FELLAGHA
(par Pierre-Jean VAILLARD)

Quand ma pensée s’en va vers l’Afrique du Nord,
Je me sens tout à coup, bourrelé de remords.
Que l’Algérie soit une province française,
C’est évident, bien sûr, bien qu’à tout ça ne plaise
Que des hommes aient fait d’un bled qui n’était rien,
Ce beau pays algérien
Nul ne peut dire le contraire.
Et savez-vous de qui ce furent les grands-pères ?
Oui, VAILLARD est sétois, René Paul est breton,
Mais moi, pur parisien, je suis de Kabylie.
Je suis natif d’El ksour, à deux pas de Bougie.
Et notre Roméo, oui Roméo CARLES,
Il est natif d’Oran ou de Sidi Bel Abbès.
Tenez : Colette MARS. Encore une algéroise.
Et le Maréchal JUIN (de l’Académie française)
Est aussi de là-bas, comme Pierre BLANCHARD
Et le clown ZAVATTA et l’auteur Pierre ACHARD.
Des acteurs honorent la Comédie Française :
André CLARIOND, BARTHEU sont de souche oranaise.
L’écrivain Paul VIALAR, Yves VINCENT aussi,
Marie-José, Françoise ARNOULD et ROSSITI
Vous ne vous doutiez pas d’une telle série
D’artistes parisiens fournis par l’Algérie.
Oui … Vous le connaissez si mal, en général,
Mais Alger, c’est Bordeaux, ou Marseille ou Laval,
Oran, mais c’est Strasbourg, à moins que ce soit
Lille,Tours et Chateaudun, disons Philippeville ….

… Seulement, ces temps-ci, il faut compter là-bas,
avec un mécontent, un certain Fellagha.
Et, petit Fellagha, c’est à toi que je pense
En voyant ta rancune à l’égard de la France.
J’ai beaucoup réfléchi et ma méditation
Me décide à venir te demander pardon….
Oui, pardon, Fellagha, pardon pour mon grand père
Qui vint tracer des routes et labourer la terre.
Il est tombé chez toi, il a tout chamboulé.
Où poussaient des cailloux, il a foutu du blé.
Et mettant après cela, le comble de l’ignoble,
Où poussaient des cailloux, il a fait un vignoble.
Pardon, cher petit Fellagha,
Oh, pardon de tous ces dégâts.
Et mon affreux grand-père (il faut qu’on le confesse)
N’était pas seul de son espèce.
Ces autres scélérats ont bâti des cités,
Ils ont installé l’eau et l’électricité.
Et tu n’en voulais pas, c’est la claire évidence
Puisque avant qu’arrive la France
Tu n’avais en dehors de la Casbah d’Alger
Que la tente ou bien le gourbi pour te loger.
Et tu t’éclairais à l’huile.
Nos maisons, bien sûr, c’était la tuile.
De l’électricité, là encore soyons francs,
Tu ne demandais pas qu’on te mette au courant …
Tu t’es habitué à ces choses infâmes,
Mais à regret et la mort dans l’âme …
Stoïquement d’ailleurs, supportant ces malheurs,
Avec courage et belle humeur.
Mais tu engraissais, mais de mauvaise graisse.
Car tu prenais le car (une invention traîtresse)
Ce même car que, pris d’un délire divin,
Tu devais, un beau jour, pousser dans le ravin.
Je comprends ta rancœur, je comprends ta colère,
Tu n’es pas au niveau des arabes du Caire.
Tu gâches et tu vis mieux qu’un fellagha égyptien.
A quoi Nasser … Nasser à rien.
Nous avons massacré tes lions et les panthères.
Nous avons asséché tes marais millénaires.
Les moustiques sont morts … Les poux … De Profundis.
Nous avons tout tué, jusqu’à la syphilis.
Ah pardon Fellagha pour tous ces carnages.
Nous avons fait tout cela, c’est bougrement dommage.
Car, si d’autres idiots l’avaient fait, inspirés,
C’est nous qui, maintenant, viendrions vous libérer.
Et bouffer les marrons cuits pour ces imbéciles,
C’aurait été moins long et beaucoup plus facile …
Bien pardon Fellagha, de t’avoir mieux nourri,
De t’avoir vacciné pour béri-béri
Et d’avoir à tes pieds nus mis (oh maladresse)
Des souliers ….
Dont tu voudrais nous botter les fesses.


Message d’Alain DUBIAU paru sur le site ALGERIE FRANCAISE de GILBERT IBANEZ