HISTOIRE DU DRAPEAU DES ANCIENS
COMBATTANTS DE MOSTAGANEM
GÉNÉRAL VANUXEM

A ceux qui célèbrent le 19 mars 1962, nous recommandons la lecture de l'excellent ouvrage du colonel MOINET : 'Ahmed, connais pas", qui retrace le calvaire des Harkis, et auquel nous devons le document qui suit, document qui est la citation du général VANUXEM, ancien commandant de la région de La Calle à El Ma-el--Abiod, c'est-à-dire toute la frontière tunisienne avec le barrage électrifié qui en interdisait le franchissement.

C'était un nommé Tcharn KOUIDER qui, à Mostaganem, portait le drapeau aux cérémonies patriotiques, aux obsèques des camarades et à l'enterrement des soldats qui tombaient dans cette guerre qui n'avait pas de nom ni de loi.

Tcham KOUIDER ressentait bien tout l'honneur qui lui en revenait et il n'aurait pour rien au monde consenti à se dessaisir de sa charge glorieuse.

Lorsque le FLN le menaça de mort, il en rendit compte à son président, tout simplement en bon soldat qu'il était, mais se regimba comme sous une offense lorsqu'on lui proposa de le remplacer dans son honorifique emploi. Cela se passait vers la fin de l'année 1956.

Tcham KOUIDER fut abattu le 14 février 1957. Sa dépouille fut portée par ses camarades. On fit un discours.

Caïd METCHA qui le remplaça fut à son tour l'objet de menaces de mort. Il en rendit compte à son président et, tout comme Tcham KOUIDER, refusa énergiquement de renoncer à ce qu'il considérait comme un honneur, si périlleux qu'il fût... Il fut abattu le 21 juin 1957.

Bensekrane YAHLA conduisit le cortège jusqu'au cimetière aux stèles blanchies et, à son tour, inclina le drapeau devant la tombe de son prédécesseur. Quelques jours plus tard, il fut lui-même menacé et lui aussi ne put accepter de se renier. Il porta le drapeau au cours des cérémonies du 14 juillet. Il fut abattu le 8 août 1957.

Hennouni BENSSEGHIR devint le quatrième porte-drapeau de cette année. Il fut abattu le 5 octobre 1957.

Les événements prenaient une meilleure tournure et HADJGACHE, tout raide de l'honneur qui lui était fait, ne fut abattu que le 27 août 1958. C'était pourtant au temps où il semblait qu'on apercevait le sourire de la paix et où soufflait un vent vivifiant d'espérance.

Bey BAGDAG lui succéda. Il fut abattu le 14 juillet 1959.

Addad ALI fit comme ceux qui l'avaient précédé et, avec son humeur tranquille, quand il fut menacé, il refusa calmement de céder le poste de confiance dont il était investi. Il fut abattu le 11 septembre 1959.

Son camarade Rhamouni LAKDAR releva la charge et, après tant d'autres, il fut abattu le 7 novembre 1960.

Il se trouva des volontaires dans la section de Mostaganem pour briguer encore l'emploi de porte-drapeau qui revint à Belarbi LARBI. Il advint que Belarbi LARBI n'en mourut pas. Il fut, suivant le mot administratif et blasphématoire, rapatrié. Il prit le bateau pour la France, puisque la terre où il était né avait cessé d'être la France ... Il emporta son drapeau. Belarbi LARBI est en France. Il est toujours porte drapeau. Il n'est pas sûr de n'être pas encore menacé. Il ne se pose pas la question de savoir ce que signifie encore le drapeau de la section des anciens combattants de Mostaganem, ni ce qu'il pourra advenir de son drapeau et de lui-même. Il est le dixième porte-drapeau de sa section à avoir risqué sa vie pour l'honneur de porter le drapeau. Je salue son drapeau enroulé aujourd'hui dans sa gaine et si lourd du poids de tant d'âmes, de tant de foi et de tant d'amour de la France.

(Revue Ensemble, N° 206, Février 1997, pages 12 et 13)