s'étendait de l'Oued-el-Kébir jusqu'à la frontière actuelle de la Tunisie.
Nous n'avons point à faire ici un exposé même succinct de l'histoire ancienne;, nous rappellerons seulement que l'Afrique du Nord a subi successivement la domination des Carthaginois, des Romains, des Vandales, des Grecs-Byzantins, des Arabes et des Turcs ; que les Romains l'ont occupée pendant plusieurs siècles et qu'on retrouve encore de nos jours, mais plus particulièrement dans la partie orientale de l'Algérie, des traces ineffaçables de leur grandeur et de leur génie, notamment à Lambèse, à Timgad ( Thamugadi ), et à Tébessa où nous pouvons encore admirer le Temple de Minerve et l'arc de triomphe de Caracalla.
Il nous paraît que ces notions générales doivent suffire, parce que les faits qui se rattachent aux époques reculées dont nous parlons appartiennent séparément à l'histoire de chacun des peuples qui, l'un après l'autre et jusqu'à l'expulsion des Turcs, ont été les maîtres du pays; et comme nous avons surtout en vue de faire connaître l'Algérie " contemporaine ", nous bornerons notre tâche à raconter les principaux événements dont l'ancien beylik de Constantine a été le théâtre depuis la conquête d'Alger.
Le dernier bey de Constantine fut Hadj-Ahmed-Bey. Il appartenait à une famille puissante: son aïeul, Ahmed-Bey Turqui, avait gouverné la province pendant quinze ans, et sa mère était fille de Ben-Ganah, un des grands chefs du Sahara. Il était né en 1786. On l'habitua de bonne heure au commandement : en 1805, le bey Abd-Allah le créait caïd El-Aouassi et le chargeait d'administrer l'importante tribu (les Haractas; en 1818, Alimed-el-Mamluk le prenait pour son khalifat, et, en 1826, Hussein, dey d'Alger, qui le tenait en grande affection, le nommait bey de Constantine.
Dans les premiers jours de juin 1830, Ahmed, escorté de cinq cents cavaliers, vint à Alger pour verser entre les mains du dey le tribut annuel du beylik. Il y arriva au moment même où la flotte française se présentait devant Sidi-Ferruch et prit part avec ses troupes aux combats de Staouéli et de Sidi-Khalef. Le lendemain de l'abdication du dey, il rallia les fuyards, et, refusant de répondre aux dépêches du général de Bourmont qui l'engageait à demander l'aman, regagna Constantine. Son premier soin en rentrant dans son palais fut de faire égorger en masse les janissaires qui, pendant son absence, l'avaient déclaré déchu du pouvoir; après quoi, il prépara la défense et attendit les événements.
Marcher contre lui et porter la guerre dans un pays presque inconnu était chose périlleuse. Le maréchal Clauzel, qui avait remplacé Bourmont dans le commandement de l'armée (92 septembre 1830), n'osa pas tenter l'aventure: pensant mieux faire et se croyant investi de pouvoirs illimités, il offrit au bey de Tunis de lui céder la province de Constantine, qu'il administrerait pour le compte et sous la protection de la France. Ces propositions furent favorablement accueillies par la Cour du Bardo, mais elles furent hautement désavouées par le gouvernement français. Le maréchal résigna ses fonctions et la situation politique d'Ahmed s'en trouva consolidée.
Le cabinet des Tuileries n'admettait point, cependant, que la prise d'Alger dût être l'unique résultat de la campagne: il fut donc décidé en principe que les points principaux de la côte seraient occupés par nos troupes, l'exécution de ce projet restant d'ailleurs soumise à certaines conditions de temps et d'opportunité.
Le port le plus important était celui de Bône. Le général Damrémont s'y transporta avec sa brigade, débarqua sans être inquiété, puis s'installa militairement dans la ville (2 août 1830); malheureusement, le peu d'hommes dont il disposait ne lui permit pas de s'y maintenir et il fut, presque aussitôt, contraint de l'évacuer. L'année suivante (15 septembre), sur les sollicitations pressantes des habitants, une compagnie de zouaves indigènes (commandant Houder), vint occuper la place, mais elle en fut chassée peu de temps après par les partisans du bey; enfin dans la nuit du 26 mars 1832, les capitaines Yusuf et d'Armandy, à la tête de 30 matelots de la Béarnaise, escaladèrent les murs de la Casba et s'emparèrent de la forteresse. Trois mois plus tard (26 juin), le général Monk-d'Uzer s'installa dans la ville.
On s'en tint là pour le moment, parce qu'il fallait parer au plus pressé et ne point aggraver une situation, que le moindre échec pouvait compromettre. Ahmed connaissait les causes de notre inaction : mais trop faible pour engager la lutte et trop habile pour associer sa fortune à celle d'Abd-el-Kader, il se confina dans son palais, laissant à ses aghas la garde et la défense des frontières.
Cet état de choses prit fin en 1836, lorsque le maréchal Clauzel, qui avait remplacé le comte d'Erlon (8 juillet 1855), obtint du ministère l'autorisation d'assiéger le rocher de Constantine.
Partie de Bône (13 novembre 1856), l'armée arriva le 21 sous les murs de Constantine, sans avoir presque tiré un coup de fusil, mais déjà à moitié ruinée par les privations et la fatigue.
Le maréchal n'en fut point troublé : on lui avait affirmé que les habitants se rendraient sans combat, et il attendait patiemment la députation qui devait lui apporter les clefs de la ville, lorsque le feu d'une batterie, soudainement démasquée, vint détruire ses illusions.
La première et la deuxième brigade, sous le commandement du général de Rigny, reçurent l'ordre de se porter sur le Coudiat-Aty, d'occuper les enclos et de s'emparer des approches ; inquiétée dans sa marche par les tirailleurs arabes, la tête de la colonne fut un instant repoussée; mais bientôt, soutenue par le 17e léger, elle culbuta l'ennemi, qui s'enfuit en désordre. Le reste de l'armée s'établit à Mansoura.
Le 23, aux approches de la nuit, les troupes furent massées en silence, prêtes à donner l'assaut. Malheureusement, la lune brillait d'un vif éclat, et l'ennemi, mis en défiance par les tentatives de la veille, faisait bonne garde. Les sapeurs du génie se coulèrent sur le pont à travers une grêle de balles. Beaucoup furent atteints, et les attirails qu'ils portaient roulèrent avec eux dans le Roumel; le peu qui s'échappa parvint à se loger et se mit au travail. Le général Trézel, croyant la porte enfoncée, accourut aussitôt à la tête du 590 et du 63e de ligne; mais la porte résistait toujours, et la colonne, entassée sur le pont, fut littéralement hachée par la mitraille : la position n'était pas tenable, et c'eût été folie de s'engager plus avant. Le maréchal fit sonner la retraite. Au même moment, la colonne Duvivier partait du Coudiat-Aty et cherchait à pénétrer dans la place par la porte d'Ed-Djabia; mais, faute de moyens mécaniques indispensables pour briser les portes, l'attaque échoua complètement. Clauzel s'avoua impuissant à atteindre son but, et l'armée dut battre en retraite. Elle était à peine en marche que les assiégés, sortis en foule en poussant des cris sauvages, se jetèrent sur les flancs de la colonne. Nos tirailleurs les tinrent en respect; mais la défense était molle, et d'une minute à l'autre nous pouvions être enveloppés.
C'est alors que le commandant Changarnier, ne prenant conseil que de lui-même, exécuta ce mouvement audacieux qui a commencé sa fortune militaire. Son bataillon (2ème léger), ainsi que nous l'avons dit, formait l'arrière-garde. Changarnier ralentit sa marche et laisse augmenter la distance qui 13 sépare du convoi. Bientôt il s'arrête, forme sa troupe en carré, l'enlève au cri de Vive le Roi! puis commande le feu, Les Arabes étaient à vingt pas : à la première décharge, les trois faces du carré furent entourées d'un glacis d'hommes et de chevaux; ce qui ne tomba pas s'enfuit à toute bride, et le bataillon rejoignit la colonne.
L'armée poursuivit sa marche, réglant son allure sur le pas des plus faibles; peu de jours après, elle arrivait à Bône (1er décembre 1836). Il était temps : officiers et soldats étaient à bout de forces.
Le maréchal confessa franchement son imprévoyance. Mais s'il se montra sévère pour lui-même, il fut juste pour ses compagnons d'armes. Au moment de partir pour Alger, il se fit un devoir de complimenter les troupes du courage et de la résignation qu'elles avaient montrés, et se plut à constater que tous avaient supporté avec une admirable constance les souffrances les plus cruelles de la guerre : et c'était vrai.
Peu de jours après, le corps expéditionnaire fut dissous et le comte Clauzel se rendit à Paris. On le destitua.
Cependant la France ne pouvait rester sous le coup d'un pareil échec, et le général Damrémont, nouvellement nommé Gouverneur (12 février 1837), reçut l'ordre de s'emparer de Constantine.
Le corps expéditionnaire montait à dix mille hommes, divisés en quatre brigades, commandées : la première, par le duc de Nemours, la seconde par le général Trézel, la troisième par le général Rulhières, la quatrième par le colonel Combes. L'artillerie avait à sa tète le général Valée; le génie, le général Rohault de Fleury.
L'armée partit de Medjez-Hamar le 1er octobre 1837 ; elle arriva devant Constantine le 6, sans avoir trop souffert et put mesurer dès la première heure les difficultés qu'elle aurait à vaincre. Un des combattants, M. Pélissier de Raynaud, a décrit en ce peu de lignes l'aspect que présentait la ville au moment où nos troupes prenaient position : " Constantine se présentait, comme l'année précédente, hostile et décidée à une résistance énergique; d'immenses pavillons rouges s'agitaient orgueilleusement dans les airs; les femmes, placées sur le haut des maisons, poussaient des cris aigus auxquels répondaient par de mâles acclamations les défenseurs de la place. C'est ainsi que furent salués le général Damrémont et le jeune prince qui marchait à ses côtés. Bientôt le son grave du canon, répété par des milliers d'échos, vint se mêler au bruit de ces créatures humaines, et de nombreux projectiles, habilement dirigés, tombèrent au milieu des groupes qui se présentaient sur la côte du ravin par lequel Constantine est séparée de la Mansoura. "
Après avoir disposé l'attaque et formé les colonnes, le général en chef envoya faire aux assiégés les sommations d'usage. Ce fut un soldat du bataillon turc qui porta la dépêche. Il se hissa à une corde jetée du rempart, et fut introduit dans la place. Le lendemain il revint avec cette réponse verbale :
" Il y a dans Constantine beaucoup de munitions de guerre et de bouche. Si les Français en manquent, nous leur en enverrons. Nous ne savons pas ce que c'est qu'une brèche ou une capitulation. Nous défendrons à outrance notre ville et nos maisons. On ne sera maître de Constantine qu'après avoir égorgé jusqu'au dernier de ses défenseurs. "
- " Ce sont des gens de cœur, dit M. Damrémont. L'affaire n'en sera que plus glorieuse pour nous! "
Et il se rendit avec sa suite sur le plateau du Coudiat-Aty pour examiner la brèche. Là, il mit pied à terre, fit quelque, pas en avant et s'arrêta sur un point découvert; - un boulet, parti de la place, le renversa sans vie....
Le lieutenant-général Valée prit le commandement des troupes. Il fit canonner la ville et ordonna l'assaut pour le lendemain.
Les troupes furent réparties en trois colonnes : la première sous les ordres du lieutenant-colonel Lamoricière; la seconde et la troisième sous ceux des colonels Combes et Corbin.
A sept heures précises, par un soleil radieux, le duc de Nemours donne le signal : la première colonne s'ébranle, gagne la brèche au pas de course, au milieu d'une ardente fusillade, et le capitaine Gardarens plante sur les remparts le drapeau tricolore. Mais à mesure que la colonne descend dans la ville, elle se heurte contre de nouveaux obstacles: chaque maison a été transformée en forteresse, il faut briser les portes; on se bat corps à corps, et les assaillants sont décimés par un feu de mousqueterie tiré de mille embrasures. - Mais nos soldats ont juré de vaincre ; ils s'excitent les uns les autres, chargent avec furie, et font un épouvantable massacre.
Pendant l'assaut, une partie des habitants tenta de fuir par un des côtés du ravin, à l'aide de cordages qui descendaient le long des rochers; mais les cordes, incessamment tendues, se brisèrent sous le poids des fugitifs: une grappe d'hommes, de femmes, d'enfants et de vieillards roula dans l'abîme et périt dans une affreuse agonie.
La ville prise, le général Rulhières en fut nommé commandant supérieur : comme il arrivait, il reçut une lettre dans laquelle les autorités et les personnages influents de Constantine faisaient leur soumission et imploraient la clémence des vainqueurs. Le général fit cesser le leu et se dirigea vers la Casba, dont les derniers défenseurs furent promptement expulsés. Deux heures après, le drapeau de la France flottait sur tous les édifices, et le duc de Nemours prenait possession du palais du bey (13 octobre 1857) devenu aujourd'hui l'hôtel du général commandant la division.
Ahmed échappa par la fuite à la captivité ; disons de suite que, onze ans après (juin 1848), il se rendit à merci et fut interné à Alger : il y mourut le 30 août 1851.
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Le général Valée avait décidé que les notables de Constantine participeraient à l'administration de la Cité, sous la surveillance de l'autorité française. Cette mesure rassura les habitants et rendit leur soumission plus facile. Les tribus voisines se sentant. surveillées de près déposèrent les armes ; les chefs se rallièrent avec plus ou moins d'empressement au nouvel ordre de choses et le cercle de notre domination s'élargit d'année en aimée. On créait Philippeville, en même temps une le général Galbois s'installait à Sétif (1858) ; La Calle et Djidjelli ouvraient leur port au commerce; plus tard, on établissait à Batna un camp retranché et le duc d'Aumale qui commandait la province, s'emparait de Biskra (1844). C'est ainsi que nos troupes s'installèrent au cœur du pays et que, de proche en proche, elles pénétrèrent jusqu'à l'Extrême Sud, leur tâche fut rude, et parfois elles rencontrèrent une résistance dont elles eurent difficilement raison ; la prise de Zaatcha (1849) et l'insurrection de 1871, qui mit à feu et à sang la province toute entière, ont laissé d'ineffaçables souvenirs.
La colonisation a eu des phases diverses : pénible au début, elle n'a jamais autant prospéré que dans la province d'Alger, surtout que dans celle d'Oran; depuis quelques années, de meilleurs jours semblent luire pour elle.
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